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Chapitre 1

Devenir d'un xénobiotique


dans l'organisme

A. Coquerel, A.-S. Lemaire-Hurtel

L'effet pharmacologique ou toxicologique d'un xénobiotique est la consé-


quence d'interactions avec une cible biologique. Quand celle-ci est bien définie,
donc restreinte et très sélective, et validée par des études précliniques et cliniques,
il s'agira d'un médicament à usage thérapeutique (par exemple une antibiothéra-
pie par dérivé de pénicilline, qui est actif sur la paroi des bactéries). Au contraire,
un toxique sans intérêt thérapeutique aura des effets souvent peu sélectifs et dif-
fus ce qui entraînera des altérations fonctionnelles ou organiques qui vont défi-
nir la toxicologie de la substance étudiée. Les conséquences de l'exposition à un
xénobiotique peuvent être réversibles ou non (cyanures et chaînes respiratoires),
diffuses et systématiques ou au contraire limitées à un ou quelques organes (par
exemple, surdité et insuffisance rénale par surdose d'un aminoside). Dans les cas
de dangerosité avérée et d'absence d'utilité médicale, la substance exogène sera
définie comme un poison et donc interdite dans sa fabrication et son usage. Les
produits toxiques et utiles sont néanmoins très nombreux, ce qui amène les légis-
lateurs à en limiter l'usage ou l'accessibilité (produits industriels : par exemple, la
butyrolactone, précurseur du gamma-hydroxybutyrate, ou GHB) ou des outils
scientifiques (par exemple, tétrodotoxine). Un cas particulier est celui des subs-
tances stupéfiantes qui vont entraîner des comportements addictifs de recherche
des substances dangereuses. Ceci explique leur classement comme substances
illicites, ce qui protège une grande partie de la population, mais est aussi source
de trafics lucratifs pour « dépanner » la minorité des consommateurs insensibles
aux dangers encourus. La classification légale de ces substances tient compte
d'avis d'experts qui étudient les dégâts physiques et sociaux que ces substances

Traité de toxicologie médico-judiciaire


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4   Aspects généraux

induisent (accidents ou crimes, troubles psychiques et organiques aigus et chro-


niques…). La dichotomie médicaments versus toxiques n'est pas parfaite : la
morphine reste un analgésique indispensable mais elle est aussi l'objet d'abus et
d'addiction surtout via le trafic d'héroïne. Pour ces toxiques généraux comme
pour les médicaments, les informations pharmacocinétiques/toxicocinétiques et
pharmacodynamiques/toxicodynamiques sont indispensables avant toute auto-
risation d'usage. Pour certains toxiques illicites — dont les nouvelles drogues
— les connaissances sont souvent fragmentaires et bon nombre de données sont
déduites d'analyses post mortem.
En pratique, pour qu'un médicament ou un toxique agisse, il faut qu'il soit
présent au site d'action, pendant une durée suffisante et en quantité efficace.
Le plus souvent, cette concentration disponible au site d'action reste inconnue.
Aussi il a fallu développer un modèle d'analogie vérifiable ou vraisemblable
entre des concentrations mesurables dans un compartiment central (en pratique
le sang dont un faible échantillon est facilement prélevable de manière itérative)
et la concentration efficace au site d'action. De cette relation entre des concen-
trations efficaces à la cible et dans le sang, on va déduire une autre relation,
étroite, entre la concentration sanguine et la quantité administrée. C'est donc le
suivi des concentrations sanguines (reflet du compartiment central échangeable
avec tous les autres compartiments), qui permet de modéliser les relations effi-
cacité (ou toxicité) versus dose reçue (c'est-à-dire la relation effet-dose) au
moyen de cinétiques d'entrée et de sortie adaptées au modèle de cible choisie.
L'utilisation thérapeutique de ces données pharmacocinétiques aboutit à des
notions concrètes de zone thérapeutique optimale comprise entre une limite
supérieure qui définit la surdose et une limite inférieure qui borne l'inefficacité.
Ces limites sont définies puis affinées par des études de cohorte de patients où
grâce à des mesures systématiques, et des études cliniques bien menées sur le
court et le long terme ; on définit l'absence d'effet indésirable comme la limite
supérieure admissible et la rechute ou l'échappement thérapeutique comme la
limite inférieure. On retrouve donc l'aphorisme de Paracelse : « Seule la dose
juste permet de distinguer un médicament d'un poison. »
Une partie importante de la pharmacologie consiste à étudier dans quelles
conditions le médicament peut devenir toxique (surdose volontaire ? altération
fonctionnelle d'un organe clé du catabolisme ou de l'élimination ? altération
progressive d'une régulation physiologique ? …). Les exemples de ces désordres
à termes sont nombreux, par exemple : hypertension artérielle sous anti-calci-
neurine, athérome sous amphétamine, psychoses sous cocaïne ou cannabis…
Mais aussi neuropathie sous vincristine, insuffisance cardiaque après anthra-
cycline, etc. Enfin, la toxicité d'un xénobiotique peut être fortement modifiée
du fait d'associations de xénobiotiques ou d'une susceptibilité particulière de
certaines populations. Ainsi, certains déficits enzymatiques expliquent des toxi-
cités aiguës ou chroniques (déficit en G6PDH et hémolyse ; acétyleur lent de
l'isoniazide et risque de neuropathie ou d'hépatite par surdose ; risque hémor-
ragique chez les patients sous antivitamine K qui ont un déficit de vitamine K
oxydoréductase (VKOR), etc. D'autre part, certains effets graves vont dépendre
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   5

d'une fenêtre temporelle étroite : on se rappelle les phocomélies et autres mal-


formations majeures liées à l'exposition au thalidomide durant l'embryo­genèse ;
on doit aussi analyser les effets des médicaments et autres xénobiotiques chez
l'enfant, les personnes âgées et en cas de polythérapies…, ce qui devient de plus
en plus fréquent. Ainsi, le devenir des xénobiotiques doit être envisagé sous
­plusieurs angles :
• analyses cinétiques, qui permettent de modéliser l'entrée, la sortie et les trans-
formations de ces xénobiotiques ;
• mécanismes moléculaires d'action (cible, transduction du signal, régulations
intégrées), qui vont en définir les critères toxicodynamiques et pharmacodyna-
miques d'efficacité (traitement) ou de dangerosité (toxique) ;
• abord de quelques éléments clés de susceptibilité de populations particulières
ou d'effets d'interactions.

Aspects pharmacocinétiques
et toxicocinétiques
Sauf en cas de liaison irréversible immédiate avec des conséquences vitales
(intoxication par le cyanure [1], par exemple), les cinétiques à visée toxicolo-
gique ou pharmacologique obéissent aux mêmes raisonnements qualitatifs et
quantitatifs.
Le passage du xénobiotique entre la zone d'administration et la cible va
dépendre du passage de certaines barrières et de la diffusion dans certains
liquides. Ce type d'études nécessite des modélisations mathématiques basées
sur des manipulations biologiques expérimentales. Ainsi on définit la phar-
maco-toxico-cinétique comme l'étude qualitative et quantitative du devenir du
xénobiotique dans l'organisme depuis son administration jusqu'à son élimina-
tion. Cela va se traduire par une connaissance de l'évolution des concentrations
du médicament dans l'organisme au cours du temps, mais également des pro-
cessus physiologiques impliqués aux différents temps : « ADME » (absorption,
distribution, métabolisme, élimination). Toutes ces étapes peuvent être modéli-
sées et transcrites en paramètres quantifiables, renseignant sur l'effet quantitatif
des médicaments à l'échelon des populations ou d'un individu en particulier.
L'objectif final est de définir les modalités d'administration d'un xénobio-
tique donné pour un effet recherché. De ce fait, pour un objectif thérapeutique
on devra définir des conditions optimales d'utilisation du médicament :
• la voie d'administration : orale, intraveineuse, intramusculaire, sous-cutanée,
percutanée, sublinguale, transnasale, intrarachidienne, par instillation oculaire
(collyres), etc. ;
• la dose administrée et les intervalles d'administration (perfusion continue,
administration quotidienne, bi-journalière, mensuelle…) ;
• la forme galénique : gélule, comprimé, sirop… ;
• l'éventuelle influence des caractéristiques propres au sujet (physiologiques,
pathologiques ou environnementales…) pouvant modifier les concentrations ;
6   Aspects généraux

le dosage de celles-ci permettra une adaptation posologique personnalisée, ce


qui est l'objectif du suivi thérapeutique pharmacologique.
Nous aborderons successivement :
• l'aspect qualitatif du devenir d'un xénobiotique dans l'organisme, par la des-
cription des différents processus physiologiques impliqués ;
• l'aspect quantitatif, par l'étude des principaux paramètres pharmacociné-
tiques calculables, et l'étude de la relation dose-concentration.

Cinétique des xénobiotiques : aspects qualitatifs


Il est aisé de schématiser le devenir d'un xénobiotique dans l'organisme en cinq
étapes, résumées en quatre ou cinq lettres : « ADME » ou « ADMET » — la
dernière mesure, la toxicité, étant recherchée systématiquement dans certaines
études précliniques (par exemple bradypnée/apnée après administration intra-
veineuse d'un morphinique) :
• « A » pour Absorption (résorption/pénétration dans l'organisme) ;
• « D » pour Distribution (diffusion) ;
• « M » pour Métabolisme (biotransformations) ;
• « E » pour Élimination ;
• « T » pour Toxicité (quand on peut déterminer directement un effet limitant
dépendant de la concentration dans le compartiment central).
La figure 1.1 illustre le devenir d'un médicament dans l'organisme.
Nous décrivons les étapes d'absorption, de distribution et d'élimination qui
nécessitent le franchissement de barrières physiologiques par le xénobiotique.
Des ouvrages et sites plus spécialisés permettront de retrouver des aspects plus
détaillés [2–7].

Absorption/résorption des xénobiotiques


Cette étape correspond au passage du xénobiotique depuis son site d'admi-
nistration jusqu'au compartiment central. Celui-ci est défini comme l'espace
à partir duquel le xénobiotique peut être échangé avec les différents comparti-
ments de stockage (graisse, phanères…), de métabolisme (foie, poumon…) et
d'élimination (rein, poumon, glandes sudorales…). En pratique physiologique,
on considère que le compartiment central est le sang puisque la circulation san-
guine générale assure les échanges avec tous les organes.
L'étape de résorption concerne toutes les voies d'administration (voie orale,
cutanée, sous-cutanée, rectale, pulmonaire…), sauf la voie intraveineuse où le
principe actif est directement introduit dans le compartiment central. Le pro-
cessus d'absorption/résorption peut être passif ou actif en fonction des caracté-
ristiques de la membrane ou des couches cellulaires à traverser.

Transferts des xénobiotiques au travers des membranes


Transfert passif
Le passage est dit « passif » quand la substance traverse librement les membranes
lipidiques par des phénomènes de franchissement transcellulaire, paracellulaire
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   7

Administration orale
Administration IV

Intestin Absorption intestinale


grêle
ue
atiq
ép foie
1er passage hépatique -H
ro

Veine porte En
cle
Cy
Circulation générale Métabolisme hépatique

cible EFFET-TOXICITÉ DU fèces


MÉDICAMENT

Elimination rénale

rein

Figure 1.1. Représentation schématique du devenir d'un médicament


dans l'organisme.
NB : Il n'est pas figuré les voies aériennes (inhalation vers le tractus bronchopulmonaire)
et cutanéomuqueuses (peau, muqueuse nasale, conjonctive oculaire). Les compartiments
particuliers comme le système nerveux ne sont pas figurés.

ou de filtre poreux (essentiellement le glomérule rénal). Ce phénomène suit la


loi de Fick. Un gradient de concentration assure le passage du xénobiotique du
compartiment où il est plus concentré vers celui où il l'est le moins. Ce méca-
nisme non saturable, non soumis à compétition et ne consommant pas d'éner-
gie, est le plus courant pour les médicaments. Les molécules concernées sont
celles qui sont liposolubles (la liposolubilité étant augmentée par la présence
de groupement alkyles, thiols, halogènes…), de poids moléculaire inférieur
à 600 daltons, non ionisées (ce qui dépend directement du pKa de la molécule
et du pH du milieu) et non liées aux protéines plasmatiques.

Diffusion facilitée
Certaines molécules (glucose, acides aminés…) traversent les membranes lipi-
diques par ce mécanisme par l'intermédiaire de transporteurs. Le transfert est
alors saturable et compétitif.

Transfert actif
Le transport actif fait intervenir des transporteurs membranaires spécifiques
assurant le transport des anions (OAT, Organic Anion Transporter), des cations
(OCT, Organic Cation Transporter) ou des acides biliaires (ASBT, Apical
8   Aspects généraux

Sodium-Dependent Bile Acid Transporter) et, surtout, la famille P-gp/MRP


(P-glycoprotéine, ou protéine MDR1, et autres Multidrug Resistance Proteins,
telles que MRP2]. Quand elles sont surexprimées à la surface des cellules can-
céreuses, ces protéines comportant un domaine liant l'ATP sont responsables
des chimiorésistances. Ces transporteurs assurent le passage des ions et de cer-
tains médicaments — aux structures chimiques parfois proches de molécules
endogènes — indépendamment du gradient de concentration. Ce processus est
spécifique, saturable, compétitif et nécessite de l'énergie fournie par l'hydro-
lyse de l'ATP. Les transporteurs de type MDR/MRP assurent différentes fonc-
tions physiologiques dont la limitation de la résorption digestive (protection
contre certaines intoxications), des fonctions tubulaires rénales qui permettent
la concentration urinaire de catabolites toxiques, des barrières d'organes dont
la barrière hématoencéphalique.

Voie orale (per os)


C'est la voie la plus usitée. Après prise d'un médicament par voie orale, le prin-
cipe actif doit être solubilisé (passage de la forme pharmaceutique compacte en
solution) pour franchir la lumière intestinale. Il traverse alors la paroi de l'intestin
pour rejoindre le foie par la veine porte puis la circulation générale. Ceci est favo-
risé par la grande surface d'échange que représente l'épithélium intestinal (envi-
ron 200 m2). La résorption dure de quelques dizaines de minutes pour les formes
orales classiques à plusieurs heures pour les formes à libération prolongée (LP).

Facteurs modifiant la résorption orale


Ils sont nombreux :
• physicochimie du xénobiotique : sa lipophilie, sa masse moléculaire, sa forme,
son degré d'ionisation lié lui-même au pH du site de résorption ;
• débit splanchnique : c'est un point clé de la résorption digestive des médica-
ments ; en cas de choc, le débit sanguin est effondré, ce qui entraîne une baisse
très sensible de la résorption digestive ;
• activités enzymatiques s'opposant à la résorption digestive : certains xéno-
biotiques ne pourront jamais atteindre la circulation sanguine à partir du tube
digestif ; c'est le cas des peptides, protéines ou sucres complexes (insuline, albu-
mine, héparines…) qui sont dégradés par des enzymes digestives luminales
(telles que les enzymes pancréatiques protéolytiques de type trypsine) ou situées
à la surface de l'épithélium intestinal ; ceci implique que les peptides ou l'hépa-
rine devront être administrés par voie parentérale ;
• acidité gastrique (pH 1 à 3) :
– elle peut dégrader certains principes actifs (pénicilline G, peptides et
protéines…) ; ce phénomène peut parfois être prévenu par la formulation
de comprimés gastrorésistants assurant l'acheminement du xénobiotique
jusqu'à l'intestin en épargnant le principe actif de l'hydrolyse acide ;
– en revanche, l'acidité gastrique contribue à la résorption des molécules
à pKa faible car seule la forme non ionisée des xénobiotique est résorbable
(exemple classique de l'aspirine) ;
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   9

• régulation du transit, alimentation :


– les perturbations du transit, qu'il s'agisse d'accélération ou de réduction,
peuvent modifier le pourcentage de résorption de certains médicaments
(pH-dépendant ou de résorption lente) ;
– la présence d'aliments modifie parfois l'absorption (un exemple classique
est la non-résorption des tétracyclines en présence de laitages, du fait de la
chélation des tétracyclines avec le calcium) ;
– certains xénobiotiques subissent l'action de transporteurs intestinaux
(comme la P-gp) qui les effluent vers la lumière intestinale, réduisant
leur résorption ; parfois cette action d'extrusion est couplée à un catabo-
lisme par des enzymes entérocytaires tels les cytochromes (par exemple,
P-gp + CYP3A4).
• effet de premier passage hépatique : le passage du tube digestif à la circula-
tion générale se fait par le système porte sauf au niveau rectal (où l'on observe
une résorption directe partielle grâce au système cave). La veine porte se rami-
fie au sein des lobules hépatiques où les principes actifs peuvent être extraits
et éliminés dans la bile et/ou subir des réactions cataboliques (cf. infra). Cette
extraction hépatique, ou effet de premier passage, peut être importante et de
minimes variations du principe actif peuvent la faire varier grandement (par
exemple, l'ampicilline per os est extraite à 40 % à 50 %, alors que l'amoxicil-
line qui ne possède qu'une fonction -OH en plus ne l'est qu'à 20 %). Cette perte
de principe actif entre la zone d'administration (ici orale) et le compartiment
central a amené à décrire le concept de biodisponibilité.

Biodisponibilité
La biodisponibilité d'un xénobiotique, mesurée en pourcentage, est la fraction
de la dose capable d'atteindre la circulation générale. À ce concept se rajoute
une notion de pharmacocinétique : la vitesse à laquelle le principe actif atteint
le compartiment central. Au total, la biodisponibilité per os dépend à la fois de
la quantité résorbée mais aussi des autres facteurs d'élimination présystémique
déjà cités comme la dégradation dans la lumière intestinale, le métabolisme au
niveau des entérocytes, l'effet de premier passage hépatique.
Elle peut varier (pour un médicament et une voie donnés) de 0 % (médica-
ment non absorbé ; par exemple les aminosides per os) à 100 % (médicament
totalement absorbé et non métabolisé comme les fluoroquinolones).

Cas particulier des prodrogues (ou promédicaments)


Certains médicaments sont inactifs quand ils sont absorbés, et nécessitent, pour
être pharmacologiquement actifs, l'intervention d'enzymes sériques comme les
estérases (par exemple, le valganciclovir). Il s'agit de promédicaments, souvent
appelés « prodrogues ».

Voies parentérales
Ces voies nécessitent l'effraction des tissus cutanés, l'asepsie rigoureuse et la
prise en charge paramédicale s'avérant nécessaires. Ces voies sont réservées à
10   Aspects généraux

des cas particuliers : administration d'urgence, substances non résorbées par


d'autres voies, état clinique du patient.

Voie intraveineuse
La voie intraveineuse permet une administration directe, en totalité et instanta-
née d'une dose dans une veine périphérique ou centrale. La durée de l'adminis-
tration est variable en fonction de la nature du composé, de la durée de l'effet
recherché, de la toxicité du principe actif. La galénique doit être adaptée : solu-
bilité, non-agressivité pour les vaisseaux, compatibilité physicochimique entre
le liquide solvant du principe actif perfusé et le plasma sanguin.

Voies intramusculaire et sous-cutanée


Les médicaments gagnent les capillaires sanguins par les pores transmembra-
naires ou en traversant les membranes. La résorption nécessite alors quelques
dizaines de minutes comme pour la voie orale.

Voie intra-artérielle
Elle est utilisée pour les examens exploratoires (angiographie) ou en cancérologie.

Voie intrarachidienne
La voie intrarachidienne assure une pénétration directe dans les espaces ménin-
gés et la diffusion dans le liquide céphalorachidien (LCR). Elle est utilisée en
cas d'infection méningée, dans certains types d'anesthésies et pour certaines
chimiothérapies (par exemple, le méthotrexate pour prévenir les rechutes
méningées des leucémies).

Voie péridurale
Elle permet l'anesthésie des membres inférieurs et du petit bassin.

Voie intra-articulaire
Cette voie sert à l'administration de substances anti-inflammatoires.

Voie intradermique
La voie intradermique est utilisée en allergologie.

Voies transmuqueuses et voies locales


Voie rectale
La voie rectale peut présenter un intérêt en cas de vomissement ou de risque de
fausse route en pédiatrie, mais sa résorption reste aléatoire. Elle peut, pour cer-
tains médicaments vitaux, indispensables en cas d'état de mal convulsif, telles
certaines benzodiazépines — diazépam (Valium®), clonazépam (Rivotril®) —
constituer une alternative à l'injection intraveineuse (IV), en particulier pour
des parents éloignés d'un centre de soins. Dans de tels cas, la toxicité aiguë peut
être proche de celle d'une administration IV.
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   11

Voie sublinguale
La voie sublinguale assure le passage du xénobiotique par les veines linguales
et maxillaires internes puis par la veine jugulaire externe et la veine cave supé-
rieure. Il n'existe pas d'effet de premier passage hépatique ni de dégradation
entérocytaire. Le médicament est rapidement mis à disposition dans le sang, ce
qui en fait une voie de choix pour la prise en charge rapide de la crise d'angor
(trinitrine). C'est également la voie recommandée pour la buprénorphine haut
dosage (0,4 mg, 1 mg, 2 mg, 4 mg, 6 mg et 8 mg) dans le traitement de substitu-
tion des morphinomanes. En effet la biodisponibilité per os après ingestion vraie
est très faible.

Voie pulmonaire
Cette voie, où le médicament est mélangé à l'air inspiré, est utilisée pour cer-
tains xénobiotiques à effet central : anesthésiques gazeux ou volatils ou pour
des médicaments à effet local comme les bronchodilatateurs prescrits en aéro-
sols (dépôt direct sur les voies aériennes).

Voie percutanée ou transdermique


Le xénobiotique est appliqué sur la peau mais l'effet attendu est sous-jacent. Il
n'existe pas d'effet de premier passage hépatique. Cependant, la perméabilité
cutanée est variable : élevée chez le nouveau-né, augmentée par des lésions, et
variable selon les régions et la température cutanée.

Voie conjonctivale
La voie conjonctivale est utilisée pour un effet local (pommades ophtalmiques,
collyres) mais on rapporte parfois des effets systémiques indésirables (cas des
collyres bêtabloquants).

Voie nasale
Elle est préconisée la plupart du temps pour son effet local (décongestionnant)
mais un effet systémique peut être recherché (par exemple, le fentanyl transna-
sal pour les accès douloureux paroxystiques).

Voies intra-utérine ou vaginale


Ce sont des voies utilisées en gynécologie.

Distribution des xénobiotiques


Une fois la circulation sanguine atteinte, le médicament va d'abord se distribuer
dans le sang puis diffuser dans les tissus.

Diffusion sanguine
Le sang renferme des éléments figurés (dont près de 99 % d'hématies) et le
plasma qui comporte des protéines circulantes pouvant fixer des ­xénobiotiques :
12   Aspects généraux

albumine (protéine majoritaire : 40 g/L), α1-glycoprotéine, lipoprotéines,


gammaglobulines…
Dans le plasma, les xénobiotiques sont présents sous deux formes :
• une forme liée des médicaments, qui est sans effet pharmacologique ; elle ne
diffuse pas, est non métabolisable et non éliminable ; c'est donc une forme de
réserve circulante dont le relargage dépend d'une constante de dissociation et
du nombre de sites disponibles ;
• la forme libre, ou non liée, qui est diffusible (si non ionisée), peut être
­métabolisée et épurée ; c'est donc la forme pharmacologiquement active qui va
interagir avec une cible moléculaire (récepteur, enzyme, constituants cellulaires
divers…).
Le pourcentage de fixation peut varier de 0 % à 99,99 %. Ce phénomène est
saturable et soumis à compétition.

Liaison aux protéines plasmatiques


Cette liaison est réversible et non figée dans le temps. L'équilibre créé suit la loi
d'action de masse, c'est-à-dire que la forme liée peut se dissocier quand la forme
libre a rejoint les tissus ou a été épurée.
L'équilibre entre forme libre et liée s'écrit :
[Xénobiotique libre] + [Protéine]  [Xénobiotique-Protéine].
Ce phénomène est saturable, soumis à compétition.
En pratique, la fixation aux protéines plasmatiques peut soit retarder la dif-
fusion dans les tissus (sauf si l'affinité tissulaire est plus élevée) soit retarder
l'épuration (sauf si l'affinité pour l'organe d'élimination est supérieure).

Facteurs influençant la liaison aux protéines plasmatiques


La liposolubilité d'une molécule augmente sa capacité de liaison ou son affinité
(Ka).
Une altération qualitative ou quantitative de l'albumine (cirrhose, syn-
drome néphrotique, grossesse, dénutrition) peut réduire le pourcentage de
fixation.
Les phénomènes de compétition entre deux xénobiotiques pour la liaison
à certaines protéines plasmatiques – en particulier avec l'albumine – peuvent
entraîner des déplacements.

Distribution tissulaire
Le xénobiotique pour atteindre sa cible d'action pharmacologique doit parfois
traverser plusieurs tissus, de natures différentes, et qui eux-mêmes échangent
ce principe actif.
Tout comme pour la résorption, la diffusion va dépendre des propriétés phy-
sicochimiques des molécules (liposolubilité, masse moléculaire, degré d'ionisa-
tion…) mais également des caractéristiques des tissus cibles (hydrosolubilité ou
liposolubilité favorable à tel ou tel xénobiotique entraînant ainsi leur accumu-
lation : digoxine et tissu cardiaque, par exemple).
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   13

Irrigation des organes


La distribution, phénomène dynamique, est influencée par l'irrigation des organes.
Chez l'adulte en bonne santé et au repos, le débit cardiaque est d'environ de 5 litres/
minute chez l'adulte. Ces 5 litres sont à répartir sur l'ensemble de l'organisme :
les quatre cinquièmes vont vers les organes vitaux : cœur, cerveau, foie, rein, et le
reste irrigue les autres tissus (muscles, tissu adipeux, os…). Ces tissus hypoperfusés
seront donc plus difficilement accessibles.

Variations de la perméabilité aux xénobiotiques selon les organes


Il est important de préciser que la capacité de diffusion d'une même molécule
est variable selon les organes. Certains tissus comme le foie présentent une
paroi vasculaire composée de capillaires discontinus qui permettent une diffu-
sion facile du médicament. Dans d'autres organes comme le cerveau ou plutôt
l'ensemble du système nerveux central — encéphale, tronc cérébral et moelle
épinière — la paroi vasculaire est constituée de capillaires continus difficile-
ment franchissables, on parle de barrière hématoencéphalique. Cette barrière
hémato­encéphalique assure au système nerveux central une homéostasie parti-
culière même pour les petites molécules, dont des neuromédiateurs classiques.
Ainsi, la glycorrachie est 50 % plus faible que la glycémie et la concentration de
glutamate libre reste de l'ordre du micromolaire dans le liquide cérébrospinal
alors qu'elle peut dépasser le millimolaire dans le sang après un repas riche en
sauce au soja. Si des concentrations similaires atteignaient le système nerveux
central, un état de mal épileptique serait garanti !
D'autres facteurs perturbent la diffusion. Certains sont inhérents au sujet
(âge, grossesse) ou à sa pathologie (déshydratation, grands brûlés, perturba-
tions hémodynamiques comme un état de choc ou une insuffisance cardiaque
grave).

Répartition tissulaire du xénobiotique : notion de volume de distribution


En pratique, hormis l'utilisation de médicaments radiomarqués (parfois utili-
sés à des fins scientifiques en tomographie à émission de positons, TEP), on ne
peut quantifier la distribution d'un médicament faute de pouvoir mesurer des
concentrations tissulaires in situ. Il faut donc extrapoler la concentration mesu-
rée dans le secteur plasmatique accessible.
L'étude des relations entre la quantité totale de médicament administré et les
concentrations plasmatiques s'exprime par le volume de distribution :
Q (Quantité) = C (Concentration) × VD (Volume de distribution).
Ce volume VD représente un espace théorique dans lequel devrait être dis-
sous le médicament pour être à la même concentration que celle mesurée dans
le plasma. Plus il sera élevé, plus le médicament est en grande partie lié à des
protéines tissulaires voire liposolubilisé. Dans ces cas, on observera un VD
(exprimé par le rapport L/kg) >> 1 ; il est donc recommandé d'exprimer VD en
L/kg dès que les patients s'éloignent de l’« Homme standard » (nouveau-nés,
nourrissons, obèses, sujets âgés, etc.).
14   Aspects généraux

Métabolisme des xénobiotiques


Ce terme regroupe l'ensemble des biotransformations que va subir le médi-
cament/toxique avant d'être épuré de l'organisme. Diverses réactions enzy-
matiques, détaillées ci-dessous, conduisent à des modifications de la structure
chimique du xénobiotique (généralement liposoluble), le rendant le plus sou-
vent inactif pharmacologiquement, davantage hydrosoluble et donc éliminable
dans les urines. Les médicaments hydrosolubles ne subiront pas cette étape et
pourront être éliminés directement.
De nombreux tissus (poumon, rein, intestin…) peuvent réaliser ces transfor-
mations mais l'organe le plus actif est le foie. En effet, les hépatocytes renferment
un système enzymatique, le cytochrome P450 (CYP), composé d'une superfa-
mille d'isoenzymes à fer impliquées dans la transformation des médicaments.
Schématiquement, on distingue deux étapes dans le métabolisme : les réac-
tions de phase I (ou réactions de fonctionnalisation) et celles de phase II (ou
réactions de conjugaison). Ces réactions peuvent être couplées. Dans ce cas, la
phase de fonctionnalisation produit des métabolites qui subiront dans un deu-
xième temps, une réaction de conjugaison (figure 1.2).

Xénobiotique

Réactions de fonctionnalisation O2

Xénobiotique-OH
hydrosolubilité

R-OH
Réactions de conjugaison

Figure 1.2. Métabolisme
d'un xénobiotique.
Xénobiotique-OR (Adapté du site
pharmacomedicale.org.)

Cytochrome P450
À ce jour, plus de cinquante isoenzymes différentes de cette superfamille ont été iden-
tifiées. Elles sont classées en trois grandes familles identifiées par un chiffre (1 à 3),
selon leur structure ; elles sont elles mêmes subdivisées en sous-familles différen-
ciées par une lettre suivie d'un chiffre selon leurs substrats préférentiels (classification
de Nebert [8], qui a été reprise et actualisée [9] ; tableau 1.1 [5]). Les CYP préféren-
tiellement impliquées dans la biotransformation du médicament sont les isoformes
CYP1A2, CYP2 C9, CYP2 C19, CYP2D6, CYP2E1 et CYP3A4 (tableau 1.2). Un xéno-
biotique peut être métabolisé simultanément par plusieurs isoformes du cytochrome
P450 et les métabolites obtenus à partir d'une seule molécule mère peuvent être très
nombreux (cyamémazine par exemple). L'intensité de l'activité enzymatique varie d'un
individu à l'autre, dépendamment ou non des caractéristiques génétiques.
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   15

Tableau 1.1. Polygénisme des cytochromes.


Chromosome 2 7 10 15 19 22
Gène CYP 1B1 3A4 2 C3 1A1 2A6 2D6
3A4 2 C9 1A2 2A7
3A7 2C18 2A13
2 C19 2B6
2E1 2B7
2 F1

Tableau 1.2. Principales CYP P450 : substrats, inducteurs, inhibiteurs


et marqueurs tests.
CYP Substrats Inducteurs Inhibiteurs Marqueurs
tests
1A2 Antipyrine, paracétamol, Tabac fumé, Caféine
théophylline, caféine, cuisson au
phénacétine, warfarine, charbon de
clomipramine bois
2A6 Coumarine Aucun Coumarine
2 C9 Hexobarbital, phénytoïne, Barbi- Ac. valproïque, Méphé-
triméthadione, ibuprofène, turiques, imatinib, nytoïne
tolbutamide, S-warfarine rifampicine amiodarone,
carba­ métronidazole,
mazépine, pantoprazole,
dexa­ fluvastatine,
méthasone fluconazole,
voriconazole
2 C19 Diazépam, naproxène, Phéno­ Oméprazole, Aucun
propranolol, méphénytoïne, barbital, felbamate,
oméprazole phénytoïne, topiramate,
rifampicine, fluconazole,
ritonavir voriconazole,
fluvoxamine
3A4 Amiodarone, diltiazem, Mille­pertuis, Ritonavir,
glucocorticoïdes, cocaïne, barbi- amprénavir,
antihistaminique H1, turiques, indinavir,
ciclosporine, tacrolimus, carba- nelfinavir,
vincristine, taxol, mazépine, itraconazole,
ciclophosphamide, macrolides, phénytoïne, fluconazole,
dapsone, dihydroergotamine, rifampicine, kétoconazole,
alfentanil, sufentanil, troglitazone, miconazole,
griséofulvine, tamoxifène, dexa­ fluoxétine,
félodipine, quinidine, méthasone fluvoxamine,
gestodène, lidocaïne, statines, vérapamil,
antiprotéases, diazépam, amiodarone,
midazolam, triazolam, érythromycine,
nifédipine, rapamycine, clarithromycine,
rifampicine, névirapine, josamycine,
efavirenz, testostérone, jus de
ethinyl-estradiol, progestérone, pamplemousse,
rifabutine, paracétamol gestodène
16   Aspects généraux

oxydation
aliphatique

oxydation
aromatique

N-oxydation

Figure 1.3. Exemples de réactions


S-oxydation d'oxydation.
(Adapté du site pharmacomedicale.org.)

Réactions de fonctionnalisation
La structure des xénobiotiques va être modifiée essentiellement au niveau hépa-
tique par des réactions d'oxydation, de réduction et d'hydrolyse. Les dérivés
obtenus ont alors des groupements fonctionnels hydroxyle (-OH), amine (-NH2)
ou carboxyle (-COOH) rendant la molécule suffisamment hydrosoluble pour
être éliminée directement ou subir les réactions de phase II. Les réactions d'oxy-
dation sont majoritairement catalysées par les cytochromes P450 (figure 1.3).
Les métabolites produits sont parfois pharmacologiquement actifs. Ils
peuvent être présents dans la circulation générale simultanément à la molé-
cule mère — par exemple, le diazépam se métabolise en nordiazépam (ou
N-desméthyldiazépam) puis en oxazépam (figure 1.4).

Réactions de conjugaison
Ces réactions assurent le transfert de groupements polaires des molécules endo-
gènes (acide glucuronique, glycine, sulfate) vers le xénobiotique.
La glucuronoconjugaison, correspondant au transfert de l'acide glucuro-
nique. Cette réaction est catalysée par les UDP-glucuronyltransférases et repré-
sente le mécanisme prédominant. D'autres transferts de radicaux existent :
glycine et glycoconjugaison catalysée par les glycotransférases, sulfate et sulfo-
conjugaison catalysée par les sulfotransférases, méthyle, glutathion, acétyle…

Facteurs influençant les biotransformations


Ils sont nombreux et sont abordés infra dans la section « Variabilité des effets ».
Néanmoins citons ici le fait que c'est l'étape de métabolisation qui est celle
­soumise aux plus grandes variations. Brièvement, elles sont liées :
• soit à l'environnement : induction, ou inhibition des cytochromes P450 du
fait de la prise d'autres xénobiotiques ;
• soit à des prédispositions génétiques particulières.
D'autres facteurs importants de variation de la réponse ou de la cinétique du
xénobiotique tiennent à la physiologie (âge) ou à des pathologies (insuffisances
rénale, hépatique).
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   17

® ®

® ®

® ®

Figure 1.4. Métabolites communs et actifs des benzodiazépines usuelles.

Élimination des xénobiotiques


L'élimination est l'étape finale du devenir du médicament /toxique de l'orga-
nisme. Elle concerne l'ensemble des xénobiotiques qu'ils soient présents sous
forme inchangée (molécule hydrosoluble), sous forme de métabolites toxiques,
actifs ou inactifs, ou sous forme conjuguées ou non.

Élimination rénale
L'élimination rénale est prépondérante en situation physiologique. Schéma­
tiquement, on distingue trois étapes : la filtration par le glomérule rénal, la sécré-
tion tubulaire et la réabsorption tubulaire.

Filtration glomérulaire
La filtration glomérulaire suit un processus de diffusion passive non saturable
à travers les pores du glomérule rénal. De ce fait, seules les molécules de masse
moléculaire inférieure à 68 000 Da peuvent franchir la paroi glomérulaire.
C'est pour cela que les xénobiotiques non liés aux protéines du plasma sont
retrouvés dans le filtrat glomérulaire, alors que les molécules fixées aux protéines
18   Aspects généraux

plasmatiques demeurent dans le sang circulant. La clairance glomérulaire d'une


molécule largement éliminée dans les urines (plus de 50 % de la dose administrée)
est un bon reflet de la capacité d'élimination rénale du produit.
Clairance
La clairance est exprimée en :

Clairance (mL / min) =


[U ] . V ,
[ P]
où :
• [U] en mg/L ou mmol/L est la concentration urinaire ;
• V est le débit urinaire (mL/min) ;
• [P] la concentration plasmatique en mg/L ou mmol/L, comme pour l'urine.
On doit tenir compte en physiologie de la masse protoplasmique active qui,
en pratique, est assimilée à la surface corporelle maigre, laquelle est proportion-
nelle à la surface corporelle. Celle-ci, pour « homme standard », est de 1,73 m².
Une correction de la clairance brute devra donc être faite dès qu'on s'écarte de
cette valeur, en particulier chez le très jeune enfant.
On le reverra lors de la mise en équation, la clairance peut aussi s'exprimer :
Clairance (mL/min) = ke · VD.
Cette formule est générale et s'applique aussi bien à la constante rénale kr
qu'à la constante globale ke laquelle pouvant être la somme arithmétique de
plusieurs constantes km (métabolique) + kr, etc.
Variations de la clairance
Un point important est que, globalement la clairance rénale baisse régulière-
ment avec l'âge, d'environ 1 % par an après 50 ans, avec toutefois de variations
interindividuelles importantes. Pour tenir compte de l'âge, on a mis au point
des formules qui permettent d'estimer la clairance rénale (formule de Cockroft
et Gault et, plus récemment, la formule MDRD, Modification of Diet in Renal
Disease). La clairance rénale est donc une source importante de variation d'éli-
mination des xénobiotiques. Rappelons que la validité physiologique de cette
clairance nécessite que la diurèse soit de 1 mL/min soit 1,44 L par 24 heures,
condition rarement vérifiée chez les personnes âgées et les malades hospitalisés.

Fonction rénale : estimation de la clairance de la créatinine


Formule de Cockroft et Gault (1976) :

Clairance de la créatinine (mL/min) = ( )


K × 104 - Âge × Poids
,
Créatininémie

avec :
• Âge en années ; Poids en kg ; Créatinémie en μmol/L ;
• K = 1,23 chez l'homme ;
• K = 1,04 chez la femme.

Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   19

Formule MDRD (2000) :
Débit de filtration glomérulaire estimé (eDFG) en mL/min/1,73 m2 : eDFG = 186,3
× Créatininémie–1,154 × Âge–0,203 × (0,742 si femme) × k, avec :
• Créatininémie en mg/dL ; Âge en années ;
• k : multiplication par un facteur dépendant de l'origine du patient, qui doit, s'il y a lieu,
être effectuée par le médecin qui reçoit les résultats. Le facteur k vaut 1 pour tous les
sujets, excepté ceux originaires d'Afrique subsaharienne ou des Antilles pour lesquels
il est en cours de validation en France ; k vaut 1,21 pour les sujets afro-américains.

Réabsorption tubulaire
La réabsorption tubulaire est une étape facultative qui conduit au retour
du médicament dans la circulation générale. Elle concerne des molécules
préalablement filtrées. Le processus est passif et dépend de la liposolu-
bilité, du degré d'ionisation des molécules, fonction du pH urinaire. Les
molécules hydrosolubles ne sont pas réabsorbées. Les substances liposo-
lubles regagnent les cellules tubulaires et le sang en fonction du gradient
de concentration entretenu par les mécanismes de concentration de l'urine.
Pour les médicaments ionisables, la réabsorption dépend du pH de l'urine
tubulaire. Si l'urine est acide, les substances basiques (amphétamines par
exemple) sont davantage ionisées et donc moins réabsorbées. Inversement,
un xénobiotique acide sera mieux excrété si l'urine est basique car le pro-
duit sera ionisé donc non réabsorbé. En cas d'intoxication par des acides
(aspirine, phénobarbital), il est envisageable d'accélérer l'élimination par
alcalinisation (bicarbonates) des urines.

Sécrétion tubulaire
Les cellules du tube proximal sont capables de sécréter des substances du
plasma dans l'urine. La sécrétion tubulaire est une étape facultative qui
concerne les molécules qui n'ont pas encore été filtrées ou qui ont été réabsor-
bées. Ce processus actif fait intervenir des transporteurs, notamment les OAT,
les OCT et les MRP. Il est saturable et compétitif donc susceptible d'engen-
drer des interactions médicamenteuses. La fixation protéique des médicaments
n'est pas forcément un facteur limitant de la sécrétion tubulaire si l'affinité du
médicament est plus grande pour son transporteur tubulaire que pour les pro-
téines plasmatiques.

Excrétion hépatobiliaire
La seconde voie importante est l'excrétion hépatobiliaire. Elle permet d'élimi-
ner des molécules mères ou des métabolites qui ne sont pas éliminés par voie
rénale (grosses molécules et molécules non hydrosolubles). Elle dépend de la
sécrétion biliaire, mettant en jeu les transporteurs P-gp et MRP. Ce phénomène
d'élimination intestinale est atténué parfois par le cycle entéro-hépatique. La
bile contenant la molécule, souvent sous forme d'un dérivé conjugué, est déver-
sée au niveau du duodénum. Les substances conjuguées peuvent subir en aval
une hydrolyse (par des enzymes bactériennes), libérant la molécule mère qui
20   Aspects généraux

peut être alors résorbée et rejoindre les circulations porte puis générale. On
constate alors un effet rebond au niveau des concentrations plasmatiques. Les
médicaments subissant un cycle entéro-hépatique seront donc éliminés lente-
ment (par exemple, la morphine).

Autres voies d'élimination


D'autres voies, plus accessoires, existent :
• l’excrétion salivaire utilise un mécanisme diffusion passive et parfois un
mécanisme de sécrétion active. Cette voie d'élimination permet de mettre en
évidence certains xénobiotiques dans la salive (on dose alors l'équivalent de
la fraction plasmatique libre d'antibiotiques, du cortisol et des corticoïdes, de
certains antiépileptiques) ;
• l’excrétion pulmonaire n'intéresse que des composés volatils c'est-à-dire des
composés ayant une pression de vapeur importante (alcool, anesthésiques géné-
raux inhalés) quelle que soit leur voie d'administration ;
• enfin, l’excrétion lactée concerne la plupart des médicaments liposolubles,
capables de pénétrer dans la glande mammaire par diffusion passive (antiépi-
leptiques, psychotropes…). Les conséquences de ce passage doivent être prises
en compte en cas d'allaitement maternel, la concentration d'un xénobiotique
dans le lait pouvant parfois dépasser celle du plasma.
Certaines pathologies entraînant des pertes liquidiennes importantes peuvent
être une source d’élimination des xénobiotiques : par diarrhée, par vomisse-
ments ou sudation exagérée.

Cinétique des xénobiotiques :


quelques aspects quantitatifs
On cherche à modéliser la pharmacocinétique par quelques équations simples
qui permettent de comprendre et de prédire le devenir d'un xénobiotique dans
l'organisme. En pratique, on choisit souvent l'analyse compartimentale car elle
correspond bien à un grand nombre de situations concrètes. On définit alors un
modèle (généralement à un ou deux compartiments) en supposant qu'un équi-
libre va s'installer entre l'entrée, la distribution (éventuel second compartiment),
le compartiment central (où tout s'échange) et l'élimination (figures 1.5 et 1.6).
Certains xénobiotiques obéissent à une cinétique d'ordre zéro : la décrois-
sance du xénobiotique est constante dans le temps. C'est le cas de l'alcool chez
l'homme : la diminution est de 0,1 à 0,2 g/L en une heure.
Néanmoins, la modélisation expérimentale a montré que la plupart des
xénobiotiques se distribuent et s'éliminent comme un système de fuite dans un
modèle d'hydraulique (figures 1.5 et 1.6). Cette notion de fuite (variation sur
un temps t) correspond à une équation différentielle d'ordre 1, où la variation
de la quantité est fonction de la quantité totale Q ; donc :
dQ = k ⋅ Q ⋅ dt [5] .
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   21

Cinétique IV, per os (ou IM ou SC) et perfusion


100

80 IV PO, IM, SC perfusion

60

40

20

0
0 2 4 6 8 10 IV PO, IM, SC perfusion

Administration a
A
100
Modèle bicompartimental
B
Distribution
−β
10
−α

Elimination
Temps
1
0 2 4 6 8 10

b
Figure 1.5. Modèle de l'hydraulique pour expliquer la cinétique différentielle
de premier ordre des xénobiotiques dans l'organisme.
a. Compartiment unique (administration dans le compartiment central [IV],
et administration avec résorption [PO, IM ou SC]). b. Bicompartiment : évolution
schématique en trois phases administration, distribution, élimination.

Modèle monocompartimental ouvert


Cas de l'injection unique (médicament par voie
intraveineuse, injecté rapidement) (figure 1.6a)
On a : dQ = k Q.
e
dt
Après intégration, on obtient : Ln C(t) = Ln C0 – ke· t.
Soit en log décimaux : log C(t) = log C0 – (ke/2,303) · t (avec Ln 10 ≈ 2,303).
En fait, ke (inverse d'un temps) est une constante peu parlante à l'esprit,
aussi lui préfère-t-on T½(demi-vie ou période) qui lui est inversement pro-
portionnel. T½ peut être exprimé en heures, minutes, jours, etc. T½≈ 0,693/ke
(Ln 2 ≈ 0,693).
La clairance est estimée par l'AUC (Area Under Curve) :
Q0
Clairance = k e VD = .
AUC
22   Aspects généraux

Administration extravasculaire (per os, intramusculaire,


sous-cutanée, etc.) (figure 1.6b)
(
C (t ) = C0 × e− ket − e− ka t , )
où :
• ka : constante de vitesse de résorption ;
• ke : constante de vitesse d'élimination (cas illustré : ka >> ke, cas général).
• C0 : concentration initiale extrapolée au temps 0.
NB : On peut calculer :
T½a (demi-vie de résorption) = ln 2/ka,
Q
et VD (volume de distribution) = f × 0 ,
C0
où f = fraction disponible entre 0 et 100 % de la dose administrée.

Décroissance d’un médicament : adminsitration unique IV PK :1 Cpt, IV, représentation semi-logaritmique


dans un modèle à 1 compartiment
100 100
concentration (mg/L)

75
10

50

1
25

0 0,1
0 4 8 12 16 20 0 4 8 12 16 20
a Temps (heures) temps (h)

Profil PK : 1 Cpt, 1 administration PK : 1 Cpt, 1 admin. ; aspect semi-log.


50 100
concentration (mg/L)
concentration (mg/L)

40
10
30

20 1

10
0,1
0 1 2 3 4 5 6
0
temps (h)
0 2 4 6 8
b temps (h) Élimination Absorption Résultante (E-A)

Figure 1.6. Modèles pharmacocinétiques dans un compartiment unique ou


bicompartimental.
Modèle à compartiment unique : (a) injection IV unique ; (b) administration per os (ou
IM ou SC) unique avec phase de résorption ; (c) perfusion jusqu’à un plateau d’équilibre
puis réduction de 50 % du flux entrant [K] ; (d), administration IV itérative ; (e) modèle
bicompartimental avec injection unique.
a. Décroissance d’un xénobiotique en fonction du temps. Modèle à un compartiment et
injection rapide. Les coordonnées semi-logarithmiques illustrent l’intérêt de la notion du
T1/2 : décroissance régulière d’une équation différentielle de premier ordre (dC/dt = – k · C).
b. Administration unique per os en coordonnées normales et semi-log : la méthode
graphique permet de déduire ka et ke (C1 et C2 sont confondus à la valeur théorique C1 s’il
n’y a pas de latence de transfert : résorption digestive distale, par exemple).

Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   23

On peut aussi calculer Tmax (où dC = 0) et Cmax qui représentent le temps du pic
dt
de concentration et la valeur de celui-ci (concentration maximale).

Cmax = C0 × (e- ketmax - e- katmax) avec C0 = f · Q0.

C (t ) C C
AUC0→∞ = → AUC0→∞ = 0 + 0 .
Ke ke ka

Concentration sanguine fonction


du débit de perfusion ‘K’

Vp = K K/2

C•

C/2•
5 x T1/2
5 x T1/2

CMax

Cmoy

Cmin

τ = intervalle entre deux doses

D D D D D D D D D D
d Temps (h)

Figure 1.6. Suite.
c. Perfusion : l’état d’équilibre n’est atteint qu’après 5 × T1/2, quel que soit le flux entrant.
En revanche, si l’on diminue celui-ci de 50 %, la concentration à l’équilibre baissera
d’autant, à nouveau après un délai de 5 × T1/2.
d. Administration itérative par IV : plateau et oscillations, pic, vallée. Comme pour la

perfusion si l’administration se fait à dose fixe. L’équilibre est atteint pour 5 × T1/2 .
24   Aspects généraux

Modèle bicompartimental

A
concentration sanguine 100 y = A e–at + B e–bt

B y

y'
−b
10
y''
−a

1
0 2 4 6 8 10
e Temps

Figure 1.6. Suite.
e. Modèle bicompartimental : illustration de la décroissance de la concentration sanguine
d’un médicament dans un modèle à deux compartiments après administration IV unique
(coordonnées semi-logarithmiques). Les temps tardifs permettent de déterminer la pente p et la
valeur B au temps zéro ; ces paramètres correspondent à la distribution tissulaire (compartiment
« périphérique ») du médicament. À tout instant, la soustraction de la valeur extrapolée sur cette
droite de la concentration sanguine mesurée (c’est-à-dire les valeurs de la courbe expérimentale)
permet d’obtenir une seconde droite de pente a et de valeur A à t0 ; cette courbe correspond à la
distribution dans le compartiment « central » (assimilé généralement à la masse sanguine).
NB : La pente de A est déterminée par les points calculés y" = valeur y de la courbe
– valeur y’ lue sur la droite B. (D’après Moulin M., Coquerel A., 2002 [5].)

Administration par perfusion intraveineuse lente (figure 1.6c)


La concentration sanguine évolue en fonction du temps jusqu'à l'atteinte du plateau.
Avec Cssconcentration plasmatique du médicament à l'état d'équilibre (steady
state) :

C = Css × (1 − e − ket ),

Qperfusée K K
Css = = =
t ' × Clairance Clairance K e ⋅ VD

Injections intraveineuses répétées (système à un compartiment)


(figure 1.6d) : notion d'état stable
Les oscillations de Cp en fonction des prises successives (espacées d'un temps τ
ou « tau ») montrent que Cp atteint un maximum qui est le « pic » ; puis décroît
en exponentielle jusqu'à un minimum ou « vallée », immédiatement avant l'ad-
ministration suivante.
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   25

Le niveau du « plateau » dépend des doses et de l'intervalle d'administration,


mais, aussi, des possibilités de clairance personnelle du sujet.

 1 − e − nk e τ   1 − e − nk e τ  − k e τ
Cn max = Co ×  et C = C ×  1 − e − k e τ  e .
 1 − e − k e τ 
n min o

On définit un « facteur d'accumulation » R quand n augmente, et donc que


e- nkeτ tend vers 0.

 1  − k et 1
CSS ( t ) = C0 ×  e où = R.
 1 − e − ket  1 − e − ke t

NB : Le paramètre T½ permet aussi de définir l'état d'équilibre. On considère


qu'un médicament a atteint l'équilibre au bout de 5 × T½ (à posologie constante
si prises répétées).

Modèle bicompartimental : cas simple de l'injection


unique dans un système ouvert (figure 1.6e)
Dans ce cas, il existe un deuxième compartiment, en dérivation sur le pre-
mier.Les échanges s'effectuent entre les deux compartiments selon les lois de
la diffusion simple, selon des constantes de transfert k12 ; et de contre-trans-
fert k21.
Ce cas est proche de la réalité clinique, avec un compartiment central san-
guin, et, en dérivation, le compartiment tissulaire.
Calculs des T½ et des constantes k, a et b
La valeur de T½ β est :

0,693
T½ β = .
β

De même, T½α (demi-vie apparente de distribution) :

0,693
T½ α = .
α

ke est la constante d'élimination du compartiment central :

A+ B
ke = .
A A
+
α β
26   Aspects généraux

La valeur de k21 est :


αβ
k 21 =
ke .
k12 est la constante de transfert du compartiment central vers le comparti-
ment tissulaire :
AB(α − β) 2
k12 =
( A + B)2 k 21 .
Calculs des volumes de distribution
V1 est le volume du compartiment central :
D
V1 =
A+ B .
V2 est le volume du compartiment périphérique :
k12
V2 = V1 ×
k 21 .
VD est le volume de distribution total :
VD = V1 + V2 .
Q
VD area =
AUC0→∞ × β .

Aire sous la courbe


Elle se calcule par intégration mathématique (fonction généralement accessible
sur un tableur) soit graphiquement par la méthode des trapèzes.
A B
AUC0→∞ = +
α β.
Clairance plasmatique
Le plasma est assimilé au compartiment central V1 :
Q
Clairance plasmatique = = ke · V1.
AUC0→∞

Applications en toxicologie
Les grandes notions de pharmacocinétique (« ADME ») sont en partie transposables en toxi-
cologie. On parle alors de toxicocinétique. Si le toxique à une durée d'action prolongée et
que sa demi-vie ou celle de ses métabolites se compte en heures on pourra appliquer aux
soins médicaux différentes stratégies qui visent à atténuer la concentration circulante et
diffusible du xénobiotique (figure 1.7) : on peut diminuer son entrée par aspiration gastrique
après intoxication aiguë per os, ou avoir recours à l'ingestion de charbon activé qui va
adsorber le xénobiotique ; on peut diminuer la fraction libre par perfusion d'albumine, voire
de solutés lipidiques (type Intralipides® [10]) dont l'efficacité est reconnue dans les intoxica-
tions par les anesthésiques locaux [11–13] ou enfin on peut favoriser l'élimination (diurèse
forcée par perfusion en modifiant si besoin le pH urinaire selon le pKa du xénobiotique).
L'objectif médical de la prise en charge d'urgence est de soustraire et éliminer le xénobio-
tique… Bien entendu, cela pourra être tout à fait insuffisant au plan clinique et on aura

Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   27

alors recours à d'autres stratégies : antagonistes ou d'autres formes d'antidotes. Dans les

intoxications les plus graves on peut recourir à l'épuration extracorporelle et, si le toxi-
drome s'accompagne de défaillance cardio-vasculaire on associe une assistance circulatoire
externe de type ECMO [11, 12]. Nous citons ci-après un exemple où la défaillance circu-
latoire après intoxication aiguë était potentiellement létale mais a pu être compensée par
une circulation extracorporelle de quelques jours. Ces conditions vont modifier très sensi-
blement la cinétique d'élimination (figure 1.8, d'après Daubin et al. [14]) permettant ainsi la
survie des patients alors que la faillite circulatoire induit une défaillance fonctionnelle poly-
viscérale, du fait du bas débit. Ainsi, lors de la normalisation cardiaque post-intoxication, on
constate d'ailleurs une amélioration de l'élimination du principe actif et de ses métabolites
(figure 1.8), contemporaine de la récupération fonctionnelle du rein et du foie.
Il faut garder à l'esprit que les mécanismes décrits précédemment sont saturables. La
quantité de xénobiotique absorbée aura donc une influence sur la résorption, la distri-
bution et l'élimination. Succinctement, plus le toxique est métabolisé et excrété, plus il
quitte facilement son site de stockage (équilibre). Plus un toxique est lipophile, plus il
va s'accumuler dans les tissus adipeux, d'où un relargage tardif est alors possible.
Dans la prise en charge médicale, quelques exemples peuvent illustrer la nécessité de
tenir compte de paramètres pharmacocinétiques, comme le temps de demi-vie (T½) du
toxique et de son antidote. Une intoxication massive aux opiacés (morphine, héroïne…)
nécessite l'administration intraveineuse d'un antagoniste puissant (haute affinité), la
naloxone. Le T½de la morphine injectable est compris entre 2 et 6 heures, celui de la
naloxone est beaucoup plus court, de l'ordre de 20 minutes ; l'effet de l'antidote va
donc s'estomper plus rapidement, rendant nécessaire de nouvelles administrations ou
la mise en place d'une perfusion continue.

A Xénobiotique
Epuration digestive :
adsorbants (charbon activé), neutralisants (formation de complexes insolubles)

Modification de la distribution :
chélateurs (métaux lourds),
CEC…

D Activation du métabolisme :
Donneurs de gluthation Augmentation de l’élimination :
Ex : N-acétylcystéine et paracétamol chélateurs (métaux lourds),
cible Acidification, alcalinisation des
urines
Inhibition du métabolisme :
Éthanol (piégeur de l’ADH -
Action directe sur la
cible :
intoxication au méthanol…)

TOXICODYNAMIE

M
E

Figure 1.7. Illustration des différentes stratégies possibles modifiant la


pharmacocinétique d'un xénobiotique toxique (non figuré : l'épuration extracorporelle).
28   Aspects généraux

100 000

10 000
T sg

T ou dM-T (µg/L)
M1 sg
1000

100

10

1
Temps (h)
0 100 200 300
Figure 1.8. Évolution favorable d'une intoxication aiguë au tramadol.
L'ingestion d'une dose létale a amené l'indication d'une assistance circulatoire
extracorporelle pendant six jours. Le suivi pharmacocinétique du tramadol (T) et de son
métabolite principal, le O-déméthyl-tramadol (noté M1), est rapporté en coordonnées
semi-logarithmiques. On notera, au-delà du cinquième jour, que la reprise de l'activité
cardiaque entraîne une nette amélioration de la cinétique d'élimination, comme l'atteste le
changement de pente.
Tramadol (T) de J0 à J6, T½= 18,7 heures ; après J7 : T½~ 6 heures (normale).
O-desméthyl-tramadol, métabolite principal (M1) : T½= 23,1 heures de J0 à J6 puis, après
J7,T½~ 9 heures (normale).
(D'après les données de Daubin et al., 2007 [14].)

Effets induits à courts et longs termes


Relations entre toxicocinétique et toxicodynamie
Les corrélations entre la toxicocinétique et la toxicodynamie sont une préoccu-
pation quotidienne tant des services d'urgence et réanimation que des centres
de recherche préclinique sur les médicaments ou les produits chimiques qui
peuvent être au contact ou ingérés par l'Homme et d'autres espèces.
Pour les intoxications aiguës et plus encore dans les situations expérimen-
tales on peut déterminer la cinétique du xénobiotique et de ses métabolites
actifs. De ces études naissent des recherches fructueuses entre la cinétique et les
effets — au moins à court terme — des xénobiotiques étudiés [15–18].

Variabilité de la pente effet/dose


Au-delà du devenir purement pharmacocinétique du traçage de la molécule
d'intérêt et de ses métabolites actifs, le rôle effecteur du xénobiotique est
­l'élément réellement clé de son devenir. Ainsi, une intoxication aiguë aux mor-
phiniques n'aura pas de conséquence vitale si elle est traitée à temps par
la naloxone. Dans ce modèle simple de toxicité immédiate, la réversion de
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   29

100
Toxicant A
Toxicant B

Response (Percent)
a
a
50
b
Threshold
a
10 b Slope
b
0
Increasing Dose

Figure 1.9. Courbe effet-dose en toxicodynamie : rôle de la pente


dans la toxicité clinique.
L'importance de la pente de la toxicité en fonction de la dose est illustrée ici. Bien qu'ayant
la même dose toxique 50 % (DT50), les deux substances A et B ont des effets différents
selon la dose : le toxique A a une pente plus faible donc un seuil liminaire de détection
de toxicité plus faible. Par corollaire, la toxicité maximale est observée pour des doses
supérieures à celle du toxique B. En pratique, il est important de connaître la pente de la
toxicité dans la région de linéarité de la sigmoïde soit pour les valeurs 20 % à 80 %.

l­'effet toxique est assurée par un antagoniste compétitif ou par un antidote


qui agit sur la cascade des réactions biochimiques induites par le toxique. Il
en est ainsi pour les cyanures [1, 19] comme pour beaucoup d'autres intoxi-
cations aiguës où l'on ne dispose pas d'antagoniste vrai au sens réceptoriel.
L'important est que l'on dispose à temps de données toxicocinétiques et toxi-
codynamiques précises et fiables pour mettre à temps en jeu des gestes thé-
rapeutiques salvateurs (par exemple, cobalt/vitamine B12 dans l'intoxication
cyanhydrique).
En fait, la pente de l'effet (E) sur la dose (D) peut aussi contribuer à la bru-
talité des effets toxiques. Ainsi, l'adaptation posologique est d'autant plus déli-
cate que la pente E/D est raide et donc que de faibles variations de posologie
induisent de fortes variations d'effets, y compris létaux (figure  1.9). On sait
qu'en toxicologie la dose létale ou la dose toxique aiguë n'ont généralement pas
la même pente que l'effet clinique recherché [15, 17, 18].

Effets indésirables graves, rares et retardés


La création de la pharmacovigilance a correspondu à l'observation que de nom-
breux médicaments pouvaient, dans des circonstances variables et relativement
rares, donner des effets indésirables graves alors qu'ils étaient censés améliorer
l'état de santé du patient. Ces situations, finalement nombreuses, sont générale-
ment plus complexes que la simple toxicité aiguë et immédiate !
De ce fait, la pharmacologie a tenté de classer ces effets indésirables graves
liés à l'usage des médicaments pour mieux en préciser les mécanismes. On a
ainsi décrit quatre classes principales d'effets indésirables : A, B, C, D, qui cor-
respondent à des effets de xénobiotiques (généralement le principe actif et/ou
30   Aspects généraux

de ses métabolites — connus et inconnus — plus rarement des excipients…).


Sommairement, les quatre grandes classes d'effets indésirables graves sont :

Effet de type A
Ces effets indésirables « attendus » sont directement en rapport avec les proprié-
tés pharmacologiques des principes actifs (somnolence sous benzodiazépine,
hémorragie sous héparine ou antivitamine K, constipation sous morphine…).
Ces effets sont dose-dépendants et donc les effets indésirables graves peuvent
être prévenus pour peu que l'on sache doser le principe actif (aminosides, ciclos-
porine A…) ou que l'on dispose d'un test biologique reproductible et sensible
qui représente l'activité pharmacodynamique du médicament (tel l'index de
coagulation INR pour les traitements par antivitamine K ou le temps de cépha-
line activée [TCA] pour les traitements par héparines…). Ces effets attendus
peuvent être sans rapport avec l'action thérapeutique recherchée, tel l'ulcère
gastroduodénal au cours d'un traitement par l'aspirine. Bien que sans rapport
apparent avec l'effet analgésique ou antihyperthermique, cet ulcère est lié au
mécanisme d'action : les AINS en bloquant les cyclo-oxygénases inhibent aussi
le transfert luminal des ions H+ au niveau gastrique puisque celui-ci dépend
des prostaglandines. Donc, même en cas d'effet dose-dépendant, ce n'est pas
toujours le dosage du principe actif dans le sang qui apporte l'explication d'un
effet indésirable mais la preuve objective (et si possible quantifiée) d'un méca-
nisme cellulaire ou moléculaire de réponse du tissu soumis au xénobiotique.

Effet de type B
Ces effets indésirables « bizarres » ne sont pas liés à la dose et sont dits idio-
syncrasiques, donc principalement liés à la personnalité biologique du patient ;
c'est le cas de certains chocs allergiques (par exemple aux curares au cours
d'une anesthésie générale et cela même en l'absence de sensibilisation anté-
rieure). C'est également le cas de l'hyperthermie maligne sous neuroleptiques.
Ces effets idiosyncrasiques se retrouvent aussi dans des cas d'hépatites subai-
guës mortelles telles celles observées à la fin des années 1970 avec l'acide val-
proïque. Si ces effets sont rares (leur trop grande fréquence aurait amené un
refus d'AMM) leur survenue est souvent dramatique, ce qui conduit à recher-
cher des tests de dépistage pour des sujets à risques ou des signes de toxicité
d'organe à un stade de réversibilité, donc en début de traitement.

Effet de type C
Ces effets indésirables sont liés à une imprégnation continue ou discontinue et
durable. On observe soit un cumul dans le temps d'un effet indésirable infra-
clinique et initialement discret, soit une adaptation de l'organisme qui va deve-
nir tolérant au médicament — source d'augmentation des doses — puis de
dépendance… Celles-ci sont classiques avec les psychotropes (alcool, cannabis,
opiacés…). En fait, elles sont aussi d'origine organique : asthme et corticodé-
pendance, diabète insulinodépendant et prise de poids, risque de convulsion et
arrêt brutal d'une benzodiazépine, même chez un sujet non épileptique !
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   31

Effet de type D
Ces effets indésirables surviennent après un délai de latence. La reconnaissance
de la causalité est souvent établie après des décennies d'AMM. Ce fut le cas
pour les anthracyclines et l'insuffisance cardiaque retardée — souvent létale
— observée avec cette famille de médicaments. Ce sont aussi les cancers après
chimiothérapie, ou après immunosuppression prolongée imposée par une greffe
d'organe. L'adoption de mesures préventives est obtenue après des études lon-
gues et délicates qui permettent de déterminer des posologies maximales cumu-
lées. Parfois, l'effet est plus discret du fait d'un bruit de fond physiologique
(ostéoporose après corticothérapie à faible dose) ou plus ou moins aléatoire
comme la cataracte après corticothérapie…
Globalement, on remarquera que les classes A et C correspondent plutôt à
des effets dose ou temps-dépendant, équivalent aux effets non stochastiques
des radiations ionisantes alors que les effets B ou D paraissent liés au hasard et
seraient de type stochastique.
Un point clé est donc de déterminer si les effets toxiques E/D sont parallèles
aux effets thérapeutiques recherchés. Ceci n'est pas toujours le cas : ainsi, dans
l'exposition aux morphiniques, beaucoup d'effets bénins sont dose-dépendants
tout comme l'effet analgésique et sédatif ; leur gamme d'effet clinique s'étend
sur un ordre de grandeur environ. En revanche, la dose létale chez le Rat ou la
Souris montre une pente quasi verticale entre la létalité 0 % (à 100 mg/kg et la
létalité 100 % (pour 200 mg/kg).

Exploration toxicologique : doser les xénobiotiques


ou valider des marqueurs précoces
de la souffrance tissulaire ?
En toxicologie aiguë
Souvent, c'est la mesure des xénobiotiques et de leurs métabolites actifs dans
les organes sensibles et dans le sang qui permettent de corréler une sémiologie
ou un décès à une concentration définie comme toxique. Les études cliniques,
par recoupements et compilations de cas, permettent d'établir une dose létale
usuelle. Des concentrations toxiques observées chez des animaux de labora-
toire permettent de valider les doses minimales létales et des courbes de létalité
dont on retient au moins la DL 50 (dose létale pour 50 % des animaux). En
revanche, entre les concentrations sanguines et la dose toxique cliniquement
établie, la corrélation n'est bonne qu'en cas d'intoxication simple, c'est-à-dire
par un produit unique et pour une sensibilité de l'hôte non modifiée (pas de
désensibilisation ou de pharmacotolérance ; pas d'agent de potentialisation de
l'agent toxique).
Notons aussi que pour les populations exposées à des toxiques profession-
nels on établit des normes, extrapolées d'études animales et comportant un
coefficient de sécurité, à partir duquel on légifère ensuite sur l'exposition de
32   Aspects généraux

la ­population générale, de telle sorte que celle-ci ait encore un risque signifi-
cativement moindre d'intoxication aiguë ou chronique [17]. Les progrès des
connaissances et la présence d'associations militantes montrent que dans tous
les domaines scientifiques et techniques, les mesures préventives vont croissant
ce qui n'est pas sans poser des problèmes de coût, du moins dans les pays éco-
nomiquement développés et démocratiques…

En toxicologie chronique
Un enjeu majeur de la toxicologie et de la pharmacologie appliquée à la théra-
peutique médicale est de trouver des marqueurs pronostiques qui soient fiables
et sensibles, faciles à mettre en œuvre et qui, appliqués à grande échelle, font
preuve d'efficacité en permettant d'arrêter à temps l'exposition, que celle-ci
soit iatrogène ou qu'elle soit liée à l'environnement professionnel ou ancillaire.
De nombreux marqueurs ont été évalués comme outils diagnostiques d'une
intoxication chronique en dehors du dosage du principe actif lui-même ou
de ses métabolites urinaires ou capillaires. Ainsi, la gamma-glutamyltransfé-
rase (γ-GT) et la transferrine désialylée sont de bons marqueurs de l'alcoolisme
chronique qui ont supplanté le dosage de l'alcoolémie ou la mesure du volume
moyen globulaire, tests peu performants du fait, respectivement, de positivités
trop fugaces et d'une non-spécificité.
Au plan préclinique, la toxicologie a les mêmes préoccupations de détection
précoce, facile et à haut débit des risques toxiques liés à l'usage clinique ou
économique de différents xénobiotiques dont les effets sur la santé doivent être
précisés par des études effet/dose et effet/temps.
On est passé en quelques décennies de l'expertise in vivo — type dose létale
50 % (DL50) — à, l'expertise in vitro, voire in silico, pour simplifier et étendre
les études.

Prévention et détection des altérations cellulaires,


cancérogenèse : devenir à long terme des xénobiotiques
D'indéniables progrès ont été effectués durant le siècle dernier d'une part par la
médecine du travail [17], d'autre part par l'amélioration des études précliniques
et cliniques (y compris post-AMM) des médicaments. Les premiers domaines
d'efficience des mesures préventives ont plutôt été réalisés pour les personnes
exposées aux rayonnements ionisants (dosimétrie, recherche d'anomalies chro-
mosomiques sur cellules en métaphase, chromosomes annulaires et microsatel-
lites…). Ceci a permis d'établir des doses limites recommandées pour le public
et pour les professionnels, selon des normes à la fois évolutives et justifiées dites
« ALARA » (as low as readily achievable). Ces dernières décennies, ce sont les
progrès de la biologie moléculaire et cellulaire qui ont permis de faire une meil-
leure analyse d'autres situations telle que l'exposition aux toxiques chimiques
ou biochimiques par l'analyse des transformations cellulaires et la compréhen-
sion de leurs mécanismes tels que le rôle des superoxydes et l'induction de
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   33

catastrophes cellulaires comme l'apoptose post-ischémique quand ce phéno-


mène n'est plus physiologiquement contrôlé.
De la notion ancienne d'adduit aux bases nucléiques après exposition à des
toxiques, on est passé à l'explication de la génération d'erreurs ponctuelles
sur le génome à cause des superoxydes ROS (Reactive Oxygen Species) qui
favorisent l'altération de la guanine (G) en 8OH-G qui va être complémentée
pas une pyrimidine de type T (thymidine) et non C (cytosine) introduisant à
la duplication suivante une adénosine (A) ce qui entraîne donc une mutation
ponctuelle d'un couple G-C en A-T. Certes, notre génome comporte des sys-
tèmes de détection et de réparation des anomalies de copie de l'ADN, mais ces
systèmes sont saturables et donc débordés en cas d'afflux de superoxydes. Là
encore, nous possédons un capital d'enzymes chargées de contrôler et de modu-
ler les superoxydes (figure 1.10).
Ils sont toutefois totalement débordés en cas d'anoxie ou d'ischémie sévère —
raison pour laquelle, par exemple, on doit faire des désobstructions précoces des
coronaires ou des artères cérébrales par des fibrinolytiques qui, utilisés à temps,
vont diminuer ou supprimer la zone dite de « pénombre » où les cellules souffrent
et s'intoxiquent par les superoxydes et les vagues calciques. Dans ces cas, les souf-
frances cellulaires induisent des dysfonctionnements des mitochondries qui une
fois déprotégées de leurs protéines de type Bcl-2 voient leur potentiel membra-
naire s'effondrer et conséquemment le cytochrome C se répandre dans le cytosol
où il va activer des caspases responsable in fine de la fragmentation de l'ADN
(figure  1.11). En fait, après quelques heures d'ischémie, suite à la production
de superoxydes, apparaît également une inflammation aiguë qui renforce les

Réaction de Haber-Weiss : réaction de H2O2 avec lanion superoxyde


catalysée par Fe3+

Fe3+
O2•- + H2O2 → OH• + OH− + 1O2

Réaction de Fenton : scission homolytique de H2O2


catalysée par Fe2+

Fe2+ Fe3+

H2O2 → OH• + OH−

Figure 1.10. Formation et catabolisme des superoxydes.


Les espèces réactives de l'oxygène (ROS) peuvent être formées par l'anion superoxyde
(O2•–), dont la source endogène principale (75 %) est la chaîne respiratoire mitochondriale.
Des sources exogènes existent : les radicaux libres dans le cycle rédox avec O2 qui forment
du peroxyde d'hydrogène (H2O2) ; la dismutation de O2•–(réaction d'Haber-Weiss) est
une oxydoréduction entre deux molécules de même nature ; la dismutation, elle, peut être
spontanée ou catalysée par les superoxydedismutases (SOD). La réaction de Fenton est
inverse de la dismutation.
34   Aspects généraux

Signalisation Signalisation
intrinsèque extrinsèque Récepteurs à dépendance
(Dommages de I'ADN,
anticancéreux
Privation de cytokines) CD95L, TNFα,
TRAIL Ligand DCC UNC5H1 RET1 Ptc1
Mitochondrie Récepteur
Membrane
FADD Adaptateur
Bid DIP13α Casp-3
Casp-3

Bcl-2 DISC NRAGE


Casp-3 Casp-3

Procaspase-8
Casp-3
tBid
Cyt c caspase-8 active

Procaspase-3

Apaf-1
Caspase-9
Apoptose
Cascade d'activation
Apoptosome caspase-3
des caspases
active

Figure 1.11. Régulation de l'apoptose par les protéines Bcl-2


(d'après Ségal-Bendirdjian [22]).
Dans les cellules non apoptotiques, les membres pro-apoptotiques de la famille Bcl-2
(Bax, Bak) sont inhibés par les membres anti-apoptotiques (Bcl-2). En l'absence de cette
protection, les mitochondries vont perdre leur potentiel (et donc leur capacité énergétique)
et laissent diffuser le cytochrome C qui va activer les caspases (cystéinyl-aspartate
protéases), dont la cascade de réactions aboutit à l'activation des endonucléases qui
assurent la cassure internucléosomale de l'ADN. Une deuxième voie de l'apoptose passe
par l'activation de récepteurs (FAS et récepteurs du TNF surtout) qui, en présence de leur
ligand, activent par phosphorylation des voies de transduction du signal, dont la voie des
caspases-8 et -3, aboutissant in fine à la coupure de l'ADN.

voies pro-apoptotiques via des récepteurs du TNF et autres apparentés tels que
FAS. Une fois activés, ces récepteurs stimulent des cascades de transduction qui
activent à leur tour les endonucléases et la voie des caspases (figure 1.11).
En cas d'intoxication chronique, des mutations ponctuelles peuvent aussi
être induites par des éléments traces comme l'aflatoxine (figure  1.12), qui
constitue un modèle de toxine inductrice et promotrice de tumeurs. Une alter-
native à cette survie avec mutations cumulatives jusqu'à la cancérisation est là
aussi l'apoptose et/ou l'autophagie, donc des voies qui précipitent les patholo-
gies dégénératives liées à l'âge [18–23].
Au niveau cellulaire, la compréhension de la cancérisation a progressé à pas
de géant en deux générations ! Si les critères anciens de la cellule cancéreuse
restent vrais (c'est-à-dire prolifération non contrôlée, cellules monstrueuses avec
anomalies du rapport nucléocytoplasmique, mitoses anormales), on a atteint de
nouvelles cibles clés dans la pathophysiologie. Ceci a rapidement débouché
sur des mesures préventives (par exemple, chirurgie d'exérèse précoce en cas
de mutations inactivatrices germinales de gènes oncosuppresseurs tels que RB
et P53) et de nouvelles indications thérapeutiques sur des facteurs de crois-
sance bien établis (recherche de mutation des récepteurs de l'EGF (Epidermal
Growth Factor) pour l'indication d'anticorps monoclonaux bloquant les récep-
teurs de l'EGF ou des inhibiteurs des tyrosine-kinases, qui sont leur mode de
transduction du signal [24–26].
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   35

O O

O Aflatoxine B1 : mycotoxine produite par Aspergillus flavus


dans l'alimentation (céréales : cacahuètes ...)
un des plus puissants cancérogènes connus
O O OCH3

CYP450
O O

O
Aflatoxine B1 8,9-époxyde
O
O O OCH3

GST Liaison covalente à I'ADN

Aflatoxine B1 glutathion-conjugué O O
INACTIF
O
OH Cancer
O foie, rein
HN N O O OCH3

H2N N N

Adduit aflatoxine N7-guanine

Figure 1.12. Mécanisme de la toxicité chronique.


Exemple de mécanisme d'une toxicité d'origine métabolique : l'aflatoxine génère
des adduits, inducteurs/promoteurs de cancer.

Explorations différentielles de la toxicité aiguë


et de la toxicité chronique
Elle dépend du xénobiotique, de l'espèce animale étudiée ou en pathologie
humaine des caractéristiques de la population (enfants, sujets âgés…) et de la
question posée : toxicité immédiate et donc à dose massive ou toxicité chronique
et alors de quel type et par quelle voie biologique et pour quel objectif préventif !

Exemple de la toxicité aiguë des champignons


Un exemple classique de toxicologie aiguë est l'intoxication par des champignons.
La sémiologie de ces intoxications est souvent riche mais survient de manière
retardée et le plus souvent s'accompagne d'une aggravation clinique voire de
mortalité alors que les toxines ne sont plus circulantes (figure 1.13).
Ce type d'intoxication est donc intermédiaire entre le coma au psychotrope
— dose- et concentration-dépendant — et l'intoxication à bas bruit, inductrice
de modifications cellulaires délétères (par exemple, l'aflatoxine, figure 1.12).
À titre d'exemple, nous citerons les toxicités de Gyromitria esculenta et de
son principal agent toxique la gyromitrine [27]. Alors que la sémiologie des
intoxications aiguës par les champignons est protéiforme (figure 1.11), la toxi-
cité de la gyromitrine est essentiellement hépatique avec une DL50 extrapo-
lée des études expérimentales et cliniques à 20–50 mg/kg de gyromitrine chez
l'adulte et 10–30 mg/kg chez l'enfant.
36   Aspects généraux

Courte pérlode de latence


1 Troubles psychiques, Syndrome psilocybien
genres
gastro-intestinaux, ou affectant
Psilocybe, Panaeolus...
le métabolisme général.
Syndrome panthérinien
A manita muscaria,
A. pantherina...
Actions to xiques potentielles
4 (cas cliniques non décrits) Syndrome muscarinien
genres
Inocybe, Clitocybe...

Période de latence intermédiaire


2 Lésion réversible
Syndromes coprinien
Métaux lourds des organes Coprinus atramentarius,
C. comatus...

Composés hydraziniques Syndrome orell ani en Syndromes divers


Cortinarius orellanus, Boletus satanas,
C. speciosissmus... Mycena pura...

Syndrome gyromitrien Syndrome paxillien


Gyromitra esculenca. Paxillus in volutus...
G. gi gas
et cetain Helvella...

Lésions irreversibles Syndrome phalloidien


Am anna phaw orders,
des organes etc cetain
3 Leprota et Gaterma...

Longue période de latence

Figure 1.13. Variabilité de la sémiologie et de la toxicité d’organe ou globale


selon les délais d’observation des intoxications aux champignons.
(In : Michelot D. Les intoxications par Giromitraesculenta,
http://www.webatoll.com/champignons/toxicomodele/esculenta_3.htm.)

De la toxicité aiguë à l'exposition chronique : quels mécanismes


cellulaires ?
Au vu de ces toxicités mycologiques complexes, certains chercheurs ont entre-
pris des études de toxicité chronique sur les toxines des champignons [27].
Ces recherches restent délicates car elles sont très dépendantes de l'espèce, de
la dose d'exposition et cela dans un contexte qui paraît peu extrapolable à
des habitudes de consommation chez l'homme. On retiendra néanmoins que
ce sont ces études expérimentales qui ont démontré que ce sont des métabo-
lites de la gyromitrine, le MMH (N-monométhylhydrazine) et le MFH (méthyl-
N-formylhydrazine), qui sont responsables de la toxicité chronique et du risque
de cancérisation à terme. La sensibilité d'espèce est illustrée par l'administration
de gyromitrine à des lapins et des poulets et à des doses variant de 0 à 5 mg/kg
par jour pendant 90 jours. Chez le Lapin, on observe des atteintes tubulaires
rénales, alors que sur le poulet, réputé plus sensible, ces altérations concernent
le muscle cardiaque et le parenchyme hépatique. Enfin, seules les études à long
et très long termes ont montré une action cancérigène via l'hydrazine et des
dérivés hydraziniques de G. esculenta. Ainsi, l'hydrazine et le sulfate de MMH
accroissent de façon significative l'apparition de tumeurs des poumons chez la
Souris, en raccourcissant leurs temps de latence. L'administration quotidienne
d'une solution de MMH (à 0,01 %) à des hamsters, ou de MFH à la souris et à
des hamsters conduit aussi à la formation de tumeurs du foie, du cæcum, de la
vésicule et des canaux biliaires.
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   37

On constate là toutes les difficultés à prouver l'innocuité pour l'Homme


et les autres espèces d'un xénobiotique nouveau et produit de manière indus-
trielle ou concentré dans un environnement particulier du fait de son usage
ou de la chaîne alimentaire qui va amener certaines espèces à concentrer des
produits chimiques pour lesquels en usage aigu elles ont été testées comme
« insensibles », alors qu'en intoxication chronique ces toxines les exposent à
diverses toxicités d'organes ou des risques de cancers. L'exemple classique
des insecticides et en particulier du DDT — accumulé chez les poissons puis
les oiseaux du fait de la chaîne alimentaire — a été entendu et, de manière
croissante, des préoccupations réellement écologiques ont permis de faire
des études systématiques de retentissement sur l'espèce humaine et les autres
formes d'organismes vivants des expositions faibles mais chroniques à des
produits fabriqués par l'Homme et répandus progressivement dans la nature.
Bien entendu, ces préoccupations posent de nouveaux problèmes : Qui doit
financer les études ? Jusqu'à quelles limites doit-on les poursuivre ? Quels
sont les seuils d'extrapolation raisonnables qu'on peut tirer des expériences ?
[17–34]…
En matière de médicament, on sait qu'actuellement les laboratoires phar-
maceutiques ne s'intéresseraient pas à commercialiser l'aspirine vue sa toxicité
aiguë, la multiplicité de ses cibles biologiques et la molarité élevée nécessaire
pour obtenir ses principaux effets pharmacologiques historiques : l'apyrexie
et l'analgésie. Le paracétamol pourrait avoir le même sort quand on connaît le
nombre des intoxications volontaires observées chaque année, avec les risques
d'hépatites mortelles qu'elles font encourir si l'antidote de référence, l'acétyl-
cystéine, qui reconstitue le glutathion salvateur, n'est pas donné à temps [28].
On aurait également beaucoup de mal à imposer l'acide valproïque comme
antiépileptique de référence du fait d'hépatites mortelles idiosyncrasiques de
pathophysiologie incertaine [29–31]. Mais, bien qu'il s'agisse d'un effet idio-
syncrasique, touchant surtout de jeunes enfants en début de traitement, on a
pu entre-temps trouver des marqueurs sensibles, simples et bon marché (tran-
saminases, TP, fibrinogène) qui permettent d'éviter l'hépatite fatale [33]. Le
« syndrome de précaution » induit lui-même un risque : celui de ne rien tenter
et de ne plus innover [34, 35].
Le paradoxe est que les principaux toxiques de notre environnement quo-
tidien, l'exposition au tabac et à l'alcool, induisent des risques nombreux et
bien connus (dont des cancers, et pathologies cardiaques et vasculaires…). Tous
ces effets « attendus » de mécanisme démontré — et qui coûtent si cher tant
aux caisses d'assurance-maladie qu'aux individus consommateurs — n'ont pas
amené de changement majeur des comportements collectifs… Cette contradic-
tion entre la toxicité établie mais négligée et la recherche toujours plus poussée
de motifs de ne pas s'exposer à des toxiques nouveaux ou redoutés (produits
radioactifs, nouveaux médicaments…) montrent que l'être humain n'est pas
que de raison et que, sous la pression de certains médias ou groupes socio-
logiques, on permet de vilipender des toxiques faibles tout en laissant faire
la consommation de toxiques majeurs, en particulier chez les jeunes qui par
38   Aspects généraux

essence sont s­ ensibles aux idées à la mode et à promouvoir ce qui peut les sin-
gulariser face aux traditions et habitudes mais aussi face aux statistiques et pro-
nostics à terme auxquels ils sont, par nature, insensibles.

Variabilité des effets


Nous ne ferons qu'énumérer quelques items majeurs des sources de variabilité
des réponses à un xénobiotique quelconque. Il y a parmi ces facteurs :
• des causes liées aux médicaments/xénobiotiques : d'ordre cinétique et dyna-
mique ;
• des causes liées à la population cible et en particulier à des populations répu-
tées fragiles ou susceptibles d'effets indésirables graves particuliers : les femmes
enceintes, les nouveau-nés et nourrissons, les sujets âgés et les malades atteints
d'une tare viscérale connue (insuffisance rénale, hépatique, cardiaque…) ;
• des causes génétiques (cf. chapitre 3) ;
• enfin, point particulier pour les psychotropes et les agents dopants qui
induisent abus, dépendance et détournements.

Variations d'effet des médicaments


Physiologiques :
• selon la population à traiter : enfants (le nouveau-né est immature, le nourrisson
métaboliseur rapide), femmes enceintes, sujets âgés (pathologies multiples, incom-
préhension…) ;
• selon le type de médicaments : les antimitotiques donnent des aplasies médullaires ;
hors cancer, les néphrotoxiques sont dangereux du fait d'une baisse progressive de la
clairance rénale avec l'âge (à estimer par les formules de Cockcroft ou MDRD).
Particularités liées à la maladie :
• mauvaise résorption digestive (par exemple, en cas d'insuffisance cardiaque) ;
• excès de résorption d'un antiseptique cutané toxique par une peau déjà lésée ;
• troubles trophiques et de l'homéostasie (maladie de Basedow, hypokaliémie…).
Pharmacocinétiques par interaction médicamenteuse du fait que le patient a plu-
sieurs pathologies et que chacune d'elle doit être traitée (modification des paramètres
ADMET, dont la liaison aux protéines et les modifications métaboliques [induction
de CYP ; inhibition de la CYP3A4 par les macrolides, antifongiques azolés, ritonavir et
apparentés]).
Pharmacodynamiques du fait de modifications de la réponse au médicament, ces
variations peuvent être liées à des interactions pharmacodynamiques (potentialisa-
tion ; antagonisme ; convergence ou divergence de signaux cellulaires…), ainsi qu'à
des régulations à court terme (désensibilisation, séquestration de récepteurs) ou à
moyen terme (mitose et hyperplasie ; apoptose et sénescence…).
Variations génétiques : souvent unimodales avec étalement d'une courbe de Gauss
ou bimodale (bons et mauvais répondeurs : exemples de la CYP2D6 — déméthyla-
tion des opioïdes —, des acétyleurs lents de l'isoniazide…). Ces causes génétiques
concernent pour l'instant la variabilité du métabolisme des médicaments et donc
peuvent être la source de surdosages médicamenteux (toxicité, exemple des antivita-
mine K) ou de sous-dosages (inefficacité).
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   39

Modifications d'ordre pharmacocinétique


et pharmacodynamique
Variations pharmacocinétiques
Elles sont elles-mêmes multiples et doivent être recherchées selon chacun des
items « ADMET » :
• troubles de la résorption : pour les médicaments per os, on citera les modi-
ficateurs du pH gastrique et de la motricité intestinale ; on se souviendra aussi
du rôle de certains aliments tels que le lait qui, riche en calcium, peut chélater
certains médicaments dont les tétracyclines… ;
• modifications de la distribution : ce chapitre est plus complexe et on ne
pourra que rappeler des éléments essentiels ;
• modifications du métabolisme ; on retrouve là les inductions et inhibitions
enzymatiques et en particulier celles des CYP. Dans un contexte général ou
le polymorphisme des CYP entraîne naturellement une importante variabilité
du catabolisme des xénobiotiques [36], l'adjonction d'un second médicament
à une monothérapie expose à de bien plus grandes variations si cette seconde
molécule est inductrice ou inhibitrice d'une CYP (tableaux 1.1 et 1.2). En pra-
tique, la CYP3A4 assurant environ 50 % du catabolisme des xénobiotiques
ce sont surtout les inducteurs et inhibiteurs de celle-ci (tableau 1.2) qu'il faut
reconnaître et dont il faut tenir compte dans les prescriptions en particulier
pour les bloqueurs de CYP3A4 avec des substrats métabolisés à plus de 80 %
par cette CYP. On se reportera utilement aux ouvrages de pharmacologie cités
pour appréhender les nombreuses situations cliniques que l'on peut rencontrer
où des interactions majeures entraînent des échecs de traitement ou des surdo-
sages toxiques. Rappelons que dans les cas de doute sur l'inefficacité ou la toxi-
cité d'un ou plusieurs médicament(s) les dosages de ceux-ci sont d'une grande
utilité (et d'un coût modeste !) ; ils sont particulièrement indiqués quand on est
en présence de polythérapies avec des inducteurs et des inhibiteurs de CYP ou
quand on a un fort doute sur l'observance d'un traitement essentiel ;
• modification de l'élimination ; on retrouve là les altérations de la fonction
rénale soit liées à l'âge soit dues à des pathologies chroniques soit, enfin,
­induites et renforcées par certains médicaments, dont les anti-calcineurine.
Cette néphrotoxicité devrait être détectée plus précocement grâce à de nou-
veaux marqueurs rénaux [37].

Cas du déplacement de xénobiotiques liés aux protéines


Quand on associe un deuxième médicament qui se lie très fortement à certaines
protéines plasmatiques et que le premier médicament est aussi très lié aux
mêmes sites protéiques on peut observer une brutale augmentation de la frac-
tion libre (donc efficace ou toxique) du premier médicament. Conséquemment,
des signes de surdosage temporaire apparaissent alors que paradoxalement la
concentration plasmatique totale aura chuté après l'association. Néanmoins, le
40   Aspects généraux

retentissement clinique, en termes d'interaction médicamenteuse reste générale-


ment négligeable car l'excès brutal de la fraction libre est rapidement compensé
par d'autres mécanismes de diffusion ou d'épuration. On doit néanmoins pen-
ser à ce type d'interaction quand se surajoutent des mécanismes pharmacody-
namiques de toxicité.

Un exemple de risque iatrogène


La prise d'anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) au cours d'un traitement par
antivitamine K entraîne un déplacement de ce médicament de ses protéines por-
teuses, ce qui va accroître son effet de blocage des carboxylations des facteurs de
coagulation vitamine K-dépendants (II, VII, IX, X). Compte tenu de la demi-vie de l'anti-
vitamine K — selon le type, de 8 à 40 heures, en moyenne — et de la durée de vie de
ces protéines de coagulation cibles (7 à 36 heures) ce n'est que 1 à 3 jours plus tard
que se manifestera l'effet renforcé de l'antivitamine K par l'augmentation temporaire
de l'INR voire un saignement clinique ; à ce terme l'effet antiplaquettaire de l'AINS sera
lui aussi maximal (inactivation irréversible de la thromboxane synthase plaquettaire).
Ces deux phénomènes conjugués exposent à un risque d'accident hémorragique
majeur pendant quelques jours !

Populations particulières
Femmes enceintes
Pour les femmes enceintes ou — mieux — en âge de procréer, l'exposition aux
xénobiotiques est fonction du toxique en cause et de la fenêtre de sensibilité de
l'embryon ou du fœtus.

Risque de stérilité
Une séquelle classique d'une chimiothérapie anticancéreuse chez une enfant ou
une jeune femme est une stérilité par destruction des ovocytes. De nos jours, on
propose à ces jeunes femmes et adolescentes une conservation d'ovocytes pré-
levés avant ces chimiothérapies lourdes.

Pendant les 10 jours qui suivent une fécondation


Chaque « blastocyte » peut involuer (fausse couche ultra-précoce ou pseudo-
stérilité) ou répare ; c'est la loi du « tout ou rien ».

Du 10e jour à la 10e semaine


C'est la période embryonnaire pendant laquelle le risque « dysmorphogéné-
tique » ou « tératogène » est maximum, car c'est la période de différenciation
des diverses ébauches de l'embryon.

Au-delà de la 10e semaine après la conception


Les risques sont plus focalisés (exemple des aminosides, qui peuvent altérer le
développement de l'oreille interne).
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   41

Le cerveau dont les mitoses neuronales persistent jusqu'à la naissance reste


un organe fragile à certains médicaments, (mais aussi rayons X, à l'alcool, et
à tous les psychodysleptiques ainsi qu'à certains agents infectieux : rubéole,
CMV, divers parasites dont les toxoplasmes).

Effets « de seconde génération »


Des risques d'effets indésirables sur la seconde génération ont été prouvés avec
le Distilbène® (diéthylstilbestrol) sous forme d'adénose vaginale et de cancers
du vagin chez les jeunes filles qui ont été exposées pendant la grossesse.

Enfants
Chez le nouveau-né
On retiendra l'immaturité de certains métabolismes dont les déméthylases à la
naissance, ce qui peut aboutir à des surdosages en caféine compliqués de convul-
sions lors de prescription de théophylline sans contrôles sanguins. L'immaturité
de la phase II du catabolisme des médicaments peut se révéler par un ictère néo-
natal [38] ; celui est à bilirubine libre, et peut devenir hautement toxique si le
traitement immédiat est négligé.

Chez le nourrisson
Variations d'ordre cinétique
Contrairement au nouveau-né, le nourrisson et les jeunes enfants sont des
hypermétaboliseurs. La posologie de leurs traitements doit être adaptée à leur
poids ou, mieux, à leur surface corporelle [39–42].
Variation d'effets d'ordre pharmacodynamique
La susceptibilité aux psychotropes est généralement grande. Retenons
que, pour les morphiniques, il y a une contre-indication jusqu'à l'âge de
30 mois.

Chez le grand enfant et l'adolescent


On manque généralement d'études ciblées sur la toxicité immédiate et à terme
des xénobiotiques même si d'indéniables efforts ont été faits au plan phar-
macoépidémiologique depuis 10 ans [43]. Très sommairement, on devrait
retenir le contraste entre une résistance forte de l'organisme à la toxicité
aiguë et, à l'inverse, une plus grande susceptibilité aux inducteurs et pro-
moteurs de cancer (par exemple, risque lié au tabagisme précoce) et aux
modifications comportementales définitives induites par les stupéfiants et
même plus largement par toute molécule objet d'abus ou d'excès (ivresses
pathologiques, obésité par suralimentation, etc.). Enfin, ce sont générale-
ment de jeunes enfants qui souffrent de maladies rares et pour celles-ci nous
ne disposons bien souvent que de médicaments orphelins. La connaissance
des réponses cinétiques et dynamiques aux traitements dans chacune de ces
maladies pose souvent des problèmes qui impliquent de se référer aux spé-
cialistes de ces affections [44].
42   Aspects généraux

Personnes âgées
Deux problèmes dominent :
• la polythérapie du fait d'affections multiples ou de la nécessité de traiter plu-
sieurs facteurs de risque comme dans le syndrome métabolique (hypercholesté-
rolémie, diabète, hypertension…) ;
• l'altération progressive de la fonction rénale d'élimination des xénobiotiques
(évaluées par la formule de Cockroft ou plus précisément par le MDRD), tout
en sachant que la variabilité interindividuelle des clairances s'accroît nettement
avec l'âge [45].
Outre les nombreuses situations d'interactions pharmacocinétiques (induc-
tion ou inhibitions enzymatiques, déplacement de fractions liées), les sujets
âgés ont aussi des susceptibilités métaboliques et pharmacodynamiques parti-
culières, d'autant qu'ils souffrent de diverses pathologies [46].
Les variations d'ordre pharmacodynamique — délai de réponse, index de
sécurité (rapport entre les doses efficace et toxique) — sont également l'objet de
nombreuses variations liées à l'âge. Globalement on observe souvent une modi-
fication mixte dite « PK-PD » (pharmacocinétique et pharmacodynamique) car
touchant à la fois les vitesses de métabolisation et d'élimination d'une part et la
réponse des récepteurs d'autre part.
À noter que ces modifications touchent aussi des sujets d'âge moyen en bonne
santé. Dans une étude récente de prise unique d'un hypnotique classique chez
des personnes de plus de 55 ans, en bonne santé et indemne de toute consom-
mation médicamenteuse, nous avons observé des anomalies du comportement
de conduite automobile en situation monotone au lendemain de la prise non
seulement le matin mais jusqu'en milieu de journée, en particulier avec le zolpi-
dem [47]. Une forte proportion de ces sujets avait des concentrations élevées de
l'hypnotique dans le sang lors des deux mesures sanguines avant et après le test
de conduite ; pour ces personnes bien portantes, les T½ atteignant ou dépassant
le double des valeurs publiées chez les sujets jeunes…

Variations d'origine génétique de la réponse


ou du métabolisme des xénobiotiques
Cf. chapitre 3.

Variations liées à des pathologies


Elles sont évidemment très nombreuses. Certaines sont d'origine iatrogène et
ont un retentissement direct sur la résorption des xénobiotiques. C'est le cas
lors de l'altération de la flore intestinale après antibiothérapie qui en consé-
quence modifie le cycle entéro-hépatique des médicaments glucuronoconjugués.
La perte de principe actif peut aussi être liée à un geste chirurgical ; c'est le cas
lors d'un drainage biliaire externe postopératoire : les médicaments à forte éli-
mination biliaire (par exemple, la ciclosporine A) ont une cinétique très altérée
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   43

(concentration sanguine très abaissée donc risque de rejet après transplantation


hépatique). On décrit également de nombreuses altérations du métabolisme des
médicaments en cas de pathologie hépatique sévère ou même modérée [48].
Si le suivi thérapeutique pharmacologique s'est grandement accru et amélioré
en qualité ces dernières décennies, on reste néanmoins dans l'attente d'études
pharmacoépidémiologiques ou d'évolutions cliniques à long terme avant de
connaître les concentrations thérapeutiques à recommander pour une situation
donnée et pour une évolution à long terme. Ainsi, la ciclosporine A, qui a été le
médicament le plus contrôlé a été l'objet de recommandations changeantes au
fil du temps ! En consultant les valeurs recommandées, on constate qu'en 20 ans
on a divisé par deux les concentrations résiduelles souhaitées pour cette anti-­
calcineurine. On manque donc d'autres critères pour ajuster de manière opti-
misée et individualisée la posologie. Outre d'éventuels dosages dans la cellule
cible (ici le lymphocyte), peut-on rechercher sur l'organe cible de la toxicité —
le rein — des signes précoces de souffrance ? L'étude récente de Klawitter et al.
[37] chez des sujets sains montre qu'une prise unique de ciclosporine A suffit à
induire des changements sensibles dans l'urine, prédictifs de souffrance rénale.

Variabilité des conséquences de l'usage


de psychotropes ou d'agents potentiellement
dopants : des causes d'abus, de dépendance
et de détournements
Ces xénobiotiques particuliers que sont les psychotropes et agents dopants ont
un devenir particulier puisqu'ils favorisent leur autoconsommation, l'accrois-
sement des doses et/ou des reports sur des substances donnant des effets simi-
laires (autosubstitution) : par exemple à la « guérison » d'une dépendance au
cannabis peut faire suite un alcoolisme grave ou des épisodes d'alcoolisation
intense (binje alcoholism). De même, l'héroïne peut être spontanément rempla-
cée par des abus massifs de codéine…
Les psychotropes et agents dopants sont l'objet de nombreux mésusages,
sur des populations à risque (adolescence, perte de l'estime de soi, narcissisme,
pratiques de groupes, etc.). Ceux qui n'ont pas été mis en garde et/ou ceux qui
ressentent les effets de performance ou de plaisir comme apparemment illimi-
tés, et sans risque (ou en les déniant) sont préférentiellement touchés. Très vite,
ils deviennent dépendants puis se marginalisent du fait de leur préoccupation
croissante à l'obtention du produit, véritable attachement de plus en plus pre-
nant (addictum) jusqu'à la désocialisation.
Selon que les effets recherchés seront plus des performances physiques ou un
plaisir psychique, on aura une préférence pour les agents dopants ou les psycho-
tropes. En fait, de nombreux xénobiotiques ont une double action qu'il s'agisse
d'hormones (excitation sous corticoïdes, agressivité sous anabolisants…) ou de
psychotropes (effets euphorisant et antifatigue ou antalgiques de la cocaïne et des
­morphiniques qui tous deux sont intégrés dans le « pot belge » du dopage cycliste…).
44   Aspects généraux

Plus généralement, il y a dans la recherche d'agents dopants une démarche de


performance sur un type d'exercice : pour les sports de force ou de vitesse on
recherche des hormones anabolisantes (stéroïdes anabolisants mais aussi hor-
mone de croissance, insuline [!], etc.). Au contraire, pour favoriser l'endurance,
on utilisera des anorexigènes psychostimulants (amphétaminiques) et l'EPO
qui augmentera la VO2max.
Quant à l'usage de psychotropes de type benzodiazépines, hypnotiques, anti-
dépresseurs sérotoninergiques, voire traitements de substitution des opiacés, ils
se sont banalisés et sont devenus des supports du mal-être. Le patient et le pres-
cripteur (ou le marchand et l'usager…) les croient indispensables pour affronter
les diverses contraintes sociales… En fait, tout cela est prétexte à amplifier des
pratiques de soins déviantes, voire des filières plus ou moins professionnalisées
et des trafics, en particulier avec les traitements de substitution des opiacés qui
se sont surtout « substitués » — plus ou moins ! — à celui de l'héroïne…, ce qui
explique le doublement des prescriptions aux moins de 15 ans.
On ne peut nier que, dans tous ces mésusages, le primum movens est bien le
devenir du xénobiotique qui a induit la consommation déviante car sans l'ef-
fet positif et narcissique il n'y aurait plus d'abus ni trafic ! Quant aux consé-
quences, elles sont lourdes en termes financiers et sociaux : le mésusage d'un
opiacé de substitution — très majoritaire en France — la buprénorphine a
atteint le huitième rang national des coûts de médicaments et s'est accompagné
de nombreux décès du fait de son usage intraveineux, souvent en association
avec des benzodiazépines [49].
Quand de telles pratiques progressent sur quelques molécules, c'est que
leur efficacité (par exemple, EPO et endurance) ou la dépendance induite (par
exemple, buprénorphine + benzodiazépine) ont une forte efficacité organique
et/ou psychocomportementale.
Ainsi, nous avons entrepris des recherches expérimentales sur les modifica-
tions des récepteurs opiacés et du comportement anxieux chez des rongeurs
exposés de manière brève (24 heures) ou prolongée (plusieurs semaines) à la
buprénorphine, à une benzodiazépine (le clorazépate, le plus employé dans ces
mésusages) ou à leur association. Quelles sont les conséquences sur les récep-
teurs et en particulier le récepteur μ de cette association ? Observe-t-on une
désensibilisation et une endocytose comme cela est bien connu pour les mor-
phiniques majeurs (figure 1.14) ?
La quantification des récepteurs opioïdes de type μ (effets des agonistes :
analgésie et dépendance), δ (effets des agonistes : sur les récepteurs périphé-
riques, la coordination psychomotrice, la mémoire) ou κ (effet agoniste :
euphorie, dysphorie sans signe de dépendance) a été faite ex vivo sur coupes de
cerveau de Rat. Comme attendu, la buprénorphine (agoniste partiel μ et anta-
goniste κ et δ) induit une désensibilisation et une régulation négative des récep-
teurs μ et très peu de modifications ou une régulation positive partielle sur les
autres récepteurs opioïdes [50, 51]. L'adjonction de la benzodiazépine permet
de modifier l'affinité et le nombre des sites μ de telle sorte qu'ils restent plus
nombreux et d'une faible affinité [50]. En conséquence, l'usage de fortes doses
de buprénorphine associé à une benzodiazépine permettrait de ne pas subir la
Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   45

recapture Cellule effectrice

agoniste dègradation

α βγ α βγ
P endocytose
couplage P P dépendante
phosphorylation non couplage
de la dathrine
β-arrestine
Lysosome P
P P

recyclage
Vésicule
Endosome d'endocytose
tardif

dégradation
Noyau Endosome
précoce Lysosome

Figure 1.14. Désensibilisation et régulation négative (down regulation).


Régulation homologue des récepteurs soumis à un ligand agoniste (morphine
et récepteur μ des opiacés, par exemple) par désensibilisation et séquestration
des récepteurs (down regulation) :
– perte d'affinité par phosphorylation des parties intracellulaires couplées aux effecteurs
(G protéines) ;
– endocytose et dégradation des récepteurs ;
– absence de renouvellement des récepteurs par régulation négative de la transcription ou
de la traduction.
(D'après Zsürger N., in : Moulin M., Coquerel A., 2002 [5].)

forte tolérance induite par les opiacés classiques. Nous avons ensuite établi,
chez la Souris, que la buprénorphine est anxiogène alors que son association à
une dose faible ou moyenne de clorazépate (donc infra-sédative) supprimait et
même inversait ce comportement anxieux [52]. Finalement, ce n'est que tout
récemment que le groupe de Brigitte Kieffer à Strasbourg a prouvé qu'il y avait
une réelle corrélation entre l'endocytose des récepteurs opioïdes et les modifi-
cations comportementales observées chez l'animal exposé aux opiacés [53]. En
conclusion, on a pu démontrer, par des associations de recherches neurobiolo-
giques et comportementales, que la buprénorphine — opioïde réputé rassurant
par son agonisme partiel μ — induit nécessairement une pulsion de recherche
d'anxiolytique (craving) et que cette même buprénorphine associée aux benzo-
diazépines entraîne une nouvelle dépendance, auto-entretenue, dont le support
est directement lié aux propriétés pharmacodynamiques de cet opiacé agoniste
partiel.
46   Aspects généraux

Conclusion
Si le devenir des xénobiotiques passe nécessairement par des études analytiques
avec, entre autres, des analyses pharmacocinétiques permettant de modéliser la
répartition et le devenir des molécules, nous devons également étudier les varia-
tions des effets selon le terrain et les circonstances d'emploi. De plus, s'inspirant
des techniques de la toxicodynamie, nous devons de manière croissante explo-
rer la mécanistique des effets induits, non seulement au cours d'intoxications
aiguës mais aussi après exposition chronique à des doses modérées ou faibles.
Il est à noter que de nombreux progrès thérapeutiques sont survenus ces vingt
dernières années à la suite d'études à terme des effets des médicaments. On a
prouvé que les hypocholestérolémiants de type « statines » exerçait une action
de prévention à long terme des accidents vasculaires non seulement coronariens
mais aussi vasculaires cérébraux. Les mécanismes de cette protection ne sont
pas encore totalement élucidés et semblent multiples. De même, les antihyperten-
seurs de la famille des inhibiteurs de l'angiotensine convertase et les antagonistes
des récepteurs de l'angiotensine II se sont avérés être des protecteurs cardiaques
qui s'opposent à la déchéance myocardique par distension ventriculaire. Dans
ces deux approches thérapeutiques, ce sont les données cliniques et pharmaco­
épidémiologiques qui ont permis d'établir ces efficacités thérapeutiques à long
terme. En revanche, les deux familles d'antihypertenseurs citées sont de véri-
tables agents tératogènes et/ou fœtotoxiques par une néphrotoxicité tardive
sélective donnant un oligoamnios et une hypoplasie rénale. Les effets de ces
molécules sont donc fondamentalement différents selon les contextes cliniques.
En résumé, étudier le devenir des xénobiotiques c'est les doser, mais c'est
aussi étudier les cascades d'événements qu'ils induisent à court, moyen et long
termes. Cela ira des techniques de biologie moléculaire et cellulaire jusqu'à la
toxico- ou la pharmacoépidémiologie et réciproquement quand l'épidémiolo-
gie donne des résultats inattendus, il faut retravailler avec les techniques bio-
logiques et analytiques pour prouver une toxicité et suspendre un usage (par
exemple, alcool ou tabac et grossesse) ou au contraire promouvoir la prescrip-
tion d'un médicament aux effets préventifs durables. Enfin, si la cancéroge-
nèse et l'attrition par apoptose ou l'accélération de maladies dégénératives sont
déjà des préoccupations des pharmacotoxicologues, il faut aussi y ajouter la
recherche sur les pharmacodépendances.

Remerciements
Les auteurs remercient le Dr Isabelle Dubuc pour ses suggestions et relectures
critiques.

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Devenir d'un xénobiotique dans l'organisme   47

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