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Synthèse Bibliographique

L’épilepsie et son traitement par les


médicaments antiépileptiques

Romain Lignelet

Université de Rennes 1 – UFR SVE


Master 2 Biologie Gestion-Marketing
2010-2011

Tuteur du projet : Pascal BENQUET – Enseignant / Chercheur au CNRS


(Equipe SCANING / UMR6026-CNRS)

Tuteurs universitaires : M.A. Esnault – J.M. Guiraud

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Remerciements

Je remercie mon tuteur de projet, Mr Pascal Benquet, enseignant / chercheur au CNRS pour
m’avoir encadrée tout au long de ce projet, pour son soutien, sa disponibilité et ses précieux
conseils et explications.

Je tiens également à remercier Mme Marie-Andrée Esnault pour tous les conseils donnés lors
de la réalisation de cette synthèse bibliographique mais également pour sa disponibilité et son
soutien.

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L’épilepsie et son traitement par les médicaments antiépileptiques

Parmi les troubles graves du cerveau, celui rencontré le plus fréquemment est l’épilepsie. L’épilepsie,
maladie neurologique caractérisée par une récurrence de crises épileptiques touche près de 3 % de la
population mondiale et environ un individu sur dix est susceptible à un moment ou à un autre de sa vie
de faire une crise. Ces crises sont spontanées et non provoquées, causée par un déséquilibre au niveau
des synapses excitatrice et inhibitrice au sein du cerveau induisant une décharge hyper-excitatrice au
niveau du cortex.
Durant ces dernières années, de nombreux antiépileptiques avec des améliorations de la tolérance et de
la pharmacocinétique on été développé permettant aux patients antiépileptiques d’avoir un traitement
efficace dans 70% des cas. Cependant il reste des patients réfractaires aux médicaments
antiépileptiques et il est nécessaire de pouvoir identifier des composés antiépileptiques encore plus
efficaces. Sera étudier dans cette synthèse, les différentes caractéristiques des épilepsies ainsi que son
traitement par les médicaments antiépileptiques.

Sommaire
Remerciements ........................................................................................................................................ 2
Introduction ............................................................................................................................................. 4
I. L’épilepsie............................................................................................................................................ 5
A. Classification et caractéristiques des crises et syndromes épileptiques.......................................... 5
1. Classification et caractéristiques des crises épileptiques ............................................................. 5
2. Classification et caractéristiques des épilepsies et des syndromes épileptiques .......................... 9
B. Etiologie des épilepsies................................................................................................................. 12
II. Le traitement par les médicaments antiépileptiques ......................................................................... 15
A. Les antiépileptiques existants ....................................................................................................... 15
B. Les mécanismes impliqués dans le traitement antiépileptique ..................................................... 16
1. Les canaux Na+ voltages dépendants......................................................................................... 16
2. Les canaux Ca2+ voltages dépendants........................................................................................ 17
3. Les canaux K+ voltages dépendants .......................................................................................... 17
4. L’inhibition médiée par l’acide gamma-aminobutyrique .......................................................... 18
5. L’excitation médiée par le glutamate ........................................................................................ 20
6. Mode d’action des antiépileptiques au niveau des synapses excitatrices et inhibitrices ........... 21
C. La découverte et le développement de composés antiépileptiques ............................................... 23
Conclusion ............................................................................................................................................. 26
Bibliographie ......................................................................................................................................... 28

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Introduction

Le système nerveux et le cerveau sont des structures biologiques complexes qui en font des structures
très étudiées. Ce sont ces structures qui commandent en partie l’ensemble du corps humain. En effet ces
systèmes coordonnent les mouvements musculaires, contrôlent le fonctionnement des organes,
véhiculent les informations sensorielles et motrices vers les effecteurs et régulent les émotions.
Cependant, parfois ces structures se dérèglent provoquant de nombreuses pathologies du système
nerveux. Parmi ces troubles graves du cerveau, le plus fréquent est l’épilepsie [1]. L’épilepsie est une
maladie neurologique caractérisée par une répétition d’au moins deux crises épileptiques. Ces crises
sont spontanées et non provoquées, causées par un déséquilibre au niveau des synapses excitatrices et
inhibitrices au sein du cerveau induisant une décharge rapide et excessive au niveau du cortex [2, 3].
Les causes sont diverses et l’épilepsie peut survenir à la suite d’un traumatisme d’ordre vasculaire,
tumorale ou toxique en autres, ou peut résulter d’une mutation génétique d’un canal ionique ou bien
d’un gène de neurotransmetteur modifiant l’activité du cerveau [4]. Il existe de nombreuses
manifestations différentes des crises épileptiques, classées par la ligue internationale contre l’épilepsie
(LICE) selon la localisation et la propagation de la décharge électrique. Ce trouble concerne environ
50 millions de personnes dans le monde, soit 1 à 3 % de la population et près d’un individu sur dix est
susceptible à un moment ou à un autre de sa vie de faire une crise d’épilepsie [4, 5]. C’est pourquoi le
traitement de cette maladie est un enjeu scientifique et médical du 21e siècle. Depuis le début des
années 1990, de nombreux nouveaux médicaments antiépileptiques avec une meilleure
pharmacocinétique, une tolérance plus élevé ou encore une diminution des risques d'interactions
médicamenteuses ont été découverts [4]. Ces médicaments antiépileptiques, anciens ou nouvellement
découverts sont efficaces pour 70% des patients atteints d’épilepsie [1]. Cette perpétuelle évolution
dans la découverte de nouvelles molécules capables de contrôler les crises épileptiques est d’une
importance fondamentale pour faire face aux nombreuses formes d’épilepsies présentes.
Dans la première partie de cette synthèse nous effectuerons une vue d’ensemble de la classification et
des différentes caractéristiques des crises et syndromes épileptiques ainsi que les causes de leur
apparition.
Puis dans une seconde partie nous verrons l’évolution de la découverte des antiépileptiques, les

mécanismes impliqués dans leur mode d’action ainsi que les principaux modèles mis en œuvre pour
identifier ces composés.

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I. L’épilepsie

Encore aujourd’hui l’épilepsie reste une pathologie dont on ne connait pas exactement tous les
mécanismes impliqués. De plus il existe différentes formes d’épilepsies et il faut bien différencier une
« crise d’épilepsie » de « la maladie épilepsie » définie par la répétition de crises [1]. Leur
classification est bien précise et peut se faire selon la localisation du siège initial de la décharge
épileptique et de son éventuelle propagation au reste du cortex (crises généralisées ou
partielles/focales), selon les causes d’apparition des épilepsies mais également selon l’âge d’apparition
[2]. Des efforts ont été effectués pour classer les crises et les syndromes épileptiques surtout après le
premier enregistrement de l'électroencéphalogramme de l'homme en 1934. La classification a été
normalisée avec l'adoption de la classification des crises d'épilepsie par la Ligue internationale contre
l'épilepsie (LICE) en 1981, et la classification des épilepsies et syndromes épileptiques en 1989 [6, 7].

A. Classification et caractéristiques des crises et syndromes


épileptiques

1. Classification et caractéristiques des crises épileptiques

Les crises épileptiques sont définies comme des décharges excessives, occasionnelles et soudaines

entraînées par une activité neuronale anormale au sein du cortex cérébral provoquant une altération de
la conscience et qui se manifeste également par des troubles moteurs, sensoriels, cognitifs ou
psychiques [1]. La classification des crises épileptiques différencie les crises généralisées des crises
partielles (Figure 1) et est très importante car chaque type de crise a ses symptômes caractéristiques et
répondent à des traitements spécifiques [2].

Figure 1 : Représentation schématique de la classification des crises épileptiques (d’après Shneker, B.F et
Fountain, N.B, 2003)

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a) Les crises généralisées

Dans le cas de crises généralisées la décharge épileptique anormale est bilatérale et se propage dans
l’ensemble du cortex cérébral (Figure 2). Elles peuvent être principalement généralisées (décharge
bilatérale se propageant à l’ensemble du cortex dès le départ) ou secondairement généralisées
(apparition corticale locale avec une propagation de la décharge bilatérale ultérieure) [1, 2, 7]. Ces
crises se manifestent par une perte de conscience car les neurones corticaux, qui maintiennent la
conscience, ne sont pas en mesure d’effectuer leurs fonctions normales. Ils existent différentes crises
généralisées reconnues par la LICE et souvent caractérisées par des symptômes moteurs ou des
absences d’activité motrice. Ce sont les crises toniques, cloniques, tonico-cloniques, myocloniques,
atoniques ou encore les crises d’épilepsie absence.

Figure 2 : Représentation schématique de la propagation de la décharge épileptique au sein du cortex cérébral


lors de crise d’épilepsie généralisée.

 Les crises toniques :

Les crises toniques se manifestent en premier lieu par une perte de conscience qui peut provoquer une
chute, mais également par une rigidité musculaire généralisée et soutenue qui contracte tous les
muscles du corps et du tronc et souvent accompagnée de troubles végétatifs [2].

 Les crises cloniques

Les crises cloniques se manifestent pour leur part, à travers des secousses musculaires rythmiques
bilatérales et généralisées des membres du corps [2].

 Les crises tonicocloniques

Les crises tonicocloniques ou autrement appelées « grand mal » débutent par une perte de

connaissance brutale et se découpent en 3 phases avec une phase tonique qui dure entre 10 à 20 secondes
puis une phase clonique d’environ 30 secondes suivi d’une phase résolutive ou post critique souvent
précédée d’une perte d’urine, d’une morsure de la langue et d’une accumulation de salive [2]. La crise
tonicoclonique est suivie d’un sentiment de grande fatigue avec un retour à une conscience claire qui
se fait progressivement et une confusion post-critique qui peut parfois durer plusieurs heures [1].

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 Les crises myocloniques

Les crises myocloniques se produisent sans altération de la conscience et se manifestent par des
secousses musculaires violentes, très brèves, bilatérales et synchrones des membres supérieurs ou
inferieurs [2]. Cela est dû à une décharge anormale dans l’aire de contrôle motrice du cerveau.

 Les crises atoniques

Les crises atoniques se manifestent par une perte soudaine du tonus musculaire entrainant une chute
pour la personne en crise [2]. Cependant ces crises doivent être différenciées des autres crises car elles
peuvent être non imputables à l’épilepsie.

 Les crises absences

Lors de crises d’épilepsie absence, autrement appelées « petit mal » touchant principalement les
enfants, il y a une suspension brève de la conscience entraînant une rupture de contact, le sujet a le
regard vide et ne répond plus [2]. Parfois la crise s’accompagne de phénomènes cloniques, toniques,
atoniques ou encore d’une activité végétative. Il existe deux formes de crises d’épilepsie absence : les
crises d’épilepsie absences typiques et les crises d’épilepsie atypiques. Concernant les crises
d’épilepsie absences typiques le début et la fin de la crise sont brusques, la durée est très brève, d’une
dizaine de secondes avec des manifestations cloniques et atoniques discrètes. Pour les crises
d’absences atypiques le début et la fin de la crise se font de manière plus progressifs, la crise a une
durée plus prolongée de 1à 2 minutes avec des manifestations cloniques et atoniques plus marquées.
Une fois une crise d’absence passée l’enfant reprend conscience et ne garde aucun souvenir de la crise.

b) Les crises partielles ou focales

Les crises partielles sont localisées dans une seule région du cerveau, appelée origine focale, et
n'affectent qu'une partie du cerveau (Figure3) [1, 2]. Selon l'origine focale et la partie du cerveau
touchée, les crises partielles peuvent ou non être associées à des altérations de la conscience.

Figure 3 : Représentation schématique de la propagation de la décharge épileptique au sein du cortex cérébral


lors de crise d’épilepsie partielle simple.

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Les crises partielles se manifestent initialement par des signes cliniques focaux brefs et stéréotypés.
On distingue 3 groupes de crises partielles : les crises partielles simples, les crises partielles complexes
et les crises partielles secondairement généralisées [1, 2].

 Les crises partielles simples

Les crises partielles simples autrefois appelées « crises focales », sont des crises qui ne modifient pas
la conscience car elles n’intéressent qu’une petite zone discrète du cerveau, le siège focal, et sont
habituellement de courtes durées (quelques secondes à quelques minutes) [1, 2]. Ce type de crises est
également connu sous le nom d'« aura » parce qu'il sert souvent d'indice annonciateur qu'une
convulsion plus grave est imminente. Les symptômes qui se manifestent pour les crises partielles
simples dépendent du siège focal où a lieu la décharge. Il existe donc différentes crises partielles
simples qui sont motrices, sensorielles, végétative ou psychique. Par exemple, si la décharge électrique
anormale se produit dans la région du cerveau responsable de la vision, la personne percevra des
lumières clignotantes. Si la crise est localisée dans l'aire sensitive du cerveau, la personne ressentira
des picotements au niveau d'un bras ou d'une jambe ou encore si la région motrice est touchée, la
personne subira des soubresauts au niveau d'un membre.

 Les crises partielles complexes

Les crises partielles complexes touchent des structures centrales profondes du cerveau qui régissent la
conscience [2]. Ces crises entraînent donc des altérations ou une perte de la conscience. Elles étaient
autrefois appelées crises psychomotrices ou du lobe temporal, car elles sont souvent localisées au
niveau du lobe temporal ou frontal. Une crise partielle complexe peut se présenter d'abord comme une
crise partielle simple avant de se propager à des régions du cerveau qui contrôlent la conscience. Elles
peuvent aussi se déclarer sans avertissement avec une altération de la conscience. La personne qui fait
une crise partielle complexe regarde dans le vide et fait des gestes automatiques répétés dont elle n'a
pas conscience avec un air désorienté et confus. Ces mouvements sont appelés automatismes. Durant
ce type de crises, la capacité de la personne à parler, à comprendre et à répondre est habituellement
affectée.

 Les crises partielles secondairement généralisées

Les crises généralisées secondaires se présentent initialement comme des crises partielles.[1] Elles se
manifestent d'abord dans une région du cerveau sous forme d'aura (crise partielle simple) ou comme
un changement de la conscience (crise partielle complexe) avant de se propager à tout le cerveau pour
devenir des crises généralisées, habituellement tonico-cloniques, lesquelles sont caractérisées par une

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perte de conscience [2]. Les crises généralisées secondaires ont un foyer d'origine, à la différence des
crises généralisées primaires qui se déclarent dans tout le cerveau en même temps.

c) Les crises non classifiées

Les crises non classifiées sont les crises qu’il est impossible à classées car les manifestations cliniques
ou les représentations des électroencéphalogrammes (EEG) ne permettent pas de distinguer s’il s’agit
de crises généralisées ou de crises partielles [1].

d) L’état de mal épileptique

L’appellation « état de mal épileptique » est utilisée lors de crise de durée prolongé ou lors d’une
succession de crises d’épilepsie sans récupération complète entre les deux [1]. L’état épileptique peut
avoir lieu avec tous les types de crises et sa forme la plus grave est l’état de mal épileptique qui se
manifeste par un état épileptique d’une durée supérieure à 30 minutes qui est un risque vital pour
l’individu atteint.

2. Classification et caractéristiques des épilepsies et des syndromes


épileptiques

La classification des épilepsies et des syndromes épileptiques faite par la LICE dépend de deux
critères : la localisation de la lésion (généralisée si les décharges sont synchronisées et impliquent les
deux hémisphères, touche 30 à 40% des épileptiques ou partielles si la décharge débute en un point
localisé du cortex, touche 60 à 70% des épileptiques) et les causes connues ou suspectées de la lésion
(idiopathiques, symptomatiques ou cryptogéniques) (Tableau 1) [2, 7]. Les épilepsies idiopathiques

sont des épilepsies sans lésion cérébrale et ayant pour cause présumée des causes génétiques
complexes qui touchent principalement les enfants [1, 6, 8]. En ce qui concerne les épilepsies

symptomatiques et cryptogéniques, il s’agit pour les premières citées, de crises dues à des lésions
cérébrales identifiables tandis que les crises cryptogéniques sont dues à des lésions cérébrales non
identifiables [2]

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Partielles Généralisées
Idiopathiques - Epilepsie Rolandique - Epilepsie myoclonique
(épilepsie bénigne de l'enfance bénigne du nourrisson
à pointes centro-temporales)
- Epilepsie absence de l’enfance
- Épilepsie occipitale bénigne
de l'enfance - Epilepsie absence juvénile

- Epilepsie frontale nocturne - Epilepsie myoclonique


juvénile

- Epilepsie avec crises


généralisées tonico-cloniques
du réveil

- Convulsion néonatales
bénignes

Symptomatiques ou - Epilepsie du lobe frontal - Syndrome de West


cryptogéniques
- Epilepsie du lobe temporal - Syndrome de Lennox-Gastaut

- Epilepsie du lobe pariétal - Syndrome d’Ohtahara

- Epilepsie du lobe occipital

- Syndrome de Rasmussen

Tableau 1 : Classification des syndromes épileptiques selon le type de crises (généralisées ou partielles) et selon
la cause d’apparition des crises d’épilepsie (idiopathique, symptomatiques ou cryptogéniques).

Il existe donc une multitude d’épilepsies et de syndromes épileptiques, mais nous ne détaillerons dans
cet article que certaines épilepsies.

 Epilepsie absence de l’enfance :

L’épilepsie absence de l’enfance est une épilepsie généralisée idiopathique qui débute entre 4 et 10 ans
et représente 10% des épilepsies infantiles [2]. Cette épilepsie se manifeste par des épisodes répétés et
fréquents de crises d’épilepsie absence durant l’enfance pour cesser lors de l’adolescence. Lors
d’épilepsie absence, l’électroencéphalogramme, qui représente l’activité électrique du cerveau et qui
permet souvent de diagnostiquer les épilepsies, affiche 3 pointes-ondes par seconde.

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 Epilepsie myoclonique juvénile

Autre épilepsie généralisée idiopathique, l’épilepsie myoclonique juvénile débute quant à elle entre 5
et 20 ans et est caractérisée par des secousses myocloniques généralement dans l’heure qui suit le
réveil, souvent précipitées par un manque de sommeil. Il peut y avoir des antécédents familiaux
d'épilepsie [2]. Dans 90% des cas l’épilepsie se dissipera sous l’effet de traitement mais se reproduira
en cas d’arrêts du traitement. La prévalence pour cette épilepsie est de 8 à 10% des épilepsies touchant
les adolescents et les adultes.

 Epilepsie du lobe temporal

Il s’agit de l’épilepsie symptomatique/cryptogénique la plus fréquente [1, 2]. Comme son nom
l’indique il s’agit d’une épilepsie résultant d’une lésion du lobe temporal où les décharges naissent
dans les régions limbiques du lobe temporal (hippocampe, région parahippocampique, amygdale, pole
temporal) qui peuvent s’étendre aux régions du cortex limbique ou à l’ensemble du cortex. Ce type
d’épilepsie peut prendre différentes formes avec de nombreuses éthologies. On constate notamment les
épilepsies du lobe temporal associées à une sclérose hippocampique ou due à d’autres causes telles
qu’une malformation vasculaire. Les crises débutent généralement pendant l’enfance ou au début de
l’âge adulte et se manifestent sous forme d’aura avec des sensations de déjà vu mais également avec
une hausse des sensations épigastriques.

 Epilepsie du lobe frontal

Moins fréquentes que l’épilepsie du lobe temporal, l’épilepsie du lobe frontal se manifeste par des
crises de courtes durées (de 30 secondes à 2 minutes) stéréotypées, fréquentes et souvent nocturnes [1].
Les crises surviennent plus souvent entre 14 ans et 20 ans, mais peuvent affecter des personnes à tout
âge et ont tendance à augmenter en fréquence au cours de la vie. Les troubles résultant de ces crises
sont à la fois moteurs, lorsque l’aire motrice est atteinte, avec une mauvaise coordination des
mouvements de part et d’autre du corps ou encore des gestes répétitifs mais peut également toucher
l’aire du langage provoquant un arrêt de la parole [2]. Les crises se manifestant dans de nombreux cas
la nuit et les électroencéphalogrammes entre et durant les crises étant la plupart du temps normaux, il
est très difficile de déceler ce type d’épilepsie.

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 Syndrome de West

Le syndrome de West est un syndrome épileptique généralisée apparaissant chez le nourrisson et qui
débute le plus souvent entre 4 et 7 mois. Il est due à une agression cérébrale périnatale dans deux tiers
des cas et de causes inconnues (cryptogénétiques) dans un tiers des cas [2]. Il se manifeste par des
spasmes infantiles avec des crises généralisées toniques et entraine une régression psychomotrice
constante.

 Syndrome de Lennox-Gastaut

Apparaissant généralement entre 2 et 6 ans le syndrome de Lennox-Gastaut se manifeste par des crises
toniques, atoniques ou d’absences atypiques pluriquotidiennes pouvant provoquer des chutes
fréquentes et une régression psychique sévère [2]. Elle peut être diagnostiquée grâce aux pointes-
ondes lentes diffuses caractéristiques sur l’EEG intercritique.

Il y a donc de nombreuses formes de crises et de syndromes épileptiques touchant à la fois les enfants,
les adolescents et les adultes et qui leur sont souvent spécifique. Comme le démontre la description de
ces épilepsies, les causes d’apparition de convulsions sont multiples.

B. Etiologie des épilepsies

Il existe différentes causes pouvant entrainer l’apparition de crises d’épilepsie qui survient souvent
suite à des traumatismes antérieurs. Ces causes sont reparties en causes vasculaires, génétiques,
métaboliques, infectieuses, traumatiques, tumorales ou encore liées aux maladies dégénératives.

a) Les causes vasculaires

Les causes vasculaires sont les causes les plus fréquentes de survenue de crises épileptiques à tout âge.
En effet de nombreuses épilepsies apparaissent suite à un accident vasculaire cérébral (AVC) qui est la
première cause vasculaire. Parmi les AVC on compte les AVC ischémique et hémorragique, les crises
précoce ou épilepsie séquellaire mais également les crises généralisées tonico-cloniques et les crises
partielles en rapport avec l’origine focale de l’accident. On retrouve aussi les malformations
vasculaires cérébrales non rompues, les encéphalopathies hypertensives aigues comme causes
vasculaires des épilepsies.

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b) Les causes métaboliques

Parmi les causes métaboliques on retrouve l’hypoglycémie, l’hypocalcémie (carence en calcium),


l’hypercalcémie (surplus de calcium), hyponatrémie (carence en sodium), hypernatrémie (surplus de
sodium), les insuffisances rénales ou hépatiques avancés ou encore les crises généralisées de type
tonico-clonique

c) Les causes toxiques

L’éthylisme, qui regroupe l’excès d’alcool, l’ivresse convulsive, les crises de sevrage (crises tonico-
clonique survenant de quelques heures à trois jours après la dernière prise d’alcool) ainsi que
l’épilepsie alcoolique proprement dite manifestée par des crises tonico-cloniques à répitition, est une
cause fréquente de crises épileptiques. On retrouve également un surdosage de médicaments
(antidépresseurs, neuroleptiques, lithium…), une intoxication par le monoxyde de carbone ou la
consommation de stupéfiants parmi les causes toxiques favorisant les crises épileptiques.

d) Les causes tumorales

Comptant pour 10 % des causes d’épilepsies de l’adulte, les causes tumorales sont également les plus
fréquentes lors d’apparition de crises partielles. En effet de nombreuses crises se manifestent suite à
une tumeur et particulière une tumeur de siège hémisphérique tels qu’un méningiome, un gliome, un
métastase cérébrale ou encore un astrocytome.

e) Les causes traumatiques

Les traumatismes crâniens résultant d’abcès ou d’hématomes sont particulièrement susceptibles de


provoquer des convulsions. La pluparts des crises provoquées par les traumatismes débutent moins
d’un an après la lésion. Pour les traumatismes crâniens majeurs (perte de conscience durant plus de 24
heures, hématome sous-dural) le risque de crise est estimé à 17 fois le risque standard contre 1.5 pour
les traumatismes crâniens mineurs (perte de conscience ou amnésie de moins de 30 minutes) [9].

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f) Les causes infectieuses

Une infection cérébrale entraînant une méningite, méningo-encéphalite, abcès ou un kyste est une
cause d’apparition d'épilepsie immédiate ou différée.

La connaissance de ces différentes causes peut permettre aux médecins de pouvoir faire un
diagnostique valable pour le patient atteint. Mais ce diagnostique se fait également à l’aide d’un
interrogatoire du médecin au patient demandant : ses antécédents personnels de crises ou de
pathologies potentiellement épileptogènes, ses antécédents familiaux d’épilepsies, les circonstances de
survenue de la crise (les facteurs favorisants, la prise médicamenteuse, un traumatisme crânien récent)
ou encore le déroulement de la crise si le patient en à le souvenir ce qui est rarement le cas, c’est
pourquoi le diagnostique épileptique est très difficile à effectuer. Un examen clinique peut également
déceler des signes de crises épileptiques tels que des signes méningés, d’hypertension intracrânienne
ou artérielle majeurs ou des signes de déficit post-critique tout comme un examen biologique avec le
contrôle de l’urée, la glycémie, la calcémie, la phosphorémie, l’alcoolémie, le taux sanguin de
médicaments prescrits, ou encore la recherche de traces de stupéfiants. Des examens radiologiques tels
qu’un scanner cérébral, systématique devant toute première crise d’épilepsie sauf lorsque les
symptômes clinique et l’électroencéphalogramme sont caractéristiques d’un syndrome idiopathique
bien défini, ou une IRM, permettent de déceler les tumeurs gliales, les malformations vasculaires ou
les lésions localisées du lobe temporal et ainsi de rendre compte des caractéristiques de l’épilepsie du
patient. Enfin un électroencéphalogramme qui enregistre les champs électriques peut montrer des
signes de souffrance cérébrale au niveau d’une lésion focal et va permettre de rechercher des
anomalies paroxystiques intercritiques témoignant d’une hyperexcitabilité neuronale et évocateurs
d’épilepsie que sont les rythmes pointes, polypointes, pointes-ondes, ondes à front raide focalisées ou
diffuses.

Une fois le diagnostique effectué, le médecin est en mesure prescrire à son patient un ou plusieurs
médicaments antiépileptique afin de calmer et de contrôler les crises épileptiques.

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II. Le traitement par les médicaments antiépileptiques

A. Les antiépileptiques existants

Ces dernières années de plus en plus d’antiépileptiques ont été découverts s’ajoutant aux anciens
antiépileptiques (Figure 4) permettant ainsi aux patients et aux médecins d’avoir de nombreuses
options pour traiter les épilepsies [10]. En effet depuis 1993, le programme de développement des
médicaments anticonvulsivants a contribué à la réussite du développement de plusieurs médicaments
cliniquement efficaces pour le traitement symptomatique de l'épilepsie et dont la tolérance et la
pharmacocinétique sont meilleures [4]. Il s'agit notamment du felbamate, la gabapentine, la
lamotrigine, le topiramate, la tiagabine, le lévétiracétam, le zonisamide et l'oxcarbazépine qui font
partie de la nouvelle génération des antiépileptiques avec les autres nouveaux médicaments :
Prégabaline, Rufinamide et Lacosamide découverts récemment. Ceux-ci s’ajoutant à l’ancienne
génération d’antiépileptiques approuvées par les organismes de réglementation aux États-Unis et en
Europe que sont : le phénobarbital, la phénytoïne, l’éthosuximide, carbamazépine et le valproate [11,
12]. Chacun de ces antiépileptiques est indiqué spécifiquement dans le traitement de l’épilepsie
(Tableau 2) mais malgré le succès apparent du processus de découverte, un besoin important persiste
pour rendre plus efficaces et moins toxiques les médicaments antiépileptiques, particulièrement pour
30% des patients dont les crises restent réfractaires aux médicaments actuellement disponibles.

Figure 4 : Date de découverte des médicaments antiépileptiques (d’après Arzimanoglou, A, 2010)

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Nom Formule Nom Indication dans Nom Formule chimique Nom Indication dans l’épilepsie
biochimique chimique commercial l’épilepsie biochimique commercial
- Crises d’épilepsies partielles - Crises partielles avec ou sans
avec ou sans généralisation généralisation secondaire
Carbamazepine Tégrétol® secondaire ; Phenobarbital Gardénal®
Alepsal® - Crises généralisées de types toniques,
- Crises généralisées tonico- cloniques et tonico-cloniques
cloniques
- Crises partielles avec ou sans
- Toutes formes d’épilepsie généralisation secondaire
Clonazepam Rivotril® Phenytoïne Dihydan®
- Crises généralisées de types tonico-
cloniques

- Crises d’épilepsies généralisées - Crises partielles avec ou sans


Ethosuximide Zarontin® : absences, crises myocloniques Pregabaline Lyrica® généralisation secondaire
et atoniques.

- En association pour le
Taloxa® syndrome de Lennox-Gastaut Rufinamide Inovelon® - Crises du syndrome Lennox-Gastaut
Felbamate

- Crises partielles avec ou sans


Gabapentine Neurontin® généralisation secondaire Tiagabine Gabitril® - Crises partielles avec ou sans
généralisation secondaire

- Crises partielles avec ou sans crises


- Crises partielles avec ou sans secondairement généralisées et crises
Lacosamide Vimpat® généralisation secondaire Topiramate Topamax® tonico-cloniques généralisées primaires;

- Crises du syndrome de Lennox-Gastaut

- Crises d’épilepsies partielles et


généralisées, incluant les crises
Lamictal® tonico-cloniques, absences Valproate - Toutes formes d’épilepsie
Lamotrigine atypiques Dépakine®
- Crises associées au syndrome
de Lennox-Gastaut
- Crises partielles avec ou sans
généralisation secondaire - Crises partielles avec ou sans
Levitiracetam Keppra® Vigabatrine Sabril® généralisation secondaire
- Crises myocloniques juvéniles ;
tonico-cloniques

- Crises partielles avec ou sans - Complément pour crises partielles avec


Oxcarbazepine Trileptal® généralisation secondaire Zonisamide Zonegran® ou sans généralisation secondaire

Tableau 2 : Tableau listant les antiépileptiques connus, leur formule chimique, leur nom commercial ainsi que leurs indications dans l’épilepsie (d’après Kwan, P. et al, 2001, EMEA et VIDAL)
Afin de bien comprendre l'épilepsie et donc les mécanismes impliqués, il est important de comprendre
le fonctionnement du cerveau. Le cerveau est constitué d'un ensemble de neurones formant le tissu
nerveux cérébral. Ces neurones possèdent des prolongements courts, les dendrites, et d'autres plus
longs, les axones. Ces prolongements permettent aux neurones de communiquer entre eux par
l'intermédiaire de zones de contact appelées synapses. Au niveau de ces synapses, sont libérées des
substances chimiques à action excitatrice ou inhibitrice, appelées neurotransmetteurs. L'état normal est
caractérisé par un équilibre entre l'excitation et l'inhibition. Lors de la crise d'épilepsie, cet équilibre
est rompu : l'excitation prédomine [13]. Bien que tous les mécanismes mis en jeu lors de crises
d’épilepsie ne sont pas exactement connus du fait de la diversité de ces crises, trois mécanismes
principaux ont été reconnu au niveau cellulaire : la modulation des canaux ioniques voltage dépendant
(Na+, Ca2+, K+), la stimulation de la neurotransmission inhibitrice GABA (acide gamma-
aminobutyrique) et l’atténuation de la neurotransmission excitatrice glutamatergique [14]. C’est grâce
à la compréhension de ces mécanismes que les molécules antiépileptiques ont pu être découvertes.

B. Les mécanismes impliqués dans le traitement antiépileptique

1. Les canaux Na+ voltages dépendants

Les canaux sodiques voltages dépendants sont responsables de la propagation rapide des potentiels
d’action neuronaux et ainsi contrôlent l’excitabilité intrinsèque du système nerveux [15]. Le canal
neuronal Na+ est structuré en plusieurs sous-unités qui forment un pore voltage dépendant au niveau
de la membrane plasmique, régulant le passage de sodium (Figure 5) [16]. Le principal composant du
canal sodique est la sous-unité α qui forme le segment permettant la conduction d’ion et confère au
canal sa caractéristique voltage dépendant. Lorsque le potentiel de membrane est à son état normal, la
plupart des canaux sodiques sont fermés mais lors de la dépolarisation, les canaux s’activent facilitant
ainsi le flux d’ion Na+ à travers la cellule. Par la suite le canal entre dans un état inactif avant de
revenir à un état de repos suite à une repolarisation permettant d’être sensible à une nouvelle
dépolarisation. Cette boucle peut être reproduite sur les canaux sodiques neuronaux en quelques
millisecondes. Cette caractéristique est essentielle pour soutenir les salves rapides de potentiels
d'action nécessaire pour certaines fonctions normales du cerveau, et est impliquée dans la production
de décharges épileptiques c’est pourquoi les canaux sodiques voltages dépendant sont la cible de
nombreux médicament antiépileptique [13].

16 Lignelet Romain_SBBB_Epilepsie et médicaments antiépileptiques_ Mars 2011


Figure 5 : Structure des canaux Na+ Voltages dépendants (d’après Meldrum, B.S. et Rogawski M.A, 2007)
A : Topologie membranaire de la sous-unité α et des sous unités auxiliaires β1 et β2 d'un canal Na+ voltage-
dépendants. Les quatre domaines homologues de la sous-unité α (I à IV) sont formés d'un peptide contigus dans
chaque domaine qui est analogue à une sous-unité α d'un canal K+ voltage-dépendant. B : Schéma en perspective
montrant la formation du canal Na+ voltage dépendant. C : Schéma des domaines III et IV exposant le senseur de
voltage.
Figure 6 : Structure des canaux Ca2+ Voltages dépendants (d’après Meldrum, B.S. et Rogawski M.A, 2007)
A : Topologie membranaire des sous-unités α1, α2, β et γ d'un canal Ca2+ voltage-dépendant. B : Schéma en
perspective montrant la formation du canal Ca2+ voltage dépendant.

Figure 7 : Structure des canaux K+ Voltages dépendants (d’après Meldrum, B.S. et Rogawski M.A, 2007)
A : Topologie membranaire de la sous-unité α d'un canal K+ voltage-dépendant. B : Schéma en perspective
montrant la formation du canal K+ voltage dépendant.
2. Les canaux Ca2+ voltages dépendants

Les canaux Ca2+ voltages dépendants partagent des éléments structurels clés et ont des séquences
homologues avec les canaux voltages dépendants Na+ [17]. La sous-unité α1 du canal calcique,
homologue à la sous-unité α du canal sodique, forme les segments du canal Ca2+ et lui confère sa
caractéristique voltage dépendant (Figure 6) [16, 18]. Dans le cerveau des mammifères, cette sous-
unité α peut-être associé avec d’autres sous unité β, γ ou δ. Les canaux calciques sont de façon
générale, classifiés selon le seuil élevé ou bas du potentiel de membrane pour lequel ils sont activés
[19]. Les canaux calciques à bas seuil d’activation, s’expriment principalement dans les neurones
thalamocorticaux où les canaux jouent un rôle dans la génération de décharges de pointes-ondes
rythmiques de 3 Hz caractéristiques des crises d’épilepsie généralisée absence [15]. Pour ce qui est des
canaux calciques dont le seuil d’activation est élevé, ils sont subdivisés selon leurs propriétés
pharmacologiques en différent types que sont les types L, N, P, Q ou R [15]. Ces canaux se trouvent
dans le système nerveux au niveau des dendrites, des corps cellulaires et des terminaisons nerveuses.
L’importance des canaux calciques voltages dépendants a été renforcée il y a une dizaine d’années
suite à l’identification de mutations géniques spécifiques des sous unités, pouvant entrainer une
modification de la structure et de la fonction du canal Ca2+, impliquées dans de nombreux troubles
neurologiques humains y compris l’épilepsie. Ainsi plusieurs antiépileptiques ont vu le jour avec une
action bloquante sur ces canaux calciques.

3. Les canaux K+ voltages dépendants

Les canaux neuronaux K+ sont constitués de protéines complexes qui forment une structure
tétramétrique dont les monomères sont structurellement et génétiquement liées aux sous unités α et α1
des canaux Na+ et Ca2+ (Figure 7) [16, 17]. L’association de 4 sous-unités (monomères) sur la
membrane neuronale est nécessaire pour la formation du canal et lui conférer sa fonction liée à
l’excitabilité du neurone [20]. En effet ils sont responsables de la descente du potentiel d’action ou
plus spécifiquement de la repolarisation de la membrane plasmique suite à l’activation du canal Na +.
L’activation directe du canal potassique voltage dépendant hyperpolarise la membrane neuronale et
limite les trains de potentiels d’actions [15] En conséquence les activateurs des canaux K+ ont des
effets anticonvuslants tandis que les inhibiteurs de ces canaux provoquent l’apparition de crises
épileptiques. De ce fait la potentialisation des canaux potassiques voltages-dépendants est une cible de
certains médicaments antiépileptiques.

17 Lignelet Romain_SBBB_Epilepsie et médicaments antiépileptiques_ Mars 2011


4. L’inhibition médiée par l’acide gamma-aminobutyrique

Le GABA (acide gamma-aminobutyrique) est le neurotransmetteur inhibiteur prédominant dans le


système nerveux central, où il est libéré dans 40 % de l’ensemble les synapses [15]. L’altération des
fonctions du GABA est reconnue comme cause de provocation de crises tandis que la facilitation du
GABA a un effet anticonvulsant. L’acide gamma-aminobutyrique est synthétisé à partir de glutamate,
exclusivement au niveau des neurones gabaergiques, par l’action d’une enzyme, l’acide glutamique
décarboxylase (GAD). Lors de la libération synaptique, le GABA agit sur 3 récepteurs que sont les
récepteurs spécifiques GABAA, GABAB et GABAC. Les récepteurs GABAA se distinguent par leurs
fonctions et leurs pharmacologies et appartiennent à la famille des canaux ioniques ligands dépendant.
Ils répondent à la fixation du GABA par l’augmentation de la perméabilité aux ions chlorure Cl- qui
sortent de la cellule, entrainant une hyperpolarisation neuronale. Les récepteurs GABAA sont
composés de diverses combinaisons de 5 sous-unités : α, β, γ, δ et ε. Les récepteurs GABAB sont
quand à eux couplés aux protéines G et leurs activations augmente la conduction d’ions K+.

Une forme d'inhibition médiée par le récepteur GABAA, dite « tonique », a été décrite et entrerait en
jeu durant les crises d’épilepsies. L’inhibition « tonique » est distincte de l'activation transitoire des
récepteurs GABAA synaptiques classiques conduisant à des courants post synaptiques inhibiteurs
(inhibition phasique). Alors que les récepteurs GABAA synaptiques sous-tendent l'inhibition classique
« phasique » médiée par les récepteurs GABAA, l’inhibition « tonique » médiée par les récepteurs
GABAA, résulte de l'activation des récepteurs extrasynaptiques par de faibles concentrations de GABA
ambiant [21]. L'apparition de l'inhibition tonique coïncide avec l'expression de sous-unités du
récepteur GABAA extra synaptique que sont les sous-unités α4, α6 et δ. La présence de la sous-unité δ
est primordiale pour générer l’inhibition tonique, à savoir l'activation des récepteurs par des
concentrations de GABA ambiant.

Ces phénomènes d’activité extrasynaptique et d’inhibition tonique ou phasique peuvent être mis en
avant à l’aide d’une représentation schématique d'une synapse inhibitrice et la modulation de
l'inhibition neuronale par des neurostéroïdes libérée localement (Figure 8) [22]. Le GABA est libérée
par les vésicules actives des récepteurs GABAA postsynaptiques, ce qui donne lieu au courant
transitoire postsynaptique inhibiteur (la réponse « phasique »). Les neurostéroïdes (3 ,5 -THPROG)
qui sont libérés localement à partir de neurones ou des cellules gliales prolongent la décadence de ces
réponses, ce qui renforce l'inhibition synaptique. En outre, certains neurones contiennent les récepteurs
extrasynaptiques qui sont activés par de faibles niveaux de GABA ambiant. Cela se manifeste par une
augmentation de la décharge électrique qui est mis en lumière par l'application de la bicuculline
antagoniste des récepteurs GABAA (Bic), qui induit la fermeture des récepteurs extrasynaptique.

18 Lignelet Romain_SBBB_Epilepsie et médicaments antiépileptiques_ Mars 2011


Figure 8 : Représentation schématique d'une synapse inhibitrice et de la modulation de l'inhibition neuronale par
les neurostéroïdes (Belelli D, Lambert J, 2005)

Suite à l'activation des récepteurs, l’acide gamma aminobutyrique est retiré de la fente synaptique au
niveau des terminaisons nerveuses et des cellules gliales localisées, par des molécules de transport
spécifiques, liées à la membrane. Il existe 4 systèmes de transport que sont les systèmes GAT1, GAT2,
GAT3 et GAT(BGT)1 [15]. Le GABA a une affinité variable pour chacun des ces transporteurs mais
au niveau du cortex cérébral et de l’hippocampe le transporteur prédominant est le transporteur GAT1
pour lequel le GABA est le principal substrat. Une fois éliminé de la synapse, le GABA est recyclé
dans un pool de neurotransmetteurs facilement relargables au niveau des terminaisons nerveuses
GABAergiques ou métabolisé en une molécule inactive, l’acide succinique semi-aldéhyde, par
l’intermédiaire de l’enzyme GABA transaminase, dans les neurones et les cellules gliales.
De cette manière plusieurs médicaments antiépileptiques exercent leur action sur le système
GABAergique qui représente une cible importante pour les nouveaux antiépileptiques [23]. En effet
l’augmentation de la synthèse de GABA, de sa libération, de son affinité avec les récepteurs
allostériques et la réduction de son inactivation sont des actions effectuées par certains
antiépileptiques.

19 Lignelet Romain_SBBB_Epilepsie et médicaments antiépileptiques_ Mars 2011


5. L’excitation médiée par le glutamate

Le glutamate est le principal neurotransmetteur excitateur dans le cerveau humain [24]. L’injection
focale de glutamate dans un modèle animal induit une crise épileptique et la sur-activation de la
transmission glutamatergique ou des propriétés anormales des récepteurs au glutamate sont observées
dans certains modèles épileptiques [15]. C’est pourquoi l’inhibition de la libération de glutamate ainsi
que le blocage de ses récepteurs ont reçu un grande attention dans la recherche de nouveaux
antiépileptiques [24].

Le glutamate, est synthétisé à partir de glutamine par l’action de l’enzyme glutaminase au niveau des
neurones glutamatergiques [25]. Une fois libéré dans la fente synaptique, le glutamate va exercer ses
fonctions pharmacologiques en se fixant sur plusieurs récepteurs classés en familles ionotropique
(ouverture de canaux ionique) et métabotropique (récepteurs qui en réponse à l'action d'un ligand,
changent leur conformation et activent une cascade d'événements intracellulaires). Le glutamate est
ensuite transporté de la fente synaptique vers les terminaisons nerveuses et les cellules gliales, par
l'action de plusieurs transporteurs spécifiques [26]. La capture de glutamate par les cellules est d'une
importance primordiale. Les cellules gliales vont alors convertir le glutamate en glutamine par l'action
de l'enzyme glutamine synthétase pour ensuite la transféré aux neurones glutamatergiques [25].

Il est à noté qu’il y a également, comme au niveau des récepteurs GABAergiques, une forte
participation de récepteurs extrasynaptiques glutamatergiques au niveau des neurones et des cellules
gliales lors de crises d’épilepsies [27]. Durant ces crises il faut tout autant faire attention au
phénomène d’amplification de l’excitation qui implique les astrocytes. En effet lors de très forte
activité neuronale, ce qui est le cas lors de l’épilepsie, beaucoup de glutamate est libéré au niveau de
la synapse ce qui va activer les récepteurs présents sur les astrocytes provocant alors une nouvelle
libération de glutamate à partir des astrocytes ce qui, ainsi, forme une boucle expliquant le phénomène
d’amplification de l’excitation [28, 29].

Les récepteurs ionotropiques du glutamate sont composés de diverses combinaisons de sous-unités


formant des réseaux tétramères et pentamères. Ils sont classés en 3 sous-types spécifiques : les
récepteurs kaïnates, l’acide α-amino-3-hydroxy-5-méthylisoazol-4-propionate autrement appelée
AMPA et les récepteurs NMDA (acide N-méthyl-D-aspartique), qui forment des canaux ioniques
ligands dépendants perméables aux ions Na+ et Ca2+ [30]. Les récepteurs kaïnates et AMPA sont
impliqués dans la neurotransmission excitatrice rapide, tandis que les récepteurs NMDA inactif lors de
potentiel membranaire de repos vont s’activé lors de dépolarisation prolongée [24]. Les récepteurs du
glutamate métabotropique, classés en trois sous-types distincts (I, II et III), sont liés aux protéines G,
sont essentiellement présynaptiques, et peuvent contrôler la libération de neurotransmetteurs.

20 Lignelet Romain_SBBB_Epilepsie et médicaments antiépileptiques_ Mars 2011


6. Mode d’action des antiépileptiques au niveau des synapses
excitatrices et inhibitrices

Ce sont donc ces différents mécanismes qui entrent en compte lors d’une crise d’épilepsie. En effet
lors de crises épileptiques, il y a une large dépolarisation paroxystique des neurones au niveau du
foyer épileptique qui a pour effet la génération d’un train de potentiels d’action transmis le long des
neurones [3]. Cette dépolarisation prolongée peut être générée par la stimulation des canaux calciques
et sodiques voltages dépendants. La dépolarisation est suivie d’une hyperpolarisation générée par les
courants passant à travers les canaux ioniques tels que les canaux K+ mais aussi par le GABA. Durant
une crise épileptique, les neurones subissent une dépolarisation prolongée sans repolarisation suivante
entrainant des rafales continues et rapides de potentiels d’actions se propageant à d’autres neurones.
C’est pourquoi ces mécanismes sont les cibles des médicaments antiépileptiques (Figures 9 et 10).

Figure 9 : Mécanismes d’action des antiépileptiques au niveau de la synapse excitatrice glutamatergique (d’après Bialer, M et White, H.S, 2010)

La plupart des médicaments antiépileptiques agissent au niveau de la synapse excitatrice


glutamatergique et ce, en ciblant les molécules présentes dans cette synapse. En effet, carbamazepine,
felbamate, lacosamide, lamotrigine, oxcarbazepine, phénytoine, rufinamide, topiramate, valproate et
zonisamide ont un effet inhibiteur sur le canal sodique voltage dépendant pour atténuer la
dépolarisation et donc la libération vésiculaire de neurotransmetteurs [4, 31]. Outre leur action sur le
canal Na+, le felbamate et le topiramate vont respectivement agir, au niveau de la synapse excitatrice,
sur les récepteurs NMDA et AMPA et kainate glutamatergique, en inhibant la neurotransmission
excitatrice postsynaptique [3, 4, 32]. Le levetiracetam va quant à lui se lié à la molécule SV2A qui

21 Lignelet Romain_SBBB_Epilepsie et médicaments antiépileptiques_ Mars 2011


joue probablement un rôle dans la libération du neurotransmetteur, le glutamate. Enfin l’association de
gabapentine et de prégabaline va se lier sur la sous-unité α2γ des canaux calcique de type L afin de
diminuer la libération de glutamate [4, 33].

Figure 10 : Mécanismes d’action des antiépileptiques au niveau de la synapse inhibitrice GABAergique (d’après Bialer, M et White, H.S, 2010)

Les antiépileptiques qui agissent au niveau de la synapse inhibitrice en stimulant la synthèse de GABA
et donc augmentant la transmission inhibitrice sont le vigabatrine, le tiagabine, le felbamate, le
topiramate, le zonisamide et le clonazepam [3, 4]. Le tiagabine agit sur le récepteur GABAergique
GAT1 en l’inhibant ce qui va empêcher la recapture du GABA par la cellule gliale environnante. Le
vigabatrine va lui inhiber la GABA transcriptase empêchant ainsi le GABA de se transformer en semi-
aldéhyde succinique. Enfin le felbamate, le topiramate, le zonisamide et le clonazepam vont stimuler
les récepteurs GABAA qui régulent le passage d’ion Cl-. De ces manières les antiépileptiques vont
donc, soit en augmentant la présence de GABA soit en stimulant les récepteurs GABAA augmenter
l’action inhibitrice de la synapse ce qui va contrôler l’apparition des crises épileptiques.

22 Lignelet Romain_SBBB_Epilepsie et médicaments antiépileptiques_ Mars 2011


Depuis 1974, l'Institut national des troubles neurologiques et des accidents vasculaires cérébraux a
facilité le développement de nouvelles entités chimiques pour le traitement symptomatique de
l'épilepsie et ce, par l’intermédiaire du Programme de dépistage anticonvulsivants. Le protocole du
programme est en constante évolution afin d'inclure des modèles bien caractérisés, susceptibles de
fournir plus des renseignements pertinents sur le plan clinique. En effet la découverte de nouveaux
médicaments antiépileptiques repose sur l'emploi de modèles animaux précliniques pour établir leur
efficacité et leur sécurité avant de le donner à un patient humain.

C. La découverte et le développement de composés antiépileptiques

Le développement de nouveaux médicaments reste coûteux et risqué. Même si un nouveau


médicament est à la première phase clinique (phase Ia) et qu’une demande d’expérimentation sur un
nouveau composé a été déposée, il n’y a que 10 % de chance que le développement complet de celui-
soit approuvé par les autorités de régulation [34]. Depuis la découverte historique des propriétés
anticonvulsivantes de la phénytoïne en 1938, la majorité des nouveaux antiépileptiques ont été
identifiés grâce a la méthode empirique de « screening » sur des modèles animaux d’épilepsie, avec
différents modèles dont des modèles d’ictogénèse ou d’épileptogénèse [16]. C’est ainsi à l’aide de ces
modèles et des différentes étapes d’études cliniques que le développement de médicaments contre
l’épilepsie est réalisé.

Une grande partie des informations connues actuellement sur la physiopathologie de l'épilepsie a
émergé de l'utilisation des modèles animaux épileptiques, ce qui a également permis de fournir un bon
aperçu de la pharmacologie des médicaments utilisés pour traiter les crises [11, 35].
Les modèles les plus couramment utilisés pour évaluer le potentiel et découvrir de nouveaux
antiépileptiques sont les modèles d’électrochocs maximaux, le test d’injection sous-cutanée de
pentylènetétrazol et le modèle électrique « kindling » (Tableau 3) [36-38].

23 Lignelet Romain_SBBB_Epilepsie et médicaments antiépileptiques_ Mars 2011


Modèles animaux Types de crises épileptiques Antiépileptiques efficaces
traitées
Carbamazepine, Phenytoine,
Oxcarbazepine, Valproate,
Modèle d’électrochocs Crises tonico-cloniques généralisées Phenobarbital, Felbamate,
maximaux Gabapentine, Lamotrigine,
Lacosamide, Topiramate
Zonisamide
Ethosuximide, Valproate,
Test d’injection sous-cutanée Crises myocloniques généralisées Benzodiazepine, Felbamate
de pentylènetétrazol Gabapentine

Carbamazepine, Phenytoine,
Phenobarbital, Valproate,
Modèles électriques Crises partielles Benzodiazepines, Felbamate,
« kindling » Gabapentine, Lamotrigine,
Topiramate, Zonisamide,
Levetiracetam, Vigabatrine,
Lacosamide
Tableau 3 : Antiépileptiques identifiés à l’aide des trois principaux modèles animaux (D’après Bialer, M et
White H.S, 2010)

Dans le modèle de l’électrochoc maximal, un courant électrique d’intensité et de durée constante est
envoyé à l’animal à travers des électrodes fixé sur celui-ci provoquant alors une contraction
épileptique, de type clonique, de ses membres postérieurs. Ainsi c’est cette extension des membres qui
va servir de témoin dans ce modèle. En effet l’efficacité de l’antiépileptique sera validée si, sous
l’effet de celui-ci, et en fonction de la dose donnée, l’extension des membres postérieurs est inhibée
prouvant alors que la molécule a bloqué la propagation de la décharge épileptique à travers le tissu
neuronal [3].

Pour le modèle du pentylènenétrazol, une dose convulsive de ce composé est injectée à l’animal ce qui
entraine l’apparition de crises épileptiques généralisées de type cloniques. L’antiépileptique sera ainsi
évalué, suivant la dose administrée, sur sa capacité à stopper ces crises.

Ces deux modèles ont des profils pharmacologiques différents et ont permis de découvrir non
seulement des agents antiépileptiques mais également d’identifier leurs mécanismes d’action.
Le modèle de l’électrochoc a identifier différents agents contrôlant les crises généralisées de types
tonico-clonique, et leur mode d’action. Ces agents agissent de différentes manières, ils sont soit
bloqueurs du canal sodique (carbamazepine), stimulateurs de la lente inactivation de ce même canal
(phénytoine, oxcarbazepine entre autres), activateurs du canal potassique (valproate), antagonistes des
récepteurs NMDA (phenobarbital) et AMPA (Felbamate) ou encore ligand d’une sous-unité du canal
calcique (gabapentine, prégabaline) [3, 4].

24 Lignelet Romain_SBBB_Epilepsie et médicaments antiépileptiques_ Mars 2011


Le modèle pentylènetétrazol, pour sa part, a identifié les agents contrôlant les crises généralisées de
types myocloniques ou absences. Ces agent peuvent être des bloqueurs du canal calcique, des
modulateurs allostériques des récepteurs GABAA, des bloqueurs des transporteurs de GABA, des
inhibiteurs de GABA transaminase ou encore des ligands au canal calcique [4, 37, 38] .

Il existe également un autre modèle couramment utilisé qui est le modèle « kindling » [3, 4, 39]. Ce
modèle, qui consiste à stimuler les animaux de façon à induire une crise partielle, a obtenu des
résultats similaires aux deux autres modèles animaux présenté dans cette synthèse. En effet pour
contrôler la crise partielle, les agents identifiés agissent de manières semblables (blocage des canaux
calciques, stimulation de la lente inactivation de ce canal, activation des canaux potassiques…). Il
s’agit d’un très bon modèle animal pour étudier les mécanismes de l'épileptogenèse, car les récurrentes
stimulations électriques ou chimiques induisent une augmentation progressive de l'intensité de la crise
et de sa durée. Ce modèle est également utile pour l'étude de molécules qui peuvent interférer avec le
processus épileptogène [3, 40].

Bien que ces 3 modèles animaux soient les premiers modèles utilisés pour découvrir de nouveaux
composés antiépileptiques, une multitude d’autres modèles animaux existent afin de caractériser les
effets anticonvulsivants de composés [3]. Il s’agit d’autres modèles d’agents chimio-convulsivant (les
modèles kainate, pilocarpine, pricrotoxine, bicuculline) d’autre modèles électriques, de modèles de
mutations génétique, d’hyperthermie, d’hypoxie, de convulsivant focalement injectés et bien d’autres.

Nous pouvons ainsi distinguer des modèles d’épileptogénèse autres que le modèle kindling que sont
les modèles Kaïnate et Pilocarpine. Ces modèles consistent en une administration de kaïnate ou de
pilocarpine au sein du système limbique de rongeurs entrainant l’apparition de crises épileptiques et un
état de mal épileptique qui peut durer plusieurs heures [41]. Cet état est suivi d’une période de latence
de plusieurs semaines précédant le développement de crises limbiques spontanées. Ces différentes
phases ont permis d’effectuer des études pour le développement de médicaments antiépileptiques. En
effet lors de la phase aigue les composés tels que la phénytoine, les benzodiazépines ou encore les
barbituriques ont été démontrés efficaces contre l’état de mal épileptique. Lors de la phase de latence,
grâce à ces modèles kaïnate et pilocarpine, le valproate et le levitiracetam ont été identifiés comme
agissant sur les effets de la plasticité ce qui empêcherait le développement de l’épilepsie. Enfin,
concernant la phase chronique qui a lieu lors de la mise en place de ces modèles d’épileptogénèses, les
composés identifiés vont diminuer l’apparition de crises partielles et secondairement généralisées.

Au fil des années, les modèles animaux sont devenus plus sophistiqués, et il existe maintenant des
modèles qui simulent étroitement la plupart des épilepsies connues. Néanmoins, ces modèles sont
aussi souvent utilisés dans l'amélioration de la compréhension des bases pathologiques de l'épilepsie.

25 Lignelet Romain_SBBB_Epilepsie et médicaments antiépileptiques_ Mars 2011


Conclusion

L’épilepsie, premier trouble du système nerveux touche près de 1 à 3 % de personnes dans le mondes
et se manifeste de multiple façon. La classification des épilepsies est effectuée selon la localisation de
la crise, généralisée dans tout le cortex cérébral et partielle au niveau d’un point focal du cerveau mais
aussi, selon la cause qu’elle soit idiopathique, symptomatique ou cryptogénique. Une fois le
diagnostique effectué par le médecin, le patient suit un traitement antiépileptique efficace dans 70%
des cas, soit 30 % de patients pharmacorésistants. A l’heure actuelle deux hypothèses ont été avancées
pour expliquer le développement de cette pharmacoresistance : l’hypothèse portant sur les
transporteurs et l’hypothèse portant sur les cibles [42]. La première hypothèse implique une
surexpression des protéines, comme la P-glycoprotéine, capables de transporter les composés
antiépileptiques jusqu’au foyer de l’épilepsie, entraînant alors des difficultés pour que ceux-ci touchent
leurs cibles. La deuxième hypothèse suggère des changements de conformation des récepteurs ou des
canaux ioniques ciblés par les antiépileptiques, rendant alors ces régions moins sensibles aux
composés. Ainsi, une nouvelle compréhension de ces mécanismes moléculaires et cellulaires est
susceptible de donner une impulsion importante pour le développement de nouvelles stratégies de
traitement pharmacologique.

Malgré cette pharmacorésistance, depuis les années 1990 de nombreux antiépileptiques contrôlant les
crises épileptiques et leurs manifestations cliniques ont vu le jour. Ces composés agissent de
différentes manières au niveau neuronal et ont pour effets, le blocage des canaux sodique et calcique
voltage dépendant, la stimulation des canaux potassiques, l’augmentation de la transmission inhibitrice
et la diminution de la transmission excitatrice, tout ceci afin de contrôler l’hyperexcitabilité neuronal
qui a lieu lors de crise épileptiques.

La découverte de ces composés et de leur action repose principalement sur l’utilisation de modèle
animaux. En effet les trois principaux modèles animaux que sont le modèle « kindling », le modèle
d’électrochoc maximal et le modèle pentylènetétrazol, ont permis d’identifier de nombreux
antiépileptiques, et sont les premiers modèles testés lors de recherches sur un composé susceptible
d’être antiépileptique.

Le futur des antiépileptiques repose peut-être sur le présent, car une nouvelle génération
d’antiépileptiques est en développement, basée sur les structures des composés découverts récemment.
En effet certains antiépileptiques issus de composés déjà identifiés comme le valproate sont en cours
de développement.

26 Lignelet Romain_SBBB_Epilepsie et médicaments antiépileptiques_ Mars 2011


Pour découvrir et identifier de nouveaux médicaments ou des thérapies qui sont capables de prévenir,
de retarder ou de modifier l'épilepsie, de nouvelles recherches sur les bases physiopathologiques de la
maladie seront nécessaires. Grâce à une meilleure compréhension des bases moléculaires et génétiques
des différents types de crises, de nouvelles cibles moléculaires sont susceptibles d’être identifiées et
conduire à la découverte de nouvelles thérapies. En attendant la découverte de celles-ci, un traitement
clinique par chirurgie ou par électrostimulation reste des solutions envisageables pour les patients
réfractaires aux médicaments antiépileptiques.

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