Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Aspects pharmacocinétiques
et toxicocinétiques
Sauf en cas de liaison irréversible immédiate avec des conséquences vitales
(intoxication par le cyanure [1], par exemple), les cinétiques à visée toxicolo-
gique ou pharmacologique obéissent aux mêmes raisonnements qualitatifs et
quantitatifs.
Le passage du xénobiotique entre la zone d'administration et la cible va
dépendre du passage de certaines barrières et de la diffusion dans certains
liquides. Ce type d'études nécessite des modélisations mathématiques basées
sur des manipulations biologiques expérimentales. Ainsi on définit la phar-
maco-toxico-cinétique comme l'étude qualitative et quantitative du devenir du
xénobiotique dans l'organisme depuis son administration jusqu'à son élimina-
tion. Cela va se traduire par une connaissance de l'évolution des concentrations
du médicament dans l'organisme au cours du temps, mais également des pro-
cessus physiologiques impliqués aux différents temps : « ADME » (absorption,
distribution, métabolisme, élimination). Toutes ces étapes peuvent être modéli-
sées et transcrites en paramètres quantifiables, renseignant sur l'effet quantitatif
des médicaments à l'échelon des populations ou d'un individu en particulier.
L'objectif final est de définir les modalités d'administration d'un xénobio-
tique donné pour un effet recherché. De ce fait, pour un objectif thérapeutique
on devra définir des conditions optimales d'utilisation du médicament :
• la voie d'administration : orale, intraveineuse, intramusculaire, sous-cutanée,
percutanée, sublinguale, transnasale, intrarachidienne, par instillation oculaire
(collyres), etc. ;
• la dose administrée et les intervalles d'administration (perfusion continue,
administration quotidienne, bi-journalière, mensuelle…) ;
• la forme galénique : gélule, comprimé, sirop… ;
• l'éventuelle influence des caractéristiques propres au sujet (physiologiques,
pathologiques ou environnementales…) pouvant modifier les concentrations ;
6 Aspects généraux
Administration orale
Administration IV
Elimination rénale
rein
Diffusion facilitée
Certaines molécules (glucose, acides aminés…) traversent les membranes lipi-
diques par ce mécanisme par l'intermédiaire de transporteurs. Le transfert est
alors saturable et compétitif.
Transfert actif
Le transport actif fait intervenir des transporteurs membranaires spécifiques
assurant le transport des anions (OAT, Organic Anion Transporter), des cations
(OCT, Organic Cation Transporter) ou des acides biliaires (ASBT, Apical
8 Aspects généraux
Biodisponibilité
La biodisponibilité d'un xénobiotique, mesurée en pourcentage, est la fraction
de la dose capable d'atteindre la circulation générale. À ce concept se rajoute
une notion de pharmacocinétique : la vitesse à laquelle le principe actif atteint
le compartiment central. Au total, la biodisponibilité per os dépend à la fois de
la quantité résorbée mais aussi des autres facteurs d'élimination présystémique
déjà cités comme la dégradation dans la lumière intestinale, le métabolisme au
niveau des entérocytes, l'effet de premier passage hépatique.
Elle peut varier (pour un médicament et une voie donnés) de 0 % (médica-
ment non absorbé ; par exemple les aminosides per os) à 100 % (médicament
totalement absorbé et non métabolisé comme les fluoroquinolones).
Voies parentérales
Ces voies nécessitent l'effraction des tissus cutanés, l'asepsie rigoureuse et la
prise en charge paramédicale s'avérant nécessaires. Ces voies sont réservées à
10 Aspects généraux
Voie intraveineuse
La voie intraveineuse permet une administration directe, en totalité et instanta-
née d'une dose dans une veine périphérique ou centrale. La durée de l'adminis-
tration est variable en fonction de la nature du composé, de la durée de l'effet
recherché, de la toxicité du principe actif. La galénique doit être adaptée : solu-
bilité, non-agressivité pour les vaisseaux, compatibilité physicochimique entre
le liquide solvant du principe actif perfusé et le plasma sanguin.
Voie intra-artérielle
Elle est utilisée pour les examens exploratoires (angiographie) ou en cancérologie.
Voie intrarachidienne
La voie intrarachidienne assure une pénétration directe dans les espaces ménin-
gés et la diffusion dans le liquide céphalorachidien (LCR). Elle est utilisée en
cas d'infection méningée, dans certains types d'anesthésies et pour certaines
chimiothérapies (par exemple, le méthotrexate pour prévenir les rechutes
méningées des leucémies).
Voie péridurale
Elle permet l'anesthésie des membres inférieurs et du petit bassin.
Voie intra-articulaire
Cette voie sert à l'administration de substances anti-inflammatoires.
Voie intradermique
La voie intradermique est utilisée en allergologie.
Voie sublinguale
La voie sublinguale assure le passage du xénobiotique par les veines linguales
et maxillaires internes puis par la veine jugulaire externe et la veine cave supé-
rieure. Il n'existe pas d'effet de premier passage hépatique ni de dégradation
entérocytaire. Le médicament est rapidement mis à disposition dans le sang, ce
qui en fait une voie de choix pour la prise en charge rapide de la crise d'angor
(trinitrine). C'est également la voie recommandée pour la buprénorphine haut
dosage (0,4 mg, 1 mg, 2 mg, 4 mg, 6 mg et 8 mg) dans le traitement de substitu-
tion des morphinomanes. En effet la biodisponibilité per os après ingestion vraie
est très faible.
Voie pulmonaire
Cette voie, où le médicament est mélangé à l'air inspiré, est utilisée pour cer-
tains xénobiotiques à effet central : anesthésiques gazeux ou volatils ou pour
des médicaments à effet local comme les bronchodilatateurs prescrits en aéro-
sols (dépôt direct sur les voies aériennes).
Voie conjonctivale
La voie conjonctivale est utilisée pour un effet local (pommades ophtalmiques,
collyres) mais on rapporte parfois des effets systémiques indésirables (cas des
collyres bêtabloquants).
Voie nasale
Elle est préconisée la plupart du temps pour son effet local (décongestionnant)
mais un effet systémique peut être recherché (par exemple, le fentanyl transna-
sal pour les accès douloureux paroxystiques).
Diffusion sanguine
Le sang renferme des éléments figurés (dont près de 99 % d'hématies) et le
plasma qui comporte des protéines circulantes pouvant fixer des xénobiotiques :
12 Aspects généraux
Distribution tissulaire
Le xénobiotique pour atteindre sa cible d'action pharmacologique doit parfois
traverser plusieurs tissus, de natures différentes, et qui eux-mêmes échangent
ce principe actif.
Tout comme pour la résorption, la diffusion va dépendre des propriétés phy-
sicochimiques des molécules (liposolubilité, masse moléculaire, degré d'ionisa-
tion…) mais également des caractéristiques des tissus cibles (hydrosolubilité ou
liposolubilité favorable à tel ou tel xénobiotique entraînant ainsi leur accumu-
lation : digoxine et tissu cardiaque, par exemple).
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme 13
Xénobiotique
Réactions de fonctionnalisation O2
Xénobiotique-OH
hydrosolubilité
R-OH
Réactions de conjugaison
Figure 1.2. Métabolisme
d'un xénobiotique.
Xénobiotique-OR (Adapté du site
pharmacomedicale.org.)
Cytochrome P450
À ce jour, plus de cinquante isoenzymes différentes de cette superfamille ont été iden-
tifiées. Elles sont classées en trois grandes familles identifiées par un chiffre (1 à 3),
selon leur structure ; elles sont elles mêmes subdivisées en sous-familles différen-
ciées par une lettre suivie d'un chiffre selon leurs substrats préférentiels (classification
de Nebert [8], qui a été reprise et actualisée [9] ; tableau 1.1 [5]). Les CYP préféren-
tiellement impliquées dans la biotransformation du médicament sont les isoformes
CYP1A2, CYP2 C9, CYP2 C19, CYP2D6, CYP2E1 et CYP3A4 (tableau 1.2). Un xéno-
biotique peut être métabolisé simultanément par plusieurs isoformes du cytochrome
P450 et les métabolites obtenus à partir d'une seule molécule mère peuvent être très
nombreux (cyamémazine par exemple). L'intensité de l'activité enzymatique varie d'un
individu à l'autre, dépendamment ou non des caractéristiques génétiques.
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme 15
oxydation
aliphatique
oxydation
aromatique
N-oxydation
Réactions de fonctionnalisation
La structure des xénobiotiques va être modifiée essentiellement au niveau hépa-
tique par des réactions d'oxydation, de réduction et d'hydrolyse. Les dérivés
obtenus ont alors des groupements fonctionnels hydroxyle (-OH), amine (-NH2)
ou carboxyle (-COOH) rendant la molécule suffisamment hydrosoluble pour
être éliminée directement ou subir les réactions de phase II. Les réactions d'oxy-
dation sont majoritairement catalysées par les cytochromes P450 (figure 1.3).
Les métabolites produits sont parfois pharmacologiquement actifs. Ils
peuvent être présents dans la circulation générale simultanément à la molé-
cule mère — par exemple, le diazépam se métabolise en nordiazépam (ou
N-desméthyldiazépam) puis en oxazépam (figure 1.4).
Réactions de conjugaison
Ces réactions assurent le transfert de groupements polaires des molécules endo-
gènes (acide glucuronique, glycine, sulfate) vers le xénobiotique.
La glucuronoconjugaison, correspondant au transfert de l'acide glucuro-
nique. Cette réaction est catalysée par les UDP-glucuronyltransférases et repré-
sente le mécanisme prédominant. D'autres transferts de radicaux existent :
glycine et glycoconjugaison catalysée par les glycotransférases, sulfate et sulfo-
conjugaison catalysée par les sulfotransférases, méthyle, glutathion, acétyle…
® ®
® ®
® ®
Élimination rénale
L'élimination rénale est prépondérante en situation physiologique. Schéma
tiquement, on distingue trois étapes : la filtration par le glomérule rénal, la sécré-
tion tubulaire et la réabsorption tubulaire.
Filtration glomérulaire
La filtration glomérulaire suit un processus de diffusion passive non saturable
à travers les pores du glomérule rénal. De ce fait, seules les molécules de masse
moléculaire inférieure à 68 000 Da peuvent franchir la paroi glomérulaire.
C'est pour cela que les xénobiotiques non liés aux protéines du plasma sont
retrouvés dans le filtrat glomérulaire, alors que les molécules fixées aux protéines
18 Aspects généraux
avec :
• Âge en années ; Poids en kg ; Créatinémie en μmol/L ;
• K = 1,23 chez l'homme ;
• K = 1,04 chez la femme.
▲
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme 19
▲
Formule MDRD (2000) :
Débit de filtration glomérulaire estimé (eDFG) en mL/min/1,73 m2 : eDFG = 186,3
× Créatininémie–1,154 × Âge–0,203 × (0,742 si femme) × k, avec :
• Créatininémie en mg/dL ; Âge en années ;
• k : multiplication par un facteur dépendant de l'origine du patient, qui doit, s'il y a lieu,
être effectuée par le médecin qui reçoit les résultats. Le facteur k vaut 1 pour tous les
sujets, excepté ceux originaires d'Afrique subsaharienne ou des Antilles pour lesquels
il est en cours de validation en France ; k vaut 1,21 pour les sujets afro-américains.
Réabsorption tubulaire
La réabsorption tubulaire est une étape facultative qui conduit au retour
du médicament dans la circulation générale. Elle concerne des molécules
préalablement filtrées. Le processus est passif et dépend de la liposolu-
bilité, du degré d'ionisation des molécules, fonction du pH urinaire. Les
molécules hydrosolubles ne sont pas réabsorbées. Les substances liposo-
lubles regagnent les cellules tubulaires et le sang en fonction du gradient
de concentration entretenu par les mécanismes de concentration de l'urine.
Pour les médicaments ionisables, la réabsorption dépend du pH de l'urine
tubulaire. Si l'urine est acide, les substances basiques (amphétamines par
exemple) sont davantage ionisées et donc moins réabsorbées. Inversement,
un xénobiotique acide sera mieux excrété si l'urine est basique car le pro-
duit sera ionisé donc non réabsorbé. En cas d'intoxication par des acides
(aspirine, phénobarbital), il est envisageable d'accélérer l'élimination par
alcalinisation (bicarbonates) des urines.
Sécrétion tubulaire
Les cellules du tube proximal sont capables de sécréter des substances du
plasma dans l'urine. La sécrétion tubulaire est une étape facultative qui
concerne les molécules qui n'ont pas encore été filtrées ou qui ont été réabsor-
bées. Ce processus actif fait intervenir des transporteurs, notamment les OAT,
les OCT et les MRP. Il est saturable et compétitif donc susceptible d'engen-
drer des interactions médicamenteuses. La fixation protéique des médicaments
n'est pas forcément un facteur limitant de la sécrétion tubulaire si l'affinité du
médicament est plus grande pour son transporteur tubulaire que pour les pro-
téines plasmatiques.
Excrétion hépatobiliaire
La seconde voie importante est l'excrétion hépatobiliaire. Elle permet d'élimi-
ner des molécules mères ou des métabolites qui ne sont pas éliminés par voie
rénale (grosses molécules et molécules non hydrosolubles). Elle dépend de la
sécrétion biliaire, mettant en jeu les transporteurs P-gp et MRP. Ce phénomène
d'élimination intestinale est atténué parfois par le cycle entéro-hépatique. La
bile contenant la molécule, souvent sous forme d'un dérivé conjugué, est déver-
sée au niveau du duodénum. Les substances conjuguées peuvent subir en aval
une hydrolyse (par des enzymes bactériennes), libérant la molécule mère qui
20 Aspects généraux
peut être alors résorbée et rejoindre les circulations porte puis générale. On
constate alors un effet rebond au niveau des concentrations plasmatiques. Les
médicaments subissant un cycle entéro-hépatique seront donc éliminés lente-
ment (par exemple, la morphine).
60
40
20
0
0 2 4 6 8 10 IV PO, IM, SC perfusion
Administration a
A
100
Modèle bicompartimental
B
Distribution
−β
10
−α
Elimination
Temps
1
0 2 4 6 8 10
b
Figure 1.5. Modèle de l'hydraulique pour expliquer la cinétique différentielle
de premier ordre des xénobiotiques dans l'organisme.
a. Compartiment unique (administration dans le compartiment central [IV],
et administration avec résorption [PO, IM ou SC]). b. Bicompartiment : évolution
schématique en trois phases administration, distribution, élimination.
75
10
50
1
25
0 0,1
0 4 8 12 16 20 0 4 8 12 16 20
a Temps (heures) temps (h)
40
10
30
20 1
10
0,1
0 1 2 3 4 5 6
0
temps (h)
0 2 4 6 8
b temps (h) Élimination Absorption Résultante (E-A)
On peut aussi calculer Tmax (où dC = 0) et Cmax qui représentent le temps du pic
dt
de concentration et la valeur de celui-ci (concentration maximale).
C (t ) C C
AUC0→∞ = → AUC0→∞ = 0 + 0 .
Ke ke ka
Vp = K K/2
C•
C/2•
5 x T1/2
5 x T1/2
CMax
Cmoy
Cmin
D D D D D D D D D D
d Temps (h)
Figure 1.6. Suite.
c. Perfusion : l’état d’équilibre n’est atteint qu’après 5 × T1/2, quel que soit le flux entrant.
En revanche, si l’on diminue celui-ci de 50 %, la concentration à l’équilibre baissera
d’autant, à nouveau après un délai de 5 × T1/2.
d. Administration itérative par IV : plateau et oscillations, pic, vallée. Comme pour la
▲
perfusion si l’administration se fait à dose fixe. L’équilibre est atteint pour 5 × T1/2 .
24 Aspects généraux
Modèle bicompartimental
▲
A
concentration sanguine 100 y = A e–at + B e–bt
B y
y'
−b
10
y''
−a
1
0 2 4 6 8 10
e Temps
Figure 1.6. Suite.
e. Modèle bicompartimental : illustration de la décroissance de la concentration sanguine
d’un médicament dans un modèle à deux compartiments après administration IV unique
(coordonnées semi-logarithmiques). Les temps tardifs permettent de déterminer la pente p et la
valeur B au temps zéro ; ces paramètres correspondent à la distribution tissulaire (compartiment
« périphérique ») du médicament. À tout instant, la soustraction de la valeur extrapolée sur cette
droite de la concentration sanguine mesurée (c’est-à-dire les valeurs de la courbe expérimentale)
permet d’obtenir une seconde droite de pente a et de valeur A à t0 ; cette courbe correspond à la
distribution dans le compartiment « central » (assimilé généralement à la masse sanguine).
NB : La pente de A est déterminée par les points calculés y" = valeur y de la courbe
– valeur y’ lue sur la droite B. (D’après Moulin M., Coquerel A., 2002 [5].)
C = Css × (1 − e − ket ),
Qperfusée K K
Css = = =
t ' × Clairance Clairance K e ⋅ VD
1 − e − nk e τ 1 − e − nk e τ − k e τ
Cn max = Co × et C = C × 1 − e − k e τ e .
1 − e − k e τ
n min o
1 − k et 1
CSS ( t ) = C0 × e où = R.
1 − e − ket 1 − e − ke t
0,693
T½ β = .
β
0,693
T½ α = .
α
A+ B
ke = .
A A
+
α β
26 Aspects généraux
Applications en toxicologie
Les grandes notions de pharmacocinétique (« ADME ») sont en partie transposables en toxi-
cologie. On parle alors de toxicocinétique. Si le toxique à une durée d'action prolongée et
que sa demi-vie ou celle de ses métabolites se compte en heures on pourra appliquer aux
soins médicaux différentes stratégies qui visent à atténuer la concentration circulante et
diffusible du xénobiotique (figure 1.7) : on peut diminuer son entrée par aspiration gastrique
après intoxication aiguë per os, ou avoir recours à l'ingestion de charbon activé qui va
adsorber le xénobiotique ; on peut diminuer la fraction libre par perfusion d'albumine, voire
de solutés lipidiques (type Intralipides® [10]) dont l'efficacité est reconnue dans les intoxica-
tions par les anesthésiques locaux [11–13] ou enfin on peut favoriser l'élimination (diurèse
forcée par perfusion en modifiant si besoin le pH urinaire selon le pKa du xénobiotique).
L'objectif médical de la prise en charge d'urgence est de soustraire et éliminer le xénobio-
tique… Bien entendu, cela pourra être tout à fait insuffisant au plan clinique et on aura
▲
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme 27
alors recours à d'autres stratégies : antagonistes ou d'autres formes d'antidotes. Dans les
▲
intoxications les plus graves on peut recourir à l'épuration extracorporelle et, si le toxi-
drome s'accompagne de défaillance cardio-vasculaire on associe une assistance circulatoire
externe de type ECMO [11, 12]. Nous citons ci-après un exemple où la défaillance circu-
latoire après intoxication aiguë était potentiellement létale mais a pu être compensée par
une circulation extracorporelle de quelques jours. Ces conditions vont modifier très sensi-
blement la cinétique d'élimination (figure 1.8, d'après Daubin et al. [14]) permettant ainsi la
survie des patients alors que la faillite circulatoire induit une défaillance fonctionnelle poly-
viscérale, du fait du bas débit. Ainsi, lors de la normalisation cardiaque post-intoxication, on
constate d'ailleurs une amélioration de l'élimination du principe actif et de ses métabolites
(figure 1.8), contemporaine de la récupération fonctionnelle du rein et du foie.
Il faut garder à l'esprit que les mécanismes décrits précédemment sont saturables. La
quantité de xénobiotique absorbée aura donc une influence sur la résorption, la distri-
bution et l'élimination. Succinctement, plus le toxique est métabolisé et excrété, plus il
quitte facilement son site de stockage (équilibre). Plus un toxique est lipophile, plus il
va s'accumuler dans les tissus adipeux, d'où un relargage tardif est alors possible.
Dans la prise en charge médicale, quelques exemples peuvent illustrer la nécessité de
tenir compte de paramètres pharmacocinétiques, comme le temps de demi-vie (T½) du
toxique et de son antidote. Une intoxication massive aux opiacés (morphine, héroïne…)
nécessite l'administration intraveineuse d'un antagoniste puissant (haute affinité), la
naloxone. Le T½de la morphine injectable est compris entre 2 et 6 heures, celui de la
naloxone est beaucoup plus court, de l'ordre de 20 minutes ; l'effet de l'antidote va
donc s'estomper plus rapidement, rendant nécessaire de nouvelles administrations ou
la mise en place d'une perfusion continue.
A Xénobiotique
Epuration digestive :
adsorbants (charbon activé), neutralisants (formation de complexes insolubles)
Modification de la distribution :
chélateurs (métaux lourds),
CEC…
D Activation du métabolisme :
Donneurs de gluthation Augmentation de l’élimination :
Ex : N-acétylcystéine et paracétamol chélateurs (métaux lourds),
cible Acidification, alcalinisation des
urines
Inhibition du métabolisme :
Éthanol (piégeur de l’ADH -
Action directe sur la
cible :
intoxication au méthanol…)
TOXICODYNAMIE
M
E
100 000
10 000
T sg
T ou dM-T (µg/L)
M1 sg
1000
100
10
1
Temps (h)
0 100 200 300
Figure 1.8. Évolution favorable d'une intoxication aiguë au tramadol.
L'ingestion d'une dose létale a amené l'indication d'une assistance circulatoire
extracorporelle pendant six jours. Le suivi pharmacocinétique du tramadol (T) et de son
métabolite principal, le O-déméthyl-tramadol (noté M1), est rapporté en coordonnées
semi-logarithmiques. On notera, au-delà du cinquième jour, que la reprise de l'activité
cardiaque entraîne une nette amélioration de la cinétique d'élimination, comme l'atteste le
changement de pente.
Tramadol (T) de J0 à J6, T½= 18,7 heures ; après J7 : T½~ 6 heures (normale).
O-desméthyl-tramadol, métabolite principal (M1) : T½= 23,1 heures de J0 à J6 puis, après
J7,T½~ 9 heures (normale).
(D'après les données de Daubin et al., 2007 [14].)
100
Toxicant A
Toxicant B
Response (Percent)
a
a
50
b
Threshold
a
10 b Slope
b
0
Increasing Dose
Effet de type A
Ces effets indésirables « attendus » sont directement en rapport avec les proprié-
tés pharmacologiques des principes actifs (somnolence sous benzodiazépine,
hémorragie sous héparine ou antivitamine K, constipation sous morphine…).
Ces effets sont dose-dépendants et donc les effets indésirables graves peuvent
être prévenus pour peu que l'on sache doser le principe actif (aminosides, ciclos-
porine A…) ou que l'on dispose d'un test biologique reproductible et sensible
qui représente l'activité pharmacodynamique du médicament (tel l'index de
coagulation INR pour les traitements par antivitamine K ou le temps de cépha-
line activée [TCA] pour les traitements par héparines…). Ces effets attendus
peuvent être sans rapport avec l'action thérapeutique recherchée, tel l'ulcère
gastroduodénal au cours d'un traitement par l'aspirine. Bien que sans rapport
apparent avec l'effet analgésique ou antihyperthermique, cet ulcère est lié au
mécanisme d'action : les AINS en bloquant les cyclo-oxygénases inhibent aussi
le transfert luminal des ions H+ au niveau gastrique puisque celui-ci dépend
des prostaglandines. Donc, même en cas d'effet dose-dépendant, ce n'est pas
toujours le dosage du principe actif dans le sang qui apporte l'explication d'un
effet indésirable mais la preuve objective (et si possible quantifiée) d'un méca-
nisme cellulaire ou moléculaire de réponse du tissu soumis au xénobiotique.
Effet de type B
Ces effets indésirables « bizarres » ne sont pas liés à la dose et sont dits idio-
syncrasiques, donc principalement liés à la personnalité biologique du patient ;
c'est le cas de certains chocs allergiques (par exemple aux curares au cours
d'une anesthésie générale et cela même en l'absence de sensibilisation anté-
rieure). C'est également le cas de l'hyperthermie maligne sous neuroleptiques.
Ces effets idiosyncrasiques se retrouvent aussi dans des cas d'hépatites subai-
guës mortelles telles celles observées à la fin des années 1970 avec l'acide val-
proïque. Si ces effets sont rares (leur trop grande fréquence aurait amené un
refus d'AMM) leur survenue est souvent dramatique, ce qui conduit à recher-
cher des tests de dépistage pour des sujets à risques ou des signes de toxicité
d'organe à un stade de réversibilité, donc en début de traitement.
Effet de type C
Ces effets indésirables sont liés à une imprégnation continue ou discontinue et
durable. On observe soit un cumul dans le temps d'un effet indésirable infra-
clinique et initialement discret, soit une adaptation de l'organisme qui va deve-
nir tolérant au médicament — source d'augmentation des doses — puis de
dépendance… Celles-ci sont classiques avec les psychotropes (alcool, cannabis,
opiacés…). En fait, elles sont aussi d'origine organique : asthme et corticodé-
pendance, diabète insulinodépendant et prise de poids, risque de convulsion et
arrêt brutal d'une benzodiazépine, même chez un sujet non épileptique !
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme 31
Effet de type D
Ces effets indésirables surviennent après un délai de latence. La reconnaissance
de la causalité est souvent établie après des décennies d'AMM. Ce fut le cas
pour les anthracyclines et l'insuffisance cardiaque retardée — souvent létale
— observée avec cette famille de médicaments. Ce sont aussi les cancers après
chimiothérapie, ou après immunosuppression prolongée imposée par une greffe
d'organe. L'adoption de mesures préventives est obtenue après des études lon-
gues et délicates qui permettent de déterminer des posologies maximales cumu-
lées. Parfois, l'effet est plus discret du fait d'un bruit de fond physiologique
(ostéoporose après corticothérapie à faible dose) ou plus ou moins aléatoire
comme la cataracte après corticothérapie…
Globalement, on remarquera que les classes A et C correspondent plutôt à
des effets dose ou temps-dépendant, équivalent aux effets non stochastiques
des radiations ionisantes alors que les effets B ou D paraissent liés au hasard et
seraient de type stochastique.
Un point clé est donc de déterminer si les effets toxiques E/D sont parallèles
aux effets thérapeutiques recherchés. Ceci n'est pas toujours le cas : ainsi, dans
l'exposition aux morphiniques, beaucoup d'effets bénins sont dose-dépendants
tout comme l'effet analgésique et sédatif ; leur gamme d'effet clinique s'étend
sur un ordre de grandeur environ. En revanche, la dose létale chez le Rat ou la
Souris montre une pente quasi verticale entre la létalité 0 % (à 100 mg/kg et la
létalité 100 % (pour 200 mg/kg).
la population générale, de telle sorte que celle-ci ait encore un risque signifi-
cativement moindre d'intoxication aiguë ou chronique [17]. Les progrès des
connaissances et la présence d'associations militantes montrent que dans tous
les domaines scientifiques et techniques, les mesures préventives vont croissant
ce qui n'est pas sans poser des problèmes de coût, du moins dans les pays éco-
nomiquement développés et démocratiques…
En toxicologie chronique
Un enjeu majeur de la toxicologie et de la pharmacologie appliquée à la théra-
peutique médicale est de trouver des marqueurs pronostiques qui soient fiables
et sensibles, faciles à mettre en œuvre et qui, appliqués à grande échelle, font
preuve d'efficacité en permettant d'arrêter à temps l'exposition, que celle-ci
soit iatrogène ou qu'elle soit liée à l'environnement professionnel ou ancillaire.
De nombreux marqueurs ont été évalués comme outils diagnostiques d'une
intoxication chronique en dehors du dosage du principe actif lui-même ou
de ses métabolites urinaires ou capillaires. Ainsi, la gamma-glutamyltransfé-
rase (γ-GT) et la transferrine désialylée sont de bons marqueurs de l'alcoolisme
chronique qui ont supplanté le dosage de l'alcoolémie ou la mesure du volume
moyen globulaire, tests peu performants du fait, respectivement, de positivités
trop fugaces et d'une non-spécificité.
Au plan préclinique, la toxicologie a les mêmes préoccupations de détection
précoce, facile et à haut débit des risques toxiques liés à l'usage clinique ou
économique de différents xénobiotiques dont les effets sur la santé doivent être
précisés par des études effet/dose et effet/temps.
On est passé en quelques décennies de l'expertise in vivo — type dose létale
50 % (DL50) — à, l'expertise in vitro, voire in silico, pour simplifier et étendre
les études.
Fe3+
O2•- + H2O2 → OH• + OH− + 1O2
Fe2+ Fe3+
Signalisation Signalisation
intrinsèque extrinsèque Récepteurs à dépendance
(Dommages de I'ADN,
anticancéreux
Privation de cytokines) CD95L, TNFα,
TRAIL Ligand DCC UNC5H1 RET1 Ptc1
Mitochondrie Récepteur
Membrane
FADD Adaptateur
Bid DIP13α Casp-3
Casp-3
Procaspase-8
Casp-3
tBid
Cyt c caspase-8 active
Procaspase-3
Apaf-1
Caspase-9
Apoptose
Cascade d'activation
Apoptosome caspase-3
des caspases
active
voies pro-apoptotiques via des récepteurs du TNF et autres apparentés tels que
FAS. Une fois activés, ces récepteurs stimulent des cascades de transduction qui
activent à leur tour les endonucléases et la voie des caspases (figure 1.11).
En cas d'intoxication chronique, des mutations ponctuelles peuvent aussi
être induites par des éléments traces comme l'aflatoxine (figure 1.12), qui
constitue un modèle de toxine inductrice et promotrice de tumeurs. Une alter-
native à cette survie avec mutations cumulatives jusqu'à la cancérisation est là
aussi l'apoptose et/ou l'autophagie, donc des voies qui précipitent les patholo-
gies dégénératives liées à l'âge [18–23].
Au niveau cellulaire, la compréhension de la cancérisation a progressé à pas
de géant en deux générations ! Si les critères anciens de la cellule cancéreuse
restent vrais (c'est-à-dire prolifération non contrôlée, cellules monstrueuses avec
anomalies du rapport nucléocytoplasmique, mitoses anormales), on a atteint de
nouvelles cibles clés dans la pathophysiologie. Ceci a rapidement débouché
sur des mesures préventives (par exemple, chirurgie d'exérèse précoce en cas
de mutations inactivatrices germinales de gènes oncosuppresseurs tels que RB
et P53) et de nouvelles indications thérapeutiques sur des facteurs de crois-
sance bien établis (recherche de mutation des récepteurs de l'EGF (Epidermal
Growth Factor) pour l'indication d'anticorps monoclonaux bloquant les récep-
teurs de l'EGF ou des inhibiteurs des tyrosine-kinases, qui sont leur mode de
transduction du signal [24–26].
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme 35
O O
CYP450
O O
O
Aflatoxine B1 8,9-époxyde
O
O O OCH3
Aflatoxine B1 glutathion-conjugué O O
INACTIF
O
OH Cancer
O foie, rein
HN N O O OCH3
H2N N N
essence sont s ensibles aux idées à la mode et à promouvoir ce qui peut les sin-
gulariser face aux traditions et habitudes mais aussi face aux statistiques et pro-
nostics à terme auxquels ils sont, par nature, insensibles.
Populations particulières
Femmes enceintes
Pour les femmes enceintes ou — mieux — en âge de procréer, l'exposition aux
xénobiotiques est fonction du toxique en cause et de la fenêtre de sensibilité de
l'embryon ou du fœtus.
Risque de stérilité
Une séquelle classique d'une chimiothérapie anticancéreuse chez une enfant ou
une jeune femme est une stérilité par destruction des ovocytes. De nos jours, on
propose à ces jeunes femmes et adolescentes une conservation d'ovocytes pré-
levés avant ces chimiothérapies lourdes.
Enfants
Chez le nouveau-né
On retiendra l'immaturité de certains métabolismes dont les déméthylases à la
naissance, ce qui peut aboutir à des surdosages en caféine compliqués de convul-
sions lors de prescription de théophylline sans contrôles sanguins. L'immaturité
de la phase II du catabolisme des médicaments peut se révéler par un ictère néo-
natal [38] ; celui est à bilirubine libre, et peut devenir hautement toxique si le
traitement immédiat est négligé.
Chez le nourrisson
Variations d'ordre cinétique
Contrairement au nouveau-né, le nourrisson et les jeunes enfants sont des
hypermétaboliseurs. La posologie de leurs traitements doit être adaptée à leur
poids ou, mieux, à leur surface corporelle [39–42].
Variation d'effets d'ordre pharmacodynamique
La susceptibilité aux psychotropes est généralement grande. Retenons
que, pour les morphiniques, il y a une contre-indication jusqu'à l'âge de
30 mois.
Personnes âgées
Deux problèmes dominent :
• la polythérapie du fait d'affections multiples ou de la nécessité de traiter plu-
sieurs facteurs de risque comme dans le syndrome métabolique (hypercholesté-
rolémie, diabète, hypertension…) ;
• l'altération progressive de la fonction rénale d'élimination des xénobiotiques
(évaluées par la formule de Cockroft ou plus précisément par le MDRD), tout
en sachant que la variabilité interindividuelle des clairances s'accroît nettement
avec l'âge [45].
Outre les nombreuses situations d'interactions pharmacocinétiques (induc-
tion ou inhibitions enzymatiques, déplacement de fractions liées), les sujets
âgés ont aussi des susceptibilités métaboliques et pharmacodynamiques parti-
culières, d'autant qu'ils souffrent de diverses pathologies [46].
Les variations d'ordre pharmacodynamique — délai de réponse, index de
sécurité (rapport entre les doses efficace et toxique) — sont également l'objet de
nombreuses variations liées à l'âge. Globalement on observe souvent une modi-
fication mixte dite « PK-PD » (pharmacocinétique et pharmacodynamique) car
touchant à la fois les vitesses de métabolisation et d'élimination d'une part et la
réponse des récepteurs d'autre part.
À noter que ces modifications touchent aussi des sujets d'âge moyen en bonne
santé. Dans une étude récente de prise unique d'un hypnotique classique chez
des personnes de plus de 55 ans, en bonne santé et indemne de toute consom-
mation médicamenteuse, nous avons observé des anomalies du comportement
de conduite automobile en situation monotone au lendemain de la prise non
seulement le matin mais jusqu'en milieu de journée, en particulier avec le zolpi-
dem [47]. Une forte proportion de ces sujets avait des concentrations élevées de
l'hypnotique dans le sang lors des deux mesures sanguines avant et après le test
de conduite ; pour ces personnes bien portantes, les T½ atteignant ou dépassant
le double des valeurs publiées chez les sujets jeunes…
agoniste dègradation
α βγ α βγ
P endocytose
couplage P P dépendante
phosphorylation non couplage
de la dathrine
β-arrestine
Lysosome P
P P
recyclage
Vésicule
Endosome d'endocytose
tardif
dégradation
Noyau Endosome
précoce Lysosome
forte tolérance induite par les opiacés classiques. Nous avons ensuite établi,
chez la Souris, que la buprénorphine est anxiogène alors que son association à
une dose faible ou moyenne de clorazépate (donc infra-sédative) supprimait et
même inversait ce comportement anxieux [52]. Finalement, ce n'est que tout
récemment que le groupe de Brigitte Kieffer à Strasbourg a prouvé qu'il y avait
une réelle corrélation entre l'endocytose des récepteurs opioïdes et les modifi-
cations comportementales observées chez l'animal exposé aux opiacés [53]. En
conclusion, on a pu démontrer, par des associations de recherches neurobiolo-
giques et comportementales, que la buprénorphine — opioïde réputé rassurant
par son agonisme partiel μ — induit nécessairement une pulsion de recherche
d'anxiolytique (craving) et que cette même buprénorphine associée aux benzo-
diazépines entraîne une nouvelle dépendance, auto-entretenue, dont le support
est directement lié aux propriétés pharmacodynamiques de cet opiacé agoniste
partiel.
46 Aspects généraux
Conclusion
Si le devenir des xénobiotiques passe nécessairement par des études analytiques
avec, entre autres, des analyses pharmacocinétiques permettant de modéliser la
répartition et le devenir des molécules, nous devons également étudier les varia-
tions des effets selon le terrain et les circonstances d'emploi. De plus, s'inspirant
des techniques de la toxicodynamie, nous devons de manière croissante explo-
rer la mécanistique des effets induits, non seulement au cours d'intoxications
aiguës mais aussi après exposition chronique à des doses modérées ou faibles.
Il est à noter que de nombreux progrès thérapeutiques sont survenus ces vingt
dernières années à la suite d'études à terme des effets des médicaments. On a
prouvé que les hypocholestérolémiants de type « statines » exerçait une action
de prévention à long terme des accidents vasculaires non seulement coronariens
mais aussi vasculaires cérébraux. Les mécanismes de cette protection ne sont
pas encore totalement élucidés et semblent multiples. De même, les antihyperten-
seurs de la famille des inhibiteurs de l'angiotensine convertase et les antagonistes
des récepteurs de l'angiotensine II se sont avérés être des protecteurs cardiaques
qui s'opposent à la déchéance myocardique par distension ventriculaire. Dans
ces deux approches thérapeutiques, ce sont les données cliniques et pharmaco
épidémiologiques qui ont permis d'établir ces efficacités thérapeutiques à long
terme. En revanche, les deux familles d'antihypertenseurs citées sont de véri-
tables agents tératogènes et/ou fœtotoxiques par une néphrotoxicité tardive
sélective donnant un oligoamnios et une hypoplasie rénale. Les effets de ces
molécules sont donc fondamentalement différents selon les contextes cliniques.
En résumé, étudier le devenir des xénobiotiques c'est les doser, mais c'est
aussi étudier les cascades d'événements qu'ils induisent à court, moyen et long
termes. Cela ira des techniques de biologie moléculaire et cellulaire jusqu'à la
toxico- ou la pharmacoépidémiologie et réciproquement quand l'épidémiolo-
gie donne des résultats inattendus, il faut retravailler avec les techniques bio-
logiques et analytiques pour prouver une toxicité et suspendre un usage (par
exemple, alcool ou tabac et grossesse) ou au contraire promouvoir la prescrip-
tion d'un médicament aux effets préventifs durables. Enfin, si la cancéroge-
nèse et l'attrition par apoptose ou l'accélération de maladies dégénératives sont
déjà des préoccupations des pharmacotoxicologues, il faut aussi y ajouter la
recherche sur les pharmacodépendances.
Remerciements
Les auteurs remercient le Dr Isabelle Dubuc pour ses suggestions et relectures
critiques.
Références
[1] Baud FJ, Borron S, et al. Value of lactic acidosis in the assessment of the severity of acute
cyanide poisoning. Crit Care Med 2002 ; 30 : 2044–50.
[2] Beaulieu P, Lambert C. Précis de pharmacologie : du fondamental à la clinique. Les
Presses de l'Université de Montréal ; 2010.
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme 47
[29] Le Bihan G, Bourreille J, Samson M, et al. Fatal hepatic failure and sodium valproate.
Lancet 1980 ; ii : 1298–9.
[30] Le Bihan G, Coquerel A, Houssin D, et al. Insuffisance hépatique aiguë mortelle au
cours d'un traitement par le valproate de sodium. Gastroenterol Clin Biol 1982 ; 6 :
477–81.
[31] Laub MC, Paetzke-Brunner I, Jaeger G. Serum carnitine during valproic acid therapy.
Epilepsia 1986 ; 27 : 559–62.
[32] Berson A. Hépatotoxicité médicamenteuse par atteinte mitochondriale. Hépatogas-
troentérologie 2005 ; 12 : 191–8.
[33] Coquerel A, Senant J, Samson M, et al. Fréquence de l'hypofibrinogénémie sous val-
proate. Peut-elle permettre le dépistage de l'hépatotoxicité de ce médicament ? Presse
Méd 1986 ; 15 : 1733.
[34] Sanders P. Résidus d'antibiotiques dans les aliments et conséquences sur la santé. In :
Dossier scientifique de l'IFN n° 14. Les risques alimentaires d'origine chimique. Alain
Rérat éditeur ; mars 2004. p. 93–110.
[35] Inserm. Induction des cytochromes P450 : stress oxydant et susceptibilité individuelle.
In : Dioxines dans l'environnement. Quels risques pour la santé ? 2007.
[36] Ingelman-Sundberg M, Oscarson M, McLellan RA. Polymorphic human cytochrome
P450 enzymes : an opportunity for individualized drug treatment. Trends Pharmacol
Sci 1999 ; 20 : 342–9.
[37] Klawitter J, Haschke M, Kahle C, et al. Toxicodynamic effects of ciclosporin are reflec-
ted by metabolite profiles in the urine of healthy individuals after a single dose. Br J Clin
Pharmacol 2010 ; 70 : 241–51.
[38] Gow PJ, Ghabrial H, Smallwood RA, et al. Neonatal hepatic drug elimination. Pharma-
col Toxicol 2001 ; 88 : 3–15.
[39] Strolin B, Benedetti M, Baltes EL. Drug metabolism and disposition in children. Fundam
Clin Pharmacol 2003 ; 17 : 281–99.
[40] Vieira I, Sonnier M, Cresteil T. Developmental expression of CYP 2E1 in the human
liver – Hypermethylation control of gene expression during the neonatal period. Eur J
Biochem 1996 ; 238 : 476–83.
[41] Woodhouse K, Wynne HA. Age-related-changes in hepatic-function – implications for
drug-therapy. Drugs Aging 1992 ; 2 : 243–55.
[42] Verbeeck RK. Pharmacokinetics and dosage adjustment in patients with hepatic dys-
function. Eur J Clin Pharmacol 2008 ; 64 : 1147–61.
[43] Ginsberg G, Hattis D, Sonawane B, et al. Evaluation of child/adult pharmacokinetic
differences from a database derived from the therapeutic drug literature. Toxicological
Sciences 2002 ; 66 : 185–200.
[44] Lamoril J, Bogard M, Ameziane N, et al. Rare diseases : general organization and mana-
gement in France in 2007. ImmunoAnal Biol Spec 2007 ; 22 : 282–97.
[45] Dorne J, Walton K, Renwick AG. Human variability in the renal elimination of foreign
compounds and renal excretion-related uncertainty factors for risk assessment. Food
Chem Toxicol 2004 ; 42 : 275–98.
[46] Ginsberg G, Hattis D, Russ A, Sonawane B. Pharmacokinetic and pharmacodynamic
factors that can affect sensitivity to neurotoxic sequelae in elderly individuals. Environ
Health Perspect 2005 ; 113 : 1243–9.
[47] Bocca ML, Marie S, Lelong-Boulouard V, et al. Zolpidem and zopiclone impair simi-
larly monotonous driving performance after a single nighttime intake in aged subjects.
(Berl) : Psychopharmacology 2011 ; 214 : 699–706.
[48] George J, Murray M, Byth K, Farrell GC. Differential alterations of Cytochrome-P450
proteins in livers from patients with severe chronic liver-disease. Hepatology 1995 ; 21 :
120–8.
[49] Kintz P. A new series of 13 buprenorphine-related death. Clin Biochem 2002 ; 35 :
513–6.
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme 49
[50] Debruyne D, Quentin T, Poisnel G, et al. Acute and chronic administration of cloraze-
pate modifies the cell surface regulation of mu opioid receptors induced by buprenor-
phine in specific regions of the rat brain. Brain Res 2005 ; 1052 : 222–31.
[51] Quentin T, Debruyne D, Lelong-Boulouard V, et al. Clorazepate affects cell surface
regulation of delta and kappa opioid receptors, thereby altering buprenorphine-induced
adaptation in the rat brain. Brain Res 2005 ; 1063 : 84–95.
[52] Lelong-Boulouard V, Quentin T, Moreaux F, et al. Interactions of buprenorphine and
di-potassium clorazepate on anxiety and memory functions in the mouse. Drug Alcohol
Dep 2006 ; 85 : 103–13.
[53] Pradhan AAA, Becker JAJ, Scherrer G, et al. In vivo delta opioid receptor internaliza-
tion controls behavioral effects of agonists. PLoS ONE 2009 ; 4 : e5425.