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Boiterie de l’enfant
Encyclopédie Pratique de Médecine

P Hautefort

F réquent motif de consultation en orthopédie pédiatrique, la boiterie permet de découvrir un grand nombre
d’affections, essentiellement orthopédiques, et parfois neurologiques.
La boiterie se définit comme un trouble de la marche avec inclinaison du tronc plus d’un côté que de l’autre, ou
alternativement d’un côté puis de l’autre.
© Elsevier, Paris.

■ ■
‚ Examens complémentaires
Différents types de boiterie [1, 2, 3] Orientation diagnostique
Examen radiologique
Il comprend un cliché de bassin de face et des
La recherche du diagnostic étiologique de la
Deux principaux types de boiteries peuvent être deux hanches de profil. Il peut être complété par des
boiterie repose sur un faisceau d’éléments cliniques
distingués au cours de l’examen de la marche de clichés des articulations suspectes et par un grand
associés à divers examens complémentaires.
l’enfant : cliché des membres inférieurs. La scintigraphie
‚ Interrogatoire osseuse au Technetium 99, la tomodensitométrie et
– boiterie d’esquive : elle est due à une esquisse
l’imagerie par résonance magnétique (IRM) seront
de l’appui sur le côté douloureux et entraîne une Il précise :
demandées en fonction de l’orientation
diminution de la longueur et de la durée du pas. Elle – l’âge de l’enfant et ses antécédents depuis la
diagnostique.
est visible, douloureuse et généralement naissance ;
d’apparition plus ou moins récente ; – la date de début de la boiterie, et son caractère
Bilan biologique
– boiterie d’épaule (ou boiterie d’équilibration) : spontané ou secondaire à un traumatisme ;
– l’évolution de la boiterie au cours de la journée, Il comportera au minimum une numération
elle est due à une insuffisance du muscle moyen
permanente ou survenant à l’effort ; formule sanguine (NFS) et une vitesse de
fessier. En appui monopodal, au repos, le bassin
– le caractère douloureux ou non de la boiterie, sédimentation (VS), en sachant les répéter si
bascule du côté opposé au membre portant (signe
en sachant que la douleur peut être projetée à la nécessaire.
de Trendelenbourg) alors qu’il reste parfaitement
horizontal chez le sujet normal. À la marche, lors de face antérieure de la cuisse ou au genou au cours


l’appui sur le côté insuffisant, la compensation des affections de la hanche ;
s’effectue, soit par une translation du tronc avec – l’existence d’une fièvre. Étiologie des boiteries
chute de l’épaule du côté en appui, soit en soulevant ‚ Examen physique
le bassin par une contraction des muscles lombaires
C’est le temps essentiel. Il sera méthodique et
avec chute de l’épaule du côté en appui. Il s’agit de la Il faut distinguer les boiteries récentes et les
patient car il réclame une coopération de l’enfant.
boiterie d’épaule de Duchenne de Boulogne, qui boiteries anciennes dans la recherche des causes des
Effectué sur un enfant dévêtu, il étudie, si cela est
n’est jamais douloureuse et le plus souvent boiteries.
possible, la marche et la position debout en appui
ancienne.
monopodal. Enfin, l’enfant sera examiné en position
Plus rares, sont les autres types de boiterie : ‚ Boiteries récentes
assise, puis couché à plat dos et à plat ventre. Il sera
– boiterie avec salutation (inclinaison antérieure bilatéral et comparatif. Elles sont en général dues à une affection de la
du tronc lors de l’enraidissement en flexion de la Le côté et le type de la boiterie sont précisés ; la hanche.
hanche ou de la tibiotarsienne) ; mobilité passive de la hanche, du genou et du pied,
– boiterie avec plastronnement (hyperextension Synovite aiguë transitoire de la hanche
© Elsevier, Paris

ainsi que du rachis est étudiée. Il recherche un point


du tronc lors des paralysies du muscle grand fessier). douloureux à la pression ou déclenchée par un (ou « rhume de hanche ») [1, 2]
Parfois, il n’est pas facile de préciser le côté de la mouvement, une amyotrophie au niveau de la C’est la cause la plus fréquente de la boiterie entre
boiterie ni même de la reconnaître quand elle est cuisse ou du mollet. Il est complété par un examen 3 et 7 ans, mais doit être considérée comme un
bilatérale. neurologique. diagnostic d’élimination. Le début est brutal avec

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1 A. Ostéochondrite pri-
mitive de la hanche gau-
che, étendue à toute l’épi-
physe (stade de nécrose
épiphysaire).
B. Aspect de la hanche
après ostéotomie du bas-
sin.

A B

esquive de l’appui, survenant souvent après un traction, appareillage de décharge, traitement ■ parfois, il peut s’agir d’une tumeur osseuse
épisode d’infection rhinopharyngée. Il existe une chirurgical (ostéotomie du bassin, ostéotomie bénigne de l’extrémité supérieure du fémur ou de la
douleur provoquée au cours de la mobilisation de la fémorale) (fig 1B). région cotyloïdienne :
hanche avec limitation des amplitudes articulaires, – ostéome ostéoïde caractérisé par sa douleur
surtout en abduction et en rotation. Le reste de Épiphysiolyse fémorale supérieure [1, 2] nocturne calmée par l’aspirine et par l’image de
l’examen clinique est normal. Il s’agit du glissement du noyau épiphysaire par nidus entourée d’une zone de condensation osseuse
Les examens biologiques retrouvent parfois une rapport à la métaphyse, le plus souvent en bas et en (radiographie, TDM) ;
lymphocytose et une VS un peu accélérée. arrière. Elle se voit chez des enfants souvent obèses – kyste essentiel et kyste anévrismal de siège
La radiographie est normale ou montre des (syndrome adiposogénital), en période prépubertaire métaphysaire fémoral ;
signes d’épanchement intra-articulaire avec entre 11 et 13 ans. La hanche est en rotation externe – granulome éosinophile ;
refoulement de la ligne graisseuse péricapsulaire ; et la flexion se fait en abduction et rotation externe. – tumeur maligne (ostéosarcome, sarcome
l’épanchement peut être confirmé par une La radiographie du bassin de face montre une d’Ewing).
échographie. Parfois, une scintigraphie est modification de l’aspect du cartilage de croissance Au niveau du genou et du pied, il existe de
nécessaire, montrant une hyperfixation au niveau métaphysoépiphysaire, une diminution de la nombreuses causes de boiteries :
de la hanche. hauteur du croissant épiphysaire objectivée en – apophysite de croissance de la tubérosité
traçant la ligne de Klein (ligne parallèle au bord tibiale antérieure, de la rotule, du calcanéum ;
L’évolution est en règle favorable en quelques
supérieur du col). Le déplacement sera apprécié sur – ostéochondrite de croissance du condyle
jours avec un traitement simple, associant le repos et
la radiographie de profil (incidence de Dunn). fémoral, du scaphoïde tarsien, de la tête de l’un des
la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
L’évolution spontanée se fait vers l’aggravation métatarsiens ;
Dans les cas plus douloureux, avec une certaine
du déplacement, soit progressive, soit aiguë. – arthrites inflammatoires à pyogènes ou
raideur, une traction collée peut être mise en place.
Le traitement consiste en un vissage- rhumatismales ;
Enfin, une ponction articulaire évacuatrice peut être
épiphysiodèse si le déplacement est modéré ou – lésions méniscales, instabilité fémoropatellaire,
nécessaire si l’épanchement reste important ou si la
moyen (quelques degrés à 60°) avec un résultat tendinites ;
douleur persiste malgré le traitement initial.
satisfaisant. Le traitement est plus difficile après un
Dans tous les cas, un contrôle clinique et – quelques pièges à éviter : l’écharde, la verrue
glissement important, nécessitant une reposition de
radiologique est nécessaire à la huitième semaine plantaire, le corps étranger du pied, la fracture de
l’épiphyse sur la métaphyse associée à une
pour éliminer une ostéochondrite débutante. fatigue du pied.
stabilisation. Le risque est celui de nécrose
Quand l’examen des membres inférieurs reste
épiphysaire ; un deuxième risque est celui de la
Ostéochondrite primitive de la hanche normal, il faut évoquer une affection du rachis :
raideur de la hanche par coxite laminaire.
(ou maladie de Legg-Perthes-Calvé) [1, 2, 3] – spondylodiscite ;
Tels sont les diagnostics les plus fréquents qui
C’est une nécrose ischémique du noyau – sciatique ;
sont évoqués.
épiphysaire fémoral (fig 1A). Elle touche la même – affection du petit bassin avec psoitis.
tranche d’âge que la synovite aiguë transitoire (entre Autres lésions En l’absence de cause, il faut réexaminer l’enfant,
4 et 10 ans), plus souvent le garçon que la fille. D’autres lésions peuvent se voir [1, 2, 3] : refaire des radiographies et un bilan biologique,
L’atteinte est parfois bilatérale (15 à 20 % des cas). ■ après un traumatisme : chez l’adolescent demander une scintigraphie du squelette qui
La clinique est peu spécifique. Au stade de début, sportif, l’examen permet de retrouver un permettra de mettre en évidence une lésion invisible
la radiographie est normale : le diagnostic repose sur arrachement apophysaire (épine iliaque, tubérosité sur les radiographies initiales (ostéochondrite
la scintigraphie osseuse (hypofixation) ou l’IRM ischiatique, petit trochanter), parfois une fracture primitive de hanche débutante, fracture
(hyposignal en T1). À un stade plus tardif, la métaphysaire ou diaphysaire du fémur, non sous-périostée, hémopathies).
radiologie montre une tête condensée puis déplacée, nécessitant une radiographie du fémur en
fragmentée, un élargissement de l’interligne, parfois entier si la radiographie du bassin est normale ;
des modifications au niveau du col fémoral.
L’atteinte du noyau peut être globale ou partielle.
L’évolution de cette affection est longue.
Le traitement varie selon l’âge et l’importance de
■ dans un contexte parfois fébrile avec un
syndrome inflammatoire :
– arthrite aiguë ou subaiguë à pyogènes ou
tuberculeuse ;

Boiteries anciennes [2]

l’atteinte épiphysaire et métaphysaire, le but du – ostéomyélite du col fémoral ; Elles surviennent dans un contexte différent.
traitement étant de prévenir les déformations – monoarthrite dans le cadre d’une ACJ ; La cause la plus fréquente est la boiterie du
séquellaires de la tête en améliorant l’emboîtement – arthrite de la sacro-iliaque (dont le diagnostic moyen fessier :
de la tête fémorale et de la cavité cotyloïdienne : repose sur la scintigraphie) ; – luxation congénitale de hanche ;

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Boiterie de l’enfant - 8-0010

2 A. Séquelle d’arthrite
septique du nourrisson
de la hanche gauche :
coxa vara avec inégalité
de longueur du fémur
par trouble de croissance
du col.
B. Ostéotomie de valgi-
sation.

A B

– luxation pathologique par séquelles d’arthrite Parfois, dans le contexte d’une affection – infirme moteur cérébral (IMC) ;
septique ; neurologique associée ou non à une luxation de la
– modification de l’angle cervicodiaphysaire qui hanche : – myopathie.
est diminué avec ascension du grand trochanter
– poliomyélite antérieure aiguë (PAA) ;
(coxa vara malformatives, coxa vara infantiles, coxa Dans un autre contexte : la boiterie liée à un genu
vara séquelles d’arthrite septique) (fig 2 A, B) . – spina bifida avec myéloméningocèle ; varum important.

Patrick Hautefort : Praticien hospitalier,


service de chirurgie pédiatrique, hôpital Bicêtre, 270, rue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France ; centre chirurgical de l’enfant, 105, avenue
Victor-Hugo, 92100 Boulogne, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Hautefort. Boiterie de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0010, 1998, 3 p

Références

[1] Monographie du GEOP. Chirurgie et orthopédie de la hanche de l’enfant. [3] Tilkowski CM. Pathologic gait patterns (3rd ed). In : Morissy RT ed. Lovell
Montpellier : Sauramps Médical, 1991 and Winter’s Pediatric Orthopaedics (3rd ed). Philadelphia : JB Linpicott, 1990 :
78-90
[2] Tachdjian MO. Pediatric Orthopedics (2nd ed). Philadelphia : WB Sanders,
1990 : 18-26

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Céphalées chez l’enfant


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

(y compris les syndromes méningés)


M Tardieu, A Charollais

L es céphalées sont une plainte fréquente. Il faut savoir dépister l’urgence, limiter les examens, en particulier
l’imagerie cérébrale, aider l’enfant par un traitement et une attitude adaptés : ne pas reconnaître les premiers
signes d’une hypertension intracrânienne (HIC) ou d’une méningite est grave, mais multiplier les examens devant
une céphalée de tension (ou tensionnelle) avec symptomatologie anxieuse ou dépressive est également mauvais
pour l’enfant, et inefficace.
© 1999 , Elsevier, Paris.


d’infection intracrânienne. Une fièvre est associée,
Reconnaître les urgences ainsi qu’une raideur de la nuque. Des vomissements
Tableau II. – Caractères des céphalées migrai-
neuses et tensionnelles.
ne sont pas rares.
Elles sont présentées dans le tableau I. Céphalées battantes et éventuellement vomisse-
ment, modification visuelle, aura
‚ Méningite bactérienne ou virale ‚ Hémorragie méningée ou intracérébrale Syndrome migraineux. Si localisation fixe, si pas
d’atteinte familiale : possibilité d’angiome
Les méningites bactériennes du nourrisson sont Ces saignements surviennent plutôt au cours de
les plus difficiles à reconnaître mais elles ne se la deuxième enfance. La céphalée est parfois Céphalées en barre sans signe d’accompagne-
révèlent pas à cet âge par une plainte de céphalée intense, vite accompagnée de troubles de la ment (parfois nausée)
(bien que des douleurs soient fréquentes). C’est chez conscience, et le diagnostic est rapidement évoqué, Le plus souvent céphalée tensionnelle aiguë. Re-
le grand enfant qu’une céphalée peut être révélatrice d’autant plus qu’il existe une raideur de la nuque [2]. chercher HTA, sinusite, pathologie dentaire ou de
Chez d’autres enfants, le diagnostic est plus difficile l’articulation temporomandibulaire, anomalies
visuelles
car l’intensité de la céphalée n’est pas incompatible
Tableau I. – Céphalées symptômes d’affections
avec la poursuite des activités. Le diagnostic doit être Céphalées chroniques
nécessitant un traitement urgent.
évoqué devant le caractère inhabituel des céphalées, Le plus souvent céphalées tensionnelles psychogè-
Syndromes méningés leur début d’une seconde à l’autre, leur aspect nes : céphalées permanentes peu intenses en barre.
lancinant, et le retentissement sur le comportement. Rechercher syndrome anxieux, dépressif, agression
- Diagnostic : céphalées de type pesanteur psychologique (au sens le plus large) récente subie
accompagnées de fièvre et d’un syndrome mé- par l’enfant. Très exceptionnellement HIC débu-
ningé. Nécessite en urgence l’étude du liquide tante, allant en s’aggravant ou HIC bénigne : faire
céphalorachidien
‚ Tumeur de la fosse postérieure l’étude du fond d’œil.
- Conduite pratique : hospitalisation, réalisa-
tion d’une ponction lombaire et traitement ou plus rarement sus-tentorielle
HTA : hypertension artérielle ; HIC : hypertension intracrânienne.
antibiotique par voie veineuse si méningite Très souvent crainte au cours de céphalées
bactérienne
chroniques, il est finalement rare qu’une tumeur se
Empyème intracrânien révèle par des céphalées isolées. Ce sont des
- Diagnostic : céphalée, fièvre, rougeur et céphalées du matin, induisant des vomissements qui
bouffıssure des paupières soulagent provisoirement la douleur. Le principal
- Conduite pratique : étude du fond d’œil signe à rechercher est un torticolis ou une raideur du
(œdème), hospitalisation, imagerie cérébrale, ou d’épisodes itératifs de céphalées (tableau II). Le
intervention neurochirurgicale (ponction lom- cou (à ne pas confondre avec la raideur d’un
baire dangereuse) syndrome méningé, moins importante sponta- diagnostic repose sur l’interrogatoire de l’enfant et
nément et aggravée par la dorsiflexion du cou). La de ses parents. Il faut préciser le caractère habituel
Hémorragie intracrânienne ou inhabituel des céphalées, leur type (battante,
présence d’une ataxie, de paralysie des paires
- Diagnostic : céphalée brutale inhabituelle crâniennes, d’un strabisme, rend le diagnostic plus écrasement, barre...), leur localisation (frontale,
avec trouble de conscience facile. hémicrâne, périorbitaire...), leur horaire (nuit, matin,
- Conduite pratique : hospitalisation, imagerie fin de journée), les signes d’accompagnement (aura,
cérébrale, traitement neuroradiologique ou
neurochirurgical vomissements, nausées, signes visuels), les


antécédents familiaux de céphalées et leur type
Tumeur intracrânienne Distinguer la migraine (parents, fratrie et grands-parents). L’examen clinique
et les céphalées de tension
© Elsevier, Paris

- Diagnostic : céphalée du matin, torticolis, vérifie en particulier l’état dentaire, recherche des
ataxie ou autre atteinte neurologique signes de sinusite, de strabisme, de baisse de l’acuité
- Conduite pratique : étude du fond d’œil, hos- Dans l’immense majorité des cas, les enfants ou visuelle. L’examen du fond d’œil et la prise de la
pitalisation, imagerie cérébrale, intervention
neurochirurgicale leurs parents se plaignent de céphalées au long pression artérielle doivent être faits systémati-
cours quement.

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8-0020 - Céphalées chez l’enfant (y compris les syndromes méningés

‚ Migraines normale. L’électroencéphalogramme (EEG) est l’imagerie cérébrale est normale. Le traitement
souvent pathologique au cours des accès dépend de la gravité des symptômes. Des troubles
Elles sont constituées d’accès de céphalées
migraineux [6]. de la vision, des sinusites chroniques, ou des
battantes, souvent localisées (hémicrâne) d’une
anomalies de l’articulé dentaire peuvent faciliter des
durée de 1 heure à 1 jour, nécessitant le repos et le


céphalées chroniques ou des crises migraineuses
sommeil. Les accès s’accompagnent, ou peuvent Pièges diagnostiques (tableau II).
être précédés (aura) de nausées et de vomissements,
et diagnostics différentiels
de la migraine et des céphalées


et de symptômes visuels (points brillants ou noirs, de tension Traiter les migraines
éclairs, scotome central, hémianopsie) [6]. Il existe et les céphalées tensionnelles
parfois des signes sensitifs ou moteurs au niveau des – Les pièges de la migraine sont nombreux par la
de l’enfant
membres [3]. Des accès migraineux peuvent être variété des symptômes pouvant l’accompagner et Certains éléments du traitement sont communs à
observés dès les premières années de vie (sous surtout par la possible anomalie des examens tous les types de céphalées. L’aspirine (50 à
forme d’accès de pâleur, de vomissements, de mal complémentaires (EEG, étude du liquide 60 mg/kg) et le paracétamol (30 à 60 mg/kg),
des transports, de changements brutaux de céphalorachidien). Un point essentiel est de se donnés au tout début des symptômes douloureux,
comportement, voire de torticolis ou de vertiges renseigner sur l’existence de migraine dans la sont très efficaces dans la majorité des cas de
aigus paroxystiques) mais sont plus fréquents après famille. Les céphalées tensionnelles psychogènes migraine et de céphalées tensionnelles de l’enfant
5 ans. Les migraines sont souvent familiales (des font facilement errer le diagnostic du fait de leur de moins de 12 ans. Une raison fréquente d’échec
antécédents familiaux sont retrouvés dans 50 à chronicité et souvent de la demande familiale est le retard dans la prise du médicament, souvent
70 % des cas et constituent une aide importante au d’examens complémentaires. Leur chronicité, même parce que l’enfant n’en parle pas ou attend la fin
diagnostic). Elles touchent plus fréquemment les sans aucun signe d’accompagnement si ce n’est de d’un temps scolaire. L’utilisation, laissée à la décision
garçons, jusqu’à l’adolescence, à partir de laquelle la la série dépressive, est évocatrice. Il est important de de l’enfant, d’une forme lyophilisée (à prendre sans
classique prédominance féminine est observée [6]. demander des détails sur le mode de vie de l’enfant eau) des médicaments précédents peut être d’une
(activités extrascolaires, amis...). bonne aide.
‚ Céphalées tensionnelles – Le diagnostic différentiel avec les céphalées Si les accès migraineux ne sont pas calmés par
dues à une tumeur intracrânienne est très souvent l’aspirine ou le paracétamol, l’ergotamine (1 mg/j
Elles peuvent être aiguës, en barre frontale et chez l’enfant de plus de 10 ans) peut être utilisée. Elle
évoqué et craint par la famille, mais ceci est
banales, ou plus permanentes et alors le plus facilement clarifié (cf supra). Une malformation est contre-indiquée en cas d’hémiparésie ou
souvent psychogènes [5]. Dans ce dernier cas, les artérioveineuse peut être cause de symptomatologie d’hémianopsie durant les accès. Si les accès sont
céphalées durent parfois plusieurs jours de suite, migraineuse : les accès migraineux se répètent, fréquents et gênent la scolarité, un traitement
avec sensation d’écrasement, de pesanteur frontale, toujours semblables à eux-mêmes, dans la même préventif quotidien (propranolol : Avlocardylt 40 à
parfois très invalidantes, mais ne provoquent pas le localisation, et sans atteinte familiale [2] . La 60 mg/j ou oxétorone : Nocertonet 60 à 120 mg/j,
besoin d’un sommeil pour calmer la douleur. Les réalisation d’une tomodensitométrie cérébrale sans ou plus rarement flunarizine : Sibéliumt) peut être
signes accompagnateurs comme des vomissements et avec injection de produit de contraste est très efficace et complémentaire des précédents [4].
ou des troubles visuels sont rares, tandis qu’il existe indiquée. L’HIC dite bénigne est un syndrome parfois Le traitement des céphalées tensionnelles
souvent une symptomatologie anxieuse ou très invalidant par son retentissement fonctionnel et psychogènes résistantes à l’aspirine et au
dépressive. Elles peuvent être familiales et sont sa chronicité, survenant en règle chez un grand paracétamol peut être très difficile car des éléments
exceptionnelles avant 5 ans. Les céphalées enfant ou un adolescent, souvent une fille avec psychoaffectifs (dépression, anxiété) et sociaux sont
psychogènes ne sont pas progressives. surpoids [1]. Le diagnostic est établi devant des très souvent associés. Cela nécessite une approche
Les examens paracliniques, tant dans la migraine céphalées persistantes intenses associées à un globale et un long dialogue. L’utilisation
que dans les céphalées tensionnelles psychogènes œdème papillaire chronique, et parfois à des d’antidépresseurs est parfois nécessaire
sont peu utiles. La tomodensitométrie cérébrale est hémorragies péripapillaires en flammèche, alors que (amitriptyline : Laroxylt) [4].

Marc Tardieu : Professeur des Universités, praticien hospitalier.


Aude Charollais : Chef de clinique.
Service de neurologie, département de pédiatrie, hôpital Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Tardieu et A Charollais. Céphalées chez l’enfant (y compris les syndromes méningés).
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0020, 1999, 2 p

Références

[1] Bouygues D, Cauchois B, Ponsot G, Arthuis M. Hypertension intracrânienne [4] Gaudelus J, Vinas A, Sauvion S, Nathanson M, Perelman R. Traitement de la
bénigne du nourrisson et de l’enfant. Commentaires à propos de 33 observations. migraine de l’enfant. Med Inform 1988 ; 1: 85-90
Ann Pédiatr 1980 ; 27 : 286-290
[5] Holguin J, Fenichel G. Migraine. J Pediatr 1967 ; 70 : 290-297
[2] Charbier S, Alvarez H, Parker F, Tardieu M. Hémorragies cérébroméningées
de l’enfant. Journées Parisiennes de Pédiatrie. Paris : Flammarion, 1998 : 25-31 [6] Pinsard N, Mancini J, Livet MO. Les migraines de l’enfant. Med Inform
1989 ; 89 : 613-623
[3] Feely MP, O’Hare J, Veale D, Callaghan N. Episodes of acute confusion or
psychosis in familial hemiplegic migraine. Acta Neurol Scand 1982 ; 65 : 369-375

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Conjonctivites de l’enfant
Encyclopédie Pratique de Médecine

P Dureau, MS de Monteynard, JL Dufier


Introduction
Clinique
Conjonctivites

Contexte évocateur
Les conjonctivites de l’enfant constituent une
pathologie fréquente et bénigne, mais doivent faire Sécrétions mucopurulentes Sécrétions séreuses
l’objet d’un examen attentif et d’un traitement
adapté, afin de dépister une éventuelle pathologie Conjonctivite Primo-infection
plus grave associée et d’éviter l’apparition de Conjonctivite bactérienne Conjonctivite virale allergique herpétique
complications.
Les signes fonctionnels comportent une sensation Conjonctivite
de gêne, de grain de sable, des démangeaisons herpétique
oculaires. D’autres signes fonctionnels, tels que
douleurs, photophobie, blépharospasme doivent 1 Orientation diagnostique devant une conjonctivite de l’enfant.


faire suspecter une atteinte plus sévère (kératite). associée à la pollinose, survenant chaque année à la
À l’examen, la conjonctive est uniformément Conjonctivites virales même époque. En dehors de la rhinite, il existe une
rouge, avec parfois un œdème palpébral ou conjonctivite bilatérale, non purulente, volontiers très
conjonctival (chémosis). La rougeur peut prédominer œdémateuse. Le traitement symptomatique repose
sous la paupière (conjonctive tarsale). L’hyperhémie Elles sont dues au virus adénopharyngoconjonc- sur les antiallergiques locaux. La désensibilisation peut
peut se localiser en petits points, centrés par un tival (APC), avec association à une pharyngite et une être utile. Parfois l’atteinte est perannuelle, en rapport
vaisseau (papilles), parfois associés à de petites adénopathie prétragienne. Il existe des sécrétions avec des allergènes ubiquitaires, tels que les acariens.
élevures translucides (follicules). Il existe séreuses. Ces formes sont également très


généralement des sécrétions qui collent les cils au contagieuses et doivent faire l’objet de mesures
réveil. Celles-ci peuvent être muqueuses ou d’hygiène (lavage des mains) et d’une antibiothé- Conjonctivite printanière
franchement purulentes. Le contexte et certains rapie, en prévenant que le traitement ne vise qu’à
signes peuvent orienter en direction d’une étiologie empêcher les surinfections, et que la guérison peut
C’est une forme particulière d’allergie
particulière (fig 1). prendre plusieurs jours, parfois quelques semaines.
conjonctivale, spécifique de l’enfant atopique. Elle
L’association à une kératite est fréquente, interdisant
survient plutôt au printemps et en été, avec une
la prescription de corticoïdes locaux sans examen


photophobie et des sécrétions visqueuses. Le signe
ophtalmologique.
Conjonctivites bactériennes caractéristique est l’existence, sur la conjonctive
tarsale (en retournant les paupières), de volumineux

Elles comportent des sécrétions purulentes ou


mucopurulentes qui peuvent faire l’objet d’un
prélèvement (celui-ci n’est pas systématique). Elles

Conjonctivite herpétique
(généralement de primo-infection
chez l’enfant)
Elle associe à des follicules conjonctivaux, des
follicules juxtaposés (« pavés »). Ceux-ci peuvent être
à l’origine d’ulcérations cornéennes. La conjonctive
périlimbique est le siège d’un épaississement
circulaire. Le traitement local doit être associé à un
sont très contagieuses, par l’intermédiaire des mains traitement général (antihistaminiques, voire
vésicules palpébrales et une adénopathie
qui ont frotté les yeux, mais réagissent corticothérapie) et parfois à un geste chirurgical sur
prétragienne. Il existe parfois une kératite dendritique.
favorablement aux antibiotiques locaux les pavés. Les signes disparaissent avec la puberté.
Le traitement repose sur l’acyclovir par voie locale. Les


(Rifamycinet 6 fois/j). Le germe en cause est le plus corticoïdes locaux doivent être proscrits.
souvent un staphylocoque doré ou epidermidis. Leur
Conclusion


récidive, toujours du même côté, fait suspecter une
imperforation du canal lacrymonasal nécessitant un Conjonctivite allergique
sondage (cf chapitre « Larmoiement »). Le Chlamydia Au total, les conjonctivites de l’enfant doivent
est parfois en cause, volontiers 8 à 10 jours après un faire l’objet d’un examen ophtalmologique
bain en piscine. Les follicules sont alors nombreux et Elle survient dans un contexte évocateur soigneux, dès que l’on sort du cadre d’une forme
il existe une adénopathie prétragienne. L’évolution (antécédents familiaux, saison, exposition à un typique, réagissant vite et favorablement au
est traînante et le diagnostic microbiologique utile. allergène donné). Une forme fréquente est celle traitement local et ne récidivant pas.

Pascal Dureau : Chef de clinique assistant.


Marie-Sophie de Monteynard : Ancien chef de clinique assistant.
JL Dufier : Professeur des Universités, chef de service.
Service d’ophtalmologie, hôpital Necker-enfants malades,149, rue de Sèvres 75743 Paris cedex 15, France.
© Elsevier, Paris

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Dureau, MS de Monteynard et JL Dufier. Conjonctivites de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0030, 1998, 1 p

1
8-0060

8-0060
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Cyanose

F Heitz

L a cyanose est un symptôme clinique défini par la coloration bleue des téguments et des muqueuses, traduisant
une hypoxémie artérielle ou une stase capillaire périphérique.
La cyanose apparaît lorsque la quantité d’hémoglobine réduite dans le sang capillaire dépasse 5 g/100 mL (valeur
normale : 2,6 g/100 mL).
© Elsevier, Paris.


globules rouges, et du contrôle local du débit par un
Prise en charge, transport *Saturation Hb O2 % facteur métabolique ou par la PO 2 tissulaire.
et distribution de l’oxygène
2,3-DPG L’hyperviscosité sanguine réduit ainsi la perfusion
100
H+ *15
des capillaires de petite taille et entrave l’utilisation
‚ Prise en charge de l’oxygène (O2) TEMP *25 périphérique de l’O2.
au niveau des poumons 80
Hb *40

La pression partielle d’oxygène alvéolaire (PAO2)


60
dépend de la ventilation alvéolaire et de la pression P50 Extraction
Diagnostic de la cyanose
al

pH7,4 37°C 2,3-DPG tissulaire


rm

partielle de l’O2 de l’air inspiré. La diffusion de l’O2 à 40 d'oxygène


H+
No

travers la membrane alvéolocapillaire est TEMP


déterminée par : le gradient des pressions partielles 20
Hb ‚ Diagnostic clinique
du gaz entre sang capillaire moyen et alvéoles, la PO2 Torr
0 La coloration bleutée des téguments et des
surface des échanges, l’épaisseur de la membrane. 20 40 60 80 100 muqueuses est plus ou moins remarquée selon
L’O2 diffuse environ 20 fois moins vite que le CO2. 26
l’éclairage de la pièce d’examen (lumière naturelle
Les rapports ventilation/perfusion sont nettement 1 Courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine. 2,3- préférable à la lumière artificielle), la pigmentation
plus élevés à l’apex qu’à la base des poumons, avec DPG : 2,3-diphosphoglycérate ; TEMP : tempéra- naturelle de la peau, le nombre et la qualité des
régulation locale par vasoconstriction artériolaire ture ; Hb : hémoglobine.
hématies.
induite par une baisse de PAO2.
– la partie descendante et abrupte de la courbe
‚ Examens complémentaires (tableau I)
‚ Transport de l’O2 par le sang explique la facile dissociation de l’oxyhémoglobine
au niveau tissulaire et à un niveau encore élevé de Mesure percutanée de la saturation
L’O2 dissous est en petite quantité (0,3 vol %),
pression partielle en O2 (PO2) veineuse. en oxygène du sang (SpO2)
proportionnelle à la pression partielle d’oxygène
La courbe peut être déplacée vers la droite
dans le sang artériel (PaO2). Elle est réalisée à l’aide d’un oxymètre de pouls et
(diminution d’affinité de l’hémoglobine pour l’O2) en
L’O2 combiné à l’hémoglobine représente la d’un capteur digital, par analyse des propriétés
cas d’acidémie, d’hypercapnie, d’hyperthermie, ou
forme majeure du transport de l’O2. d’absorption de la lumière rouge par l’oxyhémo-
d’élévation du 2,3-DPG intraérythrocytaire
L’hémoglobine est composée de quatre globine. Le résultat, immédiat, est exprimé en
apparaissant au cours de l’hypoxie, et vers la gauche
sous-unités, formées chacune d’une chaîne pourcentage de la capacité maximale de saturation
dans les situations opposées.
polypeptidique et d’un hème contenant un atome de l’hémoglobine en O2. La corrélation entre SpO2 et
de fer à l’état ferreux (Fe++), lequel peut s’unir de ‚ Distribution de l’O2 aux tissus SaO2 est excellente si la SO2 est supérieure à 80 %,
manière réversible à quatre ligands : O2, H+, CO2, Elle est passive et dépend du gradient entre PO2 mais la SpO2 surestime la SaO2 pour des valeurs
2,3-diphosphoglycérate (2,3-DPG), en se capillaire et PO2 tissulaire moyennes. L’équation de inférieures.
transformant en fer ferrique (Fe+++). La fixation d’une Fick (V̇O2 = Q̇c x [CaO2 - CvflO2]) met en relation la
Analyse des gaz du sang
molécule d’O 2 modifie la conformation de consommation d’O2 (V̇O2) avec le débit cardiaque
l’hémoglobine et augmente l’affinité de celle-ci pour systémique (Q̇c) et avec la différence des contenus Le prélèvement de sang artériel, ou de sang
l’O2 : effet « allostérique ». Cette propriété explique en O 2 artériel (CaO 2 ) et veineux (Cvfl O 2 ). La capillaire « artérialisé », permet d’évaluer les
l’allure sigmoïde de la courbe de dissociation de consommation en O2 varie en fonction des besoins pressions partielles artérielles en oxygène (PaO2) et
l’oxyhémoglobine en fonction de la PaO2 (courbe de métaboliques. Elle est particulièrement élevée au en gaz carbonique (PaCO2), ainsi que l’équilibre
Barcroft) (fig 1) : niveau du foie, du cerveau, du cœur et du rein acidobasique. Une acidose métabolique, causée par
– lorsque la PaO2 varie de 70 à 100 mmHg, la (respectivement 25 %, 20 %, 10 % et 8 à 9 % de la l’hypoxie et l’ischémie tissulaires, impose un
consommation totale), et au niveau des muscles en traitement urgent.
© Elsevier, Paris

saturation artérielle en O2 (SaO2) ne varie que de 5 %


et le contenu en O2 du sang reste élevé, tant que la activité, jusqu’à une valeur maximale correspondant
PaO2 est supérieure à 50 mmHg. Ceci joue un rôle au seuil d’anaérobiose. Numération formule sanguine
protecteur vis-à-vis des situations d’hypoxémie La répartition du sang dans les réseaux capillaires La cyanose apparaît pour un niveau de SaO2
modérée ; dépend de la déformabilité et de l’agrégabilité des fortement abaissé en cas d’anémie, et plus élevé lors

1
8-0060 - Cyanose

La cyanose apparaît lorsque la méthémoglobinémie désaturation veineuse O2 veineuse et l’apparition


Tableau I. – Conduite à tenir devant une cya- dépasse 1,5 g/100 mL de sang : coloration d’une cyanose. La SO2 artérielle est normale et la
nose néonatale.
cutanéomuqueuse ardoisée, couleur brune en air cyanose n’intéresse pas les muqueuses.
1 - Mesurer la SO2 percutanée ou artérielle en air ambiant du sang. La SO2 transcutanée est abaissée, La stase sanguine peut être liée à la diminution du
ambiant mais la PaO2 est normale et donc la SaO2 (déduite de débit sanguin local (troubles vasomoteurs), à la
la PaO2 lors d’une analyse des gaz du sang) s’avère baisse du débit cardiaque ou à une obstruction au
SO2 > 93 %
– Polyglobulie ? paradoxalement normale. Le traitement des formes retour veineux.
– Méthémoglobine ? sévères consiste en l’administration intraveineuse
– Stase capillaire périphérique ? (IV) d’agents réducteurs, tels le bleu de méthylène à Acrocyanose par trouble vasomoteur
SO2 < 93 % 1 % (1 à 2 mg/kg) ou l’acide ascorbique. périphérique
– Test d’hyperoxie (ventilation O2 pendant 20 mi- C’est la situation la plus fréquente chez le
Autres
nutes) nourrisson, après la sortie d’un bain ou lors d’une
– Gazométrie artérielle Il existe d’autres anomalies congénitales et
– Équilibre acidobasique (pH, réserve alcaline, structurelles de l’hémoglobine. exposition au froid, ou sans aucun facteur favorisant.
PCO2) Si l’examen de l’enfant est normal, il convient d’être
– Radiographie du thorax ‚ Cyanose d’origine centrale très rassurant. Le syndrome de Raynaud associe
– Échocardio-doppler++ Définie par la présence d’une désaturation extrémités froides, douloureuses, pâles ou cyaniques
2 - Apprécier tolérance de la cyanose artérielle en O2, secondaire à un shunt droite-gauche lors de l’exposition au froid. La stase capillaire est
(D-G) ou à un trouble de l’hématose. associée ici à une vasoconstriction artériolaire
3 - Traitement urgent si acidose métabolique
La cyanose centrale est typiquement localisée à la intense.
– Ventilation artificielle face (lèvres et région péribuccale, nez, oreilles), aux
– Alcalinisation muqueuses (langue surtout, conjonctives) et aux Défaillance cardiaque aiguë ou collapsus
– Transfert immédiat en milieu spécialisé cardiovasculaire
extrémités (pulpes des doigts et des orteils, régions
4 - Bilan étiologique urgent et traitement adapté sous-unguéales). Elle est accentuée par les efforts et Cyanose diffuse dans un contexte clinique de
– Troubles de l’hématose les pleurs. La SO2 « percutanée » est inférieure à détresse vitale.
Anomalies respiratoires 93 %, le plus souvent entre 70 % et 90 %. La limite
PCO2 élevée de viabilité est atteinte pour des valeurs de SO2 Phlébite
Radiographie du thorax évocatrice inférieures à 30 %.
Test d’hyperoxie positif Cyanose localisée avec œdème, intéressant un
L’origine centrale est confirmée par les valeurs
– Anomalie cardiovasculaire cyanogène membre ou un segment de membre, en présence de
Souffle cardiaque - Anomalies ECG abaissées de la PaO2 et de la SaO2.
signes inflammatoires. Une thrombose veineuse
Radio thorax : silhouette cardiaque et anomalies Il convient alors d’orienter la recherche
centrale entraîne une cyanose systématisée aux
de la vascularisation pulmonaire étiologique.
Test d’hyperoxie négatif territoires cave supérieur ou inférieur.
Diagnostic précis par échocardio-doppler et cathé- Cardiopathie cyanogène ou hypertension
terisme cardiaque artérielle pulmonaire

ECG : électrocardiogramme.

de polyglobulie, puisque la quantité d’hémoglobine


En faveur d’une cardiopathie cyanogène ou d’une
hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) :
anomalies de l’auscultation cardiaque, de la
silhouette cardiaque et de la vascularisation

Anomalies cardiovasculaires
cyanogènes

‚ Cardiopathies avec shunt D-G


réduite varie en proportion dans les deux cas. pulmonaire à la radiographie, présence d’une
hypoxémie artérielle avec normocapnie ou Définition
Test d’hyperoxie hypocapnie. Le test d’hyperoxie est en général
Cardiopathie responsable d’un passage de sang
Il consiste à délivrer au patient une ventilation en déterminant, avec hypoxémie « réfractaire à l’O2 ».
désaturé en O2 de la circulation droite vers la
O2 pur durant 15 à 20 minutes, à l’aide d’un masque Chez le nouveau-né, ce test ne permet pas de
circulation gauche, à travers une communication
nasal étanche ou après intubation trachéale. La différencier une HTAP sévère d’une authentique
intra- ou extracardiaque, avec pour conséquences la
PaO2 doit normalement s’élever au-dessus de cardiopathie congénitale.
réduction du débit pulmonaire et une désaturation
350 mmHg. Si la PaO2 reste inférieure à 100 mmHg,
Trouble de l’hématose pulmonaire artérielle systémique.
l’hypoxémie est dite « réfractaire à l’O2 ».
En faveur d’un trouble de l’hématose
‚ Diagnostic différentiel pulmonaire : sémiologie respiratoire prédominante Incidence
avec hypercapnie aux gaz du sang, anomalies L’incidence globale des cardiopathies cyanogènes
Érythrocyanose secondaire à une polyglobulie radiographiques intéressant le parenchyme varie de 0,1 à 0,3 % des naissances vivantes, soit un
pulmonaire et/ou les plèvres. Le test d’hyperoxie quart des cardiopathies congénitales.
Elle est volontiers rencontrée chez le nouveau-né,
amène une amélioration franche et parfois la
en raison d’un état de postmaturité, d’un diabète
normalisation de la PaO2. Physiopathologie (tableau II)
maternel, d’une transfusion maternofœtale ou entre
jumeaux. La polyglobulie secondaire à l’hypoxémie Les troubles de l’hématose pulmonaire sont
Élévation des pressions droites, secondaire à un
chronique en cas de cardiopathie congénitale classés selon le mécanisme pathogène :
obstacle anatomique ou fonctionnel, et shunt D-G
cyanogène aura aussi pour effet de renforcer l’aspect – hypoventilation alvéolaire : obstructions des
par une communication située en amont de
déjà cyanique des patients. Les joues sont rouges, les voies aériennes, atélectasie, pneumopathie ;
l’obstacle :
lèvres ont une coloration « framboise » et surtout, la – anomalie de diffusion des gaz : œdème et
– les obstacles anatomiques sur la voie droite
SaO2 est normale. fibrose pulmonaires ;
sont associés à une communication interventricu-
– diminution de la fraction d’O2 de l’air inspiré :
laire (CIV) et/ou interauriculaire (CIA), le débit
Méthémoglobinémie séjour en haute altitude.
pulmonaire étant alors suppléé par la circulation
La méthémoglobinémie congénitale, par déficit ‚ Cyanose périphérique systémique, voire totalement dépendant de celle-ci :
enzymatique ou par hémoglobinose « M », ou Elle est provoquée par la stase sanguine au shunt G-D par un canal artériel perméable ou par
secondaire à des agents oxydants tels les nitrites, niveau des capillaires, entraînant une augmentation des artères collatérales provenant de l’aorte ;
rend la molécule d’hémoglobine inapte à fixer l’O2. du temps d’extraction de l’O2 par les tissus, d’où la – les obstacles fonctionnels sont associés à un

2
Cyanose - 8-0060

canal artériel. La cyanose est plus marquée dans la


Tableau II. – Mécanismes physiopathologiques des shunts droite-gauche. moitié inférieure du corps (cyanose différentielle).
Mécanismes physiopathologiques Cardiopathies L’insuffisance cardiaque est au premier plan et, de ce
fait, ces cardiopathies ne font pas partie « stricto
Obstacle anatomique voie droite + communication Sténose pulmonaire critique + CIA sensu » des cardiopathies cyanogènes.
en amont Atrésie pulmonaire à septum IV ouvert
Atrésie pulmonaire à septum IV intact Anomalies de connexion des gros vaisseaux : le
Tétralogie de Fallot sang veineux cave est éjecté directement vers l’aorte.
Atrésie tricuspide Présence d’une chambre de mélange des flux
Hypoplasie cœur droit artériel et veineux aux niveaux auriculaire,
Maladie d’Ebstein
ventriculaire, ou pédiculaire.
Obstacle fonctionnel voie droite + communication HTAP persistante néonatale Fistule artérioveineuse intrapulmonaire : le sang
en amont HTAP primitive désaturé artériel pulmonaire rejoint directement les
Syndrome d’Eisenmenger veines pulmonaires.
Cardiomyopathie VD
Péricardite restrictive Diagnostic et traitement selon l’âge
Insuffısance tricuspide congénitale de révélation
Malposition des gros vaisseaux Transposition gros vaisseaux Le diagnostic est aujourd’hui de plus en plus
VD à double issue souvent porté par échographie-doppler en période
Chambre de mélange Oreillette unique anténatale.
Ventricule unique
Tronc artériel commun ¶ Cardiopathies à révélation néonatale [2]
Anomalie totale retour veineux pulmonaire L’orientation étiologique dépend de l’examen
Retour veineux systémique dans l’OG clinique, de l’électrocardiogramme (ECG) et de la
radiographie du thorax (tableau III), mais le
Shunt D-G intrapulmonaire Fistule artérioveineuse
diagnostic doit être rapidement porté par
À part : obstacle anatomique voie gauche + canal Hypoplasie cœur gauche échocardiographie-doppler. Le tableau IV indique la
artériel « vicariant » néonatal Interruption arche aortique répartition par fréquences des cardiopathies [3].
Coarctation préductale aorte
Sténose aortique critique Sur un plan thérapeutique, la perfusion IV
Sténose ou atrésie des veines pulmonaires continue de prostaglandines (0,03 à 0,1 µg/kg/min)
est indiquée pour maintenir perméable le canal
CIA : communication interauriculaire ; IV : interventriculaire ; HTAP : hypertension artérielle pulmonaire ; VD : ventricule droit ; OG : oreillette gauche ;
D-G : droite-gauche.
artériel et accroître le débit pulmonaire des
cardiopathies ductodépendantes. Ce traitement est
compliqué dans 10 % des cas d’apnée, et très
defect auriculaire en cas de diminution de la – chez le nouveau-né, les obstacles sur la voie fréquemment d’effets indésirables (hyperthermie,
compliance du ventricule droit (VD) ou de fuite gauche responsables d’insuffisance cardiaque tachycardie, douleurs, rétention hydrosodée).
tricuspidienne, et à un canal artériel ou à un défaut sévère, entraînent une HTAP d’origine postcapillaire. Une atrioseptostomie de Rashkind consiste à
septal lors d’élévation de la résistance vasculaire Le débit de l’aorte descendante, ainsi que la survie déchirer la valve de Vieussens du foramen ovale, à
pulmonaire (RVP) avec HTAP ; de l’enfant, seront tributaires du shunt D-G par le l’aide d’une sonde à ballonnet gonflable, guidée par

Tableau III. – Cardiopathies cyanogènes néonatales : orientations étiologiques.

Éléments cliniques Électrocardiogramme Radiographie du thorax Diagnostic


Détresse respiratoire, sepsis Normal Cardiomégalie HTAP
Maladie respiratoire
Hiles volumineux
Poumons clairs
Cyanose isolée profonde Normal Cœur ovoïde TGV
Hypervascularisation pulmonaire discrète
Souffle continu sous-claviculaire gauche HVD Atrésie pulmonaire + CIV
ou dorsal Cœur en sabot
Arc moyen gauche creux
Souffle systolique pulmonaire HVD Tétralogie de Fallot
Hypovascularisation pulmonaire
Souffle systolique doux parasternal gauche Axe QRS gauche Atrésie tricuspide
Souffle systolique xiphoïdien HVD Cardiomégalie (RCT > 0,6) Atrésie pulmonaire + CIA
Hypovascularisation pulmonaire
Rythme à 3 ou 4 temps, souffle systolique Bloc branche droit Cardiomégalie massive Maladie d’Ebstein
xiphoïdien HVG Hypovascularisation pulmonaire
Préexcitation ventriculaire
Double souffle (systolique et diastolique) et HVD Cardiomégalie Dilatation artères pulmo- Agénésie des valves pulmonaires + CIV
B2 diminué au foyer pulmonaire naires centrales
Syndrome malformatif – Anomalies de latéralisation cœur et viscè- Syndrome d’Ivemark
res
- Dextrocardie
- Foie médian ou droit

ECG : électrocardiogramme ; HVD : hypertrophie ventriculaire droite ; HVG : hypertrophie ventriculaire gauche ; RCT : rapport cardiothoracique ; HTAP : hypertension artérielle pulmonaire ; TGV : transposition des gros vaisseaux ;
CIV : communication interventriculaire ; CIA : communication interauriculaire.

3
8-0060 - Cyanose

La cyanose devient rapidement intense, ne cède


Tableau IV. – Distribution par type des cardio- Tableau V. – Cardiopathies responsables de pas, et une dyspnée en rapport avec l’acidose
pathies cyanogènes à révélation néonatale cyanose progressive ou de cyanose d’effort
métabolique apparaît. Le souffle de sténose
(j0-j8). D’après l’étude « Baltimore- chez le nourrisson et l’enfant.
Washington Infant Study » portant sur 4 390 pulmonaire s’atténue ou disparaît. L’agitation de
enfants entre 1981 et 1989 ; 1 253 cardiopa- Tétralogie de Fallot l’enfant fait place à une somnolence, puis à un
thies diagnostiquées de j0 à j8, dont 630 car- coma, avec parfois des convulsions. L’évolution
CIV à « poumons protégés »
diopathies cyanogènes. spontanée est fatale et les malaises traités trop
Trilogie de Fallot : sténose pulmonaire avec CIA tardivement peuvent laisser des séquelles
Cardiopathies cyanogènes Fréquence neurologiques graves.
n = 630 (%) TGV avec sténose pulmonaire
L’urgence thérapeutique consiste à délivrer une
TGV 26, 1 Ventricule à double issue avec obstacle pulmonaire
ventilation en O2 pur, à injecter par voie IV lente, en
Tétralogie de Fallot 20, 3 Atrésie tricuspide 1 à 5 minutes, du propanolol (Avlocardylt) à la
Ventricule à double entrée posologie de 0,1 mg/kg renouvelable. L’alcalini-
Atrésie pulmonaire 9, 2 sation, le remplissage vasculaire et l’injection
Hétérotaxie 9, 0 Oreillette unique d’adrénaline IV sont réalisés en complément si le
Sténose valvulaire pulmonaire isolée malaise persiste. À domicile, et dans l’attente de
Sténose pulmonaire 6, 5
secours, l’enfant sera maintenu en position
Ventricule à double issue 5, 8 Sténoses périphériques des artères pulmonaires
genu-pectorale, et l’administration de diazépam
Maladie d’Ebstein 5, 2 Shunt G-D compliqué d’élévation de la résistance (Valiumt) par voie intrarectale, à la posologie de
vasculaire pulmonaire 0,5 à 1 mg/kg pourra pallier l’injection d’un
Anomalie totale du retour veineux 4, 6
bêtabloquant.
pulmonaire CIV : communication interventriculaire ; CIA : communication
interauriculaire ; TGV : transposition des gros vaisseaux ; G-D : La survenue d’un malaise impose de réaliser une
Tronc artériel commun 4, 4 gauche-droite.
intervention palliative ou une cure complète de la
Double discordance 3, 6 Blalock modifiée) ou, de façon plus centrale, entre les malformation, voire une dilatation pulmonaire par
gros vaisseaux. Cependant, une correction cathétérisme. La prévention des malaises repose sur
Atrésie tricuspide 3, 3
anatomique de la cardiopathie est proposée en cas la surveillance clinique et échographique régulière, le
Ventricule à double entrée 1, 5 de transposition des gros vaisseaux (TGV), simple ou traitement bêtabloquant per os (2 à 3 mg/kg) et
associée à une CIV, de tronc artériel commun, surtout la correction chirurgicale à un âge précoce,
TGV : transposition des gros vaisseaux.
d’anomalie totale du retour veineux pulmonaire. avant qu’une hypertrophie du VD trop importante
Les autres cardiopathies bénéficieront n’apparaisse.
Une cyanose avec hypoxémie ultérieurement et selon les cas d’une cure complète Accroupissement ou « squatting »
réfractaire, souvent bien tolérée, chirurgicale (tétralogie de Fallot, atrésie pulmonaire, Cette position augmente la RVS et diminue le
apparaît dès les premières heures de maladie d’Ebstein) ou d’interventions palliatives retour veineux désaturé provenant des membres
vie, notamment lors des cris, en définitives mais au pronostic aléatoire, comme inférieurs, d’où l’amélioration du débit pulmonaire et
l’absence de détresse respiratoire, l’intervention de Fontan ou la dérivation de la SaO2. Elle est adoptée par l’enfant dans
d’infection maternofœtale, d’anomalie cavopulmonaire (atrésie tricuspide, ventricule à diverses circonstances et notamment après un effort,
neurologique, d’hypoglycémie ou de double entrée). mais n’apparaît qu’après plusieurs années
polyglobulie manifeste. Le transfert ¶ Cardiopathies cyanogènes chez le nourrisson d’évolution spontanée.
médicalisé de l’enfant vers un centre et l’enfant
spécialisé sera organisé sans retard, en Au-delà de 1 mois de vie, certaines cardiopathies ‚ Élévation de la résistance vasculaire
(tableau V) peuvent encore se révéler par une pulmonaire
raison des risques de décompensation
avec acidose métabolique. Ce transfert cyanose progressive, associée à des anomalies de HTAP néonatale
sera précédé de la mise en place d’une l’auscultation cardiaque et à une tachypnée d’effort.
La transition entre circulation fœtale et circulation
voie veineuse périphérique ou centrale Les anomalies anatomiques sont en règle moins
de type postnatal, nécessaire à l’adaptation à la vie
et de la correction des troubles sévères qu’en période néonatale, mais le caractère
extra-utérine, peut être entravée par diverses
respiratoires ou métaboliques, évolutif de l’hypoplasie de la voie droite, de
anomalies, responsables de la persistance d’une RVP
reposant sur la ventilation artificielle, l’hypertrophie du VD, et des lésions obstructives,
élevée avec HTAP, d’un shunt D-G par le canal
explique l’aggravation habituelle de la cyanose. En
l’alcalinisation, et l’éventuelle artériel et d’une fuite tricuspidienne majorant les
l’absence de shunt D-G (sténose pulmonaire isolée),
perfusion IV continue de pressions droites et favorisant le shunt D-G par le
la cyanose n’apparaîtra qu’à l’effort, par incapacité
prostaglandines (Prostinet VR). foramen ovale :
d’augmentation du débit pulmonaire.
– maladie respiratoire, inhalation de liquide
La présence d’une circulation pulmonaire de
échocardiographie ou par amplificateur de brillance. méconial, hernie diaphragmatique, malformation
suppléance (canal artériel ou collatérales
Ce geste est fréquemment indiqué pour permettre pulmonaire ;
systémicopulmonaires) rend discrète la cyanose en
un shunt plus important par le foramen ovale en cas – infection maternofœtale, notamment à
cas d’obstruction droite.
de transposition simple des gros vaisseaux ou streptocoque B ;
L’évolution de la tétralogie de Fallot peut être
d’atrésie tricuspide. – obstruction au retour veineux pulmonaire,
marquée par deux symptômes très caractéristiques :
Une dilatation valvulaire pulmonaire par fistule artérioveineuse cérébrale ;
le malaise anoxique et l’accroupissement.
cathétérisme interventionnel est tentée en cas de – troubles de la ventilation : myopathies, apnées,
sténose valvulaire pulmonaire critique, et parfois de Malaise anoxique maladie de Werdnig-Hoffmann ;
tétralogie de Fallot. Il est provoqué par un spasme de l’infundibulum – anomalies diverses : polycythémie, hypoxémie,
Les interventions chirurgicales à cet âge sont le sous-pulmonaire, siège d’une hypertrophie acidose métabolique, pneumothorax.
plus souvent palliatives : anastomose systémicopul- progressive. Les malaises sont volontiers déclenchés Dans certains cas, l’HTAP paraît primitive.
monaire réalisée à l’aide d’un tube en Gore-Tex par le réveil matinal, les émotions, les pleurs, l’effort Le tableau clinique associe une cyanose
calibré, interposé entre l’artère sous-clavière et car le shunt D-G est majoré par la baisse de la prédominant aux membres inférieurs à une
l’artère pulmonaire homolatérale (intervention de résistance vasculaire systémique (RVS). insuffisance cardiaque droite avec hépatomégalie,

4
Cyanose - 8-0060


souffle systolique xiphoïdien de fuite tricuspide et douleurs articulaires et musculaires, anorexie,
cardiomégalie radiologique. L’ECG inscrit une
Conséquences de la cyanose
chronique troubles visuels, hémoptysie, complications
hypertrophie du VD avec ondes « T » positives en V1, thromboemboliques à type de phlébite, de
et l’échocardiographie montre une architecture thrombose in situ intravasculaire pulmonaire,
‚ Contexte clinique
cardiaque normale. Les cavités droites et l’artère d’accident vasculaire cérébral (AVC).
pulmonaire sont franchement dilatées, les pressions La cyanose chronique chez l’enfant et l’adolescent
La surveillance régulière de la polyglobulie,
droites sont élevées, le doppler à codage couleur concerne une minorité de patients, porteurs de
clinique et biologique (numération formule
met en évidence les shunts D-G ductal et auriculaire. cardiopathies congénitales, ne pouvant bénéficier
d’aucun traitement médicochirurgical : malforma- sanguine, sidérémie, ferritinémie) est donc
Le traitement associe :
tions complexes associées à une circulation impérative. Lorsque l’hématocrite (Ht) dépasse 65 %,
– ventilation artificielle à hautes fréquences pour
pulmonaire de qualité médiocre, cardiopathies des saignées seront indiquées, la quantité de sang à
obtenir une hypocapnie ;
négligées ayant entraîné une MVPO. prélever étant calculée selon la formule : poids (kg) x
– agents inotropes (dopamine et dobutamine) ;
La cyanose chronique est également rencontrée volémie (mL/kg) x (Ht observé-Ht désiré) / Ht
– vasodilatateurs (oxyde nitrique inhalé [NO],
prostaglandines IV) ; en cas d’HTAP primitive. observé. Certains préconisent des saignées peu
– alcalinisation éventuelle ; Les mécanismes physiologiques d’adaptation à la abondantes (3 à 5 mL/kg) mais répétées, pour éviter
– parfois, recours à une assistance respiratoire cyanose entraînent un retentissement fonctionnel et tout remplissage vasculaire de compensation. Le
extracorporelle. parfois des complications évolutives graves qu’il remplissage est indispensable lorsque la saignée
convient de dépister et de traiter afin d’améliorer la dépasse 15 mL/kg, car le risque d’hypoxémie
Maladie vasculaire pulmonaire obstructive qualité et l’espérance de vie des patients [5, 7]. majeure avec acidose et collapsus cardiovasculaire
(MVPO) est réel.
Les remaniements histologiques de la circulation ‚ Diminution de la capacité de transport
Les saignées entraînent la perte d’une quantité
pulmonaire secondaires aux shunts G-D volumineux de l’O2
importante de fer et une stimulation de
avec HTAP, sont régulièrement observés en cas de Une hypoxémie tissulaire avec acidose l’érythropoïèse, entraînant la récidive de plus en plus
CIV large, de canal atrioventriculaire, de canal métabolique apparaîtra rapidement à l’effort si le rapide d’une polyglobulie microcytaire. Ce cercle
artériel, de TGV avec CIV. Ils sont classés en stades contenu en O2 du sang artériel est insuffisant pour vicieux peut être coupé par une chimiothérapie
réversibles, puis irréversibles. Lorsque la RVP devient satisfaire les besoins cellulaires. La SaO2 diminue en antimitotique freinant l’érythropoïèse médullaire
haute et fixée, le shunt G-D s’annule puis s’inverse et effet considérablement lorsque la PaO2 est inférieure (hydroxyurée [Hydréat]). Un bénéfice clinique avec
le débit pulmonaire diminue progressivement. à 50 mmHg. stabilisation de la polyglobulie est obtenu dans deux
L’espérance de vie dépend de l’âge d’apparition
tiers des cas [1], mais la destruction des cellules
des symptômes et de facteurs génétiques. Elle est ‚ Réponses vasculaires
« souches » plaquettaires peut causer une
habituellement de 25 à 40 ans, mais peut dépasser L’hypoxémie est autoaggravée par les réponses thrombopénie sévère.
50 ans. La mortalité est due aux arythmies vasculaires qu’elle induit :
ventriculaires d’origine ischémique survenant à – vasoconstriction réflexe des artérioles Un traitement antiagrégant plaquettaire est
l’effort (le débit systémique ne peut augmenter pulmonaires, dont l’intensité dépend des indiqué par certains pour diminuer le risque de
malgré la chute de la RVS, puisque la RVP est haute remaniements histologiques éventuellement thrombose. Son efficacité n’est pas prouvée. En
et fixée. Les besoins myocardiques en O2 ne sont présents (MVPO) ; revanche, un traitement anticoagulant par
pas satisfaits) et aux complications infectieuses et – vasodilatation des artères systémiques, d’où antivitamine K est prescrit en cas d’événement
hémorragiques pulmonaires. amélioration du débit cardiaque et de la délivrance thromboembolique.
Un traitement associant diurétiques, agents d’O2 aux tissus, mais aussi majoration du shunt D-G.
vasodilatateurs, antiagrégants plaquettaires amène
Carence martiale [6]
une amélioration clinique durable dans 15 à 20 % ‚ Effets hématologiques
des cas. La polyglobulie est responsable d’une carence
La greffe cardiopulmonaire est indiquée dans Polyglobulie et hyperviscosité sanguine
martiale par accroissement des besoins nécessaires
certains cas, mais les résultats ne sont guère La sécrétion rénale d’érythropoïétine survient en à l’érythropoïèse, besoins non couverts par les
encourageants (survie inférieure à 30 % après 5 ans). réponse à l’hypoxémie tissulaire chronique et apports alimentaires : le diagnostic repose sur la
stimule l’érythropoïèse médullaire jusqu’à présence d’une hyposidérémie avec ferritinémie
HTAP primitive satisfaction des besoins tissulaires en O 2 : abaissée (inférieure à 5 ng/mL) et diminution de la
Elle est rare et prédomine chez la fille. Les l’augmentation de la masse érythrocytaire entraîne capacité de saturation de la transferrine (inférieure à
premiers symptômes, à type de cyanose, dyspnée, en effet une augmentation de la capacité de 30 %).
douleurs thoraciques, hémoptysie, apparaissent transport de l’O2. La masse sanguine circulante peut
souvent après l’âge de 10 ans ou lors d’une être triplée. La carence martiale entraîne une microcytose
grossesse. Un shunt D-G sera présent à l’étage La viscosité sanguine augmente de façon (volume globulaire moyen inférieur à 80 µm3),
auriculaire en cas de persistance du foramen ovale. exponentielle lorsque l’hématocrite s’élève et rendant les globules rouges moins déformables au
Si celui-ci est fermé, la cyanose surviendra à l’effort, devient majeure pour des valeurs d’hématocrite niveau des capillaires, d’où l’augmentation de la
puisque le débit pulmonaire et la RVP haute et fixée supérieures à 70 %. L’hyperviscosité sanguine viscosité sanguine et une hypochromie
ne peuvent pas varier. Comme précédemment, majore la résistance liquidienne à l’écoulement en (concentration corpusculaire moyenne en
l’évolution est marquée par les risques de mort augmentant les forces de cisaillement des flux sur les hémoglobine inférieure à 32 %) responsable d’une
subite à l’effort ou lors de la récupération des efforts. parois vasculaires, d’où un travail cardiaque diminution du contenu en O2 du sang. La carence
Un traitement vasodilatateur par anticalciques supplémentaire pour assurer un débit constant. martiale retentit par ailleurs sur divers mécanismes
(nifédipine [Adalatet]) peut être bénéfique, si le L’hyperviscosité entraîne aussi une élévation oxydoréducteurs intracellulaires intervenant
cathétérisme cardiaque prouve le caractère encore importante et exponentielle de la RVP, et plus notamment dans la défense anti-infectieuse.
« réactif » de l’HTAP. L’implantation de pompes modérée de la RVS. Ces phénomènes diminuent la L’apport de fer métal (30 mg/kg/j) per os est
délivrant par voie IV continue des prostaglandines tolérance à l’effort. habituellement indiqué, au risque d’un emballement
(Flolant) a pu donner des résultats encourageants. Les symptômes cliniques de l’hyperviscosité de l’érythropoïèse imposant une surveillance
Une évolution sévère peut conduire à proposer une sanguine sont corrélés à la valeur de l’hématocrite hématologique rigoureuse. Le bénéfice clinique est
greffe bipulmonaire ou cardiopulmonaire. pour chaque patient : céphalée, fatigabilité, dyspnée, observé dès les premières semaines du traitement.

5
8-0060 - Cyanose

Troubles de l’hémostase L’hippocratisme digital régresse habituellement avec sténose pulmonaire, TGV avec lésions
après correction de l’hypoxémie chronique et de la associées) causent des flux turbulents favorisant la
¶ Anomalies plaquettaires
La durée de vie des plaquettes est diminuée, leurs polyglobulie. greffe de bactéries, lesquelles proviennent surtout
fonctions sont altérées (allongement du temps de des sphères dentaire et oto-rhino-laryngologique ou
saignement). Une thrombopénie accompagne ‚ Hyperuricémie d’un contexte périopératoire. Les végétations
habituellement les polyglobulies sévères et relève de « oslériennes » sont fixées sur les valves ou aux bords
Son niveau est corrélé à l’intensité de la des defects, mais l’infection bactérienne peut aussi
plusieurs mécanismes : séquestration et
polyglobulie et à l’ancienneté de la cyanose, mais entraîner des lésions valvulaires mutilantes, mises en
consommation des plaquettes dans le territoire
non corrélé à la PaO2 et à la SaO2. Les mécanismes évidence par échocardiographie-doppler. Les
veineux splanchnique, consommation dans la
physiopathologiques varient selon l’âge : végétations endocardiques peuvent se fragmenter
circulation pulmonaire par activation au contact des
hyperproduction d’acide urique liée au « turnover » en embols septiques, à l’origine d’abcès cérébraux.
lésions endothéliales (MVPO surtout). La
exagéré des cellules sanguines et diminution
thrombopénie n’est pas liée à une coagulation Le début est habituellement insidieux avec fièvre
d’excrétion rénale chez l’enfant de moins de 5 ans,
intravasculaire disséminée. intermittente à 38 oC, asthénie et pâleur. L’examen
diminution d’excrétion rénale seulement chez le
peut constater la modification d’un souffle
¶ Facteurs de la coagulation grand enfant [4].
Ils peuvent être abaissés par utilisation cardiaque, une splénomégalie, un purpura cutané.
Les arthralgies sont fréquentes, mais les crises de
périphérique lors de la consommation des L’agent infectieux est souvent identifié par les
goutte sont rares. Un traitement par allopurinol
plaquettes ou par diminution de leur synthèse hémocultures : streptocoque, staphylocoque
(Zylorict) et colchicine est indiqué dans les formes
hépatique dans les situations de « foie cardiaque ». notamment.
sévères.
L’allongement du taux de prothrombine et du temps Le traitement repose sur une antibiothérapie
de Quick est observé. adaptée, à base de deux antibiotiques bactéricides et
‚ Néphropathie
Ces troubles de l’hémostase constituent des synergiques, poursuivie durant 3 à 5 semaines.
facteurs de risques hémorragiques périopératoires, Elle associe une altération de la fonction La prévention passe par une hygiène dentaire
corrélés à l’élévation de l’hématocrite et leur glomérulaire, mise en évidence par la présence parfaite, éduquée au patient, et par une
correction préalable est indispensable (maintenir d’une protéinurie et d’une microalbuminurie et par la antibioprophylaxie lors d’extraction de dents cariées,
l’hématocrite en dessous de 65 %). diminution de la clairance de la créatinine, à une de soins de racine ou de détartrage dentaire ;
‚ Travail et fonction cardiaques tubulopathie. L’évolution à long terme peut être amoxicilline (Clamoxylt) per os à la posologie de
marquée par l’apparition d’une insuffisance rénale, 40 mg/kg 1 heure avant les soins et 8 heures après
L’hypervolémie et l’hyperviscosité sanguines
avec lésions histologiques à la ponction biopsie si le risque est faible ; amoxicilline (40 mg/kg) et
majorent le travail cardiaque. L’apport d’O2 au
rénale : épaississement de la membrane basale, gentamicine (Gentallinet) 1 mg/kg par voie IV en
myocarde est relativement préservé, comparati-
prolifération des cellules glomérulaires, fibrose deux injections espacées de 8 heures et relayées par
vement à celui d’autres organes. Une hypertrophie
interstitielle focale, atrophie tubulaire, hyalinisation une prise orale d’amoxicilline (40 mg/kg) si le risque
myocardique biventriculaire représente le
des artérioles. est élevé. La pristinamycine (Pyostacinet, 20 mg/kg)
mécanisme d’adaptation du cœur aux conditions de
charge. Néanmoins, une ischémie sous- per os et la vancomycine (Vancocinet) par voie IV
endocardique avec fibrose apparaît avec l’évolution ‚ Complications évolutives des shunts D-G peuvent être utilisées en cas d’allergie à la pénicilline.
et cause des troubles segmentaires de la contractilité
myocardique. Ces anomalies semblent correspondre Accidents vasculaires cérébraux Abcès cérébral
à un déficit du métabolisme des acides gras libres. Le diagnostic repose sur l’apparition d’un déficit Il survient le plus souvent chez le grand enfant,
‚ Hippocratisme digital neurologique et d’anomalies typiques au scanner entre 8 et 12 ans (risque évalué à 0,5 %/an par
cérébral. Les AVC sont retrouvés avec une incidence patient) et est favorisé par :
Défini par l’épaississement distal des dernières
élevée (supérieure à 50 % dans certaines séries) lors
phalanges (doigts et orteils) associé à une – le passage direct de bactéries, non filtrées par le
d’études anatomopathologiques systématiques :
déformation en « verre de montre » des ongles, barrage pulmonaire en raison du shunt D-G, dans la
ramollissement cérébral, thrombose artérielle ou du
l’hippocratisme digital apparaît après plusieurs mois circulation gauche ;
ou années d’évolution d’une hypoxémie chronique, sinus veineux longitudinal supérieur, foyers limités et
– les anomalies préexistantes de la circulation
quelle qu’en soit l’étiologie. L’ostéoarthropathie infracliniques de nécrose, consécutifs à des
cérébrale, à type de microangiopathies liées à
hypertrophique est encore plus tardive et microthromboses « in situ » ou à des microembolies.
l’hypoxémie chronique, ou d’AVC.
comprend : hippocratisme digital, altérations Ces accidents surviennent surtout avant l’âge de
4 ans et favorisent secondairement la survenue d’un Le foyer infectieux initial peut être une
osseuses des phalanges et des articulations
abcès cérébral. endocardite infectieuse, une méningite bactérienne,
interphalangiennes distales, anomalies de
une pneumopathie. Le diagnostic repose sur les
croissance des épiphyses et réaction périostée des os Les facteurs de risques d’AVC sont : l’hypoxémie
éléments cliniques : fièvre, céphalées, convulsions,
longs, synovite non inflammatoire des articulations chronique, l’hyperviscosité sanguine, l’hypochromie.
déficit neurologique, et sur le scanner cérébral ou
(genoux, chevilles et poignets). De plus, la survenue de fièvre ou de déshydratation,
l’imagerie par résonance magnétique réalisés au
La physiopathologie est encore mal connue : la réalisation d’un cathétérisme cardiaque avec
moindre doute, avec artériographie éventuellement.
activation de l’endothélium vasculaire et oblitération angiographie (rôle des produits de contraste
La ponction lombaire et les hémocultures
des réseaux capillaires des ongles et des extrémités hyperosmotiques) augmentent transitoirement ces
permettront d’identifier l’agent infectieux.
par des mégacaryocytes et des amas de plaquettes, risques.
non retenus par la circulation pulmonaire en raison Le traitement est basé sur l’antibiothérapie par
L’incidence des AVC a aujourd’hui beaucoup
du shunt D-G. Les plaquettes anormales libèrent des voie IV durant 4 semaines, seule ou associée à
diminué (1 à 2 % des cardiopathies cyanogènes), car
facteurs de croissance tissulaire tels le PDGF (platelet l’aspiration et au drainage neurochirurgical de
la prise en charge thérapeutique des cardiopathies
derived growth factor), probablement à l’origine de l’abcès (intérêt des méthodes stéréotaxiques moins
est plus précoce.
l’hypertrophie des parties molles et de la invasives). Le pronostic est sombre en cas de rupture
prolifération des capillaires avec microfistules de l’abcès dans les ventricules cérébraux, ou en
Endocardite bactérienne
artérioveineuses au niveau des extrémités. Un présence de troubles neurologiques sévères [10]. Le
syndrome antiphospholipides peut, dans certains Les lésions valvulaires ou les defects risque de mortalité varie de 10 à 50 % selon les
cas, être associé. intracardiaques restrictifs (tétralogie de Fallot, CIV séries.

6
Cyanose - 8-0060

‚ Vie quotidienne de l’enfant et du jeune thromboemboliques du post-partum, prophylaxie de orthographe, langage, arithmétique [ 1 1 ] . La
adulte l’endocardite d’Osler. surprotection familiale et l’angoisse de l’entourage
contribuent à aggraver la marginalisation scolaire.
Capacité physique à l’effort
Aspects gynécologiques et obstétricaux La scolarité et les tests d’intelligence sont considérés
Il apparaît en début d’effort un déficit important
Les cycles sont irréguliers, les menstruations normaux lorsque la cardiopathie a été réparée
en O2, par augmentation du shunt D-G et majoration
anormales. La contraception par dispositif précocement et avec succès.
du retour veineux fortement désaturé, à l’origine
intra-utérin est déconseillée en raison des risques d’un métabolisme cellulaire anaérobique avec
d’endocardite infectieuse et la contraception orale


production de lactates. La consommation en O2
par pilule œstroprogestative augmente les risques augmente lentement, de façon corrélée à la capacité Conclusion
de complications thromboemboliques. L’emploi de d’élévation du débit pulmonaire, jusqu’à une valeur
pilules microdosées peut être envisagé. d’équilibre atteinte tardivement. Le retour à des
La grossesse entraîne physiologiquement une valeurs normales après arrêt de l’effort est La cyanose est un symptôme clinique, traduisant
élévation de 30 à 50 % du débit cardiaque et de également lent [9]. un état d’hypoxémie artérielle lorsqu’elle relève d’une
50 % de la volémie maternelle avec hémodilution et Les sports de loisirs et d’entretien physique sont cause centrale cardiaque ou pulmonaire. Sa
« anémie relative » en raison d’une rétention encouragés, mais les autres activités sportives découverte chez le nouveau-né implique le transfert
hydrosodée. La consommation en O2 augmente déconseillées en raison des risques d’hypoxémie médicalisé immédiat de l’enfant vers un service
progressivement de 20 à 30 %, jusqu’au terme. grave et d’accidents ischémiques du myocarde spécialisé, pour un bilan étiologique et une prise en
L’accouchement entraîne une élévation survenant souvent à la récupération des efforts. charge thérapeutique. Si l’échocardiographie-doppler
considérable du débit cardiaque (50 à 80 %) au est devenu l’examen primordial autorisant un
Tabagisme
cours des minutes suivant l’expulsion. L’augmen- diagnostic fiable et précis, le cathétérisme cardiaque
tation de la masse volémique et du débit cardiaque Il est formellement proscrit.
avec angiographie garde une place importante dans
persiste plusieurs semaines. Vaccinations l’exploration des cardiopathies cyanogènes, pour
Un shunt D-G sera majoré par la baisse de la RVS. Les vaccinations courantes doivent être apprécier la qualité de la vascularisation pulmonaire,
La grossesse est sans risque particulier après normalement effectuées, sans exception, et les et guider au mieux les indications chirurgicales,
réparation complète et réussie de tétralogie de Fallot vaccinations antigrippale et antipneumococcique « palliatives » ou « curatives ».
ou de TGV, ou dans certains cas après intervention sont encouragées. La cyanose chronique est rencontrée chez
de Fontan. Elle est contre-indiquée en cas d’HTAP ou l’enfant en cas d’impossibilité ou d’échec des
Voyage en avion et séjour en altitude
de cyanose importante (SaO2 inférieure à 75 %), en procédures chirurgicales conventionnelles. Elle est à
raison des risques de mortalité fœtale (50 %) et de Au cours d’un vol aérien classique, la SaO2 baisse l’origine d’une diminution des aptitudes physiques et
complications cardiovasculaires maternelles (un tiers d’environ 6 %. Ce type de transport sera plutôt
provoque des réactions physiologiques
des cas), parfois mortelles. L’hypotrophie fœtale et la déconseillé si la SaO2 est inférieure à 80 %. Les
d’adaptation, au premier rang desquelles la
prématurité sont habituelles si la grossesse est séjours à la montagne ne poseront aucun problème
polyglobulie, source de complications graves
poursuivie. L’incidence des cardiopathies fœtales pour une altitude inférieure à 1 500 m, mais seront
lorsqu’elle est excessive et non contrôlée.
varie de 3 à 5 % contre 0,5 à 0,8 % dans la déconseillés au-delà.
Les cardiopathies cyanogènes favorisent d’autre
population générale [8]. Impact de la cyanose sur les performances part la survenue de complications septiques et
Une surveillance étroite est indispensable : scolaires d’AVC. La prise en charge à long terme implique la
échocardiographie-doppler, SaO2, maintien de Malgré des études contradictoires, les prévention et le traitement de ces complications.
l’hématocrite inférieur à 65 %, supplémentation performances paraissent diminuées chez la plupart L’indication d’une greffe cardiaque ou cardiopulmo-
martiale, prévention des complications des patients, dans tous les domaines académiques : naire sera envisagée dans certains cas.

François Heitz : Praticien hospitalier, cardiopédiatre,


unité de cardiologie pédiatrique, centre hospitalier universitaire, hôpital des Enfants, 330, avenue de Grande-Bretagne, BP3119, 31026 Toulouse, cedex 3.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Heitz. Cyanose. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0060, 1999, 7 p

Références

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7
8-0130

Diagnostic d’une hypotonie 8-0130


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

chronique du nouveau-né
et du nourrisson
M Mayer

L ’hypotonie est un motif extrêmement fréquent de consultation en pédiatrie, car elle participe au tableau
clinique d’un grand nombre d’affections de l’enfance. Mais c’est essentiellement chez le nouveau-né et le
nourrisson qu’elle peut se présenter de manière isolée, ou du moins être au premier plan du tableau symptomatique,
et constituer alors le signe d’appel d’un certain nombre de maladies.
© Elsevier, Paris.

■ ■
À l’examen clinique, le tonus axial s’apprécie par
Définition Diagnostic positif la qualité de tenue de la tête et du tronc au cours de
certaines manœuvres. Il importe de distinguer le
tonus du plan antérieur de la musculature axiale de
Le tonus correspond à l’état de légère tension On prendra soin d’examiner le jeune nourrisson,
celui du plan postérieur, certaines circonstances
permanente à laquelle se trouve physiologiquement déshabillé, lorsqu’il est bien éveillé, calme, ni trop
pathologiques affectant de façon différente ces deux
soumis tout muscle squelettique en état de repos près ni trop loin d’un repas. Affirmer l’hypotonie
secteurs.
apparent. impose de connaître les variations physiologiques
Le tonus de la nuque est étudié par la manœuvre
du tonus en fonction de l’âge, sa maturation
Le tonus est assuré par un système effecteur du tirer-assis : une tonicité correcte du plan antérieur
s’achevant entre 18 et 24 mois. L’hypotonie peut
comprenant le muscle, la jonction neuromusculaire permet à la tête de venir vers l’avant lorsque l’on tire
affecter la musculature de l’axe et/ou des membres :
et les différents éléments du système nerveux l’enfant à soi, et freine sa chute en arrière lorsqu’on
lorsqu’elle est globale et massive, la manipulation de
périphérique (SNP), c’est-à-dire les nerfs sensitifs, la repose l’enfant sur le plan du lit ; une tonicité
l’enfant évoque celle d’une poupée de chiffon.
corne antérieure de la moelle et les nerfs moteurs. correcte du plan postérieur permet à la tête de venir
‚ Tonus axial aisément lorsque l’on tire l’enfant à soi, lui permet de
Il est régulé, dans son intensité et sa répartition,
redresser la tête lorsqu’on le penche en avant,
par des circuits réflexes multiples dont les centres se Il assure les acquisitions posturales. Un tonus comme il le fait spontanément en décubitus ventral,
trouvent dans les formations les plus diverses du normal de l’axe permet : en dégageant d’abord, à la naissance, seulement la
système nerveux central (SNC). – la tenue de la tête dans l’axe en position face, puis le haut du thorax par appui initialement
Il existe donc deux grandes sources de verticale quelques instants à terme, de façon durable sur les avant-bras, plus tard sur les mains.
modification du tonus : entre 4 et 8 semaines ; Le tonus du tronc s’apprécie tout d’abord à
– la tenue assise avec appui à 6 mois, sans appui travers la qualité de sa verticalisation en position,
– une atteinte du système effecteur : son
à 8 mois ; maintenue ou spontanément, assise : l’enfant
symptôme fondamental est un déficit de la force
– la mise en position assise seul à 9 mois ; verticalise d’abord le tiers supérieur du dos vers 3 à 4
musculaire et/ou un trouble de la sensibilité ;
– la station debout avec appui à 10 mois, sans mois, puis les deux tiers lors de la station assise
– une perturbation du système régulateur, appui à 12 mois ; béquillée, et enfin la totalité lors de la station assise
c’est-à-dire du SNC, qu’elle soit due à une atteinte – la marche autonome avant 18 mois. sans appui avec attitude en lordose lombaire ; le
directe ou secondaire à une maladie extraneurolo- Ces délais ne sont bien sûr que des valeurs tonus du tronc est étudié également d’après les
gique. Cette origine est de loin la plus fréquente. indicatives et il importe avant tout de tenir compte possibilités de l’enfant de se redresser lorsqu’il est en
de l’évolution de ce développement psychomoteur. décubitus dorsal ou ventral, soit au cours de ses

L’hypotonie peut être due :


✔ à une atteinte du système effecteur ;
© Elsevier, Paris

Une hypotonie axiale conduit à un retard des acquisitions posturales et se traduit à


✔ plus souvent, à une perturbation du l’examen par une mauvaise tenue de la tête et du tronc, notamment un effondrement
système régulateur, c’est-à-dire du du dos en gibbosité à grand rayon en position assise et une incapacité à se redresser
SNC. au cours des manœuvres décrites ci-dessus.

1
8-0130 - Diagnostic d’une hypotonie chronique du nouveau-né et du nourrisson


efforts spontanés, soit lorsqu’il est suspendu par le ‚ Altération de la sensibilité
bassin. À partir de 1 an, lorsque, penché en avant, le
Examen clinique d’un enfant
hypotonique Elle est aussi bien épicritique que proprioceptive
dos du bassin plaqué contre l’examinateur, celui-ci ou thermoalgésique : lorsqu’elle est diffuse, elle
ne le maintient que par le haut des cuisses, l’enfant oriente vers une atteinte du SNP ; si elle respecte un
est capable de se redresser complètement à la Lorsque l’examen clinique a confirmé l’existence
de l’hypotonie, il doit ensuite préciser son niveau niveau supérieur, elle signe une atteinte médullaire.
verticale.
lésionnel, central ou périphérique, puis le contexte ‚ Existence de troubles vasomoteurs
anamnestique et clinique de sa survenue : ceci
C’est un bon élément d’orientation vers une
‚ Tonus des membres constitue la première étape de la recherche
atteinte du SNP.
étiologique.
Outre la consistance des masses musculaires à la
palpation et une certaine résistance de celles-ci à ‚ Existence de déformations articulaires
‚ Existe-t-il un déficit de la force et de rétractions tendineuses
l’étirement, d’où une limitation du ballant passif des
musculaire ? Les déformations articulaires et les rétractions
extrémités et de l’extensibilité articulaire, le tonus des
membres assure le maintien des attitudes et module Si oui, il s’agit d’une atteinte du système effecteur, tendineuses, réductibles ou non, signent l’ancienneté
la gesticulation qui est normalement, chez le très c’est-à-dire neuromusculaire. Il convient de préciser : de l’immobilité et peuvent, si l’expressivité a débuté
jeune enfant, riche, vive, puissante, et affecte – l’importance et la répartition du déficit de la à la période anténatale, conduire à une
harmonieusement les quatre membres lorsque force musculaire, sans oublier la face, la cavité arthrogrypose.
l’enfant est bien réveillé et sollicité par le maternage. buccale, les muscles extraoculaires et respiratoires.
‚ Examen neurologique
Une amimie ou une atteinte oculomotrice oriente
Chez le nouveau-né à terme, le tonus des Il ne saurait être complet sans la recherche de
vers une atteinte musculaire. Un aplatissement
membres est à l’origine de son attitude en mouvements anormaux, de troubles sphinctériens,
antéropostérieur du thorax signe l’atteinte diffuse
quadriflexion et adduction. Puis le tonus va des muscles respiratoires des myopathies ; un de troubles de la déglutition, d’éléments
progressivement se répartir de manière identique sur enfoncement en « coup de hache » sous- pyramidaux, extrapyramidaux et cérébelleux, et
les systèmes fléchisseur, extenseur, adducteur et mamelonnaire avec évasement en « auvent » des sans l’étude des paires crâniennes et des fonctions
abducteur, et atteindre une harmonie parfaite vers basses côtes et déformation en « proue de navire » sensorielles, notamment auditives et visuelles, et
18 mois. Cette évolution aboutit à la notion « d’angle du thorax traduit le respect relatif du diaphragme par enfin de la mesure du périmètre crânien (PC). Il est
d’ouverture » des articulations lors de la rapport aux intercostaux, des amyotrophies également indispensable de juger de l’éveil, du
manipulation, passive et douce, des segments de spinales ; développement intellectuel et du comportement.
membres chez le nourrisson en décubitus dorsal : – la prédominance à la racine ou aux extrémités ‚ Examen somatique complet
– l’angle poplité est de 90° à la naissance puis des membres : la première oriente vers une affection
Il comprend notamment l’examen minutieux de
s’ouvre progressivement pour atteindre 180° vers 18 de la corne antérieure ou des muscles, la
la peau (neuroectodermoses), du système osseux, du
mois ; prédominance distale vers une affection des nerfs ;
développement staturopondéral et du cœur (muscle
– le caractère symétrique ou asymétrique ;
cardiaque), et la recherche d’éléments dysmor-
– l’angle d’abduction des cuisses est de 30° par – sa constance ou sa variabilité au cours du
phiques et d’un goitre.
rapport à la ligne médiane à la naissance et de 70° à nycthémère : une variation diurne évoque un bloc
80° en fin de maturation ; neuromusculaire. ‚ Interrogatoire
– l’angle d’extension du coude est inférieur à 90° Les données de l’examen physique doivent être
‚ Existe-t-il une amyotrophie ? étayées par un interrogatoire complet des parents,
à la naissance pour atteindre 180° au cours du
second semestre ; Il convient de préciser son importance. Marquée, lequel retrace l’histoire familiale et celle du
elle est en faveur d’une atteinte périphérique et sa développement de l’enfant :
– l’angle d’adduction du bras sur le thorax est de – antécédents familiaux (consanguinité, décès in
répartition a alors la même valeur d’orientation
quelques degrés à la naissance (le coude ne dépasse utero, antécédents identiques) ;
étiologique que le déficit de la force. On peut s’aider
pas la ligne mamelonnaire homolatérale) puis – déroulement de la grossesse et de l’accou-
éventuellement d’une radiographie des parties
s’élargit, le coude dépassant la ligne mamelonnaire chement (séroconversion, souffrance fœtale
molles, car la trophicité musculaire peut être difficile
controlatérale vers 18 mois. chronique et/ou aiguë, vivacité des mouvements
à apprécier chez le nourrisson dont le pannicule
adipeux est souvent très développé. actifs, présentation) ;
Inversement, on peut tester les angles de
– âge de début des symptômes ;
fermeture aux membres inférieurs par la manœuvre
‚ Réflexes ostéotendineux – évolutivité de ces symptômes, en recherchant
de Lasègue et celle du talon-fesse, et aux membres
la notion d’un ralentissement, d’un arrêt, voire d’une
supérieurs par la flexion du poignet en « col de Sont-ils diminués, voire abolis, ou au contraire perte des acquisitions (affection progressive), ou au
cygne ». conservés, voire augmentés ? contraire de progrès, certes lents mais constants
Les réflexes vifs témoignent d’une atteinte (affection fixée). L’évolution du tonus de l’enfant et
Une hypotonie des membres va se traduire par
centrale. les dates des différentes acquisitions psychomotrices
une attitude évocatrice, en « batracien », chez le
nouveau-né et le nourrisson en décubitus dorsal : les Leur diminution plaide en faveur d’une atteinte sont des données anamnestiques trop souvent
membres reposent sur le plan du lit, les bras en périphérique, mais il faut savoir se méfier car ils difficiles à obtenir de façon précise par
extension, les cuisses semi-fléchies en abduction et peuvent être difficilement perçus au cours d’une l’interrogatoire rétrospectif des parents : d’où l’intérêt
rotation externe, les jambes semi-fléchies, les pieds hypotonie, quelle que soit sa cause, à partir du majeur de les avoir scrupuleusement consignées
moment où elle est d’intensité majeure, ou encore dans le carnet de santé.
en équin. La gesticulation est pauvre, lente, difficile à
en cas d’hyperlaxité importante.
solliciter. La consistance des muscles est diminuée à


la palpation. L’augmentation de la passivité se
‚ Existence de fasciculations Enquête étiologique
traduit par une augmentation du ballant des
membres. L’augmentation de l’extensibilité se traduit Elles sont faciles à observer au niveau de la
par l’exagération des angles d’ouverture pour les langue et des mains et signent l’atteinte neurogène Au terme de l’interrogatoire et de l’examen
fléchisseurs et des angles de fermeture pour les périphérique, et avant tout celle de la corne clinique, le diagnostic étiologique (fig 1) est le plus
extenseurs. antérieure. souvent déjà largement orienté, ce qui va permettre

2
Diagnostic d’une hypotonie chronique du nouveau-né et du nourrisson - 8-0130

Conduite à tenir devant une hypotonie


Hypotonie chronique du nouveau-né et du nourrisson
chronique
L’examen clinique doit être le plus Steinert congénitale Atteintes extraneurologiques
Hypotonie pure
complet possible. Il convient de Myasthénie néonatale
massive néonatale
rechercher : Willi-Prader
✔ un déficit de la force musculaire.
Retard simple du tonus
S’il existe, préciser : Diagnostic d'élimination
– l’importance et la répartition du
déficit de la force musculaire ; Présence d'éléments d'atteinte périphérique
– la prédominance à la racine ou aux
extrémités des membres ; - Diminution de la force musculaire - Troubles vasomoteurs
– le caractère symétrique ou - Amyotrophie - Déformations ostéoarticulaires
- Aréflexie - Troubles sensitifs diffus
asymétrique ;
– sa constance ou sa variabilité au
cours du nycthémère ; Oui Non
✔ une amyotrophie ; si elle existe, Hypotonie globale (membres +++) Hypotonie axiale (antérieure +++)
préciser son importance ;
✔ les réflexes ostéotendineux (ROT) :
sont-ils diminués, voire abolis, ou au Exploration électromyographique Atteinte du SNC
contraire conservés, voire - Hypertonie axiale postérieure
augmentés ? - Hypertonie des membres
✔ des fasciculations : elles signent - Syndrome pyramidal, extrapyramidal,
cérébelleux
l’atteinte neurogène périphérique ; - PC : trop petit ou trop grand
✔ une altération de la sensibilité, - Atteinte intellectuelle
aussi bien épicritique que Myopathies : Neuropathies Bloc NM - Épilepsie, mouvements anormaux
proprioceptive ou thermoalgésique ; - Atteinte des fonctions sensorielles
CPK
✔ des troubles vasomoteurs ; ASA
✔ des déformations articulaires et des et BM NHSM, NHM : BNM Anamnèse, évolutivité,
rétractions tendineuses. NP sensitives : BNM autres signes neurologiques,
L’examen neurologique sera éléments somatiques, QD,
complété : FO, EEG, PE, ERG, squelette,
neuroradio, bilan sensoriel
✔ par la recherche de mouvements Conseil génétique
anormaux, de troubles sphinctériens,
de troubles de la déglutition, ECP progressives ECP fixées
d’éléments pyramidaux,
extrapyramidaux, cérébelleux... ; Cellules de surcharge Caryotype
✔ par un examen somatique complet. Biopsie cutanée LCR,
Bilan métabolique Sérologie...
Les données de l’examen physique
seront étayées par un interrogatoire
Conseil génétique + Conseil
complet des parents.
génétique

1 Schéma d’orientation diagnostique devant une hypotonie chronique du nouveau-né et du nourrisson.


de sélectionner les examens complémentaires visant
CPK : créatine-phosphokinase ; BM : bilan musculaire ; ASA : amyotrophie spinale antérieure ; NHSM :
à le confirmer.
neuropathie héréditaire sensitivomotrice ; NHM : neuropathie héréditaire motrice ; BNM : bilan neuromuscu-
laire ; NP : neuropathie ; NM : neuromusculaire ; SNC : système nerveux central ; PC : périmètre crânien ;
‚ Affections viscérologiques QD : quotient de développement ; FO : fond d’œil ; EEG : électroencéphalogramme ; PE : potentiels évoqués ;
L’examen général a mis en évidence une ERG : électrorétinogramme ; ECP : encéphalopathie ; LCR : liquide céphalorachidien.
aff e c t i o n v i s c é r a l e g r a v e ( c a r d i o p a t h i e ,
néphropathie, diarrhée chronique...) ou une affection centrale, deux cadres requérant chacun des – très rarement, il s’agira d’une atteinte sensitive
ostéoarticulaire (rachitisme, achondroplasie, examens complémentaires différents. pure se traduisant par des troubles diffus, mais
ostéogenèse imparfaite, maladie héréditaire du difficiles à reconnaître précocement, des sensibilités
collagène [syndrome de Marfan et maladie ‚ Enfant présentant des éléments superficielle, épicritique, proprioceptive mais aussi
d’Ehlers-Danlos]) : l’hypotonie n’est ici qu’un simple d’atteinte neuromusculaire thermoalgique, avec troubles trophiques cutanés et
élément secondaire dont l’évolution sera en règle osseux.
L’hypotonie est ici globale, affectant à la fois l’axe
parallèle à celle de l’affection causale ; elle ne justifie
et surtout les membres. Les réflexes sont abolis ou
guère en elle-même d’explorations Le diagnostic est ici à l’exploration électrophysio-
du moins diminués. Deux cadres se distinguent
complémentaires. logique, comprenant l’électromyogramme (EMG), la
selon que le secteur moteur est ou non respecté :
– le symptôme clé d’une atteinte musculaire, du mesure des vitesses de conduction nerveuse motrice
‚ Causes neurologiques (VCNM) et sensitive (VCNS), l’étude des potentiels
neurone moteur périphérique ou de la jonction
L’examen a mis en évidence d’autres symptômes neuromusculaire est une diminution de la force évoqués somesthésiques (PES), complétée ensuite,
neurologiques : l’hypotonie est ici primitivement musculaire ; il s’associe volontiers à une selon les cas, par le dosage de la créatine-
neurologique, liée soit à une atteinte périphérique, amyotrophie, à des déformations ostéoarticulaires et phosphokinase (CPK), les examens histologiques et
c’est-à-dire neuromusculaire, soit à une atteinte à des troubles vasomoteurs ; l’étude génétique en biologie moléculaire.

3
8-0130 - Diagnostic d’une hypotonie chronique du nouveau-né et du nourrisson

¶ Amyotrophie spinale antérieure dégénérative ¶ Neuropathies héréditaires sensitivomotrices, spécifiques (myopathie à core central, myopathie à
ou maladie de Werdnig-Hoffmann type I et II motrices à expression distale, et sensitives bâtonnets...) des DMC. En cas de DMC, l’étude d’un
Celles-ci sont beaucoup plus rarement retrouvées certain nombre de protéines membranaires
L’incidence de cette affection est de 1/6 000 à
que les ASA et les myopathies à l’origine d’une éventuellement déficitaires (en particulier la
10 000 naissances. L’amyotrophie spinale antérieure
hypotonie chronique du nourrisson. mérosine) est désormais accessible, et la poursuite
(ASA) constitue la cause la plus fréquente
Les neuropathies héréditaires sensitivomotrices des examens précise s’il existe ou non une atteinte
d’hypotonie chronique paralytique du nourrisson, et
se traduisent par un déficit de la force musculaire centrale et oculaire associée.
la deuxième cause de mortalité par maladie
avec amyotrophie et aréflexie, prédominant en Les myopathies métaboliques sont des
récessive, après la mucoviscidose. Elle se caractérise
distal et aux membres inférieurs. Les troubles affections très rares dues à des déficits enzymatiques
par la dégénérescence des motoneurones de la
vasomoteurs sont fréquents, de même que les siégeant sur les voies métaboliques, permettant au
corne antérieure médullaire, voire bulbaire. Il s’agit
déformations articulaires. Le déficit sensitif n’est pas muscle de fabriquer son énergie chimique, l’acide
d’une affection héréditaire autosomique récessive
objectivé par l’examen clinique. Le diagnostic adénosine triphosphorique (ATP). Le diagnostic est à
liée à un dysfonctionnement génique complexe
électrique permet de distinguer les neuropathies la biopsie musculaire et aux dosages biochimiques.
situé en 5q13.1, dominé par une anomalie du gène
myéliniques (VCN effondrées, EMG longtemps
SMN (survival motor neuron). ¶ Atteintes de la plaque motrice
normal) des atteintes axonales (VCN normales, EMG
Les blocs neuromusculaires néonatals sont
L’atteinte débute tôt dans la première année : neurogène, PES d’amplitude effondrée mais de
exceptionnels. Deux cadres sont à distinguer : une
avant 4 mois pour le type I, avant 1 an pour le type latence normale).
forme transitoire chez un nouveau-né de mère
II. Il apparaît une diminution sévère de la motilité des Les neuropathies héréditaires motrices à
myasthénique (cf infra) et la myasthénie congénitale
racines aux membres inférieurs, puis aux membres expression distale ont la même présentation clinique vraie.
supérieurs, dont l’attitude est tout à fait et ne se distinguent qu’électriquement, par le respect
caractéristique : épaules en rotation interne, coudes du secteur sensitif. La biopsie neuromusculaire est
semi-fléchis, avant-bras en pronation forcée, nécessaire chaque fois que l’enquête familiale ne Diagnostics à évoquer en présence
poignets en extension, doigts fléchis avec coup de permet pas de reconnaître une neuropathie de d’une atteinte périphérique
vent radial. La paralysie des paraspinaux conduit à Charcot-Marie-Tooth, à révélation habituellement ✔ ASA dégénérative ou maladie de
une hypotonie du tronc. L’atteinte des muscles plus tardive. Werdnig-Hoffmann (type I et II) :
abdominaux et des intercostaux, rapidement sévère Les neuropathies héréditaires sensitives sont des cause la plus fréquente d’hypotonie
dans le type I, de gravité variable dans le type II, affections très rares. Celles pouvant se révéler chronique paralytique du
contraste avec le respect du diaphragme : la précocement sont les types II, III et IV, de nourrisson.
respiration est paradoxale avec dépression transmission autosomique récessive. Il n’y a pas ici ✔ Neuropathie héréditaire :
thoracique à l’inspiration, le thorax se déforme en de déficit de la force musculaire à proprement parler, – sensitivomotrice ;
carène, le cri est faible et court, la toux inefficace. La mais les nouveau-nés présentent une hypogesticu- – motrice à expression distale ;
mimique est préservée et l’oculomotricité est lation massive trompeuse, pseudoparalytique.
– sensitive (très rare).
toujours normale. Les ROT sont abolis. Des L’aréflexie oriente d’emblée vers le SNP et impose
✔ Atteinte musculaire :
fasciculations sont visibles au niveau des mains et l’exploration électromyographique. Troubles
– myopathies congénitales et DMC ;
très souvent au niveau de la langue, signant sensitifs, troubles trophiques cutanés et osseux,
– myopathies métaboliques (très
l’extension de l’atteinte à la colonne motrice perturbations de la sudation et troubles
rares).
bulbaire. Les fonctions supérieures sont préservées, neurovégétatifs s’associent à des degrés divers. Des
✔ Atteintes de la plaque motrice :
comme en témoigne la vivacité du regard. Le troubles de la déglutition sont possibles. Il existe
fréquemment une hyperalbuminorachie. Le
– forme transitoire chez un
diagnostic est confirmé par l’EMG qui montre nouveau-né de mère myasthénique ;
l’existence d’une atteinte homogène et très grave du diagnostic est confirmé par l’électrophysiologie
(effondrement d’amplitude des PES, rendant le plus – myasthénie congénitale.
secteur moteur du SNP : EMG sévèrement
neurogène, VCNM normale ou tardivement souvent incalculable les VCNS, respect du secteur
discrètement abaissée, VCNS et PES normaux. La moteur) et la biopsie de nerf sensitif (disparition des
Enfant ne présentant pas d’éléments d’atteinte
biopsie musculaire n’est pas nécessaire au fibres myélinisées [type II] ou amyéliniques [types III périphérique
diagnostic : elle montrerait une atrophie fasciculaire. et IV]).
Une force musculaire correcte de la racine des
¶ Atteintes musculaires membres inférieurs et des abdominaux est
Le diagnostic est confirmé par la biologie
Elles correspondent aux myopathies et démontrée par plusieurs manœuvres simples :
moléculaire mettant en évidence la délétion
dystrophies musculaires congénitales (DMC) et aux – lorsqu’on maintient l’enfant sous les aisselles, il
homozygote du gène SMN.
myopathies métaboliques à révélation précoce. soulève les membres inférieurs à angle droit
Dans le type I, l’évolution est fatale avant 12 à 18 Les myopathies et DMC entraînent un déficit (position à l’équerre) ;
mois par insuffisance respiratoire chronique, musculaire diffus, symétrique, prédominant aux – lorsqu’on maintient les jambes à la verticale
précipitée par les infections pulmonaires récidivantes racines, surtout scapulaire, au niveau du cou et du chez l’enfant en décubitus dorsal et qu’on lui
et les fausses routes liées au trouble progressif de la tronc ; le diaphragme est aussi affecté que les chatouille les pieds, on constate qu’il soulève
déglutition. intercostaux, expliquant l’aplatissement aisément les fesses du plan du lit ;
antéropostérieur du thorax. L’amimie est très – au cours de l’appui plantaire, l’enfant pousse
Dans le type II, les paralysies s’installent sur une fréquente. Il peut exister une atteinte des muscles de vigoureusement sur ses jambes en étendant le
période de quelques semaines à plusieurs mois. la déglutition. Les ROT sont longtemps conservés. La genou et en redressant le bassin ;
Celles-ci restent ensuite longtemps stables : la prise CPK est peu ou pas élevée, sauf dans certaines – en décubitus ventral, jambes pendantes au
en charge kinésithérapique, orthopédique et formes de DMC. Les VCN sont normales, l’EMG est bord du lit, il étend les cuisses, confirmant la bonne
respiratoire doit être précoce et constante afin habituellement myogène. Mis à part la forme activité des fessiers.
d’assurer à ces handicapés moteurs sévères et congénitale de la dystrophie myotonique de Steinert Une force musculaire correcte de la racine des
insuffisants respiratoires plus ou moins graves une dont le diagnostic est accessible directement par membres supérieurs est mise en évidence en
qualité de vie optimale, l’espérance de vie dépassant biologie moléculaire (cf infra), la biopsie musculaire soulevant l’enfant maintenu sous les aisselles : il est
maintenant régulièrement pour la plupart d’entre est indispensable : elle permet de différencier les capable de supporter la totalité de son poids mais
eux les 20 ou 30 ans. myopathies avec modifications structurelles ceci peut cependant parfois faire défaut au cours

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Diagnostic d’une hypotonie chronique du nouveau-né et du nourrisson - 8-0130

d’une importante hypotonie de nuque induisant une – d’une ECP périnatale posthypoglycémique ou
telle hypotonie des épaules que celles-ci sont Diagnostics à évoquer en présence posthyperbilirubinémique ;
incapables d’une adduction suffisante. d’une atteinte centrale – d’une ataxie cérébelleuse congénitale : le
L’atteinte est ici centrale et l’exploration ✔ Atteinte centrale progressive diagnostic est ici à la reconnaissance du syndrome
électromyographique est inutile. Le retard peut ne c’est-à-dire ECP métabolique : cérébelleux, malheureusement souvent retardé
toucher que le secteur moteur (retard des – avec dysmorphie entre 6 et 24 mois, à l’IRM et à l’étude de l’anamnèse
acquisitions posturales) ou toucher aussi le domaine (mucopolysaccharidoses, familiale (existence de formes génétiques). Le retard
intellectuel. L’hypotonie du plan antérieur peut être oligosaccharidoses…) ; mental, en règle important, est dominé par les
le seul symptôme moteur et le rester toujours. Dans – sans dysmorphie difficultés d’apprentissage du langage ;
d’autres cas, elle s’associe à d’autres symptômes qu’il (aminoacidopathies, neurolipidoses, – d’une contusion de la moelle pernatale : le
faut alors rechercher avec soin : mitochondriopathies…). diagnostic différentiel peut être difficile si l’on n’y
– une hypo- ou beaucoup plus souvent une ✔ Atteinte centrale fixée : prend garde, avec une maladie de Werdnig-
hypertonie du plan postérieur ; – hypothyroïdie ; Hoffmann. On s’efforcera de retrouver les éléments
anamnestiques (tête hyperfléchie, rétention tête
– une hypo- et bien plus souvent une hypertonie – ECP malformative ;
dernière) et de retrouver le syndrome lésionnel
des membres, soit élastique pyramidale (avec – maladie caryotypique ;
(plexus brachial...) et le syndrome sous-lésionnel
hyperréflexie ostéotendineuse, signes de Babinski et – ECP d’origine prénatale (diabète ou
(troubles sphinctériens, développement d’un
de Rossolimo, clonus épileptoïde du pied), soit intoxication maternelle,
syndrome pyramidal, niveau sensitif, scoliose,
plastique extrapyramidale (souvent associée à des professionnelle, toxicomanogène, hyperalbuminorachie).
mouvements dystoniques des extrémités et de la éthylique, médicamenteuse) ;
Parfois, aucun diagnostic précis ne pourra être
face ou à des troubles de la déglutition) ; – ECP anoxo-ischémique d’origine retenu : on ne pourra conclure qu’à une ECP
– des troubles de l’équilibre et de la pré- ou périnatale ; congénitale fixée de cause indéterminée.
coordination : ces symptômes sont toujours tardifs, – ECP inflammatoire pré- ou Cependant, il faudra toujours se méfier d’une
parfois seulement décelables chez l’enfant de 1, périnatale (fœtopathie rubéolique, affection dégénérative, et donc génétique, dont
voire 2 ans ; toxoplasmique, à inclusions l’évolutivité initiale peut être très faible et en imposer
– une croissance insuffisante ou accélérée du PC ; cytomégaliques, séquelles d’infection longtemps pour une atteinte fixée.
– une épilepsie. herpétique, de septicémie et de
Les encéphalopathies (ECP) constituent la cause la méningite bactérienne) ;
plus fréquente des hypotonies chroniques du – ECP périnatale posthypoglycémique Retard simple du tonus
nouveau-né et du nourrisson. L’enquête étiologique ou posthyperbilirubinémique ; Parfois, l’hypotonie est globale, isolée,
repose sur les données de l’anamnèse, les autres – ataxie cérébelleuse congénitale ; habituellement remarquée seulement
éléments de l’examen neurologique et somatique, – contusion pernatale de la moelle... après 6 mois, sans déficit de la force
leur évolutivité, l’évaluation du quotient intellectuel, Toujours se méfier d’une affection musculaire ni amyotrophie, avec
l’examen du fond d’œil, les radiographies de dégénérative (et donc génétique) dont respect des ROT, sans déficit
squelette, l’imagerie cérébrale (échographie, scanner l’évolutivité initiale peut être très intellectuel, sans aucune autre
ou imagerie par résonance magnétique [IRM]), faible et en imposer longtemps pour anomalie de l’examen neurologique et
l’électroencéphalogramme, l’étude des potentiels une atteinte fixée. général. Le tableau se résume à un
évoqués et de l’électrorétinogramme. Divers retard des acquisitions posturales,
dosages biologiques en découleront alors dans un souvent accompagné d’une absence
deuxième temps (caryotype, sérologies, étude du – d’une hypothyroïdie dont le dépistage est d’acquisition du déplacement à quatre
liquide céphalorachidien, recherche de cellules de désormais systématique : le pronostic est lié à la pattes, l’enfant préférant se traîner sur
surcharge, bilan métabolique, biopsie de peau...). rapidité de la thérapeutique supplétive ;
les fesses (Schuffle). Il s’agit d’un
– d’une ECP malformative : il faut s’aider ici des
¶ Deux orientations diagnostiques à distinguer retard simple du tonus, affection ou
malformations et dysmorphies associées et des
L’enfant s’est d’abord développé normalement plutôt variante de la normale du
données de l’imagerie cérébrale. Le conseil
puis a arrêté ses acquisitions, voire a régressé. schème moteur, souvent familiale, et
génétique dépend de la précision du diagnostic ;
La maladie est ici progressive, c’est-à-dire dont on ignore le substratum
– d’une maladie caryotypique : la dysmorphie,
dégénérative par atteinte structurelle ou notamment faciale, attire ici souvent l’attention ;
physiopathogénique. L’évolution
enzymatique : ECP métaboliques avec dysmorphie – d’une ECP d’origine prénatale due à des causes
ultérieure confirmera la bénignité de
(mucopolysaccharidoses, oligosaccharidoses…) ou environnementales (diabète ou intoxication
ce retard par l’acquisition de la
sans dysmorphie (aminoacidopathies, neurolipi- maternelle, professionnelle, toxicomanogène, marche, qui pourra parfois ne se faire
doses, mitochondriopathies…). Une surdité ou une éthylique, médicamenteuse) ; que vers 22 à 30 mois. Il s’agit d’un
rétinopathie est à rechercher systématiquement. La – d’une ECP anoxo-ischémique d’origine pré- ou diagnostic d’élimination.
nature génétique peut être étayée par l’existence périnatale : l’hypotonie s’associe volontiers à une
d’une consanguinité ou d’antécédents familiaux microcéphalie, une épilepsie, un syndrome
identiques. Le diagnostic est au bilan métabolique.


pyramidal ou extrapyramidal. Le diagnostic est à
L’enfant s’est d’emblée développé avec retard l’anamnèse et à l’imagerie cérébrale ; Conclusion
mais continue de faire plus ou moins lentement des – d’une ECP inflammatoire pré- ou périnatale
acquisitions : l’atteinte centrale est ici fixée, (fœtopathie rubéolique, toxoplasmique, à inclusions
c’est-à-dire qu’elle ne s’aggrave pas. Cependant, la cytomégaliques, séquelles d’infection herpétique, de Le diagnostic d’une hypotonie doit être conduit
sémiologie peut apparaître soit d’emblée, soit après septicémie et de méningite bactérienne) : l’hypotonie avec rigueur. Il convient tout d’abord de la
un certain intervalle libre (au fur et à mesure de la s’associe volontiers à une microcéphalie, une reconnaître et de chiffrer son importance, puis d’en
mise en fonction maturative des différents secteurs atteinte oculaire, une surdité, des calcifications rechercher la cause.
cérébraux), rendant parfois délicat le diagnostic intracrâniennes, voire une hydrocéphalie. Le La première étape de la recherche étiologique
différentiel avec une ECP progressive. En ce qui diagnostic est à l’interrogatoire, à l’anamnèse et aux consiste d’une part à préciser le niveau lésionnel,
concerne les étiologies, il peut s’agir : sérologies ; central ou périphérique, et d’autre part à préciser le

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8-0130 - Diagnostic d’une hypotonie chronique du nouveau-né et du nourrisson

contexte anamnestique et clinique de survenue de traumatisants vont pouvoir d’une part préciser le la forme congénitale n’est en règle transmise que
cette hypotonie. Cette approche initiale permet diagnostic étiologique (ataxie congénitale, certaines par une femme atteinte. Cette affection dominante
ensuite le choix des examens complémentaires ECP progressives, myopathies difficiles à classer..., autosomique est liée à la réplication anormale d’un
appropriés. enfin diagnostic d’élimination, retard simple du triplet CTG au niveau du gène de la myotonine-
De l’étiologie dépendent le pronostic, la conduite tonus), et d’autre part préciser le pronostic kinase, situé sur le chromosome 19. Cet accès direct
thérapeutique et le langage à tenir aux parents psychomoteur. au diagnostic par l’examen de biologie moléculaire
concernant non seulement l’enfant en question, Soulignons, en période néonatale, le tableau rend désuets l’EMG et la biopsie musculaire ;
mais également ceux à venir. particulier d’une hypotonie massive apparemment
– le faciès est plus expressif, des déformations
Une étiologie périphérique doit être reconnue isolée, c’est-à-dire sans contexte malformatif ni
articulaires sont possibles, et la mère a une
rapidement : elle impose l’exploration électromyo- souffrance fœtale évidente, chez un nouveau-né
myasthénie, mais parfois réduite, chez elle, à la
graphique qui permettra de localiser l’atteinte au ayant volontiers des troubles de la déglutition, de la
simple présence d’anticorps antirécepteurs à
niveau de la moelle, des nerfs, des muscles ou de la respiration, voire de la vigilance par extrême
l’acétylcholine, à rechercher systématiquement : il
jonction neuromusculaire, impliquant des mesures fatigabilité, et dont la force musculaire n’est pas
s’agit d’une myasthénie néonatale transmise,
symptomatiques immédiates, un pronostic souvent toujours facile à évaluer en raison de l’hypogesticu-
transitoire, mais pouvant, dans les formes à
sévère et un conseil génétique précis. lation majeure. Trois hypothèses sont à envisager
expressivité anténatale sévère, laisser des séquelles
Le plus souvent, la cause en est de topographie systématiquement :
motrices ;
centrale, rapidement reconnue par l’examen – le faciès est atone, les déformations articulaires
clinique. La discussion diagnostique, le pronostic et le fréquentes (pieds équins plus typiquement directs – ce peut être la forme précoce, pseudomyopa-
conseil génétique reposent sur la notion du caractère que bots, varus équins, au maximum arthrogrypose), thique, de la maladie de Willi-Prader-Labhart, où
progressif ou fixé de l’atteinte dont découle le choix et la mère est elle-même atteinte de dystrophie l’hypotonie peut rester isolée plusieurs mois avant
des explorations complémentaires. myotonique de Steinert, mais parfois de façon pauci- l’apparition de l’obésité, la constatation du retard
Il reste toutefois un certain nombre de ou asymptomatique et encore méconnue à la mental, de l’hypogénitalisme et de l’hypodévelop-
nourrissons chez qui seuls les examens cliniques naissance de l’enfant (rechercher une myotonie et la pement des extrémités. Cette affection est liée à une
répétés à la recherche de nouveaux symptômes notion d’une cataracte précoce chez la mère et ses microdélétion ou à une monosomie par absence de
neurologiques et la répétition d’examens non collatéraux) : il s’agit d’une maladie de Steinert dont contribution paternelle sur le chromosome 15.

Michèle Mayer : Praticien hospitalier,


service de neuropédiatrie du Pr G Ponsot, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 82, avenue Denfert-Rochereau, 75674 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Mayer. Diagnostic d’une hypotonie chronique du nouveau-né et du nourrisson.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0130, 1998, 6 p

6
8-0070

8-0070
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Diarrhées aiguës

O Romain

L es diarrhées aiguës, 1,5 milliard de cas par an dans le monde, représentent la première cause de décès de
l’enfant. En France, deuxième cause d’hospitalisation du petit enfant, responsables selon les années de 2 à
3 millions d’épisodes par an (dont 20 % chez les moins de 5 ans), elles entraînent 50 à 100 décès par an qui
devraient en majorité être prévenus en évitant des prescriptions inadaptées, en prenant énergiquement en charge la
réhydratation des premières heures, avec surveillance très étroite de l’évolution du poids de l’enfant, de la clinique, et
en comparant la quantité de soluté bue avec le poids, l’importance des selles, des vomissements, des urines.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.


– adhésion et colonisation de la muqueuse, avec La baisse des sels biliaires diminue l’absorption
Introduction production soit d’une entérotoxine stimulant la des graisses. La faible quantité d’apport protidique et
sécrétion sans altérer la muqueuse (Vibrio cholerae), la fréquence d’une intolérance aux protides lactés
soit d’une cytotoxine entraînant la mort de la cellule bovins secondaire transitoire complètent le déficit
Définies par l’apparition brutale, depuis moins de (Shigella) ; énergétique.
1 semaine, de selles plus fréquentes, plus liquides et – colonisation avec altération de la muqueuse, L’alimentation a un effet bénéfique : l’amidon, qui
plus abondantes, les diarrhées aiguës, d’une Escherichia coli essentiellement ; libère du glucose (favorisant l’absorption de sodium
extrême gravité potentielle, sont guéries par – invasion de l’épithélium, en utilisant les fragiles et donc d’eau) et les acides aminés (glutamine),
l’utilisation systématique des solutés glucido-hydro- cellules M des plaques de Peyer, avec soit réaction facilement métabolisés par les entérocytes,
électrolytiques (SGH) par voie orale. Ces solutés, inflammatoire intense avec dégâts tissulaires favorisent la réparation de la muqueuse. Le jeûne
employés précocement, normalisent les selles et (certains E. coli, Campylobacter jejuni), soit possible prolongé diminue les capacités d’absorption.
préviennent la déshydratation aiguë. Parallèlement, dissémination à distance (Salmonella typhi). L’écosystème bactérien intraluminal peut être
une renutrition rapide évite la malnutrition
‚ Rotavirus modifié (rupture d’un équilibre fragile, majorée par
postdiarrhéique.
des antiseptiques utilisés abusivement ou la
La simplicité théorique de ce traitement a du mal Cause majeure de gastroentérite aiguë, c’est un
prescription injustifiée d’antibiotiques), ainsi que la
à toujours satisfaire les parents. Mais il existe un virus à acide ribonucléique (ARN) qui se multiplie
propulsion intestinale.
consensus repris par l’Organisation mondiale de la dans la muqueuse de l’intestin grêle, avec atrophie
santé (OMS) : une diarrhée aiguë ne doit pas être v i l l o s i t a i r e , m o d i fi c a t i o n d e s t r a n s p o r t s


traitée par antiseptiques et les antibiotiques n’ont membranaires ioniques, altération directe des
que de très rares indications (Campylobacter, disaccharidases. Les modifications histologiques Diagnostic clinique
Shigella, Yersinia, certaines salmonelles). apparaissent en 24 heures, sont maximales en
72 heures. L’allaitement maternel pourrait protéger
par ses anticorps passifs. Le diagnostic est clinique sur l’aspect des selles :


– volume augmenté ;
Physiopathologie ‚ Mécanisme – consistance : aqueuse, glairosanglante ;
L’eau suit passivement les mouvements – fréquence : plus de quatre par 24 heures ;
d’électrolytes à travers l’espace jonctionnel entre les – couleur : l’alternance de selles vertes et jaunes
La compréhension du mécanisme physiopatholo- entérocytes. est normale avec les laits dits « HA ». L’aspect
gique initial est capitale pour expliquer aux parents verdâtre de certaines selles diarrhéiques traduit
l’efficacité spectaculaire des SGH. Ce cotransport sodium-glucose-alanine simplement la rapidité du transit et le retard de
Le contenu des selles en eau augmente est le principe du mécanisme d’action modification de coloration des sels biliaires ;
brutalement, le côlon n’arrivant pas à réabsorber des SGH qui guérissent les diarrhées. – odeur : nauséabonde, aigrelette ;
toute l’eau que l’iléon déverse dans la lumière – acidité dont témoigne un érythème fessier
digestive. irritatif.
Plusieurs phénomènes s’associent : Des selles liquides jaune d’or avec des grumeaux,
– exsudation inflammatoire ; Ces solutés apportant glucides et quatre à six fois par jour, chez des enfants nourris au
– hypersécrétion d’eau par toxicité directe ; sodium inversent les flux sein avec une bonne prise pondérale sont normales.
– diminution de l’absorption villositaire ; membranaires, normalisent les selles On note l’âge de l’enfant, la date de début des
– appel osmotique de substances non absorbées en diminuant leur teneur en eau et en selles diarrhéiques, les poids récents, un éventuel
(lactose). électrolytes, et ainsi évitent ou traitent changement de régime, la température.
la déshydratation.
‚ Bactéries entéropathogènes
Responsables des maladies diarrhéiques, elles
sont différenciées en quatre grands groupes :
– production de toxine, en l’absence de
colonisation : Staphylococcus aureus, Clostridium
Parfois, les entérocytes atrophiés absorbent mal
les hydrates de carbone. Le renouvellement par des
cellules immatures et l’accélération du transit
majorent ce phénomène, dont dépend la qualité de

Gravité et évolution

La gravité et le risque évolutif sont dépistés


perfringens, Bacillus cereus ; la reprise pondérale. essentiellement par l’examen clinique.

1
8-0070 - Diarrhées aiguës

‚ Premières heures – D’autres virus sont de plus en plus souvent


La perte d’eau et d’électrolytes, crainte initiale, se
retrouvés : adénovirus, calicivirus, astrovirus, Coprocultures (avec recherches virale
coronavirus... et bactérienne) uniquement quand :
jauge cliniquement sur :
– la perte de poids : Agressions bactériennes ✔ selles glairosanglantes ;
– Salmonella (survenant plutôt l’été, œufs et ✔ diarrhées traînantes depuis
poulets souvent en cause), Shigella et les rares 4-5 jours malgré un traitement bien
Il faut calculer la différence entre le
Yersinia se traduisent généralement par des conduit ;
poids mesuré et le « poids théorique diarrhées glairosanglantes (phénomène ✔ nouveau-né, surtout hyperfébrile ;
estimé » que devrait faire l’enfant, en essentiellement entéro-invasif, risque de ✔ épidémies de collectivité.
extrapolant la courbe de poids du bactériémie). L’antibiothérapie dans les
carnet de santé. salmonelloses digestives sans bactériémie ne
raccourcit pas la durée du portage. Les antibiotiques Retrouver un staphylocoque doré dans une
sont parfois efficaces sur les symptômes. coproculture n’a aucune signification pathologique
– la recherche d’éléments de gravité sur et ne doit pas être traité par antibiotiques. Dans les
– Campylobacter jejuni, suspecté cliniquement
l’examen du pli cutané, du faciès, de la coloration de infections alimentaires collectives, l’agent
devant des diarrhées très fébriles persistantes, agit
la peau et des muqueuses, du temps de recoloration responsable est la toxine staphylococcique portée
par invasion de la muqueuse avec lésion tissulaire
cutanée, pouvant nécessiter une hospitalisation et sur les mains du préparateur du repas.
(l’action de toxines n’est pas prouvée). Il représente
parfois des mesures de remplissage d’urgence.
la troisième cause de diarrhée aiguë aux États-Unis.
Le reste de l’examen clinique recherche une
Les modes de contamination sont surtout le lait cru


pathologie associée (otite) ou primaire (méningite).
et les volailles insuffisamment cuites.
Dans tous les cas, la réhydratation est l’urgence.
Sa fréquence est probablement sous-estimée, car
Traitement curatif (fig 1)
d’une part il est difficile à mettre en évidence à
La transmission est due l’examen direct, et d’autre part la coproculture n’est Il a trois buts :
essentiellement au cycle féco-oral. Le parfois positive qu’au bout de 4-5 jours, délai pas – guérir la diarrhée ;
toujours respecté, et nécessite l’utilisation d’un réactif – éviter et/ou traiter la déshydratation dans les
lavage des mains avant la préparation
spécial. premières heures ;
des repas et après les soins aux – E. coli, agent causal potentiel, peut être réparti – éviter la dénutrition dès le premier jour.
enfants prévient la propagation. en quatre classes : Les SGH utilisés en Europe, inspirés du soluté de
– E. coli entéropathogène (EPEC) et E. coli l’OMS, grâce à la mise en œuvre du cotransport
‚ Premiers jours entéroadhérent : chez les enfants de moins de 2 ans, sodium-glucose, permettent la guérison de la
avec des selles gluantes nauséabondes, ils agissent diarrhée et la réhydratation. L’efficacité de ces
La dénutrition peut devenir le problème et être par adhérence aux muqueuses du petit intestin et
responsable de la pérennisation de la perte solutés a été démontrée par de nombreuses études.
production possible de toxine. Les phénotypes Des articles récents soulignent l’intérêt de diluer les
pondérale. O 111 et O 55 ont été à l’origine d’épidémies en sachets dans de l’eau de riz ou de rajouter des
Si la diarrhée persiste, l’agression de cellules France dans les années 1960. Actuellement, ils sont céréales de riz (apport nutritionnel et effet
entérocytaires risque d’aboutir à une diarrhée fréquents dans les pays en voie de développement ; antisécrétoire).
traînante, parfois sévère. – E. coli entérohémorragique (EHEC) : il touche De nombreuses spécialités existent. Les conseils
tous les âges, avec des selles aqueuses à visqueuses, actuels sont 60 mmol/L de Na, 20 mmol/L de K,


souvent sanglantes durant 7 à 9 jours et des osmolarité autour de 250 mOsmol/L. Le citrate est
Étiologie douleurs abdominales, produit de grandes quantités préféré au bicarbonate, la dextrine maltose permet
de vérotoxine semblable à la toxine Shiga. de réduire l’osmolarité, le saccharose améliore le
Correspondant essentiellement à une souche rare goût, diminue l’osmolalité et de plus, l’absorption
‚ Allergie vraie aux protides lactés bovins (E. coli O157-H7), il se révèle parfois par la survenue passive facilitée de sa moitié fructose fait réabsorber
ou intolérance secondaire à une d’un syndrome hémolytique et urémique qui de l’eau tout au long du trajet intestinal (Alhydratet,
diarrhée infectieuse survient chez 5 à 10 % des enfants ayant une Hydrigozt).
diarrhée à E. coli O157-H7. La vérotoxine peut être
La diarrhée a plus une forme de diarrhée
recherchée dans les selles ;
chronique, mais un épisode aigu peut être
– E. coli entérotoxinogène (ETEC) : il représente Reconstitution : un sachet dans
révélateur.
la cause majeure des diarrhées des voyageurs, 200 mL d’eau (ou d’eau de cuisson
‚ Causes infectieuses prolongées, aqueuses, de type toxinique, nécessitant de riz) exclusivement, à garder au
en premier lieu l’emploi de SGH, tous les autres réfrigérateur éventuellement.
Ce sont les plus fréquentes. Les différents types
traitements étant peu efficaces ;
d’agressions sont souvent intriqués.
– E. coli entéro-invasifs (EIEC) : très proches des
Shigella, ils donnent des diarrhées sanglantes Les sodas comme le Coca-Colat n’apportent que
Agressions virales
fébriles graves. du sucre, quasiment pas de sodium, et ne doivent
Elles sont de loin les plus fréquentes. pas être utilisés (sauf parfois chez les plus grands
– Le rotavirus, découvert en 1973, souvent Agressions parasitaires
pour masquer le goût des SGH). L’eau pure, sans
retrouvé, principal agent infectieux avant l’âge de En France, l’infection à Giardia, fréquente, surtout SGH, aggrave les diarrhées.
2 ans en hiver, ne touche que le grêle. Les selles en crèche, se révèle par des selles abondantes,
habituellement aqueuses en jet sont souvent pâteuses, traînantes. L’examen direct de selles ‚ Premières heures
précédées de vomissements, dans un contexte fraîches retrouve trophozoïtes et kystosomes.
fébrile. L’alternative évolutive est schématique : ou la
Si perte de poids estimée inférieure à 5 %
réponse aux SGH par voie orale est rapidement
favorable, ou les fuites hydroélectrolytiques
(vomissements et selles incessants) échappent au
traitement domestique, imposant une réhydratation

Examens complémentaires

Les examens biologiques, lorsqu’ils sont


Administration de SGH : 30 à 50 mL/kg, à la
demande, toutes les heures.

Si perte de poids estimée entre 5 et 8 %


et bonne tolérance digestive
parentérale en milieu hospitalier. Les adultes et les demandés, montrent le plus souvent une perte de
grands enfants peuvent être porteurs sains. Une sodium, de chlore, de potassium, avec déshydra- – Administration de SGH, à la demande, par
étude récente a montré une corrélation entre la tation hyponatrémique, hypochlorémique. La petites quantités, très régulièrement (par exemple
fréquence des diarrhées à rotavirus et la mauvaise gravité dépend de l’agent infectieux et de la perte en 50 mL par 50 mL toutes les 20-30 min), au biberon, à
qualité bactériologique de l’eau du robinet. sodium. la tasse, à la cuillère, voire à la seringue …

2
Diarrhées aiguës - 8-0070

Diagnostic : apparition brutale depuis moins de 1 semaine de selles liquides, fréquentes, abondantes

Antécédents-Examen clinique (Perte de poids-Poids actuel moins poids théorique extrapolé selon la courbe du carnet de santé)

Perte de poids Perte de poids 5 - 8 % Sevrage récent Perte de poids Suspicion d'une
inférieure à 5 % Diarrhée profuse Nouveau-né de moins de 1 moins supérieure à 10 % étiologie chirurgicale
Nourrisson de plus de 3 mois Nourrisson + rotavirus Vomissements incoercibles Fausse diarrhée d'occlusion
-
entre 1 et 3 mois Signes cliniques de gravité Maladie de Hirschsprung

Les Maintien à domicile Tentatives de réhydratation per os


premières Réhydradation per os avec des SGH
heures surveillance +++ Hospitalisation
Examens cliniques Prise en charge
Pesées en milieu chirurgical
Surveillance téléphonique Perfusion

Lait habituel mélangé aux SGH Échec Lait sans lactose mélangé aux SGH Échec Hydrolysat semi-élémentaire
Dès le en augmentant progressivement en arrivant au lait sans lactose en 3 jours mélangé aux SGH en arrivant
premier le rapport lait/SGH dans chaque à l'hydrolysat en 3 jours
jour biberon sur 3 jours
Réalimentation spécifique

Coproculture
À poursuivre 1 semaine À poursuivre 1 mois
Guérison après normalisation des selles après normalisation des selles

1 Attitude pratique en cas de diarrhée aiguë.


SGH : solutés glucido-hydro-électrolytiques.

– Apport nécessaire estimé à 60 à 90 mL/kg Le lait antérieur est réintroduit progressivement,


dans les 6 premières heures. mélangé au SGH. Aliments conseillés :
Un lait sans lactose (Diargalt, aL 110t, HN RLt) ✔ pommes de terre, carottes, pâtes,
Toujours recontrôler le poids et l’état général est utilisé si la diarrhée est sévère ou prolongée et en riz ;
– Entre la quatrième et la huitième heure, selon la cas de selles acides (pH des selles inférieur à 4, fesses ✔ volailles, jambon, poissons
gravité initiale, réexaminer l’enfant : poids, aspect très irritées) dues à l’excès d’acide lactique maigres ;
général, examen clinique, quantité de soluté bue, (insuffisance des lactases intestinales). Il existe
✔ l’utilisation des yaourts en parallèle
nombre et importance des vomissements et/ou des également des laits pauvres en lactose et enrichis en
triglycérides à chaînes moyennes (TCM) (Diarigozt).
semble bénéfique ;
selles. Poursuite de la prise de SGH en calculant les
Les yaourts contenant des lactases sont ✔ compotes pommes, coings, bananes,
apports normaux : 160 mL/kg + 10 à 20 mL/kg de
SGH après chaque selle anormale ou vomissement. naturellement sans lactose. myrtilles avec ou sans tapioca.
– Réalimentation entre la sixième et la dixième – Chez les nouveau-nés, surtout après un Aliments déconseillés :
heure, au plus tard à la 24e heure. épisode à rotavirus, une IPLV secondaire est ✔ crudités, légumes verts ;
– Surveillance téléphonique entre les pesées fréquente pendant 4 à 6 semaines, justifiant ✔ œufs, beurre ;
permettant d’adapter au mieux le régime, la l’utilisation d’un hydrolysat (Pregestimilt, Alfarét), ou ✔ fromages blancs, petits-suisses ;
fréquence des pesées, la quantité des apports d’un lait à base de soja (Modilac sojat, Gallia Sojat). ✔ fruits frais, jus de fruits.
nécessaires.

Toujours reconstituer séparément le Rechute


Hospitalisation
lait dans un premier biberon (une Une rechute au cours de la phase de renutrition,
Elle s’impose : fréquente en cas de rotavirus, impose à nouveau
– si la perte de poids estimée est supérieure à mesure dans 30 mL d’eau) et le SGH
une surveillance rapprochée des variations de poids
8-10 % ; dans un deuxième biberon (un sachet
et de l’état général, une modification du régime (lait
– s’il apparaît des vomissements incoercibles ; dans 200 mL d’eau), puis préparer le sans lactose, hydrolysat) et parfois une
– si des selles aqueuses incessantes persistent repas en mélangeant les deux hospitalisation secondaire. Un épisode traînant
d’autant plus que l’enfant est plus jeune ; préparations. plusieurs jours fait discuter une coproculture.
– si l’examen clinique montre une altération de Augmenter progressivement le rapport


l’état général, des signes de déshydratation. lait/SGH : un quart/trois quarts le
La réhydratation est poursuivie par la mise en premier jour, moitié/moitié le Traitement préventif
place d’une perfusion et/ou d’une sonde de gavage.
deuxième jour, trois quarts/un quart le
troisième jour, puis lait seul ensuite. – Hygiène de l’eau de boisson.
‚ Dès le premier jour
Le lait sans lactose est poursuivi – Lavage des mains de l’enfant malade et de
Éviter la dénutrition l’entourage après chaque selle, vomissement,
1 semaine après normalisation des
miction, et avant chaque repas.
Dès le premier jour, ceci est possible grâce à une selles. – Nettoyage rapide du linge et de la vaisselle.
réalimentation précoce entre la sixième et la Le régime sans protéines de lait de
24e heure.


vache est poursuivi 1 mois après
– Réintroduction du lait (lait antérieur, lait sans normalisation des selles.
lactose, hydrolysat).
Conclusion
L’allaitement maternel est toujours poursuivi dès
les premières heures, en intercalant des prises de – Chez les enfants dont l’alimentation était Le traitement préventif et curatif des diarrhées
SGH entre les tétées au sein. diversifiée. aiguës repose sur la prescription de SGH associée à

3
8-0070 - Diarrhées aiguës

la surveillance étroite de l’état d’hydratation les pour les médecins et pour les pharmaciens. Trop La prévention repose (à titre individuel, dans les
premières heures. Les SGH ne sont encore que peu d’enfants ne se voient pas proposer de SGH. collectivités, pour les autres membres de la famille,
prescrits de première intention ; 95 % des patients L’efficacité de la renutrition rapide, en parallèle de en voyage) sur l’hygiène de l’eau et le lavage
ayant consulté leur médecin pendant l’épidémie de la poursuite intensive de la réhydratation, a été soigneux des mains. Le vaccin contre le rotavirus
début 1999 ont reçu une prescription médicamen- clairement validée (guérison plus rapide, dénutritions vient d’être arrêté en novembre 1999 aux États-Unis
teuse (antiseptiques, ralentisseurs du transit, en raison de la survenue d’invaginations intestinales
secondaires évitées).
topiques) dont l’efficacité est très discutée dans les aiguës précoces et sévères.
L’efficacité de la prise en charge repose sur la
données de la littérature récente (action limitée ne Le problème actuel est surtout de convaincre les
surveillance de la courbe de poids, de l’état général, parents, les pharmaciens et les médecins de
dispensant pas de la réhydratation et de la des quantités bues.
renutrition). l’efficacité d’un traitement qui semble trop simple, et
La coproculture avec recherche virale a parfois d’être très vigilant sur les prises régulières de solutés,
L’importance de l’utilisation de ces solutés de une utilité dans les diarrhées traînantes, permettant seul traitement curatif. Cette attitude thérapeutique
façon précoce n’est pas assez évidente pour les éventuellement une antibiothérapie adaptée simple éviterait des prescriptions (et des dépenses de
parents (d’autant que ce traitement paraît trop (Campylobacter). Les graves diarrhées persistantes santé) inutiles, et la plupart des décès par diarrhées
simple, ressemble à de l’eau, n’est pas remboursé), sont ainsi de plus en plus rares. en France.

Olivier Romain : Pédiatre,


126 ter, rue Blomet, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : O Romain. Diarrhées aiguës.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0070, 2000, 4 p

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4
6-0445
6-0445

Dyspnées laryngées
Encyclopédie Pratique de Médecine

de l’enfant
JM Triglia, R Nicollas

L a dyspnée laryngée chez l’enfant constitue une urgence pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Elle impose
de surveiller l’enfant et de prévoir, en l’absence d’amélioration rapide de la symptomatologie, son transfert
dans une structure adaptée. Si chez un nourrisson de moins de six mois on doit évoquer l’existence d’une lésion
congénitale, tout enfant en âge de se déplacer, présentant une dyspnée laryngée aiguë, doit être suspect de corps
étranger des voies aériennes jusqu’à preuve du contraire.
© Elsevier, Paris.


ovalaire. Chez le grand enfant comme chez l’adulte,
Introduction il représente la partie la plus étroite du larynx ; Dans sa forme clinique typique, la
– l’étage sous-glottique est une région dyspnée laryngée associe :
névralgique du fait de son étroitesse : c’est en effet la – une bradypnée inspiratoire (ou une
Les dyspnées laryngées de l’enfant sont des zone la plus étroite du larynx chez le nourrisson et le inspiration prolongée) ;
urgences diagnostiques et thérapeutiques qui petit enfant. Il est cerné par l’anneau cricoïdien, ce – un tirage (sus-sternal, sus-
peuvent engager le pronostic vital immédiat. Il faut qui le rend rigide et inextensible. Le diamètre de ce claviculaire, épigastrique,
savoir reconnaître leurs signes de gravité en dernier est de l’ordre de 5 mm chez le nouveau-né intercostal) ;
présence desquels un geste de sauvetage doit pour atteindre 8 à 10 mm à l’âge de 6-7 ans. Le tissu – un bruit laryngé inspiratoire
souvent être rapidement effectué. Au plan conjonctif qui recouvre le cricoïde étant (stridor, cornage) ;
étiologique, deux groupes d’enfants sont à extrêmement lâche chez le nourrisson, on y trouve – des modifications de la voix ;
distinguer, selon qu’ils sont âgés de moins ou de plus un plan de clivage naturel qui permet la constitution – de la toux.
de six mois. Chez les premiers, la pathologie en d’œdèmes.
cause est le plus souvent congénitale, tandis que
chez les plus grands, ce sont les corps étrangers et les tachypnée ; le diagnostic est d’autant plus difficile
Chez un nouveau-né, l’apparition d’un
laryngites aiguës qui sont le plus généralement que toute tachypnée du nourrisson peut
œdème de 1 mm d’épaisseur diminue
rencontrés. s’accompagner d’un tirage. Enfin, le tableau peut être
de 75 % la filière sous-glottique [2].
encore plus trompeur chez un nouveau-né devant


une apnée avec ou sans prodrome, des accès de
Rappel anatomique

Le larynx de l’enfant ne se limite pas à un larynx ‚ Aspect clinique



Diagnostic positif
cyanose ou de bradycardie pouvant aller jusqu’à
l’arrêt cardiorespiratoire anoxique.
Deux bruits respiratoires différents peuvent être
décrits dans un contexte de dyspnée laryngée : le
adulte de volume réduit. Sa situation anatomique Dans sa forme typique, le diagnostic de dyspnée stridor et le cornage.
n’est en effet pas la même. Le larynx de l’enfant est laryngée est facile. Il s’agit d’une dyspnée obstructive Le stridor est un bruit plutôt aigu. Le mot en lui
plus haut que celui de l’adulte : il descend avec les se traduisant par une bradypnée inspiratoire, ou, même désigne, en latin, des bruits très divers
années jusqu’à l’âge de treize ans environ où il pour le moins, par une inspiration prolongée. pouvant aller du sifflement de serpent au
acquiert sa position définitive. L’enfant donne l’impression d’avoir « soif d’air », ses barrissement ; en pathologie laryngée, c’est par
Au plan morphologique, on distingue trois efforts inspiratoires mettant en jeu les muscles exemple le bruit perçu dans une laryngomalacie. Il
étages : inspiratoires accessoires. Cet effort inspiratoire se traduit une atteinte vestibulaire ou glottique.
– l’étage sus-glottique ou vestibule laryngé est traduit par le tirage, dépression inspiratoire des creux Le cornage désigne un bruit de tonalité moins
relativement souple et spacieux. Il se caractérise par sus-sternal, sus-claviculaire, épigastrique, et des aiguë que le stridor, moins timbré, évoquant la
une certaine flaccidité de l’épiglotte, qui, retombant espaces intercostaux. L’origine laryngée de cette raucité et le caractère caverneux de la corne de
facilement sur le larynx, peut rendre difficile une dyspnée obstructive se traduit par l’existence d’un brume. On l’entend lors de rétrécissements
exposition glottique, soit lors d’une intubation, soit bruit laryngé inspiratoire (stridor, cornage), et des glottosousglottiques.
lors d’un examen en fibroscopie nasopharyngée. La modifications de la voix et de la toux. Cette systématisation est bien sûr schématique ;
base de la langue, immédiatement sus-jacente, peut Le tableau clinique n’est pas toujours aussi les anciens considéraient ainsi que « toute
également jouer un rôle, car étant très réflexogène, évident et il faut noter certaines formes moins modification de calibre, de disposition, de
typiques. En cas d’obstacle laryngé sous-glottique consistance des voies aériennes entre le carrefour
© Elsevier, Paris

elle peut constituer un facteur d’aggravation brutale


de la dyspnée ; pur, la voix peut être normale et la dyspnée porter aérodigestif et la terminaison des bronches souches,
– l’étage glottique est constitué par les apophyses sur les deux temps de la respiration. est susceptible d’entraîner un stridor ».
vocales, les cartilages aryténoïdes et les cordes Chez le nouveau-né et le petit nourrisson, la L’appréciation du type de dysphonie au cours
vocales. Chez l’enfant, ce plan glottique a un aspect bradypnée est souvent remplacée par une d’une dyspnée laryngée peut être d’un grand

1
6-0445 - Dyspnées laryngées de l’enfant


secours pour le diagnostic topographique. Si la voix
est rauque, voilée, bitonale ou éteinte, elle signe une Étiologies et conduite à tenir Quelle est la conduite à tenir devant
atteinte glottique ou glottosousglottique. Si l’atteinte
(tableau I) une laryngomalacie ?
est supraglottique, la voix sera étouffée. ✔ Dans les cas où la laryngomalacie
Pour terminer la description des signes Tableau I. – Étiologies des dyspnées laryngées. se limite à un stridor isolé, seule une
associés, la présence d’une hypersialorrhée surveillance de l’enfant sur les plans
Chez le nourrisson de moins de 6 mois staturopondéral et respiratoire est
associée à une dyspnée laryngée signe un
- laryngomalacie
obstacle sus-glottique. - angiome sous-glottique nécessaire.
- paralysies laryngées ✔ En ce qui concerne le traitement
‚ Critères de gravité - sténoses laryngotrachéales des formes sévères de la laryngo-
- kystes laryngés et juxtalaryngés malacie, tous les auteurs sont
Devant toute dyspnée, l’appréciation de son
retentissement s’impose. Les signes de gravité sont
Chez l’enfant de plus de 6 mois unanimes pour utiliser le laser Co2,
- corps étrangers des voies aériennes même si certaines équipes ne
cliniques et biologiques. Les premiers sont la durée - laryngites aiguës (épiglottite, laryngite stridu-
de la dyspnée, les troubles respiratoires, les signes de leuse, laryngite œdémateuse) l’utilisent pas de façon exclusive
lutte respiratoire, les signes d’insuffisance respiratoire - autres causes plus rares (papillomatose laryn- mais en alternance avec les micro-
aiguë sévère, les troubles de la conscience. Les
gée, traumatisme laryngé, ingestion de caustiques, instruments laryngés.
œdème laryngé allergique)
seconds sont des critères gazométriques.
Au plan clinique, la durée d’une dyspnée les dixième et quinzième jours de vie [4, 7]. Soulignons
supérieure à une heure est considérée comme que, si la laryngomalacie s’accompagne toujours
indice de gravité du fait de la fatigue qui en résulte. d’un stridor, l’existence d’un stridor n’est pas toujours
L’enfant ne peut plus lutter contre l’obstacle et ‚ Dyspnée laryngée chez le nourrisson
de moins de six mois le témoin d’une laryngomalacie.
s’épuise, risquant de se retrouver en arrêt L’enfant porteur de cette affection peut également
cardiorespiratoire. Les signes de lutte respiratoire, Un bilan est à entreprendre en milieu spécialisé présenter une dyspnée d’effort, voire de repos, selon
outre le tirage précédemment évoqué, comportent en pédiatrie. la gravité de son atteinte. À l’extrême, des épisodes
le battement des ailes du nez, le balancement de cyanose, voire des apnées, pouvant déboucher
thoraco-abdominal et le hochement de haut en Laryngomalacie
sur un arrêt cardiorespiratoire peuvent se rencontrer
bas de la tête lors de l’inspiration. Une tachypnée La laryngomalacie représente la plus fréquente en pareil cas.
supérieure à 60 cycles respiratoires par minute est des anomalies laryngées congénitales [4, 12], et la Une grande importance doit être accordée à
en fait une respiration superficielle peu efficace, cause la plus habituelle des stridors du nouveau-né, l’augmentation de la durée des tétées, témoin des
annonciatrice d’une décompensation rapide. Du du nourrisson et du petit enfant. difficultés alimentaires, qui est très vite suivie d’une
fait du caractère superficiel de cette respiration, cassure de la courbe de poids.
une impression de disparition du tirage doit Le retentissement staturopondéral, l’aggravation
inquiéter plutôt que rassurer. L’aspect général de Sur le plan des lésions laryngées, on
des dyspnées, les apnées, et les épisodes de
l’enfant à ce stade est en règle générale inquiétant, reconnaît trois types de lésions cyanose, sont autant d’éléments définissant les
avec cyanose ou pâleur intense. De même, une anatomiques dans la laryngomalacie
bradypnée extrême avec des pauses respiratoires ✔ Type 1 : épiglotte longue et
de plus de 20 secondes sont des signes de haute tubulaire, souvent appelée « épiglotte En quoi consiste le traitement de
gravité. L’existence de sueurs témoignent d’une en oméga », volontiers associée au l’angiome sous-glottique ?
hypercapnie, et la cyanose, toujours d’apparition type 2. Il repose tout d’abord sur la
tardive dans les dyspnées laryngées de l’enfant, ✔ Type 2 : replis aryépiglottiques corticothérapie générale à la dose de
d’une hypoxémie. Les troubles de la conscience, courts. 0,125 à 0,375 mg/kg/j de
lorsqu’ils surviennent, doivent être considérés ✔ Type 3 : épaississement de la région bétaméthasone pendant 10 à 15 jours,
comme gravissimes car témoignant d’une hypoxie aryténoïdienne dont la muqueuse se à poursuivre à doses dégressives
cérébrale sévère. prolabe dans la lumière laryngée durant 4 semaines. Les corticoïdes
Au plan gazométrique, une PaCO2 > 60 mmHg lors de l’inspiration (fig 1). agiraient d’une part de façon indirecte
et/ou une PaO2 < 50 mmHg sont des critères de en sensibilisant les angiomes aux
gravité d’une dyspnée, de même que l’apparition vasoconstricteurs présents dans la
D’autres mécanismes associés à ces anomalies
d’une acidose respiratoire. circulation générale, et d’autre part
anatomiques ont été évoqués ; on y retrouve
essentiellement l’hypothèse selon laquelle un directement sur les sphincters
mauvais contrôle neuromusculaire associé à la précapillaires. Devant une forme
faiblesse du support cartilagineux peut être corticosensible, le traitement est à
Devant toute dyspnée, il importe responsable du collapsus des éléments de l’étage renouveler en cas d’accès dyspnéique.
d’apprécier les éventuels signes de sus-glottique. D’autre part, Holinger signale En revanche, face à une forme
gravité l’existence d’un reflux gastro-œsophagien dans corticorésistante, on aura recours soit
✔ Cliniques : environ un quart des cas. au laser, soit à la chirurgie par voie
– durée de la dyspnée ; Concernant la clinique, le maître-symptôme est le externe associant une exérèse de la
– troubles respiratoires ; stridor [7], comme la dénomination originelle de la lésion et une éventuelle
– signes de lutte respiratoire ; pathologie, « stridor laryngé congénital », pouvait le laryngotrachéoplastie
– signes d’insuffisance respiratoire laisser supposer. Il est majoré par le décubitus dorsal, d’élargissement [10]. Notons qu’une
aiguë sévère ; les pleurs, les cris, et toute circonstance augmentant grande place est toujours accordée à
– troubles de la conscience. la fréquence et le débit respiratoires. Il a été signalé la trachéotomie de sécurité.
✔ Biologiques : une possible accentuation du stridor lors des phases L’intubation transitoire a également
– critères gazométriques. de sommeil [4]. La date d’apparition du stridor est été proposée.
toujours très précoce, s’échelonnant volontiers entre

2
Dyspnées laryngées de l’enfant - 6-0445

Quelles causes invoquer devant une


paralysie laryngée ?
✔ Dans 50 % des cas, aucune
étiologie n’est retrouvée (paralysie
laryngée idiopathique).
✔ Dans 50 % des cas, un de ces trois
groupes étiologiques est identifié :
neurologique, traumatique ou
cardiologique.

réalisation est aisée et de pratique courante,


l’interprétation de la mobilité laryngée d’un
nouveau-né ou d’un nourrisson reste une étape
souvent difficile ; le diagnostic de paralysie laryngée
de l’enfant est l’un des plus difficiles à porter en
nasofibroscopie.
- Les formes neurologiques représentent la
première cause de paralysie laryngée bilatérale et la
deuxième cause de paralysie unilatérale [5]. Elles
correspondent essentiellement à des atteintes
centrales à type d’anoxie cérébrale néonatale (35 %).
La paralysie laryngée n’étant qu’un des éléments du
tableau clinique, l’anamnèse y est très évocatrice.
D’autres atteintes neurologiques centrales peuvent
être en cause, telle l’hypotonie néonatale bénigne
1 Laryngomalacie : noter l’aspiration de la muqueuse laryngée postérieure lors de l’inspiration. (35 %). Les malformations d’Arnold-Chiari, les
méningocèles ou myéloméningocèles [5] et les
formes sévères de laryngomalacie et qui font porter deux filles pour un garçon), et la localisation hydrocéphalies ont été retrouvées à l’origine de
une indication opératoire [7]. D’autres complications préférentielle postérolatérale gauche (fig 2). paralysies laryngées qui sont assez souvent
liées à l’obstruction des voies aériennes et à la lutte d’apparition retardée. La tolérance de la paralysie est
Au plan de la symptomatologie, il faut retenir que
respiratoire de l’enfant ont été rapportées tels les fonction de son caractère bilatéral ou unilatéral.
la dyspnée laryngée apparaît avec une notion
pectus excavatum. Certaines affections périphériques peuvent
d’intervalle libre par rapport à la naissance,
également entraîner des paralysies laryngées, tels les
c’est-à-dire que l’enfant est indemne de tout signe
Angiome sous-glottique dysgénésies nucléaires ou les neuropathies
respiratoire pendant les 6 à 8 premières semaines de
périphériques héréditaires, voire les traumatismes
L’angiome sous-glottique est la première cause de vie. C’est progressivement que le nourrisson va
des nerfs moteurs du larynx. L’évolution des
dyspnée laryngée chez les enfants de moins de 6 présenter une dyspnée inspiratoire parfois
paralysies laryngées de cause neurologique se fait
mois [10] ; notons que cette fréquence a longtemps accompagnée d’une toux, d’un stridor, voire d’un cri
plus volontiers vers la régression dans les formes
été sous-estimée, et que c’est aux progrès de rauque [10]. La possibilité d’une dysphagie, de
unilatérales que dans les formes bilatérales.
l’endoscopie pédiatrique que l’on doit de mieux en vomissements, de cyanose et d’hémoptysies a été
également notée. Il faut aussi remarquer que tout - Les traumatismes obstétricaux sont une cause
connaître l’importance.
tableau de laryngites à répétition ne faisant pas sa fréquente de paralysies laryngées néonatales. Elles
Aux plans anatomique et physiopathologique,
preuve doit faire penser à l’existence d’un angiome sont secondaires à l’emploi de forceps et/ou à des
deux faits sont constatés, pour lesquels aucune
sous-glottique. tractions prolongées sur le rachis cervical [5]. On les
explication n’est donnée : la nette prédominance
retrouve également dans les suites de dystocie des
féminine (le sex-ratio étant approximativement de
Paralysies laryngées épaules. Les enfants naissent avec un stridor, plus
Les paralysies laryngées représentent la rarement en état de détresse respiratoire pouvant
deuxième cause des stridors et dyspnées du nécessiter une intubation d’urgence, et selon certains
nouveau-né et du nourrisson [5]. L’intensité de leur auteurs, une trachéotomie. Ces paralysies sont
symptomatologie est variable en fonction, d’une généralement toujours régressives.
part, du caractère uni ou bilatéral de la paralysie, et - Toute chirurgie cervicale ou thoracique du
d’autre part de son type, c’est-à-dire en fermeture nourrisson ou du petit enfant peut être à l’origine
(adduction) ou en ouverture (abduction). d’une paralysie laryngée par lésion des nerfs
Généralement unilatérales, elle sont bien supportées récurrents. Les interventions en cause sont
après une période d’adaptation respiratoire. Dans les essentiellement cervicales, thoraciques (en particulier
formes bilatérales en fermeture, la dyspnée et le cardiaque ou œsophagienne), ou neurologiques,
stridor sont permanents, tandis que la dysphonie et telle la cure d’une tumeur de la fosse postérieure. Ces
les troubles de la déglutition sont rares. Dans la paralysies sont le plus souvent définitives.
majorité des cas, la détresse respiratoire est telle - Les dilatations des cavités cardiaques ou de
qu’elle nécessite une intubation, généralement suivie l’artère pulmonaire sont une des causes peu
d’une trachéotomie. fréquentes de paralysies laryngées (2 %) de l’enfant.
La certitude diagnostique repose sur la Mentionnons le syndrome d’Ortner, qui est une
visualisation de la paralysie laryngée ; elle est paralysie laryngée gauche, causée par l’étirement du
2 Angiome sous-glottique dans sa localisation typi- permise aujourd’hui au cours d’une consultation nerf récurrent gauche par une artère pulmonaire
que postérolatérale gauche.
ORL par l’emploi du nasofibroscope. Si cette dilatée dans un contexte de rétrécissement mitral.

3
6-0445 - Dyspnées laryngées de l’enfant

La gravité potentielle des formes bilatérales et la une hospitalisation sera nécessaire pour vérifier l’axe
possible régression spontanée au cours des 9 trachéobronchique avec une instrumentation
premiers mois sont les éléments qui tendent à dicter adaptée
la stratégie thérapeutique. En l’absence d’une Parfois, un tableau d’asphyxie peut survenir en
récupération spontanée, un traitement chirurgical présence de corps étranger volumineux ou enclavé
d’élargissement glottique doit être envisagé, soit par dans le larynx ou la trachée. Il faudra se méfier, dans
voie endoscopique, soit par voie externe. Il pourra cette éventualité, de gestes à l’aveugle comme la
s’agir soit d’une aryténoïdectomie [6], soit d’une mise en place de doigts dans la bouche qui peut
aryténoïdopexie [8]. enfoncer le corps étranger, la suspension de l’enfant
par les pieds qui pourra rendre un corps étranger
Sténoses laryngotrachéales complètement obstructif s’il s’enclave dans la région
Différentes lésions anatomiques peuvent se voir ; sous-glottique.
qu’elles soient congénitales ou acquises, leur prise en Le traitement initial consiste à administrer un
charge dépend du degré d’obstruction de la lumière corticoïde injectable pour lutter contre l’œdème et
aérienne. prévoir le transport de l’enfant en urgence dans un
milieu spécialisé habitué à l’endoscopie pédiatrique.
4 Sténose sous-glottique antérieure rétrécissant
Une simple surveillance régulière est à la lumière aérienne de 60 % environ.
instituer si l’obstruction est inférieure Si l’asphyxie est menaçante, la
à 50 %. Dans le cas contraire, ces plan clinique, la dyspnée est d’autant plus précoce et manœuvre de Heimlich, qui réalise la
sténoses doivent bénéficier, soit d’un marquée que la sténose est plus serrée. Son degré compression brusque de la région
traitement chirurgical par voie exact ne peut être réellement établi que par une épigastrique de bas en haut peut être
externe, soit d’un traitement endoscopie, mais celle-ci constitue une exploration tentée pour désenclaver le corps
endoscopique [6, 10]. dangereuse car le traumatisme instrumental risque étranger.
d’aggraver la dyspnée par survenue d’un œdème de
la muqueuse. C’est pourquoi il est conseillé, avant
L’atrésie laryngée est une anomalie congénitale La trachéotomie d’extrême urgence ou la
d’endormir l’enfant, de préparer le matériel
précoce du développement laryngé. Habituellement ponction trachéale avec un trocart sont parfois les
nécessaire pour une intubation ou une trachéotomie
associée à d’autres malformations congénitales, elle seules solutions. Quoi qu’il en soit, le traitement, qui
sur bronchoscope si l’intubation n’est pas possible.
est toujours responsable d’une grande détresse repose sur une endoscopie, aura à la fois un intérêt
En fonction de l’extension verticale et du degré de la
respiratoire dès la naissance, car la filière laryngée diagnostique et thérapeutique permettant
sténose, le traitement fait appel soit au laser (< 70 %
est réduite à un fin pertuis postérieur. La survie de
d’obstruction et < 0,5 à 1cm de hauteur), soit à une l’extraction du corps étranger [3].
l’enfant ne peut être assurée que par une
chirurgie par voie externe à type de laryngotrachéo-
trachéotomie d’urgence, la décision d’un traitement
plastie d’élargissement ou de résection
ultérieur dépend essentiellement du nombre et de la En cas de doute sur l’existence ou non
cricotrachéale [6, 9].
sévérité des malformations congénitales associées. d’un corps étranger, une endoscopie
La sténose glottique membraneuse se caractérise Kystes laryngés et juxtalaryngés devra être pratiquée systématiquement,
par l’existence, soit d’une membrane très fine, le doute ne devant pas avoir sa place
Il s’agit d’entités pathologiques beaucoup plus
translucide, unissant le tiers ou la moitié antérieure en matière de corps étranger des voies
rares : ce sont les kystes épiglottiques,
des cordes vocales, soit d’une membrane épaisse où aériennes.
aryépiglottiques et sous-glottiques [12]. Ils se révèlent
le bord interne des cordes vocales n’est pas
généralement de façon précoce dans les premiers
nettement individualisé (fig 3). Si, dans le premier
jours de la vie pour s’aggraver rapidement. Le
cas, la simple section à la faux permet une Laryngites aiguës
diagnostic ne peut être efficacement porté que par la
amélioration immédiate de la respiration, dans les S’inscrivant généralement dans un contexte
fibroscopie nasopharyngée qui permettra de situer
formes épaisses, la crainte d’une sténose fébrile, elles peuvent toucher les trois étages du
le niveau exact du kyste et son importance. La
cricoïdienne sous-jacente doit faire envisager un larynx. En dehors de l’épiglottite, grave mais rare, les
hiérarchie thérapeutique va de la simple ponction,
agrandissement laryngé par voie externe. formes les plus fréquentes sont les laryngites
pour confirmer le diagnostic et affaisser le kyste,
La sténose sous-glottique peut être classée selon « striduleuses » spasmodiques d’évolution bénigne et
jusqu’à l’exérèse de la poche kystique par voie
différents types histologiques de lésions (fig 4). Au les laryngites « œdémateuses » plus sévères [11].
endoscopique et à l’aide du laser. L’exérèse
chirurgicale par cervicotomie n’est généralement ¶ Épiglottite ou laryngite supraglottique
indiquée qu’en cas de récidive après traitement Elle est beaucoup plus rare que les autres formes
endoscopique. mais elle est aussi beaucoup plus dangereuse.
D’origine bactérienne, due à Haemophilus
‚ Dyspnée laryngée chez les enfants
influenzae, son début est très brutal avec une fièvre
de plus de 6 mois
élevée supérieure à 39 °C, associée à une dyspnée et
C’est la forme clinique la plus fréquente. une dysphagie s’aggravant rapidement. L’attitude de
l’enfant est évocatrice, assis, tête penchée en avant,
Corps étrangers des voies aériennes bouche ouverte d’où suinte une salive claire qu’il ne
Fréquents chez l’enfant de six mois à six ans, ils peut déglutir et refusant de s’allonger sur le dos. On
ont un maximum de fréquence dans la deuxième note également une altération importante de l’état
année. Ils sont caractérisés par le syndrome de général. Si la dyspnée réagit mal à l’antibiocortico-
pénétration qui associe toux, agitation, accès de thérapie, l’enfant doit être transféré d’urgence dans
suffocation, cyanose, et on apprend rétrospecti- un service de réanimation en évitant l’examen
vement que l’enfant a avalé « de travers », mangé oropharyngé et le décubitus, ces manœuvres
des cacahuètes ou autre friandise. Habituellement pouvant provoquer une apnée mortelle. En milieu
3 Palmure glottique antérieure.
tout rentre dans l’ordre en quelques minutes mais spécialisé, l’intubation s’avère le plus souvent

4
Dyspnées laryngées de l’enfant - 6-0445

de 3 à 4 jours par de la bêtaméthasone à 10


gouttes/kg/j sera prescrite ainsi qu’une
humidification de la chambre.

¶ Laryngite œdémateuse
C’est la plus fréquente des laryngites
sous-glottiques (fig 5). D’origine virale, comme la
rhinopharyngite qui l’accompagne, son début est
souvent nocturne, marqué par une dyspnée
laryngée typique avec tirage et cornage. Il n’y a pas
de caractère spasmodique, le cri et la toux sont
rauques, l’expiration est libre.

Le traitement de la laryngite
œdémateuse doit être instauré
5 Laryngite sous-glottique.
rapidement. Il associe une
nécessaire, tout en prenant la précaution de préparer corticothérapie injectable (1 mg/kg/j de 6 Papillomatose laryngée juvénile.
le matériel nécessaire à une trachéotomie de Solumédrol®), à renouveler une demi- lement dyspnéisante [1]. Lorsqu’elle le devient, ce
sauvetage. heure plus tard si les signes n’est qu’après une longue période de dysphonie
dyspnéiques persistent, et une (fig 6).
¶ Laryngite striduleuse
C’est la moins grave des laryngites ; elle
humidification de l’air ambiant.
Le médecin doit rester avec l’enfant ¶ Traumatismes laryngés
correspond au « faux croup ». Sa physiopathologie Ils sont suspectés devant un emphysème
exacte n’est toujours pas connue ; il s’agirait d’un jusqu’à cessation des signes.
sous-cutané, témoin d’une communication entre
spasme glottique dont la (les) cause(s) pourrai(en)t En l’absence d’amélioration rapide,
l’arbre aérien et les espaces sous-cutanés.
être un reflux gastro-œsophagien, des phénomènes l’enfant devra être hospitalisé car
L’anamnèse est là aussi importante.
inflammatoires ou psychologiques. Leur survenue l’évolution vers une forme grave peut
est brutale, volontiers nocturne, et la dyspnée imposer une intubation voire une ¶ Ingestion de liquide caustique ou bouillant
modérée disparaît spontanément en moins de 1 trachéotomie d’urgence [2]. Elle survient généralement dans un contexte
heure. Un contexte de virose respiratoire est évocateur avec la présence de lésions buccales.
habituellement retrouvé. La récidive des épisodes ¶ Œdème laryngé allergique
dyspnéiques est fréquente, tant la même nuit que les par piqûre d’insecte
Autres causes de dyspnée laryngée Il apparaît lui aussi dans un contexte évocateur. Il
suivantes.
Devant l’angoisse des parents de se trouver ¶ Papillomatose laryngée réagit bien, en général, au traitement d’adrénaline
confrontés à un épisode plus sévère, et afin de Il s’agit d’une lésion tumorale bénigne d’origine sous-cutanée (1/4 de mg) ou Soludécadron®
calmer la toux irritative, une corticothérapie per os virale (papillomavirus), qui n’est qu’exceptionnel- injectable (4 mg).

Jean-Michel Triglia : Professeur des Universités, praticien hospitalier fédération ORL.


R Nicollas : Chef de clinique à la faculté, assistant des Hôpitaux.
Unité d’ORL pédiatrique, hôpital de la Timone, boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille cedex 5, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JM Triglia et R Nicollas. Dyspnées laryngées de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 6-0445, 1998, 5 p

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traitement des formes sévères de la laryngomalacie. J Fr ORL 1992 ; 41 : 427-430

5
8-0090
8-0090

Dysurie
Encyclopédie Pratique de Médecine

D Aubert

■ ■
– examen de la région lombaire : recherche de
Introduction Comment se traduit une dysurie signes témoignant d’une dysraphie rachidienne
chez l’enfant ?
occulte (angiome ou tache cutanée, lipome,
hypertrichose, fossette) et donc d’une cause
La dysurie se définit comme la difficulté d’uriner. Chez le nourrisson, le jet mictionnel du garçon est neurologique du trouble mictionnel ;
habituellement puissant et survient volontiers au – examen neurologique simple des membres
Chez l’adulte, ce symptôme motive une consultation
moment de la toilette. La dysurie se traduit par la inférieurs : recherche de pieds creux, d’atrophie d’un
rapide. Chez l’enfant, il est facilement méconnu, car,
faiblesse ou l’absence de jet et la palpation d’un m o l l e t , d ’ u n e m o d i fi c a t i o n d e s r é fl e x e s
ou bien l’enfant est trop jeune pour s’exprimer, ou
globe vésical. La miction peut correspondre à un ostéotendineux.
bien plus grand, il s’est adapté à une miction qu’il n’a
jamais connue comme normale. Les parents simple écoulement, plus ou moins permanent sur les


ignorent souvent la qualité mictionnelle de leur cuisses, avec une irritation chronique du siège.
enfant, a fortiori s’il s’agit d’une fille dont les mictions À l’inverse, un obstacle très distal comme une Examens complémentaires
sont « moins spectaculaires » que chez le garçon. Il sténose du méat peut provoquer, par « effet de
est peu fréquent qu’un enfant consulte pour dysurie, gicleur », un jet particulièrement long mais fin.
sauf si elle est aiguë. Il vient habituellement pour une Chez l’enfant plus grand, trois signes témoignent ■ Étude cytobactériologique des urines (ECBU) :
autre pathologie, comme une infection urinaire, des d’une dysurie : renseigne sur l’existence d’une infection urinaire.
fuites intempestives ou des douleurs abdominales (la – la durée anormalement longue de la miction ; ■ Échographie : cet examen, peu invasif, permet
rétention aiguë d’urine, forme extrême de la dysurie, – la poussée abdominale ; de dépister les éventuelles conséquences d’un
est un des diagnostics étiologiques des douleurs – la faiblesse du jet. obstacle dysuriant : une dilatation de l’arbre urinaire,
abdominales aiguës de l’enfant). C’est donc au La pollakiurie traduit la compensation des un résidu postmictionnel, une vessie épaisse. Il peut
médecin de chercher l’existence éventuelle d’une mictions incomplètes par une augmentation parfois découvrir l’obstacle lui-même (lithiase
dysurie (fig 1). importante de leur fréquence. vésicale, urétérocèle...).
Mais les réponses des parents ou de l’enfant sont ■ Urétrocystographie mictionnelle : c’est
souvent imprécises. Le mieux est de voir uriner l’examen essentiel, permettant de visualiser la
l’enfant, ce qui peut demander une certaine patience totalité de la vessie et de l’urètre jusqu’au méat.
Dysurie et des petits moyens simples : pour le nourrisson, la Malgré son caractère un peu invasif, il est
stimulation du périnée par de l’eau froide, pour incontournable dès lors que la dysurie est confirmée.
l’enfant plus grand, des boissons abondantes en Classiquement, il nécessite des urines stériles.
salle d’attente jusqu’à la survenue du besoin ■ Débitmétrie : elle objective le caractère
mictionnel. obstructif de la courbe d’enregistrement du jet
mictionnel. C’est un examen urodynamique simple,
mais qui nécessite l’accès à un débitmètre, et donc


Obstacles Obstacles
fonctionnels rarement possible en dehors des milieux
mécaniques Examen clinique urologiques. Il n’est guère réalisable avant l’âge de 3
ans. La grande variabilité physiologique de la
miction chez l’enfant nécessite, au moins, trois
Il doit être méthodique : enregistrements successifs.
– examen des organes génitaux externes et de la


région méatique : irritation du siège, situation et
aspect du méat, palpation du trajet de l’urètre pénien Orientations étiologiques
et périnéal ;
Valve urètre ? Dyssynergie
vésicosphinctérienne – palpation abdominopelvienne : recherche d’un
Tumeur pelvienne ?
‚ Obstacles mécaniques
© Elsevier, Paris

Autres ? (neuro ?) globe vésical, dont la persistance après miction est


anormale, palpation d’une masse abdominale
(simple fécalome ou vraie tumeur). Le toucher rectal, Intrinsèques
1 Démarche diagnostique simplifiée devant une souvent mal accepté par l’enfant, ne sera réalisé qu’à La valve de l’urètre postérieur est l’anomalie la
dysurie.
la fin de l’examen clinique ; plus fréquente. Fine membrane vestigiale, insérée

1
8-0090 - Dysurie

juste en aval du veru montanum, elle constitue un l’appareil urinaire. La démarche diagnostique d’une spasticité...). L’imagerie par résonance magnétique
diaphragme obstructif plus ou moins complet, avec dysurie ne doit pas s’y arrêter. (IRM) médullaire recherche une anomalie du cône
retentissement proportionnel sur l’appareil urinaire médullaire.
d’amont. L’urétrocystographie mictionnelle visualise


Extrinsèques
une image linéaire transversale avec une dilatation
de l’urètre postérieur d’amont, et un retentissement Toute masse pelvienne est susceptible de Rétention aiguë d’urine
plus ou moins sévère sur la vessie (diverticules) et le comprimer la région cervico-urétrale et entraîner une
haut appareil (reflux, dilatation). dysurie sévère. La rétention aiguë d’urine est un C’est la forme extrême de la dysurie. Elle se traduit
Les autres anomalies sont plus rares : mode de révélation classique des tumeurs par un syndrome abdominal trés douloureux. À
– la maladie du col vésical est exceptionnelle pelviennes de l’enfant (hématocolpos, tératome, l’examen, l’abdomen est distendu, et le globe vésical
chez l’enfant, et son existence est même contestée. neuroblastome, sarcome du sinus urogénital...). parfois tellement volumineux que le diagnostic peut
En aucun cas un geste sur le col vésical ne doit être Palpation abdominale systématique et échographie s’égarer vers d’autres pathologies abdominales. Il
envisagé sans une argumentation très réfléchie font le diagnostic. suffit de rappeler la règle élémentaire selon laquelle
(risque d’incontinence, de stérilité) ; Le diagnostic différentiel le plus fréquent est celui l’examen abdominal doit toujours être fait après
– sténose de l’urètre congénitale ou secondaire à de fécalome... qu’il faut éliminer afin de ne pas miction.
un traumatisme périnéal passé inaperçu (chute de inquiéter inutilement la famille. Si toutes les causes de dysurie peuvent être
vélo, chute à califourchon...) ; évoquées, en pratique il faut d’abord penser à :
– urétérocèle : dilatation kystique de l’extrémité ‚ Obstacles fonctionnels – la vessie surinhibée : l’enfant qui s’est retenu
intravésicale de l’uretère supérieur d’une duplicité trop longtemps ne parvient plus à déclencher sa
pyélo-urétérale complète. Chez la fille, cette La dyssynergie vésicosphinctérienne est miction ;
formation peut s’engager et obstruer le col et l’anomalie fonctionnelle la plus fréquente. Elle – la compression d’une tumeur pelvienne (y
l’urètre ; correspond à une contraction réflexe clonique du compris la pseudotumeur du simple fécalome !).
– polype du veru montanum : petite tumeur sphincter strié en cours de miction. Le jet est
Conduite à tenir pratique en urgence
conjonctive bénigne pédiculée « en battant de « bégayant ». La poussée abdominale, par laquelle
■ Demander d’abord à l’enfant d’aller uriner et
cloche », sur le veru, et créant un obstacle l’enfant essaie d’améliorer son débit, provoque l’effet
l’examiner soigneusement, vessie vide.
intermittent ; contraire, car elle augmente encore par réflexe la
■ S’il n’y parvient pas : tentative de sondage avec
– syringocèle : pseudodiverticule annexé au bord contraction sphinctérienne parasite. Cette anomalie
une sonde souple de calibre 8 ou 10 CH et sans
inférieur de l’urètre bulbaire et donnant une image s’accompagne souvent d’autres troubles mictionnels
jamais forcer. Une anesthésie locale par gel de
radiologique cupuliforme ; (instabilité vésicale en particulier) et d’une
xylocaïne facilite le geste.
– valve de l’urètre antérieur, souvent difficile à constipation chronique (dyssynergie rectosphincté- ■ Si le sondage échoue, la ponction sus-
voir radiologiquement et même en endoscopie ; rienne sur le même mode). Cette dyssynergie pubienne est un geste facile : piquer une aiguille
– la lithiase vésicale ou urétrale est à évoquer succède volontiers à un épisode urinaire douloureux intramusculaire franchement et verticalement sur la
chez des enfants originaires de contrées (infection urinaire, décalottement ou libération ligne médiane à deux travers de doigt au-dessus de
méridionales, où elle est très répandue ; d’adhérences préputiales, sondage traumatique, la symphyse. L’échec est le plus souvent secondaire
– la sténose du méat est une complication opération pour phimosis...), et constitue alors un à l’appréhension de l’opérateur qui a tendance à
classique de la circoncision. Elle succède souvent à réflexe nociceptif acquis, qu’il faut traiter par des piquer en oblique vers le bas pour éviter de blesser
une méatite inflammatoire ou à un lichen procédés de rééducation spécifiques. un viscère abdominal (or il suffit de se souvenir que
scléroatrophique du gland. L’enfant signale un début La dyssynergie vésicosphinctérienne peut être chez l’enfant, la vessie remonte très haut), ou alors
de miction difficile (décollement des lèvres du méat), d’origine neurologique, mais le contexte est alors de piquer trop progressivement, ce qui fait fuir la
suivi d’un jet normal. Le phimosis, même serré, est suffisamment évocateur (pathologie médullaire paroi vésicale devant la pointe de l’aiguille.
très rarement dysuriant, sauf dans les rares cas où il connue ou anomalie cutanée de la région La levée de la rétention aiguë doit s’accompagner
entraîne un gonflement préputial majeur lors de la lombosacrée), ou l’examen neurologique standard d’un prélèvement systématique de l’urine recueillie
miction. Il n’a jamais de conséquence obstructive sur n’est pas normal (petit trouble de la marche, discrète et de la recherche de la cause de la rétention.

Didier Aubert : Professeur, chef de service de chirurgie pédiatrique,


centre hospitalo-universitaire, service de chirurgie pédiatrique et orthopédique, hôpital Saint Jacques, place Saint-Jacques, 25000 Besançon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : D Aubert. Dysurie. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0090, 1998, 2 p

2
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8-0100

Fièvre
Encyclopédie Pratique de Médecine

A Bourrillon

L a fièvre est le symptôme le plus fréquent en pédiatrie. Aiguë, elle pose avant tout le problème de la tolérance et
du traitement, souvent urgent chez un nourrisson.
Prolongée ou récidivante, elle conduit avant tout à une recherche étiologique, souvent argumentée par des examens
complémentaires orientés.
© Elsevier, Paris.


Fièvres aiguës [1, 2] Tableau I. – Fièvre aiguë. Évaluation de la tolérance.

Faciès Vultueux
Bonne Mauvaise
Pâle, gris, cyanose péribuccale
La conduite à tenir dans cette situation, la plus
fréquente, doit être menée avec rigueur, notamment Conscience Normale Somnolence
chez le nourrisson.
Cris Vigoureux Plaintifs, geignards
Elle vise à :
– identifier avec certitude le diagnostic de fièvre ; Téguments Érythrosiques, chauds Marbrures, extrémités froides
– évaluer sa tolérance et rechercher des Temps de recoloration Immédiat > 3 secondes
complications éventuelles ;
– identifier une cause ;
– proposer des moyens thérapeutiques adaptés. la température rectale de l’enfant, ou à une
Tableau II. – Fièvre aiguë. Principales causes.
température « acceptable » pour le coude de la mère).
‚ Diagnostic de fièvre Fièvre bien tolérée Ce bain sera maintenu pendant une dizaine de
minutes en mouillant bien les cheveux et le crâne de
La fièvre suspectée en palpant le front d’un Rechercher infection :
l’enfant ;
enfant, qui apparaît anormalement chaud, doit être
ORL (tympans) – apporter des suppléments hydriques
chiffrée par une prise de température qui permet de pulmonaire (auscultation) (notamment nocturnes), augmenter l’eau des
situer, par voie rectale, une fièvre modérée, entre virale (éruption ?)
biberons ou donner un ou deux biberons
37,8 et 38,5 °C, élevée, au-dessus de 38,5 °C, et au urinaire : bandelette (leucocytes, nitrites)
vaccination récente supplémentaires la nuit ;
niveau de l’hyperthermie au-dessus de 40 °C.
– maintenir l’enfant dans une position de
Dans tous les cas, la température doit être prise Fièvre mal tolérée sommeil en décubitus dorsal (pour faciliter la
un quart d’heure après avoir découvert la fièvre.
Redouter : thermolyse).
méningite purulente
Le niveau de la température de infection bactérienne sévère Traitement médicamenteux
l’enfant ne témoigne pas pour autant hyperthermie majeure Il repose avant tout sur une monothérapie
de la gravité de la cause de la fièvre administrée par voie orale aux doses adaptées.
ou d’une mauvaise tolérance à
sont infectieuses, avant tout virales (avec ou sans
celle-ci. signes d’atteinte des voies respiratoires supérieures Posologies proposées pour 24 heures
ou inférieures) (tableau II). Aspirine : 60 à 80 mg/kg en 4 à 6
L’évaluation de la tolérance s’effectue sur des prises
critères purement cliniques (tableau I). ‚ Traitement
Paracétamol : 60 mg/kg en 3 à 4
Les complications redoutées de la fièvre sont les Il repose sur des moyens physiques et des prises
convulsions fébriles, le plus souvent inaugurales, le médicaments antihyperthermiques [1].
Ibuprofène : 30 mg/kg en 3 à 4 prises
syndrome d’hyperthermie majeure et la
déshydratation aiguë du nourrisson, beaucoup plus Moyens physiques
rares, qui expliquent les risques physiopathologiques Ils conduisent à : La voie intrarectale (paracétamol : 20 mg/kg 2 à 3
de toute fièvre et/ou hyperthermie élevée plus ou – dévêtir l’enfant sans le déshabiller fois/j) est celle de l’intolérance digestive haute
moins prolongée(s) et justifient le traitement de toute
© Elsevier, Paris

complètement ; (vomissements) ou d’une suspicion de stase


fièvre du nourrisson. – ne pas le laisser dans une pièce à température gastrique (refus du biberon). Elle est aussi celle qui
La recherche d’une cause à la fièvre aiguë élevée (20 °C maximum) ; peut être proposée à l’enfant plus grand pour
s’effectue avant tout sur les données d’un examen – proposer, si cela est possible, en cas de fièvre assurer une action antihyperthermique et antalgique
clinique rigoureux : les causes les plus habituelles supérieure à 39 °C, un bain tiède (2 °C au-dessous de prolongée (nocturne).

1
8-0100 - Fièvre


La voie injectable est celle de la sévérité
(administration hospitalière si hyperthermie sévère). Dans tous les cas, des examens Fièvres prolongées [3]

complémentaires s’imposent :
✔ numération formule sanguine
Aspégict injectable : 10 à 20 mg/kg en (NFS) et plaquettes (au minimum) ; La fièvre est habituellement définie comme
intraveineuse lente, à renouveler ✔ hémocultures ; prolongée lorsqu’elle est supérieure à 5 jours chez le
3 fois/j si nécessaire ✔ protéine C réactive (CRP), vitesse nourrisson et 1 semaine chez l’enfant plus grand.
Pro-Dafalgant : 30 mg/kg, à de sédimentation (VS) et fibrine ; Elle doit être différenciée des fièvres à répétition,
renouveler 3 à 4 fois/j si nécessaire ✔ bandelette dans les urines et fréquentes chez le jeune nourrisson (infection des
examen cytobactériologique des voies respiratoires récidivante). Dans ce dernier cas,
urines (ECBU). chaque épisode fébrile est séparé du suivant par une
Associations Selon les situations cliniques : phase d’apyrexie plus ou moins prolongée.
✔ radiographie du thorax, Le diagnostic de fièvre prolongée impose :
L’association aspirine et paracétamol en
coproculture, ponction lombaire. – un recueil anamnestique rigoureux : état des
prescription, simultanée toutes les 6 heures, pourrait
vaccinations, notion de contage, évaluation des
avoir une meilleure efficacité antihyperthermique. La
dernières réactions cutanées à la tuberculine,
prescription alternée de l’un ou l’autre des deux
informations concernant un voyage récent en zone
produits n’a de justification ni en terme d’efficacité
cas où il apparaît que l’entourage ne peut assurer le impaludée, notion de morsure ou de griffure
pharmacologique ou thérapeutique, ni en terme de d’animal, ingestion de certains aliments (fromage
dépistage de ces manifestations de sévérité.
risque toxique (indépendant du surdosage). frais de la ferme : brucellose ; viandes de cheval ou
Elle conduit en règle à un traitement par une
L’association aspirine et ibuprofène est de porc : trichinose)... ;
céphalosporine de 3e génération injectable et un
contre-indiquée. – une analyse précise des caractères de la fièvre
aminoside.
La prescription simultanée de diazépam (date de début, circonstances d’apparition, degré,
Cette indication peut être modulée en l’absence
(Valiumt : 0,5 mg à 1 mg/kg/j ou 3 gouttes de soluté durée, aspect de la courbe thermique, signes
d’anomalies hématologiques et/ou de tout
à 1 % = 1 mg pour chaque prise de 100 mg d’accompagnement (frissons, sueurs, arthralgies,
syndrome inflammatoire. Dans ces cas, de même
d’aspirine) a pu être proposée chez certains enfants céphalées).
que dans les situations où manquent les signes
ayant eu des antécédents de convulsions
cliniques de sévérité, la prise en charge à domicile
hyperthermiques ou à risques de convulsions, s’ils ne ‚ Examen clinique
(pour les enfants de 1 à 3 mois) impose la qualité du
reçoivent pas de traitement préventif de celles-ci. suivi familial et un nouvel examen clinique à Il a pour objectif d’apprécier la tolérance de la
Actuellement, on préfère généralement proposer le 24 heures d’intervalle. fièvre et de contribuer en première ligne à la
Valiumt par voie intrarectale (0,5 mg/kg), à faire
administrer par la famille en cas de survenue
effective de ces crises.
Dans tous les cas, le traitement de la cause de la CONDUITE À TENIR DEVANT UNE FIÈVRE
fièvre devra être entrepris. Il sera adapté à l’étiologie PROLONGÉE DE L'ENFANT
mise en évidence, en ayant à l’esprit que les
infections virales sont les plus fréquentes chez le FIÈVRE PROLONGÉE
jeune nourrisson et le jeune enfant, et que
l’antibiothérapie ne saurait être systématique dans
un tel contexte. RECUEIL D'INFORMATION + EXAMEN CLINIQUE


Fièvre chez le nourrisson
de moins de 3 mois [4]
ORIENTATION PAS
D'ORIENTATION

Examens complémentaires
Même à cet âge, deux tiers des infections sont
selon l'étiologie suspectée EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :
d’origine virale. - NFS + plaquettes
La clinique suffit le plus souvent à elle seule. - VS, fibrine, CRP
Il faut dissocier : - ECBU
- Radio de thorax
– les infections potentiellement sévères avec
DIAGNOSTIC - IDR tuberculine
troubles de la vigilance et/ou du comportement
(anomalies du cri) ; anomalies de la réactivité à la
parole et aux sourires de l’entourage ; difficultés TRAITEMENT PAS DE
d’alimentation ; anomalies de la coloration ; troubles DIAGNOSTIC
hémodynamiques ; signes de détresse respiratoire ;
troubles digestifs avec ou sans déshydratation
aiguë ; signes en faveur d’une infection des parties
molles ou du squelette ; purpura ; SYNDROME SYNDROME
INFLAMMATOIRE INFLAMMATOIRE
– les infections probablement bénignes,
+ -
caractérisées par une fièvre isolée, sans aucune des
manifestations mentionnées précédemment.
L’hospitalisation s’impose dans toutes les 1 Conduite à tenir devant une fièvre prolongée de l’enfant. NFS : numération formule sanguine ; VS : vitesse
situations incluant un ou plusieurs des critères de sédimentation ; CRP : protéine C réactive ; ECBU : examen cytobactériologique des urines ; IDR :
intradermoréaction.
d’infection potentiellement sévère, ou dans tous les

2
Fièvre - 8-0100

recherche étiologique. Il doit être méthodique,


complet, appareil par appareil, avec une attention Tableau III. – Fièvres prolongées.
toute particulière pour l’examen cutané, l’état du cuir Causes infectieuses
chevelu et les signes d’atteinte musculaire ou
ostéoarticulaire qui ne sont pas toujours mis en Généralisées Bactériennes : typhoïde, tuberculose, brucellose, rickettsiose, maladie des griffes du
chat, maladie d’Osler, maladie de Lyme
évidence dès les premiers examens. Virales : Epstein-Barr, Cytomégalovirus, hépatite B, VIH
Dès lors, deux situations sont possibles : Parasitaires : paludisme, kala-azar
– il existe une orientation étiologique qui pourra, Fungiques : candidose, aspergillose (immunodépression)
selon les cas, être confirmée par des examens Localisées
complémentaires adaptés ;
– il n’existe pas de signes d’orientation. ORL : otite, amygdalite ou adénoïdite chronique
Urinaires
Des examens complémentaires de débrouillage Pulmonaires : Mycoplasma, Chlamydia, Legionella, Pneumocystis
paraissent alors nécessaires (fig 1). Au terme de Système nerveux central : méningite décapitée, méningite tuberculeuse, abcès du cerveau
ceux-ci, un diagnostic peut être porté ou une Os : ostéomyélite
orientation assurée selon qu’il existe ou non un Abcès occultes : foie, rein
syndrome inflammatoire [5]. Maladies inflammatoires
La mise en évidence d’un syndrome inflamma-
Arthrite chronique juvénile
toire oriente l’étiologie de ces fièvres prolongées vers Syndrome de Kawasaki
des maladies infectieuses, inflammatoires, ou plus Lupus érythémateux disséminé, dermatomyosite, périartérite noueuse, sclérodermie
rarement vers un diagnostic d’hémopathie ou de Maladie de Crohn, rectocolite hémorragique
tumeur. Hémopathies, tumeurs
Les examens complémentaires pourront, en
Avant tout : leucémie aiguë, lymphome, sympathoblastome
pratique, être proposés selon plusieurs stratégies
Plus souvent : néphroblastome, phéochromocytome, tumeurs de la région diencéphalique
successives, orientées chaque fois que cela est
possible. Causes rares ou exceptionnelles
Les grands groupes étiologiques sont résumés Fièvre « médicamenteuse »
dans le tableau III. Hématome sous-dural
Hyperthyroïdie
‚ Traitement Diabète insipide

Il doit être dans la mesure du possible celui de la Penser à la thermopathomimie


cause. Les traitements à l’aveugle doivent être évités,
à l’exception de l’utilisation de l’aspirine ou des
autres anti-inflammatoires non stéroïdiens, chez les respiratoires à répétition, pathologies hématolo- thies, manifestations articulaires ou cutanées,
enfants suspects d’arthrite chronique juvénile. Les giques ou tumorales, formes systémiques d’arthrites érythématopapuleuses, et manifestations digestives
traitements empiriques utilisant les antibiotiques à chroniques juvéniles). Leur principale cause est la durant 3 à 7 jours pendant une durée de 4 à 8
large spectre ne sauraient être pratiqués en l’absence maladie périodique évoquée devant des accès semaines. Le syndrome inflammatoire est ici aussi
de signes cliniques évoquant une atteinte fébriles durant 1 à 3 jours, habituellement constant en période de poussée. Le diagnostic peut
bactérienne. accompagnés de douleurs abdominales, des être confirmé par l’élévation permanente des IgD.
Le pronostic est fonction de la cause. manifestations articulaires ou des érythèmes
érysipélatoïdes récurrents survenant dans un
contexte particulier (ethnie arménienne, juifs Plus rarement, ont été individualisés, dans ce


séfarades, Arabes, atteinte familiale) et toute contexte, le CINCA (chronic inflammatory,
Fièvres périodiques manifestation cédant bien à la colchicine [6]. neurological cutaneous and articular syndrome) (chez
le jeune nourrisson), le syndrome de Mückle et
L’actualité conduit à identifier, dans ce contexte de Wells, le syndrome de Marschall avec stomatite
Elles doivent être distinguées des fièvres fièvres récurrentes, le syndrome hyper-IgD, caractérisé aphtoïde et pharyngite récidivante, et la familial
récidivantes d’origine infectieuse (infection des voies par des accès fébriles récurrents avec polyadénopa- hibernian fever.

Antoine Bourrillon : Professeur des Universités, praticien hospitalier,


service de pédiatrie générale et d’urgences pédiatriques médicales, hôpital Robert Debré, 48, boulevard Sérurier, 75935 Paris cedex 19, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : A Bourrillon. Fièvre. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0100, 1998, 3 p

Références

[1] Bourrillon A. Traitement de la fièvre de l’enfant. Faux problèmes ou vrais [4] Gaudelus J, Pinturier-Tazazourte MF, Dieu S, Sauvion S, Nathanson M. La fièvre
débats. Presse Med 1991 ; 20 : 785-787 chez le nourrisson de moins de trois mois. Arch Pediatr 1995 ; 2 (suppl 1) : 545-575

[2] Bourrillon A. Fièvre aiguë du nourrisson. In : Bourrillon A ed. Pédiatrie pour [5] Miller ML, Szer I, Yogev R, Bernstein B. Fever of unknown origin pediatric
le praticien. Paris : Masson, 1996 : 303-308 rheumatology. Pediatr Clin North Am 1995 ; 42 : 992-1015

[3] Gaudelus J. Fièvre prolongée chez l’enfant. In : Bourrillon A ed. Pédiatrie [6] Vinceneux P, Pouchot J, Mery JP. Maladie périodique. In : Kahn MF ed. Les
pour le praticien. Paris : Masson, 1996 : 317-318 maladies systémiques. Paris : Flammarion, 1991 : 979-100

3
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8-0160

Larmoiement de l’enfant
Encyclopédie Pratique de Médecine

P Dureau, MS De Monteynard, JL Dufier


À l’issue de l’interrogatoire et d’une inspection sans anesthésie particulière, à condition d’assurer
Introduction simple, quelques tableaux diagnostiques fréquents une bonne contention de l’enfant pour éviter d’être
vont se dégager (fig 1). traumatisant ou de faire une fausse route. Chez
l’enfant plus grand et plus fort, une brève anesthésie
Le larmoiement de l’enfant est un symptôme qui


générale est souhaitable, et l’on en profite parfois
peut révéler, ou accompagner, plusieurs types de pour laisser en place une sonde bicanaliculonasale,
pathologies, de la plus bénigne à la plus sérieuse.
Imperméabilité lacrymonasale
qui assure une efficacité durable au geste. Lors d’un
Bien que l’interrogatoire permette dans la plupart échec du sondage avec persistance du larmoiement,
des cas de cerner assez précisément le diagnostic, l’exploration peut être recommencée une ou deux
l’apparition d’un larmoiement impose une Chez le nourrisson, l’imperméabilité lacrymo-
fois, en gardant à l’esprit la bénignité de cette
démarche précise afin de ne pas méconnaître nasale est liée à un obstacle sur les voies lacrymales,
affection qui a tendance à disparaître spontanément
certaines affections trompeuses. dans leur portion verticale (qui débouche dans les
dans la plupart des cas avant l’âge d’un an.
L’interrogatoire précise un certain nombre de fosses nasales). Les symptômes associent un
larmoiement généralement unilatéral, chronique, Dans aucun cas les examens radiographiques
caractères liés au symptôme : avec opacification n’ont d’intérêt.
– l’âge du patient conditionne les types de permanent, clair, donnant un regard brillant, à des
pathologies rencontrées : le larmoiement du épisodes de surinfection. Ces conjonctivites ou


nouveau-né correspond le plus souvent à une « pseudo conjonctivites », sont volontiers
imperforation lacrymonasale, mais doit faire concomitantes des infections rhinopharyngées. Glaucome congénital
craindre des pathologies plus graves, telles le Avant l’âge de trois mois, l’instillation de collyre
glaucome congénital ; antiseptique et les massages du sac lacrymal parfois
– l’ancienneté du symptôme doit être précisée, distendu (avec issue de pus par les canalicules à la Le glaucome congénital est lié à une
ainsi que son caractère aigu ou chronique. Cela pression du sac), peuvent amener la résolution du malformation de l’angle iridocornéen (trabéculodys-
permet de définir le rythme du larmoiement : problème (qui a, avant cet âge, une forte tendance à génésie). La malformation aboutit à un trouble de la
permanent, intermittent, associé à des infections la résolution spontanée). résorption de l’humeur aqueuse, avec augmentation
ORL ; Au delà de trois mois, le diagnostic et le traitement de pression et distension de la sclère et de la cornée
– un caractère fondamental est l’aspect clair ou sont faits par le sondage à la sonde à voies (buphtalmie). Il en résulte un œdème de la cornée
purulent de l’écoulement. Ces deux aspects peuvent lacrymales, par l’un ou l’autre des canalicules (bord qui perd sa transparence, avec ruptures de la
être isolés ou se succéder dans le temps selon un libre des paupières). La portion distale (verticale) des membrane de Descemet et une excavation
rythme qu’il convient de définir ; voies lacrymales révèle un obstacle (valvule de papillaire. L’affection, qui touche 5 nouveaux−nés
– la présence de signes associés a une valeur Hasner) qui est facilement levé. Un traitement sur 100 000, est bilatérale dans 80 % des cas, de
d’orientation importante : photophobie, antibiotique local de quelques jours (type transmission autosomique récessive dans la forme
blépharospasme, douleur, mégalocornée trouble, Rifamycinet) est administré. Ce geste est effectué en isolée.
rougeur oculaire. consultation chez le nourrisson jusqu’à l’âge d’un an, Les trois signes essentiels, parfois présents dès la
naissance, sont la buphtalmie avec cornée trouble, la
photophobie et le larmoiement clair. Ce tableau
+ Photophobie + Mégalocornée trouble impose un examen sous anesthésie générale, en
= glaucome congénital urgence, pour confirmer le diagnostic et
entreprendre le traitement. Le diamètre cornéen
augmenté, l’hypertonie oculaire et l’excavation
Kératite
papillaire quand le fond d’oeil est accessible, sont
Clair Avec épisodes purulents caractéristiques. L’examen recherche la présence
+ rythmés par infections ORL d’anomalies associées du segment antérieur :
Imperforation embryotoxon postérieur (épaississement de la ligne
Isolé lacrymonasale de Schwalbe) formant un anneau grisâtre parallèle
au limbe, syndrome d’Axenfeld, anomalie de Rieger,
Larmoiement
aniridie, syndrome de Peters, anomalie de Von
Hippel.
Le traitement du glaucome congénital est une
urgence chirurgicale, en raison du risque
Purulent À répétition du même côté d’aggravation brutale de l’état cornéen et de la
© Elsevier, Paris

(+ Rougeur) souffrance des fibres optiques. On pratique le plus


Isolé = conjonctivite
souvent une trabéculectomie, bilatérale si
+ Photophobie + douleurs = kératite nécessaire, créant ainsi une fistule permettant
l’écoulement de l’humeur aqueuse vers l’extérieur du
1 Orientation diagnostique devant un larmoiement de l’enfant
globe oculaire. Dans les cas les plus favorables, la

1
8-0160 - Larmoiement de l’enfant


tension est contrôlée avec disparition des signes Les kératites bactériennes se traduisent par les
fonctionnels et développement visuel satisfaisant, Kératite mêmes symptômes avec un larmoiement
sous réserve d’un contrôle régulier, sous anesthésie purulent et une opacité cornéenne blanc-jaune.
générale, tant que l’enfant est petit, d’autant plus Leur traitement est urgent en milieu spécialisé et
fréquent que l’on est proche de l’épisode initial. Un Les infections cornéennes associent au nécessite l’instillation répétée d’une association
traitement médical complémentaire (collyres larmoiement une photophobie et des douleurs. d’antibiotiques à large spectre.
hypotonisants bêtabloquants, sympathomimétiques Les plus fréquentes sont d’origine virale, liées en
ou inhibiteurs de l’anhydrase carbonique) est parfois particulier au virus APC (A d é n o P h a r y n g o Les kératoconjonctivites allergiques se
indiqué, lorsque la tension est à la limite supérieure Conjonctival), responsable de kératoconjonctivites traduisent par un larmoiement clair avec une
de la normale. épidémiques. Celles-ci surviennent de façon photophobie volontiers intense. Elles sont
épidémique, avec une pharyngite et des bilatérales dans un contexte évocateur (saison,
adénopathies. Le larmoiement est généralement environnement, etc). Il existe une rougeur intense

■ clair avec une rougeur oculaire intense prédominant avec souvent un œdème palpébral important.
Conjonctivite autour de la cornée. L’évolution dure quelques jours Les collyres antibiotiques sont inefficaces, mais les
avec une forte contagiosité et le traitement repose antiallergiques locaux et généraux, parfois les
sur les précautions d’hygiène (transmission corticoïdes, amènent la résolution des
Voir le chapitre correspondant. manuportée) et les antibiotiques locaux. symptômes.

P Dureau : Chef de clinique-assistant.


Marie-Sophie de Monteynard : Ancien chef de clinique-assistant.
Jean-Louis Dufier : Professeur, chef de service.
Service d’ophtalmologie, hôpital Necker-enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Maris-Sophie de Monteynard et P Dureau. Larmoiement de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0160, 1998, 2 p

2
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Otalgies
Encyclopédie Pratique de Médecine

D Ebbo

M otif très fréquent de consultation, l’otalgie est le plus souvent due à une affection auriculaire mais elle peut
être également une douleur réflexe provoquée par une lésion d’un organe situé à distance de l’oreille ou
même par une névralgie.
© Elsevier, Paris.


Introduction

Le diagnostic étiologique est essentiel car il


conditionne la conduite à tenir et le choix
thérapeutique.

Il existe deux grand types d’otalgie :


– les otalgies d’origine auriculaire ;
– les otalgies réflexes.

(fig 1)

‚ Interrogatoire

Otalgies d’origine auriculaire

Il fera préciser :
■ les caractères de l’otalgie :
– sa date d’apparition ;
– son intensité ;
– son type : névralgique ou non ; 1 Les différentes étiologies des otalgies.
– son caractère permanent ou intermittent avec
des paroxysmes.
■ les signes d’accompagnement :
– locaux : otorrhée, hypoacousie, acouphènes,
vertiges, paralysie faciale ;
– régionaux : dysphagie, manifestations
buccodentaires ; Otalgies par atteinte du pavillon de l’oreille ¶ Othématome après traumatisme
– généraux : fièvre, malaise général ;
¶ Périchondrite
■ les antécédents ORL. De diagnostic évident dès l’inspection, elle est Otalgies par atteinte du conduit auditif
secondaire à un traumatisme accidentel ou chirurgical. externe
Il s’agit de l’atteinte infectieuse du cartilage de l’oreille. La traction du pavillon et l’otoscopie permettent de
Devant toute otalgie, il est Le pavillon est rouge tuméfié, les reliefs sont effacés, la
indispensable de préciser : distinguer les atteintes suivantes.
palpation est très douloureuse. Les bords de la plaie
✔ les caractères de l’otalgie ; laissent suinter une sérosité ou du pus. ¶ Otite externe diffuse
✔ les signes d’accompagnement La fièvre est fréquente. En l’absence de traitement Elle survient surtout l’été au cours de baignades ou
(locaux, régionaux, généraux) ; énergique, l’évolution peut se faire vers la collection en rapport avec un eczéma surinfecté ou encore liée à
✔ les antécédents ORL. purulente et la fonte cartilagineuse. Le traitement une origine traumatique (nettoyages intempestifs du
repose sur une antibiothérapie adaptée au germe, si conduit auditif externe). La peau du conduit est
celui-ci est connu (souvent Pseudomonas aeruginosa) d’aspect inflammatoire, suintant, avec du pus ou de la
‚ Examen clinique et sera administré à fortes doses par voie sérosité. Elle est souvent tuméfiée, sténosant le conduit
intraveineuse.
© Elsevier, Paris

Il comporte en premier lieu l’inspection du pavillon auditif externe et ne permettant pas d’apprécier l’état
et la traction de celui-ci, puis l’examen du conduit ¶ Eczéma du pavillon du tympan. Il existe parfois une adénopathie, le plus
auditif externe et du tympan au moyen d’un spéculum Également de diagnostic évident, il n’est, le plus souvent prétragienne ou sous-lobulaire. Le traitement
d’oreille ou mieux sous microscope ou à l’aide d’une souvent, que l’extension d’un eczéma du conduit antibiotique et anti-inflammatoire, par voie locale et
fibre optique rigide. auditif externe, il s’agit d’un eczéma suintant. générale, amène la guérison.

1
8-0200 - Otalgies

¶ Furoncle du conduit auditif externe ¶ Myringite phlycténulaire ‚ Otalgies par l’intermédiaire


Il est d’origine staphylococcique. L’otalgie est – Le plus souvent d’origine virale. du trijumeau ou V
intense, exagérée par la mastication. L’examen, très – La douleur, très importante, est caractérisée par Le nerf maxillaire inférieur auquel les dents du
douloureux, met en évidence une tuméfaction rouge à son début brusque et sa durée relativement courte. maxillaire inférieur doivent leur sensibilité émet le nerf
pointe blanche. La douleur disparaît lorsque le – L’otoscopie montre la présence d’une ou auriculotemporal dont les terminaisons sensitives
bourbillon s’élimine. plusieurs phlyctènes sur la membrane tympanique. s’épanouissent dans les téguments du conduit auditif
Il conviendra de rechercher un diabète. Parfois, un discret écoulement sérosanglant fait externe et sur la membrane tympanique. Il faudra
Associé aux antalgiques, le traitement antistaphylo- suspecter ce diagnostic. donc rechercher devant une otalgie une lésion au
coccique par voie générale entraîne la guérison. – En cas de douleur persistante, l’incision d’une niveau des territoires sensitifs du V.
grosse phlyctène soulage immédiatement l’enfant.
¶ Eczéma du conduit auditif externe
Il est souvent bilatéral ; la peau du conduit paraît
– Ces otites virales doivent être systématiquement ‚ Cavité buccale
traitées par antibiothérapie pour éviter leur
sèche avec une desquamation. Des caries, l’inflammation de la dent de sagesse (où
surinfection.
les radiographies sont indispensables) peuvent être à
¶ Zona ¶ Otite chronique l’origine d’une otalgie réflexe.
Sensation de brûlure unilatérale très vive, suivie, 2 à
– Toute otalgie chez un sujet porteur d’une otite
3 jours plus tard, d’une éruption vésiculeuse dans la
chronique constitue un signe d’alerte et impose une ‚ Lésions des glandes salivaires
zone de Ramsay-Hunt. Les vésicules à contenu clair
otoscopie soigneuse : examen de la perforation, état – Parotidite et oreillons.
laissent rapidement place à des plages croûteuses.
de la muqueuse de la caisse du tympan. – Lithiase.
La coexistence d’une paralysie faciale, d’une
– Il peut s’agir d’une poussée de réchauffement
réaction méningée, de vertiges et de surdité de
avec surinfection mais aussi d’une complication ‚ Articulation temporomaxillaire
perception permet de reconnaître l’origine zostérienne
neuroméningée, en cas de céphalées de type La proximité de l’articulation temporomaxillaire et
de l’otalgie.
hémicranies : abcès extradural, sous-dural, cérébral, du conduit auditif explique la fréquence des otalgies
¶ Mycoses du conduit thrombophlébite du sinus latéral. d’origine temporomaxillaire. Il faudra rechercher un
Elles ne sont pas rares. – Enfin, il faudra savoir rechercher une tuberculose trouble de l’articulé dentaire (syndrome de Costen) et
de l’oreille. palper systématiquement l’articulation temporomaxil-
¶ Corps étranger et bouchon de cérumen impacté
¶ Catarrhe tubaire laire. L’otalgie est habituellement majorée par la
Otalgies par atteinte de l’oreille moyenne La douleur est due aux variations brutales de mastication.
C’est l’otoscopie qui va révéler les lésions de l’oreille pression intratympanique et à la présence de liquide à
moyenne responsables de l’otalgie. l’intérieur de la caisse du tympan.
¶ Otite congestive simple

Otalgies par l’intermédiaire
des racines cervicales C2 et C3


– Elle se voit surtout chez l’enfant à la suite d’une
rhinopharyngite ; Otalgies réflexes
– la douleur survient brutalement, le plus souvent
en pleine nuit, et revêt un caractère intermittent ; Le grand nerf auriculaire assure l’innervation
– le tympan est rosé, au relief encore visible. sensitive de la région auriculaire mais également de la
Lorsque l’otoscopie est négative, il s’agit d’une peau, des muscles du cou et de la colonne vertébrale
¶ Otite moyenne aiguë suppurée otalgie réflexe. Celle-ci s’observe surtout dans les cervicale ; ces régions peuvent donc être à l’origine
– La douleur est lancinante, souvent pulsatile, lésions des organes innervés par le IX, le X et le V. d’otalgies. Citons les adénopathies cervicales, les
aggravée par des paroxysmes. La fièvre est fréquente. kystes surinfectés du cou, les lésions infectieuses de la
– L’otoscopie montre un tympan rouge bombant ‚ Otalgies par l’intermédiaire
colonne cervicale.
avec disparition des reliefs ; à ce stade de collection, la du nerf glossopharyngien ou IX
paracentèse, si elle est pratiquée, amène une sédation Le IX se distribue à l’amygdale, au pharynx, à la


rapide de la douleur et des signes généraux, associée à trompe d’Eustache, au tiers postérieur de la langue. Il
l’antibiothérapie par voie générale. émet une collatérale, le nerf de Jacobson, dont les filets Si l’examen est négatif
– Ailleurs, il existe une perforation spontanée d’un terminaux se distribuent à la muqueuse de la caisse du
tympan avec otorrhée mucopurulente. tympan. Toute lésion de l’amygdale (angine
– La survenue d’une mastoïdite au cours de érythématopultacée, angine de Vincent, phlegmon
l’évolution d’une otite moyenne aiguë suppurée périamygdalien...) ou de la langue peut donc entraîner Dans ce cas, on pourra être amené à évoquer :
détermine plutôt une céphalée temporale qu’une vraie une otalgie réflexe. – soit une calcification du ligament stylohyoïdien ;
otalgie. c’est la palpation, par voie endobuccale à travers la
– Il faut souligner la difficulté de l’examen du ‚ Otalgies par l’intermédiaire loge amygdalienne qui permet de poser le diagnostic.
tympan du nourrisson et l’interprétation délicate pour du nerf pneumogastrique ou X La radiographie montre une styloïde anormalement
le médecin qui doit juger de l’opportunité d’une Le X, qui assure l’innervation sensitive du pharynx longue ; encore mieux visualisée sur le scanner ;
paracentèse chez tout nourrisson, fébrile et grognon, par le plexus pharyngé et du larynx par le nerf laryngé – soit une névralgie du IX avec une douleur
où l’otite est pratiquement toujours bilatérale et peu supérieur, participe à l’innervation sensitive de l’oreille pharyngée intermittente et paroxystique avec une
expressive cliniquement en dehors des signes par ses anastomoses avec le IX et par le rameau éventuelle zone gâchette (pôle inférieur de
généraux. Le traitement repose sur les antibiotiques et auriculaire du vague qui se ramifie dans le conduit l’amygdale) ; le diagnostic repose sur le traitement
les antalgiques associés à une désinfection auditif et sur le tympan. Une lésion au niveau de ses médical, véritable test diagnostique et thérapeutique ;
rhinopharyngée. structures peut être à l’origine d’une otalgie. – soit enfin une névralgie du V.

David Ebbo : Assistant service d’ORL et chirurgie cervicofaciale,


hôpital Saint-Michel, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : D Ebbo. Otalgies. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0200, 1998, 2 p

2
8-0190
8-0190

Otorrhée chez l’enfant


Encyclopédie Pratique de Médecine

D Ebbo

S ymptôme fréquent et banal, l’otorrhée, ou écoulement issu de l’oreille, est la traduction symptomatique d’un
processus inflammatoire, tumoral ou d’un traumatisme. Elle impose un interrogatoire méthodique suivi d’un
examen minutieux et d’explorations complémentaires adéquates qui en préciseront le type et l’origine.
© Elsevier, Paris.

Il précise :

Interrogatoire

Examens radiologiques Tableau I. – Étiologies et traitement des otor-
rhées purulentes.

Otorrhées purulentes provenant du conduit audi-


Les examens radiologiques ne sont pas tif externe
– l’aspect de l’otorrhée : muqueux, séropurulent indispensables au diagnostic mais restent utiles pour — Otite externe → antibiothérapie + antalgiques
ou purulent, écoulement clair évoquant du liquide apprécier l’extension du processus, notamment en par voie locale et générale
céphalorachidien (LCR), écoulement de sang ; cas de cholestéatome, ou l’état de la pneumatisation → antifongiques locaux en cas de mycose
– l’abondance et le rythme, pulsatile ou non ; — Corps étranger obstructif → extraction du corps
mastoïdienne. C’est l’examen tomodensitométrique étranger
– l’odeur fétide ou non ; qui donne les informations les plus précises, décelant — Polype du conduit auditif externe
– le caractère uni- ou bilatéral ; l’existence de lésions tissulaires, de tissu de Otorrhées purulentes provenant de l’oreille
– les circonstances de survenue, l’ancienneté ; granulation, un cholestéatome diffus ou en sac. Les moyenne
– les signes d’accompagnement : auriculaires repères chirurgicaux, tels le sinus latéral et la — Otite moyenne aiguë perforée → antibiothérapie
(douleurs, acouphènes, surdité et vertiges), au niveau méninge, peuvent également être analysés. Attention : il est impératif de contrôler l’état du
de la sphère ORL (angines, rhinopharyngites, tympan en fin de traitement
— Mastoïdite aiguë → antibiothérapie par voie pa-
sinusites), céphalées diffuses ;


rentérale + paracentèse ; chirurgie en cas d’échec
– les antécédents, en particulier otitiques, avec Diagnostic étiologique Penser aux formes subaiguës, actuellement les plus
l’existence d’une perforation tympanique, d’un et traitement fréquentes
eczéma du conduit auditif externe, d’aérateurs Le prélèvement bactériologique sera systématique
— Otite chronique simple (otorrhée tubaire) →
transtympaniques (ATT).
‚ Otorrhée purulente (tableau I) antibiothérapie lors des poussées de réchauffement
et traitement du terrain ; cophochirurgie en cas de


séquelle auditive
Provenant du conduit auditif externe — Otite chronique cholestéatomateuse → chirurgie
Examen clinique ¶ Otite externe diffuse Rapidité d’extension +++
Elle survient le plus souvent l’été au cours de Tendance à la récidive +++
Risque de complications ++ (fistule labyrinthique
baignades. Elle peut également être en rapport avec
‚ Examen de l’oreille externe et moyenne révélée par des crises vertigineuses ++, paralysie
par otoscopie chez un enfant bien tenu un eczéma surinfecté ou avec un traumatisme faciale)
(nettoyages intempestifs du conduit auditif externe Otorrhée sur aérateurs transtympaniques : très
L’examen comprendra tout d’abord un nettoyage par exemple). La peau du conduit est d’aspect fréquente
soigneux, doux et prudent, du conduit auditif externe inflammatoire, suintant, avec du pus ou de la Traitement surtout local
avec aspiration des sécrétions qui l’encombrent afin Si persistance ou récidives trop fréquentes → abla-
sérosité. Elle est souvent tuméfiée, sténosant le
de préciser, au mieux sous microscope ou tion de l’ATT
conduit auditif externe et ne permettant pas
otoendoscopie, la topographie de l’écoulement, d’apprécier l’état du tympan. Il existe parfois une
l’existence d’une perforation. Un prélèvement à adénopathie, le plus souvent prétragienne ou Le traitement des otites externes associe
visée bactériologique sera pratiqué.
sous-lobulaire. Le germe le plus fréquemment antibiothérapie et anti-inflammatoire par voie locale
retrouvé est Pseudomonas aeruginosa, puis le et générale ; les mycoses relèvent d’un traitement
‚ Reste de l’examen ORL
staphylocoque doré. antifongique local.
Il recherchera une complication à type de Parfois, l’écoulement est séreux ou séropurulent
paralysie faciale ou de labyrinthite avec signe de la ¶ Corps étranger obstructif
avec présence, à l’examen du conduit, d’une masse
fistule, ou encore un nystagmus. Il conviendra Fréquent chez l’enfant, il est à l’origine d’une
grisâtre, indolore, parfois comparée à du papier
également de rechercher un autre foyer infectieux, surinfection du conduit auditif externe responsable
buvard. Après nettoyage du conduit, la peau de ce
notamment sinusien. d’une otalgie importante. L’extraction du corps
dernier apparaît inflammatoire, sanguinolante, le
étranger associé à un traitement local amène en
© Elsevier, Paris

tympan est macéré mais intact. Les prélèvements


‚ Examens acoumétrique et règle la disparition de la symptomatologie.
bactériologiques et mycologiques confirmeront la
audiométrique
présence d’un Aspergillus fumigatus plus rarement ¶ Polype du conduit auditif externe
Ils permettront d’apprécier l’importance de d’un Candida albicans signant la mycose du conduit Il peut également être à l’origine d’une otorrhée
l’hypoacousie. auditif externe. purulente.

1
8-0190 - Otorrhée chez l’enfant

Provenant de l’oreille moyenne apparaît rosé sans bourgeon ni polype. L’évolution Après 3 ans, les germes en cause sont ceux des
de cette otite chronique simple ou « otorrhée otites externes, en particulier Pseudomonas
L’otorrhée peut provenir de la caisse du tympan
tubaire » est discontinue, faite d’épisodes aeruginosa. Le traitement est local, faisant appel à la
et s’écouler à travers une perforation tympanique.
otorrhéiques entrecoupés de rémissions plus ou colimycine et aux quinolones.
¶ Otite moyenne aiguë suppurée spontanément moins longues, risquant de laisser comme séquelles En cas d’échec, un prélèvement bactériologique
perforée une perforation tympanique, des lésions ossiculaires, avec antibiogramme s’impose, qui guidera le
Le nettoyage du conduit à l’aide de microaspira- d e s s é q u e l l e s fi b r o a d h é s i v e s o u u n e traitement par voie générale, et même par voie
tions d’oreille, sous microscope, constitue la tympanosclérose [2]. parentérale en milieu hospitalier s’il s’agit d’un
méthode idéale. Le pus sera prélevé pour examen Le traitement est essentiellement médical avec Pseudomonas aeruginosa.
bactériologique et permettra de visualiser la antibiothérapie lors des poussées de réchauffement Enfin, en cas de persistance de l’otorrhée, il faut
perforation tympanique, le plus souvent et traitement du « terrain » (cures thermales, procéder à l’ablation des ATT, ce qui entraîne
punctiforme, au travers de laquelle l’écoulement est « vaccinothérapie »). Les séquelles de l’otite chronique souvent la guérison.
volontiers pulsatile. Un traitement antibiotique sera peuvent bénéficier des progrès de la cophochirurgie.
alors institué, et il sera indispensable de contrôler le ‚ Otorragie (tableau II)
retour à la normale du tympan en fin du traitement. ¶ Otite chronique cholestéatomateuse
Liée à une suppuration secondaire à l’infection Cause traumatique
¶ Mastoïdites aiguës d’une poche épidermique, l’otite chronique
Complication la plus précoce de l’otite aiguë, elle cholestéatomateuse réalise une invasion des cavités ¶ Plaies du conduit auditif externe
réalise l’extension aux cellules mastoïdiennes du de l’oreille moyenne par un épithélium malpighien Elles sont très fréquentes, l’agent traumatisant
processus infectieux localisé au départ dans la caisse desquamant et s’accompagne d’une lyse osseuse étant très varié (épingle, coup d’ongle, porte-coton,
du tympan. Leur fréquence a considérablement active. Cette ostéite est responsable d’une véritable allumette...). Le diagnostic est évident lorsque l’on
diminué depuis l’apparition des antibiotiques. Elles malignité locale avec un pouvoir infiltrant retrouve la déchirure en coup d’ongle avec des
s’observent essentiellement chez le nourrisson. Le destructeur en profondeur, très important. Ceci est débris épidermiques, mais ce n’est pas toujours le
diagnostic est de difficulté variable. Il est par exemple particulièrement vrai chez l’enfant comme en cas, la plaie pouvant être masquée par un caillot.
facile en présence d’un nourrisson porteur d’une témoigne le caractère digitiforme et évolutif du ¶ Plaies du tympan
otite aiguë suppurée depuis plusieurs jours, voire cholestéatome dont la rapidité d’extension est très Il peut s’agir d’un éclatement tympanique lors
semaines, qui manifestement souffre et dont l’état importante et la tendance à la récidive marquée. d’une gifle appliquée sur la région méatique ou par
général est altéré avec pâleur, abattement, alors que L’otorrhée est modérée, augmentant lors des blast auriculaire. Elles peuvent également être la
l’otoscopie montre un conduit encombré de poussées de réchauffement, séropurulente, parfois conséquence d’un traumatisme direct ou instru-
sécrétions purulentes imposant un nettoyage fétide ou sanglante en raison de l’ostéite ou de la mental.
soigneux. Le tympan est déformé en « pis de vache » présence de bourgeons ou de polypes. L’hypoa-
avec un écoulement purulent pulsatile et profus. Il cousie est variable, de 20 à 60 décibels, de type
¶ Fractures
existe souvent une chute de la paroi postérieure du La fracture du tympanal : très souvent en raison
transmissionnel. La perforation est en règle
conduit qui se prolonge avec le tympan sans angle de l’adhérence entre conduit cutané et conduit
postérosupérieure, marginale, laissant échapper du
franc. Ce signe est caractéristique mais inconstant [1]. osseux, la fracture est responsable d’une déchirure
pus mêlé de squames épidermiques. L’évolution de
Le tableau n’est pas toujours aussi typique, surtout cutanée avec otorragie.
l’otite chronique cholestéatomateuse est dominée
dans les formes subaiguës décapitées par des La fracture du rocher : l’otorragie est assez
par le risque de complications dont les plus
traitements antibiotiques insuffisants, qui sont fréquente mais non constante. Si elle existe, elle
fréquentes sont les suivantes :
actuellement les plus fréquentes. C’est le cas provient de la caisse du tympan et se manifeste au
– la fistule labyrinthique : elle est révélée par des
d’enfants dont les tympans ne reviennent pas à la travers d’une déchirure tympanique. Elle se
crises vertigineuses. Complication la plus fréquente,
normale et qui font une otite aiguë à chaque arrêt rencontre le plus souvent dans les fractures
elle doit être suspectée devant toute otite chronique
d’un antibiotique, avec une courbe de poids extralabyrinthiques touchant l’oreille moyenne. Lors
cholestéatomateuse et recherchée cliniquement par
stagnante. L’examen tomodensitométrique peut de l’examen, le tympan est souvent difficile à
le signe de la fistule et lors de l’examen
aider à faire le diagnostic et surtout à rechercher des visualiser, et l’on s’aidera du microscope, après
tomodensitométrique qui précisera, au mieux, son
complications intracrâniennes latentes. Dans aspiration et nettoyage du conduit, qui permettra
importance. Le traitement est chirurgical ;
certains cas, la mastoïdite s’observe au stade parfois de mettre en évidence une saillie ou un
– la paralysie faciale : sa survenue impose
d’extériorisation : abaissement de la partie postérieure du conduit ou
l’intervention chirurgicale, même si le déficit facial
– rétroauriculaire, avec effacement du pli une perforation tympanique.
régresse sous traitement antibiocorticoïde ;
rétroauriculaire et décollement du pavillon ; – les autres complications : elles sont plus rares et
– temporozygomatique, avec infiltration Cause infectieuse
sont précisées au mieux par le scanner et l’imagerie
œdémateuse de la région temporozygomatique et par résonance magnétique. Il peut s’agir de ¶ Myringite phlycténulaire
refoulement du pavillon vers le bas. méningites, d’abcès cérébral ou d’empyème Elle est le plus souvent d’origine virale. L’otalgie
Le traitement associe antibiothérapie par voie sous-dural ou extradural. Les traitements actuels ont est très intense et de survenue brutale.
parentérale et paracentèse, cette dernière amélioré leur pronostic autrefois redoutable. L’otoscopie montre la présence d’une ou plusieurs
permettant un prélèvement bactériologique qui doit Le traitement du cholestéatome est chirurgical phlyctènes sur la membrane tympanique, dont le
être systématique. En cas d’échec, on aura recours à avec éradication complète des lésions cholestéato-
la chirurgie. mateuses (évidement pétromastoïdien radical ou Tableau II. – Étiologies des otorragies.
plus souvent conservateur). Après traitement, une
¶ Otite chronique simple
surveillance prolongée s’impose en raison du risque Otorragie traumatique
Elle est caractérisée par une inflammation Plaies du conduit auditif externe
de récidive fréquent.
chronique du revêtement muqueux de la caisse du Plaies du tympan
tympan mais également des cavités mastoïdienne et ¶ Otorrhée sur aérateur transtympanique Fractures (fracture du tympanal, fracture du ro-
tubaire. C’est un problème fréquent en consultation. cher)
Otorragie infectieuse
L’écoulement est mucopurulent, d’abondance Avant 3 ans, les germes responsables sont ceux
Myringite phlycténulaire
variable, filant, glaireux, indolore. La perforation est des otites moyennes aiguës, et le traitement est Polype extériorisé hémorragique
caractéristique : elle n’est pas marginale typiquement essentiellement local, souvent associé à une Otorragie tumorale (exceptionnelle chez l’enfant)
antéro-inférieure ; le fond de la caisse du tympan antibiothérapie.

2
Otorrhée chez l’enfant - 8-0190

contenu est hémorragique, avec parfois, au niveau Les examens complémentaires visent à préciser le
du conduit, un discret écoulement sanglant. En cas
Tableau III. – Otorrhée claire : les points clés. siège exact de la fistule. Le transit isotopique suivi
de douleurs importantes, l’incision de ces phlyctènes Otorrhée claire → écoulement de LCR → brèche par tomodensitométrie du produit radio-opaque
entraîne souvent un soulagement rapide. Le méningée hydrosoluble, injecté dans l’espace sous-
traitement associe antibiothérapie et antalgiques. À rechercher devant tout traumatisme crânien arachnoïdien lombaire, peut cependant être mis en
+++ défaut si l’écoulement est peu abondant.
¶ Polype extériorisé hémorragique Menace le pronostic vital (risque de méningite,
L’otorrhée de LCR relève essentiellement des
essentiellement à pneumocoque) +++
Il peut être responsable d’une otorragie et traumatismes crâniens ou crâniofaciaux qui
Le plus souvent, tarissement de l’écoulement en
l’otoscopie le rapportera à une otite chronique. quelques jours constituent de loin la cause la plus fréquente. Il faut
Réparation chirurgicale si l’écoulement persiste également citer les malformations labyrinthiques, les
¶ Cause tumorale au-delà du 10e jour ++ tumeurs et les interventions chirurgicales ayant porté
Une tumeur bénigne, telle la tumeur du glomus
sur l’oreille moyenne.
jugulaire, est très rare chez l’enfant et peut être
Cliniquement, il importe de préciser les Dans la majorité des cas, l’écoulement de LCR se
découverte devant une otorragie. Le plus souvent, il
circonstances de survenue (traumatisme récent ou tarit spontanément en quelques jours. La réparation
existe, à l’otoscopie, un tympan refoulé par une
chirurgicale doit être proposée devant toute
masse « lie-de-vin » transmettant les battements du ancien, intervention chirurgicale, malformations
persistance de l’écoulement au-delà du 10e jour. La
pouls. Le traitement est chirurgical. congénitales, telles que craniosténose, maladie de
réparation de la brèche dure-mérienne est le plus
Mondini, fistule périlymphatique).
souvent neurochirurgicale afin d’obtenir la meilleure
L’aspect de l’otorrhée est aisément reconnu exposition ; dans certains cas, la réparation pourra se
‚ Otorrhée claire (tableau III)
devant un écoulement clair, eau de roche, abondant, faire par voie otologique encadrée d’une anti-
Il s’agit d’un écoulement de LCR par l’oreille qui limpide, parfois augmenté par certaines positions biothérapie de principe pendant 10 jours.
signe l’existence au niveau de la base du crâne d’une (hyperpression abdominale, déclivité céphalique) ; En raison du risque méningé particulièrement
brèche méningée mettant en communication parfois, l’otorrhée de LCR est plus difficile à identifier, redoutable, l’écoulement de LCR au niveau de
l’oreille avec les espaces sous-arachnoïdiens. Elle car peu abondante et mêlée de sang ou de mucus. l’oreille doit être recherché, de principe, devant tout
menace le pronostic vital en raison du risque de La mise en évidence de glucose sur une bandelette traumatisme crânien qui en constitue la cause la plus
méningite, essentiellement à pneumocoque. réactive est une forte présomption en faveur du LCR. fréquente.

David Ebbo : Assistant,


service d’oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervicofaciale, hôpital Saint-Michel, 33, rue Olivier-de-Serres, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : D Ebbo. Otorrhée chez l’enfant. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris),
Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0190, 1998, 3 p

Références

[1] François M. Otite moyenne aiguë. In : Narcy P, Ployet MJ, Andrieu- [2] Triglia JM. Otite purulente chronique. In : Narcy P, Ployet MJ, Andrieu-
Guitrancourt J, Desnos J et al. ORL Pédiatrique et pathologie cervicomaxillofa- Guitrancourt J, Desnos J et al. ORL Pédiatrique et pathologie cervicomaxillofa-
ciale. Paris : Doin, 1991 : 8-21 ciale. Paris : Doin, 1991 : 33-46

3
8-0220
8-0220

Pollakiurie
Encyclopédie Pratique de Médecine

D Aubert

■ ■
bien contrôlés et donnant aux parents l’impression
Introduction Orientation clinique que l’enfant se retient (accroupissements, serrements
des cuisses). Les anticholinergiques (type
oxybutynine) donnent souvent d’excellents résultats
‚ Pollakiurie non douloureuse sur la symptomatologie.
La pollakiurie se définit comme une augmen-
tation anormale de la fréquence des mictions qui Rétention chronique sur obstacle dysuriant
Pollakiurie comportementale
sont physiologiquement de 4 à 6 par jour. Elle peut La recherche clinique d’un globe vésical persistant
atteindre 15 ou 20 mictions par jour et entrave la vie après une miction récente est un bon élément Il s’agit le plus souvent de garçons à profil anxieux
de l’enfant. Elle s’associe volontiers à des pertes d’orientation. et qui peuvent se rendre aux toilettes jusqu’à 20 ou
d’urine intempestives lorsque l’enfant n’a pas le 30 fois par jour, sans aucun autre trouble urinaire.
temps ou le courage de se rendre aux toilettes à Immaturité vésicale L’association anticholinergique et anxiolytique
chaque fois. pendant une quinzaine de jours suffit à rétablir un
La vessie conserve l’automaticité contractile des
Tous les obstacles dysuriants cités dans le rythme mictionnel normal.
premiers mois de la vie. Elle est dite mal inhibée ou
chapitre « Dysurie » peuvent s’accompagner d’une instable. Ce syndrome fonctionnel est trés fréquent
pollakiurie dans la mesure où, entraînant une Pollakiurie par polyurie
chez l’enfant et tend à disparaître spontanément et
rétention chronique, le besoin mictionnel est progressivement avec l’âge. La pollakiurie La fréquence des mictions est liée à un volume
nécessairement plus fréquent (fig 1, 2). s’accompagne de besoins impérieux plus ou moins urinaire excessif. C’est la seule situation où chaque
miction est très productive. On se renseignera alors
sur la soif et la quantité de boissons journalières en
sachant qu’il est anormal qu’un enfant demande à
Pollakiurie boire la nuit. Simple potomanie ? diabète sucré ?
diabète insipide ? insuffisance tubulaire ? Une
glycémie et une osmolarité urinaire sont les premiers
examens à demander.
Indolore Douloureuse Douloureuse
et fébrile ‚ Pollakiurie douloureuse
Obstacle ? Infection urinaire Infection urinaire
Trouble fonctionnel : Uréthrite Appendicite L’enfant va uriner très souvent et les mictions sont
(immaturité) ? douloureuses.
Polyurie ?
Infection urinaire
1 Démarche diagnostique simplifiée devant une pollakiurie.
L’ECBU est de régle. Il faut ensuite rechercher la
cause de l’infection.

ECBU Uréthrite non spécifique.


Trés fréquente chez la fillette où elle prend la
forme d’une uréthroméatite qui est le plus souvent
une extension à l’uréthre (et même à la vessie) d’une
vulvite inflammatoire dont il faut rappeler qu’une
des causes les plus fréquentes est une banale
oxyurose.
Chez le garçon, la méatite et l’uréthrite peuvent
Uréthro-
Échographie
© Elsevier, Paris

être secondaires à une macération sous un


cystographie authentique phimosis ou une balanoposthite. Mais il
abdominopelvienne
rétrograde faut ausi penser à une possible cristallurie transitoire.
Les microcristaux retrouvés à l’ECBU sont
2 Le trépied élémentaire des examens complémentaires.
responsables de microtraumatismes de la fragile et

1
8-0220 - Pollakiurie


sensible muqueuse uréthrale. Cette microcristallurie diverses de la plus bénigne à la plus grave.
est favorisée par des urines trop concentrées et cède Conclusion L’interrogatoire et l’examen clinique permettent
facilement après cure de boissons. habituellement une orientation diagnostique qui doit
toujours privilégier d’abord les causes organiques
Inflammation pelvienne avant les fonctionnelles et hiérarchiser les examens
La pollakiurie est un des signes classiques de Dysurie et pollakiurie sont deux symptômes complémentaires. Comme pour toute pathologie, le
l’appendicite pelvienne. Il est important de s’en fréquents en pathologie urinaire de l’enfant. Ils sont traitement symptomatique ne doit pas occulter un
souvenir lorsque la pollakiurie est fébrile. rarement isolés et recouvrent des patologies très diagnostic qui doit être précis.

Didier Aubert : Professeur, chef de service de chirurgie pédiatrique,


centre hospitalo-universitaire, service de chirurgie pédiatrique et orthopédique, hôpital Saint Jacques, place Saint-Jacques, 25000 Besançon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : D Aubert. Pollakiurie. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0220, 1998, 2 p

2
8-0250

8-0250
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Souffle cardiaque chez l’enfant

F Heitz

L ’auscultation cardiovasculaire de l’enfant met parfois en évidence un souffle cardiaque et il appartient au


praticien de différencier, à partir des données cliniques, un souffle fonctionnel d’un souffle organique, indiquant
seul la poursuite d’explorations spécialisées : électrocardiogramme (ECG), radiographie du thorax et surtout
échocardiographie-doppler. C’est pourquoi la formation du praticien nécessite des connaissances spécifiques et un
apprentissage « sur le terrain ».
© 1999 , Elsevier, Paris.


Comportement alimentaire et évaluation des La diminution ou l’abolition des pouls fémoraux
Introduction apports caloriques quotidiens, courbe de croissance fait rechercher une coarctation de l’aorte. La
staturopondérale. diminution de l’ensemble des pouls est observée lors
Date de découverte du souffle. d’insuffisance cardiaque sévère ou de lésion
L’échocardiographie-doppler a révolutionné,
Recherche de signes fonctionnels : obstructive serrée du cœur gauche (sténose aortique
depuis une vingtaine d’années, l’approche
– chez le nourrisson : tachypnée d’effort, critique et hypoplasie du cœur gauche en période
morphologique et fonctionnelle du système
cyanose, hypersudation chronique, hypotrophie néonatale).
cardiovasculaire. Cette technique non invasive est
staturopondérale et difficultés alimentaires, La présence de pouls amples et bondissants
fiable, pratique, et elle permet de poser rapidement
infections bronchopulmonaires répétées ; traduit un élargissement de la pression artérielle
un diagnostic précis. Son emploi systématique
– chez l’enfant : arythmie clinique, douleurs différentielle par chute des pressions diastoliques,
pourrait avoir pour conséquence de reléguer au
thoraciques, malaise ou syncope, diminution des causée par certaines cardiopathies : persistance du
second plan l’examen clinique et l’auscultation
performances physiques et sportives. canal artériel, fuite aortique, tronc artériel commun,
cardiaque, en fait très fiables également et moins
communication aortopulmonaire ou fistule entre
coûteux. Inspection aorte et cavités cardiaques.
Le morphotype est évalué : la détermination Le pouls radial est diminué de manière


exacte d’un syndrome malformatif incite à homolatérale à une anastomose chirurgicale de
Examen clinique cardiovasculaire rechercher la présence des cardiopathies le plus Blalock, laquelle met en communication l’artère
de l’enfant souvent associées. sous-clavière et l’artère pulmonaire. La pression
L’inspection recherche également les symptômes artérielle ne doit pas être évaluée de ce côté.
de cardiopathies : Un pouls paradoxal est défini par la variation de
‚ Conditions requises pour l’examen
– cyanose intéressant la face et les extrémités, l’amplitude du pouls en fonction du cycle respiratoire
Des conditions propices doivent être réunies, permanente ou n’apparaissant qu’à l’effort, et traduit la présence d’un épanchement
notamment avec les nourrissons, souvent craintifs et quantifiée par la mesure transcutanée de la péricardique compressif.
opposés à un environnement médical. Il est saturation en oxygène. L’hippocratisme digital est
important de créer une ambiance chaleureuse, de rencontré dans les états d’hypoxémie chronique ; ¶ Palpation de la région précordiale
dialoguer et de capter la confiance de l’enfant, en – tachypnée, définie par une fréquence Localisation du choc de pointe, normalement
agissant avec douceur et bonne humeur et en respiratoire supérieure à 50/min chez le nouveau-né situé au niveau du quatrième espace intercostal
favorisant les activités ludiques calmes. L’apport d’un et le nourrisson, dyspnée, tirage, rétractions gauche et sur la ligne médioclaviculaire avant 5 ans,
biberon ou d’une tétine sera souvent bénéfique, intercostales et sous-costales en inspiration, et dans le cinquième espace intercostal gauche
l’examen devant être aussi bref que possible. battements des ailes du nez : ces éléments traduisent après cet âge. Le choc de pointe indique la position
L’expérience et la patience de l’examinateur, une insuffisance cardiaque gauche ou une surcharge intrathoracique du cœur. Il est déplacé en bas et à
l’aide d’un entourage « professionnel » efficace, la vasculaire pulmonaire lors des « shunts gauche en cas de surcharge du ventricule gauche
coopération des parents, permettent habituellement gauche-droite (G-D) » importants ; (VG) et vers le creux xiphoïdien lors de surcharge du
d’obtenir une situation calme, sans recours à la – hypotrophie pondérale observée au cours des ventricule droit (VD), définissant le signe de Harzer.
prescription de produits sédatifs ou hypnotiques. « shunts G-D » volumineux ou lors d’insuffisance Sa présence dans l’hémithorax droit indique une
cardiaque ; dextrocardie.
‚ Démarche systématique L’hyperpulsatilité du précordium peut témoigner
– bombement du thorax traduisant une
Elle permet d’orienter au mieux l’auscultation [4, 8]. cardiomégalie ou une hypertension pulmonaire ; d’un éréthisme cardiovasculaire physiologique (âge
– dilatation des veines jugulaires liée à une jeune, agitation, efforts, hyperthermie) ou
Interrogatoire correspondre à un shunt G-D volumineux ou à une
surcharge cardiaque droite ;
Antécédents : recherche de malformations ou de – œdèmes au niveau des paupières, de la face et fuite sévère des valves gauches.
maladies à transmission héréditaire au sein de la des jambes. Recherche d’un frémissement ou thrill :
famille, pathologie maternelle (diabète, maladie vibrations thoraciques fines, accompagnant les
© Elsevier, Paris

métabolique, lupus, collagénose), exposition Palpation souffles organiques dont l’intensité est supérieure à
maternelle à des agents tératogènes (alcool, lithium, ¶ Palpation systématique de l’ensemble des pouls 4/6, causées par une communication interventricu-
anticonvulsivants, drogue) ou infectieux. artériels laire (CIV) ou une lésion obstructive à l’éjection.
Modalités de l’accouchement, valeurs de l’indice Elle permet la comparaison des pouls radiaux et La palpation du creux sus-sternal recherche une
d’Apgar et mensurations de l’enfant. fémoraux. pulsatilité exagérée de l’aorte et un frémissement

1
8-0250 - Souffle cardiaque chez l’enfant

cervical, évocateurs de coarctation de l’aorte, de tronc de l’artère pulmonaire. La région latérale systémique, car l’égalité des pressions droites et
rétrécissement aortique ou de canal artériel gauche du sternum correspond aux cavités droites et gauches est alors responsable d’une fermeture
perméable. à l’infundibulum sous-pulmonaire ; simultanée des valves sigmoïdes.
La palpation de l’abdomen peut mettre en – foyer « aortique » au deuxième espace Le B2 est unique et diminué lors de sténose très
évidence une hépatomégalie, symptomatique intercostal droit proche du sternum : valve aortique serrée ou d’atrésie des valves sigmoïdes aortiques
d’insuffisance cardiaque si elle est douloureuse et et aorte ascendante ; ou pulmonaires, par perte ou atténuation d’une des
accompagnée d’un reflux hépatojugulaire. Elle est à – foyer « xiphoïdien » : valve tricuspide. deux composantes de B2.
distinguer de la discrète ptôse hépatique D’autres régions seront systématiquement Les troisième et quatrième bruits (B3 et B4) sont
fréquemment rencontrée chez le nouveau-né et le auscultées : creux sus-claviculaires, régions axillaires, observés à l’apex, respectivement en protodiastole
nourrisson à l’état normal. Une splénomégalie gouttières latérovertébrales, régions cervicales et et en télédiastole : ils sont provoqués par la
associée orientera vers un état septique ou une boîte crânienne, abdomen. distension brutale des cavités ventriculaires lors du
hémopathie de l’enfant. Le phonocardiogramme n’est plus guère remplissage diastolique rapide (B3) ou lors de la
pratiqué. Cette exploration non invasive permettait systole auriculaire (B4). Le B3 est souvent
Mesure de la pression artérielle
l’enregistrement sur papier des bruits cardiaques et physiologique chez l’enfant. Le B4 indique
Elle est facilitée chez le nouveau-né et le des souffles, de façon sensible et reproductible, habituellement un trouble de la fonction diastolique
nourrisson par l’emploi d’un appareil de mesure contribuant au diagnostic et à la surveillance des ventriculaire, observé au cours des
automatique analysant les fréquences doppler. La cardiopathies. Son intérêt principal réside cardiomyopathies.
méthode du flush est cependant plus accessible : un aujourd’hui dans l’apprentissage pédagogique de
Les clicks protosystoliques sont des bruits
segment de membre distal est enroulé fermement l’auscultation.
claqués pathologiques, liés à la mise en tension des
par une bande élastique, puis le brassard à tension
est gonflé en amont. La bande est enlevée et le ¶ Paramètres recueillis [2, 4, 8, 9] valves sigmoïdes ou à la percussion des parois
artérielles par les flux sanguins éjectés. Ils sont
membre garde une couleur pâle. Quand le brassard Fréquence cardiaque
est dégonflé, la recoloration du membre apparaît à rencontrés au cours des sténoses aortiques et
Élevée chez le jeune enfant, elle rend parfois
un niveau de pression artérielle correspondant à la pulmonaires à valves encore souples ou lors d’HTAP
difficile le repérage des temps systoliques et
pression moyenne. et d’hypertension artérielle systémique.
diastoliques : 70 à 170 battements/min chez le
Chez l’enfant, il convient de choisir un brassard nouveau-né, 80 à 140 battements/min à 1 an, 80 à Un click télésystolique apexien est évocateur de
dont la largeur excède de 30 % à 50 % le diamètre 130 battements/min jusqu’à 3 ans, et 75 à prolapsus valvulaire mitral.
du membre, et dont la longueur est égale aux deux 115 battements/min après 3 ans. L’agitation et la
tiers de celle du membre. Le brassard doit être bien Souffles
peur sont le plus souvent responsables de
positionné sur le trajet artériel. La méthode tachycardie.
auscultatoire est utilisée au-delà de 1 an, Une arythmie sinusale physiologique avec
généralement au niveau de l’artère humérale : lors
Ils sont définis par des vibrations
bradycardie inspiratoire est très courante chez acoustiques produites par les flux
du dégonflage du brassard, apparaissent les l’enfant et l’adolescent.
premiers bruits correspondant à la pression sanguins traversant les valves ou
systolique. La diminution, puis la disparition des Bruits certaines communications
bruits de pouls indiquent le niveau de pression Le premier bruit (B1) correspond au début de la intercardiaques ou vasculaires.
diastolique. systole ventriculaire. Il est produit par les vibrations
Les valeurs normales de pression artérielle varient provenant du système tenseur des valves
avec l’âge, le sexe et la taille [1]. Schématiquement, auriculoventriculaires et par le brusque arrêt du flot Ils ont des caractéristiques précises :
les chiffres systoliques normaux sont inférieurs à de remplissage ventriculaire, lors de la fermeture des ■ intensité : les grades 1/6 et 2/6 correspondent
90 mmHg chez le nouveau-né et à 100 mmHg avant valves mitrale puis tricuspidienne. Ces deux à des intensités faibles à modérées, le souffle 3/6 est
1 an, à 110 mmHg avant 5 ans, et à 120 mmHg composantes, espacées de 20 à 30 ms, se fondent intense, mais ne s’accompagne pas d’un
entre 6 et 15 ans. L’hypertension artérielle est définie en un bruit unique chez l’enfant. frémissement précordial. Les souffles 4/6, 5/6 et 6/6
par des valeurs supérieures au percentile 97,5 pour L’intensité de B1 est augmentée si le débit sont accompagnés de frémissement et leur intensité
les normes établies. cardiaque est élevé et diminuée en cas d’hypodébit est croissante jusqu’à être entendus à distance [6] ;
systémique. L’intensité de B1 varie aussi avec la
■ timbre : il est décrit par des qualificatifs plus ou
Auscultation durée de conduction auriculoventriculaire (intervalle
moins imagés : souffle doux, rude, musical, piaulant,
¶ Matériel et méthodes PR à l’ECG).
sifflant, en « jet de vapeur », en « bruit de lame de
Le stéthoscope doit comporter un diaphragme et Le dédoublement de B1 est observé au cours des scie » ;
un pavillon de taille réduite pour faciliter l’examen fuites tricuspidiennes congénitales, dans la maladie
d’Ebstein. ■ fréquences acoustiques : hautes, moyennes
des nouveau-nés et des nourrissons. L’utilisation
ou basses, elles correspondent au caractère aigu ou
d’un stéthoscope à deux conduits tubulaires, épais et Le deuxième bruit (B2) correspond à l’inter-
grave du souffle ;
courts, améliore la qualité des signaux auditifs. Il est ruption brutale du flux sanguin systolique, survenant
préférable d’employer toujours le même matériel, en lors de la fermeture des valves aortiques puis ■ siège d’intensité maximale et irradiations du
prenant soin de réchauffer les parties métalliques pulmonaires. Ces deux composantes sont distinctes souffle renseignent sur l’origine anatomique et la
avant toute utilisation. L’auscultation est réalisée en inspiration, en raison de l’élévation du retour direction des flux anormaux en cause ;
dans une salle d’examen relativement silencieuse veineux systémique entraînant une éjection ■ situation du souffle dans le cycle cardiaque
dont la température ambiante est agréable. prolongée du VD. Ainsi, le dédoublement variable de (fig 1) :
Le patient est examiné en position assise, puis en B2 est physiologique. Il est observé seulement lors – souffle systolique survenant avec ou juste après
décubitus dorsal, au repos et éventuellement après de l’inspiration et surtout au foyer pulmonaire. B1 et s’arrêtant avant B2 ;
un effort. Chez le nourrisson, l’auscultation peut être Le dédoublement fixe de B2 est pathologique,
– souffle diastolique débutant avec ou juste après
débutée à travers les vêtements, l’enfant étant traduisant une durée d’éjection ventriculaire droite
B2 et se terminant avant B1 ;
installé sur les genoux de ses parents. prolongée, par surcharge diastolique du VD
Les foyers d’auscultation correspondent aux (communication interauriculaire [CIA], anomalies du – souffle continu débutant juste après B1,
structures anatomiques situées en regard : retour veineux pulmonaire, fuite valvulaire souvent maximal autour de B2, puis diminuant
– foyer « mitral » ou « apexien » : cavités gauches pulmonaire) ou par sténose pulmonaire. Il peut aussi progressivement jusqu’à B1 ;
et valve mitrale ; être secondaire à un bloc complet de branche droite. – souffle systolodiastolique : le souffle systolique
– foyer « pulmonaire » au deuxième espace Le caractère unique et claqué de B2 indique une se termine avant B2, puis le souffle diastolique
intercostal gauche, proche du sternum : valve et hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) de niveau apparaît.

2
Souffle cardiaque chez l’enfant - 8-0250

¶ Souffle protosystolique sus-claviculaire


1 Situation des souffles et carotidien
Cardiopathies Chronologie des souffles dans le cycle cardiaque. Il est causé par l’ondée sanguine systolique
CIV : communication in- parvenant aux artères sous-clavières et
Souffle Systolique terventriculaire ; CIA : carotidiennes. Son intensité est variable selon les
communication interau- positions, maximale lorsque la tête est fléchie en
B1 B2 B1
Sténoses aortique et pulmonaire riculaire. avant. Il est présent de manière uni- ou bilatérale.
¶ Souffle systolique lié à une anémie
Fuites mitrale et tricuspidienne Il correspond à l’augmentation du débit
systémique traversant l’anneau et les valves
CIV
aortiques. Ce souffle, dont l’intensité peut atteindre
Souffle Diastolique 3/6, est associé à une tachycardie et irradie vers les
vaisseaux du cou. Le contexte clinique permet
habituellement de le différencier d’un souffle de
sténose aortique.
Fuites aortique et pulmonaire
¶ Souffle continu de type veineux ou « hum
veineux »
Il est provoqué par des turbulences sanguines
Augmentation du remplissage siégeant au niveau des veines jugulaires et
rapide ventriculaire (CIA,CIV) sous-clavières. De tonalité douce et d’intensité faible
à modérée, il est mieux entendu dans la région
sous-claviculaire droite et en position debout.
Sténoses mitrale et tricuspidienne
Diagnostic différentiel
Il est discuté en cas de souffle isolé chez un enfant
Souffle Continu
par ailleurs asymptomatique.
¶ Souffles systoliques endapexiens
Canal artériel
– Fuite mitrale : souffle holosystolique.
Fistule artérioveineuse – CIV de petite taille : souffle irradiant en « rayons
de roue ».
– Cardiomyopathie hypertrophique obstructive :
anomalies électrocardiographiques et antécédents


couchée, au bord gauche du sternum et à l’endapex.
Conduite à tenir devant un familiaux éventuels.
souffle cardiaque Le timbre est vibratoire ou musical et les fréquences
acoustiques sont moyennes [10]. ¶ Souffles systoliques au foyer pulmonaire
Il est causé par des vibrations provenant de la – Sténose valvulaire pulmonaire peu serrée.
‚ Reconnaître un souffle fonctionnel base des sigmoïdes pulmonaires lors de l’éjection du – Coarctation de l’aorte : diminution des pouls
VD, ou provenant parfois de bandelettes fémoraux et présence d’un gradient de pression
Le plus commun des souffles rencontré chez
musculaires intraventriculaires gauches. artérielle supérieur à 20 mmHg entre membres
l’enfant correspond aux vibrations acoustiques
supérieurs et inférieurs.
provoquées par la contraction des ventricules ou par ¶ Souffle systolique pulmonaire
l’augmentation du débit sanguin à travers des valves Localisé au foyer pulmonaire et n’irradiant pas ¶ Souffles carotidiens
sigmoïdes normales [3]. Il est dit « innocent », « bénin », vers le dos, il est perçu en position couchée et en fin Ils doivent être distingués de l’irradiation d’un
« physiologique » ou « anorganique ». d’expiration, volontiers chez le grand enfant et souffle de rétrécissement aortique ou d’une
l’adulte jeune longilignes. Il présente un aspect coarctation de l’aorte.
Caractéristiques essentielles « éjectionnel » de forme losangique au phonocardio-
– Souffle à caractère systolique et bref le plus gramme. Ce souffle est produit par les vibrations des
souvent, mais parfois continu et de type « veineux ». parois de l’artère pulmonaire lors de la systole Le diagnostic de souffle fonctionnel
– Intensité faible, toujours inférieure à 3/6, ventriculaire. conduit à rassurer l’enfant et son
majorée par la tachycardie et les situations de haut ¶ Souffle systolique d’origine artérielle pulmonaire entourage. La surveillance
débit cardiaque : hyperthermie, effort, agitation, Il est typiquement rencontré chez le nouveau-né cardiologique et les examens
stress, anémie. hypotrophique ou prématuré. Son intensité est faible complémentaires sont inutiles. Il n’y a
– Timbre musical ou vibratoire, fréquences (1/6 à 3/6), parfois masquée par les bruits aucune précaution particulière à
acoustiques moyennes ou basses. respiratoires. Ce souffle irradie vers les régions prendre et l’enfant peut mener une vie
– Siège maximal à l’endapex ou au foyer latérosternales, les creux axillaires et le dos.
pulmonaire, avec irradiations faibles.
normale.
Il traduit les turbulences sanguines causées par la
– Variabilité selon la position, le cycle respiratoire disparité de calibre entre le tronc pulmonaire, large
et lors d’examens successifs. La manœuvre de chez le fœtus et le nouveau-né, et les branches
Valsalva abolit le souffle ou l’atténue largement ‚ Souffles organiques
artérielles pulmonaires relativement grêles. Un
(inspiration forcée suivie d’une poussée du gradient systolique de 10 à 25 mmHg, à l’origine des Leurs caractéristiques communes les opposent
diaphragme vers l’abdomen, en maintenant branches pulmonaires, peut être mis en évidence nettement aux souffles fonctionnels [2, 4, 8, 9] :
l’apnée). par l’échocardiographie-doppler. Ce souffle disparaît – intensité plus forte (grades 2/6 à 5/6), avec
– Absence de symptôme et absence d’autre avant l’âge de 3 mois, à la différence des véritables frémissement associé ;
anomalie à l’examen clinique. sténoses périphériques des artères pulmonaires. – irradiations plus importantes, notamment vers
Un second mécanisme est parfois en cause : la le dos ;
Différents types de souffles fonctionnels [9] – caractère prolongé et « holosystolique » des
fermeture du canal artériel peut être responsable, au
¶ Souffle protosystolique endapexien de Still niveau de son extrémité pulmonaire, d’une souffles systoliques ;
Surtout fréquent chez l’enfant après l’âge de « coarctation » de l’artère pulmonaire gauche, – souffle de type diastolique, ou continu de type
3 ans, ce souffle est mieux entendu en position spontanément régressive en quelques semaines. « artériel » ;

3
8-0250 - Souffle cardiaque chez l’enfant

– faible variabilité selon les positions, le cycle latérosternale gauche car les vibrations acoustiques (2/6) et il irradie faiblement. Il peut être associé à un
respiratoire ou d’un examen à l’autre ; sont ici transmises par le VD. Le click protosystolique souffle diastolique d’hyperflot tricuspidien, au bord
– présence éventuelle d’une symptomatologie est absent. gauche du sternum.
fonctionnelle. Sténose sur les branches artérielles pulmo- Le B2 est dédoublé de manière fixe et sa
naires : souffle parfois intense et surtout largement composante pulmonaire est augmentée.
Souffles systoliques irradié au thorax et vers le dos.
¶ Régurgitations des valves auriculoventriculaires
Ils ont fait l’objet d’une classification déjà ¶ Communications intracardiaques Au cours des fuites mitrale et tricuspidienne, le
ancienne [5]. gradient de pressions entre ventricules et oreillettes
Communication interventriculaire
persiste durant toute la systole, jusqu’à la fermeture
¶ Souffles d’éjection Le sens et le volume du passage des flux sanguins
des valves sigmoïdiennes (B2). Le souffle est
Les lésions obstructives des voies d’éjection à travers la CIV dépendent du gradient de pressions
holosystolique, son intensité est d’emblée maximale
ventriculaires génèrent des flux turbulents et rapides, entre les ventricules et du niveau respectif des
puis reste constante, formant un rectangle au
percutant les parois des gros vaisseaux. Le délai résistances vasculaires systémique et pulmonaire
phonocardiogramme (fig 1).
entre B1 et le début du souffle correspond à la phase (rapport résistance vasculaire systémique/résistance
de pré-éjection ventriculaire, au cours de laquelle les vasculaire pulmonaire [RVS/RVP]). La présence d’un Fuite mitrale
pressions ventriculaires s’élèvent. souffle systolique témoigne de l’existence d’un D’origine malformative, rhumatismale,
Les souffles d’éjection présentent un aspect gradient de pressions ventriculaires, qui demeure ischémique, ou liée à un prolapsus valvulaire, elle est
losangique au phonocardiogramme, avec intensité constant durant toute la systole. Le souffle varie le plus souvent secondaire chez le nourrisson aux
croissante jusqu’en mésosystole, puis décroissante selon le diamètre et la localisation de la CIV. dilatations du VG et de l’anneau mitral, lors de CIV
jusqu’à B2 (fig 1). CIV de taille moyenne : le souffle est typiquement ou de canal artériel large avec retour veineux
holosystolique, débutant avec la fermeture des pulmonaire augmenté.
Obstructions du cœur gauche valves auriculoventriculaires (B1) et persistant Le souffle est maximal à l’apex, mieux entendu en
Sténose valvulaire aortique : souffle systolique jusqu’à B2. Il évoque un jet de vapeur, d’intensité décubitus latéral gauche (cette position rapprochant
au bord supérieur droit du sternum, irradiant vers les souvent importante (grades 2/6 à 5/6) et peut être le VG de la paroi thoracique), et il irradie vers
vaisseaux du cou. La mise en tension brutale des accompagné d’un frémissement précordial. l’aisselle gauche.
sigmoïdes, en début d’éjection, est à l’origine d’un L’irradiation du souffle en « rayons de roue » est Son timbre est doux, à caractère musical ou
click protosystolique qui ne doit pas être interprété caractéristique : l’intensité est identique sur une piaulant (« cri du goéland »).
comme un dédoublement de B1. Le souffle se même circonférence, centrée par le siège maximal L’association d’un click méso- ou télésystolique à
termine largement avant B2. endapexien. L’irradiation vers le dos est constante. un souffle télésystolique apexien doit faire évoquer
Les souffles prolongés indiquent un rétrécis- L’association à un roulement protodiastolique, au un prolapsus mitral.
sement aortique serré, alors que les souffles brefs foyer mitral, témoigne de l’augmentation du débit de
remplissage du VG, secondaire à l’hyperflot Fuite tricuspidienne
peuvent correspondre à des rétrécissements
modestes ou, au contraire, à des sténoses très pulmonaire. Le souffle de régurgitation est holosystolique,
CIV large : les pressions ventriculaires sont maximal au bord gauche du sternum et au foyer
serrées causant un bas débit cardiaque.
égalisées et le souffle de CIV est absent. Le passage xiphoïdien et son timbre est doux. Son intensité
Sténose sus-valvulaire aortique par diaphragme
des flux à travers la CIV n’est fonction que du rapport habituellement modérée est accentuée par
membraneux ou sténose supravalvulaire
des résistances RVP/RVS : l’inspiration profonde (signe de Rivero Carvallo).
aortique : le souffle d’éjection est identique au
– si RVP/RVS est supérieur à 1, l’hyperflot La présence d’une hépatomégalie traduit la
précédent mais le click est absent. Un souffle de
pulmonaire est à l’origine d’un souffle d’éjection sévérité de la fuite et correspond à l’élévation des
régurgitation aortique peut apparaître avec
systolique au foyer pulmonaire, parfois accompagné pressions droites.
l’évolution.
d’un roulement « de débit » au foyer mitral. Le B2 est En période néonatale, la fuite tricuspidienne
Sténose sous-aortique de type musculaire par
dédoublé, par augmentation de la durée d’éjection favorise l’apparition d’un « shunt D-G » par une CIA
cardiomyopathie hypertrophique obstructive, ou un foramen ovale perméable, à l’origine d’une
du VD. La composante pulmonaire de B2 est
diaphragme fibreux ou bourrelet septal cyanose. Cette situation est fréquente en cas d’HTAP
augmentée ;
musculaire : le souffle systolique est bref, sévère ou de cardiopathies à pressions auriculaires
– en revanche, si RVP/RVS est inférieur à 1, il
mésosystolique, maximum à l’apex. Le click droites élevées : atrésie et sténose pulmonaire serrée
apparaît un « shunt D-G » entraînant une cyanose.
protosystolique est absent. à septum ventriculaire intact, maladie d’Ebstein,
L’auscultation est marquée par l’absence de souffle,
Coarctation de l’aorte : le souffle est assez bref, mais le B2 est unique et claqué. fuites tricuspidiennes congénitales.
mésosystolique, grades 2/6 à 3/6, sus-claviculaire CIV de petite taille : le souffle peut être intense et Une maladie d’Ebstein sera évoquée en présence
gauche et interscapulovertébral gauche. largement irradié, ce qui souligne l’absence de d’un rythme à 3 ou 4 temps, avec click
Obstructions du cœur droit corrélation entre la taille du défect et l’intensité du protosystolique (claquement de voile de navire) et
souffle. souffle de régurgitation tricuspidienne.
Sténose valvulaire pulmonaire : le siège maximal
du souffle est situé au bord supérogauche du Un souffle bref est observé au cours des plus
petites CIV musculaires, car la contraction Souffles diastoliques
sternum, avec irradiation vers la région
sous-claviculaire gauche et vers le dos. L’intensité et ventriculaire entraîne l’occlusion du défect en ¶ Régurgitations valvulaires aortique
la durée du souffle sont influencées par le débit mésosystole. et pulmonaire
cardiaque et la sévérité de la sténose : souffle bref et Ces souffles sont brefs, débutent avec B2, puis
Communication interauriculaire
atténué en cas d’hypodébit ventriculaire droit ou lors s’atténuent rapidement à mesure que le gradient de
Un flux est établi à travers le défaut septal pressions diastoliques entre ventricule et artère
de sténose valvulaire serrée. Ces modifications auriculaire dans le sens gauche-droite, selon un
permettent de guider les indications thérapeutiques diminue. Leur tonalité est douce. Le caractère
gradient de pressions relativement faible (inférieur holodiastolique d’un souffle témoigne de la sévérité
au cours de l’évolution d’une sténose pulmonaire ou de 10 mm d’Hg). Le débit de ce flux dépend
d’une tétralogie de Fallot. de la régurgitation valvulaire.
principalement de la compliance du VD. Le débit
Un click protosystolique est fréquemment Les étiologies sont multiples : malformation
sanguin traversant les valves tricuspide et
observé au bord gauche du sternum : il diminue ou valvulaire congénitale, lésions d’endocardite
pulmonaire est augmenté et la durée d’éjection du
disparaît lors de l’inspiration et il est majoré par infectieuse, affection rhumatismale, HTAP ou
VD est prolongée.
l’expiration forcée. systémique, lésions résiduelles postopératoires.
Le passage du flux à travers la CIA est trop discret
Enfin, l’intensité de B2 est diminuée par pour être perçu. Cependant, un souffle systolique Insuffisance aortique
atténuation de la composante pulmonaire. éjectionnel, lié à l’hyperdébit pulmonaire, est présent Le siège maximal du souffle est situé au bord
Sténose infundibulaire sous-pulmonaire : souffle au bord gauche du sternum et au foyer pulmonaire. gauche du sternum, définissant le foyer aortique
voisin du précédent, mieux perçu dans la région Ce souffle est de timbre doux, en général peu intense secondaire, chez un patient en position verticale. Il

4
Souffle cardiaque chez l’enfant - 8-0250

est mieux entendu en expiration. L’intensité va tricuspidien secondaire à la CIA, hyperdébit mitral en sinus de Valsalva dans une cavité droite, collatérales
« decrescendo », le souffle étant plus ou moins long. cas de CIV ou de canal artériel large. artérielles de suppléance entre aorte et circulation
Une fuite volumineuse sera accompagnée d’un Ce souffle présente des fréquences acoustiques pulmonaire, naissance anormale des artères
roulement mitral de Flint, produit par les vibrations basses, à type de « roulement ». Il est mieux entendu pulmonaires à partir de l’aorte ou d’un tronc artériel
de la grande valve mitrale et par la diminution de la au foyer mitral et à l’endapex. Le prolongement du commun, fistule coronarocardiaque.
pression artérielle diastolique avec pouls souffle au-delà de la mésosystole témoigne de Plus fréquemment, la présence d’un souffle
bondissants. lésions organiques intéressant les valves continu axillaire est recherchée dans les suites
Chez le nouveau-né et le nourrisson, un souffle auriculoventriculaires. opératoires d’une anastomose chirurgicale de
d’insuffisance aortique fait évoquer deux étiologies Blalock, dont il traduit la perméabilité.
particulières : le tronc artériel commun avec lésions
¶ Roulement télédiastolique Enfin, les fistules artérioveineuses périphériques
Il indique une sténose organique mitrale ou
dysplasiques des valves truncales, et le tunnel siègent habituellement aux niveaux hépatique,
tricuspidienne, rare chez l’enfant, d’étiologie
VG-aorte. cérébral, ou intéressent les membres inférieurs.
congénitale ou rhumatismale. En fin de diastole, la
Insuffisance pulmonaire contraction auriculaire élève en effet le débit à


Le souffle siège au foyer pulmonaire et au bord travers les valves auriculoventriculaires, à l’origine
supérieur gauche du sternum. Son intensité dépend d’un roulement mitral à l’apex et d’un roulement Conclusion
du niveau des pressions pulmonaires et du gradient tricuspidien au foyer xiphoïdien (fig 1).
diastolique ventriculoartériel droit. Sa fréquence est
Souffles continus Les anomalies de l’auscultation cardiaque sont
assez basse, augmentant comme l’intensité en cas
fréquentes chez l’enfant et méritent d’être bien
d’HTAP. Ce souffle peut être difficile à distinguer de ¶ Caractéristiques connues du praticien, afin d’éviter les explorations
celui causé par une fuite aortique. Les souffles continus de type « artériel » débutent complémentaires inutiles et de rassurer l’entourage
Les fuites pulmonaires significatives sont après B1, se renforcent progressivement en familial. Le contexte clinique, la pratique d’un
essentiellement rencontrées après chirurgie de la entourant B2, et se prolongent jusqu’au B1 suivant. examen rigoureux et complet, l’expérience,
valve pulmonaire, notamment après réparation de L’intensité ne varie pas selon les positions. contribueront à faire la distinction entre souffle bénin
la tétralogie de Fallot ou dans les situations d’HTAP. Un canal artériel perméable sera suspecté devant et souffle organique. Les souffles rencontrés chez le
Les fuites minimes (grades 1/4 à 2/4 en un souffle continu sous-claviculaire gauche, irradiant nouveau-né, ou ceux évoquant une étiologie
échographie-doppler) sont physiologiques et vers le dos, et accompagné de signes d’hyperdébit organique chez l’enfant, feront l’objet d’une
responsables de souffles fonctionnels protosysto- pulmonaire et de troubles respiratoires. expertise auprès d’un spécialiste.
liques, par augmentation du débit du VD. Un souffle continu à prédominance dorsale fait Le praticien sera conduit à apprécier la tolérance
¶ Roulement protomésodiastolique évoquer une coarctation serrée de l’aorte, si les pouls clinique d’une cardiopathie, à en surveiller
de remplissage ventriculaire fémoraux sont absents. l’évolution tout en repérant d’éventuelles
Il traduit l’augmentation du remplissage D’autres étiologies sont parfois rencontrées : modifications auscultatoires, et il assurera une
ventriculaire rapide à travers des valves fistule artérioveineuse intrapulmonaire, fenêtre prévention des facteurs d’aggravation, en
auriculoventriculaires normales : hyperflot aortopulmonaire, fissuration d’un anévrysme du coopération avec le spécialiste cardiopédiatre.

François Heitz : Praticien hospitalier,


unité de cardiologie pédiatrique, centre hospitalier universitaire, hôpital des enfants 330, avenue de Grande-Bretagne, BP 3119, 31026 Toulouse cedex 3, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Heitz F. Souffle cardiaque chez l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0250, 1999, 5 p

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8-0260

Strabisme de l’enfant
Encyclopédie Pratique de Médecine

MS De Monteynard, P Dureau, JL Dufier

■ ■
– traitement de l’amblyopie par pénalisation
Introduction Traitement intermittente du bon œil ;
– rééducation orthoptique.

Le strabisme de l’enfant est fréquent dans les trois Le traitement du strabisme est d’abord médical Le traitement chirurgical interviendra dans un
premiers mois de la vie et sans conséquence si (fig 1) : deuxième temps, rarement avant l’âge de 3 ou
l’examen clinique devient normal par la suite. – correction exacte des amétropies (troubles de la 4 ans. À ce stade, l’orthoptie prend toute son
La persistance ou l’apparition d’une déviation réfraction) par le port de lunettes, qui sont prescrites importance et nécessite une coopération active de
oculaire durant les premières années de la vie doit après cycloplégie maximale par atropine ; l’enfant.
amener à consulter un ophtalmologiste.
Il existe deux types de strabisme :
– convergent (le plus fréquent) : déviation des
yeux vers l’intérieur ;
– divergent : déviation des yeux vers l’extérieur. Strabisme


Examen des reflets pupillaires Faux strabisme : épicanthus, ...
Examen clinique
Examen de la motricité Paralysie oculomotrice

Réalisé impérativement après dilatation pupillaire,


il doit rechercher en premier lieu la présence Examen des globes oculaires Strabisme organique : cataracte, rétinoblastome,
éventuelle d’une lésion organique pouvant être lésion rétinienne
responsable du strabisme :
– cataracte congénitale ; Réfraction sous cycloplégie Strabisme accomodatif pur : lunettes
– anomalie vitréenne ou rétinienne ;
– nystagmus.
Anisométropie avec amblyopie :
En l’absence de lésion organique, une cause
traitement par lunettes et occlusion
fonctionnelle est recherchée : trouble de la réfraction
(hypermétropie, myopie), qui peut être unilatérale et
Traitement orthoptique visant à obtenir
souvent responsable d’une amblyopie fonctionnelle.
une alternance de fixation (secteurs, ...)
Cette amblyopie doit être systématiquement
recherchée, surtout en cas d’antécédents familiaux.
Son dépistage précoce permettra un traitement Chirurgie (généralement vers 4-5 ans)
spécifique d’autant plus efficace qu’il sera entrepris
1 Attitude devant un strabisme de l’enfant.
tôt.

Marie-Sophie De Monteynard : Ancien chef de clinique-assistant.


Pascal Dureau : Chef de clinique-assistant.
Jean-Louis Dufier : Professeur, chef de service.
Service d’ophtalmologie, hôpital Necker-enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : MS De Monteynard, P Dureau et JL Dufier. Strabisme de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0260, 1998, 1 p
© Elsevier, Paris

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8-0270

Vomissements du nourrisson
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

et de l’enfant
A Breton, JP Olives

L es vomissements sont un symptôme très fréquent chez l’enfant, et plus particulièrement chez le nourrisson.

© Elsevier, Paris.


s’accompagnant toujours d’une mauvaise prise de hyponatrémique, avec alcalose hypochlorémique et
Introduction poids, l’étude de la courbe pondérale peut être un hypokaliémique dans les cas graves.
bon élément d’orientation. La répétition des vomissements peut à la longue
retentir sur l’état nutritionnel. Il faut rechercher un
Les vomissements sont définis par le rejet du Alimentation
infléchissement ou une cassure de la courbe
contenu gastrique ou intestinal par la bouche. Ils Il faut noter soigneusement : pondérale. Un véritable état de malnutrition peut
sont le plus souvent banals. Ils réclament cependant – le mode de préparation et de reconstitution des plus rarement être observé, marqué par un retard
une démarche diagnostique rigoureuse, car ils laits artificiels ; pondéral (supérieur à -3 déviation standard [DS]),
peuvent avoir une signification grave ou se – la quantité proposée et l’apport énergétique une fonte du pannicule adipeux et une diminution
compliquer [1, 5]. réellement reçu ; des masses musculaires.
Ils doivent être différenciés : – le nombre de prises ;
– des régurgitations : définies par des rejets par la – la nature des aliments proposés depuis la


bouche de petites quantités de lait ou de liquide naissance, avec leur date d’introduction dans le
gastrique, qui accompagnent parfois l’éructation régime (protéines du lait de vache, gluten) ;
Étiologies
physiologique chez le nourrisson, généralement en – les changements diététiques pratiqués depuis
r a p p o r t a v e c l ’ e x i s t e n c e d ’ u n r e fl u x l’apparition des symptômes. Les principales étiologies des vomissements sont
gastro-œsophagien ;
résumées dans la figure 1.
– du mérycisme : l’enfant fait remonter de petites Antécédents
La pratique systématique d’examens complémen-
quantités de liquide jusque dans la bouche, qui sont – Grossesse normale ou pathologique.
taires obligatoires n’est pas justifiée. Les données
ensuite mâchonnées puis dégluties. Il s’agit d’un – Période néonatale.
cliniques permettent habituellement de préciser
symptôme rare, conséquence d’un trouble grave du – Développement pondérostatural et
l’étiologie des vomissements, et chaque examen
comportement, nécessitant une prise en charge par psychomoteur.
complémentaire sera demandé en fonction de
psychothérapie spécialisée. – Examens cliniques antérieurs.
l’orientation diagnostique. Il faut distinguer les
On recherchera la prise de médicaments vomissements aigus des vomissements
(vitaminothérapie D ou A, antibiotiques,


chroniques [1, 5].
théophylline...).
Enquête clinique
‚ Vomissements aigus
Association à d’autres symptômes
Outre un examen clinique complet avec mesure ■ Diarrhée, rectorragies. Causes chirurgicales
du poids, de la taille et du périmètre crânien, ■ Contexte infectieux. L’examen abdominal peut être franchement
l’interrogatoire et le carnet de santé vont permettre ■ Les vomissements, quelle que soit l’étiologie, anormal et orienter vers une urgence chirurgicale.
de guider l’enquête étiologique et de déterminer la peuvent être associés à des signes respiratoires ou Dans ce contexte, la radiographie de l’abdomen
gravité des vomissements. cardiovasculaires, en particulier chez le nourrisson sans préparation (ASP) est l’examen primordial : le
avant 3 mois, et entraîner : syndrome occlusif, suspecté sur les vomissements
‚ Interrogatoire et carnet de santé – une toux quinteuse persistante, essentiellement bilieux, le météorisme abdominal et l’altération de
nocturne ; l’état général, sera confirmé par l’existence de
Ils précisent divers éléments.
– des bronchopneumopathies à répétition niveaux liquides et de distension des anses.
d’allure infectieuse mais anormalement fréquentes ;
Caractéristiques
– des images radiologiques anormales : ¶ Occlusions hautes
– Âge de début : existence ou non d’un intervalle atélectasies, surtout à droite ; – En période néonatale, elles sont essentiel-
libre par rapport à la naissance. – des épisodes d’apnée et/ou de bradycardie et lement dues à des sténoses, à des atrésies
– Horaires par rapport aux prises alimentaires. de cyanose chez le nouveau-né ; congénitales ou à des anomalies de rotation.
– Fréquence : nombre par 24 heures. – des malaises graves. – Chez le nourrisson, elles sont plus rares :
– Aspect : alimentaire, bilieux ou hémorragique.
© Elsevier, Paris

hernies étranglées, bride chez un enfant déjà opéré,


– Type : émis avec ou sans effort. ‚ Retentissement clinique accidents occlusifs sur anomalies de rotation ou
– Caractère douloureux ou non. Les vomissements, par leur abondance et leur mésentère commun.
– Abondance : souvent majorée, difficile à caractère aigu, peuvent entraîner un état de – Chez l’enfant plus grand, les causes sont
apprécier. Les vomissements abondants déshydratation le plus souvent extracellulaire et superposables à celles du nourrisson.

1
8-0270 - Vomissements du nourrisson et de l’enfant

■ En l’absence de tout signe d’orientation, il faut


penser à la possibilité d’une intoxication accidentelle
Vomissements du nourrisson et de l'enfant médicamenteuse ou par des produits ménagers ou
industriels.

‚ Vomissements chroniques
Aigus Chroniques
En présence de vomissements habituels, des
facteurs diététiques (suralimentation, jeûne
prolongé) ou une infection chronique (ORL ou
Sténose urinaire) sont rarement en cause. Il convient
Urgences Syndrome Erreurs Reflux gastro- du cependant de toujours les éliminer en premier lieu.
chirurgicales infectieux diététiques œsophagien pylore
La recherche d’une étiologie se conduit ensuite
différemment en fonction de l’âge.

Chez le nouveau-né
- Occlusion Infection ORL, Hypertension Métaboliques
intracrânienne – L’existence de vomissements bilieux
intestinale digestive,
- Invagination urinaire, chroniques peut révéler un obstacle organique
Acétonémiques
intestinale aiguë méningée, malgré l’absence de symptomatologie occlusive
- Appendicite aiguë pulmonaire... Allergie et évidente. Dans ce cas, une opacification
intolérance Psychogènes
alimentaires
radiologique prudente peut être utile pour
rechercher une atrésie, une sténose du grêle, une
anomalie de rotation ou un iléus méconial. Les
troubles de la motricité intestinale rencontrés au
Toxiques cours des entérocolites aiguës néonatales, des
médicamenteux pseudo-obstructions intestinales chroniques (très
rares) et de la maladie de Hirschsprung,
s’accompagnent de vomissements alimentaires et
1 Principales étiologies des vomissements du nourrisson et de l’enfant (les plus fréquentes étant indiquées en parfois bilieux.
gras).
– Des vomissements hémorragiques conduisent
à indiquer une endoscopie œsogastroduodénale en
¶ Tableau d’occlusion basse – infections de la sphère oto-rhino-laryngolo- urgence, qui retrouve habituellement un tableau
Plus ou moins complet, faisant suite à un retard gique (ORL) : rhinopharyngites, sinusites, otites, sans d’œsophagite ulcérohémorragique, des gastrites
d’élimination du méconium ou à une constipation oublier le muguet buccal ; ulcérées ou pétéchiales, plus rarement un ulcère aigu
précoce, il évoque la maladie de Hirschsprung, à – infections respiratoires (habituellement gastrique ou duodénal.
c o n fi r m e r p a r u n l a v e m e n t b a r y t é a v e c d’origine virale) : pneumopathies ou
– Un tableau de vomissements chroniques ou
défécographie et par une biopsie rectale. bronchopneumopathies ;
intermittents, associé à des troubles respiratoires
– infections digestives : diarrhées aiguës
¶ Syndrome péritonéal (toux à répétition, bronchopneumopathies ou
Il doit faire évoquer de principe une appendicite saisonnières, qu’elles soient virales ou bactériennes.
accidents de déglutition), doit faire évoquer les
aiguë. Chez le nourrisson, le tableau est souvent Les hépatites aiguës du nourrisson et de l’enfant
manifestations du reflux gastro-œsophagien en
atypique : diarrhée aiguë ou forme pseudoneurolo- s’accompagnent habituellement de vomissements et
période néonatale [ 2 ] . À cet âge, le reflux
gique associant fièvre et troubles du comportement, de douleurs abdominales ;
gastro-œsophagien peut également entraîner des
avec alternance de somnolence et de crises – infections urinaires : c’est une cause fréquente
signes neurologiques ou des accidents aigus,
d’agitation. et mal connue de troubles digestifs chez le
apparemment isolés ou associés à des vomisse-
nourrisson ; il faut avoir le culot urinaire facile à la
ments : malaises, troubles du comportement, apnées
¶ Douleurs abdominales paroxystiques recherche d’urétrites, de cystites ou de
Devant des douleurs abdominales paroxystiques, et équivalent de mort subite. L’examen
pyélonéphrites ;
des rectorragies et une palpation abdominale complémentaire de choix, devant ces symptômes,
– méningites : nettement moins courantes que
montrant soit une fosse iliaque droite déshabitée, est la pH-métrie œsophagienne continue sur
les infections précédentes, elles peuvent se révéler
soit une masse évoquant un boudin, l’ASP permettra 24 heures. L’endoscopie révèle fréquemment, dans
par des vomissements en climat fébrile. Les signes
d’évoquer l’invagination intestinale aiguë. Elle sera ces situations, l’existence d’une œsophagite. Le
méningés sont souvent absents chez le petit
confirmée par l’échographie abdominale puis le transit œsogastroduodénal apporte essentiellement
nourrisson. Il faut donc pratiquer une ponction
lavement opaque ou à l’air à faible pression qui peut des éléments morphologiques et anatomiques
lombaire au moindre doute.
être thérapeutique et entraîner la désinvagination s’il (malposition cardiotubérositaire, hernie hiatale).
■ Des signes neurologiques ou des troubles du
ne s’agit pas d’une forme majeure ou tardive. comportement doivent faire évoquer une – Une souffrance cérébrale pendant les premiers
hypertension intracrânienne, surtout si les jours de vie s’accompagne très souvent de
Causes médicales vomissements sont matinaux, en jet. Le fond d’œil vomissements.
■ Un facteur diététique doit être recherché est un bon moyen de dépistage. Une tomodensito- – Des troubles métaboliques peuvent se révéler
systématiquement : erreur quantitative, qualitative métrie cérébrale sera réalisée à la recherche d’un en période néonatale par un syndrome émétisant.
ou non-respect des rythmes biologiques chez le hématome sous-dural ou d’une tumeur. Ce sont des causes rares parmi lesquelles on peut
nourrisson. ■ Des vomissements associés à un tableau citer la galactosémie, l’intolérance héréditaire au
■ Devant des petits signes infectieux, il faut douloureux abdominal peuvent révéler un ulcère fructose (hépatomégalie avec hypoglycémie), et
évoquer les infections communes qui constituent de duodénal ou une gastrite, une pancréatite ou un beaucoup plus rarement les maladies du
loin les causes les plus fréquentes de vomissements, purpura rhumatoïde (même en l’absence d’éruption métabolisme des acides aminés et
surtout chez le nourrisson : cutanée). l’hyperammoniémie.

2
Vomissements du nourrisson et de l’enfant - 8-0270

gastro-œsophagien. Les causes fonctionnelles


Tableau I. – Caractères distinctifs du reflux gastro-œsophagien et de la sténose du pylore. dominent. On retiendra :
Reflux gastro-œsophagien Sténose hypertrophique du pylore – les vomissements acétonémiques (vomisse-
ments périodiques avec cétose) : survenant souvent
Âge 1 à 10 mois, sexe indifférent 3 à 6 semaines, prédominance mascu-
line sans cause évidente ou après un jeûne ou une
infection banale, ils entraînent une intolérance
Diagnostic clinique facile, aux changements de position en jets postprandiaux tardifs, vont en
gastrique avec vomissements incoercibles. L’haleine
± postprandiaux, évolution chronique, s’aggravant, signes respiratoires : −
signes respiratoires : ± est caractéristique, acétonémique ; la cétonémie et la
cétonurie sont le reflet du déficit énergétique. Ces
Confirmation non obligatoire si non compliqué (voir ASP, échographie abdominale (TOGD :
RMO), pH-métrie des 24 heures pour peu d’intérêt) vomissements se répètent souvent pendant
formes compliquées ou incertaines plusieurs années chez un même enfant ;

Traitement Médical Chirurgical – le mal des transports : extrêmement fréquent, il


survient préférentiellement chez des enfants plutôt
RMO : références médicales opposables ; ASP : radiographie de l’abdomen sans préparation ; TOGD : transit œsogastroduodénal. émotifs entre 3 et 12 ans ;
– enfin, le syndrome émétisant peut être un
Chez le nourrisson complétée si nécessaire par un transit œsogastro- facteur révélant un conflit parents-enfant et le
duodénal et une endoscopie (tableau I) [ 2 ] . témoin de manifestations psychologiques ou de
– La survenue de vomissements vers la fin du
L’échographie, la scintigraphie et la manométrie phénomènes de conversion somatique. Ce
premier mois de vie, après un intervalle libre
œsophagiennes, beaucoup plus spécialisées, restent diagnostic ne doit être retenu qu’après avoir éliminé
asymptomatique, se majorant de jour en jour, avec
encore des examens d’indication limitée. Les formellement une cause organique.
un appétit conservé, doit faire évoquer une sténose
vomissements hémorragiques révèlent habituel-
hypertrophique du pylore [6]. L’examen clinique
lement une œsophagite peptique.
(palpation de l’olive pylorique et visualisation
– Plus rarement, les vomissements peuvent
d’ondulations péristaltiques) et l’échographie


s’intégrer dans le tableau d’une intolérance
(augmentation de volume du muscle pylorique) Traitement
alimentaire (allergie aux protéines du lait de vache et
confirment le diagnostic. Le transit baryté
maladie coeliaque sont les plus courantes).
gastroduodénal n’est pas indispensable au
Apparemment isolés, ils peuvent révéler
diagnostic. S’il est pratiqué, il objective un défilé Il est essentiellement étiologique et commence
exceptionnellement un syndrome de perte de sel :
pylorique rétréci et l’empreinte de l’olive pylorique par la prise en charge médicale ou chirurgicale de
hyperplasie congénitale des surrénales (syndrome
sur la région antrale (tableau I). l’affection causale. On peut cependant avoir recours
de Debré-Fibiger).
– Les vomissements alimentaires répétés depuis à un traitement symptomatique : les principaux
la naissance aux changements de position, modificateurs du comportement digestif utilisés chez
Chez l’enfant plus grand
accompagnés de régurgitations, associés ou non à l’enfant sont indiqués dans le tableau II [3]. Au cours
des bronchopneumopathies à répétition, évoquent Les causes organiques sont moins fréquentes. Il du reflux gastro-œsophagien, ils sont associés à des
l’existence d’un reflux gastro-œsophagien objectivé convient cependant d’éliminer un ulcère, une mesures posturales et à l’épaississement des
surtout par la pH-métrie, l’exploration étant tumeur cérébrale (fosse postérieure) ou un reflux biberons [2].

Tableau II. – Principaux antiémétiques à usage pédiatrique.

Effets secondaires principaux et contre-


Principes actifs Spécialités-Présentations Posologie
indications (CI)
Dompéridone Motiliumt 1 mg/kg/j
Suspension 1 mg/mL (mesure de 2,5 mL)
Cp de 10 mg
Péridyst
Suspension 1 mg/mL (mesure de 1,25
et 5 mL)
Cp de 10 mg
Cisapride Prepulsidt 0,8 mg/kg/j Diarrhée
Suspension 1mg/mL (mesurette graduée en Ne pas dépasser les doses recommandées Allongement du QT
kg ou mesure de 5 mL) chez le nouveau-né et le nourrisson CI : allongement du QT, association
Cp de 10 mg aux antifongiques
Métoclopramide Primpérant 0,5 mg/kg/j Somnolence
Solution (60 mL) : 1 goutte = 0,1 mg Syndrome extrapyramidal
Solution (200 mL) : 1 c à c = 5 mg
Cp sécable de 10 mg
Suppositoire enfant de 10 mg
Métopimazine Vogalènet 1 mg/kg/j Somnolence
Solution 0,1 % : 1 c à c = 5 mg Syndrome extrapyramidal
Solution 0,4 % : 1 goutte = 0,1 mg
Suppositoire de 5 mg
Lyophilisat oral de 7,5 mg
Trimébutine Débridatt 5 mg/kg/j Somnolence
Suspension : 1 c à c = 24 mg
Cp de 100 mg
Suppositoire de 100 mg

3
8-0270 - Vomissements du nourrisson et de l’enfant


nombre d’étiologies à évoquer soit très élevé, on chirurgicales, plus rares, et en particulier l’invagination
Conclusion retiendra, après un bon interrogatoire et un examen intestinale aiguë, doivent cependant être éliminées par
clinique soigneux, que les causes les plus fréquentes une hospitalisation de surveillance et/ou des examens
En pratique, il faut se souvenir que presque toutes les sont, dans l’ordre : les erreurs diététiques, les infections complémentaires au moindre doute. Chez l’enfant plus
affections organiques aiguës ou chroniques entraînent communes du nourrisson, le reflux gastro-œsophagien grand, les infections digestives et les causes
des vomissements chez le nourrisson. Bien que le et la sténose hypertrophique du pylore. Les urgences psychogènes dominent.

Anne Breton : Chef de clinique-assistant.


Jean-Pierre Olives : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de médecine infantile D, centre hospitalier universitaire Purpan, place du Docteur-Baylac, 31059 Toulouse cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : A Breton et JP Olives. Vomissements du nourrisson et de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0270, 1998, 4 p

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et thérapeutique pédiatrique. Paris : Flammarion, 1993 : 355-360

[4] Narcy C, Odièvre M. Vomissements du nourrisson. Orientation diagnostique


et conduite à tenir. Rev Prat 1989 ; 39 : 420-422

4
¶ 8-0291

BCG
D. Levy-Bruhl, F. Denis, B. Gicquel

Bien que le BCG constitue le vaccin pour lequel la couverture vaccinale est la plus élevée dans le monde, il
persiste encore des inconnues concernant son efficacité. Ceci explique pour une large part les divergences
quant à sa place comme outil de lutte contre la tuberculose au sein des programmes nationaux de
contrôle de la maladie, comme en atteste la diversité des stratégies de vaccination BCG mises en œuvre en
Europe, allant de l’absence totale de vaccination à plusieurs vaccinations par enfant. Les recherches
concernant de nouveaux vaccins contre la tuberculose apparaissent prometteuses, dans un contexte
d’efforts de financement renouvelés. En France, un examen approfondi de la politique de vaccination par
le BCG a été entrepris depuis 2001, à l’aune d’une part des connaissances disponibles sur l’impact
épidémiologique du BCG, d’autre part des données actuelles concernant la tuberculose en France. Cet
examen a conduit à l’abrogation, en juillet 2004, des revaccinations et à la suppression des tests
tuberculiniques de routine chez l’enfant. Les analyses et la réflexion concernant la remise en cause de la
vaccination généralisée des enfants se poursuivent. Cette réflexion est rendue plus complexe par la
disparition, prévue fin 2005, de la multipuncture, technique utilisée en France pour plus de 90 % des
primovaccinations par le BCG.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : BCG ; Tuberculose ; Vaccination ; Mycobactérie ; Test tuberculinique ; Multipuncture ;


Vaccination intradermique

Plan ■ Le vaccin
¶ Le vaccin 1
Historique du BCG et de la vaccination 1 Historique du BCG et de la vaccination
Le vaccin 2 Le BCG est un vaccin bactérien vivant qui dérive d’une
Administration du vaccin 2 souche de Mycobacterium bovis isolée par Nocard à partir d’une
Contrôle de la réponse vaccinale 2 lésion de mammite tuberculeuse présente chez une vache, puis
Contre-indications et effets indésirables du BCG 2 cultivée à partir de 1908 par Calmette et Guérin (d’où le nom
¶ Efficacité du BCG contre la tuberculose 3 de Bacille de Calmette et Guérin ou BCG). Ces bactériologistes
Résultats des études 3 effectuent de nombreux repiquages jusqu’à perte de virulence
Impact épidémiologique de la primovaccination BCG 3 de la souche. Ils constatent que les jeunes bovins vaccinés,
vivant au contact d’animaux tuberculeux, sont nettement plus
¶ Politique vaccinale du BCG en France 4
résistants à la tuberculose que les non-protégés. La première
Calendrier vaccinal BCG jusqu’en 2004 4 vaccination humaine a lieu en 1921 à la crèche de la maternité
Justifications de la suppression de la revaccination et des tests de l’hôpital de la Charité à Paris. À partir de 1924, praticiens et
tuberculiniques 4 surtout dispensaires commencent à vacciner, avec l’aide de
Perspectives d’évolution de la politique de primovaccination BCG 5 l’Institut Pasteur. Calmette distribue alors sa souche de virulence
¶ Autres intérêts du BCG 6 atténuée à de très nombreux bactériologistes qui repiquent celle-
Protection contre d’autres mycobactérioses 6 ci, donnant naissance à des centaines de souches « filles ». En
Autres utilisations du BCG 6 1927, Calmette menant une enquête dans 500 dispensaires chez
des enfants de 0 à 1 an rapporte une mortalité par tuberculose
¶ Vers de nouveaux vaccins 6
de 0,8 % chez les vaccinés contre 24 % chez les sujets non
vaccinés.
L’efficacité de ce vaccin est cependant largement discutée,
une partie de la communauté scientifique réfutant les preuves
expérimentales et épidémiologiques relatives à l’innocuité et
l’efficacité du vaccin. Les pays se répartissent rapidement entre

Traité de Médecine Akos 1


8-0291 ¶ BCG

Administration du vaccin
L’injection par voie intradermique se fait avec une aiguille
courte biseautée de 25/0,5 mm à 26 gauge/0,45 mm. Le vaccin
se présente sous forme lyophilisée, à conserver entre 2 et 8 °C.
Il doit être reconstitué avec le solvant fourni lors de l’utilisation.
Sa contenance est de 10 ml. La dose vaccinale est de 0,1 ml, à
partir de l’âge de 1 an, et 0,05 ml en deçà. La présentation du
flacon correspond donc à 20 doses pour l’enfant de moins de
1 an, 10 doses au delà.
Une fois reconstitué sous forme liquide, sa durée de conser-
vation est limitée à 4 heures. Il est sensible à la lumière et doit
être maintenu à l’obscurité.
Le site recommandé est la partie postéroextérieure du bras, à
l’union du tiers moyen et tiers supérieur (à gauche de préfé-
rence). L’administration par voie intradermique doit conduire à
la formation, au point d’injection, d’un phénomène de « peau
d’orange ». Une papule indurée apparaît dans les 2 à 4 semaines
Figure 1. Arbre généalogique des différentes souches de BCG (source : qui suivent l’injection, suivie d’une pustule qui évolue en 6 à
Roland Brosch, Institut Pasteur). 8 semaines et qui guérit durant le 3e mois, laissant une cicatrice
au point d’injection.

ceux qui y sont hostiles (Grande-Bretagne, Australie, États-


Unis), les pays convertis (France et ses colonies, Roumanie,
Russie, Grèce, Belgique, Pologne, etc.) et les pays sceptiques
Contrôle de la réponse vaccinale
(Allemagne, Suisse, Autriche, etc.). En France, le nombre des Ce contrôle appréciait l’hypersensibilité retardée induite par
vaccinations ne progresse que lentement. Au milieu des années le vaccin. Il s’effectuait à l’aide d’un test cutané à la tuberculine
1930, environ un tiers des enfants sont vaccinés. [1] En 1949, le administré par voie intradermique (intradermoréaction ou IDR)
« Premier congrès international du BCG » qui se tient à Paris, ou percutanée, effectué entre 3 et 12 mois après la vaccination.
sous l’égide de l’Institut Pasteur, conclut que le vaccin est le La fréquence des contrôles avait été réduite en 1996, puisqu’en
moyen le plus efficace de prévention de la tuberculose. Le cas de résultat positif, il n’y avait plus lieu d’effectuer de
processus administratif est engagé et l’obligation vaccinale est .
nouveaux tests avant l’âge de 11-13 ans. Depuis juillet 2004, il
votée en 1950. Cette obligation légale n’entraîne pas une n’est plus recommandé de test tuberculinique à titre systémati-
généralisation rapide de la vaccination. Durant les années 1960, que, en particulier après la vaccination BCG. [4, 5]
les études menées dans plusieurs régions françaises montrent
des couvertures vaccinales à 6 ans variant entre 10 et 33 %. [2]
En 1997, elle atteint 95 % au niveau national à cet âge. [3]
Contre-indications et effets indésirables
.

du BCG
Le vaccin
Contre-indications
Toutes les souches productrices du vaccin ont pour origine la
Les contre-indications de la vaccination BCG ont été précisées
souche préparée entre 1908 et 1921 par Calmette et Guérin. Il
dans l’arrêté du 13 juillet 2004. [4]
s’agit d’une souche vivante de Mycobacterium bovis atténuée par
231 passages sur milieux de culture. Cette souche a été distri- Elles sont exceptionnelles et sont les suivantes :
buée dans différents laboratoires dans le monde. Les conditions • contres-indications définitives : déficits immunitaires congé-
d’entretien et de maintien en culture variant entre les labora- nitaux ou acquis, notamment dus au virus de l’immunodéfi-
toires producteurs, plusieurs souches se sont différenciées jusque cience humaine (VIH) ;
dans les années 1960-1965. À partir de ce moment, les techni- • contre-indications temporaires : dermatoses en évolution.
ques de lyophilisation permettant de conserver les bactéries Un enfant né de mère infectée par le VIH présente une
vivantes durant de très longues périodes se sont développées et contre-indication au vaccin BCG aussi longtemps que la preuve
un protocole a défini la production des ampoules de bactéries de sa non-infection par le VIH n’a pas été faite. Par ailleurs, la
lyophilisées constituant le lot de semence secondaire à partir vaccination par le BCG n’a pas lieu d’être réalisée chez les sujets
d’une ampoule d’un stock de semence primaire. Selon l’Organi- dont l’IDR à la tuberculine est positive, ni chez ceux qui ont
sation mondiale de la santé (OMS), les vaccins étaient produits déjà reçu un premier BCG, même en cas d’IDR négative.
en 2001 par 18 fabricants et sept souches sont actuellement
utilisées dans cette production. Selon les souches utilisées, la
Effets secondaires
concentration oscille entre 50 000 et 3 000 000 bacilles par dose
pour la vaccination intradermique. La fréquence des incidents et accidents postvaccinaux est
Les souches les plus utilisées sont les souches Copenhague relativement faible.
(provenant en 1931 du 423e passage), Tokyo (culture envoyée Le plus souvent, on n’observe pas d’élévation thermique ni
de France en 1925) et Glaxo (dérivé du 1 077e passage de la de modification de l’état général à la suite de la vaccination. Le
souche Copenhague) ou Pasteur (clonée en 1961). Elles diffèrent seul stigmate est la cicatrice gaufrée dépigmentée au point
entre elles par leur thermostabilité, leur immunogénicité, mais d’injection. Une adénite inflammatoire dans le territoire
aussi en fonction des processus industriels mis en œuvre par ganglionnaire correspondant au site de vaccination apparaît
chaque producteur. parfois, avec une fréquence variant avec l’âge du vacciné et
À partir de la fin 2005, le seul vaccin BCG disponible en l’expérience du vaccinateur ; elle est parfois liée à une dilution
France sera celui préparé par le Statens Serum Institute (Copen- insuffisante de la souche vaccinale. On estime en général que la
hague) à partir de la souche danoise 1331, développée à partir fréquence de cette adénite se situe entre 1 pour 1 000 et 5 %. [6]
de la souche originelle de l’Institut Pasteur (Fig. 1). Ce vaccin On considère qu’une fréquence d’adénopathies postvaccinales
n’existe qu’en préparation pour administration par voie intra- au-dessus de 0,5 % à 1 % doit faire soupçonner une technique
dermique. La vaccination BCG par multipuncture ne sera donc inappropriée. Cette adénite disparaît en quelques semaines.
plus possible. Certains enfants (0,1 %), le plus souvent âgés de moins de

2 Traité de Médecine Akos


BCG ¶ 8-0291

2 ans, présentent une adénite suppurée qui peut se prolonger, En tout état de cause, la protection conférée par le BCG
voire se fistuliser. Ces adénites peuvent nécessiter une incision entraîne essentiellement une protection individuelle du sujet
et un traitement antibiotique. vacciné. En effet, le BCG protège contre les formes extrapulmo-
D’autres complications peuvent exceptionnellement survenir, naires de l’enfant, qui ne sont pas des maladies contagieuses, et
telles que : probablement dans une certaine mesure contre les formes
pulmonaires de l’enfant, exceptionnellement bacillifères. Ce
• lupus au site d’injection (environ 1/200 000 enfants) ;
vaccin n’a donc pratiquement pas d’impact sur la circulation du
• ostéite à BCG (environ 1/1 000 000 enfants) ; elles se déve- bacille tuberculeux, liée à la fréquence de la tuberculose
loppent entre 4 mois et 12 ans après la vaccination. Les pulmonaire bacillifère de l’adulte, forme sur laquelle le BCG
épiphyses des os longs sont les plus touchées. Elles semblent n’est très vraisemblablement pas efficace. Il s’agit donc d’un
être liées à une souche particulière, la souche Gothenburg, vaccin que l’on peut qualifier d’« égoïste », sans effet de
utilisée dans le passé dans les pays scandinaves. [7] protection collective, ce qui explique le peu de différence dans
La BCGite disséminée révèle un trouble grave de l’immunité. les tendances épidémiologiques globales de la tuberculose entre
Cette complication est très sévère, parfois mortelle. Elle se des pays, a priori relativement comparables, vaccinant ou ne
retrouve, pour environ un tiers des cas, chez les enfants vaccinant pas avec le BCG.
présentant un déficit immunitaire combiné sévère (DICS), pour Cependant, le suivi de l’épidémiologie de la tuberculose dans
un autre tiers chez des enfants présentant un déficit de l’axe les pays qui ont décidé d’interrompre la vaccination BCG
interleukine 12-interféron c, et pour le tiers restant chez des confirme l’impact de cette décision sur l’incidence de la
enfants atteints d’autres maladies génétiques actuellement non tuberculose de l’enfant.
identifiées. L’incidence des DICS est estimée à environ un cas
pour 100 000 naissances et le nombre total de BCGites est
estimé à une douzaine de cas par an en France. [8, 9] Impact épidémiologique
Au-delà de ces infections sévères, l’analyse des données de la primovaccination BCG
françaises de pharmacovigilance recueillies durant ces cinq
Plusieurs publications relatent l’impact d’une modification de
dernières années confirme le profil de sécurité d’emploi des
la politique de vaccination BCG sur l’épidémiologie de la
deux vaccins utilisés en France (intradermique et multipunc-
tuberculose.
ture), à savoir une prédominance d’effets locaux postvaccinaux
dont la majorité concerne des abcès au site d’injection (plus de Expérience suédoise d’arrêt de la vaccination
60 % de l’ensemble des effets locaux rapportés après adminis-
tration de ces deux vaccins). L’analyse de ces effets secondaires En 1975, la Suède a décidé d’interrompre la vaccination
montre que, dans la majorité des cas, ces effets sont liés à un systématique des nouveau-nés.
.
mauvais usage (BCG administré à la place d’un test tuberculini- L’incidence globale de la tuberculose a continué à décroître
que) ou à un surdosage (source Agence française de sécurité au même rythme après la vaccination qu’avant. Cependant,
sanitaire des produits de santé). chez les enfants, une augmentation du nombre de cas a été
observée après 1975. L’incidence de la tuberculose chez les
enfants de moins de 5 ans est passée de un cas pour 100 000
■ Efficacité du BCG contre enfants pour les cohortes nées avant 1975 à 8,1 pour 100 000
pour celles nées entre 1975 et 1980. Cette augmentation a
la tuberculose surtout porté sur les enfants nés de parents étrangers chez qui
l’incidence a été multipliée d’un facteur 15. [14] Les autorités de
santé ont donc renforcé, au début des années 1980, la recom-
Résultats des études mandation de vaccination des enfants à risque élevé de tuber-
culose (essentiellement les enfants issus de familles venant de
Les évaluations concernant le BCG ont commencé durant la pays à forte prévalence, qu’ils soient nés en Suède ou à l’étran-
décennie 1930 et les résultats obtenus jusque durant les années ger). Cette mesure a permis de réduire l’incidence de la maladie
1970 étaient très hétérogènes, allant d’une efficacité nulle, voire dans la cohorte des enfants nés entre 1981 et 1985 à quatre cas
négative, à une efficacité de 80 %. À la suite de la grande pour 100 000 enfants. En particulier, la diminution de l’inci-
enquête menée à Chingleput en Inde, dans les années 1970, qui dence de la tuberculose chez les enfants ciblés par le BCG,
devait servir d’étude de référence et qui avait conclu à l’ineffi- concomitante d’une augmentation de la couverture vaccinale
cacité du BCG, de nombreuses études ont été réalisées, portant dans cette population, de 35 à 79 %, a permis d’estimer
en particulier sur la protection conférée par une vaccination l’efficacité du BCG entre 62 et 85 %. [15] Cependant, à la fin des
BCG précoce contre la tuberculose de l’enfant. Deux méta- années 1980, malgré cette vaccination sélective, l’incidence de
analyses publiées au début des années 1990 ont permis de la tuberculose restait supérieure chez les enfants de parents
confirmer l’efficacité du BCG dans la prévention des méningites étrangers à celle observée chez les enfants de parents suédois.
et des miliaires tuberculeuses de l’enfant, avec un pouvoir
protecteur estimé entre 64 % et 86 % selon le type d’analyse. Expérience tchèque d’arrêt de la vaccination
En revanche, les estimations de l’efficacité du BCG contre les
formes pulmonaires étaient plus hétérogènes. [10, 11] Une La vaccination BCG systématique des nouveau-nés a été
troisième méta-analyse, n’ayant inclus que les études ayant interrompue dans une région de la République tchèque en
porté sur la vaccination des nouveau-nés et des nourrissons, a 1986 et remplacée par une vaccination sélective des enfants à
montré une protection contre l’ensemble des formes de tuber- risque (enfants vivant au contact de malades tuberculeux ou
culose de l’ordre de 50 %. [12] enfants pour lesquels un suivi tuberculinique régulier paraissait
Une des méta-analyses publiées a exploré les facteurs pouvant difficile). Comme en Suède, une augmentation de l’incidence de
expliquer la variabilité des estimations d’efficacité du BCG selon la tuberculose chez l’enfant a été observée et l’efficacité du BCG,
les études. Dans les essais prospectifs, deux facteurs expliquent calculée par comparaison avec l’incidence de la tuberculose chez
à eux seuls la variabilité observée : la qualité des études et la l’enfant dans le reste du pays, a été estimée entre 65 et 80 %.
distance vis-à-vis de l’équateur du lieu de l’étude. [11] Ce dernier Cependant, le faible excès de cas observé, lié à l’interruption de
facteur reflète vraisemblablement en grande partie la différence la vaccination systématique, a été jugé par les auteurs comme
de prévalence des mycobactéries de l’environnement. En effet, étant compensé par le bénéfice apporté par la possibilité
un contact avec ces bactéries offre un certain degré de protec- d’utiliser le test tuberculinique comme outil de diagnostic de
tion qui, s’il a lieu préalablement à la vaccination, diminue l’infection tuberculeuse. [16]
d’autant la protection conférée par l’administration ultérieure
du BCG. Une étude récente comparant les réponses immunitai-
Expérience allemande d’arrêt de la vaccination
res à la vaccination entre des adolescents vivant au Malawi et En juin 1975, la vaccination BCG des nouveau-nés a été
au Royaume-Uni conforte cette hypothèse. [13] totalement interrompue en République fédérale d’Allemagne

Traité de Médecine Akos 3


8-0291 ¶ BCG

(RFA) alors qu’elle était maintenue en République Démocratique


d’Allemagne (RDA). À partir d’août 1977, elle a légèrement
repris mais la couverture est restée inférieure à 10 %. Pendant
la période du 1er juin 1977 au 31 décembre 1978, à l’issue d’une
“ Points forts
surveillance active dans les deux pays, 57 cas de méningites
tuberculeuses ont été diagnostiqués en RFA pour une cohorte de Adultes soumis à la vaccination obligatoire par le
naissances de 2,1 millions de nouveau-nés alors qu’en RDA, où vaccin antituberculeux BCG.
la couverture des nouveau-nés était proche de 100 %, aucune • Étudiants en médecine, en chirurgie dentaire et en
méningite tuberculeuse n’a été notifiée pour une cohorte de pharmacie, ainsi que les élèves sages-femmes.
naissances de 0,8 million de nouveau-nés. Les auteurs insistent • Personnes inscrites dans les écoles ou établissements
sur la similitude de la situation épidémiologique de la tubercu- préparant aux professions à caractère sanitaire ou sociale :
lose en 1975 entre les deux pays et de l’accès et de la qualité C professions à caractère sanitaire : aides-soignantes,
des soins. Ils concluent à l’intérêt de la vaccination BCG dans ambulanciers, audioprothésistes, auxiliaires de
la prévention des méningites tuberculeuses de l’enfant, même
puériculture, ergothérapeutes, infirmiers,
dans les pays de faible endémicité de tuberculose. [17]
techniciens d’analyses biologiques, manipulateurs
d’électroradiologie médicale, masseurs-
Expérience irlandaise de diversité des politiques
kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes,
vaccinales BCG
pédicures-podologues, psychomotriciens ;
Une comparaison des motifs d’hospitalisation entre les C professions à caractère social : aides
comtés où la vaccination BCG était pratiquée à la naissance et médicopsychologiques, animateurs socioéducatifs,
ceux où elle ne l’était pas a été effectuée en Irlande pour la assistants de service social, conseillers en économie
période 1981-1989. Elle a montré un risque relatif (RR) de
sociale et familiale, éducateurs de jeunes enfants,
tuberculose de 3,8 (intervalle de confiance [IC]95 % : [1,7-8,9])
éducateurs spécialisés, éducateurs techniques
chez les enfants de moins de 15 ans pour les comtés ne
vaccinant pas à la naissance. La responsabilité de la vaccination spécialisés, moniteurs-éducateurs, travailleuses
dans la différence observée était attestée par l’absence de familiales.
différence entre les deux types de comtés pour les taux d’inci- • Personnes qui exercent une activité professionnelle
dence de la tuberculose au-delà de 15 ans, résultat en faveur de dans les établissements accueillant des enfants de moins
la comparabilité des comtés vaccinant et ne vaccinant pas, de 6 ans ainsi que les assistantes maternelles.
quant à leurs caractéristiques sociodémographiques. [18] • Personnes qui exercent une activité professionnelle
Une seconde étude irlandaise a confirmé ces résultats : elle a dans les laboratoires d’analyses de biologie médicale.
montré un RR de présenter une tuberculose, pour les enfants de • Personnels des établissements pénitentiaires, des
moins de 15 ans vivant dans les comtés ne vaccinant pas à la services de probation et des établissements ou services de
naissance par rapport à ceux vivant dans les comtés vaccinant,
la protection judiciaire de la jeunesse.
de 1,92 (IC95 % : [1,47-2,4]) en 1986 et de 2,12 (IC95 % : [1,75-
2,58]) en 1991. À partir de cette étude, les auteurs ont estimé à • Personnel travaillant dans des structures accueillant des
650 et 550 respectivement en 1986 et 1991 le nombre de personnes susceptibles d’être atteintes de tuberculose
vaccinations BCG nécessaires pour éviter un cas de (établissements de santé, de soins, structures accueillant
tuberculose. [19] des personnes en situation de précarité, foyers
d’hébergement pour travailleurs migrants).
Les textes réglementaires publiés en juillet 2004 précisent
■ Politique vaccinale du BCG en qu’une preuve écrite d’une vaccination antérieure est
requise pour pouvoir être considérée comme ayant
France souscrit à l’obligation vaccinale par le BCG. Toutefois,
pour les personnes nées après la suspension de
l’obligation de vaccination antivariolique, intervenue en
Calendrier vaccinal BCG jusqu’en 2004 1979, la cicatrice vaccinale est considérée comme une
En France, l’obligation vaccinale repose sur la loi du 5 janvier preuve de vaccination. [4]
1950. Les modalités vaccinales ont été modifiées de manière
substantielle une première fois par un décret et un arrêté en
date du 5 septembre 1996 puis par un arrêté et décret publiés
en juillet 2004. [4, 5]
Les textes de 1996 avaient essentiellement réduit la fréquence Justifications de la suppression
des tests tuberculiniques de contrôle de l’allergie. Ceux de
2004 ont définitivement supprimé toute revaccination par le
de la revaccination et des tests
BCG ainsi que l’ensemble des tests tuberculiniques de contrôle tuberculiniques
effectués en routine.
L’intérêt des revaccinations est très discuté et l’OMS a publié
Ces textes n’ont pas modifié la politique concernant la
en 1995 une synthèse de la littérature sur la question. Les
primovaccination par le BCG. Celle-ci reste obligatoire pour
conclusions en étaient que « chez les sujets vaccinés par le BCG,
l’entrée en collectivité des enfants, c’est-à-dire de par l’obliga-
la revaccination n’est pas recommandée et aucun résultat
tion de scolarisation à 6 ans, au plus tard à cet âge. Pour les
enfants vivant dans un milieu à risque élevé de tuberculose, elle scientifique ne confirme l’utilité de cette pratique. Les revacci-
doit être pratiquée dès le 1er mois de vie. [20] nations multiples ne sont jamais indiquées. ». [23] L’Institut de
Dans les faits, la socialisation précoce des nourrissons français veille sanitaire a publié, en 2001, un document sur l’impact
induit une vaccination BCG précoce. La mesure de la couverture épidémiologique de la vaccination BCG qui concluait également
vaccinale réalisée à partir des certificats de santé du 24e mois en faveur de la suppression de la revaccination BCG. [24] La
montre que, chaque année, entre 80 et 85 % des enfants sont principale justification de ces conclusions vient de l’absence de
vaccinés par le BCG à 2 ans. [21] La couverture vaccinale à 6 ans données attestant son efficacité. Les résultats des études menées
est de 95 %. [3] au Chili et au Malawi plaident en défaveur de l’efficacité de la
.
L’obligation vaccinale concerne également les adultes exposés revaccination. [25, 26] Les seules données en faveur d’un certain
de par leur exercice professionnel. La liste des professions à impact épidémiologique de la revaccination sont des données
risque est définie par le décret du 5 septembre 1996. [22] d’observation en provenance de Hongrie et de Pologne, sans

4 Traité de Médecine Akos


BCG ¶ 8-0291

comme aide à l’interprétation d’un test tuberculinique effectué


ultérieurement dans le cadre de l’investigation autour d’un cas
“ Points forts de tuberculose. En effet, en pratique, la connaissance de
l’allergie tuberculinique ancienne est très peu contributive au
diagnostic d’infection tuberculeuse et à la décision de prescrip-
Politique actuelle de vaccination BCG. tion d’une chimioprophylaxie chez un enfant au contact d’un
• Depuis juillet 2004, arrêt des revaccinations par le BCG, cas de tuberculose bacillifère. Bien entendu, les tests tuberculi-
chez l’enfant comme chez les adultes soumis à l’obligation niques effectués par IDR dans le cadre de l’investigation autour
vaccinale. d’un cas gardent toute leur importance et voient même leur
• Les tests tuberculiniques de routine sont également intérêt augmenté par la grande facilité d’interprétation qui
supprimés chez l’enfant. Ils restent recommandés dans les résultera de l’interruption de la revaccination. Le calendrier
indications suivantes : vaccinal 2004 précise les circonstances dans lesquelles l’IDR à la
C pour vérifier l’absence de tuberculose infection ou de tuberculine doit être pratiquée.
tuberculose maladie avant la primovaccination.
Toutefois, les nouveau-nés sont vaccinés sans test
préalable ; Perspectives d’évolution de la politique
C dans l’enquête autour d’un cas de tuberculose ; de primovaccination BCG
C comme aide au diagnostic de la tuberculose ;
C comme test de référence dans le cadre de la L’Union internationale contre la tuberculose et les maladies
surveillance des membres des professions soumises à respiratoires (UICTMR) considère qu’il est permis d’envisager la
cessation de la vaccination BCG systématique lorsque, soit
l’obligation vaccinale.
l’incidence moyenne des cas présentant une expectoration
positive à l’examen direct est inférieure à cinq cas pour 100 000
habitants, soit l’incidence moyenne des méningites est infé-
rieure à un cas pour 10 millions d’habitants, soit le risque
groupe témoin et donc considérées comme peu concluantes. [27, annuel infectieux est inférieur à 0,1 %. [33] Ce dernier paramètre
28] L’expérience finlandaise d’interruption de la revaccination ne peut être estimé dans un pays où la vaccination BCG est
des sujets se révélant tuberculinonégatifs à l’issue d’un contrôle largement pratiquée.
effectué entre 11 et 13 ans vient conforter cette conclusion : En France, les données de la déclaration obligatoire permet-
cette décision n’a eu aucun impact négatif sur l’incidence de la tent de conclure que, actuellement, l’incidence annuelle des
tuberculose. [29] Enfin, une étude menée à Hong-Kong, où les formes bacille acido-alcoolo-résistant (BAAR) % et celle des
enfants sont vaccinés systématiquement à la naissance, a conclu méningites tuberculeuses de l’enfant sont toutes deux proches
à l’absence de différence, en termes de risque de développer une des seuils proposés par l’UICTMR (incidence des méningites
tuberculose, entre les enfants, selon qu’ils avaient ou non pour la période 2000-2002 : 0,4 cas pour 10 millions d’habi-
participé au programme de revaccination mené à l’école tants, incidence brute des formes BAAR % : 4,6 pour 100 000
primaire. [30] habitants, incidence des formes BAAR % corrigée de la sous-
De plus, le dogme consistant à baser la décision de revacci- notification : 5,7 pour 100 000 habitants). Au plan national, le
nation sur l’intensité de la réaction tuberculinique ne repose pas nombre de cas de tuberculose évités chaque année par le BCG,
sur des données scientifiques validées. Les données chez dans la situation épidémiologique actuelle de la tuberculose, est
difficile à estimer, en particulier du fait de l’incertitude qui
l’homme sont en faveur de l’absence de lien entre réaction
persiste sur l’efficacité du BCG contre les différentes formes de
tuberculinique et protection vaccinale. Cette conclusion
tuberculose et sur la durée de la protection. Dans le cadre de
s’appuie en particulier sur les données de l’essai anglais du
l’expertise collective menée par l’Inserm en 2004, l’Institut de
Medical Research Council mené pendant 20 ans à partir de
veille sanitaire a estimé à 320 le nombre de cas de tuberculose
1950 et qui fait autorité en matière d’étude d’efficacité du
de l’enfant qui surviendraient en excès en cas d’interruption de
BCG. [31] En France, l’enquête menée par l’Institut Pasteur de
la vaccination, pour une efficacité du BCG de 75 % vis-à-vis des
Lille de 1948 à 1971 a également abouti à la conclusion de
méningites et des miliaires tuberculeuses et de 50 % pour la
l’absence d’association entre allergie postvaccinale et protection
prévention de l’ensemble des autres formes de tuberculose de
clinique. [32] Comme le souligne l’OMS, « il convient de mettre l’enfant de moins de 15 ans... [9]
fin à la pratique qui consiste à fonder la décision de revacciner
Ces mêmes travaux ont montré qu’environ 75 % des cas de
un sujet par le BCG sur la réaction cutanée à la tubercu-
tuberculose de l’enfant de moins de 15 ans surviennent chez
line... ». [23] Enfin, dans son analyse, l’Institut de veille sanitaire des enfants à risque élevé de tuberculose, défini par le fait d’être
concluait à un impact pratiquement nul de la revaccination sur né dans un pays de forte prévalence de la maladie, ou d’une
l’incidence des méningites et des miliaires tuberculeuses (moins famille originaire d’un tel pays, ou par l’existence d’un antécé-
d’un cas par an). Même dans l’hypothèse d’une combinaison dent de tuberculose familiale. Les données du recensement
d’une efficacité globale du BCG de 50 % contre l’ensemble des national de 1999 et d’une étude complémentaire réalisée par
formes de tuberculose et d’une efficacité de deux doses de BCG l’Institut national d’études démographiques (INED) permettent
de 70 %, seuls une dizaine de cas de tuberculose additionnels, d’estimer à environ 100 000 le nombre d’enfants vivant en
toutes formes confondues, seraient induits chaque année par la France répondant à au moins un de ces critères d’enfant à
cessation de la revaccination. [24] risque. Ainsi, la vaccination ciblée sur moins de 15 % des
Ces différents éléments ont conduit le Conseil supérieur enfants permettrait d’éviter environ les trois quarts des cas de
d’hygiène publique de France à recommander au ministère en tuberculose qui sont actuellement évités par la vaccination
charge de la Santé, sur proposition du Comité technique des généralisée des enfants, soit 240 des 320 cas. Elle permettrait de
vaccinations, la suppression des revaccinations des enfants ainsi réduire de plus de 85 % la fréquence des effets secondaires de
que celle des adultes soumis à une obligation vaccinale profes- la vaccination et, en particulier, d’éviter 11 des 12 BCGites
sionnelle. Cette proposition était accompagnée d’une seconde disséminées survenant en France chaque année. Cependant, une
recommandation concernant la suppression, chez l’enfant, des vaccination sélective aurait très vraisemblablement comme
tests tuberculiniques postvaccinaux de routine. En effet, ces tests conséquence une diminution de la couverture vaccinale dans la
ne présentent plus d’intérêt dans le cadre de la suppression de population ciblée, ne serait-ce que par l’abrogation de l’obliga-
la revaccination et leur maintien aurait mis les médecins dans tion vaccinale qu’elle entraînerait. Si la couverture vaccinale
la situation très inconfortable de détecter des sujets tuberculi- dans la population des enfants à risque n’était plus que de
nonégatifs sans pouvoir les revacciner. Il n’a pas été jugé utile 50 %, près de 200 cas de tuberculose additionnels survien-
de maintenir un test tuberculinique postvaccinal de référence draient chaque année. De plus, si l’efficacité du BCG était en

Traité de Médecine Akos 5


8-0291 ¶ BCG

fait plus élevée, l’impact épidémiologique de l’allègement des Des arguments en faveur de cet effet protecteur sont apparus
activités de vaccination serait plus élevé. Pour des valeurs en Suède et en République tchèque avec la constatation d’une
d’efficacité respective de 85 % et 75 % contre les méningites et augmentation importante de l’incidence des adénites à Myco-
miliaires et pour les autres formes de tuberculose, jusqu’à bacterium avium-intracellulare chez les nourrissons après arrêt du
800 cas de tuberculose additionnels surviendraient en cas BCG. En Suède, l’incidence des infections à mycobactéries
d’interruption totale, 200 cas en cas de stratégie ciblée sur les atypiques est passée de 0,15 à 25 pour 100 000 enfants de
enfants à risque avec maintien d’une couverture vaccinale de moins de 5 ans avant et après l’interruption de la vaccination.
95 % dans cette population, près de 500 cas lors de réduction La protection a été estimée à environ 85 % [34] dans cette
de la couverture dans la population ciblée à 50 %. Enfin, la tranche d’âge. Un travail récent étudiant l’influence éventuelle
vaccination ciblée rencontrerait des difficultés majeures en du BCG sur la prévention des ostéomyélites survenant au cours
termes de mise en œuvre opérationnelle, d’acceptabilité sociale, des infections à Mycobacterium ulcerans (ulcère de Buruli),
éthique et politique d’une stratégie visant des populations infection fréquente en Afrique de l’Ouest, a montré que dans
d’origine étrangère. [9] cette maladie, les ostéomyélites étaient significativement moins
Au vu de ces différents éléments, le maintien de la vaccina- fréquentes chez les vaccinés (7,7 %) que chez les sujets sans
tion généralisée pourrait apparaître comme la meilleure déci- traces de BCG (33,3 %). [35] Enfin, un certain nombre d’études
sion. Cependant, la disparition de la disponibilité de la sont en faveur d’une efficacité protectrice du BCG vis-à-vis de
vaccination par multipuncture au plus tard fin 2005 interfère de la lèpre (Mycobacterium leprae). [26]
manière majeure avec les réflexions en cours. En effet, il paraît
difficilement envisageable, dans ce contexte, de maintenir une
vaccination généralisée selon les modalités actuelles, la grande Autres utilisations du BCG
majorité des médecins vaccinateurs n’étant pas en mesure
d’effectuer une vaccination intradermique chez de très jeunes Un certain nombre de vaccins recombinants utilisant le BCG
enfants. La question de l’identification des populations à comme promoteur sont en cours d’expérimentation. Ils expri-
protéger de manière prioritaire se posera vraisemblablement à ment des antigènes viraux (VIH, rougeole), des antigènes
cette occasion. bactériens (Bordetella pertussis, Borellia burgdorferi, Clostridium
tetani, Listeria monocytogenes, Streptococcus pneumoniae, etc.) ou
parasitaires (Leishmania, Schistosoma, Plasmodium, Toxoplasma).
Par ailleurs, des instillations intravésicales de BCG (Immuno-
cyst®) représentent un des traitements de référence pour éviter
“ Points forts la récidive et/ou la progression des tumeurs superficielles de la
vessie. La fièvre et des signes locaux d’irritation constituent les
effets secondaires les plus fréquents. Des infections locales, voire
Perspective d’évolution de la primovaccination systémiques, à BCG peuvent survenir, nécessitant la mise en
BCG. route d’un traitement antituberculeux.
• La primovaccination reste obligatoire pour :
C l’entrée en collectivité des enfants ;
C les professions à caractère sanitaire et social. ■ Vers de nouveaux vaccins
• Les données concernant l’efficacité et l’impact
épidémiologique du BCG sont en faveur d’une Grâce à la mobilisation importante de nombreuses équipes,
augmentation de l’incidence de la tuberculose de l’enfant soutenue par l’importante mobilisation de fonds qu’a entraîné
le choix de la tuberculose comme une des trois priorités
en cas d’interruption totale du BCG.
mondiales en termes de lutte contre les maladies transmissibles,
• Une vaccination BCG ciblée sur les enfants les plus à
la recherche de nouveaux vaccins contre la tuberculose s’est
risque aurait un rapport bénéfice/risque plus favorable considérablement accélérée au cours des dix dernières années.
que la vaccination généralisée mais se heurte à des Les réponses immunitaires induites par le BCG ont été étudiées
problèmes de faisabilité et d’acceptabilité sociale. Elle avec des modèles animaux comme la souris, le cobaye et le
occasionnerait de plus la survenue d’au moins 80 cas de macaque avant que ne débutent chez l’homme des essais
tuberculose additionnels chaque année chez l’enfant, cliniques.
voire de plusieurs centaines de cas additionnels chaque On sait depuis longtemps que la réponse humorale à elle
année en cas de diminution importante de la couverture seule ne protège pas contre la tuberculose. En revanche, les
vaccinale dans la population des enfants à risque. réponses cellulaires jouent un rôle majeur. La réponse cellulaire
• La disparition, prévue fin 2005, de la vaccination par de type Th1 restreinte par le complexe majeur d’histocompati-
bilité de classe II (CMH II) est essentielle dans la protection. [36]
multipuncture repose de manière aiguë la question du
Les réponses cytotoxiques restreintes par le CMH I jouent aussi
ciblage de la vaccination par le BCG sur les populations les un rôle important. Les autres réponses, appelées jusqu’à présent
plus à risque de tuberculose. La réalisation pratique de la réponses non conventionnelles, comme les réponses des cellules
vaccination par voie intradermique chez les jeunes Tcd et les réponses restreintes par les molécules CD1 induites
nourrissons est en effet délicate et il n’est pas certain que et/ou dirigées contre des antigènes mycobactériens, existent
l’ensemble des médecins en charge du suivi et de la après infection ou vaccination par le BCG. Leur rôle dans la
vaccination de ces jeunes nourrissons soit prêt à utiliser protection contre la tuberculose est en cours d’étude. [37]
cette technique. Des antigènes induisant une réponse cellulaire de type
Th1 ont donc été recherchés. Ceux qui étaient reconnus par des
patients tuberculeux ou des sujets contacts ont été criblés puis
testés dans des modèles animaux. De nouveaux vaccins, plus
efficaces que le BCG dans des modèles animaux, sont mainte-
■ Autres intérêts du BCG nant disponibles pour des essais cliniques. Des vaccins sous-
unités, protéines ou poxvirus recombinants, pourraient être
utilisés en complément du BCG. Dans des études précliniques,
Protection contre d’autres mycobactérioses une protection supérieure à la vaccination par le BCG est
observée si on utilise un protocole consistant en une première
Le BCG a un pouvoir protecteur vis-à-vis des infections dues vaccination par le BCG suivie d’une vaccination par l’un de ces
aux mycobactéries de l’environnement du groupe Mycobacterium nouveaux vaccins. [38] Ce type de protocole est important parce
avium-intracellulare (essentiellement des adénites). Ces bactéries que la vaccination BCG sera conservée dans les régions endé-
sont très répandues dans l’environnement. miques pour la tuberculose.

6 Traité de Médecine Akos


BCG ¶ 8-0291

Des souches atténuées de Mycobacterium tuberculosis ou des [17] Wasz-Hockert O, Genz H, Landmann H. Ocklitz HW. Influence de la
souches recombinantes de BCG plus efficaces que le BCG ont vaccination des nouveau-nés par le BCG sur l’incidence des méningites
également été obtenues au cours des dix dernières années. tuberculeuses post-primaires chez l’enfant. Bull UICTMR 1988;63:
L’évaluation de l’innocuité de ces nouveaux vaccins vivants est 52-4.
en cours dans plusieurs modèles animaux, y compris des [18] Johnson H. Neonatal BCG policy and childhood tuberculosis in the
modèles mimant une immunodépression. Ces vaccins vivants, Republic of Ireland. Communicable Disease Report. 1993.
plus efficaces que le BCG dans les essais précliniques jusqu’à [19] Kelly P, McKeown D, Clancy L. Neonatal BCG vaccination in Ireland:
evidence of its efficacy in the prevention of childhood tuberculosis. Eur
présent réalisés, pourraient être utilisés si les vaccins sous-
Respir J 1997;10:619-23.
unités ne s’avéraient pas prometteurs à l’issue des essais
[20] Calendrier vaccinal 2004. Avis du Conseil supérieur d’hygiène publi-
cliniques. [39] que de France, 19 mars 2004. Bull Epidemiol Hebd 2004;28-29:
La vaccination classique avec le BCG pourra être maintenue 121-32.
pour éviter les cas graves de maladie tuberculeuse de l’enfant [21] Antona D, Bussière E, Guignon N, Badeyan G, Lévy-Bruhl D. La cou-
comme les méningites. Les nouveaux vaccins interviendront en verture vaccinale en France en 2001. Bull Epidemiol Hebd 2003;36:
supplément du BCG pour augmenter l’efficacité vaccinale et il 169-72.
serait possible de concevoir des protocoles de stimulation par [22] Décret n° 96-775 du 5 septembre 1996 relatif à la vaccination par le
des protéines recombinantes avec un adjuvant adéquat ou par vaccin antituberculeux BCG et modifiant le Code de la santé publique.
des virus recombinants. Pour les populations qui ne sont pas Bull Epidemiol Hebd 1996;41(suppl).
vaccinées par le BCG, une vaccination directe avec des virus [23] WHO Global Tuberculosis Programme and Global Programme on Vac-
recombinants ou des protéines recombinantes pourrait être cines. Statement on BCG revaccination for the prevention of
envisagée. tuberculosis. WHO. Wkly Epidemiol Rec 1995;70:229-31.
[24] Lévy-Bruhl D, Barrault Y, Decludt B, Schwoebel V. Impact
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Pour en savoir plus Fine PE, Carneiro IA, Milstien JB, Clements CJ. Issues relating to the use of
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2002. mandations du groupe de travail du Conseil supérieur d’hygiène publi-
Vaccin BCG. Relevé épidémiologique hebdomadaire. 2004 (4). que de France (2002-2003). Rev Mal Respir 2003 (Cahier 2: 6).

D. Levy-Bruhl (d.levybruhl@invs.sante.fr).
Institut de veille sanitaire, Unité des maladies à prévention vaccinale, département des maladies infectieuses, 12, rue du Val-D’Osne, 94415 Saint-Maurice
cedex, France.
F. Denis.
Service de bactériologie-virologie-hygiène, centre hospitalier universitaire Dupuytren, 87042 Limoges, France.
B. Gicquel.
Institut Pasteur, Unité génétique mycobactérienne, 211, rue de Vaugirard, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Levy-Bruhl D., Denis F., Gicquel B. BCG. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 8-0291, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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8 Traité de Médecine Akos


8-0305

8-0305
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Fièvres prolongées de l’enfant

J Gaudelus

L es fièvres prolongées de l’enfant posent avant tout le problème de leurs causes. Elles imposent une enquête
méthodique, dans laquelle l’étape clinique est essentielle et irremplaçable. La plupart des erreurs sont le fait
d’un interrogatoire et/ou d’un examen clinique soit incomplets, soit insuffisamment répétés. Les examens
complémentaires doivent être hiérarchisés et orientés. Les formes atypiques des maladies fréquentes sont plus
souvent en cause que les maladies rares. Les principales causes, par ordre de fréquence décroissante, sont les
maladies infectieuses, les connectivites et les néoplasies. Dans 10 à 20 % des cas, on ne retrouve aucune cause.
© Elsevier, Paris.


sont fréquents chez le nourrisson, souvent rapportés Elle a deux objectifs essentiels : apprécier la
Définition à des infections de la sphère oto-rhino- tolérance de la fièvre et orienter la recherche
laryngologique (ORL). étiologique.
Les fièvres périodiques sont caractérisées par des Un interrogatoire et un examen clinique
La fièvre est définie par une température centrale épisodes fébriles de durée limitée (quelques jours en méthodiquement menés et surtout répétés, si besoin
qui dépasse 37,5 °C le matin et 38 °C le soir, chez moyenne), séparés par des intervalles d’apyrexie. plusieurs fois par jour et toujours plusieurs jours de
l’enfant ayant une activité physique normale. En Elles peuvent se reproduire pendant des mois ou des suite, permettent souvent de s’orienter, voire de faire
pratique, tout enfant dont la température est années. Le plus souvent de cause inconnue, elles un diagnostic. Dans l’étude de Lohr et Hendley [7], sur
supérieure ou égale à 38 °C doit être considéré sont susceptibles de s’intégrer dans une affection ou 54 cas de fièvre prolongée d’origine inconnue, un
comme fébrile. un syndrome nettement défini [12]. Plusieurs entités interrogatoire incomplet retarde le diagnostic dans
La définition de la fièvre prolongée de l’enfant répondent à cette définition : maladie périodique [6], neuf cas et une anomalie clinique non dépistée
varie suivant les auteurs : 7 jours consécutifs pour syndrome d’hyperimmunoglobulinémie D [5] , retarde le diagnostic dans quatre cas. Dans cette
Brewis [2], au moins 3 semaines à domicile ou 1 syndrome de Marshall ou PFAPA (periodic fever, même étude, chez plus de 25 % des enfants
semaine à l’hôpital pour McLung [10] et Lorh et adenopathies, pharyngitis, aphtous stomatitis) [9], hospitalisés, des signes cliniques qui n’étaient pas
Hendley [7], 2 semaines, que le patient soit hospitalisé autres entités rares ou exceptionnelles [12]. présents à l’admission apparaissent en cours
ou non pour Pizzo et al [13], ou encore au moins deux La fièvre simulée, ou thermopathomimie, doit d’évolution.
fois par semaine pendant 3 semaines pour Steele et être suspectée lorsque la fièvre est totalement isolée,
al [15]. En pratique, une fièvre doit être considérée sans aucun signe clinique ou biologique anormal,
comme prolongée lorsqu’elle dépasse 7 jours chez chez de grands enfants ou adolescents au voisinage Interrogatoire
l’enfant [8] et même 5 jours chez le nourrisson. de la puberté, le plus souvent des filles. La Il fera préciser :
Cette fièvre est dite inexpliquée ou d’origine température est souvent élevée quand l’enfant la – les caractéristiques de la fièvre : date de début,
inconnue, lorsque plusieurs interrogatoires, les prend seul. Elle est normale quand elle est prise sous durée, degré, aspect de la courbe. Le type de la fièvre
examens cliniques successifs et les examens surveillance, thermomètre tenu par un tiers. (en plateau, intermittente, récurrente) est souvent
complémentaires de première intention n’ont pas La fièvre peut être le trouble allégué d’un difficile à déterminer et s’il revêt parfois une valeur
donné d’orientation. syndrome de Münchhausen par procuration [1]. Le d’orientation, celle-ci n’est que très relative ;
plus souvent, dans ce cas, d’autres troubles sont – les signes d’accompagnement : frissons, sueurs,
également allégués.
arthralgies, céphalées, éruptions ;


Diagnostic différentiel


Stratégie de prise en charge
– les traitements éventuellement entrepris et
leurs effets ;
– les antécédents médicochirurgicaux ;
© Elsevier, Paris

La fièvre prolongée ne doit pas être confondue – l’état des vaccinations, la date et le résultat de
avec des épisodes fébriles successifs (fièvre à l’intradermoréaction (IDR) à la tuberculine ;
répétition), brefs et séparés par des intervalles
‚ Enquête clinique – l’origine ethnique du patient (maladie
d’apyrexie de plusieurs jours ou semaines. Ceux-ci C’est toujours la première étape. périodique, dysautonomie familiale) ;

1
8-0305 - Fièvres prolongées de l’enfant

– la notion d’un voyage plus ou moins récent :


– à l’étranger : zone d’endémie palustre ;
observance de la prophylaxie ; précautions Fièvre prolongée
d’hygiène alimentaire pendant le séjour ; zone
d’endémie de l’histoplasmose ; Interrogatoire(s)
– mais aussi en France : fièvre boutonneuse
méditerranéenne, leishmaniose ;
Examen(s) clinique(s)
– la notion d’un contact, d’une griffure ou d’une
morsure par un animal : chien (leishmaniose,
leptospirose), tiques (maladie de Lyme, rickettsioses, Orientation Pas d'orientation
borréliose), chaton (maladie des griffes du chat),
gibiers et rongeurs (tularémie, pasteurellose) ; Examens Examens Examens complémentaires :
– la notion d’une pica (toxoplasmose, larva complémentaires complémentaires - NFS + plaquettes
migrans) ; non nécessaires spécifiques - VS, fibrine, CRP
– l’ingestion de certains aliments : fromages frais - ECBLI
de la ferme (brucellose), viande de cheval ou de porc - Radiographie de thorax
- IDR tuberculine
(trichinose) ; - Hémocultures
– l’existence d’un contage familial ou dans
Diagnostic certain
l’entourage proche (tuberculose, maladies virales).
Cet interrogatoire doit être répété et doit Pas de diagnostic
s’adresser à des interlocuteurs différents susceptibles Traitement
d’apporter un élément nouveau ou oublié. Syndrome Pas de syndrome
inflammatoire inflammatoire
Examen clinique Évolution

Il n’a pas de particularité en soi. Il doit être


1 Stratégie de prise en charge d’une fièvre prolongée. NFS : numération formule sanguine ; VS : vitesse
complet, appareil par appareil, méthodique, sans de sédimentation ; CRP : C reactive protein ; ECBU : examen cytobactériologique des urines ; IDR :
oublier l’examen des tympans, des yeux, des intradermoréaction.
organes génitaux externes et de l’anus.
L’examen cutané doit être particulièrement
attentif : cuir chevelu, cou, paumes, plantes, fesses,
ongles. Les anomalies éventuelles seront Fièvre prolongée
précisément décrites : type de l’éruption,
topographie, évolution. Interrogatoire(s)
Il faut palper chaque muscle et chaque os, un par
un, sans oublier les articulations sacro-iliaques.
Examen(s) clinique(s)
Il est important de pouvoir examiner le patient
lors des pics fébriles : sueurs, frissons, malaise,
Examens complémentaires
apparence toxique, rash cutané, effets sur le pouls,
autres symptômes.
Pas de diagnostic
Tous les paramètres mesurables seront notés :
pouls, fréquence respiratoire, tension artérielle, Syndrome inflammatoire Pas de syndrome inflammatoire
poids, taille, périmètre crânien.
Une courbe permettra de mieux visualiser une
Maladies Maladies Hémopathies Thermopathomimie Fièvre médicamenteuse Autres
perte de poids, une cassure de la courbe de taille, infectieuses inflammatoires tumeurs Syndrome de
une augmentation du périmètre crânien. Münchhausen
par procuration
- Hémocultures Examens - Échographie - Ionogramme
Au terme de cette première étape, deux - Ponction lombaire spécifiques abdominopelvienne sanguin
éventualités existent (fig 1). - Sérologies ou non - Myélogramme - Osmolarité
orientées Ac antinucléaires - Scanner - Scanner
- Radiographie de Ac anti-ADN - Catécholamines cérébral
¶ Il existe une orientation étiologique cavum, Ac anti-RNP urinaires
– L’affection causale peut n’impliquer aucun de sinus, panora- - Biopsie
mique dentaire ganglionnaire
examen complémentaire : le diagnostic repose sur la - Échographie
abdominale
séméiologie, le contexte et l’évolution (spontanée ou - Échographie
sous traitement adéquat). cardiaque
si orientation
– L’affection suspectée requiert des examens - Scintigraphie
complémentaires qui viennent soit confirmer, soit osseuse

récuser le diagnostic.
2 Principales catégories diagnostiques à envisager. Ac : anticorps ; ADN : acide désoxyribonucléique ; RNP :
¶ Il n’existe pas (ou plus) d’orientation étiologique ribonucléoprotéine.
Même si l’état de l’enfant n’inspire aucune
inquiétude : fièvre parfaitement tolérée, enfant ou
protein), transaminases, examen cytobactériolo- Si les premiers examens, la reprise
nourrisson continuant à manger, boire, dormir et
gique des urines (ECBU), IDR à la tuberculine, de l’interrogatoire et de l’examen clinique n’ont
jouer normalement, il est nécessaire de recourir à un
radiographie du thorax. pas permis de retrouver la cause probable de
minimum d’examens complémentaires dits de
cette fièvre, d’autres examens sont nécessaires.
« débrouillage » : trois hémocultures, numération Il est justifié de proposer une hospitalisation qui
Ils seront orientés chaque fois que possible
formule sanguine (NFS) avec plaquettes, vitesse de s’impose si l’état de l’enfant n’est pas totalement
(fig 2) :
sédimentation (VS) ou fibrine, CRP (C reactive satisfaisant.

2
Fièvres prolongées de l’enfant - 8-0305

– échographie abdominopelvienne (adénopa- représentent moins de 2 % des cas. Dans près de inspiration et expiration forcée. Une pneumopathie
thies, abcès, tumeurs) ; 20 % des cas, aucun diagnostic n’est fait, ou bien la interstitielle fait évoquer une pneumocystose
– ponction lombaire si elle n’a pas été faite ; fièvre disparaît spontanément. révélant un déficit immunitaire.
– radiographies du cavum, des sinus, Certains germes (mycoplasme, légionnelles,
panoramique dentaire en fonction de l’âge et du


Chlamydia) peuvent être responsables d’atteinte
contexte ; Principales causes respiratoire associée à une fièvre plus ou moins
– sérologies spécifiques orientées : Widal prolongée. Cette possibilité doit être envisagée en
(typhoïde), Whright (brucellose), toxoplasmose, présence d’un échec de traitement par les
rickettsioses, Martin et Petit (leptospirose), Lyme, ‚ Fièvres prolongées d’origine infectieuse bêtalactamines.
Bartonella henselae (griffes du chat), virus
d’Epstein-Barr (EBV), cytomégalovirus (CMV), Infections localisées (fig 3) ¶ Infections urinaires
sérologie des hépatites et, avec l’accord du patient, C’est une cause classique de fièvre isolée du
¶ Infections de la sphère ORL
sérologie du virus de l’immunodéficience humaine Les otites suppurées peuvent être source de nourrisson. Son diagnostic est facilité par un examen
(VIH) ; fièvre prolongée chez le nourrisson dans certaines des urines à la bandelette et par la pratique
– dans certains cas, coproculture, BK-tubages, situations : infections décapitées par un traitement systématique d’un ECBU devant toute fièvre isolée
anticorps antinucléaires et antitissus. antibiotique insuffisant ou inadapté, bactéries prolongée.
D’autres explorations peuvent se discuter. Elles le résistantes, otite séreuse qui fait le lit des ¶ Infections du système nerveux central
seront toujours en fonction de l’état de l’enfant et surinfections. Toute otite traînante du nourrisson ou Les méningites décapitées par un traitement
des résultats des précédentes étapes : de l’enfant nécessite l’avis d’un oto-rhino- antibiotique inadapté et la méningite tuberculeuse
– myélogramme (leucémie, métastase, laryngologiste. Elle fait craindre une suppuration de seront évoquées en présence de tout signe
syndrome d’activation macrophagique) ± culture de l’oreille interne à type d’antrite ou d’antromastoïdite.
neurologique anormal.
moelle (mycobactéries, leishmanies, Francisella Les adénoïdites chroniques peuvent être
Les abcès du cerveau sont trompeurs et peuvent
tularensis) ; responsables d’une fièvre prolongée chez le
être neurologiquement muets. Ils doivent toujours
– dosage des catécholamines urinaires nourrisson et le petit enfant. Celle-ci est
être évoqués en présence d’une cardiopathie
(neuroblastome, phéochromocytome) ; classiquement souvent plus importante le matin que
cyanogène.
– scintigraphie osseuse au technétium (ostéite, le soir. Seule l’adénoïdectomie permet d’établir leur
réelle responsabilité. Les empyèmes peuvent compliquer une
tumeurs), voire scintigraphie au gallium ou à
méningite, surtout si elle a été décapitée.
l’indium ; Les sinusites peuvent être en cause chez le grand
– ionogramme et osmolarité sanguins et enfant. Le danger est ici d’attribuer la fièvre ¶ Endocardite
urinaires (diabète insipide) ; prolongée à une simple hyperplasie en cadre Elle est rare en pédiatrie. Elle doit cependant
– échographie cardiaque (endocardite, myxome visualisée sur les radiographies. Il en est de même toujours être évoquée chez un enfant porteur d’une
de l’oreillette) ; des infections amygdaliennes chroniques. cardiopathie. Elle a pu être exceptionnellement
– fond d’œil et examen à la lampe à fente L’abcès rétropharyngien est rare. Observé décrite sur cœur sain. L’échocardiographie a
(uvéite) ; avant tout chez le nourrisson, son diagnostic est grandement facilité son diagnostic.
– biopsie ganglionnaire, hépatique, salivaire ; difficile et nécessite un cliché cervical de profil en
– scanner cérébral, scanner corps entier ; présence d’une dysphagie fébrile résistante et/ou ¶ Ostéomyélite
d’une dyspnée. Celui-ci met en évidence un Elle peut se présenter occasionnellement comme
– opacification et/ou endoscopie digestives.
épaississement des parties molles et/ou un une fièvre isolée (infections des os pelviens). La
La démarche diagnostique et les grands groupes scintigraphie permet de visualiser cette localisation
bombement postérieur.
étiologiques sont schématisés dans les figures 2 à 7. et sa sensibilité est supérieure à celle de la
Quatre grands groupes de causes doivent être ¶ Infections pulmonaires radiographie.
envisagés : Une radiographie pulmonaire est justifiée devant
– les maladies infectieuses, qu’elles soient toute fièvre prolongée. Elle peut mettre en évidence ¶ Abcès intra-abdominaux
localisées ou généralisées : bactériennes, virales, une opacité localisée, avec ou sans signe de Les abcès sous-phréniques, le phlegmon
parasitaires, mycosiques ; rétraction. La suspicion d’un corps étranger et/ou périnéphrétique et les abcès pelviens peuvent se
– les maladies systémiques inflammatoires d’une tuberculose doit faire pratiquer des clichés en révéler par une fièvre isolée prolongée.
générales ou avec atteinte caractéristique d’un
appareil ou d’un système ;
– les affections malignes : leucémies, Fièvre prolongée
lymphomes, tumeurs ;
– une fièvre d’origine exogène, médicamenteuse
Maladies infectieuses
notamment, sera systématiquement discutée chez
tout malade traité.
Les différentes séries de la littérature [2, 4, 7, 8, 10, 13] Localisées
concernant l’enfant ont été regroupées par Carlton
Gardner [3], totalisant 446 patients. Les maladies
infectieuses prédominent (45 %). Les infections
respiratoires (excluant les maladies granuloma- ORL Pulmonaire Urinaire Système nerveux Cœur OS Abcès occulte
central
teuses) sont responsables de la moitié de ce
sous-groupe, suivies par les infections de l’appareil Nourrisson : Corps étranger Méningite décapitée Endocardite Ostéomylite Foie
Otites et complications Mycoplasme Méningite tuberculeuse Rein
urinaire, du squelette et du système nerveux central. Adénoïdite chronique Chlamydia Abcès du cerveau Pelvis
Les infections inhabituelles, du type de la brucellose, Abcès rétropharyngien Legionella Empyème Abcès sous-
Grand enfant : Pneumocystis phrénique
ne représentent que 10 à 15 % des maladies Sinusite Tuberculose Phlegmon
Amygdalite chronique Périnéphrétique
infectieuses. Les connectivites viennent en deuxième
position (12,8 % des cas), puis les néoplasies (5,6 %).
3 Infections localisées et fièvre prolongée.
Les maladies inflammatoires du tube digestif

3
8-0305 - Fièvres prolongées de l’enfant

La tularémie doit être évoquée après l’ouverture


de la chasse, en présence d’adénopathies satellites
Fièvre prolongée du territoire d’inoculation (le plus souvent les mains,
mais parfois le pharynx ou la conjonctive), dans le
Maladies infectieuses cadre d’un syndrome infectieux. Il faut rechercher la
manipulation d’un lièvre ou d’un lapin de garenne,
et demander une séroagglutination : les agglutinines
Généralisées apparaissent entre le huitième et le quinzième jour.
Leur taux s’élève jusqu’à la quatrième-septième
semaine.
Les pasteurelloses seront évoquées devant la
Bactériennes Virales Parasitaires Fongiques
notion d’une morsure ou d’une griffure par un
- Typhoïde - EBV Paludisme Candidose animal, l’aspect inflammatoire et douloureux
Paratyphoïdes - CMV Kala-azar Aspergillose précocement apparu au niveau de la porte d’entrée,
Salmonelloses - VHB Toxoplasmose (immunodépression)
- Tuberculose - Herpès Larva migrans Histoplasmose l’existence d’une adénopathie satellite.
- Brucellose - Enterovirus Amibiase hépatique Blastomycose
- Rickettsioses - Parvovirus Trichinose ¶ Infections virales
Boutonneuse méditerranéenne - VIH Trypanosomiase Elles sont responsables de fièvre, le plus souvent
fièvre Q de durée brève. Quelques virus peuvent cependant
- Maladie des griffes du chat
- Osler être responsables de fièvre prolongée.
- Tularémie Dans les infections à EBV, la mononucléose peut
- Maladie de Lyme
- Leptospiroses
être responsable d’une fièvre prolongée. Elle n’est en
- Pasteurellose général pas isolée. La recherche d’anticorps
- Boréliose hétérophiles (MNI-test) peut être négative, en
- Syphilis
particulier chez le jeune enfant. L’examen à
demander est la recherche d’IgM anti-VCA (viral
4 Maladies infectieuses généralisées et fièvre prolongée. EBV : virus d’Epstein-Barr ; CMV : Cytomégalovi- capsid antigen). La fièvre fait partie du syndrome de
rus ; VHB : virus de l’hépatite B ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
fatigue chronique postvirale dont la symptomato-
logie associe une asthénie chronique ou récurrente
Un abcès du rein peut venir compliquer une Il faut rechercher une notion de piqûre de tique ou très invalidante, des douleurs, des troubles
cavité kystique préexistante ou plus encore une un contact avec un chien porteur de tique ; neuropsychiques, des troubles du sommeil, une
pyélonéphrite aiguë traitée de façon inadaptée. Les – la fièvre Q due à Rickettsia burneti. L’enfant fièvre prolongée, un amaigrissement, une
abcès du foie se voient plus fréquemment dans les peut se contaminer à partir de poussières dans pharyngite, des adénopathies. D’autres virus
déficits immunitaires ou dans la granulomatose lesquelles le germe se conserve des mois, voire des peuvent également être responsables d’un
septique. années. Ces poussières sont contaminées par les syndrome de fatigue chronique postvirale.
L’hépatite granulomateuse est un syndrome et excrétions des animaux infectés : bovins, ovins, Dans les infections à CMV, une fièvre prolongée
n’a rien de spécifique. Elle peut être révélée par une caprins, rongeurs sauvages et des tiques de ces peut se voir, tout particulièrement chez les sujets
fièvre isolée prolongée. Parmi les étiologies, il faut animaux. Les poussières des peaux de bêtes, des immunodéprimés.
penser à la maladie des griffes du chat. laines ou des crins peuvent être infectées. À Dans les virus des hépatites, la fièvre peut
rechercher dans le milieu familial des professions résumer la phase préictérique. Elle peut être le seul
Infections généralisées (fig 4) exposées (vacher, berger, tanneur, équarrisseur). élément d’une forme anictérique, surtout chez
¶ Infections bactériennes La maladie des griffes du chat et la maladie de l’enfant jeune.
Les fièvres typhoïdes et parathyphoïdes peuvent Lyme font partie des causes à discuter en présence L’infection à VIH n’est pas responsable, en
se réduire à une fièvre isolée, sans signe digestif. Il d’une fièvre prolongée de l’enfant, qu’elle soit isolée elle-même, de fièvre prolongée, mais la succession
faut y penser systématiquement chez tout enfant de ou non. et/ou l’association de diverses infections
retour d’une zone d’endémie non vacciné. Le vaccin La brucellose, exceptionnelle avant 5 ans, voit sa opportunistes ou non doit faire envisager
Typhim Vit ne protège pas contre les paratyphoïdes. fréquence s’élever avec l’âge. La contamination peut systématiquement ce diagnostic.
La tuberculose fait partie des causes à envisager être directe, par contact avec des produits animaux
systématiquement. La fièvre peut revêtir tous les infectés, ou plus souvent indirecte par ingestion de ¶ Infections parasitaires
types. Une fièvre élevée isolée se voit plus lait, de crème, ou de fromage contaminés. Cette La toxoplasmose doit être évoquée devant toute
fréquemment dans les tuberculoses extrapulmo- éventuelle contamination doit être recherchée en fièvre persistante, surtout en présence d’adénopa-
naires. Il faut vérifier la vaccination par le BCG, présence d’une fièvre prolongée, a fortiori lorsqu’elle thies cervicales, rétro-occipitales ou d’autres
rechercher un contage, faire une radiographie de s’accompagne de sueurs et de douleurs, avec parfois localisations.
thorax et une IDR à la tuberculine. Les tuberculoses hépatomégalie, splénomégalie et adénopathies. Le paludisme, bien qu’il soit plus souvent
disséminées avec radiographie du thorax normale et Les manifestations cliniques des leptospiroses ne responsable de fièvre récurrente, doit être envisagé
réactions tuberculiniques négatives sont cependant sont pas spécifiques. Les formes anictériques sont les chez tout enfant ayant séjourné récemment en zone
possibles. plus fréquentes. Le diagnostic doit être évoqué d’endémie. La prophylaxie est le plus souvent
Essentiellement deux rickettsioses peuvent se devant l’association, variable, d’un syndrome incorrecte, mal prise ou insuffisante. Elle doit tenir
voir en France : infectieux, de signes cutanéomuqueux (herpès, compte des différentes zones de résistance. Une
– la fièvre boutonneuse méditerranéenne, à injection conjonctivale), hépatiques, méningés, cinquantaine d’observations de paludismes
évoquer devant des maculopapules des membres rénaux, et de l’existence d’une rechute. La réaction autochtones ont été rapportées en France.
touchant les paumes et les plantes, chez un enfant d’agglutination-lyse, ou sérodiagnostic de Martin et La leishmaniose viscérale ou kala-azar doit être
fébrile, asthénique, présentant des céphalées, des Petit, ne devient positive qu’à partir du dixième au évoquée par la notion d’un séjour dans le pourtour
myalgies, des arthralgies, parfois une conjonctivite. douzième jour, puis son taux s’élève pour atteindre méditerranéen. Si l’anémie et la splénomégalie sont
L’escarre au point d’inoculation est parfois présente. son maximum au bout de 3 à 4 semaines. constantes, elles peuvent être retardées.

4
Fièvres prolongées de l’enfant - 8-0305

Fièvre prolongée Fièvre prolongée

Hémopathies-Tumeurs
« Maladies inflammatoires »

CAUSES FRÉQUENTES CAUSES RARES


Arthrite chronique juvénile Maladie périodique - Leucémies aiguës - Néphroblastome
Autres fièvres périodiques - Lymphomes - Phéochromocytome
hodgkiniens, - Tumeur de Castleman
non hodgkiniens, - Myxome de l'oreillette
Maladie de Kawasaki Maladie de Crohn
- Sympathoblastome, - Tumeur de la région
Rectocolite hémorragique
neuroblastome diencéphalique

6 Hémopathies et tumeurs et fièvre prolongée.


- LEAD
- CINCA syndrome
- Dermatomyosite Les sympathoblastomes peuvent se révéler par
polymyosite des fièvres prolongées, accompagnées ou non de
- Périartérite noueuse
- Purpura rhumatoïde douleurs osseuses ou articulaires et d’altération de
- Sclérodermie l’état général.
- Histiocytose Le néphroblastome est plus une maladie
- Maladie de Behçet
- Sarcoïdose tumorale que fébrile, contrairement au cancer du
- Syndrome d'activation rein de l’adulte.
macrophagique Des tumeurs de la région diencéphalique et
certaines tumeurs bénignes peuvent se révéler par
5 Maladies inflammatoires et fièvre prolongée. LEAD : lupus érythémateux aigu disséminé ; CINCA syn- de la fièvre : phéochromocytome, tumeur de
drome : chronic infantile neurological cutaneous and articular syndrome. Castleman, myxome de l’oreillette.

¶ Infections fongiques peuvent se présenter, du moins pendant un certain ‚ Autres causes rares ou exceptionnelles
Elles peuvent être responsables de fièvre temps, sous l’aspect d’une fièvre isolée prolongée. (fig 7)
prolongée essentiellement chez les sujets
Maladie de Crohn Atteintes du système nerveux central
immunodéprimés.
Elle peut, pendant un temps variable, se présenter Un hématome sous-dural peut comporter de la
‚ Maladies « inflammatoires » (fig 5) comme une fièvre isolée ou associée à de vagues fièvre, parfois révélatrice.
douleurs abdominales et/ou à des troubles du transit Certaines encéphalopathies chroniques acquises
Arthrite chronique juvénile discrets, voire absents. Une anémie hypochrome de ou congénitales, dans lesquelles la fièvre peut
Dans sa forme systémique ou maladie de Still, elle type inflammatoire et un ralentissement de la résulter d’une atteinte des centres thermorégulateurs
est de diagnostic difficile : il en existe des formes très croissance staturopondérale sont fréquents dans ces hypothalamiques ou encore d’une hyperélectroly-
précoces, dès la première année de vie. L’atteinte cas. témie, elle-même secondaire à un trouble de la soif.
articulaire peut ne se développer que plusieurs mois, Colite ulcéreuse
voire plusieurs années, plus tard. Les réactions du Atteintes endocriniennes
Dans la colite ulcéreuse (rectocolite hémorra-
latex et de Waller-Rose sont en général négatives. Il gique), les troubles digestifs sont en règle présents au – Hyperthyroïdie, mais la fièvre n’est pas isolée.
faut accorder de la valeur à une éruption moment où le malade est fébrile. – Phéochromocytome : il a pu exceptionnel-
érythémateuse fugace, survenant lors d’un clocher lement ne se traduire pendant des mois que par une
fébrile et disparaissant avec lui en quelques heures, CINCA syndrome fièvre élevée avec tachycardie et syndrome
surtout s’il s’y associe des adénopathies, une Le CINCA syndrome (chronic inflammatory inflammatoire.
splénomégalie ou plus encore une péricardite. neurological cutaneous and articular syndrom) se – Diabète insipide : qu’il soit d’origine centrale
discute chez le petit nourrisson [14]. Une triade ou néphrogénique, il peut s’accompagner de fièvre,
Maladie de Kawasaki associant des manifestations cutanées (urticaire parfois révélatrice. Chez le nourrisson, polydipsie et
C’est une vasculite qu’il faut savoir reconnaître chronique non prurigineux), articulaires (gonflement polyurie sont parfois difficiles à reconnaître. La
suffisamment tôt, dans la mesure où un traitement douloureux des grosses articulations avec présence d’une hyperélectrolytémie sur le
par les immunoglobulines administrées par voie hypertrophie osseuse) et neurologiques (méningite ionogramme sanguin doit le faire évoquer.
veineuse peut prévenir l’apparition d’anévrismes, en chronique aseptique) caractérise ce syndrome. Les
particulier coronaires. L’âge moyen est de 3 ans et symptômes évoluent sur un mode chronique, sur Fièvres médicamenteuses
85 % des enfants atteints de cette affection ont lequel se greffent des poussées associant de la fièvre,
Leur diagnostic repose sur un interrogatoire
moins de 5 ans. La fièvre est élevée, résistante aux des adénopathies et une splénomégalie.
minutieux portant sur :
antipyrétiques et aux antibiotiques. L’association à ‚ Maladies hématologiques et tumeurs – le terrain : la fièvre médicamenteuse se voit
une conjonctivite, une chéilite, un énanthème, des (fig 6) plus souvent chez des sujets allergiques ;
adénopathies cervicales, une éruption, des œdèmes Une leucémie aiguë (identifiée sur le myélo- – la chronologie : disparition de la fièvre dans les
segmentaires doit la faire évoquer. gramme) ou un lymphome (suspecté sur 24 à 48 heures après l’arrêt du produit en cause et
l’échographie abdominale et/ou la tomodensito- non réapparition de celle-ci. Les médicaments en
Maladies systémiques métrie visualisant des adénopathies intra- ou cause sont essentiellement les antibiotiques et tout
Le lupus érythémateux aigu disséminé, la rétropéritonéales, affirmé sur la biopsie) peuvent particulièrement les bêtalactamines. Il faut
dermatomyosite, une périartérite noueuse sont revêtir, au moins à leur début, l’aspect d’une fièvre également citer les barbituriques, les anticholiner-
beaucoup plus rares. Les maladies systémiques prolongée plus ou moins isolée. giques, les phénotiazines. En fait, virtuellement,

5
8-0305 - Fièvres prolongées de l’enfant

Fièvre prolongée ■
Traitement

Autres causes Il doit être, dans la mesure du possible, celui de la


cause. Les traitements à l’aveugle doivent être évités,
à l’exception de l’utilisation de l’aspirine ou d’autres
Fièvre médicamenteuse Causes exceptionnelles Hyperthermies « non pathologiques » anti-inflammatoires non stéroïdiens chez les enfants
Terrain (allergie) - Hématome sous-dural - Thermorégulation à un niveau suspects d’arthrite chronique juvénile. Une autre
Chronologie - Encéphalopathies chroniques plus élevé ? exception est l’utilisation d’antibiotiques
Antibiotiques - Hyperthyroïdie - Exagération du rythme circardien ? antituberculeux chez les enfants avec altération de
Autres (barbituriques, - Diabète insipide
anticholinergiques, - Hyperostose corticale infantile l’état général et suspects de tuberculose disséminée.
phénotiazines, etc) - Dysplasie ectodermique Les traitements empiriques, utilisant des
anhydrotique
antibiotiques à large spectre, ont plus d’inconvé-
- Dysautonomie familiale
nients que d’avantages et peuvent masquer ou
retarder le diagnostic d’infections du type méningite,
7 Autres causes rares et exceptionnelles. infection paraméningée, endocardite ou
ostéomyélite.
n’importe quel médicament peut entraîner des sujet était programmé pour une température
réactions allergiques, dont la fièvre. normale à 38 °C au lieu de 37 °C), soit à un rythme Le pronostic est fonction de la cause. Pour les
circadien exagéré, situation qui peut se rencontrer fièvres prolongées pour lesquelles aucun diagnostic
‚ Absence de cause décelable chez les adolescents des deux sexes présentant une n’a pu être porté, il est le plus souvent bon chez
Il peut arriver que la fièvre soit réelle, bien tolérée température supérieure à la normale en fin de l’enfant. Trente-trois des 40 malades répondant à
et strictement isolée. On a décrit des hyperthermies journée. Ces diagnostics restent cependant des cette définition suivis pendant au moins 4 ans dans
non pathologiques liées soit à un niveau de diagnostics d’élimination et l’évolution peut les l’étude de Miller et al [11] sont indemnes de tout
thermorégulation élevé (tout se passe comme si le démentir. trouble.

Joël Gaudelus : Chef de service, professeur des Universités, praticien hospitalier,


service de pédiatrie, hôpital Jean-Verdier, avenue du 14-Juillet, 93143 Bondy, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : J Gaudelus. Fièvres prolongées de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0305, 1998, 6 p

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Philadelphia : WB Saunders, 1992 : 1012-1022 526-530

6
8-0290

8-0290
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Vaccinations

N Guérin

D e nombreux vaccins sont disponibles et leur utilisation bien codifiée. Certains doivent être administrés dès
l’enfance à tous les enfants et, parmi ceux-ci, quelques-uns doivent continuer d’être donnés tout au long de
la vie. D’autres sont réservés à des personnes dites « à risques », que ce risque soit professionnel, lié à l’âge, à l’état de
santé, aux déplacements ou au comportement.
Le plus souvent, ces vaccins sont bien acceptés et peuvent être administrés à la majeure partie de la cible. Mais la
disparition de certaines maladies, la méconnaissance de la gravité de certaines autres aboutissent à un manque
d’intérêt pour quelques vaccinations. Sans un effort national, européen et mondial, les objectifs ambitieux de
l’Organisation mondiale de la santé ne pourront être atteints aux échéances prévues. Il s’agit, pour la région
européenne, d’éliminer la poliomyélite, la diphtérie, le tétanos néonatal, la rougeole, les rubéoles congénitales
malformatives. Il s’agit également de réduire l’incidence de la coqueluche, des infections à Haemophilus influenzae
de type b, de l’hépatite B et des oreillons. Les indications, contre-indications et impact de chaque vaccin sont
présentés ici.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : vaccinations, calendrier vaccinal, couverture vaccinale, contre-indications.


calendrier des vaccinations, conseils aux voyageurs, vaccinés ou revaccinés. Le décret de septembre
Introduction communications ministérielles relatives aux 1996 [6] a remanié et simplifié les modalités de
vaccinations. l’obligation vaccinale.
Le calendrier vaccinal 2000 [5] est détaillé dans le
La vaccination est le moyen le plus efficace de tableau I et des précisions sur chacun des antigènes
prévention des maladies transmissibles. Son objectif sont présentées dans le guide des vaccinations [8] et Après deux vaccinations BCG par voie
est à la fois de protéger le vacciné, mais aussi de reprises ci-dessous. intradermique, les personnes dont les
diminuer la circulation de l’agent causal d’une réactions tuberculiniques restent


maladie et donc de réduire pour l’ensemble de la négatives sont considérées comme
communauté le risque de contracter cette maladie. Bacille de Calmette et Guérin ayant satisfait aux obligations légales.
(BCG)
Les objectifs de l’Organisation mondiale de la
santé (OMS) à l’échelle mondiale sont d’éradiquer la Pour les personnes assujetties à la vaccination
poliomyélite, d’éliminer le tétanos néonatal et de Le BCG est un vaccin bactérien vivant atténué,
dans le cadre du Code de la santé publique, le
contrôler la rougeole. En Europe, les objectifs sont présenté sous forme lyophilisée à reconstituer avec
médecin du travail juge de la nécessité d’une
plus ambitieux et visent de plus à l’élimination de la un solvant. Le vaccin doit être administré par voie
revaccination en fonction du risque d’exposition.
rougeole et de la diphtérie, au contrôle de la intradermique et la dose vaccinante est de 0,05 mL
coqueluche, des oreillons, des infections dues à pour les enfants de moins de 1 an et de 0,1 mL pour


Haemophilus influenzae de type b (Hib), à la les personnes de plus de 1 an. La vaccination par
voie percutanée, à l’aide d’un dispositif en plastique
Vaccination combinée
réduction des nouveaux porteurs chroniques de contre la diphtérie, le tétanos
l’hépatite B de 80 % et des rubéoles congénitales muni des neuf pointes imprégnées de vaccin BCG et la coqueluche (DTC)
malformatives à moins d’un cas pour 100 000 nais- liquide est utilisable jusqu’à l’âge de 3 ans. Préférée
sances. par les médecins et les familles pour sa facilité Le vaccin DTC est un vaccin combiné contenant
d’utilisation technique, cette méthode donne des deux anatoxines, diphtérique et tétanique (une dose
En France, les recommandations en matière de résultats moins réguliers que la voie intradermique vaccinante de chaque) et un vaccin coquelucheux. Il
vaccination sont préparées par le Comité technique en termes de positivation des réactions existe deux types de vaccins coquelucheux sur le
des vaccinations, groupe de travail permanent du tuberculiniques. marché actuellement, le vaccin classique à corps
Conseil supérieur d’hygiène publique de France, La vaccination précoce par le BCG est réservée bactériens entiers, constitué d’une suspension de
section maladies transmissibles, à qui les aux enfants vivant dans un milieu à risque. Elle est germes Bordetella pertussis inactivés par la chaleur et
propositions sont soumises. Elles sont discutées puis obligatoire avant l’entrée en collectivité, y compris la titrant 4 UI. L’autre type de vaccin coquelucheux,
adoptées, paraissant ensuite au Bulletin officiel du garde par une assistante maternelle et au plus tard à plus récent, est composé d’antigènes purifiés. L’un
ministère chargé de la Santé, puis dans le bulletin l’âge de 6 ans. Une épreuve tuberculinique de des vaccins contient trois antigènes, coquelucheux
épidémiologique hebdomadaire. Depuis 1998, le contrôle doit être pratiquée 3 à 12 mois après la purifiés, 25 µg de toxine pertussique, 25 µg
site internet du ministère chargé de la Santé vaccination. À 11-13 ans, un contrôle tuberculinique d’hémagglutinine filamenteuse, et 8 µg de
comporte une rubrique vaccination dans laquelle doit être effectué par voie intradermique. Les enfants pertactine. L’autre vaccin ne contient que les deux
sont publiés tous les renseignements utiles, dont le test tuberculinique est négatif doivent être premiers antigènes.

1
8-0290 - Vaccinations

Tableau I. – Calendrier des vaccinations 2000. Tableau synoptique.

La vaccination BCG précoce est réservée aux enfants vivant dans un milieu à
risques. La vaccination par le BCG est obligatoire pour l’entrée en collectivité
Dès le 1er mois Tuberculose
incluant la garde par une assistante maternelle. L’épreuve tuberculinique doit
être pratiquée 3 à 12 mois plus tard
Le vaccin polio injectable est recommandé pour les primovaccinations
Diphtérie, tétanos, coqueluche, polio, Haemo-
et les rappels, le vaccin polio oral réservé uniquement aux situations
philus influenzae b
épidémiques
trois injections à 1 mois d’intervalle
À partir de 2 mois Le vaccin coqueluche à germes entiers est recommandé
Hépatite B La vaccination contre l’hépatite B peut être commencée à partir de 2 mois (sauf
Deux injections à 1 mois d’intervalle, le cas des enfants nés de mère antigène HBs positif, chez qui elle doit être faite
la 3e entre 5 et 12 mois après la 2e injection à la naissance)
La vaccination associée rougeole-oreillons-rubéole est recommandée de façon
indiscriminée pour les garçons et les filles
La vaccination contre la rougeole peut être pratiquée plut tôt, à partir de 9 mois
pour les enfants vivant en collectivité, suivie d’une revaccination 6 mois plus tard
Rougeole, oreillons, rubéole
en association avec les oreillons et la rubéole. En cas de menace d’épidémie
À partir de 12 mois
dans une collectivité d’enfants, on peut vacciner tous les sujets supposés
réceptifs, à partir de 9 mois. La vaccination immédiate peut être effıcace
si elle est faite moins de 3 jours après le contact avec un cas
Cette 3e injection peut être réalisée entre 5 et 12 mois après la date
Hépatite B, 3e injection
de la 2e injection
Diphtérie, tétanos, coqueluche, polio, Haemo- Lors du 1er rappel, on peut, si nécessaire, pratiquer en un site d’injection séparé,
philus influenzae b la vaccination associée rougeole-oreillons-rubéole
16-18 mois
Le vaccin coqueluche à germes entiers ou le vaccin acellulaire peuvent être
1er rappel
utilisés indifféremment
Rougeole, oreillons, rubéole Une seconde vaccination associant rougeole, oreillons, rubéole
Entre 3-6 ans
2e dose est recommandée pour tous les enfants
La vaccination par le BCG est obligatoire pour l’entrée en collectivité, donc
Avant 6 ans Tuberculose
pour l’entrée à l’école maternelle ou en primaire
La vaccination associée rougeole-oreillons-rubéole est recommandée
Diphtérie, tétanos, polio, 2e rappel
chez les enfants n’ayant pas encore été vaccinés ou n’ayant reçu qu’une dose.
6 ans
L’entrée à l’école primaire est une bonne occasion de vacciner éventuellement
Rougeole, oreillons, rubéole
le même jour que le 2e rappel diphtérie, tétanos, polio et/ou le BCG
Diphtérie, tétanos, polio
Un rappel tardif contre la coqueluche est recommandé chez tous les enfants,
3e rappel
l’injection devant être effectuée en même temps que le 3e rappel diphtérie,
Coqueluche
tétanos, polio avec le vaccin coquelucheux acellulaire
2e rappel
Une vaccination associée rougeole, oreillons, rubéole est recommandée pour
Rougeole, oreillons, rubéole
tous les enfants n’en ayant pas bénéficié, quels que soient leurs antécédents
11-13 ans rattrapage
vis-à-vis des trois maladies
Si la vaccination n’a pas été pratiquée dans l’enfance, un schéma complet
Hépatite B en trois injections : les deux premières à 1 mois d’intervalle, la 3e 5 mois après
la date de la 2e injection
Les sujets aux tests tuberculiniques négatifs, vérifiés par IDR, seront vaccinés
Épreuve tuberculinique
ou revaccinés (1)
Diphtérie, tétanos, polio
Rappels ultérieurs tétanos et polio tous les 10 ans
4e rappel
16-18 ans
La vaccination contre la rubéole est recommandée, par exemple lors
Rubéole pour les jeunes femmes non vaccinées
d’une visite de contraception ou prénuptiale
Tétanos, polio Tous les 10 ans
Uniquement pour les personnes appartenant à un groupe à risque : schéma
Hépatite B complet en trois injections : les 2 premières à 1 mois d’intervalle, la 3e, 5 mois
À partir de 18 ans après la date de la 2e injection
Pour les femmes non vaccinées en âge de procréer
Rubéole Si la sérologie prénatale est négative ou inconnue, la vaccination devra être
pratiquée immédiatement après l’accouchement, avant la sortie de la maternité
À partir de 65 ans Grippe Tous les ans

Lorsqu’un retard est intervenu dans la réalisation du calendrier indiqué, il n’est pas nécessaire de recommencer tout le programme des vaccinations imposant des injections répétées. Il suffit de reprendre ce programme au stade où il a été
interrompu et de compléter la vaccination en réalisant le nombre d’injections requis en fonction de l’âge.
(1) Après deux vaccinations par le BCG réalisées par voie intradermique, les sujets qui ont une intradermoréaction à la tuberculine négative sont considérés comme ayant satisfait aux obligations vaccinales.
IDR : intradermoréaction.
Des informations complémentaires peuvent être obtenues en consultant le site internet du ministère de l’Emploi et de la Solidarité : www.sante.gouv.fr, rubriques vaccinations ou actualités.

La vaccination DTC s’effectue sous forme de trois dispositions administratives. Le vaccin coquelucheux primovaccination pour ces vaccins en été 2000. Les
injections à 1 mois d’intervalle, à partir de l’âge de classique est très efficace (protection clinique de recommandations du Conseil supérieur d’hygiène
2 mois, suivies d’un rappel 12 mois après la 92 %) pendant plusieurs années, d’après les études publique sont de vacciner préférentiellement avec le
troisième injection. menées sur le terrain. vaccin à germes entiers en primovaccination, bien
Les modifications introduites dans le calendrier Les vaccins acellulaires paraissent un peu moins que le vaccin acellulaire puisse être utilisé, et d’utiliser
vaccinal contre la coqueluche au cours des dernières efficaces, mais sont mieux tolérés. Une autorisation indifféremment l’un ou l’autre pour le rappel au
années sont basées sur plusieurs observations et de mise sur le marché européenne a été donnée en cours de la deuxième année de vie [3].

2
Vaccinations - 8-0290


16 et 18 ans. Les rappels de vaccins associés T Polio Vaccination contre les infections
Ces intervalles ne doivent pas être sont recommandés pour tous les adultes tous les à « Haemophilus influenzae »
réduits, mais si un retard est intervenu 10 ans. Pour les personnels de santé exposés, les de type b
dans la réalisation du calendrier rappels dTPolio sont obligatoires.
La vaccination contre les infections à Hib est
indiqué, il n’est pas indiqué de Aucun cas de poliomyélite n’a été déclaré en
disponible en France depuis 1992, sous forme d’un
recommencer toute la série. Il suffit de France depuis 1991, le dernier cas importé date de
vaccin contenant 10 µg de polyribosylphosphate
1995. Mais de nombreux cas surviennent encore
reprendre le programme là où il a été conjugué à l’anatoxine tétanique. Il est administré
dans le sous-continent indien et en Afrique, justifiant
interrompu et de le compléter en sous forme combinée dans la même seringue, avec
l’entretien de la protection par vaccination non
ajoutant le nombre de doses le vaccin DTCPolio, et selon le même calendrier à
seulement des voyageurs mais de l’ensemble de la
d’injections requis en fonction de 2 mois, 3 mois, 4 mois et entre 16 et 18 mois. Pour
population et le maintien d’un système de
les enfants qui n’auraient pas été vaccinés à cet âge,
l’âge. surveillance vigilant [9].
il suffit de donner deux doses à 1 mois d’intervalle
aux enfants de plus de 6 mois et moins de 1 an, et
Les combinaisons classiques DTPolio, Hib sont une seule dose aux enfants de plus de 1 an et de
disponibles avec les nouveaux vaccins coquelu-
cheux, de même que des combinaisons
hexavalentes DTPolio, Hib, hépatite B et
coquelucheux acellulaires.

Vaccination contre la rougeole,
la rubéole et les oreillons
Le vaccin trivalent est disponible depuis 1986. Le
moins de 5 ans. L’impact de cette vaccination a été
immédiat, le nombre des méningites à Hib a été
réduit de plus de 90 % chez les enfants de moins de
5 ans depuis l’introduction généralisée de ce vaccin.
Les cas de coqueluche observés en France vaccin utilisé depuis 1994 est composé de trois
concernent actuellement les jeunes nourrissons et souches, Edmonston 749D pour le vaccin contre la
les adolescents et jeunes adultes [4].

Une injection complémentaire de


rougeole, la souche Wistar RA 27/3 pour le vaccin
contre la rubéole et la souche Jeryl Lynn pour la
souche contre les oreillons. Un autre vaccin est
également disponible, comportant la même souche

Vaccination contre l’hépatite B

Le vaccin contre l’hépatite B est un vaccin


vaccin coquelucheux acellulaire est contre la rubéole, la souche Schwarz contre la recombinant constitué d’une suspension inactivée et
donc maintenant recommandée pour rougeole et une souche voisine de Jeryl Lynn, la purifiée de l’antigène HBs, obtenu par clonage et
les enfants de 11 à 13 ans, pour souche RIT 4385, contre les oreillons. Les souches expression du gène viral dans les cellules, soit
prolonger leur protection. contre les oreillons utilisées maintenant sont moins ovariennes de hamster chinois (GenHevac B
réactogènes que la souche Urabe, utilisée jusqu’en Pasteurt), soit de levure Saccharomyces cerivisiae
1994 et responsable des réactions méningées. Pour (Engerix Bt et HB Vax DNAt). La dose varie selon le
– Les rappels de vaccins tétaniques et les enfants vivant en collectivité, on propose une
diphtériques sont recommandés à 6 ans, entre 11 et type de vaccin et l’âge du vacciné : GenHevac B
dose de vaccin rougeoleux à partir de 9 mois ; cette Pasteurt contient 20 µg d’Ag HBs sous 1 mL et est
13 ans et entre 16 et 18 ans. dose doit être suivie d’une vaccination trivalente
Aucun cas de diphtérie n’a été déclaré en France utilisable à partir de 15 ans, Engerix Bt enfant et
rougeole-oreillons-rubéole à l’âge de 12 mois ainsi nourrisson contient 10 µg d’Ag HBs sous 0,5 mL et
depuis 1989. La vague épidémique qui a sévi dans que d’une deuxième dose entre 3 et 6 ans. Par
les pays issus de l’ex-Union soviétique entre 1990 et est utilisable chez les enfants jusqu’à 15 ans, la
ailleurs, il est recommandé de proposer une dose de forme adulte contient 20 µg sous 1 mL, HB Vax
1997 est maintenant jugulée. Elle justifie pleinement vaccin trivalent aux enfants de 11 à 13 ans qui n’ont
la vérification de l’état vaccinal des voyageurs DNAt contient 5 µg dans 0,5 mL pour les enfants
pas encore été vaccinés. jusqu’à 15 ans, 10 µg dans 1 mL pour les adultes.
adultes à destination des pays encore endémiques,
et de compléter si besoin leur protection, ainsi que Pour les nourrissons, la mise récente sur le
l’entretien de l’immunité tous les 10 ans chez les marché de vaccins hexavalents combinés D, T,
La vaccination contre la rougeole, Coquelucheux acellulaire, Polio inactivé, Hib et
personnels de santé. la rubéole et les oreillons est
– La protection contre le tétanos doit être Hépatite B (Hexavact, infanrix Hexat), devrait
recommandée pour tous les enfants à faciliter la vaccination contre l’hépatite B au cours de
entretenue tous les 10 ans chez l’adulte. Plus
rapprochés, les rappels sont inutiles et risquent de
partir de l’âge de 12 mois. Une la première année de vie.
provoquer des réactions locales importantes. La deuxième dose de vaccin trivalent est La vaccination contre l’hépatite B a été réservée
protection des adultes et des personnes âgées reste également recommandée entre 3 et jusqu’en 1994 aux populations à risque personnel
insuffisante en France, puis qu’on déplore encore 6 ans. ou professionnel de contracter la maladie. Depuis
plusieurs dizaines de cas chaque année de cette 1994, deux autres catégories de personnes sont
maladie évitable par simple vaccination et qu’on ne candidates pour la vaccination contre l’hépatite B,
devrait plus voir. Enfin, rappelons que la vaccination contre la dans le but de les protéger et de réduire plus
rubéole doit être proposée aux jeunes filles et jeunes rapidement la circulation du virus ; ce sont d’une part
femmes jamais vaccinées, par exemple au moment les nourrissons, d’autre part les adolescents de 11 à


d’une visite de contraception ; l’étude sérologique 13 ans. À terme, dans une douzaine d’années, la
Vaccination contre préalable n’est pas utile. En raison d’un risque vaccination des adolescents ne devrait plus être utile
la poliomyélite
tératogène théorique du vaccin, il est nécessaire puisque les enfants devraient déjà avoir été vaccinés
En France, l’utilisation du vaccin poliomyélitique d’entourer la vaccination d’une contraception. Si la dans la première année de vie.
inactivé est recommandée depuis 1983. Le vaccin sérologie prénatale est négative chez une femme Le calendrier de vaccination comporte trois doses
oral atténué est réservé à d’éventuelles situations enceinte ou inconnue chez une jeune accouchée, la de vaccins, les deux premières à 1 mois d’intervalle,
épidémiques. Le vaccin poliomyélitique inactivé est vaccination devra lui être proposée immédiatement la troisième 5 à 12 mois après la deuxième.
préparé à partir des trois types de poliovirus, 1, 2, et après l’accouchement, avant la sortie de la Les populations à risque qui doivent également
3, cultivés sur lignée cellulaire Vero et inactivés par le maternité. être vaccinées sont :
formol. La composition pour une dose vaccinante de Malgré la disponibilité des ces vaccins depuis de – les nouveau-nés de mère porteuse de
0,5 mL est de 40 U de D antigène pour le type 1, 8 U nombreuses années, le nombre d’enfants protégés l’antigène HBs ;
pour le type 2 et 32 U pour le type 3. La reste insuffisant et il persiste encore trop de cas de – les enfants accueillis dans les services et
primovaccination, effectuée le plus souvent en ces maladies. La France compte encore plusieurs institutions pour l’enfance et la jeunesse
association avec les vaccins DTC et Hib, comporte milliers de cas de rougeole et d’oreillons, et les handicapées ;
trois injections à 1 mois d’intervalle, à partir de l’âge infections rubéoleuses pendant la grossesse, – les enfants et adultes accueillis dans les
de 2 mois, et un rappel 12 mois après la troisième, entraînant parfois des rubéoles congénitales institutions psychiatriques ;
entre 16 et 18 mois. Les rappels sont ensuite malformatives, surviennent encore trop souvent – les enfants d’âge préscolaire accueillis en
recommandés à 6 ans, entre 11 et 13 ans puis entre (40 cas en 1999). collectivité ;

3
8-0290 - Vaccinations

– les personnes ayant des relations sexuelles enseignants et aux personnes désirant éviter moins contre les pneumopathies et les otites.
avec des partenaires multiples ; l’indisponibilité consécutive à la grippe. Certains pays l’ont inclus dans le calendrier du
– les toxicomanes utilisant des drogues La primovaccination des enfants fragiles de 3 à nourrisson. En France, le Conseil supérieur d’hygiène
parentérales ; 8 ans s’effectue à raison de deux fois 0,25 mL à publique, dans son avis du 8 mars 2002,
– les voyageurs dans les pays de moyenne ou de 1 mois d’intervalle, celle des moins de 36 mois avec recommande son utilisation chez les nourrissons :
forte endémie (essentiellement l’Afrique une dose de 0,25 mL. – présentant une pathologie les exposant à un
sub-saharienne, l’Asie, certains pays de l’Amérique risque élevé d’infection invasive par le
centrale et du nord de l’Amérique du Sud) : le risque pneumocoque ;


doit être évalué au cas par cas par le médecin – ou exposés aux facteurs de risque liés à leur
vaccinateur en fonction de la durée et des conditions Autres vaccins mode de vie, garde en compagnie de plusieurs
du voyage, du type d’activités et d’éventuels risques jeunes enfants, ou ayant reçu moins de 2 mois
iatrogènes ; d’allaitement maternel.
D’autres vaccins sont utilisés dans des situations
– les personnes amenées à résider en zones de ‚ Vaccination contre les infections
spéciales ou selon des indications particulières et ne
moyenne ou de forte endémie ; à méningocoques
sont pas inclus dans le calendrier vaccinal applicable
– les personnes qui, dans le cadre d’activités
à l’ensemble de la population. Les vaccins disponibles en France sont des
professionnelles ou bénévoles, sont susceptibles
vaccins polysaccharidiques combinés et dirigés
d’être en contact direct avec des patients et/ou d’être ‚ Vaccination contre l’hépatite A contre les sérotypes A + C, ou A + C + Y + W135. Ils
exposées au sang et autres produits biologiques, soit
Le vaccin contre l’hépatite A est un vaccin viral ne sont pas actifs contre le sérotype B, type le plus
directement (contact direct, projections), soit
inactivé, injectable sous des doses différentes selon fréquemment responsable de méningites à
indirectement (manipulation et transport de
le type de vaccin et l’âge du vacciné. La vaccination méningocoques en France. De plus, ils ne sont pas
dispositifs médicaux, de prélèvements biologiques,
de l’adulte comporte une seule dose de vaccin efficaces chez le nourrisson. Le vaccin bivalent est
de linge, de déchets ; à titre indicatif et non limitatif
Havrixt titrant 1 440 unités ELISA, ou une dose de obligatoire à l’entrée à l’armée depuis 1992, en
sont concernés : les professionnels de santé libéraux,
vaccin Vaqtat titrant 25 unités antigéniques ou de raison de la fréquence et de la gravité des
les pompiers, les secouristes, les gardiens de prison,
vaccin Avaximt titrant 160 unités antigéniques. méningites à méningocoques C. Il est également
les éboueurs, les égoutiers, les policiers...) ;
L’enfant à partir de l’âge de 1 an doit recevoir une recommandé en cas d’épidémie à méningocoque A
– les patients susceptibles de recevoir des
dose de vaccin titrant 720 unités ELISA et un rappel 6 ou C dans des collectivités semi-fermées comme les
transfusions massives et/ou itératives (hémophiles,
à 12 mois plus tard. À partir de 2 ans, l’enfant peut écoles. Il s’applique alors aux enfants ayant été en
dialysés, insuffisants rénaux, candidats à une greffe
être vacciné avec le vaccin Vaqtat ou le vaccin contact avec le malade, à partir de 3 mois pour le
d’organe...) ;
Avaximt, à raison d’une seule dose suivie d’un type A et à partir de 12 mois pour le type C. Le vaccin
– l’entourage d’un sujet infecté par le virus de A + C + Y + W135 est obligatoire à l’entrée en
l’hépatite B ou porteur chronique de l’antigène HBs rappel 6 à 12 mois plus tard.
Les indications sont les sujets exposés ou Arabie saoudite pour les pèlerins du Hadj.
(famille vivant sous le même toit) ;
exposant professionnellement à un risque de Un nouveau vaccin de type C, conjugué et donc
– les partenaires sexuels d’un sujet infecté par le utilisable dès l’âge de 3 mois, est disponible
virus de l’hépatite B ou porteur chronique de contamination : personnel de crèches, d’internats
des établissements et services pour l’enfance et la (Meningitect depuis avril 2002).
l’antigène HBs [2].
Il faut noter que les rappels ne sont plus indiqués,
jeunesse handicapées, les personnels de traitement ‚ Vaccination contre la rage
des eaux usées et les personnels impliqués dans la Le vaccin utilisé en France est un vaccin inactivé,
sauf exceptions constituées par les adultes à risque
préparation alimentaire en restauration collective. préparé sur cultures cellulaires en lignée continue
ayant reçu une primovaccination après 25 ans, chez
Par ailleurs, la vaccination est recommandée pour Vero de souche Pitman Moore. La vaccination est
qui un contrôle sérologique doit être effectué, et les
les personnes, adultes non immunisés ou enfants recommandée en prévention pour les personnels
insuffisants rénaux chroniques dialysés chez qui une
au-dessus de 1 an, voyageant en zone d’endémie, des services vétérinaires, des laboratoires
sérologie annuelle est recommandée avec rappel
les jeunes des internats des établissements et manipulant du matériel contaminé ou susceptible de
dès que le taux d’anticorps descend au-dessous du
services pour l’enfance et la jeunesse handicapées et l’être, des fourrières des abattoirs ainsi que des
seuil protecteur.
les personnes exposées à des risques particuliers. équarrisseurs, les naturalistes, les taxidermistes, les
gardes-chasse, les gardes forestiers. Elle comporte
‚ Vaccination contre les infections


alors trois injections à j0, j7, et j21, suivies d’un
à pneumocoques
Vaccination contre la grippe rappel 1 an plus tard, puis tous les 3 ans. La
Le vaccin pneumococcique classique est un vaccination après exposition à la contamination est
vaccin polyosidique non conjugué, dirigé contre exclusivement faite dans les centres antirabiques
Les vaccins utilisés en France sont des vaccins 23 sérotypes de pneumocoques les plus agréés par le ministère chargé de la Santé et
inactivés contenant des souches de virus grippal fréquemment responsables d’infections et de comporte cinq injections aux jours j0, j3, j7, j14 et
sélectionnées chaque année en fonction du risque méningites. Il n’est pas suffisamment efficace chez le j30.
épidémiologique et déterminées selon les jeune enfant de moins de 2 ans.
‚ Vaccination contre la fièvre jaune
recommandations de l’OMS et de l’Agence française La vaccination comporte une injection de 0,5 mL
de sécurité sanitaire pour les produits de santé. Le Le vaccin provient d’une souche Rockefeller 17 D,
et est indiquée chez les personnes splénectomisées
vaccin contient au moins 15 µg de chacune des trois atténuée, et contient 100 DL50 par dose de 0,5 mL.
ou drépanocytaires (homozygotes, SC bêta-
hémagglutinines pour une dose vaccinante de La vaccination est fortement recommandée pour
thalassodrépanocytaires), les patients souffrant
0,5 mL. toutes les personnes voyageant, même pour une
d’insuffisance respiratoire, les patients alcooliques
courte durée, et a fortiori résidant dans une zone
La vaccination contre la grippe doit être atteints d’hépatopathie chronique, les insuffisants
endémique (zones intertropicales d’Afrique et
renouvelée tous les ans, pour les personnes âgées cardiaques et les sujets ayant des antécédents
d’Amérique), dès l’âge de 6 mois. Elle ne peut être
de plus de 65 ans, les personnes atteintes d’infection pulmonaire ou invasive à
effectuée que dans un centre habilité et le certificat
d’insuffisance respiratoire, affection bronchopulmo- pneumocoques.
international de vaccination est valable 10 ans à
naire chronique, affection cardiovasculaire, Un nouveau vaccin conjugué dirigé contre les
dater du dixième jour suivant la primovaccination et
insuffisance rénale, drépanocytose, diabète, sept sérotypes les plus fréquemment rencontrés
immédiatement après une dose de rappel ayant lieu
immunodépression (chez les personnes atteintes par dans les infections de l’enfant est maintenant
avant l’expiration du délai de 10 ans. La vaccination
le VIH, l’indication doit être portée par l’équipe qui disponible sur le marché (Prévenart). Il est
est obligatoire en Guyane.
suit le patient). administré avant 6 mois sous forme de trois
Mais la vaccination contre la grippe est également injections administrées dès le troisième mois d’âge ‚ Vaccination contre la fièvre typhoïde
conseillée aux personnes susceptibles de disséminer avec un rappel entre 16 et 18 mois. Il est efficace Le vaccin contre la typhoïde est constitué d’un
le virus, notamment les personnels de santé, les dans la protection contre les méningites à polyoside capsulaire comportant l’antigène de
personnels des institutions médicalisées, les pneumocoques et les infections invasives, mais virulence Vi et chaque dose de 0,5 mL contient 25 µg

4
Vaccinations - 8-0290

De façon générale, on retarde la vaccination


Tableau II. – Vaccins et voyages. d’une personne souffrant d’une maladie aiguë
jusqu’à guérison. En revanche, une infection
Indispensable chez les voyageurs et en particulier chez les rési-
dents en zone d’endémie, zone tropicale d’Afrique ou d’Amérique mineure, sans fièvre ni signes généraux, ne doit pas
Vaccination contre la fièvre jaune entraîner de retard à la vaccination. Une
du Sud, à partir de l’âge de 6 mois. La vaccination contre la fiè-
vre jaune est obligatoire en Guyane. Validité du certificat 10 ans hypersensibilité à l’un des composants du vaccin est
une contre-indication à ce vaccin.
Recommandations pour les voyageurs en zones d’endémie (à par-
– Le BCG, vaccin bactérien atténué, ne doit pas
Vaccination contre la diphtérie tir de 18 ans, il est recommandé d’utiliser un vaccin contenant
une dose réduite d’anatoxine diphtérique) être administré aux personnes souffrant de déficits
immunitaires congénitaux ou acquis touchant
Adultes non immunisés et enfants au-dessus de 1 an voyageant en l’immunité cellulaire (incluant les infections par le
Vaccination contre l’hépatite A
zone d’endémie, à hygiène précaire virus de l’immunodéficience humaine [VIH]). Dans le
Recommandée pour les séjours fréquents et prolongés dans les cas particulier des enfants nés de mère séropositive
Vaccination contre l’hépatite B
pays endémiques et où l’accès à des soins de qualité est aléatoire vis-à-vis du VIH, il faut observer l’enfant et suivre
l’évolution des anticorps maternels transmis jusqu’à
Enfants de plus de 18 mois et adultes jeunes se rendant dans des
Vaccination contre les méningoco- zones à risque d’épidémie, séjour prolongé en situation de forte l’âge de 9 à 14 mois. Ce n’est que lors de leur
ques A et C promiscuité en période épidémique, notamment en Afrique sahé- disparition, et si l’enfant fait partie d’un groupe à
lienne en saison sèche risque pour lequel la vaccination est indiquée, que la
vaccination pourra être effectuée. Si l’enfant est
Vaccination contre les méningoco- infecté, la vaccination est contre-indiquée, sauf
Pèlerins pour La Mecque
ques A, C, Y et W135
exception.
Séjour aventureux ou prolongé et en situation d’isolement dans un – Les vaccins viraux atténués, comme le vaccin
Vaccination contre la rage
pays à haut risque (surtout en Asie et notamment en Inde) poliomyélitique oral, le vaccin rougeoleux, le vaccin
Vaccination contre la fièvre typhoïde Voyageurs en zone d’endémie, à partir de l’âge de 2 ans rubéoleux, le vaccin contre les oreillons, ou contre la
fièvre jaune, ne doivent pas être administrés aux
Séjour prolongé en zone rurale en Asie du Sud et de l’Est. Vaccin personnes souffrant d’un déficit immunitaire
Vaccination contre l’encéphalite
disponible dans les centres agréés de vaccination (autorisation congénital ou acquis, ni aux femmes enceintes.
japonaise
temporaire d’utilisation nominative)
Cependant, une vaccination rubéoleuse faite au
Vaccination contre l’encéphalite Séjour en zone rurale (ou randonnée en forêt) en Europe centrale, début d’une grossesse méconnue ne comporte
à tiques orientale ou du Nord, au printemps ou en été qu’un risque théorique et ne justifie pas une
interruption thérapeutique de grossesse. De plus,
de polyoside. Le vaccin n’est pleinement efficace Lors d’un séjour prolongé ou dans les conditions l’administration de ce type de vaccins doit se faire à
chez l’enfant qu’à partir de 2 ans, et la vaccination d’hygiène précaires dans un pays endémique, il est distance d’une injection de gammaglobulines, 6
est administrée sous forme d’une dose injectable de recommandé d’être vacciné contre l’hépatite A (à semaines ou mieux 3 mois, sous peine d’inactiver le
0,5 mL. Conseillée pour les voyageurs vers des zones partir de 1 an) et la fièvre typhoïde (à partir de 2 ans). vaccin.
endémiques dans des conditions d’hygiène Lors d’un séjour dans une zone à risque de – Certains vaccins (vaccin rougeoleux, amaril,
précaires, la vaccination n’est obligatoire que pour le méningite à méningocoques, en particulier dans la grippal, ourlien) sont préparés sur cellules
personnel exerçant dans des laboratoires de zone intertropicale d’Afrique dite « la ceinture de la d’embryons de poulet et l’allergie vraie à l’œuf
biologie médicale. méningite », la vaccination antiméningococcique A constitue un risque théorique ; d’autres peuvent
et C est recommandée, en particulier pour les contenir des traces d’antibiotiques, et une allergie
‚ Vaccination contre la varicelle connue à cet antibiotique constitue une
enfants et adultes jeunes. Le vaccin antiméningococ-
Le vaccin contre la varicelle est un vaccin vivant cique A, C, Y et W 135 est exigé pour le pèlerinage à contre-indication ; le vaccin rubéoleux contient des
atténué actuellement réservé en France à l’usage La Mecque. traces de néomycine et le vaccin rougeoleux des
hospitalier. Il est recommandé aux seuls enfants La vaccination préventive contre la rage peut être traces de néomycine et kanamycine par exemple.
exposés au risque de formes graves de varicelle, indiquée lors de séjours prolongés ou aventureux – Les vaccins viraux inactivés n’ont généra-
comme ceux présentant une hémopathie maligne dans des pays à risque de rage. lement pas de contre-indications en dehors de
ou une tumeur solide. L’entourage séronégatif de Lors du voyage d’un adulte dans un pays certaines maladies malignes pour le vaccin contre la
ces enfants peut également bénéficier de la d’endémie diphtérique, un rappel de vaccin grippe.
vaccination. La vaccination s’effectue sous forme de diphtérique, avec le vaccin à concentration réduite – Les vaccins coquelucheux, à corps bactériens
deux injections à 3 mois d’intervalle. en anatoxine pour adulte, est indispensable. entiers ou acellulaires, ont les mêmes contre-
Pour un séjour prolongé en zone rurale en Chine, indications, à savoir les encéphalopathies évolutives,


Asie du Sud-Est, ou sous-continent indien, le vaccin convulsivantes ou non, une forte réaction survenue
Vaccination des voyageurs contre l’encéphalite japonaise est recommandé. De dans les 48 heures suivant une injection antérieure
même, pour un séjour estival en zone rurale de vaccin coquelucheux (fièvre supérieure à 40 °C,
d’Europe centrale, la vaccination contre l’encéphalite syndrome du cri persistant, convulsion fébrile ou
Quelles que soient la destination et la durée du à tiques peut être indiquée [12]. non, syndrome d’hypotonie-hyporéactivité, réaction
séjour, les voyageurs doivent être à jour de leurs d’hypersensibilité).
vaccinations usuelles en fonction de leur âge – Pour les personnes infectées par le VIH, les
(tableau II).
Certaines vaccinations doivent être faites selon le
lieu et les conditions du séjour. Un séjour en zone
tropicale d’Afrique ou d’Amérique du Sud implique

Contre-indications

Les contre-indications aux vaccinations sont rares.


contre-indications dépendent de l’état immunitaire
et il faut autant que possible éviter de vacciner
lorsque le taux de lymphocytes CD4 est inférieur à
200/mm3 et/ou quand la charge virale est élevée.
une vaccination contre la fièvre jaune, possible dès Elles sont précisées dans le résumé des Pour les enfants infectés et les vaccins à virus vivants
l’âge de 6 mois et exigible à partir de 1 an. caractéristiques du produit pour chaque vaccin, et atténués, comme le vaccin rougeoleux, l’indication
Lors de séjour dans un pays de moyenne ou forte reprises dans le Dictionnaire des spécialités doit être posée par une équipe spécialisée compte
endémie pour l’hépatite B, la vaccination est pharmaceutiques. Rappelons que la vaccination est tenu du risque potentiel du vaccin et de la gravité
recommandée, particulièrement si les séjours sont un acte médical, qui doit être précédé d’un exceptionnelle de la rougeole sur ce terrain. Les
longs ou fréquents. Les pays concernés sont l’Afrique interrogatoire et d’un examen clinique, pour vaccins inactivés peuvent être utilisés. Pour les
tropicale, l’Asie du Sud-Est, la Chine, l’Europe de l’Est, rechercher des antécédents ou des signes qui adultes infectés par le VIH, les vaccinations contre la
le Bassin méditerranéen, le Moyen-Orient et pourraient contre-indiquer, de façon temporaire ou grippe et les infections à pneumocoques ne sont pas
l’Amérique du Sud. définitive, la vaccination. recommandées. La vaccination contre le tétanos en

5
8-0290 - Vaccinations

revanche est conseillée. Les vaccinations contre la ‚ Couverture vaccinale neurologiques démyélinisants évoquant des
diphtérie, les infections à méningocoques, la poussées de sclérose en plaques dans les suites de
typhoïde sont possibles [7]. La couverture vaccinale représente la proportion
de personnes ayant reçu un vaccin indiqué parmi vaccination contre l’hépatite B ont justifié
Enfin, certaines précautions doivent être prises : l’organisation d’études initiées dès 1994. Les
– quant aux intervalles à respecter entre des l’ensemble de la tranche d’âge pour lequel ce vaccin
est indiqué. Elle est évaluée de manière analyses statistiques n’ont pas mis en évidence de
vaccins : pas de rappel de vaccin contre les infections liens entre les deux événements, et s’il existe, le
à pneumocoques à moins de 3 ans de la dose systématique et au niveau national dans certaines
tranches d’âge. Elle est également mesurée de façon risque est très inférieur aux bénéfices de la
précédente ; vaccination [10].
– quant aux doses et techniques d’adminis- ponctuelle dans des occasions particulières.
tration : respecter la voie d’injection intradermique Les certificats de santé du 24e mois comportent ‚ Impact épidémiologique
pour le BCG, et la dose, 0,05 mL pour les enfants de des indications sur l’état vaccinal des enfants et des vaccinations
moins de 1 an et 0,1 mL après 1 an ; permettent d’estimer la proportion d’enfants ayant
La surveillance des maladies évitables par
– il existe également certaines précautions reçu trois doses et éventuellement un rappel de
vaccination est répartie entre l’Institut de veille
d’emploi à respecter avant la vaccination. vaccins DT, coquelucheux, poliomyélitique, Hib et
sanitaire, un réseau de médecins généralistes
hépatite B, une dose de BCG et rougeole-oreillons-
« Sentinelles », géré par l’Inserm, et des centres de
rubéole. Ces certificats sont exploités en routine
référence. L’impact épidémiologique de la


Réalisation, suivi et évaluation chaque année. En 1999, 97 % des enfants ont reçu à
vaccination est manifeste. Aucun cas de poliomyélite
des programmes de vaccination 24 mois, trois doses de DTCPolio, et 87 % ont reçu
en France autochtone dû à un virus sauvage n’est survenu en
un rappel ; 82 % ont reçu le BCG et 83 % les vaccins
France depuis 1990. Aucun cas de diphtérie n’a été
contre la rougeole et la rubéole ; 85 % ont reçu
Les vaccinations sont effectuées en France, soit déclaré depuis 1990, malgré l’épidémie dans les
quatre doses de vaccin Hib, mais seulement 24 % la
dans le secteur public (centres de vaccination ou de pays de l’Europe de l’Est. Cependant, un enfant
vaccination contre l’hépatite B. Ces résultats, malgré
Protection maternelle et infantile…) où elles sont français non vacciné est décédé de diphtérie au
les limites et les insuffisances de l’exploitation,
gratuites, soit dans le secteur privé, par les médecins Népal en 1996. L’introduction de la vaccination
correspondent aux chiffres trouvés par d’autres
libéraux, et les vaccins recommandés dans le généralisée contre les infections à Hib a permis de
méthodes (à 3-4 ans en Protection maternelle et
calendrier vaccinal sont remboursés à 65 %. La diminuer de 90 % l’incidence de ces maladies chez
infantile, et lors des enquêtes à 6 ans par un
proportion de vaccinations effectuées par chacun de les moins de 5 ans.
échantillon représentatif à l’échelle nationale). Il faut
ces secteurs est très variable d’un département à noter des différences importantes entre les Malheureusement, la situation est moins bonne
l’autre, mais au niveau national, le secteur privé départements, par exemple les écarts sont de 64 % à en ce qui concerne la rougeole et la rubéole, puisque
réalise 85 à 90 % des actes vaccinaux. 91 % pour le vaccin rougeoleux [11]. la France estime encore le nombre de rougeoles à
Des campagnes de promotion de la vaccination plusieurs milliers chaque année, et que 40 femmes
Chez les enfants plus âgés, les jeunes recrues, les
en général, mais aussi de certaines vaccinations, enceintes ont encore été infectées par la rubéole en
adultes, les voyageurs, des enquêtes spéciales sont
(rougeole, oreillons, rubéole, grippe) sont réalisées 1999 [13]. On a encore déploré 17 cas de tétanos en
menées. Elles confirment l’insuffisance de la
périodiquement par le Comité français d’éducation 1999 dont quatre décès [1]. De plus, la couverture
protection contre la rougeole et la rubéole chez les
pour la santé. Elles s’adressent au grand public, soit vaccinale de nourrissons contre l’hépatite B stagne
adolescents, de celle contre la diphtérie, le tétanos et
directement par des messages diffusés par les depuis des années autour de 30 %.
la poliomyélite chez les adultes. Elles montrent
médias, soit indirectement par des relais constitués également le grand succès qu’a eu, jusqu’en 1998, la


des services de promotion de la santé en faveur des vaccination contre l’hépatite B chez les adolescents,
élèves de l’Éducation nationale, les services de mais aussi le coup de frein qu’a provoqué la Conclusion
Protection maternelle et infantile, les Conseils suspension de cette vaccination en milieu scolaire en
généraux, et par les médecins, destinataires de octobre 1998. Les personnes de plus de 65 ans sont
documents spécifiques. Des études sont également vaccinées pour 70 % contre la grippe. Les vaccinations sont le plus souvent bien
réalisées pour connaître les opinions et attitudes acceptées en France, et leur impact en termes de
vis-à-vis de la vaccination des adultes, des jeunes, ‚ Effets indésirables des vaccins réduction de l’importance des maladies est
des médecins, des pharmaciens pour mieux cibler la La surveillance des effets indésirables des vaccins important. Certains succès sont éclatants, comme la
communication. relève, comme tout médicament, de la pharmacovi- réduction rapide des infections à Hib. Mais des
Plusieurs catégories de données sont suivies pour gilance. Ces effets indésirables doivent être déclarés progrès restent à faire pour améliorer la couverture
évaluer le programme de vaccination : la couverture à l’Agence française de sécurité sanitaire des vaccinale des nourrissons contre l’hépatite B,
vaccinale, l’efficacité vaccinale, les effets indésirables produits de santé, par l’intermédiaire des Comités contrôler la rougeole, la rubéole et les oreillons, et
des vaccins et l’impact épidémiologique des régionaux de pharmacovigilance. Cette déclaration assurer une protection permanente des adultes et
vaccinations. est obligatoire. Les signalements de troubles des personnes âgées.

6
Vaccinations - 8-0290

Nicole Guérin : Pédiatre, membre du Comité technique des vaccinations,


22, rue du Colonel-Fabien, 92160 Antony, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : N Guérin. Vaccinations.


Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0290, 2002, 7 p

Références

[1] Antona D. Le tétanos en France en 1998 et 1999. Bull Épidémiol Hebd 2001 ; [8] Guide des vaccinations. Édition 1999. Ed DGS, CNAM, CFES, 1999
n° 17 : 79-81
[9] Le point sur l’élimination de la poliomyélite. Bull Épidémiol Hebd 2000 ;
[2] Avis du comité technique des vaccinations et de la section des maladies trans- n° 46-47 : 201-211
missibles du Conseil supérieur d’hygiène publique de France concernant la vacci-
nation contre l’hépatite B. Bull Épidémiol Hebd 1998 ; n° 31 : 133-134 [10] Lévy-Bruhl D, Rebière I, Desenclos JC, Drucker J. Comparaison entre les
risques de premières atteintes démyélinisantes centrales aiguës et les bénéfices de
[3] Avis du conseil supérieur d’hygiène publique de France du 9 février 2001 la vaccination contre l’hépatite B. Bull Épidémiol Hebd 1999 ; n° 9 : 33-35
relatif à la vaccination contre la coqueluche des nourrissons. Bull Épidémiol Hebd
2001 ; n° 19 : 89-90 [11] Mesure de la couverture vaccinale en France : bilan des outils et des métho-
des en l’an 2000. Rapport Institut de veille sanitaire, Février 2001
[4] Bonmarin I, Six C, Laurent E, Baron S, Haeghebaert S, Guiso N. RENA-
COQ : Surveillance de la coqueluche à l’hôpital en 1999. Bilan de 4 années de
surveillance. Bull Épidémiol Hebd 2001 ; n° 18 : 83-87 [12] Recommandations sanitaires pour les voyageurs 2001 (à l’attention des pro-
fessionnels de santé). Bull Épidémiol Hebd 2001 ; n° 28 : 131-137
[5] Calendrier vaccinal 2000. Bull Épidémiol Hebd 2002 ; n° 6 : 23-25
[13] Six C, Bouraoui L, Lévy-Bruhl D, et les biologistes du réseau RENARUB.
[6] Décret n° 96-775 du 5 septembre 1996 relatif à la vaccination par le vaccin La rubéole chez la femme enceinte et le nouveau-né en France métropolitaine en
antituberculeux BCG et modifiant le Code de la santé publique. Journal offıciel de 1999 : les données du réseau RENARUB. Bull Épidémiol Hebd 2001 ; n° 29 :
la république française, 7 septembre 1996 139-141

[7] Dormont J. Prise en charge des personnes atteintes par le VIH. Rapport 1996.
Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1996

7
8-0310
8-0310

Alimentation et régimes divers


Encyclopédie Pratique de Médecine

en pathologie pédiatrique
C Dumas-Quinaux

L ’alimentation joue un rôle clé dans le traitement de la plupart des maladies digestives du nourrisson et du
jeune enfant : diarrhée aiguë, troubles fonctionnels du transit, intolérances alimentaires spécifiques, mais aussi
phénylcétonurie ou galactosémie dont l’évolution clinique est directement corrélée à la précocité de la prise en
charge diététique. Citons également la mucoviscidose où une alimentation hypercalorique et suffisamment riche en
graisses a montré son efficacité dans le pronostic à long terme.
© Elsevier, Paris.

‚ Diarrhée aiguë

Troubles du transit Tableau I. – Modalités de la réalimentation en cas de diarrhée aiguë.

Nourrisson recevant une alimentation lactée exclusive


Allaitement maternel :
— poursuivre l’allaitement ;
— administrer des solutés de réhydratation entre les tétées, au biberon.
Conséquences physiopathologiques Allaitement artificiel :
de la diarrhée — avant l’âge de 3 mois : substitut du lait contenant des protéines hydrolysées pendant 10 à 15 jours, puis
reprendre un lait premier âge ;
Les conséquences physiopathologiques de la — après l’âge de 3 mois : soit lait premier âge à concentration normale (régime normal) ; soit lait appauvri
diarrhée sont doubles [20] : d’une part, il existe une en lactose (Olact, HNRNt, Diargalt, AL110t) en cas d’aggravation de la diarrhée sous régime normal ou
fuite d’eau et d’électrolytes dans la lumière de diarrhée sévère avec déshydratation importante.
intestinale dont la diarrhée est la traduction clinique Nourrisson recevant une alimentation diversifiée
et qui peut être à l’origine d’une déshydratation Éviter de manière transitoire les légumes et les fruits crus, les jus de fruits. Veiller à proposer des apports
aiguë ; d’autre part, la souffrance de la muqueuse caloriques et protéiques suffısants : riz, carottes, pâtes, pommes de terre, bananes, compotes de pommes,
intestinale peut être responsable : pommes-coings, viandes blanches, poisson.
Reprise du lait deuxième âge et des laitages d’emblée, sauf en cas de diarrhée sévère avec déshydratation
– d’un syndrome de maldigestion-malabsorption importante ou d’aggravation de la diarrhée à la réintroduction du lactose.
qui peut intéresser les graisses mais aussi les sucres
et notamment les disaccharides (lactose, saccharose)
que l’on ne réintroduira que progressivement dans
l’alimentation en cas de gastroentérite sévère [10] ; – l’absorption du sodium par les entérocytes d’échec de la réhydratation orale (refus de boire,
– d’une exsudation intestinale avec perte azotée dépend de la présence concomitante de glucose vomissements répétés, diarrhée profuse), une
qui, jointe à la malabsorption, est un facteur dans la lumière intestinale. réhydratation par voie intraveineuse peut être
d’installation d’une dénutrition ; En France, la composition des solutés de indiquée en milieu hospitalier.
– d’une augmentation de la perméabilité réhydratation est adaptée aux pertes fécales moyennes
intestinale avec possibilité de passage de protéines Réalimentation (tableau I)
constatées dans les diarrhées aiguës, à savoir environ
alimentaires (notamment les protéines du lait de 30 à 60 mmol/L de sodium, 20 à 25 mmol/L de Elle doit être précoce pour éviter la survenue
vache) et risque de sensibilisation à ces protéines potassium. La teneur en glucose est comprise entre 60 d’une dénutrition qui affaiblirait les défenses
étrangères, surtout chez le jeune nourrisson de et 140 mmol/L. pour tous les solutés, la reconstitution se immunitaires et favoriserait la pérennisation de la
moins de 3 mois [21]. fait en diluant un sachet dans 200 mL d’eau. diarrhée. Ses modalités dépendent essentiellement
de l’âge de l’enfant et du stade de la diversification
En pratique, selon les dernières recommandations
Réhydratation alimentaire [20]. En pratique :
de l’ESPGAN (European Society of Paediatric
Elle constitue le premier temps du traitement. Gastroenterology and Nutrition) en cas de diarrhée ¶ Chez les nourrissons recevant
Dans la majorité des cas, elle peut se faire par voie légère ou modérée les solutés doivent être une alimentation lactée exclusive
orale. Les solutés de réhydratation gluco- administrés seuls pendant une courte période de S’ils sont au sein, l’allaitement ne doit pas être
électrolytiques doivent être employés dans ces jeûne n’excédant pas 4 heures chez le nourrisson et interrompu car le lait de femme reste bien toléré.
situations [12, 16]. Le principe de ces solutés réside S’ils reçoivent un allaitement artificiel :
© Elsevier, Paris

poursuivis pendant la durée de la phase diarrhéique


essentiellement dans les faits suivants : en compensation des pertes hydroélectrolitiques Avant l’âge de 3 mois : l’alimentation sera reprise
– les entérocytes conservent toujours un pouvoir dans les selles. Ils sont proposés de manière avec un substitut du lait contenant des protéines
d’absorption du sodium et donc de l’eau, quelle que fréquente et de préférence, en petites quantités hydrolysées qui sera poursuivi 10 à 15 jours avant
soit l’intensité de la diarrhée ; surtout si l’enfant a tendance à vomir [22]. En cas de reprendre un lait premier âge.

1
8-0310 - Alimentation et régimes divers en pathologie pédiatrique

Après l’âge de 3 mois : douleurs abdominales imprécises et de troubles du


– si la diarrhée est légère à modérée et selon les Principales causes de constipation transit à type de diarrhée, voire d’alternance de
dernières recommandations de l’ESPGAN [22] le lait fonctionnelle chez l’enfant diarrhée et de constipation. Son évolution n’entraîne
habituel peut être repris après 4 heures de jeûne ; en ✔ Erreurs de régime : pas de retentissement sur la croissance
effet, il n’est pas nécessaire de restreindre l’apport en – erreur de reconstitution des laits ; staturopondérale de l’enfant. La physiopathologie
lactose dans la majorité des cas de diarrhées en – consommation excessive de de ce type d’affection reste imprécise.
Europe ; féculents, de sucreries, absence de L’influence d’une alimentation déséquilibrée à
– ce n’est que si la diarrhée s’aggrave à la reprise fibres ; l’origine ou entretenant ces anomalies du transit
du lait habituel ou dans les cas de diarrhées sévères – consommation insuffisante d’eau. intestinal a été rapportée [4, 5]. Les anomalies les plus
ou prolongées, que la prescription d’un lait appauvri ✔ Dénutrition, anorexie. fréquemment relevées sont un régime pauvre en
en lactose se justifie (Olact, HNRNt, Diargalt, ✔ Prises médicamenteuses : graisses (induisant une diminution de la sécrétion
AL110t), donné d’emblée à concentration normale, anticomitiaux, anticholinergiques, d’hormones susceptibles d’interférer avec la
permettant de fournir rapidement un apport motricité, telle la cholécystokinine), hyperglucidique
antispasmodiques, fer, certains
énergétique correct et qui sera poursuivi 10 à 15 (osmolarité élevée) ou hyperprotidique
épaississants utilisés dans le
jours avant de reprendre un lait premier âge. (augmentation de la flore protéolytique). Le rôle du
traitement du reflux, diurétiques et
lactose dans la genèse ou l’entretien de cette
¶ Chez les nourrissons recevant une alimentation laxatifs.
pathologie est peut-être double : hypolactasie (en
diversifiée ✔ Événements déclenchants : voyage,
Toujours selon l’ESPGAN l’alimentation normale particulier dans les côlons irritables faisant suite à
changement des habitudes de vie ou
peut être reprise après les 4 heures de réhydratation une gastro-entérite aiguë) ou échappement aux
d’alimentation, stress psychologique, zones normales d’absorption du lactose par
orale, en particulier la réintroduction du lait problèmes familiaux, scolarisation...
deuxième âge à concentration normale d’emblée et hypermotricité, d’où les effets fermentatifs
de laitages [17]. Il faut veiller à proposer des apports coliques [18].
caloriques et protéiques suffisants à l’aide de riz, vérifier avant tout le mode de reconstitution du lait
carottes, pâtes, pommes de terre, bananes, Prise en charge diététique
(sous-alimentation par quantité insuffisante de
compotes de pommes, pommes-coings, et protéines poudre pour le volume d’eau, stagnation pondérale). Elle consiste d’abord à rétablir une ration
animales comme les viandes blanches (poulet, En l’absence d’erreur diététique, on peut proposer alimentaire équilibrée avec 50 % de l’apport
jambon maigre) ou le poisson. Il est préférable, l’utilisation d’un lait adapté moins riche en caséine, la calorique sous forme de glucides, 15 % sous forme
pendant la période aiguë, d’éviter les légumes et les préparation des biberons avec de l’eau Hépart, de protides et 30 % sous forme de lipides.
fruits crus, ainsi que les jus de fruits. et/ou l’introduction de jus de fruits dans Il faut réduire les apports en glucides de type
L’éviction du lactose se justifie si la diarrhée l’alimentation. mono- et disaccharides à effet osmolaire élevé tels
s’aggrave à la reprise du lait normal ou en cas de que les sucres libres (saccharose, jus de fruits, sodas,
diarrhée sévère avec déshydratation importante.
¶ Chez l’enfant recevant une alimentation sucreries) et le lactose susceptible d’entraîner des
diversifiée
fermentations coliques. Il est donc recommandé
La prolongation excessive d’un régime
‚ Constipation d’utiliser un lait appauvri en lactose (Diargalt, AL
lactofarineux peut être responsable de constipation.
La constipation se caractérise par l’émission 110t, HNRNt ou OLACt) ; les yaourts, les petits
La diversification de l’alimentation et notamment
parfois difficile et douloureuse de selles trop rares et suisses sont en général bien tolérés (faible teneur en
l’introduction des fruits et des légumes suffit alors
trop dures ; dans la très grande majorité des cas, il lactose), de même que les fromages à pâte dure.
généralement à rétablir un transit normal. Chez
s’agit d’un phénomène fonctionnel. Une pathologie l’enfant plus grand, c’est la consommation excessive L’attitude préconisée en ce qui concerne les fibres
organique telle la maladie de Hirschsprung sera de sucreries et de boissons sucrées qui est le plus est plus discutée et sujette à variation selon les
néanmoins éliminée par un examen médical. souvent en cause. équipes. Il semble cependant préférable de limiter les
La correction des erreurs diététiques et apports en fibres dures (fruits et légumes crus) qui
En l’absence d’erreur diététique chez un enfant
l’application d’un régime adapté à ce type de peuvent être source d’irritation colique (la cellulose
ayant déjà une alimentation diversifiée, il convient
pathologie fonctionnelle permettent d’obtenir une fermentée est une source d’acides organiques et de
d’augmenter les aliments riches en fibres tels que les
régularisation du transit intestinal. Les mesures gaz) : consommer les fruits et les légumes cuits et
légumes (notamment les légumes verts) et les fruits
diététiques à proposer dépendent de l’âge de éviter les crudités, les fruits crus et les aliments
crus ou en compote. Il faut aussi augmenter la ration
l’enfant [8]. complets. Un apport excessif de protides doit être
hydrique, l’eau pure étant la seule boisson
évité.
nécessaire à notre équilibre alimentaire. En cas
¶ Chez l’enfant de moins de 4 mois Les graisses cuites doivent être limitées (fritures,
La constipation n’est pas rare chez l’enfant d’échec de ces mesures, on peut conseiller dès 18
mois la consommation régulière de son : il est plats en sauce) et il est préférable de préconiser
nourri au sein. Elle doit faire rechercher en premier l’emploi de graisses végétales plus digestes utilisées
lieu une sous-alimentation par insuffisance de nécessaire d’augmenter progressivement les doses
pour ne pas se heurter à des problèmes de tolérance dans les vinaigrettes (huiles à acides gras mono- et
lactation maternelle se traduisant par un polyinsaturés) ainsi que la margarine ou même le
ralentissement de la courbe de croissance à type de ballonnement abdominal et de flatulences.
Cette consommation peut se faire sous forme de beurre cru.
pondérale. En l’absence de dénutrition, on peut
essayer d’intervenir sur l’alimentation de la mère en pain au son ou de céréales au son disponibles dans


lui conseillant de consommer des légumes verts et les grandes surfaces, ou bien sous forme de paillettes
des fruits en quantité plus importante. Toutefois, ajoutées dans l’alimentation et disponibles dans les Intolérances alimentaires
officines.
spécifiques
lorsque cette constipation persiste sans
retentissement sur le développement et le confort du Enfin, la diététique doit parfois s’inscrire dans le
nourrisson, elle est davantage la conséquence de la cadre d’une prise en charge plus générale du malade ‚ Allergie aux protéines du lait de vache
pauvreté des résidus de l’allaitement maternel que le incluant des mesures hygiéniques, comportemen- L’allergie aux protéines du lait de vache est une
reflet d’un véritable trouble fonctionnel intestinal. En tales, voire si nécessaire médicamenteuses. affection fréquente qui atteint 2 à 3 % des
général, la diversification s’accompagne d’une nourrissons et qui se manifeste par des troubles
régularisation du transit.
‚ Côlon irritable
digestifs à type de diarrhées et/ou de vomissements
Chez les nourrissons nourris avec un lait Cette terminologie recouvre un ensemble avec ralentissement de la courbe de croissance
industriel, la survenue d’une constipation doit faire symptomatique constitué le plus souvent de pondérale dans les jours suivant l’introduction des

2
Alimentation et régimes divers en pathologie pédiatrique - 8-0310

laits industriels pour nourrissons. C’est le caractère ¶ Chez les grands enfants (> 6 mois)
immunogène de certaines protéines (β - Ce régime est très appauvri en calcium ; aussi Régime préconisé en cas de maladie
lactoglobuline, lactalbumine, caséine) qui est est-il nécessaire de compléter les apports par du cœliaque (intolérance au gluten)
responsable des manifestations d’intolérance. Le calcium médicamenteux. Il convient d’exclure de l’alimentation
traitement est uniquement diététique : il consiste à Heureusement, le régime ne devra pas être les produits issus du blé, du seigle, de
exclure toute protéine bovine lactée de poursuivi à vie puisqu’une tolérance est acquise l’orge et de l’avoine, à savoir :
l’alimentation. En raison de la fréquence des allergies dans la très grande majorité des cas au cours de la ✔ les farines ordinaires, les farines
croisées, il est préférable d’exclure également les deuxième année. infantiles (à l’exception de celles qui
protéines de soja. sont certifiées sans gluten), la
En pratique, les difficultés de ce régime sans ‚ Maladie cœliaque (intolérance au gluten)
semoule, les céréales soufflées ;
protéines de lait de vache sont bien différentes selon Le gluten constitue la fraction protéique du blé et ✔ toutes les variétés de pains, de
que l’on a affaire à un nourrisson ayant dépassé ou d’autres céréales (seigle, orge et avoine) obtenue biscottes ;
non l’âge de 4 mois [8]. après extraction de l’amidon de la farine par son ✔ les pâtes ;
pétrissage sous l’eau. La responsabilité du gluten
¶ Avant l’âge de 4 mois ✔ tous les biscuits salés ou sucrés, les
dans la maladie cœliaque a été mise en évidence
Les principes du régime sont les suivants : pâtisseries ou entremets ;
par Dicke en 1950. Le gluten est composé lui-même
poursuite de l’allaitement maternel exclusif le plus ✔ les préparations panées ;
de quatre classes hétérogènes de protéines ; seules
longtemps possible. Lorsque l’allaitement au sein ✔ les plats cuisinés (en conserve,
les gliadines sont susceptibles d’être toxiques pour la
doit être interrompu ou si la mère n’a jamais allaité, il surgelés ou chez le traiteur), sauces,
muqueuse intestinale chez les sujets prédisposés.
faut faire appel à des substituts du lait à base de potages (en boîte ou instantanés).
Les principes du régime sont simples : il faut
protéines ayant subi une hydrolyse poussée et qui Ces produits sont interdits sauf si la
exclure totalement de l’alimentation les produits
ne sont donc plus susceptibles de porter la fraction liste des ingrédients figurant sur
issus du blé, du seigle, de l’orge et de l’avoine [8, 13].
antigénique responsable des réactions allergiques l’emballage précise qu’ils ne
Parmi les aliments interdits de manière immuable
(poids moléculaire peptidique au maximum contiennent pas de farine.
chez les sujets ayant une maladie cœliaque, on
< 3 500 Da) :
trouve :
– hydrolysats de caséine : Galliagène progresst
– les dérivés industriels de céréales : farines
(Laboratoire Gallia) ; Nutramigent, Pregestimilt
ordinaires, farines infantiles (à l’exception de celles diététiciennes des hôpitaux et fournies aux malades.
(Laboratoire Mead-Johnson) ;
qui sont certifiées sans gluten), semoule, céréales D’autre part, il faut que les individus atteints de
– hydrolysats de protéines du lactosérum :
soufflées ; maladie cœliaque apprennent à lire avec soin la
Alfarét (Laboratoire Nestlé) ; Pepti-juniort
– les produits alimentaires fabriqués à partir de composition des aliments figurant sur les
(Laboratoire Nutricia).
ces céréales ou de leur dérivés : toutes variétés de emballages de produits industriels et excluent ceux
Les autres particularités en ce qui concerne la
pains, de biscottes, de pâtes, tous les biscuits salés ou où figurent les termes de : farine, blé, froment, orge,
composition de ces substituts du lait sont les
sucrés, les pâtisseries ou entremets ; seigle, avoine, produits amylacées d’origine non
suivantes :
– les préparations panées ; précisée.
– absence de lactose, les glucides étant
– mais aussi les nombreux produits industriels du ■ Les produits céréaliers représentent une part
représentés en majorité par le dextrine-maltose ;
commerce dans lesquels le gluten est souvent importante de l’alimentation dans notre société.
– richesse en triglycérides à chaîne moyenne
présent, même en faible quantité ; c’est le cas des Lorsqu’ils sont amenés à vivre en collectivité, les
(TCM) oscillant suivant les formules de 40 à 60 % de
plats cuisinés (en conserve, surgelés ou chez le enfants sont donc soumis à des sollicitations
l’apport lipidique (sauf pour le Nutramigent : 100 %
traiteur), des sauces, des potages (en boîte ou permanentes d’autant plus difficiles à repousser que
de TCL).
instantanés) ; ces produits sont donc interdits sauf si le gluten est présent dans de nombreuses
Les laits dits hypoallergéniques (HA), dont
la composition et la liste des ingrédients inscrites sur « gourmandises » : pâtisseries, entremets, bonbons,
l’hydrolyse des protéine est nettement moins
l’emballage précisent qu’ils ne contiennent pas de chocolats.
poussée (persistance de peptides de poids
farine. ■ Le plus souvent, l’épreuve de réintroduction du
moléculaire > 3 500 Da) ne sont pas un traitement
En pratique, le régime sans gluten se heurte gluten ou les écarts réalisés par l’enfant plus grand
de l’intolérance aux protéines du lait de vache.
cependant à de nombreuses difficultés et nécessite ne s’accompagnent pas d’une rechute de la
¶ Après l’âge de 4 mois une prise en charge attentive comportant des symptomatologie digestive (même s’il existe une
La diversification alimentaire rend le traitement explications précises et renouvelées ainsi qu’une rechute histologique). Il est donc d’autant plus
diététique plus difficile à appliquer. surveillance soigneuse de la part des médecins et difficile de faire admettre l’intérêt de ce régime à un
On doit exclure de l’alimentation toutes les des diététiciens. enfant qu’il ne ressent aucun trouble particulier à
protéines lactées d’origine bovine : Ces difficultés sont rarement rencontrées chez le l’arrêt de ses efforts diététiques.
– le lait de vache sous toutes ses formes (lait UHT, jeune enfant à la phase initiale du régime ; à cet âge La durée du régime est un sujet encore débattu.
lait deuxième âge) et on doit continuer à utiliser les en effet, les céréales alimentaires peuvent aisément Cependant, plusieurs arguments viennent défendre
substituts du lait à base de protéines hydrolysées ; être remplacées par des farines de riz ou de maïs. De la nécessité de poursuivre ce régime durant toute la
– les laitages : yaourts, petits suisses, fromage, plus, la législation impose que pour les produits vie :
beurre, etc ; infantiles l’absence de gluten soit certifiée par la – la possibilité de réapparition des signes
– de nombreux produits alimentaires du mention « sans gluten » sur l’emballage. cliniques à l’âge adulte, notamment au cours de
commerce contenant du lait de vache, même en Les difficultés d’application du régime se grossesses ;
faible quantité : certaines farines infantiles, certains rencontrent surtout chez l’enfant plus âgé et tiennent – l’observation fréquente de signes biologiques
aliments en petits pots pour nourrissons (seuls sont à trois raisons différentes. infracliniques de carence (fer, folates...) chez des
autorisés ceux portant expressément la mention ■ Le gluten existe souvent de façon masquée sujets ayant une bonne tolérance clinique apparente
« sans lait ») et chez les enfants plus âgés, les dans de nombreux produits industriels alimentaires du gluten ;
biscottes, le pain de mie, le pain brioché et la plupart où les farines sont utilisées comme additifs ou – mais surtout le risque de développement
des biscuits. En pratique, les parents doivent être excipients sans que cela soit toujours signalé de ultérieur, à l’âge adulte, d’une affection maligne :
formés par une diététicienne avertie à lire de façon explicite sur l’emballage. Des listes de produits lymphomes et cancers épithéliaux de la partie haute
manière systématique les étiquettes des produits industriels courants ne contenant pas de gluten sont du tube digestif essentiellement sont plus fréquents
qu’ils achètent. cependant régulièrement établies par les dans cette population que dans la population

3
8-0310 - Alimentation et régimes divers en pathologie pédiatrique

générale. Une étude datant de 1989 a montré que le forme génotypique [1]. Malgré un régime bien équilibré qui ne contient pas de phénylalanine, en
risque est significativement plus élevé chez les conduit, le devenir neurologique à long terme reste association avec un aliment lacté diététique habituel
cœliaques qui prennent du gluten que chez ceux qui réservé. en quantité dosée (lait premier âge ou même
suivent un régime strict [15]. En pratique, il faut supprimer de l’alimentation [2] : allaitement maternel qui s’avère dans ces conditions
– le lait et les laitages, puisque le galactose est le très difficile à réaliser) ;
‚ Intolérance au lactose produit d’hydrolyse du lactose dans la lumière ■ chez l’enfant recevant une alimentation
intestinale (avec le glucose) ; il faut donc éliminer diversifiée, la composition globale du régime doit
Le lactose est le sucre principal des produits
tous les produits laitiers ainsi que les préparations rester équilibrée mais le choix de la qualité des
laitiers. La lactase est une enzyme entérocytaire qui
industrielles et les médicaments contenant du protéines ingérées doit tenir compte de leur teneur
permet l’hydrolyse de la molécule de lactose en
lactose ; en phénylalanine :
deux monosaccharides facilement absorbables : le
– certains végétaux qui contiennent des – les viandes, poissons, œufs, laitages, légumes
glucose et le galactose. Cette enzyme est rapidement
galactosides théoriquement métabolisables chez secs et fruits secs sont exclus de l’alimentation en
abaissée lors des agressions diverses de la
l’être humain par les bactéries intestinales : soja, lait raison de leur trop forte teneur en phénylalanine ;
muqueuse intestinale et ne se reconstitue que très
de soja, pois, haricots blancs... ; – les produits diététiques spécialisés (substituts
lentement lors des processus de cicatrisation de la
– les abats, les œufs et la charcuterie ; lactés) sont utilisés pour compléter les apports
muqueuse. Un régime appauvri en lactose est donc
– les conserves, les plats cuisinés, les pâtisseries protidiques et des substituts protidiques prescrits
préconisé dans de nombreuses circonstances en
et les biscuits du commerce. comme des médicaments doivent compléter
gastroentérologie pédiatrique, en particulier dès qu’il
systématiquement chaque repas ; leur dose est
existe une agression un peu sévère ou prolongée de ¶ Chez les nourrissons calculée sur la base des apports protidiques
la muqueuse intestinale, notamment lors de la Il faut utiliser un substitut du lait strictement
quotidiens nécessaires selon l’âge de l’enfant ;
réalimentation des gastroentérites aiguës (surtout si dépourvu de lactose : Galactomine 17t (Nutricia),
– les produits végétaux représentent une part
l’enfant a moins de 4 mois ou si la diarrhée était Pregestimilt ou Nutramigent (Mead-Johnson).
importante des protéines du régime ; des tables
sévère ou prolongée), à la phase initiale de la Il faut proscrire le lait de femme et toutes les
indiquant leur teneur moyenne en phénylalanine
maladie cœliaque, dans les côlons irritables, en formules contenant, même à l’état de trace, du
pour 100 g de substance comestible crue sont mises
prévention dans les irradiations abdominales, dans lactose (laits infantiles, Diargalt, AL110t, Olact,
à disposition des familles pour des calculs précis.
les grêles courts, etc. Alfarét ou Pepti-juniort).
En pratique, il faut supprimer ou diminuer la Ce régime dépourvu en produits laitiers est donc


proportion de produits laitiers de l’alimentation : carencé en calcium.
– chez le nourrisson, on peut employer des laits Hyperlipoprotéinémies
dépourvus de lactose ou présentant des traces de ‚ Phénylcétonurie
lactose : Diargalt, AL110t, HNRNt, Olact ; les Il s’agit d’un bloc enzymatique de la phényla-
hydrolysats de protéines ne contiennent lanine hydroxylase qui transforme la phénylalanine Une hyperlipoprotéinémie peut être découverte
pratiquement pas de lactose (cf supra) ; en tyrosine ; l’accumulation du précurseur non dans différentes circonstances chez l’enfant :
– chez l’enfant plus grand, il faudra éviter les métabolisé (la phénylalanine) est néfaste pour le – dans le cadre d’une hyperlipoprotéinémie
produits laitiers mais une petite quantité de lactose système nerveux en cours de maturation. Depuis familiale, faisant suspecter une maladie génétique ;
peut être autorisée en fonction de la tolérance 1967, le dépistage de cette anomalie est réalisé de – dans le cadre d’un bilan systématique, lors
clinique : les yaourts à faible teneur en lactose manière systématique chez tous les nourrissons en d’une consultation pour obésité par exemple. Les
(transformé en acide lactique par les ferments maternité au troisième jour de vie ou d’alimentation enfants obèses ont plus souvent des anomalies du
bacillaires) sont souvent bien tolérés, en petites normale [11]. bilan lipidique que les enfants non obèses ;
quantités. Le but du régime est d’éviter la survenue d’une – rarement, en raison de signes cliniques
L’intolérance congénitale ou héréditaire au encéphalopathie sévère ; il faut donc l’instaurer de évocateurs de dyslipoprotéinémie : xanthomes
lactose est exceptionnelle. Le régime sans lactose est manière très précoce et le poursuivre de manière cutanés, xanthélasma, arc cornéen.
donc transitoire. S’il est amené à être strict et stricte jusqu’à l’âge de 5-6 ans, date à laquelle se Dans la plupart des cas chez l’enfant, il s’agit
prolongé, ce qui reste exceptionnel, il ne faut pas termine la myélinisation cérébrale (sous réserve d’une hypercholestérolémie : un taux de
oublier de prescrire une supplémentation calcique d’une surveillance stricte des performances scolaires LDL-cholestérol supérieur à 1,3 g/L chez un enfant
médicamenteuse chez le grand enfant. et intellectuelles pouvant justifier la reprise du de plus de 4 ans est considéré comme pathologique
régime). et nécessite une prise en charge.
Les principes du régime sont de diminuer les Les mesures diététiques doivent être tentées en


Désordres métaboliques
apports alimentaires en phénylalanine qui est un
acide aminé indispensable et dont on doit veiller à
fournir à l’organisme une quantité minimale, sous
peine de voir apparaître d’autres troubles
première intention, chez l’enfant comme chez
l’adulte [7], et les principes du régime sont les
suivants :
– maintenir une alimentation normocalorique
‚ Galactosémie
métaboliques tout aussi préoccupants. Les apports pour l’âge pour obtenir une croissance normale, en
Il s’agit d’une maladie héréditaire autosomique indispensables en phénylalanine sont de l’ordre de respectant l’équilibre alimentaire ;
récessive due à un déficit en galactose-1-phosphate- 250 à 300 mg par jour chez le nourrisson et de 450 – maintenir un apport suffisant en graisses (30 %
uridyl-transférase qui entraîne l’accumulation du à 500 mg par jour chez l’enfant plus grand. de l’apport énergétique total), mais modifier la
substrat non métabolisé (le galactose-1-phosphate) La surveillance du régime s’effectue sur les nature des graisses consommées : diminuer les
au niveau des différents tissus (foie, intestin, système dosages répétés de phénylalaninémie, dont les taux graisses saturées essentiellement d’origine animale
nerveux et rein, cristallin). Les anomalies sont doivent être compris entre 3 et 6 mg/100 mL. (<10 % des calories totales) : lait, laitages (fromages
réversibles si la prise en charge diététique est La réalisation pratique du régime est évidemment gras, crème fraîche), beurre, viandes, charcuterie ; en
précoce ; dans le cas contraire, l’évolution peut soit très contraignante et les modalités pratiques ce qui concerne les produits laitiers, choisir de
être fatale, soit évoluer vers des désordres viscéraux permettant sa réalisation doivent être fournies par préférence les produits écrémés ;
sévères et devenus inaccessibles au régime. des équipes spécialisées [3] ; les principes en sont les – d’autres graisses, à l’inverse, sont à privilégier :
Le principe du régime est l’exclusion du galactose suivants : ce sont les graisses insaturées qui contribuent à faire
de l’alimentation ; la sévérité et la durée du régime ■ chez le nourrisson, on utilise le Lofenolact baisser le taux de cholestérol. Ce sont les graisses
dépendent du type de déficit et en particulier de la (Mead-Johnson), aliment de régime complet et d’origine végétale (margarines, huiles de tournesol,

4
Alimentation et régimes divers en pathologie pédiatrique - 8-0310

maïs, olive, ISIO 4t) mais également celles présentes conséquent exclu de faire appel à des régimes énergétique de la ventilation et l’état infectieux
dans le poisson qui doit faire partie des repas 2 à 3 restrictifs obligatoirement carencés et/ou chronique). Or on sait que l’état nutritionnel est un
fois par semaine (y compris les poissons gras : thon, déséquilibrés. des facteurs conditionnant l’évolutivité de la maladie
saumon, hareng, sardine, maquereau). Il est illusoire de vouloir intervenir de façon pulmonaire et donc le pronostic de la
La façon de cuisiner est un élément important du définitive sur une prédisposition génétique par des mucoviscidose [9].
régime : de façon générale, les mets culinaires mesures transitoires comme le sont obligatoirement À côté des carences d’apports caloriques ou de
doivent être préparés sans matière grasse cuite ; en tous les régimes sévères. Le traitement de l’obésité déséquilibre alimentaire, on constate diverses autres
revanche, huile et margarine peuvent être ajoutées doit donc être davantage envisagé comme un carences nutritionnelles chez ces enfants [6] : carence
crues sur les aliments prêts à servir. programme d’éducation nutritionnelle à poursuivre en sodium (pertes sudorales excessives), carence en
Il faut limiter les aliments riches en cholestérol sur le long terme que comme un traitement oligo-éléments (particulièrement en fer, zinc, sélénium),
(l’apport alimentaire de cholestérol ne doit pas diététique temporaire. carence en vitamines liposolubles (A, E, K1), en acides
dépasser 100 mg pour 1 000 kcal) : c’est le cas des En pratique, la consultation doit toujours débuter gras essentiels (qui pourraient avoir un rôle sur
abats, de la charcuterie, des viandes grasses et par un interrogatoire détaillé afin de déterminer le l’évolutivité de la bronchopathie pulmonaire).
surtout du jaune d’œuf (un jaune d’œuf contient régime spontané de l’enfant et d’en préciser les En conséquence, la prise en charge diététique doit
300 mg de cholestérol ; il ne faut donc pas dépasser erreurs, tant sur le plan qualitatif qu’énergétique, et être au premier plan avec la prescription d’extraits
deux jaunes d’œuf par semaine). pancréatiques qui corrigent la maldigestion. Les
de les corriger. Le calcul des apports caloriques doit
Il est important d’avoir une alimentation riche en éviter toute restriction calorique trop sévère et on recommandations sont les suivantes [6] :
fibres : les aliments riches en fibres sont les légumes peut par exemple utiliser la méthode suivante : – les apports caloriques doivent être de 120 à
crus et cuits, les légumes secs, les fruits et les céréales
– pour les enfants de moins de 5 ans, les apports 130 % des besoins théoriques pour un enfant du
complètes. Les légumes verts et les pommes sont
prescrits seront normocaloriques pour l’âge ; même âge, avec un équilibre normal entre les
particulièrement intéressants en raison de leur
– pour les enfants de plus de 5 ans, les apports glucides (50 %) et les lipides (30 %) ;
teneur en pectine et en fibres solubles.
caloriques seront calculés en fonction des ingesta – les apports protidiques doivent être de 2 à 2,5 g
La prise en charge diététique est fondamentale,
spontanés antérieurs : de protéines/ 100 kcal ;
mais il faut savoir attendre 3 à 6 mois avant de juger
– s’ils étaient normaux ou peu augmentés : – les apports en acides gras essentiels devraient
des résultats : une diminution de 10 à 20 % du taux
diminution de 25 % ; se situer à 5 % pour l’acide linoléique et à 1,5 à
de cholestérol peut être obtenue grâce à un régime
– s’ils étaient très augmentés : apports 2,5 % pour l’acide alphalinolénique (apports encore
bien suivi.
normocaloriques pour l’âge. mal définis) ;
– les apports en sodium doivent être adaptés en


fonction de l’environnement thermique, à l’état
Obésité

L’obésité est définie par un excès de poids de plus



Mucoviscidose
pathologique. Ils doivent être élevés chez le
nourrisson (plus de 3 mEq/kg/j) ;
– la prescription de vitamines liposolubles doit
être systématique pour les vitamines A (5000 UI),
de 20 % par rapport au poids idéal pour la taille ou Chez les enfants atteints de mucoviscidose, deux D (1000 UI) et E (200 UI). Une supplémentation en
par un indice de masse corporelle (poids en facteurs essentiels concourent à l’installation d’une vitamine K1 (5 mg 1 à 2 fois par semaine) et de
kg/taille2 en m2) supérieur au 90e percentile pour dénutrition : le déficit pancréatique exocrine vitamine B12 (100 µg par mois) sera entreprise en
l’âge et le sexe [19]. En France, sa prévalence est (entraînant une maldigestion des graisses et des cas de carence biologique ;
actuellement évaluée aux alentours de 12 % chez protéines) et l’augmentation de la dépense – une supplémentation en fer, zinc et sélénium
les enfants d’âge scolaire. En dehors des obésités énergétique (notamment par l’augmentation du coût sera entreprise en cas de déficit biologique.
secondaires (problème endocrinien ou syndrome
particulier), la prise en charge de l’obésité est
uniquement diététique. Traitement diététique de l’obésité
Les erreurs alimentaires le plus souvent ✔ Éviter toute restriction calorique trop sévère +++. On peut par exemple utiliser la
rencontrées dans une population d’enfants obèses règle suivante :
suivis en consultation externe à l’hôpital sont les – pour les enfants de moins de 5 ans, les apports prescrits seront normocaloriques
suivantes [14] : pour l’âge ;
– absence de petit déjeuner et mauvaise – pour les enfants de plus de 5 ans, les apports caloriques seront calculés en
répartition alimentaire au cours de la journée avec fonction des ingesta spontanés antérieurs :
accumulation des ingesta dans la soirée (sans que – s’ils étaient normaux ou peu augmentés : diminution de 25 % ;
les apports caloriques totaux soient très élevés par – s’ils étaient très augmentés : apports normocaloriques pour l’âge.
rapport aux apports idéaux pour l’âge) ; ✔ Préconiser une alimentation équilibrée répartie en quatre repas quotidiens.
– grignotage permanent avec prise alimentaire Insister sur l’importance du petit déjeuner et du goûter qui permettent de limiter
réduite au moment des repas ; les apports caloriques au cours du repas du soir.
– hyperphagie perprandiale avec un enfant qui Promouvoir les fruits et les légumes, riches en fibres, vitamines et oligo-éléments et
se ressert plusieurs fois ou finit le plat de ses frères et moins caloriques que les féculents ; ils doivent être consommés quotidiennement.
sœurs ; Supprimer le grignotage généralement à base de friandises, biscuits, entremets,
– déséquilibre alimentaire global avec sodas.
consommation excessive de lipides, surtout saturés, Contrôler les apports en graisses (< 30 % de l’apport énergétique total) ; apprendre à
et de glucides, la prise de fibres alimentaires étant se méfier des graisses cachées (chips, frites, fromages, charcuterie, viandes, biscuits,
quasiment inexistante. pâtisseries, chocolat...).
Le traitement diététique de l’obésité doit obéir à ✔ Dans tous les cas, ces conseils diététiques doivent être présentés non pas comme
certains impératifs. des régimes amaigrissants mais comme des exemples d’une alimentation normale à
L’alimentation de l’enfant doit couvrir tous les adopter progressivement et à poursuivre la vie entière.
besoins nécessaires à la croissance : il est par

5
8-0310 - Alimentation et régimes divers en pathologie pédiatrique

L’application de ces mesures doit permettre aux plus souvent avec la survenue plus ou moins nutritionnelle par sonde gastrique avec des
patients de conserver un bon état nutritionnel. Ce tardive d’une anorexie, que l’on envisagera produits diététiques industriels.
n’est qu’en cas d’échec de celles-ci, en rapport le l’utilisation de techniques d’assistance

Corinne Dumas-Quinaux : Chef de clinique-assistant,


service de gastro-entérologie et nutrition pédiatriques, hôpital d’enfants Armand-Trousseau, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75012 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Dumas-Quinaux. Alimentation et régimes divers en pathologie pédiatrique.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0310, 1998, 6 p

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6
8-0319

8-0319

Allergies alimentaires
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

chez l’enfant
P Molkhou

L es allergies alimentaires, surtout immunoglobuline E dépendantes, sont de plus en plus fréquentes chez
l’enfant et de plus en plus préoccupantes. La prévalence est estimée à environ 8 % pendant les 4 premières
années de vie.
L’allergie alimentaire peut être très précoce, la sensibilisation pouvant apparaître in utero dès les premiers mois de
gestation et confirme ainsi la présence de facteurs génétiques. Sur le plan chronologique, l’allergie alimentaire
représente la première manifestation atopique de la « marche allergique », caractérisée par l’apparition dans le
temps de manifestations digestives, cutanées comme l’urticaire, la dermatite atopique, et de signes respiratoires
(asthme, rhinite).
L’allergie alimentaire est une réponse immunitaire aberrante à des antigènes divers qui ont traversé, intacts ou
partiellement digérés, la barrière muqueuse intestinale. Cette muqueuse, malgré ses capacités immunitaires de
protection, n’a pu remplir ses fonctions qui aboutissent, dans les conditions physiologiques normales, à la tolérance
orale.
Les aspects cliniques sont variés, se modifient et peuvent s’aggraver avec l’âge. La répartition des allergènes est
également différente dans le temps, avec l’apparition d’associations d’allergies alimentaires et polliniques chez
l’enfant, actuellement avant l’âge de 10 ans, et expliquant en partie la notion d’allergies croisées. Le diagnostic,
souvent difficile, doit reposer sur des investigations standardisées (tests cutanés et biologiques), et principalement sur
des tests de provocation.
Le traitement est basé essentiellement sur des mesures préventives et sur l’éviction du ou des aliments responsables.
Le traitement médicamenteux concerne, en premier lieu, des mesures d’urgence et l’usage de l’adrénaline, et, dans
certaines circonstances bien précises, l’utilisation de médications antidégranulocytaires.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : allergie alimentaire, immunoglobuline E, immunologie du tube digestif, tolérance orale, atopie,
génétique, allergies croisées, prévention.


Introduction

L’allergie alimentaire (AA) a pris ces dernières


Hypersensibilité aux aliments

années une place de plus en plus importante dans le


cadre des maladies allergiques. Sa prévalence a Allergie alimentaire Hypersensibilité alimentaire non
allergique
considérablement augmenté depuis une quinzaine
d’années, due en grande partie aux progrès du
dépistage, mais aussi aux profonds bouleversements
de nos habitudes alimentaires. La modification de Allergie alimentaire IgE dépendante Allergie alimentaire non IgE
nombreux aliments bruts, les procédés de 1 Définition de l’allergie alimentaire (d’après Johansson et al [10]).
conservation, ainsi que l’introduction de nouveaux Ig : immunoglobuline.
aliments (légumes et fruits exotiques, par exemple),
sont autant de facteurs potentiels de
– les réactions toxiques sont en rapport soit avec Une réaction adverse aux aliments doit désormais
sensibilisation [15].
des procédés culinaires, soit avec des contaminants ; être dénommée hypersensibilité aux aliments. Le
– les réactions non toxiques sont immunolo- terme d’AA est réservé aux formes immunologiques


Définition

En 1995, l’Académie européenne d’allergologie et


giques ou non immunologiques ;
– le terme d’allergie alimentaire est réservé
aux formes immunologiques ;
– le terme d’intolérance alimentaire est
démontrées. L’AA est divisée en forme immunoglo-
buline (Ig) E dépendante et non IgE.
L’ancienne dénomination « intolérance
alimentaire » est remplacée par hypersensibilité non
d’immunologie clinique a proposé une classification appliqué aux réactions non immunologiques. allergique. Les réactions allergiques sévères,
des réactions adverses aux aliments en réactions Très récemment, en 2001, Johansson et al [10] généralisées, sont classées dans les manifestations
toxiques ou non toxiques [2] : viennent de proposer une nouvelle définition (fig 1). anaphylactiques.

1
8-0319 - Allergies alimentaires chez l’enfant

Historique

[15, 28]
: quelques repères
■ Les premières réactions au lait de vache
(Hippocrate, 460-370 avant JC) et au lait de chèvre
Tableau I. – Principales régions chromosomiques candidates spécifiques d’intérêt majeur.

Chromosome 11 q 13
Premier site rattaché à l’atopie
Reconnaît l’hérédité maternelle
Haute affınité pour la chaîne bêta du récepteur membranaire des immuno-
(Galien, 131-210 après JC) étaient connues dès globulines E (Fc e RI)
l’Antiquité.
■ 1902 : Charles Richet (prix Nobel 1913) et ses Liaison avec les immunoglobulines E totales
Chromosome 5 Région à de nombreux gènes candidats (gènes pour des cytokines pro-
élèves décrivent pour la première fois l’anaphylaxie inflammatoires comme les interleukines 3, 4, 5, 9, 12 b et 13)
alimentaire en clinique.
■ 1905 : Schlosman puis Finkelstein décrivent Chromosome 12 Gènes pour l’interféron gamma et le facteur de croissance pour les mastocytes
des accidents sévères et le premier cas de choc Présence du récepteur de l’interleukine 4, en particulier chez des sujets
anaphylactique mortel après ingestion de lait de Chromosome 16
atteints de dermatite atopique sévère
vache.
■ 1908 : Hutinel décrit les accidents de type
immédiat chez des enfants nourris artificiellement au
Germes intracellulaires Tableau II. – Barrières digestives à l’absorp-
lait de vache.
tion des antigènes étrangers.
■ 1921 : Prausnitz et Küstner démontrent
l’existence de facteurs sanguins capables d’être CPA IL-12 IL-2
Tho Barrières physiologiques ou non immunologiques
transférés d’un sujet allergique (en l’occurrence IFN / IL-4 Dégradation des antigènes ingérés dans la lumière
Küstner, allergique au poisson) à un autre sujet, non
allergique (Prausnitz). intestinale
Th1 Th2 Acide gastrique et pepsine
■ 1967 : K et T Ishizaka aux États-Unis, Bennich
Enzymes pancréatiques
et Johansson en Suède découvrent l’immunoglo- Enzymes intestinales
IL-4 IL-13
buline E, véritable révolution dans le domaine de Activité du lysozyme des cellules épithéliales intes-
IL-2 TNF IFN IL-10 IL-5 IL-6
l’allergie, et confirment ainsi l’existence des anticorps tinales
réaginiques découverts 46 ans auparavant. Péristaltisme gastro-intestinal
■ 1969 : Goldberg publie les premières séries 2 Modèle de différenciation des lymphocytes TCD4+ Blocage de la pénétration des antigènes ingérés
d’anaphylaxie d’origine alimentaire, dix cas à la suite en lymphocytes de type 1 (Th1) et lymphocytes de type Rôle du mucus intestinal (glycocalyx)
d’ingestion de légumineuses, de poisson et de lait de 2 (Th2), à partir de leur précurseur commun (Th0). Composition de la membrane microvillositaire
CPA : cellule présentatrice d’antigène ; IL : interleu- intestinale
vache.
Péristaltisme intestinal
■ 1972 : Tomasi décrit le GALT ou gut associated kine ; IFN : interféron : TNF : tumor necrosis factor.
lymphoid tissue. Barrières immunologiques
– l’augmentation des sensibilisations aux pollens
■ 1984 : Bienenstock décrit le MALT ou mucosa et au latex associées aux fruits et légumes ; Présence d’immunoglobuline A sécrétoire spéci-
associated lymphoid tissue, qui regroupe tous les – aux fruits secs ; fique d’antigène dans la lumière intestinale
systèmes immunitaires des différentes muqueuses. – à l’arachide ; Blocage de la pénétration des antigènes ingérés
■ 1984 : Kohler, Milstein et Jerne (prix Nobel – aux allergènes masqués ; Élimination des antigènes pénétrant la barrière
1984) découvrent les anticorps monoclonaux. – à l’effort, sujet d’actualité étant donné la
digestive
■ 1985-1990 : ère de la génétique et de la Présence des immunoglobulines A et G spécifiques
popularité des sports depuis cette denière décennie. d’antigènes
biologie moléculaire.
Rôle du système réticuloendothélial


Présence des macrophages intestinaux


Aspects génétiques [3]

Épidémiologie [15, 28]

Le caractère de l’atopie est bien établi. Chez le Pendant cette transformation, les antigènes
nouveau-né, le risque de développer une maladie étrangers (bactéries, virus, parasites, protéines
La fréquence des AA a doublé en 5 ans et celle
allergique est de 60 % si les deux parents sont alimentaires) doivent être neutralisés et interdits de
des urgences allergiques a été multipliée par cinq ces
atopiques, 20 % si un seul des parents est atopique pénétrer dans l’organisme proprement dit.
5 dernières années.
et de 10 % en l’absence d’antécédent familial connu. Le système gastro-intestinal représente une
En France, la prévalence de l’AA est actuellement
La maladie atopique est une affection polygénique. surface d’environ 200-300 m2, ce qui représente une
évaluée entre 2 et 3,8 % dans la population
Le tableau I résume les principaux sites [3]. formidable « ligne de défense » à protéger.
générale. Chez l’enfant, elle est estimée à environ
Tous les éléments qui constituent la barrière
8 %. L’AA est beaucoup plus fréquente chez l’enfant ‚ Paradigme Th1/Th2 [27] physiologique jouent un rôle au moment du
que chez l’adulte, dans la proportion de trois enfants
Commentaire : l’atopie est associée à un franchissement de la muqueuse intestinale par les
pour un adulte.
déséquilibre inhérent dans le système Th1/Th2 qui macromolécules. C’est ainsi que le mucus intestinal
La fréquence de l’AA est beaucoup plus facilite la production des interleukines (IL) 4 et 13. qui tapisse la surface microvillositaire a pour effet de
importante chez les atopiques : elle serait impliquée Elles vont à tour de rôle stimuler les réponses IgE « trapper » les antigènes et représente avec la pièce
dans 33 à 50 % des dermatites atopiques de (Romagnani) et entraîner à la naissance une baisse sécrétoire de l’IgA (IgAs) le dernier obstacle pour
l’enfant, 2 à 8 % des asthmes, 1 à 5 % des urticaires de production d’interféron gamma (IFN c) chez des l’antigène avant sa traversée de la muqueuse. Le
chroniques et 10 % des chocs anaphylactiques. Il est nourrissons qui vont plus tard développer une mucus intestinal fait défaut chez les enfants atteints
également très intéressant de noter une véritable atopie (fig 2). d’entéropathie allergique.
explosion de l’AA entre 15 et 30 ans, avec une
La barrière gastro-intestinale utilise à la fois des


prédominance très nette des allergènes d’origine
végétale. mécanismes physiologiques ou non immunolo-
Mécanismes [15, 28]
giques et des mécanismes immunologiques pour
Les AA sont, avec les médicaments et les piqûres
d’hyménoptères, la cause la plus fréquente des remplir cette tâche comme le résume le tableau II.
réactions anaphylactiques vues aux urgences dans ‚ Mécanismes physiologiques
les hôpitaux. Elles représentent à elles seules le tiers et immunologiques de la digestion Barrière physiologique non immunologique
des cas. La fonction première de l’appareil digestif est de Cependant, un certain nombre de ces
On peut incriminer, pour expliquer l’augmen- transformer l’aliment ingéré en une forme qui mécanismes sont immatures à la naissance et
tation des formes sèvères, voire mortelles, un certain pourra être absorbée et utilisée en énergie et comme favorisent ainsi le risque de pénétration des
nombre de facteurs : facteur de croissance. antigènes étrangers chez le nourrisson, comme par

2
Allergies alimentaires chez l’enfant - 8-0319

Lymphocytes
Intracellulaire Villosités
intraépithéliaux
Lumière intestinale
Intercellulaire
(?) Lamina propria
Molécules
épithélium spécialisé
(cellules M?)

Endocytose Dôme Dôme

TD
Phagosomes CG CG

Lysosomes Lymphatique efférent

Phagolysosomes Lymphocytes B Lymphocytes T Lymphocytes T et B

Particules
non digérées 5 Système immunitaire de l’intestin. CG : centre germinal.
Exocytose
respiraroire (BALT), cutané (SALT), nasal (NALT), – lymphocytes T CD 8 + ou suppresseurs dans
urogénital, mammaire et salivaire. Cet échange l’épithélium ;
d’informations immunologiques entre les différentes – lymphocytes T CD 4 + ou helper (auxiliaires)
3 Adsorption des antigènes (d’après Walker).
muqueuses justifie le concept de mucosa associated dans la lamina propria.
lymphoid tissue (MALT). Les séquences immunologiques après absorption
exemple l’absence d’IgAs dans les premières intestinale des antigènes alimentaires peuvent être
Le SII comprend quatre formations lymphoïdes
semaines de vie et une augmentation de la résumées en trois mécanismes étroitement liés :
distinctes :
perméabilité intestinale. – par l’exclusion immunitaire due à l’action des
– les plaques de Peyer ;
En résumé, sur le plan mécanique, la muqueuse – les lymphocytes et plasmocytes répartis dans la IgAs ;
digestive n’est pas totalement infranchissable. Elle lamina propria (région située sous l’épithélium des – par l’élimination immunitaire due aux anticorps
présente un certain degré de « porosité » qui permet villosités intestinales) ; locaux et au SRE ;
à certaines molécules et macromolécules de – les lymphocytes intraépithéliaux entre les – par la tolérance orale, phénomène complexe,
traverser la paroi intestinale. entérocytes ; probablement le résultat de l’interaction des diverses
– les ganglions mésentériques. cellules du GALT.
Particularités de l’épithélium digestif [16]
C’est tout d’abord au niveau des plaques de Peyer Récemment, on a signalé que des modifications
Les figures suivantes représentent respectivement qu’a lieu la reconnaissance des antigènes constatées dans la flore intestinale auraient un effet
la traversée de l’épithélium intestinal par les alimentaires, grâce à l’intervention des lymphocytes sur la tolérance orale [18].
protéines alimentaires par un phénomène qui vont suivre le cycle hémolymphatique avec la
d’endocytose (Walker) (fig 3) et le mécanisme du ‚ Mécanismes physiopathologiques
participation des molécules d’adhésion (a 4 b 7) pour
transfert des protéines (b-lactoglobuline, protéine du et réaction allergique [15]
retourner ensuite dans la muqueuse digestive ou
lait de vache) au travers de l’entérocyte ou « homing » où ils vont se différencier en plasmocytes Modes précoces des sensibilisations [17, 25]
transcytose) (fig 4). et en lymphocytes T qui vont migrer soit dans le
chorion, soit dans l’épithélium (fig 6).
¶ Sensibilisation in utero
Barrière immunologique (fig 5) Les anticorps IgE, qui ne traversent pas la barrière
Les cytokines sont des médiateurs solubles
placentaire, peuvent apparaître en infimes quantités
Le « système immunitaire intestinal » (SII) (en d’origine cellulaire qui correspondent à des
dans le sang du cordon. Cependant, dès la
anglais, gut associated lymphoid tissue [GALT]) substances libérées lors de l’activation des cellules de
11e semaine, le fœtus est déjà capable de produire
appartient au système commun des muqueuses l’inflammation. Elles vont jouer un rôle majeur dans
des IgE. Un peu plus tard, les cellules T fœtales
comprenant, entre autres, le tissu lymphoïde l’activation des lymphocytes T :
apparaissent dès la 22e semaine de gestation. La
sensibilisation est donc possible in utero à des
allergènes alimentaires ingérés par la mère ainsi
Muqueuse Entérocyte Lumière intestinale
qu’à des aéroallergènes inhalés. Cette sensibilisation
IFN altère l'espace intercellulaire peut également avoir lieu par la voie cutanée [11, 30].
On peut donc conclure que la sensibilisation à des
allergènes alimentaires est liée à un défaut de
Protéines intactes 10% l’installation d’une tolérance orale et qu’une
sensibilisation allergique apparaît plus facilement
Voie directe avec de petites doses d’antigènes qu’avec de fortes
Peptides 40% Antigènes
doses.
(liés aux molécules MHC?) alimentaires
Voie endosmolysosomale La figure 7 résume les différentes possibilités de
sensibilisation anténatale.
Aminoacides 50%
¶ Facteurs susceptibles d’induire une rupture
MHC + peptides? de la tolérance immunitaire [15]
IFN régulateur des molécules MHC classe II Chez le nouveau-né, le nourrisson : immaturité de
la fonction intestinale ; déficit transitoire en IgA ;
4 Mécanisme de transcytose des antigènes alimentaires : différentes voies de passage (d’après Heyman M. In : terrain atopique ; temps d’exposition à l’antigène ;
Proceedings of the Nutrition Society. 1999, vol 58 : 1-6). MCH : molécule d’histocompatibilité ; IFN :
effets immunosuppressseurs des infections virales ;
interféron.
environnement néfaste (fumée, pollution).

3
8-0319 - Allergies alimentaires chez l’enfant

Allergène
Antigènes IgA sécrétoire

Plaque CPA CPA


de Peyer
M M M Th2 Th1

Dôme
Zone T

IL3 IL4 IL5 IFN


LB
VPC
Couronne LIE LT du chorion
Centre germinatif Musculaire Plasmocytes Mastocyte
Lym B Éosin
LT
Muqueuse
Blaste B Fc RI
Blaste T Mastocyte IgE
Blaste B Libération
Blaste T de médiateurs
Antigène Histamine
Blaste B Blaste T Sang Leucotriènes
IL3, Gm-CSF, IL4, IL5

Ganglion mésentérique Canal thoracique 8 Les différentes étapes de la réponse allergique


dépendante des immunoglobulines (Ig) E.
6 Cycle hémolymphatique. LIE : lymphocytes intraépithéliaux ; LT : lymphocyte T. CPA : cellule présentatrice d’antigènes ; IL : interleu-
kine ; Éosin : éosinophile ; IFN : interféron ; Th :
lymphocyte ; Gm-CSF : granulocyte macrophage co-
lony stimulating factor, facteur hématopoïétique qui
Exposition allergénique pendant la grossesse intervient dans la différenciation, l’activation et le
chimiotactisme des éosinophiles.

forte faible Tableau III. – Principaux aliments responsables


d’accidents allergiques sévères.

arachide +++, soja, pois,


augmentation taux faible des IgE élevées Légumineuses
lupin
des IgG et IgE maternelles IgG et IgE chez les atopiques
chez les non-atopiques noix, noisettes, noix de cajou,
Groupe des noix noix de Pécan, noix du Brésil,
pistaches, pignons de pin
Poissons morue et autres poissons
tolérance pas de sensibilisation sensibilisation
Fruits de mer, crevettes, crabe, homard, huî-
crustacés tre, coquille Saint-Jacques
vache, hydrolysats
pas d'atopie pas d'atopie malade atopique Laits de protéines de lait, chèvre,
brebis, jument
7 Nouveau concept de la sensibilisation allergénique in utero (d’après Warner et al [30]). Œuf de poule
coton, sésame, pignons de pin,
Chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte : rupture de la basophiles, les éosinophiles, respectivement sous la Graines
psyllium
tolérance immunitaire ; irritants intestinaux ; dépendance d’un certain nombre de cytokines (IL3,
parasitoses ; candidoses digestives ; alcool. kiwi, avocat, banane, pomme,
IL4, IL5) (fig 8). Fruits
orange, melon, pêche, ananas
‚ Réaction allergique Légumes céleri, pomme de terre, tomate


Elle se déroule en deux étapes : Céréales farine de blé, graines de millet
Allergènes alimentaires
– la première rencontre avec l’allergène : (tableau III) [16] Épices moutarde
– sensibilisation précoce, in utero ;
– reconnaissance de l’allergène : prédispo- Herbes camomille, herbes chinoises
sition génétique et facteurs favorisants de
‚ Caractères généraux des allergènes Autres
acariens, colorants (rouge
l’environnement ; le paradigme Th1/ Th2 et la cochenille)
alimentaires
réaction allergique ;
– rôle des cellules T lymphocytaires et de la – Glycoprotéines, de poids moléculaire de
coopération des cellules B plasmocytes à IgE 10 000 à 70 000 daltons. Allergène mineur : 10 % des sujets réagissent.
avec l’intervention de différentes interleukines – Haptènes, quelquefois, provenant de l’aliment
(IL4, IL5, IFN c et IL6) ; la production d’IgE est ‚ Facteurs responsables de l’allergénicité
lui-même. d’une protéine
sous le contrôle de l’IL4 ;
– la deuxième rencontre avec l’allergène ; – Additif alimentaire. L’allergénicité dépend des déterminants ou
réaction explosive, avec libération et sécrétion de Allergène majeur : 50 % des sujets réagissent à cet épitopes, c’est-à-dire de la portion de la molécule
nombreux médiateurs de la réponse allergique par élément (test cutané positif et présence d’IgE protéique qui se lie à l’anticorps spécifique. L’épitope
des cellules impliquées comme les mastocytes, les spécifiques dans le sérum). est un petit peptide (de 8 à 12 acides aminés).

4
Allergies alimentaires chez l’enfant - 8-0319

On distingue : ‚ Allergies croisées [16] rencontrés : banane, poire, avocat, melon, poivron,
– l’épitope « séquentiel », thermorésistant tomate, kiwi, châtaigne, fruits de la passion, sarrasin,
Les réactions croisées entre allergènes inhalés et
(exemple : protéines du lait de vache [caséine, raisin. Autres : arachide, laitue, framboise, figue
allergènes ingérés ont été initialement décrites à
a lactalbumine, b lactoglobuline), poisson, crevette, (genre ficus), mangue, pomme de terre, amande,
propos des associations polliniques et d’allergies
riz, arachide, ovomucoïdes et ovalbumine pour pomme, céleri, épinards, les agrumes, noisette,
alimentaires à certains fruits et légumes.
l’œuf). pêche.
Il existe, en effet, de nombreuses communautés
– l’épitope « conformationnel », thermolabile Enfin, une théorie est actuellement défendue,
antigéniques entre certains fruits et légumes, et
(exemple : allergènes aqueux [pomme]). montrant que le latex de l’hévéa pourrait être
certains pollens.
Les épitopes sont avant tout conformationnels. Le considéré comme un trophallergène (notamment
Différentes protéines sont incriminées, à la base
chauffage peut diminuer l’allergénicité de certains contaminant alimentaire ou contact direct et précoce
de ces réactions croisées.
aliments (exemple : caroube, pomme de terre), ou avec les muqueuses digestives chez l’enfant [tétines]).
Parmi elles, le rôle de protéines ubiquitaires,
bien les rendre plus réactogènes (exemple : céréales)
comme les profilines (poids moléculaire, 14 kD), est
ou encore faire apparaître de nouveaux allergènes Allergènes alimentaires recombinants
avancé. Les profilines sont des protéines de
(néoallergènes : noix de Pécan, crevettes). Le
cytosquelette, présentes dans les pollens d’arbres, de Ils sont synthétisés grâce à des procédés de
brunissement augmente l’allergénicité des
graminées, ainsi que dans de nombreux fruits et biologie moléculaire. L’avantage réside dans la
trophallergènes (maturation des fruits et légumes).
légumes. connaissance de leur structure et de leur
‚ Répartition des allergènes impliqués Néanmoins, d’autres allergies peuvent également reproductibilité.
dans l’allergie alimentaire de l’enfant être impliquées, agissant à la fois par inhalation et Grâce à cette technologie, il est possible de
ingestion. produire en quantité illimitée des allergènes rares et
Sur 544 enfants et 813 aliments [26] :
Les allergènes responsables sont soit des d’envisager des approches nouvelles au traitement
– groupe 1 ; cinq allergènes représentent 78 %
substances volatiles, soit des substances spécifique de l’allergie par l’induction d’une tolérance
des AA : œuf (36 %), arachide (24 %), lait de vache
pulvérulentes, et des sensibilisations respiratoires ont immunologique.
(8 %), moutarde (6 %), poisson (4 %) ;
été surtout observées en milieu professionnel en
– groupe 2 ; 11 % : crevette, noisette, kiwi, blé, ‚ Nouveaux allergènes alimentaires [14]
raison de contacts massifs et homogènes.
lentilles, soja, farine de lupin ;
De nombreuses observations d’allergies croisées Ils proviennent essentiellement de l’augmentation
– groupe 3 ; 8 % : sésame, groupe des noix,
entre pneumallergènes de l’environnement et de certains types de consommation correspondant à
vanille, vanilline, piment, porc, bœuf, poulet,
allergènes alimentaires peuvent être dues à trois des modes alimentaires récentes.
saumon, crabe, banane, levure de boulanger, pois
mécanismes principaux.
chiche ;
– groupe 4 ; 2,5 % : pêche, pomme de terre, Allergènes d’origine végétale
Identité complète entre l’allergène inhalé
avocat, truite. et l’allergène alimentaire ¶ Fruits exotiques
Chez l’adulte, les répartitions sont différentes ; Les fruits exotiques (kiwi, noix de coco, du Brésil,
Par exemple, un enfant allergique au poisson
associations AA et allergies polliniques responsables de cajou, de Pécan, pistache, pignon, fruit de la
présente une crise d’urticaire aiguë et d’asthme après
du syndrome oral. Les principaux allergènes sont la passion, mangue, papaye, litchies, banane,
exposition dans une poissonnerie (observation
pomme (7 %), la noisette (6 %), le céleri (6 %), l’œuf et cacahuète, agrumes) familiers sont distribués sous
personnelle, Allergènes aéroportées, OPA Pratique
l’avocat (5 %), le sésame (4,8 %), l’arachide et le latex forme de fruits frais, de jus de fruits, ou mélangés
2000 : 133).
(4 %). dans des salades, dans la pâtisserie ou dans des
La répartition des aliments impliqués dans l’AA de Identité allergénique, la protéine en cause biscuits.
l’enfant se modifie avec l’âge. étant présente mais dissimulée dans l’aliment De nouveaux fruits exotiques sont actuellement
sur le marché, comme le rambutan, le chayote
Par exemple, crise d’urticaire aiguë après
(cucurbitacées) dans les salades exotiques, les
L’œuf et le lait sont les premiers en ingestion de pain contenant du lupin chez un sujet
graines de citrouille grillées ou roties croquées en
cause chez le jeune enfant. sensible au pollen de lupin.
amuse-gueule, l’Arguta actinidia, famille des
L’arachide devient après l’âge de Épitopes communs partagés par des aliments actinidae (kiwi), commercialisée en Italie, l’anone
3 ans l’allergène le plus fréquemment et des particules inhalées provenant réticulée (custard apple) cultivée en France, la figue,
rencontré. cependant de sources non liées chez des sujets sensibilisés sur le plan respiratoire à
une plante d’appartement, le Ficus benjamina, la
Allergies alimentaires/polliniques associées :
datte, la mûre.
Dans les autres pays, la fréquence relative des – pomme, noisette/bétulacées ;
aliments incriminés varie en fonction des habitudes – tomate, pêche, abricot/bétulacées ; Sur le plan clinique, on note des réactions
alimentaires : aux États-Unis et en Grande-Bretagne, – céleri, carotte, épices/composées (armoise) ; allergiques plus ou moins sévères :
œuf, cacahuète et oléagineux ; au Japon, riz et – tomate/graminées ; – le syndrome oral de Lessof (urticaire, œdème
poissons ; en Scandinavie, poissons et fruits de mer ; – melon, banane/composées (ambroisies) ; de Quincke) ;
en Italie, crustacés et lait de vache ; en Israël, chez les – petit pois/graminées. – des signes respiratoires (asthme, coryza
adolescents, par ordre de fréquence, pêche, amande, Allergies alimentaires/respiratoires associées : spasmodique) ;
tournesol, arachide et orange ; en Espagne, œuf, jaune d’œuf (protéine : a livétine)/plumes d’oiseaux – la forme la plus sévère, le choc anaphylactique.
poisson, lait, lentilles et pêche. (syndrome œuf/oiseau). ¶ Légumineuses : arachide, pois, lentilles, haricots
Les allergènes d’origine animale touchent La présence de ces épitopes antigéniques secs, pois chiche, fèves, soja, lupin (dans
principalement les jeunes populations en dessous de communs (fruits, légumes, pollens) a été démontrée la viennoiserie)
6 ans, alors que les allergènes d’origine végétale par des techniques immunologiques d’inhibition : L’arachide est l’aliment le plus dangereux, capable
dominent après 6 ans et surtout chez l’adolescent et radio-allergo-sorbent test (RAST), enzyme-linked de déclencher des accidents sévères, voire mortels.
l’adulte jeune. immunosorbent assay (Elisa), immunoempreintes. Actuellement, c’est le deuxième allergène après
l’œuf, au premier rang des allergies de l’enfant après
Autres réactions croisées : fruits et légumes 3 ans. La prévalence est d’environ 7 % dans la
Actuellement, il faut retenir, en avec le latex [13] population générale, plus élevée dans les jeunes
fonction des données qui évoluent, que Actuellement, on peut estimer que près de 50 % générations ; par exemple, 0,1 % chez les
huit aliments sont responsables de des patients allergiques au latex présentent une grands-parents, 0,6 % chez les tantes et les oncles,
90 % des allergies alimentaires : lait, sensibilisation alimentaire. 1,6 % chez les parents et 6,9 % chez les frères et les
œuf, arachide, soja, blé, poisson, Pratiquement tous les allergènes alimentaires sœurs.
crustacés, noix et graines (sésame). impliqués dans l’allergie au latex sont d’origine La sensibilisation est précoce, in utero, puis par le
végétale. Fruits et légumes les plus fréquemment lait maternel, puis par les aliments pour nourrissons.

5
8-0319 - Allergies alimentaires chez l’enfant

L’arachide est présente dans les pâtisseries, dans Les signes cliniques sont principalement cutanés
le beurre de cacahuète et dans les préparations Tableau IV. – Les deux types d’allergie (eczéma et urticaire) et rarement d’asthme ou
cosmétiques. alimentaire. d’autres manifestations plus rares comme
C’est parfois un allergène masqué : arachide pilée l’érythème polymorphe, l’œdème laryngé,
Allergie aiguë
ou reconditionnée sous forme de noisette ou Allergie chronique l’anaphylaxie et la photosensibilisation liée au jaune
ou anaphylaxie
d’amande. orangé S ou à l’érythrosine.
Les huiles d’arachide non raffinées sont - choc anaphylactique - dermatite atopique Les mécanismes correspondent à une allergie IgE
sensibilisantes, contrairement aux huiles raffinées - urticaire aiguë - rhinite/asthme médiée pour le rouge cochenille et les métabisulfites.
- œdème de Quincke - urticaire chronique
qui en principe ne déclenchent pas de réaction, Pour les autres colorants, il s’agit d’une inhibition de
- bronchospasme - troubles digestifs
contrairement aux huiles crues. la cyclo-oxygénase ou d’une inhibition de la
Le soja a longtemps été utilisé comme substitut libération des neurotransmetteurs.
du lait de vache. Actuellement, 10 % des enfants Organismes génétiquement modifiés (OGM) [21]
IPLV sont sensibles au soja. Il est souvent masqué La production des OGM est récente. Ils
dans la confiserie, la cuisine chinoise, les steaks
hachés.
Des accidents sévères, voire mortels, ont été
publiés chez des enfants allergiques à l’arachide et
correspondent à des espèces végétales dans
lesquelles un ou plusieurs gène(s) sont introduits
dans le patrimoine génétique naturel afin de les
doter de propriétés que la nature ne leur a pas

Nouveaux aspects cliniques
de l’allergie alimentaire

ignorant leur allergie au soja [5]. attribuées. Pour les protéines alimentaires, on ‚ Formes habituelles de l’allergie
préfère utiliser le terme d’aliments transgéniques. alimentaire [15]
¶ Épices et condiments : substances aromatiques Si ces OGM présentent des avantages indéniables,
d’origine végétale utilisées Il existe deux types d’AA (tableau IV).
pour l’assaisonnement des mets il existe, en revanche, des risques allergiques en
Parmi les plus allergisants, citons la moutarde et le fonction du gène transféré comme dans le cas du ‚ Mécanismes principaux
sésame (souvent dans les plats cuisinés, la soja transgénique avec l’albumine 2 S de la noix du des manifestations d’allergie
boulangerie, la pâtisserie et la confiserie [halva]). Brésil [17]. alimentaire (tableau V)
Le curry est un mélange de dix épices. Hypersensibilité immédiate IgE dépendante [16]
Allergènes d’origine animale
L’acarien peut être un contaminant des produits à
base de farine de blé.
Parmi les viandes, le porc entraîne des réactions

Additifs alimentaires [4]

La prévalence concerne environ 1 % des enfants.


¶ Manifestations digestives [18]
La présence de mastocytes, des lèvres jusqu’au
rectum, explique les manifestations de ce type, qu’on
peut distinguer en trois syndromes.
sévères chez des sujets sensibles aux épithélia de Ils sont responsables d’intolérances et non d’allergie, Le syndrome oral allergique ou syndrome de
chat (syndrome porc-chat) ou de cheval. sauf dans certaines observations de réactions aux Lessof, peu fréquent chez le jeune enfant, surtout
Récemment, on a décrit un accident mortel après sulfites et au rouge cochenille (E120 et E124). Les chez l’adolescent et l’adulte, est caractérisé par des
ingestion de sanglier chez un sujet atteint du additifs impliqués sont, par ordre de fréquence : les signes buccopharyngés avec œdème des lèvres et
syndrome porc-chat. benzoates (E-210, E-219) ; les sulfites (E-220, E-228) ; prurit buccal. Il est fréquent chez des sujets atteints
La dinde, allergène rare, peut entraîner des la vanille ; les colorants (E-100, E-181) ; les nitrites ; le de pollinoses (arbres, graminées, herbacées) après
réactions cutanées. baume du Pérou ; les acides citrique et ascorbique. ingestion de certains fruits et légumes.
Pour les fruits de mer, il existe une allergie croisée
entre crustacés, escargots et acariens (protéine Tableau V. – Mécanismes principaux des manifestations d’allergie alimentaire.
commune, la tropomyosine). Citons un cas
particulier, Anikasis simplex, parasite (nématode) du Formes IgE
poisson ou des fruits de mer, responsable de crises
Type I Peau Urticaire/œdème de Quincke
d’urticaire chronique.
Dermatite atopique
Évolution des technologies alimentaires [22] Appareil respiratoire Rhinite
Asthme
– Les risques : par l’utilisation croissante de Œil Conjonctivite
protéines alimentaires comme les graines de Appareil digestif Anaphylaxie digestive (nausées, vomissements, coliques, diarrhée)
psyllium, les herbes chinoises dans le traitement de Colique infantile
la dermatite atopique ou bien encore avec de Gastroentérite à éosinophiles
nouvelles protéines inhabituelles d’origine exotique Systémique Choc anaphylactique
utilisées dans des energy drinks ou des health food Anaphylaxie alimentaire induite par l’effort
products. Mort subite du nourrisson (?)
– Autres risques liés aux additifs et auxiliaires de Formes non IgE
fabrication, par exemple : caséinates comme agents
de texture, lysozyme d’œuf utilisé comme agent Thrombocytopénie par le lait (?)
Type II : réaction cytotoxique Favisme : déficit en glycose 6 phosphatase déshydrogénase
bactéricide dans les fromages, rouge cochenille
(G6PD)
(colorant dans des préparations lactées), ce colorant
naturel ou synthétique pouvant (en quantité infime) Syndrome de malabsorption
déclencher une réaction anaphylactique sévère. Syndrome hémosidérose pulmonaire (?) (ou syndrome de Heiner)
– Le stockage des aliments à température Type III : complexes immuns Hémorragie intestinale occulte et anémie ferriprive ?
ambiante à + 4° (exemple : pomme, noix, noix de Maladie cœliaque ?
Dermatite herpétiforme ?
Pécan).
– Le chauffage peut faire apparaître des Maladie cœliaque
néoallergènes (noix de Pécan). Entérocolite
– Le lavage prolongé de la chair de poisson, qui Côlon irritable
Type IV : hypersensibilité retardée
élimine les protéines hydrosolubles, pour la Syndrome de malabsorption (?)
Dermatite herpétiforme (?)
fabrication du surimi.
Hémosidérose pulmonaire (?)
Conclusion : les industries agroalimentaires et les
pouvoirs publics doivent tenir compte de ces Mécanismes inconnus Migraine, hémorragie intestinale occulte et anémie ferriprive ?
nouveaux allergènes dans l’étiquetage des produits
finis. Ig : immunoglobuline.

6
Allergies alimentaires chez l’enfant - 8-0319

L’anaphylaxie digestive est d’apparition brutale,


dans les minutes après l’ingestion de l’allergène Tableau VI. – Manifestations cliniques d’allergie au lait de vache (LV) chez 100 nourrissons
alimentaire responsable (tableau V). (d’après Hosking et al) [7].
La gastroentérite à éosinophiles peut se présenter Appareil Appareil
sous trois formes : Peau Description des symptômes
respiratoire digestif
– type I : atteinte muqueuse (malabsorption,
anémie ferriprive) ; Groupe I +++ + + - Apparition rapide des symptômes dans les minutes
suivant l’ingestion de petites quantité de LV
– type II : atteinte musculaire (amaigrissement) ; - Urticaire, angiœdème et poussées d’eczéma fré-
– type III : atteinte sous-séreuse (ascite). quentes
Dans les trois formes, on note : douleurs - Symptômes gastro-intestinaux et respiratoires dus
abdominales, vomissements, diarrhée et présence à une réaction anaphylactique modérée
d’IgE sériques élevées ainsi que de plasmocytes à IgE - PTC très positifs au LV et taux élevé des anticorps
dans le jéjunum. immunoglobulines E spécifiques au LV
Les lésions biopsiques sont caractéristiques : Groupe II - - ++ - Apparition des vomissements et/ou de la diarrhée
infiltration éosinophilique gastrique. plusieurs heures après l’ingestion de faibles quanti-
Chez les jeunes enfants, ne pas confondre cette tés de LV
- La plupart des patients ont des PTC négatifs au
affection avec une sténose-hypertrophie du pylore.
LV
La colique infantile ou colique du nourrisson - Existence d’une incidence relativement plus éle-
apparaît le plus souvent dans les 2 à 4 premières vée d’une déficience en immunoglobuline A et
semaines de vie. Ce syndrome très fréquent, d’une séroconversion à rotavirus que dans les
caractérisé par des pleurs incessants, peut persister groupes contrôles du même âge
dans certains cas jusqu’au troisième ou quatrième Groupe III + ++ +++ - Diarrhée sans vomissements avec ou sans réac-
mois et créer une atmosphère familiale particulière tions respiratoires et/ou eczémateuses
associant impuissance et anxiété. - Apparition des symptômes plus de 20 heures
Chez le nourrisson au sein, il faut enquêter sur le après l’ingestion de LV
régime alimentaire de la mère qui allaite. - Ingestion de grandes quantités de LV
- Augmentation in vivo de la réactivité des cellules T
Chez le nourrisson allaité artificiellement, il faut aux protéines lactées
rechercher en premier lieu une intolérance aux - PTC positifs mais moins marqués que dans le
protéines du lait de vache et essayer d’utiliser des groupe I et réservés aux patients eczémateux
hydrolysats fortement poussés. L’hypersensibilité IgE
dépendante aux protéines lactées bovines ne PTC : prick-test cutané.
représente que 10 à 15 % des nourrissons souffrant
de colique. Une analyse logarithmique a permis de distinguer d’un tableau plus sévère correspondant à une
Enfin, il ne faut pas confondre cette symptomato- trois groupes de patients avec des délais différents réaction anaphylactique.
logie avec celle d’un reflux gastro-œsophagien, isolé dans l’apparition des réactions adverses au lait de L’urticaire est dite « chronique » après 6 semaines.
ou quelquefois associé. vache et des profils immunologiques différents
Des observations de plus en plus nombreuses font
(tableau VI).
¶ Intolérance (hypersensibilité alimentaire non Cette étude a permis de distinguer dans ce
état d’urticaire chronique allergique IgE dépendante
allergique) et/ou allergie au lait de vache [7, 18] à des allergènes masqués ou à différents aliments
modèle d’allergie au lait de vache des phénomènes
Cette AA, la plus précoce chez l’homme, peut (blé, lait de vache).
IgE et non IgE.
servir de modèle pour comprendre les différents
mécanismes de sensibilisation. Allergie au lait de vache et reflux gastro- Dermatite atopique (DA). Relation allergie
L’intolérance et/ou l’allergie aux protéines du lait œsophagien [18, 19] alimentaire-DA [16, 20]
de vache demandent une simple définition. Nous Un certain nombre de travaux pratiqués chez des Il s’agit d’une maladie inflammatoire cutanée
utilisons le terme « allergie » dans les cas où la nourrissons (Molkhou, Staiano et Iacono) ont attiré qui appartient, avec l’asthme et la rhinoconjonc-
présence de tests cutanés et l’existence d’anticorps l’attention sur la fréquence d’une association AA et tivite allergique, au groupe des maladies
spécifiques IgE antilait (lait de vache et différentes reflux gastro-œsophagien. Les résultats de ces allergiques actuellement décrit sous le terme de
fractions protéiques) sont positifs. études ont permis de conclure que tout nourrisson « marche allergique ». En France, la prévalence peut
Le terme d’« intolérance » est employé dans les âgé de moins de 1 an porteur d’un reflux atteindre jusqu’à 20 % chez les jeunes enfants pour
autres situations. gastro-œsophagien devrait être soigneusement se réduire autour de 8 % chez les adolescents. L’AA
La clinique ne permet jamais de distinguer ces exploré afin de déterminer si son reflux est primaire est retrouvée dans 50 à 60 % des observations de
deux formes. Les tests d’éviction-réintroduction ne ou secondaire à une allergie au lait de vache. DA.
permettent pas non plus de les séparer. Récemment, une étude conduite par Kelly et al [12]
La DA, première manifestation de la maladie
De plus, il a été démontré que le passage de a attiré l’attention sur l’existence d’une « œsophagite
atopique, est une réaction à la fois IgE dépendante et
l’intolérance à l’allergie était possible, alors que le à éosinophiles » confirmée par biopsie chez un
à réaction retardée.
passage inverse n’a jamais été observé. certain nombre de jeunes enfants diagnostiqués
reflux gastro-œsophagien et traités sans succès par La figure 9, d’après Bruijnzeel-Koomen [1] ,
L’étude qui nous paraît la plus démonstrative est
celle conduite par Hill et son équipe à Melbourne un traitement médical ou même chirurgical. Seul un explique le rôle joué par les molécules à IgE à la
(Australie) pendant ces 20 dernières années sur traitement par une formule à base d’aminoacides surface des cellules de Langerhans (LC) ou cellules
l’allergie au lait de vache. (Neocatet) a permis de faire disparaître les présentatrices d’antigènes, chez les sujets atteints de
symptômes digestifs et d’améliorer la perte de poids. DA. Les aéroallergènes comme les trophallergènes
Cette étude décrit une série de manifestations
pénètrent l’épiderme et les cellules spécifiques
cliniques et de syndromes capables d’être reproduits Allergie au lait de vache et constipation
par tests de provocation. d’antigènes qui infiltrent les lésions cutanées [1].
L’étude conduite par Iacono a montré le rôle de
Ces accidents vont de l’anaphylaxie et de l’AA dans la constipation chronique du nourrisson [9]. Pour expliquer la physiopathologie de l’AA dans
l’urticaire aiguë, d’apparition presque immédiate la DA, on peut considérer l’atopie comme un défaut
dans les minutes suivant le test de provocation, à la ¶ Allergies alimentaires et manifestations des barrières des différents épithéliums. C’est à
cutanées [15] travers ces barrières peu efficaces que les allergènes
souffrance, aux vomissements et à la diarrhée dans
les heures suivantes, puis aux troubles respiratoires Urticaire aiguë et angiœdème (œdème de Quincke) aéroportés ou ingérés pénètrent, soit à travers
et aux poussées de dermatite atopique 24 heures Ils peuvent être les seuls symptômes d’une l’épithélium, soit à travers la muqueuse intestinale
après l’ingestion de lait de vache. réaction allergique alimentaire ou bien faire partie pour atteindre la peau et/ou le poumon (fig 9).

7
8-0319 - Allergies alimentaires chez l’enfant

Peau Tableau VII. – Tableau des réactions allergi-


Environnement ques. Déroulement des symptômes (adapté
Épiderme Derme Circulation
d’après la classification de Molkhou et Pinon.
IgE IgE CLA+ Synthèse IgE
In: Charpin J et Vervloet D ed. Allergologie.
LC Th2 IL4 IgE Flammarion, 1992 : 65, 682-99).
LC
1. Réaction Syndrome oral, syndrome
Pneumallergènes locale digestif
Th2
Eo 2. Réaction Urticaire, prurit, œdème de
Eo IL5 Eo généralisée Quincke, sensation de gorge
Th0 IL4
modérée serrée, toux sèche

Trophallergènes Œdème angioneurotique,


MC Th1 3. Réaction oppression thoracique associés
généralisée à au moins deux des symptômes
forte suivants : nausées, douleurs
Th0 abdominales, diarrhée, vertiges
Un ou plusieurs symptômes du
9 Mécanismes immunopathogénique dans la dermatite atopique (d’après Bruijnzeel-Koomen [1]). stade 3 associés à au moins
LC : cellule de Langerhans ; Th : lymphocyte ; Eo : éosinophile ; IL : interleukine ; MC : mastocyte ; CLA : 4. Réaction deux des symptômes suivants :
cutaneous lymphocyte antigen ; Ig : immunoglobuline. généralisée dyspnée, confusion,
grave dysphagie/dysphonie, impres-
sion de mort prochaine, chez la
femme, contractions utérines
Absorption transépithéliale transport poumon
(cellule M) peau Un ou plusieurs symptômes du
Protéine stade 4 associés à au moins
5. Choc deux des symptômes suivants :
alimentaire
anaphylactique cyanose, perte de connaissance,
ingérée hypotension, syncope, collap-
Aspiration et aérolisation voie d'inhalation sus, incontinence
du produit ingéré vers le poumon

10 Mécanisme de l’asthme alimentaire. subnormal et apparaît ensuite une série de


symptômes catastrophiques, voire mortels.
Réactions allergiques après contact avec un ¶ Choc anaphylactique et aliments [23] Cette période trompeuse peut durer de 1 à
aliment [32] Les réactions anaphylactiques généralisées sont 3 heures ; il est donc recommandé de ne pas
Urticaire de contact à certains aliments (poisson, considérées comme la complication la plus redoutée autoriser les patients à quitter les urgences de
crevette, viande, œuf, farine, pomme de terre) : ce de l’AA. l’hôpital avant un minimum de 4 heures de
syndrome est souvent d’origine immunologique IgE On peut définir l’anaphylaxie alimentaire comme surveillance.
dépendant confirmé par tests cutanés et biologiques. un syndrome allergique à risque mortel caractérisé Le tableau VII [28] ci-dessus résume les signes et
Actuellement, la cause la plus fréquente est l’allergie par l’apparition brutale de symptômes en quelques symptômes de l’anaphylaxie.
aux protéines de latex, avec quelquefois des minutes suivant l’ingestion d’un aliment et
manifestations systémiques (asthme, urticaire correspondant à la description d’une hypersensibilité


généralisée, anaphylaxie). IgE dépendante.
Dermatite allergique de contact : sensibilisation de
Hypersensibilité alimentaire
Actuellement, les AA sont, avec les piqûres non IgE [15]
type retardé avec arômes (vanilline, baume du d’hyménoptères et les médicaments, la cause la plus (tableau V)
Pérou) ; patch-test + + après 48 heures. fréquente des réactions anaphylactiques vues aux
Le nickel peut être responsable de ce type de urgences dans les hôpitaux. ¶ Formes digestives
réaction chez des sujets sensibles à des aliments Elles représentent à elles seules 50 % des cas Elles sont le plus fréquemment rencontrées chez
contenant du nickel (fréquent chez l’enfant). selon des études récentes [26]. En France, on estime à l’enfant.
plus de 10 % les chocs d’origine alimentaire. L’entérocolite est une entéropathie du nourrisson
¶ Manifestations respiratoires et allergies avec troubles digestifs, sang dans les selles, perte de
alimentaires [16] Pour les allergènes responsables, se reporter au
poids et présence d’une atrophie villositaire à la
Les relations entre aliments et manifestations tableau III et tenir compte des variations
biopsie jéjunale. Les tests cutanés et les IgE
respiratoires sont nombreuses. « régionales » dans la répartition des causes
spécifiques sont négatifs aux allergènes alimentaires
Elles peuvent survenir dans deux conditions d’anaphylaxie alimentaire.
habituels à cet âge.
différentes : L’anaphylaxie induite par l’effort est une forme
L’élimination de l’allergène suspecté entraîne une
– lors de la manipulation de l’aliment ou par voie particulière de réaction allergique sévère associant
disparition des symptômes dans les 72 heures.
aéroportée (odeurs ou fumées de poisson ou de effort et aliment. Les manifestations ne surviennent
fruits de mer [observation personnelle, Allergènes qu’à l’occasion d’un effort physique important au Les syndromes de malabsorption comprennent :
aéroportés OPA Pratique, 2000 : 133]) ; cours de la digestion : urticaire généralisée, – des formes passagères, puisque l’élimination
– lors de son absorption. érythème, obstruction respiratoire et quelquefois de l’allergène alimentaire responsable entraîne une
collapsus cardiovasculaire. guérison au bout de quelques semaines (lait de
Mécanismes de l’asthme alimentaire (fig 10) vache) ;
Les allergènes incriminés sont en particulier le blé,
Lors de réactions croisées entre fruits et légumes, – des formes définitives en principe, comme la
le céleri, les crustacés, l’arachide [6].
la sensibilisation primaire de l’arbre respiratoire est maladie cœliaque, définie actuellement comme une
liée à des pneumallergènes (pollens). Manifestations et déroulement des symptômes « entéropathie auto-immune » induite par l’ingestion
Voie digestive, réaction IgE dépendante : Dans le choc anaphylactique, la réaction est de gliadine chez des individus génétiquement
– chez l’enfant, par accroissement de la d’autant plus sévère qu’elle apparaît précocement. susceptibles (Olives JP. Arch Pédiatr 2001 ; 8 suppl 2 :
perméabilité intestinale, viroses respiratoires, reflux Dans un tiers des cas, la réaction se fait en deux 403-405).
gastro-œsophagien ; temps : après une première phase marquée par les Les hypothèses actuellement retenues dans la
– chez l’adulte, à la suite de la prise de signes habituels, suit une période trompeuse au pathogénie font intervenir une enzyme, la
bêtabloquants. cours de laquelle le patient semble recouvrer un état transglutaminase tissulaire.

8
Allergies alimentaires chez l’enfant - 8-0319

La prévalence de la forme classique symptoma- Le test de perméabilité intestinale est augmenté


tique est estimée à 2/1 000. Gastro-intestinal Eczéma Asthme Rhinite dans plusieurs affections digestives et dans l’AA.
Les autres formes cliniques silencieuses (ou


asymptomatiques) latentes et potentielles sont
beaucoup plus fréquentes : 1/100 en Europe.
Prévention de l’allergie
alimentaire. Choix des laits.
Le diagnostic, en dehors de la biopsie, est facilité Traitements médicamenteux [15, 16]
par des tests sérologiques (dosage des anticorps
antigliadine et antiendomysium, largement utilisés) ‚ Mesures préventives
et surtout par la recherche des anticorps Il est impossible de séparer la prévention de l’AA
antiglutaminase tissulaire. 0 1/2 1 3 7 15 ans de la prévention globale de l’allergie.
À côté de la forme symptomatique (diarrhée Familles à risques : rechercher l’existence d’un
chronique, ballonnement, hypotrophie), on décrit 11 Manifestations en fonction de l’âge. terrain atopique familial et surtout agir sur
des formes plus trompeuses : constipation, retard de l’environnement, et éviter en particulier d’introduire
croissance, retard pubertaire, ostéoporose. – chez le nouveau-né et le nourrisson, penser trop précocement certains aliments allergisants pour
Actuellement, on recherche les formes silencieuses à une sensibilisation précoce (in utero) ; permettre au tube digestif d’atteindre sa maturité.
(asymptomatiques) dans un certain nombre – chez l’enfant au sein, rechercher les Rechercher des signes cliniques de sensibilisation
d’affections : diabète de type 1, déficit en IgA, allergènes ingérés par la mère pendant la précoce anté- et postnatale.
trisomie 21, syndrome de Turner. grossesse et au cours de l’allaitement ; Chez un nourrisson au sein, évoquer un fait
La durée du régime sans gluten, définitive pour – à la période du sevrage, apparition de quelquefois négligé : une sensibilisation par le lait
certains, est discutable pour d’autres. signes anaphylactiques ; maternel [7]. En effet, si l’allaitement maternel doit
– en fonction des manifestations cliniques ; être proposé du fait de son rôle protecteur sur les
¶ Dermatite herpétiforme [15] penser actuellement au « syndrome des allergies
Maladie cutanée papulovésiculeuse très infections, en revanche il existe de nombreux
multiples », de plus en plus fréquent [30] ; exemples où les allergènes alimentaires de la mère
prurigineuse à ne pas confondre avec un eczéma – en fonction de ou des aliments suspectés.
atopique, elle s’associe dans 90 % des cas à une sont passés dans son lait (Molkhou P, observation
L’interrogatoire est une étape essentielle pour personnelle) (fig 13).
entéropathie au gluten. Le diagnostic est porté sur rechercher :
les lésions histologiques de la peau associées aux Proposer à la mère un régime d’éviction (lait de
– des signes cliniques évocateurs ; vache, œuf de poule, soja, arachide et poisson)
examens décrits pour la maladie cœliaque (cf supra). – des antécédents familiaux d’atopie ;
En plus du régime sans gluten, le traitement pendant la période de gestation et d’allaitement, à
– la survenue dans le temps des manifestations ; condition que ce régime soit appliqué au début de la
symptomatique de l’éruption cutanée caractéristique – l’aliment responsable par une enquête
(nuque, faces d’extension des membres et face grossesse.
catégorielle.
postérieure du corps) repose sur les sulfones, avec un L’étape suivante comprend les tests cutanés : Modalités pratiques de l’instauration
effet spectaculaire. prick-tests et patch-tests, batterie de tests comportant d’une prévention [15]
¶ Hémosidérose pulmonaire [16] les extraits du commerce et des produits frais. Chez l’enfant à risque atopique, il est conseillé de
Ce syndrome rare, décrit par Heiner en 1960, est L’étape biologique comprend : le dosage des IgE ne pas utiliser les laits HA en cas d’allergie au lait de
une alvéolite caractérisée par des infiltrats à totales et spécifiques (UNI-CAP-RASTt, Trophatop vache. Ces laits ne peuvent être empoyés qu’en
rechutes, associée à une anémie ferriprive évocatrice enfant, adultet) ; valeurs prédictives des IgE prévention. Pour les légumes et les fruits, ne rien
d’une hémosidérose pulmonaire, à des signes spécifiques en allergie alimentaire [29] ; inhibition du introduire avant 4 mois et supprimer tous les fruits
gastro-intestinaux et à un retard de croissance. RAST et immunoempreintes dans la recherche de exotiques. Pour les matières grasses, ne pas utiliser
Des macrophages chargés de fer peuvent être réactions croisées. d’huile d’arachide ni de margarine contenant la
détectés sur des biopsies pulmonaires ou après Tests d’éviction-réintroduction : tests de mention graisse végétale non précisée.
lavage gastrique. provocation en ouvert, en simple ou en double Toutes ces mesures préventives sont accompa-
Ce syndrome est souvent associé à une aveugle contre placebo. gnées d’un contrôle de l’environnement (allergènes
hypersensibilité non IgE au lait de vache. Test de perméabilité intestinale à jeun et après aéroportés : acariens, animaux, moisissures).
Un mécanisme de type III avec formation de test de provocation [16] (Dupont et Molkhou) (fig 12),
technique qui permet d’étudier la souffrance de Importance du choix d’une formule
complexes immuns est suspecté.
l’intestin grêle en comparant l’élimination urinaire de pour les nourrissons à risques [16]
Tous les signes cliniques disparaissent si
deux marqueurs : le lactitol (anciennement lactulose) Le tableau VIII résume l’ensemble des différentes
l’élimination du lait de vache est ordonnée
qui explore les grosses molécules et le mannitol pour formules disponibles auxquelles il faut ajouter des
précocement.
les petites molécules. formules enrichies en probiotiques.
¶ Mort subite du nourrisson
Ce syndrome multifactoriel a récemment
bénéficié de deux études suggérant un mécanisme
allergique grâce à l’introduction d’un dosage fiable
de la tryptase, médiateur libéré par l’activation des
mastocytes. Cette endopeptidase mastocytaire est Muqueuse Muqueuse
augmentée de façon significative chez des saine altérée
nourrissons décédés de mort subite.
De plus, des anticorps spécifiques IgE
anti-b-lactoglobuline ont été retrouvés chez ces
nourrissons. Ces données suggèrent que les
nourrissons porteurs d’IgE anti-b-lactoglobuline Lactulose
présentent un plus grand risque de mort subite [24]. Mannitol


Méthodologie diagnostique

Elle doit être adaptée :


[15]
Mannitol
Lactulose
PM
182
342

12 Perméabilité intestinale. PM : poids moléculaire.


– en fonction de l’âge (fig 11) :

9
8-0319 - Allergies alimentaires chez l’enfant

Actuellement, il existe en France un


projet d’accueil individualisé (PAI)
(circulaire n° 93-248 du 22/07/1993,
annulée et remplacée par celle du
Cavité buccale
de la mère 18/11/ 99).
Son but est de favoriser de manière
Sein
concertée l’intégration et le suivi
Intestin de spécifiques de l’enfant allergique dans
la mère les activités scolaires et pédagogiques
Antigènes de l’établissement (Molkhou P.
Autres Conseils pratiques destinés aux
Intestin du muqueuses
nourrisson enfants souffrant d’allergies
alimentaires. Brochure éditée par
l’Institut UCB de l’Allergie 1, rue
Diderot, 92003 Nanterre).
Circulation
sanguine
exemple, depuis la rentrée 2001, tous les enfants
peuvent consommer sur place un repas founi par la
Canal famille ;
Ganglion thoracique – la mise en place d’un protocole de soins et
mésentérique d’intervention en cas d’urgence ;
– la prise en compte dans le déroulement des
13 Circulation des antigènes alimentaires. De l’intestin maternel via les cellules M chargées du transport des séquences pédagogiques des contraintes liées à la
allergènes alimentaires, l’aliment arrive par voie lymphatique aux ganglions mésentériques, au canal thora- pathologie de l’enfant ;
cique et ensuite dans la circulation sanguine. Il arrive ainsi au sein, puis dans l’intestin du nourrisson. – la formation des personnels intervenant auprès
de l’enfant.
Tableau VIII. – Formules hypoallergéniques.

Type

Hydrolysats de caséine bovine


Hydrolysats poussés

Galliagène*+
Alimentum*
Hydrolysats moyennement
poussés

Traitement d’urgence

Recommandation. Tout patient ayant présenté


Nutramigen*+
une réaction plus ou moins sévère doit disposer
Pregestimil*+
Hydrolysats de lactosérum Profylac*° Beba H.A.*° d’une trousse d’urgence à portée de main,
Hypolac*° Good Start*° comprenant :
Pepti-Junior*+ NAN H.A.*° – adrénaline (Stylo Anapent auto-injectable,
Alfaré*+ Nidina H.A.*°+ disponible en France) (Epipent, FastJektt, Min-I-Jett
Nutrilon Pepi* ne sont pas disponibles en France, mais en Belgique,
Nutrilon Pepti Plus* au Canada, en Suisse, au Royaume-Uni) ;
Aptamil H.A.*+ Enfalac*+ – corticoïdes injectables d’action rapide :
Hydrolysat collagène soja/porc Pregomine+
Solu-Médrolt, Célestènet, par voie intraveineuse ou
* Le même produit sous deux différentes marques.
intramusculaire ;
° Les mêmes produits sous différents noms dans différents pays. – antihistaminiques : Polaraminet injectable ;
+ Produits commercialisés en France.
– autres médicaments : corticoïdes oraux, anti-H1
(dernière génération), bêtamimétiques (spray ou
Remarque poudre).
Une nouvelle préparation, le Néocatet, à base d’aminoacides, produit non
allergénique, est actuellement recommandée chez des enfants intolérants aux
hydrolysats poussés.

Risque alimentaire à l’école Cette circulaire répertorie les dispositifs



Conclusion

Les AA de l’enfant sont souvent précoces,


nécessaires pour assurer la sécurité de l’enfant
La sécurité en milieu scolaire peut être assurée par multiples et trompeuses, et nécessitent une
allergique et aider à son intégration durant tout le
le projet d’accueil individualisé (PAI) (Moneret- démarche scientifique et rigoureuse entre les mains
temps de sa présence à l’école :
Vautrin DA, Kanny G. Alim’Inter 1999 ; vol 4 n° 16 ; de spécialistes afin d’asseoir et de préciser la place
Molkhou P. Réalités Pédiatriques 2000 ; n° 49 ; – la possibilité de suivre un régime alimentaire de l’AA, mais également le rôle étiologique réel de
Molkhou P. OPA Pratique 2000 ; n° 138.) dans le cadre de la restauration collective ; par l’AA dans les maladies allergiques.

10
Allergies alimentaires chez l’enfant - 8-0319

Conduite à tenir en cas de réaction anaphylactique (d’après Dutau G. Réalités Pédiatriques 2001 ; n° 60 : 6-13)
✔ Symptômes mineurs : rhinite et/ou conjonctivite : Zyrtect gouttes. Contacter le médecin par mesure de sécurité ou en son
absence, en France, le Service d’aide médicale urgente (SAMU).
✔ Anaphylaxie modérée (urticaire diffuse, prurit, œdème oculaire) :
– Polaraminet injectable, par voie intramusculaire ou intraveineuse ;
– contacter le SAMU.
✔ En cas de malaise, fatigue, œdème de Quincke :
– adrénaline : 0, 01 mg/kg par voie intramusculaire (enfants) et 0,3 à 0,5 mg/kg (adultes) à répéter si besoin au bout de
30 minutes ;
– appeler le SAMU.
✔ En cas de choc anaphylactique :
– appeler le SAMU et mettre en position couchée, les jambes surélevées ;
– oxygénothérapie, bêta-2-mimétique par voie inhalée si bronchospasme ;
– adrénaline et corticoïdes par voie intramusculaire ou intraveineuse ;
– prise en charge par le SAMU ou les services d’urgences pour les soins ultérieurs (perfusion).

Paul Molkhou : Pédiatre allergologue,


(service du Pr Dupont), chargé d’enseignement, faculté Cochin, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 82, avenue Denfert-Rochereau, 75114 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Molkhou. Allergies alimentaires chez l’enfant.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0319, 2002, 12 p

Références

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Moneret-Vautrin DA. Adverse reactions to food. Position paper. Allergy 1995 ; 29-36
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11
8-0319 - Allergies alimentaires chez l’enfant

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12
8-0317

8-0317

Obésité de l’enfant
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

et de l’adolescent
ML Frelut

L a prévalence de l’obésité de l’enfant et de l’adolescent connaît une flambée dans les pays industrialisés. La part
de la génétique n’intervient que pour environ un tiers dans sa variance à l’échelle de populations. La part des
facteurs non génétiques est donc prédominante. L’inactivité physique croissante d’une part, l’augmentation de la
consommation d’aliments à haute densité en énergie et de sodas de l’autre, contribuent largement à expliquer le
phénomène. S’il n’existe pas de terrain psychopathologique particulier aux enfants obèses, leur stigmatisation
contribue à diminuer leur estime de soi et donc à créer un cercle vicieux. L’approche et le traitement tant préventif
que curatif sont nécessairement pluridisciplinaires. Prévenir l’obésité de l’enfant et de l’adolescent est donc devenu,
en France, une priorité nationale de santé publique.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : enfant, adolescent, obésité, prévention, traitement, épidémiologie, génétique, facteurs de risque,
alimentation, activité physique.


impossible la définition d’un seuil unique d’obésité, taille. Les courbes de poids et de taille sont donc le
Introduction quel que soit le mode d’expression retenu. Le premier outil dont dispose le clinicien. Ceci souligne
recours à des courbes ou des abaques adaptées à la prééminence de la clinique.
l’âge et au sexe est donc indispensable. Par L’indice de Quételet (poids en kilos divisé par la
Ce n’est que depuis 2000 que l’obésité de l’enfant définition également, l’obésité correspond à un taille, en mètres, élevée au carré), ou indice de masse
et de l’adolescent est devenu un thème de recherche déséquilibre entre consommation et dépense corporelle (IMC), est universellement accepté pour
majeur et une priorité de santé publique dans d’énergie. définir l’obésité car il est bien corrélé avec la masse
l’ensemble du monde industrialisé, alors que les
La graisse étant sous-cutanée, les modes de grasse. Selon les nouvelles normes internationales
pays pauvres sont à leur tour effleurés par ce
diagnostic de l’obésité reposent sur des de l’International Obesity Task Force, réservées à
phénomène. Les avancées sont liées au fait que ce
approximations : en pratique clinique courante et en l’épidémiologie, sont considérés comme en surpoids
sujet prend désormais toute sa dimension : aucun
épidémiologie, il est fait appel à l’anthropométrie. les enfants de 2 à 18 ans dont l’IMC est supérieur au
domaine ne peut être a priori exclu pour l’expliquer,
Des méthodes d’analyse de la composition 90e percentile de la distribution de l’indice et comme
de la sociologie à la biologie moléculaire. L’ensemble
corporelle ou des techniques d’imagerie viennent obèses ceux qui sont au-delà du 97e percentile, ce
demeure encore un gigantesque puzzle et pose, en
affiner les connaissances en recherche, en qui correspond à l’âge de 18 ans à des IMC respectifs
définitive, la question de la relation d’un individu à
permettant de prêter attention à la répartition des de 25 et 30 kg/m2. Ces valeurs sont beaucoup plus
son environnement. Cet article essaie de présenter
dépôts adipeux. élevées que les valeurs françaises, présentes depuis
un résumé de la réflexion utile aux cliniciens et
1995 dans les carnets de santé, qui sont donc plus
notamment aux médecins généralistes, dont le rôle ‚ Évolution physiologique de la masse sensibles et que l’on doit seules utiliser en France en
de médecins de famille par excellence ne devrait pas grasse au cours de la croissance pratique clinique.
disparaître et devrait même être renforcé : en
matière d’obésité, l’histoire démarre en effet Les enfants nés à terme ont une masse grasse Périmètres et plis cutanés
peut-être dès la gestation, se poursuit à toutes les d’environ 13 à 15 % du poids corporel. Le pic de
25 à 26 % est ensuite atteint entre 5 et 6 mois, dans Depuis la description, voici plus de 40 ans, des
étapes de l’enfance, alors la surveillance pas à pas différentes formes d’obésité (androïdes, à risque
est la clé de la prévention des dérives, ainsi que le les deux sexes. À 18 mois, il a décru jusqu’à 21-22 %.
À 5 ans, le taux est d’environ 12 à 16 %. Puis cardiovasculaire accru, et gynoïdes), les mesures des
souligne la récente expertise collective que l’Institut tours de taille et de hanche font partie des
National des Sciences et de la Recherche Médicale survient une augmentation prépubertaire, le
« rebond d’adiposité » décrit par Rolland-Cachera, paramètres couramment utilisés chez l’adulte. Chez
(INSERM) vient de mener. De plus, de nouvelles voies l’enfant, la relation entre l’accumulation de masse
thérapeutiques restent à découvrir, dont les dont la date et l’intensité sont très corrélées au risque
de survenue d’une obésité. Lors de la puberté grasse totale et intra-abdominale demeure mal
indications devront être bien comprises, dans le cernée. Les périmètres abdominaux comme la
respect des recommandations générales de l’Agence surviennent des évolutions opposées chez la fille et
le garçon. Au début de l’âge adulte, les pourcentages mesure des plis cutanés ont donc un intérêt surtout
Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé. d’étude.
de masse grasse représentent environ 20 à 25 % du
poids corporel chez les femmes et 15 à 20 % chez ‚ Mesure de la masse grasse


les hommes. et de sa distribution
Définition et méthodes
de diagnostic ‚ Diagnostic anthropométrique Méthodes
La mesure de la composition corporelle chez
Indice de Quételet
L’obésité de l’enfant, comme celle de l’adulte, est l’enfant permet l’interprétation des données de
par définition un excès de masse grasse dont Le diagnostic d’obésité doit être suspecté chez dépense d’énergie. Plusieurs techniques sont
l’évolution physiologique avec la croissance rend l’enfant lorsque le poids croît plus rapidement que la disponibles : les unes, d’emploi difficile, recourent à

1
8-0317 - Obésité de l’enfant et de l’adolescent

Tableau I. – Évolution de la prévalence de l’obésité infantile dans le monde. Résultats d’enquêtes comparatives (d’après Oppert JM et al. Medecine
Sciences 1998 ; 11 : 939-943 ; Frelut ML et al. Medecine et Nutrition 1995 ; 6 : 293-297).

Obèses (%)
Pays Critère Âge (ans) Année d’étude Nombre de sujets
Filles Garçons
Finlande P/T et/ou PCT > 90 centile
2 e
9-18 1980 3 596 3,6 2,1
1986 2 503 4,3 2,1
Grande-Bretagne PCT > 90e centile 5-11 1972 8 007 7-12 6,5-10
1981 6 275 10-14,5 8-16,5
Japon (P/PI pour la taille) x 100 > 120 6-14 1979 8 000 6,4 7,7
1988 8 000 9,8 8,8
États-Unis NHANES I & III P/T2 > 85e centile 6-11 1971-1974 2 057 18,2 13,9
1988-1991 1 817 22,3 22,7

P : poids (kg) ; T : taille (m) ; PCT : pli cutané tricipital (mm) ; NHANES : National Health and Nutrition Studies.

Tableau II. – Évolution de la prévalence de l’obésité infantile dans différentes régions de France (d’après(1) Rolland-Cachera MF et al. Int J Obesity
1992 ; 16 : 5 ; Lebingue Y et al. Rev Epidem Santé Publ 1996 ; 44 : 37-46 ; Vol S et al. Int J Obesity : suppl 3 : 210.

Région Critère Âge (ans) Année d’étude Nombre de sujets Obèses (%)
Lorraine 1
P/T > 97,5 centile
2
4-17 1980 6 863 2,5
1990 5 978 3,2
Languedoc2 Z-score P/T2 ≥ 2 4-5 1987-1988 8 650 1,8
1992-1993 10 174 4,9
Centre3 P/T2 ≥ 25 9-10 1980 1 198 0,4
1996 622 1,9
P/T2 ≥ 20 9-10 1980 1 198 5,1
1996 622 12,7

P : poids (kg) ; T : taille (m).

la dilution de traceurs et supposent des modèles épidémiologiques. La confirmation a été apportée atteint 50 % chez les enfants obèses contre 10 %
pluricompartimentaux de l’organisme ; les autres de l’augmentation du nombre d’enfants atteints chez les enfants non obèses. Avant l’âge de 3 ans, le
permettent la mesure des différents tissus de (tableau I). Malheureusement, ces taux ne sont pas facteur le plus prédictif est le statut des parents.
l’organisme. comparables puisque calculés selon des méthodes Au-delà, le statut de l’enfant intervient de façon
Les techniques d’imagerie connaissent deux différentes. prédominante. D’autres études confirment ces
sortes de limites, liées aux caractéristiques de la Les États-Unis ont été parmi les premiers pays, dès tendances. En France, les travaux de Rolland-
méthode physique et à la validité des équations, et les années 1960, à surveiller l’état nutritionnel et de Cachera ont mis en évidence que le risque d’obésité
donc des hypothèses sous-jacentes, permettant santé de la population infantile, au moyen des à l’âge adulte croît avec la précocité du « rebond
d’extrapoler la composition corporelle à partir de National Health and Nutrition Survey. Dans la adipocytaire », autrement dit avec la vitesse à
paramètres purement physiques. tranche d’âge 6-11 ans, plus de 20 % des enfants de laquelle la proportion de masse grasse d’un enfant
Le scanner et la résonance magnétique nucléaire ce pays sont obèses. La prévalence reste plus élevée se met à réaugmenter après un passage par un
sont utilisés pour mesurer la graisse viscérale. qu’en Europe, où la situation évolue malheureu- minimum, normalement atteint vers 6 ans. Ce
L’ultrasonographie pourrait s’avérer intéressante sement rapidement. En France, les enquêtes rebond est reflété par l’évolution de l’indice de
pour remplacer la difficile mesure des plis cutanés. régionales confirment cette tendance et l’importance Quételet, d’où l’intérêt de ces courbes.
L’absorptiométrie biphotonique permet d’obtenir du phénomène dès la petite enfance (tableau II). À
l’échelle nationale, une récente étude suggère une


simultanément des informations sur la minérali-
sation osseuse. prévalence encore supérieure, à 14 %, chez les
enfants de 7 à 9 ans.
Physiopathologie
L’impédancemétrie repose sur l’application à
l’organisme d’un courant de faible intensité et sur le
‚ Risque de surpoids à l’âge adulte
fait que la masse grasse et la masse maigre ont des ‚ Développement du tissu adipeux
conductivités différentes. Les facteurs limitant Le risque pour un enfant de devenir un adulte
l’application sont le degré d’hydratation et la obèse est lié à deux types de facteurs de risque Tissu adipeux blanc
géométrie du corps. Elle n’est pas validée chez familiaux : lien génétique et partage d’un même Les adipocytes du tissu adipeux blanc sont le site
l’enfant par la majorité des constructeurs et n’a donc environnement. Ce risque augmente avec la sévérité de stockage et de mobilisation des triglycérides, des
pas sa place en clinique courante chez l’enfant en de définition de l’obésité, mais aussi avec l’obésité vitamines liposolubles, du cholestérol mais aussi de
bonne santé ni, a fortiori, obèse. parentale. La présence d’une obésité parentale certains polluants. Les avancées les plus récentes ont
accroît fortement le risque chez le jeune enfant, alors mis en lumière le rôle du système endocrine
qu’ensuite son propre degré d’obésité devient (exemple, sécrétion de leptine) et paracrine


Épidémiologie

‚ Évolution de la prévalence de l’obésité


déterminant. L’étude américaine de référence de
Whitaker montre que, aux âges de 1 à 2 ans, le
risque de rester obèse à l’âge adulte est de 8 %
lorsque les parents ne sont pas obèses. À l’autre
(exemple, sécrétion d’angiotensinogène) très
complexe, sous étroit contrôle génétique et
nutritionnel, de ce tissu dont l’apparition survient au
début du deuxième trimestre de la grossesse, puis
extrême, ce risque passe à 79 % entre 10 et 14 ans s’affirme au cours du troisième et dans la vie
infantile dans le monde lorsque l’un des parents est obèse. Ainsi, avant 3 ans postnatale. L’acquisition de nouveaux adipocytes
Plusieurs pays ont, alertés par des situations le risque, selon cette étude, de devenir un adulte reste possible tout au long de la vie, en dehors donc
locales visiblement évolutives, mené des études obèse est faible et croît avec l’âge. À 6 ans, ce risque des périodes critiques classiques. L’apoptose, par

2
Obésité de l’enfant et de l’adolescent - 8-0317

contraste, semble un phénomène marginal, Obésités syndromiques monogéniques associée à un retard de développement
soulignant le caractère quasi irréversible de Les obésités syndromiques monogéniques, psychomoteur de rechercher cette anomalie, dont la
l’acquisition d’un tissu hyperplasique. L’obésité modèles d’étude très utilisés chez l’animal, sont rares fréquence dépasse celle des autres rares obésités
survient par hyperplasie (augmentation du nombre chez l’homme. La mutation d’un seul gène permet syndromiques. D’autre atteintes, rares, ont été
d’adipocytes) ou hypertrophie (augmentation de la alors le développement de l’obésité en association décrites.
taille des cellules). Les obésités sévères combinent les avec un cortège de symptômes qui orientent vers
deux phénomènes. Il semble que la part de Obésités dites secondaires
une étiologie rare. L’identification des protéines
l’hyperplasie soit d’autant plus importante que le codées par ces gènes et l’analyse de leurs fonctions a L’emploi du terme secondaire reste consacré par
début de l’obésité est précoce, c’est-à-dire permis d’élucider des aspects majeurs de la l’usage, quoique la compréhension de cette
corresponde à la période de développement actif du régulation de l’appétit par le système nerveux pathologie ait largement évolué. Rentrent dans cette
tissu adipeux de la prime enfance. Différents facteurs central. L’exemple le plus fameux est l’identification catégorie les obésités :
adipogéniques ont été identifiés. Au rôle des de la leptine, hormone synthétisée par les – secondaires à un déficit endocrinien ; il s’agit
hormones au sens classique du terme (cortisol, adipocytes et qui, entre autres fonctions, module des déficits en hormone thyroïdienne et en
insuline, insulin growth factor [IGF] 1) vient s’ajouter l’appétit par son action sur les centres régulateurs de hormone de croissance ou effecteurs de celle-ci ; les
celui des acides gras, dont le type, le degré de l’hypothalamus. Sa mutation, dominante, entraîne pseudohypoparathyroïdies sont placées dans le
saturation et la longueur viendraient très chez la souris ob/ob une obésité majeure avec cadre des anomalies génétiques ;
précocement, probablement dès la vie intra-utérine, infertilité. Chez l’enfant, la transmission est récessive, – secondaire à un syndrome de Cushing ; il est
moduler le nombre des adipocytes. et le traitement possible par la leptine humaine alors indispensable d’effectuer les investigations
recombinante, administrée par voie sous-cutanée. nécessaires pour différencier l’hypercorticisme
Tissu adipeux brun
Lorsque la mutation touche le récepteur central, simple des obésités sévères d’une atteinte tumorale
Le tissu adipeux brun, à la différence du tissu à l’origine de l’obésité faciotronculaire caractéristique
Ob-R, l’effet pathogène est voisin, sans toutefois, à ce
adipeux blanc, contient plusieurs vacuoles contenant de cette pathologie surrénalienne ;
jour, d’action thérapeutique possible sur l’obésité.
des triglycérides et surtout de nombreuses – par atteinte encéphalique, le plus souvent
L’effet de certaines de ces mutations (POMC)
mitochondries. Sa principale caractéristique révélatrices d’une tumeur cérébrale (craniopharyn-
associe à l’obésité sévère précoce une atteinte
fonctionnelle est donc l’oxydation lipidique. La giome) ou d’une rechute d’un processus tumoral
e n d o c r i n i e n n e à t y p e d ’ i n s uffi s a n c e e n
présence de protéines de découplage de la (exemple, leucémie aiguë lymphoblastique).
corticostérone.
phosphorylation oxydative (uncoupling protein
[UCP]) au sein des mitochondries permet la Syndromes génétiques avec obésité ‚ Déséquilibres de la balance énergétique
production de chaleur, élément de régulation capital Les autres formes, rares, d’obésité associées à une dans l’obésité de l’enfant
chez les homéothermes. Son importance atteinte génétique se caractérisent par une petite et de l’adolescent
fonctionnelle est bien connue chez les animaux taille ou une absence d’accélération de la croissance La constitution d’une obésité correspond
hibernants et les rongeurs. Chez l’homme, si l’on a la staturale, phénomène inhabituel au cours des nécessairement à une dépense d’énergie
certitude d’une présence importante chez le obésités sévères de l’enfant. Par simplicité, on peut insuffisante par rapport à la consommation. De
nouveau-né, notamment aux joues et le long de les subdiviser en deux groupes, selon qu’elles sont façon récente, on prêtait une attention quasi
l’axe vertébral, l’importance physiologique demeure ou non associées à un retard de développement exclusive à la consommation alimentaire. Il s’avère
mal cernée. Chez l’adulte, une involution semble psychomoteur. Elles répondent à divers mécanismes que l’inactivité physique est devenue un élément
survenir. Néanmoins, de récentes études génétiques, génétiques : mutation d’un seul gène, anomalies déterminant, dont l’analyse se fait par référence à la
basées sur la fréquence de divers allèles des gènes chromosomiques, anomalies de l’empreinte physiologie. D’une manière générale, la dépense
UCP1 et UCP3, suggèrent leur participation à la parentale et mosaïcisme. d’énergie chez l’enfant peut être subdivisée en
régulation du poids chez l’homme.
Les obésités avec atteinte génétique, sans retard dépense pour la croissance et dépense liée au
‚ Génétique de l’obésité de développement psychomoteur ou avec un retard métabolisme, à la thermogenèse postprandiale et à
L’application des techniques de la biologie inconstant sont représentées par le syndrome l’activité physique. Seul ce dernier poste s’avère
moléculaire au domaine de l’obésité a été l’une des d’Alström et l’ostéodystrophie d’Albright ou largement modulable. La dépense liée à la
révolutions récentes en la matière. Si la question pseudohypoparathyroïdie. La biologie confirme croissance tombe dès la fin de la première année de
reste complexe, l’héritabilité de l’obésité commune a l’existence d’une résistance périphérique à la vie à moins de 5 % de la dépense d’énergie globale.
été confirmée et se situe entre 25 et 55 % dans les parathormone, et permet de déceler d’éventuelles Au moment de la puberté, elle est estimée à moins
études familiales, 50 à 80 % chez les jumeaux et 10 anomalies endocriniennes associées (thyroïde, de 1 % des dépenses, malgré le fait qu’il s’agit d’une
à 30 % chez les enfants adoptés. L’analyse gonades) et de classer ces anomalies dont existent phase de réaccélération de la croissance. Le
génétique permet de distinguer trois catégories : les plusieurs variants. métabolisme de repos représente environ les deux
obésités associées à une atteinte monogénique, les L’obésité de cause génétique, avec retard de tiers des dépenses totales chez un enfant au niveau
obésités dites communes, dans lesquelles développement psychomoteur constant, la plus d’activité physique usuel. Les enfants obèses ont des
interviendraient plusieurs gènes de susceptibilité, et fréquente est le syndrome de Willi-Prader, dépenses d’énergie plus élevées que celles d’un
les syndromes, plus connus, dans lesquels l’obésité caractérisé par une évolution en deux phases. enfant de poids normal. La différence est liée à
est l’un des éléments d’un tableau complexe. Durant la période néonatale existe une hypotonie l’augmentation de la masse maigre (muscles et
marquée ; les troubles alimentaires se manifestent viscères) de ces sujets, dont on sait qu’elle est le
Génétique de l’obésité commune par des difficultés. Il n’y a donc pas d’obésité à cette premier déterminant de la dépense d’énergie. Un
L’obésité commune est une maladie multifacto- phase, qui dure jusqu’aux environs de 2 ans. Lui enfant obèse peut donc brûler la même quantité
rielle, dans laquelle l’environnement joue un rôle succède une deuxième période avec hyperphagie d’énergie qu’un enfant de poids normal, voire plus,
majeur. Plusieurs variants géniques fréquents sont majeure et développement de l’obésité. lors d’une activité physique. Toutefois, comme ces
diversement associés selon les populations. Cliniquement, ces enfants de petite taille ont une sujets sont en général peu actifs ou ont des
L’association de plusieurs gènes de susceptibilité dysmorphie faciale avec front étroit, rétraction consommations élevées, le bilan reste équilibré,
jouerait un rôle cumulatif dans la sensibilité à temporale, yeux en amandes, nez et lèvre voire positif.
l’environnement (effet de la sédentarité, de la supérieure fins. Les troubles du comportement,
quantité ou de la qualité des graisses consommées constants, majorent la difficulté de prise en charge Évolution de la dépense d’énergie
par exemple) et déterminerait ainsi différents de ce syndrome, qui concerne 1/10 000 naissances. liée à l’activité physique chez l’enfant
phénotypes. À l’heure actuelle, dans les études de Le mécanisme génétique en est l’absence ou la lors de la croissance
criblage systématique du génome effectuées en non-expression de la région 15q11-q13 d’origine La dépense d’énergie, chez l’enfant, augmente
France, des variantes du gène POMC, ayant paternelle. jusqu’à la fin de la puberté. L’accroissement de la
d’importantes conséquences fonctionnelles, seraient Les obésités associées à l’X fragile ne constituent masse du corps, notamment la masse musculaire,
en cause dans plus de 5 % des obésités sévères de pas à proprement parler un syndrome particulier. contribue à accroître la dépense énergétique de
l’enfant. Néanmoins, il est indispensable devant une obésité repos, tandis que le gain d’autonomie, flagrant lors

3
8-0317 - Obésité de l’enfant et de l’adolescent

de l’acquisition de la marche, permet une surcompensation au cours de la journée de 10 à Dans un tiers environ des obésités sévères, une
augmentation de la dépense liée à l’activité 15 %, aux dépens des lipides. Les glucides stéatose hépatique est repérable par échographie et
physique. Si la dépense énergétique de repos et la consommés en excès, notamment sous forme de mesure des transaminases plasmatiques.
dépense en énergie liée à la croissance n’offrent sucreries et de sodas, sont une autre cause L’obésité, ce d’autant qu’elle est sévère, peut être
virtuellement aucune marge de manœuvre, la démontrée de déséquilibre des rations. La question accompagnée de manifestations d’hyperandro-
dépense liée à l’activité physique, étroitement liée des protéines fait encore l’objet d’un débat. Un fait génie, flagrantes chez la fille. Le mécanisme
aux conditions de vie, voit sa part potentielle croître certain est que leur consommation dépasse les sous-jacent en serait l’excès de production de sulfate
avec l’âge, le stade pubertaire, le degré d’autonomie, apports conseillés dans la majeure partie de la de déhydroépiandrostérone par les surrénales chez
de façon différente selon le sexe. Pendant la puberté, population pédiatrique, obèse ou non, et qu’un certaines patientes obèses. Une spanioménorrhée
les garçons brûlent au repos 24 % de calories en plus retour aux recommandations est souhaitable. Le rôle associée à une obésité sévère doit faire rechercher
en moyenne que les filles et 26 à 28 % de plus à protecteur de l’allaitement maternel est un syndrome de Stein-Leventhal.
l’effort. Un garçon pubère brûle, pour le même proportionnel à sa durée.
exercice, 40 % de calories en plus qu’avant la ‚ Complications respiratoires et troubles
puberté et une fille 26 %. Les acides gras ne sont du sommeil
oxydés dans les mitochondries qu’en aérobiose
stricte, ce qui implique un effort sous-maximal et ne
survient que 20 minutes environ après le début de
l’exercice, lorsque les réserves de glycogène

Risques et complications
de l’obésité infantile
L’obésité de l’enfant et de l’adolescent est
associée à un syndrome respiratoire restrictif majoré
en décubitus, d’autant plus important que le degré
de surpoids est élevé. En cas de doute, des épreuves
musculaire et hépatique s’épuisent. Ces conditions ‚ Risque cardiovasculaire et tumoral fonctionnelles respiratoires doivent aider à faire la
sont remplies lorsque des enfants et adolescents L’une des raisons majeures qui a longtemps part des choses d’avec un asthme associé,
pratiquent la plupart des jeux de plein air ou nagent. justifié le peu d’attention porté à cette pathologie est éventualité fréquente.
la progressivité avec laquelle s’installent les facteurs Les apnées du sommeil doivent être dépistées
Inactivité physique et genèse de l’obésité de risque dont, sauf dans les cas les plus sévères, chez l’enfant obèse, même très jeune. Un sommeil
de l’enfant : les données d’un problème récent l’expression ne sera patente qu’à l’âge adulte. Les agité, des ronflements, des pauses respiratoires, des
Le niveau d’activité physique des enfants et des études épidémiologiques soulignent la surmortalité sueurs importantes nocturnes, une énurésie, des
adolescents dans les pays industrialisés est en par accident vasculaire, cancer, en particulier du céphalées matinales, une asthénie diurne sont
diminution. En Suède, des adolescents en bonne côlon dans les deux sexes et chez la femme du sein, autant de signes. L’examen clinique inclut donc aussi
santé, non obèses, sédentaires, bougent de 3 à lors d’antécédents d’obésité durant l’adolescence. la recherche d’une obstruction respiratoire haute, en
6 heures de moins par jour que les plus actifs. Les L’obésité et le fait de fumer exercent un effet particulier par hypertrophie amygdalienne, première
activités de la vie quotidienne (déplacements, loisirs) synergique sur la morbidité et la mortalité dès cause d’apnées du sommeil chez l’enfant. En cas de
expliquent la plus grande partie de cette différence. À l’adolescence. doute, l’enregistrement de la saturation nocturne en
Oxford, chez les enfants âgés de 10 à 13 ans, ce sont Une authentique hypertension artérielle est rare oxygène permet de poser l’indication d’une
les cours d’éducation physique à l’école qui chez l’enfant obèse et mérite une exploration. Le polysomnographie ; certains enfants très obèses
permettent de maintenir un niveau d’activité diagnostic d’obésité doit faire pratiquer une enquête doivent en effet bénéficier d’une ventilation
physique raisonnable. sur les facteurs familiaux de risque cardiovasculaire nocturne nasale en attendant le bénéfice de
Les jeux et activités auxquels les enfants et au moins une fois un bilan lipidique de dépistage l’amaigrissement.
s’adonnent sont donc un déterminant majeur de d’une dyslipidémie associée. Les taux de cholestérol
leur niveau de dépense d’énergie. Une corrélation et de triglycérides mesurés à jeun chez l’enfant et ‚ Complications orthopédiques
étroite existe entre le temps passé devant la l’adolescent obèses sont, en règle générale, dans les L’obésité de l’enfant est associée à des
télévision et le pourcentage de sujets obèses : la limites de la normale, mais diminuent avec complications orthopédiques et des atteintes
dépense d’énergie pendant la contemplation d’une l’amaigrissement. musculoligamentaires. La plus grave de celles-ci,
émission télévisée est en effet proche du Dans les obésités sévères, il nous paraît licite, l’épiphysiolyse fémorale supérieure, est huit fois plus
métabolisme basal. Une étude nord-américaine, avant la reprise de l’activité physique, de pratiquer fréquente chez les enfants obèses et survient aux
présentée en 1999, rapporte un temps moyen total une épreuve d’effort cardiorespiratoire maximale. environs de 10 ans. Le risque disparaît avec la fin de
passé devant la télévision, les jeux électroniques et Chez l’enfant et l’adolescent, il a été postulé que la puberté. Les autres complications ostéoarticulaires
ordinateurs de 4,5 heures par jour entre les âges de survient l’enchaînement obésité, insulinorésistance, s’installent à bas bruit. Un syndrome fémoropatel-
2 et 17 ans. En termes de dépense énergétique, ceci diabète. Le mécanisme hypothétique sous-jacent laire est fréquent dès l’adolescence dans les obésités
équivaudrait donc à 5 ans de sommeil supplémen- serait alors l’épuisement des cellules b des îlots de sévères.
taire ! En France, les récentes données de l’enquête Langerhans, menant à l’hyperglycémie. La
INCA, effectuée en 1999, indiquent que si 89 % des réversibilité de ces troubles avec la perte de poids en ‚ Carences nutritionnelles et obésité
écoliers passent en semaine moins de 2 heures par souligne le caractère secondaire. À l’excès de triglycérides en réserve dans le tissu
jour devant la télévision, ce chiffre chute à moins de adipeux peuvent être associés d’authentiques
60 % les week-ends et mercredi. ‚ Autres anomalies endocriniennes carences qui trouvent leur origine dans le
et métaboliques secondaires à l’obésité déséquilibre de la ration alimentaire et dans la faible
Alimentation et obésité L’existence d’une avance de maturation osseuse exposition solaire. Sont en cause le fer, la vitamine D,
L’alimentation des enfants obèses apporte est fréquente dans les obésités de l’enfant et de l’acide folique et peut-être les acides gras essentiels.
nécessairement plus de calories que la quantité qui l’adolescent. Elle en signe la sévérité et est associée à
sera oxydée. Il est donc toujours nécessaire de une avance staturale, maximale en début de puberté
comparer les termes de l’équation avant d’incriminer
l’alimentation. Comme les adultes obèses, les
adolescents obèses sous-déclarent leur
consommation d’énergie. Les données des enquêtes
et qui s’estompe avec son achèvement. Son absence
doit faire rechercher une étiologie endocrinienne ou
génétique à l’obésité. Du point de vue endocrinien
sont retrouvés une augmentation de la leptine
‚ Aspects sociaux

Aspects psychologiques et sociaux

alimentaires sont donc à interpréter avec prudence. plasmatique, plus importante chez les filles pubères
Les principaux déséquilibres observés sont dus à une que chez les garçons à IMC similaire, une Le lien entre obésité de l’enfant et de l’adolescent
consommation excessive d’aliments à haute densité augmentation des IGF1, une élévation modérée et facteurs sociaux est largement influencé, ce qui
énergétique, très palatables, c’est-à-dire gras et inconstante et isolée de la triiodothyronine alors que peut paraître une évidence, par le type de société
sucrés ou gras et salés. La disponibilité et la publicité la thyroid stimulating hormone est toujours normale, dans lequel il vit. Ainsi, dans les pays pauvres,
qui entourent ces aliments sont autant de raisons à parfois une augmentation modérée du cortisol l’obésité se développe-t-elle dans les groupes les plus
leur consommation. L’absence de petit déjeuner est plasmatique et urinaire alors que les taux aisés. Dans les pays industrialisés, le lien avec le
une autre caractéristique fréquente de l’alimentation d’adrenocorticotrophic hormone (ACTH) sont niveau socio-économique est plus complexe. Il n’en
des enfants obèses, qui s’accompagne d’une normaux. demeure pas moins que l’intrication de différents

4
Obésité de l’enfant et de l’adolescent - 8-0317

Les facteurs de risque des troubles des conduites ‚ Traitement curatif : une approche
alimentaires tels qu’ils sont définis dans les multidisciplinaire
Surpoids
classifications psychiatriques applicables chez Si le traitement repose obligatoirement sur un
Obésité l’adulte sont encore l’objet d’étude chez l’enfant et retour à l’équilibre entre activité physique et
l’adolescent. consommation d’énergie, les moyens de parvenir à
L’obésité est aussi parfois un symptôme associé à ce résultat restent l’objet de discussions. La prudence
Stigmatisation une dépression, un état prépsychotique, un trouble est d’autant plus de mise qu’il doit aussi permettre de
oppositionnel. La pathologie psychiatrique résoudre une situation paradoxale : alors que l’on
conditionne les possibilités d’intervention déplète la masse grasse, la croissance et le
Grignotage nutritionnelle qui demeurent secondaires, en l’état développement harmonieux de l’enfant doivent être
actuel des connaissances. protégés et les risques de rechute limités, voire dans
Évitement Lorsque les difficultés psychologiques sont l’idéal, prévenus. L’objectif premier n’est donc le
familiales, une analyse au cas par cas permet seule retour à un poids « idéal » que l’on est bien en mal de
de choisir le soutien de l’enfant obèse, celui de la définir en tant que réalité biologique, mais le retour à
famille ou d’un autre de ses membres. Parfois, un bien-être physique et moral, c’est-à-dire à la
l’obésité vient révéler un abus sexuel, des définition même de la santé telle que publiée par
Ennui/baisse
maltraitances. La conduite générale est alors celle l’Organisation mondiale de la santé. L’avantage
de l'estime de soi prévue par la loi, associée à la prise en charge d’une telle position est de ne pas avoir les yeux rivés
1 Cercle vicieux de l’obésité de l’enfant et de médicale et psychologique. sur un chiffre et de nuancer les objectifs en fonction
l’adolescent. du degré de surpoids initial. Enfin, elle inclut la
dimension bien-être, totalement absente d’un


facteurs de risque est souvent flagrante et qu’il quelconque objectif chiffré fixé a priori. Les objectifs
appartient, entre autres, au clinicien de s’en soucier.
Bilan de l’obésité :
une nécessaire adaptation secondaires incluent bien sûr le fait de diminuer les
La qualité du soutien parental, la situation d’enfant risques associés, de ne pas nuire et de se mettre en
unique ou de benjamin, le niveau d’éducation atteint situation de prévenir les rechutes. S’il reste
par la mère, l’environnement, interviennent. Le bilan requis par un enfant obèse a deux souhaitable d’avoir, pour diminuer les risques
L’échec scolaire, plus fréquent chez les enfants caractéristiques : il doit être adapté au degré de associés, un indice de Quételet entre le 75e et le 90e
obèses, connaît des origines diverses et doit être surpoids et à l’étiologie hypothétique, et il doit être percentile, d’une part la clinique doit primer, d’autre
analysé attentivement. multidisciplinaire. Un enfant en modeste surpoids, à part le résultat recherché doit être adapté au niveau
Au demeurant, la récente expertise publiée par la croissance staturale normale, à l’examen clinique de départ.
l’Inserm a souligné que le fléau auquel sont soumis normal par ailleurs, sans antécédents familiaux de Les facteurs psychologiques qui viendraient
les enfants obèses est la stigmatisation : risque cardiovasculaire, ne requiert aucun examen aggraver la situation doivent donc être analysés puis
compréhensible mais non acceptable de la part des complémentaire. Inversement, des signes d’appels traités, seulement si nécessaire, pour leur propre
enfants, elle est inadmissible de la part des adultes. doivent mener à des investigations soigneuses et compte. Toute augmentation de l’activité physique,
La lutte contre cette attitude a été recommandée graduées. Par multidisciplinaire, on entend en limitant les contraintes que l’on fait porter sur
parmi les priorités d’action nationale. l’évaluation de l’activité physique, de la nutrition, et l’alimentation, rend les objectifs plus aisés à
des aspects psychologiques et sociaux. De atteindre.
‚ Aspects psychologiques
synthèses, aux caractéristiques par définition
Par delà les considérations théoriques qui mènent individuelles, découlera une prise en charge adaptée Activité physique : diminuer la sédentarité
à considérer l’obésité dans différentes perspectives, et donc crédible par l’enfant et sa famille. Selon l’âge de l’enfant, le degré de surpoids, le
psychanalytiques, comportementalistes etc, l’enfant degré d’inactivité, les propositions varient. Chez le
obèse présente, de façon souvent précoce, un jeune enfant, avant l’âge de 8 à 10 ans, le simple fait


certain nombre de caractéristiques repérables par le de se livrer à des jeux extérieurs permet à l’enfant de
clinicien. Il souffre et est l’objet, en règle générale, de Traitement se dépenser. La simple réduction de l’inactivité
moqueries de la part de ses pairs, de façon précoce, physique s’avère efficace et est donc l’une des toutes
dès l’âge de 4 à 5 ans dans notre expérience. Cette premières mesures à prôner. L’important est de
stigmatisation mènera à un cercle vicieux Le traitement de l’obésité de l’enfant doit avant proposer une vie plus dynamique, de façon
psychologique et social : l’obésité entraîne une tout être préventif. L’aspect curatif repose sur la ponctuelle dans la journée, par exemple en
stigmatisation qui pousse l’enfant à éviter ses pairs même stratégie d’analyse, multidisciplinaire, que la amenant l’enfant jouer dans un jardin après l’école
ou du moins à éviter de partager certaines activités, prévention, quel que soit le degré atteint. Seuls ou les jours de liberté des parents. De telles
en général physiques, avec eux. Durant ces périodes diffèrent, en fonction de la gravité des cas, le nombre modifications sont à portée de beaucoup de familles.
de solitude, l’ennui et la culpabilité mènent au de domaines et les degrés d’intervention Ultérieurement, quand l’enfant est en âge d’être
grignotage et à la sédentarité qui accroissent nécessaires. inscrit dans un club de sport, les possibilités
l’obésité (fig 1). Repérer si l’enfant est ou non entré augmentent : à la détente de fin d’après-midi, il faut
dans cette situation, parfois masquée par des ‚ Traitement préventif : la priorité essayer de trouver un complément. D’où la nécessité
attitudes de prestance, est une étape clé de l’analyse La prévention de l’obésité de l’enfant et de de donner à l’enfant pour mission de réfléchir à la
de la situation d’un enfant obèse. l’adolescent est devenue une priorité de santé manière dont il pourrait s’organiser et non d’interdire
Par ailleurs, il est important de faire la part entre publique dans les pays industrialisés. Elle a fait l’objet de façon catégorique, donc illusoire, télévision et
les conséquences psychologiques de l’obésité et en 2000, en France, d’une expertise collective de jeux électroniques auxquels il faut trouver une place
d’éventuelles causes psychopathologiques l’INSERM. La prévention doit donc toucher tous les plus limitée et faisant suite à la dépense physique,
associées, qui ne sont pas l’apanage des enfants enfants et non seulement ceux à risque de dans l’organisation d’une journée. Les activités
obèses mais un facteur aggravant. Sont à rechercher développer une obésité. La promotion de l’activité retenues doivent bien sûr tenir compte, et l’enfant
avec attention, car fréquents, des anxiétés de niveau physique en est la base. Chez les enfants à risque, il doit en être averti, des possibilités matérielles et
pathologique (anxiété de séparation, de faut adjoindre la surveillance de l’alimentation. Peser financières familiales. Il s’agit, en définitive, de
performance, sociale etc) et des troubles de et mesurer tous les enfants et adolescents tous les maintenir ou de redonner une place normale aux
l’apprentissage, par exemple dyslexie-dysortho- ans et tracer leurs courbes de croissance devrait activités de la vie quotidienne, marche, montée des
graphie. Ces troubles majorent les difficultés de donc constituer une obligation qui concerne tant les escaliers, et d’encourager une vie active et agréable,
l’enfant et requièrent un traitement spécifique avant médecins de famille et les pédiatres que les mais non de planifier un rythme décalé par rapport
ou pendant la prise en charge de l’obésité. médecins et infirmières scolaires. Leur devoir de aux aspirations et capacités physiques de l’enfant.
Une diminution de l’estime de soi, des troubles de formation en la matière est une évidence et la Lorsque l’obésité est très sévère, les handicaps
l’image du corps, semblent liés au degré d’obésité. valorisation de ces actes médicaux une nécessité. psychologiques et physiques s’additionnent. On peut

5
8-0317 - Obésité de l’enfant et de l’adolescent

néanmoins obtenir de bons résultats par les petits (sandwich pour un pique-nique, repas rapide, etc) Aspects psychologiques et sociaux
moyens valables chez les jeunes enfants, un contact permet de ne pas isoler l’enfant dans sa famille et
Dans la majorité des cas, le fait de prêter attention
constructif avec le professeur d’éducation physique, d’induire des modifications durables. Les régimes à
à l’enfant, de lui donner des explications et des
voire quelques séances de kinésithérapie destinées à très basse teneur en calories (500 à 1 000 kcal/j
objectifs à son niveau résout la difficulté. La perte de
redonner à l’adolescent l’habitude de s’occuper de selon l’âge) et riche en protides sont à proscrire chez
poids, obtenue en conjuguant une attitude active de
son corps. La progressivité des changements l’enfant et l’adolescent. Il n’a pas été démontré que le
l’enfant et de son entourage, viendra conforter l’idée
proposés est importante. Dans les cas les plus grignotage est associé à une augmentation de la
de réussite et redonner confiance aussi bien à
sévères, les centres de moyen séjour pédiatriques prévalence de l’obésité. En fait, ce comportement
l’enfant qu’à sa famille. Le contexte culturel dans
peuvent aider à passer un cap difficile, même si les extrêmement fréquent, puisqu’il touche plus des trois
lequel grandit l’enfant est aussi essentiel à prendre
résultats d’ensemble à moyen terme demeurent quarts des adolescents en Europe, est par nature, très
en compte de façon à aborder questions et solutions
médiocres. difficile à noter et à quantifier. L’observation clinique
sous un angle compréhensible et acceptable pour la
suggère deux remarques. D’une part, certains
Alimentation : le retour à l’équilibre famille.
enfants, grands grignoteurs, resteraient minces car ils
Le plus souvent, les seules mesures nécessaires n’ont plus faim aux repas. Ceux qui ont bon appétit Parfois, le problème psychologique pré- ou
s’avèrent être un retour à une alimentation plus (dont les signaux de satiété sont déficients ?) coexistant avec l’obésité rend nécessaire le recours à
équilibrée ou aux portions de taille adaptée à grignotent et mangent aux repas. D’autre part, il une consultation pédopsychiatrique puis, posé par le
l’enfant. La recherche de l’acquisition de choix pourrait y avoir plusieurs grignotages : le fait de pédopsychiatre, à un traitement ou soutien
alimentaires larges, si elle est nécessaire pour manger inconsciemment devant la télévision des spécifique du trouble diagnostiqué. Une analyse de
introduire une proportion suffisante de fruits et de aliments à haute densité énergétique ou des la situation de bonne qualité est un préalable
légumes, ne doit pas devenir un âpre combat. Plus boissons sucrées n’est peut-être pas équivalent au nécessaire à un traitement adapté. Une claire
des trois quarts des enfants passent par une phase fait d’avoir envie d’un morceau de pain avant le répartition des rôles entre le médecin de famille ou le
de néophobie alimentaire qui les amène à dîner. Enfin, il apparaît capital de redonner son sens pédiatre et le pédopsychiatre ou le psychologue
restreindre leurs choix. Cette phase disparaît en à ce comportement : grignoter par ennui mêlé permet à chacun de jouer pleinement son rôle.
général vers 7 ans. L’important est donc que l’enfant d’anxiété un mercredi de solitude n’a pas la même En centre de moyen séjour, dont les indications,
consomme des fruits et des légumes, mais pas tous signification que de réclamer des bonbons dans une obésité sévère ou compliquée, restent exception-
les fruits et les légumes. Une authentique restriction maison familiale chaleureuse. Un seul terme nelles, le principe de traitement est identique, mais
calorique par rapport aux apports nutritionnels recouvre des réalités probablement très diverses. Le l’avantage d’une synergie permet un gain
recommandés est exceptionnellement nécessaire et grignotage paraît donc la norme à l’adolescence. S’il d’efficacité. Le rôle de la famille reste tout aussi
doit se faire sur prescription médicale spécialisée. est utile de le limiter dans l’obésité pour parvenir à fondamental. Chez l’adolescent, une motivation
Une diététicienne doit alors traduire en alimentation un meilleur équilibre alimentaire, il est aussi personnelle claire doit être exprimée ; pour cette
quotidienne ces modifications, temporaires, nécessaire de lui donner sa signification et de ne pas raison, l’indication des traitements impliquant une
destinées à être abandonnées par paliers lorsque risquer d’enfermer l’enfant ou l’adolescent dans des séparation d’avec la famille devrait être limitée chez
approchera la phase de stabilisation pondérale. Une contraintes excessives dont il ne cherchera qu’à le jeune enfant au risque physique majeur et
alimentation proche d’une alimentation familiale s’évader, le faisant entrer dans ce que l’on qualifie immédiat. Il est indéniable que d’autres formules
classique, mais permettant quelques fantaisies chez l’adulte de restriction alimentaire cognitive. restent à imaginer et développer.

Marie-Laure Frelut : Pédiatre,


service de gastroentérologie et nutrition pédiatriques, hôpital Robert Debré, 48, boulevard Serurier, 75019 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : ML Frelut. Obésité de l’enfant et de l’adolescent.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0317, 2002, 6 p

Références

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prévention et le traitement de l’obésité. Diabetes Métab 1998 ; 24 (suppl 2) : ques de l’enfant obèse. Méd Nutr 1994 ; 31 : 139-145
10-42, 43-48
[7] Martin A. Apports nutritionnels conseillés pour la population française. Paris :
[2] Bonneau D, Amati P, Poles C. Les syndromes génétiques avec obésité. MT Tec et Doc Lavoisier, 2000
Pédiatr 1999 ; 2 : 438-445
[8] Obésité, dépistage et prévention chez l’enfant. Paris : INSERM, 2000 :
[3] Epstein LH, Myers MD et al. Treatment of pediatric obesity. Pediatrics 1998 ; 203-210
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[9] Volatier JL. Enquête INCA individuelle et nationale sur les consommations
[4] Flegal KM. The obesity epidemic in children and adults: current evidence and alimentaires. Paris : Tec et Doc Lavoisier, 2000
research issue. Med Sci Sports Exerc 1999 ; 31 (suppl) : S509-S514

[5] Frelut ML. Activité physique et obésité de l’enfant et de l’adolescent. Cah


Nutr Diét 2000 ; 5 : 327-331

6
8-0311
8-0311

Traitement diététique de l’allergie


Encyclopédie Pratique de Médecine

aux protéines du lait de vache


JP Girardet, MA Le Bars

L ’allergie aux protéines du lait de vache se caractérise par sa prévalence élevée, puisque l’on estime qu’elle
atteint 2 à 3 % des nourrissons dans la population générale [1, 3] ; son début précoce dans la vie, peu de temps
après l’introduction du lait de vache dans l’alimentation ; son caractère habituellement transitoire ; la fréquence des
allergies associées à d’autres protéines alimentaires (soja, poisson, œuf notamment).
Son traitement est uniquement diététique : il consiste à exclure de l’alimentation toutes les protéines lactées bovines
jusqu’à l’âge de 1 à 2 ans, période au cours de laquelle s’acquiert généralement une immunotolérance [1, 3].
© Elsevier, Paris.


appel qu’à un seul type d’aliment. Il faut cependant Chez les enfants plus âgés, on doit exclure les
Chez le jeune nourrisson noter que les substituts du lait sont relativement biscottes, pain de mie, pain brioché, la plupart des
de moins de 4 mois
onéreux et que leur prise en charge n’est pas biscuits (sauf ceux qui sont certifiés « sans lait »), ainsi
accordée par toutes les caisses de sécurité sociale. que certaines purées instantanées (sauf celles qui
L’alimentation n’est pas encore diversifiée, les sont certifiées « sans lait »).
principes de régime sont les suivants : tous les laits De plus :
industriels pour nourrissons (ou préparation pour – Certains enfants allergiques aux protéines du


nourrissons) sont interdits, car ils contiennent tous lait de vache le sont également aux protéines de la
des protéines du lait de vache. Il est donc conseillé Chez le nourrisson âgé viande bovine (bœuf, veau, génisse) ; celle-ci ne doit
de poursuivre le plus longtemps possible, de façon de plus de 4 mois cependant pas être exclue systématiquement, mais
exclusive, l’allaitement maternel. introduite avec précaution dans l’alimentation et
Lorsque ce dernier doit être interrompu, ou s’il est poursuivie ou non en fonction de la tolérance ;
insuffisant et demande a être complété, on fait appel La diversification de l’alimentation rend le – l’allergie aux protéines du lait de vache peut
à des substituts du lait à base de protéines ayant subi traitement diététique plus difficile à appliquer. En entrer dans le cadre d’une hypersensibilisation à
une hydrolyse poussée (tableau I). Ce sont des effet, on doit exclure de l’alimentation : différentes protéines alimentaires : soja, mais aussi
aliments diététiques semi-élémentaires dont la – le lait de vache sous toutes ses formes : lait de œufs, poissons, riz, gluten... ; seul le soja est
fraction protéique est constituée d’un hydrolysat vache stérilisé, ou stérilisé UHT, laits industriels 2e cependant exclu par principe de l’alimentation des
enzymatique de caséine ou de protéines du âge (ou préparations de suite). On continuera donc à enfants allergiques aux protéines du lait de vache.
lactosérum et se compose d’acides aminés libres et utiliser les substituts du lait à base de protéines Les autres aliments doivent toutefois être introduits
de petits peptides de poids moléculaires inférieurs à hydrolysées : ceux-ci sont cependant, à cet âge, dans le régime avec précaution et un par un afin de
3 500, voire 1 500 daltons, garantissant une réelle souvent moins bien acceptés en raison de leur pouvoir évaluer précisément leur tolérance [1, 2, 4].
hypoallergénicité. Leur composition permet par mauvais goût, fade et amer ; La liste des aliments autorisés et interdits au cours
ailleurs des apports énergétiques équilibrés, et leur – les laitages : yaourts, petits-suisses, beurre, tous de l’allergie aux protéines du lait de vache figure au
teneur en vitamines, minéraux et oligoéléments les fromages et desserts lactés. La diminution des tableau III.
permet de couvrir tous les besoins des jeunes apports en substituts du lait et l’interdiction des
nourrissons [2, 4]. laitages entraînent une diminution des apports


En raison de la fréquence des allergies associées protéiques (compensée par l’introduction de la
aux protéines de soja, les substituts du lait à base de viande et du poisson dans le régime), mais aussi des Durée du régime
protéines entières isolées du soja (Végélactt, apports insuffisants en calcium : une supplémen-
Prosobeet, Végébabyt) sont contre-indiqués [1, 4]. tation calcique médicamenteuse est donc
Il en est de même des laits dits « hypoallergéni- généralement nécessaire ;
ques » (HA) (Nidalt HA, Enfamilt HA, Almat H, – de nombreux produits alimentaires du Une tolérance immunitaire vis-à-vis des protéines
Guigozt HA, Gallia HAt, Milumel Startert) dont commerce dans la composition desquels entre le lait du lait de vache s’acquiert généralement au cours de
l’hydrolyse des protéines lactées n’est que partielle et de vache, même en faible quantité ; la deuxième année de vie. Le régime d’exclusion doit
incomplète ; d’authentiques observations d’allergie – certaines farines infantiles (cf liste des farines donc être poursuivi jusqu’à l’âge de 12 à 18 mois,
© Elsevier, Paris

aux protéines du lait de vache chez des enfants infantiles sans protéines du lait de vache et sans âge auquel une épreuve de réintroduction prudente
recevant ces aliments ont été publiées [5]. soja) (tableau II) ; sera tentée en milieu hospitalier avant d’autoriser la
Chez les nourrissons âgés de moins de 4 mois, le – certains aliments homogénéisés en petits pots reprise d’un régime normal [1, 3, 4]. En cas d’échec, un
traitement diététique de l’allergie aux protéines du pour nourrissons : seuls sont autorisés ceux sur régime d’exclusion sera repris pendant quelques
lait de vache est donc assez facile, puisqu’il ne fait lesquels figure expressément la mention « sans lait » ; mois avant de tenter une nouvelle réintroduction.

1
8-0311 - Traitement diététique de l’allergie aux protéines du lait de vache

Tableau I. – Substituts du lait à base de protéines hydrolysées. Composition pour 100 mL.

Laboratoire Gallia Mead Johnson Mead Johnson Nestlé Nutricia


Appellation Galliagène Nutramigent Prégestimilt Alfarét Pepti Juniort
Progresst
Dilution ( %) 15 13,5 13,5 13,6 13
Protéines (g) 1,9 1,9 1,9 2,24 2
Hydrolysat Caséine Caséine Caséine Protéines du lactosérum Protéines du lactosérum
Lipides (g) 2,7 3,4 3,8 3,26 3,7
TCM ( %) 40 0 55 50 50
TCL ( %) 60 100 45 50 50
Acide linoléique (mg) 450 600 600 430 900
Acide α linolénique (mg) 59 50 50
Glucides (g) 9,6 7,4 6,9 7,03 6,7
Dextrine-maltose (g) 8,52 7,4 4,7 6,11 5,3
Lactose (g) traces 0 0 0.11 0,1
Glucose (g) traces traces 0,7 traces traces
Amidon (g) 1,08 0 1,5 0,82 0
Énergie (kcal) 70 67,6 67,6 66 66
(kJ) 292 283 283 276 276
Minéraux
Calcium (mg) 60 68 68 54,4 54
Phosphore (mg) 40 42 42 36,7 27
Sodium (mmol) 1,95 1,4 1,4 1,89 0,9
Potassium (mmol) 2 1,9 1,9 2,09 1,7
Magnésium (mg) 8,1 7,4 7,5 8,2 8
Fer (mg) 0,8 1,2 1,2 0,82 0,5
Cuivre (µg) 40,5 50,7 66 40 40
Zinc (mg) 0,5 0,7 0,5 0,49 0,4
Vitamines
E (mg) 1,5 0,9 1,1 0,82 1.7
A (UI) 285 221 283 196 250
D (UI) 43,5 40 44 39 53
C (mg) 7.5 8,1 7,5 5,3 8
B1 (mg) 0,08 0,05 0,05 0,04 0,04
B2 (mg) 0,12 0,06 0,06 0,04 0,1
B6 (mg) 0,05 0,046 0,04 0,04 0,04
B12 (µg) 0,19 0,2 0,4 0,12 0,2
Acide folique (µg) 10 10,8 11 5,8 10
Particularités enrichi en taurine et enrichi en taurine et enrichi en taurine et enrichi en taurine et L-
L-carnitine L-carnitine L-carnitine carnitine
Osmolarité (mOsm/L) 238 260 270 175 190

TCM : ? ? ? ? ; TCL : ? ? ?.

2
Traitement diététique de l’allergie aux protéines du lait de vache - 8-0311

Tableau II. – Liste des farines infantiles sans protéine au lait de vache. Au cours de l’allergie aux
protéines du lait de vache, les farines contenant du soja sont également interdites. En revanche, le
gluten est autorisé à partir de l’âge de 6 mois comme pour le nourrisson normal.

Blédina-Jacquemaire
Diase 1er âge (sans gluten avec soja)
Blédine riz au miel (sans gluten sans soja)
Blédine crème de riz-tapioca (sans gluten sans soja)
Blédine 5 légumes (sans gluten avec soja)
Blédine miel (avec gluten sans soja)
Blédine croissance (avec gluten sans soja)
Blédine vanille (avec gluten sans soja)
Blédine pomme-orange-miel (avec gluten sans soja)
Blédine noisettes (avec gluten sans soja)
Blédine cacao (avec gluten sans soja)
Gallia
Farigalliat
Biberons diastasée 1er âge (sans gluten avec soja)
Vanille 1er âge (sans gluten avec soja)
Riz-carottes 1er/2e âge (sans gluten sans soja)
6 légumes 1er/2e âge (sans gluten avec soja)
Cacao 2e âge (avec gluten sans soja)
Guigoz
Toutes sans soja
Céréales diastasée 1er âge (sans gluten)
Céréales banane-pomme-abricot (sans gluten)
Céréales miel-mille-fleurs (avec gluten)
Céréales vanille 2e âge (avec gluten)
Céréales cacao croissance (avec gluten)
Jammet
Toutes sans soja
Rizine instantanée et à cuire (sans gluten)
Orgeose (avec gluten)
Avenose (avec gluten)
Arrow-root (sans gluten)
Milupa
Babyrepast
Diastasée biberon (sans gluten avec soja)
Pomme-pêche-abricot (sans gluten sans soja)
Légumes (sans gluten avec soja)
7 céréales vanille (avec gluten sans soja)
Cacao (avec gluten sans soja)
Semoule au miel (avec gluten sans soja)
Nestlé
Toutes sans soja
Céréales diastasées 1er âge (sans gluten)
Céréales vanille 1er âge (sans gluten)
Céréales framboise (sans gluten)
Céréales légumes (sans gluten)
Céréales vanille (avec gluten)
Céréales miel (avec gluten)
Céréales 5 céréales croissance (avec gluten)
Céréales junior cacao (avec gluten)
Phosphatine-Jacquemaire
Toutes sans soja
Phosphatine 5 céréales (avec gluten)
Phosphatine céréales fruits (avec gluten)
Phosphatine céréales cacao (avec gluten)
Phosphatine céréales fraise (sans gluten)

3
8-0311 - Traitement diététique de l’allergie aux protéines du lait de vache

Tableau III. – Liste des aliments autorisés et interdits au cours de l’allergie aux protéines du lait de vache (régime sans lait et sans soja).

Aliments Autorisés Interdits


Produits laitiers Lait de femme Lait de vache sous toutes ses formes, liquide, en poudre, concentré, HA
- Tous les produits dérivés du lait : yaourt, petits-suisses, fromage blanc
Tous les fromages, crème fraîche, beurre, margarines autres que celles
autorisées ci-dessous
Substituts du lait Substituts du lait à base de protéines hydrolysées (tableau I) Substituts du lait à base de protéines de soja : Végélactt, Prosobeet,
Végébabyt, Prégominet
Viandes Toutes (sauf : bœuf, veau, génisse dans certains cas)
Poissons Tous (sauf si allergie associée)
Œufs Blanc d’œuf bien cuit
Œuf entier (sauf si allergie associée)
Charcuterie Jambon blanc Toutes les autres
Féculents et farines Pommes de terre
Purées instantanées du commerce certifiées « sans lait » Purées instantanées du commerce (sauf si certifiées « sans lait »)
Pâtes ordinaires sans « œufs et lait » Toutes les autres pâtes, y compris les cuisinées
Farines de céréales pures Pain grillé du commerce, biscottes, pain de mie, brioché, au lait
Pain ordinaire Toutes les pâtisseries du commerce et les biscuits (sauf si certifiés « sans
Riz lait »)
Pâtisseries faites maison sans lait
Farines infantiles sans lait (tableau II)
Légumes verts et secs Tous, frais, surgelés au naturel, en conserve au naturel Soja
Légumes cuisinés
Fruits Tous, frais, en compote ou au sirop Légumes homogénéisés(1) (sauf si certifiés « sans lait »)
Fruits secs
Petits pots homogénéisés Fruits purs Légumes ou légumes-viande(1)
Babiscuits Blédiscuit (Blédina) Tous les autres
Matières grasses Toutes les huiles Beurre
Margarines spéciales : Vitaquellt, Wessanat Crème fraîche
Toutes les autres margarines
Produits sucrés Sucre roux, blanc Chocolat au lait en tablette et en poudre
Sorbets maison Entremets et glaces
Cacao pur Nougats, dragées...
Chocolat à cuire et à croquer
Bonbons et sucettes acidulés ou mentholés Tous les autres bonbons
Confiture, miel, gelée
Boissons Jus de fruits frais ou du commerce 100 % jus de fruits Toutes les boissons lactées
Eaux minérales gazeuses ou non Poudres pour boissons instantanées
Eau du robinet
Infusions
Divers Condiments purs Condiments en poudre
Sel Sauces du commerce
Herbes séchées Potages du commerce
(1)De nombreux petits pots du commerce (légumes et légumes-viandes) contiennent des protéines du lait de vache sans que cela soit clairement indiqué sur l’emballage. Cependant, certains d’entre eux sont strictement dépourvus de
protéines du lait de vache et peuvent être autorisés : leur liste, régulièrement remise à jour, est disponible dans les services et unités de diététiques spécialisés.

J P Girardet : Professeur des Universités, praticien hospitalier,


service de gastroentérologie et nutrition pédiatriques.
MA Le Bars : Diététicienne, unité de diététique.
Hôpital Armand-Trousseau, 26, avenue Arnold-Netter, 75571 Paris cedex 12, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JP Girardet et MA Le Bars. Traitement diététique de l’allergie aux protéines du lait de vache.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0311, 1998, 4 p

Références

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térologie pédiatrique. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1986 : 175-188
[2] Lifshitz F. Nutrition for special needs in infancy - Protein hydrolysates. New
York : Marcel Dekker, 1985 [5] Société francaise de pédiatrie-comité de nutrition. Préparations diététiques
hydrolysées pour l’allaitement du nourrisson. Arch Fr Pediatr 1988 ; 45 : 435-440
[3] Navarro J, Faure C, Cezard JP. Allergie aux protéines du lait de vache :
manifestations cliniques. In : Navarro J Schmitz J, eds. Allergies alimentaires.
Paris : Doin, 1993 : 119-130

4
8-0400

8-0400
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Anomalies chromosomiques

ML Briard, N Morichon-Delvallez

L es anomalies chromosomiques constitutionnelles sont fréquentes et peuvent être à l’origine d’échecs de la


reproduction, de malformations congénitales, de retards mentaux et de troubles du comportement. Leur
diagnostic a largement bénéficié des progrès de la génétique moderne : certains syndromes d’étiologie inconnue
sont, en réalité, des anomalies chromosomiques de petite taille.
La possibilité de reconnaître in utero les anomalies chromosomiques soulève des problèmes de conduite et de
comportement, tant à l’échelon individuel que collectif.
© Elsevier, Paris.


47XXY), mais non de la monosomie X. L’effet de « froides », fluorescentes, spécifiques. Par comptage
Épidémiologie l’âge paternel sur la fréquence des anomalies des signaux dans les noyaux, il est possible de faire
chromosomiques est controversé. le diagnostic d’anomalies du nombre.
La FISH sur chromosomes métaphasiques est une
Si les anomalies de nombre sont fréquentes et aide précieuse pour analyser la structure fine des
habituellement accidentelles, les anomalies de
structure peuvent être responsables de récidives au
sein d’une famille.
Parmi les nouveau-nés vivants, 0,25 à 0,30 % ont

Caryotype humain

Les chromosomes peuvent être observés dans


chromosomes. L’utilisation de sondes spécifiques
d’une séquence d’acide désoxyribonucléique (ADN)
génomique permet de reconnaître des anomalies
dites cryptiques, indétectables par le caryotype
une anomalie chromosomique, mais seulement toute cellule capable de se diviser. Dans certains classique.
0,15 à 0,20 % si l’on considère les anomalies ayant tissus (moelle osseuse, certains épithéliums, tumeurs,


un retentissement phénotypique. La trisomie 21 est villosités choriales), le nombre de mitoses est élevé et
la plus fréquente. permet une étude directe. Grâce aux techniques de Anomalies de nombre
Parmi les enfants mort-nés, 5 % sont porteurs culture cellulaire, il est possible d’obtenir des cellules ou de structure
d’une anomalie chromosomique. en division à partir de nombreux autres tissus
Les trisomies 13, 18 et 21 sont les plus fréquentes, (lymphocytes, fibroblastes, cellules amniotiques). Des
cellules vivantes peuvent être obtenues quelques ‚ Anomalies de nombre
puis les anomalies de nombre des chromosomes
heures après la mort d’un individu ou d’un embryon. La cellule normale à 46 chromosomes est
sexuels, et enfin les anomalies de structure.
En postnatal, le caryotype est le plus souvent diploïde et contient deux sets haploïdes de 23
Un avortement spontané sur trois est d’origine
réalisé à partir des lymphocytes du sang chromosomes. Les gamètes ne contiennent eux
chromosomique (un sur deux entre 8 et 11 semaines
périphérique. Après stimulation par un mitogène, les qu’un set haploïde.
de gestation). La monosomie X et la triploïdie sont
cellules sont bloquées en métaphase en ajoutant un Une division méiotique qui ne se fait pas
fréquentes, la trisomie 16 non rare. En cas
poison du fuseau mitotique, puis traitées par une normalement entraîne un nombre anormal de
d’avortements spontanés à répétition, la probabilité
solution hypotonique, fixées, étalées et enfin chromosomes dans toutes les cellules dérivées du
de trouver une anomalie chez l’un des conjoints zygote (anomalie homogène).
colorées. Les chromosomes sont classés selon leur
varie de 1 à 10 % selon les études. Les anomalies
taille et la position du centromère qui est médian, Si la non-disjonction survient lors des premières
dépistées sont avant tout des translocations
submédian ou terminal (chromosomes méta- divisions mitotiques, l’anomalie de nombre ne
équilibrées. centriques, submétacentriques ou acrocentriques). touche qu’une partie des cellules (mosaïque).
Chez les hommes ayant des troubles de la fertilité, Avec les techniques de marquage chromoso- Dans les polyploïdies, il y a plus de deux sets
l’incidence des anomalies chromosomiques est de mique, il est possible d’identifier précisément chaque chromosomiques haploïdes : triploïdies à trois sets
2,1 à 3,5 %, la moitié d’entre eux ayant une formule paire chromosomique. Le bras court est désigné par (69 chromosomes) et tétraploïdies à quatre sets (92
47XXY. Parmi les femmes ayant une aménorrhée p, le bras long par q. Chaque bras comprend des chromosomes).
primaire, environ 25 % sont porteuses d’une formule régions subdivisées en bandes et en sous-bandes. Le terme d’aneuploïdie désigne les anomalies de
45X ou apparentée. Cette nomenclature permet de définir les points de nombre touchant un seul chromosome, voire deux.
L’incidence des trisomies augmente avec l’âge cassure lors des remaniements. Les techniques des Les cellules peuvent être trisomiques (un
maternel. Pour la trisomie 21, elle est de 1/650, mais bandes Q, G, R font apparaître, le long du chromosome en excès) ou monosomiques (un
la probabilité de donner naissance à un enfant chromosome, une succession de bandes chromosome en défaut). Seules les trisomies 21, 13
trisomique passe de 1/1 500 à 30 ans à 1/400 à 35 caractéristiques. et 18 sont compatibles avec un développement de
ans, 1/100 à 40 ans et 1/34 à 45 ans. Le Les techniques d’hybridation in situ en la grossesse jusqu’à terme. Les aneuploïdies
chromosome 21 supplémentaire est d’origine fluorescence (FISH [fluorescence in situ hybridization]) touchant les chromosomes sexuels sont fréquentes.
maternelle dans plus de 90 % des cas, la sont basées sur l’appariement spécifique de La découverte d’un chromosome marqueur
© Elsevier, Paris

non-disjonction ayant lieu le plus souvent à la séquences préalablement marquées (dites surnuméraire (ou petit chromosome non identifié,
première division de méiose. La non-disjonction « sondes ») avec des régions du génome. Les présent en plus de la ligne diploïde normale) n’est
paternelle (5 %) a lieu à la deuxième division. L’âge complexes formés peuvent être visualisés. pas rare (0,6 à 0,9 % des caryotypes fœtaux après
maternel augmente aussi la fréquence des trisomies La FISH sur noyaux interphasiques permet de amniocentèse) et pose des problèmes difficiles
13 et 18, des anomalies des gonosomes (47XXX et visualiser chaque chromosome, grâce à des sondes d’identification et de pronostic. Il est sans effet

1
8-0400 - Anomalies chromosomiques


phénotypique s’il est constitué d’hétérochromatine. Il inversions limitées aux régions d’hétérochromatine
peut être à l’origine de graves retards mentaux et/ou centromérique sont des variantes fréquentes et ne
Affections chromosomiques
et conseil génétique
de malformations congénitales s’il est constitué sont pas considérées comme de réelles anomalies
d’euchromatine. chromosomiques (inversion du chromosome 9 par
exemple). Il n’est pas de notre propos de décrire ici les
‚ Anomalies de structure Les insertions correspondent à un segment de anomalies chromosomiques. Le lecteur pourra
Si elles sont moins fréquentes que les anomalies chromosome inséré dans un autre chromosome ou trouver la description des plus classiques dans l’EMC
de nombre, elles posent toujours le risque de la dans une autre région du même chromosome, et Pédiatrie [3] et des autres en consultant un atlas des
récurrence dans une famille. sont secondaires à trois cassures. anomalies chromosomiques [5]. Nous ne parlerons
Les isochromosomes ont deux bras structurel- pas des maladies monogéniques avec cassures
Délétions lement identiques. Ils résultent d’une cassure chromosomiques (syndrome Fra X, ataxie
transversale au niveau du centromère, suivie par la télangiectasie, syndrome de Bloom, anémie de
Ce sont des pertes de matériel chromosomique
réunion des éléments centromériques des deux Fanconi).
qui peuvent être terminales (affectant l’extrémité
distale d’un bras) ou interstitielles (secondaires à chromatides sœurs. Les plus fréquents sont les ‚ Autosomiques de nombre
deux cassures, avec perte du matériel chromoso- isochromosomes pour les bras longs du Seules les trisomies 21, 18 et 13 sont compatibles
mique entre ces deux cassures). chromosome X. avec la vie. Leur description est classique.
Elles peuvent soit survenir « de novo » et être Trisomie 21


sporadiques, soit résulter de translocations
Elle est le plus souvent libre (92 % des cas) et
réciproques parentales et être familiales. Indications du caryotype
en postnatal homogène. Le caryotype montre 47 chromosomes
Les microdélétions (délétions de très petite taille)
(47XX + 21 pour la fille et 47XY + 21 pour le
ne peuvent être vues en cytogénétique que grâce
garçon).
aux techniques de haute résolution ou aux
Les maladies monogéniques, les malformations Le risque de récidive pour une prochaine
techniques de FISH. Ces microdélétions sont
isolées et les unions consanguines ne sont pas, a grossesse dépend de l’âge de la mère (de l’ordre de
responsables de syndromes bien caractérisés.
priori, des indications de caryotype. 1 % si elle a moins de 30 ans, il augmente ensuite
Les anneaux qui résultent de deux cassures, une Les indications du caryotype diffèrent selon l’âge. progressivement). La mosaïque (47XX + 21/46 XX
sur chacun des deux bras d’un chromosome, avec Étudier un caryotype peut être considéré comme par exemple), retrouvée dans 3 % des cas, s’exprime
perte des fragments distaux et fusion des extrémités l’étude de caractéristiques génétiques d’une de façon variable.
cassées, sont à l’origine d’un autre type de délétion. personne. Un consentement doit donc être recueilli La trisomie 21 peut être le résultat d’un
par écrit, après avoir donné des informations translocation robertsonienne (5 %) survenue de
Translocations
précises au patient (art L 145 15 du Code de la santé novo, parfois héritée, et impliquant plus volontiers le
Elles peuvent être réciproques, robertsoniennes publique). chromosome 14 et le 13 avec le 21 [t (14q ; 21q) ; t
ou complexes. Chez le nouveau-né, le caryotype permet soit de (13q ; 21q)] que le 22 ou l’autre 21. Dans quelques
Les translocations réciproques sont liées à un confirmer le diagnostic clinique (trisomie 21), soit de rares cas, il s’agit d’une trisomie 21 partielle
échange de matériel entre deux chromosomes non rattacher à une anomalie chromosomique, parfois impliquant la zone critique minimale située à la
homologues. À la suite d’une cassure sur un bras de de petite taille, une symptomatologie malformative partie distale du bras long.
chaque chromosome, les fragments chromoso- n’évoquant pas d’emblée un syndrome connu. Il
miques distaux échangent leur position. Si le
Trisomie 13 et trisomie 18
permet aussi de constater une discordance en cas
remaniement ne s’accompagne pas de perte de Elles ont une incidence dix fois moins élevée que
d’ambiguïté sexuelle entre le sexe chromosomique
matériel (translocation équilibrée), le phénotype du la trisomie 21 et entraînent en général le décès au
et le sexe phénotypique. S’il existe des anomalies
sujet est normal. Une personne sur 625 environ est cours de la première année de vie. Les trisomies 13
viscérales pouvant entraîner un décès rapide, le
porteuse d’une telle translocation et a un risque non et 18 sont souvent libres (respectivement 80 et 90 %
caryotype doit être fait rapidement.
négligeable de produire des gamètes déséquilibrés des cas), habituellement homogènes, parfois en
Chez le mort-né, le caryotype fait partie du bilan
par malségrégation lors de la méiose. Après mosaïque et plus rarement liées à une translocation.
nécessaire pour assurer, dans de bonnes conditions,
fécondation, les zygotes peuvent avoir une le conseil génétique ultérieur. Ce bilan comporte, Conseil génétique
monosomie ou une trisomie partielle pour les outre le caryotype, la description clinique minutieuse, Il est habituellement rassurant. Après la naissance
segments intéressés par la translocation. les photographies, les radiographies et l’autopsie. d’un enfant porteur d’une anomalie de nombre, le
Les translocations robertsoniennes résultent de Chez l’enfant et l’adolescent, le caryotype doit risque de récurrence est négligeable et augmente
la fusion de deux chromosomes acrocentriques, le être fait devant un retard psychomoteur, un retard avec l’âge maternel, comme pour les femmes sans
plus souvent non homologues. Les plus fréquentes statural important sans étiologie précise (osseuse ou antécédent particulier.
sont les translocations t(13 ; 14) et t(14 ; 21). Les endocrinienne), un retard pubertaire associé Cependant, face à une nouvelle procréation, le
sujets ayant une translocation robertsonienne notamment à des difficultés scolaires, des troubles couple ayant eu un enfant trisomique 21 se
équilibrée ont un caryotype à 45 chromosomes et caractériels ou du comportement. La présence d’une comporte souvent comme les couples à risque de
un phénotype normal. Ils ont un risque accru de dysmorphie faciale ou de malformations mineures 1/4 ayant un enfant atteint de maladie récessive.
donner naissance à des enfants trisomiques. est un argument supplémentaire. Le diagnostic prénatal offre à ces couples la
Les translocations complexes intéressent trois Chez l’adulte, ce sont les échecs de la possibilité de procréer sans trop d’arrière-pensée.
chromosomes, voire plus. Si la femme porteuse de reproduction qui conduisent à demander un Pour les apparentés plus ou moins éloignés,
tels remaniements peut avoir des enfants, l’homme caryotype chez un couple (et non chez un seul des notamment les germains, le risque est négligeable et
a souvent une stérilité ou une hypofertilité, conjoints) : stérilité, avortements spontanés précoces le généticien doit lever toute inquiétude. Si les
notamment si un acrocentrique est impliqué. et répétés, naissance d’un enfant malformé n’ayant trisomiques 21 du sexe masculin sont infertiles, les
pas eu de caryotype. La probabilité de trouver une femmes atteintes ont un risque a priori de un sur
Autres anomalies de structure anomalie chromosomique équilibrée chez l’un des deux d’avoir un enfant atteint.
Elles sont sans retentissement phénotypique conjoints augmente avec le nombre d’avortements ‚ Anomalies des chromosomes sexuels
quand elles sont équilibrées, mais peuvent être à (4 à 5 % après trois avortements).
Elles entraînent un tableau clinique moins grave
l’origine de gamètes déséquilibrés, responsables de Enfin, quel que soit l’âge, le caryotype peut être
et leur diagnostic n’est porté qu’à l’adolescence ou à
monosomie ou de trisomie partielle. demandé pour rechercher une anomalie de
l’âge adulte.
Les inversions intéressent un seul chromosome structure équilibrée chez un sujet à phénotype
et sont secondaires à deux cassures. Le segment normal : parents d’un sujet ayant une anomalie de Fille 45X (syndrome de Turner)
situé entre les cassures est inversé et réinséré. structure (équilibrée ou déséquilibrée), enfants d’un Le taux élevé d’avortements en rapport avec cette
L’inversion est péricentrique (le fragment inversé sujet porteur d’une anomalie équilibrée, apparentés seule monosomie compatible avec la vie ne peut
inclut le centromère) ou paracentrique. Certaines plus éloignés. s’expliquer par le tableau clinique.

2
Anomalies chromosomiques - 8-0400

Celui-ci est variable, mais avec deux signes structure en cause et des circonstances dans Ces microdélétions surviennent souvent de novo,
constants : la petite taille sensible à l’hormone de lesquelles celui-ci a été décelé : naissance d’un et le risque est a priori négligeable pour les germains
croissance et la dysgénésie gonadique à l’origine premier enfant atteint, avortements spontanés d’un enfant atteint. Cependant, du fait de la
d’une stérilité définitive et nécessitant un traitement répétés ou bilan de stérilité. possibilité d’une mosaïque germinale, un diagnostic
hormonal substitutif. Pour la translocation robertsonienne t(13 ; 14), le prénatal est souvent conseillé aux parents.
Le chromosome sexuel perdu est le plus souvent risque est faible, quel que soit le sexe du parent (1 à Sporadiques dans la majorité des cas, elles
d’origine paternelle (quatre fois sur cinq). Homogène 2 %), mais est plus important quand la translocation peuvent aussi être liées à un réarrangement parental
dans 50 % des cas, la monosomie X peut être aussi implique le chromosome 21 [t(14 ; 21) ou t(21 ; 22)], qu’il faut savoir rechercher pour assurer le conseil
en mosaïque (20 à 25 %) ou liée à une anomalie de surtout si elle est portée par la mère (10 à 15 % génétique.
structure d’un des deux X. contre 2 à 5 % pour le père). Enfin, dans le rare cas Pour la descendance des sujets atteints, le risque
d’une translocation entre deux chromosomes 21 est élevé, car ils peuvent transmettre une fois sur
Garçon 47XXY (syndrome de Klinefelter) chez l’un des conjoints, le couple ne peut avoir que deux la microdélétion.
Il a une stérilité définitive par azoospermie. Le des enfants trisomiques 21.
diagnostic peut être posé fortuitement devant un Pour une translocation réciproque, l’évaluation
retard pubertaire avec atrophie testiculaire à
l’adolescence, ou devant une stérilité à l’âge adulte.
Si le développement intellectuel est normal le plus
souvent, les sujets atteints ont des difficultés
du risque doit tenir compte des points de cassures,
du sexe du parent porteur et des circonstances dans
lesquelles la translocation a été découverte (enfant
malformé viable ou mort-né, avortements à

Diagnostic chez l’enfant à naître

La possibilité de réaliser un caryotype fœtal à


d’apprentissage (langage et lecture) pouvant répétition, stérilité ou hypofertilité). Le généticien
partir du liquide amniotique (amniocentèse) a ouvert
nécessiter un soutien scolaire. peut être aidé dans l’estimation du risque
la voie au diagnostic des anomalies chromoso-
Cette anomalie chromosomique résulte d’une d’anomalies déséquilibrées viables par la base de
miques chez l’enfant à naître (diagnostic prénatal).
non-disjonction, aussi bien maternelle que données « Reci-Conseil », qui repose sur une
Comme la plupart des anomalies chromoso-
paternelle. exploitation informatique et statistique des
miques surviennent de novo et sont accidentelles,
translocations [4]. Si la translocation a déjà conduit à
seul un caryotype fœtal systématique permet de
Fille 47XXX et garçon 47XYY la naissance d’un enfant atteint, le risque peut
reconnaître, in utero, tous les enfants atteints.
dépasser 20 %, mais est plus faible dans les autres
Ce diagnostic en est souvent fortuit. Pour des raisons à la fois éthiques, techniques et
cas.
économiques, le caryotype fœtal est réservé aux
Conseil génétique La diffusion de l’information dans la famille
grossesses à risque. Les indications médicales en
s’impose. Lorsqu’une translocation a été découverte
Le conseil génétique pour les femmes 47XXX et sont maintenant bien précises.
dans une famille, toutes les personnes à risque
les hommes 47XYY, habituellement fertiles, est
d’avoir un enfant atteint, compte tenu de leur lien de ‚ Diagnostic prénatal : acte médical
rassurant, car le nombre d’anomalies chromoso-
parenté, doivent être informées de l’intérêt qu’il y a à particulier
miques ne semble pas augmenter dans leur
réaliser un caryotype. Pour respecter le secret
descendance. Le diagnostic prénatal concerne deux personnes
médical, la diffusion de l’information ne peut se faire
Les femmes 45X et les hommes 47XXY sont dont l’une dépend biologiquement de l’autre, les
que par le consultant. Or, certains patients ne sont
habituellement stériles mais peuvent envisager examens pratiqués chez le fœtus ou l’embryon ne
pas prêts à porter le message à leurs apparentés,
d’avoir des enfants grâce à l’assistance médicale à la pouvant l’être qu’à travers sa mère.
pour des raisons diverses qui tiennent à la difficulté
procréation avec don de gamètes. de parler de leur propre histoire, à l’impossibilité Il peut conduire à interrompre la grossesse si
Des grossesses spontanées peuvent être pour eux de comprendre que d’autres membres de l’enfant est reconnu porteur d’une anomalie
observées en cas de mosaïque, et les hommes la famille peuvent être confrontés à une situation chromosomique grave, mais il soulève aussi de
47XXY entrevoient la possibilité d’être père comparable, ou plus simplement à la mésentente délicats problèmes si l’anomalie est compatible avec
biologique grâce à l’injection intracytoplasmique de familiale qui est loin d’être exceptionnelle. D’autres une vie quasi normale (anomalies des chromosomes
spermatozoïdes (ICSI). Le risque fœtal qui reste à patients donnent plus volontiers cette information. sexuels).
évaluer ne semble pas augmenté. Le caryotype fœtal nécessite un geste invasif qui
‚ Syndromes malformatifs peut entraîner la mort in utero d’un fœtus indemne,
‚ Anomalies de structure avec microdélétion même si le prélèvement est réalisé par un opérateur
Les outils de la génétique moderne (techniques de compétent et bien entraîné.
Délétion
marquage en haute résolution et FISH avec sondes
La délétion du bras court du chromosome 5 Problèmes de conduite et de comportement
froides) ont permis de rattacher à des microdélétions
(syndrome du « cri du chat ») et la délétion du bras Le diagnostic prénatal permet de prévenir la
certains syndromes malformatifs dont le diagnostic
court du chromosome 4 (syndrome de Wolf- naissance d’enfants handicapés, mais soulève de
est évoqué sur des anomalies phénotypiques
Hirschhorn) sont à l’origine d’une débilité profonde nombreux problèmes dont les principaux ont trait :
spécifiques. La cytogénétique moléculaire et la
et sont bien connues cliniquement. – au fantasme de l’enfant parfait que certains
génétique moléculaire, orientées par l’examen
L’absence d’anomalies à un caryotype standard clinique, ne permettent pas toujours de confirmer considèrent comme un droit ;
doit faire rechercher une microdélétion par FISH. l’hypothèse diagnostique avancée. L’existence de – à une certaine tendance à banaliser
Ces délétions, survenant habituellement de novo quelques cas familiaux avait conduit à considérer ces l’interruption volontaire de grossesse ;
(90 %), sont d’origine paternelle le plus souvent. Elles syndromes comme des affections géniques. – à des conflits de valeurs lorsque l’anomalie
peuvent aussi être liées à la malségrégation d’une Parmi ces syndromes, citons : fœtale à rechercher ou découverte ne peut être
translocation parentale. – le syndrome de Miller-Dieker (délétion considérée comme une affection d’une particulière
17p13.3) ; gravité ;
Anomalie de structure déséquilibrée – au phénomène de société qui tend à rejeter les
– la microdélétion 22q11 [1] est retrouvée dans le
Devant la découverte d’une anomalie de structure syndrome de Di George, le syndrome vélocardio- handicapés comme les trisomiques 21.
déséquilibrée, il est de bonne pratique de s’assurer facial, les cardiopathies conontroncales avec
qu’elle n’est pas héritée d’un des parents, et donc de Caryotype fœtal pour une grossesse à risque
dysmorphie faciale ;
réaliser leur caryotype avant de conclure à une – le syndrome de Williams (microdélétion Si l’échographie concerne l’ensemble des
anomalie accidentelle. 7q11.23) [1] ; grossesses et peut conduire à la découverte fortuite
– le syndrome de Prader-Willi et le syndrome d’anomalie(s) de la morphologie fœtale, le diagnostic
Anomalie de structure équilibrée d’Angelman [6], dans lesquels on retrouve la même cytogénétique ne peut être proposé que dans des
Pour la descendance d’un sujet porteur d’une microdélétion 15p11q13, le premier étant lié à une situations à risque.
anomalie équilibrée, le risque d’anomalie non-contribution paternelle, le second à une L’une découle du conseil génétique qui a évalué
chromosomique viable dépend du remaniement de non-contribution maternelle (empreinte parentale). un risque que l’affection, déjà survenue dans une

3
8-0400 - Anomalies chromosomiques

famille, s’y manifeste à nouveau. Cependant, réservé repérables à l’échographie chez des fœtus créer une inquiétude non justifiée ? Comment ne pas
aux seuls couples ayant des antécédents trisomiques 21, rendent aléatoire le diagnostic d’une l’en informer même si la sensibilité de ces tests s’est
d’anomalies chromosomiques, le diagnostic prénatal anomalie chromosomique, d’autant plus que la révélée moins bonne qu’on ne l’espérait ? Autant de
a un impact faible. détection d’une anomalie morphologique fœtale ne questions légitimes que se posent les médecins
L’autre relève de données épidémiologiques ou peut être faite correctement que par un praticien exposés à une responsabilité médicolégale.
de nouvelles connaissances. En l’absence expérimenté.
¶ Quel avenir pour les cellules fœtales
d’antécédents dans la famille, il est possible La diffusion des échographies fœtales a contribué
dans le sang maternel ?
d’identifier, parmi l’ensemble des grossesses, des au diagnostic des anomalies chromosomiques chez L’étude par FISH des cellules fœtales circulant
grossesses à risque particulier. les femmes jeunes. dans le sang maternel a suscité beaucoup d’espoir.
Toutefois, la probabilité qu’une anomalie
‚ Grossesses à risque d’anomalies Un dépistage des anomalies chromosomiques
échographique relève d’une autre étiologie est comme la trisomie 21 serait possible sans faire un
chromosomiques
nettement plus élevée que celle de trouver une prélèvement fœtal. Les recherches menées depuis
Grossesses à risque facile à définir anomalie chromosomique, d’où l’intérêt des autres près de 10 ans montrent que l’application pratique
Elles concernent certains couples ayant des investigations pour évaluer le pronostic fœtal au pose de réels problèmes, non encore résolus à ce
antécédents d’anomalies chromosomiques : un mieux. jour.
enfant précédent atteint, un des conjoints ayant un
remaniement de structure. Vers un dépistage des anomalies Vers une « prévention individuelle » ? [2]
chromosomiques
L’âge maternel élevé est aussi une situation de Pour certains couples à risque, le diagnostic
risque. En France, le seuil est fixé à 38 ans pour la Actuellement, deux trisomies 21 sur cinq prénatal est souvent considéré comme une
prise en charge financière du caryotype fœtal par les seulement peuvent être dépistées si toutes les prévention personnalisée. Il ouvre aussi la voie à la
organismes sociaux. Cette limite d’âge peut paraître femmes de 38 ans et plus bénéficient d’un possibilité d’entreprendre une action de santé
arbitraire, le risque d’avoir un enfant porteur diagnostic prénatal, et si un caryotype fœtal était publique. Ainsi s’accrédite l’idée selon laquelle on
d’anomalie chromosomique n’étant pas très réalisé devant toute anomalie échographique. pourrait éradiquer les maladies génétiques comme
différent à 37 ans et à 38 ans, alors qu’il devient plus Or, trois enfants trisomiques 21 sur quatre la trisomie 21, ainsi que cela a été fait pour les
important après 40 ans. Cependant, la probabilité de naissent de femmes âgées de moins de 38 ans, et maladies infectieuses.
trouver un fœtus trisomique 21 est en moyenne trois une partie seulement des anomalies chromoso- Cependant, comme la procréation est une affaire
fois plus élevée après 38 ans (1,5 %) qu’entre 35 et miques est découverte à partir de l’échographie. privée, un couple peut décider de bénéficier ou non
37 ans (0,5 %). Un tiers des femmes ayant plus de 38 À défaut de pouvoir proposer un caryotype fœtal d’un diagnostic prénatal, d’avoir recours ou non à
ans ne demande pas à bénéficier d’un diagnostic à toutes les femmes enceintes, d’autres catégories de une interruption de grossesse si l’enfant attendu est
prénatal, soit par manque d’information, surtout si grossesses à risque sont à définir. reconnu atteint de l’anomalie recherchée.
elles sont d’un milieu socioculturellement défavorisé, Mais tous les couples à risque n’ont pas accès au
soit du fait de la réticence de certains médecins au ¶ Des marqueurs maternels pour dépister
la trisomie 21 diagnostic prénatal. L’information doit être
diagnostic prénatal et à sa conséquence, largement diffusée afin que ces couples puissent en
De grands espoirs ont été fondés sur les
l’interruption de grossesse, si le fœtus est reconnu bénéficier s’ils le souhaitent, et cela quel que soit leur
marqueurs sériques maternels (alpha-fœtoprotéine,
atteint. Abaisser la limite d’âge de 38 ans à 35 ans milieu socioculturel.
œstriol libre, bêta-hCG). En tenant compte du taux de
ne peut diminuer de façon notable le nombre
ces marqueurs et de l’âge de la femme, on peut Éviter la naissance d’un enfant trisomique 21 est
d’enfants trisomiques 21 arrivant à terme. De
estimer la probabilité pour l’enfant attendu de naître une des préoccupations de nos contemporains.
nombreux enfants atteints naissent en effet de
trisomique 21. En fonction du risque, un caryotype Certaines situations à risque ont été cernées.
mères jeunes, sans antécédents.
fœtal est proposé ou non. La décision d’avoir recours à un caryotype fœtal
Échographie fœtale : elle peut conduire Cependant, après ce test de dépistage, à peine pour une femme considérée comme âgée, à des
à établir un caryotype fœtal deux trisomies 21 sur trois sont dépistées. Il ne faut tests biologiques pour une femme dite plus jeune,
La découverte fortuite d’une ou plusieurs donc pas méconnaître les conséquences de doit rester le choix individuel de la femme, du
malformations, d’une anomalie de quantité de l’extension des marqueurs à un groupe important de couple. Il est de la responsabilité de tous de diffuser
liquide amniotique (LA) ou d’un retard de croissance femmes enceintes : l’information nécessaire pour permettre un choix
intra-utérin (RCIU) doit conduire à faire un caryotype – angoisse importante de la femme reconnue éclairé pour tous les couples, sans distinction.
fœtal. comme ayant un risque accru d’avoir un enfant
trisomique 21 tant qu’elle n’a pas le résultat du Découverte d’une anomalie chromosomique
Réalisé dans une démarche diagnostique, le
caryotype contribue à évaluer le pronostic. Les caryotype de son enfant ; Le caryotype fœtal est habituellement réalisé
données nationales portant sur plus de 16 000 – difficulté pour le couple d’accepter la naissance dans le but de reconnaître une pathologie
fœtus étudiés [2] montrent son intérêt : d’un enfant trisomique 21 alors que le résultat du chromosomique grave et invalidante dont le
– la fréquence des anomalies chromosomiques test réalisé n’a pas conduit à pratiquer un caryotype ; pronostic est facile à évaluer. Le conseil génétique et
est en moyenne quatre fois plus élevée que pour – augmentation des abandons d’enfants la décision que le couple doit prendre vis-à-vis de la
l’âge maternel (10, 5 % contre 2,5 % après 38 ans) ; trisomiques 21 par des couples ayant le sentiment grossesse ne soulèvent pas alors de problèmes
– la majorité des anomalies chromosomiques est d’avoir fait le nécessaire pour éviter leur naissance ; personnels ou éthiques.
découverte devant une ou des malformations – découverte d’une anomalie du nombre des La découverte fortuite d’une anomalie portant sur
repérée(s) à l’échographie (incidence 12,6 %) ; chromosomes sexuels confrontant les couples à une le nombre des chromosomes sexuels crée une
– en cas de polymalformations et/ou de RCIU décision difficile à prendre au sujet de leur l’enfant ; situation délicate et soulève des problèmes de
associé, la fréquence est doublée ; – risque de perdre un enfant sain à la suite de comportement sur l’attitude à avoir vis-à-vis de
– l’incidence des anomalies chromosomiques l’amniocentèse. l’enfant attendu. La stérilité d’un sujet 45X ou 47XXY
dépend du type de la malformation observée et de Pour toutes ces raisons, l’étude des marqueurs ne doit-elle être considérée comme une affection d’une
l’âge maternel : elle est très élevée pour certaines peut être faite sans que la femme enceinte (et son particulière gravité ? La difficulté à apprécier
malformations cardiaques et faible pour les conjoint) ait reçu la totalité des informations sur les correctement le pronostic mental du fait de la
malformations rénales ; avantages et les inconvénients des tests pratiqués. variation phénotypique doit-elle conduire à ne pas
– si les trisomies 21 et les trisomies 18 sont les L’étude des marqueurs sériques doit être un choix laisser naître un enfant 47XXX ou 47XXY ? La
plus fréquentes, les anomalies de la structure sont éclairé du couple. Mais le médecin doit-il découverte de cette anomalie chez leur enfant est
loin d’être exceptionnelles. Le caryotype fœtal doit systématiquement proposer ces tests de dépistage, source d’angoisse pour les futurs parents qui ne sont
donc être réalisé avec des techniques pouvant même à une femme très jeune ayant un faible risque pas toujours prêts à affronter ces difficultés.
mettre en évidence un remaniement de petite taille. d’avoir un enfant trisomique 21 ou doit-il se Trouver une translocation apparemment
Cependant, la découverte tardive des signes contenter de répondre à la demande du couple ? équilibrée ou un petit chromosome surnuméraire,
échographiques, l’absence de malformations Comment l’informer de l’existence des tests sans sans pouvoir identifier le matériel chromosomique

4
Anomalies chromosomiques - 8-0400

dont il est constitué, est aussi délicat à gérer lorsque parvenir une attestation au laboratoire autorisé être éradiquées. Cette conception irréaliste soulève
cette anomalie n’est pas retrouvée chez l’un des auquel il confie l’examen à réaliser chez le fœtus à des questions éthiques qui ont trait à la
parents. On ne peut alors affirmer que l’enfant naître. Ces dispositions légales s’appliquent aussi à représentation du handicap et des handicapés dans
attendu n’a pas une anomalie de structure l’étude des marqueurs sériques maternels. notre société.
déséquilibrée non repérable avec les techniques


disponibles et dire que cette anomalie est sans
conséquence pour son avenir.
Note
Conclusion Pour obtenir des informations sur les
Encadrement légal du diagnostic prénatal anomalies chromosomiques ou les
Selon la loi, le diagnostic prénatal biologique, et Les anomalies chromosomiques sont maladies monogéniques, vous pouvez
donc cytogénétique, doit être réalisé après que le nombreuses et il nous a été impossible de les décrire appeler Allo-Gènes, centre national
couple souhaitant en bénéficier a eu une toutes ici. Le caryotype relève d’indications très d’information sur les maladies
consultation de génétique (art L162-16 du Code de précises et peut conduire à porter un diagnostic, ce génétiques ; numéro Azur :
la santé publique). qui améliore le conseil génétique dans de 0 801 63 19 20 (prix d’une
Un arrêté (art R162-16-7) précise les informations nombreuses situations.
communication locale). Créé par le
qui doivent être données à la femme enceinte pour Cependant, certains syndromes liés à des
l’aider à prendre sa décision. Elles concernent la microdélétions ne peuvent être découverts par le
ministère chargé de la Santé et
pathologie dont le diagnostic peut être fait chez caryotype traditionnel, et leur diagnostic relève de l’Association française contre les
l’enfant à naître, les risques encourus, et les moyens techniques pouvant allier cytogénétique et myopathies, dans le cadre du plan
disponibles pour la reconnaître in utero. En outre, le génétique moléculaire. génome santé, il a été mis en place
médecin doit recueillir par écrit le consentement de La possibilité de faire un diagnostic chez l’enfant à pour informer, aider et orienter
la patiente sur un formulaire conforme à un modèle naître accrédite l’idée que les anomalies médecins et malades.
fixé par le ministère chargé de la Santé et doit faire chromosomiques, comme la trisomie 21, peuvent

Marie-Louise Briard : Directeur de recherches Inserm,


unité de recherches sur les handicaps génétiques de l’enfant U 393 Inserm, service de génétique médicale .
Nicole Morichon-Delvallez : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier,
laboratoire de cytogénétique.
Hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : ML Briard et N Morichon-Delvallez. Anomalies chromosomiques.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0400, 1998, 5 p

Références

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nitales : les syndromes de Di Georges et de Williams. Paris : JPP-Flammarion, Human reciprocal translocations : a new computer system for genetic counseling.
1995 : 87-92 Ann Genet 1992 ; 35 : 193-201

[2] Briard ML. Diagnostic prénatal des anomalies chromosomiques : prévention [5] De Grouchy J, Turleau C. Atlas des maladies chromosomiques (2e éd). Paris :
personnalisée ou action de santé publique. In : Papiernik E, Cabrol D, Pons JC eds. Expansion scientifique française, 1982
Paris : Flammarion, 1995 : 470-479
[6] Moncla A, Livet MO, Malzac P, Voelckel MA, Mattei MG, Mattei JF et al. Le
[3] Briard ML, Morichon-Delvallez N. Anomalies chromosomiques. Encycl Med syndrome d’Angelman. Arch Pediatr 1994 ; 1 : 1118-1126
Chir (Elsevier, Paris), Pédiatrie, 4-002-T-30, 1997 : 1-11

5
8-0390
8-0390

Infection maternofœtale
Encyclopédie Pratique de Médecine

à cytomégalovirus
F Jacquemard, V Mirlesse, F Daffos

L ’infection maternelle à cytomégalovirus est fréquente (primo-infection, réinfection ou réactivation). Les


conséquences pour le fœtus et le nouveau-né peuvent être particulièrement graves. Cependant, du fait des
difficultés de détermination des facteurs pronostiques chez le fœtus infecté et de l’absence de traitement efficace
dépourvu d’effets secondaires, le dépistage systématique n’est actuellement pratiqué que dans le cadre d’études
pilotes, au sein d’équipes obstétricopédiatriques spécialisées.
© Elsevier, Paris.


revenus élevés (immunisation faible), le taux de
Épidémiologie L’infection fœtale à CMV est séroconversion est inférieur à celui d’une population
l’infection intra-utérine la plus à revenus plus faibles.
fréquente : 0,4 à 2,3 % des nouveau-
Le cytomégalovirus (CMV) fait partie de la famille nés vivants excrètent du CMV dans
des herpès virus. Il a l’espèce humaine pour unique Les groupes professionnels à risque
leurs urines au cours de leur première
réservoir. Les herpès virus présentent des sont ceux en contact avec des
semaine de vie.
caractéristiques morphologiques et cliniques individus excrétant massivement le
communes. En effet, après une primo-infection, le CMV (enfants avec une infection
d’infection placentaire. Chez le fœtus infecté, du fait congénitale à CMV, patients
virus n’est pas éliminé de l’organisme et y reste
de l’immaturité immunologique fœtale, une immunodéprimés) [1].Il s’agit donc des
latent. Il peut être réactivé, soit en cas
infection chronique et productive avec cytomégalie infirmières, des puéricultrices, des
d’immunodépression spontanée (grossesse, sida),
disséminée peut s’installer.
soit par des causes iatrogènes (immunosuppres- institutrices, du personnel médical en
seurs). La réplication du virus est intranucléaire, ce contact avec ces sujets. La
qui le rend insensible aux anticorps sériques
neutralisants. L’étude du génome viral montre qu’il
existe environ 80 % d’homologies entre les
différentes souches de virus isolés.

Prévalence des anticorps
sériques anti-CMV

Le statut sérologique de la mère antérieurement à


transmission horizontale vers le
personnel soignant a été démontrée, ce
qui conduit à recommander aux
femmes enceintes séronégatives
la grossesse est corrélé à des facteurs socio- d’éviter de soigner des malades connus
L’infection est transmise par les économiques et au comportement sexuel. En comme excrétant du virus.
sécrétions oropharyngées, Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest, le
urogénitales, les transfusions pourcentage de femmes de race blanche Le taux de réactivation pendant la grossesse
abondantes de sang non déleucocyté, séropositives pour le CMV et âgées de 15 à 30 ans serait de 1 à 3 %, mais le diagnostic est difficile à
et peut être acquise in utero à ne dépasse pas 40 à 50 %. poser.
l’occasion d’une virémie maternelle, Dans les pays du tiers-monde, l’immunité


qui peut survenir : s’acquiert principalement durant l’enfance, par voie
✔ soit lors d’une primo-infection orale et respiratoire (rôle de la promiscuité, de Pathogénie
l’allaitement maternel).
pendant la grossesse ;
Le taux moyen de séroconversion pendant la
✔ soit dans un contexte de
grossesse est de 2 à 3 %. Il dépend de la Les lésions évocatrices de l’infection à CMV
réactivation ou de réinfection.
séroprévalence dans la population et donc de son peuvent être retrouvées dans tous les organes et le
niveau socio-économique : placenta.
Après une primo-infection, l’excrétion du virus – dans les populations à pourcentage de L’infection placentaire à CMV se traduit par une
dure des mois, parfois des années. Le virus est séropositivité élevé, l’incidence est élevée car la augmentation d’épaisseur, avec inclusions
retrouvé dans diverses sécrétions : urines, salive, population séronégative, très minoritaire, est très cytoplasmiques intranucléaires, infiltrats
sécrétions du col utérin, sperme, lait. exposée au risque de contamination, ce d’autant lymphoplasmocytaires intravillositaires, nécrose
L’infection est d’abord placentaire, lors d’une que les conditions socio-économiques sont souvent ischémique villositaire, thromboses vasculaires
virémie maternelle, puis elle est transmise au foetus défavorables ; veineuses et capillaires.
© Elsevier, Paris

par voie hématogène. Cette transmission est liée à la – dans les populations à niveau socio- Les lésions cérébrales fœtales sont en rapport
fraction leucocytaire du sang : le virus infecte les économique élevé dans lesquelles environ 50 % des avec :
lymphocytes T et B et principalement les jeunes femmes sont séronégatives, deux tiers des – des lésions de nécrose focale par destruction
polynucléaires. Le passage transplacentaire infections congénitales sont liés à des primo- cellulaire puis réaction inflammatoire secondaire
surviendrait dans environ la moitié des cas infections. Cependant, dans un milieu social à avec sclérose ;

1
8-0390 - Infection maternofœtale à cytomégalovirus

– des phénomènes de vasculite par atteinte les Le diagnostic biologique de primo-infection Environ 20 % des nouveau-nés infectés sont
cellules endothéliales avec troubles de perfusion en maternelle se base sur la séroconversion en IgG et symptomatiques à la naissance [3], et la majorité
aval et évolution sclérosante ; IgM. Le diagnostic a grandement bénéficié des présente une maladie des inclusions cytomégaliques
– des phénomènes de méningoencéphalite avec améliorations des kits de détection des IgM. La généralisée.
inflammation méningée, infiltrats périvasculaires, présence d’IgM sur le premier prélèvement réalisé
foyers de nécrose parenchymateuse surtout pendant la grossesse peut rendre difficile ce
périventriculaires, volontiers calcifiés, prolifération diagnostic. Récemment, l’étude de l’avidité des IgG a Caractéristiques de la maladie des
nodulaire microgliale et astrogliale, inclusions permis, devant des IgM positives de manière isolée inclusions cytomégaliques :
intranucléaires. en début de grossesse, de différencier les infections ✔ hépatosplénomégalie, ictère,
La microcéphalie habituellement décrite est liée à présumées anciennes, où l’avidité des IgG est élevée, pétéchies, purpura ;
l’effet clastique du virus et également à un défaut de des infections récentes où elle est faible. ✔ retard de croissance intra-utérin,
prolifération cellulaire. Le seul critère absolu de réactivation maternelle naissance prématurée ;
Les anomalies de la migration neuronale peuvent est l’existence d’une infection congénitale à CMV ✔ signes neurologiques :
être à l’origine d’une micropolygyrie (dans 65 % des chez une femme connue avant la grossesse comme microcéphalie, calcifications
cas), moins souvent d’une lissencéphalie, d’une immunisée contre le CMV. Les autres critères périventriculaires, dilatation
pachygyrie, d’hétérotopies neuronales. (augmentation des IgG avec absence d’IgM, virurie ventriculaire, hypotonie ;
Porencéphalie, hydranencéphalie, hydrocéphalie, récurrente pendant la grossesse) sont sujets à ✔ signes oculaires : choriorétinite,
hypoplasie cérébelleuse sont plus rares. caution. atrophie optique ;
Les lésions évocatrices d’infection à CMV avec Après infection à CMV, des taux élevés d’anticorps ✔ plus rarement : pneumopathie
inclusions cytoplasmiques intranucléaires peuvent peuvent persister pendant plusieurs années, et des interstitielle, hernie inguinale chez
aussi être retrouvées au niveau pulmonaire et épisodes de virurie surviennent de manière les garçons.
hépatique. intermittente. Le risque d’infection fœtale chez une
femme immunisée contre le CMV est très faible et ni


le taux des anticorps, ni leur cinétique, ni l’existence Sur le plan biologique, il existe généralement un
Circonstances de découverte d’une virurie ne sont, en l’état actuel des syndrome de cytolyse hépatique avec cholestase,
connaissances, des arguments pour différer le début une thrombopénie, une hyperprotéinorachie et une
d’une grossesse. augmentation du taux des IgM.
Le problème du diagnostic prénatal de l’infection On peut également observer des anomalies


congénitale à CMV peut se poser dans trois immunologiques, des complexes immuns circulants
circonstances différentes : Infection à CMV chez le fœtus ou déposés dans la membrane basale du glomérule,
■ soit en raison d’anomalies de la grossesse
(tableau I) des lésions osseuses.
connues pour pouvoir être en rapport avec une La mortalité est élevée : 30 % en quelques jours
infection congénitale à CMV : retard de croissance Le risque de transmission au fœtus dépend ou semaines. Seulement 10 % des enfants
intra-utérin, d’autant plus qu’il existe un essentiellement du statut maternel vis-à-vis du CMV. survivants peuvent espérer un développement
oligo-amnios, un placenta épais, les anomalies normal et les 90 % des enfants restants présentent
morphologiques fœtales suivantes : ‚ Primo-infection maternelle des troubles du développement à type de retard
– hydrocéphalie, souvent associée à un aspect Lors d’une primo-infection maternelle, le risque de mental, hypotonie, parésies, surdité progressive uni-
hyperéchogène des parois ventriculaires cérébrales, contamination fœtale est d’environ 30 à 50 %. L’âge ou bilatérale.
microcéphalie ; gestationnel au moment de la virémie fœtale ne La majorité des enfants infectés (80 %) ne
– images échogènes intra-abdominales réalisant semble pas influencer le taux de transmission. présente aucune symptomatologie à la naissance.
un tableau d’iléus, également décrit en cas de Cependant, il semble corrélé à la sévérité de Chez 5 à 15 % d’entre eux, une surdité
trisomie 21 et de mucoviscidose ; l’infection, les atteintes de la première moitié de la neurosensorielle, une choriorétinite, un retard
– ascite, épanchement pleural, anasarque grossesse ayant le plus mauvais pronostic. mental se manifestent tardivement.
fœtoplacentaire non immunologique.
■ soit à l’occasion d’un épisode clinique maternel
Tableau I. – Conséquences de l’infection à CMV chez le fœtus.
évoquant une infection à CMV ;
■ soit en raison d’une séroconversion ou d’une En cas de primo-infection maternelle :
réactivation asymptomatiques durant la grossesse, − risque de contamination fœtale : 30 à 50 %, indépendant de l’âge gestationnel
dépistées lors d’une surveillance systématique dans − les atteintes de la première moitié de la grossesse ont le plus mauvais pronostic
des populations à risque alors qu’il n’existe pas − seuls 20 % des nouveau-nés infectés sont symptomatiques à la naissance (maladie des inclusions cytomé-
galiques)
d’anomalie de la grossesse. − mortalité élevée : 30 % en quelques jours ou semaines
− 10 % des enfants survivants peuvent espérer un développement normal ; les 90 % restants présentent des


troubles du développement à type de retard mental, hypotonie, parésies, surdité progressive uni- ou
Primo-infection maternelle bilatérale
− chez 5 à 15 % des enfants infectés ne présentant aucune symptomatologie à la naissance, une surdité neu-
rosensorielle, une choriorétinite, un retard mental se manifestent tardivement
Ces séquelles sont plus fréquentes, plus graves, et d’apparition plus précoce que chez les enfants infectés à
Elle peut se traduire par un syndrome l’occasion d’une infection secondaire maternelle
mononucléosique fébrile avec lymphocytose relative
En cas d’infection maternelle secondaire (réinfection ou réactivation) :
ou absolue, anémie hémolytique, hépatite avec − risque de contamination fœtale : de 0,15 à 3 % ; lésions d’apparition plus tardive et de gravité moindre
ictère, thrombopénie, conjonctivite, pneumopathie que celles consécutives à une primo-infection
interstitielle, myocardite, syndrome de Guillain-Barré, − 5 à 15 % des enfants infectés in utero à l’occasion d’une réinfection maternelle peuvent présenter des ma-
encéphalite aiguë. Dans environ 90 % des cas, nifestations cliniques dans les deux premières années de vie : le plus souvent, une surdité unilatérale d’ag-
gravation progressive, mais restant le plus souvent modérée.
l’infection maternelle est asymptomatique. À la suite
L’apparition de signes neurologiques (déficit neuromusculaire, retard mental, microcéphalie) est rare.
d’une primo-infection, le virus persiste pour la vie, Ces éventuelles séquelles sont moins fréquentes, moins graves, et d’apparition plus tardive que chez les en-
sous une forme latente, dans les tissus de l’hôte, sans fants infectés à l’occasion d’une primo-infection.
excrétion.

2
Infection maternofœtale à cytomégalovirus - 8-0390

Ces séquelles sont plus fréquentes, plus graves, et mode d’administration intraveineux et de sa toxicité, pronostique permettant de prendre une décision.
d’apparition plus précoce que chez les enfants en particulier hématologique, seuls quelques essais Ces cas se rencontrent surtout lorsque le diagnostic a
infectés à l’occasion d’une infection secondaire ont été pratiqués, uniquement sur des nouveau-nés été porté à la suite d’une infection maternelle soit
maternelle. symptomatiques, avec une efficacité probablement diagnostiquée fortuitement en raison de signes
Les deux tiers des nouveau-nés non viruriques et limitée sur des lésions constituées. Les incertitudes cliniques évocateurs, soit de manière systématique
ayant échappé à l’infection in utero après une inhérentes à ce traitement en rendent son utilisation (études pilotes de screening systématique). Il
primo-infection maternelle présentent une virurie thérapeutique in utero pendant la grossesse illusoire. convient alors de surveiller attentivement la
vers l’âge de 4 mois, cette infection étant croissance fœtale, l’absence d’apparition de signes
probablement postnatale, acquise lors de échographiques, notamment cérébraux, qui seraient
l’accouchement, de l’allaitement, ou de contacts
intimes avec la mère.

‚ Infection maternelle secondaire



Moyens du diagnostic
prénatal [4, 5, 6, 7]
évocateurs d’une atteinte disséminée, et la normalité
de la biologie fœtale (prélevée par ponction
échoguidée du cordon). La réalisation d’une
imagerie par résonance magnétique (IRM) nucléaire
Le diagnostic prénatal repose sur la réalisation in utero permettant d’analyser avec plus de précision
Lors d’une infection maternelle secondaire d’une amniocentèse pour prélèvement de liquide le cerveau fœtal (notamment sur le plan de l’intégrité
(réinfection ou réactivation), le risque de amniotique qui suffit à lui seul à poser le diagnostic : des structures anatomiques, du développement de
contamination fœtale est de 0,15 à 3 %. l’isolement du virus à partir des cellules du liquide la gyration) est également systématique pendant le
amniotique, par cultures virales et isolement rapide à troisième trimestre de la grossesse.
l’aide d’un anticorps monoclonal sur cultures Si tous ces paramètres restent normaux, il existe
Lorsque des lésions apparaissent après cellulaires constitue en effet la méthode une très grande probabilité pour que le nouveau-né
une infection fœtale consécutive à une diagnostique de référence. La polymerase chain soit asymptomatique à la naissance et nécessite une
réactivation, elles semblent reaction (PCR), en cours d’évaluation, ne paraît pas simple surveillance du fait du risque de séquelles
d’apparition plus tardive et de gravité apporter une sensibilité supplémentaire. tardives (en particulier auditives). L’apparition
moindre que lorsqu’elles sont Le CMV est décelé dès le premier cycle de d’anomalies échographiques ou à l’IRM
consécutives à une primo-infection. réplication virale, en 24 à 48 heures, alors que l’effet (infléchissement de la croissance fœtale, apparition
cytopathogène caractéristique ne peut être mis en d e c a l c i fi c a t i o n s i n t r a c r â n i e n n e s , d ’ u n e
évidence qu’en 7 à 21 jours. hydrocéphalie) dans un tableau biologique fœtal
Cinq à 15 % des enfants infectés in utero, à Il paraît prudent de s’assurer de l’absence de d’infection généralisée orientera vers une atteinte
l’occasion d’une réinfection maternelle, peuvent virémie maternelle (dont la durée est probablement fœtale sévère pour laquelle la conduite à tenir
présenter des manifestations cliniques qui vont augmentée pendant la grossesse) avant la pourra être reconsidérée avec possibilité
apparaître dans les deux premières années de vie : le réalisation d’un prélèvement fœtal. d’interruption médicale de grossesse. Les cas de
plus souvent, une surdité unilatérale d’aggravation La réalisation d’un prélèvement de sang fœtal n’a discordance ou d’incertitude ne sont cependant pas
progressive mais restant le plus souvent modérée. pas d’intérêt pour le diagnostic d’infection fœtale à rares.
L’apparition de signes neurologiques (déficit CMV. Elle est par contre utile, soit dans un contexte La difficulté d’évaluation des facteurs
neuromusculaire, retard mental, voire microcéphalie) d’anomalies de grossesse où il faut également pronostiques d’infection fœtale est responsable en
est rare. pratiquer une détermination du caryotype fœtal, une grande partie des réticences à la réalisation
Fowler et Stagno [2], dans une étude menée chez évaluation de l’équilibre acidobasique fœtal et du systématique du dépistage sérologique d’infection
197 enfants infectés par le CMV durant la grossesse degré d’hypoxie chronique, soit pour tenter maternelle a CMV au même titre que le dépistage de
lors d’une primo-infection maternelle (groupe 1) ou d’évaluer au mieux le pronostic fœtal en recherchant séroconversion toxoplasmique.
d’une réinfestation maternelle (groupe 2), ont mis en des signes non spécifiques d’infection virale
évidence l’absence d’infection symptomatique à la (augmentation de l’interféron sérique, des IgM
totales non spécifiques), et d’atteinte fœtale Dans tous les cas aboutissant à la
naissance chez les enfants infectés à la suite d’une
polyviscérale dont le pronostic est sombre (anémie, naissance d’un enfant vivant, celui-ci
infection récurrente.
thrombopénie, augmentation des gamma-glutamyl- doit impérativement être confié à une
Dix-huit pour cent des enfants du groupe 1
transpeptidase [GGT], des lacticodéshydrogénases équipe pédiatrique habituée à prendre
étaient symptomatiques. Après un suivi moyen de
[LDH]). en charge ce type d’infection, qui
4,7 ans, la présence d’au moins une séquelle était
pratiquera un certain nombre
retrouvée chez 25 % des enfants du groupe 1, contre
d’examens paracliniques (contrôle


8 % chez les enfants du groupe 2 ; 13 % des enfants Conduite à tenir pendant sérologique, normulation de formule
du groupe 1 présentaient un quotient intellectuel la grossesse devant une infection
fœtale à CMV sanguine [NFS], dosage d’interféron,
inférieur ou égal à 70, contre 0 % dans le groupe 2.
des transaminases, profil protéique de
Une surdité de perception était retrouvée chez 15 %
des enfants du groupe 1 contre 5 % des enfants du
sang et de liquide céphalorachidien
La conduite à tenir devant l’existence d’une [LCR], recherche de virus par culture
groupe 2, chez qui il n’était pas observé de surdités infection congénitale à CMV dépend du pronostic de
bilatérales.
et PCR dans les urines, le sang, le
l’infection fœtale :
LCR, fond d’œil, échographies
– en cas de signes échographiques majeurs
transfontanellaires répétées, potentiels
(hydrocéphalie, anasarque fœtal), le pronostic est


évoqués auditifs).
très sombre et une interruption médicale de la
Possibilités thérapeutiques grossesse peut être décidée à la demande des
parents dûment informés, en accord avec la loi en
vigueur.
Les substances connues pour leur activité Dans ce cas, un examen fœtopathologique De plus, des mesures accrues de prudence
antivirale sur les virus du type Herpes simplex, telles détaillé est indispensable pour évaluer le doivent être prises à l’intérieur des maternités et des
que l’aciclovir, n’ont que très peu d’effet sur le CMV. retentissement polyviscéral de l’infection ; services de pédiatrie pour éviter la contamination du
La seule molécule ayant fait la preuve d’une – en l’absence de signe échographique majeur, le personnel soignant ainsi que celle de mères ou de
efficacité relative est le ganciclovir. Du fait de son terme de l’infection fœtale n’est pas en soi un facteur nouveau-nés.

3
8-0390 - Infection maternofœtale à cytomégalovirus


Principes et buts du dépistage – absence de traitement spécifique et efficace molécules actuellement à notre disposition
systématique de l’infection maternelle disponible. Le seul traitement ayant prouvé une présentant des effets secondaires non négligeables).
à CMV pendant la grossesse efficacité partielle dans le traitement de l’infection à Si, comme l’écrit Stagno [8], la réalisation d’un
CMV présente en effet de nombreux effets dépistage systématique devrait être envisagée pour
secondaires. les femmes en âge de procréer courant le risque
Si l’échographie systématique pendant la
d’être exposées au CMV, cela inclurait non
grossesse peut aisément mettre en évidence des
seulement les patientes au contact de jeunes enfants


signes majeurs d’atteinte fœtale, il est plus difficile de
en crèche, les institutrices, les puéricultrices, mais
mettre en évidence des signes plus discrets tels qu’un Conclusion aussi les mères d’enfants fréquentant la crèche et
début d’infléchissement de la croissance du
susceptibles d’être infectées lors de leur seconde
périmètre crânien, ou l’apparition débutante de
grossesse... et donc une grande majorité de la
calcifications des parois ventriculaires cérébrales ou
Le dépistage de l’infection maternelle à CMV et le population des femmes enceintes.
le long des vaisseaux thalamiques, ces signes
diagnostic prénatal de l’infection à CMV sont tous Cependant, du fait des difficultés de détermi-
pouvant cependant être révélateurs d’une atteinte
deux possibles techniquement. Les difficultés nation des facteurs pronostiques des fœtus infectés,
fœtale de mauvais pronostic cérébral.
soulevées par l’interprétation des sérologies de l’absence de traitement efficace administrable par
Seul le dépistage systématique peut en théorie
maternelles sont en passe d’être résolues, avec la voie orale et dépourvu d’effets secondaires, et
permettre l’identification non seulement de ce type
généralisation de nouveaux kits de dépistage, probablement aussi de l’incidence économique d’un
de pathologie, mais aussi de tous les enfants
l’étude de l’avidité des anticorps dont le tel dépistage, le dépistage systématique n’est
asymptomatiques ou paucisymptomatiques dont un
développement permettra de dater avec plus de actuellement pratiqué que dans le cadre d’études
certain nombre risque de développer des séquelles
précision les infections. Le diagnostic prénatal est pilotes, au sein d’équipes obstétricopédiatriques
neurosensorimotrices à distance.
simple. Cependant, nous ignorons encore beaucoup spécialisées. Il pourrait être cependant intéressant de
Ainsi, le but d’un dépistage systématique pendant d’éléments concernant l’histoire naturelle de proposer une sérologie préconceptionnelle au
la grossesse ne serait pas de dépister les fœtus pour l’infection maternofœtale à CMV. Ainsi, nous ne personnel des crèches ou en contact avec la petite
lesquels l’interruption de grossesse serait savons pas actuellement pourquoi certains fœtus enfance, puisqu’il s’est avéré que cela représente un
envisageable, mais surtout de mieux prendre en font des infections symptomatiques et pas d’autres, facteur de risque aggravé. Les femmes séropositives
charge les enfants asymptomatiques et ni pourquoi seuls certains enfants développent des ne seraient bien sûr pas à l’abri d’une réinfection,
paucisymptomatiques. Pour ne donner qu’un seul séquelles à distance, et nous avons beaucoup de mais les conséquences de celle-ci sont moins
exemple, les conséquences en termes de difficultés à établir leur pronostic : si les fœtus fréquentes et moins sévères. Des mesures
développement psychomoteur, langage, capacités porteurs de lésions échographiques majeures sont préventives d’hygiène simple (lavage des mains,
d’acquisition d’une surdité sont totalement inévitablement promis à des séquelles graves en cas éviter le contact avec les sécrétions comme la salive)
différentes selon que le diagnostic a été posé de survie, de nombreuses inconnues persistent dans pourraient alors être conseillées.
précocement ou non. le pronostic des enfants infectés sans lésions Ces études multicentriques ont également pour
Cependant, de nombreux problèmes persistent : neurologiques échographiques patentes. Nous ne intérêt d’améliorer nos connaissances sur l’histoire
– difficultés à assurer le bon pronostic d’une disposons pas à l’heure actuelle d’éléments naturelle de l’infection à CMV, afin de préciser quels
infection fœtale, à l’origine de nombreuses pronostiques rassurants fiables pour les enfants enfants traiter, dans la mesure où des substances
demandes d’interruption médicale de grossesse, infectés in utero et considérés comme asymptoma- administrables par voie orale et présentant peu
bien compréhensibles du fait de l’angoisse intense tiques. Nous ne savons pas non plus si ces enfants d’effets secondaires seront disponibles dans un
soulevée par ce type de situation ; pourraient bénéficier d’une thérapeutique (les avenir proche.

François Jacquemard : Assistant.


Véronique Mirlesse : Assistante.
Fernand Daffos : Chef de service.
Service de médecine fœtale, institut de puériculture de Paris, 26, boulevard Brune, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Jacquemard, V Mirlesse et F Daffos. Infection maternofœtale à cytomégalovirus.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0390, 1998, 4 p

Références

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[2] Fowler KB, Stagno S, Pass RF, Britt WJ, Boll TJ, Alford CA. The outcome of
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4
8-0350

8-0350
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Infections néonatales primitives

Y Aujard

L es infections néonatales primitives sont séparées, en fonction de leur date d’apparition et de leur
physiopathogénie, en formes précoces, ou infections maternofœtales, et en formes tardives. Les infections
précoces sont habituellement bactériennes, mais tous les pathogènes dont les virus, les champignons et les parasites
peuvent être en cause. Les formes tardives sont le plus souvent virales. Dans tous les cas, les méningites sont celles
dont le pronostic est le plus réservé. Le choix du traitement tient compte de plusieurs facteurs utilisés dans le choix de
l’antibiothérapie probabiliste : le terme, l’âge de survenue et surtout l’épidémiologie microbienne régionale.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : nouveau-né, infections néonatales, épidémiologie des infections néonatales, traitement des infections
néonatales.


chronologiques et épidémiologiques sont très à la naissance sont essentiellement d’origine
Introduction différentes (tableau I). Les IMF sont responsables de maternelle, transmises par voie transplacentaire à
12 % de la mortalité périnatale, de 9 % de la partir du troisième trimestre ; leur taux est de 120 %
mortalité néonatale précoce et de 12 % de la du taux maternel à terme, grâce à un passage actif
L’infection néonatale est un problème de santé mortalité néonatale tardive [35, 60, 67]. en fin de grossesse. À l’inverse, les IgM et les IgA ne
publique mondiale. Son incidence est proche de 1 % Les infections parasitaires qui posent des traversent pas le placenta. L’absence d’anticorps
des naissances dans les pays industriels ; elle est plus problèmes diagnostiques et thérapeutiques spécifiques chez la mère et donc chez le nouveau-né
élevée dans les pays en voie de développement. En spécifiques ne seront pas abordées. En revanche, les contre un germe pathogène, en particulier le
1996, les infections survenant dans le premier mois infections néonatales à germes inhabituels et celles streptocoque B, favorise la survenue d’une infection
de la vie ont été responsables de 5 millions de posant des problèmes après la sortie (Chlamydia, chez un enfant colonisé in utero [24, 67].
morts [60]. Presque tous les agents pathogènes, herpès…) de la maternité ont été détaillées.
bactéries surtout, champignons et virus, peuvent être Cette immaturité explique, chez beaucoup de
responsables d’infection chez le nouveau-né. nouveau-nés, le passage de l’état de colonisation


L’épidémiologie comme les sensibilités bactériennes asymptomatique à celui d’infection. Cette
varient dans le temps, les pays et même les régions, Facteurs de risque colonisation étant, au départ, secondaire à une
ce qui empêche toute extrapolation thérapeutique contamination amniotique, elle-même conséquence
d’un pays, voire d’un centre à l’autre. Les infections de la colonisation vaginale qui représente donc le
néonatales primitives sont séparées en infections à Le facteur de risque principal d’infection est lié à facteur de risque princeps, elle est facilitée par une
début précoce ou infections maternofœtales (IMF), et l’immaturité immunitaire qui est d’autant plus rupture prolongée de la poche des eaux. Chez le
en infections tardives [35] . Cette classification importante que le nouveau-né est plus prématuré. nouveau-né de moins de 1 500 g, la fréquence des
simplifiée recouvre un ensemble très hétérogène L’immunité humorale est dépendante de l’état infections primitives septicémiques est inversement
dont les caractéristiques physiopathologiques, immunitaire maternel. Les immunoglobulines (Ig) G proportionnelle au terme, l’infection - la

Tableau I. – Classification des infections néonatales primitives.

Tardives
Précoces
Caractéristiques Chlamydia
maternofœtales Maternelles Communautaires
Mycoplasmes
Incidence
4à8 ≤2 ≤2 ?
(‰ naissances)
Âge j0-j4 j5-j28 (j60) j5-j60 j5-j28
Anamnèse
Grossesse + ± ± -
et accouchement
• Infection systémique Méningites ++ Conjonctivite Pneumopathie
Clinique
(bactério[-]), 90 %
• Infection pulmonaire Systémique Pneumopathie Infections
• Méningite < 5 % Focale Oto-rhino-laryngologiques
• Formes fulminantes < 2 % Infections urinaires

1
8-0350 - Infections néonatales primitives

chorioamniotite - étant avant tout une cause de la


prématurité. Tableau II. – Signes cliniques évoquant une infection néonatale.

‚ Infections maternofœtales bactériennes Anamnèse Examen


Leur incidence varie de 4 à 10 ‰ naissances Fièvre maternelle Détresse vitale (hémodynamique, respiratoire)
vivantes. Elles sont beaucoup plus fréquentes chez le Tachycardie fœtale Hépatomégalie, splénomégalie
prématuré : 26,6 ‰ naissances entre 25 et 28 Douleur utérine Ictère trop précoce ou persistant
semaines, 11,2 ‰ entre 29 et 32 semaines et 16,3 Coloration du liquide amniotique Météorisme abdominal
RPDE > 12 heures Troubles neurologiques (hyporéactivité, mouvements anormaux),
‰ entre 33 et 36 semaines [61]. Trois voies de
convulsions
contamination sont possibles [5, 35, 36] : Prématurité inexpliquée Purpura
– la voie systémique transplacentaire, secondaire Mauvaise prise de poids
à une bactériémie maternelle ; Anomalies thermiques
– la voie ascendante, la plus fréquente,
secondaire à une colonisation du liquide amniotique RPDE : rupture de la poche des eaux.

(LA) par un germe pathogène provenant de la flore


vaginale, qu’il y ait ou non une rupture prématurée
de la poche des eaux ; Tableau III. – Critères biologiques des infections néonatales.
– l’ingestion, l’inhalation et/ou l’atteinte
Hématologie Biochimie Bactériologie
cutanéomuqueuse au cours du passage dans la
filière génitale, voie la plus rare. GB > 25 000/mm 3
CRP > 10 - 20 mg/L Hémoculture (mère, enfant)
La rupture de la poche des eaux augmente les
GB < 5 000/mm 3
Orosomucoïde LCR
infections fœtales par 10 à 100 après 24 heures ;
au-delà de 48 heures, cette augmentation est stable. FJ/GB > 10-16 % < 0,2 g/L (j0-j1) Urines
Le LA contient plusieurs facteurs s’opposant à la
Plaquettes < 150 000/mm 3
< 0,33 g/L (≥ j2) Prélèvements périphériques (j0) (gastrique,
croissance bactérienne et chez les femmes ayant oreille, placenta)
une infection amniotique, cette activité est moins
fréquemment retrouvée que chez les sujets Procalcitonine > 5 µg/L Antigènes solubles
Fibrinogène > 4 g/L
contrôles. Le risque infectieux fœtal est fonction de la Interleukine 6 > 100 pg/mL Urines, LCR (SGB, Escherichia coli K1)
concentration bactérienne dans le LA : ≤ à 102/mL,
elle permet d’exclure une infection ; ≥ l0 7 GB : globules blancs ; FJ : formes jeunes (myélocytes + métamyélocytes) ; LCR : liquide céphalorachidien ; SGB : streptocoque du groupe B ; CRP : C
reactive protein.
germes/mL, elle est le vraisemblable témoin d’une
infection. Un taux abaissé de glucose, une
maternelle systémique (septicémie, infection Hématologie, biochimie
concentration élevée de lacticodéshydrogénase
urinaire) ou une infection intra-utérine (fièvre, utérus Un taux de fibrinogène > 3,80 g/L dans les deux
dans le LA sont en faveur d’une infection
douloureux, tachycardie fœtale, liquide teinté) sont premiers jours de vie puis à 4 g/L ensuite est en
bactérienne. Les germes qui colonisent le LA
des facteurs de risque. Une détresse respiratoire et faveur d’une infection. L’hémogramme [13] peut
proviennent essentiellement de la flore vaginale ; ils
un ballonnement abdominal inexpliqué font révéler des cellules immatures, myélocytes et
varient au cours de la gestation. Le streptocoque B
éliminer une infection (tableau II). La difficulté du métamyélocytes. Un rapport cellules immatures sur
est retrouvé chez 20 à 30 % en fin de grossesse [35] et
diagnostic précoce a fait proposer des scores polynucléaires neutrophiles supérieur à 0,16 est
Escherichia coli chez 5 à 7 % [36]. Cette colonisation
diagnostiques, associant des paramètres cliniques et anormal dans les 24 premières heures de vie. La
reste le plus souvent asymptomatique. Parmi les
biologiques [62]. numération leucocytaire varie selon l’âge postnatal
nouveau-nés dont la mère est colonisée par un
streptocoque B, 50 % sont eux-mêmes colonisés Diagnostic biologique (tableau III) avec un taux maximal de leucocytes entre h12 et
mais seul 1 % est infecté. Cinq facteurs rendent Les prélèvements bactériologiques sont réalisés h24 [43]. En pratique, des taux de globules blancs
compte du passage de la contamination simple à dès l’admission du nouveau-né : culture du liquide inférieurs à 5 000/mm 3 ou supérieurs à
l’infection [36, 67] : gastrique (dans les 6 premières heures de vie) ± du 25 000/mm 3 sont anormaux. Enfin, une
– le niveau de défense immunitaire du fœtus, liquide auriculaire et prélèvement cutané thrombopénie inférieure à 100 000/mm3 est, en
plus immature chez le prématuré qu’à terme ; uniquement en cas de lésion ; le frottis placentaire l’absence d’un syndrome de consommation,
– le caractère pathogène du germe et sa est utile. évocatrice d’infection, bactérienne ou virale.
virulence ; L’hémoculture aérobie (ou deux hémocultures ¶ Protéines de l’inflammation [56]
– l’importance quantitative de la contamination ; aéro- et anaérobie), dont le délai de positivité varie En pratique, seule la C reactive protein (CRP) est
– l’existence ou non d’anticorps spécifiques de 24 à 72 heures, reste l’examen clé mais sa utilisée mais son augmentation n’est pas spécifique
d’origine maternelle apportant une séroprotection sensibilité est faible, 7,5 % dans notre expérience. La d’une infection bactérienne car elle peut s’observer
passive ; ponction lombaire est faite devant des signes au cours des hypoxies, des infections virales, d’un
– la durée de la contamination. neurologiques ou une suspicion clinique de traumatisme ou d’une destruction cellulaire, d’une
En Île-de-France, deux germes sont prédomi- septicémie ; toutefois, 37 % des méningites n’ont pas instillation intratrachéale de surfactant. Elle est
nants : les streptocoques B et Escherichia coli. Ce de signe d’appel [68]. induite, en 6 à 12 heures, par les interleukines (IL), en
dernier a actuellement une responsabilité croissante, L’examen cytobactériologique des urines (ECBU) particulier l’IL6 qui est relarguée par les
supérieure à celle du streptocoque B dans notre est inutile et la recherche d’antigènes solubles macrophages. Une concentration supérieure à
expérience (43 % versus 38 %) [5]. Les streptocoques (streptocoques du groupe B, Escherichia coli K1) a été 20 mg/L (10 pour certaines équipes) est
non B, dont les entérocoques, sont en cause dans abandonnée. pathologique. En l’absence de sepsis patent, le
8 % des cas ; la fréquence de Listeria est devenue La coloration par le Gram du liquide gastrique ne décalage du premier dosage à h12, sous surveillance
inférieure à 1 %. Les bacilles à Gram négatif sont met un germe en évidence que si la concentration clinique, et un contrôle entre h24 et h48, permettent
plus fréquents, 61 %, chez les prématurés de moins de germes est ≥ 105/mL ; sa culture surestime de réduire le nombre de déterminations, avec une
de 1 500 g. Escherichia coli mais les proportions entre SGB et sensibilité de 73 % et une spécificité de 97,5 %.
Escherichia coli sont les mêmes que celles des Surtout, sa valeur prédictive négative, à deux
Diagnostic clinique hémocultures. déterminations successives est ≥ 90 %, ce qui permet
Tout signe anormal peut révéler une infection La mise en évidence d’un acide désoxyribonu- de ne pas débuter ou d’arrêter un traitement inutile,
mais aucun n’est constant ni spécifique ; toutes les cléique (ADN) bactérien « universel », utilisant une ou d’arrêter un traitement au troisième jour. Parmi
détresses néonatales, quelle qu’en soit la cause, ont partie séquencée commune aux bactéries, grâce à les autres paramètres utilisables, la procalcitonine a
une expression clinique commune [27, 36] . Les une nouvelle technique de biologie moléculaire, est une élévation plus précoce que celle de la CRP et sa
données anamnestiques évoquant une infection en cours d’évaluation [33, 40]. spécificité est plus élevée : une concentration

2
Infections néonatales primitives - 8-0350

> 5 µg/L est très évocatrice d’infection bacté- – les infections dues à un germe acquis pendant ils sont tous résistants aux céphalosporines et
rienne [19]. Une acidose métabolique est un élément la naissance : Chlamydia trachomatis, syphilis et habituellement sensibles aux ampicillines [14]. Ces
d’orientation en l’absence d’hypoxie pernatale. Une mycoplasmes génitaux (Mycoplasma hominis et bactéries sont responsables de septicémies,
hyperglycémie transitoire est surtout observée dans Ureaplasma urealyticum) ; d’infections pulmonaires, de méningites, d’infections
les infections secondaires ; l’hypoglycémie n’est pas, – les infections liées à un germe de l’environ- urinaires. Leur fréquence est en augmentation,
non plus, spécifique. nement habituellement retrouvé chez le nourrisson : puisqu’elles sont responsables de près de 10 % des
Haemophilus, pneumocoque, virus responsables infections néonatales précoces. Les IMF à
Radiographie pulmonaire
d’infection pulmonaire et/ou oto-rhino- streptocoques A sont exceptionnelles, le nouveau-né
Elle est évocatrice d’infection devant des opacités laryngologiques (ORL) facilitées par l’absence étant protégé par les anticorps de sa mère. Ce germe
micro- et macronodulaires. Toutefois, l’infection d’anticorps maternels et de vaccination. est, en revanche, responsable d’épidémies en
pulmonaire peut revêtir tous les aspects et une Les infections urinaires néonatales se maternité (fièvre puerpérale chez la mère) et dans les
radiographie pulmonaire normale, au cours d’une caractérisent par une prédominance masculine, un unités de nouveau-nés en raison de son caractère
détresse respiratoire, n’exclut pas une infection. taux d’uropathie de 20 % et une prédominance hautement contagieux.
Au total d’Escherichia coli supérieure à 85 %.
« Escherichia coli »
Le diagnostic d’IMF est réalisé sur la combinaison ‚ Infections spécifiques
d’arguments cliniques et biologiques, en particulier Responsable croissant des infections néonatales,
Les streptocoques du groupe B et Escherichia coli Escherichia coli est présent dans la filière génitale
bactériologiques, et sur leur évolution dans les
premières heures de vie. La sensibilité insuffisante
sont, dans la plupart des pays développés, les deux chez 13 % des femmes lors de l’accouchement [39].
germes les plus fréquemment responsables d’IMF. Près de 50 % de leurs nouveau-nés sont colonisés à
des paramètres diagnostiques explique une trop
large utilisation des antibiotiques dans les premiers la naissance. L’antigène capsulaire K1 est retrouvé
Streptocoques du groupe B [24, 35] chez 60 à 80 % des Escherichia coli responsables de
jours de vie, en cas de détresse vitale, en particulier
respiratoire. Les sérotypes I, II et III sont les plus fréquents. méningites néonatales et dans 40 % des
L’incidence globale de l’infection à SGB durant le septicémies. La transmission verticale est habituelle
Le taux de mortalité est très variable selon les
premier mois de vie est de 2 à 5/1 000 naissances et le rapport colonisation/infection est similaire à
pays, les localisations infectieuses, le germe et l’âge
vivantes, les deux tiers survenant dans la première celui observé avec le SGB, 40 à 50 pour 1. La
gestationnel [35, 60]. Trois facteurs, en dehors d’un
semaine. Le risque de transmission est directement colonisation est rarement hématogène, en
traitement inefficace ou retardé, sont associés à une
corrélé à l’intensité du portage maternel et est particulier au décours d’une bactériémie
mortalité élevée :
indépendant de l’âge maternel et de la parité. Un à compliquant une pyélonéphrite maternelle. Les
– la virulence particulière de certaines souches,
2 % des nouveau-nés colonisés présentent une signes cliniques ne sont pas spécifiques mais
responsables de formes fulminantes (streptocoques
infection localisée ou généralisée sous l’influence de l’atteinte respiratoire est fréquente dans les formes
B) ;
plusieurs facteurs, bactériologiques (sérotype III), liés précoces. Escherichia coli est responsable de 65 %
– la localisation méningée dont la mortalité est
à l’hôte (prématurité, l’absence ou le taux faible des méningites tardives et de 90 % des infections
de 10 à 30 %, une ventriculite et/ou un abcès
d’anticorps opsonisants spécifiques). On distingue, urinaires observées dans les troisième-quatrième
cérébral associé aggravant ce pronostic ;
en fonction de la date des premières manifestations, semaines de vie. La résistance d’Escherichia coli à
– la prématurité.
des formes précoces et des formes tardives. l’ampicilline est très variable : en Île-de-France, elle
Les séquelles sont surtout importantes lorsque
– L’infection précoce (early onset disease) débute est de 40 %, ce qui implique l’utilisation d’une
existe une localisation méningée et s’observent chez
dans les cinq premiers jours de vie, le plus souvent céphalosporine lors du traitement initial alors qu’elle
20 à 50 % des enfants atteints de méningite à
dans les premières 48 heures après la naissance ; est inférieure à 10 % à Tours. Quelle que soit la
streptocoque B : déficits moteurs et/ou sensoriels
90 % des cas sont symptomatiques le premier jour sensibilité à l’ampicilline, le maintien de la
et/ou intellectuels, troubles du langage, crises
de vie. Le tableau clinique est celui d’une infection céphalosporine paraît préférable en raison d’un
convulsives, hydrocéphalie. En l’absence de
systémique (27 %), d’une pneumopathie (54 %), ou meilleur index thérapeutique [6].
méningite, l’incidence des séquelles des infections
rarement d’une méningite.
néonatales est de 22 %. La prévention prénatale des « Listeria monocytogenes » [10]
– L’infection tardive (late onset disease) survient
IMF repose sur l’antibioprophylaxie par pénicilline G
entre la première et la douzième semaine de vie. La Sa responsabilité dans les IMF est passée de 7 %,
ou ampicilline ; elle n’est préconisée, actuellement,
contamination est probablement postnatale (mains, en 1985, à moins de 1 %, en 2002, en Île-de-France.
que pour le SGB qui est recherché, par prélèvement
lait...). Le sérotype III est souvent en cause. Elle est C’est un bacille à Gram positif faible avec plusieurs
vaginal, au début du neuvième mois. L’antibiotique
rare, mais son incidence reste mal connue, inférieure sérotypes dont, en France, Ia et 4b sont les plus
est administré toutes les 6 heures, dès le début du
à 1/1 000 naissances. Ses localisations sont fréquents. L’infection se fait à partir de produits
travail. Elle est indiquée chez les mères colonisées à
variables : état septique (46 %), méningite (37 %), alimentaires contaminés : lait, crème, fromage,
SGB et présentant un antécédent d’infection
infection urinaire (7 %), ostéoarthrite (6 %), cellulite viande ; toutefois, elle peut se faire par la poussière
néonatale à ce germe et/ou des signes évoquant
ou pneumopathie (4 %). Les formes fulminantes sont ou être interhumaine. Habituellement, l’infection
une chorioamniotite et/ou une menace
rares ; elles associent, en quelques heures, un choc maternelle succède à une contamination pharyngée
d’accouchement prématuré et/ou une rupture
avec hypoxie réfractaire, un coma, des convulsions ou digestive qui entraîne une infection placentaire
prématurée de la poche des eaux [29].
et aboutissent souvent au décès. puis fœtale ; mais une contamination ascendante
‚ Infections tardives primitives Les signes paracliniques ne sont pas spécifiques semble possible. Chez la mère, un tableau
Leur incidence est mal connue mais est inférieure des SGB et leur sensibilité varie entre 50 et 80 %. La pseudogrippal associant fièvre, myalgies, céphalées,
à 5 ‰ naissances. Elles se révèlent entre la mortalité est surtout le fait des formes précoces : survenant en fin de grossesse, est très évocateur.
deuxième et la quatrième semaine de vie ; leur 13 % contre 0 à 5 % dans les formes tardives. Elle est Une fièvre associée à des signes urinaires et/ou des
pathogénie et leur expression clinique sont fonction plus élevée chez les enfants prématurés, surtout de douleurs lombaires est plus trompeuse.Chez le
du germe en cause (tableau II). Elles se répartissent moins de 2 000 g, et lorsqu’il existe une nouveau-né, un exanthème, de fins granulomes
en trois catégories [5] : leuconeutropénie sévère. Le pronostic des formes cutanés, et surtout des granulomes pharyngés sont
– les infections semblant être l’expression tardives est fonction de la localisation. Les très évocateurs mais rares. Une atteinte pulmonaire
décalée, au-delà du cinquième jour de vie, d’une méningites et les atteintes ostéoarticulaires (hanche) est fréquente. L’atteinte méningée entraîne une
infection précoce à SGB et surtout à Escherichia coli, se compliquent souvent de séquelles. réaction cellulaire faite de polynucléaires
responsable de septicémie, de méningite ou de neutrophiles ; elle peut être précoce ou tardive.
sepsis focaux (ostéoarthrite, sous-maxillite, Streptocoques non B L’examen du placenta révèle des abcès macro- et
parotidite). Les modes de contamination du Les streptocoques du groupe D sont classés en microscopiques. Listeria est résistante aux
nouveau-né sont mal précisés mais une entérocoques : (Streptococcus faecalis, Streptococcus céphalosporines. L’association ampicilline et
contamination postnatale maternelle ou par le f a e c i u m et S t r e p t o c o c c u s d u r a n s ) et non gentamicine est la plus efficace.
personnel soignant est vraisemblable ; la entérocoques (Streptococcus bovis et Streptococcus Les IMF dites « à germes rares » sont celles dont
contamination à partir du lait de mère est possible ; avium), les premiers étant le plus souvent en cause ; l’agent responsable est retrouvé dans moins de

3
8-0350 - Infections néonatales primitives

10 % des infections. L’isolement du germe dans la traitement utilise l’association ampi- (amoxi-)cilline à positifs (IgM dirigés contre les IgG transmis) et des
flore vaginale ou dans le sang maternel confirme la posologie de 200 mg/kg/j ou une céphalosporine faux négatifs (12 à 30 % dans certaines études). En
son origine. de 3 e génération + aminoside. Les IMF à pratique, chez un nouveau-né suspect, un VDRL
pneumocoques résistants ou intermédiaires à la sanguin négatif infirme le diagnostic de syphilis
Anaérobies [41] pénicilline ont été décrites. L’existence d’une néonatale, mais ne peut éliminer une forme à son
Les IMF à anaérobie sont rares. Une odeur fétide méningite justifie, comme chez le nourrisson, une début : surveillance clinique et sérologique en
du LA et/ou du nouveau-né est évocatrice. Les association de type vancomycine + céfotaxime + fonction du contexte clinique et sérologique ; un
bactériémies en période néonatale sont surtout aminoside dans l’attente de la sensibilité du germe, VDRL positif permet le diagnostic. L’identification
observées au-delà de la première semaine de vie, en obtenue en 24 heures (E test). d’IgM spécifiques (FTA-abs) confirme le diagnostic.
particulier dans les sepsis compliquant une En leur absence, la réduction des taux de VDRL et
pathologie digestive (occlusion, entérocolite...). Les « Chlamydia trachomatis » [57, 53] l’absence d’IgM permettent de conclure à des
deux espèces les plus fréquemment en cause sont Il est retrouvé dans le vagin de 2,1 à 3,7 % des anticorps passivement transmis par la mère ; leur
Bacteroides fragilis et Peptococcus ou Peptostrepto- femmes enceintes, symptomatiques (urétrite, lésions augmentation affirme au contraire le diagnostic. Le
coccus. La sensibilité des germes anaérobies à la du col, leucorrhées) ou non. Le taux de traitement curatif le plus habituel pour les enfants
pénicilline G est variable : 75 % pour les bactériémies contamination du nouveau-né est de 22 à 25 % symptomatiques est la pénicilline G, en
révélées avant h48 et 35 % seulement au-delà. Une (prélèvement oculaire et/ou pharyngé) ; elle est intraveineuse, 50 000 U/kg × 2/j pendant 10 à 14
combinaison avec le métronidazole est, en règle, habituellement pernatale. La conjonctivite à jours (ou la pénicilline retard, Extencillinet : 50 000
utilisée en première intention. inclusions est constatée entre le cinquième et le 15e U/kg en une injection intramusculaire). Cette attitude
jour de vie. Elle est en règle bilatérale, souvent étendue, pour certains, à tous les nouveau-nés de
Staphylocoques [9, 54] discrète, limitée à une sécrétion oculaire minime mère dont la syphilis n’a pas été traitée, ou l’a été de
Les IMF à staphylocoque doré sont rares. Les mais peut être plus marquée avec une sécrétion façon incomplète, est nécessaire lorsque le VDRL
signes cliniques ne sont pas spécifiques. Les mucopurulente abondante et un œdème des dans le liquide céphalorachidien (LCR) est positif. Une
infections systémiques sont moins fréquentes que paupières. La pneumopathie s’observe entre la augmentation progressive des doses pour éviter la
les pathologies focales, conjonctivite, omphalite, deuxième et la 12e semaine de vie, faisant souvent réaction d’Herxheimer est encore proposée, bien
atteinte cutanée et pneumopathies. Le choc suite à une conjonctivite. Elle est le plus souvent non que celle-ci soit exceptionnelle. Ce traitement est
toxinique est rare. Le traitement initial associe la fébrile, peu dyspnéisante, et avec une toux sèche, renouvelé aux mêmes doses si le taux des anticorps
vancomycine - 20 % des souches communautaires très inhabituelle chez le nouveau-né et peut reste élevé. Une seule injection de pénicilline retard
sont résistantes à la méticilline - qui remplace s’associer à des apnées. Les images alvéolo- est nécessaire chez les nouveau-nés de mère traitée.
l’ampicilline, dans l’association probabiliste initiale, à interstitielles sont les plus typiques, mais tous les Dans tous les cas, la surveillance sérologique (VDRL)
un aminoside. Un relais secondaire par une aspects radiologiques peuvent s’observer. Chez le est réalisée à 3, 6, 9 mois et 1 an dans le sérum, et 6
synergistine est possible dans les sepsis non prématuré, elle est responsable d’une pneumopathie mois s’il y a lieu dans le LCR. La vérification de la
systémiques, en particulier les infections entraînant une oxygénodépendance et associée à sérologie du virus de l’immunodéficience humaine
pulmonaires et cutanées. Les staphylocoques à des images radiologiques non spécifiques, ce qui (VIH) est systématique devant la découverte d’une
coagulase négative (SCN) sont les germes les plus peut faire évoquer une bronchodysplasie. Le syphilis.
fréquemment responsables d’infections diagnostic est confirmé par la mise en évidence
nosocomiales, mais ne sont en cause que dans 1 % rapide (immunofluorescence) de Chlamydia Tuberculose congénitale
des IMF. Ces infections sont la conséquence d’une trachomatis sur les prélèvements oculaires ou La contamination par le bacille tuberculeux
contamination massive du LA qui est alors pharyngolaryngés par un anticorps monoclonal humain (Mycobacterium tuberculosis var. hominis)
responsable de chorioamniotite, voire de mort in spécifique [47]. Le traitement de la pneumopathie durant la vie intra-utérine se fait, soit par voie
utero ; elles s’observent surtout chez le grand comme de la conjonctivite utilise un macrolide type hématogène, soit par voie amniotique par ingestion
prématuré. Des focalisations secondaires sont érythromycine ou josamycine à la dose de 40 à et/ou inhalation de LA contaminé ; elle s’oppose à la
possibles : pleurésie, abcès sous-cutané, omphalite, 50 mg/kg/j pendant une durée de 10 à 14 jours contamination postnatale par voie aérienne
mastite. La fréquence de la résistance des SCN à la pour le nouveau-né et ses parents. (contage le plus souvent maternel). Après un
méticilline - plus de 80 % - implique d’utiliser en intervalle libre de quelques jours à 2 semaines sont
première intention la vancomycine et un aminoside. Syphilis congénitale observés un décalage thermique, une mauvaise
La syphilis non traitée au début de la grossesse prise des biberons et des signes respiratoires
« Haemophilus influenzae » est responsable dans 40 % des cas d’un avortement, (polypnée, toux) résistant aux antibiotiques non
et « parainfluenzae » [34]
dans 40 % de la naissance d’un enfant infecté et spécifiques. L’examen retrouve une hépatomégalie,
Ils sont responsables d’atteintes cutanées dans 20 % d’un nouveau-né normal [55] . La des adénopathies, une atteinte neurologique. Des
bulleuses, de septicémie, et surtout d’infections contamination de l’enfant peut être la conséquence images de miliaire ou de bronchopneumonie
pulmonaires dont l’évolution peut être foudroyante. d’une atteinte transplacentaire hématogène ou par peuvent être observées. La recherche d’une atteinte
Elle se révèle le plus souvent par une détresse le LA, ou par les sécrétions cervicovaginales méningée est systématique. Le diagnostic est
respiratoire précoce. Le traitement, après isolement infectées. En l’absence de traitement, les enfants évoqué sur la notion de tuberculose maternelle, ce
du germe, utilise de préférence le céfotaxime dont présentent une infection « précoce » avant 2 ans, ou qui implique la recherche du bacille de Koch (BK)
l’index thérapeutique est toujours supérieur à celui une infection tardive, au-delà. Les signes évocateurs dans le LA en anténatal et au niveau du placenta.
de l’ampicilline. sont une rhinite érosive, un pemphigus bulleux Une image de miliaire pulmonaire ou une méningite
palmoplantaire, une éruption cutanée persistante lymphocytaire avec hyperalbuminorachie et
Méningocoques (siège), des adénopathies, une hépatomégalie, un hypoglycorachie sont des arguments très évocateurs
Rares, ils peuvent être responsables de mort in ictère, une pneumopathie, un syndrome bien que non spécifiques. Les réactions cutanées à la
utero. Le méningocoque est retrouvé dans les voies néphrotique, une atteinte osseuse (périostite, tuberculine sont en règle négatives chez le
génitales maternelles. ostéochondrite). Les tests diagnostiques mettent en nouveau-né. Le BK est recherché dans le liquide
évidence des anticorps spécifiques ou non. Les tests gastrique, les sécrétions trachéales, le LCR et les
Pneumocoques (« Streptococcus de floculation sur lame (veneral disease research urines. La recherche par biologie moléculaire
pneumoniae ») [28, 32] laboratory : VDRL) sont les plus utilisés ; leur (polymerase chain reaction : PCR) du BK dans le
Rares, ils peuvent également être responsables de positivité peut traduire le passage transplacentaire liquide gastrique, les sécrétions trachéales, est
mort in utero. Le tableau clinique est celui d’une d’anticorps transmis de type IgG d’origine maternelle utilisable [26]. Le traitement d’attente chez l’enfant
infection néonatale grave avec septicémie, détresse et n’implique pas la contamination fœtale. D’autres comporte, au moins, de l’isoniazide à la dose de
respiratoire avec pneumopathie ou méningite de tests mettent en évidence des antigènes spécifiques 10 mg/kg/24 h en deux prises orales quotidiennes
pronostic sévère (50 % de décès dans la période des tréponèmes : Treponema pallidum haemaggluti- jusqu’au terme des investigations entreprises auprès
néonatale). Les infections tardives postnatales sont nation assay (TPHA), fluorescent Treponema antibody de l’entourage et la séparation parentale. Le
des pneumopathies et, parfois, des infections ORL. Le absorption test (FTA-abs) (IgM) ; il existe des faux traitement curatif [32] utilise trois antituberculeux :

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Infections néonatales primitives - 8-0350

isoniazide (10 à 20 mg/kg/24 h), rifampicine (15 à exceptionnellement responsables d’infections indirects, échographiques et biologiques, d’infection
20 mg/kg/24 h), éthambutol (25 mg/kg/24 h) ; mais néonatales pulmonaires, oculaires, cutanées mais et par l’isolement du virus ou de son génome dans le
la connaissance de la sensibilité du BK isolé chez la aussi méningées. Le mode de contamination est LA ou le sang fœtal.
mère peut conduire à un autre choix. L’arrêt de la anté- ou pernatal.
séparation mère-enfant n’est possible qu’avec la Ureaplasma urealyticum est également associé à
¶ Herpès
La fréquence de l’infection herpétique néonatale
certitude que celle-ci n’est plus contagieuse et qu’une des chorioamniotites, des avortements, des
est de 2,7/ 100 000 naissances en France [7]. Les
éventuelle atteinte tuberculeuse des sujets contacts a accouchements prématurés et une augmentation de
deux virus herpes simplex (HSV)1, mais surtout
été traitée. la morbidité et de la mortalité périnatales. À la
HSV2, sont en cause. L’atteinte fœtale est beaucoup
naissance, 15 à 20 % des nouveau-nés sont
Tétanos plus fréquente lors d’une primo-infection, 75 %, que
colonisés. Il pénètre dans le LA en l’absence de
lors d’une récurrence, 2 à 5 % [ 3 7 , 6 5 ] . La
Exceptionnel dans les pays de haut niveau rupture des membranes. Une infection pulmonaire
contamination est habituellement pernatale, 80 à
socioéconomique [21] , le tétanos néonatal est fœtale est possible. La colonisation est
85 %. La contamination anténatale est rare, < 10 %,
fréquent (2 à 4/1 000 en Inde) et grave (mortalité asymptomatique, chez la mère et en règle chez le
et en postnatale elle est surtout observée avec HSV1.
3,1/1 000 naissances au Mexique) dans les pays en nouveau-né. Mais l’association d’une pneumopathie
voie de développement (10 % des décès néonatals). et d’une hyperleucocytose supérieure à Les premiers signes cliniques chez l’enfant
Des cas sporadiques sont observés dans les pays 30 000/mm3 chez un prématuré est évocatrice apparaissent après un délai de 6 à 14 jours.
industriels, conséquence d’une mauvaise vérification d’infection à mycoplasme [48] ; des atteintes Trois grandes formes cliniques sont décrites.
des vaccinations pendant la grossesse. La porte systémiques - septicémies, méningites - ont Les formes disséminées (20 à 60 %) se manifestent
d’entrée est le plus fréquemment ombilicale également été rapportées. Leur rôle favorisant dans par une atteinte septicémique avec ou sans atteinte
(contamination immédiate due à la section du la survenue de la maladie pulmonaire chronique du du système nerveux central. Elles débutent dans la
cordon ombilical par un instrument souillé ou soins prématuré (bronchodysplasie) reste discuté. première semaine de vie et leur évolution est rapide :
rituels du cordon et de l’ombilic). L’incubation Toutefois, la fréquence et la sévérité des troubles de l’alimentation, vomissements, fièvre,
moyenne de la maladie est de 5 à 7 jours. Une bronchodysplasies semblent plus importantes éventuellement convulsions. L’atteinte hépatique est
hyperexcitabilité, des difficultés de succion ou lorsque le nouveau-né est colonisé à la naissance [49]. à l’origine d’un ictère avec ou sans gros foie. Une
d’alimentation, un rejet de la tête en arrière Le traitement de référence reste un macrolide per os, atteinte cardiovasculaire, un syndrome
précèdent de 24 à 48 heures le tétanos généralisé préférentiellement la josamycine plus efficace in hémorragique aboutissent au décès dans 80 à 90 %
avec trismus et contractures permanentes des vitro que l’érythromycine. Les formes sévères des cas.
membres compliquées de spasmes toniques et bénéficient de la ciprofloxacine intraveineuse (hors Les méningoencéphalites (30 à 40 %) associent
risque de troubles respiratoires (apnée, cyanose). Le autorisation de mise sur le marché) pendant les des troubles du comportement et des convulsions
traitement curatif a pour but d’éviter la prolifération premiers jours du traitement. dont l’origine herpétique est évoquée devant une
du bacille et l’action de sa toxine : antibiothérapie méningite lymphocytaire avec une augmentation
par la pénicilline G à la dose de 50 000 à 100 000 Infections fongiques modérée de l’albuminorachie et des anomalies de
U/kg/j en injection intraveineuse lente pendant 10 à Elles sont essentiellement dues à Candida albicans l’électroencéphalogramme, anomalies bitemporales,
15 jours, anatoxines (Ig humaines) : 500 à 1 500 U mais d’autres variétés peuvent être en cause, précoces et évocatrices. L’atteinte des lobes
par voie intramusculaire, et de réduire les Candida psilosis et Candida parapsilosis en temporaux sur l’imagerie cérébrale est un peu
contractures et les spasmes : la ventilation avec, particulier [12]. La contamination du LA entraîne une décalée.
dans les formes graves, le recours à la curarisation colonisation asymptomatique du nouveau-né, un Les formes localisées (30 à 40 %) atteignent la
dont la durée peut être de l’ordre de 3 à 4 semaines. exanthème diffus isolé ou une infection peau, l’œil et/ou la bouche : kératoconjonctivite,
Les séquelles neurologiques sont fréquentes. La septicémique avec atteinte(s) focale(s) secondai- lésions ulcérées de la muqueuse buccale ou de la
prévention repose sur la vaccination antitétanique res [44]. Une atteinte superficielle est évocatrice : langue, associées ou non à une atteinte
correcte de la femme enceinte au moyen d’une plaques gris blanchâtre sur les muqueuses et/ou œsophagienne ou laryngée qui peut être révélatrice,
injection de rappel en cas de grossesse. L’injection éruption cutanée à type de vésicules ou de pustules lésions cutanées d’aspect très variable, allant de la
prophylactique, intramusculaire ou sous-cutanée, de sur une base érythémateuse. L’atteinte rétinienne est vésicule isolée sur une base maculeuse à de larges
750 U de gammaglobulines spécifiques est faite à rechercher systématiquement dans les formes bulles ou un érythème diffus. Des formes cliniques
dans les situations à haut risque néonatal (plaie, septicémiques. Le diagnostic peut être retardé par le inhabituelles sont trompeuses : fièvre isolée,
contact avec la terre). lent développement des cultures (sang, LCR, urines). pneumopathie primitive, atteinte oculaire isolée,
La découverte de lésions candidosiques grâce à infection systémique d’allure bactérienne,
« Helicobacter jejuni » l’échographie des voies urinaires et/ou de lésions au détérioration clinique chez un prématuré en
et « Campylobacter fetus » fond d’œil oriente plus précocement le diagnostic. élevage ; l’augmentation des transaminases, non
Ils peuvent être responsables de diarrhée Pour le traitement, sont utilisables l’amphotéricine B spécifique, implique d’en éliminer l’origine
sanglante. Ces germes se rencontrent chez la femme et le 5-fluorocytosine ou le fluconazole dont herpétique. Le diagnostic est d’autant plus difficile
enceinte, en particulier dans le dernier trimestre de la l’efficacité est comparable, ce dernier étant moins que, dans 70 % des cas, aucun signe maternel n’est
grossesse, et sont responsables de fièvre prolongée, néphrotoxique. Les doses sont de 0,5 mg/kg/j pour reconnu à l’accouchement.
de pneumopathie et/ou d’infection digestive [51, 69]. l’amphotéricine B, 100 à 150 mg/kg/j pour le Si l’infection maternelle est reconnue ou
Campylobacter fetus est responsable d’infections 5-fluorocytosine et de 6 à 8 mg/kg/j pour le suspectée, en particulier en cas de primo-infection,
périnatales sévères, en particulier d’avortements, fluconazole [23]. Ce dernier n’est pas constamment une chimiothérapie antivirale (aciclovir) est débutée
d’accouchements prématurés et de méningites. Le efficace, en particulier sur Candida glabrata et jusqu’au résultat des cultures virales. Le diagnostic
diagnostic repose sur sa mise en évidence dans les Candida krusei. repose sur la mise en évidence du virus par la PCR
selles, le sang et/ou le LCR grâce à un milieu de Les infections néonatales à Aspergillus sont spécifique, dans le sang + le LCR, qui est positive
culture spécifique. L’association ampicilline + exceptionnelles. dans 90 % des cas. Un taux élevé d’interféron a dans
gentamicine est habituellement utilisée dans les le LCR est un indicateur non spécifique de réplication
septicémies ; le chloramphénicol a une bonne Infections virales virale. L’immunofluorescence sur lame d’un
pénétration cérébrale en cas de méningite, sous Elles sont responsables, au premier trimestre, prélèvement obtenu après effondrement et
surveillance des taux sériques. Le céfotaxime est une d’embryopathies, aboutissant souvent au décès in aspiration d’une vésicule permet un diagnostic en
alternative. utero. Aux deuxième-troisième trimestres, les 12 heures ; elle est peu utilisée. Le traitement
fœtopathies sont d’expression clinique variable préventif repose sur la réduction du risque de
Mycoplasmes génitaux [18, 63, 64] allant de l’infection asymptomatique, dont les contage et donc, lorsque l’herpès maternel est
Mycoplasma hominis est responsable d’infection conséquences peuvent ne se révéler qu’après diagnostiqué, la décision d’une césarienne avant
intra-amniotique. Une colonisation vaginale est plusieurs années, à un tableau syndromique toute rupture des membranes ou dans un délai
retrouvée chez 11 % des femmes enceintes et 1 % menaçant. Elles ont récemment bénéficié d’un maximal de 6-12 heures ; elle ne paraît justifiée que
des nouveau-nés en France [ 4 0 ] . Ils sont diagnostic anténatal par mise en évidence de signes lors des primo-infections. Un traitement par aciclovir

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8-0350 - Infections néonatales primitives

d’une primo-infection en fin de grossesse est antigène HBs négatif et anticorps anti-HBs met le contamination au cours du troisième trimestre, en
possible. La prévention des infections postnatales nouveau-né à l’abri du risque. La contamination est dehors de la période immédiatement prénatale, n’a
repose sur l’information des familles [7]. Le traitement essentiellement pernatale. Les conséquences d’une habituellement pas d’expression clinique dans le
curatif utilise l’aciclovir intraveineux à la posologie de transmission du virus de l’hépatite B au nouveau-né premier mois de vie ; toutefois, elle peut se
60 mg/kg/j, plus efficace que 30 mg/kg/j. La durée sont variables : infection inapparente se traduisant compliquer de zona dans les 2 premières années de
du traitement est d’au moins 14 jours et son par une antigénémie transitoire suivie d’un titre vie.
efficacité est contrôlée par la PCR dans le LCR. Il est élevé d’anticorps ; hépatite commune, rarement
¶ Autres virus
arrêté si celle-ci est négative et poursuivi si elle est grave, exceptionnellement hépatite chronique avec
De nombreux autres virus peuvent être
positive, mais aucune étude-schéma n’a validé de cirrhose. Si la mère est porteuse d’antigènes HBs,
responsables d’atteinte fœtale/néonatale. Ainsi, le
durée optimale. À moyen terme, les séquelles ont l’injection d’Ig spécifiques est faite chez le
parvovirus B19 [16], responsable d’anémie fœtale
été réduites de 50 % à 17 %. nouveau-né dans les 48 premières heures ; la dose
aiguë, d’anasarque, de péritonite méconiale ; la
conseillée est de 0,2 à 0,5 mL/kg (200 UI/mL) [55, 56].
¶ Cytomégalovirus (CMV) [2, 44] Elle est complétée par la première dose, 1 mL, de
rougeole qui pourrait être responsable de
L’infection à CMV est la plus fréquente des malformations et, en fin de grossesse, d’ exanthème
vaccin spécifique (GenHevac Bt, Engerixt), répétée à
infections virales du nouveau-né avec une incidence néonatal survenant dans les 10 premiers jours de
1, 2 et 12 mois [50, 59]. vie [28] ; les oreillons, avec une parotidite ou une
de 0,5 à 2,7 %. Le risque de contamination fœtale
est plus élevé, 31 à 45 %, lors d’une primo-infection ¶ Virus de l’immunodéficience humaine [42] méningite exceptionnelle chez le nouveau-né. Leur
au cours de la grossesse que lors d’une récurrence, Le syndrome immunodéficitaire acquis (sida) chez responsabilité dans la fibroélastose endocardique [28]
0,5 à 3 %. La contamination s’effectue, in utero, par le nouveau-né est la conséquence d’une a été évoquée. De nombreux autres virus peuvent
voie transplacentaire comme en témoigne contamination transplacentaire chez une mère entraîner des atteintes dont l’expression est anté-
l’identification du virus dans le LA et le sang fœtal, porteuse de virus, en fin de grossesse [15, 42]. Malgré et/ou postnatale : coxsackie (myocardite, péricardite,
ainsi que dans les urines dès le premier jour de vie. l’intérêt d’un traitement spécifique périnatal, la méningite, adénovirus [hépatite], virus
Près de 90 % des nouveau-nés sont asymptoma- sérologie VIH n’est malheureusement pas d’Epstein-Barr...).
tiques. La maladie congénitale généralisée est rare et obligatoire au cours de la grossesse. Spontanément, ¶ Infections virales postnatales
s’observe surtout avant 27 semaines. Il s’agit le plus le risque de contamination est de 20 %. Ce risque est Les virus sont les agents les plus fréquemment
souvent de nouveau-nés hypotrophes et/ou réduit à 7 % si une monothérapie par l’azidothy- responsables d’infection postnatale tardive primitive.
prématurés. Dès la naissance existe un tableau midine (AZT) pré-, perpartum et pendant les 6 Les infections pulmonaires, virus respiratoire
d’infection sévère avec ictère, purpura, premières semaines de vie est réalisée ; il est < 1 % si syncytial, et digestive, rotavirus, sont les plus
hépatosplénomégalie, détresse respiratoire (images y est associée une césarienne avant le début de fréquentes ; leur symptomatologie et leur évolution
interstitielles) et/ou neurologique (convulsions, travail [15]. Le pronostic des nouveau-nés contaminés sont peu différentes de celles observées chez le petit
hypotonie, microcéphalie). Des calcifications reste sévère. Des essais de bi(tri)thérapie per- et nourrisson. Les infections à entérovirus, en particulier
périventriculaires, une protéinorachie élevée, une postnatale sont en cours, mais ces traitements méningées, dont le diagnostic a récemment
choriorétinite peuvent être associées. En l’absence nécessitent une surveillance neurologique spécifique bénéficié d’une PCR spécifique [1], représentent 0,5 à
de traitement, l’évolution d’une forme généralisée en raison du risque de toxicité mitochondriale. Le 1 % des admissions. La symptomatologie associe
est souvent rapidement mortelle. Ces formes graves, suivi sérologique associe sérologie enzyme-linked une fièvre, en règle peu importante, et des signes
en cas de survie, se compliquent de séquelles immunosorbent assay (Elisa) et western blot et est neurologiques modérés (irritabilité, léthargie, refus
neurologiques et/ou sensorielles : microcéphalie, répété à la naissance et à 6/8 semaines de vie. du biberon...), une éruption, un ictère, des troubles
hydrocéphalie, retard mental, anomalies oculaires, hémodynamiques périphériques. Les modifications
surdité [46]. Les formes paucisymptomatiques sont ¶ Rubéole [52]
du LCR sont caractérisées par une hypercytose à
plus fréquentes : hépatite, purpura thrombopénique, Elle est prévenue par la vaccination qui n’est
majorité lymphocytaire et un taux d’albumine et de
manifestations neurosensorielles de révélation pleinement efficace qu’avec un rappel à 11 ans.
glucose normal. Le syndrome inflammatoire est
souvent tardive. Une hernie inguinale bilatérale est L’embryofœtopathie rubéolique associe une
habituellement peu important, mais une élévation
fréquente (26 %). Les infections asymptomatiques à hypothrophie, une microcéphalie, une cataracte, une
nette de la CRP est possible.
la naissance s’accompagnent également d’un risque cardiopathie et une surdité. En 1997, 78
de séquelles neurologiques et/ou sensorielles. La primo-infections et six infections cutanées ont été


surdité peut ne se révéler qu’avec retard et est à rapportées, en France, chez des femmes enceintes.
rechercher jusqu’à l’âge de 3 ans, y compris chez le Parmi ces 84 femmes, sept ont donné naissance à Traitement
nouveau-né asymptomatique [30]. Le diagnostic huit enfants atteints de rubéole congénitale, soit une
postnatal repose sur l’isolement dans les urines ± le incidence de 1,1/100 000 naissances. Parmi ces
femmes, 49 % étaient multipares. La responsabilité L’antibiothérapie de première intention est
nasopharynx du virus ; l’atteinte virale est confirmée
décidée en fonction du contexte clinique et
par la recherche de l’antigénémie ± la PCR. Une du pédiatre est potentiellement engagée si une
vaccination, qui peut être réalisée en post-partum, biologique. Son choix tient compte de l’épidémio-
chimiothérapie spécifique par le ganciclovir
n’est pas proposée aux mères séronégatives au logie bactérienne, des variations locales des
(Cymévant) a été récemment proposée [45, 66]. Ses
décours d’un premier accouchement. résistances microbiennes et des premiers résultats
indications, chez le nouveau-né, ne sont pas encore
bactériologiques connus (prélèvements vaginal et
codifiées mais sont essentiellement la choriorétinite,
¶ Varicelle-zona périphériques du nouveau-né). Les posologies sont
l’hépatite et la pneumopathie. Un schéma utilisant la
Ce virus est exceptionnellement responsable de adaptées aux particularités pharmacocinétiques qui
posologie de 7,5 mg/kg, 2 fois par jour pendant 6
fœtopathie avec une atteinte cutanée et une sont essentiellement fonction de l’âge gestationnel
semaines, sous surveillance des taux de leucocytes
hypoplasie des membres, fréquente [25]. La virémie et de la localisation (tableau IV).
et de plaquettes, est en cours d’évaluation. Une
maternelle dans les jours qui précèdent ou suivent
récidive de la virurie est fréquente La reprise du ‚ Infections maternofœtales
l’accouchement entraîne une varicelle néonatale
traitement est nécessaire en cas de rechute
grave dans un délai de 10 à 21 jours. Elle associe des En Île-de-France, la responsabilité équivalente des
symptomatique (cf choriorétinite).
lésions cutanées et une atteinte pulmonaire SGB et d’Escherichia coli, le rôle accru des
¶ Hépatite B d’évolution sévère en l’absence de traitement streptocoques non B, en particulier des
Le risque pour un nouveau-né de développer une (aciclovir). La période la plus à risque pour entérocoques, et la quasi-disparition de Listeria
hépatite B dépend du degré d’atteinte maternelle. Il l’accouchement est comprise entre moins 3 jours et s’associent à des modifications des sensibilités aux
est presque constant si la mère a des antigènes HBs plus 2 jours par rapport au début de l’éruption, en antibiotiques : la résistance à l’ampicilline
et HBe positifs lors du troisième trimestre de la phase virémique et en l’absence d’anticorps. Les d’Escherichia coli est de 40 % ; les entérocoques et
grossesse ou si elle est porteuse chronique gammaglobulines spécifiques (ZIG [Zoster Listeria sont résistants aux céphalosporines de
d’antigène HBs en l’absence de prévention. Il est plus Immunoglobulin]) ne sont disponibles qu’en troisième génération. En l’absence d’identification du
limité si elle est porteuse chronique d’antigène HBs autorisation temporaire d’utilisation (ATU), ce qui germe causal, cas le plus habituel, une triple
et ne possède pas l’antigène HBe. Un profil maternel entraîne un délai de 24 à 48 heures. La association ampi(amoxi)cilline + céfotaxime +

6
Infections néonatales primitives - 8-0350

et ne sont donc pas différents des IMF. Certains


Tableau IV. – Posologies des antibiotiques habituellement utilisées dans les infections néonatales. germes sont suspectés grâce au contexte clinique,
aux signes biologiques ou radiologiques :
Antibiotiques Dose unitaire (mg/kg) Âge postnatal Intervalle
Haemophilus influenzae : céfotaxime ou ceftriaxone
Amikacine 5-7,5* ≤ 28 s ≤ 24 h ± aminoside ; pneumocoque : amoxicilline ou
j0-j7 28-34 s : 16 à 18 h céfotaxime ou ceftriaxone ; Chlamydia trachomatis
Nétilmicine 2-2,5* 35-42 , 12 h et mycoplasmes : dans les formes sévères,
Gentamicine 2-2,5* > j7 8 à 12 h ciprofloxacine intraveineuse (hors AMM) ; dans les
autres formes, macrolide per os, type josamycine. Au
j0-j7 12 h
Amoxicilline/ampicilline 25-50 plan symptomatique, les transfusions de
> j7 8h
gammaglobulines polyvalentes, ou de plasma frais
j0-j7 12 h congelé, ont été abandonnées. L’exsanguinotrans-
Céfotaxime 25-50
> j7 8h fusion a une place très réduite dans le traitement de
Ceftriaxone 80-100 j0-j28 24 h l’infection néonatale. Son indication est,
actuellement, limitée aux syndromes hémorra-
j0-j7 12 h giques. La transfusion de concentrés leucocytaires a
Ceftazidime 25-50
> j7 8h été proposée dans les infections s’accompagnant de
j0-j7 12 h leucopénie profonde, avec une réduction de la
Imipénème 20-25
> j7 8h mortalité ; elle expose également à des effets
secondaires immunologiques, en particulier de rejet
j0-j7 12 h
Vancomycine 15 du greffon contre l’hôte, ainsi qu’au risque de
> j7 8h
contamination virale. Les autres mesures
* Pour les aminosides, l’administration en une dose quotidienne est de 10 à 15 mg/kg pour l’amikacine et de 4,5 mg/kg pour la gentamicine et la nétilmicine. symptomatiques, ventilation artificielle en cas
d’hypoxie, macromolécules et drogues inotropes en
cas de collapsus, sont essentielles.
aminoside a été recommandée il y a 15 ans [4, 8]. Ces disponible et a été remplacée par la gentamicine.
propositions ont fait l’objet d’une recommandation L’aminoside est administré en perfusion lente de 30
minutes. L’injection d’une dose unique quotidienne


récente, sous l’égide de l’Agence nationale d’analyse
et d’évaluation des soins (ANAES) [3] : est utilisable au-delà de 32 semaines [ 5 8 ] .
Actuellement, l’aminoside est arrêté au
Conclusion
« Chez le nouveau-né symptomatique dont la
mère a reçu ou non une antibiothérapie, avec ou troisième-quatrième jour sans que cette réduction
sans hospitalisation prolongée, la trithérapie reste d’utilisation, même si elle paraît logique (mais la
Les IMF sont le plus souvent secondaires à une
recommandée. Chez le nouveau-né sans les signes durée optimale de leur utilisation n’avait pas été
contamination anténatale par le LA, colonisé à partir
précédents, avec un germe suspecté à partir des documentée non plus), n’ait fait l’objet d’une
d’un germe provenant de la flore vaginale. Parmi les
prélèvements périphériques, une bithérapie est évaluation. Dans plus de 50 % des cas, la rapidité de
infections bactériennes, les deux principaux germes
recommandée : pénicilline ou ampicilline + la guérison clinique et l’absence de confirmation
en cause sont, en France, les SGB et Escherichia coli.
biologique permettent d’interrompre le traitement.
aminoside pour le SGB, céfotaxime + aminoside Toutefois, la connaissance de l’épidémiologie et de
L’absence de facteurs de risque, chez le nouveau-né
pour les bacilles à Gram négatif. En l’absence l’évolution des résistances dans chaque région est
à terme, permet, si l’évolution est rapidement
d’orientation, une bithérapie par pénicilline ou essentielle pour établir des règles d’antibiothérapie
favorable, d’interrompre l’antibiothérapie au bout de
ampicilline est recommandée en l’absence de probabiliste qui ont été récemment simplifiées avec
24 heures. Au troisième jour, si la poursuite du
facteurs de risque maternels et une trithérapie si ces un maintien de la triantibiothérapie seulement dans
traitement est décidée, une réduction de la
facteurs sont présents ». les formes sévères et chez le prématuré. Les
trithérapie, lorsqu’elle a été initialement instituée, est
Ces recommandations peuvent être simplifiées et impérative. L’efficacité bactériologique est contrôlée infections tardives primitives sont très hétérogènes,
surtout adaptées au terme ; en effet, le rôle des 24 à 48 heures après le début et 48 heures après conséquence d’une colonisation per- ou postnatale,
bacilles à Gram négatif est prédominant chez les l’arrêt du traitement. Actuellement, la durée du et parfois très spécifiques (cf herpès, Chlamydia). Leur
prématurés [11] . Chez le nouveau-né à terme traitement est plutôt fixée par des schémas diagnostic est difficile en l’absence d’anamnèse
paucisymptomatique, une bithérapie par céfotaxime préétablis et varie selon la localisation : les infections maternelle.
+ aminoside peut être proposée. Chez le systémiques, confirmées par une hémoculture
nouveau-né à terme présentant des signes positive, sont habituellement traitées pendant 10 La mauvaise spécificité et la sensibilité
d’infection sévère et chez le prématuré, une jours, les infections probables, comme les infections insuffisante des paramètres cliniques et
trithérapie reste recommandable. Les risques d’échec pulmonaires, 7 jours, et les infections urinaires 10 biologiques de l’infection néonatale expliquent
in vitro sont, pour les infections septicémiques, de jours [31]. Les méningites à SGB dont l’évolution est l’usage excessif de l’antibiothérapie à cette période.
35 % avec l’ampicilline, 15 % avec le céfotaxime et d’emblée favorable peuvent n’être traitées que 15 Une surveillance clinique, une interprétation des
de 8 % avec la combinaison des deux. Un aminoside jours, alors que, pour tous les autres germes, le paramètres bactériologiques et biochimiques, en
est habituellement associé en France pendant les traitement est de 3 semaines. Les infections s’aidant de leur bonne valeur prédictive négative,
premiers jours du traitement ; son choix est surtout ostéoarticulaires sont traitées au moins 6 semaines. devraient permettre d’en cibler les indications, en
basé sur la recherche d’une moindre toxicité, particulier chez les nouveau-nés pauci- ou
auditive et surtout rénale, plus que sur des ‚ Infections néonatales tardives primitives asymptomatiques. Un arrêt précoce, en 48-72
arguments bactériologiques. La nétilmicine a une Les principes du choix du traitement sont basés heures, est une décision essentielle qui est à
toxicité tubulaire moins importante mais n’est plus sur la connaissance de l’épidémiologie bactérienne prendre, quel que soit le terme.

7
8-0350 - Infections néonatales primitives

Yannick Aujard : Médecin des Hôpitaux, professeur des Universités.


Service de pédiatrie, unité de néonatologie, hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75935 Paris cedex 19, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Y Aujard. Infections néonatales primitives.
Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0350, 2003, 9 p

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9
8-0415
8-0415

Malformations des pieds


Encyclopédie Pratique de Médecine

à la naissance
R Seringe

A nomalie fréquente, le plus souvent de simples déformations qui sont réversibles, parfois authentiques
malformations congénitales à faire prendre en charge dans les milieux spécialisés
© Elsevier, Paris.


Quant au pied bot varus équin congénital certain nombre de déformations et d’anomalies des
Introduction idiopathique, c’est une anomalie à part, relativement pieds sont en rapport avec une paralysie ou une
fréquente qui semble se situer au début du 3e mois affection musculaire et l’examen neuro-
de la vie fœtale par un mécanisme de défaut du orthopédique a donc une place essentielle dans la
relèvement du pied ce qui expliquerait une démarche diagnostique et dans la prise en charge. Il
Sous ce terme, on regroupe un grand nombre
croissance en varus équin pendant toute la période faut penser, en particulier, à examiner la région
d’anomalies congénitales des pieds dont la gravité et
fœtale et ainsi l’irréductibilité à la naissance et les sacro-lombaire, à la recherche de signes cutanés de
le pronostic sont bien différents (tableau I).
difficultés du traitement. dysraphisme spinal (fossette, sinus, déhiscence des
Certaines anomalies congénitales sont de simples épineuses, angiome plan médian, anomalie de la
La pathogénie du pied convexe congénital n’est
déformations qui se sont constituées à la fin de la vie pilosité, lipome).
pas parfaitement élucidée et comme il s’agit d’une
fœtale par altération de la forme et de la structure luxation médio-tarsienne habituellement irréductible Il faut également bien examiner la région
d’un organe indemne de toute malformation. Ces on pense que son origine est assez ancienne dans la cranio-faciale ainsi que les membres supérieurs et
déformations sont donc très souvent réductibles et vie fœtale ce qui explique là encore les difficultés du faire un examen pédiatrique complet car certains
facilement réversibles soit de façon spontanée, soit traitement. syndromes polymalformatifs ou autres peuvent être
avec un traitement simple basé sur des principes de évoqués.


postures et d’immobilisation en position de
correction. C’est dans cette catégorie de Examen clinique
déformations congénitales bénignes que l’on classe
le pied talus, le métatarsus varus, le pes varus, le pied
creux congénital.
D’autres anomalies sont d’authentiques
‚ Examen initial du pied
et des membres inférieurs

Examens complémentaires

En période initiale, les examens complémentaires


malformations congénitales survenues dans la Le pied fait l’objet d’une analyse sémiologique
peuvent être réduits au minimum et c’est souvent le
période embryonnaire par trouble de l’organo- précise pour étudier les déformations dans les trois
spécialiste qui demandera des radiographies
génèse : telles sont les malformations de type plans de l’espace, l’aspect cutané avec la recherche
standard des pieds ou éventuellement une étude
agénésie ou hypoplasie congénitale ou à l’opposé d’éventuel sillon, le volume du pied, la recherche
échographique ou d’autres investigations au niveau
les duplications, les polydactylies ou encore les d’une hypoplasie ou au contraire d’une
du rachis en particulier.
hypertrophies congénitales du pied ou d’un segment hypertrophie, le volume du mollet pour recherche
du pied. Les malformations observées dans le cadre une amyotrophie, et enfin la motricité du pied et de


de la maladie amniotique sont un peu particulières la jambe qui est extrêmement importante.
car la pathogénie fait penser à un accident du fœtus
Pied talus
au cours du deuxième trimestre de la grossesse ce ‚ Examen général
qui expliquerait à la fois les sillons, les amputations L’examen global est d’une part orthopédique et ‚ Pied talus direct (fig 1)
congénitales, les syndactylies... neurologique et d’autre part pédiatrique. En effet, un
Ce qui caractérise le pied talus direct est un excès
de dorsi flexion de la cheville tel que le dos du pied
Tableau I. – Classification des anomalies congénitales des pieds en fonction de leur point de départ est ou peu être amené facilement sur la face
in utero. antérieure de la jambe. Le triceps est habituellement
distendu et même inactif pendant les premiers jours
Période embryonnaire Période fœtale de vie. À l’opposé, les releveurs sont bien actifs et
(5e semaine)
parfois rétractés. Leurs tendons sont alors visibles
Précoce (3e mois) 2e trimestre Tardive (9e mois) sous la peau. La forme même du pied est conservée,
Malformations « vraies » Pied bot varus Maladie amniotique Anomalies positionnelles la plante est normalement concave et aucune saillie
n’est perceptible.
© Elsevier, Paris

− Agénésie équin Pied convexe congénital − Pied talus


− Hypoplasie Pied en Z − Métatarsus varus Des radiographies de profil en flexion dorsale et
− Hypertrophie − Pes varus en flexion plantaire montreraient que l’architecture
− Duplication − Pied creux congénital
− Polydactylies du pied est conservée et que le pied talus est
seulement une anomalie de l’articulation

1
8-0415 - Malformations des pieds à la naissance


Metatarsus varus Tableau II. – Différences entre métatarsus va-
rus et pied en Z.

Metatarsus Pied en z
‚ Étude clinique varus
Tantôt appelé métatarsus adductus (fig 3) si la Arrière-pied normal valgus
déformation se fait exclusivement en adduction Dos du pied normal « bosse » dor-
entre l’avant-pied et l’arrière-pied ou métatarsus sale externe
varus si la déformation comporte une composante
Réductibilité variable irréductible
de supination de l’avant-pied, c’est une anomalie
congénitale extrêmement fréquente et dans
l’immense majorité des cas tout à fait bénigne. ‚ Traitement
Dans les formes minimes, la déformation risque
Formes mineures du nouveau-né
d’être méconnue à la naissance si l’on ne regarde
pas le pied par la face plantaire : on constate alors Elles ne nécessitent aucun traitement.
que le bord externe du pied n’est pas rectiligne
1 Pied talus direct. Formes modérées
mais arrondi à convexité externe. Dans d’autre cas,
la déformation est très nette avec même une Elles nécessitent des manipulations ou un
tibio-tarsienne par adaptation-déformation du col de
adduction préférentielle du gros orteil par rapport maintien par bandage élastique par les parents et les
l’astragale et du rebord antérieur du pilon tibial.
aux autres orteils. Le reste de l’examen montre que formes plus importantes requièrent la kinésithérapie
Il s’agit toujours d’une anomalie bénigne qui
l’arrière-pied est normal, qu’il n’y a pas d’équin et avec immobilisation du pied sur une petite plaquette
lorsqu’elle est sans rapport avec une affection
souvent la déformation de l’avant-pied en voire dans certains cas des plâtres correcteurs.
neuro-musculaire guérit toujours avec ou sans un
traitement postural simple par pelote antitalus (petit adduction ou en varus est tout à fait souple et
hyperréductible. Cas exceptionnels
bandage avec des compresses sur la face dorsale de
la cheville pour maintenir le pied en flexion le métatarsus varus est rebelle à tous ces
plantaire). traitements, il persiste voire même s’aggrave et à
l’âge de la marche on est bien obligé de reconnaître
‚ Pied talus valgus l’importance de la déformation qui s’accompagne
C’est une entité peu différente du pied talus direct souvent d’une bosse dorsale externe : il s’agit
étudié précédemment : la présence d’un valgus probablement d’un pied en Z, entité malformative
excessif du pied, c’est-à-dire d’une orientation en relativement rare qui peut rendre nécessaire un
dehors de la plante, doit faire éliminer cliniquement traitement chirurgical vers l’âge de 4 ans (tableau II).
et radiologiquement une forme mineure ou
modérée de pied convexe congénital. Dans cette Autres cas
éventualité, seul l’avant-pied serait réellement en Le métatarsus varus reste modéré mais persiste
talus valgus (d’où l’aspect trompeur) mais durant la deuxième ou la troisième année de la vie
l’arrière-pied ne serait plus solidaire de l’avant-pied et avec une adduction dynamique du gros orteil. En
se trouverait en position neutre voire en léger équin dehors d’un aspect inesthétique lorsque l’enfant
par rapport à la jambe. Cela explique la cassure dans marche pieds nus, le chaussage rend la déviation
l’articulation médio-tarsienne avec inversion de la inapparente et l’évolution spontanée se fait, en
voûte plantaire et comblement de celle-ci par une ou général, vers la guérison avant l’âge de 6 ou 7 ans.
deux saillies osseuses qui caractérisent le pied 3 Métatarsus adductus.
convexe (fig 2).


Pied pes varus

Au premier coup d’œil, un pes varus ressemble à


un pied bot varus équin congénital tant la
déformation est importante : le pied est
complètement basculé en dedans et la plante
regarde en arrière. Mais cette déformation est
complètement réductible en particulier, il n’y a pas
d’équin résiduel. Le traitement est voisin de celui du
pied bot varus équin mais il ne dure que quelques
semaines car la guérison complète et sans séquelle
est rapidement obtenue.

A
2 Schémas montrant les diffférences entre un pied talus (A) et un pied convexe congénital (B).
A La forme est conservée, le défaut réside dans une hyper-flexion dorsale de la cheville avec saillie
postérieure de la poulie astragalienne.
B

Pied creux congénital

Il s’agit d’une cambrure excessive du pied portant


B La plante du pied est convexe avec saillie plantaire de la tête astragalienne. Le talon demeure saillant en sur l’arche externe et sur l’arche interne. En dehors
arrière alors qu’il s’est déplacé vers le bas dans le pied talus (A).
de tout contexte neurologique, cette anomalie est

2
Malformations des pieds à la naissance - 8-0415

année selon les habitudes du chirurgien (vers


5-6 mois ou au contraire vers 10-12 mois) soit plus
tard en cours de croissance à l’occasion d’une
récidive des déformations ou d’une accentuation des
défauts jugés mineurs préalablement. La chirurgie
consiste à allonger les tendons rétractés (tendon
d’Achille, jambier postérieur, jambier antérieur), à
ouvrir les capsules articulaires rétractées, à
sectionner les nœuds fibreux qui verrouillent les
déformations ; cette libération chirurgicale doit
respecter les structures vasculo-nerveuses ainsi que
certains ligaments qui stabilisent les articulations du
pied. La correction est habituellement maintenue par
une broche et une immobilisation plâtrée
relativement longue de trois mois.
Le pied bot varus équin requiert un traitement
4 Pied bot varus équin congénital unilatéral gauche. précoce dès la première semaine de vie, si possible.
La méthode fonctionnelle est une thérapeutique
astreignante, longue, nécessitant beaucoup de
patience et de persévérance de la part des parents et
du kinésithérapeute mais elle permet de donner
dans la moitié des cas un résultat tout à fait
satisfaisant et dans l’autre moitié des cas de préparer
le pied à une chirurgie moins extensive que s’il n’y
bénigne et accessible au traitement postural par des ‚ Traitement orthopédique
avait pas eu le traitement fonctionnel.
plâtres correcteurs ou par aplatissement du pied sur
La méthode de traitement la plus couramment
une petite plaquette avec des sparadraps


utilisée en France est la méthode fonctionnelle
inextensibles.
fondée sur la kinésithérapie active et passive, sur un Pied convexe congénital
maintien du pied sur une attelle en position de


correction maximale. Elle se déroule en plusieurs
Pied bot varus équin congénital phases successives : ‚ Définition
idiopathique (fig 4) ■ la période dite de réduction pendant les 8 C’est une déformation tout à fait rare et
premières semaines où les séances de kinésithérapie caractérisée par une luxation médiotarsienne
‚ Définition sont quotidiennes ; touchant préférentiellement l’articulation
C’est une anomalie relativement fréquente (un ■ la période de préverticalisation, période astragaloscaphoïdienne. Il y a inversion de la voûte
cas pour mille naissances), il est bilatéral dans la d’entretien des mouvements actifs et passifs afin de plantaire qui devient convexe avec perception d’une
moitié des cas et touche plus fréquemment les rendre ces derniers automatiques en vue de ou souvent de deux saillies osseuses dans la plante :
garçons que les filles. La fréquence du pied bot et l’acquisition de la marche ; la fréquence de la la tête astragalienne en dedans et l’extrémité distale
son risque augmentent lorsqu’il y a des antécédents rééducation est diminuée ; du calcanéum en dehors. La mobilisation passive de
familiaux. La raideur et le degré d’irréductibilité ■ la période de la marche ; lorsque celle-ci est l’avant-pied en flexion-extension montre que
varient d’un cas à l’autre ; on distingue des formes acquise, l’enfant est chaussé normalement dans la l’arrière-pied n’est plus solidaire de l’avant-pied du
modérées lorsque le pied peut être manuellement journée, les séances de rééducation s’espacent pour fait de la cassure de la médio-tarsienne avec laxité
rapproché de la position de l’angle droit par rapport devenir bihebdomadaire puis hebdomadaire ; en de la capsule. La grosse tubérosité du calcanéum est
à la jambe et des formes très sévères lorsque le pied revanche, la nuit une attelle nocturne est attirée en haut et en arrière par un triceps toujours
est complètement rigide en varus équin. Il existe, en maintenue ; actif alors que l’avant-pied est attiré en haut et avant
réalité, tous les intermédiaires. Un élément essentiel ■ la période ultérieure jusqu’en fin de par des releveurs également actifs. En revanche,
de l’examen clinique est de s’assurer de la bonne croissance ; c’est d’avantage une surveillance plus ou dans la plante toutes les structures sont distendues et
activité des muscles releveurs et en particulier des moins espacée avec très souvent un maintien les petits muscles plantaires fonctionnent mal ou pas
péroniers qui peuvent parfois être inactifs pendant nocturne par une attelle pendant des années. du tout. Les radiographies bien que d’interprétation
les premiers jours de vie du fait de leur élongation délicate sont essentielles pour confirmer le
‚ Traitement chirurgical diagnostic en particulier les radiographies de profil
dans la position en varus équin.
Le traitement chirurgical devient nécessaire dans en dorsi-flexion maxima et en flexion plantaire
‚ Explications à donner aux parents environ la moitié des cas, soit pendant la première maxima.

‚ Traitement orthopédique
Quel que soit le traitement envisagé, orthopédique ou chirurgical le premier Le traitement orthopédique doit toujours être
entretien avec les parents est essentiel : tout doit être fait pour gagner leur confiance tenté dans les premières semaines de vie et il fait
et leur coopération. Il faut donc prendre le temps de bien expliquer ce qu’est un pied appel soit à des plâtres correcteurs, soit à des
bot varus équin et bien répondre aux questions concernant le déroulement du manipulations et des immobilisations sur des attelles
traitement, le pronostic, l’étiologie... Il est essentiel d’expliquer aux parents que leur essayant de restaurer la concavité des arches
enfant ne sera pas un handicapé mais qu’il portera des chaussures normales et qu’il plantaires. Dans quelques cas heureux, on obtient
pourra faire du sport et mener une vie normale. En effet le traitement du pied bot une correction complète avec un résultat tout à fait
varus équin permet une correction suffisante (même si l’on n’obtient jamais un remarquable mais dans la majorité des cas le
résultat parfait) de façon à ce que l’enfant puisse être chaussé normalement et faire traitement orthopédique échoue et les déformations
un certain nombre de sports. deviennent de plus en plus évidentes avec la
croissance.

3
8-0415 - Malformations des pieds à la naissance

‚ Traitement chirurgical externes, une hypoplasie globale du pied, des ‚ Hypertrophies congénitales
synostoses congénitales du tarse et une subluxation
Au moment de l’acquisition de la marche, les Il s’agit de malformations assez graves
externe en valgus, en équin et subluxation externe
déformations sont telles qu’elles rendent nécessaire heureusement exceptionnelles car souvent
par rapport au tibia. La prise en charge comporte
une chirurgie de correction par libération dorsale de l’hypertrophie peut être monstrueuse et rendre
habituellement une intervention chirurgicale pour
l’articulation médio-tarsienne, restauration des nécessaire des amputations partielles du pied,
réaxer le pied par rapport à la jambe vers l’âge de 10
arches longitudinales du pied, fixation par broche et longitudinales ou transversales. En effet, les
à 12 mois, un redressement de la courbure jambière
immobilisation plâtrée de longue durée. Le résultat techniques d’épiphysiodèses sont dans l’ensemble
au même moment et ultérieurement un
de la chirurgie du pied convexe aboutit en général à assez inefficaces pour freiner la croissance
allongement du squelette jambier si le pronostic
des pieds de morphologie bien meilleure que démesurée d’une partie ou de la totalité du pied.
d’inégalité le permet.
l’évolution spontanée mais avec un enraidissement
certain et une surveillance en cours de croissance est Ectromélie longitudinale interne ‚ Maladie amniotique
nécessaire d’autant plus que dans la moitié des cas Dans des cas plus rares l’agénésie rentre dans le Cet ensemble malformatif particulier comporte un
le pied convexe congénital se retrouve dans un cadre d’une malformation préférentielle du tibia et ou plusieurs sillons cutanés, des syndactylies distales
contexte soit polymalformatif, soit surtout curieusement le pied est souvent assez peu dites amniotiques, des amputations congénitales,
neurologique. malformé alors que le tibia est parfois complètement des pieds bots en général varus équins. En cas de
absent. Il s’agit alors d’un pied varus équin en réalité pied bot varus équin, le traitement ne diffère guère


luxé par rapport à la malléole péronière puisqu’il n’y du traitement du pied bot idiopathique. L’existence
Malformations diverses du pied a pas de tibia. Le traitement est complexe et peut d’un sillon du tiers inférieur de jambe rend
faire discuter une amputation car l’absence de tibia nécessaire sa cure chirurgicale. Le pronostic dépend
est une malformation très grave qui touche essentiellement d’une éventuelle paralysie associée
‚ Agénésie et hypoplasie congénitale également l’articulation du genou. en rapport avec le sillon jambier.
Les malformations du pied rentrant dans le cadre Malformations du pied par agénésie


d’une agénésie ou d’une hypoplasie congénitale des rayons moyens du pied
d’un membre sont rarement localisées au pied et en
Elles constituent le pied en fourche qui est une Conclusion
général il s’agit de malformation régionale.
anomalie souvent génétique, familiale qui peut être
améliorée par des traitements chirurgicaux pour
Ectromélie longitudinale externe Parmi toutes les anomalies congénitales des
diminuer l’importance de la fente médiane du pied
C’est la plus fréquente des malformations : elle et pour réaxer les orteils ou diminuer encore la pieds, il faut bien différencier les anomalies mineures
comporte une hypoplasie plus ou moins sévère du largeur de l’avant-pied. et bénignes qui spontanément ou avec l’aide d’un
segment jambier touchant préférentiellement le traitement simple sont entièrement réversibles et les
péroné avec une incurvation du tibia, des anomalies ‚ Duplications de rayons et d’orteils anomalies plus sévères comme le pied bot varus
ligamentaires du genou et une malformation du Il s’agit de malformations assez fréquentes et qui équin congénital, le pied convexe congénital et
pied dont la gravité est variable et qui comporte relèvent de la chirurgie pour enlever un rayon certaines malformations qui requièrent la prise en
souvent une absence d’un ou plusieurs rayons surnuméraire et réaxer le rayon restant. charge par un spécialiste d’orthopédie pédiatrique.

Raphaël Seringe : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service d’orthopédie pédiatrique,
hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 74-82, avenue Denfert-Rochereau, Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : R Seringe. Malformations des pieds à la naissance.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0415, 1998, 4 p

Références

[1] Badelon O. Malpositions et malformations congénitales du pied chez l’enfant. [4] Seringe R, Martin G, Katti E, Vaquier J. Le pied convexe congénital. Étude
Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Appareil Locomoteur, 15-390-A-10, 1990 : anatomique et déductions pratiques. Rev Chir Orthop 1990 ; 76 : 234-244
1-17
[5] Taussig G, Pilliard D. Le métatarsus varus congénital. Rev Chir Orthop 1983 ;
[2] Seringe R, Atia R. Pied bot varus équin congénital idiopathique. Résultats du 69 : 29-46
traitement « fonctionnel » (269 pieds). Rev Chir Orthop 1990 ; 76 : 490-501

[3] Seringe R, Cressaty J, Girard B, Francoual C. L’examen orthopédique de


1500 nouveau-nés en maternité. Chir Pediatr 1981 ; 22 : 365-387

4
8-0320
8-0320

Prématurité
Encyclopédie Pratique de Médecine

JF Magny, M Voyer, F Kieffer, Y Coatantiec

L e diagnostic de prématurité fait bénéficier le nouveau-né d’une surveillance différente de celle de l’enfant à
terme. La période néonatale des prétermes peut en effet être émaillée d’un certain nombre de complications
spécifiques qu’il faudra savoir dépister et traiter au plus tôt.
Pendant leur première année de vie, les prétermes doivent également être suivis de façon spécifique en raison de
risques pathologiques multiples : neurologiques, respiratoires, nutritionnels, digestifs...
© Elsevier, Paris.


développement des connaissances et des techniques L’augmentation importante du nombre des
Introduction de prise en charge des prématurissimes, la limite de grossesses multiples, et particulièrement de celui des
« viabilité » se situe autour de 23-24 semaines grossesses triples, à partir des années 1980-1985
d’aménorrhée et de 500 grammes de poids de (fig 1), est essentiellement liée au développement des
naissance. techniques de procréation médicalement assistée. Une
La prématurité se définit comme une naissance meilleure maîtrise de ces techniques devrait permettre
survenue avant la 37e semaine d’aménorrhée,


de retrouver une fréquence des grossesses multiples
calculée à partir du premier jour des dernières règles.
plus proche des normes physiologiques. La
Un âge gestationnel inférieur à 32 semaines Épidémiologie, étiologie prématurité liée aux malformations utérines devrait
d’aménorrhée définit la grande prématurité. En
également décroître dans les 10 années à venir,
dessous de 28 semaines, on utilise le terme de
lorsque la génération des femmes qui ont été
prématurissime. La connaissance précise de la date Le taux de prématurité en France a régulièrement exposées au Distilbènet in utero auront dépassé l’âge
des dernières règles chez une femme ayant des cycles diminué au cours des 20 dernières années (tableau I). de la procréation.
réguliers et/ou les données d’une échographie Les causes de la prématurité sont nombreuses et
précoce pratiquée avant la 12e semaine permettent de peuvent être intriquées. Elles sont détaillées dans le L’augmentation du nombre de grossesses tardives
connaître le terme avec précision dans la majorité des tableau II. chez des femmes de plus de 35 ans est un facteur
cas. Selon une enquête réalisée en France en 1988 et
1989, seul 1 % des grossesses avait un terme imprécis.
Depuis la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993, le nouvel Tableau I. – Taux de prématurité en France calculé sur le nombre de naissances vivantes.
article 79-1 du code civil précise que « les nouveau-nés
vivants et viables auront, sur présentation d’un Inférieur à 37 semaines Inférieur à 32 semaines
certificat médical, un acte de naissance », et ce quel que
soit le terme. Le directeur de la santé, dans sa circulaire
1971 7,9 % 1,6 %
du 22 juillet 1993, propose « de retenir comme limite 1988 5,7 %
basse d’enregistrement des enfants nés vivants : le
terme de 22 semaines d’aménorrhée ou un poids de 1988-1989 4,8 % 0,7 %
500 grammes, à l’exclusion de tout autre critère, en 1991 4,1 % 0,5 %
particulier les malformations... ». Dans l’état actuel du

Tableau II. – Étiologie de la prématurité (d’après Schneider L et al).

Facteurs directement responsables Facteurs favorisants Décision médicale


Obstétricaux Généraux Primiparité (20 à 25 % des prématurés
dans service de grossesses
Anomalies portant sur le contenu Anomalies portant sur le contenant Infections générales Parité ≥ 4 à haut risque)
Listériose Grossesse illégitime
Grossesses multiples Malformations utérines congénitales Streptocoque B Conditions défavorables Diabète
de travail et transport
Placenta praevia Déformation acquise Germes Gram-, infec- Âge mère < 18 ans Iso-immunisation Rhé-
tions urinaires, infections > 35 ans sus
cervicovaginales, infec-
tions virales, fièvre isolée
Hydramnios Béance cervico-isthmique Hypotrophie intra-
utérine évolutive
© Elsevier, Paris

& ↓ $ Classe socio-


économique défavorisée
Rupture prématurée des membranes Antécédents obstétricaux Pathologie maternelle
de prématurité et/ou d’hy-
potrophie fœtale

1
8-0320 - Prématurité

14
12
10
5
4

Complications de la période
néonatale (tableau IV)
Tableau IV. – Les principales complications
néonatales de la prématurité.

p 10 000
p 1000

8 3 Complications respiratoires
La période néonatale des prétermes peut être Maladie des membranes hyalines
6 2
émaillée d’un certain nombre de complications Syndrome d’apnées du prématuré
4
2 1 spécifiques qu’il faut savoir dépister et traiter au plus Dysplasie bronchopulmonaire
0
Complications hémodynamiques
0 tôt.
6 7 7 8 8 9 Hypoperfusion pulmonaire
5 0 5 0 5 0 Persistance du canal artériel
année ‚ Complications respiratoires Complications digestives
Entérocolite ulcéronécrosante
doubles triples Toutes les causes de détresse respiratoire néonatale Colite hémorragique
peuvent être observées chez le préterme aussi bien Hernies inguinales ou de l’ovaire
1 Évolution des accouchements doubles et triples en
que chez le nouveau-né à terme. Cependant, deux Reflux gastro-œsophagien
France entre 1965 et 1991 (d’après Blondel B. J
étiologies, conséquences de l’immaturité, lui sont plus Complications infectieuses
Pediatr, 1994 : 137-140). Infection bactérienne maternofœtale
spécifiques : la maladie des membranes hyalines
(MMH) et le syndrome d’apnées du prématuré, Infections nosocomiales
auxquelles il faut ajouter la complication des détresses Complications métaboliques
respiratoires et des techniques de ventilation assistée Hypoglycémie
Tableau III. – Causes de prématurité d’indica- Hyperglycémie
en période néonatale chez le préterme : la dysplasie
tion médicale (d’après Berardi JC. J Gyn Hypocalcémie
bronchopulmonaire (DBP). Hyponatrémie
Obstet).
Maladie des membranes hyalines Ictère à bilirubine libre
Causes Nombre % Complications neurologiques et sensorielles
La MMH est liée à un déficit quantitatif et/ou Hémorragies intraventriculaires
RCIU 92 38 qualitatif en surfactant pulmonaire, dont le rôle Leucomalacie
Toxémie sans 56 23 principal est d’éviter le collapsus alvéolaire en fin Rétinopathie du préterme
RCIU d’expiration grâce à ses fonctions tensioactives. Il
exerce également des fonctions anti-œdémateuse et
RPDE avec 28 12 immunomodulatrice sur l’activité macrophagique.
infection La prise en charge thérapeutique fait appel aux La fréquence et la gravité de la MMH
Placenta prae- 21 9 techniques d’assistance ventilatoire et aux surfactants sont inversement proportionnelles à
via exogènes. l’âge gestationnel.
RPDE simple 20 8
Trois méthodes de ventilation assistée sont Les prétermes qui en sont atteints ont
actuellement utilisées chez le préterme : la ventilation une détresse respiratoire à début très
Syndrome in- 7 3 mécanique conventionnelle (VMC), avec pression précoce et d’intensité croissante au
fectieux positive expiratoire, la ventilation à haute fréquence
par oscillations (HFO), et la pression positive continue
cours des premières heures de vie,
CI bêta- 4 1,5 avec tachypnée, cyanose et signes
mimétiques (PPC), appliquée par voie nasale. Les surfactants
exogènes sont de deux types : les surfactants francs de rétraction. La radiographie
Autres 11 5,5 synthétiques dépourvus de protéines spécifiques du thorax met en évidence une
(Surfexo NéonatalTM), et les surfactants d’origine mauvaise expansion thoracique
RCIU : retard de croissance intra-utérin ; RPDE : rupture de la poche des
eaux ; CI : contre-indication.
animale qui contiennent certaines de ces protéines et associée à un syndrome alvéolaire
ont une action plus rapide (Curosurft d’origine porcine,
diffus, bilatéral et homogène.
Survantat d’origine bovine).
Ils sont administrés par voie endotrachéale sous
L’évolution de la MMH se fait
actuel de prématurité. En 1981, 6 % des accouchées
étaient âgées de plus de 35 ans ; ce taux était de 14 % forme liquide. Une à deux instillations à 12 heures classiquement en trois phases :
en 1989. d’intervalle sont généralement suffisantes. aggravation progressive au cours des
La prématurité médicalement consentie occupe Dans cette optique, les MMH moins sévères et 24 premières heures, suivie d’une
une place de plus en plus importante. En 1988-1989, prises en charge très précocement peuvent être phase de stabilisation de 48 heures,
30 % des prétermes admis en unité de néonatalogie traitées par l’association de surfactant exogène et puis d’une amélioration franche et
étaient la conséquence d’une décision médicale pour d’une PPC par voie nasale. Ceci impose une intubation
rapide au-delà de la 72e heure de vie.
des raisons fœtales, maternelles ou mixtes. En 1992, endotrachéale très transitoire, destinée à
l’administration du surfactant.
Les moyens thérapeutiques actuels
une étude portant sur 18 maternités d’Île-de-France a
révélé un taux de prématurité « médicalement Les complications de la MMH sont autant celles de permettent, le plus souvent, de
consenti » de 1,4 %. Les causes de ces prématurités la maladie que de la ventilation assistée. raccourcir la phase d’aggravation,
sont répertoriées dans le tableau III. À la phase initiale de la maladie respiratoire, toute d’obtenir une stabilisation à un niveau
L’avenir normal de ces grossesses menacées ne ventilation assistée, même peu agressive, expose à la de gravité moindre et, dans certains
doit être envisagé que dans le cadre d’une équipe survenue de complications à type d’épanchements cas, une franche amélioration avant la
multidisciplinaire obstétricopédiatrique. gazeux intrathoraciques (emphysème interstitiel, 72e heure.

La majorité des causes de prématurité peut être en partie maîtrisée grâce à des pneumothorax, pneumomédiastin...), de surinfections
mesures préventives qui ont fait la preuve de leur efficacité en France depuis 1977. bactériennes et/ou d’hémorragie pulmonaire.
✔ Dépistage précoce de certains facteurs favorisants. Ces complications augmentent le risque d’évolution
✔ Meilleure maîtrise des techniques de procréation médicalement assistée. vers la complication respiratoire majeure de la MMH,
✔ Repos contrôlé en cas de grossesse multiple. la dysplasie bronchopulmonaire, et, plus générale-
✔Cerclage du col en cas de béance isthmique. ment, de toute détresse respiratoire du préterme.
✔Antibiothérapie adaptée des infections maternelles généralisées et localisées. Sa fréquence est inversement proportionnelle à
✔ Traitement tocolytique, sous contrôle médical, en cas de menace d’accouchement l’âge gestationnel. Elle atteint 67 % des prétermes de
entre 25 et 35 semaines. moins de 28 semaines, 9 % de ceux de 31-32
semaines et 0,4 % de ceux de plus de 34 semaines.

2
Prématurité - 8-0320

Hypoperfusion pulmonaire
L’association thérapeutique qui Les apnées du préterme constituent un L’hypoperfusion pulmonaire est une complication
semble actuellement la plus efficace problème extrêmement fréquent au hémodynamique non spécifique au préterme, mais
dans les MMH les plus sévères est la cours des premiers jours de vie, et des qui complique fréquemment les situations de détresse
ventilation par HFO associée aux premières semaines pour les plus respiratoire de celui-ci.
surfactants d’origine animale ; avec immatures, qui peut exposer le La chute des résistances artérielles pulmonaires est
un des phénomènes essentiels de l’adaptation
pour objectif une extubation la plus préterme à des complications graves,
circulatoire à la vie extra-utérine. Elle est sous la
précoce possible, dès que l’état notamment neurologiques, s’il n’est dépendance de différents facteurs mécaniques
respiratoire de l’enfant le permet, et pas rapidement et correctement (inflation aérique pulmonaire), biochimiques (élévation
relais par une PPC, ou ventilation maîtrisé. de la PO2 alvéolaire et capillaire, libération de
nasale, de façon à minimiser les prostaglandines, neutralité du pH) et anatomiques
conséquences des baro- et (modification de la paroi des artérioles pulmonaires
volotraumatismes liés à la ventilation parallèles à la maturation). L’ensemble de ces
– les apnées « obstructives », caractérisées par la phénomènes adaptatifs est extrêmement fragile, et la
mécanique. disparition de tout flux aérien narinaire et buccal, avec réactivité vasculaire pulmonaire est très importante au
la persistance de mouvements thoracoabdominaux cours des premières heures de vie. Ainsi, toute
(10 à 25 % des apnées) ; situation de stress néonatal, en particulier l’hypoxie et
Sa physiopathologie est multifactorielle et fait
– les apnées « mixtes », où une apnée obstructive l’acidose, peut aboutir à la persistance ou au retour à
intervenir comme facteurs principaux l’immaturité des
précède ou succède à une apnée centrale (50 à 75 % une vasoconstriction artérielle pulmonaire
structures bronchopulmonaires, la toxicité de
des apnées). responsable d’une hypertension artérielle pulmonaire
l’oxygène et les baro- et volotraumatismes liés à la
La physiopathologie de ces apnées-bradycardies (HTAP).
ventilation en pression positive.
est complexe et fait intervenir plusieurs mécanismes Dans les formes majeures avec hypertension
Son évolution est extrêmement variable d’un sujet
plus ou moins intriqués dont le point commun est pulmonaire suprasystémique, celle-ci entraîne un
à l’autre. Tous les intermédiaires existent entre les DBP
l’immaturité des différents systèmes intervenant dans shunt droit-gauche exclusif par le canal artériel et le
modérées, les plus fréquentes, qui n’ont plus besoin de
la régulation cardiorespiratoire. La maturation foramen ovale, responsable d’un tableau clinique
ventilation assistée ni d’oxygénothérapie lorsque le
progressive de ces systèmes explique l’évolution, avec d’hypoxémie réfractaire à l’oxygénothérapie. Le plus
préterme atteint l’âge corrigé de 39-40 semaines, et les
l’âge gestationnel, de la fréquence et de la durée des souvent, l’hypoperfusion pulmonaire est moins
formes exceptionnellement graves qui obligent à des
apnées qui, de très fréquentes et prolongées chez les marquée et est évoquée devant une discordance entre
ventilations prolongées au-delà de l’âge de 1 an.
prématurissimes, vont devenir de plus en plus rares et des besoins en O2 importants et la facilité d’obtention
À côté du traitement symptomatique par la de PaCO2 normale avec des paramètres de ventilation
ventilation assistée et l’oxygénothérapie, la prise en courtes, pour disparaître tout à fait à l’âge corrigé du
terme. mécanique peu agressifs. Le diagnostic d’hypoperfu-
charge thérapeutique de la DBP fait principalement sion pulmonaire est au mieux confirmé par
appel à la corticothérapie précoce à forte dose. On distingue classiquement les apnées « secondai- l’échographie-Doppler cardiaque.
res » et les apnées « primitives ».
Apnées du préterme Persistance du canal artériel
En raison de leur immaturité, les prétermes
Il est habituel de définir comme « apnées » du réagissent par des apnées-bradycardies face à diverses La fermeture du canal artériel à la naissance se fait
préterme les arrêts de ventilation alvéolaire d’une agressions qu’il faut rechercher et traiter : en deux étapes. La première étape est fonctionnelle
durée supérieure ou égale à 20 secondes, et ceux par vasoconstriction liée à l’augmentation de la PaO2
– infection (quels que soient la localisation et le
d’une durée inférieure, mais qui s’accompagnent et à la chute du taux des prostaglandines circulantes,
germe) ;
d’une bradycardie à moins de 100/minute et/ou d’un dont le catabolisme pulmonaire est augmenté. La
– hypoxémie et/ou hypercapnie ;
accès de cyanose. seconde étape est anatomique par nécrose
– hypoglycémie, hypocalcémie, acidose endothéliale et formation d’un tissu fibreux. La
En effet, ces apnées s’accompagnent très métabolique... ; vasoréactivité du canal artériel augmente avec le
fréquemment de bradycardies responsables d’une – pathologie neurologique (apnée équivalent terme, expliquant en partie les retards de fermeture et
chute du débit sanguin cérébral, qui, lorsqu’elles sont convulsif) ; les réouvertures observés chez le préterme.
trop fréquentes et/ou trop profondes, peuvent être à – pathologie digestive (reflux gastro-œsophagien, La persistance d’un canal artériel perméable pose
l’origine de lésions cérébrales. œsophagite) ; deux types de problèmes. En cas d’HTAP au cours des
Ces apnées sont schématiquement de trois types : – intoxication médicamenteuse d’origine premières heures de vie, il existe un shunt droit-gauche
– les apnées « centrales », caractérisées par la maternelle (morphiniques, benzodiazépines...) ; à travers le canal, qui participe à la constitution du
cessation de toute activité respiratoire thoracoabdomi- – fièvre, réchauffement trop rapide. tableau d’hypoxémie réfractaire. Lorsque les
nale (10 à 25 % des apnées) ;
Ce n’est qu’après avoir éliminé ces étiologies que
pourra être porté le diagnostic de « syndrome d’apnées Le traitement de l’hypoperfusion
La dysplasie bronchopulmonaire idiopathiques du prématuré ». pulmonaire repose sur :
(DBP) est la complication respiratoire Le traitement préventif des apnées idiopathiques ✔ l’obtention d’une ventilation
majeure de la MMH. Elle se définit fait appel à des mesures de nursing visant à maintenir alvéolaire optimale ;
classiquement comme une insuffisance les voies aériennes supérieures libres, et à ✔ le contrôle de l’hémodynamique
l’administration d’analeptiques respiratoires. Le plus
respiratoire chronique, avec systémique ;
utilisé est le citrate de caféine, administré per os ou par
oxygénodépendance persistant après le voie intraveineuse. Le Doxapramt en perfusion
✔ dans les formes sévères, le recours
28e jour de vie, chez un nouveau-né intraveineuse continue peut également être utilisé. En aux substances vasodilatatrices.
ayant présenté une détresse cas d’échec de ces thérapeutiques médicamenteuses, il Toutes les études actuelles
respiratoire initiale avec nécessité est nécessaire de recourir à des techniques s’orientent vers l’utilisation du
d’une ventilation assistée pendant au d’assistance ventilatoire (PPC par voie nasale, voire monoxyde d’azote (NO), administré
moins les 3 premiers jours de vie. ventilation assistée sur sonde endotrachéale). par voie inhalée, qui exerce une
Radiologiquement, la DBP associe une action vasodilatatrice immédiate et
distension thoracique à des zones ‚ Complications hémodynamiques puissante sur les seules artérioles
d’emphysème alvéolaire et/ou Le préterme est principalement menacé par deux pulmonaires dont les alvéoles sont
interstitiel et des opacités linéaires types de complications hémodynamiques : correctement ventilées à l’exclusion
bilatérales. l’hypoperfusion pulmonaire et la persistance du canal de toute action systémique.
artériel.

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8-0320 - Prématurité

faibles. À l’Institut de puériculture de Paris, entre 1992 début des signes. Les formes de gravité moyenne
La fermeture du canal artériel du et 1995, le taux d’ECUN a été de 3,6 % chez les moins peuvent se compliquer de sténose(s) cicatricielle(s)
préterme peut être obtenue de deux de 32 semaines, de 1 % chez ceux de 32 à 35 révélées par des difficultés à la reprise de
façons. semaines, et de 0,17 % chez ceux de 36 semaines ou l’alimentation. Elles nécessitent une intervention
plus. Le taux de mortalité chez ces enfants a été de chirurgicale pour résection-anastomose en un temps
✔ La fermeture pharmacologique fait
15 %. des zones sténosées. Le pronostic digestif à long terme
appel aux antiprostaglandines L’étiologie de l’ECUN est multifactorielle. Les quatre est bon. Dans les formes sévères ayant nécessité une
injectables. L’indométacine est le facteurs essentiels incriminés dans sa genèse sont : iléostomie en période aiguë, le rétablissement de la
plus souvent utilisée. Elle est contre- – l’immaturité ; continuité intestinale est envisagé au plus tôt 6
indiquée en cas d’insuffisance – l’ischémie-hypoxémie mésentérique, quelle semaines après l’intervention initiale. Au cours de cette
rénale, de syndrome hémorragique qu’en soit la cause (asphyxie périnatale, détresse deuxième opération, tout l’intestin est exploré, et les
respiratoire ou hémodynamique, apnées récidivantes, zones nécrosées ou sténosées sont réséquées. Si la
et de pathologie digestive et/ou
hyperviscosité sanguine par polyglobulie, etc) ; valvule de Bauhin est conservée, et si la longueur du
infectieuse évolutive. grêle restant est supérieure à 60-80 cm, la reprise de
– l’alimentation entérale, surtout si elle est
✔ La fermeture chirurgicale (clip ou hyperosmolaire, trop précoce, trop rapide dans l’alimentation entérale est simple. Dans le cas
ligature) n’est indiquée qu’en cas l’augmentation des rations quotidiennes ; contraire, cette reprise sera beaucoup plus progressive
d’échec ou de contre-indication des – l’infection est constante. Elle intervient soit et faite avec un lait sans lactose, riche en triglycérides à
antiprostaglandines. Elle peut être comme complication des lésions ischémiques chaînes moyennes, et dont les protéines de lait de
réalisée dans l’incubateur. intestinales, soit comme facteur déclenchant. Les vache sont hydrolysées. Une prise en charge
agents pathogènes sont des entérobactéries spécialisée à long terme peut être nécessaire pour
(klebsielles, E s c h e r i c h i a c o l i , entérocoques, syndrome de grêle court.
résistances pulmonaires sont normales, un shunt
anaérobies...), avec une fréquence particulière de Autres complications digestives
gauche-droit s’établit à travers le canal. Ce shunt
Clostridium.
entraîne une diminution des pressions artérielles La colite hémorragique est plus fréquente que
systémiques diastoliques, avec inversion des flux Le tableau clinique est généralement brutal et
l’ECUN. Elle se manifeste par des rectorragies de sang
diastoliques au niveau des artères cérébrales et sévère, associant :
rouge accompagnant des selles par ailleurs normales,
mésentériques. Ceci augmenterait le risque de – des signes digestifs : selles sanglantes, résidus
sans altération de l’état général, ni syndrome occlusif
survenue de leucomalacie périventriculaire, gastriques bilieux, météorisme abdominal et
ou syndrome infectieux ou inflammatoire, et avec un
d’hémorragie intraventriculaire et d’entérocolite syndrome péritonéal, accompagnés d’une
aspect radiologique le plus souvent normal. Son
ulcéronécrosante. Une HTAP secondaire à pneumatose radiologique intestinale et parfois
évolution est constamment favorable sans traitement.
l’augmentation de débit pulmonaire liée au shunt portale ;
Des récidives sont cependant possibles.
augmente les difficultés de sevrage de la ventilation – des signes généraux allant des apnées-
Les hernies inguinales et de l’ovaire sont d’autant
assistée et le risque de survenue d’une dysplasie bradycardies répétées au collapsus hémodynamique
plus fréquentes que l’âge gestationnel est bas. Elles
bronchopulmonaire. Enfin, une défaillance cardiaque et au poumon de choc ;
doivent être opérées par une équipe de chirurgiens et
secondaire au shunt peut être observée. – des signes biologiques : acidose métabolique, d’anesthésistes habituée à la prise en charge de ce
La persistance du canal artériel se manifeste par hyponatrémie, leuconeutropénie, coagulation type d’enfant. Une hernie de l’ovaire constitue une
une hyperpulsatilité artérielle, associée à un souffle intravasculaire disséminée (CIVD), syndrome semi-urgence en raison du risque gonadique.
continu sous-claviculaire. En l’absence de détresse inflammatoire (élévation de la CRP).
Le reflux gastro-œsophagien est particulièrement
respiratoire, ce canal est généralement bien toléré et Dans les formes simples, l’évolution se fait vers la fréquent chez les anciens prématurés, surtout s’ils ont
évolue vers la fermeture spontanée au voisinage du guérison sans séquelles, avec possibilité de reprendre développé une dysplasie bronchopulmonaire avec
terme, voire avant. Les complications cardiorespiratoi- une alimentation entérale 3 à 4 semaines après le distension pulmonaire abaissant le diaphragme.
res s’observent essentiellement chez les prétermes
d’âge gestationnel inférieur à 32 semaines et ayant ‚ Complications infectieuses
une pathologie respiratoire initiale. Le traitement de l’ECUN est médical Infections bactériennes maternofœtales
L’échographie-doppler couleur est un appui dans la majorité des cas. Il associe :
Une infection maternofœtale est une infection
essentiel pour confirmer le diagnostic, apprécier le ✔ l’arrêt de l’alimentation entérale et transmise par la mère à son fœtus avant ou pendant
sens et l’importance du shunt, évaluer son la nutrition parentérale exclusive ; l’accouchement. L’infection maternofœtale peut être
retentissement fonctionnel et poser l’indication d’une ✔ l’aspiration digestive gastrique et une cause d’accouchement prématuré par le biais
éventuelle fermeture thérapeutique. d’une chorioamniotite. La symptomatologie clinique
duodénale continue ;
‚ Complications digestives ✔ une triple antibiothérapie par voie étant très polymorphe et peu spécifique, une infection
néonatale est suspectée et recherchée devant tout
Entérocolite ulcéronécrosante veineuse (céphalosporine de
accouchement prématuré inexpliqué. Ainsi, chez un
L’entérocolite ulcéronécrosante (ECUN) est la
troisième génération + aminoside + préterme, le bilan biologique initial comporte
complication digestive la plus sévère et la plus métronidazole) ; systématiquement : hémogramme, dosage de la
spécifique au préterme. ✔ la correction des troubles protéine C réactive, hémoculture et prélèvements
Sa fréquence est d’autant plus grande que l’âge hémodynamiques : remplissage par bactériologiques « périphériques ».
gestationnel et/ou le poids de naissance sont plus albumine, traitement cardiotonique L’antibiothérapie est instituée sans délai, soit
(dobutamine) et vasoactif d’emblée, dès les prélèvements bactériologiques
réalisés, chaque fois qu’il existe un contexte obstétrical
L’entérocolite ulcéronécrosante se (dopamine) ;
évocateur d’infection (fièvre maternelle, infection
définit par l’association d’au moins ✔ la ventilation assistée sur tube urogénitale, rupture prolongée de la poche des eaux,
trois des cinq critères suivants : endotrachéal. souffrance fœtale, anomalie qualitative du liquide
✔ syndrome occlusif ; Une intervention chirurgicale peut être amniotique) et/ou une symptomatologie néonatale
✔ émission de sang rouge dans des nécessaire à la phase aiguë pour (détresse respiratoire, troubles hémodynamiques,
selles afécales ; réaliser une iléostomie de décharge et hépatomégalie, anomalies neurologiques), soit devant
✔ crépitation à la palpation de mettre en place un drain péritonéal. les résultats du bilan biologique, mais dans tous les cas
avant la confirmation bactériologique de l’infection. Le
l’abdomen ; Elle est indiquée en cas de traitement antibiotique est arrêté lorsque le diagnostic
✔ péritonite généralisée ou plastron pneumopéritoine et/ou de syndrome d’infection est clairement infirmé sur le résultat des
abdominal ; occlusif important ne régressant pas bilans biologiques et bactériologiques (48 à 72 heures
✔ image radiologique de pneumatose après 48 heures de traitement médical de délai). Dans le cas contraire, le traitement est
intestinale ou de pneumopéritoine. bien conduit. poursuivi 7 à 10 jours devant une infection confirmée
ou vis-à-vis de laquelle le doute n’a pu être levé.

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Prématurité - 8-0320

Le traitement de première intention fait appel à une Hypocalcémie L’apparition d’une coloration jaune, même très
trithérapie associant par voie veineuse : ampicilline + Chez le nouveau-né, l’hypocalcémie se définit par discrète, des téguments impose un dosage du taux
céfotaxime + aminoside. Les infections maternofœta- un taux de calcium total dans le sang inférieur à sérique de bilirubine totale et conjuguée. Le risque
les sont beaucoup plus fréquemment dues à des 80 mg/L (2 mmol/L). Ce taux doit être interprété en neurologique lié à l’ictère est apprécié sur le degré de
germes résistant à l’ampicilline chez les prétermes fonction de ceux de phosphore, de magnésium et prématurité, l’évolutivité des taux de bilirubine, les
qu’elles ne le sont chez les nouveau-nés à terme. Les d’albumine. étiologies surajoutées à la prématurité (incompatibilité
bactéries les plus souvent rencontrées sont le Rh ou ABO, par exemple), les conditions pathologiques
Ces hypocalcémies sont liées :
streptocoque β-hémolytique du groupe B, E coli et associées, l’albuminémie, le degré d’acidose éventuelle
– le plus souvent, à une hyperphosphorémie par
Listeria.
excès d’apport ; et, sur le plan biologique, les dosages de bilirubine
totale et de bilirubine non liée.
Infections nosocomiales – à une hyperphosphorémie par insuffisance
rénale ; Les approches thérapeutiques sont multiples et
Le préterme est d’autant plus à risque de peuvent associer :
– à une hypoparathyroïdie transitoire secondaire
développer une infection nosocomiale qu’il est plus – la photothérapie, qui permet une dégradation de
ou non à une hypomagnésémie ;
prématuré (immaturité immunitaire) et qu’il est plus la bilirubine en composés hydrosolubles non
– à une carence vitaminique D maternelle pendant
malade, avec mise en place de divers sondes et toxiques ;
la grossesse.
cathéters, manipulations plus ou moins invasives et – les inducteurs enzymatiques, qui stimulent
La calcémie est systématiquement contrôlée au
une hospitalisation plus prolongée. l’activité glucuronyl-transférase (clofibrate) ;
cours des 48 premières heures de vie chez le préterme.
Les infections les plus fréquentes sont celles à point – les perfusions d’albumine destinées à augmenter
Les bases du traitement consistent en une
de départ digestif (avec ou sans développement d’une la capacité de liaison de la bilirubine.
diminution des apports phosphorés, une augmenta-
entérocolite ulcéronécrosante), les surinfections L’exsanguinotransfusion n’est utilisée qu’en cas
tion des apports calciques et une vitaminothérapie par
pulmonaires et les infections sur cathéter, avec, dans d’échec des thérapeutiques précédentes associées. Ses
1-α-OHD.
ce cas, une fréquence particulière des septicémies à indications sont devenues rares et limitées au cas où
staphylocoques coagulase négatifs. Hyponatrémie une pathologie se surajouterait à la prématurité dans
La prévention de ces infections est essentielle. La la genèse de l’ictère (incompatibilité fœtomaternelle,
Les hyponatrémies précoces des prétermes sont
grande majorité d’entre elles est manuportée. défaillance multiviscérale...).
liées à une fuite sodée urinaire due à un défaut de
Il faut insister sur le lavage méticuleux des mains
réabsorption tubulaire distale du Na. Ces pertes sont ‚ Complications neurologiques
avant et après chaque soin, sur l’utilisation d’un
compensées en adaptant les apports à la perte urinaire
matériel personnalisé et, chaque fois que cela est Une naissance prématurée, surtout avant 32
documentée par l’étude journalière des ionogrammes
possible, à usage unique. semaines d’âge gestationnel, expose le nouveau-né
urinaires. Ces pertes peuvent être très importantes et
aux risques d’apparition de complications cérébrales.
‚ Complications métaboliques nécessiter des apports pouvant atteindre 10 mEq/j ou
plus. Dans la majorité des cas, des apports quotidiens Ces complications sont essentiellement de deux types :
Métabolisme glucidique de 5 mEq/j permettent d’obtenir une balance sodée les hémorragies intraventriculaires et les lésions
postischémiques de la substance blanche, dénommée
¶ Hypoglycémie positive, répondant au besoin de croissance. Cette
leucomalacie.
Encore plus que le nouveau-né à terme, le préterme supplémentation peut être arrêtée lorsque l’enfant
atteint un âge corrigé de 34-35 semaines et que sa La prévalence de ces lésions est étroitement liée à
est dépendant d’apports exogènes pour le maintien
fonction tubulaire rénale a maturé. l’âge gestationnel. Leur expression clinique est très
d’une glycémie normale (supérieure ou égale à 0,4 g/L
De nombreux autres mécanismes peuvent être à frustre, voire totalement inexistante, pendant la
ou 2,2 mmol/L).
l’origine d’hyponatrémie chez le préterme. Il s’agit de période néonatale. Leur diagnostic est fait grâce à une
La réserve glycogénique hépatique d’une part, et les
situations pathologiques non spécifiques de la surveillance échographique systématique du cerveau,
masses musculaires et de tissu adipeux utilisables pour
prématurité, qui peuvent également s’observer chez le qui doit faire partie de la prise en charge de tout
la néoglucogenèse, d’autre part, sont d’autant plus
nouveau-né à terme. nouveau-né prématuré dès sa naissance, et au
faibles que l’enfant est plus immature et qu’une
minimum jusqu’à la fin de son premier mois d’âge
hypotrophie s’ajoute à la prématurité.
Ictère à bilirubine libre légal. Leur pronostic est fonction de leur type, de leur
La prévention de l’hypoglycémie du préterme est
En dehors de toutes situations pathologiques, tout localisation et de leur étendue. Le pronostic global des
assurée par un apport glucidique et protidolipidique
concourt à ce que le préterme ait un taux de bilirubine hémorragies intraventriculaires est nettement meilleur
précoce entéral et/ou parentéral selon le degré de
libre élevé et qu’il soit ainsi plus à risque d’ictère que celui des leucomalacies.
prématurité et les éventuelles pathologies associées.
Un apport glucidique exclusif a pour effet de freiner la nucléaire que le nouveau-né à terme. Hémorragies intraventriculaires (HIV)
néoglucogenèse protidolipidique et doit être évité. La bilirubinogenèse est deux fois plus élevée chez le
nouveau-né que chez l’adulte, essentiellement en ¶ Physiopathologie
raison d’une durée de vie plus courte des hématies La zone germinative sous-épendymaire est le point
L’hypoglycémie chez le préterme peut fœtales. de départ de la majorité des hémorragies
être totalement asymptomatique. Ainsi, La captation et la conjugaison hépatique de la intraventriculaires du préterme. Les hémorragies à
il est indispensable de la dépister en bilirubine sont d’autant plus diminuées que le partir des plexus choroïdes sont plus rares, et surtout le
nouveau-né est plus prématuré (faible taux de protéine fait des enfants plus matures.
pratiquant de manière systématique et
répétée des tests sur bandelette Y et activité faible de la glucuronyl-transférase).
La réabsorption de la bilirubine intestinale est La complication la plus grave d’une
pendant toute la période aiguë et au-
augmentée en raison de la faible colonisation
delà tant que l’alimentation entérale bactérienne du tube digestif et du retard à
hyperbilirubinémie néonatale mal
n’a pas atteint son régime de croisière. l’alimentation entérale. contrôlée est le classique ictère
La liaison bilirubine-albumine est insuffisante nucléaire qui entraîne des anomalies
¶ Hyperglycémie (hypoalbuminémie, acidose, compétition du tonus axial avec accès
L’hyperglycémie est une complication des premiers médicamenteuse). d’opisthotonos et évolution vers un
jours chez les prétermes de moins de 28 semaines Les possibilités de stockage sont diminuées au syndrome extrapyramidal à type
d’âge gestationnel. Elle peut s’observer avec des niveau du tissu adipeux qui est peu développé. d’athétose d’intensité variable. Cette
apports exogènes très faibles. Elle serait liée à une La barrière hémocérébrale immature laisse plus
forme majeure est heureusement
diminution de la captation hépatique du glucose, à facilement diffuser la bilirubine libre liposoluble vers les
une réponse insulinique pancréatique insuffisante, noyaux gris centraux et les noyaux des 8es paires
devenue exceptionnelle. Des atteintes
mais surtout à une immaturité qualitative et crâniennes. plus bénignes peuvent survenir avec
quantitative des récepteurs à l’insuline. Malgré cela, il Le dépistage de l’ictère potentiellement sévère fait troubles de la motricité fine et/ou
est parfois nécessaire d’avoir recours à une partie de la surveillance systématique, clinique et déficit auditif, qu’il faut savoir
insulinothérapie transitoire lorsque les chiffres de biologique de tout préterme. L’hyperbilirubinémie dépister.
glycémies dépassent 1,6-1,8 g/L (9-10 mmol/L). débute généralement au-delà de la 48e heure de vie.

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8-0320 - Prématurité

La zone germinative est le siège d’une vascularisa- ¶ Prévalence des hémorragies intraventriculaires favorisée par la vascularisation particulière de cette
tion très riche, faite de capillaires larges et aux parois Le tableau V rassemble les prévalences des région, qui est de type terminal, avec des anastomoses
minces, située juste sous l’épendyme bordant le hémorragies intraventriculaires observées chez 4 207 peu développées et une zone avasculaire aux confins
plancher des ventricules cérébraux. L’autorégulation prétermes hospitalisés à l’Institut de puériculture de des systèmes vasculaires ventriculofuge et
du flux sanguin cérébral, fonction qui protège la Paris entre le 1er janvier 1987 et le 31 décembre 1993, ventriculopète. Toutes causes de perturbation du débit
vascularisation cérébrale des fluctuations et qui ont fait l’objet d’un suivi échographique sanguin cérébral dans cette région (telles que celles
tensionnelles systémiques, est une fonction déficiente prospectif régulier de j0 à la fin de leur hospitalisation développées à propos des hémorragies intraventricu-
chez le préterme, et qui disparaît complètement en cas néonatale. laires) peuvent être à l’origine d’une ischémie de la
d’hypoxie et/ou d’hypercapnie. Ainsi, toute substance blanche. Cette ischémie entraîne une
¶ Pronostic des hémorragies intraventriculaires
perturbation du flux sanguin cérébral peut être nécrose qui, selon son évolution vers la lyse tissulaire
Les hémorragies intraventriculaires de grade I et II
responsable d’un processus hémorragique à ce ou vers la cicatrice gliale, va donner lieu à une lésion
sont, pour tous les auteurs, de bon pronostic, à condition
niveau. de leucomalacie cavitaire ou non cavitaire.
qu’elles soient totalement isolées et qu’aucune lésion de
Une chute du flux sanguin cérébral, suivie d’un leucomalacie ne leur soit associée. Cependant, Volpe Théorie inflammatoire
phénomène de reperfusion également délétère, est évoque la possibilité d’une destruction des précurseurs La libération in situ d’endotoxines bactériennes
observée en cas d’hypotension artérielle systémique, des cellules gliales en cas d’hémorragies intraventriculai- et/ou de cytokines pourrait jouer un rôle prépondérant
d’apnée accompagnée de bradycardie, de stimulations res I chez des prématurissimes, dont les conséquences dans la genèse des leucomalacies, en catalysant une
nociceptives. Une augmentation du flux sanguin restent à évaluer. réponse excitotoxique libératrice de glutamate
cérébral peut être la conséquence d’un accès Les hémorragies intraventriculaires III isolées sont hautement toxique pour les cellules gliales en voie de
d’hypertension artérielle systémique (rencontré à rares. Ce sont elles qui se compliquent le plus différenciation de la région périventriculaire. Cette
l’occasion d’un pneumothorax, d’une aspiration fréquemment d’une hydrocéphalie dont le pronostic théorie est renforcée par la constatation d’une
endotrachéale, d’un stimulus douloureux...), d’une peut être bon si l’hypertension intracrânienne a été fréquence significativement augmentée de
hypercapnie, d’une expansion volémique trop rapide, modérée et/ou levée avant qu’elle n’entraîne des leucomalacies chez les prétermes nés dans un
ou d’une baisse de l’hématocrite ou de la glycémie. La lésions parenchymateuses, et si aucune complication contexte de chorioamniotites et porteurs d’une
ventilation mécanique en pression positive est un du drainage ventriculopéritonéal ne survient. Ces infection maternofœtale. À l’Institut de puériculture de
facteur de fluctuation du flux sanguin cérébral. Enfin, hydrocéphalies peuvent apparaître dans les suites Paris, entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre
une augmentation de la pression veineuse peut immédiates de l’hémorragie, ou, le plus souvent, être 1996, nous avons pu observer des lésions de
également être à l’origine d’accident hémorragique. progressives et se révéler à distance, voire après la leucomalacies cavitaires chez 7,1 % des prétermes de
Elle s’observe lors de la naissance par voie basse et au période néonatale. moins de 33 semaines d’aménorrhée ayant une
cours de la ventilation mécanique en pression positive. Les rares hémorragies intraventriculaires IV ont un infection maternofœtale confirmée versus 3,7 % chez
En pratique, les situations où le préterme est exposé pronostic défavorable se rapprochant de celui des ceux non infectés de même âge gestationnel. Les taux
à une perturbation de son débit sanguin cérébral sont leucomalacies cavitaires. de leucomalacies non cavitaires dans cette même
d’autant plus nombreuses qu’il est plus immature et population sont respectivement de 19,4 % et 6,9 %.
Lésions de leucomalacies périventriculaires
que sa pathologie initiale est plus sévère.
(LMPV) ¶ Classification
¶ Physiopathologie
La leucomalacie est une lésion de la substance Les leucomalacies sont classées selon
blanche, qui, dans la grande majorité des cas, se situe à leur caractère cavitaire ou non
Classification l’angle externe des ventricules latéraux, dans la région
cavitaire, et selon leur localisation
Les HIV sont classées en quatre périventriculaire immédiate. De rares cas de lésions
sous-corticales peuvent être observés chez les moins périventriculaire ou sous-corticale.
grades selon l’importance de
immatures. Dans la région périventriculaire, elle peut
l’hémorragie, appréciée sur une coupe
toucher, au niveau de la corne frontale et du corps
longitudinale échographique passant Les leucomalacies cavitaires, ou porencéphalies,
ventriculaire, le centre semi-ovale, au niveau de la
par l’axe du ventricule latéral sont des pertes de substances secondaires à la nécrose
corne occipitale, les radiations optiques, et au niveau
de la substance blanche, et se caractérisent par des
(classification de Papile). de la corne temporale, les radiations acoustiques.
images anéchogènes multikystiques de taille variable
✔ Grade I : hémorragie sous- Ainsi, elle atteint les fibres d’association des fonctions
sur une échographie cérébrale réalisée par voie
épendymaire sans HIV, ou avec HIV somesthésiques, visuelles et auditives. Il existe
transfontanellaire.
minime occupant moins de 10 % de actuellement deux théories complémentaires pour
Les leucomalacies non cavitaires correspondent à
expliquer la survenue de ces lésions.
la surface ventriculaire. des lésions de gliose. Leur diagnostic échographique
✔ Grade II : HIV recouvrant entre 10 Théorie vasculaire est plus difficile. Il s’agit d’images hyperéchogènes
et 50 % de la surface ventriculaire. La survenue d’une ischémie dans ce territoire de la denses et persistantes. Les LMPV se situent à proximité
substance blanche périventriculaire du préterme est de l’angle externe des ventricules latéraux. Les lésions
✔ Grade III : HIV recouvrant plus de
50 % de la surface ventriculaire,
généralement associée à une Tableau V. – Prévalence des hémorragies intraventriculaires chez 4 207 prétermes hospitalisés à
dilatation du ventricule. l’Institut de puériculture de Paris du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1993. Les hémorragies in-
traventriculaires bilatérales de même grade ont été comptabilisées une seule fois, celles de grade
✔ Grade IV : HIV de grade II ou III
différent selon le côté ont été comptabilisées dans chacune des catégories correspondantes.
associée à une hyperéchogénicité
franche localisée à l’angle externe Dilatation
du ventricule. Cette zone Âge gestationnel HIV I HIV II HIV III ventriculaire
> 10 mm
hyperéchogène correspond à un
infarctus veineux secondaire à une < 28 semaines 26,5 % 40,5 % 3% 2,5 %
gêne au retour veineux, engendrée (n = 403)
par l’hémorragie ventriculaire sous 28-30 semaines + 6 jours 28,5 % 43 % 3,2 % 2%
tension. Ce type d’hémorragie, (n = 877)
associé à une atteinte de la 31-32 semaines + 6 jours 21,5 % 23,5 % 0,7 % 0,7 %
substance blanche, a un pronostic (n = 979)
beaucoup plus proche de celui des 33-36 semaines + 6 jours 10 % 10 % 0,4 % 0,5 %
leucomalacies que de celui des HIV. (n = 1948)

6
Prématurité - 8-0320

Tableau VI. – Prévalence des leucomalacies chez 4 207 prétermes hospitalisés à l’Institut de puéri- L’hyperoxémie entraîne une
culture de Paris entre le 1er janvier 1987 et le 31 décembre 1993.
vasoconstriction artériolaire rétinienne
Leucomalacies cavitaires Leucomalacies avec phénomène d’ischémie-
non cavitaires reperfusion, primum movens de la
Âge gestationnel périventriculaire sous-corticale mixte
maladie qui évolue en cinq stades, et
< 28 semaines 9,9 % 0% 0,5 % 11,7 % dont les premières manifestations,
(n = 403)
visibles à l’examen du fond d’œil,
28-30 semaines + 6 jours 13 % 0,3 % 0,7 % 13 % apparaissent entre 3 et 5 semaines.
(n = 877) ✔ Stade I : multiplication et dilatation
31-32 semaines + 6 jours 6,7 % 0% 0,3 % 10 % vasculaire terminale dans le champ
(n = 979) temporal.
33-36 semaines + 6 jours 2,2 % 0% 0,3 % 3,6 % ✔ Stade II : saillie grisâtre
(n = 1948) périphérique temporale avec début
de néovascularisation.
sous-corticales sont plus à distance dans la région de la ment normal, un (1,1 %) enfant autiste et trois (3,3 %) ✔ Stade III : véritable bourrelet
substance blanche proche du cortex cérébral. enfants avec des anomalies transitoires de la première périphérique avec néovascularisation
année.
¶ Prévalence des leucomalacies s’étendant vers le pôle postérieur.
La prévalence des leucomalacies cavitaires et non Rétinopathie du préterme ✔ Stade IV : décollement partiel de la
cavitaires observées dans une population de 4 207 rétine par traction fibreuse et
prétermes hospitalisés à l’Institut de puériculture de La rétinopathie du préterme n’est pas une
complication neurologique à proprement parler. Il exsudation choroïdienne.
Paris, entre le 1er janvier 1987 et le 31 décembre
1993, et ayant fait l’objet d’une surveillance s’agit d’une complication sensorielle de la prématurité ✔ Stade V : poussée gliale avec
échographique prospective est exprimée sur le liée à une atteinte rétinienne secondaire à une décollement rétinien et formation
tableau VI. hyperoxémie. Elle touche le préterme avec une d’une membrane avasculaire. C’est
fréquence et une sévérité inversement proportionnel- le stade de la fibroplasie rétrolentale
¶ Pronostic des leucomalacies les à l’âge gestationnel. Chez les plus immatures, elle
Le pronostic des leucomalacies dépend de leur avec cécité complète et définitive.
peut survenir en l’absence de toute supplémentation
aspect échographique (cavitaire ou non), de leur type en oxygène, dès l’instant que ces enfants ont eu une
La rétinopathie du préterme est une
(périventriculaire, sous-cortical ou mixte), de leur assistance respiratoire en pression positive (ventilation maladie évolutive sur plusieurs
localisation (pariétale, occipitale, temporale ou assistée, pression positive continue par voie semaines. Les stades I, II et III
frontale), de leur uni- ou bilatéralité et de leur étendue. endotrachéale ou nasale...). Sa prévention est régressent dans 60 % des cas, avec
Les leucomalacies cavitaires pariétales sont les essentielle et possible grâce à une stricte surveillance guérison complète et vision normale.
plus fréquentes. Elles entraînent un syndrome de l’état d’oxygénation des prétermes sous assistance
pyramidal dont la gravité est fonction de l’étendue et ventilatoire par l’utilisation des électrodes de mesure
de l’uni- ou bilatéralité des lésions. Les formes transcutanée de la PO2. Son dépistage, au cours de la d’analyse comporte une part importante de
strictement unilatérales sont responsables d’une période néonatale, doit être réalisé par des contrôles subjectivité qui aboutit à ce que certains enfants ayant
atteinte motrice unilatérale, controlatérale, le plus réguliers du fond d’œil. des séquelles considérées comme non ou peu
souvent modérée et autorisant l’acquisition d’une invalidantes soient recensés avec les enfants
La fréquence de cette pathologie est très variable
marche autonome. Les formes pariétales bilatérales « normaux ».
selon les études publiées. À l’Institut de puériculture de
entraînent des atteintes plus sévères à type de Enfin, les études de devenir sont publiées avec un
Paris, du 1er janvier 1992 au 30 juin 1995, nous avons
paraplégie spastique (syndrome de Little), avec ou sans délai d’environ 5 ans par rapport à l’année de
observé 21 cas de rétinopathies, toutes de stade
possibilité d’acquérir la marche, voire de quadriplégie. naissance de la cohorte étudiée. Ce délai est nécessaire
inférieur à IV. Elles ont toutes régressé spontanément
Les lésions occipitales entraînent une atteinte de la pour avoir un recul suffisant pour apprécier la réalité et
(stade I), sans qu’aucun traitement par laser ou
fonction visuelle (acuité et/ou oculomotricité). Les l’importance des séquelles neurologiques éventuelles.
cryothérapie ait été nécessaire.
atteintes temporales sont exceptionnellement isolées, Dans ces conditions, il est aléatoire d’extrapoler ces
elles sont responsables d’une déficience auditive. Les résultats aux enfants qui naissent au moment de la


atteintes frontales pures n’entraînent pas de séquelles publication et dont les modalités de prise en charge
motrices ou sensorielles, leur nombre est trop restreint Devenir des prétermes vont être notablement différentes.
et le recul insuffisant pour être sûr qu’elles ne puissent Pour toutes ces raisons, certains proposent une
être responsables de troubles cognitifs ou approche différente du risque « actuel » de la
psychiatriques. Des déficits intellectuels plus ou moins prématurité à partir du taux de mortalité pendant la
sévères peuvent s’observer dans les formes bilatérales. Analyser les risques « actuels » d’une naissance période d’hospitalisation et du taux de survivants
Dans notre population d’enfants survivants et atteints prématurée passe idéalement par une étude en ayant des anomalies échographiques cérébrales qui
de lésions de leucomalacie cavitaire, 39,5 % ont une fonction de l’âge gestationnel de la mortalité infantile exposent à la survenue de séquelles neurodéveloppe-
infirmité motrice pure et 42,5 % ont un déficit (0 à 1 an) et des taux de pathologies séquellaires, en mentales plus ou moins sévères.
psychomoteur sévère, associant des atteintes motrices particulier neurodéveloppementales à l’âge d’au Certaines pathologies observées en cours
et intellectuelles, soit un taux de séquelles de 82 %. Les moins 2 ans, des enfants nés prématurément dans les d’hospitalisation ont une excellente sensibilité et
enfants indemnes avaient tous une atteinte frontale années précédentes les plus récentes. spécificité en matière d’évaluation du risque de
pure. Or une telle analyse se heurte à de multiples survenue de séquelles neurodéveloppementales. C’est
Les leucomalacies non cavitaires ont un pronostic obstacles. en particulier le cas des hémorragies intraventriculaires
nettement meilleur. Dans une population de 89 La majorité des études du devenir des prétermes, de grade III et IV, des leucomalacies cavitaires dans les
enfants hospitalisés à l’Institut de puériculture et ayant en particulier dans la littérature anglo-saxonne, est territoires autres que les lobes frontaux, des
des images échographiques hyperéchogènes réalisée par catégorie de poids de naissance et non hématomes intracérébraux et des atrophies
persistantes, évocatrices de lésions de leucomalacies pas d’âge gestationnel. Ainsi, ces études confondent, cérébrales. Les survivants ayant de telles lésions
non cavitaires pariétales, nous avons observé, après dans une certaine mesure, le pronostic des prétermes auront des séquelles neurodéveloppementales
un recul de 2 ans : 59 (63 %) enfants indemnes de et celui des nouveau-nés hypotrophiques. d’autant plus sévères que la lésion est plus étendue et
toute séquelle neurodéveloppementale, sept (7,8 %) Le recensement des pathologies séquellaires bilatérale.
enfants avec un retard de développement sans neurodéveloppementales est parfois réalisé en terme D’autres lésions, tout en ayant une moins bonne
atteinte motrice, sept (7,8 %) enfants avec une de handicap, c’est-à-dire de gêne fonctionnelle spécificité, constituent néanmoins un risque non
instabilité psychomotrice à quotient de développe- entraînée par une pathologie séquellaire : ce type négligeable de séquelles. C’est le cas des

7
8-0320 - Prématurité

hyperéchogénicités durables (20 % de séquelles), des


dilatations ventriculaires supérieures à 10 mm, des 100 %
accidents de thrombose vasculaire cérébrale isolée
unilatérale...
Inversement, certains prétermes n’ont présenté, au
cours de leur hospitalisation, aucune des anomalies 90 %
précédemment citées : ils sont à faible risque de
séquelle neurodéveloppementale.

‚ Mortalité et pathologies en cours


80 % 40 42
d’hospitalisation des prétermes
hospitalisés à l’Institut de puériculture
de Paris en 1992-1995 53
La figure 2 exprime les taux de mortalité et de 70 % 59 61
pathologies cérébrales exposant à un risque important
de séquelles neurodéveloppementales observés au
70
cours de l’hospitalisation chez 2 445 prétermes admis
à l’Institut de puériculture de Paris, entre le 1er janvier 60 % 79
1992 et le 31 décembre 1995. 82
4
Quelques points méritent d’être soulignés : 89
– la moitié des décès ont été consécutifs à une 94
décision de non-recours ou d’arrêt des techniques de 50 %
réanimation, le plus souvent (43 % des décès) en
raison de lésions échographiques cérébrales majeures. 21
Si, comme aux États-Unis, la réanimation de ces
enfants avait été poursuivie, les taux de mortalité 40 % 6 20 1
seraient moindres (environ de moitié), mais avec un
taux de survivants avec lésions cérébrales majeures
proportionnellement augmenté. Ces enfants 9
5 0,5
survivants auraient développé les handicaps les plus 30 % 60
lourds. Ceci souligne l’importance de l’attitude éthique 2 4
des équipes médicales vis-à-vis du devenir des 15
prétermes ; 0,5
– le taux de survivants sans anomalies 20 %
35 6 1
neurologiques décelées au cours de l’hospitalisation
dépasse 50 % dès 27 semaines d’âge gestationnel. On 28 1,6 6
26 2,3
peut même considérer que cette barrière des 50 % est 24 1,4
dépassée dès 26 semaines si l’on ajoute aux 10 %
4
prétermes indemnes les deux tiers de ceux qui, bien 14
12 2,4 1
qu’ayant des images échographiques évocatrices de 9 2
leucomalacie non cavitaire, ne développeront pas de 4
0% 2
séquelles. < 25 s 25 s 26 s 27 s 28 s 29 s 30 s 31 s 32 s 33-36 s 6 j
(n = 5) (n = 17) (n = 57) (n = 97) (n = 162) (n = 192) (n = 218) (n = 280) (n = 290) (n = 1127)
‚ Devenir à l’âge scolaire
Vivants sans anomalies aux ETF ni autres pathologies sous-citées en cours d'hospitalisation.
Les études du devenir à l’âge scolaire sont
beaucoup moins nombreuses et publiées avec un Vivants ayant présenté en cours d'hospitalisation des convulsions, des PPR > 1/min, une
délai de près de 10 ans par rapport à l’année de hypotonie massive, une méningite néonatale, ou encore une pathologie oculaire durable, isolées.
naissance des sujets étudiés. En conséquence, et plus Vivants avec hyperéchogénicité périventriculaire de durée > 7 j et/ou dilatation ventriculaire
encore que pour l’étude du devenir neurodéveloppe- > 10 mm, ou autre anomalie isolée à l'ETF
mental à l’âge de 2-3 ans, il est extrêmement Vivants avec hémorragie intraventriculaire III et/ou porencéphalie et/ou hématome intracrânien
hasardeux d’extrapoler ces résultats aux prétermes
Morts en cours d'hospitalisation
pris en charge au moment de la publication, tant les
techniques de prise en charge des prétermes ont 2 Mortalité en cours d’hospitalisation de 2 445 prétermes hospitalisés au centre néonatal de l’Institut
évolué en 10 ans. De plus, l’interprétation du rôle de puériculture de Paris, du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1995, et pathologies en cours d’hospitalisation
direct joué par la prématurité dans le devenir à l’âge exposant les survivants à des séquelles neurosensorielles : résultats par catégories d’âge gestationnel.
scolaire se heurte au rôle majeur de certains facteurs
environnementaux défavorables, non spécifiques aux
prétermes, mais qui peuvent être un facteur
étude anglaise réalisée chez des prétermes de moins doigts, de troubles de la coordination main-œil, de
étiologique de naissance prématurée et être ainsi plus
de 1250 g, nés en 1980-1981 et indemnes de handi- dyspraxie buccale et linguale, d’astéréognosie
fréquemment retrouvés chez les prétermes. C’est
cap moteur ou sensoriel, note que 45 % des enfants digitomanuelle... ;
principalement le cas du niveau socioéconomique et
ont des difficultés dans plus de deux matières scolaires, – périmètre crânien inférieur à -2 DS ;
culturel parental.
contre 19 % chez les témoins. – troubles du comportement à type de défaut
Une étude canadienne portant sur des prétermes
Certains facteurs de risque constatés après la d’attention ou d’hyperactivité.
de poids de naissance inférieur à 1000 g, nés entre
1977 et 1981, retrouve 20 à 28 % d’enfants qui, à période néonatale ont été identifiés comme étant
directement corrélés à la survenue de difficultés


l’âge de 8 ans, ont des résultats inférieurs à -2
déviation standard (DS) aux tests de lecture, scolaires : Suivi du préterme après
d’orthographe et de mathématiques, contre 3 à 10 % – séquelles neuromotrices ou sensorielles ; l’hospitalisation
chez les témoins. – anomalie neuromotrice transitoire de la première
Une étude australienne sur une population année ;
comparable révèle que 11 % des enfants nécessitent – troubles du langage ; Après leur hospitalisation, et principalement
une école spécialisée et 19 % ont un retard scolaire – certains signes neurologiques mineurs, de pendant leur première année de vie, les prétermes
d’environ 18 mois par rapport à leur âge légal. Une révélation parfois tardive, à type de dyspraxie fine des doivent être surveillés d’une façon spécifique en raison

8
Prématurité - 8-0320

de risques pathologiques multiples : respiratoires, En cas d’allaitement maternel exclusif, une


nutritionnels, digestifs, etc. Ce sont en fait les risques supplémentation en vitamine K est également Parmi les mesures préventives
neurodéveloppementaux qui sont les plus à craindre nécessaire (5 mg/semaine per os). élémentaires, il est souhaitable, si le
et qui doivent faire l’objet d’un dépistage et d’une prise Le passage à une formule lactée 2e âge est préterme ne peut être gardé à
en charge précoce. Cette surveillance, parfois souhaitable vers 2-3 mois d’âge corrigé afin d’assurer
domicile, qu’il soit placé dans des
coordonnée par le centre de néonatalogie, est des apports protidiques plus élevés. Elle sera
fréquemment assurée par différents intervenants : poursuivie jusqu’à l’âge réel de 1 an.
stuctures à petit effectif (nourrice,
pédiatres libéraux, médecins de centre de PMI, La diversification de l’alimentation ne doit pas être crèche familial), en évitant les crèches
médecins généralistes. Il est essentiel que tout trop précoce ni trop rapide afin de ne pas diminuer collectives, sources de fréquentes
médecin mis en présence d’un ancien préterme sache l’apport lacté et calorique. Celle-ci peut être débutée à contaminations. Le tabagisme passif
aborder cet enfant et ses parents, car un accompagne- 3 mois d’âge corrigé et suivre un schéma classique. doit être impérativement éliminé.
ment précoce et prolongé sur le plan médico-psycho-
‚ Vaccinations Enfin, le calendrier vaccinal doit être
social est essentiel pour préserver l’avenir de ces
enfants. L’âge approprié pour commencer les vaccinations
respecté sans délai.
chez le préterme est mal connu. Il n’existe aucune
‚ Surveillance de la croissance relation linéaire entre l’âge gestationnel, le titre en d’inhalation, est souvent bénéfique pour lutter contre
L’acquisition de mensurations normales (poids, anticorps et l’âge de début de la vaccination. Il est les phénomènes d’hyperréactivité bronchique. Ce type
taille, périmètre crânien) pour l’âge légal est un des cependant essentiel de protéger le préterme contre les de traitement peut être utilisé ponctuellement à
objectifs principaux de la première année de vie du agents infectieux à tropisme respiratoire (coqueluche, l’occasion d’un épisode infectieux, ou en traitement
préterme. Haemophilus B, rougeole...), et ce d’autant plus qu’il a prolongé préventif chez les sujets ayant une
eu, en période néonatale, des complications symptomatologie « d’équivalent asthmatique » et/ou
respiratoires. chez ceux ayant une dysplasie bronchopulmonaire
La surveillance de la croissance doit Pour ces raisons, l’Académie américaine de sévère.
s’assurer de l’existence d’une courbe pédiatrie recommande la vaccination à partir de l’âge ‚ Surveillance du développement
« de rattrapage » permettant à l’enfant chronologique de 2 mois, sans tenir compte de l’âge neuromoteur et dépistage
gestationnel. Ainsi, le calendrier vaccinal d’un
d’atteindre des mensurations des déficits sensoriels
préterme doit être identique à celui d’un nourrisson né
comprises entre -2 DS et +2 DS pour à terme : Surveillance du développement neuromoteur
son âge légal, avant l’âge de 18 mois. – vaccinations antitétanos, poliomyélite, diphtérie, Un examen neurologique normal à 38-40
coqueluche, Haemophilus B débutées dès le 2-3e mois semaines d’âge corrigé, au moment de la sortie
d’âge réel. L’existence de complications neurologiques d’hospitalisation, n’est pas une garantie absolue de
Au-delà du terme corrigé, cette surveillance se fait
de la prématurité ne constitue pas une contre- normalité du développement neurologique ultérieure.
sur les courbes standard de croissance postnatale, à la
indication de la vaccination anticoquelucheuse sous À l’inverse, certaines anomalies cliniques précoces
fois selon l’âge légal et selon l’âge corrigé. Les enfants
traitement prophylactique de la fièvre réactionnelle. Le peuvent être transitoires. En conséquence, il est
qui n’ont pas souffert de retard de croissance anté- ou
vaccin actuel va être très prochainement remplacé par essentiel d’assurer un suivi neurodéveloppemental
postnatal doivent avoir une vitesse de croissance
le vaccin acellulaire, beaucoup mieux toléré ; prolongé, en particulier tout au long de la première
légèrement supérieure à la normale pour leur âge
– vaccinations antirougeole, rubéole, oreillons à année. Celui-ci permettra de vérifier la persistance ou
corrigé. Celle-ci doit être très accélérée chez les autres.
partir de 9 mois d’âge réel ; non d’un développement normal constaté pendant la
Le rattrapage du périmètre crânien doit être plus
– vaccination par le BCG avant l’entrée en durée de l’hospitalisation, ou d’apprécier l’évolution
précoce, et son insuffisance de développement fait
collectivité ; vers le retour à la normale ou vers l’infirmité motrice
toujours craindre l’existence de lésions cérébrales à
– la vaccination antigrippale est utile les premiers cérébrale en cas d’anomalies neuromotrices
type d’atrophie corticale ou sous-corticale, sources de
hivers chez les prétermes ayant eu une dysplasie observées.
séquelles neurodéveloppementales graves.
bronchopulmonaire sévère ; Les acquisitions motrices doivent respecter un
Selon une enquête réalisée chez des prétermes nés
– la vaccination contre le virus de l’hépatite B peut schéma physiologique avec progression dans le sens
avant 33 semaines d’aménorrhée, en 1985, dans la
être faite comme chez n’importe quel enfant. céphalocaudal, de telle sorte que l’enfant tient sa tête
région parisienne, à 1 an d’âge corrigé, 92,5 % d’entre
avant de se tenir assis puis de se mettre debout. Les
eux avaient un poids normal, 88,4 % une taille ‚ Prévention et prise en charge
nourrissons atteints de paraplégie spastique ont
normale et 90 % un périmètre crânien normal. des problèmes respiratoires
tendance à se tenir debout sur la pointe des pieds
L’existence d’une insuffisance de croissance chez un Les prétermes qui ont présenté une détresse lorsqu’on les maintient par les épaules, avant d’avoir
ancien préterme doit avant tout faire rechercher une respiratoire néonatale sont particulièrement exposés à acquis la position assise.
carence d’apport nutritionnel. Une fois celle-ci la survenue d’infections respiratoires (notamment à Il peut être très difficile d’affirmer ou d’infirmer
éliminée, l’enquête étiologique doit être menée virus respiratoire syncytial) au cours de leurs 2-3 l’existence et la profondeur d’un handicap avant 9
comme chez n’importe quel nourrisson ayant un premières années de vie. L’insuffisance du transfert mois d’âge corrigé. Il est toujours nécessaire
retard de croissance postnatal. Après un bilan complet transplacentaire des IgG maternelles, le retard à d’examiner l’enfant à plusieurs reprises à quelques
destiné à éliminer une pathologie intriquée, un l’apparition des IgM et des IgA sécrétoires, le faible semaines d’intervalle. Au cours des premiers mois, il
traitement par hormone de croissance peut calibre des voies respiratoires, source d’encombre- est préférable de s’attacher à mettre en évidence les
éventuellement être proposé aux enfants qui gardent, ment, et une fréquente hyperréactivité bronchique signes de normalité motrice, et de ne pas considérer
au-delà de l’âge de 3 ans, une taille inférieure à -2 DS. expliquent cette particulière sensibilité aux infections. comme handicap définitif des anomalies qui, dans un
L’existence d’une dysplasie bronchopulmonaire certain nombre de cas, seront transitoires. Ceci afin de
‚ Adaptation du régime alimentaire
majore considérablement ce risque ; 30 % des porter un regard positif sur le développement de
Au décours de l’hospitalisation, et en l’absence nourrissons hospitalisés pour une bronchiolite sont l’enfant et de réassurer le lien parents-enfant. En cas
d’allaitement maternel, une formule lactée 1er âge des anciens prétermes, et 35 % des prétermes de d’anomalie, la confirmation du diagnostic,
peut prendre le relais d’une formule lactée pour moins de 1001 g de poids de naissance sont l’établissement du pronostic et la prise en charge à
prématuré dès que le préterme a atteint son terme réhospitalisés au moins une fois pour une long terme seront au mieux assurés par des équipes
corrigé, ou qu’il pèse plus de 3 kg. Les quantités bronchopneumopathie infectieuse. spécialisées multidisciplinaires, telles que les centres
journalières doivent être de 150 à 180 mL/kg. La survenue d’une infection respiratoire nécessite, d’action médicosociale précoce (CAMSP).
Une supplémentation en fer est nécessaire, visant dans la très grande majorité des cas, une
des apports totaux de 2 mg/kg/j jusqu’au passage à antibiothérapie orale à large spectre, associée à des Dépistage des déficits sensoriels
une formule lactée 2e âge, riche en fer. séances de kinésithérapie respiratoire, réalisées par un Les principales anomalies de la fonction visuelle
La supplémentation en vitamine D est indispensa- kinésithérapeute formé aux techniques particulières menaçant le préterme sont la myopie (deux fois plus
ble (1200 UI/j). qui doivent être utilisées chez les nourrissons. Une fréquente), un strabisme (deux à trois fois plus
L’apport de vitamines A, E et C ne se justifie que prescription de corticoïdes et de bronchodilatateurs fréquent) et les lésions vasculaires et rétiniennes
chez les enfants nourris au sein. inhalés, administrés par l’intermédiaire d’une chambre séquellaires de rétinopathie.

9
8-0320 - Prématurité

9-10 mois d’âge réel, avec étude du réflexe nourrisson. Il faut toutefois souligner la sensibilité
L’examen neuromoteur de l’ancien photomoteur, de la qualité de la fixation et de la particulière du préterme aux inconvénients
préterme au cours de la première poursuite oculaire œil par œil, évaluation de l’acuité orthopédiques du traitement postural (proclive ventral
année de vie inclut : visuelle et recherche d’un strabisme par test à l’écran et 30°) : rotation externe des membres inférieurs avec
examen des reflets cornéens. Tout strabisme, constant valgus des pieds, rétraction des trapèzes avec
✔ la mesure du périmètre crânien qui
avant 6 mois ou inconstant après 6 mois, est membres supérieurs en chandelier. Ces malpositions
doit atteindre, le plus rapidement pathologique. En cas d’anomalie, une étude de la sont réversibles à l’arrêt du traitement postural qu’il
possible, une mensuration normale réfraction est nécessaire. À l’âge de 2 ans, l’acuité faut tenter d’arrêter vers 5-6 mois si la symptomatolo-
pour l’âge chronologique ; visuelle peut être contrôlée par réponse verbale ou gie le permet.
✔ l’étude du contact oculaire et de la appariement d’images. Ce n’est que vers 4 ans qu’un Les hernies inguinales et de l’ovaire uni- ou
poursuite oculaire à l’aide d’une examen au verre à trois miroirs permet de visualiser bilatérales sont également très fréquentes. Leur
d’éventuelles lésions minimes de la périphérie prévalence chez les prétermes hospitalisés à l’Institut
cible concentrique noire et blanche :
rétinienne. de puériculture, entre 1992 et 1995, a été de 13,5 %
très tôt (34 semaines d’âge corrigé), Le risque de déficience auditive chez le préterme est chez les moins de 28 semaines, de 10,7 % chez ceux
l’enfant peut suivre la cible dans le d’environ 1 %. Les tests de dépistage réalisés en cours de 28 à 32 semaines et 6 jours, et de 4 % chez les plus
regard horizontal et vertical, avec d’hospitalisation (otoémissions) permettent de repérer de 32 semaines. Les hernies de l’ovaire constituent
mouvement accompagnateur de la les enfants pour lesquels il existe un doute. Seuls 5 à une semi-urgence en raison de leur risque gonadique.
tête ; 10 % des cas « douteux » s’avéreront réellement Les hernies inguinales ne constituent une urgence
✔ l’étude du tonus axial par la sourds. Un bilan systématique, réalisé au 9e mois, qu’en cas d’étranglement, mais elles doivent être
étudie le comportement de l’enfant vis-à-vis du monde opérées dans les meilleures conditions, c’est-à-dire « à
manœuvre du tiré-assis et le
sonore (réponse à la voix et aux jouets sonores). Le froid », et donc sans laisser le temps à un épisode
redressement en position ventral : même bilan est répété à l’âge de 2 ans, associé à d’étranglement de survenir. Ces enfants doivent être
l’enfant acquiert progressivement, l’étude du langage débutant. En cas d’anomalie, un confiés à des équipes chirurgicales, et surtout
au cours des premiers mois, un examen otoscopique est indispensable avant l’étude anesthésiques, spécialisées. Une intervention
équilibre entre le tonus des des potentiels évoqués auditifs. Les otites séreuses programmée peut être faite sous rachianesthésie, ce
extenseurs et celui des fléchisseurs sont fréquentes chez les sujets ayant eu une intubation qui est toujours préférable, surtout en cas de dysplasie
de la nuque, qui va lui permettre de endotrachéale en période néonatale. bronchopulmonaire.
L’hyperréactivité vagale rencontrée chez le
maintenir sa tête dans l’axe ; une ‚ Prématurité et mort subite
préterme disparaît généralement à l’approche de son
hypertonie des extenseurs de l’axe du nourrisson (MSN)
terme corrigé, lorsque la maturation des systèmes
est toujours anormale ; La mort subite est actuellement la modalité de sympathique et parasympathique arrive à l’équilibre.
✔ l’étude du tonus des membres décès postnéonatal (29 jours à 1 an) la plus Cependant, certains d’entre eux vont garder une
inférieurs à la recherche d’une fréquemment observée chez les nourrissons. Si elle hyperréactivité vagale nécessitant un traitement de
hypertonie pathologique des reste encore inexpliquée dans 25 à 40 % des cas, plusieurs mois. Le diphémanil (Prantalt) est
toutes les études retrouvent comme facteur de risque l’atropinique de synthèse généralement prescrit, à la
adducteurs (angle des adducteurs) de mort subite une naissance prématurée et/ou un dose de 3 à 10 mg/kg/24 heures per os en deux ou
et/ou des triceps (angle pied-jambe). retard de croissance intra-utérin. Le risque de MSN est trois prises. Des effets indésirables graves ont été
En cas de paraplégie spastique d’autant plus grand que l’âge gestationnel et/ou le décrits, surtout chez les prétermes. En dehors des
grave, l’enfant se positionne les poids de naissance sont faibles, surtout si l’évolution a complications digestives à type de ralentissement du
jambes croisées « en ciseaux », avec été compliquée d’une dysplasie bronchopulmonaire. transit, des blocs auriculoventriculaires et des torsades
équinisme lors de la manœuvre de Actuellement, avec d’une part l’amélioration de la de pointes ont été rapportés. Pour ces raisons,
compréhension des facteurs de risque de MSN et de certaines précautions doivent être prises : contre-
suspension verticale ;
l’information des parents vis-à-vis de certaines indication formelle du Prantalt en cas de QT long (un
✔ l’étude du tonus et de la motricité pratiques à risque, et d’autre part une amélioration de électrocardiogramme doit être systématiquement fait
des membres supérieurs : grasping, la prise en charge des dysplasies bronchopulmonaires avant tout début de traitement et toute augmentation
signe du foulard, ouverture au décours de l’hospitalisation, le risque de mort de posologie, ainsi que 48 heures après pour vérifier
spontanée des mains et capacité de subite chez les prétermes est estimé multiplié par que le QT corrigé est < 0,45 s) ; ne pas dépasser une
mouvements déliés et asynchrones deux à trois par rapport à la population générale. posologie de 10mg/kg/24 heures ; éviter toute
des doigts et des deux mains, et plus ‚ Autres pathologies fréquentes association avec des produits susceptibles d’allonger le
tard, capacité de préhension de plus chez l’ancien préterme QT (en particulier cisapride, Prepulsidt, et macrolides).
en plus fine. L’anémie du nourrisson doit être prévenue par une
Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est particulière-
supplémentation en fer systématique (2 mg/kg/j)
ment fréquent chez les prétermes, et ce d’autant plus
jusqu’à l’introduction d’un lait 2e âge.
qu’ils ont une dysplasie bronchopulmonaire avec
La rétinopathie doit être dépistée et prise en charge distension pulmonaire, source d’abaissement du
dès la période néonatale. Mais il s’agit d’une diaphragme. La symptomatologie de RGO peut parfois
pathologie évolutive et d’apparition plus ou moins ne se révéler qu’après la période d’hospitalisation.
retardée nécessitant une surveillance à long terme. Passé la période néonatale, le diagnostic et la prise en Les références bibliographiques sont à consulter sur demande
Même en l’absence de rétinopathie connue, un charge thérapeutique du RGO ne diffèrent pas des dans « Prématurité », fascicule 4-002-5-30 de l’encyclopédie
premier bilan doit être systématiquement fait vers techniques et moyens utilisés habituellement chez le Médico-chirurgicale.

Jean-François Magny : Praticien hospitalier, chef de service adjoint.


Marcel Voyer : Professeur des Universités, praticien hospitalier,
chef de service du centre néonatal de l’Institut de puériculture de Paris.
François Kieffer : Chef de clinique-assistant.
Yves Coatantiec : Chef de clinique-assistant.
Institut de puériculture de Paris, 26, boulevard Brune, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JF Magny, M Voyer, F Kieffer et Y Coatantiec. Prématurité.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0320, 1998, 10 p

10
8-0380
8-0380

Rubéole congénitale
Encyclopédie Pratique de Médecine

V Mirlesse, F Jacquemard, F Daffos

L a rubéole congénitale constitue la plus classique des atteintes infectieuses embryofœtales. Elle peut se traduire
par la mort in utero, des anomalies cliniques multiples (neurologiques, ophtalmologiques, cardiaques...) ou
par une surdité isolée, habituellement de survenue tardive. Il n’existe aucun traitement spécifique de la rubéole
congénitale ; la notion d’un traitement préventif systématique par la vaccination prend donc ici tout son intérêt.
© Elsevier, Paris.


part, et par inoculation à des cellules amniotiques
Épidémiologie humaines d’autre part. Il n’existe pas de modèle Tableau I. – Risque de passage transplacen-
taire du virus de la rubéole en fonction du
animal du syndrome de rubéole congénitale.
terme de la grossesse.
C’est en 1941 qu’un ophtalmologiste du nom de


Infection fœtale (%)
Gregg [7] décrit l’association entre la rubéole Terme de la
Mode de transmission grossesse (SA) D’après Miller D’après Daffos
maternelle et la survenue de malformations fœtales. et al et al
Cette étude faisait suite à une épidémie de rubéole
après laquelle bon nombre de nouveau-nés < 12 − 57 (31/54)
< 13

}
L’infection congénitale se produit par passage 90 (9/10)
présentaient une cataracte congénitale. L’ensemble
transplacentaire du virus, contemporain de la 13-14 67 (4/6)
du syndrome n’a toutefois été décrit qu’après 15-16 67 (12/18) 67 (44/65)
l’épidémie mondiale de rubéole de 1962. Cette virémie maternelle. Le virus a été mis en évidence
17-18 47 (17/36)
épidémie a touché environ 12,5 millions de sujets, dans certains prélèvements de villosités choriales ou 19-20 39 (13/33)
entraînant 11 000 morts fœtales et la naissance dans les produits d’avortement, mais de façon 21-24 34 (20/59)
inconstante [5]. 25-28 25 (8/32)
d’environ 20 000 enfants atteints de rubéole
29-32 35 (11/31)
congénitale. 33-38 60 (15/25)
Dans les années qui suivirent, la mise au point La contamination est avant tout de > 38 100 (8/8)
d’une vaccination efficace a permis une diminution
type oropharyngé, à partir d’individus
radicale des cas de rubéole chez les femmes en âge
infectés. Le virus envahit le – la gravité de l’atteinte fœtale diminue avec le
de procréer, et une franche diminution des surdités
nasopharynx puis les muqueuses. La terme.
d’origine rubéolique [10].
virémie débute 7 jours après la Les études de Daffos et al [3], basées sur les
contamination et dure 7 à 10 jours, données biologiques fœtales, viennent modifier ces
L’incidence de la rubéole congénitale mais cesse généralement 1 à 2 jours données statistiques in vivo.
aux États-unis était évaluée à 0,05 / après l’apparition de l’éruption. Elles reposent sur la pratique de 119 diagnostics
100 000 naissances en 1987. Dans de Le virus peut cependant être retrouvé prénatals de rubéole :
vastes zones géographiques dans le dans l’oropharynx de 7 jours avant à 5 ■ séroconversions intervenues avant 12
monde, l’embryofœtopathie rubéolique jours après l’éruption, période pendant semaines d’aménorrhée (SA) : 54 diagnostics ont été
reste néanmoins une réalité laquelle le patient est contaminant. En réalisés :
dramatique par sa fréquence, sa effet, la rubéole est extrêmement – 31 diagnostics d’infections fœtales ont été
gravité et l’absence de politique de contagieuse, même si elle reste portés (57 %), 30 grossesses ont été interrompues ;
asymptomatique dans 25 à 30 % des une mère a poursuivi sa grossesse, l’enfant est né
santé publique permettant sa
cas [4]. bien portant, bien que l’infection néonatale ait été
prévention.
confirmée, posant le problème fort intéressant des
guérisons in utero ;


Le virus a pu être isolé des sécrétions – 23 diagnostics restants étaient négatifs (43 %) ;
Biologie endocervicales, ce qui rend possible une parmi eux, un enfant est né avec une rubéole
contamination per partum. Le risque de congénitale. Ce faux négatif a été réalisé au début de
contamination lors de l’allaitement existe également. notre expérience, à l’époque où nos connaissances
Le virus de la rubéole a été isolé en 1962. Il s’agit Deux points doivent être soulignés : sur la réponse immune fœtale étaient insuffisantes ;
© Elsevier, Paris

d’un virus à acide rhibonucléique (ARN) de 58 nm, – le risque de passage transplacentaire est nous avons dosé trop précocement les IgM ; cet
appartenant à la famille Togaviridae, genre maximal en début et en fin de grossesse. Le tableau I enfant est né avec un retard de croissance et une
Rubivirus, dont il n’existe qu’un seul type rapporte la fréquence des infections fœtales en myocardite ;
sérologique. L’isolement du virus a été réalisé en fonction du terme d’après les études de Miller et ■ séroconversions intervenues entre 13 et 18
1962 sur culture cellulaire de rein de singe d’une Pollock de 1982 [9] ; SA : 65 diagnostics ont été réalisés :

1
8-0380 - Rubéole congénitale

– 29 diagnostics étaient positifs (44 %), ‚ Fœtus


conduisant à 15 interruptions de grossesse. Tableau II. – Manifestations cliniques de la
rubéole congénitale. Le bilan de la contamination fœtale se fait sur
Quatorze grossesses ont été poursuivies ; parmi sang fœtal à partir de 20 SA.
elles, deux enfants présentent une surdité sévère, Générales Après contrôle de la pureté du prélèvement,
dont un dès la naissance ; Retard de croissance intra-utérin l’échantillon de sang fœtal est analysé à la
– 36 diagnostics étaient négatifs (56 %) et tous Fausse couche spontanée
recherche :
les enfants bien portants à la naissance. Mort in utero
■ de signes spécifiques d’infection :
Neurologiques – présence d’IgM spécifiques ;
Surdité
Il n’a jamais été décrit de – cultures virales ;
Méningoencéphalite, microcéphalie, calcifica-
contamination embryonnaire lorsque tions intracrâniennes ■ de signes non spécifiques :
l’éruption survenait au moment des Retard psychomoteur, troubles du comportement, – dosage de l’interféron plasmatique fœtal [8] ;
autisme, hypotonie, défaut d’élocution – anomalies hématologiques ou biochimiques
dernières règles ou dans les 11 jours
Ophtalmologiques fœtales.
suivants.
Cataracte, rétinopathie, glaucome
Microphtalmie, anomalie de la cornée
Les réinfections rubéoliques maternelles peuvent
L’apparition des IgM spécifiques, en
Cardiaques cas d’infection fœtale, est fonction du
donner lieu à des syndromes de rubéole Persistance du canal artériel, sténose pulmonaire,
congénitale, notamment chez les sujets vaccinés hyperplasie pulmonaire, coarctation de l’aorte,
degré de maturité du système
avec échec de séroconversion, s’il présente une communication interventriculaire ou interauricu- immunitaire fœtal. Elle est donc
réelle augmentation des taux d’IgG (4 dilutions) [2]. laire, myocardite inconstante dans les termes les plus
Hépatiques précoces.


Ictère, hépatosplénomégalie


Manifestations cliniques Hématologiques
Anémie, hémolyse Prise en charge
‚ Mère Divers
Pneumopathie interstitielle, anomalies osseuses, – Lorsque l’infection maternelle a eu lieu entre 11
La principale manifestation rubéolique est une anomalies immunologiques, anomalies endocri- jours après les dernières règles et 11 SA, une
éruption maculaire prurigineuse, débutant sur la face niennes (diabète insulinodépendant, défaut de sé- interruption de grossesse peut être proposée
et s’étendant en 1 à 2 jours vers le tronc et les crétion de l’hormone de croissance, dysthyroïdie)
d’emblée. En effet, la fréquence des infections fœtales
extrémités. Elle peut être précédée d’un malaise avec étant de 90 % et la gravité de l’embryopathie majeure
fièvre, céphalées, conjonctivite, adénopathies dans cette fourchette de terme, il peut paraître inutile
multiples et arthralgies. L’infection maternelle en techniques immunologiques de type Elisa. Les IgM se d’attendre la confirmation diagnostique qui ne peut
cours de grossesse peut aboutir à une fausse couche positivent 15 jours à 3 semaines après le contact être obtenue qu’après 20 SA.
spontanée, à un arrêt de grossesse, à une mort in viral, ou une semaine après l’éruption, et restent – Lorsque l’infection maternelle a eu lieu entre 12
utero, à une infection placentaire sans atteinte positives pendant environ 2 mois (parfois plus et 20 SA, un bilan de contamination fœtale sera
fœtale ou à une atteinte fœtoplacentaire entraînant longtemps) [6]. proposé. Il comprend un double prélèvement de
des lésions variables. liquide amniotique et de sang fœtal réalisé vers 20 SA
Le diagnostic peut également être posé par une
surveillance sérologique plus systématique. Le profil et permet de mettre en évidence une contamination
‚ Nouveau-né
d’évolution des taux d’anticorps est directement lié à fœtale par des signes spécifiques : culture virale dans
Le tableau II résume les manifestations cliniques le liquide amniotique et le sang fœtal (présence d’IgM
la technique employée : inhibition de l’hémaggluti-
accompagnant le syndrome de rubéole congénitale. spécifiques et augmentation de l’interféron total) et de
nation, immunofluorescence, techniques radio-
On peut schématiquement distinguer le tableau signes non spécifiques d’infection (tableau II). En cas
immunologiques ou immuno-enzymatiques.
très sévère des atteintes précoces, associant ces d’infection prouvée entre 12 et 20 SA, l’interruption de
L’ensemble de ces techniques, que nous ne
diverses atteintes, avec 30 % de décès dans les 4 grossesse peut être discutée en fonction des données
détaillerons pas ici, vise à préciser s’il s’agit d’une
premiers mois. précises de chaque cas.
primo-infection ou d’une réinfection, et quelle en est
la date par rapport au terme de la grossesse [2]. – Au-delà de 20 SA, l’infection fœtale n’entraîne
Dans les tableaux moins sévères, la que des formes infracliniques et une simple
manifestation la plus fréquente est la surveillance postnatale est proposée. Les
diminution de l’audition, qui peut Cas particulier des réinfections nouveau-nés infectés sont porteurs du virus durant
maternelles avant 20 SA la première année de vie dans les sécrétions
apparaître de façon très retardée dans
pharyngées, les urines et les selles. Ils doivent donc
la première décade de la vie. Elle peut Les réinfections sont toujours
être maintenus à distance des femmes enceintes
être accompagnée d’autres possibles, notamment chez les
séronégatives.
manifestations neurosensorielles et patientes restées séronégatives après
métaboliques (glaucome, diabète vaccination. Elles s’accompagnent
insulinodépendant, pathologie
thyroïdienne).
d’une élévation des IgG avec ou sans
élévation d’IgM. Dans ce contexte, les
contaminations fœtales semblent

Prévention


rarissimes, même si un syndrome de Ce vaccin doit être effectué chez tout enfant de 15
Diagnostic rubéole congénitale grave est possible mois ; un rappel est préconisé avant l’adolescence, un
et justifie donc un bilan prénatal.
La vaccination antirubéolique est un
‚ Mère vaccin vivant atténué entraînant une
Le diagnostic positif de l’infection maternelle est Les techniques d’études de l’avidité des anticorps immunisation active, efficace à 90 %
simple en présence de l’éruption typique : il s’appuie peuvent, dans certains cas, contribuer à préciser la chez les patientes séronégatives [1].
sur la recherche des IgM spécifiques par des date de séroconversion.

2
Rubéole congénitale - 8-0380

contrôle sérologique sera au mieux pratiqué en serait une indication à interrompre la grossesse ; en volontaires de grossesses ou grossesses extra-utérines.
période prénuptiale ou lors des bilans avant effet il n’a jamais été décrit d’embryofœtopathie L’immunisation passive par injection de
contraception. La vaccination doit s’accompagner de 3 secondaire à une vaccination en début de grossesse. gammaglobulines spécifiques est possible en cas de
mois de contraception dans la mesure où le virus, La vaccination s’impose en post-partum immédiat contage en cours de grossesse. Son rôle sur la
même atténué, traverse le placenta. En aucun cas chez les patientes séronégatives, mais aussi dans les prévention de la contamination fœtale reste
cependant, une vaccination en cours de grossesse ne suites immédiates des fausses couches, interruptions indéterminé.

Véronique Mirlesse : Gynécologue-obstétricienne, médecin assistant.


François Jacquemard : Gynécologue-obstétricien.
Fernand Daffos : Gynécologue-obstétricien, médecin assistant.
Service de diagnostic prénatal et de médecine fœtale, Institut de puériculture de Paris, 26, boulevard Brune, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : V Mirlesse, F Jacquemard et F Daffos. Rubéole congénitale.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0380, 1998, 3 p

Références

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Epidemiol Infect 1991 ; 107 : 1-15 Presence of acid labile alpha interferon in sera from fetuses and children with
congenital Rubella. J Clin Microbiol 1985 ; 21 : 775-778
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Chartier M et al. Prenatal diagnosis of congenital Rubella. Lancet 1984 ; 2 : 1-3 [9] Miller E, Cradock-Watson JE, Pollock TM. Consequences of confirmed ma-
ternal rubella at successive stages of pregnancy. Lancet 1982 ; 2 : 781-786
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firmed periconceptional maternal rubella. Lancet 1988 ; 1 : 1445-1447

[6] Grangeot-Keros L, Pillot J, Daffos F, Forestier F. Prenatal and postnatal pro-


duction of IgM and IgA antibodies to rubella Virus studied bay antibody capture
immunoassay. J Infect Dis 1988 ; 158 : 138-143

3
¶ 8-0370

Toxoplasmose congénitale
F. Kieffer, P. Thulliez, E. Yi-Gallimard, A. Tasseau, S. Romand, F. Jacquemard

La toxoplasmose congénitale résulte d’une transmission verticale de la mère au fœtus du parasite


Toxoplasma gondii après une primo-infection maternelle. Le nombre de nouveaux cas de toxoplasmose
congénitale est estimé à 700 par an en France, soit un taux de 1 pour 1 000 naissances vivantes. Le
risque de contamination fœtale est d’autant plus élevé que le terme est avancé au moment de l’infection
maternelle. À l’inverse, le risque que l’infection fœtale soit sévère décroît avec le terme ; les infections du
troisième trimestre sont le plus souvent asymptomatiques à la naissance. Devant une séroconversion
maternelle, un traitement par spiramycine est débuté pour réduire le risque de transmission
maternofœtale. Le diagnostic biologique d’une infection fœtale repose sur la polymerase chain reaction
sur le liquide amniotique. Devant un diagnostic anténatal positif, un traitement associant de la
sulfadiazine ou de la sulfadoxine et de la pyriméthamine est donné en continu jusqu’à l’accouchement ;
dans les formes sévères, une interruption de la grossesse peut être effectuée. Le traitement postnatal des
infections congénitales prouvées associe en continu un sulfamide et de la pyriméthamine. Il n’élimine pas
le risque de survenue d’une choriorétinite après un délai de plusieurs mois ou années, rendant la
surveillance ophtalmologique systématique indispensable jusqu’à l’âge adulte.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Primo-infection maternelle ; Prévention ; Calcifications cérébrales ; Choriorétinite ;


Pyriméthamine ; Sulfamides

Plan ophtalmologiques de sévérité variable. En raison de son inci-


dence élevée en France, elle fait l’objet d’un programme
national de dépistage chez la femme enceinte.
¶ Introduction 1
¶ Agent pathogène 1
Tachyzoïtes 1 ■ Agent pathogène [1]

Kystes 1
Toxoplasma (T.) gondii est un parasite protozoaire, c’est-à-dire
Oocystes 2
un organisme unicellulaire devant pénétrer dans un autre
¶ Épidémiologie 2 .
organisme vivant pour se reproduire. Il a trois formes évoluti-
¶ Prévention de l’infection 2 ves : tachyzoïtes, bradyzoïtes (contenus dans des kystes tissulai-
Prévention primaire et secondaire 2 res) et oocystes.
Risques et conséquences d’une infection fœtale 2
¶ Diagnostic anténatal 2 Tachyzoïtes
Diagnostic de l’infection maternelle 2
Diagnostic de l’infection fœtale 2 Ils ont une forme d’arc et mesurent 2 à 4 µm de large pour 4
à 8 µm de long. Il s’agit de la forme activement réplicative
¶ Traitement anténatal 3
intracellulaire aboutissant à la mort de la cellule hôte avec une
¶ Diagnostic postnatal 3 invasion rapide des cellules voisines. Ce sont les tachyzoïtes qui
Diagnostic clinique et imagerie 3 sont à l’origine des manifestations cliniques de la toxoplasmose.
Diagnostic biologique 3
Infection congénitale non prouvée à la naissance 3
Infection congénitale prouvée 4 Kystes
¶ Conclusion 6 Ils sont l’aboutissement d’une série de multiplications
asexuées de tachyzoïtes. Chacun mesure 50 à 200 µm, est
entouré d’une membrane épaisse et peut contenir jusqu’à
plusieurs milliers de bradyzoïtes morphologiquement identiques
■ Introduction mais fonctionnellement différents des tachyzoïtes. Les bra-
dyzoïtes restent vivants pendant des années et peuvent se
La toxoplasmose congénitale résulte d’une transmission retransformer en tachyzoïtes, expliquant les manifestations
verticale de la mère au fœtus après une primo-infection mater- tardives des toxoplasmoses congénitales ou les recrudescences
nelle. Elle peut être à l’origine de lésions neurologiques et des infections des patients immunodéprimés. Les kystes sont

Traité de Médecine Akos 1


8-0370 ¶ Toxoplasmose congénitale

présents dans le cerveau et les muscles et sont résistants à Tableau 1.


l’acide chlorhydrique gastrique, rendant possible la contamina- Risque de transmission maternofœtale et d’infection symptomatique en
tion à partir de viande peu cuite. fonction du terme lors de l’infection maternelle [17].
Terme lors Taux de transmission Risque d’infection
Oocystes de l’infection maternofœtale* symptomatique avant l’âge
Ils sont issus d’une multiplication sexuée qui n’intervient que maternelle de 3 ans*
dans l’intestin des chats. Les oocystes peuvent rester infectants 13 SA 6 % (3-9) 61 % (34-85)
pendant plusieurs années dans le sol et sont à l’origine de 26 SA 40 % (33-47) 25 % (18-33)
contamination humaine par ingestion de légumes souillés. 36 SA 72 % (60-81) 9 % (4-17)
Trois génotypes principaux de T. gondii ont été isolés (types
I, II et III). Le type II représente plus de 80 % des souches * % (intervalle de confiance à 95 %) ; SA : semaines d’aménorrhée.
isolées dans les toxoplasmoses congénitales en France et a pu
être identifié aussi bien dans des formes létales, sévères,
bénignes, qu’asymptomatiques. Le type I est habituellement ■ Diagnostic anténatal
associé à des formes sévères [2].
Diagnostic de l’infection maternelle
■ Épidémiologie Le diagnostic de primo-infection maternelle est facile devant
une séroconversion (apparition d’immunoglobulines [Ig] G et
Les toxoplasmoses congénitales surviennent de façon quasi d’IgM). Une survenue isolée d’IgM nécessite un contrôle 2 à
exclusive après une primo-infection maternelle pendant la 3 semaines plus tard, puisqu’elle peut correspondre aussi à une
grossesse avec une transmission hématogène transplacentaire au réaction non spécifique (faux positif). Le diagnostic est plus
décours de la phase de parasitémie maternelle. Des cas d’infec- difficile lorsque la première sérologie montre à la fois des IgG
tion congénitale chez des femmes immunisées antérieurement et des IgM, ce qui peut correspondre à une infection récente,
à la grossesse et sans déficit immunitaire ont été décrits mais comme à la persistance tardive d’IgM pendant plusieurs années.
restent anecdotiques. L’enquête périnatale effectuée en France Ce sont la cinétique des IgG sur deux prélèvements successifs et
en 1995 a montré que la prévalence d’une immunisation vis-à- les techniques d’avidité qui permettent d’estimer la date de
vis de la toxoplasmose chez les femmes venant d’accoucher l’infection maternelle.
était de 54,3 %. La séroprévalence augmente avec l’âge maternel
et varie selon les régions de 37,9 % dans le Limousin à 68,3 %
en Aquitaine. Les facteurs de risque identifiés d’infection chez
Diagnostic de l’infection fœtale
la femme enceinte sont la consommation de viande de mouton Diagnostic biologique
ou de bœuf mal cuite, l’hygiène incorrecte pour le lavage des
mains et des instruments de cuisine ainsi que la consommation Il est réalisé par une amniocentèse, effectuée à partir de
de crudités hors du domicile. Avec un taux de transmission 18 semaines d’aménorrhée (SA) et au moins 4 semaines après la
maternofœtale moyen de 30 %, le nombre de nouveaux cas de date présumée de l’infection maternelle. La recherche du
toxoplasmose congénitale peut être estimé à 700 par an en parasite est effectuée par polymerase chain reaction (PCR) et
France, soit un taux de 1 pour 1 000 naissances vivantes. Ce inoculation à la souris. Ces deux techniques ont actuellement
taux varie fortement selon les pays ; il est par exemple de une spécificité de 100 % permettant d’affirmer l’infection de
1/10 000 au Massachusetts et de 3/10 000 au Brésil. l’enfant. En revanche, la sensibilité n’est que de 50 % à 60 %
pour l’inoculation du liquide amniotique à la souris avec un
délai de réponse de 6 semaines. Pour la PCR, le résultat est
■ Prévention de l’infection obtenu en moins de 48 heures avec une sensibilité moyenne de
65 %. Ce taux varie en fonction du terme de l’infection
Prévention primaire et secondaire maternelle (proche de 100 % vers 20 SA, inférieur à 50 %
pendant le premier trimestre et le dernier mois de grossesse [6]).
.
Elle consiste, chez les femmes enceintes non immunisées, à Les faux négatifs peuvent s’expliquer par un passage transpla-
ne manger de la viande que bien cuite, à éviter les contacts avec centaire retardé ou par une charge parasitaire très faible, tous
la terre et les chats et à laver soigneusement les légumes. ces enfants étant asymptomatiques à la naissance [6, 7]. L’intro-
La symptomatologie clinique d’une infection maternelle étant duction de la PCR en temps réel augmente probablement sa
peu fréquente et peu spécifique, un dépistage des femmes sensibilité et permet, pour les infections de la première moitié
séronégatives en début de grossesse et leur suivi sérologique de la grossesse, de donner un élément pronostique défavorable
mensuel ont été mis en place en France depuis 1978. Une si la quantification parasitaire est supérieure à 100/ml.
dernière sérologie maternelle doit être effectuée au minimum à
l’accouchement et idéalement 2 à 3 semaines après celui-ci pour
détecter une infection de toute fin de grossesse.

Risques et conséquences d’une infection “ Point fort


fœtale
Un diagnostic biologique anténatal négatif ne permet pas
Après une primo-infection maternelle, le risque de contami-
d’écarter une toxoplasmose congénitale.
nation fœtale est d’autant plus élevé que le terme est avancé.
Les données précises sur le délai entre l’infection maternelle et
l’infection fœtale éventuelle manquent. Néanmoins, des cas en
faveur d’un passage transplacentaire du parasite retardé de
plusieurs semaines ont été décrits [3]. À l’inverse, le risque que Diagnostic échographique
l’infection fœtale soit symptomatique décroît avec le terme Dans deux tiers des cas, la surveillance échographique
(Tableau 1) [4] . Les infections acquises pendant le premier mensuelle est normale (formes asymptomatiques). Les formes
trimestre peuvent être à l’origine d’une fœtopathie sévère symptomatiques s’observent surtout dans les infections de la
disséminée avec hydrocéphalie, calcifications cérébrales, abcès première moitié de la grossesse. Les anomalies cérébrales sont
cérébraux, ascite... pouvant évoluer vers une mort fœtale in les plus fréquentes et les plus spécifiques : dilatation ventricu-
utero. Les infections du troisième trimestre sont le plus souvent laire symétrique, généralement de mauvais pronostic, ou
asymptomatiques à la naissance. Le risque majeur pour ces calcifications cérébrales (Fig. 1). Des lésions moins spécifiques
enfants est de développer des lésions oculaires (choriorétinite) peuvent être observées : hépatomégalie, ascite, épanchement
après un délai de plusieurs mois ou années avec une fré- péricardique, hyperéchogénicité intestinale, épaississement
quence > 80-90 % en l’absence de traitement [5]. placentaire.

2 Traité de Médecine Akos


Toxoplasmose congénitale ¶ 8-0370

purpura thrombopénique, anémie...) ou séquellaire (micro-


céphalie, hydrocéphalie, convulsions...). Il n’y a pas de fré-
quence accrue de retards de croissance intra-utérins. En prati-
que, l’examen clinique est le plus souvent normal. L’examen
ophtalmologique recherche des lésions de choriorétinite,
idéalement par ophtalmoscopie indirecte (Fig. 3). L’imagerie
cérébrale néonatale repose actuellement sur l’échographie
transfontanellaire (ETF) qui a l’intérêt d’avoir une excellente
sensibilité, d’être facilement disponible et de ne pas nécessiter
d’irradiation. Elle recherche des calcifications cérébrales nodu-
laires de quelques millimètres de diamètre ou curvilignes (Fig. 4)
et une hydrocéphalie. Le scanner permet de visualiser des
calcifications corticales proches de la voûte crânienne, qui
échapperaient à l’examen par ETF. L’imagerie par résonance
magnétique (IRM) cérébrale ne semble pas apporter de rensei-
gnement supplémentaire par rapport à l’échographie.

Figure 1. Échographie cérébrale fœtale à 32 semaines d’aménorrhée Diagnostic biologique


(SA), coupe sagittale. Hydrocéphalie après une infection maternelle entre L’examen du placenta par inoculation à la souris a une
.
12 et 16 SA. sensibilité de 50 % et une spécificité de 100 % avec le même
délai de réponse de 6 semaines que sur le liquide amniotique [7].
■ Traitement anténatal (Fig. 2) La PCR sur le placenta a un taux de faux positifs de près de
10 % qui ne permet pas actuellement de l’utiliser en routine.
Devant une séroconversion maternelle, un traitement par Le diagnostic sérologique positif repose sur la mise en
spiramycine (Rovamycine®) 9 millions d’unités/j en trois prises évidence d’IgM et/ou d’IgA spécifiques, seules les IgG maternel-
est débuté systématiquement en France pour réduire le risque de les traversant le placenta. La mise en évidence d’IgM et/ou d’IgA
transmission maternofœtale. Il est justifié par le délai variable chez le nouveau-né signe une synthèse propre, preuve d’une
entre la parasitémie maternelle et l’infection fœtale mais ne infection congénitale. La sensibilité de la sérologie à la nais-
peut donc prévenir toutes les infections fœtales. De plus, la sance dépend de la technique utilisée et augmente avec le terme
spiramycine n’est que parasitostatique sur les tachyzoïtes et si de l’infection (40 % au premier trimestre, 70 % au troisième).
les concentrations minimales inhibitrices (CMI) sont atteintes Sa spécificité est de 100 % si le prélèvement a été effectué sur
dans le placenta, elles ne le sont qu’après un délai de plusieurs sang périphérique et non au cordon (la présence d’IgM et/ou
jours. La diminution du risque de transmission du parasite par d’IgA dans ce dernier peut être due à un passage de sang
la spiramycine n’a pas été étayée par des études à la méthodo- maternel). Des techniques analytiques comparatives des diffé-
logie rigoureuse et son intérêt est débattu [8]. rents isotypes (IgG, IgM, IgA) ont été mises au point pour
Lorsque le diagnostic anténatal est négatif, le maintien du différencier les anticorps maternels transmis de ceux synthétisés
traitement par spiramycine jusqu’à l’accouchement est justifié par le nouveau-né. Il s’agit de techniques dont l’apport, une fois
par la possibilité d’une infection fœtale retardée. le diagnostic anténatal et la sérologie postnatale effectués, est
Devant un diagnostic anténatal positif avec une surveillance modeste (aucun cas par exemple de toxoplasmose congénitale
échographique normale, un traitement associant un sulfamide avec une PCR sur liquide amniotique négative, ayant une
(sulfadiazine ou sulfadoxine) et de la pyriméthamine est donné recherche d’IgM et/ou d’IgA à la naissance négative et un
en continu jusqu’à l’accouchement. Ces molécules agissent sur werstern blot positif, dans la série de Robert-Gangneux [7]).
le métabolisme de l’acide folique de façon synergique et sont La ponction lombaire est un examen classique en cas de
parasiticides sur les tachyzoïtes, réduisant le risque d’infection suspicion de toxoplasmose congénitale, mais dans une étude
symptomatique. Ce traitement nécessite une surveillance effectuée sur 233 enfants à risque de toxoplasmose congénitale,
hématologique régulière et un apport en acide folinique. Dans seuls 112 (52 %) liquides céphalorachidiens (LCR) étaient
les infections asymptomatiques du premier trimestre, l’indica- analysables, les autres étant contaminés par une ponction
tion à une mise sous traitement parasiticide ou à une interrup- vasculaire ou en quantité insuffisante. Même en exceptant ce
tion médicale de grossesse est discutée. Ainsi, sur sept fœtus problème, l’analyse cytochimique et la sérologie dans le LCR
infectés avant 16 SA, dont l’échographie était normale (en ont une sensibilité diagnostique médiocre (< 50 %) et n’ont pas
1989) et dont la grossesse avait été interrompue, tous avaient montré de valeur pronostique de survenue d’une lésion de
des foyers extensifs de nécrose cérébrale. Néanmoins, un seul de choriorétinite postnatale avec un recul moyen de 80 mois [11].
ces fœtus avait reçu un traitement anténatal avec sulfamide et L’intérêt de la PCR dans le LCR pour les toxoplasmoses congé-
pyriméthamine [9]. À l’inverse, la poursuite de la grossesse chez nitales n’a pas été évalué. La réalisation systématique d’une
sept fœtus infectés avant 18 SA et traités en anténatal avec du ponction lombaire n’est donc actuellement pas justifiée.
Fansidar® a permis de faire naître autant d’enfants dont le
développement est normal à 3 ans [10].
Si le diagnostic anténatal est positif et qu’il existe des lésions
échographiques, en particulier cérébrales, une interruption
médicale de la grossesse peut être justifiée.
Dans les séroconversions des deux derniers mois de la
“ Point fort
grossesse, un traitement associant d’emblée un sulfamide à la La ponction lombaire systématique n’a pas d’intérêt
pyriméthamine peut être débuté, quel que soit le résultat de diagnostique ou pronostique démontré.
l’éventuelle amniocentèse. À ce terme, le risque de transmission
est en effet maximal et la sensibilité de la PCR sur liquide
amniotique de 50 % environ seulement. Un résultat positif de
la PCR permet d’affirmer que l’enfant est infecté et de poursui- Au terme des examens anté- et néonataux, deux situations
vre le traitement sans interruption après la naissance. sont possibles (Fig. 2).

■ Diagnostic postnatal Infection congénitale non prouvée


à la naissance
Diagnostic clinique et imagerie Le diagnostic anténatal est négatif, l’examen clinique,
L’examen clinique recherche des signes non spécifiques de l’imagerie cérébrale, l’examen ophtalmologique sont normaux
fœtopathie évolutive (hépatomégalie, splénomégalie, ictère, et la sérologie postnatale ne montre ni IgM, ni IgA. L’abstention

Traité de Médecine Akos 3


8-0370 ¶ Toxoplasmose congénitale

Figure 2. Arbre décisionnel. Démarche dia-


Séroconversion maternelle gnostique et thérapeutique en cas de sérocon-
version maternelle de toxoplasmose en cours
de grossesse. SA : semaines d’aménorrhée ;
IMG : interruption médicale de grossesse ; Ig :
Avant 30 SA > 30 SA
immunoglobulines.

Spiramycine

Amniocentèse

Échographie fœtale mensuelle

Amniocentèse négative Amniocentèse positive Amniocentèse positive


Échographies normales Anomalies échographiques Échographies normales

Poursuite de IMG ? Pyriméthamine + sulfamide


la spiramycine + acide folinique

Naissance
examen clinique, échographie transfontanellaire, fond d'œil
sérologie, examen parasitologique du placenta

Résultats Résultats
négatifs positifs

Pyriméthamine + sulmamide
Pas de traitement,
+ acide folinique
surveillance sérologique
12 mois

IgG Surveillance
Annulation des et/ou IgM+ ophtalmologique
IgG avant 12 mois et/ou IgA+ => adolescence

Infection exclue
Arrêt de la surveillance

thérapeutique est la règle avec une nouvelle sérologie à 1 mois nécessiter la vérification de l’activité glucose-6-phosphate
puis tous les 2 mois jusqu’à l’annulation des IgG spécifiques qui déshydrogénase érythrocytaire.
doit survenir avant l’âge de 1 an. Le diagnostic de toxoplasmose Trois schémas thérapeutiques sont employés en France. Le
congénitale peut alors être récusé et la poursuite de la sur- premier est une association continue de 12 mois de sulfadiazine
veillance clinique, biologique et ophtalmologique est inutile. Si (Adiazine®) et de pyriméthamine (Malocide®) qui a été proposée
l’évolution sérologique est en faveur d’une toxoplasmose par le Chicago Collaborative Treatment Trial [14]. La sulfadiazine
congénitale (augmentation du titre des IgG, apparition d’IgM est commercialisée sous forme de comprimés à 500 mg quadri-
et/ou IgA spécifiques), il faut instaurer un traitement et une sécables, la pyriméthamine n’existe que sous forme de compri-
surveillance selon l’un des protocoles proposés au paragraphe més à 50 mg, inadaptés à un usage pédiatrique. Pour cette
suivant. dernière, il est nécessaire d’utiliser des gélules à 5 mg préparées
dans une pharmacie hospitalière. La posologie hebdomadaire
Infection congénitale prouvée peut être répartie en 3 à 6 prises, la demi-vie étant de plusieurs
jours.
Traitement postnatal La deuxième possibilité thérapeutique est d’utiliser l’associa-
Il a pour but de réduire la fréquence et la sévérité des tion sulfadoxine-pyriméthamine (Fansidar®) avec de l’acide
séquelles à long terme. Étant donné l’absence de diffusion de la folinique. Chaque comprimé quadrisécable contient 500 mg de
spiramycine dans le parenchyme cérébral dans un modèle sulfadoxine et 25 mg de pyriméthamine. La posologie est de un
animal (singe Rhésus) de toxoplasmose congénitale [12], elle quart de comprimé par 5 kg de poids tous les 10 jours pendant
n’est plus utilisée après la naissance au profit d’une association 12 à 24 mois [13]. Elle correspond à une dose de 0,125 mg/kg/j
continue de sulfamides et de pyriméthamine. Le type de de pyriméthamine et de 2,5 mg/kg/j de sulfadoxine. L’intérêt de
sulfamide (sulfadiazine ou sulfadoxine), la posologie de pyrimé- ce traitement est sa simplicité qui peut favoriser son observance.
thamine et la durée du traitement sont variables [13, 14]. En En revanche, l’utilisation d’une forme retard de sulfamide
fonction de l’origine ethnique, le recours à un sulfamide peut impose une nette prudence en cas de manifestation allergique,

4 Traité de Médecine Akos


Toxoplasmose congénitale ¶ 8-0370

30 %
25 %
20 %
15 %
10 %
5%
0%
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
Années
Figure 5. Incidence cumulée de la première lésion de choriorétinite en
fonction de l’âge chez des enfants traités [16].

nuls au bout de 9 à 12 mois [14]. La possibilité d’une annulation


complète de la sérologie pendant le traitement doit être connue
et non interprétée comme un argument contre le diagnostic de
toxoplasmose congénitale. En cas d’incertitude diagnostique,
une fenêtre thérapeutique doit être effectuée afin de pouvoir
Figure 3. Fond d’œil : foyers choriorétiniens maculaires et paramacu- statuer. L’association sulfadoxine - pyriméthamine ne provoque
laires gauches cicatriciels. pas une diminution aussi spectaculaire des titres d’anticorps
spécifiques.
Les rebonds sérologiques font toujours l’objet de controverses,
leur (s) mécanisme (s) restant incompris. Ils sont quasi cons-
tants (90 % à 97,8 %) après l’arrêt du traitement et il n’y a pas
de corrélation démontrée avec une évolutivité oculaire à court
terme [15]. Trois études ont récemment tenté de les corréler à la
survenue d’une évolutivité clinique. Dans les deux premières,
seuls quatre rebonds sur 76 (10,9 %) et un sur 82 (1,2 %) ont
été suivis de manifestations cliniques. Dans la dernière, le risque
relatif de choriorétinite après un rebond sérologique a été
estimé à 1,1 (intervalle de confiance [IC] 95 % [0,47-2,58]). Un
rebond sérologique isolé ne justifie pas la reprise du traitement.

“ Point fort
Le traitement des rebonds sérologiques isolés et donc le
suivi sérologique postnatal ne sont pas justifiés.

Figure 4. Échographie transfontanellaire, coupe frontale passant par le


IIIe ventricule : calcification pariétale bilatérale.
Évolution clinique
ce d’autant plus que le Fansidar® n’a pas l’autorisation de mise En l’absence de traitement, parmi les enfants asymptomati-
sur le marché (AMM) pour la toxoplasmose. ques, les risques de séquelles neurologiques et intellectuelles
Le dernier schéma est une combinaison des deux précédents : sont importants. Sur une série de 24 enfants, avec un recul
association sulfadiazine et pyriméthamine pendant 2 mois, puis moyen de 8 ½ ans, deux enfants ont une microcéphalie, quatre
Fansidar® les 10 mois restants. ont eu des convulsions, trois ont un retard psychomoteur sévère
Effets secondaires des traitements et le quotient intellectuel (QI) moyen est de 87,3.
Les neutropénies sont le principal effet secondaire du traite- Le pronostic neurodéveloppemental des formes pauci- ou
ment par sulfadiazine - pyriméthamine, puisque 50 % à 58 % asymptomatiques des enfants traités avec les schémas thérapeu-
des enfants traités ont au moins un épisode de neutropénie tiques exposés plus haut semble excellent mais repose sur de
< 1 000/mm3 pendant l’année de traitement [14]. Elles sont petites séries. Une étude multicentrique européenne actuelle-
réversibles après diminution ou arrêt temporaire du traitement. ment en cours devrait permettre de le préciser.
La tolérance hématologique de l’association sulfadoxine - Le risque évolutif essentiel des enfants infectés est la survenue
pyriméthamine est bien meilleure, puisque sur une série de d’une choriorétinite. Elle peut apparaître à n’importe quel
78 enfants, aucune neutropénie n’a été rapportée. Les thrombo- moment de l’enfance, y compris pendant l’année de traitement
pénies sont un effet secondaire classique des sulfamides et de la ou à l’adolescence, et peut être responsable d’une cécité si elle
pyriméthamine mais aucune série n’en rapporte au cours des englobe la macula. Sa fréquence atteint 80 % à l’adolescence en
traitements pour toxoplasmose congénitale. Les manifestations l’absence de traitement anté- et postnatal avec près de 50 % de
allergiques cutanées liées à l’utilisation de sulfamides survien- cécité uni- ou bilatérale. Une étude plus récente portant sur des
nent avec une fréquence de 1 à 2 % des enfants traités sous enfants traités en anté- comme en postnatal trouve une inci-
forme de rash cutané ou d’urticaire. Le risque de survenue d’un dence de choriorétinite de 11,6 % à 1 an, 14,1 % à 2 ans, 18 %
syndrome de Lyell, bien qu’exceptionnel, fait partie des raisons à 5 ans, 22,9 % à 10 ans (Fig. 5) avec une cécité unilatérale
pour lesquelles certaines équipes n’utilisent pas de sulfamide (acuité visuelle < 1/10) pour 12,7 % de ceux qui ont une
retard (sulfadoxine). Les troubles digestifs (nausées, vomisse- choriorétinite [16]. Le principal facteur de risque identifié associé
ments) sont peu fréquents. au développement d’une choriorétinite est la présence de
calcifications cérébrales à la naissance. La découverte d’une
Évolution biologique nouvelle lésion de choriorétinite justifie la reprise du traitement
Pendant le traitement avec sulfadiazine - pyriméthamine, les parasiticide si elle est proche de la papille ou d’aspect
titres des IgG spécifiques diminuent pour devenir nuls ou quasi inflammatoire.

Traité de Médecine Akos 5


8-0370 ¶ Toxoplasmose congénitale

■ Conclusion [14] McAuley J, Boyer KM, Patel D, Mets M, Swisher C, Roizen N, et al.
Early and longitudinal evaluations of treated infants and children and
La prise en charge des séroconversions maternelles de toxo- untreated historical patients with congenital toxoplasmosis: The
plasmose en cours de grossesse puis de leurs enfants est actuel- Chicago collaborative treatment trial. Clin Infect Dis 1994;18:38-72.
lement assez bien codifiée en France. Il subsiste néanmoins de [15] Djurkovic-Djakovic O, Romand S, Nobre R, Couvreur J, Thulliez P.
nombreuses questions, en particulier sur les différentes modali- Serological rebounds after one-year-long treatment for congenital
tés thérapeutiques. L’introduction de molécules actives sur les toxoplasmosis. Pediatr Infect Dis J 2000;19:81-3.
bradyzoïtes des kystes, telles que l’atovaquone [17], pourrait [16] Wallon M, Kodjikian L, Binquet C, Garweg J, Fleury J, Quantin C, et al.
améliorer le pronostic à long terme des enfants atteints. Long-term ocular prognosis in 327 children with congenital
toxoplasmosis. Pediatrics 2004;113:1567-72.
[17] Araujo FG, Huskinson J, Remington JS. Remarkable in vitro and in
.

■ Références vivo activities of the hydroxynaphthoquinone 566C80 against


tachyzoites and tissue cysts of Toxoplasma gondii. Antimicrob Agents
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F. Kieffer (ipp.kieffer@free.fr).
Service de néonatologie, Institut de puériculture et de périnatologie, 26, boulevard Brune, 75014 Paris, France.
P. Thulliez.
Laboratoire de la toxoplasmose, Institut de puériculture et de périnatologie, 26, boulevard Brune, 75014 Paris, France.
E. Yi-Gallimard.
Consultation d’ophtalmologie, Institut de puériculture et de périnatologie, 26, boulevard Brune, 75014 Paris, France.
A. Tasseau.
Service de néonatologie, Institut de puériculture et de périnatologie, 26, boulevard Brune, 75014 Paris, France.
S. Romand.
Laboratoire de la toxoplasmose, Institut de puériculture et de périnatologie, 26, boulevard Brune, 75014 Paris, France.
F. Jacquemard.
Service de médecine fœtale, Institut de puériculture et de périnatologie, 26, boulevard Brune, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Kieffer F., Thulliez P., Yi-Gallimard E., Tasseau A., Romand S., Jacquemard F. Toxoplasmose congénitale.
EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 8-0370, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

6 Traité de Médecine Akos


8-0405

8-0405

Urgences chirurgicales
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

du nouveau-né et du nourrisson
F Bargy, S Beaudoin

L es urgences chirurgicales du nouveau-né et du nourrisson nécessitent un traitement adapté en milieu spécialisé.


Le diagnostic prénatal a totalement modifié les conditions de la prise en charge initiale. Dans la majorité des
cas, le pronostic s’est beaucoup amélioré ces dernières années. L’information des familles en période prénatale
devient de plus en plus nécessaire et le diagnostic prénatal devient peu à peu un véritable instrument thérapeutique.
© Elsevier, Paris.


Introduction

Les urgences chirurgicales du nouveau-né et du


nourrisson comprennent les urgences néonatales
liées à une anomalie congénitale et celles,
éventuellement plus tardives, consécutives à une
pathologie acquise.
Depuis 10 ans, le diagnostic prénatal a totalement
modifié les conduites à tenir face à une
malformation congénitale, chirurgicalement curable
ou non. La possibilité d’interrompre la grossesse
oriente les demandes des familles, et le praticien se
trouve de fait confronté à une demande
d’informations qu’il doit pouvoir fournir. De même,
le centre spécialisé qui prendra en charge le couple
se doit d’informer le médecin traitant sur la
pathologie en cause et ses modalités thérapeutiques.
Mais ces urgences ne se résument pas aux seuls
diagnostics accessibles en période prénatale.
D’authentiques situations d’urgence chirurgicale
peuvent se présenter chaque jour au cabinet du
praticien. Il convient de les reconnaître pour pouvoir
renseigner, orienter et conseiller les parents tout en
adoptant la meilleure conduite à tenir.


Urgences néonatales

Dans le cadre des urgences néonatales, le 1 Représentation schématique de l’embryon en phase d’organogenèse précoce. L’induction de la chorde
diagnostic prénatal permet une meilleure prise en dorsale (notochorde) est déterminante. Une anomalie à ce stade pourra provoquer plusieurs malformations
charge du nouveau-né puisqu’il offre la possibilité de (non exhaustif).
faire accoucher la mère dans un centre spécialisé 1. Veine ombilicale, cordon ombilical (omphalocèles) ; 2. tube cardiaque (cardiopathies) ; 3. arcs aortiques
pourvu d’une structure de chirurgie néonatale, en (cardiopathies) ; 4. aorte dorsale (cardiopathies) ; 5. artère ombilicale ; 6. artère mésentérique supérieure ;
limitant au maximum la phase de transport. 7. intestin antérieur (atrésies œsophagiennes) ; 8. bourgeon trachéal (atrésies œsophagiennes) ; 9. estomac,
duodénum (atrésies duodénales) ; 10. pancréas (atrésies duodénales) ; 11. foie ; 12. intestin moyen (mésentère
‚ Urgences thoraciques commun tardif) ; 13. canal omphalomésentérique (diverticule de Meckel tardif) ; 14. intestin postérieur
(malformations anorectales) ; 15. cloaque rectovésical (malformations anorectales) ; 16. bourgeon rénal
Atrésie œsophagienne (uropathies) ; 17. allantoïde (ouraque) ; 18. septum transversum (hernies diaphragmatiques) ; 19. chorde
C’est une interruption de la continuité dorsale (somites cervicaux) ; 20. chorde dorsale (somites lombaires).
œsophagienne, avec ou sans communication
© Elsevier, Paris

aérodigestive. développement (6 à 8 semaines d’aménorrhée [SA]). sur trois en moyenne. Les plus fréquentes sont
C e t t e a n o m a l i e ( fi g 1 ) e s t f r é q u e n t e La figure 2 explique comment on aboutit aux vertébrales (13 %), cardiaques (14 %), anorectales
(1/3 000 naissances). Elle est due à un défaut différents types anatomiques, le type 3 étant de loin (6 %), rénales (4 %), ce qui s’inscrit dans le cadre
d’induction au cours de la croissance du bourgeon le plus fréquent (90 %). Il s’agit d’une embryopathie, malformatif des notochordodysraphies (défaut
trachéo-œsophagien, entre la 4e et la 6e semaine du et les malformations associées touchent un enfant d’induction au niveau de la chorde dorsale primitive

1
8-0405 - Urgences chirurgicales du nouveau-né et du nourrisson

associées. La visualisation d’une aération digestive


Embryopathie ou défaut de croissance C’est en salle de naissance que la permet de conclure à la présence d’une fistule
fœtale ? perméabilité œsophagienne doit être trachéo-œsophagienne, et le niveau du cul-de-sac
En matière de malformation vérifiée impérativement pour tout supérieur peut être directement visible. Une
congénitale, il importe de bien faire la nouveau-né, par le passage d’une anomalie de la colonne vertébrale sera aisément
repérée.
différence entre les embryopathies et sonde (ni trop molle ni trop dure)
Le traitement chirurgical peut alors être envisagé
les défauts de la croissance fœtale. Les jusque dans l’estomac, en vérifiant sa
selon le type d’atrésie. Dans les atrésies de types 1
embryopathies sont des anomalies qui bonne position par le « test à la et 2 sans fistule, où les deux extrémités
surviennent au début du seringue » : pendant l’injection d’une œsophagiennes sont très éloignées, une
développement, pendant dizaine de millilitre d’air dans la œsophagostomie cervicale et une gastrostomie sont
l’organogenèse, avant la 10e semaine sonde, le stéthoscope, posé sur réalisées en urgence. Une œsophagoplastie de
d’aménorrhée (fig 1). Dans ce type l’épigastre du nouveau-né, permet remplacement (gastrique ou colique) pratiquée entre
d’anomalies, les malformations d’entendre les bruits hydroaériques 4 et 12 mois, permettra le traitement définitif. Dans
associées sont fréquentes et vont contemporains de cette injection. les atrésies de type 3 ou 4 avec fistule
souvent conditionner le pronostic. À trachéo-œsophagienne, le traitement est effectué en
un temps par voie thoracique droite, dans les heures
l’inverse, les accidents de la croissance incite l’examinateur à rechercher une anomalie
qui suivent la naissance, avec une fermeture de la
fœtale sont plus tardifs et aboutissent œsophagienne. Le diagnostic est cependant
fistule et une anastomose directe des extrémités
à des malformations qui sont isolées. rarement fait.
œsophagiennes.
Lorsque la sonde bute ou que le test est négatif, la
Les résultats sont dans l’ensemble excellents
radiographie thoracoabdominale de face permet, en
de l’embryon). Le pronostic de cette anomalie est lorsque les malformations associées ne sont pas
visualisant le cul-de-sac œsophagien supérieur, de
donc très largement lié à la présence et à la gravité majeures. Certaines complications peuvent émailler
confirmer le diagnostic.
des anomalies associées, mais la guérison sans l’évolution au cours des premières années. Ce sont le
séquelle est obtenue dans plus de 80 % des cas. ¶ Prise en charge reflux gastro-œsophagien, la trachéomalacie, ou la
Le transport est réalisé par une équipe spécialisée sténose anastomotique.
¶ Diagnostic vers un centre de chirurgie néonatale. Le reflux survient dans un tiers des cas environ. Il
Le diagnostic prénatal de l’atrésie de l’œsophage Le traitement chirurgical est réalisé rapidement est en général bien contrôlé par le traitement
est extrêmement difficile. L’absence d’estomac après une recherche des malformations associées et médical. Les indications d’une cure chirurgicale du
visible peut faire évoquer une atrésie de type 1 sans une bonne évaluation de l’état général de l’enfant. reflux sont l’échec du traitement médical, l’existence
fistule trachéo-œsophagienne (10 % environ). Un simple cliché thoracoabdominal de face permet d’une œsophagite rebelle qui entretient une sténose,
La visualisation d’une malformation cardiaque, d’obtenir des renseignements précieux sur le type de ou l’association d’un reflux et d’une trachéomalacie.
vertébrale, rénale, ou l’existence d’un hydramnios l’atrésie et la présence d’éventuelles anomalies La trachéomalacie se traduit par le collapsus
expiratoire de la trachée et se rencontre dans les
atrésies avec fistule. Elle guérit en moyenne
spontanément vers 3 ans, mais expose aux
bronchites à répétition dans la petite enfance. La
sténose anastomotique est plus rare et peut se
compliquer d’un épisode de blocage d’un bol
alimentaire en amont de la sténose. Elle peut être
traitée par des dilatations endoscopiques.

Hernies diaphragmatiques
Les malformations du diaphragme résultent d’une
anomalie de l’organogenèse de ce muscle. La
malformation de loin la plus fréquente est la hernie
congénitale des coupoles diaphragmatiques (HDC).
C’est aussi celle qui pose le plus de problèmes
thérapeutiques.
L’organogenèse du diaphragme est précoce dans
la vie de l’embryon et débute par le cloisonnement
du cœlome interne à la 4e semaine du dévelop-
pement (6 SA) qui est celle de la mise en place de
tous les appareils. La prolifération des hépatocytes
autour des veines ombilicales et vitellines entraîne le
mésenchyme dans le sens ventrocaudal et aboutit à
l’apparition du septum transversum. À la 6e semaine
du développement (8 SA), le septum transversum
(fig 1) est complet, et la migration myoblastique
commence. Les hernies diaphragmatiques
correspondent à un défaut de ce développement. Ce
sont des embryopathies et le taux de malformations
associées est d’environ 20 %.
La hernie diaphragmatique congénitale survient
une fois sur trois à 5 000 naissances. Le défaut est à
gauche dans neuf cas sur dix. L’absence de tout ou
2 Formation des atrésies œsophagiennes. partie d’une coupole entraîne le développement ou
A. Croissance et clivage du bourgeon trachéal et de l’intestin primitif antérieur. 1. Intestin primitif ; 2. bourgeon la migration des viscères abdominaux dans le thorax
trachéal ; 3. croissance ; 4. clivage ; 5. œsophage ; 6. trachée. et la compression des poumons par les viscères
B. Différents types d’atrésie œsophagienne. 7. œsophage proximal ; 8. œsophage distal ; 9. orifice hiatal. herniés, en particulier le foie.

2
Urgences chirurgicales du nouveau-né et du nourrisson - 8-0405

Les formes précoces, où les viscères abdominaux


se développent dans le thorax, se distinguent des
formes plus tardives, où les viscères migrent
secondairement au travers d’un défaut postérola-
téral. Ceci explique que lors du diagnostic prénatal,
on puisse rencontrer une hernie diaphragmatique à
32 ou 33 semaines, alors que les échographies
précédentes apparaissaient normales.
Par ailleurs, les études anatomiques menées sur
des fœtus d’âges différents montrent que les lésions
s’aggravent au cours de la grossesse. Avant
28 semaines de gestation, l’aspect histologique du
poumon du côté de la hernie est peu différent du
normal. Le poumon controlatéral souffre aussi de la
compression. On peut penser qu’en levant la
compression avant le stade alvéolaire de
développement du poumon (28 SA) sa croissance
sera possible : c’est le but de la chirurgie prénatale.
La conséquence de ces lésions est donc non
seulement une diminution du nombre des alvéoles
(qui parait réversible), mais surtout une
hypertension artérielle pulmonaire avec persis-
tance de l’effet shunt. Toutes les techniques de
réanimation mises en œuvre après la naissance
cherchent à contourner cet obstacle, soit par
l’utilisation de vasodilatateurs pulmonaires, soit par
l’utilisation d’une circulation (ou oxygénation)
extracorporelle (veinoveineuse : assistance 3 Radiographie du thorax de face dans une hernie congénitale des coupoles diaphragmatiques (HDC) gauche,
respiratoire extracorporelle [AREC], ou artériovei- de bon pronostic. L’estomac (E) est dans le thorax, comme le montre la position de la sonde gastrique. Le cœur
neuse : extra corporeal membrane oxygenation (C) et le médiastin sont refoulés vers la droite.
[ECMO]). Les techniques de chirurgie prénatale ou
pernatale utilisent l’oxygénation par le placenta dépister les formes graves de la maladie et de stabilisation préopératoire puis la chirurgie, dépend
maternel. prévoir la meilleure prise en charge possible de naturellement de la gravité initiale des lésions que le
l’enfant. diagnostic prénatal a déjà envisagée.
¶ Diagnostic Le diagnostic prénatal peut ne pas avoir été fait, Dans les formes graves, on peut proposer
La sémiologie échographique rassemble la soit qu’il s’agisse d’une forme tardive, soit que le suivi l’utilisation des méthodes de circulation extra-
visualisation de l’estomac et des viscères échographique ait été insuffisant. Dans ces cas, la corporelle type AREC ou ECMO. Toutes ces
abdominaux dans le thorax, le refoulement du cœur hernie diaphragmatique va se révéler par une méthodes associent malgré tout lourdeur, agressivité
du côté opposé à la hernie, et l’absence de détresse respiratoire néonatale. Les formes graves et risque iatrogène. L’acceptation de tels risques ne
visualisation de l’interface échographique du parleront plus tôt, avec un tableau de mort se conçoit que parce que le pronostic vital de l’enfant
diaphragme. Le diagnostic différentiel est celui d’une apparente du nouveau-né imposant une est gravement menacé.
maladie adénomatoïde du poumon qui peut réaliser réanimation néonatale immédiate. Dans les formes Le but de la chirurgie est de réparer la coupole
l’aspect d’images liquidiennes multiples plus favorables, on peut observer l’apparition d’une diaphragmatique, en préservant au maximum les
intrathoraciques, avec un refoulement du cœur. La détresse respiratoire du nouveau-né dans les heures compliances thoraciques. La réduction des viscères
troisième étape de ce diagnostic est la recherche des (parfois les jours) qui suivent la naissance. L’examen herniés permet de décomprimer le poumon et les
signes échographiques de gravité. Ils peuvent ne pas clinique permet de reconnaître l’aspect creusé de cavités ventriculaires du cœur, surtout lorsque le foie
exister lors d’un premier examen très précoce et se l’abdomen, la déviation médiastinale et le est intrathoracique. La voie d’abord est abdominale
préciser dans les semaines qui suivent. Il est donc déplacement des bruits du cœur par l’auscultation. du côté gauche, parfois thoracique du côté droit. Le
nécessaire de répéter les examens pour être précis Les formes de révélation très tardives sont premier temps comporte la réduction douce des
dans le diagnostic évolutif. d’excellent pronostic. La radiographie du thorax de viscères herniés. Le deuxième est la réparation du
Le diamètre abdominal transverse, s’il est trop face permet rapidement de confirmer le diagnostic diaphragme. La mise en place d’une prothèse en
petit, a valeur péjorative. La visualisation du poumon de HDC (fig 3). silastic ou en goretex permet une suture sans
controlatéral est un signe important à noter. Son
absence ou sa très petite taille sont plutôt ¶ Prise en charge tension, donc sans étirement des piliers. La
La prise en charge classique néonatale s’efforce fermeture de la paroi abdominale peut aussi
défavorables, de même que l’hypoplasie
de maintenir une ventilation et une oxygénation nécessiter la mise en place d’une plaque pour élargir
fonctionnelle du ventricule gauche (dans les hernies
correctes du nouveau-né. Elle est d’autant plus la cavité abdominale.
gauches). L’hydramnios, très fréquent, a peu de
valeur. L’analyse de grandes séries récentes permet rapide et efficace que le diagnostic a pu être fait La sévérité du pronostic, dans les formes graves, a
de conclure que plus il existe de foie à l’intérieur du avant la naissance et que l’accouchement a lieu en motivé des recherches sur les possibilités de
thorax, plus le pronostic est mauvais. Les formes milieu spécialisé. L’intubation trachéale immédiate et traitement avant la naissance. Le principe de cette
favorables sont celles où le foie est intra-abdominal, la mise en place de voies d’abord veineuses sont le chirurgie est de lever la compression pulmonaire
le taux de survie dépasse 80 %, alors que dans les préalable à la réanimation. L’utilisation des avant la 28e semaine (début de la phase de
formes graves, il n’excède pas 20 %. Ainsi, le vasodilatateurs artériels pulmonaires ou la développement alvéolaire) pour permettre une
diagnostic prénatal permet à l’heure actuelle de ventilation à l’aide du monoxyde d’azote ont pour meilleure croissance du poumon atteint. Une telle
but de restaurer un lit vasculaire pulmonaire propre chirurgie n’a pu se concevoir en clinique humaine
à assurer les échanges gazeux et à stabiliser l’enfant qu’après un travail expérimental long et précis.
La hernie diaphragmatique avant l’intervention chirurgicale. Ce délai de L’anesthésie maternelle utilise les halogénés qui sont
congénitale est une embryopathie et la stabilisation peut varier de quelques heures à myorelaxants utérins. La surveillance hémodyna-
recherche des malformations associées quelques jours. La ventilation à très haute fréquence mique maternelle est extrêmement précise, avec
lors du diagnostic prénatal est donc et basse pression a pour but de limiter le compensation adaptée de la vasodilatation
indispensable. barotraumatisme. L’efficacité de cette prise en périphérique. La voie d’abord maternelle est une
charge néonatale, qui associe la réanimation et la laparotomie sus-pubienne horizontale. L’incision

3
8-0405 - Urgences chirurgicales du nouveau-né et du nourrisson

utérine se fait à distance du placenta, préalablement


repéré par échographie. L’hémostase utérine est
soigneuse et les patientes opérées jusqu’à ce jour
n’ont pas eu besoin de transfusion. Le fœtus est
extériorisé par l’extrémité caudale. Il est ensuite
maintenu à température constante et surveillé sur le
plan de son hémodynamique et de son
oxygénation. L’intervention fœtale est identique à
l’intervention néonatale, en ayant soin de préserver
le flux veineux ombilical. Le fœtus est réintégré dans
la cavité utérine, l’utérus est fermé et le liquide
amniotique réinjecté. La surveillance postopératoire
permet de suivre les contractions utérines et le
rythme cardiaque fœtal.
Le gros problème à résoudre dans les suites
opératoires est celui de la tocolyse. La chirurgie du
fœtus à utérus ouvert est une technique dont les 4 Différentes atrésies duodénales
indications, tant fœtales que maternelles, doivent A. Diaphragme duodénal incomplet. La paroi duodénale a été ouverte pour montrer la malformation. La voie
être très rigoureuses. Le nombre de patients opérés biliaire s’abouche de part et d’autre de l’obstacle, la symptomatologie sera de type « sous-vatérien ».
tant aux États-Unis qu’en Europe reste trop restreint 1. Estomac ; 2. duodénum dilaté d’amont ; 3. diaphragme duodénal ; 4. voie biliaire ; 5. duodénum d’aval ;
pour établir une statistique valable. Les succès sont 6. vaisseaux mésentériques.
de l’ordre de 1/5. Les échecs ont été liés soit à des B. Atrésie complète sus-vatérienne avec « pancréas annulaire ». L’accumulation d’air dans le duodénum
défauts techniques, soit à un échappement de la dilaté et dans la grosse tubérosité explique l’image en « double bulle » sur le cliché d’abdomen debout.
tocolyse. 7. Pancréas annulaire ; 8. « bulle » duodénale ; 9. « bulle » gastrique.
C. Atrésie complète sur le troisième duodénum. L’obstacle est purement sous-vatérien. Elle se rapproche
¶ Voies de recherches davantage des atrésies du grêle et les malformations associées sont plus rares.
Lorsque la chirurgie prénatale n’est pas possible
ou non indiquée, on peut utiliser la « réanimation
bon tiers des cas. L’association avec la trisomie 21 chirurgical. Le but de l’intervention est de rétablir la
placentaire » peropératoire au cours d’une chirurgie
est classique et impose une étude du caryotype lors continuité digestive, soit par anastomose directe
pernatale, où le fœtus est ventilé et perfusé pendant
du diagnostic prénatal. Les malformations associées avec ou sans plastie modelante de la portion dilatée,
la dernière phase de l’intervention fœtale, et confié
les plus fréquentes sont cardiaques, anorectales, soit par résection d’un diaphragme muqueux. Dans
directement au réanimateur. Cette technique toute
œsophagiennes et rénales. L’atrésie duodénale se les suites, une nutrition parentérale totale, puis
nouvelle peut bénéficier des acquis de la chirurgie
rencontre une fois sur 6 000 naissances. partielle, permet d’attendre que l’anastomose
prénatale et garde l’avantage d’être beaucoup
devienne fonctionnelle. Cette phase peut durer de
moins agressive sur l’utérus maternel. Cependant, ¶ Diagnostic 1 à 3 ou 4 semaines avant d’obtenir une
elle a pour le fœtus l’inconvénient d’être plus tardive Le diagnostic d’atrésie duodénale est l’un des
alimentation fractionnée per os normale. Le résultat
(34-35 SA) et de se faire sur des lésions plus premiers à avoir été fait à l’échographie prénatale, il
de cette prise en charge chirurgicale est très
évoluées. Les résultats satisfaisants de y a plus de 15 ans. La dilatation de l’anse duodénale
satisfaisant et la guérison sans séquelle habituelle.
l’expérimentation animale en ce domaine dans la continuité de l’estomac est facile à mettre en
Le duodénum garde cependant un aspect
permettent d’envisager son application en clinique évidence. La recherche de malformations associées
hypotonique pendant de nombreuses années, voire
humaine. et l’amniocentèse font partie du bilan. Lors de
jusqu’à l’âge adulte, sans aucune gêne fonctionnelle
Les méthodes utilisant la mise en place de l’entretien, il est important de signaler aux parents
et sans caractère pathologique.
ballonnets intratrachéaux par cœliochirurgie que l’hospitalisation postopératoire peut être de
transutérine pour obtenir une hypercroissance du l’ordre de 1 mois. Atrésies de l’intestin grêle
poumon sont encore du domaine de la recherche et Lorsque le diagnostic n’a pas été fait avant la Elles surviennent après la période d’organo-
n’ont pas été évaluées. naissance, le tableau clinique est celui d’une genèse et sont dues à un accident de la croissance,
Toutes ces thérapeutiques soulèvent bien occlusion néonatale haute, dominée par l’appa- ne s’accompagnant pas de malformations associées.
entendu des discussions d’ordre éthique, surtout rition de vomissements dans les premières heures Elles sont la conséquence d’un ou plusieurs
lorsqu’il s’agit d’opérer la mère pour envisager de de vie. Ces vomissements sont bilieux lorsque accidents mécaniques (volvulus partiel, invagi-
sauver l’enfant. Ces considérations guident la l’obstacle est sous-vatérien, sinon ils sont clairs. Il nation, bride) ou vasculaires, entraînant l’ischémie
décision d’indication thérapeutique. existe un ballonnement épigastrique et l’anse ou la nécrose d’un segment intestinal pendant la
distendue peut parfois être reconnue sous la paroi vie fœtale, y compris au 3 e trimestre. La
‚ Urgences abdominales abdominale. Un simple examen radiologique sans conséquence de ces phénomènes est une
Les urgences abdominales sont dominées par les préparation permet en règle de confirmer le interruption de la continuité de l’intestin, complète
atrésies et les sténoses du tube digestif, les diagnostic et de préciser le niveau de l’obstacle ou incomplète, plus ou moins étendue. L’intestin en
perforations et les péritonites méconiales, qui (signe de la « double bulle »). La présence d’air en colimaçon (apple peel des Anglo-Saxons) en est une
peuvent être reconnues lors du diagnostic prénatal. aval de la zone distendue indique qu’il s’agit d’un forme particulière, avec une interruption haute de
Le volvulus complet de l’intestin sur mésentère obstacle incomplet. l’artère mésentérique supérieure et une
commun est en revanche rarement dépisté avant la revascularisation précaire du grêle d’aval par la
¶ Prise en charge récurrente iléale (fig 5). Le pronostic fonctionnel de
naissance. La mise en place d’une sonde nasogastrique
ces atrésies dépend essentiellement de la qualité et
précède le bilan radiologique. Le traitement définitif
Atrésies duodénales de la longueur de l’intestin en aval de la sténose.
est bien entendu chirurgical et se fait rapidement
L’atrésie du grêle se rencontre une fois sur dix à
C’est une interruption de la continuité du après rééquilibration hydroélectrolytique. La pose
15 000 naissances.
duodénum, soit complète, soit incomplète. d’un cathéter veineux central accompagne le geste
L’obstacle est beaucoup plus souvent sous-vatérien ¶ Diagnostic
que sus-vatérien. Le pancréas annulaire n’est qu’une Tout comme les atrésies duodénales, les atrésies
forme particulière d’atrésie (fig 4). Ces anomalies Si le diagnostic a été établi avant la du grêle sont bien repérées à l’échographie
sont dues à un défaut du développement du naissance, l’accouchement pourra prénatale, où l’anse dilatée d’amont est parfaitement
duodénopancréas (fig 1) entre la 5e et la 7e semaine avoir lieu en milieu spécialisé, en visible. Le problème à ce stade est de pouvoir
(soit 7 à 9 SA). Il s’agit d’une embryopathie et les évitant le transport de l’enfant. évaluer la qualité de l’intestin d’aval. La visualisation
malformations associées sont présentes dans un du lit vasculaire mésentérique supérieur, à l’aide du

4
Urgences chirurgicales du nouveau-né et du nourrisson - 8-0405

et des prélèvements pour étude histologique. Elle


5 Atrésie de l’intestin prévient la survenue d’une entérocolite septique, qui
grêle avec intestin en « co- est le risque majeur immédiat.
limaçon » dû à une inter- La cure définitive de la maladie interviendra plus
ruption vasculaire. 1. In-
tard, après confirmation complète du diagnostic sur
testin d’amont dilaté ;
un faisceau d’arguments cliniques, histologiques
2. atrésie ; 3. intestin
(biopsies) et physiologiques (étude du réflexe anal
d’aval ; 4. axe vasculaire
inhibiteur, absent dans la maladie). Le procédé le
de l’intestin d’aval.
plus couramment utilisé pour la cure définitive de la
maladie est l’abaissement rétrorectal du côlon sain
(Duhamel).

Imperforation anale - malformation


anorectale (fig 6)
L’imperforation anale se définit par l’absence
d’anus visible ou en place à la naissance. Elle
correspond en fait à un accident précoce dans le
cloisonnement de la membrane cloacale (fig 1) et le
développement de l’intestin postérieur entre 4 et
8 semaines (6 à 10 SA). Il s’agit d’une embryopathie
doppler, est un progrès récent qui permet de mieux rétablissement de continuité précoce, ou par et les malformations associées, urinaires ou
prévoir la vascularisation du segment d’aval et sa anastomose d’emblée. Le pronostic est génitales, touchent un enfant sur trois. Plus l’accident
longueur. L’existence d’une bonne arborisation constamment bon. est précoce, plus l’ensemble malformatif sera sévère.
vasculaire mésentérique en aval de la lésion permet Au plan anatomique, on distingue les formes
de prévoir une cure chirurgicale dans de bonnes Aganglionose colique ou maladie hautes, où le cul-de-sac rectal est situé au-dessus du
conditions et un pronostic satisfaisant. En revanche, de Hirschsprung plan du muscle élévateur de l’anus, et les formes
une vascularisation d’aval insuffisante ne permet pas basses où il est au-dessous (fig 6). Le cul-de-sac rectal
L’aganglionose colique, ou maladie de
forcément de conclure à un mauvais pronostic
Hirschsprung, ou mégacôlon congénital, est une est en général prolongé par une fistule qui est
fonctionnel ultérieur, et ceci est une réelle difficulté
anomalie fréquente qui survient une fois sur quatre à recto-urinaire chez le garçon et rectogénitale chez la
au niveau de l’information des parents. Si le lit
5 000 naissances. Il existe des formes familiales. fille. L’existence d’une fistule périnéale (ou d’un
vasculaire d’aval est insuffisant, une dérivation
Il s’agit d’une anomalie de l’innervation motrice « anus vulvaire ») indique qu’il s’agit d’une forme
intestinale d’emblée, pendant plusieurs mois, sera de
du côlon ou de l’intestin, caractérisée anatomi- basse et permet de prévoir un pronostic satisfaisant
toute façon nécessaire avant le rétablissement de la
quement par l’absence de plexus nerveux sur la continence fécale future de l’enfant.
continuité.
sous-muqueux. Ceci tient à un défaut dans la Dans les formes moyennes, le pronostic
Si le diagnostic n’a pas été fait avant la naissance,
le tableau clinique initial est celui d’une occlusion migration des cellules de la crête neurale de fonctionnel est encore satisfaisant. Dans les formes
néonatale haute avec vomissements verts et l’embryon, entre le 30e et le 60e jour de la gestation. hautes, il est plus aléatoire. Les malformations
ballonnement abdominal, sans émission méconiale Si le défaut survient tardivement, les lésions seront anorectales (MAR) se rencontrent une fois sur
normale. La radiographie de l’abdomen sans localisées au rectosigmoïde. C’est le cas le plus 5 000 naissances.
préparation (ASP) permet en règle de confirmer le fréquent (80 %). S’il est plus précoce, l’aganglionose
¶ Diagnostic
diagnostic et de poser l’indication opératoire. sera plus étendue. Le pronostic fonctionnel dépend
En dehors de quelques cas très particuliers, le
évidemment de l’étendue des lésions. Le côlon non
¶ Prise en charge diagnostic ne peut être fait avant la naissance, sauf
innervé ne peut propulser le bol fécal, et le côlon
La prise en charge initiale est assez similaire à s’il existe une agénésie sacrée importante. Le
d’amont se distend passivement, d’où l’appellation
celle d’une occlusion duodénale, et la cure diagnostic est fait lors de l’inspection systématique
de mégacôlon congénital. Mais la partie distendue
chirurgicale est effectuée rapidement. Si l’intestin du périnée en salle de naissance, en sachant qu’une
est saine et c’est la portion rétrécie qui est malade.
d’aval est jugé satisfaisant à l’intervention, on pourra fistule antérieure (dite anus antérieur) peut ne pas
Cette maladie se révèle lors de la mise en route du
réaliser une résection intestinale limitée et une attirer l’attention si l’examen est trop succinct.
transit. Elle n’est donc pas accessible au diagnostic
anastomose terminoterminale en un temps, avec L’absence de diagnostic conduirait à une
prénatal échographique.
une grande sécurité de résultat. Si le lit vasculaire symptomatologie d’occlusion basse !
d’aval ou l’intestin lui-même sont insuffisants, une ¶ Diagnostic Lors de cette phase de diagnostic, il apparaît
dérivation temporaire est nécessaire pour permettre Le diagnostic de maladie de Hirschsprung peut fondamental de déterminer la hauteur du cul-de-sac
la croissance ou la revascularisation du segment être méconnu en période néonatale, en particulier rectal par rapport au plan du muscle élévateur de
déficient. Cette phase d’attente peut durer de 6 à dans les formes très courtes. Dans sa forme à l’anus (ligne radiologique entre le pubis et la dernière
8 semaines, et il est important d’en avertir les révélation néonatale, la sémiologie est celle d’une pièce sacrée). La recherche d’une anomalie osseuse
familles. Durant cette période, une nutrition occlusion basse, avec une distension abdominale au niveau du sacrum et de la présence de
parentérale totale est souvent indispensable. Le globale, un retard à l’élimination du méconium malformations associées est tout aussi importante.
rétablissement de la continuité se fait en général par accompagné de vomissements tardifs.
une nouvelle laparotomie pour bien explorer la ¶ Prise en charge
Le diagnostic clinique est étayé par la montée
trophicité intestinale. La prise en charge doit être rapide pour permettre,
d’une sonde rectale qui permet l’évacuation de
À ce prix thérapeutique, le pronostic des atrésies dans un premier temps, le rétablissement du transit
méconium. La radiographie de l’ASP montre une
du grêle est bon. Seuls 1 % des enfants gardent des intestinal.
distension colique avec une disparition des
séquelles digestives à type d’intestin court réclamant Schématiquement, dans les formes hautes et
haustrations, le lavement opaque montre une
une nutrition parentérale très prolongée. intermédiaires, une dérivation colique pratiquée au
disparité de calibre entre la zone saine et la zone
sommet de l’anse sigmoïdienne permettra le
Atrésies du côlon malade.
rétablissement du transit. La cure définitive pourrait
Les atrésies coliques, complètes ou incomplètes, ¶ Prise en charge être entreprise après un bilan anatomique précis des
sont également liées à un accident de la croissance Si le nursing à la sonde rectale est inefficace ou lésions, le plus rapidement possible.
intestinale fœtale. Elles sont extrêmement rares et que l’état général du nouveau-né s’altère, une Dans les formes basses, en principe simples, un
réalisent un tableau d’occlusion intestinale basse. exploration chirurgicale s’impose d’urgence. Elle abaissement du cul-de-sac rectal au périnée est
Leur traitement est simple, par dérivation suivie d’un permet la confection d’une colostomie en zone saine entrepris d’emblée.

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8-0405 - Urgences chirurgicales du nouveau-né et du nourrisson

souvent chez le prématuré. Le tableau est dominé


par un état septique avec un abdomen douloureux
et tendu, du sang dans les selles et une pneumatose
de la paroi intestinale, voire des vaisseaux portes sur
le cliché d’ASP. La chirurgie d’urgence se fait en cas
de perforation digestive, ou sur des arguments
cliniques et radiologiques de gravité et d’évolutivité.

Volvulus de l’intestin sur mésentère commun


Cet accident est rare (1/10 000) mais peut
entraîner la nécrose totale de l’intestin grêle. Le
mésentère commun est une anomalie du
développement qui peut se rencontrer chez l’adulte.
6 Malformations anorectales (MAR) chez le garçon. Il s’agit d’un trouble de la croissance de l’anse
A. MAR basse avec fistule périnéale (coupe sagit- intestinale primitive entre 8 et 9 semaines de
tale). 1. Vessie ; 2. rectum ; 3. fistule ; 4. sphincter. gestation (10 et 11 SA). Durant cette phase du
B. MAR intermédiaire. La fistule est recto-urétrale développement intestinal dite de « rotation », le
sous le sphincter de l’urètre. duodénum croît de droite à gauche en passant en
C. MAR haute avec anomalie du sacrum (notochor- arrière de l’artère mésentérique supérieure, et le
dodysraphie) ; lorsque la fistule existe, elle est rec- cæcocôlon droit croît de gauche à droite en
tovésicale ou au-dessus du sphincter. entraînant l’extrémité distale de la racine du
D. Aspect clinique d’une MAR basse avec fistule mésentère. Si cette croissance ne se fait pas, l’intestin
périnéale (F). est en position dite de mésentère commun complet,
avec le grêle à droite et le côlon et l’appendice à
gauche (fig 7A). Cette disposition n’a pas de
caractère pathologique. Si la croissance se fait de
façon incomplète (mésentère commun incomplet),
les deux extrémités de la racine du mésentère sont
alors proches et dans un même plan, avec pour
conséquence un risque majeur de volvulus de tout
l’intestin grêle (fig 7B, C). Un accident aigu de
volvulus impose une intervention chirurgicale dans
les plus brefs délais. Cet accident peut survenir en
période néonatale, mais aussi plus tard. Pour cette
raison, si le diagnostic de mésentère commun
D incomplet est reconnu sur des accidents chroniques,
il devient nécessaire d’en faire la cure chirurgicale.
Le volvulus complet se manifeste cliniquement
La chirurgie des malformations anorectales a L’iléus méconial non compliqué peut être levé par par des vomissement bilieux avec un abdomen
pour souci principal la conservation des structures un lavement opaque aux produits iodés hydroso- douloureux qui est le siège d’une défense plus ou
sphinctériennes musculaires et nerveuses qui lubles hypertoniques. La présence d’une complication moins généralisée. L’émission de selles sanglantes,
assurent la continence rectale. ou l’échec des lavements font indiquer la chirurgie qui plus tardive, traduit la souffrance ischémique de
nécessite souvent une dérivation initiale en iléostomie l’intestin. La radiographie de l’ASP évoque une
Iléus méconial avec un rétablissement secondaire de la continuité. Le occlusion duodénale.
L’iléus méconial correspond à l’obstruction de la pronostic global dépend en fait de l’évolution de la
L’intervention en extrême urgence permettra de
lumière de l’iléon terminal par du méconium durci et maladie causale. Il faut cependant noter que
détordre l’intestin et de le positionner en mésentère
anormal. l’importance de l’iléus méconial ne permet en rien de
commun complet pour prévenir les récidives. La
L’étiologie de loin la plus fréquente de l’iléus préjuger de la gravité de la maladie future, en
nécrose totale de l’intestin grêle n’a comme
méconial est la mucoviscidose (98 %). particulier au plan pulmonaire.
traitement possible que la greffe, qui est encore du
Cet iléus doit être distingué des obstructions domaine de la recherche.
Péritonite méconiale
coliques par petit côlon gauche ou par « bouchon
méconial » qui seront bien reconnues lors de La péritonite méconiale est liée à une perforation ‚ Urgences urogénitales
l’opacification colique. digestive prénatale. Elle est initialement aseptique. Les urgences urologiques sont aussi rares que le
La mucoviscidose touche un enfant sur 2 500, et Elle s’associe volontiers à une atrésie et se rencontre diagnostic prénatal d’uropathie est fréquent. Elles ne
10 % des nouveau-nés atteints de la maladie également dans la mucoviscidose. Il s’agit d’un concernent pratiquement que les valves de l’urètre
présentent une occlusion néonatale. Du fait de accident du développement et les malformations postérieur chez le garçon, où le geste à réaliser est
l’atteinte des glandes muqueuses intestinales, le associées ne peuvent être que fortuites. La péritonite une dérivation urinaire par la pose d’une sonde
méconium devient épais et adhère à la muqueuse. méconiale peut être reconnue à l’échographie vésicale, chaque fois que cela est possible devant la
Dans les derniers centimètres d’iléon, il se solidifie, prénatale. La présence de calcifications est très constatation d’un globe vésical.
réalisant un véritable empierrement. Cette occlusion fréquente et permet de penser qu’il ne s’agit pas
peut être compliquée d’une péritonite méconiale d’une mucoviscidose. Torsion testiculaire néonatale
et/ou d’une atrésie. On estime qu’un iléus méconial Certaines péritonites méconiales restent La torsion du testicule survient préférentiellement
sur trois est compliqué. L’iléus méconial peut être totalement asymptomatiques, et seule la présence chez le nouveau-né et l’adolescent, et très rarement
reconnu lors d’un diagnostic prénatal par de calcifications sur le cliché d’ASP rappelle la chez l’enfant plus grand avant la puberté. Chez le
l’association d’un grêle hyperéchogène et d’une perforation digestive prénatale. Dans la plupart des nouveau-né, elle est très souvent méconnue, et
distension. Ces constatations doivent faire cas, le tableau est celui d’une occlusion néonatale, et c’est pourtant la cause la plus fréquente d’anorchidie
rechercher une mucoviscidose par le dosage des le traitement en est alors chirurgical. unilatérale. Si la torsion est prénatale, la
enzymes digestifs dans le liquide amniotique et symptomatologie douloureuse fait défaut, et
surtout par la recherche directe, en biologie Entérocolite aiguë ulcéronécrosante l’examinateur peut avoir l’attention attirée par une
moléculaire, de la mutation génique chez les parents Il s’agit d’une maladie acquise, d’origine asymétrie testiculaire, mais de toutes les façons, la
et le fœtus. vasculaire et infectieuse, qui survient le plus gonade involuera car la nécrose est déjà ancienne. Si

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Urgences chirurgicales du nouveau-né et du nourrisson - 8-0405

plus rare que l’omphalocèle et sa fréquence est


estimée à 1/10 000 naissances. Le pronostic final de
cette malformation est excellent, et la survie sans
séquelle dépasse 95 %.

Diagnostic
L’omphalocèle et le laparoschisis sont maintenant
presque toujours découverts avant la naissance, lors
de l’échographie prénatale. Dans le laparoschisis, les
anses sont reconnues extériorisées, flottant dans le
liquide amniotique, épaissies et peu mobiles. Une
hypotrophie fœtale modérée est très fréquemment
observée. L’aspect des anses et la qualité de la
vascularisation mésentérique peuvent fournir des
indications sur le pronostic, en terme de durée
d’alimentation parentérale exclusive. L’omphalocèle
se caractérise par la présence d’un sac contenant des
viscères abdominaux et prolongé par le cordon
ombilical. Le contenu du sac et la taille de
7 Mésentère commun. l’omphalocèle sont des critères pronostiques
A. Mésentère commun importants, mais la recherche des malformations
sans risque de volvulus. associées est fondamentale. Lorsque le diagnostic
B, C. Mésentère com- est fait avant la naissance, l’accouchement peut être
mun incomplet avec ris- programmé dans un centre spécialisé, ce qui facilite
que important de volvu- très largement la prise en charge.
lus : les deux pieds de la
Prise en charge
racine du mésentère
sont côte à côte. 1. An- La prise en charge du nouveau-né est assez
gle duodénojéjunal ; similaire dans les deux pathologies. Sauf pour des
2. grêle ; 3. côlon ; raisons obstétricales particulières, l’accouchement
4. cæcoappendice. peut se faire par voie basse. L’enfant est enveloppé
D. Opacification d’un dans un sac stérile jusqu’à mi-corps, dès la naissance,
volvulus. L’angle duo- et transporté après une brève préparation vers le
dénojéjunal est à droite bloc opératoire où débute la réanimation en même
de la colonne verté- temps que l’anesthésie générale. L’intervention a
brale. 1. Duodénum ; pour but la fermeture pariétale et la réintégration des
2. angle duodénojéju- viscères herniés. Si la fermeture n’est pas possible
nal (volvulé) ; 3. grêle d’emblée, elle sera effectuée de façon progressive,
à droite ; 4. colonne en plusieurs jours, par l’intermédiaire d’un silo en
D vertébrale. silastic fixé sur les berges de la lésion, que l’on va
rétrécir quotidiennement, un peu à la manière d’un
« tube de dentifrice ». La fermeture est alors obtenue
la torsion survient dans les heures ou les jours qui L’omphalocèle est due à l’absence de fermeture en 6 à 10 jours en moyenne. La mise en place d’un
suivent la naissance, elle se manifeste par une de la paroi ventrale de l’embryon avant la cathéter central d’alimentation parentérale est
symptomatologie dominée par l’existence d’une 9e semaine de gestation (11 SA). Il s’agit d’une indispensable. Il restera en fonction jusqu’à la reprise
grosse bourse douloureuse, avec un liquide un peu embryopathie où les malformations associées sont de l’alimentation normale per os. La durée de
foncé à la transillumination qu’il ne faut pas fréquentes, en particulier chromosomiques, l’alimentation parentérale exclusive est plus
confondre avec une banale hydrocèle. Une craniofaciales ou cardiaques. Elles atteignent importante dans les laparoschisis et peut aller de
intervention rapide par simple scrototomie permet presque un malade sur deux. L’omphalocèle se 15 jours à 2 mois. Au prix d’une phase de prise en
parfois de sauver le testicule. La constatation d’une présente comme une large hernie, centrée par le charge néonatale assez lourde, la guérison est de
torsion testiculaire néonatale fera poser l’indication cordon ombilical, où les viscères extériorisés sont règle. Les complications à craindre sont surtout
d’une orchidopexie controlatérale, pour prévenir le protégés par un sac (fig 8A). La taille de l’ouverture infectieuses. Le reflux gastro-œsophagien est
risque de torsion de l’autre côté. pariétale est variable, depuis la simple hernie dans le fréquent (50 %) dans les suites immédiates. Plus à
cordon contenant quelques anses grêles, jusqu’à distance, on peut observer des éventrations.
Kyste ovarien compliqué l’omphalocèle géante, avec une large partie du foie Le diagnostic prénatal et les progrès de la
La présence d’un kyste ovarien avant la extériorisée. Les problèmes thérapeutiques varient réanimation chirurgicale néonatale ont radicalement
naissance peut être reconnue à l’échographie dans selon les différentes formes. La fréquence de transformé le pronostic de ces malformations.
les dernières semaines. Les signes d’une l’omphalocèle est estimée à 1/5 000 naissances. Le
complication comme une hémorragie, une torsion pronostic d’une omphalocèle isolée, si l’on excepte


ou les deux, sont l’apparition de cloisons et de les très grosses omphalocèles, est très bon.
sédiments à l’intérieur du kyste. Si le kyste folliculaire Le laparoschisis est bien différent puisqu’il s’agit Urgences du nourrisson
non compliqué n’est justiciable que d’une ponction d’un défaut de la croissance pariétale, probablement
échoguidée s’il est gros (plus de 3 cm), le kyste d’origine vasculaire, pendant la phase finale de la
compliqué devra être opéré. délimitation. Il n’y a donc pas d’anomalies associées Les urgences les plus fréquentes chez le
dans les laparoschisis. Les anomalies digestives nourrisson sont la sténose du pylore, l’invagination
‚ Urgences pariétales décrites ne sont que la conséquence de intestinale aiguë, la hernie étranglée et à un degré
Ces situations d’urgences néonatales sont l’extériorisation des anses digestives. Il s’agit d’un moindre l’appendicite aiguë.
représentées essentiellement par les omphalocèles défaut latéro-ombilical droit, sans sac, où les anses
et les laparoschisis. Les autres défauts de la paroi intestinales baignent dans le liquide amniotique ‚ Sténose hypertrophique du pylore
antérieure, (celosomies antérieures) sont beaucoup (fig 8B). L’aspect des anses est encouenné et Cette maladie est due à l’hypertrophie des
plus rares. cartonné, à des degrés variables. Le laparoschisis est couches musculaires pyloriques, qui débute

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8-0405 - Urgences chirurgicales du nouveau-né et du nourrisson

8 A. Omphalocèle à Échographie abdominale


contenu hépatique. Il existe La pratique courante de l’échographie
un sac. Le cordon ombili-
a rendu beaucoup plus rare la
cal est implanté au sommet
de l’omphalocèle. réalisation d’un transit
B. Laparoschisis. Les an- œsogastroduodénal qui ne vit que des
ses sont extériorisées, à nu, échecs des ultrasons.
encouennées. Le défaut est
latéro-ombilical. 1. Cordon
ombilical. transit œsogastroduodénal visualisera le défilé
pylorique, avec des passages retardés et une
empreinte duodénale concave.

Prise en charge
Le traitement de la sténose hypertrophique du
pylore est chirurgical, après rééquilibration
hydroélectrolytique car les perturbations du
ionogramme sont quasi constantes (alcalose
hypochlorémique). Cette phase de correction
ionique peut amener à différer l’intervention de 1 ou
2 jours, en laissant l’enfant sous perfusion et sonde
A gastrique au sac. La chirurgie suppose une
anesthésie générale qui est délicate sur ce terrain du
fait de la réplétion gastrique et de la fragilité de
l’équilibre ionique. L’intervention est menée par une
voie localisée périombilicale, qui remplace
progressivement la classique voie transrectale droite.
Cette voie autorise l’abord de la grande courbure
gastrique et l’extériorisation de l’olive (fig 9). Le geste
qui guérit la maladie est la pylorotomie
extramuqueuse décrite par P Fredet en 1907 et qui
a radicalement transformé le pronostic de cette
affection. On pratique une incision longitudinale de
l’olive en écartant prudemment les berges pour
laisser intacte la muqueuse. Après vérification de
l’hémostase, l’ensemble est réintégré dans la cavité
abdominale. La sonde gastrique est retirée en fin
d’intervention, et la réalimentation est entreprise, de
façon très progressive et fractionnée, dès la 3e heure,
pour arriver à un régime normal en 3 jours. Une
petite brèche muqueuse que l’on suture peut
survenir au niveau du cul-de-sac duodénal ; cette
éventualité rare fera différer la réalimentation de
24 heures, en gardant la sonde gastrique en place.
B L’association d’une sténose du pylore et d’un
reflux gastro-œsophagien est très classique et le plus
souvent liée à la mauvaise vidange gastrique.
progressivement sur le versant gastrique pour se Diagnostic
Certains nourrissons continuent de refluer après la
terminer brutalement sur le versant duodénal.
Le tableau clinique est assez univoque, dominé
L’ensemble réalise une tuméfaction dure de la
par les vomissements en jet après les biberons, et
région pylorique, pouvant mesurer 40 mm de
souvent à distance de ceux-ci. Ils sont alimentaires,
longueur et 20 mm d’épaisseur. Elle touche deux fois
abondants, composés de lait caillé, chez un
sur trois un garçon, et les observations familiales ne
sont pas rares, évoquant une éventuelle étiologie nourrisson qui ne cesse de réclamer de nouveau à
génétique. L’association avec un ictère est classique, boire. La perte de poids est rapide. L’examen clinique
mais se voit dans moins de 10 % des cas. L’étiologie sur un enfant qui vient de boire peut retrouver des
de cette affection reste encore inconnue. La ondulations péristaltiques à jour frisant, localisées à
fréquence de survenue est estimée à 1/1 000 la région épigastrique : elles sont pathognomo-
naissances, avec des variations importantes niques de la sténose du pylore dans ce contexte. La
géographiques ou saisonnières. Elle est rarissime en palpation de l’olive pylorique sous l’auvent
Chine, rare en Afrique, et très fréquente en Europe hépatique est plus difficile à retrouver. L’examen
du Nord. apprécie, par ailleurs, le degré de déshydratation et
de dénutrition du nourrisson. Le diagnostic, déjà
largement suspecté par la clinique, sera confirmé par
La sténose hypertrophique du pylore les données de l’imagerie.
survient vers la 3e semaine de vie, La mise en évidence de l’olive pylorique, avec un
quelquefois un peu plus tôt, rarement aspect en cocarde et une paroi pylorique épaissie
plus tard. Des observations ont supérieure à 4 mm en coupe transversale et une 9 Sténose hypertrophique du pylore : vue opéra-
cependant été rapportées jusqu’à longueur supérieure à 20 mm en coupe toire. L’olive est extériorisée par une voie ombilicale.
longitudinale, permet de confirmer le diagnostic et 1. Face gastrique ; 2. olive pylorique ; 3. duodénum ;
3 mois de vie. 4. ombilic.
de poser l’indication opératoire. En cas d’échec, le

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Urgences chirurgicales du nouveau-né et du nourrisson - 8-0405

levée de l’obstacle, et un traitement médical ‚ Hernie inguinale étranglée


antireflux est nécessaire dans les semaines ou mois L’invagination intestinale aiguë La hernie inguinale chez le nourrisson ou le petit
qui suivent l’intervention. idiopathique du nourrisson est une enfant, comme souvent chez l’adolescent ou l’adulte
Les complications postopératoires sont très rares. maladie grave, dont le pronostic est jeune, correspond à une anomalie congénitale qui
Il faut cependant souligner la possibilité excellent. Il faut souligner est la persistance du canal péritonéovaginal. Cette
exceptionnelle d’une éviscération sur la cicatrice ou
l’importance d’un diagnostic précoce : anomalie est aussi fréquente chez le garçon que
de petits problèmes infectieux locaux.
100 échographies normales coûteront chez la fille (canal de Nück) et concerne 10 à 15 %
‚ Invagination intestinale moins cher à la collectivité qu’un seul des nourrissons. La complication à craindre est
l’étranglement.
Il y a invagination intestinale lorsqu’un segment diagnostic trop tardif !
Le canal péritonéovaginal est un cul-de-sac
d’intestin pénètre dans le segment sous-jacent.
péritonéal, au niveau du bourrelet génital (grande
L’ensemble, formé par le cylindre endoluminal
extrêmement fiable entre des mains habituées à lèvre ou scrotum), visible très tôt chez l’embryon,
interne, le cylindre périphérique externe et les
cette pathologie. Le boudin d’invagination y est dont la structure anatomique va se modifier selon la
éventuels cylindres intermédiaires, définit le boudin
visible sous forme d’une zone échogène centrale migration de la gonade. Chez le garçon, le testicule
d’invagination. La plus fréquente est l’invagination
entourée d’un halo hypoéchogène. La radiographie migre depuis la région rénale jusqu’à l’orifice
idiopathique du nourrisson. Lorsqu’il existe un
de l’ASP est souvent très informative. Elle peut profond du canal inguinal et pénètre la région
obstacle au péristaltisme intestinal, comme une
montrer l’image d’une anse grêle dilatée, la vacuité inguinale, en restant en arrière du canal
plaque de Peyer hypertrophiée ou un gros ganglion
de la fosse iliaque droite, voire l’image directe du péritonéovaginal qui reste perméable jusqu’à la
mésentérique au cours d’une adénolymphite virale,
boudin. Elle renseigne aussi sur l’importance du naissance et au-delà. Dans 90 % des cas, il se ferme
l’intestin d’amont pénètre dans le segment d’aval en
syndrome occlusif. Le lavement opaque peut encore dans la première année de la vie, mais il peut
emportant son méso. De ce fait, les vaisseaux seront
persister et être à l’origine d’une hydrocèle
progressivement comprimés et étirés, avec comme confirmer le diagnostic en cas de doute. Il est surtout
congénitale, d’un kyste du cordon, ou d’une hernie
conséquences une ischémie et une souffrance le premier temps de la phase thérapeutique. Il y a
inguinale, qui ne sont que des aspects différents
intestinale qui s’exprime en clinique par la présence cependant des contre-indications formelles à sa
d’une même pathologie. Chez la fille, la migration
de sang dans les selles. La compression du méso réalisation qui sont : l’altération de l’état général, un
gonadique laisse l’ovaire à l’entrée du canal inguinal.
entraîne également une compression des nerfs à important syndrome occlusif avec un doute sur
Ceci explique qu’en l’absence de fermeture du canal,
l’origine des douleurs paroxystiques observées. l’importance de la souffrance intestinale, ou la
l’ovaire puisse s’y engager. La « hernie de l’ovaire »
La fréquence de l’invagination est estimée entre suspicion d’une perforation digestive.
est une hernie inguinale à contenu ovarien.
3 et 6 pour 1 000, entre 0 et 3 ans, selon les années.
Elle se rencontre deux fois sur trois chez le garçon, au Prise en charge Diagnostic
décours d’une infection virale banale, entre 2 mois et
Lorsque le diagnostic est établi par l’échographie, La hernie inguinale étranglée se présente comme
2 ans. Chez l’enfant plus grand (10 % des cas),
le nourrisson doit être hospitalisé : une tuméfaction dure et douloureuse à l’orifice
l’invagination est plus souvent liée à une cause
anatomique précise comme un polype, un – une sonde gastrique est mise en place, ainsi superficiel du canal inguinal.
diverticule de Meckel, ou une tumeur. L’invagination, qu’une voie d’abord veineuse, avec une perfusion Chez la fille, le principal risque est la torsion de
au décours de l’évolution d’un purpura rhumatoïde, avant la réalisation du lavement opaque ; l’ovaire extériorisée. Elle est rare. Cette torsion se
est une notion classique. Elle est cependant – le lavement opaque doit avoir lieu en présence révèle par des signes douloureux et un aspect
extrêmement rare. La forme habituelle est donc celle de l’anesthésiste et du chirurgien, sur un enfant inflammatoire local. Cette constatation implique une
du nourrisson. calmé et analgésié ; cure chirurgicale d’urgence pour préserver la vitalité
Chez le nourrisson, il paraît indispensable de ne – le choix du produit de contraste revient au de la gonade.
pas méconnaître une authentique urgence radiologiste, après discussion avec ses confrères. Ce Chez le garçon, l’étranglement herniaire se
chirurgicale devant un tableau apparemment peut être de la baryte diluée et tiède, des produits produit lors de l’incarcération d’une anse intestinale
banal associant fièvre et diarrhée. iodés hydrosolubles, ou de l’air sous pression au niveau de la hernie. Il peut être révélateur. Il
contrôlée. apparaît une tuméfaction dure, douloureuse et
Diagnostic irréductible, accompagnée de vomissements, puis
La progression de la colonne de contraste est
La symptomatologie est marquée par la survenue suivie en scopie télévisée. Elle montre l’image d’arrêt d’un syndrome occlusif. Le risque d’ischémie de
brutale de douleurs abdominales paroxystiques, en cupule, puis la progression rétrograde du boudin. l’anse intestinale est évident, mais celui de nécrose
exprimées par des cris et des pleurs accompagnés testiculaire par compression du cordon est bien
Durant cette phase de réduction, il est souvent
d’une pâleur inhabituelle. Au bout de quelques moins connu. Il est majoré par les manœuvres de
nécessaire d’approfondir la prémédication et
minutes, l’enfant se calme, puis une nouvelle crise réduction par « taxis ». L’essai de réduction manuelle
l’analgésie. La désinvagination n’est obtenue que si
survient. Ces crises sont souvent associées à des de la hernie doit donc être progressif, doux, prudent,
l’on observe un bon remplissage du bas fond cæcal
vomissements, puis à l’émission d’une selle sans insister si l’on n’obtient pas de résultat
et une opacification totale des dernières anses
sanglante. Cette association sémiologique, aussi immédiat. Si la hernie ne peut être réduite,
grêles. Dans ces conditions rigoureuses, il est l’intervention chirurgicale s’avère indispensable,
classique qu’évocatrice, n’est cependant présente
possible de réduire 80 % des invaginations dans les plus brefs délais. Cette intervention permet
que dans un quart des cas, dans notre expérience. La
idiopathiques du nourrisson non compliquées. Le de vérifier l’état de l’anse intestinale et du testicule,
douleur ou les vomissements peuvent être isolés,
taux de récidive observé est de 1 %, identique à celui de réduire la hernie et d’en effectuer la cure.
dans presque 20 % des cas.
observé après une cure chirurgicale. L’enfant sera L’étranglement rend l’intervention beaucoup plus
L’invagination doit être soupçonnée chez tout
gardé sous surveillance clinique et radiologique, délicate, du fait des complications inflammatoires
nourrisson qui présente des douleurs abdominales
pendant 1 à 2 jours, jusqu’à la reprise franche du locales.
paroxystiques et/ou des vomissements, jusqu’à ce
que le diagnostic soit infirmé par l’échographie ou transit et d’une alimentation normale.
le lavement opaque si besoin. En cas d’échec de la réduction, l’invagination sera Prise en charge
Si le diagnostic est trop tardif, les lésions évoluent traitée chirurgicalement, en général par une large Elle est chirurgicale. Le traitement consiste à lier et
vers la nécrose intestinale, avec une rapide voie iliaque droite. Si la réduction manuelle réséquer le canal péritonéovaginal par voie
dégradation de l’état général. Des cas de diagnostic peropératoire échoue, une résection intestinale avec inguinale. Chez la fille, la ligature et la résection du
trop tardif, avec décès de l’enfant, sont à l’origine de anastomose terminoterminale sera nécessaire. sac emportent le ligament rond. Chez le garçon, le
difficiles affaires médicolégales. En cas de contre-indication au lavement, la canal péritonéovaginal doit être minutieusement
La suspicion clinique d’une invagination doit être laparotomie d’urgence s’impose. Elle permettra séparé des constituants du cordon spermatique,
confirmée ou infirmée par l’échographie et, au d’effectuer le bilan des lésions et leur traitement. La partiellement réséqué, et lié au niveau de l’orifice
besoin, par le lavement opaque. L’échographie est surveillance et les suites opératoires ne posent pas inguinal profond. La réfection pariétale n’est pas
devenue, ces dernières années, un examen de problème particulier. nécessaire puisqu’il n’y a pas d’anomalie de la paroi.

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8-0405 - Urgences chirurgicales du nouveau-né et du nourrisson

Ce traitement est simple, mais il n’est pas facile. Son Diagnostic La péritonite aiguë généralisée se caractérise par
exécution correcte réclame une bonne habitude de un tableau plus intense, avec une franche altération
la chirurgie du nourrisson. Le diagnostic d’appendicite aiguë chez le de l’état général. La palpation retrouve une défense
nourrisson est difficile du fait du terrain et de la généralisée ou une contracture.
‚ Appendicite aiguë du nourrisson rareté de l’affection. Il est de ce fait plus souvent
évoqué avec retard, au stade d’abcès ou de Prise en charge
Une appendicite sur 50 survient avant 2 ans, mais La mise en route d’une antibiothérapie veineuse
péritonite. La sémiologie initiale comporte une
de façon deux fois plus fréquente après 1 an. précède l’intervention chirurgicale. La palpation de
douleur abdominale dans un contexte fébrile,
accompagnée de vomissements. La diarrhée est l’abdomen sous anesthésie générale permettra de
présente une fois sur deux, et des signes urinaires à choisir entre une voie d’abord localisée iliaque droite
L’appendicite du nourrisson est rare, et une voie médiane large, permettant une toilette
mais elle tient sa gravité de cette type de douleurs à la miction, une fois sur trois.
péritonéale complète. En cas de péritonite, la voie
rareté, car le diagnostic est souvent L’examen clinique, prudent, patient et soigneux,
médiane ne se discute pas. Certains cas pourront
permet d’abord d’apprécier l’état général d’un
méconnu et le traitement trop tardif. bénéficier d’un abord cœlioscopique. Il est en tout
enfant abattu et algique. La palpation abdominale,
La difficulté est de penser à une cas vital d’assurer une toilette péritonéale parfaite.
souvent difficile sur ce terrain, retrouve une
éventuelle urgence chirurgicale devant La surveillance postopératoire est essentiellement
défense de la fosse iliaque droite dans 80 % des
un nourrisson fébrile avec une clinique. En cas d’appendicite suppurée ou gangrenée,
cas. Elle peut s’accompagner d’une sensation ou a fortiori de péritonite, l’antibiothérapie veineuse et
diarrhée et des vomissements, car une d’empâtement de la fosse iliaque droite, avec une la position demi-assise seront poursuivies quelques
fois sur 100, ce tableau sera celui impression de masse. Les examens paracliniques jours. Les complications à craindre sont l’abcès
d’une authentique appendicite aiguë permettent d’apporter des arguments supplémen- résiduel intrapéritonéal et l’abcès de paroi. La
que les antibiotiques ne guériront pas. taires en faveur du diagnostic. meilleure façon de les prévenir est de réaliser une
L’échographie peut montrer un appendice bonne toilette péritonéale initiale. À plus long terme, le
épaissi ou l’image d’un abcès. La radiographie de risque d’occlusion sur bride est de l’ordre de 1 % dont
Il existe également d’authentiques péritonites
l’ASP peut montrer l’image directe d’un stercolithe la moitié dans la première année.
aiguës généralisées, d’emblée consécutives à une
dans la fosse iliaque droite, une distension de la Appendicite aiguë du nouveau-né -
perforation de l’appendice. L’appendicite du
dernière anse grêle, ou une plage de densité appendicite herniaire
nouveau-né et l’appendicite herniaire sont des
entités à part. hydrique. Elle est rarissime et se présente comme une occlusion
L’appendicite aiguë est due à une infection Tous ces signes peuvent être associés. L’examen néonatale fébrile. Le diagnostic est fait à l’intervention.
endoluminale qui détruit la muqueuse appendicu- radiologique est contributif dans près de 80 % des On observe également des lésions d’appendicite au
laire. L’obstruction de la lumière par un coprolithe en cas. Biologiquement, l’hyperleucocytose, avec un décours de certaines entérocolites aiguës.
est fréquemment la cause à cet âge. Au plan chiffre de polynucléaires neutrophiles supérieur à L’appendicite herniaire correspond à un
anatomopathologique, on reconnaît l’appendice 10 000, est présente dans deux tiers des cas. Chez le étranglement de l’appendice dans une hernie
inflammatoire (augmenté de volume, hyperhémié, nourrisson, la présence de formes jeunes inguinale droite, et les signes sont plus ceux d’un
avec des lésions de la muqueuse), l’appendice (myélocytes ou métamyélocytes) a la même valeur. étranglement herniaire. Elle peut également se
suppuré (blanchâtre, recouvert de fausses Le diagnostic d’appendicite aiguë chez le tout-petit révéler après une réduction manuelle incomplète
membranes), et l’appendice gangrené (avec un est d’abord une suspicion clinique : la diarrhée et les d’une hernie inguinale droite où l’appendice reste
aspect nécroticohémorragique, perforé ou signes urinaires ne doivent pas égarer dans le sac. Il peut alors se sphacéler et provoquer
préperforatif). l’examinateur. un abcès. Cette éventualité est rare.

Frédéric Bargy : Professeur des Universités, chirurgien des Hôpitaux.


Sylvie Beaudoin : Chef de clinique-assistant.
Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, service de chirurgie pédiatrique, 74, avenue Denfert-Rochereau, 75674 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Bargy et S Beaudoin. Urgences chirurgicales du nouveau-né et du nourrisson.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0405, 1998, 10 p

Références

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Chirurgie digestive de l’enfant. Paris : Doin, 1990 : 117-134, 480-494 Houssin D eds. Pathologie chirurgicale. Paris : Masson, 1991 : 246-252

[2] Bargy F. Atrésie de l’œsophage. In : Fagniez PL, Houssin D eds. Pathologie [7] Mollard P, Louis D. Imperforations anales. In : Helardot PG, Bienaymé J,
chirurgicale. Paris : Masson, 1991 : 125-131 Bargy F eds. Chirurgie digestive de l’enfant. Paris : Doin, 1990 : 573-598

[3] Bargy F, Beaudoin S. Hernies de l’enfant. Rev Prat 1997 ; 47 : 289-294 [8] Revillon Y, Jan D. Occlusions néonatales. In : Fagniez PL, Houssin D eds.
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[4] Helardot PG, Bargy F, Kalifa G. Invagination intestinale aiguë de l’enfant.
Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), 1986 : Gastroentérologie, 9-044-I-10, 1-8

[5] Helardot PG. Malformations œsotrachéales en dehors de l’atrésie. In : Helar-


dot PG. Bienaymé J, Bargy F eds. Chirurgie digestive de l’enfant. Paris : Doin,
1990 : 437-447, 475

10
8-0410
8-0410

Médicaments et allaitement
Encyclopédie Pratique de Médecine

JL Saulnier

L e bénéfice de l’allaitement maternel est bien admis, et la question se pose de savoir si la prise d’un médicament
par la mère peut remettre en cause ce mode d’alimentation infantile. Le but de cet article est de donner les
éléments de connaissance essentiels pour les médecins et pharmaciens confrontés à ce genre de décision.
© Elsevier, Paris.


Les inconvénients de certains médicaments sont Qualité du lait maternel
Introduction indépendants de tout passage lacté mais résultent
Une teneur en lipides élevée favorise très
d’une modification de la quantité de lait sécrété, de
nettement la pénétration des substances
sa composition ou de son goût.
liposolubles. Ces conditions sont particulièrement
Le bénéfice de l’allaitement maternel est bien Au total, la notion de passage lacté d’un réunies avec le lait sécrété à partir de la troisième
admis en raison de la bonne digestibilité du lait médicament est une notion intéressante mais peu semaine d’allaitement, avec le lait sécrété le matin,
maternel, de son apport équilibré et adapté en utile sur le plan clinique. chez la femme jeune, en fin de tétée et lorsque
permanence aux besoins de l’enfant. La survenue de Les questions importantes à se poser sont autres. celles-ci sont fréquentes.
certaines maladies infantiles, notamment Quelle quantité de médicament est présente dans
infectieuses, semble plus rare lorsque l’enfant est le compartiment lacté ? Quantité de lait sécrété
nourri au sein. Bien d’autres bénéfices sont évoqués Le médicament est-il retrouvé dans le sérum du
dont certains demandent confirmation (moindre Elle est influencée par de nombreux éléments.
nouveau-né ?
incidence future d’obésité, d’athérosclérose et de ■ Le nycthémère : le volume de lait sécrété est
Quels en sont les risques ; sont-ils potentiels ou plus important le matin que le soir.
diverses maladies métaboliques notamment diabète réellement rapportés ?
familial). ■ Le temps après l’accouchement : la production
Dans la majorité des cas, le médicament est maternelle de lait est peu importante les 2 premiers
La question se pose de savoir si la prise d’un présent dans le lait maternel à si faible concentration
traitement médicamenteux peut remettre en cause jours après l’accouchement (environ 175 mL/j) du
que la survenue d’un effet indésirable pour le fait de l’action inhibitrice de la progestérone et des
l’allaitement maternel. nouveau-né est hautement improbable. Le bénéfice œstrogènes. La sécrétion augmente ensuite
de l’allaitement maternel dépasse alors largement la nettement jusqu’au 5e jour (400 à 500 g), puis plus


notion de risque, bien que celle-ci demeure présente lentement (700 g à la fin du premier mois, 800 g à 6
Position du problème comme avec toute substance active. mois).
Dans d’autres cas, la concentration du ■ L’état pathologique ou psychologique de la
médicament dans le lait maternel est plus élevée et mère.
La réponse à cette question est indépendante de la survenue d’un effet indésirable est possible ou ■ La prise de certains xénobiotiques :
la présence ou non du médicament dans le lait décrit. – réduisant la lactation : tabac, alcool,
maternel. L’un des problèmes, pour le nouveau-né, résultant médicaments (diurétiques, agonistes dopaminer-
A priori, la grande majorité des substances de l’ingestion de médicaments par le lait maternel, giques, antiestrogènes, calcitonine, danazol, dérivés
pénètrent dans le lait maternel. Leur concentration est la survenue d’interactions avec des médicaments de l’ergot de seigle, œstrogènes, pyridoxine) ;
peut être mesurée à condition de disposer d’une qui lui sont directement administrés. Il faut bien – augmentant la sécrétion lactée : bière, boisson
technique analytique suffisamment sensible. reconnaître que ce risque vraisemblable a été peu abondante, cumin, fenouil ainsi que des
Quelques substances peuvent d’emblée être étudié. médicaments stimulant la production de prolactine
considérées comme absentes du lait maternel,
(amoxapine, antiémétiques comme le métoclo-
notamment celles qui, utilisées par voie orale, ne


pramide et la dompéridone, les antihistaminiques
sont pas absorbées pas le tractus digestif de la mère.
Pénétration d’un médicament H2, la méthyldopa, les neuroleptiques classiques, la
D’autres sont détruites (hormones polypepti- dans le lait maternel et toxicité théophylline).
diques, etc) ou non absorbées (aminosides,
vancomycine, amphotéricine B...) dans le tractus ‚ Facteurs liés à la molécule
gastro-intestinal de l’enfant et sont, en théorie, sans La pénétration d’une substance dans le lait
risque. Cependant ces propos doivent être nuancés. Le transfert des médicaments dans le lait
maternel et sa toxicité pour le nouveau-né font
La perméabilité de la muqueuse gastroduodénale maternel suit les lois communes à tout passage
intervenir de nombreux facteurs sous la
aux protéines et aux médicaments est plus membranaire. Il se fait essentiellement selon un
dépendance : de la mère, de la molécule, de l’enfant.
importante chez le nouveau-né (particulièrement en mode de diffusion passive, et très exceptionnel-
cas de prématurité) et le nourrisson que chez l’adulte. ‚ Facteurs maternels lement par diffusion directe ou transport actif
Une substance, même en l’absence d’absorption La diffusion passive des médicaments est sous la
digestive, n’est pas, pour autant, dénuée de risque. Posologie dépendance de paramètres classiques.
© Elsevier, Paris

Ainsi, de nombreux antibiotiques, notamment Plus la dose de médicament administré ou sa


pénicillines et céphalosporines injectables, persistent biodisponibilité sont importantes (voie intravei-
État d’ionisation de la molécule
dans le tractus digestif et y exercent leur activité sur neuse), plus les concentrations sériques maternelles Les substances « bases faibles » (7 < pKa < 9),
la flore digestive avec un risque de diarrhées sont élevées et, par voie de conséquence, celles surtout si elles sont liposolubles, ont tendance à se
infantiles. retrouvées dans le lait maternel. concentrer dans le lait maternel (ion trapping).

1
8-0410 - Médicaments et allaitement

Habituellement le rapport de concentration ¶ Métabolisme d’un risque spécifique qui s’y rapporte, ne
[lait]/[plasma] est supérieur à 1, ce qui ne signifie pas Le foie, principal organe de métabolisme des permettent pas, à elles seules, de répondre de façon
forcément que la concentration sanguine du médicaments, n’est pas mature chez le nouveau-né. générale à la question de la possibilité de
médicament soit élevée chez le nouveau-né. En Il en résulte une profonde modification de leur l’allaitement maternel avec tel type de traitement.
effet, leur volume de distribution est habituellement métabolisme hépatique, accompagnée assez Ces données doivent être rapprochées de la prise en
important, réduisant ainsi les concentrations souvent d’une réduction de la clairance. Il y donc un compte d’éléments annexes.
plasmatiques. risque de surdosage pour les médicaments qui sont
Les substances « acides faibles » (3 < pKa < 7), épurés uniquement par le foie. ‚ Nouveau-né
surtout si elles sont fortement fixées aux protéines Les nouveau-nés avant terme sont plus sensibles
¶ Élimination
plasmatiques, sont généralement peu concentrées que les autres.
Le rein est immature à la naissance perturbant
dans le lait maternel. Le rapport de concentration Le risque n’est pas identique si l’enfant est nourri
ainsi l’excrétion des xénobiotiques jusqu’à 6 à 7
[lait]/[plasma] est habituellement inférieur à 1. Cette exclusivement au sein ou présente une alimentation
mois après la naissance.
faible concentration s’explique par l’importance de mixte.
L’ensemble des modifications pharmacociné-
l’ionisation et également par une fixation protéique Un enfant ayant été en contact avec le
tiques conduit généralement chez le nouveau-né,
généralement importante. médicament in utero peut être plus sensible à sa
encore plus s’il est prématuré, à un accroissement
Les substances non ionisées ont généralement des concentrations actives ainsi qu’à un allongement toxicité par suite d’un phénomène d’imprégnation
une concentration dans le lait voisine de celle du de la demi-vie des médicaments. médicamenteuse.
plasma maternel. Un nouveau-né de mère fumeuse, ou ayant
La nécessité d’adapter les posologies chez l’enfant
est bien connue. Dans le cas de l’allaitement consommé des inducteurs enzymatiques, au cours
Liaison aux protéines plasmatiques de sa grossesse métabolise plus rapidement
maternel, le problème est différent. Il n’est pas
Les molécules, généralement des acides faibles, possible de modifier la dose administrée puisque certaines substances.
fortement fixées aux protéines plasmatiques sont, c’est celle qui est active chez la mère. De même, il est Le nouveau-né peut présenter une sensibilité
par nature, peu diffusibles. impossible d’espacer les prises (sauf remplacement particulière.
d’une tétée par un biberon) qui dépendent des La réflexion, en terme de prise de risque, est
Liposolubilité besoins nutritifs de l’enfant. Le problème est de type différente suivant que le nouveau-né vit dans un
« tout ou rien ». Soit la concentration du médicament milieu, ou pays, favorisé ou non.
Elle détermine l’importance de la vitesse de
dans le lait est faible et rend peu significative les
passage des médicaments dans le lait maternel. ‚ Médicament
modifications cinétiques. Soit la concentration lactée
Le contenu lipidique du lait varie beaucoup du fait Dans une même classe de médicament, le risque
est élevée et l’absorption par l’enfant importante ; les
des facteurs maternels évoqués précédemment. n’est pas identique pour tous les produits en raison
modifications cinétiques décrites sont alors à
prendre en compte. L’accumulation des de propriétés physicochimiques ou cinétiques
Poids moléculaire différentes.
médicaments chez le nouveau-né est également à
Les médicaments ayant un poids moléculaire redouter d’autant que les études sont généralement Le risque d’un médicament n’est pas le même
inférieur à 200 Da franchissent rapidement la limitées dans le temps et permettent rarement de suivant qu’il est utilisé, à faible dose pour un temps
membrane par les pores aqueux. Le passage est très conclure sur des prises à doses filées et prolongées. limité, voire une dose unique, ou s’il est utilisé à dose
improbable pour les médicaments de poids forte ou de façon prolongée.
moléculaire supérieur à 600 à 1 000 Da. Sensibilité particulière aux médicaments Un médicament non absorbé par voie orale
Une augmentation de la toxicité des médica- présente a priori moins de risques qu’un
‚ Facteurs liés aux nouveau-nés ments peut survenir chez le nouveau-né médicament bien absorbé, avec les réserves déjà
L’enfant est le récepteur involontaire du indépendamment des modifications cinétiques : évoquées notamment pour les antibiotiques.
médicament via le lait maternel. Il réagit à celui-ci – effet d’imprégnation médicamenteuse in utero Le nouveau-né, recevant par le lait maternel des
différemment d’un adulte. De très nombreux par les médicaments administrés à la mère, et qui médicaments, est exposé, comme l’adulte, à des
éléments doivent être pris en compte. subissent une dégradation lente chez le nouveau-né phénomènes de rebond ou de sevrage en cas d’arrêt
après la naissance. Une nouvelle charge brusque de ce mode d’alimentation.
Pharmacocinétique médicamenteuse apportée par l’allaitement
maternel aggrave encore la situation ; ‚ Pathologie traitée
¶ Absorption – déficit en certaines vitamines, notamment D et Le risque médicamenteux est différent suivant
Au cours des premiers mois de vie de l’enfant, que la pathologie répond à un traitement court ou
K, accroissant la toxicité de certains médicaments
l’absorption digestive des médicaments peut être chronique.
apportés par le lait maternel : risque d’hémorragies
très variable en raison de phénomènes
(rifampicine, antiépileptiques, antivitamines K,) ou de Certaines pathologies (tuberculose pulmonaire,
physiologiques évolutifs : achlorhydrie dans les 10
rachitisme (barbituriques, phénytoïne, sérologie positive au virus de l’immunodéficience
premiers jours, retard de vidange gastrique, teneur
carbamazépine) ; humaine ou à l’antigène HBs...) contre-indiquent, à
en acides biliaires et en flore digestive réduites.
– anomalies génétiques, tel un déficit en G6PD, elles seules, l’allaitement, au moins dans les pays ou
Toutefois ces modifications sont considérées comme
qui peuvent exposer l’enfant à un risque d’hémolyse un allaitement artificiel de bonne qualité diététique
relativement mineures.
même lorsque la quantité de médicament ingérée et hygiénique peut être proposé.
¶ Distribution est faible ;
■ Liaison aux protéines plasmatiques réduite : – toxicité spécifique au nouveau-né : benzoate
chez le nouveau-né la fraction libre des
médicaments, donc active, est plus importante.
L’affinité de certains médicaments, particuliè-
rement les sulfamides retard, pour l’albumine peut
de sodium, anesthésiques locaux et antiaryth-
miques, bêtastimulants et bêtabloquants,
chloramphénicol, indométacine, dérivés iodés,
inhibiteurs de l’enzyme de conversion, quinolones,

Éléments d’aide à la décision

conduire à une augmentation de la concentration en théophylline, thiazides, tolazoline... La décision de permettre, conseiller ou
bilirubine libre capable de franchir la membrane déconseiller l’allaitement chez une mère fait appel à
hématoencéphalique et de déclencher un ictère des notions connues comme l’importance du
nucléaire.
■ Volume de distribution accru.
■ Diffusion facilitée des médicaments dans le
système nerveux central. Ces derniers peuvent être à

Risques des médicaments
au cours de l’allaitement
passage lacté et la description par la littérature d’un
risque spécifique s’y rapportant. Elles font l’objet des
tableaux I à IX, par classe thérapeutique.
De l’ensemble des données précédentes se
l’origine de troubles neurologiques de type convulsif Les données concernant l’importance du passage dégage, néanmoins, la notion de variabilité
ou d’encéphalopathie. lacté des médicaments, voir même la connaissance individuelle de pénétration des médicaments dans le

2
Médicaments et allaitement - 8-0410

lait maternel, et de leur toxicité. Elle doit faire urinaire, douleur isolée, migraine, etc), et en confirmées, s’appuyant rarement sur des faits
examiner avec grande prudence les données de la l’absence de données garantissant la sécurité du cliniques, données à long terme exceptionnelles.
littérature. nouveau-né, il est possible d’interrompre Elles permettent néanmoins des conclusions.
Ainsi la réponse à la question : « l’allaitement est-il provisoirement l’allaitement. Dans les cas Il existe très peu de médicaments formellement
compatible avec la prise de tel ou tel médicament ? » programmés, il est recommandé de collecter, les contre-indiqués au cours de l’allaitement (tableau X).
est rarement de type « oui » ou « non », mais doit jours précédents, un surplus de lait maternel. Après Parmi ceux-ci, beaucoup sont d’utilisation illogique
souvent être nuancée et adaptée au « couple » arrêt du médicament en cause, il est conseillé pendant cette période de vie, d’autres sont dépassés
mère-enfant. d’attendre deux demi-vies pour les substances à ou non indispensables. Enfin, pour un bon nombre,
Trop souvent l’allaitement est interrompu du fait risque modeste et cinq demi-vies au moins pour la pathologie, plus que les médicaments, limite
de la nécessité d’un traitement médicamenteux chez celles à risque notable avant de reprendre l’allaitement.
la mère. En regard du bénéfice de l’allaitement l’allaitement. Les médicaments responsables d’effets iatrogènes
maternel et des connaissances acquises, une telle Pour un médicament à prise unique quotidienne chez l’enfant après ingestion par le lait maternel sont
attitude n’est pas suffisamment raisonnée. et lorsque cela est compatible avec le traitement peu nombreux (tableau XI). La plupart du temps, il
Il est possible de tirer, de l’ensemble de nos (asthme, inflammation, dépression, anxiété, trouble s’agit de cas isolés et dont l’imputabilité ou
connaissances, des règles générales applicables du sommeil...), il est préférable de donner le l’extrapolation est douteuse.
dans la plupart des situations. Un médicament non médicament après la tétée du soir. Un enfant en âge
Il existe peu de médicaments pour lesquels il est
indispensable ou n’apportant pas un bénéfice de ne plus réclamer d’alimentation la nuit ne reçoit
possible d’affirmer la sécurité absolue pour l’enfant
thérapeutique démontré pour la mère, ou le pas, de ce fait, de médicament pendant les heures de
nourri au sein. Pour des médicaments importants, il
nouveau-né, est toujours un facteur de risque inutile. forte présence dans le lait. Un nouveau-né
arrive même que nos connaissances soient
Aucun médicament ne devrait être prescrit, ou nécessitant encore une alimentation nocturne peut
totalement nulles en ce qui concerne leur
conseillé, chez une mère nourrissant son enfant au se voir proposer, pendant cette période, du lait de sa
pénétration dans le lait maternel. Ainsi pour la
sein tant que n’est pas établi son innocuité pour elle mère collecté avant prise du médicament ou un
plupart des médicaments, il est impossible d’affirmer
ou son enfant et son absence de répercussion sur la biberon de lait maternisé.
ni leur sécurité d’emploi, ni leur nocivité. Une
quantité ou la qualité du lait sécrété. Pour un médicament à demi-vie courte, choisir de
réflexion adaptée au cas du « couple » mère-enfant
À moins que, face à une volonté justifiée de prendre le médicament juste après la tétée afin que
permet de guider toute décision.
maintenir alimentation au sein et prise de les concentrations dans le lait soient les plus basses
médicament, l’on dispose d’un faisceau convergent possible au moment de l’allaitement. Ce conseil perd Pour les médicaments classés comme à utiliser
d’arguments allant dans le sens de la sécurité cependant beaucoup de sa valeur lorsque les tétées sous surveillance, l’allaitement est le plus souvent
d’utilisation du médicament. La plupart des données sont très fréquentes, particulièrement les premiers compatible avec la poursuite ou l’institution d’un
publiées le sont pour un lait mature et des mois de vie, et pour les médicaments à demi-vie traitement médicamenteux indispensable et/ou
nouveau-nés à terme. Toutes nos connaissances intermédiaire ou ayant des métabolites actifs : utile. Un traitement court, un enfant né à terme, une
théoriques tendent à renforcer la prudence chez le – informer la mère des éléments à surveiller chez posologie normale, l’absence d’accumulation sont
prématuré. le nouveau-né et qui peuvent laisser suspecter une des éléments favorables.
La prescription médicale de médicament toxicité médicamenteuse : ictère, diarrhée, refus Pour les médicaments classés comme à éviter ou
suspectés de présenter un risque en fonction de d’alimentation, somnolence ; à déconseiller, l’allaitement et la prise d’un
données chez les enfants ou les adultes, ne semble – différer le traitement médicamenteux lorsque médicament sont, en première approche
être fondée que si le bénéfice de l’allaitement et du cela est possible et qu’aucun médicament n’est jugé incompatibles, sauf si le bénifice de l’allaitement
traitement médicamenteux dépasse largement les sécurisant au cours de l’allaitement. Le recours à dépasse réellement les effets négatifs éventuels du
risques encourus. d’autres thérapeutiques efficaces non médicamen- traitement. Un traitement long, intensif, le risque
Par prudence, il faut se méfier des médicaments teuses peut être envisagé dans certaines d’accumulation, la prématurité, sont alors des
dont le rapport de concentration [lait]/[plasma] est pathologies ; éléments péjoratifs à prendre en compte.
supérieur à 1 et dont la concentration [lait]/[dose – déconseiller l’allaitement ou interrompre le Toute décision finale doit intégrer la possibilité
ingérée par la mère] est élevée. Face à une traitement médicamenteux si le risque encouru est d’interaction, chez un nouveau-né, entre des
pathologie donnée, le prescripteur a quelquefois le trop important ; médicaments ou autres substances (caféine, alcool,
choix entre des thérapeutiques multiples. Si un – il est inutile, voire dangereux, de tirer ou presser héroïne ou autres drogues, etc) apportées par le lait
médicament est prescrit, il convient de choisir parmi la glande mammaire pour la « vider » afin d’éliminer maternel et des médicaments directement prescrits à
ceux qui présentent le risque minimal au détriment, le médicament pour les tétées suivantes. La glande l’enfant.
quelquefois, de la puissance d’action ou de la facilité mammaire n’est pas un organe de réserve mais un Enfin, dans le cas où une même substance est
de prise. organe exocrine qui sécrète sous contrôle hormonal, prescrite à la mère nourricière et à son enfant
Ce choix peut faire appel : lui-même déclenché par la succion ; (aspirine, paracétamol, vitamine D, fluor,
– à des substances dont les caractéristiques – le risque des médicaments absorbés par théophylline, antibiotique, etc), la posologie infantile
physicochimiques sont moins favorables à la l’enfant, de façon répétée, à petite dose, par le lait devrait tenir compte de l’apport lacté du
diffusion lactée ; maternel, n’est que très rarement connu. médicament.
– à des substances non transformées en
métabolites actifs ;


– à des médicaments à courte demi-vie ou ne
s’accumulant pas ; Conclusion
– à des voies d’administration moins propices à
un passage systémique des médicaments :
pulmonaires ou inhalées, locales, etc. Les références bibliographiques sont à consulter dans le fascicule
Pour un traitement de courte durée, voire une L’ensemble des éléments à notre disposition 4-002-X-50 « Médicaments et allaitement » de l’Encyclopédie
dose unique (examen, acte chirurgical, infection souffre de critiques majeures : études isolées et non Médico-chirurgicale Pédiatrie.

Tableaux de I à XI ➡

3
8-0410 - Médicaments et allaitement

Tableau I. – Médicament anti-infectieux.


Classe et principe actif Rapport
[lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
Spécialité initiale
< 50 50 à 100 > 100
Pénicillines et apparentés
Amoxicilline Clamoxylt • L’excrétion des pénicillines dans le lait maternel est très mo- Allaitement possible à
Ampicilline Totapent • deste. L’allaitement est possible sous réserve de la surveillance interrompre en cas de troubles
Aztréonam Azactamt • du nouveau-né : risque de diarrhée et de candidose du fait de digestifs
Carbénicilline Pyopent • la répercussion éventuelle des pénicillines sur la flore digestive.
Imipenem Tienamt • Par prudence, éviter les céphalosporines pouvant entraîner une
Oxacilline Bristopent • hypoprothrombinémie (céfopérazone, céfamandole, latamoxef)
Pénicilline G
Pénicilline V Oracillinet •
Pipéracilline Pipérillinet •
Ticarcilline Ticarpent •
Céphalosporines et apparentés
Céfadroxil Oracéfalt • Le passage des céphalosporines dans le lait maternel est très
Céfalexine Kéforalt • faible. L’allaitement est possible, sous réserve de la sur-
Céfalotine Kéflint • veillance du nouveau-né : risque de diarrhée et de candidose
Céfazoline Kefzolt du fait de la répercussion éventuelle des céphalosporines sur la
Céfotaxime Claforant flore digestive. Par prudence, éviter les céphalosporines pou- Allaitement possible à
Céfotétan Apaceft • vant entraîner une hypoprothrombinémie (céfopérazone, céfa- interrompre en cas de troubles
Céfoxitine Méfoxint • mandole, latamoxef) digestifs
Céfradine Donceft •
Ceftazidine Fortumt
Ceftriaxone Rocéphinet •
Céfuroxime Zinnattt
Latamoxef Moxalactamt Allaitement à éviter
Aminosides
Amikacine Amiklint Le potentiel otonéphrotoxique de ces antibiotiques incite à sus-
Gentamicine Gentallinet • pendre l’allaitement même si aucun effet iatrogène n’a été
Isépamicine Isépallinet passage constaté
Allaitement à éviter
Nétilmicine Nétromicinet
Streptomycine •
Tobramycine Nebcinet
Phénicolés
Chloramphénicol Tifomycinet • Troubles digestifs décrits chez le nouveau-né.
Thiamphénicol Thiophénicolt • Risque théorique de «syndrome gris» et d’aplasie médullaire Allaitement contre-indiqué
allergique
Macrolides et apparentés
Macrolides vrais
Clarithromycine Zeclart • Allaitement possible avec
surveillance digestive du
Érythromycine Érythrocinet • • Un cas de sténose du pylore rapporté nouveau-né
Roxithromycine Rulidt •
Spiramycine Rovamycinet • Troubles digestifs décrits Allaitement déconseillé
Le rapport de concenration [lait]/[plasma] est important, toutefois les concentrations dans le lait maternel restent assez faibles et ne semblent pas devoir affecter l’enfant sauf rares surve-
nues de troubles digestifs.
L’association aux dérivés de l’ergot de seigle, en particulier méthylergométrine quelquefois administré pendant la lactation, est dangereuse pour la mère et l’enfant.
Macrolides apparentés
Clindamycine Dalacinet • Un cas de diarrhée sanglante décrit
Allaitement déconseillé
Lincomycine Lincocinet •
Cyclines • • •
Les cyclines pénètrent dans le lait maternel en quantité relativement importante, et ne devraient pas être prescrites au cours de l’allaitement par extrapo-
lation des risques bien connus chez l’enfant : dyscoloration dentaire, ralentissement de la croissance, destruction de la flore digestive responsable de can-
Allaitement à éviter
didose et de diarrhée. En outre, un appauvrissement de l’apport calcique du lait maternel est évoqué. Le risque réel est sans doute modeste mais ne doit
pas être tenté, sauf cas exceptionnel, du fait de la possibilité d’utiliser d’autres types d’antibiotiques nettement plus sûrs.
Quinolones
Dites de première génération
Acide nalidixique Négramt • Un cas d’anémie hémolytique ancien publié chez un enfant pré-
sentant un déficit en G6PD
Acide pipémidique Pipramt Allaitement à éviter
Acide oxolonique Urotratet Passent dans le lait, mais à concentration inconnue
Fluméquine Apuronet
Dites de deuxième génération
Ciprofloxacine Cifloxt • Risque potentiel de ces antibiotiques chez l’enfant
Norfloxacine Noroxinet •
Allaitement à éviter
Ofloxacine Ofilocett passage
Péfloxacine Péflacinet •

4
Médicaments et allaitement - 8-0410

Classe et principe actif Rapport


[lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
Spécialité initiale
< 50 50 à 100 > 100
Sulfamides • •
Sulfaméthoxazole Bactrimt • cf Commentaires généraux
Allaitement à éviter
Eusaprimt
Les sulfamides sont à éviter au cours de l’allaitement pour des raisons essentiellement théoriques :
– anémie hémolytique en cas de déficit en G6PD ;
– ictère néonatal par déplacement de la bilirubine ;
Allaitement à éviter
– allergie ou sensibilisation du nouveau-né.
Les sulfamides sont contre-indiqués au cours de l’allaitement au moins dans les cas suivants : enfant de moins de 15 jours, enfant né avant terme, enfant
en situation précaire ou présentant un ictère néonatal.
Antituberculeux et antilépreux
Clofazimine Lamprène Passage Coloration du lait et de la peau de l’enfant Allaitement à éviter
Dapsone Disulonet • • Concentrations dans le lait voisines de celles thérapeutiques Allaitement possible sous sur-
Un cas d’anémie hymolytique veillance sauf déficit en G6PD
Éthambutol Dexambutolt •
Isoniazide Rimifont •
Pyrazinamide Pirilènet Passage Allaitement déconseillé

Rifampicine Rifadinet • • Coloration possible du lait maternel


Rimactant
Tenir compte de la contagiosité du lait maternel.
La vitamine B6 fréquemment associée à un traitement antituberculeux peut décroître la production lactée.
Antiseptiques urinaires
Nitrofurantoïne Furadoïnet Passage Contre-indication en cas de déficit en G6PD
Sinon allaitement possible
Triméthoprime Wellcoprimet •
Imidazolés
Fluconazole Triflucant •
Données insuffısantes
Kétoconazole Nizoralt •
Métronidazole Flagylt • • • Risque décrit de diarrhée et de candidose Allaitement à éviter sauf prise
Effet mutagène suspecté brève pendant accouchement
Rejet du lait maternel par altération de son goût
Tinidazole Fasigynet • • cf Métronidazole
Autres antiparasitaires et antihelmintiques
Chloroquine Nivaquinet • • • Très fort passage dans le lait mais sans conséquence pour l’en-
Allaitement possible
fant au moins en traitement préventif
Méfloquine Lariamt • Accumulation dans le lait maternel Allaitement déconseillé
Praziquentel Bitricidet • Allaitement contre-indiqué dans les 72 heures qui suivent la fin
du traitement
Pyriméthamine Malocidet • • Conclusions divergentes Allaitement possible sous
(associé) surveillance
Pyrvinium Povanylt Absence de passage dans le lait maternel
Allaitement possible
Quinine • Possibilité d’allergie avec thrombocytopénie
Antiviraux
Aciclovir Zoviraxt • • Données insuffısantes Allaitement à éviter
Antirétroviraux Le passage des médicaments n’est pas connu
En revanche les virus passent dans le lait maternel et risquent de contaminer l’enfant surtout si la
contamination maternelle a lieu après la naissance (risque estimé à 30 %)
Allaitement contre-indiqué dans l’état actuel des connaissances
Antiseptiques externes
Iode et dérivés iodés
Mercuriels Mercryl laurylét Un cas de trouble rénal, cataracte et anémie après application Éviter l’emploi massif sur la
cutanée d’une pommade et de savon mercuriel en fin de gros- peau, par voie vaginale ou au
sesse niveau du mamelon
Vaccins
Les vaccinations utiles chez la mère ne sont pas contre-indiquées au cours de l’allaitement

G6PD: anémie hémolytique enzymaprive.

5
8-0410 - Médicaments et allaitement

Tableau II. – Médicament de cardiologie.


Classe et principe actif Rapport
[lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
Spécialité initiale
< 100 50 à 100 > 100
Cardiotoniques
Digoxine • Faible passage. Risque mal évalué Allaitement possible
Antiarythmisants
Amiodarone Cordaronet Passage Risque potentiel d’hypothyroïdie Allaitement contre-indiqué
Disopyramide Rythmodant • • Retrouvé à forte concentration dans le sérum de l’enfant Allaitement à éviter
Mexilétine Mexitilt • • Un cas de diffıculté à s’alimenter risque mal évalué Allaitement déconseillé
Quinidine Longacort Passage Troubles du rythme rapportés chez le nouveau-né Allaitement habituellement
considéré comme possible
Antagonistes calciques
Ditiazem Tildiemt • Les concentrations mesurées dans le lait maternel sont très faibles
Nicardipine Loxent •
Nifédipine Adalatet • • Allaitement possible
Nitrendipine Nidrelt •
Vérapamil Isoptinet • • Composé de cette classe considéré comme le plus sûr
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion
Captopril Loprilt • Risques mal évalués en particulier au niveau de la maturation rénale
Allaitement déconseillé
Énalapril Renitect •
Bêtabloquants
Acébutolol Sectralt • Très fort passage du composé ou de son métabolite. Cas décrits de bra- Allaitement contre-indiqué
dycardie et autres symptômes de blocage des récepteurs β (dose > 400 mg) ou à éviter
(dose <)
Aténolol Ténorminet • Bradycardie et autres symptômes de blocage des récepteurs β
Allaitement à éviter
Labétalol Trandatet • Risque de bradycardie
Métoprolol Lopressort •
Selokent Allaitement possible sous
surveillance
Oxprénolol Trasicort •
Propranolol Avlocardylt • • Composé le mieux connu de la classe Allaitement possible sous
surveillance
Sotalol Sotalext • Risque potentiel de bradycardie Allaitement à éviter
Timolol Timacort • • Allaitement possible sous
Timolol (collyre) Timoptolt Un cas d’apnée surveillance

Antihypertenseurs divers
Centraux
Clonidine Catapressant • Concentrations sériques élevées chez l’enfant Allaitement à éviter
Méthyldopa Aldomett • • Allaitement possible sous
surveillance
Périphériques
Dihydralazine Népressolt • • Allaitement possible sous
surveillance
Autres
Réserpine Passage Congestion nasale, somnolence, diarrhée Allaitement contre-indiqué
Diurétiques
Hypokaliémiants
Les diurétiques hypokaliémiants diminuent ou suppriment la sécrétion lactée, peuvent entraîner des thrombocytopénies ou troubles électrolytiques chez
Allaitement contre-indiqué
l’enfant et, pour les sulfamides, être responsables d’allergie ou de déplacement de la bilirubine des sites de fixation protéique.
Hyperkaliémiants
Très peu d’informations. Allaitement à éviter
Anticoagulants
Oraux
Acénocoumarol Sintromt Passage Absence de modification sur les tests biologiques Allaitement déconseillé
Éthylbiscoumacétate Tromexanet • Risque hémorragique
Phénindione Pindionet Un cas d’hémorragie importante Allaitement contre-indiqué
Warfarine Coumadinet Absence de modification sur les tests biologiques Allaitement déconseillé
Héparines Non absorbées par voie orale Allaitement possible

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Médicaments et allaitement - 8-0410

Tableau III. – Médicament de neurologie et de psychiatrie.


Classe et principe actif Rapport
[lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
Spécialité initiale
< 50 50 à 100 > 100
Anticonvulsivants
Carbamazépine Tegrétolt • Un cas d’hépatite cholestastique
Clonazépam Rivotrilt • Retrouvé dans le sérum des nouveau-nés Allaitement déconseillé
Phénobarbital Gardénalt • • Somnolence
Un cas de méthémoglobinémie
Phénytoïne Di-Hydant • • Somnolence, léthargie, cyanose, diffıculté à la succion.
Un cas de méthémoglobinémie
Valproate de sodium Dépakinet •
• Les anticonvulsivants pénètrent dans le lait maternel et sont présents à concentration non négligeable chez le nouveau-né. Les substances à demi-vie longue peuvent s’y accumuler.
• Des effets indésirables sont possibles en particulier léthargie, sédation, troubles de l’alimentation se répercutant sur la croissance pondérale.
L’allaitement est généralement déconseillé chez une mère traitée par anticonvulsivants. Toutefois, chez une femme bien équilibrée et traitée en monothérapie, l’allaitement reste éventuelle-
ment possible sous surveillance clinique et biologique de l’enfant. Les données à long terme, chez l’enfant, de cette prise répétée de médicaments ne sont pas connues notamment en ce qui
concerne le développement intellectuel.
Myorelaxants et médicaments de la myasthénie
Pyridostigmine Mestinont • • • Pas d’effets décrits Allaitement possible
Anxiolytiques
Benzodiazépines
Alprazolam Xanaxt • Symptômes de sevrage à l’arrêt de l’allaitement Allaitement possible en cas de
prise ponctuelle
Clobazam Urbanylt • Risque potentiel de sédation, d’anorexie et de symptômes de Allaitement déconseillé en cas
sevrage à l’arrêt de l’allaitement maternel de traitement prolongé et avec
les dérivés à demi-vie longue
Clorazépate Tranxènet •
Diazépam Valiumt •
Lorazépam Témestat •
Oxazépam Sérestat •
Témazépam Normissont •
Autres
Méprobamate Équanilt • Risque d’accumulation
Allaitement à éviter
Sédation, troubles digestifs
Hypnotiques
Benzodiazépines
Flunitrazépam Rohypnolt • Risque d’accumulation dans le lait maternel Allaitement à éviter en cas
Nitrazépam Mogadont • d’utilisation prolongée

Autres
Zolpidem Stilnoxt • Peu de risque d’accumulation dans le lait maternel Allaitement déconseillé
Zopiclone Imovanet •
L’utilisation temporaire d’hypnotiques à demi-vie intermédiaire, notamment non benzodiazépiniques ne contre-indique pas l’allaitement, à condition de remplacer la tétée nocturne par un
lait artificiel.
Antidépresseurs
Imipraminiques et dérivés
Amitriptyline Laroxylt •
Clomipramine Anafranilt •
Dosulépine Prothiadent • •
Doxépine Quitaxont • • Forte accumulation dans le lait maternel responsable d’un cas
de dépression respiratoire
Allaitement à éviter
Imipramine Tofranilt • •
Maprotiline Ludiomilt Passage
Autres
Moclobémide Moclaminet •
Fluoxétine Prozact •
Fluvoxamine Floxyfralt •
Miansérine Athymilt •
Paroxétine Deroxatt •
Viloxazine Vivalant Passage

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8-0410 - Médicaments et allaitement

Classe et principe actif Rapport


[lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
Spécialité initiale
< 50 50 à 100 > 100
Le passage des antidépresseurs dans le lait maternel se fait habituellement à concentration relativement faible. Un risque d’accumulation existe pour des dérivés ou leurs métabolites à
demi-vie longue.
En dehors de la doxépine, aucun effet indésirable n’a été rapporté chez le nouveau-né.
En revanche, les conséquences à long terme de l’absorption répétée de ces médicaments chez le nouveau-né ne sont pas connues.
Toute décision d’allaitement maternel est donc individuelle. Le choix de l’antidépresseur devrait se porter vers des composés à demi-vie intermédiaire, à prise unique le soir ce qui permet
de remplacer la tétée de la nuit par une alimentation artificielle.
Lithium
Plus de 30 % de la dose de lithium administrée à la mère se retrouve dans le lait maternel. Les lithiémies de l’enfant sont comprises entre 50 et 100 % de celles de la mère. Des cas de cya-
nose, hypotonie et hypothermie ont été notifiés. L’allaitement est contre-indiqué.
Neuroleptiques
Les données actuelles résultent d’études très limitées. Elles montrent que les concentrations mesurées dans le lait maternel sont modérées et, le plus sou-
vent, sans conséquences immédiates pour le nouveau-né. De rares cas de léthargies ont, néanmoins, été rapportés avec la chlorpromazine et sont sans
doute possibles avec d’autres neuroleptiques. Un risque potentiel de trouble extrapyramidal ne doit pas être écarté. Il n’a pas été décrit chez l’enfant à ce
jour mais a été retrouvé chez l’animal avec les butyrophénones. Allaitement à éviter
Les inquiétudes portent essentiellement sur les conséquences éventuelles de ces médicaments à long terme chez l’enfant en raison de leur importante ré-
percussion sur les médiateurs cérébraux.
Les neuroleptiques augmentent la production lactée.
Divers
Calcium (bromure) Calcibronatt • Passage de bromures dans le lait. Risque de somnolence, érup-
Allaitement contre-indiqué
tions cutanées et hypotonie
Méthadone Aucun risque décrit si la mère reçoit 20 mg ou moins de métha- Allaitement possible si dose
done par jour. Un cas de mortalité décrit à dose supérieure < 20 mg

Tableau IV. – Médicaments hormonaux et du métabolisme.


Classe et principe actif Rapport
Spécialité initiale [lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
< 50 50 à 100 > 100
Corticoïdes
• En cas de traitement de courte durée et/ou de dose inférieure ou égale à 20 mg de prednisone, l’allaitement est possible. La prednisone reste le traitement de choix.
• À dose supérieure ou en cas de traitement prolongé, l’allaitement est généralement déconseillé du fait de risques possibles mais mal évalués de ces médicaments : hypotrophie surréna-
lienne, retard de croissance, moindre résistance face aux agressions bactériennes ou virales.
Médicaments du métabolisme glucidique
Insulines Aucun passage Allaitement possible
Antidiabétiques oraux
Chlorpropamide Diabinèset Rapport isolé d’hypoglycémie néonatale Allaitement à éviter
Tolbutamide Dolipolt Passage
Metformine Glucophaget Pas d’effets signalés
Médicaments du métabolisme lipidique
Colestyramine Questrant Aucun passage Risque de déficit d’apport en vitamines du fait de la diminution
Allaitement possible
de résorption des vitamines liposolubles
Clofibrate Lipavlont Passage à forte concentration Allaitement déconseillé
Hormones sexuelles
Œstrogènes
• Les œtrogènes à forte dose (100 à 150 µm d’éthynilœstradiol) suppriment la lactation. De plus, des cas de féminisation du nouveau-né ont été rapportés. Allaitement déconseillé
• À dose plus faible, la quantité de lait produite est réduite et sa composition qualitative appauvrie en protéines, lipides et minéraux. surtout à dose forte
Progestatifs
Les progestatifs semblent passer faiblement dans le lait maternel. Utilisés à faible dose, ils sont sans danger pour le nouveau-né et ne modifient pas la Allaitement possible à dose
sécrétion lactée. À forte dose, un risque théorique de virilisation et de troubles de l’ossification ne peut être écarté (surtout avec la médroxyprogestérone). faible
Œstroprogestatifs
Les associations œtroprogestatives fortement dosées en œstrogènes sont déconseillées au cours de l’allaitement. Elles provoquent une réduction de la pro-
Contraceptifs fortement
duction lactée. En outre une diminution de la croissance pondérale, la survenue d’un ictère néonatal ou d’une gynécomastie transitoire peuvent résulter
dosés : allaitement à éviter
de l’accumulation d’œstrogènes dans le lait maternel.
Les associations faiblement dosées ne présentent pas les mêmes inconvénients. Les risques d’accumulation sont nuls et la répercussion sur la sécrétion
Contraceptifs faiblement
lactée, le plus souvent, imperceptible. Les études à long terme montrent que ces composés n’entraînent aucune répercussion sur le devenir des enfants en
dosés : allaitement possible
termes de croissance, devenir intellectuel ou psychologique ainsi que sur la morbidité.

8
Médicaments et allaitement - 8-0410

Classe et principe actif Rapport


Spécialité initiale [lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
< 50 50 à 100 > 100
Médicaments de la thyroïde
Hormones thyroïdiennes
Liothyronine Cynomelt Passage faible Aucun, mais risque de masquer une hypothyroïde chez l’enfant Allaitement possible sous
surveillance
Lévothyroxine Lévothyroxt
Antithyroïdiens
Benzythiouracile Basdènet Passage Risque théorique d’hypothyroïde néonatale et de goitre
Carbimazole Néo-Mercazolet •
Allaitement à éviter
Propylthiouracile • Le PTU est considéré comme le dérivé à préférer si l’allaite-
(PTU) ment est maintenu en raison de son passage plus faible
Iode et dérivés contenant de l’iode
• Très fort passage dans le lait
Allaitement contre-indiqué
Risque d’hypothyroïde, goitre et rash cutané
Divers endocrinologie
Bromocryptine Parlodelt Passage Supprime la factation
Cabergoline Prévoir au moins 1 semaine entre son arrêt et une reprise de
l’allaitement Allaitement contre-indiqué
Cyprotérone Androcurt •
Danazol Danatrolt Passage Effets non connus
Méthylergométrine Méthergint À dose faible et pendant un temps réduit (inférieur à 3 jours), absence d’effet chez le nouveau-né. L’allaitement est possible sous sur-
veillance.
À dose forte et/ou temps prolongé : vomissements, diarrhée, instabilité tensionnelle, troubles du rythme, myoclonies.
En outre, la sécrétion lactée est réduite. L’allaitement est alors à éviter.

Tableau V. – Médicaments de gastroentérologie.


Classe et principe actif Rapport
Spécialité initiale [lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
< 50 50 à 100 > 100
Laxatifs
Anthraquinones Passage Risque très discuté de diarrhée pour le nouveau-né. Allaitement possible si utilisa-
(aloès, cascara, danthron, séné) Possibilité de coloration du lait maternel tion maternelle raisonnable
Bisacodyl Contalaxt Passage fiable ou nul
Lactulose Duphalact Passage non connu Risque peu vraisemblable
Mucilages Absence de passage Allaitement possible
Paraffıne Gêne l’absorption des vitamines chez la mère en cas d’usage
répété
Ricin (huile) Passage non connu Diarrhée chez l’enfant Allaitement déconseillé
Antidiarrhéiques
Charbon non connu Risque peu vraisemblable Allaitement possible
Codéine Cf Analgésiques de pallier I et II
Diphénoxylate Diarsedt Passage Effets non connus mais prudence compte tenu de la présence de
dérivés morphiniques et atropiniques Allaitement déconseillé
Élixir parégorique Cf Analgésiques morphiniques
Lopéramide Imodiumt • Données insuffısantes Allaitement possible
Médicaments de la rectocolite hémorragique
Mélasalazine ASA Pentasat • • • Risque potentiel de diarrhée Allaitement possible sous
(dérivés du 5) Rowasat surveillance
Sulfasalazine Salazopyrine • • Un cas de diarrhée décrit
• Risque des sulfamides
Médicaments de l’ulcère digestif
Antiacides
Passage dans le lait mal connu. Risque éventuel de complexation du phosphore (hydroxyde d’aluminium et de magnésium) et d’alcalose métabolique du nouveau-né (bicarbonate de
sodium).

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8-0410 - Médicaments et allaitement

Classe et principe actif Rapport


Spécialité initiale [lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
< 50 50 à 100 > 100
Atropiniques
• Diminuent la sécrétion lactée
Allaitement contre-indiqué
• Réactions toxiques imprévisibles chez le nouveau-né (hyperthermie, troubles du système nerveux central)
Antihistaminiques H2
Cimétidine Tagamett • Très fort passage dans le lait maternel mais concentrations
absorbées par l’enfant relativement faibles
Famotidine Pepdinet •
Nizatidine Nizaxidt • Allaitement à éviter

Ranitidine Azantact • Absence d’effets nocifs décrits mais les données sont insuffısan-
Raniplext tes
Inhibiteurs de la pompe à proton
Oméprazole et Mopralt Passage et effets non connus
Allaitement déconseillé
dérivés
Divers
Misoprostol Cytotect Passage et effets non connus Allaitement possible sous
Risque théorique de diarrhée surveillance
Sucralfate Ulcart Passage et effets non connus. Le sucralfate est considéré comme sans danger au cours de l’allaitement Allaitement possible
Antiémétiques
Antihistaminiques H3 Cf Anticancéreux
Cisapride Prepulsidt • Attention aux interactions médicamenteuses Allaitement possible sous
surveillance
Dompéridone Motiliumt • Aucun effet nocif rapporté
Stimule la production lactée mais utilisation discutable
Métoclopramide Primpérant • • Risque d’accumulation
• Présence d’effets neuroleptiques
• Stimule la production lactée mais utilisation discutable

Tableau VI. – Médicaments de cancérologie et de l’immunité.


Classe et principe actif Rapport
[lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
Spécialité initiale
< 50 50 à 100 > 100
Antinéoplasiques
Les données sont très rares, mais l’allaitement est unanimement considéré comme contre-indiqué chez une mère devant recevoir un tel traitement
Médicaments de l’immunité
Azathioprine Imurelt Passage Faible passage sous forme de mercaptopurine Allaitement à éviter
Interférons Intronat Passage Données insuffısantes Allaitement contre-indiqué
Roféron-A-t Tenir compte de la pathologie maternelle (passage du virus de
l’hépatite dans le lait maternel)

Tableau VII. – Médicaments de la douleur et de l’inflammation.


Classe et principe actif Rapport
[lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
Spécialité initiale
< 50 50 à 100 > 100
Analgésiques de paliers I et II
Acide Aspirinet • Un cas de surdosage décrit chez un enfant après dose mater- Allaitement possible si dose
acétylsalicylique nelle élevée maternelle < 2 g/j
Risques théoriques d’allergie et d’hémorragie néonatale
Allaitement déconseillé
En cas d’utilisation simultanée chez l’enfant, tenir compte de au-delà
l’apport d’environ 1 mg/100 mL de lait bu

10
Médicaments et allaitement - 8-0410

Classe et principe actif Rapport


[lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
Spécialité initiale
< 50 50 à 100 > 100
Buprénorphine Temgésict Passage et risque non connus
Codéine • Description de pause respiratoire et d’hypotonie en cas de
Allaitement déconseillé
prise par la mère de doses suprathérapeutiques
Dextropropoxyphène Antalvict • Pas d’effet nocif rapporté Allaitement possible
Nalbuphine Nubaint • Pas d’effet nocif rapporté Allaitement possible sous
surveillance
Noramidopyrine • • Risque potentiel de troubles hématologiques Allaitement déconseillé
Paracétamol (acétaminophène) • • 1 cas de rash cutané décrit chez un nouveau-né, toutefois ce Allaitement possible
médicament est considéré comme l’antalgique de premier choix
au cours de l’allaitement. En cas d’utilisation simultanée chez
l’enfant, tenir compte de l’apport d’environ 0,4 à 1,5 mg de
paracétamol/100 mL de lait maternel
Analgésiques de palier III
Morphine • Risque théorique de dépression respiratoire, cyanose et brady- Allaitement à éviter
cardie
Symptôme de sevrage à l’arrêt de l’allaitement
Péthidine Dolosalt • Concentration mesurable dans le sérum de l’enfant Allaitement à éviter
Risque de sédation
Anesthésiques locaux
L’allaitement n’est généralement pas déconseillé après une anesthésie locale, notamment péridurale (absence de passage dans le lait de la bupivacaïne).
Allaitement possible
Pour une sécurité plus grande, il est possible de retarder de quelques heures la première tétée
Anti-inflammatoires non stéroïdiens
Diclofénac Voltarènet Passage faible ou nul Pas d’effets nocifs rapportés mais données très insuffısantes Allaitement possible sous
surveillance
Fenbufène Cinopalt Passage
Flurbiprofène Cebutidt •
Ibuprofène Brufent Passage faible ou nul
Indométacine Indocidt • • Un cas de convulsion rapporté après utilisation maternelle
Allaitement à éviter
d’une forte dose
Kétoprofène Profénidt Passage faible ou nul Données insuffısantes
Acide méfénamique Ponstylt Passage Pas d’effet nocif rapporté Allaitement déconseillé
Naproxène Naprosynet • Pas d’effet nocif rapporté Allaitement possible
Acide nifumique Niflurilt Données insuffısantes Allaitement possible sous
surveillance
Phénylbutazone Butazolidinet • Risques potentiels d’aplasie médullaire Allaitement contre-indiqué
Piroxicam Feldènet • Pas d’effet nocif rapporté Allaitement possible sous
Non retrouvé dans le sérum du nouveau-né surveillance
Salicylés Cf Analgésiques de pallier I et II
Tiaprofénique acide Surgamt Passage Pas d’effet nocif rapporté Allaitement possible sous
surveillance
Médicaments de la goutte
Allopurinol Zylorict • • Pas d’effet nocif rapporté
Allaitement possible
Colchicine Passage Pas d’effet nocif rapporté
Autres médicaments de rhumatologie
Biphosphonates Clastobant Passage non connu Très faible absorption digestive d’autant qu’il y a complexation
avec le calcium contenu dans le lait maternel
Allaitement à éviter
Didronelt Risque de modification qualitative de la composition du lait
maternel
Calcitonine Calcitart Passage Diminution de la production de lait Allaitement déconseillé
Calsynt
Or Allochrysinet • Trace d’or retrouvés dans le sérum du nouveau-né
Allaitement contre-indiqué
Risques potentiels
Pénicillamine Trolovolt Passage non connu Risques potentiels
Thiocolchicoside Coltramylt Passage Risques non connus Allaitement à éviter
Antimigraineux
Ergotamine et dérivés Passage Signes de surdosage (ergotisme) décrit chez le nouveau-né : vomis-
Allaitement contre-indiqué
sements, diarrhées, convulsions, troubles hémodynamiques
Sumatriptan Imigranet • Concentration dans le fait très faible et absorption digestive
réduite Allaitement possible 8 heures
après injection sous-cutanée
Toxicité peu vraisemblable

11
8-0410 - Médicaments et allaitement

Tableau VIII. – Médicaments de l’allergie, de l’asthme et de la toux.


Classe et principe actif Rapport
Spécialité initiale [lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
< 50 50 à 100 > 100
Antiasthmatiques
Ipratropium bromure Atroventt Absence de passage Allaitement possible
Salbutamol Ventolinet non connu Aucun effet décrit • Aérosol : allaitement
possible
Terbutaline Bricanylt • Aucun effet décrit • Autres voies : allaitement
possible sous surveillance
Théophylline • Risques d’excitabilité et de convulsions
L’allaitement est possible sous certaines conditions :
• surveillance clinique, voire biologique, du nouveau-né particulièrement lorsque la naissance a eu lieu avant terme
• utilisation des posologies actives minimales
• surveillance clinique et biologique de la mère
• information de la mère afin d’éviter la consommation d’aliments trop riches en xanthines
• préférer les formes à libération prolongée
Antihistaminiques H1
Astémisole Hismanalt • Attention aux interactions médicamenteuses avec des médica-
Allaitement à éviter faute de
ments administrés à l’enfant
connaissances
Cétrizine Zyrtect Passage faible Risques non évalués
Dexchlorphénira- Polaraminet Passage Risque potentiel d’excitation paradoxale Allaitement possible sous
mine surveillance
Cyproheptadine Périactinet Passage Diminution de la sécrétion de prolactine Allaitement à éviter
Dimenhydrinate Dramaminet Passage Risque potentiel d’excitation paradoxale Allaitement possible sous
surveillance
Flunarizine Sibéliumt Passage très élevé chez l’animal Risque neurologique potentiel Allaitement à éviter faute de
connaissances
Loratadine Claritynet • Risques non évalués mais considérés comme faibles Allaitement possible sous
surveillance
Terfénadine Teldanet • Risque potentiel d’excitation paradoxale Allaitement possible sous
Attention aux interactions médicamenteuses avec des médica- surveillance mais contre-
ments administrés à l’enfant (risque de torsade de pointe avec indiqué si l’enfant reçoit des
inhibiteurs enzymatiques) inhibiteurs enzymatiques
Antitussifs
Bromures Risque de somnolence et de réactions cutanées Allaitement contre-indiqué
Codéine Cf Analgésiques de pallier I et II
Iodures Passage important. Risque d’hypothyroïdie Allaitement contre-indiqué
Noscapine • Risques non évalués mais considérés comme faibles Allaitement possible
Allergènes
Aucune désensibilisation ne doit être entreprise chez une femme qui nourrit son enfant au sein

Tableau IX. – Autres médicaments et produits assimilés.


Classe et principe actif Rapport
[lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
Spécialité initiale
< 50 50 à 100 > 100
Agents de diagnostic
Iodés Bien que la toxicité de l’iode, contenue dans les produits de contraste iodés, ne soit pas formellement dé- Allaitement contre-indiqué 24
montrée, il semble prudent d’éviter l’allaitement pendant les 24 à 36 heures qui suivent l’examen à 36 heures
Radiopharmaceutiques Interrompre l’allaitement pendant toute la période d’excrétion de la radioactivité dans le lait maternel (12
Allaitement contre-indiqué
heures à 14 jours suivant les produits)
Oligoéléments
Calcium Passage Allaitement possible à dose
normale
Fer Passage
Fluor Passage Pas de risque à dose faible. À dose excessive : risque d’éruptions
cutanées, de troubles digestifs et de lésion de l’émail dentaire
Magnésium Passage

12
Médicaments et allaitement - 8-0410

Classe et principe actif Rapport


[lait]/[plasma] (%) Commentaires Conclusions
Spécialité initiale
< 50 50 à 100 > 100
Vitamines
Rétinol (A) Passage Allaitement possible si dose journalière inférieure à 5 000 UI
Attention aux applications locales sur le mamelon
Thiamine (B1) Passage Allaitement possible
Pyridoxine (B6) Passage À dose supérieure à 250 mg/j : diminution de la sécrétion lactée Allaitement possible à dose
faible
Cyanocobalamine (B12) Passage Allaitement possible
Acide ascorbique (C) Passage
Vitamine D et métabolites Passage Allaitement possible à dose faible, contre-indiqué à dose forte
Tocophérol (E) Passage Allaitement possible
Acide folique Passage
Vitamine K Passage

Tableau X. – Médicaments contre-indiqués au cours de l’allaitement.


Anti-infectieux Clomifène
Cyprotérone
Antirétroviraux Danazol
Foscarnet Éthynodiol
Furazolidone Iodés et iodures
Ganciclovir Lisuride
Mépacrine Tamoxifène
Novobiocine
Phénicolés Médicaments du cancer et de l’immunité
Médicaments du système nerveux central Anticancéreux (tous)
Antihistaminiques H3 (du fait des traitements associés)
Amphétamines Ciclosporine
Bromures Interférons
Chloral Rétinoïdes
Chlorotrianisène
Lévodopa Médicaments divers
Piribédil
Réserpine Allergènes
Atropine
Médicaments cardiovasculaires Bicarbonate de sodium
Cantaxanthine
Acébutolol (forte dose) Cuivre (localement)
Acide étacrynique Dihydrotachystérol
Bumétamide Ergotamine et dérivés de l’ergot
Diazoxide Fluor (forte dose)
Diurétiques mercuriels Métrizamide
Furosémide Pénicillamine
Thiazides Pentoxyvérine
Tocaïnide Phénylbutazone et dérivés
Produits de contraste
Médicaments d’endocrinologie et du métabolisme Radiopharmaceutiques
Tétraéthylammonium iodure
Bromocriptine Vitamines A, B6, D (à forte dose)
Cabergoline

Tableau XI. – Effets indésirables décrits chez les nouveau-nés après ingestion de médicaments par le lait maternel.

Médicament Effet(s) indésirable(s) constaté(s) chez le nouveau-né Nombre de cas


Anti-infectieux
Clindamycine Diarrhées 1
Dapsone Anémie hémolytique 1
Érythromicine Sténose du pylore 1
Mercuriels (antiseptiques) Trouble rénal, cataracte, anémie 1
Métronidazole Candidoses, diarrhées, régurgitations quelques
Nalidixique (acide) Anémie hémolytique 1
Phénicolés Troubles digestifs quelques

13
8-0410 - Médicaments et allaitement

Médicament Effet(s) indésirable(s) constaté(s) chez le nouveau-né Nombre de cas


Médicaments cardiovasculaires
Acébutolol Bradycardie quelques
Aténolol Bradycardie quelques
Mexilétine Diffıculté à s’alimenter 1
Phénindione Hématome 1
Quinidine Troubles du rythme quelques
Timolol (collyre) Apnée 1
Médicaments du système nerveux central
Alprazolam Symptôme de sevrage 1
Carbamazépine Hépatite cholestasique 1
Chlorpromazine Léthargie 1
Diazépam Cyanose, hypotension quelque
Doxépine Dépression respiratoire 1
Lithium Cyanose, hypotonie, hypotension quelques
Méprobamate Sédation quelques
Méthadone Mort 1
Phénobarbital Methémoglobinémie 1
Phénytoïne Methémoglobinémie 1
Réserpine Congestion nasale quelques
Médicaments de la douleur et de l’inflammation
Aspirine Acidose métabolique (forte dose) 1
Ergotamine Ergotisme quelques
Indométacine Convulsions 1
Paracétamol Éruptions cutanées 1
Autres médicaments
Chlorpropamide Hypoglycémie quelques
Clémastine Somnolence 1
Cyclophosphamide Neutropénie 2
Estrogènes Gynécomastie (forte dose) quelques
Sulfazalazine Diarrhées 1

Jean-Louis Saulnier : Praticien hospitalier,


service pharmacie, centre hospitalier de Gonesse, 27, rue Pierre-de-Theilley, BP 71, 95503 Gonesse cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JL Saulnier. Médicaments et allaitement.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0410, 1998, 14 p

14
8-0420
8-0420

Anomalies
Encyclopédie Pratique de Médecine

de la croissance staturale
R Brauner

D evant un enfant vu pour une taille anormale, il convient de répondre successivement à deux questions : le
niveau statural et la croissance sont-ils réellement anormaux ? En cas d’anomalie, quelle en est la cause et
quelles sont les possibilités thérapeutiques ?
Une vitesse de croissance anormale pour l’âge, fait rechercher une anomalie. Le plus souvent, un niveau statural en
dehors des normes est d’origine constitutionnelle. La capacité à modifier la taille adulte dans ce contexte est
actuellement limitée.
© Elsevier, Paris.


l’antéhypophyse, des gonades, puis des organes et nos résultats [6] suggèrent que les stéroïdes sexuels
Croissance et puberté normales cibles périphériques. Des phénomènes de ont un effet propre sur le cartilage de croissance,
rétrocontrôle existent entre chacune des étapes. effet qui ne passe pas par l’augmentation de GH et
de IGF-I.
De la naissance à l’âge auquel la taille adulte est
Le gain statural total entre le début clinique de la
atteinte, la croissance peut être divisée en quatre L’âge moyen auquel se développent les puberté et la taille adulte dépend en partie de l’âge
phases, influencées chacune par des facteurs caractères sexuels est de 11,5 ans chez au démarrage pubertaire : il est d’autant plus grand
différents (tableau I). La puberté est la période de la la fille et de 12,5 ans chez le garçon. que la puberté démarre plus tôt. Ainsi l’âge au
vie postnatale durant laquelle se fait la croissance
démarrage pubertaire ne modifie pas de manière
des gonades (ovaires ou testicules) sous l’effet de la
significative la taille adulte, à condition que la
stimulation hypothalamo-hypophysaire, le Chez la fille
puberté démarre au-delà de 9-10 ans chez la fille et
développement des caractères sexuels et Le premier signe est le développement d’un de 10-11 ans chez le garçon [5].
l’acquisition des fonctions de reproduction. Le bourgeon mammaire (souvent unilatéral au début),
phénomène initiateur de la puberté est encore mal La croissance résiduelle après les premières règles
accompagné ou suivi de l’apparition de la pilosité
compris. varie de 4 à 13 cm (moyenne 7 cm) et diminue à
pubienne. L’intervalle moyen entre le début du
mesure qu’augmente l’âge des premières règles. Une
Le démarrage clinique de la puberté résulte d’une développement des seins et l’apparition des
série d’activations successives de l’hypothalamus, de prise staturale inférieure à 2 cm dans l’année
premières règles est de 2,2 ans.
précédente, chez un enfant sain dont la puberté est
largement engagée, indique que sa croissance est
Tableau I. – Phases de la croissance normale. Chez le garçon
proche de son terme. Les courbes de croissance des
De la naissance à 2-3 ans Le signe qui indique le démarrage pubertaire est deux sexes sont superposables jusqu’à l’âge de
— Diminution de l’influence des facteurs intra- l’augmentation du volume des testicules. Cette démarrage pubertaire. La différence de taille adulte de
utérins au profit des facteurs génétiques --> chan- augmentation témoigne du développement des 13 cm au profit des garçons vient essentiellement des
gements possibles de couloir de croissance tubes séminifères, développement induit par caractéristiques du pic statural pubertaire qui est plus
— Vitesse de croissance très rapide
l’augmentation de la folliculo-stimulating hormone tardif et plus ample chez le garçon que chez la fille.
1re année 24 cm
2e année 11 cm (FSH, gonadotrophine hypophysaire). Les testicules
3e année 8 cm prépubères mesurent autour de 2x1 cm et des ‚ Croissance normale
dimensions testiculaires supérieures à 3x1,5 cm
Phase prépubère Une croissance normale nécessite un système
— Vitesse de croissance stable 5-6 cm/an avec indiquent une stimulation.
Les stades du développement pubertaire sont endocrinien (tableau II) et un squelette normaux.
souvent ralentissement prépubertaire
cotés de 1 (stade prépubère) à 5 (stade adulte) selon – Elle est contrôlée par des facteurs génétiques.
Phase pubertaire – Elle est liée à l’état nutritionnel.
— Développement des caractères sexuels secon- la classification de Tanner [17].
daires (stades 1 à 5) Αv la puberté, la vitesse de croissance staturale – Elle peut être ralentie par certaines anomalies
— Accélération de la vitesse de croissance statu- s’accélère sous l’effet de la secrétion de stéroïdes de l’environnement.
rale qui passe de : sexuels, estradiol chez la fille et testostérone chez le Les facteurs génétiques interviennent sur le
5 à 7-9 cm/an
garçon. Cette secrétion induit une augmentation de niveau de taille et sur l’âge au démarrage pubertaire.
pic à 12 ans F/14 ans G
gain total moyen 25 cm F/27 cm G la secrétion d’hormone de croissance (GH) et des Le contrôle génétique de la croissance normale est
multifactoriel. Il est difficile de distinguer entre les
© Elsevier, Paris

taux plasmatiques d’insulin-like growth factor I (IGF-I).


Indicateurs de fin de croissance
Le rôle respectif de l’augmentation des stéroïdes facteurs génétiques et l’influence des facteurs
Gain statural < 2 cm/an
Age osseux > 15 ans F/16 ans G sexuels, de GH et de IGF-I ainsi que leur séquence d’environnement. On ne sait pas distinguer
Test de Risser d’intervention dans la croissance pubertaire ne sont l’importance relative des contributions génétiques du
pas totalement compris. Certains modèles animaux père et de la mère. La taille cible est la taille que

1
8-0420 - Anomalies de la croissance staturale

‚ Âge osseux Ces deux situations posent la question de


Tableau II. – Facteurs hormonaux de la crois- l’indication à demander des examens complémen-
sance postnatale. L’âge osseux correspond pour un individu à l’âge
réel de la majorité des individus de son sexe qui ont taires à la recherche d’une pathologie. La
Hormone de croissance (= STH ou GH) la même maturation squelettique. La radiographie connaissance du niveau statural et de retards
— Synthétisée et sécrétée par les cellules soma- de la main et du poignet gauches de face (un seul pubertaires familiaux constitue une aide importante
totropes anté-hypophysaires au diagnostic. Cependant certains examens sont
cliché) est comparée à l’atlas de Greulich et Pyle [10].
— Chaîne polypeptidique de 191 résidus d’aci- parfois nécessaires et nous y reviendrons.
des aminés Sur le plan clinique, il permet d’approcher la fraction
— Sécrétion pulsatile, essentiellement nocturne, de sa taille adulte qu’un individu a déjà prise et donc Dans les petites tailles, l’évolution pondérale est à
contrôlée par deux facteurs hypothalamiques : sa potentialité de croissance résiduelle jusqu’à la analyser parallèlement à l’évolution staturale pour
a. GRF (=GHRH ou GH releasing hormone) taille adulte. La prédiction de taille adulte se calcule répondre aux questions suivantes :
stimulant et – le ralentissement statural s’accompagne-t-il
b. somatostatine (=SRIF) inhibiteur pour un enfant donné à partir de sa taille et de son
âge osseux. La méthode la plus utilisée est celle de d’un arrêt de la prise pondérale ou au contraire de la
— Se lie à un récepteur hépatique spécifique
pour induire la synthèse de IGF-I Bayley et Pinneau [4]. Il y a une marge d’erreur entre constitution d’un surpoids ?
la taille prédite et la taille adulte. Cette marge est – Le ralentissement statural précède-t-il ou au
Insulin-like growth factors (IGF, essentiellement
d’autant plus grande que l’enfant est plus jeune et contraire succède-t-il à la modification de l’évolution
IGF-I)
— Facteur essentiel de la croissance postnatale : que la différence entre les âges chronologique et pondérale ? En effet, lorsqu’une stagnation
agit directement sur le cartilage de croissance osseux est grande. Quoi qu’il en soit, le suivi pondérale précède le ralentissement statural, cela
longitudinal de la prédiction de taille chez un enfant indique que le problème statural est probablement
Hormones thyroïdiennes (T4 et T3)
— Action sur la croissance et sur la maturation donné apporte une information utile pour les secondaire au problème pondéral et oriente vers un
osseuse indications thérapeutiques et pour un suivi sous problème nutritionnel. À l’inverse, lorsque le
traitement. ralentissement statural s’accompagne d’une prise
Stéroïdes sexuels : Estradiol F/Testostérone G
— Accélèrent la vitesse de croissance à la pu- pondérale, ceci oriente vers une hypothyroidie ou


berté par deux mécanismes : un hypercorticisme.
a. augmentation secrétion GH → # IGF-I Diagnostic d’une anomalie
b. action directe sur cartilage de croissance de la croissance
— Soudent les cartilages de croissance
Glucocorticoïdes
— Leur excès inhibe la croissance
Pris isolément, le niveau statural d’un enfant ne
permet pas de conclure quant au caractère normal
ou non de sa croissance staturale. Il est essentiel de

Petite taille et/ou vitesse
de croissance inférieure
à la norme
préciser sa vitesse de croissance pour savoir si le La petite taille (tableaux III, IV) est un motif
niveau statural résulte d’une croissance régulière ou fréquent de consultation. Elle est le plus souvent de
devrait avoir l’enfant si n’intervenaient que les
s’il est secondaire à un changement de couloir de
facteurs génétiques. Elle est calculée (en centimètres)
croissance. Tableau III. – Conduite pratique devant un
selon la formule [18] :
Parmi les facteurs d’environnement, les maladies enfant de petite taille.
aiguës ralentissent temporairement la vitesse de La courbe de croissance est le Questions
croissance et sont suivies, après leur cessation, d’une document qui permet de savoir si un — Le niveau statural et la croissance sont-ils anor-
vitesse rapide dite de rattrapage. Les facteurs enfant donné a une croissance maux ?
psycho-sociaux apparaissent déterminants dans les anormale. Les éléments qui font — Quelle est la cause du retard de croissance ?
cas graves de retard de croissance d’origine — Quelles sont les possibilités thérapeutiques ?
rechercher une anomalie sont :
psycho-affective. Par contre, leur rôle dans certaines ✔ un niveau statural situé en dehors Informations nécessaires :
situations intermédiaires est difficile à évaluer. — tailles et âges pubertaires dans la famille
des limites de -2 et +2 DS ; — terme, poids et taille de naissance
La taille doit être mesurée avec soin, par une ✔ une discordance entre le niveau — pathologie et/ou corticothérapie
personne entraînée à le faire et avec un matériel statural de l’enfant (exprimé en DS) — troubles fonctionnels : diarrhée, vomissement,
fiable. Le résultat de la mesure est inscrit sur le carnet et celui de sa taille cible calculée à anorexie, polyurie, céphalées
de santé, ce qui permet de suivre l’évolution de la — contexte psycho-socio-affectif
partir des tailles parentales ;
croissance. Parallèlement sont évalués le périmètre
✔ une différence > 2 ans entre les Examen :
crânien (rapporté aux normes pour l’âge), le poids — taille, périmètre crânien, développement pu-
âges chronologique et osseux ;
(rapporté à la taille) et le stade pubertaire. Les enfants bertaire en fonction de l’âge
✔ surtout, une vitesse de croissance — poids en fonction de la taille
sont en règle générale mesurés en position couchée
anormale pour l’âge, conduisant à
jusqu’à l’âge de 2-3 ans, puis en position debout. La
taille mesurée couchée est souvent supérieure de 1 à
un changement de couloir de
2 cm à la taille mesurée debout. Cette différence est croissance.
à prendre en compte dans l’analyse de l’évolution Tableau IV. – Étiologies des petites tailles.
staturale. La fréquence souhaitable des Cependant, il y a deux périodes durant lesquelles
mensurations dépend de l’âge de l’enfant. Le niveau ce changement peut ne pas être dû à une — Petite taille constitutionnelle
— Retard de croissance à début intra-utérin
statural est exprimé en déviations standard (DS [15]). pathologie : — Pathologie endocrinienne :
Les tailles de 95 % des enfants bien portants sont – entre la naissance et l’âge de 3 ans, le déficit en hormone de croissance
entre -2 et +2 DS. Le niveau statural est parfois changement peut être secondaire à la mise sur le syndrome de Laron
exprimé en percentiles : un percentile donné est la couloir de croissance génétique ; hypothyroïdie
limite en-dessous de laquelle se trouve le – à l’âge pubertaire, le changement peut être excès de corticostéroïdes
— Syndrome de Turner
pourcentage correspondant de la population secondaire au retard à l’accélération staturale — Retard de croissance d’origine psycho-socio-
normale. pubertaire. affective
— Retard pubertaire
— Autres étiologies (maladie cœliaque, iléite de
taille père ~ cm ! + taille mère ~ cm ! ± 13 ~ selon le sexe ! Crohn, néphropathie, maladie osseuse
Taille cible : constitutionnelle...)
2

2
Anomalies de la croissance staturale - 8-0420

type constitutionnel. Dans certains cas, la cause de la l’esprit de la famille ou du médecin traitant sur ‚ Pathologie endocrinienne
petite taille est facile à établir car l’enfant a une l’existence d’une pathologie à l’origine du déficit
Elle est importante à reconnaître car elle conduit à
pathologie qui ralentit la vitesse de croissance ou qui statural. La tolérance psychologique du déficit
un traitement spécifique.
s’accompagne d’une petite taille : maladie osseuse statural par l’enfant et par sa famille est fonction du
constitutionnelle, anomalie chromosomique niveau statural et elle varie d’un enfant à l’autre.
autosomique type trisomie 21, affection chronique Déficit en hormone de croissance
décompensée ou corticothérapie continue et ‚ Retard de croissance Le déficit en GH peut être secondaire à une lésion
prolongée. L’indication à faire des explorations à la à début intra-utérin (RCIU) (kyste, tumeur) de la région hypothalamo-
recherche d’une pathologie associée, en particulier hypophysaire, à une irradiation crânienne ou être
Le RCIU est hétérogène. Il peut être secondaire à
d’un déficit en GH, est fonction d’une part du niveau idiopathique. La survenue d’un ralentissement de la
une anomalie chromosomique, à un facteur
statural comparé à celui qu’entraîne habituellement vitesse de croissance chez un enfant ayant reçu une
d’environnement (infection, drogue, alcool,
la pathologie initiale, et d’autre part de la possibilité irradiation crânienne [7] ou ayant été traité pour une
malnutrition), faire partie d’un syndrome ou le plus
d’associations. Ainsi, l’association de certaines lésion de la région hypothalamo-hypophysaire
souvent être idiopathique. La croissance fœtale est
cardiopathies à un déficit statural fait rechercher un conduit facilement au diagnostic de déficit en GH.
régulée différemment de la croissance postnatale.
syndrome de Turner ou un syndrome de Noonan. La lésion la plus fréquente est le craniopharyn-
L’unité utéro-placentaire semble avoir un rôle
Mais le plus souvent le déficit statural est isolé. giome. Celui-ci induit de manière quasi-constante
majeur dans cette croissance. Cependant, les
facteurs de la croissance fœtale et le rôle précis du des modifications de la région sellaire à type
‚ Petite taille constitutionnelle
placenta dans cette croissance sont mal connus [9]. d’élargissement ou de calcifications visibles sur la
Elle est aussi appelée génétique, essentielle ou Le RCIU peut porter sur le poids, la taille ou le plus radiographie de la selle turcique de profil. Dans ces
familiale. L’évolution de la croissance staturale avec souvent les deux. Il est habituellement défini par un circonstances, le diagnostic de déficit en GH est
l’âge est habituellement la suivante : à la naissance, poids de naissance situé en dessous de -2 DS ou du facile.
la taille est le plus souvent normale. Durant les 2-3 3e percentile pour l’âge gestationnel. Celui-ci est En revanche, le diagnostic de déficit idiopathique
premières années de vie, la vitesse de croissance est calculé en semaines à partir de la date de survenue en GH est difficile.
inférieure à la norme pour l’âge, ce qui conduit à un des dernières règles. Plusieurs courbes de l’évolution
niveau statural inférieur ou égal à -2 DS à 3ans. De ¶ Biologie
des mensurations in utero en fonction de l’âge
cet âge à la puberté, la vitesse de croissance est Cependant ce diagnostic reste important à faire
gestationnel sont actuellement disponibles.
normale pour l’âge et le niveau statural exprimé en malgré l’augmentation de la disponibilité en GH, et ce
Certaines nécessitent des correctifs tenant compte
DS ne change pas. Lorsqu’un retard pubertaire pour les raisons suivantes : la petite taille peut être due
des caractéristiques de la population à partir de
s’associe à la petite taille constitutionnelle, ceci à une cause différente du déficit en GH et nécessiter un
laquelle elles ont été faites. Les plus proches des
aboutit à un nouveau changement de couloir de traitement spécifique ; l’accélération de la vitesse de
données actuelles sont probablement celles de
croissance et accentue la différence avec les enfants croissance obtenue avec des doses standard de GH
Usher et Mc Lean [20]. Le RCIU est la cause d’environ
du même âge. chez les patients ayant un déficit transitoire en GH est
10 % des tailles inférieures à -2,5 DS des enfants
Les éléments en faveur du diagnostic de petite médiocre, inférieure à celle obtenue chez les patients
prépubères. En effet, contrairement aux prématurés
taille constitutionnelle sont : ayant un déficit permanent ; le traitement par GH est
ayant un poids de naissance normal pour leur âge
– un examen clinique normal ; astreignant et coûteux.
gestationnel, environ 20 % des enfants qui ont un
– un poids normal pour la taille et surtout RCIU n’ont pas de rattrapage statural. Celui-ci La constatation d’un déficit en GH conduit à
l’existence de petites tailles parentales ; lorsqu’il a lieu se produit tôt, en règle générale avant rechercher un autre déficit hypophysaire et une
– il y a souvent un retard d’âge osseux. l’âge de 1 an. Ses facteurs ne sont pas connus. étiologie. Le diagnostic de déficit en GH est fait sur
Lorsque le retard est important (>2 ans), il laisse l’insuffisance ou l’absence d’augmentation des taux
espérer une taille adulte située au-dessus du niveau plasmatiques de GH sous stimulation. Les stimuli les
statural prépubère, exprimé en DS. Cependant, Chez les enfants ayant une petite taille plus couramment employés sont l’arginine, l’ornithine
moins de la moitié des enfants ont une amélioration constitutionnelle, il n’y a actuellement et l’hypoglycémie insulinique contrôlée. On parle de
de leur niveau de taille grâce au retard d’âge osseux. déficit en GH lorsque le pic de GH sous stimulation est
pas de traitement dont l’efficacité à
En effet, ce retard disparaît souvent à l’approche de inférieur à 7-10 ng/mL (µg/L). La limite définissant le
augmenter la taille adulte soit
la puberté. L’indication à faire des examens déficit est en effet variable selon les pays. Il est
démontrée. En effet, le traitement par
complémentaires à la recherche d’une pathologie nécessaire de confirmer le déficit par une deuxième
GH à dose élevée (2 à 3 fois celle
dépend du contexte. Le plus souvent, le diagnostic évaluation de la sécrétion de GH, utilisant de
administrée dans le déficit en GH)
de petite taille constitutionnelle est facile à faire car la préférence un stimulus différent de la première. En
vitesse de croissance est normale pour l’âge et le
entraîne une augmentation de la
effet, un certain nombre d’enfants ayant une capacité
niveau statural concordant avec la taille cible
vitesse de croissance de plus de 3 cm normale à secréter GH ne répondent pas à une
parentale. par rapport à l’année préthérapeutique première, voire à une deuxième stimulation. Ceci est
Il suffit alors de faire doser le taux plasmatique du durant la première année de en particulier le cas des enfants qui ont un surpoids et
facteur de croissance IGF-I. S’il est normal pour l’âge traitement, dans la majorité des cas. des garçons qui ont un retard pubertaire ou qui sont
et à condition qu’il ait été dosé dans un laboratoire Cependant, son utilisation dans les âgés de 10 à 13 ans. D’autre part, les taux mesurés de
performant, ceci constitue un argument contre une petites tailles constitutionnelles doit GH varient selon la trousse utilisée pour le dosage de
pathologie. Cependant deux éléments peuvent continuer à se faire dans le cadre GH. Pour toutes ces raisons, le diagnostic de déficit en
rendre l’interprétation du résultat difficile : d’une part, d’essais cliniques et ce pour les GH est parfois fait par excès. La constatation que
la dispersion de la norme pour l’âge est très grande raisons suivantes : son efficacité à certains enfants de petite taille ont un pic de GH bas
et les valeurs de l’enfant jeune sont physiologi- augmenter la taille adulte n’est pas durant le sommeil nocturne alors qu’ils ont un pic de
quement faibles ; d’autre part, les valeurs de IGF-I de démontrée ; un recul plus long est GH normal sous stimulation a conduit à la conclusion
certains enfants ayant une petite taille nécessaire pour affirmer l’absence suivante : la secrétion de GH évaluée sur 24 heures ou
constitutionnelle sont basses, parfois du même d’effet secondaire à l’utilisation de durant le sommeil apporte une information mieux
niveau que celles observées dans les déficits en GH. doses élevées de GH ; il nécessite une corrélée avec la croissance que la réponse aux
Ainsi, l’indication à faire une évaluation pour injection quotidienne et son coût est stimulations pharmacologiques. Nos données chez les
exclure une pathologie peut venir des éléments élevé. enfants de petite taille et chez ceux ayant reçu une
suivants : déficit statural important, doute dans irradiation crânienne [7] montrent que le pic de GH

3
8-0420 - Anomalies de la croissance staturale

sous stimulation pharmacologique apporte le plus thyroïdes ectopiques permettent le maintien d’un staturale pubertaire. Le traitement est débuté vers
souvent une information suffisante pour une décision taux circulant d’hormones thyroïdiennes et de TSH l’âge de 12-13 ans et administré à très faible dose
thérapeutique. normaux durant quelques mois ou années. (2 µg/j d’éthynilestradiol ) pour éviter d’induire une
L’insuffisance congénitale en TSH fait le plus souvent progression trop rapide de la maturation osseuse.
¶ Clinique
partie d’une insuffisance hypophysaire globale, Lorsque la croissance est proche de son terme, il est
Les signes cliniques évocateurs de déficit en GH
incluant la GH. L’hypothyroïdie acquise entraîne un remplacé par un traitement estro-progestatif
sont rarement présents. Ils se voient essentiellement
ralentissement de la vitesse de croissance staturale administré de manière cyclique. En effet la
chez les enfants ayant un déficit congénital en GH. Il
associé à une prise pondérale excessive. L’âge dysgénésie gonadique est responsable d’une
s’agit de surcharge pondérale à prédominance
osseux est inférieur à l’âge chronologique. Les autres absence de développement pubertaire dans environ
tronculaire, extrêmités petites, front bombé,
signes cliniques (lenteur, frilosité, constipation) sont 80 % des cas et d’une stérilité dans environ 95 % des
ensellure nasale marquée. L’association chez un
plus inconstants. L’étiologie la plus fréquente de cas. L’annonce de la stérilité est une étape
nouveau-né d’une hypoglycémie à un micropénis
l’hypothyroïdie acquise est la thyroïdite. Un goitre est douloureuse pour l’enfant et sa famille. Il est donc
(longueur de la verge < 3 cm) est très évocatrice du
souvent présent. essentiel qu’elle soit faite par une équipe habituée à
diagnostic de déficit en GH. L’imagerie par
le faire et d’insister sur la caractère normal de
résonance magnétique (IRM) de la région Excès de corticostéroïdes l’appareil génital et de la vie sexuelle. Les progrès de
hypothalamo-hypophysaire montre chez plus de la
Il peut être d’origine endogène ou iatrogène. Le la fécondation in vitro ont rendu possible des
moitié des enfants qui ont un déficit en GH un aspect
syndrome de Cushing est caractérisé par une grossesses chez ces femmes.
dit d’interruption de la tige dont les composantes
hypersécrétion de cortisol. Il est rare chez l’enfant. Ses
sont les suivantes : posthypophyse ectopique, ‚ Retard de croissance
principaux signes cliniques sont : ralentissement de la
antéhypophyse petite et tige pituitaire interrompue. d’origine psychosocio-affective
vitesse de croissance staturale, prise pondérale,
Cet aspect apporte une confirmation anatomique au
douleurs dorsales liées à l’ostéoporose vertébrale et Le « nanisme psychosocial » se présente de la
diagnostic de déficit en GH. Sa pathogénie est variée
vergetures. Le diagnostic d’hypercorticisme est retenu manière suivante : ralentissement statural, réponse
et en cours d’analyse : traumatique, malformative ou
sur l’augmentation de la cortisolurie des 24 heures variable de GH aux tests de stimulation, taux
génétique. Lorsque l’IRM montre une anatomie
(> 50 µg). Le taux circulant de corticotrophine plasmatique effondré de IGF-I. Les difficultés
hypophysaire normale, la hauteur de l’antéhypo-
hypophysaire (ACTH) est en règle générale élevé si relationnelles avec l’entourage sont souvent difficiles
physe peut être normale ou inférieure aux normes
l’hypercorticisme est d’origine centrale, hypothalamo- à mettre en évidence. Le critère essentiel du
pour l’âge [3]. Il est probable que les enfants dont la
hypophysaire. Il est au contraire bas si diagnostic est l’accélération de la vitesse de
morphologie et la hauteur antéhypophysaires sont
l’hypercorticisme est d’origine périphérique, croissance staturale lorsque l’enfant est totalement
normales ont un déficit transitoire. Les taux
surrénalienne. Par ailleurs, l’administration prolongée séparé de son milieu familial. L’anorexie mentale se
plasmatiques du facteur de croissance IGF-I et de sa
de doses pharmacologiques de corticostéroïdes voit le plus souvent chez les filles, après le début de
protéine liante BP-3 dépendent de la sécrétion de
ralentit la croissance staturale. L’arrêt du traitement leur puberté. L’amaigrissement et l’aménorrhée sont
GH. Peuvent-ils être utilisés comme marqueurs du
n’est pas toujours suivi d’un rattrapage. alors au premier plan. Lorsqu’elle débute plus tôt,
diagnostic de déficit en GH ? Pour répondre à cette
elle peut être responsable d’un ralentissement de la
question, nous avons comparé deux groupes de
‚ Syndrome de Turner croissance staturale. À côté de ces deux situations où
patients [1, 8] : l’un a un déficit certain et permanent et
Il survient dans 1/3 500 naissances de filles. Il les difficultés psychosocioaffectives ont un rôle
l’autre un déficit transitoire en GH. Ce travail a
associe une anomalie du caryotype (typiquement majeur dans le déficit statural, il y a des situations où
montré que le déficit permanent en GH est
45, XO), une dysgénésie gonadique et un déficit l’environnement a un rôle moins net. Il agit par
caractérisé par le jeune âge au ralentissement
statural. Les autres anomalies sont inconstantes : réduction de l’apport nutritionnel [19], difficultés
statural et par les taux plasmatiques effondrés de
anomalies morphologiques (cou court, voire palmé, sociales familiales et/ou difficultés psychologiques
IGF-I et de BP-3. La signification de la réduction
thorax large, cubitus valgus), cardiopathie (surtout de l’enfant.
transitoire du pic de GH observée chez les patients
prépubères n’ayant pas de surpoids est inconnue. coarctation de l’aorte) et malformation rénale à type
de rein en « fer à cheval ». L’intelligence est normale. ‚ Retard pubertaire (RP)
L’association à une diminution de la hauteur de
l’antéhypophyse en IRM chez certains peut indiquer Le diagnostic de syndrome de Turner peut être fait Il est défini par l’absence de développement des
une diminution transitoire de la stimulation de dans les circonstances suivantes : caractères sexuels après l’âge de 13 ans chez la fille et
l’hypophyse par l’hypothalamus. – in utero sur un caryotype fait en raison de l’âge de 14 ans chez le garçon. Il est responsable d’un retard
avancé de la mère ou d’anomalies à l’échographie ; à l’accélération pubertaire de la vitesse de croissance
Syndrome de Laron – en période néonatale devant un lymphœdème et, ainsi, d’un changement transitoire de couloir de
Il donne un aspect clinique ressemblant à celui du des extrémités ; croissance. Cette situation est beaucoup plus fréquente
déficit en GH. Il correspond à une résistance à GH par – dans l’enfance devant un déficit statural ; chez le garçon. Il s’agit alors dans 80 % des cas d’un
anomalie du récepteur à cette hormone. Les taux – à l’âge pubertaire devant une absence de RP simple alors que chez la fille le RP est secondaire
plasmatiques de GH sont élevés. En revanche, ceux développement des seins ou une aménorrhée dans plus de la moitié des cas à une pathologie et en
de IGF-I sont effondrés. Sa transmission est primaire ; particulier à un syndrome de Turner. Le RP du garçon
autosomique récessive. – à tout âge devant une cardiopathie. conduit à se poser certaines questions.
Le mécanisme du déficit statural n’est pas connu – S’agit-il d’une absence de puberté ou existe-t-il
Hypothyroïdie et trois facteurs sont discutés : une réduction de la déjà des signes de démarrage pubertaire ? Le plus
L’hypothyroïdie congénitale périphérique est sécrétion de GH, l’anomalie chromosomique et des souvent il y a déjà une augmentation du volume
diagnostiquée par un taux plasmatique élevé de anomalies du cartilage. Dans notre expérience, la testiculaire qui indique que l’axe hypothalamo-
thyréostimuline hypophysaire (TSH) dans le cadre du capacité à sécréter GH est normale. La taille adulte hypophysotesticulaire fonctionne.
dépistage néonatal systématique qui couvre en varie de 142 [12] à 147 cm selon les pays où les séries – Comment arriver au diagnostic de retard
France près de 100 % des naissances [14]. Les ont été analysées. Les traitements utilisés pour simple de puberté et ainsi exclure une anomalie
hypothyroïdies congénitales qui « échappent » au l’augmenter sont la GH et les estrogènes. Le hypothalamo-hypophysaire ou testiculaire ?
dépistage peuvent se présenter avec au premier traitement par GH (0,7 à 0,9 U/kg/semaine) semble – Le changement de couloir de croissance est-il
plan un ralentissement de la vitesse de croissance conduire à une taille adulte supérieure à 150 cm secondaire uniquement au RP ou au contraire à une
staturale. Les cas non diagnostiqués dans la période dans plus de la moitié des cas. Les estrogènes sont pathologie responsable du RP et du déficit statural ?
néonatale sont très rares. Ils peuvent être liés à un utilisés pour induire un développement des Dans certains cas, la vitesse de croissance diminue
problème technique ou au fait que certaines caractères sexuels secondaires et une accélération en dessous du niveau normal prépubère qui est de

4
Anomalies de la croissance staturale - 8-0420

5 cm/an. Ceci conduit à rechercher une cause autre – Y-a-t-il une indication à un traitement pour la maturation osseuse et induit une réduction de la
que le RP à l’origine de cette diminution, et en réduire la taille adulte et, dans ce cas, quels sont durée de la croissance d’où une réduction de la taille
particulier un déficit en GH. Or le diagnostic de déficit l’efficacité et le risque d’effets secondaires de ce adulte. Chez le garçon, la testostérone retard
permanent idiopathique en GH est particulièrement traitement ? (heptylate de testostérone) utilisée à dose élevée
difficile chez les garçons prépubères âgés de plus de Il est en règle facile de trouver l’étiologie de la semble réduire la taille adulte. Chez la fille, on utilise
10 à 13 ans car à cet âge il y a une diminution grande taille (tableau VI). En revanche, la capacité soit des estrogènes de synthèse administrés per os,
transitoire de la sécrétion de GH. Le déficit en GH des traitements à réduire la taille adulte et le risque soit des estrogènes naturels administrés par voie
constaté dans ces conditions est le plus souvent de leurs effets secondaires sont mal précisés. En effet, percutanée. Ils sont d’emblée associés à des
transitoire et il ne réduit pas la taille adulte [2]. lorsque la grande taille est secondaire à une progestatifs et administrés de manière cyclique, l’arrêt
– Quelles sont les indications thérapeutiques ? hyperthyroïdie, à une puberté précoce ou à une du traitement étant suivi de règles. Ils sont utilisés à
Lorsque le RP est secondaire à une maladie hypersécrétion de GH, le traitement de la pathologie deux doses différentes selon les équipes : à dose
chronique, le traitement approprié lorsqu’il est endocrinienne normalise la vitesse de croissance. modérée (éthynilestradiol 50-100 µg/j), ils sont mieux
possible permet le développement pubertaire. Dans les syndromes de Marfan et de Klinefelter, les tolérés qu’à dose élevée (300 voire 500 µg/j). Les effets
Dans le RP simple, le développement pubertaire indications thérapeutiques sont superposables à celles secondaires du traitement estrogénique sont
se fait de manière complète mais retardée. La des grandes tailles constitutionnelles. Nous beaucoup plus marqués avec les doses élevées : prise
question qui se pose est de savoir s’il faut accélérer le n’aborderons pas les réductions de taille par des de poids, nausées au début du traitement,
développement pubertaire. Dans notre expérience, moyens chirurgicaux car leur indication est hypertension artérielle ou augmentation du taux
le déficit statural et l’absence de développement des actuellement exceptionnelle et leur efficacité non plasmatique de prolactine ont été rapportés. Les
caractères sexuels sont souvent difficiles à tolérer sur encore analysée. L’utilisation des stéroïdes sexuels accidents thromboemboliques semblent très rares. Il
le plan psychologique après l’âge de 15 ans. Ceci est vient de l’observation que dans les pubertés précoces, semble que la fréquence et l’importance des
encore plus marqué lorsque le RP survient chez un la sécrétion prématurée de stéroïdes sexuels accélère modifications des facteurs de l’hémostase augmentent
garçon ayant une petite taille constitutionnelle. De
plus il a été montré que, à condition d’être utilisé Tableau V. – Conduite pratique devant un enfant de grande taille.
selon un schéma défini, un traitement par la
testostérone n’entraîne pas de progression excessive Questions Réponses
de la maturation osseuse et donc pas de risque de Quelle est la cause de la grande taille ? Le plus souvent consitutionnelle
réduction de la taille adulte [13].
Quels éléments font rechercher une pathologie ? Vitesse de croissance > norme pour l’âge
Au total, le diagnostic de RP simple implique Age osseux - âge réel > 2 ans
qu’on ait exclu une pathologie. La décision de Anomalies à l’examen clinique
traitement d’un an par la testostérone pour accélérer
Quelle sera la taille adulte ? La prédiction de taille peut être calculée à partir de
la croissance et le développement pubertaire est à l’âge osseux et du niveau de taille
prendre en service spécialisé.
Quelles sont les indications à un traitement pour Prédiction de taille adulte
réduire la taille adulte ? >180cm F/195cm G et mauvaise tolérance psychologi-
‚ Autres étiologies que
Un certain nombre de syndromes s’accompa- Quels sont les moyens thérapeutiques ? Stéroïdes sexuels pour accélération de la maturation
gnent d’un déficit statural [16]. Certaines pathologies osseuse
peuvent s’exprimer par un déficit statural isolé. Elles Analogues de la somatostatine
Effıcacité et risques à prendre en compte
sont à rechercher devant une croissance anormale
inexpliquée : maladie cœliaque par le dosage du F : fille ; G : garçon.
taux plasmatique des anticorps antigliadine, iléite de
Crohn par la mesure de la vitesse de sédimentation,
néphropathie par l’ionogramme sanguin, la Tableau VI. – Diagnostic étiologique des grandes tailles.
recherche au papier de protéinurie au besoin
complétée par la mesure des osmolalités Etiologies Arguments diagnostiques
plasmatique et urinaire concomitantes après arrêt Constitutionnelle Etiologie la plus fréquente
des boissons depuis 12 heures. Les maladies Grandes tailles familiales
osseuses constitutionnelles entraînent en règle Croissance régulière
Absence d’anomalie clinique
générale une modification des proportions du tronc Age osseux = âge réel
et des membres. Mais elle peuvent ne pas modifier
le morphotype et elles sont à rechercher dans tous Pathologie endocrinienne
Hyperthyroïdie Tachycardie, hypertension, artérielle,
déficits staturaux importants par une radiographie Thyroxine plasmatique augmentée
du bassin de face, du rachis lombaire de face et de
profil et d’un os long. Puberté précoce Développement des caractères sexuels
< 8 ans F, < 10 ans G
Hypersécrétion de GH Très rare
Taux circulants augmentés de GH et IGF1


Grande taille et/ou vitesse Pathologie non endocrinienne
de croissance supérieure Syndrome de Sotos ou gigantisme cérébral Grandes dimensions à la naissance
à la norme Macrocrânie avec dysmorphie
Retard du développement mental

Un enfant vu pour grande taille conduit à se poser


Syndrome de Marfan Anomalies oculaires et cardiaques
Syndrome de Klinefelter Présence de X supplémentaire (s) au caryotype
certaines questions (tableau V). Insuffısance testiculaire tubulaire
– Quelle en est l’étiologie ?
Syndrome de Wiedemann-Beckwith Nouveau-né avec hypoglycémies par hyperinsulinisme
– En cas de grande taille constitutionnelle, quelle Macroglossie
sera la taille adulte ?

5
8-0420 - Anomalies de la croissance staturale


avec l’augmentation de la dose d’estrogènes. L’autre fait que lorsqu’on fait une prédiction de taille adulte
risque possible est celui de l’augmentation de la à l’âge de 11 ans, selon la méthode de Bayley et Conclusion
fréquence du cancer du sein à l’âge adulte mais ce Pinneau (cf supra), la marge d’erreur est de 5 cm. Or
risque n’est pas encore évalué. ceci représente la réduction moyenne de la taille
L’administration d’analogues de la somatostatine obtenue avec les stéroïdes sexuels. Il est possible que Dans le déficit en GH, le traitement par GH
entraîne une réduction de la sécrétion de GH. Des l’administration des stéroïdes sexuels avant l’âge de conduit à une taille adulte normale et ce, au prix de
études préliminaires, utilisant un analogue de la démarrage pubertaire (à partir de 9 ans chez la fille deux impératifs : des critères de diagnostic fiables et
somatostatine par voie sous-cutanée chez les et de 10 ans chez le garçon) améliore l’efficacité du un traitement établi selon des règles précises et
enfants de grande taille, ont montré que ce produit traitement. Ceci suppose cependant une acceptation régulièrement optimisé en fonction des
réduit la vitesse de croissance [11]. Cette réduction est psychologique par l’enfant et par sa famille des connaissances. Le déficit transitoire en GH à l’âge
parallèle à la réduction de la sécrétion de GH des modifications physiques induites par ce traitement. pubertaire n’est pas une indication au traitement par
24h et du taux circulant de IGF-I. Ces études utilisent GH. Dans les situations autres que le déficit en GH et
des doses variées allant de 50 à 500 µg/j. Il est Au total, les indications à prescrire un le syndrome de Turner, l’efficacité de ce traitement à
nécessaire d’avoir plus de recul pour évaluer la dose améliorer la taille adulte n’est pas encore
traitement pour réduire la taille adulte
nécessaire, la tolérance et l’efficacité de ce produit. Il démontrée. Un apport nutritionnel correct semble
sont limitées aux très grandes tailles.
semble que le niveau de taille adulte au-dessus optimiser la croissance staturale.
Il reste à préciser les effets à long
duquel surviennent des difficultés psychologiques se terme des estrogènes et la place des
situe autour de 180 cm chez les filles et de 195 cm analogues de la somatostatine. Remerciements : Nous remercions M Lacroix et C Castanera pour
chez les garçons. Les difficultés viennent d’abord du la préparation du manuscrit.

Raja Brauner : Professeur des Universités, praticien hospitalier,


service d’endocrinologie et croissance, hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres 75743 Paris cedex 15, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : R Brauner. Anomalies de la croissance staturale.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0420, 1998, 6 p

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6
Traité de Médecine AKOS 8-0451 (2004)

8-0451

Arthrites juvéniles idiopathiques

P. Quartier, A.-M. Prieur

L es arthrites juvéniles idiopathiques (AJI), antérieurement appelées arthrites chroniques juvéniles (ACJ),
représentent un ensemble hétérogène d’affections dont les caractéristiques communes sont un début de la
maladie avant l’âge de 16 ans, une évolution sur plus de 6 mois et l’existence d’une arthrite d’une durée d’au moins
6 semaines sans étiologie reconnue. L’incidence annuelle et la prévalence des AJI se situent respectivement entre 5 et
18 et entre 30 et 150 pour 100 000 enfants. Parmi les différentes formes cliniques individualisables, la plus fréquente
est la forme oligoarticulaire, caractérisée par une atteinte de moins de cinq articulations au cours des 6 premiers
mois, qui touche essentiellement la petite fille et dont le pronostic peut être compliqué par une uvéite associée
évoluant à bas bruit. La forme systémique d’AJI et certaines formes polyarticulaires, avec ou sans facteur rhumatoïde,
peuvent être relativement réfractaires aux traitements et rester actives sur le plan inflammatoire à l’âge adulte, de
façon intermittente ou continue. Le pronostic fonctionnel peut être compromis en cas d’atteinte polyarticulaire
sévère ou d’atteinte de hanche. Le pronostic vital est parfois mis en jeu du fait des complications des traitements,
notamment infectieuses, et de la maladie inflammatoire, amylose secondaire en particulier. La compréhension des
facteurs génétiques impliqués dans la susceptibilité aux AJI et de la physiopathologie de ces affections reste
fragmentaire, certaines molécules human leukocyte antigen et diverses cytokines pro-inflammatoires jouant
probablement un rôle important. Les immunosuppresseurs dont le méthotrexate et plus récemment les anti-tumor
necrosis factor ␣ ont transformé le pronostic des formes les plus sévères dont la prise en charge thérapeutique reste
cependant complexe et laisse une large place aux traitements adjuvants dont la physiothérapie, la chirurgie, voire
aux bisphosphonates et à l’hormone de croissance pour limiter les conséquences négatives d’une corticothérapie
générale prolongée.
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Mots-clés : Arthrites ; Enfant ; Immunosuppresseurs


mais il est indispensable d’éliminer une arthrite tuberculeuse ou une autre arthrite
Introduction infectieuse à agent pathogène intracellulaire et un déficit immunitaire sous-jacent
(granulomatose septique chronique ou déficit lymphocytaire T en particulier). Par
ailleurs, d’autres maladies génétiques dont diverses dysgénésies épiphysaires ou
La survenue d’une arthrite chez l’enfant, qu’elle soit isolée ou associée à d’autres métaphysoépiphysaires peuvent causer des déformations articulaires, en particulier
symptômes, peut être liée à diverses causes. Par ailleurs, il est parfois difficile à la un élargissement des articulations interphalangiennes, évoquant à l’examen une
phase initiale de distinguer une authentique arthrite d’arthralgies ou de douleurs atteinte articulaire consécutive à une atteinte inflammatoire. La présence d’autres
périarticulaires inflammatoires, telles les douleurs métaphysaires d’une ostéomyélite anomalies osseuses et l’absence de tout syndrome inflammatoire biologique
ou d’une leucémie. Les principales causes d’arthrite ou d’algies inflammatoires permettent alors de redresser le diagnostic. Ce n’est qu’après avoir éliminé toute
posant le problème du diagnostic différentiel sont montrées dans le Tableau 1. Une autre cause d’arthrite ou d’arthralgie inflammatoire que le diagnostic d’arthrite
monoarthrite fébrile doit être considérée comme une arthrite infectieuse jusqu’à juvénile idiopathique (AJI) peut être considéré. Le Tableau 2 indique dans quelles
preuve du contraire. Toute suspicion d’arthrite bactérienne impose une circonstances une particulière attention doit être portée aux diagnostics différentiels.
antibiothérapie intraveineuse après prélèvements bactériologiques du liquide L’appellation AJI a été proposée lors d’une réunion internationale de
articulaire, d’une porte d’entrée éventuelle et après hémocultures si fièvre. En plus rhumatologues pédiatres experts à Durban en 1998 pour les arthrites sans étiologie
des étiologies infectieuses, arthrites réactionnelles incluses, pouvant parfois survenir reconnue qui débutent avant l’âge de 16 ans et persistent au minimum
sur un terrain particulier (drépanocytose, déficit immunitaire congénital méconnu, 6 semaines. [52] Cette appellation se substitue à celles plus anciennes d’arthrite
déficit immunitaire secondaire à une infection par le virus de l’immunodéficience chronique juvénile (ACJ) et d’arthrite rhumatoïde juvénile (ARJ) qui couvraient pour
humaine [VIH]…), il faut envisager la possibilité d’une hémopathie maligne (à ne pas une large part les mêmes affections. Le terme ARJ avait l’inconvénient d’évoquer
décapiter par une corticothérapie hâtive, le myélogramme s’imposant en cas de une parenté de ces affections avec la polyarthrite rhumatoïde (PR), maladie de
doute), d’une néoplasie, d’une vascularite, d’une maladie auto-immune et l’adulte et parfois de l’adolescente, dont les particularités sémiologiques diffèrent de
d’affections systémiques diverses. Une atteinte articulaire de début très précoce avec celles des arthrites de l’enfant. La classification la plus récente des différentes formes
hypertrophie cartilagineuse associée en général à une atteinte cutanée, à un d’AJI est celle proposée à Durban en 1998 (Tableau 3). [52] Le fait que cette
syndrome inflammatoire avec hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles et classification repose essentiellement sur des caractéristiques cliniques et sur la
souvent à une atteinte neurologique doit faire évoquer le syndrome chronique présence ou l’absence d’un nombre limité de marqueurs biologiques témoigne de
infantile neurologique, cutané et articulaire (CINCA). Une arthrite granulomateuse du notre connaissance encore très fragmentaire de la physiopathologie de ces
petit enfant peut révéler un syndrome de Blau, ou sarcoïdose articulaire de l’enfant, affections, en particulier des facteurs génétiques et environnementaux en cause.

1
8-0451 - Arthrites juvéniles idiopathiques

Tableau 1. – Diagnostic différentiel des arthrites juvéniles idiopathiques Tableau 3. – Définition et classification de Durban des arthrites juvéni-
les idiopathiques
Arthrites infectieuses et postinfectieuses
Arthrite bactérienne à germe banal, arthrite tuberculeuse Définition
Arthrite virale (coxsackies, échovirus, virus des hépatites…) ou à mycoplasme
Arthrite fongique, micro-organisme opportuniste (rechercher un déficit immu- Début avant le 16e anniversaire
nitaire) Présence d’une arthrite pendant au moins 6 semaines
Arthrites réactionnelles, rhumatisme articulaire aigu Après avoir éliminé toutes autres causes d’arthrite (cf.
Arthrites associées à une maladie générale Tableau 2)
Connectivites, vascularites (lupus érythémateux disséminé, dermatomyosite, Classification % des patients a
purpura rhumatoïde, maladie de Kawasaki, maladie de Behçet…), maladie de
Crohn… 1 Formes systémiques 17
Maladies génétiques : syndromes associés à un défaut de régulation de l’acti- 2 Formes polyarticulaires avec présence de facteur rhuma-
vation lymphocytaire T et macrophagique (lymphohistiocytose familiale et 2
toïde
autres syndromes rares), syndrome de Blau (ou sarcoïdose articulaire de l’en- 3 Formes polyarticulaires sans facteur rhumatoïde 15
fant), CINCA, fièvres récurrentes (maladie périodique, déficit en mévalonate 4 Formes oligoarticulaires 35
kinase [« syndrome hyper-IgD »], TRAPS…)… 5 Arthrites avec enthésiopathie (et/ou positivité d’HLA
Douleurs articulaires ou périarticulaires inflammatoires sans arthrite 7
B27)
Ostéomyélite, leucémies, pathologie tumorale 6 Rhumatisme psoriasique 4
Épanchements ou déformations articulaires/périarticulaires d’évolution 7 Autres arthrites 20
chronique, sans signe inflammatoire
Ostéochondrites, chondropathies, épiphysiolyse, ténosynovites idiopathiques a Dans un service de rhumatologie pédiatrique parisien [24] ; HLA : human leukocyte antigen.
Synovite à corps étranger, dysplasie fémoropatellaire, traumatismes
Épanchement hémorragique sur anomalie de l’hémostase ou sur synovite villo-
nodulaire population, menées selon une méthodologie similaire et évitant le biais de
Hémoglobinopathies, drépanocytose (susceptibilité par ailleurs aux arthrites recrutement des centres spécialisés, donnent des estimations de cet ordre de
infectieuses) grandeur pour l’Europe et l’Amérique du Nord, avec une incidence comprise entre
Déformations articulaires liées à une dysgénésie épiphysaire ou métaphysoépi- 5 et 18 pour 100 000 et une prévalence entre 30 et 150 pour 100 000. [21] Plusieurs
physaire, à une mucopolysaccharidose, à une neurolipidose… études, y compris parmi les plus récentes, soulignent les variations d’incidence dans
une même population d’une année à l’autre, avec certaines années des pics
CINCA : syndrome chronique infantile neurologique, cutané et articulaire ; TRAPS : TNF␣ receptor-associated
periodic syndromes ; IG : immunoglobulines. suggérant un rôle possible pour des facteurs environnementaux. [26, 49] Une étude
canadienne rétrospective sur 12 ans ne montrait en revanche de variation
saisonnière d’incidence que dans une région et s’inscrivait ainsi en faux vis-à-vis de
Tableau 2. – Quand évoquer plus particulièrement un diagnostic d’arth- l’hypothèse d’un rôle important d’un virus saisonnier. [16]
rite secondaire Le Tableau 3 indique les fréquences respectives des différentes formes d’AJI
observées parmi les patients consultant dans le service de rhumatologie pédiatrique
Histoire familiale évocatrice de maladie génétique sous-jacente
de l’hôpital Necker-Enfants Malades à Paris. [24] Les proportions relatives des
Maladie inflammatoire affectant plusieurs membres de la famille (arbre généa-
logique) différentes formes d’AJI dans le monde varient cependant en fonction de la zone
Consanguinité géographique et de l’ethnie. [44] Au Japon, les formes systémiques d’AJI pourraient
Décès précoces chez des apparentés ou infections précoces, récurrentes ou être plus fréquentes. [20]
sévères, à germes banals ou à micro-organismes opportunistes a


Contexte à risque de déficit immunitaire acquis
Parents originaires d’un pays à prévalence élevée d’infection VIH, mère toxi-
comane… Formes cliniques
Caractéristiques de l’arthrite
Arthrite purulente
Arthrite granulomateuse b ‚ Forme systémique
Manifestations associées
Cette forme d’AJI a été appelée pendant longtemps « maladie de Still », en
Altération inexpliquée de l’état général, hyperplasie des organes lymphoïdes
secondaires… reconnaissance du travail de cet auteur qui dès le XIXe siècle avait reconnu la
Infections récurrentes ou sévères, infection à micro-organisme opportuniste a particularité des formes pédiatriques d’arthrite chronique et tout particulièrement de
Manifestations auto-immunes, photosensibilité c, syndrome de Raynaud et la forme systémique. Elle est caractérisée par la présence de signes systémiques et
autres signes de vascularite, atteinte digestive inflammatoire ou hémorragie en particulier d’une fièvre élevée le plus souvent inaugurale. L’atteinte articulaire
digestive (parfois occulte) d peut être présente d’emblée ou apparaître de façon retardée. Une polyarthrite
sévère et relativement réfractaire aux traitements grève le pronostic fonctionnel
a Déficit immunitaire. d’une proportion non négligeable de ces patients.
b Agent infectieux intracellulaire dont Mycobacterium tuberculosis, possibilité de déficit immunitaire sous-jacent
(dont granulomatose septique chronique), syndrome de Blau…
La maladie commence le plus souvent entre 2 et 7 ans, avec alors un rapport
c Lupus érythémateux disséminé. équilibré entre les deux sexes. En revanche, à de rares exceptions près, seules les
d Maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
filles sont atteintes lorsque la maladie débute lors de la première année de vie. Plus
tardivement, à l’âge adulte, une prédominance féminine est retrouvée.
Certains auteurs ont par ailleurs souligné les limites de cette classification sur un plan
purement clinique et biologique et proposé une approche alternative pour Signes extra-articulaires
distinguer différentes formes d’AJI. [63] ¶ Fièvre
Le plus souvent inaugurale, elle est le symptôme majeur à la phase initiale. Elle


est caractérisée par de grandes oscillations au cours du nycthémère avec un pic à
Épidémiologie plus de 39 °C survenant toujours à peu près à la même heure, suivies d’une
défervescence thermique brutale, souvent en dessous de 37 °C, voire d’une
hypothermie. L’analyse de la courbe thermique sur plusieurs jours avec prise de
Une méta-analyse de 34 études épidémiologiques publiées entre 1966 et 2001 température toutes les 4 heures est donc essentielle au diagnostic (Fig. 1). Au
fait apparaître d’importantes discordances dans l’estimation de la prévalence et de moment des pics fébriles, l’enfant a un aspect décrit comme « toxique » avec pâleur
l’incidence de l’arthrite juvénile d’une étude à l’autre, avec une incidence estimée du visage, altération de l’état général, myalgies et parfois arthralgies plus ou moins
entre 0,8 et 22,6 pour 100 000 enfants de moins de 16 ans et une prévalence diffuses. Ces symptômes s’amendent avec la chute de la fièvre. Lorsqu’elle évolue
estimée entre 7 et 401 pour 100 000. [33] En France, une étude menée en Île-de- sur plus de 2 semaines et en l’absence d’autre étiologie retrouvée, une telle
France et en Bretagne et publiée en 1987 suggérait une incidence entre 13 et symptomatologie est très évocatrice de la forme systémique d’AJI. Le diagnostic ne
19 pour 100 000 et une prévalence de 77 à 100 pour 100 000. [55] Les études de sera cependant définitivement retenu que si surviennent d’authentiques arthrites.

2
Arthrites juvéniles idiopathiques - 8-0451

Figure 1 Courbe thermique de la forme systémique.

¶ Signes cutanés clinique ou biologique résiduel et possibilité d’arrêt des traitements anti-
Une éruption maculeuse fugace, faite de petits éléments rosés de 3 à 5 mm inflammatoires et immunosuppresseurs. Cependant, des rechutes tardives sont
prenant parfois un caractère urticarien, est constatée dans plus de 90 % des cas au possibles chez ces patients. Par ailleurs, 25 à 30 % d’entre eux présentent des
moment du pic fébrile. Elle peut également apparaître lors de l’exposition à l’air ou séquelles articulaires ayant un retentissement fonctionnel notable, telles qu’une
lors du bain. atteinte destructive de l’articulation de la hanche.
Chez les autres patients, la maladie reste active au-delà de 10 ou 20 ans, de façon
¶ Hyperplasie des organes lymphoïdes
continue et/ou par poussées. En plus du risque de handicap lié à l’atteinte articulaire
Adénomégalies, splénomégalie et hépatomégalie sont possibles à la phase
ou au retentissement des traitements (petite taille et ostéoporose cortico-induite…),
initiale mais elles peuvent faire défaut.
le pronostic vital peut être engagé du fait de diverses complications détaillées plus
¶ Atteinte des séreuses loin dont principalement les complications des traitements immunosuppresseurs
Probablement très fréquente mais souvent infraclinique, elle peut concerner le (infection sévère, syndrome d’activation macrophagique…) et le développement
péricarde, la plèvre ou le péritoine. Les douleurs abdominales que présentent chez certains patients d’une amylose secondaire, de type AA, au niveau de différents
souvent ces enfants correspondent probablement à la présence d’un épanchement organes dont le rein, le cœur, le pancréas. [3]
péritonéal a minima. Lorsqu’une ponction d’épanchement séreux est réalisée, ce qui
n’est justifié qu’en cas de réel doute diagnostique, l’analyse cytologique montre qu’il ‚ Formes oligoarticulaires
s’agit d’un liquide inflammatoire constitué essentiellement de polynucléaires Ces formes sont caractérisées par l’atteinte d’une à quatre articulations au cours
neutrophiles non altérés. des 6 premiers mois d’évolution en l’absence de signes systémiques,
d’enthésiopathie, de psoriasis chez l’enfant lui-même ou un apparenté du premier
¶ Atteinte viscérale
degré ou de positivité du facteur rhumatoïde (Tableau 3). Elles représentent environ
Une myocardite a minima, avec une tachycardie comme seule expression
35 % des AJI. Elles débutent le plus souvent chez l’enfant jeune, de moins de 5 ans,
clinique, est fréquente. [38] La présence au premier plan de symptômes en rapport
et atteignent alors neuf filles pour un garçon. Le début plus tardif, en particulier après
avec une atteinte pulmonaire [31] , cérébrale ou hématologique) [15] est
l’âge de 8 ans et chez le garçon, doit faire suspecter une AJI associée aux
exceptionnelle. Dans ces différentes situations, un syndrome d’activation
enthésiopathies (7 % des cas), parfois avec présence de l’antigène human leukocyte
macrophagique [62] doit être recherché (cf. modalités évolutives).
antigen (HLA) B27 ou en association avec une maladie intestinale inflammatoire de
¶ Manifestations articulaires type Crohn ou rectocolite hémorragique. Les oligoarthrites typiques de l’enfant jeune
À la phase initiale, l’atteinte articulaire consiste le plus souvent en de simples sont associées dans 50 à 60 % des cas à la présence d’anticorps antinucléaires de
arthralgies. Au cours des mois ou des quelques années suivantes, certains patients fluorescence le plus souvent mouchetée et sans spécificité reconnue. Une atteinte
développent une polyarthrite invalidante alors que d’autres ne développent qu’une ophtalmologique à type d’uvéite antérieure évoluant de façon insidieuse est
atteinte articulaire limitée. Certains patients présentent les signes systémiques présente chez environ la moitié de ces enfants et le pronostic ophtalmologique est
typiques d’une forme systémique d’AJI mais ne développent cependant jamais souvent plus réservé que le pronostic articulaire, comme détaillé plus loin. Sur le plan
d’arthrite. Plus rarement, la survenue d’arthrites ne peut être documentée qu’après articulaire, une diffusion de l’arthrite à plus de quatre articulations au-delà du 6e mois
de nombreuses années d’évolution. définit les « formes oligoarticulaires étendues ». Ces formes ont comme particularité
de mieux répondre aux traitements immunosuppresseurs, méthotrexate ou
Signes biologiques
etanercept, que les formes systémiques ou les polyarthrites prises dans leur
Nous ne connaissons aucun marqueur biologique spécifique de la maladie. Le ensemble. [23, 56, 57, 64]
syndrome inflammatoire biologique est souvent marqué, en particulier à la phase
initiale, avec une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles, parfois une ‚ Formes polyarticulaires
thrombocytose, une anémie le plus souvent normochrome normocytaire de Définies par la présence d’une polyarthrite avec au moins cinq articulations
mécanisme inflammatoire, avec cependant un rôle aggravant probable d’un défaut atteintes au cours des 6 premiers mois d’évolution en l’absence de signes
d’absorption du fer [11, 34], une élévation de la vitesse de sédimentation, une systémiques, les polyarthrites représentent en fait un ensemble hétérogène
hypergammaglobulinémie polyclonale sans autoanticorps associé. Certains auteurs comportant :
ont rapporté l’association fréquente d’une hyperferritinémie globale avec une – d’authentiques polyarthrites rhumatoïdes (moins de 2 % des AJI),
ferritinémie glycosylée relativement basse dans la forme systémique d’AJI mais la essentiellement chez l’adolescente avec une atteinte polyarticulaire symétrique
valeur diagnostique de cette association reste à démontrer. similaire à la polyarthrite rhumatoïde de l’adulte et positivité du facteur rhumatoïde ;
L’évolution à long terme et le pronostic des AJI sont abordés plus loin. Dans les – des formes apparentées, sur le plan clinique et biologique, aux oligoarthrites
formes systémiques, 30 à 50 % des patients présentent une rémission clinique et mais avec atteinte polyarticulaire d’emblée (fréquence de l’uvéite et des anticorps
biologique complète avant l’âge adulte, avec absence de tout signe inflammatoire antinucléaires) ;

3
8-0451 - Arthrites juvéniles idiopathiques

– des polyarthrites « sèches », avec une atteinte diffuse des petites articulations
mais peu d’épanchement articulaire et une réponse souvent très médiocre aux Tableau 4. – Critères radiologiques de Steinbrocker
traitements anti-inflammatoires et immunosuppresseurs ;
I : ostéoporose
– d’autres polyarthrites plus ou moins symétriques, plus ou moins invalidantes,
II : plus pincement articulaire
sans facteur rhumatoïde, pouvant poser des problèmes de diagnostic différentiel. III : plus érosions
‚ Arthrites juvéniles idiopathiques associées au psoriasis IV : plus fusion articulaire
La définition même de cette forme d’AJI, liée à la présence de lésions de psoriasis
chez le patient lui-même ou un apparenté au premier degré en l’absence de signes
systémiques ou de facteur rhumatoïde, pose problème. En effet, le psoriasis est une Figure 2 Atteinte radio-
affection relativement fréquente et de ce fait sa présence peut être une coïncidence logique du poignet.
chez un certain nombre de patients dont l’atteinte articulaire n’est en rien différente
de celle d’autres patients atteints d’oligoarthrite, de polyarthrite ou d’arthrite associée
aux enthésiopathies. En particulier, l’intérêt de distinguer les oligoarthrites associées
au psoriasis des autres oligoarthrites a été discuté par plusieurs auteurs tant
l’évolution et le pronostic semblent similaires. Cependant, l’arthrite associée au
psoriasis a ses caractéristiques propres chez certains patients, en particulier le fait
d’atteindre de façon asymétrique un « rayon » d’une main (les articulations
métacarpophalangienne, interphalangienne proximale et interphalangienne distale
d’un même doigt). Sur le plan thérapeutique, les lésions cutanées de psoriasis
répondent particulièrement bien aux anti-tumor necrosis factors (TNF)a. [25, 28, 37]
‚ Arthrites associées aux enthésiopathies
Dans ce groupe sont principalement observées des arthrites périphériques du
grand garçon ou de l’adolescent, souvent sans atteinte axiale mais avec souvent des
décrit que chez un petit nombre d’enfants ayant développé une arthrite
douleurs aux points d’insertion des tendons (tendons d’Achille, régions
inflammatoire.
paravertébrales…) provoquées ou reproduites à la pression et témoignant d’une
De nombreuses études ont recherché et mis en évidence des associations entre
enthésiopathie. Comme chez l’adulte, le HLA B27, non obligatoire pour le diagnostic,
certaines formes d’AJI et certains allèles du complexe majeur d’histocompatibilité ou
est souvent présent. Il est également nécessaire de rechercher une éventuelle
avec certains polymorphismes de gènes codant pour des cytokines pro- ou anti-
maladie inflammatoire de l’intestin ou un psoriasis (dont la présence amène à
inflammatoires, comme les gènes de l’interleukine (IL)1a, de l’IL1-Ra, de l’IL6, de
classer le patient dans le groupe précédent). Les poussées inflammatoires de la
l’IL10 ou du macrophage inhibitory factor. [18] Ces tests ne sont cependant à
maladie sont souvent très douloureuses et les douleurs répondent souvent bien aux
envisager que dans le cadre d’un protocole de recherche car leur utilisation chez un
anti-inflammatoires non stéroïdiens. Le méthotrexate et la sulfasalazine ont une
patient donné à visée diagnostique, pronostique ou thérapeutique ne présente pas
efficacité probablement moindre que les anti-TNFa dont l’indication est cependant
un intérêt démontré.
limitée actuellement aux formes avec atteinte polyarticulaire réfractaire à un autre
immunosuppresseur. Une raideur du rachis doit être systématiquement recherchée ‚ Rôle des facteurs environnementaux
de même qu’une atteinte des articulations sacro-iliaques. Les examens radiologiques
L’hypothèse d’un rôle de tel ou tel virus dans la survenue d’AJI a été avancée
ne sont justifiés qu’en cas de signes cliniques. Dans ce contexte, l’atteinte peut être
dans certaines publications mais n’a pas été confirmée par d’autres travaux. [51] De
absente ou discrète sur les clichés radiographiques standards mais être visualisée
plus, comme nous l’avons indiqué dans le chapitre épidémiologie, l’incidence de l’AJI
sans équivoque sur des examens plus sensibles tels que le scanner ou l’imagerie par
ne semble pas étroitement liée aux variations saisonnières. [16]
résonance magnétique (IRM). Une iridocyclite aiguë est observée chez certains
patients, se manifestant par une rougeur, une douleur avec photophobie. Elle est


différente des uvéites des oligoarthrites de la petite fille et ne nécessite pas un
examen ophtalmologique systématique. Le contrôle de cette uvéite par traitements Traitement
locaux est généralement rapidement efficace et le risque de séquelles est faible.


‚ Conditions d’une prise en charge thérapeutique optimale
Aspect radiologiques La prise en charge d’un enfant atteint d’AJI doit être pluridisciplinaire, par une
équipe pédiatrique formée à ces pathologies, en particulier dans les formes sévères.
Le pédiatre rhumatologue doit travailler en collaboration étroite avec le médecin de
L’atteinte radiologique sur les clichés radiographiques standards évolue
famille, des intervenants paramédicaux expérimentés (kinésithérapeutes,
typiquement par les différents stades définis par Steinbrocker (Tableau 4). La mise en
infirmiers…), bien souvent un chirurgien orthopédiste pédiatre. De nombreux
évidence d’une atteinte articulaire érosive précoce est en général de mauvais
enfants pourraient bénéficier d’un recours plus systématique à une équipe médicale
pronostic (Fig. 2) ; dans les formes oligoarticulaires d’AJI, elle est associée à un risque
et paramédicale formée à une prise en charge spécialisée de la douleur chronique, à
accru d’évolution vers une forme oligoarticulaire étendue. [22]
un psychologue, à un diététicien, voire, lorsqu’une corticothérapie prolongée est
L’échographie, le scanner et surtout l’IRM (sensibilisée par injection de nécessaire et menace la croissance staturale, à un endocrinologue pédiatre. Le
gadolinium) permettent de mettre en évidence précocement l’atteinte articulaire retentissement de la maladie et les conditions familiales et sociales doivent être
inflammatoire. [4] Cela peut être d’un secours précieux pour le diagnostic différentiel évalués afin de mettre en œuvre, quand cela est nécessaire, une scolarité aménagée
avec des atteintes articulaires non inflammatoires. Ces examens peuvent également ou un séjour en centre spécialisé permettant à l’enfant de bénéficier d’une prise en
guider certains traitements dont l’injection de corticostéroïdes dans une articulation charge médicale et fonctionnelle de qualité. L’enfant lui-même et ses parents doivent
comme la hanche. Ainsi, en cas de coxalgie, des examens tels que le scanner et l’IRM être associés activement au projet thérapeutique. Certaines associations de patients
sont souvent très utiles pour distinguer une coxarthrite d’une ostéonécrose et familles de malades peuvent également apporter une aide précieuse.
aseptique de hanche ou de séquelles sans inflammation active à l’origine de
douleurs mécaniques. Ces examens, dont certains sont coûteux, ne seront réalisés ‚ Traitement médicamenteux
qu’en cas de nécessité diagnostique ou thérapeutique.
Formes systémiques


Elles requièrent une approche thérapeutique particulière. Les anti-inflammatoires
Génétique et physiopathologie non stéroïdiens (AINS) et, chez le petit enfant, l’acide acétylsalicylique ou aspirine
sont le traitement de première intention. L’aspirine doit être donnée à des doses de
l’ordre de 80 à 100 mg/kg/j réparties en six prises toutes les 4 heures, sans dépasser
‚ Génétique 3 g/j et en étant attentif aux manifestations d’intolérance (acouphènes, troubles du
Certaines anomalies chromosomiques semblent être associées à un risque accru comportement en lien avec une acidose métabolique, hémorragie digestive,
d’arthrite juvénile. Ce serait le cas du syndrome de Turner et de délétions affectant le cytolyse, voire insuffisance hépatique) qui sont, pour certaines, dose-dépendantes.
bras long du chromosome 22, en 22q11. [13] Ce type d’anomalie n’a cependant été La salicylémie, mesurée 2 heures après une prise d’aspirine dès la deuxième

4
Arthrites juvéniles idiopathiques - 8-0451

semaine de traitement, ne doit pas dépasser 200 mg/l. Si le contrôle de la maladie atteintes neurologiques démyélinisantes, réversibles le plus souvent à l’arrêt du
est obtenu, au moins partiellement, avec des salicylémies plus basses, traitement, et quelques manifestations auto-immunes. [5, 6, 32, 35, 41, 56] Des anticorps
l’augmentation des doses n’est pas absolument nécessaire. Plusieurs AINS tels que le monoclonaux anti-TNFa tels que l’infliximab (Remicadet) ou l’adalimumab semblent
naproxène et l’ibuprofène utilisés à des doses de l’ordre de 30 mg/kg/j en deux ou avoir une efficacité similaire à celle de l’etanercept avec des modalités
trois prises quotidiennes représentent une alternative privilégiée par certains. d’administration différentes (perfusions intraveineuses espacées de plusieurs
L’efficacité est jugée sur l’effet antalgique, souvent obtenu en quelques jours, et semaines). D’autres anticytokines, dont l’efficacité est testée ou a été démontrée
antipyrétique (au moins partiel) qui se manifeste généralement en moins de récemment dans la polyarthrite rhumatoïde de l’adulte ou dans des modèles
2 semaines. Le syndrome inflammatoire clinique (signes systémiques) et biologique animaux, devraient être prochainement disponibles pour les formes sévères d’AJI. [9,
10, 14]
peut en revanche mettre plusieurs mois à se normaliser et le traitement ne doit pas Le recours à une intensification thérapeutique avec autogreffe de cellules
être modifié pour autant. souches hématopoïétiques ne doit être envisagé, du fait de ses risques, que chez les
L’utilisation de bolus intraveineux de méthylprednisolone est recommandée par patients en échec de tous les autres traitements.
certains rhumatologues pédiatres dès la phase initiale de la maladie en cas d’atteinte ‚ Traitements associés
polyarticulaire et/ou de signes systémiques marqués, après avoir exclu les
Les infiltrations articulaires de corticostéroïde, pratiquées dans des conditions de
diagnostics différentiels que sont les maladies infectieuses et les néoplasies. Cette
stricte asepsie au niveau d’articulations avec épanchement synovial franc et
approche thérapeutique n’est concevable qu’après évaluation dans un service
limitation du jeu articulaire, permettent souvent de traiter efficacement
expérimenté pour ce type de pathologie.
l’inflammation articulaire, avec cependant possibilité de rechute après quelques
La corticothérapie générale est utilisée d’emblée en cas de localisation viscérale
mois. Le produit de choix est l’hexacétonide de triamcinolone.
ou séreuse sévère, en particulier péricardique, ou secondairement en cas
La rééducation kinésithérapique et posturale est indiquée dès lors qu’une atteinte
d’inefficacité ou de trop faible efficacité, après 4 semaines, de l’aspirine ou des AINS.
articulaire menace le pronostic fonctionnel en favorisant une raideur ou une attitude
La prednisone est généralement débutée à la dose de 2 mg/kg/j, parfois à une dose
vicieuse. Les séances de kinésithérapie, quotidiennes ou plurihebdomadaires,
plus faible en maintenant l’aspirine ou un AINS lorsque ce premier traitement a eu
doivent être réalisées par un kinésithérapeute expérimenté. L’utilisation de moyens
un effet même modeste. L’utilisation de perfusions intraveineuses de
physiques de réchauffement, de bains chauds en particulier, préalablement à la
méthylprednisolone, discutée plus loin, est recommandée par certains. Une fois
séance de kinésithérapie, est à recommander. L’utilisation d’orthèses est souvent
l’efficacité clinique obtenue, la dégression doit être très progressive, sur plusieurs
nécessaire, en particulier la nuit et lors des poussées inflammatoires de la maladie,
mois.
pour lutter contre les attitudes vicieuses. Dans certains cas, un séjour temporaire en
Le méthotrexate est indiqué dans les formes systémiques avec atteinte
centre spécialisé peut être nécessaire. La pratique par le patient d’activités physiques
polyarticulaire, à une dose de 0,6 à 1 mg/kg/semaine (sans dépasser
telles que le vélo et la natation (en piscine suffisamment chaude) doit être
30 mg/semaine), en une administration orale ou une injection sous-cutanée
encouragée en dehors des poussées de la maladie.
hebdomadaire. Les autres traitements de seconde ligne classiques sont au mieux
Le recours à des interventions chirurgicales conservatrices (ténocapsulotomies,
aussi efficaces et souvent plus toxiques que le méthotrexate. Sulfasalazine et sels
ostéotomies), ou reconstructrices (en dehors des poussées) doit être discuté au cas
d’or sont à proscrire dans cette indication du fait d’un risque élevé de survenue d’un
par cas.
syndrome d’activation macrophagique.
L’administration d’hormone de croissance recombinante humaine a permis un
Les anti-TNFa sont actuellement réservés aux patients avec atteinte
certain degré de rattrapage statural chez des enfants corticodépendants. [60, 61] La
polyarticulaire et échec du méthotrexate ou intolérance. Dans notre expérience, ils
survenue d’une cassure de la courbe staturale chez un enfant non encore pubère qui
sont moins efficaces dans la forme systémique que dans les autres formes d’AJI. [56]
reste dépendant d’une corticothérapie générale plus de 1 an doit faire discuter ce
Une approche thérapeutique encore plus récente et prometteuse vise à neutraliser
type de traitement dont l’utilisation dans cette indication n’est cependant pas encore
l’action de l’IL6, qui pourrait jouer un rôle majeur dans la survenue des
validée. Par ailleurs, les biphosphonates pourraient représenter un appoint
manifestations inflammatoires cliniques et biologiques de la maladie. [14, 17, 27, 53]
thérapeutique important pour prévenir les complications liées à l’ostéoporose
Certains patients ont été traités avec succès par thalidomide. [29] Enfin, quelques
induite par la persistance, pendant plusieurs années chez certains patients, d’une
patients atteints de formes particulièrement sévères ont reçu une autogreffe de
maladie inflammatoire et d’une corticothérapie générale. [12, 36]
cellules souches hématopoïétiques après immunosuppression intensive par fortes
Enfin, comme évoqué précédemment, une attention particulière doit être
doses de cyclophosphamide associées au sérum antilymphocytaire et parfois à une
apportée aux traitements antalgiques (les médicaments à activité anti-inflammatoire
irradiation corporelle totale à faible dose. Ce traitement a démontré son efficacité
étant à cet égard souvent plus efficaces que les antalgiques classiques), aux mesures
chez un certain nombre d’enfants. [65, 66] Cette procédure thérapeutique est
d’accompagnement psychologique et à toutes les dispositions qui favorisent le
cependant associée à un risque relativement élevé de décès, en particulier
maintien d’une vie sociale, familiale et scolaire satisfaisante (Tableau 5).
d’infection, et son application reste expérimentale.


Arthrites juvéniles idiopathiques sans signe systémique
L’aspirine n’est qu’exceptionnellement utilisée mais les AINS représentent le Pronostic et devenir à long terme
traitement médicamenteux de première intention.
La corticothérapie générale peut être justifiée à un stade précoce par l’intensité ‚ Pronostic vital
des douleurs ou la sévérité de l’atteinte articulaire, tout particulièrement dans les
Dans l’enfance, les complications liées aux traitements représentent la principale
formes polyarticulaires d’AJI avec facteur rhumatoïde de l’adolescente. Certaines
cause de mise en jeu du pronostic vital. Il peut s’agir de complications infectieuses
équipes utilisent également des perfusions intraveineuses de méthylprednisolone
favorisées par la corticothérapie générale et les divers traitements
dans les formes les plus sévères.
immunosuppresseurs. Elles restent relativement rares et sont principalement
Dans les formes polyarticulaires d’AJI, les formes oligoarticulaires étendues ou en
observées en cas de traitement immunosuppresseur particulièrement intensif dans
cas d’uvéite incontrôlée par les traitements locaux, le méthotrexate est le traitement
les formes les plus sévères de la maladie. [66] Par ailleurs, les patients atteints de
de seconde ligne de référence. Il doit être administré à une dose hebdomadaire de
formes systémiques d’AJI sont particulièrement susceptibles au risque de syndrome
0,6 à 1 mg/kg (sans dépasser 30 ou 40 mg). Les formes oligoarticulaires étendues
d’activation macrophagique [59, 62], celui-ci pouvant être déclenché par une infection
d’AJI ont le meilleur taux de réponse au méthotrexate alors que les formes
ou par l’exposition à des drogues telles que la sulfasalazine ou les sels d’or, plus
systémiques semblent les plus résistantes. [23, 57, 64] Parmi les molécules concurrentes
rarement le méthotrexate ou les AINS. Enfin, d’exceptionnelles atteintes viscérales
du méthotrexate, la sulfasalazine pourrait être plus efficace dans les AJI associées
sévères ont été rapportées dans certaines formes systémiques d’AJI. [15, 31, 38]
aux enthésiopathies avec atteinte articulaire axiale, à l’image de ce qui est observé
L’amylose viscérale secondaire est une complication très rare et redoutable des
dans la spondylarthrite ankylosante de l’adulte. [7]
formes avec activité inflammatoire prolongée, en particulier des formes
Les anti-TNFa sont indiqués quand le méthotrexate n’est pas toléré ou ne permet
systémiques. Elle peut survenir à n’importe quel moment de l’évolution. Son
pas un contrôle satisfaisant d’une atteinte polyarticulaire. La molécule la plus utilisée
dépistage par la recherche d’une protéinurie régulière est nécessaire. En l’absence de
jusqu’à présent dans l’AJI est l’etanercept (Enbrelt), un récepteur soluble du TNFa
traitement, le pronostic vital est engagé. [3, 54] Par ailleurs, la fréquence de différentes
constitué de deux chaînes p75 murines et de deux fragments Fc d’immunoglobuline
maladies auto-immunes semble accrue chez les patients atteints d’AJI. [19]
(Ig) G1 humaine. À la dose de 0,4 mg/kg (maximum 25 mg) en deux injections sous-
cutanées hebdomadaires, ce traitement est efficace chez la plupart des patients. [32, ‚ Rémission ou persistance d’une maladie active
56]
Cette efficacité n’est cependant que suspensive et le recul chez l’enfant n’est Toutes les études s’accordent sur le fait qu’une proportion importante de patients,
encore que d’environ 6 ans. Par ailleurs, divers effets secondaires ont été observés, de l’ordre de 50 %, ont une maladie toujours active à l’âge adulte. [39, 43, 47] Ce risque
dont des infections, des cytopénies transitoires, des troubles psychiatriques, des dépend du type d’AJI. Ainsi, dans une étude portant sur 392 patients suivis au moins

5
8-0451 - Arthrites juvéniles idiopathiques

oligoarticulaires mais ces dernières concentrent la plupart des atteintes


Tableau 5. – Traitements actuels et d’avenir des arthrites juvéniles ophtalmologiques. Parmi les formes systémiques, un début avant l’âge de 8 ans,
idiopathiques l’existence d’une atteinte polyarticulaire au cours des 6 premiers mois d’évolution,
une arthrite de hanche et une thrombocytose importante sont des facteurs de
Anti-inflammatoire non stéroïdien (ou acide acétylsalicylique, formes
mauvais pronostic fonctionnel à long terme. [40, 42] Parmi les formes oligoarticulaires
systémiques)
Doses élevées : 20 à 30 mg/kg/j en deux ou trois prises pour l’ibuprofène ou le d’AJI, le risque de développer secondairement une atteinte polyarticulaire, une
naproxène « forme oligoarticulaire étendue », est accru en cas d’atteinte initiale d’une articulation
Infiltrations articulaires du membre supérieur, notamment du poignet, en cas d’atteinte d’une cheville, en
Corticostéroïdes (hexacétonide de triamcinolone), rarement acide osmique cas d’atteinte initiale de plus d’une articulation, tout particulièrement si l’atteinte est
(deuxième intention) bilatérale et symétrique, et en cas de vitesse de sédimentation élevée. [2, 22] Parmi les
Antalgique de type paracétamol ou codéine patients qui développent une uvéite, le risque d’uvéite sévère, très active sur des
Traitement d’appoint d’effıcacité limitée années et nécessitant des traitements immunosuppresseurs, semble accru lorsque
Prise en charge fonctionnelle l’uvéite apparaît précocement ou lorsque certains marqueurs biologiques de
Kinésithérapie ± balnéothérapie, ergothérapie, orthèses de fonction ou de re- l’inflammation sont élevés. [67] Parmi les formes polyarticulaires d’AJI, celles avec
pos…
facteur rhumatoïde ont un pronostic plus réservé, à mettre en rapport avec celui de
Corticothérapie générale orale quotidienne (prednisone, prednisolone)
la polyarthrite rhumatoïde de l’adulte. La présence d’HLA DR4, associée à un moins
Polyarthrites sévères, atteinte viscérale ou des séreuses
Introduire méthotrexate ou autre immunosuppresseur ± bolus de méthylpredni- bon pronostic dans la polyarthrite rhumatoïde de l’adulte, est également
solone afin de réduire la dose quotidienne et la durée de la corticothérapie fréquemment rencontrée et probablement un facteur péjoratif dans la polyarthrite
Mesures diététiques associées, prévention de l’ostéoporose ± hormone de crois- rhumatoïde à début juvénile. [1] Les formes « sèches » de polyarthrite, caractérisées
sance… par une atteinte diffuse aux petites articulations des doigts avec peu d’épanchement
Bolus intraveineux de méthylprednisolone synovial, semblent plus résistantes aux traitements anti-inflammatoires et
Atteinte polyarticulaire, formes systémiques avec ou sans atteinte viscérale immunosuppresseurs. Les AJI associées aux enthésiopathies ont un moins bon
Immunosuppresseurs pronostic articulaire en cas d’atteinte articulaire de hanche ou chez les patients HLA
Polyarthrite sévère ou persistante, uvéite réfractaire aux traitements locaux B27. [8, 58] Les AJI associées au psoriasis représentent possiblement un groupe
Méthotrexate, autres immunosuppresseurs, si échec discuter anti-TNF␣ relativement hétérogène dont les facteurs initiaux de mauvais pronostic ne sont pas
Avenir : autres anticytokines, thalidomide (formes systémiques), anti-CD20
clairement individualisés.
(déplétion lymphocytaire B), antimolécules d’adhésion, antichémokines… ?
Détection et traitement d’une éventuelle uvéite associée Dans les formes oligoarticulaires, certains groupes HLA pourraient être délétères
Traitements locaux (dont collyres corticostéroïdes) et parfois généraux (immu- et d’autres protecteurs, tant vis-à-vis du risque d’atteinte articulaire étendue que du
nosuppresseurs) risque d’uvéite. [67] Certains polymorphismes au niveau de régions chromosomiques
Prise en charge d’un handicap fonctionnel éventuel impliquées dans la production de cytokines inflammatoires ou anti-inflammatoires
Chirurgie correctrice, orientation scolaire et professionnelle, psychothérapie ont également été signalés comme des facteurs pronostiques. [54]
de soutien… En ce qui concerne les complications à long terme des traitements, la
corticothérapie générale prolongée est au premier plan de nos préoccupations car
TNF : tumor necrosis factor. pourvoyeuse de nanisme, d’ostéoporose, d’ostéonécrose aseptique de hanche, de
cataracte et autres complications chroniques. Cela justifie les approches
5 ans et jusqu’à un âge supérieur à 8 ans, la chance d’être en rémission complète à thérapeutiques alternatives, y compris des traitements immunosuppresseurs
10 ans était estimée à 47 % dans le groupe des formes oligoarticulaires mais innovants, ainsi que les études portant sur des traitements tels que l’hormone de
seulement 37 % parmi les formes systémiques, 23 % parmi les formes croissance et les biphosphonates.
polyarticulaires sans facteur rhumatoïde et 6 % dans les formes polyarticulaires avec Le retentissement des AJI sur la scolarité et l’intégration professionnelle est
facteur rhumatoïde. [43] Dans une étude portant sur 80 patients ayant développé une diversement apprécié. Certaines études font état d’un risque accru de ne pas accéder
forme systémique d’AJI dans l’enfance et suivis en moyenne pendant 10,7 années, à l’enseignement supérieur) [43] alors que dans d’autres études, le cursus scolaire et
neuf seulement avaient présenté une évolution monocyclique, avec au décours une universitaire apparaît normal, voire particulièrement bon chez les patients atteints
rémission durable et des lésions ostéoarticulaires radiologiques absentes ou d’AJI. [39, 46, 50] Le risque d’être sans activité professionnelle était faible dans une
minimes (classe I de Steinbrocker) ; les 71 autres patients avaient une évolution par étude est-allemande portant sur la période communiste [39] mais accru dans d’autres
poussées successives de la maladie ou une maladie active en permanence, et études [46, 50], une étude britannique suggérant que cela ne serait pas toujours en lien
23 d’entre eux avaient développé des lésions radiologiques importantes (classe III de avec le handicap mais que les adultes atteints d’AJI pourraient faire l’objet d’une
Steinbrocker). [30] certaine discrimination à l’embauche. [46]
Vie familiale et fécondité pourraient être dans une certaine mesure affectées chez
‚ Pronostic fonctionnel, qualité de vie et paramètres sociaux les adultes atteints d’AJI, encore que ces personnes ne se distinguent en rien des
L’appréciation des conséquences à long terme des AJI varie d’une étude à l’autre. autres pour la plupart des indicateurs étudiés. [45, 48]
Ainsi, deux études publiées en 2002 estiment l’une à 6 % et l’autre à 42,9 % le


pourcentage de patients ayant un retentissement fonctionnel important de
l’affection à long terme avec une évaluation par le Childhood Health Assessment
Questionnaire (CHAQ). [43, 47] L’étude donnant le pourcentage le plus pessimiste avait
Conclusion
sélectionné des patients toujours suivis médicalement à l’âge adulte, laissant donc
de côté des formes d’AJI d’évolution bénigne. Cette étude disposait d’un très long Affections éminemment chroniques mais de gravité variable, les AJI posent
recul, de plus de 28 ans en moyenne. Inversement, l’étude la plus optimiste avait encore de nombreux problèmes au clinicien sur le plan diagnostique. Les problèmes
considéré des patients encore relativement jeunes, souvent des enfants, et avec un de classification de ces affections n’ont par ailleurs pas encore été parfaitement
moins long recul, sous-estimant donc probablement les conséquences à très long résolus. Outre la faible spécificité et la relative hétérogénéité des signes cliniques et
terme de la maladie. biologiques de ces affections, notre compréhension des aspects génétiques et
Le pronostic fonctionnel dépend en fait de la persistance ou non d’une maladie physiopathologiques reste fragmentaire. Une analyse plus systématique de ces
active, avec son cortège d’inflammations articulaires et de douleurs, mais également patients et le recours à des modèles animaux d’arthrite devraient nous permettre de
des séquelles liées à une atteinte articulaire sévère antérieure ou aux complications progresser sur ce plan. En ce qui concerne les traitements, de réels progrès ont été
des traitements. enregistrés ces dernières années, en particulier pour les formes les plus sévères d’AJI.
Certains facteurs initiaux de mauvais pronostic ont été reconnus. Le type d’AJI Ces progrès concernent tant les traitements de fond, dont les anticytokines, que des
détermine en partie le pronostic : les formes systémiques et les formes traitements permettant de pallier en partie aux conséquences négatives de la
polyarticulaires d’emblée ont un moins bon pronostic articulaire que les formes maladie et de la corticothérapie prolongée que requièrent encore certains enfants.

6
Arthrites juvéniles idiopathiques - 8-0451

P. Quartier (Pédiatre, ancien chef de clinique-assistant)


A.-M. Prieur (Pédiatre, médecin des Hôpitaux)
Adresse e-mail: anne-marie.prieur@nck.ap-hop-paris.fr
Unité d’immunologie-hématologie et rhumatologie pédiatriques, Hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P. Quartier, A.-M. Prieur. Arthrites juvéniles idiopathiques.
Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Traité de Médecine Akos, 8-0451, 2004, 8 p

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8
8-0440

8-0440
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Luxation congénitale de hanche

R Seringe

L ’objectif de cette mise au point est de présenter l’état actuel de nos connaissances sur la luxation congénitale
de hanche.
Sont d’abord envisagées l’embryologie de la hanche et l’anatomie normale, puis l’anatomie pathologique.
Les différents facteurs étiologiques sont étudiés et nous proposons une pathogénie originale qui insiste sur les
facteurs mécaniques intra-utérins prépondérants.
L’examen clinique est détaillé car il ne se résume pas au signe du « ressaut » et doit s’enrichir d’une sémiologie plus
subtile.
Sont ensuite envisagés les moyens d’imagerie qui peuvent aider au diagnostic de luxation congénitale de hanche, la
radiographie standard, mais surtout l’échographie de hanche, ce qui débouche sur des consignes pour le dépistage.
Le traitement de la luxation congénitale de hanche fait appel à un principe simple qui est celui de la posture de
recentrage en abduction et rotation interne. Cela permet d’expliquer les différentes méthodes de traitement
orthopédique (langeage en abduction, harnais de Pavlik, attelles d’abduction, traction en hospitalisation), et de
traitement chirurgical (ostéotomie fémorale et/ou pelvienne, capsulorraphie, réduction opératoire, ténotomie). Les
indications thérapeutiques sont données en fonction de l’âge de l’enfant et de l’importance des défauts.
© 1999 , Elsevier, Paris.

■ ■
l’apparition des noyaux osseux primitifs, en
Introduction Développement et anatomie particulier les trois noyaux constitutifs de l’os coxal :
de la hanche
l’ilion, l’ischion et le pubis. C’est à l’union de ces trois
pièces que se situe l’acétabulum, et plus
Sous le terme de luxation congénitale de hanche ‚ Période embryonnaire [12] particulièrement le futur cartilage en Y [33].
(LCH), on regroupe habituellement des anomalies de Dans l’embryon de 4 semaines (qui mesure À partir du cinquième mois, la hanche du fœtus
gravité variable, étiquetées luxation, subluxation et 5 mm), apparaissent les bourgeons des membres poursuit sa croissance globale avec un col fémoral
dysplasie. En cas de luxation, la tête fémorale est inférieurs. On discerne l’ébauche fémorale et qui reste court et trapu, alors que le grand trochanter
complètement sortie de la cavité acétabulaire, alors l’ébauche pelvienne, encore mésenchymateuses. est particulièrement développé.
qu’en cas de subluxation, la tête fémorale est C’est vers la septième semaine (embryon de 22 mm)
seulement latéralisée et un peu ascensionnée. Quant qu’apparaît la fente articulaire correspondant à la ‚ À la naissance
à la dysplasie [3], elle est plus difficile à définir : il s’agit séparation des ébauches de la tête fémorale et de La cavité acétabulaire est relativement peu
d’un défaut architectural du développement de la l’acétabulum. La cavité articulaire est achevée à la profonde (une demi-sphère), mais la hanche
hanche, d’expression surtout radiologique ou neuvième semaine (fœtus de 40 mm). Tant que la demeure parfaitement stable [44] et non dislocable,
échographique. En pratique, on préfère réserver ce cavité articulaire n’existe pas, il ne peut y avoir de même par des manœuvres de force qui
terme à la déformation de la cavité acétabulaire luxation. engendreraient un décollement épiphysaire
appelée dysplasie acétabulaire. proximal du fémur et non une luxation. Le pourtour
Les travaux sur les divers aspects de cette ‚ Période fœtale
de l’acétabulum est représenté par le bord saillant du
pathologie [14, 16, 17, 39-44] permettent une meilleure C’est une phase de maturation et de croissance limbus qui enserre solidement la tête fémorale. La
approche de la LCH et l’espoir d’une plus grande cartilagineuse : capsule articulaire forme un manchon très résistant.
efficacité du dépistage et d’un traitement mieux – croissance interstitielle, pluridirectionnelle, par En outre, il existe de multiples variations
adapté. En tant que problème de santé publique, elle division cellulaire et accumulation de substance morphologiques de la hanche à la naissance,
a fait l’objet d’une brochure réalisée en 1985 sous fondamentale [10] ; d’interprétation difficile [49].
l’égide du secrétariat d’État chargé de la santé et – croissance sériée, aux extrémités de chaque Au moment de la naissance il existe des
mise à la disposition de tous les acteurs de santé pièce diaphysaire ossifiée, avec mise en place du modifications hormonales, avec imprégnation de
concernés par ce problème [22]. cartilage de croissance.
© Elsevier, Paris

relaxine, génératrice de laxité ligamentaire dont le


À partir de 1985, le développement rapide de C’est durant le troisième mois que se mettent en rôle dans le déterminisme d’une instabilité de
l’échographie de hanche a conduit à préciser la place place les artères centrales des ébauches hanche n’a pas été confirmé [41] ; la déflexion de la
de cet examen dans le dépistage, à l’occasion d’une cartilagineuses, avec induction d’un mécanisme de hanche autrefois incriminée comme mécanisme
conférence de consensus organisée en 1991 [31]. calcification puis d’ossification pour aboutir à luxant [23] semble sans danger ; en réalité, la liberté

1
8-0440 - Luxation congénitale de hanche

de mouvement de l’enfant après la naissance luxation), de siège postérosupérieur. Ce déplacement


contraste avantageusement avec la gêne à la s’accompagne d’une déformation du rebord
motricité occasionnée par les contraintes acétabulaire (gouttière de luxation) qui constitue la
intra-utérines. dysplasie. Cette dysplasie est secondaire au
déplacement de la tête fémorale et apparaît au fil du
‚ Dans l’enfance temps d’autant plus nette que la luxation a été
Après la naissance et dans les premières années, précoce et appuyée.
on observe un allongement du col fémoral et une
‚ Chez le nouveau-né et le nourrisson
diminution de l’antétorsion fémorale qui passe
L’isthme capsulaire qui sépare l’acétabulum de la
progressivement de 30° à 10°. L’apparition du noyau
chambre de luxation est relativement ouvert avant 1 Les trois formes ana-
d’ossification fémoral proximal se fait à un âge tomiques de luxation
la naissance et permet la réduction de la luxation
compris entre la naissance et 1 an, avec une plus congénitale de hanche.
ainsi d’ailleurs que le diagnostic, avec cette notion
grande fréquence entre 3 et 6 mois. On observe A. Subluxation avec
essentielle d’instabilité. Une fois la tête fémorale
également sur les radiographies des modifications limbus éversé.
réduite dans la cavité acétabulaire par une méthode
de l’image acétabulaire et plus particulièrement du B. Luxation intermé-
thérapeutique, la poche capsulaire a tendance à se
bord inférieur de l’ilion, ce qui correspond à la diaire avec limbus
rétracter, aboutissant à la stabilisation de la écrasé.
croissance et à la maturation de cette partie de
[3, 43] hanche [44]. C. Luxation complète
l’acétabulum .
La dysplasie acétabulaire intéresse habituel- avec limbus inversé.
‚ À l’adolescence lement les structures cartilagineuses ou


fibrocartilagineuses, ce qui la rend inapparente sur
C’est au début de la puberté que s’achève la
une radiographie faite à la naissance, mais visible sur Pathogénie
croissance de la hanche avec l’apparition et la
une échographie.
soudure des points d’ossifications complémentaires
L’étude dynamique de l’instabilité, sur pièce
dans le cartilage en Y, ainsi que dans le bord externe On a longtemps admis une pathogénie faisant de
anatomique, a permis de comprendre les notions de
du toit de l’acétabulum. la LCH une dysplasie luxante, progressive à partir
posture luxante et de posture thérapeutique de
La vascularisation de l’extrémité supérieure du d’un défaut mineur de l’acétabulum, qui entraînerait,
recentrage. La luxation se produit en rotation
fémur est importante car elle détient la vitalité de la soit à la naissance, soit plus tard dans les premiers
externe et en adduction, alors que la réduction est
tête fémorale et des zones de croissance (pédicule mois de la vie, un déplacement progressif de la tête
obtenue en abduction et rotation interne, et ceci
circonflexe antérieur pour le massif trochantérien et fémorale [9, 23, 24, 47]. L’amélioration du dépistage a
quelle que soit la position du fémur, en flexion ou en
artère circonflexe postérieure pour l’épiphyse permis, depuis une vingtaine d’années, de raréfier
extension [44].
fémorale, la plaque conjugale, et une grande partie les cas décelés tardivement. Ces derniers soulèvent
de la métaphyse [28]). Il faut souligner la fragilité des ‚ Chez l’enfant plus grand encore un problème de pathogénie, de sorte que les
vaisseaux qui peuvent être soumis à des contraintes La luxation a vieilli et le déplacement de la tête auteurs anglo-saxons ont renoncé au terme de LCH
d’étirement ou de compression au cours des fémorale est souvent plus important. L’isthme pour utiliser le terme de developmental dysplasia of
traitements en abduction pour luxation de hanche, capsulaire peut être rétréci, les muscles the hip (Klisic [20]). Néanmoins, les travaux récents
[10, 41]
et qui sont à l’origine d’ostéochondrite périarticulaires de la hanche peuvent être rétractés, font de la luxation surtout une affection
postréductionnelle ou nécrose avasculaire de et la réduction de la tête fémorale rendue ainsi très posturale qui se constituerait in utero sous l’effet de
l’épiphyse [28]. C’est dire la nécessité d’une douceur et difficile. facteurs mécaniques prépondérants : la hanche se
d’une progressivité dans la mise en route d’un luxerait dans les dernières semaines de vie
traitement postural. ‚ Classification anatomique intra-utérine, voire durant les derniers jours de la
La plus intéressante est celle de Dunn [11], en trois grossesse. Assez souvent, il s’agit d’une position du
grades selon l’importance des lésions (fig 1) : fœtus en siège (décomplété) avec fémur en


Anatomie pathologique

La luxation consiste en un déplacement de la tête


– grade I : subluxation avec limbus éversé ;
– grade II : luxation intermédiaire avec limbus en
partie inversé, en partie éversé ;
– grade III : luxation complète avec limbus
hyperflexion, abduction faible ou nulle, voire en
adduction et rotation externe. Cette posture luxante
expose la tête fémorale à la sortie postérieure hors
de la cavité acétabulaire (fig 2). La luxation est donc
fémorale dans une poche capsulaire (la chambre de inversé. favorisée par une laxité ligamentaire préexistante,

LCH
hanche luxée ou luxable
RE

Amélioration Persistance du
spontanée défaut de centrage
du centrage

totalement partiellement

Hanche Dysplasie Subluxation Subluxation Luxation


normale cotyloïdienne mineure importante invétérée
A B
2 A. Mécanisme de la luxation congénitale de hanche (LCH) in utero. La rotation externe (flèche courbe) ou l’antétorsion fémorale, ou les deux, associées à un appui direct sur
le grand trochanter (double flèche) entraînent la luxation postérosupérieure de la tête fémorale (flèches droites) si le fémur est en abduction faible, nulle, voire en adduction.
B. Histoire naturelle de la luxation congénitale de hanche.

2
Luxation congénitale de hanche - 8-0440

probablement génétique. À la naissance, grâce à la


libération des contraintes, l’évolution se fait le plus
souvent vers la guérison spontanée (plus de la
moitié des cas). Si l’évolution n’est pas favorable, on
assiste à la constitution définitive de la luxation ou
de la subluxation. Chez le nouveau-né, ou dans les
premières semaines de vie, le traitement n’est là que
pour guider dans le bon sens une évolution vers la
guérison.
La genèse de la luxation in utero tient aux
facteurs mécaniques (posture luxante et 3 Tonus des adducteurs et amplitude passive d’ab-
compression extrinsèque du fémur par appui sur le duction chez un nouveau-né normal. Angle rapide (en
pointillé) et angle lent (en hachuré). A
grand trochanter). Quant aux facteurs génétiques [50],
très souvent invoqués, ils peuvent favoriser cette L’instabilité [2, 15, 23, 29] est le maître symptôme de
luxation par le biais d’une distension capsulaire, mais la luxation et une hanche est dite instable lorsque la
ils ne sont ni nécessaires, ni suffisants. C’est la raison tête fémorale est sortie ou peut sortir en partie ou en
pour laquelle on retrouve souvent des données totalité de la cavité acétabulaire. Deux méthodes
étiologiques classiques chez les enfants atteints de permettent de rechercher cette instabilité : la
luxation : primiparité, grossesse gémellaire, gros manœuvre d’Ortolani [29] et celle de Barlow [2].
poids de naissance, oligoamnios, présentation du
siège, prédisposition familiale chez les filles ou dans
certaines régions exposées. Quant au craquement de hanche
fréquemment retrouvé, il n’a pas de
valeur pathologique réelle.


Étude épidémiologique

L’incidence de la LCH varie d’un pays à l’autre, et


La manœuvre d’Ortolani consiste à écarter les
deux cuisses préalablement fléchies et à percevoir
éventuellement un ressaut de réduction lorsque la
même d’une région à l’autre. Les taux retrouvés
tête fémorale saute et réintègre la cavité
dans la littérature varient de 3 ‰ à 20 ‰, avec un
acétabulaire. Lors de la manœuvre de rappro-
pourcentage maximal de 6 % pour certaines tribus B
chement des cuisses, on peut également observer
d’Indiens navajos [5]. En France, certaines régions
une sortie de la tête fémorale. La perception du
sont traditionnellement plus touchées : Bretagne et
ressaut est le signe évident mais il n’est présent que
Centre. À Paris, le taux avoisine 20 ‰ [42]. Dans la
dans moins d’un tiers des cas. C’est dire l’intérêt de la
population noire, la LCH est de fréquence
manœuvre de Barlow (fig 4). Cette manœuvre est
controversée, probablement faible, mais elle atteint
plus fine et recherche, par un mouvement de piston
un taux de 6 ‰ à New York [1]. Dans la race jaune,
antéropostérieur, un déplacement de la tête
la LCH n’est pas rare [46]. Les filles sont nettement
fémorale par rapport à la cavité acétabulaire. Cette
plus souvent atteintes que les garçons. Le facteur
méthode est plus délicate, mais aussi plus riche
familial est retrouvé dans 3 à 12 % des cas et ne
d’enseignement.
constitue pas un facteur de gravité.
Au terme de cet examen clinique, on peut
Chez les jumeaux, lorsque l’un présente une LCH,
découvrir :
l’autre est également atteint dans 43 % des cas chez
– soit des hanches normales avec une bonne
les jumeaux monozygotes et dans 3 % des cas
stabilité des deux côtés ;
seulement chez les jumeaux dizygotes [5].
– soit des hanches luxables (fig 5) ;
– soit des hanches luxées et réductibles (fig 6) ;


– soit exceptionnellement des hanches luxées
Étude clinique irréductibles ;
– soit enfin, des hanches suspectes, ce qui justifie
une répétition de l’examen clinique et un
‚ Chez le nouveau-né
complément par les techniques d’imagerie.
L’examen clinique représente la base essentielle Le groupe de hanches dit à risque comprend non
du dépistage. Cet examen doit être pratiqué dès la seulement les hanches cliniquement suspectes, mais
naissance et doit être prolongé, précoce et répété. Il également l’un ou l’autre des critères mentionnés C
doit être réalisé dans de bonnes conditions, sur un dans le tableau I. 4 Technique de recherche de l’instabilité (selon Barlow).
plan ferme. Il faut obtenir le relâchement musculaire Le « bassin asymétrique congénital » correspond à A. Une main bloque le bassin avec le pouce sur le pubis,
de l’enfant. une asymétrie d’abduction des hanches : d’un côté l’autre tient la partie proximale du fémur en empau-
La limitation de l’abduction est un signe indirect l’abduction de hanche est limitée, de l’autre il y a une mant la jambe hyperfléchie sur la cuisse.
qui permet d’attirer l’attention et qui constitue un impossibilité d’adduction, voire une rétraction des B. Il est souvent plus commode d’empaumer le bassin
signe de risque : lorsque les hanches sont abducteurs lorsque l’on examine l’enfant à plat par une prise latérale, et lorsque la main de l’exami-
préalablement fléchies à 90°, l’amplitude ventre avec les hanches en extension complète. nateur est trop petite, d’empaumer directement la face
d’abduction normale se situe entre 70° et 85°, et l’on postérieure de la cuisse.
parle de limitation d’abduction si celle-ci ne dépasse ‚ Chez le nourrisson C. C’est surtout un petit mouvement de pronosupina-
pas 60°. L’hypertonie des adducteurs (fig 3) est Dans l’ensemble, les signes cliniques sont les tion de la main qui permet d’apprécier la stabilité de la
hanche en recherchant un éventuel déplacement anté-
également un bon signe de risque lorsque l’angle mêmes que chez le nouveau-né, mais certains sont
ropostérieur ou postéroantérieur.
« rapide » d’abduction mesure seulement 20° à 45°. plus faciles à mettre en évidence : la limitation de

3
8-0440 - Luxation congénitale de hanche

ligne des cartilages en Y, l’extrémité supéroexterne


du pubis et l’ischion se superposant à distance de
l’ilion (fig 7, 8).
De face stricte, les dimensions des ailes iliaques et
des trous obturateurs sont identiques et l’axe médian
du sacrum se prolonge au milieu de la symphyse
pubienne. L’interprétation de la radiographie du
bassin n’est pas aisée et permet de différencier trois
types de critères :
– critère de certitude : le seul critère de certitude
est la position du noyau fémoral qui doit se situer
dans le quadrant inféromédial de la construction
d’Ombrédanne. Cependant, ce point d’ossification
n’est présent que chez deux tiers des filles et un tiers
des garçons ;
5 Hanche « luxable » : c’est l’examinateur qui fait sortir la tête fémorale en arrière (A, B) et lorsqu’il relâche
sa pression, la tête réintègre spontanément le cotyle (C). – critères d’alarme : l’aspect du bord inférieur de
l’ilion, malgré l’épaississement du cartilage à cet
endroit, est un bon reflet de l’empreinte faite par la
tête fémorale. Ainsi, un bord inférieur concave bien
condensé est rassurant. En revanche, l’absence de
concavité, voire une convexité avec un talus fuyant,
représentent des critères alarmants ;
– critères aléatoires : il faut considérer comme
aléatoires et sans grande fiabilité la mesure des
angles acétébulaires, les repères d’Hilgenreiner (h-b)
et la rupture du cintre cervico-obturateur. À titre
comparatif, en cas de pathologie unilatérale, la
mesure de l’angle acétabulaire prend toute sa valeur,
surtout si la différence angulaire est supérieure de 5°
par rapport au côté sain, à condition que le cliché
soit techniquement correct.
Au terme de l’étude radiologique, trois
6 Hanche « luxée réductible » : la tête fémorale, luxée en permanence, va être réduite par l’examinateur (A, éventualités sont possibles :
B), en combinant une abduction (1), une légère traction (2), et un appui sur le grand trochanter (3). Lorsque
– soit les hanches sont radiologiquement
l’examinateur relâche sa pression, la tête se reluxe d’elle-même (C).
normales compte tenu des différents critères ;
– soit le diagnostic de luxation est indiscutable
Tableau I. – Critères de hanche à risque. car le noyau fémoral est externe et ascensionné, le
bord inférieur de l’ilion est fuyant, voire convexe ;
- Antécédent familial de LCH (en ne retenant que les diagnostics confirmés et en ligne directe) – soit les hanches sont limites : ce groupe
- Présentation du siège (accouchement par voie basse, césarienne et version tardive) correspond à des hanches en position limite, la
- Autres postures évocatrices : genu recurvatum, torticolis
- Abduction limitée (inférieure à 60°) situation du noyau est douteuse ou le bord inférieur
- Abduction diffıcile (hypertonie des adducteurs) de l’ilion n’a pas de concavité, le talus est émoussé. Il
- Abduction asymétrique (bassin asymétrique congénital) importe de refaire un examen clinique minutieux et
éventuellement de refaire le cliché de bassin
LCH : luxation congénitale de hanche. quelques semaines plus tard.


l’abduction, la rétraction des adducteurs, le ‚ Cliché de recentrage
raccourcissement apparent d’une cuisse en cas de Étude radiologique Cette radiographie est habituellement prise en
luxation unilatérale. L’instabilité est fréquemment incidence de face dans l’appareillage de réduction
retrouvée si l’enfant est bien relâché, et elle est alors ‚ Radiographie du bassin de face des hanches (attelle, culotte, harnais, plâtre). L’axe du
très démonstrative. col fémoral doit se diriger vers le cartilage en Y.
C’est le cliché fondamental. La date retenue dans
Toutefois, il y a des clichés faussement rassurants,
la plupart des équipes pour développer l’aide au
‚ Chez l’enfant à partir d’où l’intérêt de l’examen clinique et parfois d’autres
diagnostic de la luxation de hanche se situe au cours
de l’âge de la marche méthodes radiographiques (arthrographie, scanner
du quatrième mois, car le degré de maturation
Le symptôme dominant, à cet âge, est la boiterie. ou d’autres moyens d’imagerie, échographie).
osseuse et la présence habituelle du noyau fémoral
Les autres signes sont la limitation de l’abduction, le facilitent l’interprétation. Cette radiographie du
‚ Arthrographie
flessum de hanche et l’hyperlordose compensatrice. quatrième mois est d’usage courant, mais sa
Quand la hanche est seulement dysplasique ou prescription ne doit pas être systématique mais Pratiquée sous anesthésie générale elle permet,
légèrement subluxée, l’examen clinique est très seulement utile en cas de hanches à risque. après l’injection d’un produit opaque, une étude
pauvre, en dehors parfois d’une augmentation de Un cliché bien centré se caractérise par la dynamique de la hanche et elle est donc très
l’amplitude de rotation interne. projection de l’extrémité inférieure du sacrum sur la intéressante dans les cas difficiles.

4
Luxation congénitale de hanche - 8-0440

A B

B
8 Critères de lecture.
A. Lorsque les points d’ossification des têtes fé-
C D morales ne sont pas apparus. Ligne de Putti, per-
7 Le cliché est-il interprétable ? pendiculaire à la ligne des Y, tangente au bord
A. Radiographie techniquement réussie interprétable. 1 : ligne des Y. interne de la métaphyse fémorale. Cette ligne doit
B. Radiographie techniquement mauvaise, non ou difficilement interprétable, car l’enfant a été radiographié couper le toit du cotyle dans sa moitié interne
en position de lordose lombosacrée : la pointe du sacrum est remontée et il y a superposition de l’ilion et de (hanche droite). Si elle coupe le toit dans sa partie
l’ischion. externe ou plus en dehors, la hanche est excentrée
C. Radiographie techniquement mauvaise à cause d’une rotation autour d’un axe vertical : inégale largeur (hanche gauche). L’angle α mesure l’obliquité
des ailes iliaques et des trous obturateurs. cotyloïdienne. 1. Ligne des Y.
D. Radiographie techniquement mauvaise car, du côté gauche, le membre inférieur a tourné en rotation B. Lorsque les points d’ossification des têtes fé-
externe (RE), ce qui peut suffıre à expliquer l’image d’excentration de la tête fémorale. morales sont apparus. La ligne d’Ombrédanne,
perpendiculaire à la ligne des Y et passant par
l’angle externe du toit cotyloïdien, délimite avec la
‚ Tomodensitométrie [18] cartilagineuse par le toit de l’acétabulum ossifié ainsi ligne des Y quatre quadrants. Normalement, le
que le développement latéral et l’inclinaison du noyau de la tête doit être dans le quadrant inféro-
La coupe horizontale de la hanche est un examen
labrum. interne (hanche droite). S’il est dans l’un ou l’autre
précieux chez le grand enfant, alors que la hanche
Les facteurs essentiels à retenir pour des quadrants externes, la hanche est excentrée.
cartilagineuse du très jeune est beaucoup plus
accessible à l’échographie. l’interprétation de l’échographie sont :
– au moins 50 % de la tête fémorale doit se situer échographiquement de manière répétée et peuvent
en dedans d’une verticale abaissée de l’aile iliaque ; bénéficier d’une radiographie conventionnelle vers

■ – l’angle fait par le labrum avec la verticale ne l’âge de 4 mois.


Étude échographique doit pas excéder 35°, et celui-ci doit avoir une
certaine longueur ;
Cet examen non irradiant et non invasif s’est
beaucoup développé depuis 1985 [14, 17, 26, 40]. Il
permet d’objectiver les structures cartilagineuses, la
capsule, et les plans musculaires non visibles en
– les autres paramètres nous semblent introduire
davantage de causes d’erreurs que de certitude.
L’étude dynamique échographique est
indispensable pour reproduire sous écran les

Problèmes pratiques posés
par le dépistage

Depuis une dizaine d’années, le dépistage a


radiologie conventionnelle. Mais l’échographie déplacements observés en cas d’instabilité de fait d’énormes progrès puisqu’il est devenu
requiert trois conditions indispensables : hanche. C’est dire la grande valeur de l’échographie exceptionnel de découvrir à l’âge de la marche,
– un matériel performant : sonde à barrette à lorsque le clinicien ne perçoit qu’une sensation une LCH chez un enfant né en France.
balayage électronique de haute fréquence (7 à 10 douteuse. Cependant, il reste des progrès à faire pour que le
Mhz) ; dépistage soit réellement précoce, c’est-à-dire
Au terme de cette analyse, trois éventualités sont
– un opérateur expérimenté et rigoureux ; dans les premières semaines de vie. C’est en effet
possibles :
– une très grande prudence dans l’interprétation dans la période néonatale que le traitement
du résultat qui doit être corrélé à l’examen – hanche parfaitement stabilisée et couverte ;
adéquat permet la guérison de la majorité des
orthopédique clinique. – hanche luxée de manière indiscutable ; cas.
La technique le plus couramment utilisée est celle – hanche douteuse : ce peut être une hanche La prévention de la LCH n’est pas possible car la
de Graf en coupe coronale externe qui reproduit dont le pourcentage de la tête fémorale est à peine luxation est congénitale. Le langeage en abduction
l’aspect observé sur une radiographie convention- de 50 %, une hanche dont le labrum est un peu trop systématique de tous les nouveau-nés est donc
nelle (fig 9). soulevé lors du temps dynamique, une hanche qui illogique. Il a été prôné dans les années 1970, mais
Les éléments essentiels du diagnostic sont le présente un aspect mal creusé du fond du cotyle. Les l’expérience a montré qu’il était souvent inefficace et
degré de couverture de la tête fémorale hanches suspectes sont contrôlées cliniquement et nuisible pour les luxations méconnues. Il peut même

5
8-0440 - Luxation congénitale de hanche

En conclusion, l’échographie constitue une bonne méthode d’aide au dépistage de la L’évolution dans la conception du
LCH, mais elle n’est qu’un complément de l’examen clinique qu’elle ne doit jamais dépistage de la LCH est possible en
remplacer. supprimant quatre idées fausses :
✔ Qui échographier ? Certainement pas tous les enfants, mais ceux qui présentent ✔ faire une radiographie
des signes cliniques et/ou des facteurs de risque (hanches à risque). systématique à la naissance ;
✔ Quand échographier ? Avant la fin du premier mois, environ dans la quatrième ✔ faire une échographie systématique
semaine de vie, parce que le traitement effectué à cette date est plus simple, plus à la naissance ;
efficace et que nombre d’anomalies dépistées à la période néonatale vont ✔ langer en abduction tous les
s’amender spontanément. nouveau-nés ;
✔ Quels sont les résultats obtenus ? Schématiquement : 90 % des hanches ✔ croire que le ressaut disparaît au
paraissent normales dès le premier examen, de 8 à 9 % sont considérées comme troisième jour.
douteuses et justifient une surveillance clinique et échographique, et moins de 1 %
des cas reflètent une pathologie de la série luxation ou subluxation. sortie, à l’occasion du certificat de santé. En cas de
hanches à risque, les examens cliniques sont répétés
durant le séjour à la maternité ;
être dangereux pour les hanches normales et même dans des mains expérimentées, d’où la – durant les premiers mois, l’examen clinique
occasionner une ostéochondrite. Le concept de nécessité de le répéter et de s’attacher à la recherche mensuel du bébé par le pédiatre ou le généraliste
prévention basé sur la pathogénie de la dysplasie des signes d’alarme que sont les critères de hanches comprend nécessairement un examen clinique des
luxante doit céder la place à celui de dépistage. à risque. hanches, jusqu’à l’âge de la marche.
La meilleure méthode de dépistage demeure On peut ainsi établir un véritable calendrier des Les examens cliniques répétés durant les premiers
l’examen clinique avec tous les critères décrits examens cliniques du jeune enfant : mois devraient faire diminuer les prescriptions
précédemment et en s’assurant du bon relâchement – à la maternité : premier examen dans les d’échographie et de radiographie de dépistage.
musculaire. Ce dépistage clinique demeure difficile, premières 24 heures et deuxième examen lors de la Néanmoins, pour les hanches à risque, il est conseillé

C
9 Échographie de hanche.
A. Schéma d’échographie normale (coupe frontale ex-
terne de Graf). 1. Aile iliaque ossifiée ; 2. toit du
cotyle ; 3. cartilage en Y ; 4. front d’ossification de la
métaphyse fémorale ; 5. tête fémorale cartilagineuse ;
6. labrum ; 7. toit du cotyle cartilagineux ; 8. périchon-
dre et périoste de l’aile iliaque ; 9. fascia intermuscu-
laire.
B. Ligne de base (aile iliaque ossifiée). d/D. Pourcen-
tage de couverture de la tête fémorale ; α. angle acé-
tabulaire de Graf ; β. angle de la pente du labrum de
Graf.
C. Hanche normale. La tête fémorale cartilagineuse est
au fond du cotyle.
D. Hanche instable. Lors de l’étude dynamique, noter
la perturbation des rapports entre la tête fémorale et le
cotyle, témoignant du déplacement de la tête fémorale.
E. Hanche luxée où la tête fémorale apparaît en dehors
du cotyle.

D E

6
Luxation congénitale de hanche - 8-0440

de pratiquer soit une échographie à la quatrième


semaine, soit une radiographie du bassin au
quatrième mois [15].


Méthodes de traitement

Le but du traitement est triple : obtenir la


réduction de la tête dans l’acétabulum, stabiliser la
hanche par le biais de la rétraction capsulaire et
corriger la dysplasie acétabulaire associée.
Le traitement est basé sur des méthodes
posturales dont aucune n’est anodine. Le risque est
une ostéochondrite qu’il faut à tout prix éviter en
ayant recours à des méthodes douces et
atraumatiques [8, 21, 25, 45].
A B C
‚ Principe de réduction : postures
de recentrage
Les études anatomiques et pathogéniques
modernes [41, 44], avec la notion de posture luxante,
conduisent tout naturellement au concept de
posture de recentrage : ce sont l’abduction et la
rotation interne qui sont les deux facteurs essentiels
de la réduction, quel que soit le degré d’extension,
de flexion ou d’hyperflexion de hanche. Quant à la
rotation externe, elle est toujours nocive, pour
expliquer les échecs de la réduction ou la reluxation.
Dans la pratique courante, il y a deux postures de
recentrage utilisées en fonction de l’âge. Chez le D E
nouveau-né et le nourrisson, la réduction est 10 Harnais de Pavlik. Les pieds et les jambes sont maintenus dans un système fermé par des Velcrot . Ils sont
obtenue sur la hanche fléchie à 90° avec une reliés au harnais proprement dit par des sangles antérieures et postérieures qui maintiennent les genoux et les
abduction de 60 à 70° et une rotation interne hanches en flexion. En décubitus ventral (A) c’est le poids du corps, et en décubitus dorsal (E) c’est la pesanteur
modérée de 20°. Chez l’enfant à partir de l’âge de la qui vont entraîner progressivement la mise en abduction des cuisses. Quand l’enfant est dans les bras de sa mère,
marche, le psoas ayant été étiré par la déflexion des la façon de le prendre est très importante : elle est bonne en B car les cuisses sont écartées ; elle est mauvaise
hanches durant la première année, la luxation est en C car les hanches se reluxent dans cette positon. Un serrage excessif de la sangle antérieure peut entraîner
souvent assez haute et nécessitera un abaissement une rotation externe fémorale. Un relâchement de la sangle antérieure, associé à un serrage de la sangle
postérieure, favorisera la posture de réduction par suppression de la rotation externe (E).
préalable à la réduction. La réduction se fait sur la
hanche en extension presque complète, avec une
nombre des changes pour éviter une fausse utilisation de son caractère progressif, soit dans les
abduction de 30 à 40° et une rotation interne
manœuvre ou de nouvelles luxations. Au bout de suites d’un traitement par une autre méthode.
également modérée, de 20 à 30°.
quelques jours, la mère pourra elle-même langer son
Ces postures de recentrage ont un triple effet :
enfant et augmenter la fréquence des changes en ‚ Extension continue en hospitalisation
réduire le déplacement par réduction de la tête,
prenant certaines précautions.
stabiliser la réduction par rétraction de la poche Il s’agit d’une traction avec abduction progressive
– Culotte d’abduction : elle peut également être
capsulaire de luxation, d’où la nécessité d’une et rotation interne modérée. Cette méthode de
utilisée chez le nouveau-né ou dans les premiers
posture stricte et permanente, et enfin correction de réduction lente et atraumatique est réservée aux
mois de la vie, à condition qu’il s’agisse d’une culotte
la dysplasie acétabulaire en soustrayant la paroi luxations hautes, aux luxations irréductibles, aux
non baleinée. Pour les hanches instables, les mêmes
postérosupérieure de l’acétabulum à des pressions échecs des méthodes ambulatoires.
précautions que pour le langeage en abduction
nocives de la tête fémorale lorsque celle-ci n’est pas Deux méthodes un peu différentes sont possibles,
doivent être appliquées.
bien centrée dans le fond de l’acétabulum. selon que l’on recherche la réduction en flexion [48]
– Harnais de Pavlik (fig 10) : c’est un appareil
Les effets secondaires de l’abduction prolongée (traction au zénith) ou en extension [32] (traction
léger mais d’utilisation délicate qui est volontiers
sont l’hypotonie et l’étirement des muscles horizontale). Après réduction lente par traction d’une
utilisé chez le nourrisson entre 2 et 8 mois [34]. Le
adducteurs, ainsi que la rétraction des fessiers et du durée à 2 à 4 semaines, un plâtre pelvipédieux est
recentrage de la hanche n’est pas toujours facile à
fascia lata qui permet facilement de s’assurer que confectionné sous anesthésie générale, pour une
obtenir et le maintien de la stabilité de la hanche est
l’appareillage est réellement porté. période de 2 mois renouvelée une ou deux fois [31].
parfois difficile car la souplesse des sangles permet à
certains enfants de faire des mouvements qui
‚ Méthodes ambulatoires ‚ Méthodes chirurgicales
aboutissent à une reluxation de leur hanche. Des
Elles ont une place prépondérante dans le consignes particulières doivent être données à la La chirurgie a une place de moins en moins
traitement de la luxation de hanche et doivent être famille. On en rapproche le harnais de Scott, en importante dans le traitement de la LCH étant donné
débutées en milieu spécialisé. hyperflexion, qui semble actuellement moins les progrès de dépistage et la qualité des traitements
– Langeage en abduction en H : il convient utilisé [7]. ambulatoires.
particulièrement bien au nouveau-né. Dans les – Attelles d’abduction à hanche libre : elles La réduction chirurgicale est peu pratiquée en
premiers jours, il nécessite deux personnes pour sa restent très utilisées, soit comme méthode primaire France [19, 27]. Si elle permet de réduire très nettement
mise en place correcte, ainsi qu’une diminution du de traitement d’une luxation chez le nourrisson avec la durée globale du traitement, elle expose à des

7
8-0440 - Luxation congénitale de hanche

B C
A

11 Luxation réductible chez un nourrisson de 4 mois.


Traitement ambulatoire par harnais de Pavlik.
A. Radiographie initiale à 4 mois.
B, C. Clichés dans le harnais montrant que la réduc-
tion n’était pas obtenue à j+15 (B), mais vraisembla-
blement correcte à j+21 (C).
D. Contrôles ultérieurs révélant une dysplasie coty-
loïdienne persistant à 10 mois.
E. Amélioration spontanée avec normalisation du
cliché à 4 ans.

D E


résultats moins bons qu’avec des traitements complétée par un examen échographique à la fin de
conservateurs. Elle expose, en particulier, au risque la quatrième semaine. À cet âge, si l’évolution est
Difficultés et complications
du traitement
d’ostéochondrite. favorable, la surveillance est poursuivie avec une
Les ostéotomies du bassin, ostéotomie de Salter radiographie du bassin vers le quatrième mois. Si en Les différentes étapes du traitement d’une LCH
et autres [4, 30, 37, 38], permettent de corriger la revanche l’instabilité persiste, ou si le déplacement sont semées d’embûches. Ceci est d’autant plus vrai
dysplasie acétabulaire résiduelle en faisant basculer de la tête fémorale reste net, il faut engager un que l’enfant est plus âgé et que la luxation était plus
le toit du cotyle sur la tête fémorale. Les résultats traitement soit par langeage en abduction, soit plutôt précoce dans la vie intra-utérine.
sont souvent excellents. par harnais de Pavlik.
Les ostéotomies du fémur (varisation et – En cas de hanche dysplasique, c’est-à-dire sans ‚ Difficulté de réduction
dérotation) sont de moins en moins pratiquées et instabilité mais avec des signes échographiques de
Elle est à craindre en cas de corde des adducteurs,
consistent à modifier l’orientation de la tête et du col dysplasie, l’attitude la plus logique est la surveillance
de luxation haute, de néoacétabulum très organisé,
vis-à-vis de la cavité acétabulaire [27, 35]. avec un nouvel examen clinique et une nouvelle
d’arrière-fond très épais, ou d’antétorsion fémorale
échographie quelques semaines plus tard.
très forte. C’est dans ces cas qu’il faut tenir compte


‚ Chez le nourrisson de 4 mois des notions anatomiques, savoir augmenter les
Indications thérapeutiques poids de traction et donner suffisamment de rotation
– En cas de luxation irréductible, il faut
interne au fémur.
hospitaliser l’enfant pour mise en route d’une
Elles dépendent de l’âge de l’enfant, des traction avec réduction lente et progressive. ‚ Reluxation
constatations cliniques, et des renseignements – En cas de luxation réductible, c’est l’indication
Elle est liée à la méconnaissance d’un ou de
fournis par les méthodes d’imagerie, la décision typique du harnais de Pavlik (fig 11).
plusieurs facteurs : dysplasie acétabulaire
étant prise en milieu spécialisé. – En cas de subluxation, si le défaut de centrage est
insuffisamment corrigée, poche capsulaire
modéré on peut exercer une simple surveillance, mais
‚ Chez le nouveau-né imparfaitement rétractée, antétorsion fémorale
si le défaut est net, le traitement par attelle de Petit ou
résiduelle considérable.
– En cas de hanche luxée irréductible, ce qui est harnais de Pavlik donne de très bons résultats.
une éventualité très rare, il est recommandé – En cas de dysplasie acétabulaire sans trouble
‚ Subluxation résiduelle
d’attendre l’âge de 4 à 6 mois pour hospitaliser du centrage [ 1 3 , 4 0 ] , l’attitude habituelle est
maintenant la surveillance clinique et radiologique Après l’arrêt du traitement, une subluxation
l’enfant pour réduction progressive par extension
car la majorité des cas s’améliorent rapidement résiduelle peut nécessiter secondairement une
continue.
(fig 12). intervention chirurgicale complémentaire, plus
– En cas de hanche luxée réductible, le traitement
volontiers vers l’âge de 4 ans et à type d’ostéotomie
repose sur le langeage très strict. On peut également
utiliser une culotte d’abduction ou un harnais de
‚ À l’âge de la marche du bassin. Il faut savoir attendre cet âge car des
améliorations spontanées sont possibles.
Pavlik, mais l’essentiel est de s’assurer que la posture Le traitement est beaucoup plus long, beaucoup
donnée à l’enfant est permanente, qu’il n’y a pas de plus contraignant. Il nécessite habituellement une
‚ Fracture du fémur
reluxation. L’examen clinique répété et les contrôles hospitalisation pour traction continue pendant
échographiques sont utiles en cours de surveillance. environ 4 à 5 semaines, suivie d’immobilisation Elle n’est pas exceptionnelle chez un enfant
L’appareillage est maintenu de façon permanente plâtrée. La chirurgie complémentaire pour dysplasie longtemps immobilisé et plâtré, en particulier à l’âge
pendant environ 3 à 4 mois, et la nuit pendant une résiduelle est très souvent nécessaire, avec au de la marche.
durée supplémentaire de 1 à 2 mois. minimum une ostéotomie du bassin (fig 13). Ce n’est
– En cas de hanche luxable, la tendance actuelle qu’en cas d’échec de plusieurs traitements qu’une
‚ Raideur de hanche
est simplement de surveiller les hanches, car réduction opératoire deviendra nécessaire, Après réduction orthopédique, la raideur de
beaucoup d’entre elles se stabilisent spontanément. complétée par des ostéotomies fémorale et hanche est absolument exceptionnelle, mais dès
Il est conseillé de pratiquer une surveillance clinique pelvienne. qu’il y a eu un geste chirurgical intra-articulaire, on

8
Luxation congénitale de hanche - 8-0440

A B

C D
12 Dysplasie cotyloïdienne bilatérale sans défaut de centrage : simple surveillance.
A. Cliché à 3 mois.
B. Cliché à 6 mois.
C. Cliché à 9 mois. B
D. Cliché à 3 ans. 13 A. Luxation unilatérale droite traitée à l’âge de
Normalisation spontanée. 2 ans par traction horizontale et plâtre permet-
tant une réduction orthopédique progressive puis
risque d’observer une raideur qui est parfois en – groupe III : atteinte épiphysométaphysaire une ostéotomie de Salter.
rapport avec une infection à bas bruit : arthrite globale avec perturbation importante de B. Résultat excellent à l’âge de 12 ½ ans. Noter
subaiguë de hanche. l’architecture de la hanche ; le remarquable développement de la tête
– groupe IV : atteinte épiphysométaphysaire fémorale dont le noyau n’était pas apparu à
‚ Inégalité de longueur des membres interne, source de coxa vara ;
l’âge de 2 ans.
inférieurs – groupe V : atteinte métaphysaire isolée, – répétition des examens cliniques dans la
Il s’agit le plus souvent d’un allongement d’un responsable d’une brièveté importante du col période néonatale et dans les premiers mois de la
membre lié à une poussée de croissance fémoral. La chirurgie est souvent utile dès que la tête vie ;
occasionnée par une ostéotomie fémorale. fémorale déborde de l’acétabulum et requiert une – échographie en cas de hanches à risque chez le
ostéotomie pelvienne souvent associée à une nouveau-né et le nourrisson, à la condition que ces
‚ Différentes variétés d’ostéochondrite ostéotomie fémorale [37]. examens soient réalisés avec une fiabilité suffisante ;
Sous ces termes, on entend toutes les altérations La surveillance radiographique jusqu’en fin de – radiographie au quatrième mois pour les
de l’extrémité supérieure du fémur, ainsi que les croissance est indispensable pour les enfants traités hanches à risque dont le problème n’a pu être réglé
troubles trophiques et les troubles du cartilage de pour une LCH, qu’ils aient fait ou non une par l’échographie.
croissance. ostéochondrite, car il peut exister une phase muette Il n’y a pas de traitement univoque de la LCH. Une
La classification de Robert et Seringe individualise et des perturbations tardives peuvent s’observer. attitude logique doit être de mise pour prendre le
cinq groupes [36] : Le pronostic à long terme des ostéochondrites moins de risques possibles : ne traiter que les enfants
– groupe I : atteinte épiphysaire isolée de bon postréductionnelles est réservé, étant donné le dont l’anomalie de hanche n’est pas susceptible de
pronostic ; risque d’arthrose [6]. guérir spontanément. En effet, tout traitement
– groupe II : atteinte épiphysométaphysaire Le dépistage actuel de la LCH repose sur les trois intempestif est susceptible d’entraîner une
externe avec évolution en caput valgum ; éléments suivants : ostéochondrite.

Références ➤

9
8-0440 - Luxation congénitale de hanche

Raphaël Seringe : Professeur des Universités, chirurgien des Hôpitaux, chef de service d’orthopédie infantile,
hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 74-82, avenue Denfert-Rochereau, 75674 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : R Seringe. Luxation congénitale de hanche.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0440, 1999, 11 p

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11
8-0435

8-0435
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Pathologie acquise du squelette

H Carlioz

C ’est toujours à partir de signes cliniques bien interprétés que s’ébauche le diagnostic d’une affection acquise du
squelette et que s’ordonnent les examens complémentaires qui y conduisent.
Mais lorsqu’un nom est posé sur un ensemble de signes (scoliose, inégalité de longueur, genu varum par exemple), il
est indispensable d’en déterminer la cause de façon à traiter non seulement la déformation mais aussi son
mécanisme.
© Elsevier, Paris.


Nouveau-né arthrotomie. Ces gestes sont également le premier
Introduction temps d’un traitement fondé sur l’évacuation du pus,
¶ Fractures obstétricales
Évoquées si l’accouchement a été laborieux et si sur l’antibiothérapie guidée par les résultats des
la sage-femme ou l’infirmière ont noté que l’enfant examens bactériologiques, et sur l’immobilisation,
Décrire la pathologie acquise du squelette par
pleurait lors des changes, les fractures obstétricales habituellement par plâtre. Les séquelles de ces
régions anatomiques ou en fonction des étiologies
n’atteignent guère que la clavicule, les diaphyses arthrites ou ostéoarthrites sont souvent
(infections, tumeurs, malformations, dystrophies...)
ne présente pas d’intérêt particulier. Il paraît plus fémorale et humérale, les physes humérales haute et considérables par destruction des épiphyses et
utile, car plus pratique et plus conforme à la réalité basse, la physe fémorale basse. Les autres stérilisation des physes : elles expliquent des
de la consultation quotidienne, de remonter des localisations sont exceptionnelles. brièvetés de segments de membres, des luxations
signes aux maladies et dans ce cadre clinique, de pathologiques, des déformations osseuses cliniques
Le diagnostic n’est évident que si l’os est
trouver peu à peu le chemin du diagnostic exact. et radiologiques.
superficiel (clavicule) ou si le déplacement d’une
Les limites de ce travail tiennent toutefois à la fracture diaphysaire est important ; il est retardé par
définition même de la pathologie acquise, une absence de déplacement, ou par la Nourrisson
c’est-à-dire non génétique. La rapidité avec laquelle transparence des physes et des épiphyses non
¶ Infections ostéoarticulaires [6]
nos connaissances évoluent dans le domaine de ossifiées, qui rendent difficile l’interprétation des Elle sont observées chez le nourrisson comme
l’origine génétique des maladies rendra sans doute clichés radiographiques. La consolidation est chez le nouveau-né. À ces deux âges de la vie, le
rapidement caduques les lignes qui suivent. constante et rapide, en une dizaine de jours et ce,
staphylocoque est le germe habituellement en
Les anomalies acquises pendant la grossesse ne malgré une immobilisation sommaire.
cause ; Haemophilus, qui était fréquent entre 3 mois
seront pas étudiées, qu’elles puissent être Il faudra se méfier d’une pathologie traumatique et 3 ans, se fait actuellement plus rare.
considérées comme des malformations (c’est le cas associée masquée par la fracture telle qu’une
Le traitement est basé sur les mêmes règles.
des conséquences de la maladie amniotique), ou paralysie du plexus brachial ou une fracture de la
Cependant, une traction collée et une mobilisation
qu’il semble difficile de considérer comme acquises diaphyse humérale.
rapide remplacent souvent le plâtre en cas d’arthrite.
des maladies développées pendant la vie fœtale et
souvent dues à des malpositions, telles que les ¶ Arthrites et ostéoarthrites infectieuses [6]
La douleur est retardée de plusieurs jours après la ¶ Discites
instabilités congénitales de hanche, les déformations Leur origine infectieuse est peu probable ; de ce
naissance. Comme pour une fracture obstétricale, on
des pieds en talus, talus valgus, supinatus,
observe souvent une pseudoparalysie liée à la fait, le traitement antibiotique est discutable. Le
metatarsus adductus, le torticolis par brièveté du
douleur, qui peut passer pour une atteinte du plexus tableau clinique est imprécis ce qui explique les
sternocléidomastoïdien ou les scolioses du
brachial s’il s’agit d’une arthrite de l’épaule, d’une diagnostics retardés. L’enfant est grognon,
nourrisson.
paralysie du sciatique par injection intramusculaire douloureux ; il a souvent des difficultés à se tenir
en cas d’arthrite de la hanche. debout, au point qu’une paraplégie est parfois


Il peut exister des signes inflammatoires locaux, évoquée. Le rachis est raide, et la position assise,
Aller de la symptomatologie à la
maladie causale en phase voire un abcès des parties molles. genoux étendus, est impossible.
évolutive Les radiographies montrent un œdème entourant Le bilan biologique est normal hormis
l’accélération de la vitesse de sédimentation (VS).
© Elsevier, Paris

l’articulation. La hanche peut être luxée par la


‚ Enfant qui souffre Le pincement d’un espace discal, en général
distension articulaire sous l’effet du pus ; cette
La difficile perception par l’adulte de la douleur de excentration est moins nette au genou, à l’épaule ou lombaire, est visible plus précocement sur les
l’enfant avant l’acquisition de la parole explique bien au coude. Le diagnostic n’est finalement assuré que radiographies de profil que sur les clichés de face. Si
des retards de diagnostic à cet âge. par la découverte de pus, par ponction ou par l’on immobilise le tronc de cet enfant par un plâtre,

1
8-0435 - Pathologie acquise du squelette

nullement spécifiques car elles peuvent être le fait


d’une autre tumeur ou d’une maladie inflammatoire. Pathologies acquises du squelette
Lésion osseuse
Image radiologique
L’image radiographique est souvent typique : petite responsables d’un syndrome
clarté au sein d’une densité, elle est précisée au douloureux
mieux par un scanner. Le siège en est dia- ou ✔ Chez le nouveau-né :
Évolution lente Évolution rapide métaphysaire, exceptionnellement épiphysaire. La – fractures obstétricales ;
scintigraphie a un rôle localisateur dans les – arthrites et ostéoarthrites
Biopsie localisations d’accès radiologique difficile, comme au infectieuses.
rachis ou dans le cotyle. L’exérèse de la tumeur doit ✔ Chez le nourrisson :
Infection Tumeur bénigne Infection Granulome être complète mais peu délabrante, et c’est – infections ostéoarticulaires ;
éosinophile l’explication de la tendance actuelle à une résection – discites ;
percutanée sous contrôle par scanner. – fractures sans traumatisme connu.
Tumeur
La malignité d’une tumeur est en général presque ✔ Chez l’enfant :
certaine dès la radiographie standard lue. Au moins – tumeurs bénignes ;
Tumeur bénigne Tumeur maligne peut-on dire qu’il s’agit d’une lésion agressive, vite – tumeurs malignes (sarcome d’Ewing
agressive évolutive, ce qui restreint les hésitations aux et ostéosarcome surtout) ;
infections, au granulome éosinophile et aux tumeurs – infections ostéoarticulaires.
1 Lésion osseuse. malignes.
Finalement, seul le résultat de la biopsie est
c’est davantage pour calmer la douleur que par
concluant. Les autres examens n’apportent de ‚ Enfant qui boite
analogie avec le traitement d’une ostéoarthrite.
renseignement que sur l’extension de la tumeur, La boiterie d’esquive est liée à une douleur ou à
La séquelle habituelle d’une discite est un bloc
l’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour les une fragilité osseuse alors que la boiterie
osseux unissant deux vertèbres. En l’absence
parties molles périosseuses et la cavité médullaire, la d’équilibration est liée à une insuffisance
d’antécédent connu, le diagnostic radiologique peut,
scintigraphie pour certaines métastases, la musculaire.
à ce stade de séquelle, être celui d’une
tomodensitométrie (TDM) pour les métastases
malformation ; ce serait une erreur sans
pulmonaires. Mis à part les métastases des Boiterie d’esquive liée à une douleur ou à une
conséquence pratique.
neuroblastomes, des néphroblastomes et les fragilité osseuse
¶ Fractures sans traumatisme connu localisations osseuses des lymphomes, il n’y a guère Toute affection douloureuse siégeant sur le bassin
Ce peuvent être des fractures sans aucun que deux tumeurs osseuses malignes chez l’enfant : ou sur un membre inférieur, qu’elle soit infectieuse,
déplacement, fracture « en cheveu » du tibia ou du le sarcome d’Ewing et l’ostéosarcome. Le premier tumorale, traumatique, dystrophique, peut entraîner
fémur, par coincement entre deux barreaux de lit, peut toucher de très jeunes enfants mais se une boiterie. Le contexte, les signes d’accompa-
par exemple. Le diagnostic est évoqué sur la douleur rencontre aussi bien dans les deux premières gnement, l’âge de l’enfant orientent vers sa cause ; il
précise provoquée par la palpation diaphysaire ou décades de la vie. Le second ne s’observe que est cependant impossible d’évoquer toutes les
par la torsion du pied ou de la jambe. La rarement avant 8 ou 10 ans. Bien que la possibilités. Il nous faut en rester aux causes les plus
confirmation radiologique immédiate est chimiothérapie ait bouleversé leur pronostic, la fréquentes ou à celles dont la méconnaissance peut
inconstante mais un cal périosté apparaît après avoir de graves conséquences. La synovite aiguë
résection chirurgicale de la tumeur reste une
quelques jours, qui lève toute ambiguïté. Le transitoire (SAT), l’ostéochondrite primitive de
obligation. Cette chirurgie consiste de moins en
traitement est purement antalgique. L’explication hanche (OPH), qui s’observent surtout entre 3 et 6 à
moins en amputations, de plus en plus en
donnée ou suggérée, du lit à barreaux, ne doit pas 8 ans, la dystrophie de Meyer (DM) dès 18 à 24 mois,
reconstructions de l’os ou de l’articulation opérés,
faire oublier la fréquence de la maltraitance. Le provoquent les mêmes douleurs de genou, de
par greffons ou par prothèse. Le sacrifice obligatoire
syndrome purement radiologique de Silverman est cuisse, la même boiterie, la même raideur touchant
de zones de croissance crée une différence de
explicite, mais il est inconstant et facilement surtout l’abduction et les rotations de la hanche.
longueur dont le traitement est prévu dès que le
méconnu. En revanche, des formes frustes Les signes radiologiques d’une ischémie
traitement de la tumeur est envisagé.
d’ostéogenèse imparfaite peuvent donner le change épiphysaire (OPH, DM) sont décalés par rapport au
et créer de douloureuses incompréhensions entre le ¶ Infections ostéoarticulaires [6] début clinique. Il faut y penser pour ne pas en rester
médecin et les parents de l’enfant. Les arthrites sont plus rares que chez le nourrisson trop facilement au diagnostic de SAT ; celle-ci ne
et le nouveau-né. Les ostéomyélites hématogènes laisserait pas de séquelles alors que l’OPH et même
Enfant sont de moins en moins fréquentes. Leur tableau la DM peuvent déformer durablement la tête
Le type des douleurs, mécaniques ou aigu, classique, pose peu de problèmes fémorale et être ainsi des causes de coxarthrose.
inflammatoires, leur localisation, le contexte et les diagnostiques. Le schéma de traitement reste le Les radiographies standards restent l’examen
signes d’accompagnement participent à même pour les antibiotiques. L’immobilisation reste essentiel du diagnostic et de la surveillance.
l’élaboration du diagnostic. nécessaire pour les ostéomyélites ; le plâtre est le La scintigraphie osseuse a un intérêt discutable :
¶ Tumeurs [3] (fig 1) matériau habituel ; il prend les deux articulations elle permet des diagnostics d’OPH très précoces en
On observe plus de tumeurs bénignes que de encadrant la zone malade. L’évacuation du pus est montrant l’ischémie mais il n’est pas certain que le
tumeurs malignes. Bien des tumeurs bénignes ne décidée lorsqu’un abcès est décelé au contact de l’os, traitement très précoce ait un intérêt. La scintigraphie
mériteraient qu’une surveillance si elles n’étaient par échographie ou par ponction. permet aussi de préciser l’étendue de la nécrose
douloureuses : les fibromes par exemple, ossifiants Les ostéites chroniques récidivantes, souvent mais avec moins de précision que l’IRM. L’IRM est
ou non ossifiants. uniques, parfois multiples (OCRM), et pour lesquelles donc demandée lorsqu’on doit prendre une décision
Les ostéomes ostéoïdes et ostéoblastomes aucun germe n’est habituellement mis en évidence, de traitement. L’arthrographie opaque, tout comme
doivent être traités par exérèse complète, non sont un cas particulier. Le traitement antibiotique est l’IRM, précise les contours de l’épiphyse fémorale, sa
seulement pour supprimer la douleur mais aussi donc décidé à l’aveugle. Le curetage chirurgical du sphéricité ou ses déformations ; elle seule permet
pour éviter le retentissement nocif de certains d’entre ou des foyers osseux n’évite pas toujours la récidive d’examiner la hanche en des positions diverses,
eux sur la croissance articulaire et osseuse. locale ou en un autre point du squelette. Il permet le notamment de rotation et d’abduction, ce qui influe
Les douleurs nocturnes, calmées par l’aspirine, diagnostic histologique d’infection. Ces OCRM font sur les décisions de traitement. Beaucoup d’OPH ne
sont assez caractéristiques ; elles ne sont cependant parfois partie d’un syndrome, dit Sapho. justifient aucun traitement, chez un enfant très jeune

2
Pathologie acquise du squelette - 8-0435

ou lorsque la nécrose est de faible étendue ; il faut bascule du cotyle, sont réalisées pour tenter d’éviter genou. Le renforcement du vaste interne par
cependant en surveiller l’évolution par un examen la déformation de l’épiphyse et l’évolution vers une kinésithérapie suffit parfois à guérir l’instabilité
clinique et radiographique tous les 2 à 4 mois au arthrose précoce. Les prothèses sont exceptionnel- rotulienne ; il faut souvent avoir recours à la
début. lement indiquées chez ces jeunes malades. L’origine chirurgie : recentrer la rotule devant le fémur en
Si les lésions sont bilatérales, il faut se méfier de ces nécroses, comme celle des OPH, s’explique déplaçant l’insertion basse du tendon rotulien, en
d’une ostéochondrodystrophie, par exemple d’une peut-être par des anomalies familiales de la retendant l’aileron rotulien interne, en renforçant par
dystrophie polyépiphysaire, et en chercher les autres coagulation ou du métabolisme des lipides ; les transfert musculaire le rappel actif de la rotule en
localisations par des radiographies du squelette. recherches biologiques doivent donc être orientées dedans.
en ce sens.
¶ Épiphysiolyse fémorale supérieure (EFS) [2] ¶ Ostéochondroses
Dans sa forme progressive, elle s’annonce par ¶ Lésions fragilisantes du bassin ou des membres Aux frontières de la pathologie, ce qu’il est
une boiterie douloureuse, mais la douleur est plus inférieurs convenu d’appeler ostéochondrose est une maladie
souvent au genou qu’à la hanche ce qui peut Même non douloureuses, elles peuvent temporaire, pubertaire, des attaches musculaires
expliquer bien des retards de diagnostic. Le genou s’annoncer par une boiterie. Cela arrive par exemple, puissantes, du tendon quadricipital sur la pointe de
est normal à l’examen clinique alors que la mobilité pour un kyste osseux, un kyste essentiel ou un kyste la rotule et sur la tubérosité antérieure du tibia
de la hanche est rapidement diminuée pour la anévrysmal. La boiterie protège l’os fragilisé ; une (Osgood-Schlatter), du tendon d’Achille sur la
rotation interne, notamment en flexion. Lorsque le radiographie de l’ensemble des membres inférieurs tubérosité postérieure du calcanéum. Des douleurs
déplacement réciproque de l’épiphyse et du col trouve l’anomalie qui siège n’importe où, du bassin mécaniques et très localisées, un gonflement
fémoraux est encore faible, la radiographie des ou du col fémoral au tibia ou au pied. Le traitement inconstant suffisent au diagnostic ; échographie,
hanches de face paraît presque normale ; il faut dépend évidemment de la localisation de la lésion, radiographies sont habituellement superflues. Le
prêter attention à une diminution de hauteur de de sa nature précise, de son volume et de l’âge de traitement se résume à la diminution des activités
l’épiphyse, au faible débord de cette épiphyse l’enfant. Ainsi, le risque de fracture du col fémoral sur sportives.
au-dessus de la ligne qui prolonge le bord supérieur un kyste ou sur un foyer de dysplasie fibreuse peut
du col fémoral (ligne de Klein), à la concavité accrue conduire à pratiquer une ostéosynthèse protectrice
en complément du traitement de la lésion. Causes les plus fréquentes de boiterie
de la base de l’épiphyse, aux modifications de la
d’esquive :
trame de la métaphyse. À vrai dire, il faudra, au ¶ Ostéochondrite disséquante des condyles ✔ la SAT qui s’observe surtout entre
moindre doute, demander une radiographie du col fémoraux [5]
fémoral de profil ; elle permet de bien voir la bascule
3 et 6 à 8 ans ;
Elle touche habituellement la surface portante du
de l’épiphyse vers la face postérieure du col. À ce
✔ l’OPH qui s’observe surtout entre
condyle interne, en regard du massif des épines
stade précoce, lorsque le déplacement est faible, le tibiales. L’examen clinique est normal. Les
3 et 6 à 8 ans ;
traitement est simple et efficace : il consiste à fixer radiographies standards montrent le séquestre
✔ la DM qui s’observe dès l’âge de
l’épiphyse en place par une longue vis introduite osseux sous-chondral, son étendue et sa localisation 18 à 24 mois ;
dans le col à partir de la corticale sous- précise, mais ne renseignent pas sur l’état du ✔ l’EFS ;
trochantérienne. Le résultat est presque cartilage articulaire ; or, c’est essentiel. Lorsque le ✔ la nécrose épiphysaire fémorale
constamment bon. Il n’en est pas de même si l’on cartilage est intact et le reste, l’ostéochondrite peut supérieure ;
méconnaît l’épiphysiolyse et qu’elle s’aggrave guérir sans traitement ; c’est fréquemment le cas ✔ les lésions fragilisantes du bassin
lentement ou brusquement. chez l’enfant de moins de 12 ou 13 ans. Il ne faut ou des membres inférieurs (kyste
L’épiphysiolyse aiguë donne les signes d’une supprimer que les sports les plus rudes tant que la osseux par exemple) ;
fracture du col fémoral sans traumatisme réel ; son lésion est visible sur les radiographies ou si les ✔ l’ostéochondrite disséquante des
traitement par réduction fermée et par vissage est douleurs reprennent au moindre effort. Cela peut condyles fémoraux ;
fréquemment suivi de nécrose osseuse épiphysaire durer plusieurs mois et parfois plus de 1 an. ✔ les ostéochondroses, qui sont à la
ou d’enraidissement par nécrose cartilagineuse. Au contraire, si le cartilage articulaire est fendu, frontière de la pathologie.
Le traitement chirurgical d’un grand déplacement fissuré, le condyle se déforme et le fragment
épiphysaire progressif par ostéotomie dans le col ostéocartilagineux se détache parfois et file dans
Boiterie d’équilibration liée à une insuffisance
fémoral ou dans la région pertrochantérienne est l’articulation. Une intervention chirurgicale, de musculaire
également source de difficultés et des mêmes préférence par arthroscopie, est nécessaire pour
complications. La précocité du diagnostic est donc la refixer le fragment dans sa logette ou l’enlever. Cette ¶ Boiterie frontale de Duchenne de Boulogne (ou
boiterie d’épaule)
condition du bon avenir de la hanche. L’EFS touche évolution n’est pas exceptionnelle chez l’adolescent.
La luxation congénitale de hanche en était la
habituellement des enfants qui ont de 10 à 13 ou 14 L’état du cartilage articulaire, si important à
cause la plus fréquente. Bien que ce soit une
ans ; une EFS chez un enfant plus jeune, de 6 à 9 ans, connaître, est montré par arthroscopie, ou plus
affection acquise (une malposition fœtale en est le
encore loin du début de sa puberté, doit étonner et simplement par IRM.
mécanisme reconnu) et non une malformation, nous
faire chercher un déséquilibre endocrinien
¶ Excentration de la rotule n’en dirons pas plus car elle est décrite comme une
thyroïdien ou hypophysaire.
Occasionnelle, récidivante, elle est plus fréquente affection congénitale et dépistée dès la naissance
¶ Nécrose épiphysaire fémorale supérieure chez la fille que chez le garçon. Elle est parfois dans la majorité des cas.
Au même âge, pendant la puberté, une nécrose traumatique, mais plus souvent liée à une dysplasie La même boiterie peut révéler une coxa vara
épiphysaire fémorale supérieure, différente à la fois de la trochlée fémorale, à une mauvaise congruence infantile [2], une anomalie de forme de l’extrémité
de l’OPH du plus jeune enfant et de la nécrose de entre trochlée et rotule, à un déséquilibre musculaire supérieure du fémur dont l’origine est ignorée.
l’adulte, peut survenir sans aucune raison apparente. aux dépens du vaste interne. De vraies luxations L’examen montre la boiterie, une diminution de
Les signes radiologiques sont retardés de plusieurs latérales de la rotule ou des douleurs, une boiterie, l’abduction et une discrète inégalité de longueur aux
semaines sur les signes cliniques, et l’on ne pense révèlent l’instabilité permanente de la rotule ; celle-ci dépens du côté malade. Sur la radiographie du
pas toujours à demander une scintigraphie osseuse ; ne revient en bonne place qu’en flexion du genou, bassin, d’un ou des deux côtés, le col fémoral est en
celle-ci montre précocement un trou de fixation alors qu’elle quitte le fond de la trochlée en varus modéré, aux alentours de 90° ; il est court, et à
épiphysaire d’étendue variable d’un enfant à l’autre. extension, surtout lorsque le quadriceps se contracte. sa jonction avec l’épiphyse, la clarté du cartilage de
En l’absence de cause connue, il n’y a pas de Les radiographies standards sont suffisantes, de face, croissance se bifurque en Y renversé. Le même
traitement spécifique. Les ostéotomies de hanche, de profil, et en incidence fémoropatellaire, pour aspect peut succéder à toute maladie ayant diminué
fémorale de varisation et de rotation, pelvienne de confirmer l’excentration rotulienne et la dysplasie du la capacité de croissance de cette physe, un

3
8-0435 - Pathologie acquise du squelette

traumatisme, une infection osseuse, ou à l’utilisation


dans les premiers mois de la vie d’un moyen
Démarche anormale
d’abduction des cuisses (culotte, attelle, harnais) pour
une instabilité des hanches réelle ou supposée. À
côté de ces coxa vara pathologiques ou iatrogènes, il
existe aussi des coxa vara dont on ne retrouve pas la
cause ; ce sont elles que l’on appelle « infantiles ». Avec boiterie Sans boiterie
Le traitement de toutes les coxa vara est
identique : ostéotomie fémorale de valgisation qui
peut être réalisée à tout âge, ou épiphysiodèse du Esquive Équilibration Rotation Équin Inégalité de longueur
grand trochanter chez les enfants de moins de 5 ans.
Le choix d’une technique dépend de l’importance du
varus, de son aggravation éventuelle, de Traumatique Non traumatique Neurologique Temporaire ou
l’orientation du cartilage conjugal par rapport au Infirme moteur cérabral de cause locale
plan horizontal.
(Douleurs ou (Douleurs et
¶ Boiterie sagittale par insuffisance des extenseurs radiographies radiographies
de hanche explicites) non explicites)
Scintigraphie
Toute maladie qui paralyse ou affaiblit les
muscles extenseurs de la cuisse sur le bassin
Localisation
entraîne, lors de l’appui et de la marche, le rejet du
tronc en arrière. Les dystrophies musculaires en sont 2 Démarche anormale.
la cause habituelle puisqu’elles touchent d’abord et
surtout les muscles fessiers ; ce sont des affections
génétiques qui échappent au cadre de ce chapitre. déformation est fémorale et/ou tibiale. Tout doit être hanches pendant la période néonatale. La correction
Peu d’autres affections réalisent ce même tableau, si noté : antécédents traumatiques ou infectieux, de la déformation fémorale et de la différence de
ce n’est une paraplégie partielle périphérique, telle données de l’examen orthopédique et longueur est une décision orthopédique.
qu’on en observait dans les séquelles d’une neurologique... La marche sur la pointe des pieds conduit à des
poliomyélite antérieure aiguë et que l’on peut en Il serait fastidieux et illusoire de tenter d’établir réflexions du même ordre. Certains enfants, dès les
observer dans les suites compliquées de la cure une liste des affections acquises capables de laisser premiers pas ou plus tard, peuvent s’appuyer, au
chirurgicale d’une malformation cardiovasculaire comme séquelle de tels défauts de marche. Deux repos, sur leur talons, mais se mettent sur la pointe
dans l’enfance. Selon l’importance des paralysies et exemples serviront à illustrer la variété de ces causes, des pieds pour marcher. Si l’examen neurologique
les possibilités de marche, le traitement est très et à démontrer la primauté de l’examen et des est normal, cet enfant n’est pas IMC.
variable, de la grande orthèse de marche déductions cliniques.


thoracopédieuse au simple relève-pied, des ■ Un enfant de 5 ans marche « en dedans » à
ostéotomies correctrices de mauvaises positions aux droite comme à gauche ; il a en outre une discrète Remonter de la séquelle à la
transferts musculaires de suppléance. boiterie d’épaule bilatérale. Sa scolarité se déroule maladie causale éteinte
normalement. L’examen du tronc et des membres
supérieurs ne montre rien d’anormal. La rotation ‚ Enfant déformé
Les deux principales boiteries interne des hanches est très ample alors que la
rotation externe est nulle ; l’antétorsion fémorale Rachis et cou
d’équilibration sont :
✔ la boiterie frontale de Duchenne de mesurée cliniquement est forte. Surtout, les réflexes ¶ Scolioses [1]
Boulogne (ou boiterie d’épaule) ; achiléens et rotuliens sont vifs ; il y a un signe de La plupart des scolioses sont acquises, même si
✔ la boiterie sagittale par insuffisance Babinski bilatéral. Cet enfant a donc une diplégie leur origine génétique au moins partielle est admise.
des extenseurs de hanche. spastique, une infirmité motrice d’origine cérébrale Seules sont congénitales les scolioses dues à une
(IMC) jusqu’alors méconnue, d’autant que la malformation vertébrale.
naissance et l’accouchement avaient été normaux. Parmi les scolioses acquises, la majorité n’a pas de
‚ Enfant qui marche mal ■ Un enfant de 5 ans marche asymétriquement, cause actuellement décelable ; ce sont les scolioses
normalement à gauche mais en rotation externe à idiopathiques ou essentielles. D’autres ont une
Les différentes étiologies sont présentées dans la
droite. À l’examen clinique, on constate à droite que origine connue ; c’est le cas des scolioses survenant
figure 2.
la rotation interne de hanche est nulle alors que la chez des enfants atteints de neurofibromatose, de
rotation externe est très importante ; du même côté, maladie de Marfan, d’une autre maladie
Rotations et torsions [7]
le membre inférieur est un peu plus court. La dystrophique du tissu conjonctif, de l’os et du
L’enfant inquiète ses parents parce qu’il marche radiographie du bassin, de face et debout, confirme cartilage, ou d’une maladie neurologique. Dans ce
en rotation interne, la pointe des pieds ou les rotules l’inégalité de longueur par la bascule du bassin, en dernier chapitre, on trouvait surtout la poliomyélite
regardant en dedans ou en rotation externe, pointe permet la mesure au décalage en hauteur des têtes antérieure aiguë qui a pratiquement disparu dans les
des pieds ou rotules en dehors. Très souvent, ce n’est fémorales, et montre que le col fémoral droit est bref pays où la vaccination est généralisée. Ce sont
pas anormal. Ces « défauts » sont liés à l’importance et en varus anormal. Une radiographie de profil de la maintenant les infirmités motrices d’origine
de l’antétorsion fémorale ou au contraire à sa hanche montre que la tête fémorale est en position cérébrale, les encéphalopathies, les maladies
discrétion, à la torsion du squelette jambier selon anormale, antéversée, c’est-à-dire basculée en avant dégénératives du système nerveux central. À vrai
qu’elle est externe ou interne, faible ou importante. sur le col fémoral. En réinterrogeant les parents, on dire, toutes les affections neurologiques peuvent
Ils sont presque toujours constitutionnels, note que leur enfant a été mis, peu après la s’accompagner d’une scoliose ; mais de plus en plus
symétriques et bilatéraux, et nous n’avons alors pas naissance, dans une culotte d’abduction pour une souvent l’IRM décèle, alors que tout orientait sur une
à les décrire. Il faut pourtant examiner ces enfants probable instabilité de hanche. L’origine des troubles scoliose essentielle, une syringomyélie et, la
puisqu’il y a cependant parfois une cause acquise à est claire : la déformation du col fémoral, le défaut de surplombant, une malformation d’Arnold-Chiari.
ces démarches « rotatoires ». L’anomalie est aussi croissance qui en est l’origine, sont dus à l’abduction, Parfois, l’examen clinique avait permis de suspecter
bien uni- que bilatérale dans ces cas et la sans doute excessive, imposée par l’écartement des le diagnostic, car au lieu d’avoir sa convexité à droite

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Pathologie acquise du squelette - 8-0435

comme la majorité des scolioses thoraciques normales. Des clichés centrés, le scanner, l’IRM au asymétrique peut provoquer la survenue d’un valgus
idiopathiques, la scoliose était convexe à gauche, et besoin, permettent une bonne analyse des lésions. ou d’un varus, comme d’ailleurs d’un flexum ou d’un
l’examen neurologique avait décelé divers signes Une ponction dirigée par scanner est le moyen le recurvatum.
anormaux comme l’absence d’un ou des réflexes moins agressif pour trouver le germe responsable et C’est le cas, par exemple, d’une fracture
cutanés abdominaux, des troubles de la sensibilité disposer d’un diagnostic histologique. Le traitement métaphysaire haute du tibia, non déplacée,
cutanée, une dissociation thermoalgique. dépend alors de l’étendue des lésions osseuses, du ancienne et donc presque oubliée, responsable d’un
germe identifié, éventuellement des troubles valgus. C’est également le cas d’une tumeur bénigne
neurologiques provoqués par un abcès intracana- des métaphyses fémorale ou tibiale proche du
Comment affirmer le caractère
laire, une épidurite, une cyphose angulaire. Mis à genou, d’un ostéome ostéoïde par exemple, mais
structural d’une scoliose ?
part ces formes compliquées, les antibiotiques et aussi, d’une ostéomyélite subaiguë de même siège.
✔ Une gibbosité latérale, même
l’immobilisation par un plâtre sont le traitement de D’autres signes évoquent ces maladies : des
discrète, est visible à jour frisant
ces spondylodiscites infectieuses. douleurs de caractère nocturne et inflammatoire, les
lorsque l’enfant se penche en avant.
résultats des examens biologiques, d’une
✔ La déformation du rachis est ¶ Tumeurs du rachis ou du contenu du canal scintigraphie, des radiographies...
constante et se maintient pendant rachidien Cette réflexion concernant les déformations des
tout l’examen, quelle que soit la Elles endolorissent et enraidissent également le genoux peut être élargie aux déformations de toute
position imposée à l’enfant. rachis. La démarche est identique à celle utilisée pour autre articulation, de tout autre segment de membre,
Ces deux caractères sont confirmés localiser une tumeur osseuse : scintigraphie, scanner, que la déformation soit apparente ou qu’elle ne soit
par les radiographies de face du biopsie au trocart sous scanner ou à ciel ouvert. Les visible que sur les radiographies.
rachis. Une radiographie de profil est tumeurs malignes sont rares (sarcome d’Ewing ou Ces déformations ne sont pas toujours liées à une
utile pour préciser l’équilibre et la métastases de neuroblastome). Les tumeurs cause locale. Des troubles métaboliques, des
fréquente déformation sagittale de la bénignes les plus fréquentes sont l’ostéome ostéoïde maladies endocriniennes peuvent aussi en être
colonne vertébrale. et l’ostéoblastome qui guérissent par exérèse limitée. responsables. Une hyperparathyroïdie primaire par
Pour les tumeurs intracanalaires, l’examen adénome parathyroïdien, un rachitisme
Toute scoliose structurale peut s’aggraver, dès la neurologique guide l’IRM dans la localisation de la vitaminorésistant, un rachitisme carentiel commun
première enfance mais plus encore pendant la lésion. provoquent des déformations qui vont en général
puberté. Ce n’est cependant pas une loi absolue et dans le sens de ce qui est normal à l’âge de l’enfant :
¶ Torticolis acquis [4] genu varum chez un nourrisson, mais genu valgum
certaines scolioses n’évoluent pas ou cessent de
Ils peuvent être considérés comme des scolioses chez un enfant plus âgé. La déformation est
s’aggraver lorsqu’elles atteignent 20 à 25°, mesurés
du rachis cervical ou comme le prolongement bilatérale, parfois asymétrique. L’examen somatique
selon la méthode de Cobb. Seule la surveillance
cervical de certaines scolioses idiopathiques. Les complet, les perturbations biologiques, les anomalies
régulière de l’enfant, bi- ou triannuelle selon son âge,
torticolis raides et douloureux sont, comme les de la trame osseuse décelées sur les radiographies
permet de le savoir et de décider si un traitement est
scolioses, l’expression d’une infection rachidienne ou orientent vite vers la cause précise. Le traitement de
nécessaire. Si l’angulation progresse, atteint ou
d’une tumeur ; parmi celles-ci, il ne faut pas oublier cette cause et le rétablissement d’un équilibre
dépasse 20° ou 25°, il faut prescrire un corset ; il est
porté à temps plein, au moins au début, et jusqu’à la les tumeurs de la fosse postérieure. biologique normal suffisent souvent à guérir les
fin de la croissance s’il se confirme que la scoliose déformations osseuses, mais ce n’est pas constant ;
continue à s’aggraver au moindre relâchement du Membres inférieurs une ostéotomie corrigerait la séquelle.
traitement. Pour parler de maladie de Blount à l’origine d’un
¶ Genu valgum - genu varum [7]
Le traitement chirurgical n’est envisagé que pour genu varum, il faut que le petit enfant soit de race
L’arcature fémorale et tibiale en varus est
des déformations importantes, atteignant 40° ou noire, que la déformation, uni ou bilatérale,
caractéristique du nourrisson. Le genu valgum tibial
50°, et dont on prévoit qu’elles seront mal symétrique ou pas, soit liée à une dystrophie de la
de l’enfant disparaît spontanément avant 10 ans.
supportées à l’âge adulte, que peut-être même elles partie interne de l’épiphyse, de la physe, de la
Pendant la croissance pubertaire, un genu valgum
s’aggraveront au-delà de la fin de la croissance. Ces métaphyse tibiales supérieures, évidente sur les
peut réapparaître, qui n’est plus tibial mais fémoral,
lourdes interventions de correction et d’arthrodèse radiographies. Une orthèse peut suffire au début,
et dont il est difficile de dire, lorsqu’il est important,
étendues du rachis ne sont pas dénuées de risques mais une ostéotomie correctrice est vite nécessaire ;
s’il est normal ou s’il mérite correction. Le tibia varum
et de complications neurologiques ; elles ne peuvent elle sera parfois à renouveler du fait de récidives.
pose rarement la même question, car il est très tardif,
être décidées qu’après réflexion et sous couvert de Une déformation moins importante peut survenir
n’apparaît que peu de mois avant la fermeture
multiples précautions : examen cardiaque, étude des chez l’adolescent, dont la relation avec le genu
complète des cartilages de croissance, et n’est donc
fonctions respiratoires, examen des potentiels varum constitutionnel est possible.
que rarement accessible à un agrafage physaire
évoqués avant et surtout pendant l’intervention,
lorsqu’on l’estime excessif. Il apparaît donc une zone Membres supérieurs
autotransfusion programmée.
d’incertitude, chez l’enfant mais surtout chez
Des déformations de causes diverses
l’adolescent, où il est parfois difficile de savoir si un
Devant une scoliose s’accompagnant (traumatisme, infection, maladie métabolique ou
varus ou un valgus important des genoux est
endocrinienne) peuvent toucher les membres
de raideur et de dorsalgies, il faut normal et tolérable, ou excessif et donc à corriger.
supérieurs. Elles conduisent à moins d’indications
toujours évoquer une infection Nous sommes là aux frontières de la pathologie.
opératoires qu’aux membres inférieurs, soumis à
rachidienne ou une tumeur. Il y a, bien sûr, des varus et des valgus de genoux l’appui, car elles sont en général moins gênantes et
La tuberculose n’est plus certainement pathologiques, et à toute phase de la plus discrètes. La démarche diagnostique et les
exceptionnelle et il faut y penser croissance. Une déformation qui choque par son décisions de traitement sont strictement les mêmes
comme aux autres infections à germes importance, qui est unilatérale ou très asymétrique, que pour les déformations des membres inférieurs.
banals ou rares. n’est probablement pas physiologique : il faut lui
trouver une cause. D’autres éléments de ‚ Enfant asymétrique
¶ Infections rachidiennes l’interrogatoire et de l’examen clinique peuvent être
En cas d’infection, la scintigraphie est d’une utiles dans cette recherche car tout ce qui freine ou Inégalités de longueur (ILMI) [7]
grande aide pour localiser la vertèbre malade accélère le fonctionnement d’un cartilage de Ce chapitre concerne surtout les membres
lorsque les radiographies standards semblent croissance de façon symétrique ou surtout inférieurs. Pour découvrir la cause des ILMI, les

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8-0435 - Pathologie acquise du squelette

renseignements recueillis par l’interrogatoire des après une phase d’aggravation ; ceci correspond, par disparition complète d’une ou de plusieurs physes
parents, l’examen clinique et l’examen radiologique exemple, à l’accélération temporaire de croissance rend le calcul aisé même sans courbe de
sont importants. Parmi ces causes, retenons les que provoque une fracture diaphysaire ou croissance, sans surveillance prolongée, puisque le
traumatismes parfois méconnus ou oubliés, les métaphysaire banale, un ostéome ostéoïde ou une pourcentage dévolu à chaque cartilage conjugal
infections osseuses connues ou masquées par des ostéomyélite métaphysaires. Dès que la cause a dans la croissance en longueur est connu ; pour ne
antibiotiques, détruisant totalement ou en partie une disparu, l’ILMI qui s’était aggravée jusqu’alors, se prendre qu’un exemple, la physe fémorale
physe. stabilise ; elle restera inchangée jusqu’en fin de inférieure assure 70 % de la croissance du fémur. Il
Le mode évolutif d’une différence de longueur croissance. La connaissance de ces lois évolutives faut seulement avoir à portée de main la
acquise diffère de celui des inégalités malformatives. des ILMI permet de bâtir un projet de traitement très mensuration radiographique des membres
Pour ces dernières, le pourcentage de longueur ou tôt et d’utiliser à bon escient les épiphysiodèses, inférieurs, l’évaluation de l’âge osseux, des tables
d’inégalité de longueur est constant tout au long de isolément ou associées aux autres techniques de donnant avec les moyennes et les écarts-type, les
la croissance. Cette loi s’applique aussi, avec peu de traitement des ILMI (allongements ou plus rarement longueurs des fémurs et des tibias pour tous les
risques d’erreur, aux ILMI dont la cause remonte aux raccourcissements). Dans un grand nombre de cas, il âges (celles de Green et d’Anderson sont les plus
premiers mois de la vie. En règle, cependant, le est impossible de prévoir dès le premier examen ce utilisées). La tâche est plus difficile lorsque la
pourcentage d’ILMI n’est pas constant mais croissant que sera, à la fin de la croissance, une ILMI acquise. disparition de l’activité d’une physe est incertaine
pour la plupart des ILMI acquises dont le mécanisme La surveillance clinique et les mesures ou incomplète ou asymétrique. L’IRM n’est
est permanent (lésion définitive d’une ou de radiologiques annuelles (par téléradiographie), d’aucune utilité pour évaluer cette activité ; la
plusieurs physes). Si le mécanisme de la différence permettent de tracer la courbe de croissance des scintigraphie osseuse est la seule méthode
de longueur s’épuise, la différence de longueur os longs, et d’évaluer ainsi la future ILMI. Mais les dynamique utile. La courbe évolutive, bâtie par les
absolue reste constante et son pourcentage décroît prévisions ne sont pas toujours aussi simples. La examens de surveillance, reste essentielle.

Henri Carlioz : Praticien hospitalier, professeur des Universités,


hôpital Armand-Trousseau, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75012 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Carlioz. Pathologie acquise du squelette.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0435, 1998, 6 p

Références

[1] Dimeglio A. La scoliose idiopathique. Paris : Masson, 1996 : 1-438 [5] Mallet JF, Lechevallier J. Chirurgie et orthopédie du genou de l’enfant. Mont-
pellier : Sauramps, 1993 : 1-313
[2] Filipe G, Damsin JP. Chirurgie et orthopédie de la hanche de l’enfant. Mont-
pellier : Sauramps, 1991 [6] Morin C, Herbaux B. Les infections ostéoarticulaires de l’enfant. Montpel-
lier : Sauramps, 1995 : 1-255
[3] Lascombes P, Lefort G. Les tumeurs osseuses bénignes de l’enfant. Montpel-
lier : Sauramps, 1996 : 1-286 [7] Staheli LT. Fundamentals of pediatric orthopedics. New York : Raven Press,
1992
[4] Mallet JF, Lechevallier J. Chirurgie et orthopédie du rachis cervical de l’en-
fant. Montpellier : Sauramps, 1993 : 1-164

6
8-0450

8-0450
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Scoliose idiopathique

C Karger

M algré des avancées déterminantes dans la compréhension de ses mécanismes étiologiques et de son
évolution naturelle, la scoliose est loin d’avoir livré tous ses secrets, ce qui lui vaut de mériter aujourd’hui
encore son qualificatif d’idiopathique.
© Elsevier, Paris.


Introduction

Il semble acquis que cette déviation rachidienne,


Tableau I. – Critères de définition d’une sco-
liose structurale.

– Déviation latérale non réductible en décubitus


Tableau II. – Principales étiologies des scolio-
ses secondaires.

Scolioses congénitales par malformation


évolutive et tridimensionnelle, caractérisée par une – Rotation vertébrale dont la conséquence est vertébrale
inflexion antérolatérale et une rotation vertébrale, la gibbosité Scolioses neuromusculaires
– Perturbation de l’équilibre sagittal, la scoliose Atteintes du motoneurone supérieur :
soit la conséquence d’un dysfonctionnement génère la lordose – infirmité motrice cérébrale (paralysie
neurohormonal des centres de régulation de cérébrale)
l’équilibre. L’analyse de l’évolution naturelle nous – neuropathies sensitivomotrices (maladie
apprend qu’une partie seulement des scolioses va de Friedreich, syndrome de Charcot-Marie-Tooth)
connaître une aggravation angulaire pendant la – syringomyélie et tumeur médullaire
croissance, ce critère d’évolutivité étant, de ce fait, – traumatisme médullaire
obligatoirement requis avant d’entreprendre un Atteintes du motoneurone inférieur :
traitement. Les anciens modèles thérapeutiques – poliomyélite et autres myélites virales
– amyotrophies spinales
reposaient de manière simpliste sur la mesure
– myéloméningocèle
angulaire dans le plan frontal ; ils ont été affinés par Atteintes du muscle :
une meilleure connaissance du devenir des scolioses – dystrophies musculaires
à l’âge adulte qui se détermine par la topographie – arthrogrypose
des courbures et le déséquilibre sagittal qu’elles Scolioses des maladies génétiques
occasionnent. Les immenses progrès réalisés en – neurofibromatose de von Recklinghausen
matière de dépistage précoce ont permis d’améliorer – maladie de Marfan et syndrome d’Ehlers-Danlos
significativement les résultats des traitements – ostéogenèse imparfaite et autres maladies
orthopédiques et de rendre plus rare le recours à la
osseuses constitutionnelles
Scolioses inflammatoires et tumorales
chirurgie. – ostéome ostéoïde
– tumeurs osseuses vertébrales primitives


ou secondaires
Démarche clinique
radiographique confirme aisément la bascule du
bassin et l’absence de rotation vertébrale. Le port
‚ Comment découvrir une scoliose ? d’une talonnette est habituellement recommandé
Les déviations rachidiennes de l’enfant et de lorsque l’inégalité de longueur excède 10 mm. Il est
l’adolescent sont habituellement indolores, à tel important de rassurer la famille en leur confirmant
point que l’existence de douleurs doit impérati- qu’il n’y a jamais de transformation d’une attitude
vement faire rechercher une étiologie spécifique, scoliotique en scoliose structurale, et que les vraies
inflammatoire, tumorale ou dystrophique. De ce fait, 1 Attitude scoliotique par déséquilibre pelvien scolioses ne sont pas influencées par des altérations
ce sont essentiellement des modifications et raccourcissement du membre inférieur droit. Réé-
posturales, par le port du sac d’école ou par la
morphologiques qui attirent l’attention du médecin quilibration par planchette de compensation.
pratique d’un sport asymétrique comme le tennis.
ou des parents : asymétrie du pli de la taille,
déséquilibre des épaules, gibbosité en position Il convient ainsi de distinguer la scoliose de ‚ Est-ce bien une scoliose idiopathique ?
penchée en avant, ou creux interscapulaire par l’attitude scoliotique, créée par des facteurs Après avoir affirmé le caractère structural de la
inversion de la cyphose thoracique. extérieurs comme l’inégalité de longueur des scoliose, il est essentiel d’éliminer l’hypothèse d’une
membres inférieurs qui induit un déséquilibre déviation secondaire à une autre pathologie, par un
‚ Est-ce bien une scoliose ? pelvien et une inflexion rachidienne. Ce déséquilibre examen clinique et, en particulier, neurologique
Pour affirmer qu’une déviation rachidienne est du bassin est visualisé par l’asymétrie de hauteur des approfondi (tableau II).
© Elsevier, Paris

une scoliose, il faut réunir les trois critères cliniques crêtes et des épines iliaques. La rééquilibration du ■ L’existence de douleurs persistantes doit faire
qui définissent les courbures structurales (tableau I) : bassin par des planchettes de hauteur variable fait rechercher une pathologie inflammatoire, tumorale
– déviation latérale non réductible en décubitus ; disparaître l’inflexion du dos (fig 1). Il n’y a, dans ce ou dystrophique. L’ostéome ostéoïde, la
– rotation vertébrale à l’origine de la gibbosité ; contexte, jamais de gibbosité en flexion, ni de spondylodiscite ou toute autre tumeur vertébrale ou
– perturbation de l’équilibre sagittal. courbure résiduelle en décubitus. Le bilan médullaire peuvent se manifester par une scoliose

1
8-0450 - Scoliose idiopathique

2 Bilan clinique d’une scoliose idiopathique.


A. Vue de dos.
B. Vue en flexion antérieure.
C. Mesure de hauteur de gibbosité avec règle horizontale.
D. Mesure de pente gibbositaire angulaire par scoliomètre.
E. Vue de profil, creux interscapulaire par lordose thoracique.

A C

B D E

douloureuse qui nécessite le recours à une imagerie Marfan ou d’Ehlers-Danlos s’accompagnent de des épaules et la symétrie des plis de la taille. Des
complémentaire, imagerie par résonance scolioses quelquefois révélatrices de l’affection et il mouvements d’inclinaison vers la droite et la gauche
magnétique (IRM), scintigraphie et scanner pour convient d’entreprendre les bilans appropriés, en peuvent apprécier la réductibilité clinique de la
visualiser ces lésions. particulier cardiaque et ophtalmologique. Enfin, scoliose et repérer les zones de raideur.
■ Des signes radiculaires, troubles de la l’existence de multiples taches « café au lait » peut
sensibilité ou dysfonctionnements sphinctériens, faire évoquer une neurofibromatose de von Il est ensuite demandé au patient de se pencher
des anomalies de l’équilibre ou de la coordination Recklinghausen. en avant en laissant les membres supérieurs pendre
sont autant de signes d’appel qui peuvent coexister librement. Cette position permet d’évaluer la
avec une scoliose débutante et qui doivent faire ‚ Examen clinique d’un enfant scoliotique souplesse par la mesure de la distance doigts-sol, et
rechercher une pathologie neurologique occulte. surtout de visualiser la gibbosité qui caractérise la
L’interrogatoire du patient et de sa famille cherche
L’asymétrie du réflexe cutané abdominal peut être le structuralité de la scoliose (fig 2B). Cette gibbosité
à préciser les modalités d’installation et la rapidité
premier signe d’une syringomyélie, surtout en cas de illustre la rotation vertébrale qui élève les côtes
d’évolution de la déformation. L’enfant sera
scoliose thoracique convexe à gauche, alors que la convexes et abaisse les côtes concaves. Deux
questionné sur sa pratique sportive et ses
plupart des courbures sont droites. L’examen par techniques de mesure sont utilisées. La première
IRM devient incontournable pour confirmer la performances à l’effort, en particulier sur le plan
détermine la différence de hauteur du sommet de la
syringomyélie et visualiser une éventuelle respiratoire. L’existence d’autres cas de scoliose est
gibbosité par rapport au point symétrique de la
malformation associée d’Arnold-Chiari, notion recherchée dans les antécédents familiaux.
concavité. La mesure se fait par une règle et un
essentielle à connaître surtout si un traitement par Le patient est d’abord examiné de dos, en niveau à eau (fig 2C). L’autre technique, plus récente,
traction est envisagé. D’autres pathologies position debout (fig 2A). utilise un « scoliomètre » qui détermine la pente
neurologiques s’accompagnent de scoliose : Le test au fil à plomb permet de vérifier l’équilibre angulaire de la gibbosité par un niveau à bille
dystrophies musculaires, infirmité motrice cérébrale, de la courbure. Le fil est positionné en regard de (fig 2D).
neuropathies sensitivomotrices héréditaires l’apophyse épineuse de C7 et la scoliose est dite
(Friedreich ou Charcot-Marie-Tooth). équilibrée si l’axe vertical passe par le sillon L’enfant est ensuite positionné de profil (fig 2E)
■ L’examen de l’élasticité cutanée et la interfessier. Dans le cas contraire, la distance entre le pour analyser l’équilibre sagittal de son rachis,
recherche d’une laxité ligamentaire font partie du fil et le sillon mesure la déviation de l’axe occipital donnée capitale pour la détermination du pronostic
bilan étiologique des scolioses. Ainsi, les maladies de (DAO). L’examen apprécie aussi le positionnement de la scoliose. La colonne vertébrale normale

2
Scoliose idiopathique - 8-0450

3 La gibbosité résulte d’une plicature costale secondaire à la rotation vertébrale, combinée au déplacement
antérieur du segment scoliotique.

comporte trois courbures harmonieuses dans le plan


sagittal : la lordose cervicale, la cyphose dorsale et la
lordose lombaire.
Le fil à plomb va là encore servir à quantifier ces
courbures par la mesure des flèches cervicales et
lombaires qui représentent la distance de l’axe
vertical au sommet des lordoses lorsque le fil arrive
au contact du sommet de la cyphose thoracique :
– dans le cadre d’une scoliose thoracique, la
déformation tridimensionnelle perturbe l’équilibre
sagittal dans le sens de la lordose, ce qui crée le dos
plat ou dos creux thoracique (fig 3) ;
– en zone lombaire, la scoliose peut là aussi
accentuer la lordose physiologique, mais on
retrouve plus souvent des cyphoses anormales, à la 5 Mesure de l’angle de scoliose selon la méthode
jonction de deux courbures lordosées, en particulier de Cobb. La courbure thoracique a T4 et T10 comme
au niveau de la charnière dorsolombaire. vertèbres limites et T7 comme sommet. L’angle est
mesuré à 43°. La courbure lombaire est étendue entre
L’examen se termine en position de décubitus
T11 et L3, avec un sommet en L1. L’angle est de 34°.
dorsal et ventral. En plus du bilan étiologique déjà
mentionné, il est utile de rechercher des rétractions
tendinomusculaires aux membres inférieurs. Ces l’horizontale. Le segment de courbure limité par ces
rétractions, qui concernent surtout les fléchisseurs de deux niveaux inclut des vertèbres dont la rotation se
hanche et les ischiojambiers, peuvent avoir une fait dans le même sens. La mesure angulaire selon la
influence sur l’équilibre sagittal du rachis, par le biais méthode de Cobb consiste à tracer deux lignes
du bassin sur lequel ils s’attachent. En décubitus passant par le plateau supérieur de la vertèbre limite
ventral, il est possible d’apprécier la réductibilité de la haute et par le plateau inférieur de la vertèbre limite
scoliose après élimination de l’effet de la pesanteur. basse, puis de mesurer l’angle entre ces deux lignes
(fig 5).

Il est essentiel de conserver les mêmes vertèbres


Bilan radiographique
limites lors des contrôles ultérieurs pour établir une
comparaison fiable. Le repérage de la vertèbre
sommet de la courbure, où siège la rotation
maximale, permet d’établir le sens de la convexité,
L’examen radiographique initial d’une scoliose se droite ou gauche, ainsi que la classification
fait par des incidences de colonne en entier (format topographique du segment concerné en thoracique
30 × 90) de face et de profil en position debout. La (sommet supérieur à T12), lombaire (sommet
vue de face (fig 4) permet de mesurer l’angle de inférieur à L1), ou encore thoracolombaire lorsque ce
chaque composante ou segment de la scoliose ainsi sommet siège en T12 ou L1 (tableau III). La rotation
que sa rotation. Pour délimiter un segment de 4 Bilan radiographique d’une scoliose idiopathi- vertébrale est déterminée par la projection de
courbure, il faut identifier les vertèbres extrêmes ou que. Vue de face en incidence « ventre contre plaque », l’image des pédicules au sein du rectangle
l’ombre cardiaque se projette à gauche.
limites qui sont les plus inclinées par rapport à correspondant au corps vertébral. Selon l’importance

3
8-0450 - Scoliose idiopathique

Tableau III. – Classification topographique des


scolioses.

Cervicale : sommet entre C1 et C6


Cervicothoracique : sommet entre C7 et T1
Thoracique : sommet entre T2 et T11
Thoracolombaire : sommet entre T12 et L1
Lombaire : sommet entre L2 et L4
Lombosacrée : sommet entre L5 et S1

de la rotation, la projection du pédicule convexe se


déplace progressivement vers la ligne médiane, ce
qui permet de quantifier cette rotation en quatre
stades. La vertèbre neutre est définie par l’absence
de rotation ; elle se confond souvent avec la vertèbre
limite, à la jonction de deux segments de courbure
de convexité opposée.
L’incidence de profil (fig 6) est destinée à analyser
l’équilibre sagittal du rachis. La cyphose thoracique,
mesurée selon la méthode de Cobb entre T3 et T12,
se situe en moyenne entre 20 et 40°. La lordose
lombaire, analysée selon les mêmes principes entre
L1 et L5, se mesure entre 20 et 40°. Cette incidence
contribue à analyser la morphologie vertébrale et
permet ainsi de visualiser une dystrophie de
Scheuermann, une lyse isthmique de L5 ou des
anomalies de la charnière craniocervicale, à
confirmer par des incidences centrées.

A B
7 Incidences de réductibilité en bending.
A. En inclinaison droite.
B. En inclinaison gauche.

La surveillance radiographique d’une L’exploration par IRM est motivée par


scoliose doit s’adapter au potentiel la recherche d’une pathologie
évolutif de la courbure pour tenir médullaire, en particulier la
compte des impératifs de syringomyélie et la malformation
radioprotection. Ainsi, le protocole d’Arnold-Chiari, qui sont volontiers
habituellement retenu est une retrouvées dans les scolioses
radiographie de face tous les 6 mois, thoraciques convexes à gauche. Cet
sauf en période de forte croissance examen est indispensable en cas
rachidienne pendant laquelle un d’anomalies de l’examen
intervalle de 4 mois semble préférable. neurologique, ou de courbure à forte
La radiographie de profil n’est utile angulation et évolutivité, en particulier
qu’en cas de survenue de symptômes avant d’entreprendre un traitement
douloureux ou pour contrôler un orthopédique ou chirurgical.
déséquilibre sagittal majeur.

Sur le plan technique, il est recommandé que


l’incidence de face soit réalisée thorax contre la
plaque pour éviter l’irradiation des seins, des

Bilan pronostique et évolutif

‚ Critères d’évolutivité avant maturité


gonades et des thyroïdes. Une protection plombée osseuse [3, 4, 6, 8, 10]
peut également être utilisée. Lorsqu’une scoliose est dépistée, aucun élément
Le bilan préthérapeutique comporte l’analyse de clinique ou radiographique ne permet d’affirmer
qu’elle sera évolutive. Il devient dès lors
la réductibilité de la scoliose par des incidences en
indispensable d’établir un pronostic d’évolutivité
bending. Il s’agit de radiographies prises en position
avant d’entreprendre un traitement. La mise en
couchée, en forte inclinaison droite, puis gauche
place d’un corset n’est donc pratiquement jamais
(fig 7A, B). La comparaison entre les angles au repos
proposée lors de la première consultation, sauf dans
et en position de bending définit le coefficient de
les cas évolués, ce qui permet de vérifier
réductibilité. Si ce coefficient dépasse 50 %, la
l’aggravation éventuelle lors d’un prochain bilan
courbure est dite souple.
clinique et radiographique, 4 à 6 mois plus tard.
Une radiographie en traction ou suspension Plusieurs critères interviennent dans l’établis-
6 Téléradiographie du rachis en entier de profil.
aboutit au même résultat. sement du pronostic d’une scoliose.

4
Scoliose idiopathique - 8-0450

Tableau IV. – Évolutivité potentielle des scolio-


ses selon l’âge.

Risque évolutif
Âge
(%) 2 3 4 5
10 à 12 ans 88
1
12 à 15 ans 56
plus de 15 ans 29

Il a été établi que l’aggravation angulaire était


contemporaine de la période de croissance 9 Test de Risser en cinq stades. L’ossification de la crête iliaque débute au niveau de l’épine iliaque
rachidienne. Ainsi, les scolioses les plus évolutives antérosupérieure et progresse vers l’arrière. Risser 1 : ossification du premier tiers ; Risser 2 : ossification
sont celles qui sont dépistées à un âge jeune du deuxième tiers ; Risser 3 : ossification du troisième tiers ; Risser 4 : début de soudure de l’épiphyse à l’os
(tableau IV). Entre 10 et 12 ans, 88 % des scolioses iliaque ; Risser 5 : soudure complète.
ont un risque évolutif, alors que ce risque chute à
56 % entre 12 et 15 ans, et à 29 % après 15 ans. trois stades de développement de l’épiphyse iliaque ■ La scoliose idiopathique touche préférentiel-
Cela signifie que moins d’un tiers des scolioses en trois tiers de dehors en dedans, et deux stades de lement le sexe féminin, avec un ratio de 8/2 pour les
dépistées à l’adolescence vont être évolutives ! Il est fermeture du cartilage de croissance en deux moitiés courbures de plus de 30°. Les scolioses des garçons
donc essentiel de connaître le degré de maturation de dedans en dehors (fig 9). Dix-huit mois sont ont la réputation d’être plus longtemps évolutives
squelettique et le potentiel de croissance résiduelle habituellement nécessaires pour passer de Risser 1 à que celles des filles, mais aucune étude n’a pu établir
lorsque la scoliose est vue pour la première fois. Risser 4 chez les filles, la période d’évolutivité de différence de sévérité liée au sexe. Enfin, 30 %
Le début de la puberté correspond à une forte maximale de la scoliose se situant à Risser 0 et 1. des patients scoliotiques ont un parent atteint de la
accélération de la croissance rachidienne [2], dont Lorsque le stade 4 est atteint, la croissance du dos et même affection.
l’évolution est superposable à la courbe la phase d’aggravation de la scoliose sont
considérées comme terminées, ce qui permet le ‚ Évolution et pronostic à l’âge adulte [1]
d’aggravation angulaire (fig 8). La détermination de
ce point d’accélération de croissance du dos (point P) sevrage des traitements orthopédiques. Chez le Les principes thérapeutiques des scolioses en
est donc essentielle pour anticiper le pronostic et garçon, le test de Risser apparaît moins fiable parce période de croissance ont été récemment influencés
adapter la surveillance et le traitement. que l’ossification iliaque débute plus précocement par une meilleure connaissance de l’histoire
■ L’apparition des règles est un mauvais critère par rapport à la croissance restante. naturelle pendant la vie adulte. Ainsi, lorsqu’un
car beaucoup trop tardif par rapport à la poussée de Le potentiel d’aggravation d’une scoliose dépend traitement chirurgical est évoqué en fin de
croissance. Sur le plan clinique, le meilleur repère est également de l’importance de l’angulation lors du croissance, c’est essentiellement face à des
certainement la courbe de taille debout et de taille dépistage. Ainsi, les courbures de plus de 20° sont arguments d’aggravation et de dégradation futures,
assise, qui permet de repérer l’accélération de deux fois plus souvent évolutives que celles de 15°. alors que la scoliose reste globalement bien tolérée
croissance au niveau du dos, alors que la croissance Le risque d’aggravation de 10° est estimé à 30 % et asymptomatique au moment où la chirurgie est
des membres inférieurs commence à ralentir. pour les angles de 20 à 30°, et de 67 % pour les proposée.
■ L’apparition des premiers caractères sexuels, angles de 40 à 50°. Tous ces facteurs peuvent être Chez l’adulte, les courbures laissées à moins de
l’accentuation du volume des seins ou des testicules combinés entre eux ; par exemple, des scolioses de 30° à maturité osseuse ont très peu de risques
et le développement des sites pileux traduisent bien 20 à 29° vues à Risser 0 ou 1 ont un risque d’aggravation future. Les localisations thoraciques
le début de la poussée de croissance du rachis. d’aggravation estimé à 68 % (tableau V). supérieures à 50° progressent d’environ 1°/an. Les
Radiographiquement, l’âge osseux est utile pour Enfin, le pronostic d’une scoliose dépend lombaires de plus de 30° sont habituellement
apprécier la maturation squelettique, en particulier également de sa topographie [3]. évolutives et invalidantes par décompensation
par l’apparition du sésamoïde du pouce qui marque ■ Les courbures thoraciques (25 %) sont presque arthrosique et dislocation rotatoire. Parmi celles-ci,
le début de la puberté. L’ossification de l’épiphyse de toujours dextroconvexes, avec une forte gibbosité et les formes dorsolombaires T11-L3 déséquilibrantes
l’aile iliaque est un repère très utilisé par les une asymétrie thoracique antérieure. Elles débutent ont le plus mauvais pronostic. La première grossesse
« scoliologues » pour déterminer la période tôt et sont rapidement évolutives. Elles peuvent est souvent considérée comme le facteur
d’évolutivité résiduelle. Ainsi, le test de Risser retient altérer les performances respiratoires si elles déclenchant de la décompensation douloureuse. Les
s’accompagnent d’une lordose thoracique. complications cardiorespiratoires sont plus rares et
■ Les scolioses thoracolombaires (20 %) sont apparaissent tardivement pour des lordoscolioses
Angle 110 Vitesse volontiers déséquilibrantes, en particulier dans leur thoraciques à forte angulation, approchant 100°. La
Risser 5 10
100 de croissance forme T11-L3 qui peut être rapidement évolutive. survenue de lombalgies, qui concerne plus de 50 %
9 du tronc
90 ■ Les scolioses lombaires (25 %) sont souvent de la population générale, ne semble pas plus
80 8 (cm/an)
sinistroconvexes. Elles créent une asymétrie de taille, fréquente pour des patients porteurs de scoliose. Les
70 7
mais la gibbosité est en général discrète. Elles sont répercussions psychologiques de l’altération
60 6
50 5 réputées bénignes car leur début est tardif et esthétique du tronc, souvent importantes pendant
40 4 l’angulation reste souvent modérée et peu évolutive. l’adolescence, sont diversement appréciées dans la
30 P 3 Toutefois, leur pronostic est plus défavorable à l’âge population adulte, selon les séries publiées.
20 2 adulte, en particulier si l’angle final excède 30°.
10 1 ■ Les scolioses doubles majeures (30 %)


0 (habituellement thoracique droite et lombaire
5 10 15 20 Méthodes thérapeutiques
Âge gauche) sont souvent équilibrées et esthétiquement
discrètes. Leur évolutivité est moyenne et la
8 Profil évolutif des scolioses selon Duval-Beaupère.
tolérance à l’âge adulte habituellement bonne.
La courbe en pointillés représente la vitesse de crois- ‚ Rééducation fonctionnelle
sance du rachis (en cm/an). La courbe en trait plein Beaucoup de controverses persistent quant à la
Tableau V. – Évolutivité potentielle des scolio-
visualise l’évolution angulaire de la scoliose en fonc- place de la rééducation fonctionnelle dans le
ses selon l’angle et le Risser.
tion de l’âge. L’aggravation liée au début de la pu- traitement des scolioses. Sur le plan scientifique,
berté se fait parallèlement au pic d’accélération Risser 0-1 Risser 2-4 aucune étude n’a pu démontrer que la kinésithé-
de croissance vertébrale. La surveillance doit être Angle
(%) (%) rapie était en mesure de modifier l’évolution
resserrée au passage du point P qui marque le début naturelle d’une scoliose, et en particulier d’arrêter
de l’inflexion de la courbe. À partir de Risser 4, < 20° 22,2 1,6
20-29° 68 22,9 l’aggravation angulaire. Pour cette raison, la
la courbe s’infléchit en plateau et l’angle se stabilise.
kinésithérapie n’est plus considérée comme une

5
8-0450 - Scoliose idiopathique

méthode de traitement des scolioses évolutives. En


revanche, la rééducation peut et doit être utilisée en
complément d’autres méthodes orthopédiques ou
chirurgicales, ou pour améliorer un problème
postural associé à la scoliose. Le kinésithérapeute a
par ailleurs un rôle essentiel à jouer dans
l’accompagnement psychologique du patient
scoliotique et dans l’acceptation de traitements
contraignants par plâtres ou corsets. Le travail de
renforcement musculaire et l’apprentissage de la
respiration abdominodiaphragmatique contri-
bueront à faciliter la tolérance au port du corset.

‚ Méthodes orthopédiques
Principes et mécanismes d’action
Les plâtres et corsets orthopédiques ont pour
objectif de réduire l’angulation scoliotique et de
remodeler la déformation gibbositaire, sans
perturber l’équilibre sagittal du rachis. Ils agissent par
des forces de distraction longitudinale et par des
appuis transversaux qui sont transmis à la colonne
par l’intermédiaire des côtes en zone thoracique et
des transverses lombaires. Ces forces transversales
exercent un effet « trois points » en associant une ou A
plusieurs « mains d’appui » équilibrées par des
contre-appuis et des chambres d’expansion.

Méthodes de réduction par appareils plâtrés


La technique de correction des scolioses par
plâtre EDF (élongation, dérotation, flexion) a été mise
au point en France en 1964. Même si le recours à
une correction plâtrée reste habituellement réservé
aux scolioses sévères et raides, les principes de la
méthode EDF sont d’utilisation courante pour le
moulage préalable à la fabrication de la plupart des
orthèses et corsets.
La réduction de la scoliose se fait sur une table
permettant d’exercer une élongation par traction
axiale entre la tête et le bassin, et d’appliquer des
forces de translation et de dérotation du tronc à
l’aide de bandes toilées. Après application du plâtre,
les bandes de dérotation sont repositionnées afin de
pérenniser la correction pendant le séchage
(fig 10A). Des fenêtres sont aménagées pour créer
des chambres d’expansion diamétralement
opposées aux zones d’appui sur les reliefs
gibbositaires (fig 10B). Ainsi, les forces de pression et
de dérotation appliquées par l’intermédiaire des
côtes et des apophyses transverses vont mobiliser
des volumes thoracique et lombaire qui occuperont
les zones d’expansion. En avant, une fenêtre
thoracoabdominale est ménagée pour faciliter les
mouvements ventilatoires (fig 10C). Elle s’arrête
au-dessus de l’ombilic pour maintenir l’abdomen et
éviter la ptôse gastrique qui peut occasionner de B C
redoutables complications digestives. Pour cette 10 Plâtre EDF (élongation, dérotation, flexion).
raison, la confection du plâtre doit se faire en milieu A. Plâtre en cours de séchage, bandes de dérotation en place.
hospitalier, avec une surveillance d’au moins 48 B. Vue postérieure du plâtre avec fenêtres d’expansion.
heures pour vérifier la bonne tolérance cutanée, C. Vue antérieure avec fenêtre thoracoabdominale.
respiratoire et abdominale.

Méthodes de réduction par orthèses et corsets


■ Le corset de Milwaukee, mis au point en 1954, qu’il est bien adapté à cette tranche d’âge puisqu’il
¶ Méthodes classiques est composé d’une pièce pelvienne courte n’entrave pas la croissance thoracique.
De nombreux modèles de corsets ont été surmontée de mâts métalliques réunis par un ■ Le corset de Boston a été imaginé en 1973
imaginés et développés pour le traitement des anneau occipitomentonnier (fig 11). Ce corset pour le traitement des scolioses lombaires et
scolioses évolutives. Certains sont utilisés depuis combine un effet de distraction actif par thoracolombaires dont le sommet est au-dessous de
plusieurs décennies, ce qui a permis d’établir autograndissement avec une correction passive par T10. Son originalité réside dans l’utilisation de
scientifiquement les preuves de leur efficacité des appuis gibbositaires. Son aspect et les modules préfabriqués qui évitent l’étape du moulage
pour modifier l’évolution naturelle de la contraintes qu’il occasionne font réserver son plâtré (fig 12). Des coussinets collés assurent les
déviation [5, 7]. utilisation aux enfants de moins de 10 ans, d’autant appuis correcteurs.

6
Scoliose idiopathique - 8-0450

11 Corset de Milwaukee. 13 Corset lyonnais polyvalves.

■ Les corsets plexidur polyvalves font partie au caractère très contraignant de ces types de
intégrante de la méthode lyonnaise de traitement corsets ont considérablement réduit la place de la
des scolioses développée par Stagnara dès 1950 [9]. méthode lyonnaise dans le traitement des scolioses
Dans ce protocole, la scoliose est d’abord réduite par de l’adolescent.
deux plâtres EDF successifs, puis le relais est pris par
un corset à valves multiples montées sur des mâts ¶ Méthodes nouvelles
Les progrès accomplis en matière de dépistage
en aluminium. Le corset est composé d’une pièce
précoce des scolioses ont profondément modifié les
pelvienne et de trois ou quatre valves réductrices
modes de présentation de cette affection. La plupart
selon le siège de la scoliose (fig 13). Cette méthode a
des déviations rachidiennes sont ainsi prises en
fait la preuve de sa grande efficacité, en particulier
charge à petit angle, avec une réductibilité de plus de
pour les formes sévères et très évoluées.
50 %, alors que les formes raides et sévères
Inversement, les difficultés d’acceptation inhérentes
deviennent exceptionnelles. Cette évolution,
associée à une mutation du contexte psychosocial
qui rend difficile l’acceptation de traitements
contraignants pendant la période de l’adolescence, a
amené le développement de nouveaux corsets plus
adaptés à ces formes moins sévères. Parallèlement, B
des études nord-américaines ont pu démontrer que 14 Orthèses légères pour scolioses souples.
des protocoles à temps partiel, 16 heures sur 24, A. Corset de Strasbourg en PVA (polyvinyl alcool).
donnaient les mêmes résultats que les traitements à B. Orthèse toilée de Saint-Étienne (conçue
temps complet, dans ces formes de scolioses par Charles Picault et al).
souples. De très nombreuses orthèses ont ainsi vu le
jour, et pratiquement chaque équipe a son corset
Depuis cette date, d’immenses progrès ont été
favori. La plupart sont confectionnés en matériau
réalisés tant au niveau de la fiabilité du matériel que
thermoformable, selon un concept de correction
de la sécurisation de l’acte opératoire.
morphologique globale, respectueuse de l’équilibre,
Les principes fondamentaux qui avaient inspiré
en particulier dans le plan sagittal. Les matériaux
les premières corrections chirurgicales de scolioses
utilisés rendent le corset plus facile à porter (fig 14A,
restent parfaitement d’actualité : l’instrumentation
B) et la généralisation des ports à temps partiel,
faite de tiges appuyées sur les vertèbres par des
notamment pour les formes de début, a beaucoup
crochets ou fils métalliques a pour objectif de réduire
facilité l’acceptation de ces traitements.
et surtout de rééquilibrer la scoliose. Elle est toujours
‚ Méthodes chirurgicales complétée par une greffe ou arthrodèse qui couvre
toute la zone instrumentée, pour stabiliser
Voies postérieures définitivement la correction obtenue (fig 15). En
Les premières instrumentations rachidiennes effet, aucun montage non greffé ne résisterait à
pour correction de scolioses ont été réalisées au terme aux contraintes exercées par le rachis. Cela
12 Corset de Boston.
début des années 1960 par tiges de Harrington. signifie que l’intervention supprime toute mobilité au

7
8-0450 - Scoliose idiopathique

continu des potentiels évoqués somesthésiques,


complété par un réveil peropératoire destiné à tester
la motricité volontaire après la pose du matériel.


Indications thérapeutiques

‚ Indications du traitement orthopédique


La décision d’entreprendre un traitement
orthopédique pour une scoliose repose sur une
évaluation pronostique qui ne peut être réduite à
une simple recette angulaire.

Ainsi, il est actuellement admis que


toute scoliose qui a fait la preuve de
son évolutivité chez un patient encore
en croissance, doit faire l’objet d’un
traitement orthopédique sans attendre
la valeur fatidique des 30° qui avait
cours autrefois.

Avant l’âge de 10 ans, le choix se portera surtout


vers le corset de Milwaukee qui préserve la
15 Principes des instrumentations - arthrodèses vertébrales. Le montage métallique a pour rôle de réduire croissance thoracique. Chez un enfant plus âgé,
la scoliose et de rééquilibrer le rachis. La greffe permet la stabilisation à long terme en supprimant tout l’orthèse est sélectionnée selon la topographie :
mouvement au niveau de la zone instrumentée. courte pour les courbures dont le sommet est
au-dessous de T7, longue pour les autres. Le choix
niveau de la zone instrumentée. Les améliorations approfondi et d’une exploration par IRM. En du type de corset n’a pas grande importance et
ont en premier lieu porté sur la fiabilité du matériel. peropératoire, le monitorage permanent de la dépend des habitudes de chacun. Chez l’adolescent,
Les systèmes actuels, tous plus ou moins dérivés de fonction médullaire est assuré par l’enregistrement le traitement ne sera entrepris qu’après avoir acquis
l’instrumentation segmentaire imaginée il y a plus de
15 ans par Cotrel et Dubousset, permettent des
corrections tridimensionnelles avec restauration des
courbures sagittales et dérotation à visée de
réduction gibbositaire. Les montages ont une
stabilité suffisante pour ne pas nécessiter
d’immobilisation complémentaire (fig 16A, B).

Voies antérieures
Le traitement chirurgical d’une scoliose peut, dans
certaines circonstances, faire appel à un abord
antérieur du rachis. Il peut s’agir d’un geste de
libération discale, sans instrumentation, destiné à
faciliter la réduction en restaurant une certaine
mobilité intercorporéale. Cette libération, qui a
récemment bénéficié de l’apport des techniques de
thoracoscopie, est alors complétée par un temps
postérieur d’instrumentation-greffe, éventuellement
après une période de traction. Dans d’autres cas, la
scoliose peut être exclusivement abordée et
instrumentée par voie antérieure. Cela concerne
surtout les localisations lombaires et
thoracolombaires.

Sécurité et complications
La sécurité de l’acte chirurgical s’est significati-
vement améliorée par l’apport de l’autotransfusion
différée et de la récupération des saignements
opératoires.
La survenue d’une complication neurologique
définitive est une éventualité rare (< 1 %), mais
particulièrement dramatique compte tenu du A B
caractère fonctionnel et morphologique de cette
16 Vues postopératoires d’une scoliose instrumentée par le matériel de Cotrel-Dubousset et greffée. Ces
chirurgie. Tous les moyens sont mis en œuvre pour
radiographies correspondent aux vues préopératoires des figures 4 à 7.
éviter une telle complication ou la détecter le plus
A. Vue de face.
précocement possible. En préopératoire, tous les
B. Vue de profil.
patients bénéficient d’un bilan neurophysiologique

8
Scoliose idiopathique - 8-0450

la certitude de l’évolutivité angulaire, ce qui ne traitement orthopédique pour proposer le recours à – pour les scolioses doubles majeures, le
concerne qu’environ 30 % des courbures. la chirurgie. Plusieurs entretiens sont habituellement raisonnement est comparable au cas de figure
Les protocoles thérapeutiques dépendent du nécessaires pour exposer à la famille les arguments précédent. Il faut repousser très loin les seuils
degré de sévérité des courbures. Pour les scolioses à qui orientent vers une chirurgie plutôt que vers une angulaires pour la chirurgie, d’autant que des
faible angulation, dont la réductibilité est d’au moins évolution naturelle non traitée. Cette discussion fera courbures bien équilibrées ont une excellente
50 % dans le corset, un protocole à temps partiel est bien entendu intervenir le pronostic à long terme, tolérance fonctionnelle et esthétique, même pour
habituellement retenu, le corset étant mis en place le qui dépend de nombreux critères, en particulier des angles de 60 à 70°.
soir et la nuit, pendant 16 heures sur 24. Les topographiques :
scolioses plus sévères nécessitent le port à temps – pour les scolioses thoraciques, le traitement
chirurgical est proposé pour des courbures


complet, 23 heures sur 24. À Risser 4, la croissance
vertébrale est pratiquement achevée, ce qui permet supérieures à 50°, avec une pente gibbositaire de
plus de 15°. La lordose thoracique est un facteur de
Conclusion
d’entreprendre le sevrage du corset. Il est alors
proposé un port nocturne pendant encore mauvais pronostic, en particulier sur le plan
6 mois, puis le traitement est arrêté. Un suivi clinique respiratoire et, lorsqu’elle est très marquée, la
chirurgie peut être proposée pour des courbures de Les méthodes thérapeutiques orthopédiques ou
et radiographique tous les 2 ou 3 ans est chirurgicales disponibles à ce jour pour enrayer le
recommandé pendant toute la vie adulte, même en plus faible angulation, dès 40° ;
– pour les scolioses thoracolombaires, dont on génie évolutif d’une scoliose restent indiscuta-
l’absence de symptômes. blement lourdes et radicales, en l’absence d’étiologie
connaît le caractère péjoratif à l’âge adulte, en
particulier si elles sont déséquilibrantes, la chirurgie connue et de traitement causal. Dans l’attente d’un
‚ Indications du traitement chirurgical traitement véritablement étiologique, il est essentiel
peut être proposée à partir de 45 à 50°, surtout si le
L’indication opératoire est proposée sur un montage peut s’arrêter en L3, ce qui laissera libres de multiplier les efforts de dépistage précoce, afin de
constat d’échec du traitement conservateur, ce qui trois disques jusqu’au sacrum ; pouvoir prendre en charge les scolioses à petit angle,
représente environ deux scolioses sur dix. Dans ce – pour les scolioses lombaires, il est impératif encore souples et réductibles. En effet, en dehors de
cas de figure, la scoliose possède un génie évolutif d’exploiter au maximum les possibilités de rares courbures à évolution « maligne », la majorité
qui dépasse les possibilités de contention des plâtres l’orthopédie, car une chirurgie d’arthrodèse lombaire des scolioses traitées à petit angle pourront être
et corsets. Dès l’âge de 13 ans chez la fille et 15 ans est très invalidante sur le plan de la mobilité. stabilisées par le traitement orthopédique, sans
chez le garçon, la croissance vertébrale est L’intervention n’est proposée que pour des recours à la chirurgie. Cet effort de dépistage est
suffisamment avancée pour permettre une greffe courbures très évoluées, supérieures à 55° ou 60°. La l’affaire de tous les acteurs médicaux et
étendue sans perte de taille significative. C’est à ce voie antérieure est le plus souvent privilégiée car elle paramédicaux confrontés aux enfants et
moment que l’on peut être amené à arrêter un est la plus économe en étages arthrodésés ; adolescents.

Claude Karger : Chirurgien orthopédiste, chef de service,


unité d’orthopédie pédiatrique, centre de traumatologie et d’orthopédie, 10, avenue Baumann, 67400 Illkirch-Graffenstaden, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Karger. Scoliose idiopathique.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0450, 1998, 9 p

Références

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1986 ; 11 : 784-789
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[2] Duval-Beaupère G, Dubousset J, Queneau P, Grossiord A. Pour une théorie who have adolescent idiopathic scoliosis: a prospective study based on data from
unique de l’évolution des scolioses. Presse Med 1970 ; 88 : 1141-1146 the Brace Study of the Scoliosis Research Society. J Bone Joint Surg 1995 ; 77A :
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période de croissance. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Appareil locomoteur, [8] Picault CH, de Mauroy JC, Mouilleseaux B, Diana G. Natural history of
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ques ayant subi un traitement orthopédique lyonnais. Rev Chir Orthop 1987 ; 73
Joint Surg 1983 ; 65A : 447-455
(Suppl II) : S134-S136

9
8-0500

Constipation fonctionnelle 8-0500


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

de l’enfant : stratégie des


explorations et orientations
PH Benhamou, C Dupont

L a constipation est une des causes les plus fréquentes de consultation pédiatrique. On estime que 1,5 à 7,5 %
des enfants d’âge scolaire souffrent d’une constipation s’accompagnant de son cortège de plaintes
fonctionnelles (douleurs abdominales, troubles dyspeptiques...). Aux États-Unis, on estime que le nombre de
consultations médicales motivées par la constipation est de 2,5 millions par an [14].
© Elsevier, Paris.


Introduction

La constipation est habituellement définie chez


Tableau I. – Fréquence des selles en fonction de l’âge [4].

Âge (n = 662)
De 5 jours à 1 mois
m
2,8
DS
1,3
10°
1,3
50°
2,7
90°
5,1
l’enfant par l’émission trop rare de selles trop dures.
Une telle définition, nécessairement trop vague, ne Moins de 5 mois 1,9 0,9 1,0 1,8 2,6
prend pas en compte les troubles qui accompagnent la De 5 à 12 mois 1,9 0,7 1,1 1,8 2,8
rétention stercorale et qui constituent en règle
générale l’essentiel de la symptomatologie. Il s’agit Moins de 3 ans 1,4 0,6 0,8 1,8 2,2
avant tout des douleurs abdominales, mais également De 3 à 6 ans 1,1 0,4 0,6 1,1 1,4
des troubles de l’humeur. Les enfants peuvent devenir
taciturnes et présenter d’importants troubles m : fréquence moyenne des selles ; DS : déviation standard ; 10°, 50°, 90° : degrés percentiles.
psychologiques.
Sur le plan physiopathologique, la constipation peut comme pathologique. Chez le grand enfant, on parle fréquence est de 1/5 000 enfants environ. Le taux de
se comprendre comme un trouble de la fonction de constipation au-dessous de deux selles par récurrence dans la fratrie est de l’ordre de 8 à 10 %.
réservoir du côlon ascendant et du côlon transverse, et semaine [10]. Dans 80 % des cas, la maladie touche le
par un trouble de la fonction propulsive du côlon Pour Lemon et al, la fréquence normale des selles rectosigmoïde, mais dans 20 % des cas elle est plus
descendant [15]. Cette dernière peut être contrariée par varie avec l’âge, passant de quatre selles par jour à 1 étendue, voire généralisée à l’ensemble du cadre
une action antagoniste des muscles constituant semaine de vie à 1,7 selle par jour à 2 ans [8]. colique, réalisant les très sévères et très rares formes
l’appareil sphinctérien de l’anus. Soulignons enfin qu’une fréquence de selles pancoliques de la maladie.
Afin d’obtenir une définition commune de la normale n’élimine pas a priori le diagnostic de Le tableau clinique réalisé est le plus souvent celui
constipation, un groupe d’experts, lors d’une constipation tant sont fréquentes les exonérations d’un syndrome occlusif bas à révélation néonatale. Le
conférence européenne de consensus, a suggéré incomplètes chez l’enfant. Cette notion est même premier signe en est généralement un simple retard à
l’adoption de critères diagnostiques appelés « critères particulièrement importante chez l’enfant, et il ne faut l’évacuation du méconium. Beaucoup plus rarement,
de Rome » [16]. Pour ces auteurs, la constipation est en aucun cas éliminer a priori le diagnostic de la découverte de la maladie est plus tardive, survenant
considérée comme pathologique lorsqu’au moins constipation chronique lorsque la fréquence des selles dans l’enfance, voire plus tard, se manifestant par une
deux des critères suivants sont réunis pendant une apparaît normale en première analyse. Les variations constipation très sévère accompagnée d’un très
période minimale de 3 mois : normales du temps de transit avec l’âge, mesurées important ballonnement abdominal et d’un fréquent
– moins de deux selles par semaine ; dans une population de 662 enfants d’âge varié, sont retard staturopondéral.
données dans le tableau I.
– poids des selles inférieur à 35 g/j ; Le diagnostic repose sur la manométrie rectale
– perte involontaire de selles pendant plus de 25 % objectivant l’absence de réflexe rectoanal inhibiteur, et


du temps ; sur la biopsie rectale à la pince de Noblet permettant
– défécation douloureuse pendant plus de 25 % Causes organiques par certaines techniques particulières (acétylcholinesté-
du temps ; de la constipation rases) de confirmer le diagnostic devant l’absence de
– sensation d’évacuation incomplète plus de 25 % cellules ganglionnaires et l’hyperplasie des cellules
du temps. ganglionnaires au niveau du plexus myentérique de la
Représentant moins de 5 % des constipations, elles
Principalement établis chez l’adulte, ces critères sous-muqueuse.
doivent être systématiquement recherchées lors de la
peuvent être appliqués à l’enfant. Les techniques radiologiques ont une place limitée
consultation. Deux causes principales justifient le
dans le diagnostic : dans la forme commune de la
recours d’emblée aux examens complémentaires en
maladie, la radiographie de l’abdomen sans
cas de doute soulevé à l’examen clinique : la maladie


préparation permet d’observer une distension colique
de Hirschsprung et l’hypothyroïdie.
Épidémiologie et l’absence d’air dans le rectum. Le lavement baryté
‚ Constipations de cause digestive n’est justifié que dans les formes à révélation tardive. Il
permet d’observer une disparité de calibre colique. La
© Elsevier, Paris

Les données de la littérature permettant de préciser Maladie de Hirschsprung zone aganglionnaire de calibre normal est
la fréquence normale des selles chez l’enfant sont très C’est une affection congénitale dont la génétique classiquement surmontée par un côlon distendu. Cette
rares [13]. Il est plus ou moins admis qu’une fréquence est en cours de démembrement. Elle est liée à disparité de calibre n’est pas constante et en particulier
inférieure à une selle par 24 heures avant 6 mois et à l’absence de cellules ganglionnaires au niveau des n’est pas observée en cas de forme pancolique. Elle
trois selles par semaine après peut être considérée plexus myentériques de l’intestin terminal. Sa peut également manquer chez le nourrisson.

1
8-0500 - Constipation fonctionnelle de l’enfant : stratégie des explorations et orientations

Le traitement de la maladie de Hirschsprung est parfaitement intégré sur le plan psychologique, est ‚ Signes associés
chirurgical. Le pronostic fonctionnel à long terme fréquemment observée. Dans tous les cas, ces ■ L’incontinence fécale constitue la complication
dépend de l’extension de la zone aganglionnaire. conduites obsessionnelles de la part de l’entourage la plus redoutable de la constipation [11] . Son
sont fréquemment relevées. Elles suscitent de la part retentissement psychologique est considérable. Son
Pseudo-obstructions intestinales chroniques des enfants une attitude oppositionnelle dont la effet sur l’insertion sociale et scolaire est souvent
Il s’agit d’atteintes musculaires ou neurologiques du conséquence est le refus d’exonération. Elle peut dramatique.
tube digestif se traduisant par une constipation sévère témoigner d’un trouble profond de la relation parents- ■ Les rectorragies : il s’agit souvent de stries
dont l’évolution est émaillée d’épisodes obstructifs. enfant et justifier une démarche thérapeutique sanglantes sur les selles. Ces fissures surviennent lors
familiale. de l’exonération de selles volumineuses et dures.
Séquelles de chirurgie digestive de la période
■ L’influence des contraintes scolaires lors du Après un certain temps d’évolution, ces fissures se
néonatale
début de la scolarisation : il conviendra de préciser les recouvrent d’un capuchon muqueux réalisant le
En particulier, la chirurgie de l’imperforation anale rythmes de vie de l’enfant. Le départ trop précipité à classique aspect de fissure en « raquette »,
se traduit dans sa forme haute par une constipation le l’école le matin et les rythmes scolaires trop lourds particulièrement rebelle aux mesures thérapeutiques
plus souvent accompagnée d’incontinence fécale. (jusqu’à 10 heures par jour dès l’âge de 3 ans) habituelles.
favorisent la survenue de la constipation. Le caractère ■ Les douleurs abdominales sont le motif le plus
‚ Constipations de cause neurologique
peu accueillant des toilettes à l’école est souvent fréquent de consultation. Il s’agit de douleurs
Encéphalopathies évoqué par les enfants, témoignant plus généralement abdominales chroniques péri- ou sous-ombilicales qui
La constipation est fréquente chez l’encéphalopa- de leur perception volontiers hostile du milieu scolaire ne sont pas toujours rapportées à la constipation par
the chez qui les conditions de vie et d’alimentation se vis-à-vis de leur comportement défécatoire et des les parents. La constipation représente une part
conjuguent à l’hypotonie de la paroi abdominale. Un inhibitions sociales qui en découlent. importante des causes de douleurs abdominales
traitement prophylactique faisant largement appel aux ■ L’influence des contraintes familiales : le début récurrentes de l’enfant. Pour Stone et al, la constipation
solutions de polyéthylène glycol peut prévenir ces de la constipation peut être contemporain d’un est directement responsable des douleurs
constipations sévères, à condition de pouvoir assurer événement familial parfois traumatisant (deuil, abdominales dans 30 % des cas [12].
un excellent état d’hydratation à ces enfants. transplantation familiale...) qu’il conviendra de préciser. ■ L’anorexie et l’amaigrissement ne sont pas
Il peut accompagner une dégradation des conditions rares chez les grands constipés. Ils s’accompagnent
Myopathies de vie et de logement de la famille. souvent de nausées et de troubles dyspeptiques [7].
Elles sont une cause habituelle de la constipation ■ La survenue d’épisodes aigus : le début de la
constipation peut être rattaché à un épisode aigu ‚ Retentissement psychologique
par atteinte de la musculature intestinale.
digestif (diarrhée aiguë) ou extradigestif, en particulier de la constipation
Atteintes médullaires à la suite d’une intervention chirurgicale. L’enfant est souvent triste et peu intéressé par son
Myéloméningocèle et compressions médullaires. ■ La survenue d’une fissure anale : elle est un entourage. Il adopte volontiers une attitude taciturne
mode d’entrée fréquent dans la constipation et se marginalise progressivement. Cette attitude peut
‚ Autres causes chronique. Elle peut en effet entraîner un sentiment dans certains cas être source d’échec scolaire.
L’hypothyroïdie est une cause classique de d’appréhension pour aller à la selle qui persiste même Soulignons que si le retentissement psychologique de
constipation. Celle-ci est généralement précoce et peut lorsque la fissure est cicatrisée. la constipation est un trait relativement constant,
constituer un mode d’entrée dans la maladie. l’existence d’une atteinte psychique sévère est
Les troubles métaboliques : hypokaliémie, ‚ Contexte nutritionnel relativement rare. Elle est alors primitive et rend vaine
hypocalcémie. Les habitudes alimentaires des enfants constipés toute approche organicienne isolée.
La mucoviscidose. sont souvent perturbées. L’hydratation au cours la


journée est souvent insuffisante. L’alimentation
s’effectue souvent moins au cours des repas qu’entre


Données de l’examen clinique
ceux-ci. La place des hydrates de carbone est souvent
Données de l’interrogatoire exagérée. L’abus d’aliments constipants est fréquent
■ Le retentissement pondéral de la constipation :
(chocolat, confiseries, bananes…). Enfin, le faible
hypotrophie ou au contraire surcharge pondérale.
apport en fibres alimentaires est un phénomène quasi
Lorsque aucune de ces causes n’est retrouvée en ■ La palpation de l’abdomen permettant
général dans les pays occidentaux [5]. Cet aspect de
première analyse, il convient de réunir les éléments d’apprécier la surcharge stercorale, de rechercher des
l’abord diététique de la constipation sera abordé au
cliniques d’orientation. fécalomes et de préciser le degré de distension
chapitre traitement.
abdominale.
‚ Anamnèse ■ L’examen proctologique : cet examen
‚ Comportement défécatoire
■ Les antécédents familiaux : l’existence d’une comprend une étude de la marge anale avec
constipation familiale est souvent évoquée Il conviendra de préciser non seulement la déplissement ferme des plis de la marge afin de
spontanément par les parents. Il est difficile d’en fréquence des selles mais également : dépister une fissure ou une inflammation de l’anus
préciser l’influence étant donnée la fréquence de la ■ leur durée : son allongement excessif traduit des pouvant entraîner une aggravation de la constipation.
constipation dans la population générale. difficultés à l’exonération et s’observe principalement Un toucher rectal est indispensable. Il apprécie le tonus
■ La notion de retard à l’évacuation méconiale : en cas de constipation terminale ; de l’anus, au besoin en demandant à l’enfant de se
elle doit évidemment être recherchée. Cette seule ■ leur volume : il n’est en effet pas rare d’observer contracter sur le doigt, le contenu du rectum, en
notion chez le nourrisson très constipé justifie la des constipés authentiques dont les selles sont de particulier la vacuité ou la réplétion rectale, la
pratique d’examens complémentaires avec fréquence normale mais de volume insuffisant [7]. palpation du pôle inférieur d’un fécalome et sa
manométrie rectale permettant de rechercher un L’émission de selles de volume insuffisant (inférieur à consistance. Enfin, l’examen proctologique permet de
réflexe rectoanal inhibiteur. 25 mL au-delà de l’âge de 2 ans) permet de porter le rechercher une antéposition anale (anus-fourchette
■ L’existence d’une constipation dès les premiers diagnostic de constipation même si l’enfant a plus de vaginale/fourchette-coccyx chez la fille < 0,34 ; anus-
mois de vie et la nécessité d’avoir systématiquement trois selles par jour ; scrotum/scrotum-coccyx chez le garçon < 0,46) [2].
recours à des manœuvres (suppositoires, sondes, ■ leur consistance : des selles dures et
thermomètres…) pour obtenir des selles doivent être déshydratées sont l’aspect le plus fréquent, mais il n’est


recherchées. Elles font évoquer plus volontiers une pas rare d’observer des selles molles, voire
constipation secondaire. franchement liquides. Des selles volumineuses et Examens complémentaires
dures peuvent être à l’origine de fissures anales et de
‚ Modalités d’entrée dans la constipation violentes douleurs pouvant aboutir à une inhibition de
lors de l’acquisition la défécation et à une aggravation de la constipation. ‚ Radiographie de l’abdomen
■ Les conditions d’apprentissage de la propreté : Cet aspect est essentiel et constitue un facteur sans préparation
la notion d’apprentissage trop précoce (parfois même d’autoentretien de la constipation, véritable cercle Il s’agit du seul examen nécessaire en première
avant l’acquisition de la marche) ou trop insistant, non vicieux [7]. analyse. Cet examen, effectué en décubitus dorsal,

2
Constipation fonctionnelle de l’enfant : stratégie des explorations et orientations - 8-0500


Forlaxt, Movicolt), bien que n’ayant pas encore fait
Tableau II. – Étude du temps de transit Traitement l’objet d’une expertise en pédiatrie, tend à supplanter
segmentaire par la méthode des marqueurs les laxatifs classiques. Leur grande souplesse
radio-opaques [1]. d’utilisation et leur très bonne tolérance, à condition de
‚ Traitements diététiques respecter de bonnes conditions d’hydratation, ainsi
Estomac et grêle 6 h 24 min ± 1 h 10 min
que leur grande efficacité, justifieraient que soient
Mesures diététiques générales
Côlon droit 7 h 10 min ± 1 h 04 min développées des études pharmacologiques et
Les mesures diététiques ont toujours leur place toxicologiques en pédiatrie, prélude indispensable à
Côlon gauche 7 h 37 min ± 1 h 03 min dans le traitement de la constipation primitive, alors leur utilisation large en pédiatrie.
Rectum 11 h 04 min ± 1 h 05 min qu’elles sont souvent superflues au cours des
constipations secondaires. Hygiène quotidienne
Le régime doit en principe être équilibré, la La restauration d’un habitus de selles quotidiennes
permet d’apprécier le degré d’encombrement répartition des calories des nutriments recommandée peut être obtenue chez le petit nourrisson par
stercoral, sa localisation distale ou intéressant étant de 15 % pour les protides, 30 % pour les lipides l’utilisation temporaire de microlavements à la
l’ensemble du cadre colique, et la présence d’éventuels et 55 % pour les glucides [3]. L’apport hydrique est glycérine (Bébégelt), et chez l’enfant plus grand par
fécalomes. En cas de dilatation aréique des anses généralement insuffisant chez le constipé. l’instauration d’une règle de passage biquotidien aux
intestinales sus-jacentes, il convient de pratiquer un toilettes. Ce passage aux toilettes doit impérativement
Place des fibres alimentaires
cliché debout de face afin de rechercher des niveaux avoir lieu après le repas pour utiliser au mieux le
dans le traitement anticonstipant
hydroaériques. Lorsqu’une cause organique est réflexe gastrocolique par lequel le côlon se vide quand
L’usage des fibres alimentaires dans le traitement l’estomac se remplit. Dans cette période de
suspectée, cet examen sera bien entendu complété
de la constipation est connu depuis des siècles. Les réapprentissage d’un rythme quotidien, il est légitime
par des examens à visée étiologique.
fibres alimentaires font actuellement l’objet d’un de proposer, lors des premiers jours et en cas
regain d’intérêt. d’absence de selles pendant plus de 48 heures,
‚ Temps de transit des marqueurs Les fibres ont un devenir très différent dans le tube l’utilisation limitée de lavements ou de préparations
Il permet d’apprécier la rapidité du transit colique digestif. Le son paraît posséder le meilleur pouvoir laxatives par voie rectale (Microlaxt ou Normacolt).
segment par segment. Il permet de distinguer les thérapeutique.
Chez l’enfant, les fibres peuvent être introduites Traitement d’une anite
constipations terminales (cas le plus fréquent) des
constipations coliques diffuses (tableau II). dans l’alimentation au moment de la diversification À l’inverse, la plus grande attention doit être
alimentaire. On met l’accent sur les légumes verts et les apportée aux soins de lésions anales locales comme
Il consiste en l’ingestion de marqueurs radio- fruits. Ce n’est que vers 9 mois que peut s’effectuer une fissure ou une anite, notamment streptococcique,
opaques que l’on dénombre sur les clichés de l’introduction des fibres de céréale. L’utilisation de ces dont la persistance risque d’induire ou d’aggraver une
l’abdomen sans préparation. fibres est susceptible d’entraîner flatulence et inconfort rétention active. Le traitement de l’anite streptococci-
Le temps de transit normal par cette méthode doit digestif, mal supportés par les nourrissons. Ces effets que comporte la réalisation de bains de siège répétés à
être, selon P Arhan [1], inférieur à 17 heures au niveau secondaires sont cependant toujours résolutifs et on l’aide d’un savon acide, suivis de l’application locale de
du côlon droit et du côlon gauche, et inférieur à 27 peut même en prévenir l’apparition en introduisant topiques anti-infectieux et anti-inflammatoires. Il est
heures au niveau du rectum. Il est donc possible, par progressivement les fibres dans l’alimentation. Le son rare qu’un traitement antibiotique par voie générale
cette méthode simple, de quantifier la constipation et représente, on l’a vu, la meilleure source de fibres. Il soit nécessaire.
de distinguer les constipations globales, correspondant doit être administré à la dose de 0,25 mg/kg. Il est
disponible sous forme de paillettes que l’on ajoute à ‚ Indications du traitement
à un ralentissement général du transit au niveau de
l’ensemble du cadre colique, des constipations l’alimentation (Son de blé [Gerblét], Régison [Revelt],
Son de blé [Céréalt]). Il est également disponible dans Traitement de première intention
terminales. Elle ne permet pas de distinguer
de nombreuses préparations industrielles (petits Lorsque le diagnostic de la constipation est porté et
ralentissement colique droit et inertie colique.
déjeuners, yaourts, sablés, pains…). le bilan clinique effectué, une période d’observation est
nécessaire. Au cours de celle-ci, il faut tenter
‚ Manométrie rectale ‚ Traitements médicamenteux d’améliorer le transit en rééquilibrant l’alimentation de
Elle permet, outre la recherche du réflexe rectoanal Les traitement médicamenteux utilisés au cours de l’enfant, en corrigeant les erreurs diététiques flagrantes
inhibiteur, l’étude de l’appareil sphinctérien, l’activité la constipation sont extrêmement nombreux. La et en enrichissant l’alimentation en fibres à doses
plupart d’entre eux n’ont pas de place dans le progressives. Il faut également s’attacher à modifier les
spontanée du rectum, ainsi que les seuils de sensibilité
traitement de la constipation de l’enfant. Seuls les habitudes défécatoires de l’enfant (mise au pot à
de celui-ci. L’étude manométrique en contraction et en
produits non irritants, n’interférant pas sur l’absorption heures fixes deux à trois fois dans la journée, en
poussée apporte des éléments essentiels pour la
des aliments et s’intégrant dans un projet précisant aux parents que l’enfant ne doit pas rester à
compréhension des mécanismes des troubles de la
thérapeutique, doivent être utilisés. Il convient en effet, la selle plus de 10 minutes). Il faut enfin traiter les
défécation.
en débutant un tel traitement, de garder à l’esprit le lésions de l’anus si elles sont notées à l’examen. En cas
Utilisée tout d’abord exclusivement pour le caractère nécessairement limité dans le temps de ces de fécalome, il est indispensable d’effectuer des
diagnostic de la maladie de Hirschsprung (mise en traitements. Si l’existence d’une dépendance au lavements réguliers au cours des premiers jours.
évidence du réflexe rectoanal inhibiteur) [9], ses traitement, toujours crainte par les parents, n’est que la L’utilisation de laxatifs à propriété osmotique
indications se sont progressivement étendues aux conséquence d’une constipation non définitivement comme le lactulose (Duphalact) ou émolliente comme
autres causes de constipation, qu’elles soient contrôlée, l’action thérapeutique chez l’enfant doit être l’huile de paraffine, qui peut être facilement employée
primitives ou secondaires [6]. décisive et doit permettre, à terme, le sevrage définitif sous forme de gelée chez l’enfant (Lansoÿlt), trouve
de toute espèce de traitement médicamenteux. parfaitement sa place à ce stade de la prise en charge.
Il s’agit d’un examen indolore et sans danger qui
Il faut également recommander l’utilisation de
peut être pratiqué dès la naissance. Il comprend un Médicaments laxatifs lavements ou de préparations laxatives par voie
enregistrement de repos puis un enregistrement après
Les substances à propriétés osmotiques comme le rectale (Microlaxt, Bébégelt ou Normacolt) en cas
distension progressive du ballonnet.
lactulose ou le lactitol (Duphalact, Importalt) ont la d’absence de selles pendant plus de 48 heures. Chez
L’étude manométrique est principalement justifiée capacité de ramollir les selles par un processus qui fait l’enfant plus âgé, l’utilisation de substances à base de
dans les cas de constipation terminale, si possible probablement également appel à une fermentation polyéthylène glycol (Transipegt, Forlaxt, Movicolt),
confirmée par le temps de transit colique. partielle dans le côlon, générateur d’acides organiques bien que n’ayant pas encore fait l’objet d’une expertise
et de gaz. Il peut d’ailleurs résulter de l’utilisation de ces en pédiatrie, tend à supplanter les laxatifs classiques.
‚ Électromyographie anale sucres un ballonnement qui peut gêner leur utilisation. C’est avec un recul de plusieurs semaines qu’il faut
et défécographie Les émollients comme l’huile de paraffine peuvent être ensuite évaluer l’efficacité de ces premières mesures
facilement employés sous forme de gelée chez l’enfant thérapeutiques. En cas de résultats incomplets ou
Elles ont une place limitée dans l’exploration de la (Lansoÿlt). Chez l’enfant plus âgé, l’utilisation de insuffisants, il faut engager un bilan complémentaire
constipation de l’enfant. substances à base de polyéthylène glycol (Transipegt, plus important.

3
8-0500 - Constipation fonctionnelle de l’enfant : stratégie des explorations et orientations

Dans certains cas, un bilan préalable à la mise une station aux toilettes après chaque repas, afin que Il doit apprendre à réagir à cette perception en utilisant
au traitement est nécessaire l’envie d’exonérer soit facilitée par le réflexe de façon harmonieuse les groupes musculaires
En cas de suspicion de maladie de Hirschsprung, gastrocolique. Dans un premier temps, la stimulation impliqués dans le phénomène de la défécation, le
une manométrie rectale avec recherche du réflexe de la selle par l’utilisation de suppositoires ou de sphincter externe, le releveur de l’anus et la sangle
rectoanal inhibiteur, éventuellement complétée microlavements à la glycérine peut être d’une aide abdominopelvienne. La rééducation vise à faire
d’emblée par une biopsie rectale à la pince de Noblet, notable. Surtout, l’utilisation de polyéthylène glycol prendre en compte par l’enfant l’existence d’une
sera proposée. trouve ici sa meilleure indication. L’utilisation de ces hyperréactivité réflexe de son appareil sphinctérien à
En cas d’encoprésie associée, il faut rapidement drogues à doses adaptées et prolongées permet de la distension rectale, ou à l’inverse une hyporéactivité,
engager le bilan complémentaire après évacuation diminuer considérablement et rapidement les pertes et/ou lors de l’exonération, l’installation d’un
des fécalomes. Une prise en charge d’ordre involontaires de selles. asynchronisme abdominopelvien.
pédopsychiatrique est rapidement nécessaire. Elle est Le recours aux examens complémentaires, au En général, la guérison de l’incontinence est
associée au traitement de la constipation faisant appel premier rang desquels se place la manométrie, doit obtenue rapidement, au minimum en 1 semaine, ce
aux thérapeutiques médicamenteuses et/ou aux être plus large dans l’incontinence fécale. qui représente environ trois séances, et au maximum
techniques de rééducation (biofeedback). La manométrie anorectale peut mettre en évidence en 6 semaines, soit cinq séances. Au-delà de l’âge de 5
Il est de toute façon indispensable d’obtenir un phénomène dit d’asynchronisme abdominopel- ans, limite inférieure d’âge en deçà duquel une
l’élimination des fécalomes et de diminuer la vien, ou contraction paradoxale du sphincter anal lors rééducation devient impossible, le succès est d’autant
surcharge stercorale avant d’engager un bilan de l’effort d’exonération. Ce phénomène traduit le plus rapide que l’enfant est plus jeune.
dérèglement profond du fonctionnement de la


complémentaire.
défécation et peut faire l’objet d’une rééducation.
Traitement d’une incontinence fécale Les techniques de rééducation sont particulière- Conclusion
Une prise en charge « gastroentérologique » semble ment bien adaptées dans ces cas. La rééducation est
désormais adaptée à ce type de situation. Le régime un apprentissage qui se fonde sur deux éléments, le La constipation est fréquente chez l’enfant et peut
riche en fibres et un laxatif non toxique doivent être degré de perception consciente à la stimulation et le relever d’étiologies variées. Mais même lorsque
prescrits d’emblée, mais la thérapeutique consiste degré de tonicité et de réactivité volontaire de la aucune cause n’est identifiée, elle doit être prise au
essentiellement à rétablir l’alternance vidange- musculature striée au niveau de cet appareil anorectal sérieux et nécessite une attitude diagnostique et
réplétion rectale. La restauration d’une exonération habitué à la rétention chronique d’une quantité thérapeutique rigoureuse. Elle peut sévèrement altérer
quotidienne ne peut en général être obtenue qu’après importante de matières. le confort de vie des enfants et peut parfois aboutir à
un certain nombre de lavements permettant L’enfant doit retrouver la perception corporelle de la l’encoprésie, dont les conséquences psychologiques et
l’évacuation du fécalome. Par la suite, l’enfant doit faire distension de l’ampoule rectale et la notion de besoin. sociales peuvent être désastreuses.

Pierre-Henri Benhamou : Attaché des hôpitaux.


Christophe Dupont : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Unité de gastroentérologie pédiatrique, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 74, avenue Denfert-Rochereau, 75674 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : PH Benhamou et C Dupont. Constipation fonctionnelle de l’enfant : stratégie des explorations et orientations
thérapeutiques. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0500, 1998, 4 p

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4
8-0510
8-0510

Hémorragies digestives de l’enfant


Encyclopédie Pratique de Médecine

M Bellaiche, A Gout, N Boige, P Foucaud

L a démarche diagnostique et thérapeutique devant une hémorragie digestive (HD) de l’enfant est voisine de
celle de l’adulte : vérification de la réalité du saignement, réanimation si nécessaire, identification de la source
de l’HD et traitement spécifique.
© Elsevier, Paris.


sang, l’hospitalisation de l’enfant est à préconiser ‚ Anamnèse
Diagnostic pour une prise en charge médicochirurgicale.
Âge

Une hémorragie digestive est de diagnostic aisé L’âge est un paramètre clef dans l’enquête
quand elle est extériorisée sous forme de
vomissements sanglants (hématémèse), de sang
rouge dans les selles (rectorragies) ou de selles
noires, nauséabondes faites de sang digéré (méléna).

Enquête étiologique
étiologique. L’œsophagite, l’ulcère peptique, les
colites infectieuses et les fissures anales peuvent
survenir à tout âge (fig 1).
L’HD du nouveau-né requiert une vigilance
Il faut savoir aussi l’évoquer dans d’autres situations extrême du fait du pronostic vital rapidement mis en
L’anamnèse et l’examen clinique représentent jeu. L’entérocolite ulcéronécrosante chez le
telles qu’un choc hypovolémique avec déglobuli-
une étape importante dans la stratégie diagnostique. nouveau-né prématuré et le volvulus sont deux
sation ou une anémie chronique par saignement
Une thérapeutique spécifique ne saurait être diagnostics imposant une prise en charge urgente
occulte. Le diagnostic peut, a contrario, être porté par
envisagée sans une définition topographique exacte médicochirurgicale. L’œsogastroduodénite, l’ulcère
excès devant une hémorragie extra-intestinale ou la
du saignement : l’endoscopie, œsogastroduodénos- fœtal ou néonatal, la colite d’allergie aux protéines
présence dans des sécrétions digestives d’une
copie pour les hématémèses et méléna et de lait de vache et la colite ecchymotique sont des
coloration mimant du sang (médicaments contenant
iléocolonoscopie pour les rectorragies, joue alors un étiologies très spécifiques au nouveau-né. La
du fer ou du charbon ; aliments : épinards, fruits
rôle primordial. maladie hémorragique du nouveau-né existe encore
rouges, betteraves, viandes rouges en particulier).
C’est alors l’Hémoccultt ou l’Hématestt, et l’examen
ORL et stomatologique soigneux, qui permettront un
diagnostic différentiel.
Chez le nouveau-né, en salle de travail, le Purpura rhumatoïde
diagnostic est souvent épineux. En effet, quand il naît
dans un liquide amniotique sanglant, il peut déglutir Œsophagite
du sang d’origine maternelle ou placentaire
(placenta prævia, hématome rétroplacentaire, Ulcère peptique
rupture du cordon ombilical). Pour affirmer l’origine
Varices œsophagiennes
digestive néonatale, l’enquête étiologique s’axera
autour des données de l’échographie prénatale et du Colite allergique
test d’Apt. L’échographie peut montrer des stigmates
de souffrance digestive (anses intestinales dilatées, Colite infectieuse
hydramnios et liquide amniotique hyperéchogène),
Diverticule de Meckel
et le test d’Apt (mesure de la teneur en hémoglobine
fœtale du sang) permet de différencier le sang Fissure anale
maternel de celui du nouveau-né. Chez l’enfant
nourri au sein, le problème diagnostique entre Hyperplasie nodulaire lymphoïde
hématémèse et sang maternel dégluti (lésions
mamelonnaires) est identique, et sera donc aussi Invagination intestinale aiguë
résolu par le test d’Apt. Maladie inflammatoire chronique
de l'intestin


Traitement d’urgence Polypes juvéniles
© Elsevier, Paris

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Adolescence

La conduite à tenir devant une HD varie suivant la (âges)


sévérité de celle-ci. Hormis les HD réduites à des
1 Principales étiologies des hémorragies digestives en fonction de l’âge.
régurgitations ou rectorragies de quelques filets de

1
8-0510 - Hémorragies digestives de l’enfant

et nécessite une prévention par administration Contexte psychosocial rectorragies mêlées à des selles. Dans la rectocolite
systématique de vitamine K à la naissance et de Des observations de gastrites, saignements hémorragique et le diverticule de Meckel, les
manière hebdomadaire chez le nouveau-né allaité occultes, anémie ferriprive ont été rapportées chez rectorragies surviennent en dehors des selles. Les
au sein. Hormis l’hypovitaminose K, tout trouble de l’adolescent coureur de fond surentraîné. Une lésions anales peuvent se manifester par la présence
l’hémostase peut se manifester par une HD en rectorragie chez un adolescent à la personnalité de sang, enrobant les dernières selles, ou tachant le
période néonatale. introvertie orientera le diagnostic vers une papier toilette.
L’œsophagite peptique représente la première rectocolite hémorragique. Certains sévices à enfants Une constipation mal tolérée avec distension
cause d’hématémèse chez le nourrisson. Les colites peuvent être découverts à l’occasion d’une abdominale chez un nourrisson fait redouter une
allergiques et infectieuses, le diverticule de Meckel et hémorragie digestive secondaire à des ulcères de entérocolite postobstructive en particulier une
surtout l’invagination intestinale aiguë sont les stress ou à des abus sexuels. maladie de Hirschsprung ou pseudo-obstruction
autres diagnostics en cause chez le nourrisson. intestinale chronique.
De 2 à 6 ans, le purpura rhumatoïde et les Prise médicamenteuse et intoxication
polypes sont deux pathologies fréquentes. Les Les anti-inflammatoires et d’autres médicaments ‚ Examen clinique
maladies inflammatoires chroniques de l’intestin peuvent provoquer des gastrites ou des ulcères
débutent rarement avant 10 ans. gastriques et/ou duodénaux. La prise de tétracycline L’examen clinique après avoir évalué la tolérance
chez les adolescents traités pour acné peut générer de l’HD, permettra de progresser dans le diagnostic
Antécédents familiaux des ulcérations aiguës du bas œsophage. Tout afin d’éviter une enquête étiologique sans
Une histoire familiale de maladie ulcéreuse, de médicament à l’origine de vomissements peut être orientation et trop systématique. L’inspection
coagulopathie, de maladie inflammatoire chronique source d’hémorragie digestive par le truchement apporte des éléments diagnostiques décisifs. Toute
de l’intestin, d’adénomatose ou de polypes d’un syndrome de Mallory-Weiss. Le phénobarbital manifestation clinique d’hypertension portale ou de
rectocoliques, de cancers du côlon de l’adulte jeune et la diphénylhydantoïne, en utilisation au long cirrhose sous-jacente : hépatosplénomégalie, ictère,
doit être recherchée. cours, se compliquent parfois d’hypovitaminose K. circulation veineuse collatérale, angiome stellaire,
Parfois, la prise médicamenteuse n’est pas identifiée, ascite, dans un contexte d’hémorragie digestive,
Situations de stress seule la recherche systématique au domicile, de mène à la suspicion de rupture de varice
Chez l’enfant en unité de soins intensifs atteint médicaments destinés aux parents, frères ou sœurs, œsophagienne ou de gastropathie hypertensive.
d’hypertension intracrânienne, d’insuffisance rénale permet de suspecter une intoxication médicamen- Un purpura déclive, accompagné d’arthralgies et
aiguë, d’hépatite fulminante, de coagulation teuse. La notion d’ingestion accidentelle ou de douleurs abdominales, complète la triade
intravasculaire disséminée, de sepsis, de brûlures volontaire de produits caustiques modifie aussi la caractéristique du purpura rhumatoïde. Un purpura
étendues, de cardiopathie congénitale sévère, la prise en charge. Malgré la suppression de la vente isolé peut être aussi stigmate de thrombopénie ou
fréquence des HD est particulièrement élevée. Le d’eau de Javel pure ou non diluée dans le coagulopathie induisant une hémorragie digestive.
terrain débilité par la pathologie sous-jacente, le commerce, des œsophagites caustiques Des hémangiomes cutanés suggèrent la présence
stress et les fréquentes prothèses digestives, sondes hémorragiques s’observent encore en pédiatrie. d’hémangiomes digestifs comme dans le syndrome
de gavage ou d’aspiration, sont un ensemble de L’existence de lésions muqueuses buccopharyngées, de Klippel-Trenaunay (nævus variqueux
situations à risque d’œsophagite, de gastrite et la mesure du pH du produit caustique ingéré ostéohypertrophique). Dans le syndrome de
d’ulcère. imposeront un acte endoscopique nécessaire à Rendu-Osler ou de Turner, les lésions muqueuses
La survenue d’hémorragie digestive chez l’enfant l’inventaire des lésions et modifieront la stratégie précèdent parfois l’apparition de télangectasies
en période postopératoire doit faire évoquer de thérapeutique ultérieure. cutanées. L’association d’urticaire diffus, d’ulcères
principe une invagination intestinale aiguë duodénaux et/ou un syndrome diarrhéique avec
postopératoire, un volvulus sur bride ou une Symptomatologie digestive
entéropathie exsudative est évocatrice de
ulcération périanastomique. L’enfant « stomisé » peut La présence de douleurs abdominales peut
mastocytose systémique. Une pigmentation
saigner dans le segment intestinal d’aval par colite orienter quant au siège de l’hémorragie digestive.
punctiforme noire sur les lèvres, la face et les
d’exclusion. Les entéropathies postobstructives et le Une douleur épigastrique postprandiale tardive sera
muqueuses buccales confortée par des antécédents
syndrome du grêle court ont aussi été décrits à compatible avec une pathologie gastroduodénale,
familiaux d’adénomatose rectocolique oriente vers
l’origine d’HD. alors qu’une douleur abdominale en cadre sera
un syndrome de Peutz-Jeghers. Des observations de
plutôt suggestive d’une pathologie colique. Des
Pathologies préexistantes schwannome de l’estomac ont été rapportées chez
accès de douleurs abdominales avec pâleur,
des enfants atteints de neurofibromatose de von
La maladie cœliaque, la mucoviscidose ou les entrecoupés de période d’accalmie chez un
Recklinghausen, caractéristiques par leurs taches
obstacles sur les voies biliaires peuvent en particulier nourrisson, imposent la recherche d’une
café au lait. Certaines malformations s’associent au
se compliquer d’HD par malabsorption ou invagination intestinale aiguë. L’absence de douleur
diverticule de Meckel dans des proportions
maldigestion des graisses entraînant une abdominale dans une hémorragie digestive est aussi
variables : omphalocèle (24 %), imperforation anale
malabsorption de la vitamine K. La vascularite du informative : présence de polypes juvéniles ou si
(11,4 %), atrésie duodénale ou jéjunale haute
purpura rhumatoïde est responsable de lésions l’hémorragie digestive est abondante, diverticule de
Meckel ou malformation artérioveineuse. (12,7 %).
digestives en particulier des hématomes de la paroi
duodénale. Le syndrome hémolytique et urémique Les troubles digestifs accompagnant le Les fissures anales sont fréquentes, leur
avec atteinte digestive par microangiopathie saignement doivent aussi être précisés. Une diarrhée coexistence avec d’autres lésions anopérinéales peut
thrombotique provoque des HD dans 72 % des cas. sanglante après une modification diététique chez un orienter vers le diagnostic de maladie de Crohn. Les
L’hyperplasie nodulaire lymphoïde primitive, ou nourrisson orientera vers une colite allergique. Une hémorroïdes, elles, sont rares en pédiatrie même
secondaire à un déficit en IgA, une hypogammaglo- diarrhée fébrile en collectivité implique la recherche chez les constipés sévères ou dans les hypertensions
bulinémie ou des manifestations allergiques, d’une diarrhée entéro-invasive à Salmonella, portales. Dans une étude rétrospective portant sur
peuvent également être responsables d’hémorragie Yersinia ou Campylobacter. Une diarrhée sanglante 189 enfants atteints de varices œsophagiennes,
digestive. consécutive à une antibiothérapie soulève seulement 4,2 % d’entre eux ont des hémorroïdes
L’enfant encéphalopathe particulièrement exposé l’hypothèse d’une colite pseudomembraneuse due à symptomatiques.
au reflux gastroœsophagien et à l’ulcère de stress, la toxine du Clostridium difficile. Le toucher rectal retrouve parfois du sang non
est souvent victime d’HD particulièrement difficiles à La chronologie d’apparition de l’HD par rapport extériorisé. Les invaginations et les duplications
traiter. Parmi les hématémèses colligées par Morali aux selles peut être édifiante. Les colites infectieuses intestinales peuvent être révélées par la palpation
et al, 13 % surviennent chez des encéphalopathes. et les polypes s’accompagnent volontiers de d’une masse ou d’une contracture abdominale.

2
Hémorragies digestives de l’enfant - 8-0510

‚ Explorations complémentaires
Tableau I. – Exploration endoscopique haute : proportion des divers diagnostics.
L’endoscopie est l’outil diagnostique majeur dans
l’exploration des hémorragies digestives. Dans les Hartemann Debongnie
Mougenot Morali et al Mittal et al
hématémèses ou méléna, on procèdera à une et al Adultes
œsogastroduodénoscopie, et dans les hémorragies Œsophagite 1,6 % 12,9 % 37 % 23 % 6%
basses à une iléocoloscopie. Toutefois, certaines
Syndrome de Mallory-
émissions de sang rouge par l’anus chez le très jeune – 6,5 % 4% 5%
Weiss
enfant sont dues à une hémorragie digestive haute
du fait d’une accélération notable du transit. Ulcérations
3,2 % 3,2 %
œsophagiennes
Œsogastroduodénoscopie Varices œsophagiennes 9,7 % 5% 39 % 12 %
¶ Modalités Ulcère gastrique 12,9 % 3,2 % 3% 1,2 % 42 %
L’œsogastroduodénoscopie est réalisée soit en
ambulatoire, soit en hospitalisation. Devant une
Gastrite 14,6 % 22,6 % 29 % 7% 14 %
hémorragie digestive sévère et/ou itérative, Ulcère duodénal 24,2 % 6,5 % 15 % 0,4 %
l’hospitalisation s’impose. L’anesthésie générale avec
Endoscopie non
intubation est indiquée : en cas d’hémorragie 30,6 % 32,3 % 24 % 27,5 % 30 %
contributive
digestive profuse et mal contrôlée, de laryngos-
pasme, de fausse route, si l’enfant est
encéphalopathe avec risque de convulsions, ou s’il
en exprime le désir avec insistance. Elle n’est réalisée
que dans 13 % des cas dans la série de Morali et al. ¶ Modalités fait de sa captation par la muqueuse gastrique. La
L’endoscopie se fera chez le nourrisson de moins de Cet acte se fera toujours sous anesthésie générale quasi-totalité des diverticules de Meckel
1 an sans sédation (hormis l’administration chez l’enfant. Les difficultés techniques rencontrées hémorragiques (90 %), ont des hétérotopies de
d’atropine s’il existe des antécédents ou un contexte pour explorer l’ensemble du côlon et la dernière muqueuse gastrique. Or, devant une hémorragie
de malaise). Pour l’enfant au-delà de 1 an, une anse grêle aboutissent à un taux d’exploration digestive basse abondante ou répétée, sans lésion
sédation par midazolam est souhaitable. Le matériel complète oscillant entre 53 et 87 % des cas. visible à l’endoscopie, le diverticule de Meckel est la
pédiatrique utilisé sera adapté à l’âge ; le diamètre de première étiologie à suspecter. C’est pourquoi, Kong
¶ Indications
l’endoscope doit être suffisamment large pour Les diarrhées aiguës, fébriles et glairosanglantes, et al retrouvent une sensibilité de 85 % et une
permettre le lavage et l’aspiration du sang nécessaire les lésions anales, les suspicions d’invaginations spécificité de 95 % dans la détection du diverticule
à la visualisation de l’origine du saignement. intestinales aiguës ou les complications du de Meckel. Cependant, dans l’expérience de Cooney
diverticule de Meckel ne sont pas des indications à la et al, il existe 10 % de faux négatifs et 54 % de faux
¶ Indications
Toute hématémèse et/ou méléna imposent la colonoscopie. L’examen est rarement réalisé en positifs avec, dans ce dernier groupe, un tiers
pratique d’une œsogastroduodénoscopie. Ce dogme urgence, d’autant qu’il nécessite une préparation. d’enfants opérés malgré l’absence de lésion
est nuancé par certains auteurs qui préconisent un L’examen clinique permet une orientation abdominale. La plupart des diverticules de Meckel
traitement symptomatique empirique devant une diagnostique : Teach et al portent un diagnostic mesurent entre 1 et 5 cm, et sont situés dans le
hémorragie digestive aiguë non récidivante bien exact en urgence dans 67 % des cas ; ce taux dernier mètre d’intestin grêle en amont de la valve
tolérée ; l’anamnèse et l’examen permettent de augmente de 10 % après examens complémen- iléocæcale. Il faut focaliser la gamma caméra sur la
porter le diagnostic de gastrite virale ou taires. Parfois, une simple rectoscopie peut aider au droite au niveau de l’ombilic pour une visualisation
médicamenteuse sans autre exploration. diagnostic de colite inflammatoire, de colite optimale. L’accumulation isotopique visualisée est le
pseudomembraneuse ou d’adénomatose résultat d’une lésion de muqueuse gastrique
¶ Résultats rectocolique. La rectoscopie peut donc être proposée ectopique comme le diverticule de Meckel, une
L’endoscopie permet un diagnostic précis dans 70
dans un premier temps quitte à être complétée par métaplasie œsophagienne de Barett ou des
à 80 % des cas (tableau I). Chez l’enfant de moins de
une colonoscopie. Cette dernière est contre-indiquée duplications gastriques. La spécificité de cet examen
1 an, Chang et al obtiennent des résultats
en cas de colite fulminante, de mégacôlon toxique, est réduite car toute maladie inflammatoire de
comparables (85 %). Les stigmates de saignement
de péritonite ou de trouble hémodynamique. Des l’intestin, polypes ou invagination intestinale aiguë
sont visualisés sous forme d’un caillot ou d’une tache
complications sévères (saignement ou perforation) peut être responsable d’hyperfixation. Des faux
noire adhérents à la lésion, d’un vaisseau ou d’un
peuvent émailler l’évolution d’une iléocoloscopie positifs existent aussi en cas d’obstruction urétérale
saignement actif. La présence d’une lésion à base
chez un enfant atteint de maladie inflammatoire ou de myéloméningocèle sacré. Il existe des faux
hémorragique signe un saignement dans les 48
chronique sévère de l’intestin, de coagulopathie ou négatifs : surface de muqueuse hétérotopique
heures. La rapidité d’exécution du geste par rapport
après polypectomie. inférieure à 2 cm 2 , transit intestinal rapide
à l’hémorragie digestive entre en ligne de compte.
L’idéal serait de pratiquer l’endoscopie dès que la ¶ Résultats responsable d’une accélération de la vidange du
situation hémodynamique le permet. Réalisée dans L’iléocolonoscopie avec biopsies est indispen- traceur radioactif, vessie pleine masquant
les 24 premières heures, elle permet un diagnostic sable pour le diagnostic de rectocolique l’hyperfixation paraombilicale. Pour améliorer sa
dans 82 % des cas, entre 24 et 72 heures dans 68 % hémorragique, maladie de Crohn, colite sensibilité, plusieurs auteurs ont rapporté l’intérêt
des cas et dans 48 % des cas si l’exploration est plus pseudomembraneuse, ulcère rectal solitaire, polype d’administrer avant l’examen de la pentagastrine
tardive. En pratique, elle est réalisée au-delà des 24 juvénile, polypose familiale et une malformation pour augmenter l’hyperfixation. Kong et al
premières heures dans plus de la moitié des cas. vasculaire (angiodysplasie, hémangiome, proposent de répéter l’exploration scintigraphique
télangectasie et malformation artérioveineuse). pour améliorer sa sensibilité. Les investigations
Iléocolonoscopie complémentaires classiques réalisées chez sept
C’est un examen de choix dans la stratégie Exploration isotopique enfants victimes d’HD massives ont été vaines. Des
diagnostique des rectorragies chez l’enfant. Elle est Si l’endoscopie n’est pas contributive pour scintigraphies, à deux reprises chez cinq enfants, et à
aussi indiquée dans l’exploration d’un méléna en cas déterminer la localisation du saignement, l’indication trois reprises chez deux enfants, ont permis de porter
d’aspiration œsogastrique négative et d’absence de d’une scintigraphie abdominale doit être discutée. Le une indication opératoire qui a retrouvé soit un
lésion visible à l’œsogastroduodénoscopie. technétium (99mTc) est le radio-isotope de choix du diverticule de Meckel, soit une duplication digestive.

3
8-0510 - Hémorragies digestives de l’enfant

Examens radiologiques
L’abdomen sans préparation élimine une Hématémèse Méléna Rectorragies Invagination ?
occlusion intestinale aiguë, une colectasie et un Purpura rhumatoïde ?
=
pneumopéritoine concomitant d’une HD. Échographie
Les examens radiologiques avec produit de abdominale
œsogastroduodénoscopie œsogastroduodénoscopie
contraste tiennent désormais un rôle marginal dans Lésions anales
l’exploration des HD depuis l’avènement et la
- +
réalisation en routine de l’endoscopie. Les gastrites - Traitement et
suivi évolutif
et œsophagites sont identifiées dans 18 % des cas Surveillance Diarrhée aiguë
par le transit œsogastroduodénal et dans tous les Prise en charge spécifique + fébrile
-
cas par l’endoscopie haute. De même, le rendement
diagnostique pour les ulcères gastriques et Coproculture
duodénaux est passé de 55 à 94 %. Toutefois, il Rectorragie isolée minime Rectorragies itératives
garde un intérêt spécifique devant la suspicion de ou abondantes
lésions sous-muqueuses comme le léiomyome ou
les duplications gastriques ou duodénales. Le transit Rectosigmoïdoscopie Iléocolonoscopie
du grêle en double contraste permet de visualiser les
lésions de maladie de Crohn, des lymphomes, des -
-
duplications et des léiomyomes du grêle, des
polyposes, inaccessibles à la visualisation œsogastroduodénoscopie
+
endoscopique. Le diverticule de Meckel est Surveillance (si non faite antérieurement)
généralement omis par le transit du grêle, mais la
persistance de baryte dans le diverticule plusieurs Prise en charge spécifique -
jours après l’examen est informatif.
Le lavement opaque garde son intérêt Scintigraphie
uniquement dans les cas d’invagination intestinale + Laparotomie
-
aiguë. Il a alors non seulement un rôle diagnostique
2 Stratégie d’exploration.
mais aussi un rôle thérapeutique dans 80 % des cas.
Sa pratique est contre-indiquée en cas d’état de choc,
d’hémorragie massive et de syndrome péritonéal. Tableau II. – Étiologies des hémorragies digestives.

Angiographie Hémorragie digestive néonatale

L’angiographie est bien moins utilisée chez Hématémèse Hémorragie digestive basse
– Œsophagite peptique – Fissure anale
l’enfant que chez l’adulte. La complexité du geste et – Œsogastroduodénite – Ulcération thermométrique
la nécessité d’une anesthésie générale, les – Ulcère gastrique ou duodénal – Entérocolite ulcéronécrosante
complications (spasme de l’artère fémorale en – Allergie aux protéines de lait de vache – Colite d’allergie aux protéines de lait de vache
particulier) avoisinant les 4 %, et la faible rentabilité – Occlusion – Colite ecchymotique
– Sang maternel dégluti – Colite virale ou bactérienne
(nombre limité de saignement d’origine grêlique),
– Pseudodiverticule traumatique d’œsophage – Volvulus
expliquent la rareté de sa pratique. L’hémangiome – Maladie hémorragique du nouveau-né
ou les malformations artérioveineuses sont des
Hémorragie digestive du nourrisson et de l’enfant
indications à l’exploration angiographique. Une fois
la source du saignement identifiée, le cathéter Hématémèse Hémorragie digestive basse
pourra être laissé en place pour une injection de – Œsophagite peptique – Fissure anale
– Gastrite – Polype - polypose
vasopressine in situ ou une coloration par bleu de – Syndrome de Mallory-Weiss – Diverticule de Meckel
méthylène qui guidera au mieux une hypothétique – Ulcère gastrique ou duodénal – Invagination intestinale aiguë
chirurgie ultérieure. – Rupture de varice œsophagienne – Colite d’allergie aux protéines de lait de vache
– Corps étranger intraœsophagien – Infection virale, bactérienne ou parasitaire entéro-
– Œsophagite caustique invasive
Échographie
– Occlusion sur le tractus digestif supérieur – Rectocolite hémorragique
Cet examen non invasif peut donner des – Hématome des parois digestives (purpura – Maladie de Crohn
rhumatoïde) – Entérocolite cryptogénétique
renseignements informatifs. L’épaississement du
– Duplication digestive
petit épiploon, une hépatosplénomégalie ou une – Hyperplasie nodulaire lymphoïde
lame d’ascite sont des signes en faveur d’une – Colite pseudomembraneuse
hypertension portale. – Syndrome hémolytique et urémique
– Purpura rhumatoïde
Elle permet de visualiser une duplication digestive
– Ulcère périanastomotique
quelle que soit sa topographie. Son intérêt dans – Entérocolite postobstructive
l’exploration des douleurs abdominales du purpura
rhumatoïde a été souligné par Kagimoto :
l’épaississement des parois duodénales avec dans la maladie de Crohn de l’enfant. Une Stratégie d’exploration
rétrécissement de la lumière digestive est présent invagination intestinale aiguë apparaît sous forme
dans 90 % des cas chez dix enfants présentant une d’images en cocarde à l’échographie abdominale. L’enquête étiologique répond à une logique
hémorragie digestive dans le cadre d’un purpura C’est d’ailleurs le seul examen permettant de d’explorations schématisées sur la figure 2. Les
rhumatoïde. Des aspects comparables en diagnostiquer une invagination intestinale aiguë de diverses étiologies à rechercher sont répertoriées sur
échographie sont retrouvés au niveau iléocolique siège grêlique. le tableau II.

4
Hémorragies digestives de l’enfant - 8-0510


aspirine (50 %), anti-inflammatoires non stéroïdiens
Lésions principales et leurs (20 à 43 %) et corticoïdes (38 %). L’association
traitements spécifiques
Aspirinet et anti-inflammatoires non stéroïdiens
potentialise le risque toxique et doit donc être
‚ Œsophagite (fig 3)
proscrite (recommandations médicalement
L’œsophagite peptique complique le reflux opposables). Mulberg et al rapportent une série de
gastroœsophagien dans 20 % des cas. Il est déjà 17 enfants traités par anti-inflammatoires non
diagnostiqué dans 80 % des cas, quand stéroïdiens dont 76 % d’entre eux présentent des
l’œsophagite survient. Dans l’étude multicentrique lésions à l’endoscopie : ulcères (20 %), gastrite
de Morali et al, c’est l’étiologie la plus fréquente des (46 %), œsophagite (10 %). Les lésions gastriques
HD tout âge confondu (37 % des cas) et en sont classées en quatre stades suivant le nombre de
particulier chez le nourrisson (57 % des cas). Elle pétéchies visualisées (0 à 1, 2 à 10, 11 à 25, plus de
représente 20 % des HD franches. Son diagnostic 25). D’autres médicaments sont potentiellement
endoscopique en quatre stades permet une gastrotoxiques : valproate de sodium, paracétamol
évaluation pronostique (érosions confluentes, 5 Gastrite hémorragique à l’aspirine. ou N-acétylcystéine. Le traitement repose sur l’arrêt
circulaires, sténosantes). du médicament, associé à des pansements et des
Son traitement repose sur l’association du La localisation est antrale, fundique ou antisécrétoires.
traitement antireflux et des antisécrétoires. pangastrique. L’absence de corrélation entre
Actuellement, il en existe deux types tous deux hors l’histologie et l’endoscopie impose la pratique ‚ Ulcères gastroduodénaux (fig 6, 7, 8)
autorisation de mise sur le marché (AMM) en systématique de biopsies. Les gastrites infectieuses Les ulcères sont deux fois plus souvent
pédiatrie : la ranitidine et l’oméprazole. La posologie sont virales ou bactériennes. La gastrite virale la duodénaux que gastriques. Ils sont révélés par une
optimale chez l’enfant est de 15 mg/kg/j de mieux individualisée est due au cytomégalovirus. La HD dans près de la moitié des cas, et représentent
ranitidine et de 80 mg/1,73 m2/j d’oméprazole par présentation clinique est polymorphe : douleurs 40 % des hématémèses de grande abondance. Les
voie intraveineuse. Par voie orale, la posologie de abdominales, hématémèse, anorexie, syndrome ulcères peuvent être primaires et s’intégrer dans une
l’oméprazole est mal évaluée (0,7 à 3 mg/kg/j). œdématoascitique ou asymptomatique. Toute maladie ulcéreuse mais sont surtout secondaires
hypoprotidémie sans fuite urinaire, impose la (62 %). Plus jeune est l’enfant, plus cette proportion
‚ Gastrites (fig 4, 5) pratique d’une endoscopie œsogastrique à la d’ulcère secondaire s’accroît : 95 % chez le
Les gastrites aiguës représentent 15 à 30 % des recherche d’une gastrite à gros plis. La clairance de nouveau-né et 80 % chez l’enfant de moins de 7
hématémèses. Leurs étiologies sont infectieuses, l’alpha-1-antitrypsine confirme la gastropathie ans. Des ulcères gastriques fœtaux ont même été
médicamenteuses, chimiques ou immunoaller- exsudative. La recherche de cytomégalovirus par décrits. Ils peuvent être secondaires à des
giques. Les gastrites néonatales et les gastrites de virémie, virurie et cultures sur biopsie est positive médicaments (cf supra), à un stress ou un germe
stress sont respectivement envisagées (cf infra). dans 30 à 70 % des cas selon les séries. L’évolution pathogène. L’ulcère de stress s’observe en particulier
est en règle favorable en 3 à 4 semaines sans dans les unités de soins intensifs (6,4 à 25 % des cas),
traitement. Certaines formes hémorragiques graves
ont toutefois été rapportées.
Le virus de la varicelle peut engendrer des
hémorragies gastriques sévères (parfois même
perforation gastrique) au cours de varicelle maligne.
La gastrite à Helicobacter pylori est la plus
fréquente des étiologies bactériennes. Les
manifestations cliniques les plus suggestives sont les
épigastralgies surtout nocturnes, l’altération de l’état
général, les vomissements et l’hématémèse (2 % des
cas). La présence d’une antrite nodulaire n’est pas
constante dans l’infection à Helicobacter pylori, mais
elle est très évocatrice, voire pathognomonique. Le
diagnostic est soit direct par histologie, bactériologie
3 Hernie hiatale et œsophagite maculaire, stade I, ou CLO-test (test à l’uréase perendoscopique), soit
saignant au contact. 6 Ulcère prépylorique, lors de la première
indirect par sérodiagnostic ou test respiratoire à
endoscopie.
l’urée-C13. Le traitement préconisé est l’association
de deux antibiotiques parmi les trois suivants :
amoxicilline, imidazolés, clarithromycine, à un
antisécrétoire.
Le reflux duodénogastrique est responsable d’une
gastrite antrale non nodulaire chez la moitié des
enfants alimentés en nutrition parentérale exclusive.
Cette gastrite est volontiers chronique, peu
hémorragique.
Les gastrites médicamenteuses sont retrouvées
dans 23 % des HD et dans 27 % des hématémèses
massives. La symptomatologie est faite de douleurs
abdominales dans 96 % des cas, de vomissements
et d’HD uniquement dans 4 % des cas. Il existe une
prédominance masculine (62 %), surtout entre 2 et 7
4 Gastrite ulcéreuse au cours d’une œsogastroduo- ans et des antécédents familiaux digestifs dans 48 %
dénite néonatale. 7 Bulbite ulcéreuse.
des cas. Les médicaments les plus impliqués sont :

5
8-0510 - Hémorragies digestives de l’enfant

‚ Hypertension portale (fig 9) sclérothérapies : douleurs à la déglutition et douleurs


thoraciques dans les 12 à 48 heures, épanchements
pleuraux, décalage thermique, récidives
hémorragiques précoces graves liées à des
ulcérations, sténoses œsophagiennes (3 à 10 %)
répondant bien aux dilatations mécaniques,
perforations œsophagiennes, responsables de
médiastinite, fistules œsopleurale et œsobronchique.
C’est le traitement de choix en attendant une
transplantation hépatique.
Il peut exister aussi des varices duodénales, et des
varices gastriques de la calotte tubérositaire dont la
sclérose est difficile.

8 Ulcère du bulbe lors d’une corticothérapie. Gastropathie hypertensive


La gastropathie hypertensive est également
chez les brûlés (7 à 15 %) et chez les encéphalo- 9 Varices œsophagiennes (cliché réalisé en collabo- fréquemment à l’origine d’hématémèse ; cette
ration avec JF Mougenot). pathologie est fréquente en cas d’hypertension
pathes (constatés dans 1 à 5 % des autopsies).
L’Helicobacter génère une gastrite antrale (cf supra) portale (60 à 65 %). Le risque hémorragique est
mais peut en se pérennisant provoquer des ulcères Rupture de varices œsophagiennes corrélé à l’aspect endoscopique de la gastrite, que
gastroduodénaux qui sont hémorragiques dans Elle survient avec une fréquence variable selon l’on évalue « moyenne » ou « sévère ». Le traitement
52 % des cas. l’étiologie de l’hypertension portale, dominée chez des HD par hypertension portale récidivantes après
Les ulcères sont endoscopiquement ronds, l’enfant par l’obstruction porte, la fibrose hépatique sclérothérapie reste mal codifié. La dérivation ou
irréguliers, triangulaires, mouchetés ou linéaires. Le congénitale et les cirrhoses. shunt portosystémique chirurgicale est une
saignement provient soit d’une artère visible au fond ■ L’obstruction ou cavernome porte est la intervention lourde avec des risques de majoration
de l’ulcère, soit de la gastrite périulcéreuse. Le première cause d’hypertension portale chez l’enfant ; de l’encéphalopathie hépatique, de thrombose ou
traitement repose sur 6 semaines d’antisécrétoires. son pronostic est lié à la fréquence et la gravité des d’occlusion du shunt, de récidive hémorragique ; il
Lopez et al ont évalué l’efficacité d’un traitement HD responsables du décès de 5 à 9 % de ces enfants, existe également des shunts splénorénaux distaux
préventif en réanimation. Les 35 patients sans dont 1 % saignent avant l’âge de 3 ans. sélectifs. Le TIPS (transjugular intrahepatic
traitement préventif ont été victimes d’HD dans ■ En cas d’hypertension portale d’origine p o r t o s y s t e m i c s h u n t ) est une alternative
20 % des cas, contre 5,7 % dans les groupes traités. intrahépatique, l’hématèse apparaît le plus souvent thérapeutique récente. Sa morbidité et sa mortalité
Aucune différence significative n’a été notée entre comme complication d’une hypertension portale sont moindres comparées à la chirurgie, avec de
les groupes traités par antiacides (6 mL/kg/j), déjà connue. Dans la mucoviscidose, les HD bons résultats, mais son efficacité à long terme est
sucralfate (4 g/j) ou ranitidine (6 mg/kg/j). L’intérêt de secondaires à l’hypertension portale et la cirrhose encore mal évaluée.
ces traitements préventifs réside dans un meilleur touchent 2 à 5 % des patients.
contrôle de la grande variabilité du pH gastrique Le risque de rupture des varices œsophagiennes ‚ Polypes rectocoliques (fig 10, 11)
observé chez ces enfants. existe à partir d’une pression portale de 10 à Ce sont des formations sessiles ou pédiculées,
12 mmHg, mais au-delà de cette valeur, il n’existe isolées ou multiples, s’intégrant ou non dans une
‚ Œsogastroduodénite néonatale pas de relation linéaire entre le risque hémorragique polypose rectocolique. Le sex-ratio est à peu près de
(fig 4) et la pression portale. En revanche, la grande taille 1 (57 % de garçons) ; l’âge d’apparition entre 2 et 10
L’atteinte inflammatoire du tractus digestif des varices œsophagiennes et la présence de ans (1 % avant 1 an, 60 % entre 4 et 8 ans) : le
supérieur en période néonatale se manifeste par des « taches rouges » (signes de la lignée rouge) à la polype juvénile étant la cause la plus fréquente de
symptômes non spécifiques (vomissements, surface et à la périphérie des varices sont les rectorragies entre 2 et 6 ans. L’HD est souvent de
anorexie, pleurs sans accalmie), parfois sévères marqueurs d’un risque élevé d’HD. La fibroscopie faible abondance, et faite de sang rouge enrobant
(malaises, bradycardies et HD). Dans ce contexte les confirmera la rupture de varices œsophagiennes, ou suivant les selles. Dans l’étude de Mougenot,
HD sont d’abondance variable. Elle apparaît le plus dans la moitié des cas, devant un saignement en jet colligeant 183 cas de polypes rectocoliques avec HD,
souvent dans les premiers jours de vie. Certaines ou en nappe ou plus souvent un caillot adhérant à la les rectorragies sont isolées 123 fois, associées à des
œsogastrites surviennent en prénatal et se varice. douleurs abdominales (16 %), diarrhée (6 %),
manifestent par une hématémèse néonatale. La ligature des varices œsophagiennes par voie prolapsus (9 %), ou invagination intestinale aiguë (1
L’aspect endoscopique des œsogastroduodénites est endoscopique permet de tarir l’HD et d’éradiquer les fois). Le polype est unique dans 75 % des cas, rectal
particulier par l’érythème, les lésions ulcérées ou varices après quatre séances à 1 mois d’intervalle.
hémorragiques continues. L’atteinte duodénale est Les complications (dysphagie, odynophagie), les
toutefois loin d’être constante (30 % des cas) laissant récidives fréquentes (75 %) et le manque de recul
place à une œsogastrite. Quel que soit l’aspect limitent encore son emploi.
endoscopique, les lésions sont d’évolution La sclérothérapie, rarement réalisée en période
rapidement favorable. La nécessité d’un traitement hémorragique mais plus souvent dans les 10 jours
antiacide et antisécrétoire n’a fait sa preuve dans qui suivent, est un geste peu invasif, efficace dans la
aucune étude. L’étiopathogénie est mal élucidée : les prévention des récidives hémorragiques par rupture
menaces d’accouchement prématuré et le stress de varices œsophagiennes. L’injection de 2 mL de
maternel ont été incriminés dans cette pathologie. polidocanol à 1 % se fait en intra- et/ou
L’œsophagite néonatale secondaire au reflux paravariqueux. La sclérothérapie est initialement
gastroœsophagien et les ulcérations aiguës de répétée après 1 semaine, puis toutes les 3 ou 4
l’œsophage compliquant les manœuvres semaines jusqu’à éradication des varices ; la
traumatiques d’aspirations (pseudodiverticule surveillance est ensuite trimestrielle pendant 1 an,
pharyngé) ne rentrent pas dans ce cadre période durant laquelle survient la majorité des
10 Hyperplasie nodulaire lymphoïde du côlon.
nosologique. récidives. Certains incidents compliquent les

6
Hémorragies digestives de l’enfant - 8-0510

Meckel est rare en imagerie conventionnelle. première étiologie à évoquer devant une rectorragie,
L’artériographie mésentérique supérieure montre après avoir éliminé une entérocolite ulcéronécro-
des images en flammèches caractéristiques, mais sante et une colite infectieuse. Vingt à 30 % des
son caractère invasif chez le nourrisson invite le enfants présentant une colite allergique
clinicien à renoncer à la pratique de cet examen. La hémorragique sont nourris au sein, leur mère
sensibilité, la spécificité de la scintigraphie ne lui absorbant de grande quantité de lait de vache. La
confèrent pas un caractère diagnostique décisif (cf symptomatologie apparaît après l’exposition à
supra). En pratique, seule la laparotomie ou la l’allergène dans un court délai (immédiat à une
cœlioscopie permettent un acte diagnostique et semaine). Elle est constituée de rectorragies isolées
thérapeutique. ou associées à une diarrhée, des vomissements, des
coliques ou un rash cutané. Dans une série de 35
‚ Maladies inflammatoires chroniques
nourrissons âgés de 1,5 mois en moyenne,
de l’intestin (fig 12, 13)
investigués pour rectorragies isolées, sans stigmate
Elles regroupent la maladie de Crohn, la d’infection, l’hyperéosinophilie et l’hypoalbumi-
11 Polype juvénile isolé. rectocolite hémorragique et l’entérocolite némie étaient significatives par rapport au groupe
cryptogénétique. Des HD sont présentes dans 30 à contrôle. La rectoscopie retrouvait 31 colites avec
50 % des maladies de Crohn et 90 % des rectocolites
(40 %) ou rectosigmoïdien (deux fois sur trois). Ce infiltration éosinophilique et trois hyperplasies
hémorragiques. Une déglobulisation massive est à
sont des polypes juvéniles dans 97 % des cas. nodulaires lymphoïdes. L’exclusion stricte de toute
craindre dans la rectocolite hémorragique. Lors de la
L’étude histologique est toutefois indispensable pour protéine de lait de vache dans l’alimentation a
poussée initiale, des rectorragies sont notées dans 3
éliminer un adénome. La polypectomie est réalisée permis la guérison dans tous les cas.
à 30 % des maladies de Crohn et 80 % des
par électrorésection à l’anse diathermique. Les
rectocolites hémorragiques. Seulement 1 % des
complications sont exceptionnelles (0,4 % d’HD ‚ Colites infectieuses
maladies de Crohn est révélé par des rectorragies
immédiates ou dans les 15 jours, et 0,4 à 5 % de Les germes entéropathogènes responsables de
isolées. Le traitement repose sur les anti-
perforations). Le caractère multiple des polypes, la inflammatoires, l’assistance nutritionnelle et colites infectieuses caractérisées par une diarrhée
notion d’antécédents familiaux et surtout rarement la chirurgie. fébrile (80 % des cas) glairosanglante sont : Yersinia,
l’adénomatose exigent une prise en charge Campylobacter jejuni, Escherichia Coli entéropa-
particulière avec contrôles endoscopiques itératifs. thogène, Salmonella et Shigella. Le diagnostic
Dans le cadre d’adénomatose rectocolique, il repose sur la coproculture. En cas de manifestation
convient de rechercher un syndrome de Gardner systémique, le traitement repose sur une
(polyadénomatose, ostéomes ou kystes antibiothérapie : macrolides s’il s’agit de
épidermoïdes, tumeurs desmoïdes), d’effectuer un Campylobacter, ceftriaxone dans les autres cas ; les
examen ophtalmologique à la recherche de lésions fluoroquinolones par voie orale sont en cours
rétiniennes prédictives de risque de dégénérescence d’évaluation dans les fièvres typhoïdes. Certains
maligne et de proposer une enquête génétique germes entéropathogènes, en particulier Escherichia
(gène APC identifié). En fonction de ces données, un Coli O 157 et Shigella flexneiri, producteur de
calendrier endoscopique sera préconisé. Le vérotoxines, sont susceptibles de provoquer un
traitement par salycilés (sulindac) n’a pas fait la syndrome hémolytique et urémique, qui débute
preuve d’efficacité patente, et seule la colectomie dans 30 % des cas par une diarrhée glairosanglante.
totale empêche une cancérisation inéluctable si les Les colites hémorragiques chez le sujet
lésions sont dysplasiques. immunodéprimé par traitement immunosup-
12 Strie ecchymotique longitudinale lors d’une co-
lite hémorragique néonatale. presseur ou par infection par le virus de
‚ Diverticule de Meckel l’immunodéficience humaine doivent faire
Le diverticule de Meckel est un reliquat unique du rechercher dans les selles et par biopsie certains
canal omphalomésentérique. Sa particularité agents pathogènes, en particulier le cytomégalo-
anatomopathologique est d’être le siège virus, la cryptosporidie, l’Isospora belli et l’Aspergillus.
d’hétérotopie gastrique (43 % des cas), au sein d’une En période de post-transplantation d’organe, le
architecture histologique analogue à l’iléon. Le diagnostic différentiel se pose souvent entre colite
sex-ratio est de trois garçons pour une fille. Un à 2 % infectieuse et réaction du greffon contre l’hôte.
de la population seraient porteurs d’un diverticule de
Meckel qui ne se complique que dans 4 % des cas
‚ Purpura rhumatoïde
environ. Ces complications sont de type La symptomatologie digestive du purpura
hémorragique (30 %), occlusive (25 %), infectieuse rhumatoïde est faite de douleurs abdominales qui
(surtout chez l’adulte) et exceptionnellement précèdent dans 15 % des cas le purpura cutané. Les
tumorale ou herniaire. L’hémorragie est secondaire HD sont retrouvées dans 30 % des cas et sont
soit à une invagination, soit surtout à l’ulcération rarement massives (5 %). Elles sont dues surtout à
peptique du diverticule de Meckel. Les hémorragies des hématomes de la paroi digestive diagnostiquées
du diverticule de Meckel sont plus volontiers 13 Muqueuse érythémateuse, friable, ecchymotique, par l’échographie (cf supra) et en endoscopie, qui
précédées qu’accompagnées de douleurs ayant perdu sa trame vasculaire lors d’une rectocolite visualise de plus une fragilité muqueuse et un
hémorragique.
abdominales. Ces dernières sont de siège variable : purpura. Une invagination intestinale aiguë est
épigastrique, paraombilical ou hypogastrique. Elles retrouvée dans 1 à 5 % des cas. Elle est de siège
évoluent par crise de façon imprévisible dans un ‚ Colite allergique iléo-iléal dans plus de la moitié des cas. Les
contexte volontiers apyrétique. Les hémorragies Elles surviennent surtout chez le nouveau-né et le antisécrétoires sont utilisés dans les HD du purpura
digestives sont récidivantes (40 % des cas), parfois nourrisson de moins de 4 mois dans le cadre rhumatoïde, parfois couplés à la nutrition artificielle
cataclysmiques. La visualisation du diverticule de d’allergie aux protéines de lait de vache. C’est la au rôle antalgique et nutritionnel bénéfique.

7
8-0510 - Hémorragies digestives de l’enfant


dans deux tiers des cas, comme chez l’adulte. De pédiatrie, les pathologies ulcéreuses et
Conclusion plus, l’endoscopie interventionnelle représente inflammatoires sont désormais traitées avec
maintenant la base du traitement de l’hypertension efficacité. De ce fait, la nécessité d’une prise en
Les progrès de l’endoscopie pédiatrique ont portale et des polypes rectocoliques. Grâce à charge chirurgicale des HD devient de moins en
permis une identification précise de l’origine des HD l’optimisation posologique des médicaments en moins fréquente.

Marc Bellaiche : Ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique-assistant, praticien hospitalier.
Ariel Gout : Interne des hôpitaux de Paris.
Nathalie Boige : Ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique-assistant, docteur ès sciences, attaché des Hôpitaux.
Pierre Foucaud : Praticien hospitalier, chef de service.
Service de pédiatrie, centre hospitalier de Versailles, 177, rue de Versailles, 78157 Le Chesnay cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Bellaiche, A Gout, N Boige et P Foucaud. Hémorragies digestives de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0510, 1998, 8 p

8
8-0540

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Mucoviscidose ou fibrose kystique


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

du pancréas
I Sermet-Gaudelus, C Silly-Gaillez, G Lenoir


Introduction

La mucoviscidose, aussi appelée fibrose kystique


Milieu extracellulaire

Molécules
de glucose
1 Structure du canal cys-
tic fibrosis transmembrane
conductance
(CFTR).
regulator

du pancréas (c y s t i c fi b r o s i s [ CF] pour les Domaines ATP : adénosine triphos-


Anglo-Saxons) est la plus fréquente des maladies Transmembranaires phate ; NBF : nucleotide
Membrane binding fold.
génétiques mortelles de la population caucasienne.
cellulaire
En France, on estime le nombre de malades à 6 000,
soit un sujet sur 2 500. Un sujet sur 25 est
hétérozygote, c’est-à-dire porteur sain. La survie des
malades s’est considérablement améliorée, passant
d’une médiane de moins de 5 ans il y a 20 ans à plus
de 30 ans actuellement. Ceci est en grande partie dû
à une meilleure prise en charge symptomatique. Il
est probable que les prochaines années vont voir Zone de
Fixation
la mutation
des progrès thérapeutiques majeurs, du fait d’une de l'ATP
∆F 508
meilleure compréhension physiopathologique. Canal


Physiopathologie

‚ Du gène à la protéine
Fixation
de l'ATP

NBF1
ions CI
NBF2

Le gène de la mucoviscidose a été caractérisé en Domaine R


1989. Il est situé sur le bras long du chromosome 7, Milieu intracellulaire
s’étend sur près de 250 kb d’acide désoxyribonu-
cléique (ADN) et comprend 27 exons. Il code une
protéine transmembranaire appelée CFTR (cystic 2 Représentation sché-
fibrosis transmembrane regulator) (fig 1). Lumière matique des différents ca-
Le CFTR est formé de deux parties. Chacune naux ioniques de la cellule
comprend un domaine transmembranaire composé CFTR épithéliale respiratoire.
Canal ENaC ORCC La lumière bronchique
de six segments séparés et un domaine de fixation
se trouve vers le haut et le
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de l’adénosine triphosphate (ATP) ou nucleotide


pôle sanguin vers le bas.
binding fold (NBF). Ces deux structures sont liées CFTR : cystic fibrosis trans-
entre elles par un domaine cytoplasmique riche en membrane conductance re-
sites de phosphorylation appelé R pour régulateur. R gulator ; ORCC (outward
est spécifique de CFTR [8]. NA CI CI rectifying chloride channel
K+ nucleotide binding fold) :
Le CFTR est exprimé au pôle apical des cellules
épithéliales. Son niveau d’expression est variable canal rectifiant sortant ;
selon les tissus. Le plus fort taux d’expression est ENaC : conductance amilo-
ride-sensible.
observé au niveau du pancréas et de l’intestin. Il est
ATPase
en revanche faible au niveau pulmonaire, ce qui NA+ K+ NA-K-2CI
laisse penser que d’autres facteurs interviennent
dans la physiopathologie de la maladie. ions/H2O Sang

‚ Rôle de CFTR
L’hydrolyse de l’ATP permet la modification de la un défaut de CFTR au niveau des cellules épithéliales
CFTR canal chlore (fig 2) protéine qui ouvre le canal. Les ions chlorures bronchiques a pour conséquence la rétention d’ions
Le CFTR est un canal chlore de faible passent à travers ce pore selon un gradient chlore dans la cellule. Ceci s’accompagne d’une
conductance [9]. L’ouverture du canal se fait après électrochimique. Dans les cellules bronchiques, le rétention passive d’eau, d’une déshydratation du
phosphorylation de un ou plusieurs résidus sérines gradient favorise le passage de l’intérieur vers la film hydrique de surface, et donc d’une diminution
du domaine R, et secondairement la fixation d’ATP lumière. Dans les cellules sudoripares, c’est l’inverse : de la clairance mucociliaire, avec finalement une
sur les domaines NBF. la sécrétion se fait de la lumière vers la cellule. Ainsi, obstruction des petites voies aériennes. À l’inverse,

1
8-0540 - Mucoviscidose ou fibrose kystique du pancréas

au niveau sudoripare, ceci se solde par le maintien


d’une sécrétion sudorale anormalement riche en 3 Classification des muta-
tions du gène CFTR (cystic
chlorure de sodium et en eau.
fibrosis transmenbrane re-
gulator : croix mauves)
CFTR régulateur d’autres canaux ioniques
d’après [9].
(fig 2)
TM 1 : domaine trans-
Au niveau bronchique, CFTR active un autre canal membranaire 1 ; TM 2 :
chlore (appelé ORCC) et régule négativement domaine transmembra-
l’activité d’un canal sodium sensible à l’amiloride, naire 2 ; NBF1 : nucleotide
responsable de l’absorption de sodium. Le défaut de binding fold 1 ; nucleotide
CFTR se traduit donc par une rétention intracellulaire binding fold 2 ; R : domai-
ne R ; ATP : adénosine tri-
supplémentaire de chlore (appelé ENaC), en
phosphate ; PKA : protéine
association avec une hyperabsorption sodique [9].
kinase A ; RE : réticulum
endoplasmique.
Autres fonctions de CFTR
Le mécanisme de la mucoviscidose ne peut se
résumer à une altération des mouvements ioniques.
Des études récentes ont notamment montré le


caractère non systématique de la diminution du – classe I ou mutation générant soit une protéine
contenu en eau des sécrétions bronchiques, ainsi tronquée (mutation non sens ou mutation décalant Diagnostic
que l’élévation de concentration en chlorure de le cadre de lecture), soit une protéine aberrante
sodium du liquide de surface bronchique, alors (mutation au niveau d’un site d’épissage) ;
– classe II ou mutation altérant le processus de ‚ Test de la sueur
qu’on s’attendrait au contraire. CFTR a en fait de
multiples autres fonctions pouvant jouer un rôle maturation cellulaire de la protéine. La mutation Le test de la sueur constitue l’examen-clé pour
important dans la genèse de la maladie. DF508 est la plus fréquente. Il s’agit de la perte d’une conforter ou récuser le diagnostic de mucoviscidose.
phénylalanine en position 508, à l’origine d’une Il consiste à mesurer, dans la sueur, la concentration
¶ CFTR et inflammation modification de la conformation de la protéine. Ceci en chlorures, qui est anormalement élevée chez le
CFTR semble jouer un rôle important dans la se solde par une destruction intracellulaire de CFTR. patient atteint de mucoviscidose [5].
g e n è s e d ’ u n p r o c e s s u s i n fl a m m a t o i r e En Europe, c’est la mutation la plus fréquente, mais
intrapulmonaire. sa fréquence diminue du nord au sud. En France, on Techniques du test de la sueur
Le poumon des sujets atteints de mucoviscidose la retrouve en moyenne chez 70 % des patients,
est le siège d’une inflammation précoce et excessive. mais avec des variations géographiques (81 % en
Des lavages bronchoalvéolaires réalisés chez des Bretagne, 58 % en région Provence-Alpes-Côte Le test de la sueur se décompose
nourrissons, en dehors de toute infection, montrent d’Azur) ; toujours en trois temps :
en effet un taux de polynucléaires neutrophiles – classe III ou mutation altérant la régulation du ✔ stimulation de la sudation par
100 fois supérieur à celui des témoins non malades, canal chlorure. Il s’agit d’une mutation au niveau des iontophorèse à la pilocarpine ;
une augmentation du taux de l’élastase, et un domaines NBF ou du domaine R ; ✔ recueil de sueur ;
déséquilibre de la balance cytokine pro- – classe IV ou mutation perturbant la ✔ dosage des électrolytes dans la
inflammatoire (interleukine [IL]1, IL6, IL8) et perméabilité du canal chlorure, incluant des sueur.
anti-inflammatoire (IL10). Ceci aboutit à un « stress mutations dans les domaines transmembranaires On exige classiquement, pour que le
oxydatif » exagéré du polynucléaire neutrophile, la qui peuvent altérer la conductance aux ions chlores ; diagnostic soit fiable, un poids
production en quantité excessive de radicaux – classe V ou diminution de l’expression
peroxydes et de toxines cellulaires. Il en découle
minimal de sueur de 100 mg, et la
membranaire d’une protéine CFTR fonctionnelle. confirmation par deux tests positifs en
l’augmentation de la synthèse de mucus et son
La variété des mutations et la diversité des formes méthode de référence.
hyperviscosité, une inflammation muqueuse
cliniques ont fait rechercher l’existence de relations
chronique avec constitution d’un épithélium
entre le génotype et le phénotype. Il est admis que
dysplasique où les récepteurs bactériens sont à
les formes avec insuffisance pancréatique ont des – La méthode de référence de Gibson et Cooke
découvert, et finalement la destruction du
mutations de classes I, II et parfois III, et sont en est basée sur le dosage des ions chlorures par
parenchyme pulmonaire. Certains auteurs ont émis
général associées à une forme sévère. DF508 en est titrimétrie. Les difficultés de réalisation de ce test
l’hypothèse d’anomalies intrinsèques de CFTR à
le prototype. Les formes avec suffisance amènent les laboratoires à utiliser des méthodes de
l’origine d’un processus inflammatoire constitutif [1].
pancréatique sont des mutations de classes IV et dépistage standardisées, réalisables au lit du malade.
¶ Autres rôles de CFTR parfois III. R117H en est le prototype. Elles sont en – Test de la sueur utilisant une électrode
D’autres rôles de CFTR sont en cours général associées à une forme moins sévère : spécifique : appareil Exsudose. Le recueil de la sueur
d’investigation : récepteur de Pseudomonas colonisation pulmonaire plus tardive par P. se fait par l’application d’une cupule ou exsupatch
aeruginosa, régulation de la sécrétion des mucines, aeruginosa et surtout médiane de survie de 10 ans qui permet la diffusion de la sueur à l’endroit où est
de l’activité bactéricide de peptides antibactériens, du plus élevée que chez les patients insuffisants appliquée l’électrode. Des erreurs, liées à une
pH intracellulaire et de la sécrétion des composés pancréatiques. Les mutations de classe V sont mauvaise calibration et/ou une mauvaise
glycoconjugués du mucus [1]. également considérées comme peu sévères. application de l’électrode sur la peau ont été
Hormis ces cas particuliers, on ne peut à ce jour signalées.
établir de relation génotype-fonction. Il apparaît – Test de la sueur par mesure de la conductivité


Mucoviscidose : maladie génétique

Plus de 800 mutations ont été identifiées à ce


même qu’une même mutation peut être associée à
des phénotypes cliniques très variables. Ceci
souligne l’intervention probable d’autres facteurs
dans l’expression de la maladie, notamment des
électrique ou Wescor. La sueur est recueillie par
capillarité dans un microcapillaire (collecteur
Macroduct). Ce test détermine la concentration en
chlorure de sodium par mesure de la conductivité
jour. Welsh et Smith ont proposé une classification gènes régulateurs et des facteurs envi- ionique. Il présente beaucoup moins de risque
des mutations en cinq classes (fig 3) [3] : ronnementaux. d’erreurs que le précédent.

2
Mucoviscidose ou fibrose kystique du pancréas - 8-0540

Résultats ‚ Diagnostic génétique l’importance des signes cliniques et radiologiques.


L’évolution de la maladie se fait par poussées de
Les résultats obtenus par la méthode de Gibson et La détermination du génotype du patient n’est
surinfection bronchique. Les complications viennent
Cooke ou la méthode Exsudose sont exprimés en pas indispensable au diagnostic mais apporte un
le plus souvent à l’adolescence ou à l’âge adulte. Les
milliéquivalents (mEq) de chlorure par litre de sueur. argument de poids en cas de doute, notamment si le
hémoptysies s’observent chez environ 15 % des
La valeur-seuil de 60 mEq/L semble permettre une test de la sueur a une valeur « limite ». Aujourd’hui, la
patients adultes. Elles sont souvent associées aux
distinction extrêmement fiable des sujets atteints ou détermination du génotype chez un patient atteint
surinfections bronchiques. Les pneumothorax ne
non de mucoviscidose. Les valeurs chez le sujet sain de mucoviscidose se fait par la recherche des
sont pas rares, résultat d’un emphysème bulleux.
semblent se situer au-dessous de 40 mEq de mutations les plus fréquentes. Il existe sur le marché
Progressivement, s’installe un tableau d’insuffisance
chlorure. Entre 40 et 60 mEq/L de chlorure, le différents kits permettant de détecter directement et
respiratoire chronique. Les marqueurs précoces en
diagnostic est douteux. Dans ce cas, le test de la spécifiquement entre 8 et 31 mutations. Si cette
sont une dégradation de l’état nutritionnel, la
sueur doit être répété et la discussion diagnostique recherche s’avère négative, il faut alors commencer
survenue de céphalées matinales, la diminution de
doit s’aider d’arguments cliniques et génétiques. une exploration exhaustive du gène, orientée par
la qualité du sommeil ou la baisse des performances
Pour le nourrisson, le seuil diagnostique est plus bas, l’origine ethnique du patient.
intellectuelles. Les signes d’insuffisance ventriculaire
à 40 mEq/L. La méthode Wescor prend en compte
droite sont, au contraire, exceptionnels avant 20 ans.
non seulement les ions chlorures, mais aussi le
sodium et les lactates, ce qui explique l’obtention de
concentrations plus importantes par rapport à celles
obtenues par la méthode de Gibson et Cooke. La
valeur-seuil est de 80 mEq/L exprimée en chlorure

Manifestations cliniques

Les signes d’appel sont multiples, le plus souvent


Aspect radiologique
Les anomalies radiologiques ne sont pas
spécifiques mais leurs associations, la topographie
des bronchectasies aux lobes supérieurs, et
de sodium. Entre 60 et 80 mEq/L, le diagnostic est non spécifiques (tableau I). On peut les regrouper
l’existence d’une distension thoracique sont très
douteux et le test doit impérativement être répété principalement en signes d’appel pulmonaires,
caractéristiques. Les signes les plus précoces
par la méthode de référence. nutritionnels et digestifs [3].
associent des opacités en « rails », traduisant
Le test de la sueur peut être pris en défaut. Les
l’épaississement péribronchique et la distension
faux positifs sont liés à des erreurs techniques le plus ‚ Manifestations respiratoires
pulmonaire avec emphysème prédominant aux
souvent. Il peut s’agir également de situations L’atteinte respiratoire chronique fait le pronostic bases. Au fil de l’évolution, apparaissent des opacités
pathologiques entraînant une élévation de la de la maladie. Les sécrétions bronchiques linéaires (atélectasie segmentaire ou sous-
concentration sudorale en chlorure de sodium, abondantes, visqueuses et infectées, l’inflammation segmentaire), des opacités micro- ou
notamment un traitement par céphalosporines, une et l’œdème bronchique, ont pour conséquence une macronodulaires, des foyers alvéolaires mal
dermatite atopique et une dénutrition. bronchopathie chronique obstructive, associant systématisés, et des bronchectasies prenant parfois
L’obtention de quantité de sueur insuffisante est l’obstruction des petites voies aériennes, des un aspect kystique. La tomodensitométrie permet de
la principale cause des tests de la sueur faussement dilatations des bronches, et finalement, une préciser l’étendue des lésions, repère les bulles
négatifs chez l’enfant de moins de 6 semaines. destruction parenchymateuse. juxtapleurales et détecte des adénopathies
médiastinales très fréquentes et méconnues par la
‚ Dosage de la trypsine immunoréactive Présentation clinique radiographie standard.
Pendant le premier mois de vie, le diagnostic de Les manifestations respiratoires sont présentes
chez environ 75 % des nourrissons dès la première Aspect fonctionnel
mucoviscidose s’appuie davantage sur le dosage de
la trypsine immunoréactive dans le sang année de vie. La symptomatologie n’est pas Les résistances pulmonaires sont augmentées
(valeur-seuil supérieure à 900 ng/mL). Cependant, spécifique : toux prolongée, soit sèche et quinteuse, chez les nourrissons, traduisant l’obstruction précoce
compte tenu d’un fort pourcentage de faux positifs, soit plus souvent productive ; bronchites ou des petites bronches. Secondairement, le syndrome
on préconise actuellement un diagnostic en deux bronchiolites récidivantes ; encombrement obstructif devient global (diminution du volume
temps : dosage de la trypsine immunoréactive, puis, bronchique et expectoration mucopurulente expiratoire maximal seconde [VEMS], diminution du
pour les prélèvements positifs et/ou à fort doute persistant entre deux épisodes aigus. L’auscultation débit expiratoire 25/75, augmentation des
diagnostique, recherche des mutations en biologie pulmonaire, souvent pauvre, contraste avec résistances des voies aériennes spécifiques), puis
moléculaire.
Chez l’enfant plus grand, le test de la sueur négatif Tableau I. – Quand penser à la mucoviscidose ?
s’associe le plus souvent à une forme clinique
atypique : atteinte pulmonaire modérée avec Nouveau-né Nourrisson Enfant Adulte
fonction pancréatique normale, atteinte Iléus méconial Diarrhée graisseuse Stagnation staturopon- Bronchite chronique
pancréatique exocrine chronique ou récidivante dérale
isolée, atrésie bilatérale des canaux déférents, Retard d’élimination Stagnation staturopon- Constipation, occlusion Asthme sécrétant
polypose majeure nasale isolée, forme rigoureu- du méconium dérale
Ictère cholestatique Constipation, occlusion Prolapsus rectal Emphysème
sement asymptomatique... Stagnation pondérale Bronchites à répétition Insuffısance pancréati- Hippocratisme digital
que externe
‚ Mesure de la différence de potentiel Détresse respiratoire Toux chronique Sinusite chronique
nasal Bronchopneumopathies Toux chronique Polypose nasale
sévères ou récidivantes
Le transport actif d’ions à travers l’épithélium Bronchopneumopathies Cirrhose
respiratoire génère une différence de potentiel (DDP) sévères ou récidivantes
Asthme sécrétant Stérilité par agénésie
transépithéliale qui peut être mesurée in vivo au
des déférents
niveau du plancher du cornet inférieur où Hépatomégalie Asthme sécrétant
prédominent les cellules ciliées. La DDP nasale Insuffısance cardiaque Dilatation des bronches
basale reflète essentiellement le transport du aiguë
sodium. Chez le patient atteint de mucoviscidose, Sinusite chronique
Coup de chaleur Polypose nasale
elle est environ deux fois plus élevée que chez le Cirrhose
sujet sain.

3
8-0540 - Mucoviscidose ou fibrose kystique du pancréas

s’associe à un syndrome restrictif (diminution de la ‚ Manifestations digestives [3, 7] ¶ Reflux gastro-œsophagien


capacité vitale fonctionnelle [CVF], augmentation du Le RGO est présent chez 40 % des nourrissons. Il
volume résiduel). Un signe précoce d’insuffisance Insuffisance pancréatique externe est lié à la distension pulmonaire et aux
respiratoire est la désaturation pendant le sommeil. Les lésions exocrines du pancréas sont modifications du gradient de pression abdominotho-
On peut considérer que des désaturations nocturnes constantes, mais ne s’expriment par une stéatorrhée racique (toux, kinésithérapie). Des phénomènes de
sont à rechercher systématiquement quand le VEMS pathologique (coefficient d’absorption des graisses microaspiration peuvent majorer l’inflammation et
est inférieur à 50 % de la théorique et/ou la SaO2 à inférieur à 85 %) que lorsque le niveau d’activité l’hyperréactivité bronchique. La symptomatologie
l’éveil à moins de 92 %. Les tests d’effort ont pour lipase résiduelle est inférieur à 0,1 %, ce qui est le cas clinique est inconstante. La pH-métrie de longue
but de mieux apprécier le degré et l’évolutivité de chez 90 % des patients. Ceux-ci présentent alors des durée paraît l’examen le plus sensible et spécifique.
l’insuffisance respiratoire. selles abondantes, nauséabondes et graisseuses, des ¶ Syndrome d’obstruction intestinale distale
douleurs abdominales, parfois une insuffisance (SOID)
Aspect microbiologique pondérale contrastant avec un appétit conservé. La Cet équivalent d’iléus méconial est une
L’examen cytobactériologique de l’expectoration maldigestion lipidique peut entraîner un déficit pathologie spécifique à la mucoviscidose. Elle est
profonde permet une analyse qualitative et calorique, une carence en acides gras essentiels et en due à une obstruction colique débutant
quantitative de la flore bactérienne colonisant les vitamines liposolubles E, A, D, K. Parallèlement, un généralement dans la région iléocæcale, le tube
bronches. Les trois germes les plus souvent isolés défaut d’amylase pancréatique est responsable digestif étant empli de matériel compact. Ceci est à
sont Staphylococcus aureus, Haemophilus influenzae d’une maldigestion de l’amidon, aboutissant à une l’origine de douleurs abdominales et parfois
et P. aeruginosa [2]. fermentation bactérienne colique accrue. On d’occlusion. Cette complication peut être révélatrice
propose aujourd’hui le dosage de l’élastase fécale d’une mucoviscidose. Sur la radiographie de
H. influenzae est responsable de colonisation
pour le diagnostic de l’insuffisance pancréatique, et l’abdomen sans préparation (ASP), le SOID se traduit
transitoire. S. aureus est le premier germe isolé,
la mesure de la stéatorrhée pour évaluer l’efficacité le plus souvent par la présence de selles dans la
souvent dès la petite enfance. La colonisation à P.
de la supplémentation pancréatique. fosse iliaque droite, avec des niveaux hydroaériques
aeruginosa se produit en général vers 10 ans.
et une distension sus-jacente. La réalisation d’un
Parallèlement à l’allongement de la durée de vie, et
Déficit nutritionnel lavement opaque aux macromolécules hydroso-
sous la pression antibiotique, des pathogènes
L’insuffisance nutritionnelle est constante à un lubles hyperosmolaires aide au diagnostic et
inhabituels et/ou hautement résistants aux
stade évolué de la maladie. représente un traitement efficace.
antibiotiques ont vu leur fréquence augmenter : S.
aureus résistant à la méticilline, P. aeruginosa Elle résulte de la conjonction de : ¶ Constipation
multirésistant (bactérie résistante à tous les agents – pertes énergétiques par maldigestion des Elle est fréquente et doit être distinguée du SOID.
d’au moins deux des classes antibiotiques suivantes : graisses et des vitamines liposolubles, créatorrhée Elle est parfois associée à un prolapsus rectal,
les bêtalactamines, les aminosides et/ou les excessive et perte des sels biliaires ; fréquent chez le petit enfant au moment de
quinolones), Aspergillus fumigatus, Stenotropho- – majoration du métabolisme du fait de l’apprentissage de la propreté. Il faut systémati-
monas maltophilia, Alcaligenes xylosoxidans, l’infection chronique et de dépenses énergétiques quement rechercher un surdosage en extraits
mycobactéries atypiques, et enfin Burkhoideria basales élevées, même en dehors de toute maladie pancréatiques.
cepacia. respiratoire (de l’ordre de 120 % des valeurs prévues
P. aeruginosa réalise une infection bronchique pour l’âge et le sexe) ; Manifestations hépatiques et biliaires
particulière, sans invasion systémique [2]. L’histoire – défaut d’apport dû à de multiples causes : La cirrhose est présente chez 2 à 5 % des
naturelle de la colonisation débute par l’implantation vomissements répétés associés à la toux, reflux malades, mais des lésions moins évoluées sont
de souches non mucoïdes au niveau de la cavité gastro-œsophagien (RGO) avec œsophagite, présentes chez plus de 20 % des adultes (anomalies
buccale et des voies aériennes supérieures, suivie encombrement respiratoire chronique, douleur biologiques, notamment une augmentation des
d’une colonisation trachéobronchique intermittente. abdominale et facteurs psychologique dus à une gamma-glutamyl-transférases ou des transami-
Le passage à la colonisation chronique est dû à anxiété, voire une dépression, fréquente chez ces nases). Une hépatomégalie isolée peut être un motif
une adaptation phénotypique du germe à patients. de découverte de la maladie. La lésion hépatique le
l’environnement spécifique des bronches, Le lien entre la dénutrition et la détérioration de la plus souvent observée est une stéatose. La cirrhose
permettant l’émergence de souches mucoïdes fonction pulmonaire est clairement établi. Le rapport est de type biliaire focale. Elle se complique le plus
productrices de quantité importante d’alginate qui poids de l’enfant au poids idéal pour la taille et le souvent d’hypertension portale avec varices
entoure la bactérie. L’alginate favorise la persistance sexe permet de chiffrer la gravité du déficit œsophagiennes, et très tardivement, d’insuffisance
du germe car il constitue un écran à la phagocytose, nutritionnel. Un taux inférieur à 85 % définit la hépatocellulaire. Un ictère rétentionnel par boue
la réponse immunitaire et la pénétration des dénutrition. La stagnation pondérale pendant plus biliaire peut être révélateur de la maladie néonatale.
antibiotiques. de 3 mois chez l’enfant, la perte de poids de plus de La vésicule biliaire est fréquemment atrophique. Des
B. cepacia peut être responsable de déclin rapide 5 % du poids habituel pendant plus de 2 mois chez lithiases peuvent être observées, qui sont le plus
de la fonction respiratoire, avec décès en quelques l’adulte sont des signes d’alarme. souvent asymptomatiques.
semaines. Des souches épidémiques, hautement
transmissibles et virulentes, ont en effet été décrites. Manifestations gastro-intestinales ‚ Diabète
Ceci a conduit à la mise en place, dans de nombreux ¶ Atteintes intestinales La prévalence de l’intolérance au glucose varie
centres, d’une politique de ségrégation des patients L’iléus méconial concernerait 80 % des fœtus entre 14 et 36 %, et celle du diabète entre 5 et 24 %
colonisés. entre la 18e et la 20e semaine de gestation. selon les études. La fréquence augmente avec l’âge.
La surinfection à champignons Candida et L’évolution est le plus souvent résolutive, l’iléus Pratiquement tous les patients déclarant un diabète
Aspergillus n’a pas forcément de conséquence méconial néonatal ne révélant la maladie que chez ont une insuffisance pancréatique externe.
clinique. Pour A. fumigatus, il s’agit généralement 10 % des nouveau-nés atteints. Dans la moitié des L’association au diabète semble être un signe
d’un simple portage, souvent au décours d’une cas environ, cette occlusion peut être levée par des d’aggravation de la mucoviscidose et s’associe à une
antibiothérapie à large spectre. L’aspergillose lavements évacuateurs hyperosmolaires ; sinon, détérioration des scores cliniques respiratoires et
bronchopulmonaire allergique ne survient que dans l’association à une atrésie iléale, à un volvulus du nutritionnels dans les 2 à 4 ans qui précèdent son
5 à 15 % des cas et réalise un tableau d’asthme grêle ou une péritonite méconiale impose le recours diagnostic. L’installation du diabète déstabilise
allergique avec immunoglobulines (IgE) totales, à la chirurgie, avec résection et anastomose d’ailleurs souvent l’état respiratoire. Le diabète doit
spécifiques et précipitines augmentées. terminoterminale en un ou deux temps. être recherché systématiquement par un dosage de

4
Mucoviscidose ou fibrose kystique du pancréas - 8-0540


l’hémoglobine glyquée. Mais le fait que cette formant colonie) /mL le seuil de virulence pour les
dernière soit normale n’élimine pas une intolérance Prise en charge et traitement bactéries pathogènes. Trois classes de molécules
au glucose. sont essentiellement utilisées : les bêtalactamines, les
aminosides (amikacine, tobramycine) et les
‚ Autres manifestations ‚ Principes [6] quinolones (ciprofloxacine) (tableau II). Compte tenu
de la fréquence des cures induisant des résistances,
Manifestations oto-rhino-laryngologiques une stratégie d’utilisation des bêtalactamines est
La prise en charge relève de centres
préconisée (fig 4). Les aminosides sont actuellement
La sinusite maxillaire est constante. Les bactéries hospitaliers spécialisés, permettant une
préconisés en dose unique journalière. L’activité de
sont les mêmes qu’au niveau bronchique. Une collaboration entre gastroentérologues, ces antibiotiques est en effet corrélée au pic de
polypose nasale récidivante, parfois très invalidante, pneumologues, concentration in situ. L’administration de la dose
est retrouvée chez environ 20 % des enfants de plus oto-rhino-laryngologistes, journalière en une seule fois majore donc leur
de 5 ans.. microbiologistes, kinésithérapeutes, efficacité. La toxicité de ces antibiotiques doit être
psychologues et diététiciennes. surveillée par des dosages de concentration
Manifestations génitales L’organisation des soins doit se faire résiduelle (juste avant l’injection) et de pic (30 min
La puberté est retardée dans les deux sexes. Des au maximum à domicile, permettant après une injection de 30 min) effectués à la
problèmes de stérilité chez le garçon (par atrésie des une meilleure acceptation des soins 48e heure de traitement. Il faut également pratiquer
canaux déférents) ou de réduction de la fertilité chez contraignants et une limitation du un bilan rénal (protéinurie, osmolarité urinaire à
les filles sont la règle. risque nosocomial. Le suivi jeun, clairance de la créatinine) lors de chaque cure
ambulatoire doit être régulier, mensuel et une audiométrie en haute fréquence chaque
Manifestations allergiques chez les tout-petits, puis trimestriel année.

Des manifestations allergiques fréquentes posent


ensuite. À chaque consultation, on doit Le traitement du P. aeruginosa nécessite une
pratiquer un examen association de deux antibiotiques de classes
des problèmes lors de l’administration des
cytobactériologique de l’expectoration différentes (bêtalactamines ± quinolones et
antibiotiques.
et une spirométrie dès que possible. aminosides), afin de rechercher un effet synergique
Un bilan annuel doit être fait en et de ralentir l’émergence de souches résistantes. Les
Myocardiopathies non obstructives
hôpital de jour, comprenant une antibiotiques sont en général administrés par voie
Elles peuvent révéler la maladie. Elles semblent radiographie de thorax, des épreuves intraveineuse, en cures de 2 à 3 semaines. Les
d’origine métabolique et peuvent être responsables fonctionnelles respiratoires (EFR), un posologies doivent être élevées du fait de
de mort subite dans la première enfance. Plus modifications pharmacocinétiques chez le sujet
examen cytobactériologique, une
tardivement, elles sont le résultat de l’hypoxie atteint de mucoviscidose (augmentation du volume
évaluation nutritionnelle précise
chronique. de distribution, diminution de la demi-vie)
(enquête diététique, dosages
(tableau II).
vitaminiques, stéatorrhée si
Arthralgies
infléchissement pondéral), et une ¶ Traitement des primo-infections
Des arthralgies, voire des arthrites, traduisent une hémoglobine glyquée. Une L’antibiothérapie doit viser à obtenir l’éradication
ostéopathie hypertrophique pneumique hyperglycémie provoquée par voie du germe. La plupart des équipes proposent
hypertrophiante débutante, ou des phénomènes orale (HGPO) est préconisée tous les 2 l’association de deux antibiotiques par voie
immunoallergiques dans ce contexte d’infection ans à partir de 10 ans. intraveineuse, pendant au moins 15 jours, jusqu’à
chronique. négativation de l’examen cytobactériologique,
ensuite relayée par des antibiotiques en aérosols
Déshydratation aiguë ‚ Atteinte respiratoire pendant au moins 3 mois. D’autres équipes
proposent un traitement par ciprofloxacine par la
La déshydratation aiguë ou « coup de chaleur » Vaccins bouche, associé à des aérosols de colimycine, en
compliquant un syndrome de perte de sel dans la
Tous les vaccins courants sont recommandés, continu.
sueur et la forme œdémateuse avec hypoprotidémie
notamment les vaccins dirigés contre les maladies
et anémie sont l’apanage du nourrisson. ¶ Traitement de l’infection chronique (fig 5)
respiratoires, le BCG et le vaccin associé L’objectif du traitement n’est pas l’éradication du
antirougeoleux, anti-ourlien, antirubéoleux (ROR). Le germe mais la diminution de l’inoculum bactérien,
vaccin contre l’hépatite B et le vaccin antigrippal sont


afin d’espacer les exacerbations aiguës et de ralentir
Pronostic systématiques. la progression de l’obstruction bronchique. En dépit
de ce faible effet bactériologique, les cures
Kinésithérapie respiratoire
permettent en général des améliorations cliniques
Les éléments les plus informatifs semblent être : Elle doit être mise en place même lorsque le sujet spectaculaires persistant entre 1 et 3 mois.
– l’installation d’une dénutrition ; est paucisymptomatique. La technique de référence Le débat porte essentiellement sur le rythme de
– la cinétique annuelle du VEMS. Son déclin est l’augmentation du flux expiratoire. De façon réalisation des cures d’antibiotiques intraveineuses :
annuel est habituellement d’environ 5 % chez ces idéale, elle comporte un drainage rapide des cures intraveineuses systématiques séquentielles
patients. La diminution de 10 % ou plus du VEMS par sécrétions accumulées dans les voies aériennes, puis trimestrielles, ou cures à la demande en fonction de
rapport aux valeurs enregistrées au cours des 6 à un aérosol de bronchodilatateurs, suivi d’une séance la dégradation des critères cliniques et fonctionnels
12 derniers mois semble être un critère très sensible ; de drainage complète. Une activité sportive est définissant les exacerbations aiguës. Compte tenu
– un VEMS inférieur à 30 % de la théorique ou indispensable. de la fréquence des cures, la prise en charge à
une CVF inférieure à 40 %, une PaO2 inférieure à domicile est privilégiée. Afin de faciliter les
7,3vkPa (55 mmHg) ou une PaCO2 supérieure à Antibiothérapie antipyocianique [2, 3] problèmes d’abord veineux, les malades ont de plus
6,6vkPa (50 mmHg) ont été associés à un risque de ¶ Principes en plus souvent un dispositif par cathéter central
décès de 50 % dans les 2 ans et retenus comme Le choix du traitement est à adapter aux résultats avec chambre implantable.
critères d’indication de la transplantation de l’examen cytobactériologique. La plupart des Le bénéfice de la cure semble renforcé par une
pulmonaire. équipes s’accordent pour fixer à 106 UFC (unités antibiothérapie continue. Les nouveaux macrolides

5
8-0540 - Mucoviscidose ou fibrose kystique du pancréas

Tableau II. – Posologie des antibiotiques dans la mucoviscidose d’après De Groot et al (Clinical Pharmacokinetics ; 1987 ; 13 : 228-253).

Famille Molécule Spécialité Dose unitaire Mode d’administration


Bêtalactamines
Pénicillines M Cloxacilline Orbéninet 40 mg/kg 4 × per os
Carboxypénicillines Dicloxacilline 25 mg/kg 4 × per os
Méticilline 60 mg/kg 4 × IVL (30 min)
Ticarcilline Ticarpent 100 mg/kg 4 × IVL (30 min)
Ticarcilline + acide clavulanique Claventint 100 mg/kg 4 × IVL (30 min)
Uréidopénicillines
Mezlocilline Baypent 100 mg/kg 4 × IVL (30 min)
Azlocilline Securopent 100 mg/kg 4 × IVL (30 min)
Autres Pipéracilline Pipérillinet 100 mg/kg 3 × IVL (30 min)
Tazobactam + pipéracilline Tazocillinet 80 mg/kg 4 × IVL (30 min)
Aztréonam Azactamt 80 mg/kg 4 × IVL (30 min)
Imipenem Tienamt 20 mg/kg 4 × IVL (30 à 60 min) + antiémétique
Méropenème 40 mg/kg 4 × IVL (30 min)
Céphalosporines de trosième Latamoxef Moxalactamt 100 mg/kg 3 × IVL (30 min)
génération
Cefsulodine Pyocéfalt 50 mg/kg 4 × IVL (30 min)
Ceftazidime Fortumt 80 mg/kg 4 × IVL (30 min)
en continu 15 mg/kg dose
charge puis 100 mg/kg/j
Aminosides Amikacine Amiklint 30-35 mg/kg 1 × IVL (30 min)
Pic : 60 mg/L Res < 1 mg/L
Tobramycine Nebcinet 10-15 mg/kg 1 × IVL (30 min)
Pic : 40 mg/L Res < 1 mg/L
Fluoroquinolones Ciprofloxacine Cifloxt 10 mg/kg 3 × IVL 1 heure
20 mg/kg 2 × per os
Fosfomycine Fosfocinet 60 mg/kg 3 × IVL (1 g/h)
Sulfamides Triméthoprime + sulfamethoxazole Bactrimt 150 mg/kg (triméthoprime) 2 × per os

IVL : injection intraveineuse lente.

4 Choix des principales


Infection chronique
bêtalactamines en fonction
Pénicilline
(ticarcilline, de la sensibilité de Pseudo-
pipéracilline) monas aeruginosa.
R : résistant ; S : sensible.
Ticarcilline (S)
Exacerbation clinique

Exacerbation sévère
ou
primo-infection

Cure antibiotique
(quinolones ou bêtalactamines intraveineuses
+ aminosides)

Pyocyanique Ticarcilline (R) Céphalosporines


≥ 106 UFC/mL Ceftazidime (S) (cefsulodine, ceftazidime) Aérosols d'antibiotiques
intercure

Ticarcilline (R) 5 Conduite thérapeutique pratique devant une colo-


Ceftazidime (R) Imipenem nisation chronique à Pseudomonas aeruginosa.
UFC : unité formant colonie.

Ticarcilline (R)
souvent utilisées sont de 75 à 300 mg/j pour la
Méropénème tobramycine, 600 mg une à deux fois par jour pour
Ceftazidime (R)
Autres bêtalactamines
Imipenem (R) l’amikacine, 1 000 000 unités deux fois par jour pour
la colimycine.
Autres germes
(azithromycine) semblent permettre une niveau des voies aériennes inférieures. Il faut donc Pour H. influenzae, un traitement par ampicilline
amélioration significative de la fonction respiratoire être vigilant quant à l’appareillage utilisé, car les plus acide clavulanique suffit le plus souvent à
lorsqu’ils sont administrés au long cours. Les performances varient d’un appareil à l’autre. Les éradiquer le germe. Pour le staphylocoque, on utilise
aérosols d’antibiotiques (tobramycine, colimycine, solutions d’antibiotiques utilisées ne sont en général l’oxacilline, l’ampicilline plus l’acide clavulanique, le
amikacine) permettent un espacement des cures, pas faites pour la voie inhalée et contiennent parfois Bactrimt. Pour les staphylocoques multirésistants, un
sans risque significatif d’émergence d’espèces des sulfites susceptibles de provoquer un traitement par rifampicine, fucidine, ou fosfomycine,
résistantes, et avec peu d’effets secondaires. bronchospasme. Une nouvelle formulation, sans voire vancomycine peut se justifier. Le traitement
L’optimisation des résultats dépend en grande partie additif, sera disponible prochainement pour la des autres germes justifie d’une discussion dans un
de la dose d’antibiotiques effectivement délivrée au tobramycine (Tobi). Actuellement, les doses le plus centre spécialisé.

6
Mucoviscidose ou fibrose kystique du pancréas - 8-0540

Autres traitements pour les manifestations augmenter suffisamment ses apports. Les
respiratoires Tableau III. – Prise en charge de l’insuffisance suppléments oraux (sous forme de briquettes,
pancréatique externe.
Un apport d’eau et de sel suffisant favorise la yoghourts, biscuits, plats cuisinés...) doivent être pris
fluidification des sécrétions. Les bronchodilatateurs Posologie des extraits pancréatiques entre les repas et ne doivent pas les remplacer. La
sont à recommander lorsque les tests de réversibilité majorité de leur coût est pris en charge par la
Nourrisson : 2 000 à 400 U lipase/120 mL de lait
montrent un gain d’au moins 10 % du VEMS par sécurité sociale. La prise concomitante d’extraits
rapport à la valeur de base. La désoxyribonucléase Enfant < 5 ans : 1 000 U/kg/repas pancréatiques est nécessaire, du fait de leur richesse
recombinante humaine (rh-DNase, Pulmozymet) est 500 U/kg/collation en lipides. Une nutrition entérale prolongée à débit
une enzyme capable de diminuer la viscosité des constant, nocturne, par sonde nasogastrique ou
Grand enfant et adulte : 10 000 UG/kg/j au maxi-
sécrétions bronchiques. Son efficacité par voie gastrostomie, devient nécessaire lorsque le rapport
mum
inhalée a été démontrée chez les patients ayant une Ne jamais dépasser : 250 000 U/L poids-poids idéal pour la taille est inférieur à 85 %.
CVF supérieure à 40 %. Il semble cependant que son L’assistance nutritionnelle permet souvent, à
Posologie recommandée pour les vitamines
effet diminue au bout de 1 an de traitement. La condition de ne pas se trouver dans une situation
et oligoéléments
posologie est de 2,5 mg/j le matin, suivie d’une respiratoire trop évoluée, un gain significatif des
séance de drainage respiratoire dans un délai d’au Vitamine A : 5 000 à 10 000 U/j paramètres respiratoires ou, au moins, de limiter les
moins 30 à 60 min. Vitamine D : 800-1 000 U/J selon la saison courbes de déclin.
La corticothérapie prolongée par voie orale à L’acide ursodéoxycholique (Ursolvant) semble
Vitamine E : 300-500 U/J (10 mg/kg/j)
fortes doses a montré une amélioration des ralentir l’évolution d’une hépatopathie débutante. Il
paramètres respiratoires, au prix d’effets secondaires Vitamine K : 5 mg tous les 3 ou 5 j si âge < 1 an, doit être prescrit à la posologie de 20 mg/kg/j.
inacceptables (ostéopénie, diabète, cataracte). Ils atteinte hépatique ou cure antibiotique fréquente
peuvent toutefois être discutés dans le cas d’une Vitamine B12 : 100 µg/mois en intramusculaire si ‚ Transplantation pulmonaire
corticothérapie systémique brève chez les sujet résection intestinale
présentant une dégradation de la fonction Son indication est une insuffisance respiratoire
Dosages de contrôle une fois par an
respiratoire. La corticothérapie inhalée (budésonide grave échappant à un traitement maximaliste.
Oligoéléments Qu’elle soit cardiopulmonaire ou bipulmonaire, ses
et fluticasone) semble bénéfique, en association aux
bêtamimétiques, dans le cas d’une hyperréactivité Fer : 10 à 20 mg/j résultats sont encore médiocres (survie actuarielle à
bronchique. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, 1, 3, et 5 ans respectivement de 72 %, 55 % et
Zinc : 10 à 20 mg/j
notamment l’Ibuprofènet à fortes doses, paraissent 47 %). La bronchiolite oblitérante, manifestation de
ralentir la dégradation des paramètres fonctionnels Sélénium : 50-150 µg/j rejet chronique, grève lourdement le pronostic.
chez l’enfant. Cependant, il semble que ce traitement En pratique soluté RDR 1 à 2 mg/kg/j
s’associe fréquemment à des effets secondaires.
L’oxygénothérapie longue durée peut être
proposée quand il existe de façon permanente une
hypoxémie à l’éveil (PaO2 inférieure ou égale à
55 mmHg ou SaO2 inférieure ou égale à 90 %) ou
posologie recommandée chez l’enfant est indiquée
dans le tableau III. Les spécialités les plus dosées
commercialisées en France, contiennent par gélule
25 000 UI de lipase. On a attribué des colites

Conclusion

Les prochaines années vont certainement voir


une désaturation nocturne (SaO2 inférieure à 90 % fi b r o s a n t e s à u n s u r d o s a g e e n e x t r a i t s une amélioration de la prise en charge de la
durant plus de 10 % du temps), associée à une pancréatiques ; mucoviscidose. Deux types d’axes de recherche sont
dégradation de l’état nutritionnel. Une oxygénothé- – une supplémentation en vitamines liposolubles privilégiés. Les essais de phase 1 de thérapie
rapie de déambulation doit être proposée s’il existe (tableau III) ; génique, débutés chez l’homme depuis 1993,
une désaturation significative en oxygène au test – une supplémentation en chlorure de sodium et confirment la faisabilité et l’innocuité de cette
d’effort. eau l’été ;
approche. Ils se heurtent encore au problème d’un
La ventilation non invasive au masque nasal n’a – une supplémentation en oligoéléments
rendement de transfection insuffisant. L’approche
pas encore d’indications parfaitement codifiées. Elle (tableau III) ;
pharmacologique, plus prometteuse à court terme,
semble améliorer la qualité du sommeil et la qualité – une prise en charge diététique adaptée au
s’attache à corriger les anomalies de transfert
de la vie pendant la journée, faciliter la patient. Le régime doit être hypercalorique et
ionique en agissant sur d’autres canaux ioniques
kinésithérapie respiratoire, et réduit, à moyen terme, normolipidique. Il doit comporter 10 à 15 % de part
que CFTR, ou en tentant de corriger les anomalies de
le niveau de la PaCO2 à l’éveil. protéique, 35 à 45 % de part lipidique et 45 à 55 %
synthèse de la protéine.
de part glucidique. Des entrevues régulières avec
‚ Prise en charge nutritionnelle [7] une équipe spécialisée en nutrition sont
Le traitement de fond repose sur : indispensables. Une supplémentation calorique doit Remerciements. – Les auteurs remercient Marie-Bernadette Madras
– l’opothérapie par extraits pancréatiques être prescrite en cas de dénutrition débutante ou de et Philippe Hulin pour leur assistance technique dans la réalisation
gastroprotégés au début de chaque repas. La besoins accrus si on doute de la capacité du sujet à des figures.

7
8-0540 - Mucoviscidose ou fibrose kystique du pancréas

Isabelle Sermet-Gaudelus : Chef de clinique-assistante.


Corinne Silly-Gaillez : Attachée.
Gérard Lenoir : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.
Service de pédiatrie générale, groupe hospitalier Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : I Sermet-Gaudelus, C Silly-Gaillez et G Lenoir. Mucoviscidose ou fibrose kystique du pancréas.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0540, 2000, 8 p

Références

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[2] Chabanon G, Segonds C, Marty N, Dournes JL, Agueda L. Aspects microbio- [7] Turck D, Michaud L. Les médicaments des troubles digestifs de la mucovisci-
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[5] Lenoir G, N’Guyen Khoa A, Simon G. Comment, quand et pourquoi deman-


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8
¶ 8-0480

Reflux gastro-œsophagien de l’enfant


P. Molkhou

Le reflux gastro-œsophagien (RGO) chez l’enfant peut se présenter sous de multiples formes cliniques
isolées ou associées. Chez le nourrisson, les premiers signes sont des vomissements qui peuvent être
traités dans les formes simples par des repas épais, une position surélevée sur le dos et si nécessaire par
des prokinétiques et des antiacides. En cas d’œsophagite, complication assez fréquente, qui mérite une
endoscopie œsophagienne, le traitement associera de préférence un inhibiteur de pompe à protons (IPP)
à un prokinétique. En dehors des formes digestives, le RGO peut intéresser l’appareil respiratoire avec la
sphère ORL et les bronches. Ces mêmes signes se retrouvent chez l’enfant plus grand. Le diagnostic
repose sur un interrogatoire minutieux avec l’aide d’une pH-métrie pour confirmer un reflux acide en
sachant que chez le jeune enfant les reflux sont souvent non acides. Actuellement, il est recommandé de
rechercher une intolérance ou une allergie alimentaire afin de mieux adapter le traitement. Une
indication chirurgicale (type Nissen) est posée après l’échec des thérapeutiques médicales prolongées
avec de bons résultats.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Reflux gastro-œsophagien ; Œsophagite ; Vomissement ; Asthme ; Allergie alimentaire

Plan glandulaire de l’épithélium œsophagien − affection en principe


de l’adulte, que nous avons observée, chez l’enfant et le jeune
adolescent. [1, 2]
¶ Introduction 1
Le RGO, en pathologie pédiatrique, a bénéficié de nombreu-
¶ Historique 2 ses publications, ces trois dernières décennies. Il est responsable
Épidémiologie 2 d’un nombre important de symptômes et plusieurs études
Physiopathologie et histoire naturelle 4 récentes ont abordé en détail sa physiopathologie, son diagnos-
Histoire naturelle 3 tic ainsi que son traitement médical et chirurgical. [2, 3]
¶ Aspects cliniques 5 Les complications du reflux ont été reconnues dans plusieurs
En fonction de l’âge 5 groupes de patients. On a pu ainsi décrire des crises d’apnée,
En fonction des organes 6 d’asthme et de pneumopathies récidivantes. Plus récemment, on
Autres formes cliniques 7 a attiré l’attention sur des formes respiratoires hautes (« head
¶ Moyens actuels du diagnostic 8 and neck manifestations » des auteurs anglo-saxons) telles que des
Endoscopie œsophagienne 8 manifestations buccopharyngolaryngées et également des otites
Mesures d’enregistrement 8 moyennes et séreuses. [4] Ces derniers symptômes ont été
jusqu’à ces derniers temps attribués à l’allergie ; ceci est en
¶ Thérapeutiques 9
partie vrai, mais une revue détaillée de ces deux maladies a
Complications du reflux 17 permis de reconnaître une certaine similitude des signes et
¶ Conclusion 21 symptômes et dans certaines circonstances, une association. [2]
Dans cet article, sont exposés successivement après un bref
rappel historique et épidémiologique, les mécanismes physiopa-
thologiques, les aspects cliniques en fonction de l’âge, et des
■ Introduction organes (formes digestives, extradigestives, et leurs associations).
Une partie est réservée au RGO et à l’allergie alimentaire. Enfin,
Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est défini comme le les méthodes diagnostiques actuelles et futures ainsi que les
passage du contenu gastrique au niveau de l’œsophage à travers moyens thérapeutiques sont également discutés.
le cardia. Chez le nouveau-né et le nourrisson, il doit être
distingué des régurgitations, phénomènes physiologiques après
les repas. Toutefois, le RGO devient pathologique en cas de ■ Historique
symptomatologie clinique ou s’il provoque une œsophagite de
reflux. Cette dernière, sous-estimée, peut se compliquer de Le RGO, sujet d’actualité depuis plusieurs décennies, a été
sténose œsophagienne, d’hémorragie digestive, et même décrit pour la première fois en 1776, par Rosen von Rosenstein
d’endobrachyœsophage ou syndrome de Barret,− métaplasie qui attira l’attention sur l’association entre asthme et RGO. [5]

Traité de Médecine Akos 1


8-0480 ¶ Reflux gastro-œsophagien de l’enfant

C’est en 1892, qu’Osler signale pour la première fois l’exis- Tableau 1.


Facteurs agissant sur la pression du sphincter inférieur de l’œsophage. [3]
tence de douleurs rétrosternales chez des sujets adultes vomis-
seurs, se plaignant de dysphagie et même de quintes de toux Augmentation de la pression Diminution de la pression
après les repas et dans certains cas, souffrant d’asthme. Il
Neuromédiateurs
rattache tous ces signes à l’existence d’une anomalie fonction-
nelle du sphincter inférieur de l’œsophage. Acétylcholine Dopamine
Agents alpha-adrénergiques Sérotonine
En 1946, Mendelson est le premier à établir une relation
Agents bêta-adrénerginiques
entre l’existence d’un RGO et des troubles respiratoires, comme
Agents hormonaux
l’asthme et une toux nocturne récurrente. [6]
Gastrine Glucagon-sécrétine
Un an plus tard, en1947, deux radiologues Neuhauser et
Prostaglandine F2 Cholécystokinine
Berenger attirent l’attention sur des anomalies du cardia chez
Motiline Prostaglandine E1, E2, A2
des nourrissons vomisseurs. [7]
Bombésine GIP, VIP
En 1960, Carré, un pédiatre britannique, s’intéresse à l’asso-
Prosgestérone, œstrogènes
ciation vomissements nocturnes et bronchopneumopathies
Agents pharmacologiques
récidivantes. [8]
Histamine Histamine
En 1962, Kennedy décrit les « RGO silencieux » responsables
Substance P
de manifestations respiratoires nocturnes. [9]
Bêtabloquants Atropine-théophylline
Quelques années plus tard, en 1967, Urschel et Paulson Bétanéchol Diazépam-morphine
publient des observations de troubles digestifs et respiratoires Métoclopramide Alphabloquant
isolés ou associés chez des nourrissons porteurs d’anomalies
Dompéridone Contraceptifs oraux
œsophagogastriques. [10] Au cours des années 1970-1980, de
Cisapride Inhibiteurs calciques
nombreux auteurs concentrent leur attention sur l’association
Facteurs alimentaires
RGO et formes chroniques respiratoires hautes et basses chez
l’enfant et chez l’adulte. [3] Protides Lipides-chocolat
Glucides Alcool-caféine
Ce n’est qu’à partir de 1985, que le RGO apparaît sous un
Menthe-tabac
nouvel aspect. En effet, Forget et Arends découvrent, à côté des
signes cliniques et radiologiques chez des nourrissons vomis- GIP : gastric inhibitory peptide ; VIP : vasoactive intestinal polypeptide.
seurs porteurs de RGO, l’existence dans un cas sur cinq d’une
allergie aux protéines du lait de vache avec présence de plasmo-
cytes à IgE à la biopsie duodénale, et la guérison dans les Physiopathologie et histoire naturelle [17]
24 heures suivant l’arrêt de toute alimentation lactée. [11]
Selon des données récentes, la physiopathologie du RGO est
À la même époque en 1986, Ventura et al. décrivent chez des multifactorielle :
nourrissons âgés de 1 à 7 mois des formes digestives évoquant • incompétence de la barrière antireflux au niveau de la
un RGO, ou pseudochirurgicales posant le diagnostic d’une jonction œsogastrique ;
sténose hypertrophique du pylore. Un bilan immunoallergolo- • altération de la vidange gastrique ;
gique permet de déceler une intolérance et/ou allergie aux • agressivité du liquide gastrique.
protéines du lait de vache (I/APLV) et de constater la guérison
complète soit après un régime sans protéines de lait de vache, Incompétence de la jonction
soit après élimination de formules, à base de soja ou d’hydro- gastro-œsophagienne
lysats de caséine. [12]
La quasi-totalité des épisodes de reflux survient lorsque le
En 1990, Molkhou, [2] à propos d’une observation person-
sphincter inférieur de l’œsophage (SIO) est nul ou très faible.
nelle, chez un enfant porteur d’un RGO, avec endobrachyœso- Cette incompétence du SIO peut elle-même être la conséquence
phage et d’une allergie alimentaire (AA) fait une revue des d’une immaturité comme chez le prématuré, le nouveau-né et
rapports existant entre RGO et allergie (cf. infra). le nourrisson, ou d’une altération du contexte anatomique
comme dans les malpositions cardiotubérositaires ou les hernies
hiatales.
La hernie hiatale par glissement (protrusion du cardia dans le
Épidémiologie thorax) favorise le RGO, mais ne s’accompagne pas toujours de
reflux. La hernie hiatale par roulement, très rare, n’est pas
Le RGO touche environ 40 % des nourrissons vers l’âge de 3
associée au RGO, le cardia restant dans la cavité abdominale.
à 4 mois, puis sa fréquence baisse pour atteindre 8 % vers 3 ans
Le SIO est sous la dépendance de facteurs neurohormonaux.
comme dans l’étude de Vandenplas et Sacré. [13] Il est influencé par la pression abdominale, la nature des repas
Actuellement, la fréquence du RGO serait supérieure comme liquides ou solides et par la position couchée ou orthostastique.
dans l’étude de Nelson et al., [14] qui évaluent à 15 % le La pression du SIO est modifiée par certaines substances
pourcentage des adolescents (10-17 ans) présentant des symptô- médicamenteuses ou alimentaires
mes digestifs évoquant une pathologie de RGO. Aux États-Unis,
4 % des admissions hospitalières en pédiatrie sont représentées Altération de la vidange gastrique
par des enfants souffrant de RGO et ce chiffre ne cesse de
Les anomalies de la vidange gastrique, en augmentant le
croître depuis ces cinq dernières années. gradient de pression gastro-œsophagienne stimulent les méca-
Chez l’adulte, le RGO est une pathologie extrêmement norécepteurs et déclenchent des relaxations transitoires du SIO
fréquente variant de 20 à 40 % avec comme signe révélateur le (Tableau 1).
pyrosis dont 5 % de la population souffre de façon quotidienne.
Un quart des patients bénéficiant d’une endoscopie digestive Agressivité du liquide gastrique
sont porteurs d’une œsophagite, ce qui représente 2 % de la
La toxicité œsophagienne des éléments du reflux gastrique est
population adulte. [15]
principalement liée à l’acide et à la pepsine. La sensibilité
Enfin, il est important de signaler que le RGO atteint souvent œsophagienne à l’agression acidopeptique est mal connue, mais
certains membres d’une même famille, ce qui pose le problème pourrait expliquer que 80 % des reflux soient totalement
de la notion d’hérédité. [16] asymptomatiques.

2 Traité de Médecine Akos


Reflux gastro-œsophagien de l’enfant ¶ 8-0480

Tableau 2. Le RGO pathologique peut s’exprimer à tout âge tant chez le


Complications imputables au reflux gastro-œsophagien de l’enfant [18]
nouveau-né, le nourrisson que chez le grand enfant, moment
• Retard de croissance
où il acquiert une signification péjorative plus importante.
• Hématémèse
RGO et période néonatale
• Anémie ferriprive
• Refus alimentaire À cet âge, les vomissements sont l’expression des trois quarts
• Douleur thoracique, pyrosis des RGO et peuvent s’accompagner de troubles du comporte-
ment alimentaire et/ou de la déglutition, de cris ou de troubles
• Apnée, malaise grave
du sommeil. [19, 20]
• Laryngites à répétition
Les hématémèses sont précoces (avant le 10e jour), traduisant
• Toux chroniques, bronchites à répétition une œsophagite sévère ou plus simplement correspondant à de
• Aggravation d’une pathologie respiratoire chronique (asthme, muco- simples lésions du bas œsophage, associées ou non à une
viscidose) gastrite hémorragique. L’évolution est favorable sous anti-
• Œsophagite H2 ou sous IPP.
• Sténose peptique de l’œsophage
• Muqueuse de Barrett RGO du nourrisson
Il est en principe plus caractéristique, s’exprimant dans plus
de 90 % des cas par des régurgitations importantes ou de réels
Dans ce sens, des études récentes ont montré qu’une grande vomissements avec perte de poids et pouvant faire discuter,
partie des reflux du nourrisson ne sont pas acides, grâce à des dans les premières semaines, le diagnostic de sténose hypertro-
méthodes d’enregistrement utilisant une impédancemétrie phique du pylore.
intraluminale (cf. infra). Il peut être associé à une hernie hiatale et/ou se compliquer
d’œsophagite ou de bronchopneumathies récidivantes et même
Dans ces conditions, la perception d’un reflux serait liée à
de manifestations ORL (otites récidivantes). [4]
son acidité, sa durée, son extension en hauteur et enfin à la
• Les manifestations « neurologiques » sont surtout caractérisées
sensibilisation préalable de la muqueuse œsophagienne.
par la survenue de malaises graves (apnées, bradycardies), ou
Enfin, la fonction de clairance œsophagienne est un méca-
de malaises après les repas (parfois à distance jusqu’à deux
nisme protecteur important de la muqueuse de l’œsophage heures), en pleine journée, lors de la manipulation de
contre l’agression liée au reflux. L’altération de la clairance l’enfant, change par exemple, avec parfois cyanose ou à
œsophagienne est d’autant plus grave si le reflux se produit l’inverse pâleur intense. Il pourrait s’agir soit de fausses routes
pendant le sommeil qui abolit le péristaltisme et la déglutition. avec inondation pharyngotrachéale, soit de bradycardie ou
Chez l’enfant et le nourrisson, rappelons que le RGO peut d’apnée réflexe. [3, 19]
être lié à un dysfonctionnement primitif des systèmes antireflux • Les troubles du comportement, l’existence d’un sommeil agité et
ou être secondaire à une cause anatomique ou allergique de pleurs incessants signalés par des parents inquiets doivent
(allergie aux protéines du lait de vache (cf. infra), neurologique retenir l’attention du médecin. [20]
(tumeur cérébrale), infectieuse ou métabolique. • Le syndrome de mort subite inexpliquée du nourrisson ne semble
plus actuellement être imputé en grande partie au RGO, sauf
comme cofacteur dans un contexte favorisant (literie inadé-
Histoire naturelle quate, température ambiante trop élevée, tabagisme passif,
positionnement ventral, etc.), et/ou sur un terrain à risque
Entre la naissance et la marche (12 à 18 mois) on assiste à (immaturité du système nerveux autonome, infection
une maturation des systèmes antireflux parallèlement au virale.) [18]
développement psychomoteur de l’enfant qui permet, avec
l’acquisition de la station debout, une diminution du facteur RGO de l’enfant et de l’adolescent
gravitionnel. [18]
La maturation des systèmes antireflux est anatomique (crois- Il n’est pas rare de découvrir l’existence d’un RGO chez un
sance de l’œsophage) et fonctionnelle (essentiellement diminu- enfant âgé de 2 ans ou plus, apparemment asymptomatique,
tion des relaxations inappropriées et à un moindre degré, mais qui a présenté une série d’épisodes laryngés, d’otites à
répétition, et de bronchopneumathies récidivantes. Souvent ces
l’augmentation de la pression du SIO). La diversification
enfants sont porteurs d’une œsophagite sévère.
alimentaire, autorisant une alimentation plus solide au cours de
la première année joue également un rôle dans la maturation. C’est justement dans ces formes sévères méconnues que nous
avons découvert dans notre série, chez quelques adolescents, un
En principe, chez la majorité des enfants symptomatiques
endobrachyœsophage ou syndrome de Barrett qui représente la
dans leur première année, les manifestations liées au RGO
forme la plus sévère du RGO, dont nous exposons brièvement
diminuent ou disparaissent. Cependant, nous avons constaté la
l’observation. [2]
fréquence de diverses manifestations bien au-delà des deux
À cette époque, les inhibiteurs de pompe à protons (IPP)
premières années, souvent sous-estimées (Tableau 2).
n’étaient pas encore disponibles.
Cette observation ouvre la discussion sur les rapports pouvant
exister entre RGO et manifestations liées à une libération
■ Aspects cliniques massive d’histamine (cf. infra).

Le RGO peut prendre des aspects différents. En fonction des organes


En fonction de l’âge [3] Formes digestives
Dans l’évolution du RGO, il faut chez le jeune nourrisson, Elles sont considérées comme des complications du RGO :
distinguer « le reflux physiologique » (régurgitations) et « le • Brûlures d’estomac, douleurs épigastriques, et rétrosternales,
reflux pathologique ». En l’absence de complications, la distinc- éructations, abdomen distendu après les repas, dysphagie
tion est parfois difficile et nécessite une analyse clinique (symptôme d’œsophagite). Souvent il peut s’agir d’une
minutieuse d’autant plus qu’une étiologie relativement récente douleur abdominale chronique sans sémiologie claire orien-
encore trop souvent méconnue : l’intolérance et/ou l’allergie tant vers une pathologie de l’œsophage ;
aux protéines du lait de vache (I/APLV) est souvent responsable • Chez les enfants encéphalopathes, le RGO est fréquent et
d’un RGO (cf. infra). souvent diagnostiqué tardivement en raison du terrain. La

Traité de Médecine Akos 3


8-0480 ¶ Reflux gastro-œsophagien de l’enfant

Figure 1. Enregistrement pH-métrie asthme sévère nocturne (Dr


P.-H. Benhamou).

muqueuse de Barrett est rare en pédiatrie, bien que nous Figure 2. Biopsie endobrachyœsophage (Dr O. George).
ayons eu l’occasion d’en découvrir trois cas.
longues années. Un traitement d’épreuve associant prokinétique
Formes extradigestives et anti-H2 puis IPP a réduit de façon significative ces infections
Manifestations ORL (Fig. 3) ORL. [22]
Parmi les manifestatons extraœsophagiennes, nous rappelons Manifestations respiratoires
que les effets du contenu gastrique peuvent aller au-delà de En dehors de l’asthme qui fera l’objet de ce paragraphe, les
l’œsophage et entraîner une voix rauque, une pharyngite formes respiratoires basses sont représentées le plus souvent
chronique, une dysphonie, des paresthésies pharyngées, des par :
douleurs à la déglution et même une sensation de « boule dans • une apnée ou malaise grave du nourrisson (ALTE : apparent
la gorge ». Fait important, ces sensations disparaissent lors de la life threatening events) ;
déglutition. [3, 4] • une toux spasmodique, des épisodes de bronchites obstructi-
D’autres signes classiques mais souvent sous-estimés sont ves récidivantes (wheezing) ;
représentés par la fréquence de dyspnées laryngées, de toux • une atteinte récidivante d’un même territoire pulmonaire, en
trachéale nocturne, de sinusite et d’otite récidivante aiguë ou particulier du lobe moyen, avec dans certains cas des signes
séreuse. Le RGO est certainement responsable d’un certain d’infiltrats interstitiels visibles à la radio.
nombre d’otites à répétition que nous rencontrons fréquem- C’est précisément dans certaines de ces formes respiratoires
ment lors de nos consultations. [21] avec absence de signes fonctionnels de RGO, que Kennedy avait
En collaboration avec nos collègues ORL de Saint-Vincent-de- décrit dès 1962 le « reflux silencieux ». [9]
Paul qui nous ont confié, pour exploration immunoallergologi-
que, des enfants de tout âge porteurs d’otites chroniques avec RGO et asthme [23]
troubles de l’audition, nous avons découvert dans plus d’un Les très nombreuses études consacrées à ce sujet s’accordent
quart des cas l’existence d’un RGO confirmé par pH-métrie et pour reconnaître que le RGO peut aggraver un asthme chez
fibroscopie ; ces RGO étaient passés inaperçus pendant de l’enfant asthmatique.

“ Observation personnelle [2]

« Il s’agit d’un adolescent de 13 ans, souffrant d’une urticaire chronique depuis plus de six mois qui n’a pas répondu à des traitements
antihistaminiques. Ce garçon avait déjà présenté, alors âgé de 8 ans des poussées d’urticaire aiguë, rattachées à l’époque à l’ingestion
de crustacés et de poissons, comme l’avaient prouvé les investigations immunoallergologiques (tests cutanés, dosage d’IgE
spécifiques) et les tests d’élimination-provocation.
Un régime alimentaire évitant les aliments responsables avait entraîné à l’époque une disparition de l’urticaire.
Après une période de six ans, sans aucune réapparition de l’urticaire, ce garçon signale de nouvelles poussées à prédominance
nocturne, deux à trois heures après le dîner et surtout après le coucher.
De nouvelles investigations immuoallergologiques restent sans réponse. La recherche d’un foyer infectieux ou parasitaire se révèle
négative. Deux épisodes d’urticaire généralisée, avec angio-œdème accompagnés de troubles respiratoires surviennent alors à
10 jours d’intervalle, vers minuit. Le tableau est impressionnant. Le patient signale pour la première fois qu’il présente depuis plusieurs
semaines des brûlures épigastriques après les repas. Ces derniers faits rapportés nous orientent vers le diagnostic d’un refflux gastro-
.
œsophagien. Une fibroscopie et une biopsie pratiquées montrent l’existence d’un endobrachyœsophage. Une pH-métrie de
24 heures très évocatrice montre une prédominance de reflux nocturnes (Fig. 1).Un traitement antireflux associant un prokinétique,
un anti-H1 et un anti-H2 est suivi d’une amélioration spectaculaire.
Au bout de trois mois de traitement, l’œsophagite s’est améliorée à la fibroscopie, mais les lésions d’endobrachyœsophage sont
toujours présentes confirmées par la biopsie (Fig. 2).
Après un an de traitement, notre patient reste entièrement dépendant de la médication antireflux, car toute tentative d’arrêt du
traitement est suivie de nouvelles poussées d’urticaire.
Une intervention chirurgicale de type Nissen est alors décidée. Le résultat est spectaculaire puisque aucune médication n’a été utilisée
depuis cette décision.
Ce patient est suivi régulièrement depuis plus de dix ans et aucune rechute clinique de son RGO n’a été constatée. L’histologie de la
muqueuse œsophagienne confirme la persistance de l’endobrachyœsophage, mais aucun signe d’aggravation. »

4 Traité de Médecine Akos


Reflux gastro-œsophagien de l’enfant ¶ 8-0480

Une autre théorie que la microaspiration a été proposée.


Cette théorie réflexe mettrait en jeu des récepteurs œsophagiens
sensibles à la stimulation acide qui entraînerait une
1 bronchoconstriction. [27]
2 5 Pour terminer ce paragraphe, bien qu’aucun examen ne
permette d’établir avec certitude une relation causale entre
asthme et RGO, l’amélioration de la symptomatologie respira-
3 toire depuis l’utilisation des IPP est un argument fort en faveur
de cette relation. [27]

Autres formes cliniques


4
Forme particulière assez rare chez l’enfant
Le syndrome de Sandifer est très rarement rencontré. Il
associe un RGO à des mouvements et des postures involontaires
et anormaux de la tête, du cou et du tronc. Décrit pour la
première fois en 1964 par Kinsborne, c’est Sandifer (neurologue
consultant de Great Ormond Street Hospital for Sick Children
de Londres) qui l’a découvert. L’observation originale décrit une
association entre des mouvements anormaux et une hernie
hiatale, mais la présence d’un RGO a été également
mentionnée.
Nous rapportons, une observation particulièrement intéres-
Figure 3. Manifestations extraœsophagiennes du RGO. 1. Émail den- sante d’une équipe de pédiatrie, de neurologie pédiatrique et de
taire ; 2. Carrefour laryngé ; 3. Carrefour aérodigestif ; 4. Appareil bron- chirurgie pédiatrique de l’hôpital universitaire Nijmegen St
chopulmonaire ; 5. Oreille. Raboud aux Pays-Bas. [28]

L’asthme affecte environ 4,8 millions d’enfants aux États-


Unis, parmi lesquels 5 % ont un asthme permanent avec plus
de deux à trois crises par semaine.
“ Mise au point
Récemment El-Serag et al. [24] ont réalisé un étude cas-
témoin sur un large effectif d’enfants âgés de 2 à 18 ans. La Il s’agit d’un garçon de 10 ans qui consulte en
prévalence de l’asthme était significativement plus élevée chez gastroentérologie, adressé par un neuropédiatre pour
les porteurs de RGO (103 % versus 7 % chez les témoins). apparition dès l’âge de trois ans de mouvements
Les relations entre RGO et asthme chez l’enfant peuvent être dystoniques de la tête de plus en plus fréquents qui
discutées à trois niveaux : diminuent au cours des repas et du sommeil. Pendant des
• le RGO est-il un facteur déclenchant de la crise d’asthme ? années, ce garçon a été traité sans succès successivement
La réponse est qu’une relation temporelle et une relation de par un pédiatre, un chirurgien orthopédique, puis un
cause à effet n’ont pas été souvent retrouvées entre crise
pédopsychiatre, et enfin un neuropédiatre qui devant ces
d’asthme et RGO ;
mouvements ayant un aspect de tics, suspecte un
• le RGO aggrave-t-il l’asthme ?
Il semble que le RGO pourrait aggraver l’asthme en opérant
syndrome de Gilles de la Tourette.
comme facteur supplémentaire de la réactivité bronchique par Ce n’est enfin qu’après un interrogatoire clinique
la stimulation des récepteurs bronchiques, comme l’ont montré minutieux révélant une augmentation de la fréquence des
Cinquetti et al dans un groupe de 77 enfants asthmatiques âgés mouvements de la tête et des déglutitions après la prise de
de 39 à 170 mois [25] ; boissons gazeuses, que le neuropédiatre pose le
• le reflux est-il secondaire à l’asthme ? diagnostic provisoire de syndrome de Sandifer qui lui avait
Des études ont montré que les asthmatiques ont plus de RGO été rappelé par un enregistrement vidéo projeté lors d’un
durant un bronchospasme que les sujets contrôlés, et sur le plan congrès de neurologie.
clinique, la constatation d’un RGO transitoire au cours de la Le diagnostic est confirmé après une endoscopie digestive
.

crise d’asthme. (œsopaghite grade 1) et une pH-métrie nettement


Mais l’association statistique entre asthme et RGO n’est pas
pathologique.
suffisante pour établir à elle seule un lien de causalité entre ces
deux pathologies, bien que la prévalence basée sur la pH-métrie
Le traitement médical n’est que partiellement efficace
varie entre 25 et 75 %. (cisapride et ranitidine), tandis que l’intervention
La symptomatologie digestive de RGO est souvent absente ou chirurgicale (fundoplication de Nissen) est suivie d’une
méconnue chez l’asthmatique. diminution progressive des mouvements dystoniques et
Très récemment, au Congrès Annuel de l’American College de déglutition pour disparaître définitivement au cours
d’Asthmologie et d’Allergie Clinique en novembre 2003, Mittal des mois suivants.
a montré que sur 68 enfants asthmatiques ayant subi une
pH-métrie, près de la moitié des enfants avec pH-métrie
pathologique ne présentaient aucun symptôme de RGO. [26] Ces
résultats encourageraient à traiter de façon empirique tout Cette observation est un exemple de la difficulté de certains
enfant asthmatique sévère, à défaut de lui imposer une diagnostics d’ordre neurologique psychiatrique ou orthopédi-
pH-métrie œsophagienne systématique. que, en particulier lorsque aucune cause n’est retrouvée. Les
Nous préférons personnellement réaliser une pH-métrie pour médecins devraient retenir ce syndrome afin d’éviter toute
mieux cerner le diagnostic et le traitement. confusion.
Les mécanismes physiopahologiques font état soit d’une
aggravation de l’inflammation des voies aériennes par aspiration Association RGO et manifestations cutanées
du contenu gastrique acide soit par un bronchospasme déclen- L’observation personnelle que nous avons rapportée fait état
ché par une microaspiration de liquide acide dans les voies d’un choc anaphylactique intéressant la peau (urticaire géante),
aériennes inférieures. les tissus profonds (angio-œdème) et l’appareil respiratoire.

Traité de Médecine Akos 5


8-0480 ¶ Reflux gastro-œsophagien de l’enfant

RGO

Reflux silencieux Reflux bruyant

Asymptomatique ORL Allergie


Œsophagite
Otite séreuse alimentaire

Figure 4. Gastrite à Helicobacter pylori (Dr O. Georges). Asthme Sensibilité Grattage Dermatite
sévère pneumallergènes atopique

Chez cet adolescent, le contenu gastrique qui comprend des Figure 5. Arbre décisionnel. Relations entre reflux gastro-œsophagien,
éléments acides, de la pepsine et dans certain cas des acides allergies alimentaires et autres manifestations allergiques (d’après P. Molk-
biliaires et des enzymes pancréatiques a une action irritante sur hou) [31].
les tissus avoisinants (endobrachyœsophage). Le rôle nocif de la
pepsine a été démontré chez les porteurs de RGO avec
Tableau 3.
œsophagite.
Symptômes gastro-intestinaux, conséquences d’un reflux gastro-
Comme l’histamine est un des plus puissants stimulants de la œsophagien (RGO) ou d’une allergie. [2]
sécrétion gastrique acide, on peut très bien supposer que dans
notre observation, cette substance libérée en grand quantité ait RGO Allergie alimentaire
été responsable d’une urticaire généralisée avec angio-œdème. Régurgitations Régurgitations
Nous avons constaté, dans de nombreux cas de RGO chez Vomissements Vomissements
l’enfant et l’adolescent, l’existence d’une urticaire associée avec Douleur abdominale (colique) Douleur abdominale (colique)
présence d’Helicobacter pylori à la biopsie duodénogastrique Œsophagite Déficience en lactase
(Fig. 4).
En 1995 au congrès de Nancy A.D., l’équipe de DA Moneret-
Vautrin a rapporté dans une étude rétrospective de 50 cas respiratoires basses et hautes. Mais ces découvertes qui remon-
d’urticaire chronique 52 % de symptômes digestifs dont 22 % tent aux années 1980 ont été enrichies à la même époque par
attribués à des porteurs de RGO et 19 % à des gastrites à les observations de Forget et Ventura citées précédemment. [13]
Helicobacter pylori. [29] C’est à partir de ces observations que depuis quelques années,
les recherches ont pris une nouvelle direction dans le domaine
de l’allergie alimentaire (Tableau 3).
Association dermatite atopique et RGO Si le RGO a été considéré pendant longtemps comme un
dysfonctionnement primaire de la motilité œsophagienne, en
La dermatite atopique (DA) du nourrisson et du jeune enfant
dehors des observations de Forget et de Ventura, un certain
est souvent la première manifestation d’une maladie allergique
nombre de faits cliniques rapportés ces dernières années
qui souvent risque d’évoluer vers l’asthme. Nous avons constaté
plaident en faveur d’une autre forme secondaire due à une
lors de nos consultations réservées à la DA, après un interroga- intolérance protéique alimentaire. En réalité, ces deux formes se
toire minutieux qu’un certain nombre de ces jeunes patients chevauchent cliniquement et sont souvent difficiles à différen-
avaient souffert ou souffraient encore de troubles qui pouvaient cier chez les jeunes enfants. L’identification de cette seconde
être rattachés à la présence d’un RGO probablement méconnu forme est très importante au moment du choix théra-
et que nous avons pu confirmer le plus souvent par une peutique. [32]
pH-métrie ou par un traitement d’épreuve quand les conditions Ces dernières années, la relation entre ces deux entités a fait
d’exploration ne pouvaient être remplies. Les résultats ont été l’objet d’un certain nombre de recherches qui ont permis de
le plus souvent significatifs quelle que soit l’étiologie de cette tirer quelques conclusions importantes, à savoir que, d’une part,
DA (alimentaire, aéroallergènes ou non) avec présence dans le dans plus de la moitié des cas de RGO chez des nourrissons de
sérum d’IgE totales élevées ou normales. moins d’un an, il existe une intolérance I/APLV, et que d’autre
Nous n’avons pas retrouvé jusqu’à ce jour de références part, dans une forte proportion de cas, le RGO n’est pas
concernant cette association en dehors de la nôtre. [30] seulement associé à une I/APLV, mais aussi provoqué par ce type
de sensibilisation. La fréquence de cette association est une
La Figure 5 présentée le 7 octobre 2002 au « SHS Third Food indication pour les pédiatres de rechercher une I/APLV chez
. Allergy Study Day » au Royal College of Physicians à Londres tous les nourrissons âgés de moins de 1 an atteints d’un
pourrait expliquer une sensibilisation possible par la voie RGO. [33]
respiratoire et/ ou digestive. [31] Trois études ont apporté la preuve d’une fréquence élevée et
peut-être inattendue d’une association RGO-I/APLV chez des
RGO et Allergie [2-4] enfants au cours de leur première année.
• La première étude (Staiano, 1995) concerne 24 enfants vomis-
Le RGO est responsable de nombreuses situations cliniques. seurs chroniques ; 64 % d’entre eux présentent un RGO isolé,
Un certain nombre de symptômes comme les laryngites, les 16 % une association I/APLV, et 16 % une I/APLV seulement.
pharyngites récidivantes, les rhinosinusites et même certaines Une analyse morphométrique des biopsies jéjunales a montré
otites moyennes ont été souvent rattachées à l’allergie. Ces des anomalies dans 19 % des cas de RGO isolé et 67 % dans
phénomènes qui restent en partie vrais, ont le plus souvent une les cas d’association I/APLV. Le test de perméabilité intestinale
autre origine. Le rôle du RGO est prédominant dans les formes (TPI) utilisant deux sucres inertes comme le mannitol et le

6 Traité de Médecine Akos


Reflux gastro-œsophagien de l’enfant ¶ 8-0480

Figure 7. IL-5 dans le duodénum dans l’allergie au lait (Dr S. Murch


Royal Free and University College, School of Medecine, London UK).

Il est communément admis que l’œsophagite est la consé-


quence directe de la lésion peptique due à l’exposition prolon-
gée de l’acide au niveau de l’œsophage distal. Les éosinophiles
de l’œsophage sont utilisés comme un marqueur spécifique du
reflux œsophagien. [37]
Figure 6. Œsophagite à éosinophiles (Dr S. Murch Royal Free and Plusieurs auteurs ont récemment étudié les relations entre
University College, School of Medecine, London UK). l’œsophagite à éosinophiles et l’allergie alimentaire.
L’œsophagite allergique est caractérisée par une dysphagie,
des douleurs et des symptômes mimant ceux de l’œsophagite
cellobiose a confirmé que la majorité des enfants vomisseurs du RGO. La biopsie montre une quantité importante d’éosino-
chroniques présentait une muqueuse anormalement perméa- philes et les pH-métries ne révèlent aucun reflux acide. Kelly et
ble aux grosses molécules ; et les auteurs de conclure que seul al. ont étudié un groupe de 10 enfants répondant à ces données
le TPI devrait être proposé en première intention chez de et chez lesquels un traitement médical et chirurgical anti-reflux
jeunes enfants vomisseurs chroniques ; [34] avaient échoué. L’hypothèse d’une étiologie alimentaire fut
• La seconde étude importante (204 enfants) (Iacono, 1996) est alors soulevée, et ces enfants furent soumis à un régime strict
entreprise chez des patients porteurs d’une œsophagite bien équilibré avec une préparation à base d’aminoacides
prouvée histologiquement. Plus de 40 % d’entre eux présen- exclusivement (Neocate®).
tent tous les signes cliniques d’une I/APLV et leurs symptô- Après 3 semaines en moyenne de ce régime, l’état clinique de
mes disparaissent après changement de régime au profit ces 10 enfants s’était grandement amélioré et le nombre des
d’hydrolysats poussés de caséine. Il est intéressant de signaler
éosinophiles très diminué sur les nouvelles biopsies par rapport
que, dans cette étude, les paramètres concernant la sévérité
aux éosinophiles avant l’essai thérapeutique. [38]
clinique du RGO et les indices de la pH-métrie étaient les
mêmes dans les deux groupes avec ou sans I/APLV ; [35] Une nouvelle étude histologique menée par Justinich et
• La troisième étude (Molkhou, 2001) concerne 20 enfants âgés al. [39] a montré une relation très étroite entre l’éosinophile
de moins de 1 an, tous porteurs de pleurs incessants, un œsophagien et les mastocytes muqueux œsophagiens dont le
certain nombre d’entre eux souffrant de lésions cutanées nombre est augmenté de façon significative quand on les
comme une dermatite atopique. [30] compare à des enfants indemnes ou à des enfants porteurs
Tous ces nourrissons ont bénéficié d’une fibroscopie avec d’une œsophagite peptique acide. Ce même auteur vient
biopsie œsophagienne, d’une pH-métrie de 24 heures ainsi que également de décrire une augmentation de l’interleukine-5
d’un TPI comme nous l’avons décrit précédemment. [36] Les (Il-5) dans la muqueuse œsophagienne de patients avec des
résultats ont montré que six enfants (30 %) souffraient d’une infiltrats éosinophiliques. L’interleukine-5 localisée au niveau
I/APLV avec une œsophagite à éosinophiles et une anomalie de de l’éosinophile pourrait jouer un rôle important dans la
leur perméabilité intestinale objectivée par une augmentation propagation de la réponse inflammatoire dans l’œsophage. La
de l’excrétion urinaire du rapport lactitol/mannitol (L/M). présence d’une chémokine spécifique de l’éosinophile,
Après 3 mois d’un régime sans protéines lactées bovines et l’« éotaxine », jouerait avec l’Il-5 un rôle central dans l’œso-
utilisation d’une formule à base d’aminoacides (Neocate®), phagite allergique. [40]
amélioration spectaculaire avec disparition de l’œsophagite et Une étude récente de biopsies œsophagiennes a mis en
retour à la normale du rapport L/M. Six autres enfants (30 %) évidence une nette augmentation de l’éotaxine épithéliale chez
présentaient une association RGO-I/ALV, et huit autres (40 %) des nourrissons porteurs de RGO dû au lait de vache comparée
un RGO isolé. à un simple reflux purement mécanique. L’éotaxine était
localisée au niveau de l’épithélium basal associé à des lympho-
Œsophagite à éosinophiles et hypersensibilité cytes T activés [41] (Fig. 7).
alimentaire Cette localisation suggère une voie pour un homing des
L’œsophagite est définie sur le plan histologique comme une lymphocytes sensibilisés à travers la muqueuse et une patholo-
hyperplasie de la basale, un allongement des papilles et la gie distincte de l’inflammation liée à une œsophagite classique
présence d’un infiltrat inflammatoire contenant un mélange de par reflux. Finalement, les réponses d’éotaxine sont très
neutrophiles et d’éosinophiles (Fig. 6, d’après Murch S. présenté dépendantes du pH autour de 7. Ainsi un reflux alcalin pourrait
le 7 octobre 2002 au « SHS Third Food Allergy Study Day » au être plus efficace qu’un reflux acide pour l’apparition d’une
Royal College of Physicians à Londres). éosinophilie œsophagienne.

Traité de Médecine Akos 7


8-0480 ¶ Reflux gastro-œsophagien de l’enfant

■ Moyens actuels du diagnostic


“ Conduite à tenir
Endoscopie œsophagienne Le traitement actuel consiste chez le nourrisson à :
• instaurer une position dorsale stricte, à étudier
Elle est souvent utile chez le nouveau-né et le nourrisson et
attentivement avec les parents le régime alimentaire pour
permet de détecter précocement une œsophagite. [2]
éviter la suralimentation ;
• favoriser les repas épaissis avec des laits « AR », après
avoir éliminé une intolérance aux protéines lactées
Mesures d’enregistrement bovines ;
La pH-métrie de 24 heures représente actuellement la
• éliminer les jus de fruits, fruits acides, boissons
méthode de référence permettant une évaluation quantitative gazeuses ;
précise du reflux acide et une analyse de la concordance entre • associer un médicament alginate (Topaal ® ou
les épisodes de reflux et les symptômes signalés par le malade Gariscan® ;
pendant l’enregistrement. Il est également possible de coupler la • associer un médicament prokinétique : dompéridone
pH-métrie à d’autres examens tels la manométrie de l’œsophage (Motilium®) [46] qui était remplacé jusqu’à maintenant en
et d’autres enregistrements comme dans le bilan des malaises de cas de non succès, avec toutes les précautions d’usage,
nourrissons : par le cisapride, reconnu à l’époque comme le seul
• le Holter (enregistrement continu de l’électrocardiogramme) ; prokinétique efficace plus sur la pH-métrie que sur le reflux
• ou encore un examen polygraphique permettant de corréler lui-même de façon consensuelle par les gastroentéro-
les épisodes de reflux aux modifications du rythme cardiores- logues américains et européens. Malheureusement, ce
piratoire, de l’EEG, etc. médicament vient d’être retiré du commerce pour des
raisons de sécurité.
Autres méthodes
Toutefois, la composition du contenu gastrique ne se résume
pas à l’acide et, selon les périodes du nycthémère, l’acidité et la
composition du contenu gastrique varient. En France, cette conduite à tenir est en principe réservée aux
reflux rebelles, aux autres traitements chez l’enfant de moins de
En fonction du contenu gastrique, le reflux peut être liquide
5 ans (à l’exclusion des prématurés) et aux gastroparésies chez
acide ou non, ou contenir de l’air. Parmi les techniques utilisées
pour évaluer le RGO non acide, l’aspiration du contenu de l’enfant de plus de 5 ans.
l’œsophage ou la scintigraphie sont de réalisation et d’interpré- Dans certains cas difficiles, le bétanéchol (Urécholine ® ),
tation difficiles. substance cholinergique, peut être utilisé avec quelques incon-
vénients notamment le risque d’augmenter la sécrétion gastri-
Le développement de la bilimétrie ambulatoire (Bilitec®) a
que et surtout de provoquer un bronchospasme, donc formel-
représenté un progrès incontestable.
lement contre-indiqué en cas d’asthme.
La mesure de l’impédance électrique endoluminale [42] permet
de détecter la progression d’un bolus dans un organe creux.
Appliquée à l’œsophage, cette technique combinée à l’enregis-
trement du pH œsophagien, permet l’étude du reflux non acide Complications du reflux
et ouvre des perspectives intéressantes tant dans le domaine de
• Prise de poids insuffisante (par abondance du reflux).
la physiopathologie du RGO que pour ses applicatons en
• Œsophagite :
clinique.
C population à risque : nouveau-né, polyhandicapé ;
En effet, dans un article récent, Wenzl et al [43] viennent de
montrer que la plupart des épisodes de reflux chez les C pleurs pendant les biberons ;
nourrissons ne sont pas acides et rapportent les résultats C hématémèse (vers 1 mois, songer à la sténose du pylore) ;
obtenus chez 50 enfants correspondant à 318 heures d’enre- C mauvaise prise de poids (par l’anorexie) ;
gistrement avec 282 reflux acides par pH-métrie contre C malaises liés au repas ou au changement de position.
1887 reflux acides et non acides par impédancemétrie. Ces • Asthme sévère avec reflux acide documenté, l’indication d’un
chiffres montrent que 85,1 % de cas de reflux seraient passés anti-H 2 (ranitidine, Azantac®) ou de préférence d’un inhibi-
inaperçus avec la seule pH-métrie. Ce même auteur propose teur de la pompe à protons (IPP) (oméprazole ou Mopral®,
également de combiner pH-métrie et impédancemétrie lanzoprazole ou Lanzor® par exemple) est particulièrement
comme outil performant dans le diagnostic d’un RGO chez recommandé après avoir pratiqué une fibroscopie. [47] Les IPP
les nourrissons. n’ont pas d’effet prokinétique direct documenté. Ils ne
devraient être utilisés que devant des reflux acides pathologi-
Dans le cas d’allergie alimentaire ques.
Les tests cutanés (prick tests et patch tests) sont utiles pour • Traitement chirurgical du RGO par cœliochirurgie (interven-
identifier les trophallergènes responsables dans les œsophagites tion de Nissen) appliquée chez l’adulte dès 1990, elle est
à éosinophiles. [44] appliquée chez l’enfant depuis 1992, avec comme avantages,
d’éviter une large laparotomie, des risques d’éventration,
d’améliorer l’esthétique, et enfin de réduire à 72 heures la
■ Thérapeutiques [20, 45]
durée d’hospitalisation.
Les résultats obtenus chez six de nos patients âgés de 4 à
Il est recommandé de se référer au guide suivant pour traiter 12 ans ont été excellents. Tous ces enfants avaient bénéficié
le RGO en fonction de sa symptomatologie simple ou auparavant de toutes les médications actuelles pendant plusieurs
compliquée. [45] années sans succès. (Observations personnelles non publiées)
Le but recherché est de trouver la cause du RGO, de résoudre Ces constatations semblent se confirmer par une étude multi-
les symptômes et d’éviter d’éventuelles complications invali- centrique réalisée depuis 1998 en Italie chez 288 enfants avec
dantes. des résultats excellents. [48]

8 Traité de Médecine Akos


Reflux gastro-œsophagien de l’enfant ¶ 8-0480

■ Conclusion [19] Vandenplas Y, Hauser B. Gastroesophageal reflux, sleep pattern, appa-


rent life threatening event and sudden infant death. The point of view of
Nous avons passé en revue deux grandes formes de RGO chez a gastroenterologist. Eur J Pediatr 2000;159:726-9.
l’enfant. La première classique connue depuis de plus d’un [20] Molkhou P. Les formes trompeuses du reflux gastro-œsophagien
siècle, fait appel à des facteurs mécaniques anatomiques faisant (RGO) chez le nourrisson et l’enfant. J Pédiatr Puér 2002;15:427-33.
intervenir des pressions opposées de part et d’autre de la région [21] Molkhou P, Dupont C. Symptômes digestifs et ORL. 1re partie. Rev Off
œsophagogastrique ainsi que des facteurs neurohormonaux. Soc Fr ORL 1996;39:65-9.
[22] Contencin P. Manifestations ORL du reflux gastro-œsophagien. Encycl
La seconde relativement récente d’apparition précoce, en
Méd Chir (Elsevier SAS, Paris), Oto-rhino-laryngologie, 20-822-A-
particulier chez le nourrisson au cours de la première année est
10, 1995: 8p.
en grande partie d’origine alimentaire. En réalité ces deux
[23] Didier A, Têtu L, Miguérès M. Asthme et reflux gastro-œsophagien.
formes sont souvent associées et posent des problèmes d’ordre
Rev Fr Allergol Immunol Clin 2004;44:79-82.
thérapeutique.
[24] El-Serag HB, Gilger M, Kuebeler M, Rabeneck L. Extraesophageal
L’importance des reflux non acides ouvre de nouvelles reflux disease in children without neurologic defects. Gastroenterology
perspectives pour les cliniciens à condition que ce nouveau 2001;121:1294-9.
matériel mis à leur disposition soit à un coût acceptable, faute [25] Cinquetti M, Micelli S, Voltolina C, Zoppi G. The pattern of
de quoi, l’impédancemétrie restera confinée dans quelques gastroesophageal reflux in asthmatic children. J Asthma 2002;39:135-
centres de recherche spécialisés en motricité œsophagienne. 42.
Pour conclure, il serait préférable de dire, comme le suggère [26] Mittal. Congrès Annuel de l’American College d’Asthmologie et
Keith J Lindley de l’équipe de Gastro-Entérologie Pédiatrique de d’Allergie Clinique en novembre. 2003 [abstract 38].
l’Institute of Child Health de Great Ormond Street Hospital for [27] Buré M, Wallaert B. Asthme et reflux gastro-œsophagien. In:
Sick Children de Londres, « que le reflux gastro-œsophagien Vervloet D, Magnan A, editors. Traité d’allergologie. Paris:
n’est pas un diagnostic mais plutôt un symptôme qui nécessite Flammarion Médecine-Sciences; 2003. p. 807-13.
de nombreuses investigations nécessaires pour aboutir à un [28] Tolboon J, Renier WL, Toorman J. Le syndrome de Sandifer : RGO du
traitement efficace ». [49] nourrisson et de l’enfant. In: Symposium Janssen. Médecine et Enfance;
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[29] Morisset M, Kanny G, Moneret-Vautrin DA. Étude rétrospective de 50
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Traité de Médecine Akos 9


8-0480 ¶ Reflux gastro-œsophagien de l’enfant

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respiratoires chez l’enfant. Ann Pediatr (Paris) 1989;36:148-50. Allergy Study Day” au Royal College of Physicians à Londres. 2002.

P. Molkhou* (paul.molkhou@libertysurf.fr).
Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 74, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Molkhou P. Reflux gastro-œsophagien de l’enfant. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de Médecine Akos,
8-0480, 2005.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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10 Traité de Médecine Akos


8-0530
8-0530

Urgences chirurgicales :
Encyclopédie Pratique de Médecine

douleurs abdominales aiguës


S Branchereau, C Chardot, O de Dreuzy, F Gauthier, J Valayer

L es douleurs abdominales aiguës recouvrent chez l’enfant des pathologies organiques ou fonctionnelles très
diverses [7].
Deux écueils sont à éviter. D’une part banaliser l’existence de douleurs abdominales en méconnaissant une urgence
chirurgicale avec parfois des conséquences graves : lésions irréversibles d’un organe et/ou mise en jeu du pronostic
vital. À l’inverse il est dangereux de poser une indication chirurgicale inutile chez un enfant ayant une pathologie
médicale qui peut être décompensée par l’anesthésie et /ou l’intervention.
© Elsevier, Paris.


comportement inhabituel, que ce soient des pleurs plus de possibilités de communication avec l’adulte
Introduction inexpliqués ou à l’opposé une atonie ou une qui examine. Deux types de communications
hypotonie, doit conduire systématiquement à la méritent d’être soulignés.
recherche d’une anomalie abdominale. L’existence C’est l’âge de l’enfant dit « inexaminable » : il faut
Il s’agit de douleurs abdominales évoluant depuis
de troubles digestifs associés est un excellent s’en méfier. Une attitude d’opposition peut
quelques heures ou quelques jours (moins de trois)
argument d’orientation. Le refus du biberon est correspondre à une attitude normale pour un enfant
et qui sont en rapport avec une pathologie
l’équivalent de vomissements. Si les rejets sont de cet âge mais il peut également s’agir d’un enfant
chirurgicale nécessitant un traitement en urgence
fréquents à cet âge, des vomissements, surtout s’ils qui souffre et qui ne veut pas laisser examiner son
(dans les 24 heures d’après la définition de
sont verts, signent quasiment l’existence d’une ventre. Il est alors souvent utile d’observer l’enfant,
l’Organisation mondiale de la santé).
pathologie chirurgicale. La diarrhée et la constipation en renouvelant l’examen en particulier lors des jeux,
Il est nécessaire de procéder par étapes et de
sont recherchées comme à tout âge. du sommeil. La persistance de réactions d’opposition
reconnaître :
■ Le premier temps de l’examen consiste à déclenchées spécifiquement par l’examen de
– la douleur abdominale aiguë évocatrice d’une
observer le comportement spontané de l’enfant (par l’abdomen, surtout d’une région précise, permet d’en
urgence chirurgicale : ceci nécessite de connaître la
exemple dans les bras de sa mère) : sa mimique, ses affirmer l’origine organique.
sémiologie propre à chaque âge ;
– la pathologie chirurgicale la plus vraisembla- gesticulations, ses réponses aux gestes de réconfort. À l’opposé l’enfant communique facilement mais
blement responsable de ces douleurs abdominales Un nourrisson inconsolable, avec des sourcils les réponses sont très variables d’un instant à l’autre
aiguës ; froncés, un visage crispé, des jambes repliées en et sans rapport avec l’examen physique. Il n’a pas
– le degré d’urgence du traitement. permanence sur le ventre a probablement une une organisation spatiale et temporelle adaptée
lésion chirurgicale aiguë. Il faut ensuite observer pour répondre aux questions de l’examinateur. Il a
La sémiologie des douleurs abdominales aiguës
l’abdomen lui même. Le ballonnement abdominal mal depuis « hier » (c’est-à-dire quelques heures, une
varie en fonction de l’âge. Pour tous il faut retracer
est de bonne valeur mais parfois difficile à apprécier. journée ou une semaine)... et il a mal à l’ombilic,
l’anamnèse (intervention, traumatisme), l’histoire de
La peau luisante, les anses visibles sont deux signes zone sur laquelle il projette toutes les douleurs
l’épisode récent, les signes d’accompagnement
rares mais très significatifs. Il n’y a pas de défense ni abdominales. Au moins dans cette situation
(généraux, digestifs, urinaires). L’examen doit être
de contracture chez le nourrisson. En revanche, on l’examen physique se déroule sans difficulté et
minutieux, et complet avec : la prise de la tension
peut reconnaître une zone électivement permet de juger facilement de signes locaux : une
artérielle, un examen ORL et pulmonaire, l’examen
douloureuse, et surtout une asymétrie dans les zone douloureuse ou une défense sont reconnues.
de l’abdomen, des bourses, des orifices herniaires, et
éventuellement en fonction du contexte un toucher réactions déclenchées par la palpation. Les orifices
rectal. L’ensemble de ces renseignements suffit le herniaires et les bourses sont examinés ‚ Enfant de plus de 6 ans
plus souvent pour avoir une orientation systématiquement. Devant une hernie ombilicale L’examen est strictement superposable à celui de
diagnostique. Des examens complémentaires douloureuse : se rappeler que celle-ci ne s’étrangle l’adulte. Très facilement à cet âge le diagnostic de
simples peuvent être utiles : la numération formule qu’exceptionnellement, il faut donc de principe constipation banale ou de douleur abdominale
sanguine et la CRP (protéine C réactive), la rechercher une autre cause à la douleur. d’origine « psychologique » est évoqué. Il faut être
radiographie d’abdomen sans préparation et ■ Le toucher rectal n’est pas systématique : vigilant, systématique dans l’examen clinique, et s’en
l’échographie abdominale ou abdominopelvienne. principalement à la recherche de sang dans les selles tenir aux constatations objectives.
lorsque l’on évoque une invagination. Il est fait avec


le 5e doigt et peut entraîner un malaise vagal. ‚ Chez l’adolescent
Sémiologie des douleurs
abdominales en fonction de l’âge
© Elsevier, Paris

Il n’y a pas de particularité sémiologique propre à


‚ Enfant à l’âge de la maternelle
cet âge. Il faut penser à examiner systématiquement
‚ Chez le nourrisson (de 2 à 5 ans)
les bourses chez l’adolescent qui vient pour une
■ Affirmer qu’il existe des douleurs abdominales, Les difficultés de l’examen du nourrisson viennent douleur abdominale aiguë et qui n’osera pas
et surtout les localiser peut être difficile. Un du fait qu’il ne s’exprime pas. Après 2 ans il existe toujours dire qu’il existe une douleur testiculaire.

1
8-0530 - Urgences chirurgicales : douleurs abdominales aiguës

Entre ces deux âges la torsion de testicule peut


Tableau I. – Fréquence des pathologies en fonction de l’âge. être observée, mais le diagnostic différentiel le plus
Nourrisson 2-5 ans Enfant Adolescent fréquent est la torsion d’hydatide. Dans ce cas, la
douleur est localisée à la bourse, plus précisément à
Volvulus +++ + + + la tête de l’épididyme, sans irradiation abdominale.
Invagination intestinale aiguë +++ ++ + +
Hernie étranglée +++ + + +
Appendicite + ++ +++ ++ ‚ Torsion et tumeurs de l’ovaire
Occlusion sur bride + + ++ ++ Comme pour la pathologie testiculaire, deux pics
Diverticule de Meckel ++ ++ ++ +
de fréquence avec les mêmes constatations.
Torsion testicule ++ * + + +++
Pathologie ovarienne ++ * + ++ +++ En période néonatale la pathologie la plus
fréquente est le kyste de l’ovaire, tordu ou non tordu.
+++Très fréquent Le diagnostic est fait sur des échographies
++ Fréquent
+ Rare ou exceptionnel systématiques. Le traitement n’est pas codifié et
* Nouveau-né
certains de ces kystes sont simplement surveillés. La
survenue de douleurs abdominales dans ce contexte
Chez la jeune fille penser également à la Les formes aiguës et chroniques peuvent survenir conduit à suspecter une complication pouvant
pathologie annexielle et situer les douleurs à n’importe quel moment (même à l’âge adulte), nécessiter un traitement chirurgical urgent.
abdominales par rapport au cycle menstruel. Faire mais avec prédilection dans la première année de Chez la grande fille et l’adolescente la douleur
un examen gynécologique : examen de la vulve et vie. aiguë abdominopelvienne très brutale doit faire
toucher rectal. Il est bien sûr essentiel de ne pas évoquer en premier lieu une torsion d’annexe.
méconnaître une grossesse et penser à demander ‚ Appendicite aiguë
un dosage de β hCG ( h u m a n c h o r i o n i c ‚ Pathologies de l’adulte
Elle est exceptionnelle avant 2 ans, rare avant
gonadotropin). – Les perforations d’ulcère.
5 ans, et l’âge moyen de survenue est entre 6 et
Si à chaque âge l’examen doit être adapté, il faut 12 ans. – Les cholécystites.
également connaître les pathologies à évoquer en – Les pancréatites.
Avant 5 ans le diagnostic est le plus souvent fait
fonction de l’âge. Bien sûr la hernie étranglée et la – Les lithiases urinaires.
au stade d’abcès ou de péritonite. Il y a deux
torsion de testicule peuvent survenir à tout âge, Toutes ces pathologies peuvent être rencontrées
explications à cela. D’une part le grand épiploon est
cependant il existe des pics de fréquence corrélés à chez l’enfant, mais elles sont beaucoup plus rares.
peu développé : la perforation se fait en péritoine
l’âge qui vont guider le diagnostic. Leur fréquence augmente à l’adolescence.
libre. D’autre part, l’examen clinique est plus difficile,
l’appendicite simule une gastroentérite ou une autre Une fois le diagnostic établi ou suspecté : le


affection virale très fréquente à ce âge : il existe donc traitement doit être organisé en urgence, mais il
Causes chirurgicales existe des degrés d’urgence différents selon qu’il
des douleurs abdominales un retard au diagnostic.
en fonction de l’âge s’agit d’un mécanisme vasculaire ou infectieux.
‚ Diverticule de Meckel


Nous ne traiterons pas des douleurs abdominales Le risque pour un sujet ayant un diverticule de
d’origine chirurgicale véritablement néonatales Meckel de se compliquer est d’environ 4 % et Urgences chirurgicales :
(occlusion néonatales et entérocolites du
quel degré d’urgence ?
diminue avec l’âge. Il peut se révéler par une
nouveau-né) (tableau I). occlusion intestinale, soit dans un tableau
d’invagination chez le nourrisson, soit comme une ‚ Urgences immédiates :
‚ Étranglement herniaire occlusion sur bride à n’importe quel âge. pathologies à composante vasculaire
La hernie inguinale se voit à tout âge. Mais La diverticulite est un mode de présentation rare : L’ischémie fait classiquement courir un risque de
l’étranglement est d’autant plus fréquent que l’enfant l’âge de survenue et la symptomatologie étant tout à nécrose tissulaire irréversible au-delà de 6 heures sur
est petit et que la hernie elle-même est à petit collet. fait comparables à ceux de l’appendicite, il s’agit en des tissus tels que le testicule, l’ovaire, le rein,
Près de 30 % des étranglements herniaires règle d’une découverte peropératoire. l’intestin. L’hémorragie est longtemps bien tolérée
surviennent avant 3 mois, le plus souvent c’est un Le mode de révélation le plus fréquent chez chez l’enfant, et la décompensation survient souvent
accident inaugural. l’enfant est l’hémorragie digestive basse, de façon brutale et grave. Dans ce type d’urgences,
habituellement sans douleurs abdominales. on ne saurait trop insister sur l’intérêt d’un contact
‚ Invagination intestinale aiguë direct entre le médecin qui voit l’enfant le premier et
‚ Occlusion sur bride le chirurgien à qui il va l’adresser, afin d’éviter tout
Elle est exceptionnelle en période néonatale, et
retard au traitement.
plus fréquemment en rapport avec une anomalie Elle peut s’observer après toute laparotomie. Le
anatomique, par exemple une duplication. pic de fréquence d’appendicectomie se situant à
Entre 2 mois et 2 ans c’est l’urgence chirurgicale 6-12 ans, avec un risque majeur d’occlusion sur
Ischémie tissulaire = urgence
véritablement abdominale la plus fréquente. La bride survenant dans l’année suivante.
thérapeutique immédiate ;
cause n’est pas clairement identifiée, elle est dite nécrose dans les 6 heures suivant le
idiopathique en incriminant des facteurs viraux et ‚ Torsion du cordon spermatique
début des signes cliniques.
une immaturité de la motricité digestive. Il existe deux pics de fréquence de cette
Chez l’enfant plus grand on observe encore des pathologie.
invaginations intestinales aiguës idiopathiques. La forme néonatale n’entre pas dans le cadre du Hernie inguinale étranglée (fig 1)
Après 6 ans elles sont plus volontiers en rapport diagnostic des douleurs abdominales. La torsion est Chez le nourrisson, l’étranglement herniaire
avec une cause organique : diverticule de Meckel généralement prénatale, et le diagnostic fait au stade conduit à une compression du pédicule spermatique
souvent, lymphome parfois. de nécrose : il n’y a plus de douleurs. dans le canal inguinal, avec ischémie testiculaire.
La torsion de l’enfant pubère ou prépubère : le L’ischémie intestinale survient à un stade plus tardif.
‚ Volvulus par anomalie de rotation
motif de consultation est soit d’emblée la douleur Il est possible de tenter immédiatement la réduction,
Les formes suraiguës de volvulus sont néonatales. testiculaire, soit des douleurs abdominales. sans forcer, en calmant l’enfant. Il faut éviter un

2
Urgences chirurgicales : douleurs abdominales aiguës - 8-0530

1 Hernie inguinale étranglée.

excès de manipulations responsables d’œdème et


d’hématome du cordon spermatique. L’enfant doit
être orienté en milieu chirurgical dans les plus brefs
délais : si l’état local et général le permettent, une
réduction par taxis sera tentée après sédation par
diazépam (Valiumt, 0,5 mg/kg intrarectal) ou
midazolam (Hypnovelt, 0,3 mg/kg intrarectal) avec 3 Invagination intestinale aiguë iléocaecale : radiographie d’abdomen sans préparation et lavement opaque
monitorage de la fréquence cardiaque et de la d’une invagination.
saturation périphérique en oxygène, en raison du
risque d’apnée. La sédation s’accompagne d’une
Le bilan, réalisé en milieu chirurgical, doit
myorelaxation entraînant un relâchement de l’orifice
apprécier le retentissement général et le risque de
inguinal profond, qui peut permettre la réduction de
nécrose intestinale constituée, dont dépendent les
la hernie. En cas de succès, la hernie sera opérée
possibilités de réduction par lavement hydrostatique
habituellement 48 heures plus tard, après
ou pneumatique. Il faut également rechercher des
diminution de l’œdème local. En cas d’échec de la
éléments en faveur d’une invagination à deux
réduction sous sédation, l’enfant est opéré en
niveaux, qui comporte le plus souvent une
urgence. Dans tous les cas, même si la hernie a pu
composante iléo-iléale, avec syndrome occlusif du
être réduite sous sédation, il existe un risque
grêle, et dont le traitement est chirurgical.
d’atrophie testiculaire secondaire dont doivent être
prévenus les parents.
Nourrisson 2 mois-2 ans :
crises douloureuses
Hernie inguinale étranglée = urgence et/ou vomissements - refus de boire
ischémique testiculaire. et/ou rectorragies
= rechercher l’invagination
Autres hernies étranglées intestinale aiguë.
Elles sont rares, mais doivent néanmoins être
recherchées en raison du risque d’ischémie Volvulus du grêle sur bride
intestinale. La hernie ombilicale s’étrangle rarement, Le diagnostic d’occlusion sur bride est le premier à
et dans ce cas, contient habituellement de l’épiploon. évoquer devant un enfant (ou un adulte...) qui
La hernie crurale, une éventration, peuvent aussi présente des douleurs abdominales et une cicatrice
s’étrangler. de laparotomie, avant même la constitution d’un
tableau plus complet d’occlusion du grêle. Toute
Invagination intestinale aiguë (fig 2, 3, 4)
4 Invagination intestinale aiguë iléocaecale : as- intervention intrapéritonéale, même par un abord
Dans l’invagination, le méso de l’anse invaginée pect opératoire avant réduction. limité (cœlioscopie) peut créer des adhérences ou
est comprimé dans le boudin. Il en résulte une stase des brides à l’origine d’accidents occlusifs. Les
veineuse (à l’origine des rectorragies) puis une éléments qui orientent vers un mécanisme de
ischémie complète de l’anse invaginée. strangulation, avec ischémie intestinale, plutôt que
À l’inverse de la hernie c’est plus l’anamnèse que vers une simple obstruction, sont un début brutal,
l’examen clinique qui fait le diagnostic. Un une douleur très intense (ischémie intestinale aiguë),
nourrisson avec un comportement anormal, des un silence auscultatoire, une défense pariétale, un
épisodes de pleurs intermittents ou d’hypotonie, un état de choc, une convergence des anses occluses
refus du biberon est suspect d’invagination même s’il vers la bride (aspect « en fleur ») sur les radiographies
n’a pas vomi, n’a pas de sang dans les selles et n’a d’abdomen sans préparation, et enfin l’absence
pas de boudin palpable. Un retard au diagnostic va d’amélioration sous aspiration gastrique aux
en compliquer le traitement, méconnaître le examens cliniques et radiologiques répétés à
diagnostic peut conduire au décès de l’enfant. quelques heures d’intervalle. Il faut se méfier de la
Dans la plupart des équipes [6], le diagnostic est fausse amélioration liée à la constitution de la
fait par échographie, mais le lavement opaque garde nécrose intestinale complète, qui s’accompagne
2 Image échographique typique en cible d’une in- ses indications si la fiabilité de l’échographie est d’une diminution des douleurs. L’intervention
vagination intestinale aiguë.
incertaine et dans les cas de diagnostic douteux. réalisée à temps permet d’éviter une mutilation

3
8-0530 - Urgences chirurgicales : douleurs abdominales aiguës

7 Torsion du pédicule
spermatique, sans né-
crose, chez un adolescent.

8 Torsion d’annexe (tératome ovarien).


échodoppler des vaisseaux mésentériques, qui
identifie l’anomalie de position relative de l’artère et abdominopelviennes avec collapsus chez une
de la veine mésentériques supérieures, et peut suivre adolescente. L’échographie montre l’hémopéritoine,
la spire de torsion. Le transit baryté œsogastroduo- la vacuité utérine et souvent la grossesse ectopique.
dénal (TOGD) confirme le diagnostic en montrant la D’une manière plus générale, les diagnostics
malposition de l’angle de Treitz, et la spire de torsion gynécologiques « de femme adulte » doivent être
intestinale. L’intervention urgente permet d’éviter, systématiquement évoqués chez l’adolescente, avec
dans les cas où la torsion est serrée, la perte de tout en premier lieu celui de GEU en raison du risque vital.
le grêle par ischémie mésentérique.

Torsion du pédicule spermatique Douleurs abdominopelviennes chez la


(« torsion du testicule ») (fig 7)
5 Diverticule de Meckel responsable d’une occlu- grande fille ou l’adolescente :
sion par bride mésentérique. Des douleurs de la fosse iliaque chez le grand ✔ penser urgences gynécologiques ;
enfant prépubère ou l’adolescent peuvent révéler ✔ échographie pelvienne urgente.
une torsion du pédicule spermatique. Elles peuvent
digestive qui peut aller jusqu’à la perte de tout le
correspondre à une projection de la douleur, ou à
grêle. Les occlusions du grêle sur bride congénitale,
une gêne du jeune homme à évoquer ses organes Urgences vasculaires abdominales
par hernie interne, peuvent être rapprochées de ce
génitaux. C’est pourquoi la palpation des bourses post-traumatiques
cadre (fig 5).
doit rester systématique dans l’examen d’un enfant Devant un traumatisme abdominal sévère,
qui se plaint de douleurs abdominales. Une fois la l’urgence immédiate est l’hémorragie. Les soins
Douleur abdominale + cicatrice de bourse douloureuse identifiée, il faut s’efforcer immédiats visent à maintenir une hémodynamique
laparotomie d’éviter toute perte de temps (notamment par des correcte, et après un bilan clinique rapide des lésions,
= évoquer en premier lieu une examens complémentaires) et montrer l’enfant au le premier examen à l’arrivée à l’hôpital est
occlusion sur bride. plus vite au chirurgien. l’échographie à la recherche d’un hémopéritoine ou
L’association douleur abdominale (en général de d’un hématome rétropéritonéal, et d’une lésion des
la fosse iliaque) et bourse vide homolatérale doit organes pleins (rate, foie, reins). La deuxième étape
Volvulus du grêle sur malrotation (fig 6) faire évoquer la torsion d’un testicule ectopique. est la recherche d’une lésion ischémique, qui affecte
Cette pathologie est le plus souvent révélée en essentiellement les reins : même en l’absence de
période néonatale, par un syndrome occlusif Douleur scrotale = avis chirurgical lésion du parenchyme, une lésion du pédicule
(nouveau-né vomissant jaune ou vert) à ventre plat. (rupture sous-intimale de l’artère) peut entraîner une
urgent.
Elle peut toutefois survenir chez le nourrisson ou ischémie complète du rein. La traduction clinique
Douleur abdominale + bourse vide
l’enfant, avec douleurs abdominales, vomissements peut être pauvre, et l’échographie simple ne montre
homolatérale
bilieux. Dans la forme aiguë, la plus fréquente, l’air pas les lésions. C’est pourquoi devant tout
= évoquer une torsion de testicule
contenu dans l’intestin volvulé s’est résorbé, et traumatisme abdominal sévère, a fortiori s’il existe
ectopique. une hématurie, il convient de vérifier la
l’abdomen est plat. Dans la forme suraiguë,
l’ischémie intestinale est totale d’emblée et l’intestin vascularisation du rein, soit par échodoppler, soit par
volvulé est distendu [5]. Le diagnostic est fait par Urgences gynécologiques deux clichés d’urographie.
Le diagnostic de torsion d’annexe (fig 8) doit être
évoqué chez la grande fille ou l’adolescente qui
Traumatisme abdominal sévère :
présente des douleurs abdominopelviennes
urgence n°1 = hémorragie →
brutales. La torsion survient habituellement sur une
annexe pathologique : kyste ovarien, voire tumeur
échographie
ovarienne. La masse peut être palpée au toucher
urgence n°2 = ischémie (reins) →
rectal lorsqu’il est réalisable. L’échographie montre doppler ou urographie intraveineuse
l’image de kyste ovarien échogène (= compliqué) et (UIV)
le diagnostic peut être précisé par cœlioscopie, qui
permet de différencier une simple hémorragie
intrakystique de la torsion d’annexe. Ce diagnostic
‚ Urgences obstructives
est cependant rarement fait au stade où l’annexe L’obstruction d’un conduit naturel peut être
peut être sauvée. menaçante par plusieurs mécanismes : d’abord par
6 Volvulus total du grêle avec nécrose secondaire La grossesse extra-utérine (GEU) rompue est une éventuelle ischémie associée (cf supra) ; ensuite
à une malrotation intestinale.
classiquement révélée par un tableau de douleurs par les conséquences hémodynamiques et

4
Urgences chirurgicales : douleurs abdominales aiguës - 8-0530

métaboliques de l’obstruction ; enfin par une l’appendicite. Le diagnostic est aidé par l’abdomen
éventuelle surinfection, avec rétention septique. sans préparation (ASP) (stercolithe, grisaille diffuse) et
l’échographie (épanchement ou collection
Occlusions intestinales intra-abdominaux, appendice tuméfié, stercolithe
La constitution d’un troisième secteur entraîne intraluminal), mais il existe des faux négatifs : ainsi
hypovolémie, oligurie, perturbations ioniques et de un appendice perforé peut avoir un aspect normal
l’équilibre acide-base. L’urgence est donc à la en échographie, et un épanchement péritonéal
rééquilibration hydroélectrolytique de l’enfant, purulent peut ne pas être vu. Le diagnostic de
parallèlement à la vidange digestive par sonde péritonite chez le jeune enfant reste difficile, et justifie
gastrique. La possibilité d’une pullulation le transfert de l’enfant en unité de chirurgie
microbienne dans l’intestin en stase doit être prise en pédiatrique au moindre doute.
compte, pouvant conduire jusqu’à la dérivation en
urgence (entérocolite de la maladie de Hirschsprung).
Enfin, dans de rares cas, la dilatation peut être telle
Péritonite du jeune enfant (avant 5
en amont de l’obstacle qu’elle peut aboutir à la ans) :
perforation (perforation caecale diastatique de la ✔ pas de contracture abdominale ;
maladie de Hirschsprung). ✔ tableau d’occlusion fébrile ;
✔ possibilité de « fausse diarrhée ».
Anurie obstructive
Lorsqu’il s’agit d’une obstruction urétrale, le
Appendicite (fig 9, 10)
diagnostic est souvent évident, avec douleurs
violentes liées au globe vésical. Le drainage urinaire Devant une douleur de la fosse iliaque droite, il
peut être réalisé par sonde urétrale ou par cathéter convient de rechercher en premier lieu une origine
sus-pubien, qui a l’avantage de minimiser le risque extra-appendiculaire : urinaire, génitale,
de surinfection et de ne pas entraver le bilan hépatobiliaire, ORL, pulmonaire, méningée. Cette
10 Appendicite aiguë : coprolithe visible après
étiologique (urétrocystographie). L’anurie par étape nécessite une anamnèse et un examen ouverture de la pièce opératoire.
obstruction urétérale bilatérale est rare, mais doit clinique soigneux, complétés utilement par une
être évoquée chez des enfants porteurs de maladie échographie abdominale ou abdominopelvienne
(grande fille). Le diagnostic d’appendicite est porté cœlioscopique) dépend avant tout de l’expérience de
lithogène (oxalose, alitement chronique). Il faut
sur un faisceau convergent d’arguments cliniques, l’opérateur. Il existe cependant une place privilégiée
corriger rapidement les désordres métaboliques liés
à l’anurie (hyperkaliémie), et lever l’obstacle (pose biologiques et radiologiques, avec dans les cas à la voie cœlioscopique en cas de doute
endoscopique de sondes urétérales). initialement incertains une observation de l’enfant diagnostique avec la pathologie annexielle chez
en milieu chirurgical, et examens répétés, au l’adolescente comme chez la femme adulte. Chez
Rétention urinaire ou biliaire infectée minimum biquotidiens [1]. L’évolution en 48 heures l’enfant obèse elle permet également d’éviter une
permet de distinguer l’appendicite des causes non grande voie d’abord.
Les rétentions urinaires ou biliaires infectées sont
chirurgicales de douleurs de la fosse iliaque droite, et
rares chez l’enfant, mais doivent être évoquées
d’éviter des interventions inutiles [2, 4, 9, 10, 11], et le Autres urgences infectieuses abdominales
devant un sepsis sévère et une dilatation des cavités
recours à des examens plus invasifs [8]. Le choix de la
urinaires ou des voies biliaires en amont d’un Des pathologies plus rares telles que diverticule
technique d’appendicectomie (chirurgicale ou
obstacle. Le traitement médical est insuffisant pour de Meckel, lymphangiome kystique, duplication
contrôler le sepsis. La levée de l’obstacle, et/ou un digestive, peuvent être révélées par un accident
drainage d’amont doivent être réalisés suivant les septique. Le tableau est celui d’une occlusion fébrile,
cas par voie percutanée, endoscopique ou le diagnostic peut être suspecté à l’échographie et
chirurgicale. sera confirmé à l’intervention.

‚ Urgences infectieuses


Dans les sepsis intra-abdominaux, l’urgence
immédiate est rarement à l’intervention chirurgicale : Traitement symptomatique
en effet, il s’agit d’abord de stabiliser l’état de l’enfant, de la douleur abdominale
de restaurer une bonne hémodynamique, de
relancer la diurèse. L’intervention, même si elle reste
urgente, intervient en deuxième ligne comme Le traitement « chirurgical » va soulager la
traitement étiologique du sepsis. douleur : après réduction d’une hernie étranglée
l’enfant soulagé s’endort presque immédiatement,
Péritonites dès la désinvagination faite les crises douloureuses
cessent.
Le tableau classique, avec douleur abdominale
violente, fièvre et ventre de bois, se rencontre chez le Mais, entre le moment où l’enfant consulte pour
grand enfant. Chez le jeune enfant (avant 5 ans) et le ses douleurs et le moment où le traitement
nourrisson, la péritonite est habituellement révélée « étiologique » va pouvoir être fait, il existe une
par une occlusion fébrile : gros ventre douloureux, période d’attente où la douleur elle-même va
fièvre et arrêt du transit. Il n’existe pas de contracture pouvoir être traitée [3].
abdominale à cet âge, la paroi abdominale reste Il existe deux périodes différentes. Avant le
dépressible. Parfois, l’irritation péritonéale peut être à diagnostic établi il ne faut pas masquer les
l’origine d’une « fausse diarrhée » trompeuse, et symptômes. Une fois le diagnostic fait et
conduire à tort au diagnostic de gastroentérite. La l’intervention chirurgicale décidée la douleur-
9 Appendicite aiguë : coprolithe visible sur l’ASP.
principale cause de péritonite chez l’enfant est symptôme n’a plus d’intérêt mais les antalgiques

5
8-0530 - Urgences chirurgicales : douleurs abdominales aiguës

utilisés ne doivent pas interférer avec l’anesthésie de courbe de température, celle-ci doit être reprise à la l’équipe chirurgicale en s’assurant de sa disponibilité
l’enfant. fin de la période d’action du médicament avant par exemple par un contact téléphonique.
Dans la période d’observation, les antispasmo- l’administration d’une nouvelle dose. De même, L’équipe chirurgicale jugera si l’indication
diques ont l’avantage de ne pas masquer les signes l’examen clinique est renouvelé à ce moment. opératoire peut être portée d’emblée sur la clinique
chirurgicaux. Il est préférable de les utiliser par voie En préopératoire immédiat c’est l’anesthésiste qui seule, ou si des examens paracliniques radiologiques
rectale ou par voie veineuse : Viscéralginet aura en charge l’enfant au bloc opératoire qui ou biologiques sont nécessaires. En effet, la
injectable simple, Spasfont injectable ou Débridatt. décidera des antalgiques à administrer avant prescription de ces examens avant cette consultation
L’usage d’un laxatif (Microlaxt ou Normacolt) l’intervention. Il peut prescrire des morphiniques. risque de représenter un surcoût et une perte de
permet de lever le spasme colique. L’enfant est temps.

Douleurs abdominales → antalgiques


autorisés
Une condition : nouvel examen avant

Conclusion

La douleur abdominale est un symptôme très


Pour les autres enfants il n’est pas toujours
possible dès le premier examen de faire un
nouvelle prescription fréquent chez l’enfant. L’anamnèse et l’examen diagnostic précis. Là encore peu d’examens
Antibiothérapie « d’épreuve » interdite clinique permettent en général de distinguer les rares complémentaires sont nécessaires, le plus utile étant
patients ayant potentiellement une lésion dont le de réexaminer l’enfant soit à domicile, soit en
réexaminé une fois les selles émises. Le paracétamol traitement chirurgical doit être fait sans délai et hospitalisation après 6 à 12 heures d’évolution en
par voie injectable peut également être utilisé. Il ne justiciables d’une consultation chirurgicale en urgence. instaurant un traitement symptomatique de la
faut pas craindre de masquer l’évolution de la Dans ce cas, l’enfant doit être adressé au plus vite à douleur dans l’intervalle.

Sophie Branchereau : Chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris.


Christophe Chardot : Praticien hospitalier des hôpitaux de Paris.
Olivier de Dreuzy : Attaché.
Frédéric Gauthier : Professeur des Universités, praticien hospitalier des hôpitaux de Paris.
Jacques Valayer : Professeur des Universités, praticien hospitalier des hôpitaux de Paris.
Service de chirurgie pédiatrique (Pr J Valayer), hôpital de Bicêtre, 78, avenue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : S Branchereau, C Chardot, O de Dreuzy, F Gauthier et J Valayer. Urgences chirurgicales : douleurs abdominales
aiguës. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0530, 1998, 6 p

Références

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[2] Bargy F. Appendicite aiguë et péritonite. In : Helardot P, Bienaymé J, Bargy F
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F eds. Chirurgie digestive de l’enfant. Paris : Doin, 1990 : 437-447

6
8-0575

8-0575

Clinique et diagnostic du diabète


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

de l’enfant
R Coutant, PF Bougnères

D ans la grande majorité des cas, le diabète de l’enfant est insulinodépendant et d’origine auto-immune. Il est
diagnostiqué devant un syndrome cardinal ou une acidocétose, mais il peut également être dépisté à un
stade préclinique, chez les individus à risque.
Plus rarement, il n ’est pas auto-immun et correspond alors à un ensemble hétérogène de pathologies : diabète
néonatal, diabète non insulinodépendant du sujet jeune (Mody [maturity onset diabetes of the young]), diabète
mitochondrial…
© Elsevier, Paris.


Épidémiologie, pathogénie,
génétique et physiopathologie
Tableau I. – Risque absolu de diabète
pour un apparenté de premier degré
d’un sujet diabétique.
Tableau II. – Allèles du complexe majeur
d’histocompatibilité impliqués dans la
susceptibilité.
‚ Épidémiologie [11] Patient diabétique Risque Molécules du CMH 2 Molécules du CMH 2
L’incidence du diabète insulinodépendant, en associées associées
Père 6 % (pour son enfant) à une prédisposition à une protection
France, est de 7,8/100 000 enfants/an entre 0 et
15 ans. Près de 6 000 enfants de 0 à 15 ans sont Mère 2 % (pour son enfant) HLA DR
diabétiques.
Père et mère 30 % (pour leur enfant) DRB1 03-DRB1 04 DR2
‚ Pathogénie [1] Frère ou sœur 5 % (pour le frère ou la HLA DQ
Le diabète est la conséquence de la destruction, sœur)
par le système immunitaire, des cellules β des îlots DQB1 0201- DQB1 0602
Jumeau monozygote 33 % (pour son jumeau) DQB1 0302
pancréatiques. L’association d’une susceptibilité au
diabète, multigénique, et de facteurs environne- Deux personnes 30 %
mentaux hypothétiques (allergènes alimentaires, atteintes
virus...) déclenche la réaction auto-immune. Population générale 0,3 % Un enfant se levant la nuit pour
Le processus de destruction implique uriner est suspect de diabète.
essentiellement l’immunité à médiation cellulaire [3], susceptibilité à la maladie ont été localisées,
et a commencé des semaines, des mois, ou des contenant un ou plusieurs gènes impliqués dans le La polyurie osmotique est responsable de
années avant que le diabète ne devienne déterminisme du diabète. mictions nocturnes fréquentes (nycturie) et entraîne
symptomatique. La principale région est celle du complexe majeur une polydipsie. Actuellement, le délai moyen entre
L’activation secondaire de l’immunité à médiation d’histocompatibilité de classe 2. Elle contient les l’apparition de la nycturie et le diagnostic de diabète
humorale se traduit par la présence d’anticorps gènes codant pour les molécules DR et DQ, dont la est encore de 1 mois. L’amaigrissement, secondaire
dirigés contre des autoantigènes insulaires, fonction est de présenter les antigènes au système à la déshydratation et à l’état catabolique lié à
détectables chez une majorité de sujets diabétiques immunitaire. Le diabète apparaît fréquemment l’insulinopénie (lipolyse et catabolisme musculaire),
au début de la maladie. Les anticorps anti-îlots de associé à certaines molécules HLA DR et DQ représente en moyenne 5 à 6 % du poids total.
Langerhans (ICA [islet-cell antibodies]) sont présents (prédisposantes), et rarement à d’autres (protectrices)
chez plus de 80 % des enfants diabétiques au début (tableau II). ‚ Examens complémentaires
de la maladie. Ils sont dirigés contre deux principaux La région du gène de l’insuline en 11p15 est
antigènes de la cellule β, la glutamate décarboxylase également impliquée.
Affirmer le diabète
(GAD) et la tyrosine phosphatase [2, 13]. Des anticorps La nature du ou des gènes de ces régions et leur Une glycémie supérieure ou égale à 200 mg/dL,
anti-insuline (IAA) sont mis en évidence chez 30 à rôle dans le déclenchement de la maladie sont mesurée n’importe quand, associée aux signes
40 % des enfants diabétiques, à la découverte de la actuellement inconnus. cliniques du diabète, suffit pour faire le diagnostic.
maladie, plus fréquemment avant l’âge de 5 ans. La glycosurie, détectée à l’aide d’une bandelette
‚ Physiopathologie
La présence de ces autoanticorps, longtemps réactive, est abondante. Elle est souvent associée à
Les mécanismes physiopathologiques du diabète une cétonurie.
avant la phase clinique, permet de prédire le risque
sont résumés dans la figure 1. Lorsque l’hyperglycémie débute, elle peut être
de diabète chez les apparentés d’un diabétique [13].
insuffisamment élevée pour entraîner des


‚ Génétique [5] symptômes. Le diabète est alors diagnostiqué à
Lorsqu’un sujet est atteint, le risque pour les
Diagnostic clinique et biologique l’aide d’une épreuve d’hyperglycémie provoquée par
© Elsevier, Paris

apparentés de premier degré (frère, sœur, parent, voie orale (HGPO) et est défini par une glycémie
enfant…) est supérieur au risque de la population ‚ Signes de l’hyperglycémie plasmatique à jeun supérieure ou égale à
générale (tableau I). Dans deux tiers des cas, le diabète est 140 mg/dL, et supérieure ou égale à 200 mg/dL au
L’hérédité du diabète est polygénique. Une diagnostiqué chez l’enfant devant l’association temps 120 minutes, ainsi qu’à un temps inter-
vingtaine de régions génétiques associées à une polyurie, polydipsie, amaigrissement. médiaire de l’HGPO.

1
8-0575 - Clinique et diagnostic du diabète de l’enfant

1 Altérations métaboli- Tableau III. – Signes cliniques de l’acidocétose


Glucagon ques au cours du diabète. diabétique.
Déficit en insuline Catécholamines
Cortisol Signes respiratoires Dyspnée ample et rapide
de Kussmaul
Tachypnée
Haleine acétonémique
Tissu adipeux Foie
Signes digestifs Nausées
Lipolyse β−oxydation Synthèse de Glycogénolyse Vomissements
des acides gras triglycérides Néoglucogenèse Douleurs abdominales
Conscience Coma 10 %
Cétogenèse Somnolence 40 %
Acides gras
libres Conscience normale 50 %

Plasma β -OH-butyrate Triglycérides Glycémie


Acétoacétate Anomalies hydroélectrolytiques associées
La natrémie est normale ou basse, selon
Cétonémie l’importance des pertes hydriques et sodées
Cétonémie
> 1,5 mmol/L respectives et selon la glycémie.
> 7 mmol/L Polyurie
osmotique La déplétion potassique est constante, secondaire
à la perte urinaire de potassium, bien que les valeurs
Cétonurie de kaliémie soient variables, basses, normales ou
élevées, du fait de l’acidose.
Perte hydrique : Déplétion Déplétion
Acidocétose déshydratation potassique sodée : L’instauration du traitement insulinique entraîne
intracellulaire déshydratation un mouvement du potassium du secteur
extracellulaire extracellulaire vers le secteur intracellulaire, et est
responsable d’une chute rapide de la kaliémie,
dangereuse si les apports potassiques sont
semaines. Sa mesure est utile dans les cas où insuffisants (troubles du rythme). Le traitement doit
l’hémoglobine glycosylée est fausse (hémoglobino- apporter du potassium dès le début en l’absence de
HbA1c pathies, anémie transfusée…). signe électrique d’hyperkaliémie (électrocardio-
11 % gramme [ECG]).
La protidémie est élevée, du fait de la

9%

Acidocétose

‚ Circonstances de survenue
déshydratation extracellulaire, de même que l’urée
et la créatinine, témoins de l’insuffisance rénale
fonctionnelle.
Un ECG est effectué systématiquement avant le
7% traitement et doit être répété dans les premières
Dans un tiers des cas, le diabète est diagnostiqué heures. Il recherche des signes électriques de
chez l’enfant au stade de l’acidocétose [4]. Celle-ci dyskaliémie.
5% Glycémie témoigne le plus souvent de la carence absolue en
moyenne
insuline, après plusieurs semaines de polyurie Autres anomalies biologiques
passée inaperçue ou mal interprétée.
90 150 210 mg/dL La numération de formule sanguine peut montrer
‚ Signes cliniques une polynucléose neutrophile ne témoignant pas
2 Corrélation glycémie moyenne - HbA1c. obligatoirement d’un processus infectieux, et un
L’acidocétose peut être responsable de douleurs
abdominales pseudochirurgicales. hématocrite élevé du fait de l’hémoconcentration.
Affirmer la nature auto-immune du diabète Enfin, on peut observer des élévations non
Les signes de l’acidocétose sont résumés dans le
Elle est affirmée s’il existe des ICA, des anti-GAD, spécifiques des transaminases, de l’amylasémie, des
tableau III.
des antityrosine phosphatases et/ou des anticorps créatine-kinases.
Le caractère aigu des douleurs abdominales peut
IAA, avant le début de l’insulinothérapie. Moins de orienter, à tort, vers une urgence chirurgicale. La
10 % des diabètes de type 1 juvéniles n’ont aucun polypnée ample, l’haleine acétonémique et la


autoanticorps. mesure de la glycémie capillaire redressent le
Dix pour cent des enfants diabétiques ont des diagnostic. Circonstances rares de diagnostic
anticorps antithyroïdiens et 1 % ont une
dysthyroïdie. ‚ Examens complémentaires
Rarement, le diabète est diagnostiqué en
Évaluer l’équilibre glycémique moyen Affirmer l’acidocétose diabétique l’absence de signe clinique, devant une glycémie
L’hémoglobine glycosylée (HbA1c) est corrélée à La présence des signes cliniques doit conduire à effectuée fortuitement, ou du fait d’une maladie
la moyenne des glycémies des 2 mois précédents effectuer en urgence un examen des urines, à l’aide auto-immune (thyroïdite, maladie d’Addison, vitiligo),
(fig 2) (glycémie moyenne [mg/dL] = 30 x HbA1c - d’une bandelette urinaire, à la recherche d’une ou chez un apparenté de premier degré d’un
60). Un sujet non diabétique a une HbA1c inférieure glycosurie et d’une cétonurie massives, et à adresser diabétique insulinodépendant. La conduite à tenir
à 6 %. À la découverte du diabète, elle est en l’enfant à l’hôpital. devant une hyperglycémie de découverte fortuite est
moyenne de 11 %. La mesure de l’HbA1c est inutile L’acidocétose diabétique est définie par un pH détaillée dans la figure 3.
pour diagnostiquer le diabète, mais indispensable inférieur à 7,3, des bicarbonates inférieurs à Exceptionnellement, le diabète peut être
pour contrôler l’efficacité du traitement. 15 mEq/L, une glycémie plasmatique supérieure à diagnostiqué devant un granulome annulaire,
La fructosamine correspond à l’ensemble des 2,5 g/L, la présence d’une cétonémie (non correspondant à des papules rouges pâles
protéines plasmatiques glycosylées et reflète la recherchée en pratique) et d’une cétonurie (mesurée situées le plus souvent au dos des mains ou des
moyenne des glycémies des 2 à 4 dernières à l’aide d’une bandelette urinaire réactive). pieds.

2
Clinique et diagnostic du diabète de l’enfant - 8-0575

Découverte d'une hyperglycémie à jeun à 110-150 mg/dL :



Clinique et diagnostic
des complications du diabète
de l’enfant
‚ Acidocétose diabétique
affirmer l'hyperglycémie à l'aide d'une HGPO
En dehors de l’acidocétose révélant la maladie,
celle-ci se rencontre lors de l’arrêt volontaire de
l’insulinothérapie ou bien chez le nourrisson, à
Éliminer un diabète de type 1 : l’occasion d’une infection intercurrente.
- recherche d'antécédents personnels ou familiaux de diabète de type 1 ou L’arrêt de l’insulinothérapie concerne le plus
d'autres maladies auto-immunes ( thyroïdite, maladie d'Addison, vitiligo) souvent des adolescentes, non compliantes au
- mesure des ICA, IAA ( anticorps anti-GAD, antityrosine phosphatases) traitement, refusant les contraintes thérapeutiques
- mesure de l'insulinosécrétion : HPIV effondrée à ce stade dans le DID de type 1 ou présentant des difficultés psychologiques
(dépression). L’omission d’insuline peut être
secondaire à la crainte de grossir.

Pronostic et complications de l’acidocétose


La mortalité liée à l’acidocétose est de l’ordre de 1
Rechercher des antécédents personnels à 2 %. Trois facteurs en sont principalement
ou familiaux d'anomalies cliniques ou Rechercher des antécédents responsables :
biologiques compatibles avec une maladie familiaux de DNID – l’hypokaliémie ;
mitochondriale et transmise de manière
matrilinéaire – l’inhalation de liquide gastrique ;
– l’œdème cérébral [4].
L’hypokaliémie résulte de la déplétion
potassique, constante, et peut être révélée ou
aggravée par le traitement. Elle est évitée par un
Mesurer la glycémie du père et de la mère apport rapide et important de potassium et l’absence
de perfusion de bicarbonates alcalinisants. La
recherche de signes électriques d’hypokaliémie est
systématique, à l’aide d’ECG répétés (aplatissement
Insulines anormales de l’onde T, apparition d’une onde U, sous-décalage
ou de ST, troubles du rythme).
Normale Élevée
résistance à L’inhalation de liquide gastrique doit être
l'insuline : prévenue par l’aspiration de l’estomac chez les
insulinémies élevées patients inconscients.
L’œdème cérébral est plus fréquent chez l’enfant
que chez l’adulte et sa mortalité est lourde. La
DNID juvénile non Diabète mitochondrial MODY perfusion trop rapide de solutés de réhydratation a
dominant ( transmission matrilinéale) Insulinémies été incriminée dans sa survenue, sans être
Insulinémies Insulinémies normales ou normales ou basses démontrée. Il se développe chez des patients bien
normales ou basses basses conscients, après 2 à 24 heures de traitement, alors
que l’hyperglycémie et l’acidose régressent. Il est
suspecté devant des céphalées (inconstantes), une
3 Conduite à tenir devant une hyperglycémie de découverte fortuite. HGPO : hyperglycémie provoquée modification du comportement, une altération
par voie orale ; HPIV : hyperglycémie provoquée par voie intraveineuse ; ICA : islet-cell antibodies ; IAA : secondaire brutale de la conscience, des
anticorps anti-insuline ; DID : diabète insulinodépendant ; DNID : diabète non insulinodépendant. convulsions, des signes neurologiques de
compression du tronc cérébral (mydriase,


intraveineuse (HPVI), associée à la mesure des ICA, bradycardie) et peut entraîner un arrêt respiratoire
Dépistage du diabète précise le risque de diabète chez les apparentés de en quelques minutes. Devant une altération
premier degré ICA positifs. Lorsque l’insulinosé- secondaire de la conscience chez un enfant traité
crétion précoce est effondrée, le risque d’évolution pour acidocétose, il faut suspecter un œdème
‚ Identification des sujets à risque vers le diabète à moyen terme est important. cérébral, après avoir éliminé une hypoglycémie. Si la
de diabète suspicion clinique est suffisante, il nécessite l’emploi
La prévalence du diabète chez un frère ou une ‚ Prévenir le diabète ? immédiat de Mannitol Aguettantt intraveineux, sans
sœur d’un diabétique est de 5 % (contre 0,3 % de la La prédiction de la maladie chez les apparentés attendre la confirmation neuroradiologique, et
population générale). C’est donc vers les familles de d’un diabétique est importante, car elle permet éventuellement le recours à la ventilation assistée.
diabétiques que se sont tournées les études de d’envisager des interventions thérapeutiques à ce
dépistage. stade, et à terme, l’espoir de prévenir le diabète. Des ‚ Hypoglycémie iatrogène [8]
Le risque de diabète chez un apparenté de essais de prévention du diabète sont en cours. Ils Elle est définie par une glycémie plasmatique
premier degré d’un diabétique repose sur la mesure emploient l’insuline sous-cutanée à petites doses, inférieure à 60 mg/dL.
des ICA, des anticorps anti-GAD, des antityrosine l’insuline administrée par voie orale, et Les hypoglycémies sont subdivisées en deux
phosphatases et des IAA [2]. Des ICA sont retrouvés prochainement, de véritables « vaccins » contre le types, mineures ou sévères, en fonction du
chez 2 à 3 % des apparentés de premier degré d’un diabète. traitement nécessaire à leur correction :
diabétique. Le risque de diabète est très important – une hypoglycémie mineure est perçue par le
lorsque le titre des ICA est élevé chez un enfant de ‚ Dépister le diabète dans la population sujet lui-même, qui absorbe des glucides pour la
moins de 10 ans (risque proche de 100 %) (fig 4, 5). générale? corriger. Elle correspond en général à des
Les enfants porteurs d’ICA à titre élevé sont à haut symptômes de réaction neurologique (adrénergi-
‚ Évaluation de l’insulinosécrétion risque de diabète. Cependant, la généralisation du ques et cholinergiques) ;
L’étude de l’insulinosécrétion précoce au cours dépistage se heurte à des problèmes techniques, et – une hypoglycémie sévère nécessite une
d’une hyperglycémie provoquée par voie surtout à l’absence de traitement préventif validé. intervention extérieure pour sa correction, soit en

3
8-0575 - Clinique et diagnostic du diabète de l’enfant

% de sujets devenant 4 Risque de diabète chez un apparenté de premier Tableau IV. – Causes classiques
100 diabétiques degré selon l’âge pour un titre supérieur ou égal à 10 U d’hypoglycémies.
JDF.
5 Risque de diabète à 5 ans pour un apparenté de pre- Dose d’insuline excessive
80
mier degré selon les IAA (anticorps anti-insuline), les
Résorption trop rapide de l’insuline :
60 anti-GAD (antiglutamate décarboxylases) et les anti- – injection intramusculaire
tyrosine phosphatases (de type ICA 512). – injection dans une zone de lipohypertrophie
40
Erreur alimentaire
20 Effort physique prolongé
Maladie endocrinienne :
– insuffısance surrénale
0 1 2 3 4 5 6 7
Maladie digestive :
Années
Âge < 10 ans – malabsorption (maladie cœliaque)
Âge > 10 ans 4

52 % Tableau V. – Symptômes d’hypoglycémie.

Réaction neurologique Neuroglycopénie


68 % anti-GAD + 86 % Signes adrénergiques : Diffıcultés
de concentration
– tremblements Fatigue
– tachycardie Faiblesse
59 % IAA + antityrosine 81 % – anxiété Sensation de chaleur
100 % phosphatases+
Signes cholinergiques : Diffıcultés à parler
– sueurs Incoordination
100 % – faim Troubles
5 du comportement
– paresthésies Coma
Convulsions
120
6 Fréquence des hypogly-
cémies sévères en fonction Non-perception des hypoglycémies
Taux d'hypoglycémie sévère
(100 patients - années)

100 de l’hémoglobine glyco- Lorsque le diabète est ancien, les signes


sylée.
neurologiques d’hypoglycémie peuvent être moins
80 intenses, entraînant une fréquence accrue
d’hypoglycémies sévères. L’un des facteurs
60 favorisant est la répétition des hypoglycémies
(nocturnes ou diurnes), qui émousse la réponse
40
contre régulatrice. L’évitement strict des
hypoglycémies, pendant une période de quelques
20
semaines, restaure la réponse contre régulatrice et
les signes neurologiques d’hypoglycémie.
0
5 6 7 8 9 10 ‚ Complications tardives du diabète
Nous renvoyons le lecteur au chapitre traitant des
Hémoglobine glycosylée : HBA1c (%) complications microangiopathiques et macroangio-
pathiques du diabète.
aidant à l’ingestion de glucides, soit, si la conscience difficiles à éviter dans la vie d’un diabétique dont
est profondément altérée, en employant du
glucagon intramusculaire ou du sérum glucosé
intraveineux. Elle correspond à des symptômes de
neuroglycopénie et est détectée par l’entourage
l’équilibre métabolique correspond à un risque faible
de microangiopathie sévère [9].

Étiologie
La recherche d’un facteur causal est classique

Autres diabètes de l’enfant

‚ Diabète du nouveau-né [12]


devant des modifications de comportement, une
altération de la conscience, un coma, ou des (tableau IV). Son incidence est estimée à 1/500 000
convulsions. Ces facteurs sont en réalité rarement à l’origine naissances. Il est défini par une hyperglycémie
Chez le jeune enfant, l’hypoglycémie mineure d’hypoglycémies sévères répétées. Les éléments les supérieure ou égale à 120 mg/dL, persistante avant
n’est pas toujours verbalisée et c’est la modification plus souvent retrouvés sont : un diabète ancien (plus l’âge de 2 mois.
du comportement qui alerte l’entourage. Chaque de 9 ans), des antécédents d’hypoglycémie sévère, Les enfants sont, dans 90 % des cas,
famille apprend en général à reconnaître assez une baisse rapide de l’HbA1c ou une augmentation hypotrophes. Il n’y a pas d’acidocétose, sauf si le
rapidement les signes synonymes d’hypoglycémie. rapide des doses d’insuline [8]. diagnostic a tardé. L’insulinothérapie, à l’aide d’une
L’absence de verbalisation des hypoglycémies, de pompe à insuline, permet un rattrapage statural et
Signes cliniques pondéral spectaculaire.
même que la résorption plus aléatoire de l’insuline
sous-cutanée, conduisent plus facilement à Les symptômes traduisant l’hypoglycémie sont Trente pour cent de ces diabètes sont transitoires,
l’hypoglycémie sévère [6]. subdivisés en deux types : ceux correspondant à la 20 % sont transitoires mais récidivent jusqu’à 7 à
réaction neurologique et ceux témoignant de la 20 ans plus tard et prés de 50 % sont définitifs.
Épidémiologie neuroglycopénie (tableau V) [8]. Les diabètes définitifs sont plus souvent associés à
Les hypoglycémies sévères semblent d’autant Les hypoglycémies survenant durant le sommeil d’autres conditions pathologiques (malformations
plus fréquentes que l’HbA1c est basse, surtout pour peuvent passer inaperçues et se traduire par des cardiaques…). Les diabètes néonatals n’ont pas de
des valeurs inférieures à 6 % (fig 6). Elles sont céphalées matinales ou des difficultés au réveil. marqueurs d’auto-immunité.

4
Clinique et diagnostic du diabète de l’enfant - 8-0575

‚ Diabète du nourrisson [6] antécédents personnels ou familiaux compatibles


avec une maladie mitochondriale de transmission Tableau VI. – Causes rares de diabète
matrilinéale. chez l’enfant.
Le diabète du nourrisson est
L’association, dans une même famille ou chez un
caractérisé par une durée plus brève Atteinte pancréatique
même individu, d’un diabète, d’une surdité, et/ou Mucoviscidose
des symptômes cardinaux et une d’autres signes neuromusculaires (myopathie,
fréquence accrue d’acidocétose encéphalopathie, myocardiopathie, ptosis, rétinite Insulinorésistance
révélatrice. Elle peut se produire en pigmentaire) évoque une maladie mitochondriale. Insulinorésistance et obésité
quelques heures à l’occasion d’un
‚ Syndrome de Wolfram (DIDMOAD) [10]
Insuline anormale
épisode infectieux oto-rhino-
laryngologique ou d’une De transmission autosomique récessive, il Turner
comporte plusieurs atteintes regroupées sous
gastroentérite. Trisomie 21
l’acronyme DIDMOAD (diabète insipide [diabetes
insipidus], diabète sucré [diabetes mellitus], atrophie Sa forme la plus fréquente (environ 60 % des cas)
La plupart ont des ICA et 80 % ont des IAA. optique [optic atrophy], surdité [deafness]). D’autres
Les hypoglycémies sévères sous traitement sont est liée à une anomalie du gène de la glucokinase,
signes neurologiques (syndrome cérébelleux, situé sur le bras court du chromosome 7. Ce diabète
plus fréquentes. L’enfant n’exprime pas toujours ce neuropathie périphérique, vessie neurogène) ou
qu’il ressent, les injections peuvent être difficiles et la est le plus souvent asymptomatique et diagnostiqué
psychiatriques (dépression) ont été décrits. devant une glycémie à jeun élevée ou une
résorption de l’insuline plus aléatoire. Le diabète est la première manifestation, dans glycosurie, mais il peut être révélé par un syndrome
‚ Diabète et polyendocrinopathie près de 80 % des cas, et survient en moyenne vers cardinal à l’occasion d’une maladie intercurrente.
auto-immune l’âge de 8 ans. Il est d’emblée insulinodépendant Il pourrait représenter, en France, près de 5 % des
Le diabète de l’enfant peut parfois s’inscrire dans dans plus de 95 % des cas. diabètes non insulinodépendants.
un syndrome de polyendocrinopathie auto-immune, La médiane de survie est de 28 ans. Le décès est Les Mody non liés à la glucokinase sont en
comportant essentiellement une hypoparathyroïdie, dû à l’importance de l’atteinte du système nerveux général de symptomatologie plus sévère. Des
une insuffisance surrénalienne et une candidose central ou aux conséquences de l’atteinte de mutations de facteurs de transcription hépatique ont
cutanéomuqueuse chronique. l’appareil urinaire. été récemment identifiées, à l’origine de deux autres
‚ Diabète Mody types de Mody.
‚ Diabètes mitochondriaux [7]
Ils sont non insulinodépendants ou insulinodé- Le diabète Mody est un diabète non insulinodé- ‚ Autres diabètes de l’enfant
pendants. L’origine mitochondriale peut être pendant, débutant avant l’âge de 25 ans, de D’autres diabètes peuvent toucher l’enfant. Ils
évoquée en l’absence d’ICA, s’il existe des transmission autosomique dominante. sont cités dans le tableau VI.

Régis Coutant : Praticien hospitalo-universitaire,


service de pédiatrie, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49033 Angers cedex, France.
Pierre-François Bougnères : Professeur des Universités, praticien hospitalier,
unité Inserm 342, ; Hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 74, avenue Denfert-Rochereau, 75674 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : R Coutant et PF Bougnères. Clinique et diagnostic du diabète de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0575, 1998, 5 p

Références

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tes mellitus. N Engl J Med 1994 ; 331 : 1428-1436 734-755

[2] Bingley PJ, Christie MR, Bonifacio E, Bonfanti R, Shattock M, Fonte M et al. [9] DCCT. The effect of intensive treatment of diabetes on the development and
Combined analysis of autoantibodies improves prediction of IDDM in islet cell progression of long-term complications in insulin-dependent diabetes mellitus. N
antibody positive relatives. Diabetes 1994 ; 43 : 1304-1310 Engl J Med 1993 ; 329 : 977-986

[3] Boitard C. Les mécanismes cellulaires du diabète insulinodépendant. Med [10] Kinsley BT, Swift M, Dumont RH, Swift R. Morbidity and mortality in the
Ther 1995 ; 1 : 125-137 Wolfram syndrome. Diabetes care 1995 ; 18 : 1566-1570
[4] Bougnères PF. Acidocétose diabétique. In: Bougnères PF, Jos J, Chaussain JL [11] Levy-Marchal C, Papoz L, de Beaufort C, Doutreix J, Froment V, Voirin J
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Diabetologia 1990 ; 33 : 465-469
[5] Bougnères PF, Caillat-Zuckman S. Gènes de susceptibilité au diabète de type
1. Med Ther 1995 ; 1 : 143-152 [12] Vonmühlendahl KE, Herkenhoff H. Long-term course of neonatal diabetes.
N Engl J Med 1995 ; 333 : 704-708
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In: Bougnères PF, Jos J, Chaussain JL eds. Le diabète de l’enfant. Paris : Flamma-
rion Médecine-Sciences, 1990 : 231-238 [13] Warram JH, Rich SS, Krolewski AS. Epidemiology and genetics of diabetes
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[7] Carel JC. Anomalies mitochondriales et diabète sucré. Med Ther 1995 ; 1 :
477-485

5
8-0595

8-0595

Conduite à tenir devant un retard


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

de croissance
R Brauner

L es courbes d’évolution de la taille et de l’indice de corpulence sont les documents clés qui permettent de savoir
si un enfant donné a une croissance anormale. La petite taille est le plus souvent (dans plus de 70 % des cas)
de type constitutionnel. La pathologie endocrinienne représente moins de 10 % des étiologies, mais elle est
importante à reconnaître car elle conduit à un traitement spécifique. Le déficit en hormone de croissance peut être
secondaire à une lésion (kyste, tumeur) ou à une irradiation de la région hypothalamohypophysaire, ou être
idiopathique. Le diagnostic de déficit idiopathique est difficile. Le retard pubertaire est responsable d’un retard à
l’accélération de la vitesse de croissance staturale. Ceci explique que le motif de consultation soit souvent la petite
taille. Chez le garçon, il s’agit dans 80 % des cas d’un retard pubertaire simple. Le retard de croissance à début
intra-utérin est la cause de 10 % des petites tailles.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : croissance, facteurs de croissance, hormone de croissance, puberté, retard de croissance, retard
pubertaire.


Introduction

Le suivi de la croissance de la taille, du poids, du


Tableau I. – Phases de la croissance postnatale.

De la naissance
à 3 ans
- Vitesse de croissance très rapide
1re année : 24 cm
2e : 11 cm
périmètre crânien et du développement pubertaire 3e : 8 cm
est un élément clé de la surveillance d’un enfant. Il - Diminution de l’influence des facteurs intra-utérins au profit des facteurs généti-
permet de rassurer l’enfant et sa famille sur ques ⇒ changements possibles de couloir de croissance
l’évolution de son corps et de dépister une anomalie. Phase prépubère Vitesse de croissance stable 5-6 cm/an avec souvent ralentissement prépubertaire
Lorsqu’une pathologie est responsable d’une
anomalie de la croissance et/ou du développement Phase pubertaire - Développement des caractères sexuels secondaires
- Accélération de la vitesse de croissance staturale qui passe de 5 à 7-9 cm/an
pubertaire, un traitement approprié normalise cette pic à 12 ans F/14 ans G
croissance et/ou ce développement. gain total moyen 24 cm F/27 cm G
Indicateurs de fin Gain statural < 2 cm/an
Âge osseux > 15 ans F/16 ans G


de croissance
Test de Risser
Croissance et puberté normales
F : fille ; G : garçon.

‚ Croissance normale
influences respectives des facteurs génétiques et Parallèlement sont évalués le poids (rapporté à la
De la naissance à l’âge auquel la taille adulte est taille), le périmètre crânien (rapporté à l’âge) et le
d’environnement d’une part, et de chacun des deux
atteinte, la croissance peut être divisée en quatre stade pubertaire.
parents d’autre part. La taille-cible est la taille que
phases, en fonction de la vitesse de croissance et de L’indice de corpulence (body mass index) est le
devrait avoir l’enfant si n’intervenaient que les
l’influence prépondérante d’un facteur de croissance rapport poids (kg)/taille (m2). Les normes sont
facteurs génétiques. Elle est calculée selon la
donné (tableau I). Une croissance normale nécessite exprimées en fonction de l’âge [13]. Les enfants sont
formule [15] :
un système endocrinien (tableau II) et un squelette en règle mesurés en position couchée jusqu’à l’âge
normaux. Elle est contrôlée par des facteurs Taille père (cm) + taille mère (cm) + 13 si garçon - 13 si fille de 2-3 ans, puis en position debout. La taille mesurée
génétiques. Elle est liée à l’état nutritionnel. Elle peut 2 couchée est souvent supérieure de 1 cm à la taille
être ralentie par certaines anomalies de mesurée debout. Cette différence est à prendre en
l’environnement. La taille doit être mesurée avec soin par une compte dans l’analyse de l’évolution de la
Les facteurs génétiques interviennent sur le personne entraînée à le faire et avec un matériel croissance. La taille moyenne adulte est de 162 cm
niveau de taille et sur l’âge au démarrage de la fiable. Le résultat de la mesure est inscrit sur le carnet chez la fille et de 175 cm chez le garçon. Le niveau
puberté. Le contrôle génétique de la croissance de santé, ce qui permet de suivre l’évolution de la de taille est exprimé en déviations standards (DS) [14]
normale est multifactoriel. On ne sait pas évaluer les croissance. ou en percentiles. Les tailles de 95 % des enfants

1
8-0595 - Conduite à tenir devant un retard de croissance

testicules. Cette augmentation témoigne du


Tableau II. – Facteurs hormonaux de la croissance postnatale. développement des tubes séminifères. Ce
Hormone de croissance - Synthétisée et sécrétée par les cellules somatotropes antéhypophy- développement est induit par l’augmentation de la
(= STH ou GH) saires sécrétion hypophysaire de follicle stimulating
- Chaîne polypeptidique de 191 résidus d’acides aminés hormone (FSH). Les testicules prépubères mesurent
- Sécrétion pulsatile, essentiellement nocturne, contrôlée par deux autour de 2 × 1 cm et des dimensions testiculaires
facteurs hypothalamiques :
supérieures à 3 × 2 cm indiquent une stimulation. La
- GRF (= GHRH ou GH releasing hormone) stimulant
- somatostatine (= SRIH) inhibiteur sécrétion de testostérone contribue, avec les
- Se lie à un récepteur hépatique spécifique pour induire la synthèse hormones surrénaliennes (essentiellement le sulfate
de IGF I de déhydroépiandrostérone [DHAS]), au
Insulin-like growth factors - Facteur essentiel de la croissance postnatale : agit directement sur développement de la pilosité sexuelle ; elle induit
(IGF, essentiellement IGF I) le cartilage de croissance une augmentation des dimensions de la verge, des
érections et une mue de la voix. Il est fréquent
Hormones thyroïdiennes - Action sur la croissance et sur la maturation osseuse
(T4 et T3) d’observer, au cours de la puberté, une
intumescence mammaire appelée gynécomastie.
Stéroïdes sexuels : œstradiol - Accélèrent la vitesse de croissance à la puberté par deux mécanis- Elle est parfois douloureuse et le plus souvent
ou testostérone mes :
- augmentation sécrétion GH → IGF I transitoire. Les stades du développement pubertaire
- action directe sur le cartilage de croissance sont cotés de 1 (stade prépubère) à 5 (stade adulte)
- Soudent les cartilages de croissance selon la classification de Tanner [7, 8].
Glucocorticoïdes Leur excès inhibe la croissance La vitesse de croissance staturale s’accélère à la
puberté. La sécrétion de stéroïdes sexuels (œstradiol
STH : somatotropic hormone ; GH : growth hormone ; GRF : growth releasing factor ; GHRH : growth hormone releasing hormone ; SRIF : somatotropic chez la fille et testostérone chez le garçon) induit une
releasing inhibitor factor ; T3 : tri-iodo-thyronine ; T4 : thyroxine. augmentation de la sécrétion d’hormone de
croissance (growth hormone [GH]) et des taux
Tableau III. – Étapes de l’activation pubertaire. plasmatiques d’insulin-like growth factor I (IGF I). Le
rôle respectif des augmentations des stéroïdes
Phénomène initiateur mal compris sexuels, de GH et de IGF I, ainsi que leur séquence
Gonadarche Organe Hormone d’intervention dans la croissance pubertaire, ne sont
pas totalement compris. Le gain total de taille entre
Hypothalamus # LHRH ou GnRH ou LRF
le début clinique de la puberté et la taille adulte
Antéhypophyse # LH et FSH (pic LH > pic FSH)
Développement des gonades # œstradiol (> 20 pg/mL dépend en partie de l’âge au démarrage pubertaire :
# testostérone (> 0,5 ng/mL) il est d’autant plus grand que la puberté démarre
plus tôt. Ainsi, l’âge au démarrage pubertaire ne
Développement des caractères sexuels secondaires + accélération de la vitesse de
croissance modifie pas de manière significative la taille adulte à
condition que la puberté démarre au-delà de
Adrénarche La DHA participe à la pilosité sexuelle 9-10 ans chez la fille et de 10-11 ans chez le garçon.
LHRH : luteinizing hormone releasing hormone ; GnRH : gonadotrophin releasing hormone ; LRF : luteinizing releasing factor ; LH : luteinizing hormone ;
La croissance résiduelle après les premières règles
FSH : follicle stimulating hormone ; DHA : déhydroépiandrostérone. varie de 4 à 13 cm (moyenne 7 cm) et diminue à
mesure que l’âge des premières règles augmente.
bien portants sont entre -2 et +2 DS. Cela correspond prédite et la taille adulte. Cette marge est d’autant Un gain de taille inférieur à 2 cm dans l’année
à une taille adulte comprise entre 151 et 174 cm plus grande que l’enfant est plus jeune et que la précédente, chez un enfant sain dont la puberté est
chez les filles et entre 163 et 187 cm chez les différence entre les âges chronologique et osseux est largement engagée, indique que sa croissance est
garçons. Le niveau de taille est parfois exprimé en grande. proche de son terme. Les courbes de croissance des
percentiles : un percentile donné est la limite en deux sexes sont superposables jusqu’à l’âge de
dessous de laquelle se trouve le pourcentage ‚ Puberté normale démarrage pubertaire. La différence de 13 cm au
correspondant de la population normale (3 % des La puberté est la période de transition entre profit des garçons vient essentiellement des
enfants ont une taille en dessous du troisième l’enfance et l’état adulte. Elle s’exprime sur le plan caractéristiques du pic de croissance pubertaire, pic
percentile). clinique par un développement des caractères qui est plus tardif et plus ample chez le garçon que
sexuels et par une accélération de la vitesse de chez la fille.
‚ Âge osseux croissance staturale. Elle conduit à l’acquisition des
L’âge osseux correspond, pour un individu, à l’âge
réel de la majorité des individus de son sexe qui ont
la même maturation squelettique. Il est évalué sur la
radiographie de la main et du poignet gauches de
fonctions de reproduction. Le démarrage clinique de
la puberté résulte d’activations successives
(tableau III), avec des phénomènes de rétrocontrôle
entre chacune des étapes. ‚ Diagnostic

Retard de croissance

face (un seul cliché) qui est comparée à l’atlas de Les caractères sexuels se développent dans 95 % Pris isolément, le niveau de taille ne permet pas
Greulich et Pyle [6]. Même lu par une personne des cas entre 8 et 13 ans (moyenne 11,5 ans) chez la de conclure quant au caractère normal ou non de la
entraînée à le faire, l’âge osseux reste une fille et entre 9 et 14 ans (moyenne 12,5 ans) chez le croissance. Il est essentiel de préciser la vitesse de
approximation. Sur le plan clinique, il permet de garçon. croissance. Les courbes d’évolution de la taille et de
calculer la taille prédite. La méthode la plus utilisée Chez la fille, le premier signe est le dévelop- l’indice de corpulence sont les documents clés qui
est celle de Bayley et Pinneau [2], qui indique pour un pement d’un bourgeon mammaire (souvent permettent de savoir si un enfant donné a une
sexe et un âge osseux donnés le pourcentage de unilatéral au début), accompagné ou suivi de croissance anormale. Les éléments qui font
taille adulte qu’un individu a déjà pris. Par exemple, l’apparition d’une pilosité pubienne. L’intervalle rechercher une anomalie sont :
une fille qui a des âges chronologique et osseux de moyen entre le début du développement des seins – un niveau de taille situé en dessous de -2 DS ;
11 ans a pris 90 % de sa taille adulte ; sa taille adulte et l’apparition des premières règles est de 2 ans. – une discordance entre le niveau de taille de
prédite est sa taille réelle divisée par 0,90. Chez le garçon, le signe qui indique le démarrage l’enfant (exprimé en DS) et celui de sa taille-cible
Cependant, il y a une marge d’erreur entre la taille pubertaire est l’augmentation du volume des calculée à partir des tailles parentales ;

2
Conduite à tenir devant un retard de croissance - 8-0595

Tableau IV. – Étiologies des retards de Tableau V. – Recherche de l’étiologie d’un retard de croissance.
croissance.
- radiographies main + poignet gauches de face
Petite taille constitutionnelle - radiographie selle turcique de profil
Étape 1
- IGF I, ionogramme sanguin, créatinine, Labstixt
Pathologie connue - VS, T4, TSH, anticorps antigliadine
- anomalie chromosomique autosomique
- maladie osseuse constitutionnelle Étape 2 évaluation sécrétion GH/stimulation ± sommeil
- affection chronique décompensée
- corticothérapie continue et prolongée - si prise pondérale excessive : cortisolurie 24 heures ± cycle cortisol
- fille : caryotype
Pathologie endocriniennne Autres - taille < - 3 DS inexpliquée : radiographie bassin + rachis lombaire
- déficit en GH - TDM ou IRM hypothalamohypophysaire si vitesse de croissance inférieure à la norme
- hypothyroïdie avec pic GH inférieur à 10-15 ng/mL et/ou signes fonctionnels ou physiques associés
- syndrome de Turner
- retard pubertaire IGF I : insulin-like growth factor I ; VS : vitesse de sédimentation ; T4 : thyroxine ; TSH : thyroid stimulating hormone ; GH : growth hormone ; TDM :
- excès de corticostéroïdes tomodensitométrie ; IRM : imagerie par résonance magnétique.

Autres étiologies – de cet âge à la puberté, la vitesse de croissance ¶ Déficit en hormone de croissance
- retard de croissance intra-utérin est normale pour l’âge et le niveau de taille exprimé Le déficit en GH peut être secondaire à une lésion
- trouble psychosocioaffectif
en DS ne change pas ; (kyste, tumeur) ou à une irradiation de la région
- maladie cœliaque
- pathologie inflammatoire intestinale – lorsqu’un retard pubertaire s’associe à la petite hypothalamohypophysaire [3], ou être idiopathique.
- pathologie rénale taille constitutionnelle, cela aboutit à un nouveau La lésion la plus fréquente est le craniopharyngiome.
changement transitoire de couloir de croissance, ce Celui-ci induit de manière quasi constante des
GH : growth hormone. qui accentue la différence avec les enfants du même modifications de la selle turcique à type
âge. d’élargissement ou de calcifications visibles sur la
– surtout une vitesse de croissance inférieure à la Les éléments en faveur du diagnostic de petite radiographie de la selle turcique de profil. En
norme pour l’âge, conduisant à un changement de taille constitutionnelle sont un examen clinique revanche, le diagnostic de déficit idiopathique en GH
couloir de croissance. normal et surtout l’existence de petites tailles dans la est difficile. Cependant, ce diagnostic reste important
Cependant, il y a deux périodes durant lesquelles famille. L’indication à demander des examens à faire malgré l’augmentation de la disponibilité en
ce changement peut être non pathologique : complémentaires pour exclure une pathologie GH, et ce pour les raisons suivantes :
– entre la naissance et l’âge de 3 ans, le dépend du contexte. Le plus souvent, le diagnostic – la petite taille peut être due à une cause
changement peut être secondaire à la mise sur le est facile à faire car la vitesse de croissance est différente du déficit en GH et nécessiter un
couloir de croissance génétique ; normale pour l’âge et le niveau de taille concordant traitement spécifique ;
– à l’âge pubertaire, le changement peut être avec la taille-cible parentale. – l’accélération de la vitesse de croissance
secondaire à un retard à l’accélération staturale Ainsi, l’indication à faire des examens obtenue avec des doses standards de GH chez les
pubertaire. complémentaires peut venir des éléments suivants : patients ayant un déficit transitoire en GH est
Ces deux situations posent la question de importance du déficit statural, doute dans l’esprit de médiocre, inférieure à celle obtenue chez ceux ayant
l’indication à demander des examens à la recherche la famille ou du médecin traitant sur l’existence un déficit permanent ;
d’une pathologie. L’évolution de l’indice de d’une pathologie. La tolérance psychologique du – le traitement par GH est astreignant et coûteux ;
corpulence est à analyser parallèlement à l’évolution déficit statural par l’enfant et par sa famille est – la constatation d’un déficit en GH conduit à
de la taille pour répondre aux questions suivantes : fonction du niveau de taille et elle varie d’un enfant rechercher un autre déficit hypophysaire et une
– le ralentissement statural s’accompagne-t-il à l’autre. étiologie.
d’un arrêt de la prise de poids ou au contraire de la Chez les enfants ayant une petite taille Le diagnostic de déficit en GH est fait sur
constitution d’un surpoids ? constitutionnelle, il n’y a actuellement pas de l’insuffisance ou l’absence d’augmentation des taux
– Le ralentissement statural précède-t-il ou au traitement dont l’efficacité à augmenter la taille plasmatiques de GH en réponse à une stimulation.
contraire succède-t-il à la modification de l’évolution adulte ait été démontrée. Ces enfants ont un indice Les stimuli le plus couramment employés sont
pondérale ? En effet, lorsqu’un arrêt de la prise de de corpulence significativement plus bas que celui l’arginine, l’ornithine et l’hypoglycémie insulinique
poids précède le ralentissement de la croissance en des enfants de taille normale [16]. De plus, leurs taux contrôlée. On parle de déficit en GH lorsque le pic de
taille, cela indique que le ralentissement statural est plasmatiques d’IGF I sont corrélés avec leur indice de GH sous stimulation est inférieur à 7-10 ng/mL
probablement secondaire à l’insuffisance de prise corpulence et leur vitesse de croissance. Ces (= ug/L). La limite définissant le déficit est en effet
pondérale et oriente vers un problème nutritionnel. données suggèrent qu’une optimisation de leur variable selon les pays. Il est nécessaire de confirmer
À l’inverse, lorsque le ralentissement statural apport alimentaire peut augmenter leur potentiel de le déficit par une deuxième évaluation de la
s’accompagne d’une prise pondérale excessive, cela croissance. sécrétion de GH, utilisant de préférence un stimulus
oriente vers une hypothyroïdie ou un différent de celui utilisé pour la première stimulation.
hypercorticisme. Pathologie connue En effet, un certain nombre d’enfants ayant une
Dans certains cas, la cause de la petite taille est capacité normale à sécréter de la GH ne répondent
‚ Étiologies (tableaux IV, V) facile à établir car l’enfant a une pathologie qui pas à une première, voire à une deuxième
ralentit la vitesse de croissance ou qui s’accompagne stimulation. Cela est particulièrement le cas des
Petite taille constitutionnelle d’une petite taille. L’indication à rechercher une enfants qui ont un surpoids et des garçons qui ont
Elle est aussi appelée génétique, essentielle ou pathologie associée, en particulier un déficit en GH, un retard pubertaire ou qui sont âgés de 10 à
familiale. L’évolution de la croissance avec l’âge est est fonction d’une part du niveau de taille de l’enfant 13 ans. Par ailleurs, les taux mesurés de GH varient
habituellement la suivante : comparé à celui qu’entraîne habituellement sa selon la trousse utilisée pour son dosage.
– à la naissance, la taille est le plus souvent pathologie initiale, et d’autre part de la possibilité Pour toutes ces raisons, le diagnostic de déficit en
normale ; d’associations. GH est parfois fait par excès. Lorsque la réponse aux
– durant les 2 à 3 premières années de vie, la stimulations pharmacologiques est inférieure à la
vitesse de croissance est inférieure à la norme pour Pathologie endocrinienne norme, la mesure de la sécrétion spontanée de GH
l’âge, ce qui conduit à un niveau de taille égal ou Elle est importante à reconnaître car elle conduit à évaluée durant le sommeil nocturne permet souvent
inférieur à -2 DS à 3 ans ; un traitement spécifique. de montrer que la sécrétion de GH est normale. Les

3
8-0595 - Conduite à tenir devant un retard de croissance

T4

A
1 Courbe de croissance staturale et pondérale d’une fille vue pour retard
de croissance (A). Ralentissement majeur de la vitesse de croissance à partir
de l’âge de 5,5 ans contrastant avec une prise pondérale majeure, comme
le montre la courbe d’indice de corpulence. Ceci est dû à une hypothyroïdie
par thyroïdite. Le traitement substitutif par thyroxine a permis un rattrapage
statural et la normalisation de l’indice de corpulence (B).
B

taux plasmatiques du facteur de croissance IGF I et Le syndrome de Laron donne un aspect clinique centrale ; il ne couvre pas tous les nouveau-nés du
de sa protéine liante IGFBP-3 dépendent ressemblant à celui du déficit en GH. Il n’est pas dû à monde ; certains cas ne sont pas diagnostiqués
essentiellement de la sécrétion de GH. Ils sont un déficit en GH mais à une résistance par anomalie (problème technique ou expression tardive).
effondrés en cas de déficit idiopathique en GH et du récepteur hépatique à cette hormone. Les taux L’hypothyroïdie acquise est le plus souvent due à
constituent ainsi un excellent marqueur du plasmatiques de GH sont élevés. En revanche, ceux une thyroïdite. Le ralentissement de la vitesse de
diagnostic [5]. d’IGF I sont effondrés. Sa transmission est récessive croissance staturale est le plus souvent associé à une
Les signes cliniques de déficit en GH sont autosomique. prise pondérale excessive (fig 1A, B) et à d’autres
rarement présents. Ils se voient essentiellement chez signes cliniques d’hypothyroïdie (constipation,
¶ Hypothyroïdie
les patients qui ont un déficit congénital en GH. Il diminution des performances scolaires et goitre en
L’hypothyroïdie peut être congénitale ou acquise. cas de thyroïdite).
s’agit de surcharge pondérale à prédominance
Le pronostic de l’hypothyroïdie congénitale est
tronculaire, extrémités petites, front bombé et Le diagnostic d’hypothyroïdie est fait sur le taux
dominé par le risque de retard du développement
ensellure nasale marquée. L’association chez un bas de thyroxine plasmatique. Le traitement
psychomoteur. L’hypothyroïdie peut être d’origine
nouveau-né d’une hypoglycémie à un micropénis substitutif permet un rattrapage statural.
centrale (hypothalamohypophysaire) ou
(longueur de la verge inférieure à 3 cm) est très
périphérique (thyroïdienne). Le taux plasmatique de ¶ Syndrome de Turner
évocatrice du diagnostic de déficit en GH. L’imagerie
thyroid stimulating hormone (TSH) est normal ou bas Il associe une anomalie d’un chromosome X, une
par résonance magnétique de la région
dans les formes centrales et augmenté dans les petite taille et une dysgénésie gonadique. Sa
hypothalamohypophysaire montre chez plus de la
formes périphériques. fréquence est de 1/3 000 naissances de filles
moitié des patients qui ont un déficit permanent
L’hypothyroïdie congénitale périphérique est (tableau VI).
« idiopathique » en GH un aspect dit « d’interruption
de la tige » dont les composantes sont les suivantes : diagnostiquée sur un taux plasmatique de TSH Le diagnostic de syndrome de Turner est fait sur
posthypophyse ectopique, antéhypophyse petite et augmenté dans le cadre du dépistage néonatal le caryotype demandé dans des circonstances
tige pituitaire interrompue [9]. Cet aspect apporte une systématique [12]. variées (tableau VII). Il peut montrer une anomalie
confirmation anatomique au diagnostic de déficit en Cependant, l’hypothyroïdie congénitale peut de nombre (un seul), une « mosaïque » ou une
GH. Sa pathogénie est variée et en cours d’analyse : « échapper » au dépistage pour les raisons suivantes : anomalie de structure du chromosome X. En effet, la
traumatique, malformative ou génétique. il ne permet pas le diagnostic d’hypothyroïdie non-disjonction des chromosomes sexuels à la

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Conduite à tenir devant un retard de croissance - 8-0595

¶ Retard pubertaire
Tableau VI. – Syndrome de Turner. Le retard pubertaire est défini par l’absence de
Anomalie - typiquement 45X développement des caractères sexuels au-delà de
chromosomique - mosaïque 45X/46XX, 45X/47XXX, 45X/46XY l’âge de 13 ans chez la fille et de 14 ans chez le
- anomalie de structure garçon. On distingue le retard pubertaire secondaire
Petite taille taille finale moyenne à une pathologie (anomalie hypothalamohypophy-
142-147 cm saire ou gonadique) du retard pubertaire simple,
c’est-à-dire suivi d’un développement pubertaire
Dysgénésie - LH et FSH élevées
gonadique - les organes génitaux internes (vagin et utérus) sont féminins normaux spontané complet. Chez la fille, le retard pubertaire
- la stérilité est le problème essentiel est secondaire dans plus de la moitié des cas à une
pathologie, et en particulier à un syndrome de
Autres signes - lymphœdème des mains et des pieds à la naissance
- anomalies morphologiques (cou court, thorax large, cubitus valgus) Turner. Chez le garçon, il s’agit le plus souvent (80 %
- cardiopathie (coarctation de l’aorte) des cas) d’un retard pubertaire simple et c’est cette
- malformation rénale (rein en « fer à cheval ») situation que nous détaillons.
Le plus souvent, à la première consultation pour
LH : luteinizing hormone ; FSH : follicle stimulating hormone.
retard pubertaire, il y a une augmentation des
dimensions des testicules (supérieures à 3 × 2 cm) ;
Tableau VII. – Circonstances du diagnostic du syndrome de Turner. cela indique que l’axe hypothalamo-hypophyso-
testiculaire est probablement normal. Le
Caryotype demandé pour
développement de la pilosité sexuelle est moins
In utero - âge avancé de la mère informatif que l’augmentation des dimensions des
- antécédents de pathologie obstétricale testicules car il est en partie dû à l’augmentation des
- anomalies à l’échographie fœtale (croissance, cou, cœur)
androgènes surrénaliens. L’âge osseux est inférieur à
En période néonatale lymphœdème des extrémités l’âge chronologique et à l’âge osseux de démarrage
Dans l’enfance - petite taille pubertaire (13 ans chez le garçon avec apparition du
- particularités morphologiques sésamoïde du pouce). Les éléments en faveur du
diagnostic sont l’existence de retards pubertaires
À l’âge pubertaire - absence de développement des seins
- aménorrhée primaire simples dans la famille et un taux plasmatique de
gonadotrophines non augmenté. En effet, s’il est
À l’âge adulte stérilité augmenté (supérieur à 5 à 9 UI/L selon les normes
À tout âge cardiopathie du laboratoire), il indique une lésion primitive des
deux testicules. Cependant, cette augmentation
n’apparaît que lorsque l’âge osseux a dépassé
méiose conduit à des cellules 45X. Il peut aussi s’agir gonadique entraîne une augmentation du taux
d’une mosaïque 45X/46XX, 45X/47XXX ou plasmatique des gonadotrophines (FSH et luteinizing 13-14 ans. Lorsque le taux plasmatique de
45X/46XY. hormone [LH]). Cependant, ces augmentations ne gonadotrophines reste bas, cela peut correspondre à
sont présentes que durant les 2 premières années de un déficit en gonadotrophines ou à un retard
La présence d’un chromosome Y est associée à
vie et après l’âge de 10-11 ans. pubertaire simple.
un risque accru de gonadoblastome. L’anomalie de
structure peut être une délétion du bras court de l’X Les autres signes sont inconstants. L’intelligence En cas de retard pubertaire, le pic de croissance
avec caryotype 46X del(Xp), une délétion du bras et l’adaptation à la vie d’adulte sont le plus souvent est retardé (après 14 ans), ce qui induit un
long de l’X avec caryotype 46X del(Xq) ou une normaux. Parmi les anomalies observées dans le changement de couloir de croissance (fig 2). Cela
anomalie de deux extrémités. Celle-ci conduit à un syndrome de Turner, celles qui constituent pose deux questions : d’une part celle de ne pas
recollement des deux extrémités responsable d’un réellement un problème sont la petite taille et la méconnaître une pathologie qui serait responsable
chromosome en « anneau » 46Xr(X) (r pour ring). stérilité. Depuis peu, ces enfants peuvent être traités du retard pubertaire et du changement de couloir de
La taille adulte moyenne des filles qui ont un par GH et ce traitement est pris en charge par les croissance ; d’autre part, une fois une pathologie
syndrome de Turner varie de 142 à 147 cm selon les Caisses primaires d’assurance maladie. Étant donné exclue, de discuter un traitement par la testostérone.
pays où les données ont été recueillies et selon la que la sécrétion de GH est normale, l’efficacité du Une pathologie peut en effet s’exprimer à cet âge
taille-cible, calculée à partir des tailles parentales [10]. traitement à augmenter la taille adulte est variable. par un ralentissement statural : malabsorption,
Le déficit en taille se constitue de la manière Ce traitement semble permettre un gain de taille déficit en GH idiopathique ou surtout tumoral (en
suivante. La vitesse de croissance est : adulte moyen de 5 cm par rapport aux enfants non particulier par craniopharyngiome) ou, beaucoup
– inférieure à la norme in utero aboutissant à une traités. Ceci amène la taille adulte moyenne autour plus rarement, hypothyroïdie par thyroïdite.
réduction de 1 DS des poids et taille de naissance ; de 150 cm. Le changement de couloir de croissance
– normale de la naissance à 3 ans ; Le traitement substitutif par œstrogènes, puis par secondaire à un retard pubertaire pose la question
– puis inférieure à la norme entre 3 et 10 ans. œstroprogestatifs, permet une croissance pubertaire de savoir s’il y a une indication à évaluer la sécrétion
Au-delà de l’âge de 10 ans et en l’absence de normale, un développement des seins, puis la de GH. L’interprétation des résultats de cette
traitement substitutif par les œstrogènes, le pic de survenue de menstruations. Les parents ont besoin évaluation peut être difficile et ce en raison de la
croissance pubertaire normal ne survient pas. On d’entendre que les organes génitaux sont normaux, fréquence élevée de déficits transitoires dits
observe alors une croissance prolongée avec un permettant une vie sexuelle normale et que le fonctionnels en GH. En effet, un pic bas de GH a été
retard de soudure des cartilages de croissance. développement pubertaire se fait normalement, trouvé chez un tiers des garçons évalués pour retard
La dysgénésie gonadique est responsable de spontanément ou grâce à un traitement. Le don pubertaire et déficit statural [1]. Ce pic bas pose deux
l’absence de développement spontané de la puberté d’ovocytes pour fécondation in vitro permet des questions :
(80 % des cas) et de la stérilité. Cependant, des grossesses. La prise en charge de ces problèmes – s’agit-il d’un déficit en GH transitoire dû au
grossesses sont possibles dans 2 % des cas, tous justifie le diagnostic précoce de syndrome de Turner, retard pubertaire ou d’un déficit permanent qui
caryotypes confondus. Les risques d’avortement une information claire des parents, puis de l’enfant nécessiterait un examen neuroradiologique pour
spontané, de malformation et d’anomalie devenue adolescente, et le recours à une équipe exclure une tumeur de la région hypothalamo-
chromosomique sont élevés. La dysgénésie spécialisée. hypophysaire ?

5
8-0595 - Conduite à tenir devant un retard de croissance

elles ont été faites. Les plus proches des données


2 Courbe de croissance actuelles sont probablement celles de Usher et
staturale et pondérale d’un McLean [17]. Contrairement aux prématurés ayant un
garçon vu pour retard
poids de naissance normal pour leur âge
de croissance. Le change-
gestationnel, environ 15 % des enfants qui ont un
ment de couloir de crois-
sance staturale entre 11,9 et RCIU n’ont pas de rattrapage statural. Celui-ci,
15 ans est dû à une non- lorsqu’il a lieu, se produit tôt, en règle générale avant
accélération par absence l’âge de 1 an. Ses facteurs ne sont pas connus.
de puberté. L’évolution pon-
dérale est normale. La sur- ¶ Retard de croissance par trouble
psychosocioaffectif
venue d’une puberté sponta-
Le « nanisme psychosocial » se présente de la
née (P2) a permis un pic
statural pubertaire normal. manière suivante : ralentissement de la vitesse de
croissance staturale, réponse variable de GH aux
tests de stimulation, taux plasmatique effondré de
IGF I. Les difficultés relationnelles avec l’entourage
sont souvent difficiles à mettre en évidence.
Le critère de diagnostic est l’accélération de la
vitesse de croissance staturale lorsque le patient est
totalement séparé de son milieu familial. L’anorexie
mentale se voit le plus souvent chez les filles, après
le début de leur puberté. L’amaigrissement et
l’aménorrhée sont alors au premier plan. À côté de
ces deux situations (nanisme psychosocial et
anorexie mentale) où les difficultés pyschoaffectives
ont un rôle majeur dans le déficit statural, il y a des
situations où l’environnement a un rôle moins net. Il
agit par réduction de l’apport nutritionnel, difficultés
sociales familiales et/ou difficultés psychologiques.

¶ Autres
Un certain nombre de syndromes s’accompa-
gnent d’un déficit statural. Certaines pathologies
peuvent s’exprimer par un déficit statural isolé. Elles
sont à rechercher devant une croissance anormale
inexpliquée : maladie cœliaque par le dosage du
– le potentiel de croissance jusqu’à la taille adulte croissance staturale, prise pondérale excessive, taux plasmatique des anticorps antigliadine, maladie
va-t-il être réduit par le déficit transitoire en GH ? douleurs dorsales secondaires à l’ostéoporose et de Crohn par la mesure de la vitesse de
Le déficit en GH découvert à l’âge pubertaire est, vergetures. sédimentation, néphropathie par l’ionogramme
dans la très grande majorité des cas, transitoire, en Le diagnostic d’hypercorticisme est suspecté sur sanguin, la recherche au papier de protéinurie, au
dehors des déficits hypothalamohypophysaires l’augmentation de la cortisolurie des 24 heures besoin complétée par la mesure des osmolalités
acquis secondaires à une lésion de cette région. De (> 50 µg). Le taux plasmatique d’adrenocorticotropic plasmatiques et urinaires concomitantes après arrêt
plus, un déficit transitoire en GH ne réduit pas la taille hormone (ACTH) est augmenté si l’hypercorticisme des boissons depuis 12 heures.
adulte ; il n’est donc pas une indication à un est d’origine centrale, hypothalamohypophysaire ou
traitement par GH. bas s’il est d’origine périphérique, surrénalienne. ‚ Traitement
Dans le retard pubertaire simple, le dévelop- L’administration prolongée de doses pharmacolo- Il dépend de l’étiologie de la petite taille. La GH
pement pubertaire se fait de manière complète mais giques de corticoïdes ralentit la vitesse de croissance biosynthétique constitue un progrès majeur par
retardée. Dans notre expérience, la petite taille et staturale. L’arrêt du traitement n’est pas toujours rapport à la GH extractive. En effet, l’utilisation de
l’absence de développement des caractères sexuels suivi d’un rattrapage. celle-ci a été suivie de cas d’encéphalite de
sont souvent difficiles à tolérer sur le plan Creutzfeldt-Jakob. Les règles du traitement par GH
psychologique après l’âge de 15 ans. Ceci est encore Autres étiologies sont détaillées dans le Journal officiel du 20 janvier
plus marqué lorsque le retard pubertaire survient
¶ Retard de croissance à début intra-utérin (RCIU) 1997 (pp 1484-1501) et celui du 11 février 1997
chez un garçon qui a une petite taille constitution- (pp 2313-2323). Un enfant peut être traité par GH s’il
Le RCIU est la cause de 10 % des petites tailles. Il
nelle. Parallèlement il a été montré que, à condition a une petite taille due à un déficit en GH, à un
peut être secondaire à une anomalie chromoso-
d’être utilisé selon un schéma défini, le traitement syndrome de Turner, à une insuffisance rénale
mique, à un facteur d’environnement (infection,
par la testostérone n’induit pas de progression chronique ou à un RCIU. Dans les autres situations
drogue, alcool, malnutrition), faire partie d’un
excessive de la maturation osseuse et donc pas de de petite taille, l’efficacité de la GH à augmenter la
syndrome ou le plus souvent être idiopathique. Les
réduction de la taille adulte [11]. De plus, il permet de taille adulte n’a pas été démontrée.
facteurs de la croissance fœtale et le rôle précis du
préserver la minéralisation osseuse. La décision de
placenta sont mal connus [4]. Le RCIU peut porter sur
traitement par la testostérone dépend du niveau de
le poids, la taille ou le plus souvent les deux. Il est


testostérone plasmatique. Elle est à prendre en
habituellement défini par un poids de naissance
service spécialisé. Conclusion
situé en dessous de -2 DS ou du troisième percentile
¶ Excès de corticostéroïdes (fig 3A, B) pour l’âge gestationnel. Celui-ci est calculé en
Il peut être iatrogène ou d’origine endogène. Le semaines à partir de la date de survenue des Les progrès faits dans la prise en charge des
syndrome de Cushing est caractérisé par une dernières règles. Certaines courbes des enfants de petite taille sont : sur le plan diagnostique,
hypersécrétion de cortisol. Il est rare chez l’enfant. mensurations in utero nécessitent des correctifs la possibilité d’analyser la région hypothalamohypo-
Les principaux signes sont : ralentissement de la tenant compte de la population à partir de laquelle physaire par imagerie par résonance magnétique et

6
Conduite à tenir devant un retard de croissance - 8-0595

P2

A
3 Courbe de croissance staturale et pondérale d’un garçon vu pour retard de
croissance. Ralentissement majeur de la vitesse de croissance staturale à partir
de l’âge de 9,3 ans contrastant avec une prise pondérale majeure, comme
le montre la courbe d’indice de corpulence. Ceci est dû à un hypercorticisme par
adénome hypophysaire à adrenocorticotrophic hormone (ACTH). L’exérèse B
de l’adénome a permis un rattrapage statural et la normalisation de l’indice de
corpulence.

une meilleure connaissance du facteur de croissance thérapeutique, l’utilisation de l’hormone de résultats par les injections sous-cutanées
IGF I et de ses protéines liantes ; sur le plan croissance biosynthétique et l’optimisation de ses quotidiennes faites par les parents.

Raja Brauner : Professeur des Universités, praticien hospitalier,


université René Descartes et Assistance publique-Hôpitaux de Paris, service d’endocrinologie et de croissance,
hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : R Brauner. Conduite à tenir devant un retard de croissance.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0595, 2001, 8 p

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8-0595 - Conduite à tenir devant un retard de croissance

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[9] Pinto G, Adan L, Souberbielle JC, Thalassinos C, Brunelle F, Brauner R. level: standards obtained from measurements in 7 dimensions of infants born
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AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Déshydratation aiguë du nourrisson

P Hubert

L a déshydratation aiguë du nourrisson est une urgence vitale qui devrait être évitée grâce à la prévention.

© Elsevier, Paris.


Introduction

La déshydratation aiguë du nourrisson est une


Tableau I. – Évolution des compartiments hydriques au cours de la croissance.

Poids
Prématuré
1,5 kg
Nouveau-né
3 kg
1 an
10 kg
3 ans
15 kg
9 ans
30 kg
Adolescent
50 kg
complication fréquente de pathologies souvent Eau totale 80 % 75 % 65 % 65 % 60 % 60 %
banales, et tout médecin doit connaître les mesures ( % poids corporel)
thérapeutiques simples qui permettent, dans la
Eau extracellulaire 50 % 45 % 25 % 25 % 20 % 20 %
majorité des cas, d’éviter une aggravation.
Lorsqu’une déshydratation sévère survient malgré Eau intracellulaire 30 % 30 % 40 % 40 % 40 % 40 %
tout, sa prise en charge exige une analyse correcte Surface corporelle (m2) 0,15 m2 0,20 m2 0,50 m2 0,60 m2 1 m2 1,5 m2
des désordres hydroélectrolytiques constatés et une
Rapport surface 0,1 0,05 0,05 0,04 0,03 0,02
bonne connaissance de leurs conséquences
corporelle/poids
physiopathologiques.

nouveau-né, 35 % à 6 mois, 25 % à 1 an et atteint cutané et digestif, sont proportionnellement


Bref rappel des compartiments 20 % de celui-ci à partir de 3 ans, proportion qui beaucoup plus importantes, tout particulièrement
hydriques et de leurs variations reste stable jusqu’à l’âge adulte. chez le nouveau-né dont la couche cornée de
avec la croissance Les nouveau-nés et les nourrissons ont un l’épiderme est peu développée et dont la fréquence
équilibre hydrique beaucoup plus instable que les et l’amplitude de la respiration sont élevées. La
L’eau est l’élément quantitativement le plus grands enfants. En effet, alors que la proportion fièvre, fréquente à cet âge de la vie, vient augmenter
important de l’organisme, représentant 75 % du d’eau quotidiennement renouvelée est trois à quatre les pertes insensibles quotidiennes de 20 mL/kg de
poids corporel chez le nouveau-né à terme et 65 % fois plus élevée que chez l’adulte, leurs mécanismes poids et par degré.
chez un nourrisson de 1 an (contre 60 % à l’âge de régulation de l’osmolalité plasmatique sont L’ensemble de ces facteurs explique la
adulte). Elle se répartit différemment entre les trois moins performants pour plusieurs raisons : susceptibilité particulière des nourrissons à la
constituants de l’organisme que sont la masse – l’organisme lutte contre la déshydratation et déshydratation.
maigre, la masse grasse et le tissu osseux. La graisse l’hypertonie plasmatique par la sensation de soif, qui
contient peu d’eau (environ 10 %), alors que la est l’élément prédominant de la régulation de la
masse maigre en contient 70 à 75 %. De ce fait, l’eau
totale varie en proportion inverse de la masse
grasse, ce qui explique que chez un nourrisson
pléthorique, à perte de poids identique, la
tonicité plasmatique. Or, les très jeunes enfants
dépendent totalement de leur entourage pour leurs
apports et ne peuvent exprimer leur soif que par des
cris ;

Principales étiologies

Les principales causes de déshydratation sont


déshydratation sera plus importante. – la régulation rénale des sorties d ’eau, qui joue rappelées dans le tableau II.
Les différents compartiments liquidiens varient de un rôle clé dans la balance hydrique, est effectuée Les carences d’apports hydriques sont rares, qu’il
façon très importante durant les premiers mois de la grâce aux mécanismes de concentration et de s’agisse d’enfants mal traités ou de l’adipsie d’une
vie (tableau I). Alors que le secteur intracellulaire dilution des urines, sous l’effet de l’hormone lésion hypothalamique. Une intolérance gastrique,
avec vomissements aggravant la déshydratation, est
© Elsevier, Paris

change peu avec la croissance, puisqu’il représente antidiurétique (ADH). Durant les premiers mois de
grossièrement 35 % du poids du corps à la vie, la capacité de concentration tubulaire est plus souvent en cause.
naissance et 40 % chez le nourrisson et l’adulte, le moindre que celle de l’enfant plus grand ; Il s’agit parfois de pertes cutanées (coup de
secteur extracellulaire varie considérablement : il – les pertes hydriques quotidiennes liées au chaleur, érythrodermie du nouveau-né...). Les pertes
représente 45 % du poids du corps chez le fonctionnement normal du système respiratoire, sont alors très hypotoniques, la sueur contenant

1
8-0550 - Déshydratation aiguë du nourrisson

Tableau II. – Principales étiologies Tableau III. – Estimation clinique de l’importance de la déshydratation.
des déshydratations du nourrisson.
Déshydratation Modérée Sévère Grave
Normo- ou hypernatrémiques
Perte de poids estimée ( % du poids corporel) 5% 10 % 15 %
Pertes extrarénales :
– gastro-intestinales : gastroentérites Tachycardie ± + ++
– cutanées : coup de chaleur, ichtyose, syndrome Marbrures des extrémités Absentes + +
de Lyell
Pertes rénales : Extrémités froides Absentes + +
– diabète insipide néphrogénique ou central
– diabète sucré Temps de recoloration allongé Absent + +
– diurèse osmotique (mannitol, Hypotension Absente Absente +
glycérol)
– syndrome de levée d’obstacle Choc Absent Absent ±
Avec hyponatrémie Pli cutané persistant Absent + ++
Pertes extrarénales : Yeux enfoncés dans les orbites Absents + +
– gastro-intestinales : vomissements, diarrhée,
fistule, iléostomie Fontanelle déprimée Absente + +
– cutanées : mucoviscidose
– troisième secteur : pancréatite, péritonite, ascite,
brûlures compensation insuffisante de pertes hydroélec- résultante des apports et des pertes hydroélectroly-
Pertes rénales : trolytiques, induites par un traitement tiques équivaut à un bilan négatif d’eau contenant
– excès de diurétiques salidiurétique ou dans un syndrome de levée environ 150 mmol/L de sodium. Dans ces
– diurèse osmotique d’obstacle, d’une néphropathie avec pertes conditions, la concentration de sodium est peu
– néphropathie avec perte de sel
sodées telle qu’une polykystose, une modifiée, de même que le volume intracellulaire.
– acidose tubulaire proximale
– insuffısance surrénale, néphronophtisie ou certaines uropathies L’importance de la déshydratation peut être
– pseudohypoaldostéronisme malformatives. Plus rarement, un hypoaldostéro- appréciée à partir de la perte de poids chiffrée et de
nisme transitoire ou un pseudo- sa rapidité d’installation. Toutefois, en pratique, un
hypoaldostéronisme en sont la cause. Au cours poids récent n’est pas toujours disponible dans le
d’une déshydratation, devant une diurèse carnet de santé et le poids mesuré peut être
Les pertes digestives par gastroentérite conservée avec une natriurèse supérieure à trompeur en cas de troisième secteur. Quelques
sont de loin les plus fréquentes. 20 mEq/L, il faut évoquer, de principe, la éléments cliniques permettent d’estimer
Il s’agit rarement de pertes isotoniques possibilité d’une insuffisance surrénale aiguë, grossièrement l’importance de la déshydratation à
très abondantes, responsables d’une surtout s’il existe une hyperkaliémie ou une une perte de poids de 50, 100 et 150 mL/kg
contraction brutale du volume hypoglycémie, en raison du traitement spécifique (tableau III). Cette classification n’est valable que
extracellulaire avec oligurie, à entreprendre d’urgence, dès les prélèvements pour les déshydratations isotoniques, mais est
tachycardie, collapsus ou état de choc pour dosages endocriniens effectués. inadaptée aux déshydratations hyper- ou
(cas du choléra ou des diarrhées Des pertes rénales hypotoniques sont rarement hyponatrémiques.
cholériformes à germes invasifs). Dans en cause : un diabète insipide et une polyurie Une perte de poids de 5 % (correspondant à une
les gastroentérites habituelles à osmotique (acidocétose diabétique, perfusion de diminution d’au moins 7 % de l’eau totale) a peu de
Rotavirus, les pertes sont hypotoniques mannitol) peuvent être responsables de traduction clinique, en dehors d’une tachycardie
(les selles contiennent en moyenne déshydratation hypernatrémique. modérée. À l’inverse, il s’agit d’une urgence vitale
60 mmol/L de sodium, 40 mmol/L de lorsque la perte de poids atteint 15 % (correspon-
potassium et 50 mmol/L de chlore) et dant à une diminution de plus de 20 % de l’eau
n’entraînent que progressivement une
déshydratation. À la diarrhée,
s’associent de façon plus ou moins
marquée des vomissements, des pertes

Physiopathologie

Les cliniciens entendent habituellement sous le


totale). Un collapsus est alors fréquent et peut se
compliquer d’une thrombose des veines rénales ou
d’une nécrose corticale. Quelques cas de
rhabdomyolyse ou de coagulation intravasculaire
d’eau liées à la fièvre et à la polypnée, terme de déshydratation, la diminution du volume disséminée ont également été rapportés.
une carence d’apports par défaut liquidien extracellulaire, conséquence d’une perte Attention, dans l’évaluation de l’importance de la
d’eau et de sodium. On distingue : déshydratation, à ne pas confondre une
d’alimentation orale.
– les déshydratations isonatrémiques : Na entre déshydratation vraie avec un pli cutané excessif par
130 et 150 mmol/L ; fonte des tissus sous-cutanés chez un enfant dénutri
moins de 20 mEq/L de sodium, à l’exception de la – les déshydratations hypernatrémiques : Na (les conséquences peuvent être désastreuses).
mucoviscidose où les pertes sudorales sont riches en supérieur à 150 mmol/L ; Rappelons également que la déshydratation est
sodium. – les déshydratations hyponatrémiques : Na sous-estimée chez les nourrissons pléthoriques.
Les pertes d’origine respiratoire par hyperventi- inférieur à 130 mmol/L.
lation (intoxication à l’aspirine, à la théophylline...) Les déshydratations isonatrémiques sont de loin ‚ Déshydratations hypernatrémiques
peuvent aggraver une déshydratation. les plus fréquentes. Les déshydratations Dans les déshydratations hypernatrémiques avec
Dans toutes ces situations, les pertes sont hypernatrémiques représentent environ 15 % des hyperosmolarité importante (supérieure à 330
extrarénales et s’accompagnent d’une réponse cas et sont plutôt en diminution. Les déshydratations mOsm/L), il existe une augmentation de la
rénale adaptée avec urines rares, concentrées (la hyponatrémiques restent peu fréquentes (5 % des concentration dans le secteur extracellulaire de
densité et l’osmolalité urinaires sont élevées) et cas) mais seraient en augmentation. solutés non diffusibles à travers les membranes
pauvres en sodium. cellulaires, dont la conséquence obligatoire est une
‚ Déshydratations isonatrémiques
Une diurèse conservée avec une natriurèse déshydratation intracellulaire, notamment cérébrale.
élevée oriente immédiatement vers des pertes Dans la majorité des cas (80 % environ), il s’agit En revanche, la volémie est longtemps conservée et
sodées d’origine urinaire. Il peut s’agir d’une de déshydratations isotoniques, c’est-à-dire que la les troubles hémodynamiques sont tardifs.

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Déshydratation aiguë du nourrisson - 8-0550


Parmi les signes cliniques qui traduisent une de récupération d’une déshydratation par
déshydratation intracellulaire, la soif et la fièvre sont Traitement d’une déshydratation gastroentérite de gravité modérée ont montré que
d’interprétation difficile chez le nourrisson et ont ce déficit atteint volontiers 8 à 10 mmoL/kg. Sa
surtout une valeur séméiologique, la sécheresse des Le traitement d’une déshydratation peut correction s’effectue de façon progressive,
muqueuses (langue parcheminée mais aussi schématiquement être découpé en trois phases programmée sur plusieurs jours, en apportant au
sécheresse de la face interne des joues et de la (tableau IV). moins 4 mEq/kg/24 h de potassium dans la
région sublinguale) et les troubles neurologiques, perfusion, dès la reprise de la diurèse.
dus à l’hyperviscosité et à l’hypodébit cérébral. ‚ Correction d’un collapsus ou d’un état
Ceux-ci sont assez particuliers : l’enfant est de choc
somnolent, voire léthargique, mais très ‚ Autres troubles métaboliques
C’est le premier impératif de la thérapeutique, afin
hyperexcitable lors des stimulations, avec des
de restaurer une perfusion tissulaire normale et
trémulations, une hyperréflectivité ostéotendineuse Ils sont observés dans les déshydratations sévères
notamment une perfusion rénale (débit urinaire
et le cri est aigu et éraillé. et ne nécessitent que très rarement un traitement
supérieur à 0,5 mL/kg/h), ce qui va considéra-
La fréquence des complications neurologiques est particulier. Il existe fréquemment une hyperglycémie
blement simplifier le traitement ultérieur.
très difficile à apprécier. Elle dépend du degré et de la et une acidose métabolique plus ou moins
En cas d’oligoanurie, qui est habituelle dans toute
rapidité d’installation de l’hypertonie plasmatique importante, dont l’origine est plurifactorielle (pertes
déshydratation sévère par troubles digestifs, il
(lorsque celle-ci est d’apparition progressive, il existe digestives de bicarbonates dues à la diarrhée,
convient d’effectuer rapidement une réplétion
une adaptation particulière des cellules cérébrales libération d’ions H + et d’acides organiques
partielle du secteur extracellulaire en perfusant un
qui permet de protéger le volume du cerveau en endogènes, augmentation des corps cétoniques,
soluté relativement riche en sodium.
augmentant l’osmolarité intracellulaire par des discrète acidose lactique...). Une hypocalcémie, dont
L’étape thérapeutique suivante, qui s’étale sur 24
« osmoles idiogéniques »). Deux types de lésions ont la physiopathologie demeure mal expliquée, est
heures ou plus, vise à corriger complètement la
été décrites dans les hypertonies plasmatiques retrouvée dans 10 % des déshydratations
déshydratation, en prenant en compte le déficit
sévères du nourrisson (osmolarité supérieure à 330 hypernatrémiques.
hydrique, les besoins de maintenance et les pertes
mOsm/kg) : persistantes éventuelles. En cas de déshydratation
– des hémorragies intracrâniennes ; hyponatrémique, la correction complète de la ‚ Mode de réhydratation
– des thromboses veineuses cérébrales. déshydratation s’effectue en moins de 24 heures,
Les hémorragies intracrâniennes siègent, avec un soluté riche en sodium, alors qu’en cas de Il reste discuté. La réhydratation initiale par voie
lorsqu’elles sont discrètes, surtout le long du sinus déshydratation hypernatrémique, la correction
veineuse s’impose dans les formes graves ou chez le
sagittal supérieur et au niveau du cervelet. Les complète sera planifiée sur 36 à 48 heures.
nourrisson de moins de 5 kg, mais certains ont
hématomes sous-duraux, bien que classiques, sont Dans le calcul du volume total de liquide à proposé avec succès qu’aux premières heures de
plus rares. L’origine en serait mécanique, administrer pour rétablir une hydratation normale,
réhydratation intraveineuse, fasse suite un
l’installation brutale d’une hypertonie plasmatique seront déduites les quantités perfusées pour corriger
traitement par voie orale.
entraînant une réduction du volume du parenchyme les phases initiales de choc ou d’oligoanurie. De
cérébral à l’intérieur de la boîte crânienne rigide et même, le strict respect des besoins de maintenance
un étirement des capillaires et des veines, qui physiologiques peut aboutir à une surestimation des ‚ Correction d’une déshydratation
aboutirait à leur rupture. Pour d’autres auteurs, les volumes liquidiens nécessaires. Du fait du taux élevé isotonique peu sévère (inférieure à 10 %
lésions hémorragiques seraient la conséquence de d’ADH, les deux tiers des besoins de maintenance du poids du corps)
thromboses veineuses, fréquemment retrouvées au suffisent, la diurèse restant relativement faible.
niveau des petites veines cérébrales et des sinus Dans un contexte de gastroentérite, elle peut
veineux. Ces thromboses seraient favorisées par ‚ Déficit potassique s’effectuer par voie orale, si le milieu familial le
l’hypodébit cérébral et l’hyperviscosité sanguine. Le déficit potassique sous-jacent doit être corrigé permet et qu’une surveillance médicale rapprochée
La tension de la fontanelle, chez un nourrisson dès la reprise de la diurèse. En effet, la déplétion est possible. Elle s’effectue avec un soluté
sévèrement déshydraté, est un élément d’orientation potassique est quasi constante dans ces situations et hydroélectrolytique sucré (Adiarilt [Gallia],
important. Le diagnostic de thrombose veineuse des études de bilan potassique effectuées en phase Alhydratet [Dietina], GES 45t, [Milupa]).
cérébrale peut être évoqué sur la présence d’œdème
ou d’hémorragies au fond d’œil et sur l’étude du
liquide céphalorachidien lorsqu’elle retrouve une Tableau IV. – Schéma thérapeutique d’une déshydratation aiguë du nourrisson.
hémorragie méningée ou une hyperprotéinorachie. Déshydratation peu sévère (< 10 % du poids du corps)
L’échographie transfontanellaire avec doppler chez
le nourrisson, ainsi que la résonance magnétique Hospitalisation systématique si :
– poids < 5 kg
nucléaire avec séquences de flux (angio-IRM),
– refus de boire ou vomissements
permettent de préciser la nature et l’importance de
ces complications. Réhydratation au domicile par voie orale, si le milieu familial le permet et si une surveillance médicale
rapprochée est possible (peser l’enfant au départ puis surveillance du poids)
‚ Déshydratations hyponatrémiques Déshydratation sévère (> 10 % du poids du corps)

La compensation insuffisante des pertes Hospitalisation, peser et mettre une poche à urines
hydrosodées d’origine rénale ou extrarénale Bilan biologique sanguin (ionogramme, glycémie, calcémie, osmolalité, gaz du sang) et urinaire
(bandelette, ionogramme et densité ou osmolalité)
entraîne une hypotonie due à l’hyponatrémie. La Pose immédiate d’une voie veineuse. La réhydratation par voie veineuse peut être schématisée
contraction du compartiment extracellulaire est en trois phases :
aggravée par un mouvement d’eau vers le secteur – phase 1 : si altérations hémodynamiques : correction d’un collapsus. Perfuser 10 à 20 mL/kg
intracellulaire entraîné par l’hypotonie plasmatique. de macromolécules en 30 minutes
– phase 2 : si oligoanurie : restauration rapide du déficit extracellulaire. Perfuser en 5 à 6 heures 50 mL/kg
Il en résulte, pour une perte de poids relativement
de glucosé à 5 % contenant 80 à 90 mmol/L de Na avec 55 à 65 mmol/L de Cl et 25 mmol/L de HCO3
modérée (souvent inférieure à 10 %), une mauvaise – phase 3 : correction complète de la déshydratation. Quantité à perfuser : (perte de poids + besoins
tolérance hémodynamique avec tachycardie, d’entretien + pertes persistantes) - (quantités administrées durant les phases 1 et 2)
marbrures des extrémités et hypotension.

3
8-0550 - Déshydratation aiguë du nourrisson

– j4 : lait en totalité. – La survenue de convulsions au cours de


Il convient de proposer le soluté au Ce schéma est adapté à la tolérance jugée sur réhydratation doit conduire, après avoir éliminé une
biberon ou à la cuillère, par petites l’aspect et la fréquence des selles. En cas de diarrhée hypoglycémie et une hypocalcémie, à diminuer
quantités, toutes les 15 minutes durant persistante, il faut être attentif à ne pas prolonger ces immédiatement le débit de la perfusion et à
les 6 premières heures, puis toutes les traitements hypocaloriques qui entraîneraient demander un ionogramme en urgence, dans la
2 à 3 heures. rapidement une dénutrition. crainte d’un œdème cérébral consécutif à une baisse
trop rapide de l’osmolarité plasmatique.
‚ Cas particuliers – Une suspicion d’insuffisance surrénale aiguë
En cas de gastroentérite, la reprise de – L’absence de reprise de la diurèse, après 6 justifie, en plus de ce traitement symptomatique, un
l’alimentation lactée s’effectue dès j2, avec un lait heures de réhydratation est rarissime mais doit faire traitement spécifique sous forme d’hydrocortisone
sans lactose, selon le schéma suivant : redouter une nécrose corticale, une thrombose (50 mg/m2/24 h) et de désoxycortone (Syncortylt, 1
– j2 : 1/3 lait + 2/3 soluté type OMS ; veineuse rénale ou une rhabdomyolyse. Il faut alors à 5 mg/24 h selon l’âge), relayé ensuite par de la
– j3 : 2/3 lait +1/3 soluté type OMS ; transférer le patient en soins intensifs. 9α-fluorohydrocortisone (Florinef).

Philippe Hubert : Chef de service,


service de réanimation pédiatrique polyvalente, fédération de pédiatrie, hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Hubert. Déshydratation aiguë du nourrisson.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0550, 1998, 4 p

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AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Gynécologie pédiatrique

C Duflos-Cohade, E Thibaud


Examen clinique gynécologique

L’examen clinique est souvent suffisant pour le


Tableau I. – Examen clinique en quatre temps.

Un temps obligatoire
souvent suffısant
Regarder

Échographie pelvienne

L’échographie pelvienne est l’examen de référence


diagnostic et la prise en charge des problèmes de l’imagerie des organes génitaux internes chez la
Un temps souvent Toucher rectal et /ou
gynécologiques de l’enfant. Mais quel que soit le motif nécessaire échographie pelvienne fille dont il faut connaître les normes variant en
pour lequel un examen gynécologique est demandé fonction de l’âge, de l’imprégnation œstrogénique et
Vaginoscopie et de l’activité ovarienne. La seule contrainte est
chez une enfant, il ne s’agit pas d’un geste anodin. Il Deux temps facultatifs
prélèvements l’obtention d’une réplétion vésicale correcte, qu’il est
peut être source d’inquiétude pour l’enfant et surtout
pour ses parents. Rassurer sera donc le premier temps toujours possible d’obtenir, même chez l’enfant très
indispensable. Cependant ces dimensions ne sont données qu’à jeune à condition d’être suffisamment patient [3].
Le déroulement de l’examen nécessite le calme et titre de repère, les mesures de l’orifice vaginal variant ‚ Utérus
la coopération de l’enfant. Il faut prendre le temps beaucoup avec la position de l’enfant, le degré de
– Chez le nouveau-né et pendant 4 à 8 semaines,
nécessaire à l’obtention d’un climat de confiance : relaxation du périnée, la forme de l’hymen et le degré
l’utérus est soumis à l’imprégnation œstrogénique
savoir écouter l’enfant et sa mère, faire de l’enfant et a d’œstrogénisation [5].
maternelle. Il mesure 3,5 à 4,5 cm de longueur et 1 cm
fortiori de l’adolescente un interlocuteur privilégié, Certains hymens intacts offrent à la vue une d’épaisseur. Fond et col utérin sont de même
expliquer le déroulement de l’examen. L’examen ouverture qui, pour un œil non averti, peut en imposer épaisseur. L’endomètre est parfois visible sous forme
gynécologique est simple et indolore. L’utilisation d’un pour un hymen abusé. Devant une telle constatation, il d’une ligne hyperéchogène.
vaginoscope a des indications limitées et l’absence faut savoir se garder d’une conclusion hâtive lourde de – Chez l’enfant prépubère, l’utérus non stimulé
d’instrumentation concoure à rassurer la fillette. conséquences. mesure 2,5 à 3,5 cm de longueur et 0,5 à 1 cm
Pendant l’examen, la présence de la mère est Le toucher rectal (TR) complète l’examen. Il est fait d’épaisseur et ne varie pas jusqu’au début de la
souhaitable pour les jeunes enfants, entre 10 et avec l’auriculaire chez l’enfant jusqu’à 6 ans. Hormis la puberté. Classiquement la ligne de vacuité n’est pas
13 ans. Il n’y a pas de règle générale et il faut suivre le palpation de l’utérus, le TR permet de percevoir un visible.
souhait de l’enfant. Au-delà de 13 ans, l’adolescente corps étranger au niveau du vagin ou d’authentifier – À la puberté, l’utérus croît en longueur et surtout
est vue seule [6]. l’existence d’un écoulement vaginal. en épaisseur. On peut retenir comme critère
Au terme de cet examen, la cause de beaucoup de d’œstrogénisation une longueur utérine supérieure à
‚ Indications de l’examen gynécologique problèmes gynécologiques de l’enfant a été reconnue. 3,5 cm, un diamètre antéropostérieur supérieur à 1 cm
Il est demandé : La vaginoscopie a donc des indications limitées : ainsi, avec une épaisseur du fond utérin supérieure à celle
– pour un symptôme gynécologique : leucorrhées, en présence de saignements, mise en évidence d’un du col, et un endomètre d’épaisseur supérieure à
saignements, douleurs vulvaires ou abdominales ; corps étranger ou d’une tumeur, ou s’il y a nécessité de 1 mm. Après les premières règles, l’utérus mesure 5 à
– pour une cause endocrinienne : signes prélèvements bactériologiques au niveau de la partie 8 cm de longueur sur 1,5 à 3 cm d’épaisseur.
d’œstrogénisation ou d’androgénisation, ou supérieure du vagin ou du col à la recherche de
germes vénériens. L’enfant doit être détendue et non ‚ Ovaires
évaluation des organes génitaux dans le cadre d’une
anomalie de la différenciation sexuelle ; contrainte ni tenue. Ceci demande donc un médecin – En prépuberté, les ovaires sont parfois difficiles à
– pour des sévices sexuels soupçonnés ou expérimenté à sa pratique. identifier. Leur longueur n’excède pas 3 cm et leur
confirmés. Le médecin est de plus en plus souvent volume est inférieur à 3 cm3. Leur échostructure est
Chez le nouveau-né souvent homogène, mais l’ovaire peut être porteur
sollicité pour rechercher et décrire des critères objectifs
L’aspect de la vulve est différent car soumis à d’une ou plusieurs images folliculaires de diamètre
de sévices sexuels.
l’influence des œstrogènes maternels. Les signes inférieur ou égal à 9 mm. La fréquence de l’aspect
‚ Déroulement de l’examen d’imprégnation œstrogénique disparaissent multifolliculaire, comme le volume ovarien, augmente
totalement en 6 à 8 semaines. Les petites lèvres, le à partir de l’âge de 8-9 ans, soit 1 à 2 ans avant le
L’examen se déroule en quatre temps (tableau I).
clitoris et l’hymen sont plus épais et turgescents. démarrage pubertaire.
Chez l’enfant prépubère L’orifice vaginal peut être masqué par l’hymen : une – Après le démarrage pubertaire [12], la taille des
petite sonde souple permet de confirmer la ovaires augmente. Leur longueur peut être supérieure
L’enfant est installée dans la position dite de la
perméabilité vaginale. Il existe des sécrétions à 3 cm et leur volume est de 3 à 10 cm 3 .
« grenouille » : enfant allongée, jambes repliées, talons
physiologiques issues du vagin. L’échostructure est hétérogène, avec aspect
contre fesses, genoux écartés, correctement éclairée,
Chez l’adolescente multifolliculaire comportant plusieurs follicules de
médecin face à l’enfant. Une douce traction vers le bas
diamètre inférieur ou égal à 15 mm. Le volume des
et l’extérieur exercée par les deux pouces posés à la Le déroulement de l’examen et les diagnostics
ovaires est supérieur à celui qu’ils auront
base des grandes lèvres, ou bien le pincement à mi- évoqués sont différents selon l’existence ou non d’une
ultérieurement. En dehors de tout contexte
hauteur des deux grandes lèvres en les attirant vers activité sexuelle : TR ou toucher vaginal, vaginoscopie
douloureux, cette constatation ne doit conduire à
soi, permettent un examen parfait de la vulve et ou petit spéculum. L’examen des seins fait partie de
aucune thérapeutique.
notamment de l’orifice hyménéal et, au travers de ce l’examen gynécologique. Au début de son
– Dans les années qui suivent les premières règles,
dernier, du tiers inférieur du vagin. développement, le bourgeon mammaire peut être
le volume ovarien diminue, la structure ovarienne
Le volume du clitoris est apprécié après avoir récliné unilatéral et se présenter comme une tuméfaction
devient homogène avec un seul follicule se
son capuchon, de manière à ne pas considérer comme rétro-aréolaire, arrondie, ferme et sensible. Au cours de
développant à chaque cycle, témoin de l’installation
© Elsevier, Paris

une hypertrophie clitoridienne ce qui n’est qu’un la croissance, la palpation est souvent difficile car la
d’un cycle ovulatoire. La taille du follicule préovulatoire
capuchon épais. L’hymen est de taille et de forme glande mammaire est tendue et ferme. L’apparition de
est de 25 à 30 mm.
variables. On estime que le diamètre de l’orifice vergetures cutanées n’est pas rare. Elles sont d’abord
vaginal est de 4 à 5 mm chez l’enfant jusqu’à 5 ans et rouges et pâlissent au bout de quelques mois. Elles ‚ Trompes
reste inférieur à 1 cm jusqu’au début de la puberté. n’ont pas de signification pathologique. Elles ne sont pas visibles.

1
8-0590 - Gynécologie pédiatrique

‚ Vagin ‚ Étiologie transmis par l’eau chaude ou les objets de toilette, on


Il est visible sur une coupe longitudinale. n’a pas, jusqu’à présent, mis en évidence de
Manque d’hygiène transmission non sexuelle de CT, en dehors de la
La prescription systématique d’une échographie
Le manque d’hygiène ou de mauvaises règles transmission de la mère infectée au nouveau-né.
devant tout problème gynécologique de l’enfant n’a
d’hygiène sont le plus souvent à l’origine des vulvites La mise en évidence de CT par culture sur cellule ou
pas de justification. L’examen clinique est souvent
et des vaginites. Ceci concerne le plus souvent des par PCR (polymerase chain reaction) sont les seules
suffisant et l’interprétation des données de
fillettes de 3 à 6 ans, récemment scolarisées ou trop tôt méthodes diagnostiques fiables, les méthodes de
l’échographie pelvienne, à cet âge, doit être prudente
autonomisées pour leur toilette. détection antigénique et les examens sérologiques
et tenir compte des variations physiologiques. Les
Des raisons physiologiques et anatomiques n’ayant pas une spécificité suffisante.
indications de l’échographie pelvienne concernent
expliquent la fréquence des vulvovaginites et leur Gardnerella vaginalis et les mycoplasmes ne sont
essentiellement les pathologies ovariennes
récidive. La muqueuse vulvaire et vaginale, non pas toujours associés à une vaginite : ils peuvent être
fonctionnelles ou organiques. L’étude échographique
œstrogénisée, est mince, de pH neutre, sans glycogène ni des germes commensaux du vagin de l’enfant.
de l’utérus et du vagin est indiquée dans les
bacille de Döderlein, donc dépourvue de moyens de Cependant, la fréquence de la colonisation vaginale
pathologies malformatives, dans les anomalies du
défense. La proximité de l’anus permet une par ces germes augmente avec l’activité sexuelle.
développement pubertaire, ou pour le diagnostic de
contamination facile. Les enfants les plus vulnérables
rares tumeurs cervicovaginales. ‚ Traitement
sont celles qui présentent un hymen à large orifice ne
jouant pas le rôle de barrière contre la contamination de Vulvovaginites non spécifiques


voisinage et permettant le reflux des urines dans le vagin.
Les vulvites isolées sont guéries par de simples
Vulvovaginites prépubertaires Les résultats des prélèvements effectués en cas de
précautions d’hygiène : toilette quotidienne ou
vaginite retrouvent des germes de contamination
biquotidienne bien faite, port de linge de coton,
périnéale (Staphylococcus epidermidis, Streptococcus
Elles représentent le motif le plus fréquent de séchage après chaque miction. S’il existe une
feccalis, Proteus, Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas)
consultation [1, 9, 11]. L’histoire clinique est toujours la surinfection on propose, par exemple, l’application
ou, si la vaginite est contemporaine d’une infection
même. L’enfant, âgée en général de 3 à 6 ans, se plaint locale pendant quelques jours d’une solution de
respiratoire, digestive ou cutanée, le germe retrouvé
de brûlures vulvaires majorées lors des mictions, de fluorescéine à 1/1 000 ou de permanganate à
peut être le même : Staphylococcus aureus ,
prurit et parfois de pertes sales tachant le linge. Les 1/25 000. Des récidives vont survenir jusqu’à l’âge de
streptocoques bêtahémolytiques groupe A et B,
consultations ont parfois été nombreuses et les 8 ans environ. Elles disparaissent définitivement avec
Haemophilus influenzae, Escherichia coli... Les mycoses
prélèvements retrouvent des germes variant à chaque le début des transformations morphologiques de la
sont rares avant la puberté, Candida albicans se
examen. Les traitements ont été multiples, locaux ou vulve qui accompagnent la puberté.
développant de préférence sur des muqueuses
généraux, démontrant la fréquence des récidives qui Le traitement des vaginites nécessite une
œstrogénisées, riches en glycogène.
caractérisent les épisodes de vulvites chez la petite fille. antibiothérapie par voie générale. On utilise une
Ce qu’il importe de noter dans l’interrogatoire, c’est Corps étranger intravaginal antibiothérapie à large spectre, par exemple
l’existence de sang striant les pertes vaginales et la amoxicilline, pendant 6 à 8 jours. L’adjonction d’une
Bien que souvent redouté, il est à l’origine de moins
durée des symptômes. œstrogénothérapie à faibles doses a été préconisée
de 5 % des vulvovaginites. Les signes cliniques très
mais nous semble inutile.
évocateurs sont l’existence de pertes vaginales
‚ Examen clinique abondantes, souvent depuis plusieurs semaines, voire Vulvovaginites spécifiques
L’examen clinique, mené tel qu’il a été décrit plusieurs mois, très malodorantes, purulentes et striées
précédemment, est essentiel et permet de différencier les de sang. Les traitements antibiotiques par voie orale ¶ Candidose
vulvites et les vulvovaginites. Il suffit souvent au diagnostic. La vulvite mycosique est traitée par l’application
obtiennent leur sédation, mais la reprise des
Lors des vulvites, la vulve est érythémateuse et des d’une préparation antifongique (éconazole,
symptômes est très rapide à la fin de l’antibiothérapie.
dépôts blancs de smegma sont retrouvés dans les miconazole, isoconazole). Il faut dans ces cas éviter les
À l’examen de la vulve, le corps étranger peut être
sillons interlabiaux. L’irritation atteint parfois la marge savons acides. Un traitement par voie orale est conseillé
aperçu par l’orifice hyménéal s’il est bas situé. Au TR, sa
anale dont on déplisse la muqueuse à la recherche en cas de foyer digestif (amphotéricine B, miconazole).
présence, s’il s’agit d’un objet dur, est confirmée
d’oxyures. Par l’orifice hyménéal, dont on s’assure de aisément. Les radiographies et les échographies ne sont ¶ Trichomonas et Gardnerella vaginalis
l’intégrité en suivant tout son pourtour, on confirme pas utiles car le corps étranger peut ne pas être radio- Ils sont sensibles au métronidazole (Flagylt) à la
l’absence de leucorrhées. Au terme de cet examen le opaque ni avoir une échogénicité particulière. Les corps dose de 15 à 25 mg/kg/j en trois prises pendant
diagnostic est fait : il s’agit d’une vulvite simple. Les étrangers retrouvés sont de nature variée : débris de 10 jours, ou au tinidazole (Fasigynet) à la dose de 30 à
prélèvements vulvaires sont inutiles et trop souvent papier le plus souvent bas situés, capuchons de stylo, 35 mg/kg/j per os en dose unique.
traumatisants, car le frottement d’un coton sec sur des perles, petits jouets. Selon leur situation, leur taille et leur
muqueuses non œstrogénisées est douloureux. De
¶ Gonocoque
forme, leur exérèse sera faite simplement en
Le traitement de référence est la ceftriaxone, une
plus, les germes retrouvés sont variés, reflétant la flore consultation ou nécessitera une anesthésie générale.
dose unique de 5 mg/kg par voie intramusculaire (IM)
périnéale le plus souvent due à la contamination anale.
Abus sexuel ou intraveineuse (IV) (maximum 250 mg). Les
La vaginite se caractérise par l’issue de pertes par
alternatives sont l’amoxicilline à la dose de 50 mg/kg
l’orifice vaginal, notamment lors des efforts de toux. Ces S’il existe des sévices sexuels avérés ou
per os plus le probénécide à la dose de 25 mg/kg per
leucorrhées sont abondantes, de couleur parfois soupçonnés, les agents pathogènes dont la
os en dose unique.
verdâtre et malodorantes. Le TR, dans ces conditions, est transmission peut être sexuelle doivent être
souhaitable. Il peut repérer un corps étranger recherchés, leur présence permettant d’avancer dans ¶ Infections à Chlamydia
intravaginal et permet l’issue de pertes sur lesquelles les la preuve d’un abus sexuel. Il s’agit de Trichomonas, du Elles sont traitées, chez l’enfant de plus de 8 ans, par
prélèvements sont possibles. La vaginoscopie est gonocoque et de Chlamydia trachomatis (CT). Si les la doxycycline à la dose de 4 mg/kg/j (maximum
rarement nécessaire pour authentifier un corps étranger. deux premiers semblent pouvoir éventuellement être 200 mg) per os en deux prises pendant 7 jours, et chez
l’enfant de moins de 8 ans, par érythromycine à la
dose de 50 mg/kg/j per os en quatre prises
✔ Les vulvites sont beaucoup plus fréquentes que les vaginites. quotidiennes pendant 7 à 10 jours.
✔ Regarder attentivement la vulve est suffisant au diagnostic.


✔ Les prélèvements bactériologiques vulvaires sont inutiles.
✔ Nécessité d’expliquer et de « dédramatiser » les récidives souvent inévitables. Vulvovaginites à l’adolescence
✔ Les vaginites plus rares nécessitent un prélèvement bactériologique. Des germes
spécifiques sont en cause dans moins de 10 % des cas. L’antibiothérapie par voie L’attitude diagnostique et thérapeutique diffère
générale est nécessaire. Intérêt médicolégal de la découverte d’un Chlamydia. selon que l’adolescente a ou non débuté sa vie
✔ Les vulvites et les vaginites de la période prépubertaire ne se compliquent pas sexuelle.
habituellement d’infection génitale haute. Si la jeune fille a eu des rapports sexuels, des
prélèvements sont indispensables, à la recherche

2
Gynécologie pédiatrique - 8-0590

2 Coalescence des petites lèvres.

pas chez le nouveau-né et régresse à la puberté. Il


1 Lichen scléreux. s’agit d’un accolement du bord libre des petites lèvres 3 Polype de l’hymen.
(fig 2). Une douce traction latérale met en évidence
d’une maladie sexuellement transmissible dont la prise l’accolement des petites lèvres sous l’aspect d’une fine
Tableau II. – Hémorragies génitales
en charge ne diffère pas de celle de l’adulte. ligne médiane translucide. Si l’accolement est complet,
prépubertaires. Étiologie de 74 cas.
Si la jeune fille est vierge, les deux situations les il ne persiste qu’un petit orifice sous-clitoridien
(Consultation de gynécologie pédiatrique,
plus fréquentes sont : permettant l’écoulement des urines.
hôpital Necker-Enfants Malades, Paris.)
– l’existence d’une mycose, caractérisée par un Tout décollement manuel ou chirurgical conduit le
prurit intense et des pertes blanches grumeleuses. La plus souvent à un réaccolement plus solide. La bénignité Cause vulvaires 20 27 %
mycose chez l’adolescente est favorisée par le port de de cette lésion sans conséquence et sa résolution dès les Plaies, vulvites, angiomes,
jean serré et l’utilisation massive de bains moussants. premiers signes d’œstrogénisation pubertaire autorisent prolapsus urètre, LSV,
Son traitement est le même que chez l’adulte. soit à ne rien faire, soit à assouplir l’accolement par condylomes
L’utilisation de petits ovules est possible si la jeune fille l’application de crèmes à activité œstrogénique locale
Causes vaginales 43 %
a déjà utilisé des tampons périodiques. Sinon, on se (Colpotrophinet) pendant 2 à 3 semaines.
Corps étranger 17
contente de crèmes d’application vulvaire ;
‚ Polype de l’hymen Infection 13
– l’existence de sécrétions physiologiques qui, Tumeur 2
avant l’apparition des premières règles, peuvent avoir C’est une languette s’implantant sur le bord libre de
une abondance gênante et irritante. Aucun l’hymen, de même aspect et de même couleur (fig 3) que Causes hormonales 14 %
prélèvement bactériologique n’est nécessaire. Le celui-ci. Il est surtout marqué en période néonatale, Puberté précoce 1
traitement consiste en une toilette rigoureuse puis en période pubertaire. Son volume peut nécessiter Menstruation précoce 9
biquotidienne et une explication rassurante sur la son exérèse chirurgicale, ce qui se produit rarement.
Sans cause 12 16 %
physiologie du phénomène. ‚ Prolapsus de l’urètre
LSV : lichen scléreux vulvaire.
Il se révèle souvent par des saignements vulvaires.


Dans sa forme aiguë, son aspect peut inquiéter : il s’agit
– vulvite intense avec lésions de grattage ou fissures ;
Autres affections vulvaires d’une tuméfaction violacée, saignotante, centrée par
– lichen scléreux ;
l’urètre et masquant l’orifice vaginal. L’évolution est le
– prolapsus de l’urètre ;
plus souvent favorable après application d’antisepti-
– angiome de la vulve ou du vagin.
‚ Lichen scléreux ques locaux. Le recours à la chirurgie n’est envisagé
C’est une affection dermatologique aisément
que devant un prolapsus volumineux et nécrotique. ‚ Saignement issu du vagin
reconnaissable (fig 1). Le prurit est intense, avec parfois Un examen plus approfondi avec vaginoscopie est


de petits saignements vulvaires dus aux lésions de indispensable.
grattage. L’aspect clinique de la vulve est Hémorragies génitales
caractéristique. La vulve a un aspect pâle et nacré, avec
prépubertaires Cause vaginale
parfois de petits hématomes sous-épithéliaux dans Les infections vaginales, avec ou sans corps
l’épaisseur des petites lèvres ou du clitoris, qui ne Le saignement peut survenir à tout âge [10]. Il est étranger, sont le plus souvent responsables. Beaucoup
doivent pas en imposer pour des sévices sexuels. habituellement d’abondance modérée (parfois une tache), plus rarement, l’examen découvrira une tumeur
L’aspect blanc nacré atteint parfois la région anale. Un unique ou répété. Il n’y a en général aucun signe cervicovaginale. Il s’agit, à cet âge, de tumeurs
avis spécialisé est souhaitable car la lésion nécessite un fonctionnel d’accompagnement. Un examen gynécologi- malignes (botryosarcomes du vagin, tumeurs du sac
traitement par corticoïdes locaux et une surveillance que est indispensable pour préciser l’origine vulvaire ou vitellin, adénocarcinomes). Leur éventualité, bien que
prolongée. vaginale du saignement. Dans le tableau II, sont détaillées rare, constitue un souci majeur et rend l’exploration de
les différentes causes, d’après une série personnelle. la cavité vaginale par vaginoscopie indispensable
‚ Coalescence des petites lèvres devant tout saignement vaginal en prépuberté.
Sa découverte est le plus souvent fortuite car la ‚ Saignement vulvaire
coalescence des petites lèvres [4] est en général La cause est facile à mettre en évidence à l’examen : Cause utérine
asymptomatique. Elle s’observe habituellement entre – traumatique : plaie de la vulve suite à une chute à Le saignement vient du vagin et le vagin est sain à
1 et 4 ans. Du fait de l’œstrogénisation, elle n’existe califourchon par exemple ; la vaginoscopie. Le saignement est lié à une

3
8-0590 - Gynécologie pédiatrique

stimulation hormonale œstrogénique, soit transitoire Deux tableaux cliniques sont possibles :
(menstruation précoce régressive), soit permanente, le Tableau III. – Anti-inflammatoires – enfant fatiguée et pâle qui présente des cycles courts
saignement constituant alors la manifestation initiale non stéroïdiens : dose dans le traitement (15 à 20 jours), avec des règles trop abondantes et/ou trop
d’une puberté précoce. Ce mode de début concerne de la dysménorrhée. longues mais reconnaissables dans leur rythme et non
moins de 10 % des cas de puberté précoce. douloureuses. Cette répétition des hémorragies peut
Doses par prise
Comprimés aboutir rapidement à une anémie ferriprive ;
Aucune cause retrouvée Produits x nombre de
dosés à – le saignement est très abondant, indolore, sans
prises/24 heures
Cette situation est assez fréquente puisqu’elle tendance spontanée à l’arrêt, en général au cours du
représente 16 % des cas de notre série (tableau II). On Acide deuxième ou troisième cycle après les premières
250 mg 500 mg x 1 à 3
évoque alors une fragilité particulière de la muqueuse méfénamique règles. Il peut conduire à une anémie aiguë. Il s’agit
vaginale. Ponstylt d’une urgence médicale qu’il faut prendre en charge
200 mg et sans tarder.
Ibuprofène 400 mg x 1 à 3
400 mg Le premier examen nécessaire est une numération


Troubles du cycle
de l’adolescente
Advilt
Nurofent
Brufent
Flurbiprofène 100 mg 100 mg x 2 à 3
formule sanguine. C’est en effet le taux d’hémoglobine
qui est le meilleur guide pour choisir le traitement. Une
étude de l’hémostase est indiquée lorsqu’il existe des
antécédents personnels de troubles hémorragiques
Les premières règles surviennent en moyenne à Antadyst (épistaxis, gingivorragies...) ou des maladies de la
l’âge de 13 ans (entre 9½ et 15 ans). Les premiers coagulation familiales connues. Le bilan de base
cycles se caractérisent par leur variabilité, tant clinique Naproxène 500 mg 500 mg x 1 à 3 comprend numération plaquettes, ferritine, temps de
que biologique. La première année, 50 % des cycles Naprosynet Quick, temps de céphaline activé, fibrine et temps de
sont irréguliers, leur longueur pouvant varier de Naproxène saignement. En cas d’anomalie, l’avis d’un hématologue
15 jours à plusieurs mois. Plus de 50 % des cycles sont
550 mg 550 mg x 1 à 3 est nécessaire pour poursuivre les investigations.
sodique
anovulatoires. Ce n’est qu’après 5 ans que la majorité Apranaxt
des cycles sont réguliers et ovulatoires. Les anomalies Étiologies
menstruelles sont donc fréquentes, fonctionnelles et ¶ Fonctionnelles
transitoires, et dans un grand nombre de cas, la seule 24 heures, d’intensité variable, allant de la simple gêne Dans plus de 80 % des cas, aucune cause n’est
intervention médicale sera d’expliquer et de rassurer. à la douleur violente nécessitant l’alitement. D’autres retrouvée pour expliquer les saignements, hormis le
Cependant, une prise en charge appropriée est symptômes tels que nausées, diarrhées, céphalées, déséquilibre hormonal caractéristique de la période
nécessaire lorsqu’il existe une dysménorrhée, des lipothymies peuvent lui être associés. postpubertaire (anovulation et absence de
métrorragies pubertaires et, dans certaines conditions, Ce type de douleur contemporaine des règles, le progestérone). En effet, les phénomènes physiopatho-
des cycles longs. reste du cycle se déroulant sans symptôme douloureux, logiques aboutissant à l’arrêt du saignement menstruel
signe la dysménorrhée primaire de l’adolescente. Un et à la reconstitution de l’endomètre sont dépendants
‚ Dysménorrhée de l’adolescente [7] traitement peut être institué en se dispensant d’examen des taux d’œstradiol et de progestérone circulants,
Elle est très fréquente : 50 à 70 % des adolescentes gynécologique, et a fortiori d’examens complémentai- d’où l’indication des thérapeutiques hormonales dans
ont une dysménorrhée permanente ou occasionnelle. res type échographie pelvienne. le traitement des métrorragies pubertaires.
Elle est souvent responsable d’absentéisme scolaire. Cette attitude sera discutée :
Son mécanisme physiopathologique a été élucidé : la – si la dysménorrhée n’est pas calmée par le
¶ Anomalies de l’hémostase
Dans 10 à 20 % des cas, les métrorragies
douleur est le résultat de la contraction et de l’ischémie traitement ;
pubertaires peuvent révéler une maladie de
du myomètre sous l’action des prostaglandines – si les douleurs sont apparues dès les premières
l’hémostase. Il s’agit dans ces circonstances de formes
produites en excès dans l’endomètre et le sang des règles et durent plusieurs jours, évoquant une possible
modérées ou frustes de ces maladies. En effet, les
règles. Un traitement spécifique peut donc être mis en malformation utérovaginale ;
troubles de la coagulation sévères ont en général été
place et il faut savoir le proposer pour le mettre à la – s’il existe, en dehors des règles, des douleurs
diagnostiqués plus tôt, dans la petite enfance, à
disposition de toute jeune fille réglée. pelviennes évoquant une origine organique (type
l’occasion d’un accident hémorragique.
La dysménorrhée primaire essentielle de kyste de l’ovaire).
Les maladies le plus souvent révélées à l’occasion de
l’adolescente répond à des critères cliniques précis qu’il
convient de rechercher par l’interrogatoire. La ‚ Métrorragies pubertaires règles hémorragiques sont la maladie de Willebrand
(facteur VIII) et les thrombopénies idiopathiques (purpura
dysménorrhée apparaît souvent 6 mois à 1 an après Ce sont des saignements anormaux par leur
thrombopénique). Le risque d’hémorragie apparaît
l’installation des premières règles. Il s’agit d’une abondance, leur durée ou leur fréquence. Près de neuf
lorsque le taux de plaquettes est inférieur à 20 000. Les
douleur pelvienne et/ou lombaire, irradiant parfois fois sur dix, leur survenue est précoce, en général dans
autres déficits en facteurs de la coagulation (facteurs V,
dans les cuisses, de survenue précoce, électivement la l’année qui suit l’installation des premières règles, voire
VII, X) et les thrombopathies sont moins fréquents, en
veille ou le premier jour des règles, durant en général lors des tout premiers cycles.
général plus sévères et déjà connus au moment de la
puberté. Dans ces situations il est nécessaire, en
Traitement de la dysménorrhée collaboration avec l’hématologue, de prévenir les
accidents hémorragiques par la mise en place du
Une dysménorrhée modérée est traitée par le paracétamol ou un spasmolytique. Si ce
traitement hormonal approprié avant la survenue des
traitement est insuffisant, le traitement logique est l’utilisation d’anti-inflammatoires non premières règles. Enfin, certaines maladies rénales et
stéroïdiens (AINS), dont l’activité antiprostaglandine obtient une sédation des douleurs hépatiques s’accompagnent d’anomalies de
dans 90 à 100 % des cas. Les différents produits sont détaillés dans le tableau III. Le l’hémostase, responsables de métrorragies pubertaires.
traitement doit être débuté dès le début des règles et à dose efficace d’emblée. La Dans le tableau IV est détaillée une série personnelle
multiplication des prises dans la journée est rarement nécessaire, sauf dans les de métrorragies pubertaires.
dysménorrhées intenses où le traitement peut être nécessaire pendant 2 à 3 jours. Traitement (tableau V)
La prescription d’un progestatif du 16e au 25e jour du cycle peut améliorer l’efficacité
Il est guidé par le taux d’hémoglobine.
des AINS, par exemple dydrogestérone (Duphaston 10t : 2 cp/j) ou acétate de
chlormadinone (Lutéran 5t : 2 cp/j). L’utilisation d’une pilule œstroprogestative n’a ¶ Formes graves (hémoglobine inférieure
à 8 g/100 mL)
pas de justification en cas de dysménorrhée isolée. Elle est conseillée s’il existe une Dans ces formes, une hospitalisation est
demande de contraception ou si les AINS se sont révélés insuffisamment efficaces. souhaitable. Une transfusion peut, dans des cas
Le recours à un avis spécialisé est souhaitable devant une dysménorrhée rebelle à extrêmes, être nécessaire. L’arrêt de l’hémorragie est
toute thérapeutique (pilule œstroprogestative comprise) afin de s’assurer de l’absence obtenu par l’injection IV ou IM d’une ampoule de
de pathologie organique (endométriose par exemple). 20 mg de Prémarint (œstrogènes conjugués), à
répéter 4 à 10 heures plus tard si besoin.

4
Gynécologie pédiatrique - 8-0590

Tableau IV. – Métrorragies pubertaires. Tableau V. – Traitement des métrorragies pubertaires.


Étude de 105 cas. (Consultation de gynécolo-
gie pédiatrique, hôpital Necker-Enfants Mala- Formes graves (Hb < 8 g/100 mL)
des, Paris.) Prémarint 20 mg IM ou IV, 1 ou 2 cps, et œstroprogestatif 2 cp/j jusqu’à arrêt du saignement, puis 1 cp/j
pendant 21 jours durant 2 à 3 mois, puis progestatif du 16e au 25e jour du cycle pendant plusieurs mois,
Âge des premières règles 12,3 ans voire années
Date de survenue Formes modérées (Hb entre 8 et 11 g/100 mL)
1re année gynécologique 85 %
2e à 4e année 15 % Œstroprogestatif pendant 21 jours durant 2 à 3 mois, puis progestatif du 16e au 25e jour du cycle pendant
plusieurs mois ± antifibrinolytique pendant les règles
Étiologie
Fonctionnelle 79 % Formes mineures (Hb > 11 g/100 mL)
Anomalie hémostase 13 %
Maladie rénale ou hépatique 7% Progestatif du 16e au 25e jour du cycle plusieurs mois et antifibrinolytique pendant les règles
Tumeur tractus génital 1%
IM : intramusculaire ; IV : intraveineux ; Hb : hémoglobine.
Taux d’hémoglobine au premier
examen – les cycles longs isolés chez une adolescente en
Hb < 8 g/100 mL 17 % Cycles longs
bonne santé physique et psychique et dont
Hb entre 8 et 11 g/100 mL 23 %
Hb > 11 g/100 mL 60 % l’établissement des premières règles date de moins de
2 ans ;
– les cycles longs associés à des signes
Hb : hémoglobine.
d’hyperandrogénie clinique (acné, séborrhée, voire Sans hyperandrogénie Avec hyperandrogénie
hirsutisme) et/ou existant, voire s’aggravant, depuis clinique clinique
Simultanément, il est administré un traitement plus de 2 ans.
hormonal par voie orale, soit une pilule œstroproges-
tative dosée à 50 gamma d’éthinylestradiol (Stédirilt : Cycles longs isolés
2 cp/j jusqu’à arrêt complet du saignement, puis 1 cp/j Dans les 2 ans qui suivent la ménarche, les cycles
Premières règles Premières règles
pendant 21 jours), soit un progestatif norstéroïde < 2 ans > 2 ans
longs sont plus fréquents que les cycles courts.
(Primolut-Nort : 1 cp/j). Ce traitement sera poursuivi 2 Progressivement leur longueur diminue avec le temps, LH, E2, testostérone, 17-OHP,
à 6 mois selon son efficacité sur l’abondance des témoin de l’ovulation qui s’établit progressivement. androstènedione, prolactine,
règles. Plus de la moitié des cycles sont anovulatoires la échographie pelvienne
Cette séquence thérapeutique (Prémarint puis première année suivant les premières règles.
Stédirilt) est efficace sur les métrorragies fonctionnel- Cliniquement, les cycles longs sont isolés, l’adolescente
les, mais aussi sur les métrorragies survenues dans le ne présente pas de signes majeurs d’hyperandrogénie
cadre d’une maladie de l’hémostase. et on note une amélioration de la régularité des cycles Pas d'examen FSH, LH, E2, testostérone,
androstènedione, prolactine
¶ Situations intermédiaires (hémoglobine avec le temps.
comprise entre 8 et 11 g/100 mL) En pratique, aucun examen complémentaire, ni
Dans ces situations, le traitement hormonal dosage biologique, ni échographie pelvienne ne sont
œstroprogestatif ou progestatif est utilisé par voie nécessaires, cette spanioménorrhée étant
4 Bilan étiologique au cours des cycles longs. FSH :
orale, en association avec des antifibrinolytiques fonctionnelle et transitoire. Il convient cependant de
folliculostimuline hormone ; LH : luteinizing hor-
pendant les règles : acide tranexamique (Exacylt, savoir que les cycles des années postpubertaires
mone ; 17-OHP : 17-OH-progestérone.
Spotoft : 3 g/j). immédiates ont des caractéristiques biologiques et ¶ Spanioménorrhée
échographiques transitoires. Le plus souvent, il s’agit d’une spanioménorrhée qui
¶ Formes modérées (hémoglobine supérieure
à 11 g/100 mL) Sur le plan biologique, les cycles des premières s’aggrave avec le temps, confinant parfois à une
Dans ces formes, le traitement consiste en années postpubertaires se caractérisent par l’absence aménorrhée secondaire chez une adolescente
l’administration d’un progestatif 10 jours par mois, du ou l’insuffisance de progestérone et des taux circulants présentant des troubles du comportement le plus
16e au 25e jour du cycle (par exemple, Lutérant 5 de LH (luteinizing hormone), testostérone et souvent alimentaire (anorexie ou boulimie), ou
10 mg, Surgestonet 500 mg, Luténylt 5 mg), associé, androstènedione significativement plus élevés chez les pratiquant un sport sur un rythme intensif et pour
durant la période des règles, à un antifibrinolytique. filles qui ont des cycles longs que chez celles qui ont lequel le souci du poids est essentiel.
Cette thérapeutique progestative est également des cycles réguliers. Dans des situations moins aiguës et moins
celle qui est prescrite à distance des accidents graves, La maturation des ovaires au cours de la puberté se durables, les cycles longs peuvent avoir précédé ou
après la prescription de Stédirilt, et ceci pendant traduit par un accroissement de leur taille, du fait de suivi des périodes de stress (examen, voyages,
plusieurs mois. En effet, la caractéristique des l’augmentation du nombre et de la taille des follicules difficultés affectives).
métrorragies pubertaires, notamment graves, est la antraux et du stroma. À l’échographie, les ovaires des Lors de l’interrogatoire, il faut savoir rechercher ces
fréquence des récidives, témoins de l’anovulation adolescentes ont les caractéristiques suivantes : situations de stress et ces pratiques alimentaires,
persistante. Ce traitement progestatif sera poursuivi au – leur volume est souvent supérieur au volume de souvent masquées à un entourage peu attentif ou au
moins 1 an et repris à la moindre récidive. l’ovaire adulte (plus de 6 cm3) ; contraire cautionnées par certaines mères, anciennes
Au cours des maladies de la coagulation graves, on – leur échostructure est multifolliculaire, c’est-à-dire anorexiques elles-mêmes, ou par certains entraîneurs
peut envisager la mise en aménorrhée thérapeutique, comportant plusieurs follicules de diamètre inférieur sportifs.
ou égal à 10 mm, répartis également au sein de
parfois même avant la survenue des premières règles. ¶ Signes d’hyperandrogénie
Ces situations concernent principalement les l’ovaire. Les cycles longs appartiennent à un tableau
thrombopathies sévères (maladie de Glanzmann) ou Cet aspect est particulièrement fréquent dans clinique d’hyperandrogénie associant une acné
des maladies de Willebrand graves. L’aménorrhée est l’année suivant les premières règles, puis le volume sévère, une séborrhée, une alopécie androgénique,
obtenue avec la prescription continue d’un progestatif ovarien diminue et l’échostructure devient homogène voire un hirsutisme dont l’intensité doit être notée. Ces
norstéroïde (Primolut-Nort) ou d’une pilule alors que le cycle devient ovulatoire. symptômes cliniques, nuisibles à l’épanouissement de
œstroprogestative (Stédirilt). l’adolescente, justifient une prise en charge
Cycles longs persistant au-delà de 2 ans et/ou thérapeutique.
‚ Cycles longs associés à des signes d’hyperandrogénie L’hyperandrogénie fonctionnelle d’origine
clinique
Ce sont des cycles de durée supérieure à 35 jours [8]. ovarienne est la cause la plus fréquente. L’étude
Il est essentiel de différencier, lors de l’interrogatoire et Ils peuvent poser des problèmes de diagnostic hormonale retrouve une élévation du taux circulant de
de l’examen général : étiologique et de prise en charge thérapeutique (fig 4). LH et/ou de testostérone et/ou d’androstènedione.

5
8-0590 - Gynécologie pédiatrique

L’élévation des trois paramètres peut être dissociée, L’importance des troubles des règles paraît liée au taux L’acétate de cyprotérone (Androcurt) est indiqué
inconstante, variable d’un examen à l’autre. Les de prolactine, mais ceci n’est pas constant. À la limite pour ses propriétés antiandrogénique, antigonado-
ovaires ont une échostructure multifolliculaire ou supérieure de la normalité (soit, dans la zone, 20 à trope et progestative. Son administration séquentielle
polykystique, et leur volume très augmenté peut faire 30 ng/mL), il existe un chevauchement des valeurs à la dose de 50 mg/j, 20 jours sur 28, associée à 2 mg
craindre des épisodes de subtorsion, évoqués devant normales et pathologiques. En effet, la sécrétion de d’œstradiol, est remarquablement efficace.
des douleurs pelviennes violentes accompagnées de prolactine évolue de façon pulsatile et s’élève
nausées. rapidement au cours du stress. Il est donc nécessaire ¶ Hyperandrogénie ovarienne sans manifestation
de répéter des dosages de prolactine avant de
clinique
Ces situations ne sont pas toujours d’interprétation
aisée car les perturbations fonctionnelles et transitoires conclure à une hyperprolactinémie. Lorsque les signes d’hyperandrogénie sont absents
des premiers cycles de l’adolescence sont proches de L’examen tomodensitométrique de la région et le volume ovarien modérément augmenté, on peut
celles révélant un syndrome des ovaires polykystiques hypophysaire permet de mettre en évidence un utiliser un progestatif pregnane ou norpregnane du
(SOPK), et aucun élément clinique, biologique ou microadénome à prolactine. Sur le plan biologique, 16e au 25e jour du cycle (Lutérant 5, Duphastont 10 :
échographique ne permet de prédire l’évolution avec celui-ci se caractérise par l’absence d’élévation de la 2 cp/j) de manière à obtenir un rythme menstruel
certitude. Or la prise en charge précoce d’un SOPK est prolactine au cours du test à la TRH (thyrotropin régulier et prévenir les risques endométriaux d’une
nécessaire du fait de son important retentissement releasing hormone). exposition prolongée aux œstrogènes sans
clinique et psychologique. En pratique, c’est souvent D’autres anomalies endocrâniennes, avec ou sans progestérone. Une surveillance clinique, biologique et
l’évolution dans le temps des paramètres cliniques et hyperprolactinémie, peuvent être à l’origine de échographie régulière est alors nécessaire. Si après
biologiques qui permettra le diagnostic. spanioménorrhées et plus souvent d’aménorrhées. Ce quelques mois de traitement les manifestations
Les autres causes d’hyperandrogénie sont sont les autres tumeurs hypophysaires, le d’hyperandrogénie ovarienne persistent et a fortiori
beaucoup moins fréquentes. craniopharyngiome, l’hydrocéphalie latente et les s’accentuent, il est nécessaire d’utiliser le traitement par
L’hyperplasie congénitale des surrénales à antécédents d’irradiation crânienne. acétate de cyprotérone ou un traitement œstroproges-
révélation tardive peut avoir une présentation clinique tatif à bonne action antigonadotrope de manière à
comparable à celle du SOPK. Le taux circulant de 17- Traitement freiner la sécrétion de LH et à normaliser la production
OH-progestérone dosé le matin entre 8 h et 10 h et/ou d’androgènes. S’il existe une surcharge pondérale, il
Le traitement des cycles longs repose sur l’utilisation
après un test au synacthène est alors élevé. faut essayer d’en obtenir la réduction.
des progestatifs ou des œstroprogestatifs. Ses objectifs
Après 18 mois à 2 ans de traitement efficace, une
¶ Insuffisances ovariennes primitives incomplètes sont de corriger les manifestations d’hyperœstrogénie
Elles sont rarement en cause. Elles sont soit et/ou d’hyperandrogénie accompagnant les cycles fenêtre thérapeutique est nécessaire pour une
congénitales (dysgénésie gonadique avec ou sans longs ou d’en prévenir l’apparition. Les indications du évaluation clinique et biologique, un certain nombre
anomalie du caryotype, insuffisance ovarienne auto- traitement sont fonction de la symptomatologie qui de ces situations d’hyperandrogénie étant transitoires.
immune, galactosémie congénitale), soit plus souvent accompagne les cycles longs et des résultats de ¶ Cycles longs sans anomalie clinique
acquises et alors facilement reconnues car faisant suite l’exploration hormonale. ou biologique autre que l’insuffisance lutéale
à une chimiothérapie, une irradiation ou une chirurgie ¶ Hyperandrogénie ovarienne avec manifestations L’indication du traitement repose sur le désir de
enlevant une grande partie du tissu ovarien. Le taux cliniques l’adolescente « d’avoir des cycles normaux » et sur la
circulant de FSH (follicle-stimulating hormone) est Le but du traitement est triple : notion de la prévention d’un risque de pathologie de
élevé, le taux d’œstradiol bas témoigne d’une activité – corriger les signes cliniques d’hyperandrogénie l’endomètre liée à l’exposition aux œstrogènes. On
folliculaire résiduelle. (hirsutisme) ; utilise alors un progestatif du 16e au 25e jour du cycle.
¶ Hyperprolactinémie – réduire le volume ovarien lorsqu’il est très Une prise en charge psychothérapique peut se révéler
Les irrégularités menstruelles précèdent important et fait courir le risque de torsion ; souhaitable devant des troubles du comportement,
l’aménorrhée dans près de la moitié des cas. – procurer un cycle régulier. notamment alimentaire.

Catherine Duflos-Cohade : Attachée.


Elisabeth Thibaud : Praticien hospitalier.
Service de pédiatrie 7 du Pr Rappaport (endocrinologie), hôpital Necker-Enfants Malades, 149-161, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Duflos-Cohade et E Thibaud. Gynécologie pédiatrique.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0590, 1998, 6 p

Références

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6
¶ 8-0580

Hypothyroïdie de l’enfant
M. Polak

Le développement normal des structures hypothalamohypophysaires, de la glande thyroïde elle-même et


des interactions fonctionnelles entre ces différents niveaux est crucial pour le développement cérébral de
l’enfant, spécialement de la période fœtale jusqu’à l’âge de 3 ans, pour la croissance en taille après la
naissance et pour le métabolisme durant toute la vie. La connaissance des causes congénitales et
acquises d’hypothyroïdie est donc importante pour le praticien. L’hypothyroïdie non reconnue et non
traitée dans les mois qui suivent la naissance est l’exemple le plus caricatural de conséquences
irréversibles sur le développement, intellectuel en particulier, de l’enfant. C’est pourquoi le dépistage
néonatal de l’hypothyroïdie congénitale permettant son traitement très précoce, est si crucial.
L’hypothyroïdie qui se développe après l’âge de 3 ans ralentit la croissance staturale de l’enfant mais
n’entraîne pas de retard intellectuel. La détermination des taux de thyroxine et de TSH n’est pas
nécessaire chez un enfant qui prend trop de poids si sa vitesse de croissance en taille est normale. La
carence iodée, cause la plus fréquente d’hypothyroïdie dans le monde, et dont la prévention devrait
permettre d’en diminuer les conséquences néfastes pour le développement intellectuel et physique,
montre l’impact de l’hypothyroïdie sur le développement de l’individu à tous les stades de sa vie.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Thyroïde ; Enfant ; Hypothyroïdie ; Hypothyroïdie congénitale ; Dysgénésie thyroïdienne ;


Dépistage néonatal

Plan Tableau 1.
Étiologies de l’hypothyroïdie congénitale.
¶ Introduction 1 Hypothyroïdie congénitale permanente :
¶ Hypothyroïdie congénitale 1 • primaire :
Pathogénie de l’hypothyroïdie congénitale permanente 2 - dysgénésie (ectopie, agénésie, hypoplasie, hémiagenèse) ;
Pathogénie de l′hypothyroïdie congénitale transitoire 2 - troubles de l’hormonosynthèse (mutations thyroglobuline, transpor-
Dépistage biochimique de l’hypothyroïdie congénitale 2 teur d’iode/sodium, thyroperoxydase) ;
Présentation clinique de l’hypothyroïdie congénitale 2 - résistance à la thyréostimuline (TSH) (mutations récepteur TSH, pseu-
Évaluation diagnostique de l’hypothyroïdie congénitale 2 dohypoparathyroïdie)
Traitement et évolution de l’hypothyroïdie congénitale permanente 3
Conseil génétique et anténatal 3 • centrale :
¶ Hypothyroïdie acquise 4 - syndrome d’interruption de la tige hypophysaire ;
Hypothyroïdie primaire à révélation tardive 4 - mutations inactivatrices du récepteur de la thyroid releasing hormone
Hypothyroïdie secondaire ou tertiaire 4 (TRH), de facteur de transcription

• périphérique :
- résistance aux hormones thyroïdiennes (mutation TRb) ;
■ Introduction - anomalie du transport des hormones thyroïdiennes (mutation MCT8)

On oppose les hypothyroïdies primaires liées à une lésion Hypothyroïdie congénitale transitoire
primitive de la glande aux hypothyroïdies secondaires ou - Carence en iode sévère ou surcharge iodée aiguë
tertiaires liées à une atteinte hypophysaire ou hypothalamique. - Traitement maternel par antithyroïdiens
Chacune de celles-ci peut être congénitale ou acquise. - Passage transplacentaire d’anticorps contre le récepteur de TSH
- Mutations hétérozygotes inactivatrices de THOX2

■ Hypothyroïdie congénitale
(Tableau 1) dans nos pays industrialisés. Dans le reste du
L’hypothyroïdie congénitale est, avec une prévalence de 1 sur monde, la carence en iode maternelle et fœtale est la pour-
3 500 nouveau-nés, la principale cause évitable de retard mental voyeuse du plus grand nombre d’hypothyroïdies fœtales,
et l’anomalie congénitale endocrinienne la plus fréquente néonatales et de l’enfant. Quatre-vingt-cinq pour cent des

Traité de Médecine Akos 1


8-0580 ¶ Hypothyroïdie de l’enfant

nouveau-nés avec une hypothyroïdie permanente ont une hypothyroïdie transitoire, surtout chez les enfants prématurés.
dysgénésie thyroïdienne qui est due en majeure partie (80 %) à Dans les zones avec apport d’iode suffisant, la cause plus
une anomalie de la migration thyroïdienne pendant le dévelop- fréquente est le traitement maternel par médicaments antithy-
pement embryonnaire (ectopie), et 20 % une agénésie de la roïdiens. Le transfert transplacentaire d’anticorps qui bloquent
glande (athyréose). l’action de la TSH est beaucoup plus rare (< 2 % des hypothy-
La dysgénésie thyroïdienne comprend aussi l’hypoplasie roïdies congénitales). Il existe aussi une cause génétique
d’une glande orthotopique (< 5 %) et l’hémiagénésie, responsa- récemment décrite d’hypothyroïdie transitoire.
ble de moins de 1 % des hypothyroïdies congénitales, mais L’hypothyroïdie de la prématurité, avec une thyroxine (T4)
présente jusque chez 1 sur 500 sujets euthyroïdiens, où un lobe totale et libre basse et une TSH qui n’est pas élevée, correspond
et l’isthme thyroïdien peuvent être absents. à une hypothyroïdie centrale. Dans l’ensemble, le traitement
Les 15 % restants des cas d’hypothyroïdie congénitale avec L-thyroxine® n’améliore pas leur évolution à court ou long
permanente sont dus à un trouble de l’hormonosynthèse qui est terme. Ceci suggère que cette hypothyroxinémie correspond à
souvent, mais pas toujours, détecté à la naissance. une adaptation à la naissance prématurée plutôt qu’à une vraie
L’hypothyroïdie congénitale permanente d’origine centrale hypothyroïdie centrale.
(hypophysaire ou hypothalamique) est très rare.
Dépistage biochimique de l’hypothyroïdie
Pathogénie de l’hypothyroïdie congénitale congénitale
permanente Dès les années 1970, des études ont montré que la préven-
Hypothyroïdie primaire (atteinte de la glande tion du retard mental nécessite un traitement précoce dans les
premières semaines de vie. Ceci n’a été possible qu’avec
elle-même) l’avènement des méthodes de dépistage de masse de l’hypothy-
La dysgénésie thyroïdienne a été considérée comme une roïdie congénitale chez les nouveau-nés, et il s’est ensuivi une
entité sporadique. Une étude française récente a montré une quasi-éradication du retard mental secondaire à cette patholo-
fréquence de cas familiaux supérieure à celle attendue par le gie. Il arrive cependant que certains ne soient pas détectés, ce
hasard dont les mécanismes, mendéliens ou non, et multigéni- pourquoi il faut toujours rester vigilant et réaliser immédiate-
ques, restent à établir. La plupart des travaux pointent vers une ment des dosages de T 4 et de TSH devant toute suspicion
origine génétique et il n’y a pas d’arguments consistants en clinique d’hypothyroïdie indépendamment des résultats du
faveur d’un rôle important des facteurs environnementaux. dépistage. En France, ce dépistage est généralisé depuis 1979,
Dans les troubles de l’hormonosynthèse, certains défauts au centralisé, organisé par région, groupé avec les autres dépistages
niveau de la voie de synthèse des hormones thyroïdiennes ont néonatals et effectué au troisième jour de vie. La démarche
pu également être associés à des mutations de gènes dont les suivie actuellement est explicitée sur la Figure 1.
produits sont impliqués dans la synthèse des hormones thyroï-
diennes. Elles se transmettent sur un mode autosomique Présentation clinique de l’hypothyroïdie
récessif. Le goitre souvent présent n’est pas nécessairement
toujours là chez les nouveau-nés, et dans certains troubles de
congénitale
l’hormonosynthèse, l’hypothyroïdie n’est pas présente à la À la naissance, seulement 1 à 4 % des cas sont diagnostiqués
naissance non plus. cliniquement. La sémiologie comprend un enfant postmature,
macrosome avec une fontanelle postérieure ouverte. Avec un
Hypothyroïdie centrale examen plus approfondi après un dépistage positif, on peut
(atteinte hypothalamohypophysaire) trouver occasionnellement des signes cliniques discrets. Il y a
L’hypothyroïdie centrale congénitale permanente s’associe rarement un goitre palpable. La recherche du goitre doit se faire
presque toujours à d’autres déficits d’hormones hypophysaires avec le cou de l’enfant en hyperextension. La sévérité est
et ces patients sont le plus souvent identifiés à cause des variable, plus prononcée chez les filles atteintes, et globalement
hypoglycémies ou d’un retard de croissance. plus importante dans les athyréoses.
Parmi les antécédents familiaux, on doit noter la consangui-
Hypothyroïdie périphérique nité et l’existence d’hypothyroïdie congénitale, ou chez la mère
une histoire de pathologie thyroïdienne, ou d’exposition à des
(anomalie d’action des hormones thyroïdiennes)
composés riches en iode comme les produits de contraste
Les taux bas des protéines transporteuses d’hormones thyroï- radiographiques iodés.
diennes (thyroxin binding globulin [TBG], transthyrétine et Les défauts de septation du cœur, généralement mineurs, sont
albumine) ne produisent pas d’hypothyroïdie puisque le taux les malformations extrathyroïdiennes associées le plus souvent
d’hormones thyroïdiennes libres circulantes reste constant. En à la dysgénésie thyroïdienne et habituellement ne sont pas
revanche, l’anomalie du transport des hormones thyroïdiennes détectés lors du premier examen physique.
à travers la membrane cellulaire peut être à l’origine d’une Dans l′hypothyroïdie congénitale centrale, les manifestations
hypothyroïdie sévère. des déficits hormonaux associés (hypoglycémie, micropénis et
La résistance à l’action des hormones thyroïdiennes est en cryptorchidie, cholestase) sont souvent celles qui mènent au
général due à des mutations inactivatrices du récepteur de la tri- diagnostic. Des malformations de la ligne médiane comme une
iodo-thyronine (T3). Les taux d’hormones thyroïdiennes sont fente labiale, une fente du palais ou une hypoplasie du nerf
élevés, mais contrairement à l’hyperthyroïdie, la thyroid stimu- optique peuvent également s′y associer.
lating hormone (TSH) n’est pas basse et peut être légèrement
élevée. Dans le cas de mères enceintes atteintes et porteuses Évaluation diagnostique de l’hypothyroïdie
d’un enfant sain, l’excès d’hormones thyroïdiennes peut
produire une thyrotoxicose fœtale. congénitale
La TSH, la T4 et la T3 libre sériques doivent être dosées chez
Pathogénie de l′hypothyroïdie congénitale les enfants avec un test de dépistage anormal. Sur une radiogra-
phie antéropostérieure du genou, l’absence des points d’ossifi-
transitoire cation épiphysaires fémoral et tibial nous oriente vers un début
La plupart des hypothyroïdies congénitales primaires transi- prénatal de l’hypothyroïdie et un plus grand risque de retard du
toires ont une origine environnementale ou iatrogénique. La développement.
carence en iode reste une cause importante d’hypothyroïdie Pour le diagnostic étiologique, il est nécessaire de réaliser une
sévère transitoire chez le nouveau-né. Une surcharge iodée liée scintigraphie. Avec l’iode (123I), l’information fonctionnelle est
à des agents antiseptiques iodés appliqués à des nouveau-nés ou plus précise, mais le pertechnétate (99mTcO4) est plus facilement
à des femmes enceintes ou qui allaitent peut provoquer une disponible dans la plupart des services de médecine nucléaire et

2 Traité de Médecine Akos


Hypothyroïdie de l’enfant ¶ 8-0580

Traitement et évolution de l’hypothyroïdie


Réception des papiers
Vérification validité des données
congénitale permanente
± appel maternité
C’est une urgence
Le traitement doit être instauré dès le résultat du dépistage,
TSH sur papier à j3 indépendamment de l’obtention d′images diagnostiques et sans
attendre les résultats de confirmation. Chaque jour de retard
pourrait entraîner une perte de quotient intellectuel. C’est
pourquoi il est plus sûr de débuter le traitement chez tous les
TSH<15 µUI/ml 15<TSH<40 µUI/ml TSH > 40 µUI/ml nouveau-nés dépistés, même avec des valeurs limites.

Médicament
Vérification en double
La lévothyroxine est le traitement de choix. En gouttes, elle
a une meilleure biodisponibilité et permet des doses initiales
TSH<15 µUI/ml 15<TSH<40 µUI/ml inférieures, mais elle est plus stable sous forme de comprimés.
En France, nous disposons de gouttes (1 goutte = 5 µg de
L-thyroxine®). La L-thyroxine® ne doit pas être donnée dans un
Signalement contrôle Signalement convocation biberon que l’enfant pourrait ne pas finir.
au secrétariat de dépistage au secrétariat de dépistage Il est recommandé de suivre un traitement journalier régulier,
par le laboratoire
bien que les doses oubliées puissent être prises plus tard dans la
journée ou le lendemain avec la dose suivante sans risque.
Le début du traitement dans les 2 premières semaines de vie
Demande du contrôle par
NORMALISÉ
courrier à l'adresse des et une dose initiale élevée (10-15 µg/kg/j ; 50 µg chez un enfant
parents / au service si à terme de poids normal pour les comprimés) sont nécessaires
l'enfant est hospitalisé pour que les enfants atteints d’hypothyroïdie congénitale sévère
puissent développer tout leur potentiel intellectuel. Un suivi
rapproché des taux hormonaux est nécessaire.
Réception contrôle Prélèvement non reçu
Chez l’enfant plus âgé, la dose journalière requise diminue
Convocation rapidement jusqu’à 4 µg/kg/j à l’âge de 5 ans. Ainsi, avec la
signalée aux croissance pondérale, une dose initiale absolue de 50 µg se
endocrinologues maintiendra souvent inchangée pendant plusieurs mois. Une
Envoi du laboratoire Relance et téléphone pédiatriques
TSH élevée doit faire suspecter une mauvaise observance du
de référence
traitement. Si ce n’est pas le cas, la dose sera augmentée afin de
pour le secteur
maintenir la TSH et la T4 libre dans la zone normale pour l’âge,
la première étant le paramètre le plus important.
Dossier classé
Suivi médical
À cause de la vitesse de croissance de l’enfant, les contrôles
TSH<10 µUI/ml TSH>10 µUI/ml de la fonction thyroïdienne ne devraient pas être espacés de
plus de 3 mois la première année et de plus de 6 mois entre 1 et
3 ans d’âge. À partir de 3 ans, un bilan annuel est probablement
suffisant chez un enfant qui grandit normalement mais à la
puberté, une surveillance biannuelle est souvent de nouveau
Registre sur base justifiée. Une mauvaise observance du traitement s’associe avec
de données nationale un moins bon développement. Si elle est suspectée, il est justifié
de contrôler plus fréquemment les taux de T3, T4 et TSH.
Figure 1. Programme de dépistage de l’hypothyroïdie congénitale en Croissance
France. TSH : thyroid stimulating hormone.
Avec un traitement correct, la taille et le poids moyens sont
similaires à ceux des enfants normaux, mais le périmètre
donne un bon détail anatomique en 15 à 30 minutes au lieu de crânien des enfants avec hypothyroïdie congénitale se situe
plusieurs heures d’examen. La détection d’une ectopie thyroï- 1 déviation-standard au-dessus de la moyenne.
dienne permet d’établir la nature permanente de la maladie.
Dans le cas où la scintigraphie n’aurait pu être faite avant le Développement psychomoteur
début du traitement (ou dans les 7 jours qui suivent la mise au Chez les enfants traités dans les 2 premières semaines de vie
traitement), il est possible d’arrêter celui-ci à partir de l’âge de et avec des doses élevées comme il est décrit ci-dessus, on ne
3 ans pendant 1 mois sans risque. Si la TSH s’élève à des taux retrouve plus l’hypoacousie neurosensorielle ni le retard
anormaux, le diagnostic étiologique peut alors se faire par psychomoteur qui étaient associés à l’hypothyroïdie congéni-
scintigraphie. tale. Aucun trouble spécifique cognitif ou du comportement ne
L’échographie thyroïdienne est subjective et moins sensible peut être attribué à l’hypothyroïdie ou à son traitement chez ces
pour de petites quantités de tissu ectopique. Cependant, les enfants. Toutefois, certains ont signalé des anomalies mineures
radiologues pédiatriques expérimentés peuvent différencier le par exemple de la coordination motrice fine chez les enfants
tissu normal de la thyroïde des structures hyperéchogéniques traités, ce qui laisse penser qu’un certain degré d’hypothyroïdie
présentes dans les loges thyroïdiennes vides dans les cas fœtale n’est pas compensé.
d’ectopie ou d’athyréose, et ceci peut permettre alors de débuter
immédiatement le traitement.
Il n’est pas nécessaire d’étudier systématiquement les défauts
Conseil génétique et anténatal
spécifiques dans les cas d’anomalies de l’hormonosynthèse ; ceci Le conseil génétique a changé avec les études récentes sur la
peut néanmoins se faire lors de la scintigraphie par le test au composante génétique des dysgénésies thyroïdiennes. Le risque
perchlorate. En effet, un diagnostic plus précis n’a pas d’effet estimé d′hypothyroïdie congénitale pour les frères ou la
sur le conseil génétique (25 % de risque de récurrence de la descendance de l’enfant atteint est probablement supérieur à
maladie) ni sur le traitement de ces patients. 1 sur 3 500 (prévalence de 2 % des formes familiales).

Traité de Médecine Akos 3


8-0580 ¶ Hypothyroïdie de l’enfant

L’euthyroïdie des femmes enceintes est fondamentale dès le voir des taux de FT4 et FT3 normaux ou à la limite inférieure
début de la grossesse pour le développement du cerveau fœtal. de la normale avec une concentration de TSH constamment
Il est conseillé aux femmes atteintes d’hypothyroïdie congéni- élevée. Cette situation est appelée hypothyroïdie compensée.
tale de réaliser des dosages de TSH et T 4 libre quand elles Si la TSH est modérément élevée, un test à la thyroid releasing
envisagent une grossesse et tout au long de celle-ci, car elles ont hormone (TRH) permet de lever les doutes en montrant une
besoin d’une dose de lévothyroxine plus élevée pendant cette réponse exagérée après stimulation.
période.

■ Hypothyroïdie acquise
Hypothyroïdie primaire à révélation tardive
“ Point fort
Étiologies Il ne sert à rien de doser la T4, T3 et la TSH chez un enfant
dont la croissance staturale est normale et a fortiori dont la
Les étiologies sont les suivantes : vitesse de croissance s’accélère, par exemple lors de la
• Thyroïdite de Hashimoto : l’hypothyroïdie survient dans constitution d’un surpoids.
environ 30 % des cas. La palpation de la glande montre un
corps thyroïde diminué de volume ou au contraire un goitre.
Dans les deux cas, le tissu est remarquable par sa fermeté. Elle
sera systématiquement recherchée dans un contexte de
diabète de type 1, où sa prévalence augmente avec l’âge de Traitement
découverte du diabète (surtout après 10 ans et dans le sexe La L-thyroxine® en comprimés, à la dose de 100 à 150 µg
féminin). Leur fréquence est aussi accrue en cas de syndrome selon l’âge, normalise les taux circulants de FT4 et FT3 et de
de Turner. TSH.
• Thyroïdectomie : l’hypothyroïdie peut se développer à distance
de l’intervention nécessitant une surveillance postchirurgicale
pendant plusieurs années. On rapprochera de ces formes les Hypothyroïdie secondaire ou tertiaire
hypothyroïdies secondaires à des radiothérapies pour cancer
Elles sont très rares, dues à une lésion tumorale ou postchi-
de la face et du cou.
rurgicale de la région hypothalamohypophysaire. En règle
• Carence en iode : l’hypothyroïdie par carence en iode est très
.

générale, l’hypothyroïdie est très modérée. Les taux plasmati-


répandue dans le monde, mais exceptionnelle en France.
ques de FT4 et de FT3 sont abaissés et, fait essentiel, associés à
• Certaines formes congénitales, comme des troubles de l’hormo-
une TSH basse, voire indétectable.
nosynthèse ou de volumineuses ectopies de la glande thy- .

roïde, peuvent se révéler tardivement.


Pour en savoir plus
Diagnostic
De Felice M, Di Lauro R. Thyroid development and its disorders: genetics
• Signes cliniques : fatigue, prise de poids, frilosité, constipation and molecular mechanisms. Endocr Rev 2004;25:722-46.
sont associées à des degrés d’intensité variable. Les signes sont Toublanc JE. Hypothyroïdie congénitale. In: Leclère J, Orgiazzi J, Rousset B,
dominés par le ralentissement de la vitesse de croissance et le Schlienger JL, Wémeau JL, editors. La thyroïde. Paris: Elsevier; 2001.
retard de maturation osseuse. p. 527-39.
• Signes biologiques : la baisse des taux circulants des hormo- Polak M, Sura-Trueba S, Chanty A, Szinnai G, Carré A, Castanet M.
nes thyroïdiennes et l’augmentation de la TSH définissent Molecular mechanisms of thyroid dysgenesis. Horm Res 2004;
l’hypothyroïdie. C’est dans ces formes acquises que l’on peut 62(suppl. 3):14-21.

M. Polak, Professeur des Universités, praticien hospitalier (michel.polak@nck.aphp.fr).


Service d’endocrinologie pédiatrique, Inserm EMI 363, Hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Polak M. Hypothyroïdie de l’enfant. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 8-0580, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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4 Traité de Médecine Akos


8-0570

8-0570

Traitement du diabète de l’enfant


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

et de l’adolescent
H Lefèvre, JC Carel, PF Bougnères


‚ Objectifs et indications thérapeutiques
Introduction Tableau II. – Répartition en pourcentages de la
dose quotidienne d’insuline dans un schéma à Plusieurs études indiquent que le traitement
deux injections. intensif du diabète (trois injections ou pompes, par
Le traitement du diabète a pour objectif une opposition à deux injections ou moins) réduit la
glycémie proche de la normale, seule capable de Insuline fréquence des complications [9]. La mesure de
(% de la dose totale Matin Soir
prévenir les complications à long terme, en quotidienne) l’hémoglobine glycosylée (HbA1c), produit de la
particulier la microangiopathie. La relation entre glycosylation non enzymatique de l’hémoglobine,
l’équilibre glycémique et le risque de complications Rapide 25 % 25 % est facilement utilisable comme marqueur de
permet de définir les objectifs thérapeutiques à Semi-lente 35 % 15 % l’équilibre glycémique moyen des 2 mois précédant
atteindre [8]. sa mesure. L’objectif habituel est d’obtenir une HbA1c
moyenne inférieure ou égale à 7,5 %, ce qui n’est
Tableau III. – Répartition en pourcentages de actuellement atteint que dans moins de 50 % des


Insulinothérapie

‚ Présentation des insulines utilisées


la dose quotidienne d’insuline dans un
schéma à trois injections.

Insuline
(% de la dose totale Matin Midi Soir
cas chez les enfants et adolescents diabétiques [3, 7].
En effet, en dessous de ce chiffre, le risque de
rétinopathie et de néphropathie peut être considéré
comme minime. Ce constat a été récemment
chez l’enfant quotidienne) confirmé en France chez 2 579 patients diabétiques
de moins de 20 ans, dont 44 % avaient une HbA1c
Les différents types d’insuline le plus Rapide 30 % 15 % 20 %
inférieure ou égale à 8 %. De nombreux facteurs
fréquemment utilisés chez l’enfant sont présentés Lente - - 35 % associés à l’équilibre ont été identifiés, parmi lesquels
dans le tableau I. l’âge, la durée de la maladie, le régime alimentaire, la
dose d’insuline quotidienne, la fréquence des
‚ Schémas thérapeutiques habituellement les proportions indiquées dans le
tableau III. contrôles glycémiques, ainsi que la qualité de la prise
Deux schémas d’insulinothérapie peuvent être en charge par le thérapeute et son équipe [6].
Les pompes à infusion sous-cutanée d’insuline
proposés.
sont réservées au diabète néonatal, au diabète
‚ Techniques d’injection
insulinodépendant avant l’âge de 3 ans, et parfois
Schéma à deux injections L’insuline est injectée perpendiculairement à la
transitoirement chez l’adolescent mal équilibré, non
Chaque injection est administrée avant les repas compliant aux injections. L’utilisation d’une injection peau, en sous-cutané profond, 20 à 30 minutes
du matin et du soir, et est constituée d’un mélange quotidienne unique d’insuline d’action prolongée est avant le repas. Les sites d’injection sont les cuisses et
d’insuline rapide et d’insuline semi-lente. La abandonnée par les pédiatres, y compris chez les le ventre chez le grand enfant et l’adolescent, le dos
répartition des doses suit approximativement les patients « en lune de miel ». chez l’enfant plus petit. La rotation des sites
proportions indiquées dans le tableau II. Les analogues rapides, comme l’Insuline Lispro d’injection est inutile, sous couvert du contrôle de
Lilly Humalogt, ont pour avantage une absorption l’absence d’apparition de lipohypertrophies.
Schéma à trois injections L’absorption est plus rapide dans la paroi
plus rapide et une demi-vie plus courte. Ils
Il est utilisé, surtout chez l’enfant à partir de 12 ans permettent une amélioration du contrôle abdominale, plus lente dans les cuisses. Les
et chez l’adolescent, et répond davantage aux glycémique postprandial et réduisent la survenue injections dans les bras sont déconseillées.
besoins en insuline au moment des repas. Deux d’hypoglycémies nocturnes [5]. Leur place réelle dans L’utilisation d’aiguilles de longueur variable (6, 8 ou
injections d’insuline rapide sont réalisées avant les le traitement du diabète de l’enfant n’a pas encore 12 mm) doit être adaptée en fonction de l’âge et de
repas du matin et du midi. Celle précédant le repas été établie. la corpulence du patient.
du soir est constituée d’un mélange d’insuline rapide Les doses utilisées selon le stade d’évolution du


et d’insuline lente. La répartition des doses suit diabète sont indiquées dans le tableau IV.
Diététique
Tableau I. – Types d’insuline habituellement utilisés chez l’enfant.
Le régime alimentaire est un facteur essentiel de
Type d’insuline Présentation Début d’action Pic Fin
l’équilibre glycémique (tableau V). Les explications
Analogue rapide Flacon ou cartouche 15 min 1h 2-5 h diététiques seront données par une diététicienne
Rapide Flacon ou cartouche 15-30 min 2h 6-8 h spécialisée. Les principes généraux sont les suivants :
– ration calorique normale pour l’âge, de l’ordre
NPH Flacon ou cartouche 1h 6h 12-16 h
© Elsevier, Paris

de 1 000 kcal + 100 kcal/année d’âge, sans


Lente Flacon 1-2 h 24-28 h dépasser 2 000 kcal pour les filles, et même
1 800 kcal en cas de surpoids ;
Mélange rapide + NPH Selon proportion (de 10 à 50 % d’insuline rapide) Flacon ou cartouche
– ration glucidique représentant environ 50 %
NPH : Neutral Protamine Hagedorn. des apports caloriques ;

1
8-0570 - Traitement du diabète de l’enfant et de l’adolescent

‚ Éducation
Tableau IV. – Dose quotidienne d’insuline administrée selon le stade d’évolution du diabète.
L’éducation du patient et de sa famille, essentielle
Stades Dose (U/kg/j) Cause au traitement du diabète, est en général dispensée
de façon pluridisciplinaire par l’infirmière, la
Début, découverte ≥ 1,5 Insulinorésistance
diététicienne et le médecin spécialisé en diabétologie
« Lune de miel » 0,1 à 1 Selon insulinosécrétion résiduelle pédiatrie. Elle est adaptée en fonction du niveau
Stabilisation 0,8 à 1,2 socioculturel de chaque famille et doit être évolutive
dans le temps. Elle sera régulièrement reprise, tous
Puberté 1,2 à 1,6 Insulinorésistance surtout chez la fille les 12 à 24 mois, y compris en cas de bon équilibre
Augmentation physiologique de la sécrétion d’insuline
glycémique, éventuellement dans le cadre d’une
hospitalisation de jour.
Des renseignements sur la physiopathologie du
Tableau V. – Répartition des glucides dans la journée selon le schéma à deux ou trois injections
(en pourcentages de la ration glucidique quotidienne). diabète de type 1 sont donnés afin d’anticiper les
questions parmi lesquelles l’évaluation du risque
Rythme des injections Matin 10 h Midi 16 h Dîner pour la descendance, la fratrie, et les possibilités de
dépistage du prédiabète.
2 injections/j 15 % 15 % 30 % 10 % 30 %
L’information donnée à propos des complications
3 injections/j 25 % 0% 40 % 0% 35 % à long terme de la maladie est présentée à partir de
données épidémiologiques, en insistant sur leur
– exclusion des sucreries et des aliments à index La mesure de l’hémoglobine glycosylée, prévention par l’équilibration parfaite du diabète.
glycémique élevé ; paramètre essentiel de la surveillance de l’équilibre
‚ Équilibration des doses
– la collation de 10 h est indispensable dans le glycémique, est réalisée soit par la méthode HPLC
schéma à deux injections, pour éviter les Plusieurs méthodes d’équilibration des doses sont
(chromatographie liquide à haute pression), soit par
hypoglycémies ; expliquées :
méthode automatisée (anticorps monoclonaux), sur
– les édulcorants sont déconseillés en raison de – méthodes de type « rétrospective-anticipatoi-
un prélèvement capillaire de quelques microlitres.
l’entretien de l’appétence pour le sucre ; re », par comparaison des mesures glycémiques aux
Les causes d’erreurs de ce dosage sont les
– le régime doit être revu régulièrement afin objectifs glycémiques (en général 0,80 à 1,20 g/L
hémoglobinopathies et les hémolyses chroniques.
d’éviter une prise de poids excessive après la mise avant les repas, 1,00 à 1,60 g/L 2 heures après les
en route du traitement. Cette situation est plus repas). En cas de tendance répétée à s’éloigner de
‚ Consultations
fréquente chez l’adolescente et sa correction, difficile, ces valeurs : modulation de une à deux unités (en
passe par une diminution des apports caloriques, Les consultations doivent être fréquentes (tous les fonction de l’âge de l’enfant) de la dose d’insuline
associée à une diminution des doses d’insuline, sous 2 à 3 mois, soit quatre à six fois par an) et porter sur correspondante. Cette attitude, qui a notre
couvert du contrôle des glycémies capillaires. plusieurs points : préférence, permet l’analyse de l’équilibre
– l’équilibre glycémique par l’analyse du carnet glycémique « au calme », sans variation intempestive
des doses d’insuline, ni exagération des excursions


glycémique, aidé par le résultat de la mesure de
Mise en place et surveillance l’HbA1c ; glycémiques isolées dues à des écarts de régime ;
du traitement – l’existence d’hypoglycémies, mineures et – méthodes de type « compensatoire », consistant
à moduler la dose d’insuline rapide en fonction de la
surtout majeures, et leur perception ;
‚ Hospitalisation initiale – la recherche de lipodystrophies et la technique
glycémie préprandiale selon des algorithmes
Elle doit avoir lieu dans un centre spécialisé pour prédéfinis. Elles exposent au risque d’hypoglycémie
des injections ;
la prise en charge d’enfants et d’adolescents sévère, en cas de « surcompensation ».
– la dose d’insuline en unités par kilogramme de
diabétiques et comporte trois objectifs : poids ; ‚ Recherche de complications
– obtenir rapidement un équilibre glycémique – l’évolution du poids et de la taille ; Une angiographie fluorescéinique et la recherche
proche de la normale ; de microalbuminurie ne seront réalisées qu’au bout
– l’observance du régime ;
– familiariser le patient et sa famille avec les de 5 années au moins d’évolution, puis tous les 18 à
– les variations de la dose d’insuline qui seront
gestes techniques impliqués dans le traitement du 24 mois. Cette fréquence sera modulée en fonction
analysées.
diabète, et expliquer les principes de celui-ci ; de l’âge du patient, en raison de la survenue
– répondre aux questions que soulève la L’analyse de données récentes a permis
exceptionnelle de complications chez les sujets
survenue d’une maladie chronique chez un jeune d’observer une HbA1c significativement plus basse
prépubères et en fonction de l’équilibre glycémique
enfant. (–1 %) chez les patients suivis dans les centres
moyen.
Une durée de 5 à 7 jours est habituelle, à universitaires et ceux suivant plus de 50 patients,
condition que l’insulinothérapie soit conduite de traduisant l’importance du suivi par une équipe ‚ Hospitalisations
façon rigoureuse et l’éducation de façon bien réglée. expérimentée. Cette équipe comprend habituelle- De brèves hospitalisations, ne dépassant pas
ment : des médecins diabétologues, des infirmières habituellement 5 jours, sont parfois utiles pour
‚ Surveillance du traitement spécialisées et des diététiciennes, de plus, un suivi analyser, résoudre, puis montrer au patient et à sa
Elle porte sur la mesure de la glycémie capillaire téléphonique régulier (tous les 15 jours) avec un famille les moyens à employer pour l’obtention d’un
par un réflectancemètre. Les mesures, au nombre de interlocuteur spécialisé est possible. Dans un bon équilibre glycémique.
deux à trois par jour, seront réparties entre les contexte d’hyperspécialisation qui nous paraît
horaires suivants : lever, 12 h, 16 h, 19 h et 22 h. De
plus, nous conseillons une mesure nocturne, vers 2 h
ou 3 h, une à deux fois par mois. La mesure de 22 h
pourra être réalisée la veille des jours sans école.
actuellement le seul moyen de réduire significati-
vement l’HbA1c moyenne des patients et l’incidence
des complications dégénératives à long terme, la
place du médecin généraliste est difficile à ‚ Hypoglycémies

Complications du diabète
chez l’enfant et traitement

La mesure semi-quantitative de la glycosurie est déterminer. Elle n’en reste pas moins importante Les hypoglycémies sont la complication la plus
peu utile. La recherche d’une cétonurie est essentielle pour renforcer, auprès des familles, l’importance redoutée du diabète de l’enfant, en particulier par les
en cas d’hyperglycémie importante ou prolongée, d’un suivi spécialisé et souvent pour détecter, par parents, et ont longtemps amené à traiter le diabète
surtout chez le très jeune enfant. leur proximité, des problèmes passés inaperçus. des enfants de façon insuffisante (tableau VI).

2
Traitement du diabète de l’enfant et de l’adolescent - 8-0570

Surveillance horaire de l’état de conscience, des


Tableau VI. – Manifestations cliniques et traitement des hypoglycémies. constantes vitales et de la glycémie capillaire.
Hypoglycémie Clinique Traitement Surveillance régulière (toutes les 4 heures) des
constantes biologiques et de l’électrocardiogramme.
Mineures Pâleur, sueurs, tachycardie, tremblement, Resucrage per os : sucre rapide et sucre
céphalées, faim lent L’hyperglycémie diminue en 8 heures environ,
l’acidose se corrige en une dizaine d’heures, la cétose
Majeures Troubles de conscience, coma avec ou Injection de 1 mg de glucagon (IM, SC)
sans convulsion Si échec, répéter une fois puis perfusion persiste plus longtemps. Le passage à l’insuline
de glucosé par un service d’urgence sous-cutanée se fait en général au bout de 12 à
24 heures, dès que les troubles digestifs ont disparu
IM : intramusculaire ; SC : sous-cutané.
et que l’alimentation est possible.
Les hypoglycémies mineures sont fréquentes et Rééquilibration hydroélectrolytique L’œdème cérébral est la complication la plus
inévitables. Leur survenue répétée à un horaire grave du traitement de l’acidocétose de l’enfant, et
En cas de collapsus initial, on perfuse 10 à
donné, en particulier la nuit, peut annoncer la entraîne habituellement le décès ou des séquelles
20 mL/kg de macromolécules en 30 à 60 minutes.
survenue d’une hypoglycémie sévère. Si elle survient neurologiques graves. Les deux facteurs de risque
Le débit de perfusion initial sera d’autant plus bas
juste avant le repas, l’hypoglycémie sera corrigée par essentiels sont l’existence d’une hyponatrémie
que la natrémie initiale est basse, dans la mesure où
le repas, en réalisant l’injection d’insuline juste avant, initiale et un débit de perfusion supérieur à
l’œdème cérébral survient essentiellement dans des
et non 30 minutes avant le repas. Enfin, il faudra se 10 mL/kg/h. L’apparition est habituellement brutale,
contextes d’hyponatrémie. En cas d’hyponatrémie,
méfier du cycle où des doses excessives d’insuline dans les 2 à 24 heures qui suivent la mise en route
le débit de perfusion sera à adapter selon les
entraînent des hypoglycémies et des collations du traitement, par des signes neurologiques de
résultats de la natrémie. Le débit maximal perfusé ne
répétées, sources de prise de poids, et parfois compression du tronc, parfois précédés de céphalées
doit pas dépasser 4 L/m 2 /24 heures, et la
recherchées par les enfants pour accéder aux ou de troubles de la vigilance. Le traitement conseillé
compensation du déficit doit être étalée sur 24 à 48
aliments sucrés. heures. est l’administration rapide de mannitol (1 à 2 g/kg),
Les hypoglycémies sévères se manifestent surtout sans attendre la confirmation du diagnostic. Le
Le soluté de perfusion est habituellement du
chez l’enfant au milieu de la nuit ou au petit matin. sérum physiologique. L’addition de potassium est traitement est essentiellement préventif.
Leur correction par l’injection de glucagon essentielle, commencée dès le début de la
s’accompagne parfois de troubles digestifs réhydratation, sauf en cas d’hyperkaliémie ‚ Tricheries et problèmes psychologiques
transitoires. Dans l’étude du DCCT (Diabetes Control biologique ou électrique. Elle sera adaptée à la Les tricheries vont de la manipulation des valeurs
and Complications Trial ), le risque annuel kaliémie, mesurée à intervalles réguliers pendant le glycémiques sur le carnet, aux injections sautées de
d’hypoglycémie sévère était de 28 et 86 % traitement (tableau VII). façon occasionnelle ou répétée, retentissant sur
respectivement dans les groupes traités de façon L’apport de bicarbonate de sodium (14 ‰) est l’équilibre glycémique.
conventionnelle et intensive. Ce risque est de 45 % réservé aux acidoses sévères (pH inférieur à 7,0), car
dans l’étude française de 1995, soit une Les injections occultes sont plus rares mais
l’alcalinisation excessive expose au risque
hypoglycémie sévère tous les 2 ans en moyenne doivent être reconnues car elles entraînent des
d’hypokaliémie et de troubles de conscience.
[6, 8]
. Ce risque n’est ni corrélé au taux d’HbA1c, ni à la comas hypoglycémiques répétés, sans explication
Quand la glycémie s’abaisse en dessous de 2 g/L,
qualité du contrôle glycémique capillaire, ni au type apparente, parfois en parallèle avec une diminution
il faut perfuser du glucosé à 5 % supplémenté en
de structure de prise en charge. Seule la durée des doses « officielles ».
sodium et potassium, afin de conserver les mêmes
d’évolution de la maladie y est corrélée de façon
apports en électrolytes.
positive. La prévention des hypoglycémies sévères
est une priorité dans l’éducation des jeunes
diabétiques, d’autant qu’un coma sera toujours mal
accepté par le patient et sa famille, et risque de
compromettre des années de travail d’amélioration
Insulinothérapie
Après une injection de 0,25 UI/kg d’insuline
rapide en intraveineux ou en intramusculaire,
l’insuline est habituellement administrée à la pompe

Autres types de traitement,
autres formes de diabète

de l’équilibre. ‚ Immunosuppression dans le diabète


sous la forme d’une solution diluée à 1 U/mL, à la récent
L’hypoglycémie chronique ou les hypoglycémies dose de 0,1 à 0,2 U/kg/h chez les enfants de plus de
mineures répétées diminuent le seuil de 6 ans. Chez l’enfant plus petit, on emploie des doses De nombreux essais ont montré la capacité de la
déclenchement de la riposte adrénergique et similaires ou légèrement plus élevées. Quand la cyclosporine ou de l’azathioprine, d’induire des
favorisent l’apparition d’hypoglycémies d’emblée glycémie diminue, il faut perfuser du glucosé à 5 %, rémissions de l’insulinodépendance, dans 30 à 50 %
sévères par le phénomène de « non-reconnaissance tout en diminuant le débit de perfusion de l’insuline. des cas. Mais les effets secondaires potentiels de ces
de l’hypoglycémie ». Ce phénomène, réversible au traitements et la durée limitée de l’effet n’ont pas
bout d’une quinzaine de jours, doit être expliqué aux Surveillance et évolution sous traitement qualifié ces médicaments en pratique courante [2].
patients. Mise en place d’une sonde gastrique en cas de D’autres approches d’immunomodulation sont en
troubles de conscience. cours d’évaluation.
‚ Acidocétose
L’acidocétose est une des causes fréquentes Tableau VII. – Réhydratation hydroélectrolytique parentérale de l’acidocétose diabétique.
d’hospitalisation chez l’enfant diabétique et révèle le
diabète dans 30 à 40 % des cas. Elle constitue Natrémie (mEq/L) Na < 130 130 < Na < 135 135 < Na < 150 Na > 150
également la cause essentielle de mortalité chez Débit de perfusion
l’enfant diabétique, parfois par sa propre gravité, Sérum salé (0,9%) 3-5 5-7 7-10 Hyperosmolaire
mais souvent du fait des complications du traitement (mL/kg/h)
(œdème cérébral, hypokaliémie, inhalation de ECG T amples T normales T diminuées T plates
liquide gastrique). Nous insisterons sur les Kaliémie (mmol/L) K>5 3,5 < K < 5 3 < K < 3,5 K<3
particularités pédiatriques du traitement de
Masse (g) de KCI par 250 mL
l’acidocétose et renvoyons le lecteur au chapitre 0 1-1,5 2 2
de sérum salé 0,9%
approprié pour la physiopathologie et les principes
du traitement [1]. Na : sodium ; K : kaliémie.

3
8-0570 - Traitement du diabète de l’enfant et de l’adolescent

‚ Diabète non insulinodépendant petites doses de sulfamides hypoglycémiants un nouveau-né sévèrement hypotrophe.
Il s’agit de diabètes non insulinodépendants dont peuvent être employées de façon prolongée sans L’insulinothérapie doit être administrée par une
la forme la plus habituelle est le diabète MODY épuisement de leur effet. pompe sous-cutanée, après dilution de l’insuline
(maturity onset diabetes of the young) [4] . Leur rapide à la dose d’environ 1 U/kg/j (soit 1 à 3 U/j),
traitement repose sur la correction d’un éventuel ‚ Diabète néonatal répartie en huit bolus précédant les prises
surpoids et sur des conseils diététiques simples qui Le diabète néonatal, probablement en rapport alimentaires. L’évolution se fait vers la régression du
permettent en général de maintenir l’HbA1c en avec un défaut de maturation des cellules β se diabète en quelques mois, dans environ 50 % des
dessous de 6,5 à 7 %. Si ce seuil est dépassé, de manifeste par une hyperglycémie permanente chez cas.

Hervé Lefèvre : Chef de clinique-assistant.


Jean-Claude Carel : Attaché.
Pierre-François Bougnères : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service d’endocrinologie pédiatrique et Inserm U342, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 82, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lefèvre H, Carel JC et Bougnères PF. Traitement du diabète de l’enfant et de l’adolescent.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0570, 1999, 4 p

Références

[1] Bougnères PF. Acidocétose diabétique. In : Bougnères PF, Jos J, Chaussain JL [6] Rosilio M, Cotton JB, Wieliczko MC, Gendrault B, Carel JC, Couvaras O
eds. Le diabète de l’enfant. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1990 : 166-181 et al. Factors associated with glycemic control: a cross sectional nationwide study
in 2579 French children with type I diabetes. Diabetes Care 1998 ; 21 : 1146-1153
[2] Bougnères PF, Carel JC, Castano L, Boitard C, Gardin JP, Landais P et al.
Factors associated with early remission of Type I diabetes in children treated with [7] The diabetes control and complications trial research group. The effect of
cyclosporine. N Engl J Med 1988 ; 318 : 663-670 intensive treatment of diabetes on the development and progression of long-term
complications in insulin-dependent diabetes mellitus. N Engl J Med 1993 ; 329 :
[3] Bougnères PF, Landais P, Mairesse AM, Jais JP, Jos J, Peyraud J et al. Improve- 977-986
ment of diabetic control and acceptability of a three-injection insulin regimen in
diabetic adolescents. A multicenter controlled study. Diabetes Care 1993 ; 16 : [8] The diabetes control and complications trial research group. Effect of inten-
94-102 sive diabetes treatment on the development and progression of long-term compli-
cations in adolescents with insulin-dependent diabetes mellitus: diabetes control
[4] Fajans SS. Scope and heterogeneous nature of MODY (maturity onset diabe- and complications trial. J Pediatr 1994 ; 125 : 177-188
tes of the young). Diabetes Care 1990 ; 13 : 49-64
[9] Weissberg-Benchell J, Glasgow AM, Tynan WD, Wirtz P, Turek J, Ward J.
[5] Holvombe J, Zalani S, Arora V, Headlee S, Gill A. Comparative study of Adolescent diabetes management and mismanagement. Diabetes Care 1995 ; 18 :
insulin lispro and regular insulin in 481 adolescents with type I diabetes. Diabetes 77-82
1997 ; 46 : 12-53

4
8-0610

Indications de l’adénoïdectomie, 8-0610


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

de l’amygdalectomie et de la pose
d’aérateurs chez l’enfant
JM Triglia, R Nicollas, S Roman

L ’adénoïdectomie, l’amygdalectomie et la pose d’aérateurs transtympaniques sont des interventions


chirurgicales d’indication fréquente chez l’enfant.
© Elsevier, Paris.


La population de cellules immunocompétentes dans deux groupes, d’une part ceux liés à la pathologie,
Introduction les amygdales est la même que celle des ganglions d’autre part ceux liés au contexte [17].
lymphatiques, monocytes et granulocytes
constituant 10 % de la population contre 90 % pour ‚ Facteurs concernant les éléments liés
L’adénoïdectomie, l’amygdalectomie et la pose
les lymphocytes, qu’ils soient T ou B [9]. à la pathologie
d’aérateurs transtympaniques (ATT) sont souvent
Le rôle de cette barrière est temporaire. Les
pratiquées dans le même temps opératoire, mais Un consensus bibliographique est retrouvé autour
lymphocytes B vont diminuer régulièrement entre la
leurs finalités sont différentes et leurs indications des otites moyennes aiguës à répétition [7, 8] ou
petite enfance et l’âge adulte, de même que
distinctes, sauf en ce qui concerne l’hypertrophie compliquées (méningite, paralysie faciale, abcès
diminuera le passage des antigènes à travers
adénoamygdalienne. Dans la majorité des cas, il cérébraux, mastoïdite), des otites séromuqueuses
l’épithélium des cryptes, en raison des altérations
s’agit d’indications réfléchies, prises en commun avec échec d’un traitement médical, associées à un
consécutives aux infections locales. L’étude des
avec le médecin traitant ou le pédiatre qui déficit auditif, avec ou sans complication à type de
végétations adénoïdiennes a montré qu’il existait
connaissent mieux l’enfant. Elles doivent être
une plus grande proportion de lymphocytes B et un poche de rétraction tympanique ou de lyse
clairement expliquées aux parents dont la
taux d’immunoglobulines M plus élevé dans les ossiculaire [14]. Le seuil de la perte auditive indiquant
coopération est nécessaire pour réaliser les
végétations que dans le sang. Les amygdales la pose d’ATT n’est pas clairement défini. La valeur
consignes préopératoires, dont dépendra souvent la
palatines et les végétations adénoïdiennes se de 20 décibels est habituellement proposée.
qualité du geste opératoire, mais aussi
comportent donc comme des ganglions
postopératoire, qui contribueront à une meilleure
efficacité de ces options thérapeutiques.
lymphatiques immunocompétents. ‚ Facteurs concernant les éléments liés
S’il y a quelques années encore, l’amygdalec-
Localement, les immunoglobulines A sécrétoires au contexte
d’origine salivaire ont un rôle agglutinant vis-à-vis
tomie était pratiquée par excès, par réaction, elle a Nous les distinguerons, selon qu’ils sont liés au
des antigènes viraux et bactériens et empêchent leur
ensuite été critiquée, puis délaissée. Parallèlement patient ou à son environnement.
pénétration à travers la muqueuse. D’autre part, elles
aux indications opératoires liées à la pathologie
empêchent l’adhésion des bactéries aux muqueuses, Les éléments liés au patient sont la coexistence
infectieuse classique, bien connues des praticiens,
inhibent leur croissance et neutralisent leurs toxines. d’une surdité de perception ou de transmission par
celles en rapport avec l’obstruction mécanique du
Il faut noter, qu’outre les fonctions générales que lyse ossiculaire, d’otalgies importantes ou de
pharynx, aux conséquences parfois redoutables,
nous avons précédemment évoquées, avec celle troubles de l’équilibre, d’une pathologie favorisant
s’observent avec une fréquence croissante. La pose
d’information par la migration de lymphocytes les otites séromuqueuses ou les otites moyennes
des ATT est actuellement parfaitement codifiée
amygdaliens, et celle de défense par la diffusion des aiguës, telle qu’une fente labiopalatine, un syndrome
grâce aux recommandations de l’Agence nationale
anticorps fabriqués par les plasmocytes de Down, ou toute autre malformation craniofaciale.
pour le développement de l’évaluation en médecine
amygdaliens, le tissu lymphoïde de Waldeyer est
(ANDEM) [1] et à l’élaboration des références Les éléments non liés au patient sont essentiel-
relativement autonome par rapport au reste des
médicales opposables (RMO). lement représentés par les facteurs saisonniers et les
organes lymphoïdes [10].
pollutions atmosphériques et domestiques [16]. À titre


d’exemple, l’automne et l’hiver plaident en faveur


Rappels physiologiques d’une pose rapide d’ATT, tandis que le printemps et
Indications des aérateurs l’été motivent une certaine abstention.
transtympaniques Les affections nécessitant une aération de longue
Les amygdales palatines et les végétations
durée, telles que les poches de rétraction, ou des
adénoïdiennes, et d’une façon plus générale,
drainages à répétition (otites moyennes aiguës
l’anneau de Waldeyer, sont placés aux avant-postes On peut définir l’ATT (et non le drain
récurrentes par exemple) sont justiciables d’ATT dits
de l’arbre respiratoire. De ce fait, ces organes sont transtympanique) comme un dispositif laissé à
de longue durée. Il faut toutefois mettre en balance
très souvent mis au contact d’éléments bactériens ou demeure, en position transtympanique, afin
d’assurer une aération correcte de l’oreille moyenne, la possibilité de complications, notamment de
viraux. L’amygdale est constituée d’un amas
dans les cas où celle-ci est déficiente. Les perforations postaérateur, voire de cholestéatomes
lymphoïde qui est recouvert d’un épithélium
insuffisances de ventilation de l’oreille moyenne iatrogènes, qui sont plus fréquentes après la mise en
pavimenteux stratifié s’invaginant en une trentaine
peuvent être responsables d’épanchement place de ce type d’aérateurs. Par ailleurs, il a été
de cryptes dont chacune se divise en microcryptes.
rétrotympanique, de rétraction myringienne, voire démontré l’efficacité supérieure de l’association
C’est à leur niveau que seront rencontrées les
adénoïdectomie et paracentèse, ou adénoïdectomie
© Elsevier, Paris

cellules immunocompétentes et les antigènes d’épisodes infectieux itératifs. L’ATT apparaît donc
véhiculés par les particules inhalées. Un très riche comme un auxiliaire dans l’écologie otologique et et ATT par rapport à la pose isolée d’ATT [14].
réseau efférent lymphatique doit permettre aux non comme un élément thérapeutique en soi [13]. Concernant les matériaux utilisés, les deux plus
lymphocytes de l’amygdale, chargés de l’information L’indication de pose d’un ATT dépend de facteurs répandus, et sur lesquels le consensus bibliogra-
immunitaire, de migrer vers le reste de l’organisme. multiples pouvant être arbitrairement divisés en phique est fait, sont le silicone et le Téflont.

1
8-0610 - Indications de l’adénoïdectomie, de l’amygdalectomie et de la pose d’aérateurs chez l’enfant


que l’adénoïdectomie réduisait efficacement la réaction ganglionnaire persistante et la présence de
Indications de l’adénoïdectomie fréquence de l’otite séromuqueuse en améliorant la caséum dans les cryptes de l’amygdale, cette
fonction ventilatoire tubaire active. dernière étant généralement de petite taille.
L’interrogatoire doit faire préciser la fréquence des
L’adénoïdectomie consiste en l’ablation des ‚ Facteur mécanique
angines hyperthermiques, parfois phlegmoneuses,
végétations adénoïdiennes. Réalisée généralement L’hypertrophie adénoïdienne est très souvent ayant nécessité une cure d’antibiotique et ayant
dans le cadre d’une chirurgie ambulatoire, elle est responsable d’une obstruction nasale chronique. perturbé la vie scolaire de l’enfant. Bieluch [3] a réalisé
habituellement pratiquée sans intubation. Cette dernière entraîne une respiration buccale des études bactériologiques sur les pièces
L’indication d’une adénoïdectomie se pose en exclusive et les parents rapportent spontanément d’amygdalectomie de dix patients ayant présenté
présence de végétations adénoïdiennes dont le une ronchopathie chronique [6]. Il est très important, une amygdalite chronique. Cette étude a révélé la
volume est augmenté. Deux cas de figure sont à dans ce contexte obstructif d’hypertrophie présence d’une flore complexe avec une moyenne
considérer, selon que cette hypertrophie est adénoïdienne, de réaliser une adénoïdectomie, de 6,3 germes aérobies (Haemophilus essentiel-
concomitante de phénomènes infectieux, ou qu’elle même si le facteur infectieux est absent de l’étude lement) et 3,3 germes anaérobies (Bacteroïdes
est si considérable qu’elle entraîne une obstruction clinique. species essentiellement), et les coupes histologiques
mécanique chronique. ont montré l’existence d’une cryptite chronique, avec
une conservation de l’architecture amygdalienne


‚ Facteur infectieux
normale. Comme dans le cadre de l’hypertrophie
Le tableau clinique habituel est celui d’un enfant Indications de l’amygdalectomie adénoïdienne responsable d’infections à répétition, il
présentant de très nombreux épisodes infectieux est retrouvé l’existence d’une flore bactérienne très
rhinopharyngés. Dans ce cas, les végétations Geste chirurgical de pratique courante, différente de la flore commensale habituelle.
adénoïdiennes n’accomplissent plus leur rôle l’amygdalectomie n’est pas dénuée de risques et doit Concernant les angines à répétition, il n’existe à
protecteur, et deviennent le lieu d’une prolifération donc répondre à des indications strictes et une notre connaissance aucun consensus sur la notion
microbienne anormale [2]. Cette impression est technique rigoureuse [15]. C’est une intervention pour d’un nombre définissant le caractère chronique des
confirmée par des études, comme celle de Talaat [12] laquelle le contexte de chirurgie ambulatoire ne paraît épisodes infectieux. On peut cependant considérer
qui retrouve une modification de la flore bactérienne pas approprié, spécialement chez le jeune enfant. que l’existence de trois angines par an 3 ans de suite,
du nasopharynx chez les enfants porteurs d’une L’existence d’un terrain allergique ou d’un asthme ou de cinq épisodes par an pendant 2 années
hypertrophie adénoïdienne responsable de ne constitue pas une contre-indication à consécutives, constituent des seuils d’intervention
rhinopharyngites à répétition. À l’état normal, la flore l’adénoamygdalectomie ainsi que l’ont bien raisonnables et généralement admis.
se compose de Streptococcus viridans , de expliqué plusieurs auteurs [4, 9]. Il a également été Le phlegmon périamygdalien réalise une
streptocoques non hémolytiques et de Neisseria. démontré que les accès d’amygdalites chroniques abcédation, le plus souvent unilatérale, dans la
Chez les patients porteurs d’une adénoïdite étaient des facteurs aggravants de la maladie capsule amygdalienne. Si certaines équipes ont
chronique, apparaît une augmentation significative asthmatique [5]. proposé une amygdalectomie « à chaud » au cours
du nombre des bactéries pathogènes telles que les de l’épisode aigu, nous pensons que l’amygdalec-
staphylocoques dorés, les staphylocoques ‚ Facteur infectieux
tomie est plutôt souhaitable à distance de l’épisode
pyogènes, H a e m o p h i l u s i n fl u e n z a e et les Nous distinguerons d’une part le problème de initial, c’est-à-dire environ 4 semaines après l’épisode
pneumocoques. Parallèlement, la flore habituelle l’amygdalite chronique, d’autre part celui des aigu, afin de diminuer le risque hémorragique et le
diminue quantitativement et qualitativement. angines récidivantes, et enfin le cas particulier du caractère douloureux de l’intervention.
Parallèlement aux infections rhinopharyngées, phlegmon périamygdalien.
l’existence d’un foyer infectieux adénoïdien peut L’amygdalite chronique est difficile à mettre en ‚ Facteur obstructif
retentir également de façon péjorative sur la évidence car le chirurgien examine souvent le Habituellement, les amygdales palatines
fonction tubaire et les oreilles. Takahashi [11] a patient en dehors des épisodes aigus. Le diagnostic normales de l’enfant sont toujours volumineuses du
démontré, dans une étude portant sur 132 patients, repose sur la rougeur constante des piliers, sur une fait de l’activité du tissu lymphoïde dans la petite

Indications de l’amygdalectomie chez l’enfant selon les recommandations de l’ANDEM


✔ Ne sont pas une indication d’amygdalectomie :
– l’otite moyenne aiguë ;
– les otites moyennes aiguës récidivantes (survenue d’au moins trois épisodes en moins de 6 mois espacés chacun par un intervalle
d’au moins 3 semaines) ;
– l’otite séromuqueuse, sauf cas particulier de comorbidité pouvant l’imposer ;
– une hypertrophie amygdalienne bilatérale isolée sans signe d’obstruction, sans phénomène inflammatoire et/ou infectieux,
récidivant ou chronique, non suspect de malignité.
✔ L’amygdalectomie peut être proposée en cas d’amygdalite chronique persistant 3 mois ou plus et ne répondant pas à un
traitement médical bien conduit et bien suivi.
✔ L’amygdalectomie s’impose, sans délai, en cas de tuméfaction unilatérale d’une amygdale suspectée de malignité pour réaliser
les examens histologiques nécessaires.
✔ L’adénoamygdalectomie est le traitement de référence en cas de syndrome d’apnées obstructif du sommeil (SAOS) en rapport
avec une hypertrophie adénoamygdalienne.
✔ L’amygdalectomie n’est pas recommandée pour traiter les problèmes de développement staturopondéral, les troubles du
développement orofacial, les troubles dentaires, les troubles de la mastication et du langage, s’il n’y a pas d’obstruction
symptomatique des voies aériennes.
✔ L’amygdalectomie n’est pas systématique en cas d’abcès périamygdalien. Le caractère systématique ne saurait s’imposer au
décours ou à distance de l’épisode aigu, étant donné l’efficacité du drainage, de l’antibiothérapie initiale et du faible taux de
récidive ultérieure.
✔ L’amygdalectomie est recommandée en cas d’amygdalite aiguë récidivante ayant résisté à un traitement médical bien conduit et
bien suivi.
✔ L’adénoamygdalectomie peut être une des composantes d’un traitement médicochirurgical plus complexe si d’autres causes
(malformations, troubles neurologiques par exemple) s’associent à l’obstacle que constitue l’hypertrophie adénoamygdalienne.

2
Indications de l’adénoïdectomie, de l’amygdalectomie et de la pose d’aérateurs chez l’enfant - 8-0610

enfance. L’obstruction pharyngée véritable est une Un syndrome d’apnées obstructif du sommeil – Avant 5 ans, les symptômes nocturnes
situation clinique moins rare qu’il n’y paraît. (SAOS) par obstruction des voies respiratoires, en dominent la scène et alertent les parents. Ce sont les
L’insuffisance respiratoire chronique se reconnaît à relation avec une hypertrophie amygdalienne ou difficultés respiratoires, les ronflements sonores, les
un tableau d’apnées du sommeil, avec un adénoamygdalienne, peut survenir chez l’enfant. Ce apnées, ainsi que des sueurs abondantes pendant le
ronflement interrompu par des réveils fréquents, un syndrome constitue une entité clinique distincte de sommeil (celles-ci étant le témoin d’une hypercapnie)
sommeil agité, des crises de toux, des épisodes celle observée chez l’adulte avec des symptômes et et une énurésie persistante.
d’apnées et parfois de cyanose [6]. Le volume des une conduite à tenir spécifiques. Il se définit comme
– Chez l’enfant de 5 ans et plus, les parents
amygdales est, à ce stade, important, tendant à se une hypoventilation alvéolaire intermittente,
s’inquiètent plus volontiers des symptômes diurnes à
toucher sur la ligne médiane. Elles peuvent être survenant pendant le sommeil, due à une
type de somnolence excessive, de troubles du
également procidentes et avoir tendance à se obstruction des voies aériennes supérieures, ici par
caractère, de difficultés d’apprentissage, de
prolaber en position couchée, lors du relâchement les amygdales palatines. Il peut être isolé ou associé
céphalées matinales et d’une fréquente hypotrophie
musculaire induit par le sommeil. Dans certains cas, à des anomalies craniofaciales ou à une surcharge
avec difficultés alimentaires.
l’examen nasofibroscopique, réalisé dans le cadre de pondérale.
la consultation, peut mettre en évidence des pôles Le SAOS constitue une indication chirurgicale
inférieurs amygdaliens entrant en contact étroit avec Cliniquement, il convient de distinguer impérative pour laquelle attendre exposerait à des
l’épiglotte, pour bloquer la filière laryngée lors des l’enfant âgé de moins de 5 ans, et celui âgé de 5 complications redoutables pouvant aller jusqu’à la
phénomènes de pleurs ou de respiration violente. ans et plus. défaillance cardiaque droite, voire la mort subite.

Indications de l’adénoïdectomie chez l’enfant selon les recommandations de l’ANDEM


✔ L’adénoïdectomie n’est pas indiquée :
– en cas d’otite moyenne aiguë récidivante (survenue d’au moins trois épisodes d’otite moyenne aiguë en moins de 6 mois, espacés
d’un intervalle libre d’au moins 3 semaines) ;
– en cas d’otite séromuqueuse non compliquée asymptomatique sans retentissement fonctionnel significatif sur l’audition, compte
tenu de la probabilité croissante des résolutions spontanées avec l’âge et les mois précédents l’été.
✔ L’adénoïdectomie ne peut se concevoir qu’après échec des autres thérapeutiques (antibiothérapie curative répétée des épisodes
aigus, fer en cas de carence notamment) et lorsque le caractère récidivant de l’otite moyenne aiguë est mal toléré chez l’enfant
ou sa famille, ou lorsqu’il est responsable d’un retentissement scolaire, familial ou social notable.
✔ Il est recommandé de débuter une prise en charge thérapeutique médicale et ou chirurgicale sans délai lorsque une otite
séromuqueuse est d’emblée compliquée (perte d’audition avec retentissement sur la vie courante, surinfection fréquente,
rétraction tympanique).
✔ Un traitement chirurgical doit être envisagé après échec du traitement médical chez un enfant ayant une otite séromuqueuse
compliquée ou symptomatique responsable d’une perte d’audition significative et d’un retentissement sur la vie courante (troubles du
comportement, douleurs récurrentes, troubles du langage, difficultés d’apprentissage, récidive d’otite moyenne aiguë).
✔ L’association adénoïdectomie avec pose d’ATT est la thérapeutique la plus efficace chez l’enfant de plus de 2 ans, en terme de
résolution de l’épanchement.
✔ L’adénoïdectomie seule ou couplée à une myringotomie aspiration et la pose d’ATT seule sont cependant possibles et
raisonnables en l’absence de données comparatives d’autres choix.
✔ L’adénoïdectomie est recommandée en cas d’obstruction chronique des voies aériennes supérieures responsable d’un trouble
fonctionnel persistant en rapport avec une hypertrophie adénoïdienne.
✔ L’adénoïdectomie n’est pas recommandée en l’absence d’obstruction symptomatique des voies aériennes, sauf cas particuliers,
en l’absence de preuve concernant les effets de l’adénoïdectomie sur certaines pathologies (troubles du développement
staturopondéral, troubles du développement orofacial, troubles dentaires, troubles de la mastication et du langage).

Contre-indications de l’adénoïdectomie et de l’amygdalectomie selon les recommandations de l’ANDEM


✔ Il n’existe pas de contre-indication absolue à l’adénoïdectomie ou à l’amygdalectomie.
✔ Les contre-indications relatives doivent être examinées au cas par cas :
– les troubles de la coagulation peuvent être dépistés et ne sont pas une contre-indication lorsque la chirurgie est impérative ;
– les fentes palatines et les divisions sous-muqueuses doivent être recherchées cliniquement. Elles représentent une contre-
indication relative à l’adénoïdectomie à cause du risque de décompensation d’une insuffisance vélaire potentielle masquée par
l’hypertrophie amygdalienne. Elles ne contre-indiquent pas l’amygdalectomie ;
– un état fébrile (supérieur ou égal à 38 °C) doit faire reporter l’intervention de quelques jours.
✔ Un terrain allergique et/ou un asthme préexistant ne constituent pas une contre-indication.

Autres recommandations
✔ Compte tenu du risque de complications postopératoires, la réalisation ambulatoire de l’amygdalectomie est contre-indiquée
chez un enfant atteint d’un SAOS.
✔ Les examens clinique oto-rhino-laryngologique et anesthésique général préopératoires priment sur toute autre considération
paraclinique ou biologique.
✔ Les informations nécessaires pour un suivi postopératoire de qualité après le retour à domicile doivent être fournies au patient,
à la famille et au médecin traitant.
✔ La douleur postopératoire après une adénoïdectomie, et surtout après une amygdalectomie, doit être prise en charge efficacement.
✔ Une prévention ou un traitement des vomissements associés seront également entrepris.

3
8-0610 - Indications de l’adénoïdectomie, de l’amygdalectomie et de la pose d’aérateurs chez l’enfant

Indications des ATT selon les RMO


✔ L’indication d’ATT se pose sur l’existence d’un symptôme anatomique et/ou fonctionnel, sur les données de l’examen
otoscopique, et sur les données des examens complémentaires.
✔ L’ATT n’est pas indiqué lorsque ces différents éléments sont documentés depuis moins de 2 mois.
✔ L’ATT peut être indiqué dès le premier examen et quelle que soit la durée du suivi, dans l’otite séromuqueuse de l’enfant
appareillé, trisomique 21 ou porteur d’une pathologie vélaire associée, et chez l’adulte lorsqu’il est porteur d’un cancer du
cavum.
✔ L’examen otoscopique est indispensable avant l’acte chirurgical.
✔ Sont recommandées : l’impédancemétrie et l’audiométrie adaptée à l’âge.
✔ Les ATT en silicone ou en Téflont font l’objet d’un accord professionnel. Les aérateurs en titane ne sont pas justifiés.
✔ La pose des ATT de longue durée doit être mesurée.
✔ La pose des ATT n’est pas recommandée en période estivale, hormis cas particulier.
✔ La surveillance des ATT, sauf complications, aura lieu au premier mois et tous les 3 à 4 mois après ce premier contrôle.

Jean-Michel Triglia : Professeur des Universités, praticien hospitalier.


Richard Nicollas : Chef de clinique-assistant.
Stéphane Roman : Chef de clinique-assistant.
Département d’oto-rhino-laryngologie, hôpital d’enfants de la Timone, boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille cedex 5, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JM Triglia, R Nicollas et S Roman. Indications de l’adénoïdectomie, de l’amygdalectomie et de la pose d’aérateurs
chez l’enfant. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0610, 1998, 4 p

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4
8-0600

8-0600
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Otite séromuqueuse de l’enfant

ÉN Garabédian, T Coiffier, F Chaudré

L ’otite séromuqueuse est définie par la présence, dans les cavités de l’oreille moyenne, d’un épanchement non
purulent évoluant depuis plus de 3 mois. La distinction entre épanchement séreux et séromuqueux est
fonction de la viscosité du liquide.
© Elsevier, Paris.


étiologie spécifique, notamment si l’enfant est âgé ‚ Otite séromuqueuse et pathologies
Introduction de plus de 6 ans, ou d’origine nord-africaine. On associées
recherche alors une tumeur du cavum (adénocarci- – La trisomie 21 : elle associe un microcavum,
nome indifférencié : UCNT). des anomalies des trompes d’Eustache et également
L’otite séromuqueuse de l’enfant est une
pathologie fréquente. Elle est le sujet de nombreux une sténose des conduits auditifs externes qui rend
‚ Facteurs de risques le suivi plus difficile.
travaux épidémiologiques et expérimentaux. Sa
physiopathologie et ses modalités thérapeutiques On retrouve de nombreux facteurs de risques – Les fentes vélopalatines et leurs équivalents :
font l’objet de nombreuses controverses. d’otite séromuqueuse. fentes sous-muqueuses et luettes bifides. L’otite
Pour certains facteurs, leur implication a été séromuqueuse est alors secondaire à un
dysfonctionnement tubaire d’origine musculaire, par


prouvée :
– l’otite moyenne aiguë : le risque relatif d’otite défaut d’accolement médian des muscles entrant
Épidémiologie dans la constitution du voile du palais et des trompes
séromuqueuse après otite moyenne aiguë est dix
d’Eustache (péristaphylins interne et externe).
fois supérieur à j30, mais s’estompe rapidement à
Il est difficile de définir avec précision l’incidence – Les dyskinésies ciliaires, responsables d’une
3 mois [1]. Nous insistons sur l’intrication qui existe
de l’otite séromuqueuse à cause des formes immobilité ciliaire. Elles sont classées en dyskinésies
entre otite moyenne aiguë, otite séromuqueuse et
asymptomatiques. Il en est de même pour l’étude ciliaires primitives ou secondaires, selon qu’il existe
poussées de surinfection d’une otite séromuqueuse
des facteurs favorisants (environnementaux ou (primitive) ou non (secondaire) des anomalies
chronique ;
personnels), qu’il convient d’évaluer sur un grand ultrastructurales en microscopie électronique.
– le sexe : le sexe masculin favoriserait l’otite
nombre de patients. – La mucoviscidose : elle n’est pas, paradoxa-
séromuqueuse [1] ; lement, un facteur de risque d’otite séromuqueuse.
‚ Prévalence – la saison : il existe une nette augmentation de – Les craniosténoses (syndromes d’Apert et de
l’otite séromuqueuse en automne et en hiver. Pfeiffer, maladie de Crouzon...).
L’otite séromuqueuse est une pathologie de
l’enfant. L’âge moyen est de 4 ans. La prévalence De nombreux autres facteurs de risques sont – Les syndromes tumoraux locorégionaux :
maximale se situe à l’âge de 3 ans (11 à 20 %) et ne évoqués : UCNT, lymphome, rhabdomyosarcome et
représente plus que 2,5 % à 8 ans [7] (fig 1). À la – le mode de garde en crèche est un facteur radiothérapie locorégionnale.
naissance, il n’existe pas d’otite séromuqueuse, mais fréquemment associé. Il favorise les otites moyennes
on observe fréquemment un défaut de résorption aiguës et les poussées de surinfection sur otite
des résidus mésenchymateux ou du liquide
amniotique. L’otite séromuqueuse apparaît chez le
nourrisson de façon décalée de 2 à 3 mois après la
survenue des premiers épisodes d’otite moyenne
séromuqueuse ;
– le tabagisme passif (défini par au moins trois
cigarettes fumées par jour dans la même pièce) est
responsable d’une altération de la fonction

Physiopathologie

‚ Infection bactérienne ou virale


aiguë [1]. mucociliaire ;
Elle est bilatérale dans 84 % des cas. Toute otite – l’allergie est évoquée surtout lorsque l’otite L’hypothèse infectieuse est la plus couramment
séromuqueuse unilatérale doit faire rechercher une séromuqueuse survient après l’âge de 4 ans, admise. Il est habituel de trouver un épanchement
associée à un tableau de rhinite chronique. Le dans l’oreille moyenne durant le mois qui suit une
diagnostic de certitude repose alors sur le bilan :
% des enfants atteints d'otite
séromuqueuse par classe d'âge
RAST (radio-allergo-sorbent test) et tests cutanés
20 % Prévalence (prick test) [3]. Les immunoglobulines E totales (IgE) et % d'épanchement
18 % résiduel après OMA
16 %
le Phadiatop ne sont que des éléments 70
14 % d’orientation ; 60
12 % 50
– le reflux gastro-œsophagien est plus souvent
10 % 40
8% impliqué dans la survenue d’otites moyennes aiguës 30
6% que d’otites séromuqueuses, par le biais 20
4%
2% d’authentiques rhinopharyngites chroniques ; 10
0
0% – le type d’alimentation : l’allaitement maternel 0 2 4 6 8 10 12
Naissance 1 3 5 7 8
Âge (années)
serait protecteur ; Temps (semaines)
– la carence martiale et les déficits en
1 Prévalence de l’otite séromuqueuse chez l’enfant immunoglobulines ; 2 Évolution de l’épanchement résiduel après otite
de 0 à 8 ans. moyenne aiguë (OMA).
– la pollution.

1
8-0600 - Otite séromuqueuse de l’enfant

otite moyenne aiguë [7] (fig 2), mais de nombreuses ‚ Otites moyennes aiguës récidivantes
études ont prouvé que l’otite moyenne aiguë Alho a montré qu’il existe un risque cinq fois plus
Otite chronique
augmentait significativement le risque de survenue Guérison OSM évolutive : 5 % élevé d’otite moyenne aiguë en cas d’otite
95 %
d’otite séromuqueuse [2] . Il a été également - poche de rétraction séromuqueuse et que 84 % des enfants porteurs
démontré que la répartition bactériologique était - cholestéatome
- otite fibroadhésive d’une otite séromuqueuse avaient fait au moins une
quasiment identique dans les deux types otite moyenne aiguë récente [1]. Il est donc important
Otites moyennes aiguës
d’épanchements avec une prédominance récidivantes de revoir les tympans à distance d’une otite
d’Haemophilus influenzae, et que 35 % des cultures moyenne aiguë après l’arrêt du traitement.
pouvaient être positives dans le liquide d’otite 3 Histoire naturelle de l’otite séromuqueuse (OSM).
séromuqueuse. De plus, la détection par PCR ‚ Otalgie
(polymerase chain reaction) d’acide désoxyribonu- ‚ Hypertrophie adénoïdienne Fugace, peu intense, volontiers nocturne ou lors
cléique (ADN) bactérien est positive dans 40 à 60 % d’un effort de mouchage, elle est évocatrice du
Elle intervient dans la genèse de l’otite
des cas et d’ADN viral dans 53 % des cas. diagnostic. Il convient bien entendu d’éliminer une
séromuqueuse par la présence d’un foyer infectieux
otite moyenne aiguë.
local chronique ou d’un syndrome obstructif
‚ Inflammation et médiateurs locaux
adénoïdien perturbant le flux aérien de la trompe. ‚ Syndrome vertigineux
Le passage à la chronicité, conséquence de
Il est exceptionnellement révélateur.
phénomènes inflammatoires locaux complexes, est
actuellement le sujet de nombreuses études
fondamentales. Il serait provoqué puis entretenu par
une cascade de réactions inflammatoires
initialement déclenchées par l’infection. La présence

Histoire naturelle

Il est important de rappeler que la présence d’un



Examen clinique

de bactéries ou de leurs produits de dégradation épanchement pendant le mois qui suit un épisode ‚ Otoscopie
stimulerait la sécrétion de cytokines : TNF alpha d’otite moyenne aiguë est habituel. L’otite Le tympan d’une otite séromuqueuse n’apparaît
(tumor necrosis factor alfa) et interleukine (IL1), séromuqueuse représente une étape d’un jamais tout à fait normal. Il existe toujours de petites
elles-mêmes à l’origine de la sécrétion de nombreux continuum pathologique qui comprend l’otite modifications qui permettent d’évoquer ce
autres médiateurs de l’inflammation. TNF, IL1 et IL6 moyenne aiguë, l’épanchement subaigu de l’oreille diagnostic. L’examen le plus précis reste l’examen au
ont des concentrations significativement élevées et moyenne et l’otite séromuqueuse chronique (fig 3). microscope binoculaire (fig 4) ou à l’optique rigide,
corrélées en cas d’otite séromuqueuse. Le TNF La durée moyenne d’un épanchement est de 2 à car grossissant et en relief. L’otoscopie standard
pourrait être un marqueur de la chronicité de l’otite 4 mois. La guérison est spontanée dans 90 à 95 % permet déjà de donner de bons renseignements. Elle
séromuqueuse. des cas. Au-delà, on parle d’otite séromuqueuse peut s’accompagner d’une manœuvre de Valsalva
Pour d’autres auteurs, l’interféron gamma est persistante. Sa durée est alors variable avec l’âge de (difficile avant 4 à 5 ans) ou être réalisée au
retrouvé de façon significativement plus élevée au l’enfant. Ainsi, à 3 ans, l’otite séromuqueuse est plus spéculum pneumatique de Siegel.
cours de l’otite séromuqueuse. Sa présence n’est pas fréquente mais aussi plus brève. Après 7 à 8 ans, il Les aspects observés sont :
corrélée à celle des cytokines préalablement citées. faut craindre le passage à la chronicité (12 % des – souvent, un tympan mat, ayant perdu sa
La sécrétion locale des IgA, première barrière otites séromuqueuses chroniques évoluent à cet âge transparence habituelle. Les reliefs sont toujours
immunologique spécifique, est également depuis plus de 1 an) et les complications potentielles conservés. On peut distinguer à sa surface de fins
augmentée en cas d’otite séromuqueuse chronique. comme une poche de rétraction, un cholestéatome vaisseaux qui peuvent lui donner une couleur rosée ;
ou une otite fibroadhésive. – parfois, un tympan translucide avec un liquide
‚ Allergie rétrotympanique : bulles et niveau hydroaérique


C’est un facteur causal très discuté. Un facteur signent le diagnostic (fig 5) ; rétraction de la
allergique (tests cutanés et RAST) est retrouvé, selon Diagnostic membrane tympanique (aspects d’otite séromu-
les études, dans 4 à 90 % des cas et ce d’autant plus queuse évoluant depuis plusieurs mois) (fig 6) ;
que l’enfant est âgé (selon Alho : 12 % sur 2 500 – rarement, un tympan bleu par accumulation
enfants de moins de 2 ans [2]). Le problème du dépistage de l’otite séromu- d’hémosidérine dans l’épanchement.
Selon Hurst, l’ECP (eosinophil cationic protein) queuse vient du fait de sa fréquence et de sa grande Cet examen permet, dans le même temps,
dans le liquide d’épanchement serait un marqueur labilité. Les formes insidieuses et asymptomatiques d’éliminer les complications possibles de l’otite
fi a b l e d e l ’ o r i g i n e a l l e r g i q u e d e l ’ o t i t e sont en effet très fréquentes. L’otite séromuqueuse a séromuqueuse : perforation tympanique, poche de
séromuqueuse [6]. tendance à l’amélioration spontanée avec l’âge et la rétraction et cholestéatome.
saison. Le diagnostic est donc réalisé le plus souvent
lors d’un examen systématique des tympans par le ‚ Tympanométrie
‚ Ventilation de l’oreille moyenne
généraliste, le pédiatre ou l’oto-rhino-laryngologiste La tympanométrie est une aide diagnostique. On
Il existe dans une oreille moyenne normale de (ORL). décrit trois types de courbe (fig 7) :
perpétuels échanges gazeux avec la muqueuse
(réabsorption d’oxygène). Ces échanges sont ‚ Hypoacousie
perturbés en cas d’inflammation ou d’épanchement, Symptôme le plus fréquent, il doit être recherché
favorisant alors une diminution de la pression dans attentivement chez l’enfant. La maman rapportera
les cavités. L’aération de l’oreille moyenne se fait que son enfant augmente le volume de la télévision,
habituellement par la trompe d’Eustache. parle plus fort, ne répond plus. Souvent, la
L’obstruction prolongée de celle-ci, associée aux comparaison est faite avec la fratrie. La maîtresse
modifications des échanges gazeux locaux, signalera un défaut d’attention.
engendre un cercle « vicieux » pérennisant l’otite
séromuqueuse. ‚ Troubles du langage
Le volume de la mastoïde semble être également Le retard de langage est plus rare et manifeste à
important. Ainsi, chez certains patients atteints d’otite partir de 3 ans, à un âge où l’enfant va rentrer en
séromuqueuse, la mastoïde est peu pneumatisée. Ce maternelle. Il est à différencier des retards simples de
défaut de pneumatisation serait secondaire aux langage.
différents épisodes d’infections qui interrompraient On estime que c’est à partir d’une perte moyenne
le développement normal de la mastoïde. bilatérale de 30 décibels (dB) que peuvent survenir
Cependant, d’autres auteurs évoquent une des troubles dans l’élaboration du langage. Il est
prédisposition initiale à l’otite séromuqueuse des alors essentiel de traiter efficacement l’otite
4 Examen otoscopique au microscope binoculaire.
patients dont la mastoïde serait peu pneumatisée. séromuqueuse.

2
Otite séromuqueuse de l’enfant - 8-0600

5 Épanchement hydroaé-
Compliance en
rique (bulles rétrotympani-
unité relative A
ques). 10

0
- 400 0 + 200 daPa

B
10

0
- 400 0 + 200 daPa
– la courbe A, normale, ne permet pas d’éliminer compliquées d’hypoacousie importante ou de
le diagnostic si l’otoscopie est très évocatrice (2 % troubles du langage, et en cas de facteurs de gravité
des cas) ; (syndromes malformatifs...). Elle est réalisée au C
– la courbe B est la plus fréquemment mieux au casque, oreilles séparées avec courbe 10
rencontrée. Le tracé est aplati et très évocateur aérienne chez l’enfant de 4 à 5 ans, puis aérienne et
d’épanchement rétrotympanique ; osseuse pour les plus grands. Pour les plus jeunes,
– la courbe C est caractéristique d’une on pourra évaluer l’audition en ciné-show ou en
dysperméabilité tubaire. Elle peut accompagner une réflexe d’orientation conditionnée (ROC). Pour les
authentique otite séromuqueuse. tout-petits, on utilisera les jouets sonores calibrés ou
Le réflexe stapédien peut être diminué ou aboli le babymètre. Les jouets sonores calibrés nécessitent
par la présence de liquide dans la caisse. La un opérateur entraîné pour obtenir une idée
0
tympanométrie est un bon outil évolutif et seulement approximative des seuils auditifs. - 400 0 + 200 daPa
comparatif. Il n’existe pas de corrélation entre Il s’agit d’une surdité de transmission
l’aspect du tympanogramme et le niveau de surdité. prédominant sur les fréquences graves. La perte 7 Tympanométrie : courbes de compliance tympa-
nique en fonction de la pression.
6 Rétraction tympanique. Il est indispensable d’obtenir cet examen avant la
pose d’aérateurs transtympaniques.


Prise en charge thérapeutique

L’attitude thérapeutique tient compte du caractère


fréquent, polymorphe, labile et asymptomatique de
l’otite séromuqueuse.

250 500 1 000 2 000 4 000 8 000


0 Htz
10
20

30

40

50

Un tympanogramme perturbé isolément ne moyenne est de 60


permet donc pas de poser des aérateurs 27 dB. Elle est inférieure à 30 dB dans 90 % des cas,
transtympaniques. mais supérieure à 40 dB dans 5 % des cas. 70


80
Audiométrie
90
conduction conduction
L’audiométrie tonale (fig 8) ne sera pas pratiquée osseuse aérienne
de façon systématique. Elle est réservée à l’otite
8 Audiométrie : surdité de transmission.
séromuqueuse de plus de 3 mois, aux formes

3
8-0600 - Otite séromuqueuse de l’enfant

L’efficacité à long terme de cette association n’a


pas été formellement établie [9]. Elle laisse alors place,
Otite séromuqueuse en cas de récidive, aux alternatives chirurgicales.
présente depuis au moins 3 mois
Traitements médicaux associés
Les traitements prescrits pour l’otite séromu-
queuse tels que les mucolytiques, les
vasoconstricteurs, les produits à base de soufre, les
Surveillance oligoéléments, les immunostimulants, les
Antibiothérapie 15 jours Indication d'ATT
+ immunorégulateurs et les antihistaminiques n’ont
si : sans délai actuellement pas fait la preuve de leur efficacité lors
Corticothérapie 7 jours
- absence de surinfection d’études randomisées [4, 9]. Des études cliniques sont
- audition subnormale actuellement en cours pour évaluer l’efficacité des
- saison estivale
antihistaminiques anti-H1 de nouvelle génération.
- otite séromuqueuse unilatérale Délai de 1 mois
Éducation du mouchage et abandon du tic
de reniflement
ADENOÏDECTOMIE Le reniflement répété pérennise la dépression
ADENOÏDECTOMIE
et dans le cavum et l’oreille moyenne. Il favorise aussi
si : Échec avec
persistance : ATT le développement de poches de rétraction. L’enfant
- âge > 1 an et < 2 ans
- des surinfections commence à se moucher à partir de l’âge de 2 à 3
- surinfections fréquentes si :
- de l'épanchement - hypoacousie > 30 dB ans.
- hypoacousie < 25 dB
- signe d'hypertrophie - âge > 2 ans Auto-insufflations tubaires
adénoïdienne (parfois dès 1 an)
Selon ce même principe, il peut être demandé à
l’enfant, à partir de 4 à 5 ans, de favoriser la
Échec ventilation tubaire par la réalisation régulière de
manœuvres de Valsalva ou grâce à un appareil
ATT spécialisé : Otoventt (gonfler un petit ballon par un
embout nasal). Ces méthodes apportent un certain
9 Arbre décisionnel face à une otite séromuqueuse. ATT : aérateurs transtympaniques ; dB : décibels. nombre de bons résultats (notamment sur les
poches de rétraction) à condition que les exercices
La prise en charge thérapeutique repose donc sur ¶ Corticothérapie et otite moyenne aiguë soient répétés régulièrement au cours de la journée.
trois points : La prescription d’une corticothérapie de courte Crénothérapie
– la surveillance et le dépistage des durée (5 jours), en association au traitement Elle permet souvent la prise en charge globale de
complications ; antibiotique lors d’un épisode d’otite moyenne l’enfant et de sa pathologie. Le but est de rétablir une
– le traitement médical de l’otite séromuqueuse aiguë, semble avoir une efficacité supérieure au bonne fonction mucociliaire en cassant le cercle
associé au traitement des facteurs de risques ; traitement par antibiotiques et anti-inflammatoires vicieux : infection, inflammation, infection. Elle
– enfin, si nécessaire, le traitement chirurgical. non stéroïdiens (AINS) ou placebo [8]. Les AINS n’ont associe l’éducation de l’enfant, l’hydrothérapie à
révélé aucune supériorité contre placebo. base d’eaux sulfurées, les méthodes mécaniques
‚ Surveillance
(insufflations tubaires réalisées par le patient
La surveillance régulière a pour but de Antibiothérapie lui-même ou par un médecin à l’aide d’une sonde
diagnostiquer les formes persistantes et les formes d’Itard ou de Politzer). Certains centres sont
compliquées d’otite séromuqueuse. La présence Elle repose sur de nombreuses études
bactériologiques du liquide d’épanchement et de spécialisés en ORL (Luchon, Cauterets, Challes). La
d’un épanchement dans le mois qui suit une otite crénothérapie s’adresse à des enfants de plus de 5 à
moyenne aiguë est banal. Il doit d’abord simplement l’évaluation de différents types de traitements
antibiotiques (amoxicilline, amoxicilline-acide 6 ans présentant une otite séromuqueuse
être surveillé, car la guérison spontanée est invalidante, surtout en cas d’association à des
habituelle. On ne peut donc parler d’otite clavulanique, triméthoprime-sulfaméthoxazole,
problèmes bronchopulmonaires, rhinusinusiens
séromuqueuse persistante qu’après une surveillance céfixime) contre placebo. Tous les traitements ont
et/ou allergiques. Le nombre de cures est variable en
de 2 à 3 mois. Passé ce délai, et pour une otite apporté une amélioration significative de l’otite
fonction de l’évolution de la pathologie au cours des
séromuqueuse peu symptomatique, il faut débuter séromuqueuse (deux à quatre fois supérieure à
années et de la tolérance de l’enfant. L’efficacité de la
un traitement médical. l’évolution spontanée), quelle que soit leur durée de
crénothérapie est réelle mais transitoire.
On tentera parallèlement de réduire les facteurs prescription (10 à
de risques environnementaux : 30 jours) [3]. Il semble préférable de choisir des ‚ Traitement chirurgical
– lutte contre le tabagisme passif ; antibiotiques résistants aux bêtalactamases Il est présenté dans la figure 9.
– modification du mode de garde, surtout si (amoxicilline + acide clavulanique ou céphalospo- Il est envisagé après échec d’un traitement
l’enfant présente des épisodes récidivants d’otites rines). Cependant, le maintien de cette efficacité est médical bien conduit. Tenant compte du fait que
moyennes aiguës (éviction de la crèche) ; variable dans le temps [8]. Elle serait meilleure avec 90 % des otites séromuqueuses guérissent
– traitement d’une allergie documentée ou d’un les traitements prolongés (30 jours) mais une spontanément, il faut savoir temporiser quand il
reflux gastro-œsophagien. antibiothérapie de 2 semaines est généralement n’existe aucune obligation opératoire (troubles de
prescrite. langage, surdité de perception...) (fig 10). Prescrire un
‚ Traitement médical nouveau traitement médical peut parfois aider à
Il est présenté dans la figure 9. Corticothérapie passer les derniers mois d’hiver et espérer une
amélioration avec le printemps et l’été. Quelle que
Prévention de l’otite séromuqueuse Elle est associée à l’antibiothérapie pendant une
soit l’orientation thérapeutique retenue, les décisions
durée de 7 à 10 jours. Différentes études ont ainsi
¶ Antibiothérapie et otite moyenne aiguë montré une efficacité (à court terme) significati-
sont prises après information des parents sur les
Il n’y aurait pas de modification du risque relatif avantages et les risques de chaque traitement.
vement plus importante de l’association corticoïdes
d’otite séromuqueuse après otite moyenne aiguë en Adénoïdectomie
et antibiotiques, par rapport aux antibiotiques seuls
fonction du type de traitement antibiotique
ou avec placebo. Les corticoïdes employés sont la Cette intervention est réalisée sous anesthésie
prescrit [1]. L’antibiothérapie au cours de l’otite
prednisone (1 mg/kg/j) ou la dexaméthasone générale de courte durée, le plus souvent en
moyenne aiguë a un rôle surtout préventif des
(0,15 mg/kg/j). ventilation spontanée sans intubation. Elle consiste
complications infectieuses aiguës locorégionnales.

4
Otite séromuqueuse de l’enfant - 8-0600

– les drains de Sheppard (Yo-yo), de petite taille. transtympaniques doivent être longtemps
Ils ont tendance à l’expulsion spontanée en 6 à 12 conservés. L’efficacité des bouchons de protection en
Aérateurs transtympaniques sans délai
mois. C’est le modèle posé de première intention (il silicone moulé reste discutée.
Otite séromuqueuse aggravant une surdité de perception existe également d’autres modèles : Donaldson, La perforation tympanique résiduelle est plus
Poche de rétraction tympanique Amstrong...) ; fréquente avec les aérateurs de type T-tube. Elle
Terrain à risque : trisomie 21, fentes vélopalatines, – les T-tubes de Goode, d’une longévité plus survient dans 2 à 15 % des cas.
craniosténose Le cholestéatome iatrogène par inclusion
importante par la présence d’ailettes qui empêchent
Troubles du langage avec gêne sociale ou à la scolarisation épidermique lors de la myringotomie est
leur expulsion. Ils sont proposés lors de récidives
d’otite séromuqueuse ou d’emblée si l’enfant est âgé exceptionnel.
10 Aérateurs transtympaniques sans délai.
de plus de 6 ans, ou s’il existe une cause anatomique Des cas de labyrinthisation ont été publiés. Elle
(fentes vélopalatines, trisomie 21...). serait en rapport avec un traumatisme sonore lié aux
en l’exérèse du tissu lymphoïde adénoïdien
L’adénoïdectomie est très souvent associée à la aspirations dans la caisse lors de la myringotomie.
hypertrophique responsable d’un foyer infectieux
pose d’aérateurs pendant l’anesthésie [3]. Des poses itératives d’aérateurs sont parfois
locorégional et d’un syndrome obstructif local sur
nécessaires.
l’orifice des trompes d’Eustache (discuté). Elle n’est L’audiogramme est indispensable avant toute
proposée en principe qu’à partir de l’âge de 1 an. Le pose d’aérateurs transtympaniques. Mastoïdectomie
dernier rapport de l’ANDEM [3] (Agence nationale Leur efficacité est jugée sur la disparition du Cette intervention occupe une place à part dans
pour le développement de l’évaluation en liquide d’épanchement, l’amélioration de la surdité l’arsenal thérapeutique de l’otite séromuqueuse. En
médecine)place l’adénoïdectomie comme l’un des et la diminution des épisodes de surinfection. Il s’agit effet, ses indications sont extrêmement rares.
moyens thérapeutiques disponibles. Cependant, son d’un traitement palliatif, avec possibilité de récidive Aucune étude précise n’a actuellement été publiée
association avec la pose d’aérateurs transtympa- après expulsion. Ils sont indiqués à partir de l’âge de pour l’argumenter. Nous retenons comme
niques parait être la solution la plus efficace après 2 ans en cas d’otite séromuqueuse compliquée : indications la mastoïdite subaiguë associée à l’otite
l’âge de 2 ou 3 ans. On posera plus facilement cette – d’une surdité de transmission avec une perte séromuqueuse et résistante aux traitements
indication opératoire s’il existe des épisodes d’otites supérieure à 30 dB ; parentéraux, et l’otite séromuqueuse récidivante
moyennes aiguës récidivantes, des épisodes de après la pose de plusieurs séries d’aérateurs
– d’épisodes de surinfection récidivants (plus de
rhinopharyngites récidivantes, ou une subobs- transtympaniques.
cinq à six par hiver) malgré un traitement médical
truction rhinopharyngée chronique. Il n’est pas
bien conduit et si l’adénoïdectomie seule a été Cette intervention permet ainsi de nettoyer les
justifié dans le cadre de l’otite séromuqueuse d’y
inefficace. lésions ostéitiques et muqueuses chroniques,
associer une amygdalectomie.
Dans certaines situations, la pose d’aérateurs infectieuses ou inflammatoires, qui pérennisent
Aérateurs transtympaniques transtympaniques peut se justifier sans attendre un l’otite séromuqueuse et empêchent sa guérison. On
traitement médical (fig 10). réalise une vaste cavité mastoïdienne afin de
Les aérateurs transtympaniques sont de petites minimiser les effets d’éventuels changements de
prothèses en silicone ou en Téflon. L’orifice central ¶ Complications des aérateurs transtympaniques pression et de diminuer les surfaces d’échange
permet l’équilibre des pressions et l’aération de la La principale complication des aérateurs gazeux.
caisse du tympan. Il en existe de très nombreux transtympaniques est l’otorrhée. Elle peut être :
modèles (fig 11). Les plus utilisés sont :


– primaire, quelques jours après la pose, en
rapport avec des germes du conduit ; Conclusion
– secondaire, à distance de leur pose avec des
germes oropharyngés.
L’otite séromuqueuse est une pathologie
Il convient de prescrire des instillations locales
extrêmement fréquente et souvent insidieuse chez
pendant quelques jours, puis un traitement
l’enfant. Le diagnostic est parfois effectué en
antibiotique par voie orale, après prélèvements
présence d’un retard de langage ou d’une rétraction
bactériologiques si l’otorrhée persiste.
tympanique dangereuse. L’évolution spontanée vers
En cas d’échec malgré un traitement adapté la guérison concerne la grande majorité des cas,
parfois intraveineux, il faut envisager l’ablation des mais une surveillance est essentielle notamment
aérateurs transtympaniques. Celle-ci peut être pour dépister les formes compliquées ou
réalisée sous anesthésie locale ou générale. persistantes. Un traitement médical par antibiotiques
La conduite à tenir vis-à-vis de l’eau n’est pas et corticoïdes est prescrit en première intention, sauf
clairement établie. Il est préférable de protéger les cas particulier. En cas d’échec, une adénoïdectomie
11 Aérateurs transtympaniques. De gauche à oreilles lors des shampooings. Certains praticiens et une pose d’aérateurs transtympaniques sont
droite : Sheppard avec ou sans fils de rappel, T-tube autorisent les baignades en mer chez les enfants indiquées selon une stratégie variable en fonction de
de Goode.
désireux d’apprendre à nager et si les aérateurs l’âge et du déficit auditif.

Éréa-Noël Garabédian : Professeur des Universités, praticien hospitalier.


Thomas Coiffıer : Chef de clinique-assistant.
Franck Chaudré : Interne des Hôpitaux.
Service d’oto-rhino-laryngologie pédiatrique et de chirurgie cervicofaciale, hôpital Trousseau, 26, rue du Docteur-Arnold-Netter, 75012 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : ÉN Garabédian, T Coiffıer et F Chaudré. Otite séromuqueuse de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0600, 1998, 6 p

Références

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5
8-0600 - Otite séromuqueuse de l’enfant

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6
Traité de Médecine AKOS 8-0605 (2004)

8-0605

Otites moyennes aiguës de l’enfant

R. Nicollas, I. Sudre-Levillain, J.-M. Triglia

L ’otite moyenne aiguë (OMA) représente la première cause de prescription d’antibiotiques chez l’enfant. Les
OMA correspondent le plus souvent à la surinfection de l’oreille moyenne par une bactérie avec présence d’un
épanchement purulent ou mucopurulent dans la caisse du tympan. De nombreux facteurs tant endogènes
qu’extérieurs peuvent favoriser sa survenue. Les complications de l’OMA sont heureusement rares mais
potentiellement graves justifiant le recours à une antibiothérapie en cas de forme collectée ou purulente. Au plan
bactériologique, on note l’augmentation de fréquence des pneumocoques à sensibilité diminuée à la pénicilline qui
constitue un problème thérapeutique croissant. Face à ce phénomène, le recours à un examen bactériologique après
paracentèse est justifié en cas d’échec à 48 heures d’une antibiothérapie adaptée bien conduite.

Mots-clés : Otite aiguë ; Oreille moyenne ; Pneumocoque ; Antibiothérapie


du mouvement mucociliaire contribue à favoriser l’adhésion des bactéries et leur
Introduction multiplication. Leur drainage est compromis par l’œdème de la trompe d’Eustache.
Les bactéries prolifèrent dans l’oreille moyenne, réalisant une OMA purulente.
L’évolution spontanée, sans antibiotique, se fait le plus souvent vers la guérison,
L’otite moyenne aiguë est, avec la rhinopharyngite, la première cause de en particulier pour les otites à H. influenzae et chez les grands enfants. [1] En effet, la
prescription d’antibiotiques chez l’enfant. Les otites moyennes aiguës (OMA) guérison spontanée en quelques jours de l’infection virale initiale s’accompagne
correspondent le plus souvent à la surinfection de l’oreille moyenne par une bactérie d’une récupération des facultés de drainage de l’oreille moyenne permettant la
avec présence d’un épanchement purulent ou mucopurulent dans la caisse du guérison de la surinfection bactérienne.
tympan. Elles surviennent au décours d’une agression virale ou microbienne dont le
premier site est le plus souvent rhinopharyngé. Le taux croissant des résistances Facteurs endogènes
bactériennes aux antibiotiques utilisés doit conduire à une adaptation permanente
L’hypertrophie des végétations adénoïdiennes favorise également l’infection de
du choix de l’antibiothérapie employée.
l’oreille moyenne par voie ascendante naso-tubo-tympanique et peut aussi
constituer un réservoir de germes pathogènes. [4]


Le reflux gastro-œsophagien (RGO) peut provoquer une remontée de liquide
Épidémiologie acide au niveau du rhinopharynx et entraîner une altération de la muqueuse,
favorisant les épisodes d’OMA. Tasker [5] a objectivé le rôle du RGO dans les otites
séromuqueuses dont on sait qu’elles sont à la fois cause et conséquence des OMA.
‚ Âge La carence martiale a été incriminée dans la répétition des épisodes infectieux
L’OMA est une pathologie touchant surtout l’enfant. Elle représente avec les ORL, en particulier rhinopharyngés, et peut constituer de ce fait un élément
rhinopharyngites la première cause de prescription d’antibiotiques et le deuxième favorisant la survenue d’OMA. [6]
motif de consultation en pédiatrie. Depuis quelques années, une augmentation L’allergie : le rôle de l’atopie dans le développement des OMA n’est pas
parallèle du nombre d’otites diagnostiquées et la prescription d’anti-infectieux dans formellement établi, bien que l’enfant allergique soit plus exposé aux processus
cette affection sont observées bien que contestées par certains auteurs. [1] inflammatoires de la muqueuse des voies respiratoires. Ce pourrait être un facteur
En 1989, Teele et al. [2] rapportent que 80 % des enfants de 3 ans ont présenté au prédisposant à l’otite séromuqueuse chronique.
moins un épisode d’OMA avec au moins trois épisodes pour 50 % d’entre eux. La Les terrains particuliers : la trisomie 21, les fentes vélopalatines, les anomalies de
fréquence des OMA décroît ensuite progressivement jusqu’à l’âge de 6 à 7 ans. Entre la fonction mucociliaire et les déficits immunitaires sont des facteurs prédisposant
1 et 6 mois, cette infection est rare du fait de la protection par les anticorps aux otites.
maternels. Avant l’âge de 3 mois, elles surviennent sur des terrains prédisposés, L’hérédité : il semble exister d’après des études généalogiques un facteur
l’épidémiologie bactérienne est particulière et leur gravité potentielle. héréditaire net favorisant la survenue d’OMA à répétition. [7]
‚ Facteurs favorisants Mode de vie
Facteurs anatomophysiologiques Le séjour en crèche est un facteur favorisant, la vie en collectivité exposant les
Le rhinopharynx et l’oreille moyenne sont tapissés par la même muqueuse de enfants à une incidence particulièrement accrue d’OMA. De très nombreuses études,
type respiratoire ciliée. La caisse du tympan est ouverte sur le pharynx par la trompe tant en France que dans d’autres pays, retrouvent cette association entre séjours en
d’Eustache permettant le drainage physiologique du mucus sécrété dans l’oreille collectivités et infections ORL. L’allaitement aurait, quant à lui, un effet protecteur
moyenne. Chez le nourrisson, elle est courte et béante et sa muqueuse épaisse. Les chez les enfants de moins de 3 ans. [8]
rhinopharyngites virales, très fréquentes à cet âge entraînent une agression de Le décubitus dorsal serait un élément favorisant pour certains.
l’épithélium respiratoire qui tapisse les fosses nasales, le pharynx et la caisse du Le tabagisme passif est clairement reconnu comme facteur favorisant toutes les
tympan. Elles induisent une modification des rapports entre les bactéries résidentes infections des voies aériennes de l’enfant.
(pneumocoque, Haemophilus influenzae, Branhamella catarrhalis) et la muqueuse. Les facteurs socio-économiques : les populations à bas niveau socio-économique
Par ailleurs, une étude récente [3] a démontré le rôle favorisant de la mononucléose sont plus exposées en raison de divers facteurs (hygiène défectueuse, malnutrition,
infectieuse dans la colonisation bactérienne massive du rhinopharynx. La disparition promiscuité).

1
8-0605 - Otites moyennes aiguës de l’enfant

Les facteurs saisonniers : les épisodes d’OMA sont plus fréquents pendant la
période hivernale, ce qui coïncide avec l’incidence des viroses des voies respiratoires
supérieures.


Diagnostic d’otite moyenne aiguë purulente

L’OMA est définie comme une inflammation aiguë de l’oreille moyenne. L’OMA
purulente est définie par l’existence d’un épanchement purulent ou mucopurulent
dans la caisse du tympan.
Le diagnostic d’OMA purulente est clinique et repose sur l’association de signes
fonctionnels et généraux d’installation récente à des signes otoscopiques.
Les signes fonctionnels sont l’otalgie et ses équivalents (irritabilité, pleurs,
insomnie…) et l’hypoacousie. Figure 3 Otite moyenne aiguë collectée à droite. On note l’important bombe-
Les signes généraux sont avant tout la fièvre mais aussi l’asthénie et l’anorexie. ment du quadrant postérosupérieur fréquent chez l’enfant réalisant l’aspect en
L’otalgie et la fièvre, les deux signes les plus classiques de l’OMA purulente, ne « pis de vache » classiquement décrit.
sont pas constants. D’autres symptômes peuvent s’associer, soit du fait de l’infection
virale déclenchante (rhinorrhée, toux, vomissement ou diarrhée), soit du fait d’une
autre localisation infectieuse (conjonctivite purulente).
L’examen otoscopique est la clef de voûte du diagnostic, les signes fonctionnels et
généraux, bien qu’indispensables, n’ayant aucune spécificité. Il peut être réalisé à
l’otoscope, au microscope de consultation (Fig. 1) ou à l’optique (Fig. 2).
Les signes otoscopiques retrouvés dans l’OMA sont :
– l’inflammation : congestion ou hypervascularisation ;
– associée à un épanchement rétrotympanique, extériorisé ou non (opacité,
effacement des reliefs normaux ou bombement) (Fig. 3 et 4) ;
– avec parfois un aspect jaunâtre : tympan tendu, prêt à se rompre.

Figure 4 Otite moyenne aiguë suppurée gauche. L’issue de pus en provenance


du quadrant antérosupérieur est bien visible ainsi que le bombement de l’ensemble
du tympan.

Un aspect tympanique évocateur d’OMA, en l’absence de signes fonctionnels ou


généraux ne doit pas faire porter le diagnostic d’OMA purulente mais d’otite
séromuqueuse.
Une congestion ou une hypervascularisation isolée peut être observée dans les
rhinopharyngites ou lorsque l’enfant crie en cours d’examen. En l’absence de signes
d’épanchement rétrotympanique, le diagnostic d’OMA est peu probable.

Figure 1 Réalisation d’un examen sous microscope chez un nourrisson. Cette



Bactériologie de l’OMA

‚ Épidémiologie bactérienne des otites


technique permet l’ablation, sous contrôle visuel, des différents débris qui encom- Elle est connue depuis de nombreuses années. Les principales bactéries
brent parfois le conduit. responsables dans l’OMA de l’enfant de plus de 3 mois sont Streptococcus
pneumoniae (25 à 40 %), Haemophilus influenzae (30 à 40 %) et Branhamella
catarrhalis. Streptococcus pyogenes (streptocoques du groupe A) et Staphylococcus
aureus jouent un rôle mineur (< 5 %).
L’association de plusieurs bactéries est rare mais possible, de même que la
surinfection par deux bactéries différentes dans chaque oreille.
Les virus respiratoires sont parfois trouvés isolément ou en association avec des
bactéries dans le liquide auriculaire.
‚ Résistance aux antibiotiques
La résistance aux antibiotiques des bactéries impliquées dans l’OMA purulente est
en croissance dans le monde entier. [9-17]
De plus, des études s’appuyant sur des prélèvements rhinopharyngés permettent
d’apporter des données supplémentaires sur l’évolution des résistances car, à
l’échelle collective, il existe une bonne corrélation entre la microbiologie des
prélèvements rhinopharyngés et celle du liquide obtenu par paracentèse. [18] En
revanche, la réalisation d’un prélèvement rhinopharyngé à l’échelle individuelle n’a
qu’une valeur prédictive négative, c’est-à-dire qu’un germe absent du cavum ne sera
pas responsable de l’OMA. [19]
Streptococcus pneumoniae
Figure 2 Réalisation d’un examen sous optique. L’image est retransmise par
La résistance aux antibiotiques des souches de pneumocoque isolées d’OMA est
une chaîne vidéo jusqu’à un moniteur. La qualité des images obtenues, dont la
en augmentation. Selon les données du centre de référence, en 1997, 70 % des
précision du diagnostic, est très grande.
souches isolées d’OMA (en situation d’échec) avaient une sensibilité diminuée aux

2
Otites moyennes aiguës de l’enfant - 8-0605

bêtalactamines (par modification des protéines de liaison aux pénicillines) et plus de peuvent présenter une paralysie faciale lors de chaque épisode otitique. Il faut alors
la moitié d’entre elles étaient résistantes (CMI pour la pénicilline > 1 mg/l). Plusieurs suspecter une dénudation du nerf facial dans sa deuxième portion. Quoi qu’il en soit,
facteurs augmentent la probabilité d’être en présence d’une souche résistante : la survenue d’une paralysie faciale fait poser l’indication d’une paracentèse, voire
antibiothérapie dans les 3 derniers mois, fréquentation des crèches, échec d’un d’un aérateur transtympanique.
premier traitement. [20] En France, la résistance aux macrolides des S. pneumoniae a
précédé d’une quinzaine d’années celle aux pénicillines et actuellement, ce sont ‚ Complications endocrâniennes
généralement les mêmes souches qui sont résistantes aux deux familles À l’instar des mastoïdites, elles sont devenues beaucoup plus rares depuis le
d’antibiotiques. traitement antibiotique des otites. On les rencontre toujours, sous la forme de
méningite et méningoencéphalite, empyème sous-dural, abcès cérébral (en
Haemophilus influenzae particulier dans la fosse postérieure). Un drainage chirurgical de l’oreille est indiqué
Le mécanisme essentiel de résistance de H. influenzae aux antibiotiques est une en complément au traitement antibiotique et à la prise en charge spécifique de la
sécrétion de bêtalactamases. De 30 à 40 % des souches isolées d’OMA présentent complication.
ce mécanisme de résistance, rendant l’amoxicilline et, à un moindre degré, les
céphalosporines de première génération inactives. Ces souches sont plus ‚ Récidive
fréquemment observées chez les enfants de plus de 18 mois, ceux vivant en crèche C’est la complication la plus fréquente. On ne parle d’OMA à répétition qu’à partir
et en cas d’OMA purulentes récidivantes. d’au moins trois OMA en moins de 6 mois séparées chacune par un intervalle libre
Les macrolides sont naturellement pas ou peu actifs sur cette espèce bactérienne. d’au moins 3 semaines. La récidive est en grande partie liée à l’immaturité
immunitaire du jeune enfant et se trouve largement favorisée par les facteurs divers
Branhamella catarrhalis précédemment évoqués.
Plus de 90 % des souches sont résistantes à l’amoxicilline par sécrétion de
bêtalactamases. L’association amoxicilline-acide clavulanique, les céphalosporines ‚ Passage à la chronicité
de deuxième et troisième générations sont actives sur ces souches. Cette espèce La filiation exacte « répétition d’épisodes aigus - chronicité » ou « chronicité -
reste sensible aux macrolides et aux sulfamides. répétition d’épisodes aigus » reste controversée. Il est toutefois reconnu que les otites
chroniques sont en règle bien plus fréquentes chez les sujets ayant de forts


antécédents d’OMA. En particulier, les otites purulentes itératives sont pourvoyeuses
de perforations tympaniques séquellaires.
Complications
‚ Hypoacousie
Outre les lésions directes des différentes structures de l’oreille moyenne ou de
Seules les complications spécifiques aux OMA sont évoquées. l’oreille interne par un processus infectieux, il est reconnu que la persistance de
phénomènes inflammatoires dans une oreille peut entraîner à long terme une
‚ Mastoïdites
hypoacousie de perception. [22]
Moins fréquentes depuis le traitement antibiotique systématique des OMA, elles
n’en demeurent pas moins redoutables. [21]


Cliniquement, l’enfant présente une persistance, voire une augmentation de la
fièvre malgré le traitement. Les douleurs sont également plus vives. On note un Traitement (Fig. 5)
aspect inflammatoire de la mastoïde (rétro-auriculaire) avec, classiquement, un
décollement du pavillon de l’oreille qui est rejeté vers l’avant. Le sillon rétro-
auriculaire est comblé par une collection purulente sous-périostée, fluctuante. ‚ Traitement de première intention
Dans d’autres formes, l’extériorisation se produit au niveau de l’apex mastoïdien,
Il est mené par voie générale et basé sur une antibiothérapie probabiliste chez
et peut être responsable d’un torticolis.
l’enfant de plus de 3 mois. Chez le nourrisson de moins de 3 mois, une paracentèse
première doit être réalisée qui permet d’identifier le germe en cause et de proposer
une antibiothérapie adaptée.
Quoi qu’il en soit, le tympan est toujours remanié : il n’existe
pas de mastoïdite aiguë à tympan normal. Traitements adjuvants
Un traitement antipyrétique est adjoint en cas de fièvre élevée.
Une paralysie faciale est toujours possible, quelle que soit la topographie Les corticoïdes, s’ils ne sont pas l’objet d’un consensus, peuvent être prescrits
apparente des signes extérieurs de mastoïdite. En cas de doute, un scanner sera pendant 4 jours.
réalisé en urgence, qui montrera une opacité mastoïdienne. Hormis les cas d’otorrhée, les gouttes auriculaires n’ont pas un grand intérêt.
Le traitement est basé sur une bi-antibiothérapie intraveineuse (céphalosporine Une désinfection rhinopharyngée est associée afin de traiter la rhinopharyngite
de 3e génération et antistaphylococcique) menée en milieu hospitalier spécialisé et fréquemment à l’origine de l’otite.
sur un drainage de l’oreille moyenne. Dans les formes débutantes, une large
paracentèse au bloc peut suffire ; en cas de forme constituée, une mastoïdectomie ‚ En cas d’échec
avec drainage et lavage mastoïdiens est pratiquée. L’évolution est d’autant plus Après 48 heures de traitement bien suivi, si l’on ne note pas d’amélioration de
favorable que le diagnostic aura été fait tôt et le traitement précoce. l’état clinique de l’enfant (local et/ou général), une paracentèse à visée
Les mastoïdites subaiguës sont plus trompeuses. Elles se traduisent souvent par la
répétition d’épisodes otitiques aigus pouvant conduire à la pose d’aérateurs
transtympaniques. Ces derniers sont alors le siège d’une otorrhée incontrôlable ou Amoxicilline / acide clavulanique Céphalosporine
désespérément récidivante. La réalisation d’une tomodensitométrie permet de
retrouver un comblement des cavités de l’oreille moyenne concernée. Un traitement
chirurgical reposant sur une mastoïdectomie est indiqué.
Évolution à 48 h
‚ Labyrinthites
La triade classique, vertige-hypoacousie-acouphènes est difficile à faire préciser
par un enfant. Le pronostic fonctionnel dépend de la nature infectieuse ou Amélioration Échec
inflammatoire de l’atteinte. En cas d’atteinte infectieuse, une cophose séquellaire est
à craindre.
8-10 j de
traitement Paracentèse + prélèvement
‚ Paralysie faciale Antibiothérapie adaptée aux germes
Elle peut survenir au cours d’une otite banale ; elle a alors bon pronostic. Elle est
Figure 5 Organigramme du traitement antibiotique d’une otite moyenne aiguë.
typiquement d’installation précoce et rarement totale et massive. Certains patients

3
8-0605 - Otites moyennes aiguës de l’enfant

Antibiothérapie
L’antibiotique prescrit doit être actif sur les trois germes les plus fréquemment rencontrés : Haemophilus influenzae, pneumocoque
et Branhamella catarrhalis.
Une conférence de consensus (Lyon 1996) [20] a établi les protocoles suivants.
Sont recommandés :
• amoxicilline-acide clavulanique : 80 mg/kg/j en 3 prises ;
• ou céfuroxime axétil : 30 mg/kg/j en 2 prises ;
• ou cefpodoxime proxétil : 8 mg/kg/j en 2 prises.
La durée du traitement est de 8 à 10 jours selon le terrain et l’évolution.
Actuellement, et du fait de la tendance à l’émergence de souches de pneumocoques à sensibilité diminuée à la pénicilline (PSDP),
on propose :
• en l’absence de facteur de risque de PSDP :
amoxicilline-acide clavulanique : 100 mg/kg/j en 3 prises ;
ou céfuroxime axétil : 30 mg/kg/j en 2 prises ;
ou cefpodoxime proxétil : 8 mg/kg/j en 2 prises ;
• en cas de facteur de risque de PSDP (OMA d’évolution prolongée, OMA récidivante, antécédents récents d’antibiothérapie,
collectivités) :
– amoxicilline-acide clavulanique : 100 mg/kg/j + amoxicilline : 100 mg/kg/j
soit un total de 200 mg/kg/j d’amoxicilline.

bactériologique idéalement précédée d’une fenêtre thérapeutique de 48 heures est 5 jours peut également être proposé. Tout cela doit être adapté aux données de
réalisée. Il est totalement illogique d’entreprendre une antibiothérapie probabiliste l’antibiogramme.


devant l’échec d’une première antibiothérapie probabiliste ; le risque de nouvel
échec est important et le risque de sélectionner un germe résistant l’est encore
davantage. Conclusion
La paracentèse est pratiquée de préférence sous anesthésie générale, ce qui
permet la réalisation d’un prélèvement protégé après décontamination du conduit L’OMA est une affection très fréquente en pratique pédiatrique et de médecine
auditif externe. Le prélèvement est suivi d’un lavage de la caisse du tympan. On générale. La recherche de facteurs favorisants est un élément important de la prise
réalise ainsi le drainage de « l’abcès ». en charge de ces affections. Des traitements efficaces existent mais leur prescription
En cas de PSDP, le traitement de référence est l’amoxicilline à la dose de 150 à répond à des règles très précises. Le problème actuel est l’émergence de souches
200 mg/kg/j pendant 10 jours. Un traitement alternatif par ceftriaxone 50 mg/kg/j bactériennes résistantes, en particulier les PSDP. Seul un meilleur comportement
par voie intramusculaire ou en courte perfusion intraveineuse pour une durée de 3 à vis-à-vis de la prescription d’antibiotiques pourra aider à contenir ce phénomène.

R. Nicollas (Praticien hospitalier)


Adresse e-mail: richard.nicollas@ap-hm.fr
I. Sudre-Levillain (Assistant des Hôpitaux, chef de clinique à la Faculté).
J.-M. Triglia (Professeur des Universités, praticien hospitalier).
Service d’ORL et chirurgie cervicofaciale pédiatrique, CHU Timone Enfants, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 5, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : R. Nicollas, I. Sudre-Levillain, J.-M. Triglia. Otites moyennes aiguës de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Traité de Médecine Akos, 8-0605, 2004, 5 p

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Otites moyennes aiguës de l’enfant - 8-0605

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5
¶ 8-0620

Sinusite chez l’enfant


M. François

Les sinusites ne sont pas rares chez l’enfant. Elles se présentent le plus souvent comme une rhinite
purulente ou une rhinopharyngite qui traîne au-delà de 10 jours. Ces formes légères sont source
d’inconfort et de diminution de la qualité de vie, mais ne mettent pas en jeu le pronostic vital. Le rôle du
praticien dans les formes légères est de soulager le patient et d’éviter le passage à la chronicité.
L’évolution est de fait rapidement favorable sous traitement. Celui-ci laisse une large place aux soins
locaux, les antibiotiques devant être discutés au cas par cas. Le problème est très différent dans les
sinusites aiguës sévères. Elles se différencient des formes légères par l’importance de la fièvre, l’altération
de l’état général et la présence d’un œdème périorbitaire. Les sinusites sévères exposent à un risque de
complications intraorbitaires (mettant en jeu le pronostic visuel) et intracrâniennes (mettant en jeu le
pronostic vital) et peuvent justifier une intervention chirurgicale. Tous les enfants qui ont une sinusite
aiguë accompagnée d’un œdème de la face doivent avoir une prise en charge rapide en milieu hospitalier
pour examen tomodensitométrique, antibiothérapie parentérale, surveillance clinique, et parfois
intervention chirurgicale. En cas de sinusite récidivante ou chronique, quelques examens
complémentaires ciblés permettront peut-être de découvrir un facteur favorisant accessible à un
traitement particulier amenant la cessation ou l’amélioration de la symptomatologie rhinosinusienne.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Rhinosinusite ; Complications intraorbitaires ; Complications intracrâniennes ; Antibiothérapie ;


Streptococcus pneumoniae ; Haemophilus influenzae

Plan Les sinus le plus souvent impliqués chez l’enfant sont les
sinus maxillaires. Les sinusites ethmoïdales ne sont diagnosti-
quées comme telles que dans les formes extériorisées. Les
¶ Introduction 1
sinusites sphénoïdales et frontales sont exceptionnelles, mais
¶ Sinusite aiguë 1 potentiellement plus graves.
Sinusite aiguë banale 1
Sinusite aiguë sévère non compliquée 2
Ethmoïdite aiguë extériorisée
Traitement des épisodes aigus de sinusite
2
3
■ Sinusite aiguë
¶ Sinusites chroniques et récidivantes 4
Définition 4
Sinusite aiguë banale
Diagnostic différentiel 4
Facteurs favorisants 4
Symptômes
Interrogatoire 5 La forme usuelle des sinusites chez l’enfant est celle d’une
Examens inutiles 5 infection des voies aériennes supérieures dont les symptômes ne
Premiers examens 5 disparaissent pas dans les délais habituels qui sont de 6-10 jours.
Examens de deuxième ligne 6 Si au-delà de 10 jours, et malgré un traitement symptomatique
Traitement des facteurs favorisants des sinusites répétées 6 par antipyrétiques et lavages de nez, l’enfant garde une fébri-
cule, une rhinorrhée, une obstruction nasale et surtout une
toux, on n’est plus dans le cadre d’une rhinite aiguë ou d’une
rhinopharyngite banale, mais dans le cadre d’une sinusite
aiguë [2].
■ Introduction
Les sinusites sont les infections des sinus de la face. Suivant
Examen clinique
la durée d’évolution des symptômes, et par analogie avec les L’examen clinique est pauvre. L’examen endonasal avec un
otites moyennes, on distingue les sinusites aiguës (moins de otoscope à manche et un spéculum montre une congestion de
3 semaines), subaiguës (3 semaines à 3 mois) et chroniques la tête des cornets inférieurs, tapissée de sécrétions plus ou
(plus de 3 mois). Pour parler de sinusite récidivante, il faut une moins visqueuses. L’examen de l’oropharynx montre habituel-
période intercritique asymptomatique [1]. lement une rhinorrhée postérieure.

Traité de Médecine Akos 1


8-0620 ¶ Sinusite chez l’enfant

Tableau 1. fosses nasales en dedans et la base du crâne en haut. Elle n’est


Symptômes des sinusites aiguës de l’enfant [2].
diagnostiquée en tant que telle que lorsqu’elle est extériorisée.
Sinusite simple Sinusite sévère La gravité de cette infection tient à la possibilité de complica-
tions méningoencéphaliques et orbitaires, parfois inaugurales.
Température < 39°C > 39°C
Toux ++ +/-
Symptômes
Obstruction nasale + +
Rhinorrhée claire ou purulente purulente Le signe d’appel est l’apparition d’un œdème à l’angle interne
Céphalées, douleurs faciales + + de l’œil, s’étendant plus ou moins vite à la paupière supérieure,
Œdème périorbitaire 0 +/- . puis à la paupière inférieure, puis sur les paupières controlaté-
rales [6]. La survenue d’un tel œdème dans un contexte fébrile
est pratiquement synonyme d’ethmoïdite aiguë extériorisée.

Examens complémentaires Examen clinique


Les examens complémentaires sont parfaitement inutiles : le La température est variable d’un enfant à l’autre, l’obstruction
diagnostic est fondé sur les données de l’interrogatoire et nasale et la rhinorrhée sont inconstantes.
l’examen clinique.
Examens complémentaires
Diagnostic différentiel
Imagerie
L’obstruction nasale peut être due à une simple rhinite ou à
une rhinite allergique. Dans ces cas, l’enfant est apyrétique. En cas d’ethmoïdite aiguë extériorisée, il est très important
Chez l’enfant fébrile avec obstruction nasale, toux et rhinor- d’éliminer une complication orbitaire ou intracrânienne. Les
rhée, l’examen a surtout pour but d’éliminer les diagnostics radiographies standards ne peuvent en aucun cas aider au
différentiels possibles tels que corps étrangers endonasaux, diagnostic de ces complications.
bronchite ou pneumopathie. Le meilleur examen pour faire le diagnostic de complication
intraorbitaire est le scanner. Celui-ci n’est pas systématique. Il
Sinusite aiguë sévère non compliquée est demandé en cas d’exophtalmie, de trouble de la motricité
oculaire, de palpation d’une masse périorbitaire fluctuante ou
Symptômes d’œil non ouvrable spontanément du fait de l’importance de
l’œdème [7]. Dans les structures où il n’y a pas de scanner, une
L’association d’une fièvre élevée, d’une obstruction nasale solution intermédiaire peut être l’échographie orbitaire qui
avec rhinorrhée, de céphalées, associées parfois à un œdème permet de faire la distinction entre cellulites pré- et rétrosepta-
périorbitaire permet de poser le diagnostic de sinusite aiguë les [8]. Seuls les enfants qui ont une cellulite rétroseptale seront
sévère. Il est admis que dans ce cas, il est inutile d’attendre un transférés pour faire un scanner. Le scanner permet de :
quelconque délai pour poser ce diagnostic [2] (Tableau 1).
.

• vérifier l’existence d’une opacité du labyrinthe ethmoïdal ;


• voir l’état des autres sinus ;
Examen clinique
.
• contrôler le contenu orbitaire (Fig. 1) ;
L’examen clinique est tout aussi pauvre que dans la forme • diagnostiquer une éventuelle thrombophlébite du sinus
précédente : rhinorrhée antérieure et postérieure, congestion caverneux et une complication endocrânienne [7].
nasale. . Une ponction lombaire ne sera effectuée que s’il existe des
signes cliniques évocateurs de méningite, en particulier une
Examens complémentaires raideur de la nuque.
En pratique, devant une sinusite aiguë sévère chez un enfant Examens bactériologiques
bien portant par ailleurs, les examens complémentaires sont
inutiles tant pour poser le diagnostic que pour guider la Le prélèvement endonasal n’a aucune valeur : les fosses
thérapeutique : ni examen biologique, ni imagerie, ni examen . nasales ne sont pas stériles et abritent une flore commensale
microbiologique [2]. comportant, entre autres, staphylocoques et streptocoques.
Le problème est différent chez les enfants susceptibles de faire L’hémoculture est rarement positive [6].
des infections graves ou à germes inhabituels, en particulier les Le prélèvement peropératoire d’un abcès sous-périosté peut
immunodéprimés [2, 3]. Le prélèvement endonasal ou rhinopha- . être fait lorsque l’intervention se fait par voie externe, mais pas
ryngé n’a aucune valeur pour le diagnostic bactériologique par voie endonasale. Une solution alors est de faire une
d’une sinusite aiguë. Celui-ci peut être approché par un prélè- ponction à l’angle interne de l’œil (Fig. 2).
vement fait au méat moyen [4]. En effet, des études comparati-
ves ont montré une corrélation de 85 % à 94 % avec la Examens biologiques
ponction de sinus maxillaire. Le prélèvement au méat moyen se
fait en consultation au fauteuil, après rétraction de la muqueuse Il est d’usage de faire faire une NFS (numération formule
et sous contrôle optique : il n’est donc pas toujours réalisable. sanguine) et une CRP (protéine C-réactive) à l’arrivée et au bout
La ponction de sinus maxillaire quant à elle, est très doulou- de 2-3 jours. Le taux initial de CRP et l’importance de la
reuse, elle ne peut être faite chez l’enfant que sous anesthésie polynucléose ne préjugent en rien de la gravité de l’infection.
générale, et n’est pas exempte de complications : saignement, Les traitements antibiotiques peuvent provoquer une neutropé-
infection, lésion nerveuse, fuite de liquide céphalorachidien. Les nie qui amènerait à prendre des mesures d’isolement et changer
indications sont donc limitées aux sinusites maxillaires compli- de traitement.
quées ou survenant sur un terrain particulier ou avec un tableau
toxique [2, 3, 5]. Diagnostic différentiel
C’est le diagnostic des œdèmes périorbitaires dans un
contexte fébrile (Tableau 2).
Ethmoïdite aiguë extériorisée Nous voudrions insister sur les affections ne justifiant pas
L’ethmoïdite aiguë est l’infection des cellules du labyrinthe d’hospitalisation ni de traitement antibiotique systémique : les
ethmoïdal, situé entre l’orbite en dehors, la partie haute des piqûres d’insectes et les conjonctivites.

2 Traité de Médecine Akos


Sinusite chez l’enfant ¶ 8-0620

Figure 1. Examen tomodensitométrique montrant une ethmoïdite avec abcès sous-périosté.


A. Coupe axiale.
B. Coupe coronale.

Traitements rhinologiques
Il est essentiel de dégager les fosses nasales et les méats
sinusiens.
L’évacuation des croûtes et sécrétions présentes dans le nez
peut se faire par instillation de diverses solutions (quelques
gouttes) suivies d’un mouchage ou d’une aspiration, ou par
lavage des fosses nasales (10 cc chez le nourrisson, 100 cc chez
l’adolescent). Les produits pour instillations ou pour lavages
sont très variés : eau thermale, sérum physiologique, eau de mer
diluée ou désodée, etc. Les gouttes huileuses sont prohibées et
les gouttes contenant des antibiotiques ont été retirées du
marché. Plusieurs études récentes soulignent l’intérêt des solutés
hypertoniques dans cette indication : diminution de l’obstruc-
tion nasale, amélioration du transport mucociliaire [10, 11]. Le
bicarbonate a l’avantage de fluidifier les sécrétions nasales [12].
Il y a un consensus professionnel pour prescrire des vaso-
constricteurs nasaux pour diminuer l’obstruction nasale (Fig. 3)
et l’obstruction des méats. Cependant les vasoconstricteurs en
gouttes nasales sont contre-indiqués avant 12 ans sauf
Figure 2. Ponction à l’angle interne de l’œil d’un abcès sous-périosté Rhinofuimucil ® , autorisé à partir de 30 mois (Dictionnaire
compliquant une ethmoïdite aiguë. Vidal® 2005).

Antibiotiques
Traitement des épisodes aigus de sinusite
Un consensus professionnel [2, 3] est en faveur d’une antibio-
Symptomatique thérapie immédiate dans les formes sévères, mais seulement
après une période d’au moins dix jours d’évolution malgré un
Par voie générale traitement symptomatique et en l’absence de signes de gravité
En cas de fièvre ou de douleur, les antalgiques-antipyrétiques dans les formes « banales ».
vont permettre d’améliorer le confort général de l’enfant. Le Comme habituellement aucun prélèvement bactériologique
paracétamol (15 mg/kg 4 fois par jour) est souvent suffisant [9]. n’est effectué avant la mise en route du traitement antibiotique,
Il n’y a aucune étude justifiant la prescription des AINS (anti- le choix de celui-ci est basé sur l’épidémiologie des germes et de
inflammatoires non stéroïdiens) à visée anti-inflammatoire dans leur résistance dans les sinusites. Les études sont peu nombreu-
les sinusites aiguës chez l’enfant. ses, souvent anciennes, mais permettent de s’apercevoir que les

Tableau 2.
Diagnostic des œdèmes palpébraux aigus de l’enfant dans un contexte fébrile.
Fièvre Localisation initiale de l’œdème Conjonctive
Piqûre d’insecte 0 paupière supérieure (rarement inférieure) normale
Conjonctivite aiguë +/- paupières supérieure et inférieure rouge +/- sécrétions purulentes
Ethmoïdite aiguë +++ angle interne de l’œil normale
Dacryocystite aiguë +/- paupière inférieure rouge +/- pus
Staphylococcie maligne de la face (sur furoncle du +++ sillon nasogénien normale
seuil narinaire)
Cellulite dentaire ++ joue normale
Ostéomyélite du maxillaire supérieur + paupière inférieure normale

Traité de Médecine Akos 3


8-0620 ¶ Sinusite chez l’enfant

Drainage d’un abcès intraorbitaire


L’abcès sous-périosté intraorbitaire est une complication des
ethmoïdites aiguës extériorisées. Si l’abcès est volumineux il
peut, par étirement du nerf optique et de ses vaisseaux compro-
mettre le pronostic visuel. L’indication opératoire est posée pour
des abcès de plus de 2 mm d’épaisseur, les autres guérissent avec
le seul traitement médical. Le drainage de l’abcès se fait par voie
externe ou par voie endonasale.

■ Sinusites chroniques
et récidivantes
Définition
Une sinusite est dite chronique si les symptômes évoluent
depuis plus de 12 semaines (trois mois) [2]. En revanche, en ce
qui concerne la définition des sinusites récidivantes il n’y a pas
de consensus. Cependant, on peut considérer qu’un deuxième
épisode d’ethmoïdite extériorisée justifie des explorations à la
recherche d’un facteur favorisant. Pour les formes plus habituel-
les de sinusite, il faut que l’enfant ait fait au moins deux
épisodes par an deux années consécutives pour commencer à
s’inquiéter et faire des examens particuliers.

Diagnostic différentiel
Figure 3. Aspect des fosses nasales avant (A) et après (B) application Le diagnostic de sinusite chronique ne doit être porté
d’un vasoconstricteur. qu’après examen des deux fosses nasales s’assurant de l’absence
de corps étranger intranasal. Les corps étrangers intranasaux
sont souvent méconnus car l’enfant ne sait pas ou n’ose pas
germes responsables des sinusites de l’enfant sont les même que dire qu’il s’est mis quelque chose dans le nez. Le corps étranger
ceux responsables des otites moyennes aiguës : H. influenzae, va déterminer en quelques jours une obstruction nasale et une
S. pneumoniae et M. catarrhalis [2, 3, 13]. rhinorrhée purulente qui vont durer tant que le corps étranger
Dans les formes simples, l’antibiothérapie actuellement ne sera pas retiré. Les antibiotiques ne sont d’aucune efficacité
recommandée en France est [3]: sur un corps étranger intranasal.
• l’association amoxicilline-acide clavulanique (80 mg/kg/j en
3 prises, sans dépasser 3 g/j) ; Facteurs favorisants
• ou le cefpodoxime-proxétil (8 mg/kg/j en 2 prises) ;
• ou la pristinamycine (50 mg/kg/j en 2 ou 3 prises), chez Les facteurs favorisant les sinusites chroniques ou récidivantes
l’enfant de plus de 6 ans, en particulier en cas d’allergie aux de l’enfant peuvent être locaux ou généraux
bêta-lactamines.
La durée du traitement est de 7 à 10 jours. Facteurs locaux
En cas d’ethmoïdite aiguë extériorisée, il est nécessaire Les facteurs locaux ont un point commun : c’est la gêne au
d’hospitaliser l’enfant pour une antibiothérapie parentérale et drainage mucociliaire, première ligne de défense des cavités
une surveillance qui portera avant tout sur la mobilité oculaire sinusiennes. Parmi les facteurs locaux, certains sont architectu-
et l’état de conscience. L’antibiothérapie parentérale associe en raux, d’autres sont dus à des tumeurs ou pseudotumeurs
général cefotaxime et fosfocine pendant en moyenne endonasales ou endosinusiennes.
5 jours [14]. Un aminoside et/ou du métronidazole sont adjoints Certaines anomalies architecturales des fosses nasales ne sont
dans les formes avec altération importante de l’état général. que des variantes du normal et la plupart des enfants qui ont
L’efficacité du traitement est réévaluée plusieurs fois par jour et de telles variantes anatomiques n’ont aucun symptôme de
même si un premier scanner était rassurant, il faut en redeman- sinusite. Il faut donc être très prudent avant d’imputer le
der un si l’évolution n’est pas rapidement satisfaisante car des caractère récidivant d’une sinusite à une telle anomalie comme
abcès intraorbitaires ou intracrâniens peuvent apparaître sous une déviation septale, une concha bullosa ou une courbure
traitement antibiotique. inversée du cornet moyen et proposer une intervention
Dès qu’une amélioration franche du tableau clinique est chirurgicale.
constatée l’enfant peut sortir de l’hôpital avec une prescription Toute tumeur ou pseudotumeur développée dans les fosses
de 10 jours de l’association amoxicilline-acide clavulanique, de nasales ou le cavum et obstruant un méat sinusien peut être à
cefpodoxime-proxétil ou bien encore la pristinamycine. l’origine de sinusite récidivante ou chroniques : polypose
En cas de méningite associée, le traitement parentéral sera nasosinusienne [15], hypertrophie des végétations adénoïdes [16],
poursuivi plus longtemps. de même que les corps étrangers anciens et méconnus.
En cas d’abcès intracrânien, un avis neurochirurgical est Les sinusites sont fréquentes chez les enfants qui ont une
demandé. dyskinésie ciliaire [17].
Le traitement des thrombophlébites du sinus caverneux est
controversé : certains ajoutent au traitement antibiotique des Facteurs environnementaux, généraux, maladies
anticoagulants, d’autres pas. systémiques
Traitements instrumentaux Facteurs environnementaux
La socialisation (fréquentation de l’école) ne semble pas être
Ponction de sinus maxillaire
un facteur favorisant des sinusites. En revanche, le tabagisme
Le drainage du sinus maxillaire nécessite chez l’enfant une passif est reconnu comme étant délétère pour les voies respira-
anesthésie générale. Ses indications sont limitées aux cas où il toires et favoriser les sinusites [18]. Il en est de même pour
est nécessaire d’obtenir un prélèvement bactériologique et certains polluants atmosphériques comme le dioxyde de
fungique, c’est-à-dire chez certains enfants immunodéprimés. soufre [19].

4 Traité de Médecine Akos


Sinusite chez l’enfant ¶ 8-0620

Reflux gastro-œsophagien (RGO) Examens inutiles


Le RGO est un facteur favorisant des sinusites chroniques ou Hors cas très particuliers, certains examens sont inutiles car
récidivantes [20] . Le mécanisme physiopathologique de ces peu ou pas informatifs sur les facteurs favorisants d’une sinusite
manifestations extradigestives est encore inconnu : irritation chronique ou récidivante.
directe de la muqueuse nasale par le liquide gastrique acide
(Ozdec et al. [21] ont mis en évidence de l’Helicobacter pylori dans
les cavités sinusiennes de patients présentant une sinusite
chronique et un RGO) ou un mécanisme réflexe médié par le
système nerveux autonome.
Allergie respiratoire
▲ Mise en garde
La sinusite n’est jamais la seule manifestation d’une allergie Examens inutiles :
respiratoire. L’allergie respiratoire ne doit être recherchée • NFS (l’hyperéosinophilie est inconstante en cas
comme facteur favorisant d’une sinusite chronique ou récidi- d’allergie et est souvent due à une parasitose).
vante que chez un enfant de plus de trois ans qui a d’autres • CRP, procalcitonine, dosage des IgE totales (que
manifestations cliniques potentiellement de nature allergique l’enfant soit ou non allergique, elles sont souvent élevées
comme une rhinite chronique intermittente ou persistante, un
du simple fait des infections rapprochées).
asthme, un eczéma, ou s’il a un terrain atopique [22].
• Les radiographies standards des sinus sont trop
Déficits immunitaires imprécises et pour confirmer ou infirmer la sinusite et pour
Les sinusites répétées peuvent être la manifestation d’un rechercher une cause anatomique éventuellement
déficit immunitaire primitif [23]. Ces affections sont exception- justiciable d’une correction chirurgicale.
nelles. Un diagnostic précoce permet une meilleure prise en • Un prélèvement bactériologique des fosses nasales est
charge, condition sine qua non pour améliorer l’espérance de sans valeur car ne permet pas de différencier colonisation
vie et le confort de ces patients. Il peut s’agir d’une anomalie et infection.
de la phagocytose ou d’un trouble de l’immunité humorale,
hypogammaglobulinémie ou déficit en immunoglobulines A
(IgA), M (IgM) ou sous-classes d’immunoglobulines G (IgG2 et
IgG3 essentiellement).
Mucoviscidose Premiers examens
La mucoviscidose s’accompagne d’une atteinte sinusienne Le bilan de base doit comporter un examen ORL, un bilan
chronique [15, 23] . De plus, il semblerait que même à l’état allergologique et une recherche de RGO. Toutefois il n’y a pas
hétérozygote, les mutations de la protéine CFTR (cystic fibrosis de consensus sur l’ordre des examens qui sera fonction des
transmembrane conductance regulator) puissent favoriser la données de l’interrogatoire et influencé par la spécialité du
survenue d’une sinusite chronique chez l’enfant [24]. praticien consulté (un ORL fera un examen endonasal appro-
fondi avant de demander toute autre exploration, un pédiatre à
orientation allergologique fera un bilan allergologique, etc.).
Interrogatoire
Examen ORL
L’interrogatoire recherchera des facteurs favorisants tels que le
L’examen ORL comporte un examen des fosses nasales, mais
tabagisme passif, les antécédents personnels ou familiaux
aussi un examen du cavum et du larynx. Rien qu’en soulevant
d’allergie. Si l’enfant va mieux pendant les vacances lorsqu’il
la pointe du nez on peut voir une déviation septale majeure ou
s’éloigne du domicile habituel, il faut penser à la pollution
un corps étranger endonasal. L’examen avec un otoscope à manche
atmosphérique et à l’allergie. La présence d’un pyrosis ou de
et un spéculum, réalisable par tout praticien quelle que soit sa
régurgitations est quasi pathognomonique de RGO, mais en fait
spécialité, permet de diagnostiquer la plupart des corps étrangers
rarement observée. En revanche, une toux irritative persistante
endonasaux et les polyposes étendues. Pour des diagnostics plus
est un symptôme fréquent dans les RGO « silencieux » [25]. La
subtils, ou pour visualiser des tumeurs plus postérieures, il faut
liste ci-après rassemble les principaux signes et symptômes qui
s’adresser à un ORL. Celui-ci procédera à une rétraction de la
doivent alerter et faire suspecter un déficit immunitaire.
muqueuse des cornets par application d’un morceau de coton
imbibé de Xylocaïne® à la naphazoline (chez l’enfant de plus de
6 ans) puis en examinant les fosses nasales avec un spéculum,
mais surtout un fibroscope ou des optiques. Cela lui permet

“ Conduite à tenir
entre autres d’aller voir la région des méats, sous le cornet
moyen. Avec le nasofibroscope, l’ORL peut visualiser le cavum,
pour rechercher une éventuelle hypertrophie des végétations
adénoïdes, puis le larynx, à la recherche de signes indirects de
Quand suspecter une immunodéficience
RGO comme une rougeur interaryténoïdienne ou un œdème de
primaire ? la margelle laryngée [26].
• Au moins 8 otites ou 2 sinusites par an.
• Des antibiothérapies peu efficaces au moins 2 mois par Reflux gastro-œsophagien
an.
• Plus de 2 pneumonies par an. L’interrogatoire est souvent pauvre car les enfants qui ont des
manifestations rhinosinusiennes d’un RGO n’ont souvent aucun
• Ralentissement de la croissance et de la prise de poids
des symptômes digestifs classiques, ce qui fait parler de « RGO
de l’enfant.
silencieux ». L’examen de référence actuel (ou « gold standard »
• Des abcès récurrents de la peau ou des organes. des Anglo-Saxons) est la pHmétrie des 24 heures. Dans les
• La nécessité d’une antibiothérapie en intraveineux pour sinusites récidivantes dues au RGO, les reflux sont souvent
traiter les infections. diurnes, nombreux et brefs (Fig. 4) [27]. Il serait souhaitable
• Plus de 2 infections graves (type méningite, d’utiliser des sondes d’enregistrement à double capteur pha-
ostéomyélite, septicémie) par an. ryngé et œsophagien puisque l’on recherche des manifestations
• Des antécédents familiaux d’immunodéficience. extra-œsophagiennes du RGO, mais les équipes utilisant ce type
de sondes sont très rares [28].

Traité de Médecine Akos 5


8-0620 ¶ Sinusite chez l’enfant

Figure 4. Enregistrement de pHmétrie pathologique chez un enfant de 10 ans souffrant de sinusite chronique.

Bilan allergologique penser à l’éventualité d’une granulomatose septique chronique


et demander une exploration de la phagocytose (test au nitro-
Il doit être effectué si la sinusite chronique ou récidivante est bleu dans des laboratoires spécialisés).
associée à une symptomatologie allergique, rhinite intermit-
tente, asthme, eczéma, atopie.
Test de la sueur
Il n’est pas souhaitable de shunter les examens et de faire un
test thérapeutique car il y a des relations entre les atteintes La mucoviscidose n’est dépistée systématiquement à la
respiratoires hautes et basses, ces dernières pouvant être graves naissance que depuis peu. Chez des enfants qui n’ont pas
à terme et il est important de faire un diagnostic précis avant bénéficié d’un tel dépistage, un test de la sueur doit être
de débuter un traitement. proposé en cas de polypose nasosinusienne ou en cas de
Il sera adapté à l’âge de l’enfant et aux résultats de l’interro- sinusite récidivante dont les examens de première ligne se sont
gatoire. L’enquête allergologique, longue et fastidieuse, est un trouvés négatifs. En cas d’anomalie, l’enfant sera adressé dans
élément clé de ce bilan. un centre spécialisé où le test sera complété par la recherche des
mutations de la protéine CFTR.
Les tests multiallergéniques de dépistage sont des tests
sériques basés sur une technique radio-immunologique ou
immuno-enzymologique dépistant dans le sérum du patient les Examens microbiologiques
IgE spécifiquement dirigées contre certains pneumallergènes En matière de sinusite chronique, seuls les prélèvements au
parmi les plus courants. La spécificité et la sensibilité de ces méat et les prélèvements par ponction de sinus ont de la valeur.
tests sont supérieures à 90 %. Ces examens sont difficiles à faire chez l’enfant (il faut une
Si le médecin a des compétences en allergologie, il réalisera anesthésie générale pour une ponction de sinus, et une anes-
en première intention des tests cutanés ou prick tests. Ils sont thésie locale poussée, souvent complétée par MEOPA [mélange
fiables s’ils sont effectués après arrêt d’au moins 5 jours des équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote] pour un
antihistaminiques et réalisés de façon standardisée. Leur résultat prélèvement dirigé au niveau du méat moyen) et réservés à des
(érythème, papule et prurit) n’est interprétable que si le témoin cas très particuliers, comme les enfants immunodéprimés.
effectué avec le diluant qui sert pour les allergènes testés est
bien négatif et le témoin effectué avec de l’histamine ou du Biopsie nasale
phosphate de codéine est bien positif.
.

Pour faire le diagnostic de dyskinésie ciliaire il faut faire une


biopsie nasale. Celle-ci peut se faire en consultation, sous
Examens de deuxième ligne anesthésie locale, mais il faut auparavant s’assurer que le
laboratoire d’anatomopathologie pourra bien analyser le
Examen tomodensitométrique
.

prélèvement et dans quelles conditions ils souhaitent recevoir le


Il n’est demandé que si une intervention chirurgicale prélèvement.
. est prévue, pour confirmer l’importance d’une anomalie archi-
tecturale ou préciser l’extension d’une mucocèle, de polypes,
etc. Traitement des facteurs favorisants
des sinusites répétées
Dosage des IgE spécifiques sériques
Les RAST (radio-allergo-sorbent test) sont actuellement rempla- Traitements chirurgicaux
cés par les dosages immuno-enzymatiques (par exemple, CAP- L’adénoïdectomie ne doit être proposée que si l’examen a
Elisa, enzyme linked immunosorbent assay). Ce dosage n’est qu’un montré une hypertrophie des végétations adénoïdes, surtout si
complément des tests cutanés d’allergie, qui ne doit être l’enfant a une symptomatologie d’obstruction haute nocturne
demandé que dans certains cas particuliers. (ronflements, sueurs, etc.).
Il faut être très prudent sur les indications de septoplastie
Bilan immunitaire chez l’enfant.
Les mucocèles sont traitées chirurgicalement, en général par
Le bilan immunitaire n’est indiqué qu’en cas d’association
voie endonasale.
des infections ORL à des infections d’autres organes (cf. supra).
Le dosage pondéral des immunoglobulines avec dosages des
IgG, des IgA, des IgM doit être interprété en fonction de l’âge. Traitements médicaux
Le dosage des sous-classes IgG2 et IgG4 n’est interprétable Le RGO doit être traité médicalement [29]. Il se fait selon les
qu’après l’âge de 18 mois. Le déficit en IgA est le plus fréquent modalités habituelles, associant les conseils hygiénodiététiques
chez l’enfant mais il est rarement symptomatique. En cas à un traitement médicamenteux spécifique du RGO. À l’heure
d’abcès cutanés multiples associés à des sinusites répétées, il faut actuelle, la classe thérapeutique la plus utilisée est celle des

6 Traité de Médecine Akos


Sinusite chez l’enfant ¶ 8-0620

inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). Tous les auteurs [23] Galicia G, Betancourt MA, Canales LE, Cristerna L. Ear, nose, and
s’accordent sur le fait qu’il faut prescrire le traitement à des throat manifestations in patients with primary immunodeficiency. Rev
doses supérieures et pour une durée plus prolongée chez Allerg Mex 1999;46:108-19.
l’enfant. [24] Raman V, Clary R, Siegrist KL, Zehnbauer B, Chatila TA. Increased
En cas d’allergie, il faut privilégier l’éviction de l’allergène et prevalence of mutations in the cystic fibrosis transmebrane
conductance regulator in children with chronic rhinosinusitis.
proposer un traitement antihistaminique. La désensibilisation
Pediatrics 2002;109:E13.
spécifique est rarement proposée pour des sinusites ORL [25] Morice AH, Fontana GA, Sovijarvi AR, Pistolesi M, Chung KF,
récidivantes isolées du jeune enfant, la situation est différente Widdicombe J, et al. The diagnosis and management of chronic cough.
s’il y a un asthme associé [22]. Eur Respir J 2004;24:481-92.
Les enfants qui ont une mucoviscidose [30], une polypose [26] Ameli F, Castelnuovo P, Pagella F, Caligo G, Cerniglia M, Delu G, et al.
nasosinusienne, une dyskinésie ciliaire, une déficience immuni- Nasal endoscopy in asthmatic children: clinical role in the diagnosis of
taire doivent avoir un traitement adapté. rhinosinusitis. Rhinology 2004;42:15-8.
. [27] Vandenplas Y, Ashkenazi A, Belli D, Boige N, Bouquet J, Cadranel S,
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M. François (martine.francois@rdb.aphp.fr).
Service ORL, Hôpital Robert Debré, 48, Boulevard Sérurier, 75935 Paris cedex 19, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : François M. Sinusite chez l’enfant. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 8-0620, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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8 Traité de Médecine Akos


8-0630

8-0630

Asthme de l’enfant
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

et du nourrisson
J de Blic

E n France, chaque semaine, un enfant de moins de 15 ans meurt d’asthme aigu grave.

© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : asthme, bronchiolite, bronchodilatateur, corticoïdes inhalés.


Le début est rarement brutal. Le plus souvent, la respiratoire, d’une durée variant de quelques jours à
Introduction crise s’installe progressivement le soir ou en fin quelques semaines. Un tableau d’asphyxie
d’après-midi, souvent précédée de prodromes. progressive s’installe, au terme duquel l’enfant meurt
Ceux-ci varient d’un enfant à l’autre, mais sont brutalement chez lui, parfois après une dernière
L’asthme est la plus fréquente des maladies pratiquement toujours les mêmes pour un même bouffée de b2-adrénergiques.
chroniques chez l’enfant (la prévalence est de l’ordre enfant : rhinorrhée claire aqueuse, toux sèche et Plus rarement, la mort survient très brutalement,
de 6 à 8 % en France) et sa fréquence, de même que quinteuse. souvent au domicile. Les autres causes de décès
sa sévérité, sont en augmentation constante depuis
La dyspnée, d’abord silencieuse, puis bruyante et dans l’asthme sont beaucoup plus rares : exposition
ces 20 dernières années. Paradoxalement, c’est aussi
surtout sifflante, prédomine à l’expiration. massive à un allergène, pneumothorax spontané,
la maladie qui souffre le plus d’un retard
La toux, parfois émétisante, peut devenir insuffisance surrénalienne, troubles du rythme,
diagnostique, et donc d’un retard et d’une
productrice et ramener une expectoration intoxication médicamenteuse, choc à l’aspirine, abus
insuffisance de traitement. Les progrès concernant
hypervisqueuse. de sédatifs.
les mécanismes physiopathologiques, ainsi que
L’enfant est angoissé, assis ou debout, penché en
l’amélioration des stratégies thérapeutiques, doivent
avant ou encore couché en « chien de fusil ».
¶ Complications
cependant désormais permettre à l’enfant – Troubles de ventilation. Ils sont liés à des
asthmatique de mener une vie normale, tout en Les sifflements peuvent être perçus à distance :
bouchons muqueux obstructifs dont l’organisation
préservant ou en restaurant son capital respiratoire c’est le wheezing. Le thorax est distendu en
peut réaliser un moule bronchique.
pour sa vie d’adulte. C’est dire que sa prise en charge inspiration, hypersonore.
– Pneumomédiastin, emphysème sous-cutané
se doit d’être précoce, globale et qu’elle exige une L’expiration est active, freinée, bruyante.
et pneumothorax. Le diagnostic doit être suspecté
éducation et un partenariat permanents entre le L’auscultation est caractéristique, avec de
devant une détérioration brutale de l’état
corps médical, l’enfant et sa famille. nombreux râles ronflants bronchiques, et surtout les
respiratoire, des douleurs rétrosternales irradiant aux
râles sibilants qui prédominent à l’expiration.
bras et au cou, aggravées par les mouvements
La température est en règle normale.


respiratoires et parfois par la déglutition. Le signe
Grâce au traitement, la dyspnée disparaît le plus clinique essentiel de l’emphysème sous-cutané est la
Diagnostic souvent en 1 ou 2 heures. Le retour à une perception d’une crépitation neigeuse de la région
respiration et une auscultation parfaitement cervicale et thoracique supérieure, douloureuse à la
normales n’est pas immédiat.
‚ Asthme de l’enfant palpation.
¶ Asthme aigu grave – Paralysies pseudopoliomyélitiques.
Définition Plutôt qu’état de mal asthmatique, il est préférable
¶ Équivalents d’asthme
La définition de l’asthme de l’enfant insiste, de parler d’asthme aigu grave. Il s’agit d’une crise qui
Il n’est pas rare que des manifestations moins
comme chez l’adulte, sur l’aspect physiopatholo- résiste au traitement bronchodilatateur initial bien
bruyantes que la crise représentent la symptomato-
gique. « L’asthme est une maladie inflammatoire conduit. Le premier signe d’alarme est donc
logie prédominante.
chronique des voies aériennes. Chez les sujets l’absence de réponse aux bronchodilatateurs
prédisposés, cette inflammation entraîne des (tableau I). Toux et trachéite spasmodiques
symptômes récidivants de sifflements, d’essouf- L’asthme aigu grave nécessite une prise en La toux chronique est un motif fréquent de
flement et de toux, particulièrement la nuit et au petit charge thérapeutique urgente. consultation en pédiatrie, atteignant 20 à 30 % des
matin. Ces symptômes sont généralement associés à La mortalité chez les asthmatiques varie, et se enfants [66]. Rapporter une toux chronique isolée à
une obstruction diffuse mais variable des voies situe aux alentours de 1 %. Elle survient avant tout un asthme repose sur la conjonction de plusieurs
aériennes qui est au moins partiellement réversible, chez les asthmatiques sévères, même si elle a été arguments :
soit spontanément, soit sous traitement. décrite chez des asthmatiques apparemment – épisodes de toux sèche, souvent à
L ’ i n fl a m m a t i o n e n t r a î n e é g a l e m e n t u n e modérés. L’adolescence est une période prédominance nocturne, notamment en dernière
augmentation de la réactivité des voies aériennes à particulièrement exposée, car les contraintes partie de nuit, mais également aux rires, lors de
une multitude de stimuli » [40]. médicales sont alors mal vécues, le traitement pris contrariétés ou d’émotions, à l’arrêt d’un effort ou
de façon fantaisiste, privilégiant souvent les aérosols lors de changements de temps, peu ou pas sensibles
Manifestations cliniques de b2-adrénergiques, au détriment des théra- aux traitements symptomatiques habituels ;
¶ Crise d’asthme peutiques au long cours. – positivité de l’enquête cutanée allergologique ;
C’est le principal motif de consultation et son La mort survient le plus souvent au terme d’une – présence d’une obstruction bronchique basale,
déroulement est le plus souvent stéréotypé. détérioration progressive négligée de l’état réversible après bronchodilatateurs. La recherche

1
8-0630 - Asthme de l’enfant et du nourrisson

Tableau I. – Évaluation de la sévérité d’une crise d’asthme chez l’enfant.

Symptômes Légère Modérée Sévère Dramatique


Dyspnée Modérée Modérée mais présente au repos Intense Extrême
Élocution aisée Phrases plus courtes Élocution diffıcile, dyspnéisante
Diffıcultés d’alimentation
Tirage Très modéré Modéré Intense sus- et sous-sternal Balancement thoracoabdomi-
nal
Fatigue Nulle ou modeste Modérée Intense Extrême
Troubles de la conscience
Coloration Normale Pâleur Cyanose discrète Cyanose et sueurs
Auscultation Sibilants Sibilants aux deux temps Thorax peu bruyant, peu mobile, distendu Silencieux
FR Peu modifiée > 40/min avant 2 ans > 40/min avant 2 ans Pauses
> 30/min après 2 ans > 30/min après 2 ans
FC Peu modifiée > 120-130/min > 120-130/min Bradycardie
HTA ou collapsus
Réponse b2 Rapide et stable Bonne, mais parfois brève : méfiance Insuffısante en durée et en intensité Très médiocre
DEP (1)
> 75 % 50 à 75 % < 50 % Non mesurable
SAO2 > 95 % 91 à 95 % < 90 % < 90 %

DEP : débit expiratoire de pointe ; FR : fréquence respiratoire ; FC ; fréquence cardiaque ; HTA : hypertension artérielle ; SaO2 : saturation artérielle en oxygène.
(1) La valeur (par rapport à la valeur attendue ou la meilleure valeur de l’enfant) est celle obtenue après les premiers bronchodilatateurs.

d’une hyperréactivité bronchique non spécifique est Diagnostic positif contrôle de l’environnement. Leurs résultats
utile mais semble moins discriminante ; complètent l’interrogatoire et l’examen clinique.
Le diagnostic d’asthme est généralement évident
– positivité du test thérapeutique. Les prick-tests constituent la méthode de
lorsque l’on assiste à la crise. À distance, le diagnostic
référence. La technique est simple, rapide, non
Manifestations d’effort repose sur l’interrogatoire. Un bilan est alors
douloureuse, mais exige une grande rigueur dans
Chez l’enfant, le bronchospasme induit par indispensable pour préciser le retentissement de
son exécution. Ils sont effectués chez un enfant en
l’exercice (BIE) est quasi constant et est quasi l’asthme et adapter la prise en charge.
état stable après arrêt des antihistaminiques H1. La
pathognomonique de l’asthme. Au décours d’un ¶ Recherche des facteurs déclenchants positivité d’un test cutané doit être interprétée par
exercice physique intense de plusieurs minutes L’interrogatoire permet en particulier l’étude des rapport à un témoin négatif (solution glycérinée à
(course à pied), survient une dyspnée avec sibilances facteurs déclenchant les crises : contacts 50 %) et positif (histamine à 1 mg/mL et phosphate
et qui s’accompagne d’un accès de toux. À la allergéniques, exercice physique, infections virales, de codéine à 9 %). On peut retenir [39], pour une
polypnée des premières minutes, succède une émotions, contrariétés, pollution (incluant la fumée allergie probable, un diamètre de la papule qui
bradypnée qui peut parfois s’accompagner d’un de cigarette), changement de temps, de climat. dépasse celui du témoin négatif d’au moins 2 mm,
tirage. L’intensité et le type de l’exercice qui Certaines circonstances sont également à risque et, pour une allergie quasi certaine, un diamètre de la
provoque le BIE sont variables d’un sujet à l’autre, et de crise d’asthme : rentrée scolaire, voyages, retours papule qui dépasse celui du témoin négatif d’au
dépendent en grande partie des conditions au domicile après les vacances, retour de cure ou de moins 6 mm. On peut aussi utiliser le rapport entre le
ambiantes (température extérieure, hygrométrie...) et séjour climatique. diamètre de l’induration induite par l’allergène et
du caractère stable ou instable de l’asthme. celui de l’induration induite par le test positif : positif
¶ Examens radiologiques si le diamètre moyen de la papule de l’allergène
Bronchites répétées À distance d’une crise, des clichés de thorax de dépasse de plus de 50 % celle du témoin positif et
Elles existent essentiellement chez le petit enfant face, en inspiration et en expiration forcées, sont est supérieur au témoin négatif [7, 13]. Des relevés de
de moins de 6 ans. Elles correspondent à des indispensables. Ils permettent de rechercher des surface sur papier de cellophane peuvent servir de
manifestations d’inflammation bronchique, à signes d’asthme grave, déformation thoracique avec test référence. La présence d’un dermographisme
prédominance automno-hivernale, en rapport avec distension thoracique, mauvaise vidange expiratoire, constitue un écueil non négligeable, tous les tests, y
une hyperréactivité bronchique non spécifique, et une pathologie pouvant simuler cliniquement un compris le témoin négatif, apparaissant comme
parfois viro-induite. La symptomatologie est assez asthme. faussement positifs.
stéréotypée, avec rhinorrhée, toux assez souvent Chez le grand enfant, les allergènes le plus
¶ Enquête allergologique
grasse, encombrement respiratoire, et bien souvent souvent en cause sont les acariens, suivis par les
la perception à l’auscultation de râles bronchiques Interrogatoire phanères d’animaux (principalement le chat), les
ou de râles sibilants, avec ou sans fièvre. La composante héréditaire de l’atopie est pollens de graminées, puis les blattes et les
clairement établie [17]. Le risque allergique est de 20 à moisissures.
Foyers récidivants 40 % si un des parents est allergique, 40 à 60 % si
Chez les enfants présentant des bronchites les deux sont allergiques, et peut aller jusqu’à 80 % Tests biologiques
récidivantes, il n’est pas rare que les clichés de risque si les deux parents sont atteints de la Arguments en faveur du terrain atopique
radiologiques mettent en évidence des foyers même pathologie [43]. – Hyperéosinophilie sanguine égale à 400/mm3.
pulmonaires, soit récidivants, soit persistants. Le L’existence d’un terrain atopique est définie d’une – Élévation des immunoglobulines (Ig) E sériques.
territoire le plus fréquemment touché est le lobe part par la présence d’un asthme, d’une pollinose, Les IgE totales peuvent être dosées par méthodes
moyen, avec un effacement du bord droit du cœur. d’un eczéma chez les parents ou dans la fratrie, radio-immunologiques par compétition (paper radio
et/ou par des antécédents personnels de dermatite immuno sorbent test [PRIST]) ou par méthodes
Laryngites récidivantes immunoenzymologiques (e n z y m e - l i n k e d
atopique.
Elles témoignent d’une hyperexcitabilité des voies immunosorbent assay [Elisa], fluoro allergo sorbent
aériennes inférieures, avec une dyspnée laryngée, Tests cutanés test [FAST]). Pour le PRIST, on retient comme
non fébrile, à début et à fin brusques, survenant avec Ils ont un intérêt capital et participent à la prise en pathologiques des valeurs supérieures à 1 UI/mL à la
prédilection en période hivernale. charge de l’asthme en orientant les mesures de naissance, à 5 UI/mL de 1 à 3 mois, et à 10 UI/mL de

2
Asthme de l’enfant et du nourrisson - 8-0630

4 à 6 mois. La limite supérieure des valeurs normales


peut ensuite être estimée arbitrairement à 20 U/mL Tableau II. – Principaux diagnostics différentiels de l’asthme.
par année d’âge, jusqu’à l’âge de 12 ans [43].
Nourrisson À tout âge Grand enfant
Identification des allergènes responsables
Obstruction des voies aériennes
Différents systèmes sont disponibles : proximales
CAPsystemt, Phadezymt (révélation par un anti-IgE
marqué à la bêta-galactosidase), Phadebast Rastt. La Corps étranger inhalé
Anomalie des arcs aortiques
recherche des IgE spécifiques sériques donne des
Kyste bronchogénique
résultats en concordance avec les tests cutanés dans Dyskinésie trachéale
plus de 85 % des cas, et avec les tests de provocation Dyskinésie bronchique
spécifique dans 85 à 90 % des cas. La justification Sténose trachéale
des tests in vitro doit être restreinte aux rares Sténose bronchique
situations où les tests cutanés sont difficiles ou Tumeur
impossibles à réaliser (dermatite atopique diffuse), ou Adénopathies
lorsque le test de provocation peut être dangereux. Obstruction des petites voies aé-
Tests multiallergéniques riennes
Ils détectent la présence d’IgE spécifiques de Mucoviscidose
plusieurs allergènes fixés sur un même support. De Dysplasie bronchopulmonaire
nombreux tests sont désormais proposés : Dyskinésie ciliaire primitive
Séquelle grave de virose (bron-
– les tests multiallergéniques à réponse globale chiolite oblitérante)
répondent de façon binaire : positive ou négative. Ce Cardiopathie congénitale Poumon éosinophile
sont le Phadiatopt, l’Alatopt, le Litatopt, (shunt gauche droit)
l’Allergyscreent, le Fastscreent. Parfois, le choix
Aspiration
oriente vers une classe d’allergènes comme les
Trophatopt ou le Stallersceen t. L’objectif est Reflux gastro-œsophagien
d’apporter une réponse simple à la question : Fistule œsotrachéale
existe-t-il chez cet enfant une origine allergique à la Troubles de la déglutition
Dysfonction des cordes vocales
symptomatologie présentée ?
– les tests multiallergéniques à réponse
spécifique qualitative (donnant une réponse La recherche d’une hyperréactivité bronchique ‚ Asthme du nourrisson
qualitative pour les allergènes testés) et à réponse non spécifique, ou la réversibilité du bronchospasme
à l’inhalation de b2-adrénergiques trouve surtout Manifestations cliniques
spécifique semi-quantitative (donnant des réponse
de 0 à 4 pour les allergènes testés) permettent la son intérêt quand le diagnostic d’asthme est À l’inverse de l’enfant où la définition insiste sur
discrimination des allergènes sur un même support incertain. l’aspect physiopathologique, la définition de
ou avec des allergènes séparés. Il s’agit du Matrix L’EFR permet d’apprécier objectivement l’état l’asthme du nourrisson reste encore une définition
aéro plust, Stallerdist, les Screen t, Mast Clat 30, respiratoire. Chez un enfant non traité, des EFR clinique [58]. On considère comme un asthme « tout
Kallerstat t. Ces tests n’apportent pas en général normales en période intercritique permettent de ne épisode dyspnéique avec sibilants qui se reproduit
d’élément supplémentaire comparé aux prick-tests, proposer qu’un traitement à la demande. au moins trois fois avant l’âge de 2 ans et ceci quels
et sont plus coûteux. Inversement, une obstruction intercritique, même en que soient l’âge de début, l’existence ou non de
l’absence de perception clinique, invite à la mise en stigmates d’atopie et la cause apparemment
Un test négatif ne permet pas d’exclure une route d’un traitement de fond. Les EFR permettent de déclenchante ».
hypersensibilité soupçonnée cliniquement. mesurer l’efficacité réelle des traitements prescrits, et L’aspect le plus habituel de la crise d’asthme est
Inversement, un test positif ne doit pas faire déduire d’en adapter la posologie. La normalisation des réalisé par la bronchiolite aiguë virale, dont le
que cette sensibilisation est de fait pathogène. Les volumes et débits grâce au traitement, permet de déroulement est assez stéréotypé : 2-3 jours après
références médicales opposables retiennent la prévoir une excellente qualité de vie. Cette une infection oto-rhino-laryngologique (ORL) banale
possibilité de prescrire cinq tests pneumallergènes et surveillance doit concerner tous les enfants avec une rhinite, apparaissent une toux plutôt sèche,
cinq trophallergènes ou un test multiallergénique. asthmatiques, annuellement en cas d’asthme bien répétitive, volontiers quinteuse et bientôt un
contrôlé, et de façon tri- ou quadrimestrielle lors de wheezing, sifflement expiratoire audible à distance et
¶ Explorations fonctionnelles respiratoires (EFR)
l’adaptation d’un traitement de fond. témoin direct de l’obstruction bronchiolaire. Les
Elles sont indispensables. Le choix des tests à La mesure du débit expiratoire de pointe (DEP) est signes respiratoires associent une polypnée, des
réaliser dépend de l’âge de l’enfant. Chez l’enfant à un complément très utile en consultation ou au signes de lutte dont l’importance reflète la gravité et
partir de l’âge de 6-7 ans et capable d’effectuer des domicile pour la mesure de l’obstruction bronchique. la tolérance de l’épisode. L’auscultation retrouve les
manœuvres forcées, la spirométrie et les courbes La valeur exprimée en litre par minute (L/min) est râles sibilants caractéristiques. L’état général est
débit-volume sont possibles, et permettent d’obtenir corrélée à la taille de l’enfant. L’augmentation du conservé, la fièvre est inconstante. Après un plateau
la mesure du volume expiratoire maximal/seconde DEP d’au moins 20 % après l’inhalation de de quelques jours, l’évolution se fait habituellement
(VEMS), de la capacité vitale (CV), des débits bronchodilatateurs a une excellente valeur vers la guérison.
maximaux à différents points de la CV (DEM25, diagnostique. Des variations circadiennes D’autres aspects sont possibles : wheezing
DEM75, DEM25-75…). Chez l’enfant plus jeune, supérieures à 20 % du DEP témoignent d’un asthme persistant, crises modérées avec dyspnée et sibilants,
entre 3-4 et 6 ans, les manœuvres forcées ne sont instable. L’importance de la chute de DEP lors d’une ou toux spasmodique avec quelques sibilants en fin
pas réalisables ou reproductibles, et l’on a recours à crise, et l’évaluation de la réponse après de crise de toux, crises sévères pouvant conduire à
la mesure des résistances des voies aériennes par l’administration de b2-adrénergiques, améliorent la une insuffisance respiratoire aiguë grave.
pléthysmographie, par interruptions intermittentes prise en charge à domicile. Si les virus constituent le facteur précipitant le plus
du débit du courant aérien, ou par la technique des fréquent, il faut également mentionner le rôle du
oscillations forcées. À tout âge enfin, il est possible Diagnostic différentiel terrain atopique, des allergènes, du diamètre des
de mesurer la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF), On ne peut parler d’asthme sans évoquer les voies aériennes, de l’hyperréactivité bronchique, du
soit par dilution à l’hélium, soit par autres causes de toux chronique et de dyspnée tabagisme.
pléthysmographie. obstructive. Certaines d’entre elles peuvent coexister L’asthme du nourrisson constitue très
Les EFR ont peu d’intérêt en crise mais sont avec l’asthme ou s’accompagner d’hyperréactivité probablement une population hétérogène,
incontournables en période intercritique. bronchique (tableau II). comportant des nourrissons sans terrain prédisposé

3
8-0630 - Asthme de l’enfant et du nourrisson

et dont les manifestations restent transitoires, en revanche, un taux élevé est associé à un risque de – b2-adrénergiques inhalés longue action
partie liées à l’action des viroses sur une étroitesse sensibilisation, mais n’est pas prédictif de la survenue (b2-LA) : deux molécules sont disponibles, le
excessive des voies aériennes, primitive ou liée à un d’asthme [14]. salmétérol et le formotérol. Ils ne nécessitent que
tabagisme maternel, des nourrissons asthmatiques Divers marqueurs ont été étudiés qui restent deux prises quotidiennes, car l’effet bronchodila-
dont les manifestations persistent, et une population encore pour l’instant du domaine de la recherche : tateur persiste de façon significative à la 12e heure.
frontière pour laquelle les facteurs de l’environ- – positivité d’un test cutané à l’œuf [42] ou à un Les b2-LA ont également un effet protecteur sur le
nement sont susceptibles de déclencher le passage pneumallergène [12] ; BIE, qui persiste 8 à 10 heures. Les posologies
vers l’asthme. Le suivi prospectif de cohortes de – diminution de la production d’interféron (IFN)c préconisées sont de 50 µg par prise pour le
nouveau-nés montre que, parmi les nourrissons qui par les cellules mononucléées du sang du cordon salmétérol et de 12 µg par prise pour le formotérol.
ont eu avant l’âge de 3 ans au moins un épisode chez les sujets atopiques [33, 35] ;
sifflant, 59 % sont asymptomatiques à l’âge de – présence de marqueurs de l’inflammation ¶ Bases xanthiques
6 ans, tandis que 41 % restent symptomatiques [36]. (protéine cationique des éosinophiles [ECP] [26], Elles agissent par inhibition de la phosphodi-
protéine X de l’éosinophile [EPX], molécule estérase. Les formes à libération prolongée sont
Diagnostic de l’asthme du nourrisson d’adhésion integrin cellular adhesion molecule réservées au traitement de fond. Elles nécessitent
Il est difficile, lors des premiers accès dyspnéiques, [ICAM]-1, interleukine [IL] 4…) ; une adaptation des doses journalières aux
de distinguer les premières crises d’asthme d’une – recherche de marqueurs génétiques : théophyllinémies plasmatiques. La posologie initiale
simple bronchiolite. Les arguments à retenir pour le chromosome 11q13, région 5q31-33, chromosome est de 12 à 14 mg/kg/j, sans dépasser 300 mg/j. Le
diagnostic d’asthme du nourrisson sont les suivants. 12q en particulier [5]. but est de maintenir une théophyllinémie entre 10 et
20 µg/mL pendant tout le nycthémère. Au-delà de
¶ Clinique Diagnostic différentiel 20 µg/mL, les effets secondaires sont à craindre. Le
Sur le plan clinique, outre la répétition des crises, L’asthme ne résume pas toutes les causes de risque d’effet toxique menaçant la vie augmente
c’est la survenue des épisodes de toux et de sibilants wheezing du nourrisson (tableau II). Malgré leur progressivement au-delà d’un taux sérique supérieur
en dehors d’une infection virale. faible fréquence, leur prise en charge spécifique à 30 µg/mL. Il est prudent, devant toute suspicion de
¶ Évaluation du terrain atopique justifie la pratique systématique d’un bilan surdosage (céphalées persistantes, irritabilité,
– Présence de stigmates d’atopie (asthme, respiratoire initial comportant, outre un tachycardie, nausées ou vomissements), d’arrêter la
pollinose, dermatite atopique) chez les parents ou interrogatoire et un examen clinique soigneux, des théophylline et de ne la reprendre, éventuellement,
dans la fratrie, présence ou notion d’une dermatite clichés de thorax de face en inspiration et expiration qu’après dosage de son taux sérique. Le risque
atopique chez le nourrisson. forcées, et de profil, un transit œso-gastro-duodénal majeur est le risque neurologique avec convulsions,
– Élévation des IgE totales. (TOGD) avec recherche avant tout d’un arc pouvant entraîner des dégâts cérébraux irréversibles
– Positivité des tests cutanés. Elle n’est retrouvée vasculaire anormal, un test de la sueur, un dosage ou le décès.
que dans 30 à 40 % des cas, mais a une valeur des Ig, un examen ORL complet. En fonction des
prédictive importante pour la persistance des résultats et de la sévérité des manifestations, ces ¶ Atropiniques
manifestations d’asthme [12]. La positivation d’un ou explorations sont complétées par d’autres Ils sont représentés par l’ipratropium bromure et
plusieurs prick-tests à 4-6 mois d’intervalle a une investigations plus spécialisées, au premier rang l’oxitropium bromure en aérosol doseur. Leurs
valeur diagnostique importante. desquelles se place l’endoscopie bronchique. indications sont moins bien définies chez l’enfant. Ils
– Dosage des IgE spécifiques. Il est utile en cas de peuvent être utiles en traitement de fond, comme


prick-tests négatifs, douteux ou chez des nourrissons compléments à d’autres produits actifs quand
dont la peau est difficilement testable. Pas plus que Traitement de l’asthme ceux-ci se montrent insuffisants. La solution
les pricks-tests, ils ne démontrent la culpabilité de d’ipratropium peut également être utilisée en
l’allergène. Ils témoignent avant tout du terrain association avec les b2-adrénergiques dans le
atopique. ‚ Médicaments disponibles traitement de la crise.
Ils sont représentés par quatre grandes classes
¶ Épreuves fonctionnelles respiratoires
thérapeutiques : les bronchodilatateurs Antiallergiques
Des techniques non invasives pour le nourrisson
(b2-adrénergiques, bases xanthiques et
sont disponibles. Différents tests pulmonaires sont – Le cromoglicate de sodium (Lomudalt) est une
atropiniques), les antiallergiques, les corticoïdes et les
possibles. La mesure du Vmax CFR par la technique cromone et agit en stabilisant la membrane
antileucotriènes.
de la jaquette, et l’analyse des paramètres au mastocytaire. C’est un médicament purement
volume courant, sont les tests les plus courants pour Bronchodilatateurs préventif, sans action bronchodilatatrice. Sa durée
dépister une obstruction, rechercher une d’action nécessite trois ou quatre prises par jour. Sa
hyperréactivité bronchique ou une réponse à ¶ b2-adrénergiques
Leur action essentielle est la stimulation des toxicité est nulle et sa tolérance excellente.
l’administration de bronchodilatateur. Cependant, il
récepteurs b2-adrénergiques des muscles lisses – Comme le cromoglicate, le nédocromil
s’agit d’une technique longue, nécessitant le
bronchiques. De nombreuses molécules sont (Tiladet) prévient la dégranulation mastocytaire,
sommeil du nourrisson (induit par l’hydrate de
actuellement disponibles : fénotérol, pirbutérol, avec une action plus puissante, notamment sur les
chloral) et qui n’est pas réalisée en routine.
salbutamol, terbutaline. Ils peuvent être administrés mastocytes muqueux. Il a également une activité
¶ Négativité de l’enquête étiologique par voie orale, parentérale (sous-cutanée, anti-inflammatoire. Il est destiné au traitement de la
Elle implique la recherche d’une autre cause de intraveineuse) ou par inhalation (aérosol doseur, crise.
wheezing. poudre sèche, solution pour nébulisation). – Le kétotifène est considéré comme
– L’utilisation des b2-adrénergiques par voie antiallergique et antihistaminique. Il est disponible
Recherche de facteurs prédictifs orale ne se justifie guère que chez les jeunes enfants. par voie orale (gélules et sirop). Il est prescrit surtout
La prise en charge adéquate et la mise en route Les b2-adrénergiques oraux à action prolongée sont chez le jeune enfant atteint d’asthme bénin-modéré
d’une prévention, qui pour être efficace doit être représentés par la terbutaline longue action et/ou de manifestations allergiques ORL,
précoce, nécessitent l’identification des nourrissons à (Bricanylt LP)1 comprimé matin et soir à partir de ophtalmologiques ou cutanées. Il faut connaître,
risque. Il n’existe cependant pas aujourd’hui de 5 ans et le bambutérol (Oxéolt) à partir de 15 ans. chez certains, la possibilité d’effets secondaires à
marqueurs prédictifs à la fois sensibles et spécifiques, – La voie inhalée est la voie de choix, car elle type d’excitation ou au contraire d’hypersomnie.
et le terrain atopique reste à l’heure actuelle le possède le meilleur rapport efficacité-effets
meilleur marqueur prédictif de persistance de secondaires. L’activité bronchodilatatrice est très Corticoïdes
l’asthme. La valeur prédictive des IgE du sang du rapide : 80 % de l’activité est obtenue en 5 minutes,
cordon a fait l’objet de nombreuses publications. et l’essentiel de la bronchodilatation est obtenue en Par leur action anti-inflammatoire, ils représentent
Pour Kjellman et al, 80 % de ceux qui avaient des 15 minutes. Les effets secondaires à type de le médicament le plus puissant de l’asthme, mais
taux à 0,9 UI/mL ont présenté des manifestations tremblements des extrémités susceptibles de gêner leurs effets secondaires systémiques en limitent
allergiques avant 6 ans [25]. Pour Edenharter et al, en l’écriture, ou de tachycardie, sont peu fréquents. l’utilisation orale prolongée.

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Asthme de l’enfant et du nourrisson - 8-0630

¶ Corticoïdes systémiques tout à fait comparable à celle des contrôles, qu’ils – la responsabilité d’un allergène doit être
L’activité biologique des corticoïdes passe par la aient eu ou non une corticothérapie inhalée [2, 3, 51]. Il prouvée, par l’interrogatoire, les tests cutanés, et si
synthèse d’une série de protéines, qui explique que faut tenir compte du fait que l’asthme par lui-même nécessaire par les tests de provocation spécifique ;
le délai de réponse lors d’une crise soit au minimum peut retentir sur la croissance [4]. – les inconvénients de la désensibilisation
de 2 heures. Un traitement court de moins de 1 doivent être négligeables par rapport aux
Métabolisme osseux
semaine entraîne un freinage hypothalamohypo- conséquences immédiates de la pathologie
physaire transitoire (8-10 jours). Une décroissance Les résultats sur le turnover et la minéralisation
asthmatique ;
progressive n’a donc pas d’indication endocrinienne. osseuse pouvant faire craindre une ostéoporose à
– la désensibilisation ne peut être envisagée
Il est préférable de ne donner qu’une dose matinale, long terme, sont également discordants. Différents
qu’après un contrôle au moins partiel de l’asthme ;
et d’éviter les produits à demi-vie longue. paramètres marqueurs de l’ostéosynthèse ou de
– l’adhésion de l’enfant et de ses parents est
l’ostéolyse peuvent être évalués. Certaines études
En dehors de l’utilisation en crise aiguë, très peu indispensable pour une bonne coopération.
biologiques plaident en faveur d’un ralentissement
d’enfants asthmatiques nécessitent désormais une En pratique, son indication principale est l’asthme
du métabolisme osseux [34]. En revanche, la majorité
corticothérapie générale prolongée. Il faut alors allergique aux acariens, modéré et stabilisé par le
des mesures de densitométrie osseuse par
choisir les corticoïdes à demi-vie courte (prednisone, contrôle de l’environnement et la pharmacothé-
absorptiométrie biphotonique sont rassurantes [1, 30].
prednisolone, méthyl-prednisolone), donner la rapie. Deux voies de sensibilisation sont
thérapeutique en une seule prise, le matin, utiliser Autres actuellement proposées : sous-cutanée et
une posologie initiale forte (1 à 2 mg/kg/j) et passer – Le risque de candidose buccale, de dysphonie sublinguale [29].
le plus rapidement possible à une prise alternée ou de raucité de la voix est faible (1 à 2 % des cas),
1 jour sur 2. Puis, en lui substituant la voie inhalée, en particulier avec les chambres d’inhalation. La Mesures adjuvantes
sinon sevrer, du moins arriver à une posologie cause principale de la dysphonie est une dyskinésie – Kinésithérapie respiratoire.
minimale permettant le contrôle de l’état respiratoire de la musculature volontaire qui contrôle les cordes – Antibiothérapie. Elle est rarement utile. Peu de
et une vitesse de croissance normale. vocales [6]. crises d’asthme chez l’enfant sont déclenchées ou
¶ Corticoïdes inhalés – Le risque de cataracte [53] ou d’amincissement associées à une infection bactérienne.
Les corticoïdes inhalés représentent désormais cutané est exceptionnel. – Séjours prolongés en altitude. Ils ne sont
l’arme essentielle du traitement au long cours de La prévention de ces effets secondaires, même indiqués que dans les formes d’asthme grave non
l’asthme persistant [6, 60] . Ils ne peuvent être s’ils sont rares aux doses habituellement utilisées, équilibré malgré un traitement lourd, pour éviter une
considérés comme un traitement de la crise. Sont repose sur : corticothérapie orale prolongée, d’autant qu’un
disponibles : le dipropionate de béclométasone, le – la recherche systématique de la dose minimale éloignement temporaire du milieu familial et un
budésonide, le flunisolide, la fluticasone. Les efficace ; encadrement médical dans un centre spécialisé
glucocorticoïdes administrés en aérosols, qu’ils – l’utilisation de chambre d’inhalation en cas de paraissent nécessaires.
soient déglutis ou réabsorbés au niveau du poumon, spray ; – Enfin, l’intervention d’un pédopsychiatre ou
subissent un catabolisme hépatique rapide et – le rinçage de la bouche après utilisation ; d’un psychologue peut être nécessaire.
important, aboutissant à des métabolites peu ou pas – le fractionnement de la dose quotidienne en
actifs. L’amélioration de leur activité anti- période instable. ‚ Systèmes d’inhalations
inflammatoire et de leur affinité pour les récepteurs L’asthme sévère est une maladie chronique et L’apport direct de particules au niveau de l’arbre
aux glucocorticoïdes limite encore les effets grave, potentiellement mortelle, et les méfaits d’un respiratoire constitue théoriquement la meilleure
systémiques secondaires potentiels des nouvelles asthme insuffisamment traité excèdent de très loin utilisation dans l’asthme. En effet, malgré le faible
molécules disponibles. Dès les 2-3 premiers mois de les inconvénients potentiels de la corticothérapie pourcentage de médicament (au mieux 10 % avec
traitement, les corticoïdes inhalés améliorent le inhalée. les aérosols doseurs) qui atteignent les voies
nombre de crises, la fréquence et l’intensité des aériennes intrathoraciques, la voie inhalée permet
symptômes diurnes et nocturnes, l’asthme induit par Antileucotriènes d’obtenir le meilleur rapport efficacité/effets
l’exercice, et les paramètres d’EFR. L’hyperréactivité Les inhibiteurs des récepteurs des leucotriènes secondaires. Plusieurs systèmes d’inhalation sont
bronchique peut diminuer franchement en cas sont venus enrichir récemment l’arsenal actuellement disponibles, et les indications, pour
d’asthme modéré, mais ne semble pas pouvoir thérapeutique. Modestement bronchodilatateurs, ils chaque enfant, doivent être discutées en fonction de
disparaître. sont avant tout anti-inflammatoires, et sont indiqués l’âge, de l’utilisation en crise ou en traitement de
fond, de la sévérité de l’asthme (tableau III).
¶ Tolérance des corticoïdes inhalés dans l’asthme persistant léger à modéré, en
L’excellente tolérance clinique, même à des doses adjonction des corticoïdes inhalés lorsque ceux-ci ne
contrôlent pas suffisamment l’asthme. Seul est Aérosol doseur
fortes et prolongées, ne signifie pas que les
corticoïdes inhalés ne puissent avoir aucun disponible actuellement en France le montélukast Les aérosols doseurs ou sprays sont constitués de
retentissement. (Singulairt). Il est administré en une prise particules de produit actif, de lubrifiants (parfois
quotidienne par voie orale (5 mg avant 14 ans et responsables de toux ou de bronchospasme) et d’un
Axe corticosurrénalien 10 mg au-delà). Les études réalisées montrent, d’une gaz propulseur. Jusqu’à ces dernières années, celui-ci
Les corticoïdes inhalés peuvent entraîner une part une amélioration de l’asthme induit par était représenté par le fréon. La suppression
inhibition de l’axe corticosurrénalien, mesurée par l’exercice, d’autre part une amélioration de la progressive des chlorofluorocarbones a amené la
l’aire sous la courbe du cortisol plasmatique ou le consommation de b2-adrénergiques, une mise au point de nouveaux gaz, en particulier
corticol libre urinaire des 24 heures [44]. Il existe une amélioration de la qualité de vie, une amélioration l’hydrofluoroalkane (HFA). Lors de l’inhalation d’un
freination dose-dépendante, mais aux doses du DEP du matin, et une amélioration de aérosol doseur, 80 % de la dose délivrée subissent
habituellement prescrites (1 000 µg/j), les études l’éosinophilie sanguine lors d’un traitement de une impaction dans l’oropharynx, 10 % sont retenus
montrent des résultats discordants, soit absence de plusieurs semaines. Le recul manque encore pour dans l’aérosol doseur et 10 % sont seulement
modification, soit inhibition modeste. situer leur place exacte dans les schémas déposés dans les voies aériennes intrapulmonaires
Croissance thérapeutiques pédiatriques [23, 26]. [37, 41]
. La déposition pulmonaire des molécules
Certaines études, qui ont utilisé des méthodes actives corticoïdes et b2-adrénergiques propulsées
Immunothérapie par les nouveaux gaz HFA semble supérieure [31].
précises comme la knémométrie, ont pu montrer un
ralentissement de la vitesse de croissance sur de Elle a fait les preuves de son efficacité, surtout Les aérosols doseurs constituent a priori le mode
courtes périodes [65]. Un certain nombre d’études ont chez les sujets jeunes, encore améliorée par le plus pratique d’inhalation. Cependant, l’inhalation
montré, sur une période de 1 an, un ralentissement l’utilisation d’extraits allergéniques purifiés, et la mise correcte implique une coordination mains-poumons
modéré de la vitesse de croissance, avec un au point de protocoles de désensibilisation accélérée que seuls des enfants coopérants et parfaitement
infléchissement de l’ordre de −0,5 DS [52, 62]. En ou semi-accélérée [ 9 ] . L’indication d’une entraînés sont capables de maîtriser.
revanche, les études sur plusieurs années montrent désensibilisation spécifique doit répondre à un Il faut :
que la taille définitive des adultes asthmatiques est certain nombre de critères précis : – secouer le tube et ôter le capuchon ;

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8-0630 - Asthme de l’enfant et du nourrisson

Tableau III. – Principales drogues utilisables en inhalation dans l’asthme de l’enfant.

Classe DCI Présentation Nom commercial Dose unitaire


Fénotérol Aérosol-doseur Berotect 200 µg
Solution pour nébulisation Berotect 0,1 % 1 mg/1 mL
Pirbutérol Aérosol-doseur (Autohaler) Maxair™ 200 µg
b2-adrénergiques Salbutamol Aérosol-doseur Ventoline™, Eolènet, Spréort, 100 µg
Airomirt (HFA)
Solution pour nébulisation Ventoline™ solution 5 mg/mL
Poudre sèche Ventodisk™ 200 µg
Poudre sèche Buventol Easyhalert 100 µg
Terbutaline Aérosol-doseur Bricanylt 250 µg
Solution pour nébulisation Bricanylt solution pour inhalation 5 mg/2 mL
Poudre sèche Bricanylt Turbuhalert 500 µg
Atropiniques Ipratropium bromure Aérosol-doseur Atroventt 20 µg
Solution pour nébulisation Atroventt 250 µg
Oxitropium bromide Aérosol-doseur Tersigatt 100 µg
Cromones Cromoglycate de sodium Capsule pour inhalation Lomudalt avec Spinhalert 22,2 mg
Aérosol-doseur Lomudalt 5 5 mg
Solution Lomudalt 18,3 mg/2 mL
Nédocromil sodique Aérosol-doseur Tiladet 1,788 mg
Corticoïdes inhalés Budésonide Aérosol-doseur Pulmicortt 100 et 200 µg
Poudre sèche Pulmicortt Turbuhalert 100, 200 et 400 µg
Suspension Pulmicortt nébulisation 500 et 1 000 µg
Dipropionate de béclométasone Aérosol-doseur Bécotide™, Beclojett , Spirt 50 et 250 µg
Beclone 250 µg
Aldecidet 50 µg
Aérosol-HFA Prolair™ (Autohaler) 250 µg
Qvar™ (Autohaler)(1) 1000 µg
Béclométasone Norton 50 et 250 µg
Poudre sèche Bemedrex Easyghalert 250 µg
Asmabec Clickhalert 100 et 200 µg
Flunisolide Aérosol-doseur Bronilidet 250 µg
Fluticasone Aérosol-doseur Flixotide™ (1) 50 µg
Poudre sèche 250 µg
Flixotide diskhaler™ (1) 250 µg
Flixotide diskus™ (1) 250 et 500 µg
Associations Salmétérol + fluticasone Poudre sèche Sérétidet 25 µg + 100 µg
25 µg + 250 µg
25 µg + 500 µg
Formotérol + budésonide Poudre sèche Symbicortt 6 µg + 200 µg
Ipratropium + fénotérol Aérosol-doseur Bronchodualt 20 µg + 50 µg
Poudre Bronchodualt poudre 40 µg + 100 µg
Ipratropium + salbutamol Aérosol-doseur Combiventt 20 µg + 100 µg
(1)Autorisation de mise sur le marché (AMM) à partir de 15 ans.

– effectuer une expiration lente et profonde ; mains-poumons, et d’obtenir une déposition plus l’inhalation du produit actif. Les inhalateurs de
– placer l’embout dans la bouche en l’enserrant importante des médicaments au niveau des poudre sèche peuvent être unidoses (Spinhalert
dans les lèvres (le fond de la cartouche étant placé poumons. Les principales chambres d’inhalation utilisé pour l’inhalation de cromoglycate, l’ISFt pour
vers le haut) ; sont coniques, ont un volume d’environ 750 mL, le formotérol) ou multidoses (Diskhalert pour le
– commencer une inspiration lente et profonde ; sont munies d’un embout buccal et d’une valve salbutamol et le salmétérol, Diskust pour le
– presser la cartouche métallique peu après le unidirectionnelle (Aeroscopict, Nebuhalert, salmétérol et la fluticasone, Turbuhalert pour la
début de l’inspiration ; Volumatict). D’autres ont un volume plus petit, terbutaline et le budésonide, Easyhalert pour le
– maintenir une apnée de 5 à 10 secondes. peuvent être couplées à un masque facial salbutamol ou la béclométasone, ClickHalert pour le
Les étapes essentielles sont l’inspiration lente et (Babyhalert, Aerochambert, NesSpacert) et sont salbutamol…).
profonde qui améliore la distribution du produit destinées au nourrisson. L’efficacité optimale est Le facteur limitant essentiel de l’efficacité des
dans les voies aériennes, et l’apnée qui permet aux obtenue en respiration normale à volume courant, inhalateurs de poudre est le débit inspiratoire de
particules de l’aérosol de s’attacher aux voies l’enfant effectuant cinq à six cycles, et les bouffées pointe. Ils peuvent être utilisés chez l’enfant à partir
aériennes périphériques et centrales. L’Autohalert étant inhalées séparément. de 5 ans. La manœuvre d’inhalation est simplifiée et
est un aérosol doseur déclenché par l’inspiration. Il L’adaptation d’un masque facial les rend l’apprentissage plus facile.
diminue le temps d’apprentissage et abolit les utilisables chez le nourrisson dès l’âge de 6 mois. Il faut :
difficultés de coordination. – expirer avant l’inhalation et en dehors de
Inhalateur de poudre sèche l’appareil ;
Chambre d’inhalation Le médicament actif est stocké sous forme – inspirer profondément le plus rapidement
Les chambres d’inhalation ont pour objectif de d’agrégats isolés ou associés à des particules possible à travers l’appareil ;
surmonter le problème de la coordination porteuses. C’est l’inspiration active qui permet – maintenir une apnée de quelques secondes.

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Asthme de l’enfant et du nourrisson - 8-0630

Nébulisation
L’intérêt des nébulisations est de n’exiger aucune
coopération de la part de l’enfant. Le produit actif est
β2-adrénergiques inhalés
délivré par l’intermédiaire d’un masque, dans lequel spray ± chambre d'inhalation deux bouffées
l’enfant respire à son rythme. Deux types de matériel inhalateur de poudre une à deux doses
sont actuellement utilisables : à répéter 20 à 40 min plus tard si besoin
jusqu'à trois prises dans l'heure
– nébuliseurs pneumatiques ou jet nebulizers :
ils utilisent une source de gaz sous pression, soit
l’oxygène mural (ou en obus), soit un compresseur.
Le produit à nébuliser est placé dans un réservoir,
aspiré et dispersé par effet Venturi. Les appareils Évaluation après 1 heure
(compresseurs et nébuliseurs) disponibles sont
nombreux et inhomogènes dans leurs perfor-
mances. La vitesse d’élimination est habituellement
Succès stable = crise usuelle Échec = crise sévère
lente, de l’ordre de 0,5 mL/min ;
– nébuliseurs ultrasoniques : ils sont constitués
DEP > 80 %
d’un réservoir au fond duquel est placé un quartz
piézoélectrique qui assure une vibration supérieure à
1 MHz. La vitesse d’élimination peut dépasser
1 L/min, permettant ainsi des nébulisations de moins Répéter les β2-adrénergiques inhalés
de 4-5 minutes. Les nébuliseurs ultrasoniques ne Corticothérapie orale
conviennent pas aux suspensions de corticoïdes 2 mg/kg en une prise
inhalés (budésonide). Les nébulisations permettent β2-adrénergiques sous-cutanés
l’administration de la plupart des drogues utilisées 1/4 d'ampoule pour 15 kg
dans l’asthme. Pour chaque molécule à nébuliser, il
est indispensable de valider un ou plusieurs couples
Traitement de consolidation Succès (< 2 heures)
compresseur-nébuliseur. β2-adrénergiques inhalés
Les nébulisations représentent le mode Trois à quatre fois par jour
d’inhalation de choix pour l’administration de pendant 24 à 48 heures Persistance
b2-adrénergiques lors d’une crise d’asthme sévère,
quel que soit l’âge de l’enfant, et chez le nourrisson
pour un traitement de fond lorsque les chambres
d’inhalation ne sont pas possibles.
Réévaluer la prise en charge Transfert en milieu hospitalier
‚ Traitement de la crise

Chez l’enfant
Il doit être précoce, tout retard à l’institution du
traitement de la crise pouvant être profondément 1 Traitement de la crise d’asthme à domicile. DEP : débit expiratoire de pointe.
préjudiciable.
entraîner une bronchodilatation plus importante et Chez le nourrisson
¶ Traitement crise usuelle
plus durable [49]. L’utilisation d’aérosols doseurs à
Le traitement d’une crise usuelle est schématisé ¶ Place des bronchodilatateurs
doses élevées, couplés à une chambre d’inhalation,
dans la figure 1.
s’est révélée aussi efficace et bien tolérée chez L’efficacité des b2-adrénergiques chez le
¶ Traitement d’une crise sévère au domicile l’enfant au cours des crises d’asthme de sévérité nourrisson est très inconstante, liée à une faible
La persistance de la gêne malgré l’inhalation de moyenne [24] ; déposition pulmonaire et à l’obstruction
b2-adrénergiques et/ou un DEP qui ne remonte pas – adaptation de l’oxygénothérapie nasale en bronchiolaire, d’origine essentiellement mécanique,
à une valeur supérieure à 80 % des valeurs usuelles fonction de la saturation de l’hémoglobine en tandis que la part du spasme est très restreinte. Si les
et ne s’y maintient pas pendant au moins 4 heures, oxygène dans le sang artériel (SaO2) ; nébulisations de b2-adrénergiques sont
témoignent d’une crise sévère. Le traitement est au – poursuite de la corticothérapie ; habituellement bien tolérées chez le nourrisson [21], il
mieux mis en route au domicile (fig 2) : – utilisation de l’aminophylline intraveineuse : faut savoir qu’elles sont susceptibles avant l’âge de 1
– b2-adrénergiques injectables par voie elle est très controversée en raison de sa marge an d’entraîner un effet paradoxal [50] : bronchocons-
sous-cutanée : terbutaline (Bricanylt) ou salbutamol thérapeutique étroite ; triction hypoxie par aggravation du rapport
(Ventolinet) 7 à 10 µg/kg (c’est-à-dire à un quart Autres mesures thérapeutiques : ventilation/perfusion et de l’effet shunt. Dans les
d’ampoule pour 15 kg) ; – hydratation : l’apport hydrique doit être de crises moins sévères, les chambres d’inhalation de
– corticothérapie orale : prednisolone ou l’ordre de 2,2 L/m2, favorisant la diminution des volume réduit (300-400 mL), couplées à un masque
prednisone à la dose de 2 mg/kg, sans dépasser bouchons muqueux ; facial, permettent d’administrer de façon efficace les
60 mg, ou bétamétasone à la dose de 15 b2 -adrénergiques en aérosol doseur [48].
– antibiothérapie non systématique ;
gouttes/kg, sans dépasser 400 gouttes. Elle peut être
– kinésithérapie respiratoire dès la phase
remplacée par une corticothérapie injectable si
sécrétoire. ¶ Place des corticoïdes
l’enfant vomit. Si la crise paraît contrôlée et ne Les corticoïdes oraux sont plus facilement
La persistance ou l’aggravation de la crise doit
nécessite pas d’hospitalisation, un traitement de prescrits que chez le grand enfant, par cure de 5 à
inciter à mettre en route une perfusion continue de
consolidation doit être prescrit. 10 jours. Ils sont prescrits à la dose de 2 mg/kg de
salbutamol intraveineux à la dose de 1 µg/kg/min.
¶ Traitement en milieu hospitalier (fig 2) La ventilation mécanique, indiquée en cas d’arrêt prednisolone ou équivalent. Leur efficacité reste
Il repose sur : respiratoire, de collapsus et de troubles de néanmoins discutée, d’autant que l’enfant est plus
– nébulisations répétées de b2-adrénergiques : conscience et lorsque la PCO2 augmente chez un jeune [46, 57].
trois à six nébulisations sont réalisées à 20 minutes enfant épuisé, malgré un traitement bien conduit,
d’intervalle, puis toutes les 4 heures. Les b2 nécessite une sédation importante et en particulier ¶ Place des autres traitements
-adrénergiques peuvent être nébulisés en continu. une curarisation (vécuronium : 100 µg/kg/h par voie La kinésithérapie est indiquée dès le stade
L’adjonction d’atropiniques de synthèse peut intraveineuse en moyenne). sécrétoire. L’antibiothérapie n’est pas systématique.

7
8-0630 - Asthme de l’enfant et du nourrisson

symptômes intercritiques qualifiés d’épisodiques


fréquents ou de persistants légers, modérés ou
sévères.
Crise d'asthme sévère = milieu hospitalier Les EFR ont donc un rôle fondamental dans
l’appréciation de la sévérité de l’asthme. La présence
d’un syndrome obstructif et/ou d’une distension en
période intercritique observée à deux reprises même
Trois nébulisations à 20 minutes d' intervalle sous oxygène chez un enfant qui ne se plaint pas doivent conduire
salbutamol à 0,5 % : 0,03mL/kg (dose minimale = 0,3 mL ; dose maximale = 1 mL)
ou terbutaline 5 mg/2mL : 2 gouttes/kg (dose minimale = 8 gouttes ; dose maximale = 2 mL) au diagnostic d’asthme sévère.

¶ Chez le nourrisson
± dibromure d'ipratropium 250 µg L’appréciation de la sévérité de l’asthme repose
dilution avec sérum physiologique QSP = 4 mL
essentiellement sur la fréquence des symptômes et
les besoins médicamenteux.
Asthmes bénins
Évaluation après 1 à 2 heures Les crises sont peu fréquentes (trois à quatre par
an), surviennent en période automno-hivernale
entre septembre et avril. Entre les crises, l’asthme
n’affecte pas la vie quotidienne.
Succès stable
Réponse
Débit expiratoire de pointe 60-80 % N Asthmes modérés
insuffisante (DEP < 60 %)
Saturation transcutanée d'O2 ≥ 95 %
ou instable Les crises surviennent environ une fois par mois
pendant l’automne et l’hiver, mais entre les crises
surviennent des épisodes peu fréquents et plus brefs
RETOUR AU DOMICILE HOSPITALISATION de toux nocturne ou à l’effort ou aux changements
de temps.
Traitement de consolidation
Bronchodilatateurs Trois nébulisations de β2-adrénergiques Asthmes sévères
Autres mesures toutes les 20 minutes - puis toutes les 4 heures
systématiques Ils se caractérisent par des crises fréquentes, au
Oxygénothérapie : 3L/min ± dibromure d'atropine 250 µg
+ moins une fois par mois, nécessitant une
Poursuite de la 2
corticothérapie orale ++ Hydratation : 2,2L/m Corticoïdes per os ou intraveineux corticothérapie orale, ou un wheezing persistant, ou
Surveillance Hémisuccinate d'hydrocortisone : 5mg/kg/4 heures des manifestations de toux sèche diurne et nocturne,
Fréquence respiratoire, ou Solu-Médrol® 2 mg/kg/6 heures des épisodes de sifflements transitoires avec ou sans
Fréquence cardiaque (scope), +
Tension artérielle, Théophylline orale ou intraveineuse
dyspnée qui surviennent plusieurs fois par semaine
Saturation transcutanée d'O2, soit poursuite du traitement oral si enfant traité en dehors des infections ORL, nécessitant la prise de
Fraction inspirée d'O2 avec théophyllinémie efficace et bronchodilatateurs, et non contrôlés par les
Gazométrie absence de vomissements
Débit de pointe soit aminophylline IV en perfusion continue
traitements non stéroïdiens.
Réévaluation de la prise 0,75 à 1 mg/kg/h, adaptée aux théophyllinémies
en charge Pas de sédatifs Contrôle de l’environnement

Persistance
Le contrôle de l’environnement est primordial, car
il participe grandement à la lutte contre
l’inflammation bronchique. Si l’on insiste aujourd’hui
Soins intensifs
Salbutamol intraveineux sur le rôle des virus comme facteurs précipitants des
± ventilation assistée crises, les facteurs allergiques tiennent une place
± curarisation importante, en particulier dans le maintien d’une
inflammation bronchique persistante. Plus la charge
allergénique en acariens est intense et précoce dans
2 Traitement d’une crise d’asthme sévère. la chambre du petit enfant, plus le risque pour
celui-ci de développer un asthme est important et
‚ Traitement de fond actuelles prennent désormais aussi en compte les plus celui-ci sera sévère [54, 55]. De même, la charge
symptômes intercritiques, la facilité de survenue et en allergène blatte au domicile et la fréquence de
Les buts du traitement sont de permettre à
l’intensité du BIE, la consommation hebdomadaire sensibilisation à la blatte dans une population
l’enfant de mener une vie normale sur le plan
de b2-adrénergiques, la surveillance du DEP et la nord-américaine d’enfants asthmatiques est corrélée
physique, sportif et scolaire. Le traitement doit donc
présence éventuelle d’une obstruction intercritique. à la gravité de l’asthme [47, 56]. La réduction de la
supprimer les symptômes diurnes et nocturnes,
Deux classifications ont été récemment proposées : charge allergénique, en acariens en particulier,
normaliser les fonctions respiratoires et amenuiser
permet de réduire la symptomatologie, la
les variations circadiennes du DEP. Les besoins en b2
– celle du NHLBI qui comprend quatre stades : consommation médicamenteuse et l’hyperréactivité
-adrénergiques de secours doivent être réduits au
intermittent et persistant, léger, modéré ou bronchique [16]. Cette réduction repose d’une part sur
maximum. Les traitements doivent à la fois être
sévère [40]. Cette classification est identique pour la diminution de l’humidité relative (aération,
efficaces et très bien tolérés. La sous-évaluation de la
l’adulte et pour l’enfant ; ouverture des fenêtres), et d’autre part sur l’utilisation
sévérité de l’asthme est un grand facteur
d’une literie synthétique, l’utilisation de housses
d’insuffisance et même d’arrêt intempestif de
– l’autre classification, plus spécifiquement antiacariens perméables à la sudation, la
traitement.
pédiatrique proposée par le consensus international suppression des tapis, tentures et moquettes, ou leur
Évaluation de la sévérité de l’asthme pédiatrique a conservé trois stades : épisodique peu nettoyage par les acaricides, le lavage régulier des
fréquent, épisodique fréquent et persistant [64]. draps à 55°, l’utilisation d’aspirateurs munis de filtres
Elle permet d’ajuster les moyens thérapeutiques à
spéciaux. Le seuil de risque de sensibilisation aux
chaque enfant et d’une période à l’autre.
L’essentiel en fait est de bien distinguer les acariens est de 2 µg/g de poussière, et le seuil de
¶ Chez l’enfant asthmes épisodiques ou intermittents qui font peu risque d’apparition de crise à 10 µg/g de
La cotation clinique sur la seule fréquence des de crises, n’ont quasiment pas de symptômes poussière [55].
crises d’asthme fait courir un risque de intercritiques, des fonctions respiratoires normales, Le contrôle de l’environnement comporte
sous-estimation de la sévérité. Les classifications en intercritique, des asthmes qui présentent des également :

8
Asthme de l’enfant et du nourrisson - 8-0630

sociales, familiales et scolaires insupportables, il


semble préférable de réduire rapidement
Épisodique peu fréquent β2-adrénergiques à la demande l’inflammation bronchique et la gêne ressentie, en
(bénin) proposant d’emblée une dose élevée de corticoïdes
inhalés associée aux b2 LA. La rapide amélioration
de l’état respiratoire clinique et fonctionnel va de pair
Cromones Désensibilisation avec celle de la qualité de vie, la disparition des
réveils nocturnes, la normalisation de la scolarité et
la diminution des tensions familiales. Deux à 3 mois
Épisodique fréquent ou plus tard, après contrôle des manifestations et
Réponse insuffisante en 6 semaines
(modéré) amélioration des EFR, il est souvent possible de
réduire la posologie des corticoïdes inhalés de 25 à
50 %, puis, dans une deuxième étape, de supprimer
Corticoïdes inhalés (200-500 µg/j) les b2-LA. À terme, le but est d’arriver,
progressivement, en plusieurs mois, à une posologie
efficace minimale sur les plans clinique et
Réponse insuffisante fonctionnel respiratoire. Chez certains enfants, on
Persistant
(sévère) peut même réaliser un sevrage total, parfois
temporaire, en corticoïdes inhalés.
Chez un enfant modérément symptomatique,
Antileucotriènes Rajouter β2 LA Théophylline retard une corticothérapie à doses modérées peut être
initiée. L’absence de contrôle fait proposer d’y
adjoindre les b2-LA, de doubler la dose de
Réponse insuffisante corticoïdes inhalés, ou d’y associer un antileuco-
triène. L’étude de Verberne et al [62] apporte un
éclairage particulier à ces schémas thérapeutiques.
En effet, ces auteurs n’ont pas pu démontrer de
Corticoïdes inhalés (800-1000 µg/j)
bénéfices supplémentaires, en termes de DEP ou de
score clinique, de l’une (rajouter un b2 LA) ou l’autre
3 option (doubler la dose de corticoïdes inhalés) par
rapport à la dose initiale de corticoïdes inhalés.
– l’éloignement des animaux domestiques, chat, remplacement pour les corticoïdes inhalés, Pendant les 12 mois de l’étude, le DEP du matin a
lapin, hamster, cobaye, indispensable mais bien seulement en cas de non-contrôle clinique ou continué à s’améliorer dans tous les groupes. Ces
souvent difficile à faire accepter ; d’apparition de syndrome obstructif aux EFR. La résultats peuvent paraître paradoxaux, mais au
– la lutte contre les blattes. L’éviction reste très méta-analyse des principales études avec le moins deux tentatives d’explications peuvent être
difficile à mettre en œuvre. Le plus souvent, la cromoglicate chez l’enfant n’est, en revanche, pas avancées. D’une part, il s’agissait d’asthmes modérés
contamination des logements provient des autres aussi favorable, car elle ne montre pas d’avantages avec un VEMS de base entre 85 et 90 % des valeurs
logements adjacents, nécessitant un traitement du cromoglicate dans l’asthme de l’enfant sur le attendues et une consommation quotidienne faible
commun à tous les appartements ; placebo [59]. La tendance actuelle est de proposer de b2 d’action courte. D’autre part, et peut-être
– la limitation des contacts allergéniques plus précocement des corticoïdes inhalés à faible surtout, la seule prise en charge par un suivi strict et
extérieurs, en particulier les pollens ; dose (< 500 µg/j), dès le stade d’asthme épisodique des contrôles fréquents améliore l’observance et
– la lutte contre les moisissures, dont la fréquent [3, 19]. La méta-analyse réalisée par Calpin et donc l’asthme. On préfigure ici déjà l’importance
multiplication est favorisée par l’environnement al [9] montre que la corticothérapie inhalée d’une prise en charge globale de l’enfant
humide (et les humidificateurs) ; s’accompagne d’une amélioration du score asthmatique, non plus centrée sur la seule
– la lutte contre la tabagisme passif. symptomatique de 50 %, d’une diminution de la prescription hiérarchisée des médicaments
consommation de b2-adrénergiques de 37 %, d’une antiasthmatiques.
Traitement de fond chez l’enfant diminution de la consommation de corticoïdes
Traitement de fond de l’asthme du nourrisson
L’importance des traitements est fonction de la généraux de 68 %, et d’une amélioration du DEP de
sévérité de l’asthme. L’attitude généralement admise 38 L/min. Le contrôle des manifestations ¶ Asthmes épisodiques peu fréquents
est résumée dans la figure 3. intercritiques redonne à l’enfant et à ses parents une Ils ne nécessitent qu’un traitement au coup par
qualité de vie remarquable [6, 60]. Il n’est cependant coup. L’utilisation des antihistaminiques H1 ou du
¶ Asthmes épisodiques peu fréquents kétotifène au long cours lorsqu’un terrain allergique
pas démontré qu’une thérapeutique anti-
Dans le cas d’asthmes épisodiques peu fréquents,
inflammatoire précoce puisse transformer l’histoire a pu être démontré, peut également être proposée.
le traitement repose sur le contrôle de l’environ-
nement et les b2-adrénergiques inhalés à la naturelle de l’asthme [61, 63], améliore le pronostic à
¶ Asthmes épisodiques fréquents
demande. long terme ou prévienne le remodelage bronchique.
La fréquence des manifestations témoigne déjà
En revanche, le délai d’instauration conditionne d’une inflammation modérée. L’asthme épisodique
¶ Asthmes épisodiques fréquents probablement la récupération fonctionnelle fréquent est de plus en plus désormais pris en charge
Dans le cas d’asthmes épisodiques fréquents, les respiratoire [3, 36]. par les corticoïdes inhalés administrés avec une
symptômes témoignent d’une inflammation C’est dans l’asthme épisodique fréquent que chambre d’inhalation et un masque facial. Les
chronique modérée, et justifient la mise en route l’immunothérapie trouve sa meilleure indication. bénéfices immédiats des corticoïdes inhalés en
d’un traitement de fond. Pendant longtemps, ce
¶ Asthmes persistants termes de qualité de vie, et les bénéfices à long
traitement a reposé sur la prescription de
Dans ce cas, la corticothérapie inhalée de terme sur l’intégrité du capital respiratoire, doivent
cromoglicate, antiallergique purement préventif.
première intention ne se discute pas. Plusieurs être mis en balance avec le risque d’effets délétères
L’étude rétrospective de König et al [28] montrait que
schémas thérapeutiques sont possibles : avoir une potentiels, mais non encore documentés de la
le cromoglicate, de même que les corticoïdes inhalés,
stratégie descendante ou ascendante, y associer corticothérapie inhalée.
permettaient une diminution des symptômes, de
l’absentéisme scolaire et des hospitalisations, sans d’emblée ou secondairement des b2-LA. ¶ Asthmes persistants
altération des fonctions respiratoires par rapport à Chez un enfant très symptomatique dont Les symptômes témoignent de l’importance des
un groupe traité à la demande. Ces auteurs l’asthme paraît très instable avec recours fréquent à phénomènes inflammatoires, et justifient une
suggèrent une approche thérapeutique par étape la corticothérapie générale, et/ou quand l’asthme corticothérapie inhalée. En fonction du degré de
avec un traitement initial par cromoglicate, et son insuffisamment traité entraîne des conséquences sévérité, de l’acceptabilité du mode d’administration

9
8-0630 - Asthme de l’enfant et du nourrisson

par le nourrisson, et de la disponibilité des parents, asthmatique. Cette attitude doit être globale, et inhalée à fortes doses, ou du fait de la persistance
on fait appel aux aérosols doseurs couplés à un passer par le dialogue et l’éducation de l’enfant et sa d’un syndrome obstructif intercritique qui mettent en
masque facial [11] ou aux nébulisations [8, 18]. famille. C’est le but des « écoles de l’asthme » que jeu le pronostic fonctionnel à long terme.
Il paraît raisonnable de proposer dans un premier d’améliorer tous les niveaux de prise en charge de La prise en charge d’un asthme supposé grave
temps un essai par les aérosols doseurs, les l’asthme, qui permettent d’améliorer l’observance chez l’enfant nécessite avant tout d’éliminer les faux
[20, 32, 38]
nébulisations de budésonide (1 mg matin et soir), . asthmes graves (dyskinésie des cordes vocales,
seul corticoïde suspension disponible actuellement, dysplasie bronchopulmonaire, séquelles graves de
étant prescrites en cas d’échec. La quantité délivrée virose essentiellement), de rechercher les facteurs
aux voies aériennes étant proportionnellement plus
faible chez le nourrisson que chez le grand enfant,
les posologies initiales pour les aérosols doseurs sont
comparables (400 à 1 000 µg/j). L’adaptation
‚ Asthme et sport

Particularités
d’échec thérapeutique (observance, technique
d’inhalation) et d’identifier les facteurs aggravants
(polysensibilisation, reflux gastro-œsophagien,
pathologie ORL, immunité, tabagisme). La grande
thérapeutique est basée sur des arguments avant majorité des enfants asthmatiques ayant un asthme
tout cliniques : épargne en stéroïdes généraux, Par son intensité, l’asthme peut limiter de façon en apparence grave doivent pouvoir être désormais
diminution de la consommation de b2-adrénergi- importante les activités de l’enfant. Les critères de contrôlés par l’association corticoïdes inhalés et b2
ques, amélioration de la qualité de vie et de la survenue de manifestations à l’effort doivent faire LA. En cas d’échec, un test thérapeutique aux
tolérance à l’effort. La durée du traitement doit être partie intégrante de l’évaluation de la sévérité de corticoïdes per os est proposé à la dose de 1 à
au minimum de 3 mois. Après stabilisation de l’asthme. L’effort est d’autant plus facilement 2 mg/kg/j pendant 15 jours, avec contrôle des
l’asthme, on cherche à réduire la posologie asthmogène que l’asthme est instable. La réduction fonctions respiratoires au décours. Les asthmes
progressivement jusqu’à obtention de la posologie de l’inflammation est alors prioritaire essentiel- graves corticodépendants sont devenus aujourd’hui
minimale efficace. Chez la plupart des nourrissons, il lement par la corticothérapie inhalée, exceptionnels. Le recours aux thérapeutiques
est possible d’interrompre le traitement par éventuellement associée aux antileucotriènes [23]. alternatives est rarissime, et les publications chez
corticoïdes pendant la période estivale. Plus rarement, les manifestations d’effort l’enfant de l’utilisation de la ciclosporine, du
représentent les seules manifestations d’asthme. méthotrexate ou des Ig intraveineuses bien rares.
Intégrer les médicaments dans une prise Outre les moyens non médicamenteux, la ‚ Pronostic à long terme de l’asthme
en charge globale prévention repose sur les b2-adrénergiques de
Le devenir à long terme de l’asthme de l’enfant
courte durée d’action qui doivent être pris dans les
Malgré le travail d’information et de formation est une préoccupation majeure. Il existe peu d’études
minutes qui précèdent l’effort, ou les b2-LA qui ont
accompli depuis de nombreuses années par les prospectives menées depuis l’enfance jusqu’à l’âge
une protection de 8-10 heures, et qui peuvent être
pneumopédiatres, l’asthme de l’enfant reste trop adulte, et bien souvent les EFR sont insuffisantes. Les
pris ponctuellement le matin au domicile les jours
sous-diagnostiqué et donc sous-traité. Bien que l’on rares études épidémiologiques qui ont été menées
d’activité sportive.
dispose de traitements qui doivent permettre à sur des périodes de 20 à 30 ans montrent que le
l’immense majorité des enfants de mener une vie Le réentraînement à l’effort ne supprime pas la nombre de « fausses guérisons » est important [22, 45].
quasi normale, la prévalence de l’asthme ne diminue survenue d’un BIE, mais il ne survient que pour un En fait, les récidives d’asthme surviennent non
pas, pas plus que ne diminuent les consultations aux niveau d’exercice plus élevé. seulement chez les asthmatiques sévères, mais aussi
urgences, et il faut rappeler qu’en France meurt Enfin, la plongée sous-marine avec bouteille (mais chez les asthmatiques bénins, aussi bien avant
chaque semaine d’asthme aigu grave un enfant de pas la plongée en apnée) est contre-indiquée chez 20 ans qu’entre 20 et 30 ans. Il est donc important
moins de 15 ans. Les raisons d’un tel échec tiennent l’asthmatique. de déceler précocement les facteurs pronostiques :
autant à l’inaccessibilité aux soins, à la complexité sévérité initiale appréciée aussi bien sur la fréquence
des traitements proposés qu’à l’implication du
‚ Asthme grave des crises que sur la persistance d’un syndrome
personnel soignant dans la formation, l’éducation et L’asthme grave regroupe des situations qui ont en obstructif intercritique, un terrain atopique personnel
le suivi de l’enfant asthmatique et de sa famille. Si les commun une absence de contrôle de l’asthme et familial, dermatite atopique persistante.
traitements inhalés représentent le meilleur rapport malgré un traitement supposé optimal. Il peut s’agir L’importance des conditions sociales est diversement
efficacité locale/effet systémique, ils doivent être d’asthme grave du fait de la survenue brutale de appréciée, mais il est évident, en pratique, que les
correctement inhalés. Améliorer la puissance d’un crises sévères, conduisant les enfants en difficultés thérapeutiques sont maximales en cas de
anti-inflammatoire ou d’un bronchodilatateur ne sert réanimation, et qui peuvent mettre en jeu le mauvaise coopération médecin-famille, de pollution
à rien si parallèlement la technique d’inhalation reste pronostic vital à court terme d’asthmes graves ou domestique permanente (fumée, animaux) et de
complexe, ou pire s’il n’est pas pris [38]. Plus que difficiles à traiter du fait de la persistance de mauvaises conditions socioéconomiques. Toutes ces
d’une prise en charge de l’asthme de l’enfant, il serait symptômes nécessitant la prise fréquente de données justifient chez l’enfant une surveillance
préférable de parler de la prise en charge de l’enfant b2-adrénergiques malgré une corticothérapie prolongée clinique et fonctionnelle respiratoire.

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Asthme de l’enfant et du nourrisson - 8-0630

Jacques de Blic : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service-adjoint,


service de pneumologie et d’allergologie pédiatriques, groupe hospitalier Necker-Enfants-Malades, 149, rue de Sèvres, 75730 Paris cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : J de Blic. Asthme de l’enfant et du nourrisson.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0630, 2002, 12 p

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12
8-0640

8-0640

Prise en charge des bronchiolites


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

aiguës du nourrisson
A Labbé

P armi les infections des voies respiratoires, les bronchiolites aiguës du nourrisson occupent une place à part.
Elles sont responsables chaque année d’un nombre important de consultations. Elles occasionnent tous les
hivers en France des hospitalisations qui imposent aux centres hospitaliers des prouesses logistiques. Bien qu’il
s’agisse d’affections fréquentes, leur prise en charge est loin de recueillir un consensus, tant pour la phase aiguë de la
maladie que pour prévenir ses rechutes.
© 1999 , Elsevier, Paris.


responsables du pouvoir infectant, le caractère plus kinésithérapie associe accélération du flux
Définition « agressif » du sous-groupe A par rapport au expiratoire et vibrations manuelles. Son caractère
sous-groupe B. « vigoureux », qui peut paraître violent pour les
Il est nécessaire de préciser ce que l’on entend par D’autres virus [1] sont isolés lors des bronchiolites non-initiés, doit être préalablement expliqué aux
bronchiolite aiguë. En effet, le diagnostic reste aiguës (paramyxovirus, myxovirus, rhinovirus, parents. La désobstruction des voies aériennes
essentiellement clinique. Il repose sur la constatation adénovirus). Les rhinovirus pourraient occasionner supérieures complète efficacement la physiothé-
de signes d’infection respiratoire basse (toux, des formes sévères, en particulier chez les rapie. Une hydratation correcte des sécrétions facilite
encombrement respiratoire, sibilants, crépitants), nourrissons présentant une pathologie préexis- leur expulsion.
[3, 9]
chez un nourrisson de moins de 2 ans (1 an pour tante .
certains), entraînant ou non une gêne respiratoire Quel que soit l’agent étiologique, la dissémination
(polypnée, blocage expiratoire, dyspnée, distension épidémique est la règle. Elle est favorisée par la Il est donc essentiel de favoriser
thoracique). Ces manifestations sont précédées promiscuité entre les enfants et le contaminateur celle-ci en fournissant aux enfants une
d’une infection des voies aériennes supérieures éventuel. La transmission aérienne est la plus ration hydrique suffisante, en
(rhinite) avec fièvre modérée. Cet épisode peut être habituelle, mais le portage manuel après exposition plusieurs fois si besoin.
inaugural (première infection), ou récidivant. est certainement en cause dans les contaminations
nosocomiales. Après pénétration dans les voies
À l’hôpital, où il existe souvent une atmosphère
aériennes distales, les virus à tropisme respiratoire


sèche dans les chambres, on peut se servir d’une
vont entraîner des lésions du revêtement de surface
Épidémiologie et agents causals nébulisation continue de sérum physiologique ou
rendant compte de l’essentiel de la
d’eau distillée pour favoriser l’hydratation
symptomatologie.
Les réseaux de surveillance mis en place muqueuse. L’assistance nutritionnelle ne doit pas
récemment permettent de mieux cerner la fréquence être négligée, surtout chez les jeunes nourrissons. On


de cette pathologie [14]. En 1997, on estime que 30 % Prise en charge ambulatoire proposera dans tous les cas un fractionnement de
des nourrissons de moins de 1 an ont présenté une et hospitalière : bases communes l’alimentation pour éviter les distensions gastriques,
bronchiolite aiguë. sources de fausses routes. Dans les cas les plus
Parmi ceux qui consultent aux urgences En fonction de la sévérité de la symptomatologie, sévères, il peut être nécessaire de suspendre
pédiatriques, un certain nombre vont être certains nourrissons vont nécessiter une l’alimentation entérale pour 24 à 48 heures
hospitalisés. Bien que ce pourcentage régresse hospitalisation. D’autres, au contraire, sont suivis à (perfusion de sérum glucosé). Dans ces situations, la
d’année en année, il est loin d’être négligeable. Il est domicile. Dans ces deux situations, un certain reprise de l’alimentation orale s’effectue
impossible de connaître avec certitude les agents nombre de prescriptions sont communes. généralement par gavages discontinus ou nutrition
responsables des épidémies annuelles. entérale à débit constant par sonde duodénale.
‚ Kinésithérapie respiratoire
© Elsevier, Paris

Le virus respiratoire syncytial (VRS) est le plus


‚ Bronchodilatateurs
souvent retrouvé. Parmi ses caractéristiques Dans tous les cas, la kinésithérapie respiratoire
principales [5] on peut citer : son appartenance aux doit être proposée pour faciliter l’évacuation des L’utilisation des bronchodilatateurs reste
Paramyxoviridae (virus à acide ribonucléique [ARN] sécrétions bronchiques. Le rythme des séances va controversée [11]. La plupart des études démontrent
encapsulé), l’existence de deux protéines F et G dépendre de l’intensité de l’obstruction. La que leur prescription ne modifie pas de façon

1
8-0640 - Prise en charge des bronchiolites aiguës du nourrisson

sensible l’évolution de l’affection. Toutefois, des – Les nourrissons qui nécessitent une
effets à court terme ont été rapportés, tant en hospitalisation sont généralement plus jeunes Prise en charge hospitalière
utilisant l’adrénaline que le salbutamol. Ce dernier (souvent moins de 6 mois), présentent des signes de ✔ Nourrisson de moins de 6 mois
est plus pratique d’emploi. Compte tenu de la gravité (détresses respiratoires), sont issus de familles présentant des signes de détresse
pénétration très faible des particules chez un de condition sociale modeste, ou appartiennent à respiratoire.
nourrisson polypnéique, on doit résolument opter des groupes à risques. ✔ Nourrisson de moins de 3 mois
pour des posologies fortes (quatre à cinq bouffées de – La survenue d’apnées est indépendante de la avec risques d’apnée.
salbutamol à 100 µg). Le mieux est de tester la sévérité de l’atteinte respiratoire. Elle est surtout liée ✔ Nourrisson de moins de 2 mois.
réponse aux bêta-2-mimétiques en employant une à l’âge de survenue de l’épisode bronchiolaire. Elle ✔ Enfant atteint des affections
chambre d’inhalation avec masque. En cas de se manifeste principalement chez les nourrissons de suivantes : mucoviscidose,
réponse positive, jugée sur la modification de la moins de 3 mois. Kneyber et al [10] ont étudié de cardiopathie congénitale, déficit
fréquence respiratoire et l’amélioration de façon rétrospective le risque relatif d’apnées immunitaire, dysplasie
l’auscultation, on peut proposer des administrations récidivantes chez 185 nourrissons admis pour
bronchopulmonaire.
répétées (toutes les 8 heures) pendant la première bronchiolite aiguë à VRS. Parmi ceux-ci, 21 % ont
semaine. Chez les nourrissons les plus jeunes, des présenté des apnées.
manifestations d’intolérance (désaturation) ont été – Un âge de moins de 2 mois à l’admission – La corticothérapie inhalée a été utilisée dans
rapportées. Il est donc nécessaire de s’assurer de constitue un facteur de risque indépendant cette indication avec des résultats contrastés. En
l’absence d’effets indésirables avant de les prescrire d’apnées. Il est donc nécessaire de surveiller par effet, si les premiers travaux [11] avaient montré une
(surveillance de l’oxymétrie de pouls). monitorage cardiorespiratoire les jeunes nourrissons réduction significative de la morbidité postbron-
(moins de 2 mois), surtout s’il s’agit d’anciens chiolite, une étude récente [13] ne retrouve aucun
‚ Corticothérapie prématurés. Ces derniers appartiennent à la effet notable à 1 an. Il est donc actuellement difficile
catégorie d’enfants susceptibles de présenter une de se prononcer sur cette question. Il semble
La corticothérapie par voie générale n’a pas toutefois logique d’essayer une corticothérapie
forme grave tout comme ceux qui sont porteurs
d’intérêt lors de la phase initiale de la maladie dans inhalée (1 000 µg pendant 6 semaines au moins)
d’une des affections suivantes : mucoviscidose,
les formes inaugurales du sujet sain [11]. Elle demeure chez les nourrissons présentant une forme sévère
cardiopathie congénitale, déficit immunitaire,
néanmoins largement utilisée tant en ville qu’à dont la symptomatologie perdure, et chez ceux qui
dysplasie bronchopulmonaire.
l’hôpital. Un travail mené en collaboration avec une récidivent (dès le troisième accès).
– Une hospitalisation pour surveillance s’impose
dizaine de pédiatres de l’agglomération – Les nébulisations de ribavirine, utilisées chez
chez ces enfants, même si elle les expose à des
clermontoise [8] nous a montré que 90 % d’entre eux des nourrissons de moins de 6 mois antérieurement
contaminations nosocomiales.
y avaient recours. Récemment, Berger et al [2] ont sains, pourraient réduire les phénomènes d’HRB. En
Une oxygénothérapie par enceinte ou sonde
effectué un nouvel essai clinique avec de la effet, Edell et al [4] ont montré sur un petit groupe de
nasale est nécessaire chaque fois qu’il existe des
prednisone administrée à la posologie de 2 mg/kg 41 nourrissons que l’addition de ribavirine au
signes cliniques (cyanose) ou gazométriques
pendant 3 jours chez 38 nourrissons porteurs d’une traitement conventionnel permettait une réduction
(hypoxie, saturation d’oxygène en dessous de 90 %).
bronchiolite aiguë suivis en ambulatoire ou significative du nombre d’épisodes d’HRB la
L’apport d’un mélange hélium-oxygène fait l’objet
hospitalisés. Aucune différence significative n’a pu première année suivant l’hospitalisation. Un tel
de travaux actuels [7]. Compte tenu de l’excellente
être relevée entre les deux groupes de nourrissons travail mériterait d’être confirmé sur un plus grand
diffusion et de la tolérance de ce mélange, il s’agit
traités par corticoïde ou placebo, tant à la phase nombre d’observations.
d’une alternative intéressante qui doit être validée
aiguë (vitesse de guérison) qu’à plus long terme. En – La survenue d’une bronchiolite aiguë est
sur de grandes séries.
effet, 2 ans plus tard, 32 % de ces nourrissons préoccupante en cas d’affection fragilisante. Il est
La ribavirine, de pratique courante aux États-Unis,
présentent des manifestations d’hyperréactivité désormais possible de recourir à un traitement
n’est pas utilisée en France.
bronchique (HRB) quel que soit le groupe initial préventif chez des nourrissons présentant un risque
d’appartenance. La ventilation mécanique, avec intubation
nasotrachéale, est nécessaire s’il existe des signes de décompensation (anciens prématurés, dysplasies
d’épuisement respiratoire ou devant la constatation bronchopulmonaires...). La palivizumab est un
‚ Antibiothérapie anticorps monoclonal humanisé anti-VRS.
d’une dégradation gazométrique (hypercapnie
Elle ne doit pas être d’emblée systématique, sauf supérieure à 60 mmHg avec acidose). Elle est Administré par voie intramusculaire tous les mois
peut-être chez les nourrissons de moins de 6 mois. généralement de courte durée (2 à 3 jours) et durant la période automnohivernale, il réduit de
En effet, la fréquence de co-infections bactériennes (à réalisée en mode conventionnel. Des observations, façon significative le risque d’hospitalisation chez ces
Haemophilus ou à pneumocoque) n’est pas rare heureusement rares, de syndrome de détresse nourrissons, ainsi que la gravité de ces risques [12]. Il a
dans cette tranche d’âge comme l’a démontré une respiratoire à VRS sont parfois décrites [6], obligeant à reçu en France une autorisation temporaire
enquête multicentrique nationale [15]. La survenue utiliser des techniques de ventilation plus d’utilisation sous le nom de Synagist. Compte tenu
retardée d’un décalage thermique, la constatation sophistiquées (oscillation ou ECMO). de son coût (5 930 francs hors taxe par ampoule),
d’un foyer alvéolaire clinique ou radiologique, et son administration est strictement réglementée.

■ ■
l’existence d’une otite moyenne, justifient la mise en
route d’une antibiothérapie. Celle-ci repose sur
Prévention des rechutes
et réduction de la morbidité Conclusion
l’amoxicilline, associée ou non à l’acide clavulanique, à court terme
sur le cefpodoxime-proxétil, sur le céfuroxime-axétil
en raison des germes les plus souvent incriminés. La morbidité à court terme des infections La prise en charge des bronchiolites aiguës du
bronchiolaires virales est loin d’être négligeable. En nourrisson reste conflictuelle. Si des mesures de bon
effet, un certain nombre de nourrissons vont sens sont couramment admises, l’utilisation de


présenter, à la suite d’un épisode initial de médicaments sans efficacité scientifique prouvée
Prise en charge hospitalière bronchiolite aiguë, des récidives. Celles-ci seront reste encore largement la règle. Il sera certainement
d’autant plus fréquentes que le nourrisson a moins nécessaire dans l’avenir qu’une réunion de
de 1 an lors de l’accès aigu, qu’il est issu d’une consensus élabore des recommandations
Elle concerne les formes sévères et les groupes à famille atopique, et que les recherches virales sont concernant l’attitude thérapeutique devant un
risques. négatives [13]. épisode inaugural.

2
Prise en charge des bronchiolites aiguës du nourrisson - 8-0640

André Labbé : Professeur des Universités, praticien hospitalier,


unité de réanimation et des maladies respiratoires de l’enfant, Hôtel-Dieu, avenue Vercingétorix, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : A Labbé. Prise en charge des bronchiolites aiguës du nourrisson.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0640, 1999, 3 p

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3
8-0680

8-0680
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Cardiopathies congénitales

F Heitz

L a connaissance et le traitement des cardiopathies congénitales ont bénéficié de progrès considérables depuis
25 ans : diagnostic devenu fiable grâce à l’échocardiographie-doppler, avec possibilité de dépistage prénatal
dès la 18e semaine d’aménorrhée, action spectaculaire des prostaglandines intraveineuses dans certaines situations
de détresse vitale néonatale, adaptation du matériel et des techniques de chirurgie cardiaque au très jeune l’enfant.
© Elsevier, Paris.

■ ■
cardiopathies devenant sévères ou létales lors de la
Épidémiologie Rappels embryologiques fermeture postnatale de ces communications.
et physiologiques
‚ Adaptation cardiocirculatoire à la vie
La prévalence des cardiopathies congénitales est ‚ Organogenèse du système extra-utérine
estimée entre 4 et 8 pour 1000 naissances vivantes, cardiovasculaire
elle est légèrement supérieure chez le garçon Expansion alvéolaire et vasodilatation artériolaire
Elle résulte de processus complexes, transformant pulmonaire active entraînent la chute immédiate de
(sex-ratio M/F : 1,08). La distribution par fréquence le tube cardiaque primitif, d’origine mésenchyma-
des cardiopathies varie avec : la résistance pulmonaire et l’accroissement du débit
teuse, en un cœur achevé et fonctionnel dès la 6e pulmonaire.
– la race et le groupe ethnique ; semaine de gestation ; la croissance ultérieure sera
– le sexe : prédominance chez le garçon des La fermeture du canal artériel et du foramen
influencée par les flux sanguins et les paramètres
lésions obstructives du cœur gauche et des ovale, fonctionnelle durant les premiers jours de vie,
hémodynamiques de la circulation fœtale. Celle-ci
cardiopathies « conotroncales » : tétralogie de Fallot, devient définitive après plusieurs semaines.
est caractérisée par :
atrésie pulmonaire à septum ouvert, tronc artériel L’adaptation de la fonction myocardique néonatale
– la circulation ombilicoplacentaire assurant
commun, ventricule droit à double issue, atrésie est immédiate puisque les ventricules fonctionnent
l’hématose fœtale ;
pulmonaire, interruption de l’aorte type B, arc désormais « en série », chacun devant assurer la
– le niveau très élevé et suprasystémique de la
aortique droit ; prédominance chez la fille de la totalité du débit cardiaque.
résistance vasculaire pulmonaire ;
communication interauriculaire (CIA) et du canal Enfin, la maturation vasculaire pulmonaire se
– la présence de communications vasculaires
artériel ; poursuit durant plusieurs mois, avec diminution de la
(canal artériel, ductus venosus) et intracardiaques
– l’âge de révélation (tableau I) : les cardiopathies résistance vasculaire pulmonaire : amincissement
(foramen ovale), responsables du fonctionnement
les plus sévères se révèlent habituellement dès la progressif de la média des parois artériolaires,
en « parallèle » des ventricules avec débit cardiaque
naissance ou sont dépistées in utero. croissance des branches pulmonaires et prolifération
« combiné ». Elles permettent la tolérance in utero de
capillaire accompagnant l’alvéologenèse jusqu’à la
deuxième enfance.
Tableau I. – Distribution des cardiopathies selon l’âge de révélation (%) (valeurs moyennes à par- Ces mécanismes physiologiques pourront être
tir de plusieurs séries publiées). perturbés par la présence d’une cardiopathie, avec
pour conséquences la persistance des communica-
Nouveau-né Tous âges confondus
tions fœtales et de la résistance vasculaire
Transposition gros vaisseaux 13,0 CIV 32,1 pulmonaire élevée.
Tétralogie de Fallot 10,0 Sténose pulmonaire 9,0
Hypoplasie cœur gauche 9,8 CIA ostium 2 7,7


CIV périmembraneuse 9,8 Canal AV 7,4
Canal AV 7,0 Tétralogie de Fallot 6,8
CIV musculaire 5,4 Transposition gros vaisseaux 4,7
Étiologies
Atrésie pulmonaire 4,6 Coarctation AO 4,6
Hétérotaxie 4,5 Hypoplasie cœur gauche 3,8
Coarctation aorte 4,3 Sténose aortique 2,9 Les malformations correspondent à l’arrêt du
Sténose aortique 3,9 Canal artériel 2,4 développement cardiaque à un stade donné de
Sténose pulmonaire 3,2 Hétérotaxie 2,3
© Elsevier, Paris

l’organogenèse, et les mécanismes pathogènes


VDDI 2,9 VDDI 2,9 demeurent hypothétiques (Clark et al) : anomalies du
CIA 2,4 Cardiomyopathie 1,9
situs auriculaire et de la boucle ventriculaire ;
Divers 16,6 Divers 10,6
anomalies de migration cellulaire et notamment des
AO : aorte ; CIV : communication interventriculaire ; AV : atrioventriculaire ; VDDI : ventricule droit à double issue ; CIA : communication interauriculaire crêtes neurales (population de cellules induisant le

1
8-0680 - Cardiopathies congénitales

développement d’autres structures), fréquemment artériel si la cardiopathie est « ductodépendante ». Le pulmonaire ; le souffle de communication est discret
liées à des microdélétions chromosomiques 22q1 1 ; transfert médicalisé de l’enfant en milieu spécialisé ou absent ; hépatomégalie, troubles respiratoires
perturbations hémodynamiques in utero ; anomalies est indispensable, pour une prise en charge chroniques et retard de croissance sont constants ;
de la matrice extracellulaire et du développement médicochirurgicale immédiate. Le tableau II résume – cyanose : coloration bleutée des téguments
des bourgeons endocardiques ; défauts de les principales étiologies. et des muqueuses, localisée à la région péribuccale
croissance tissulaire ; mort cellulaire. ■ Principaux symptômes chez le nourrisson : et aux extrémités, ou plus diffuse ; la mesure
Près de 90 % des cardiopathies n’ont pas – insuffisance cardiaque progressive : transcutanée de la saturation en oxygène du sang
d’étiologie reconnue. fatigabilité et tachypnée d’effort, difficultés (SO2 Tc) confirme des valeurs abaissées inférieures à
La coïncidence d’une prédisposition génétique alimentaires, hypotrophie staturopondérale, 93 % (N : 95-100 %). L’administration d’O2 n’a pas
individuelle et de facteurs environnementaux encore hypersudation chronique. L’enfant est pâle, souvent d’effet en cas de cardiopathie cyanogène, ce qui
mal connus aboutit à une malformation cardiaque, irritable, ou au contraire trop calme et ne réclamant définit l’état d’hypoxémie réfractaire, mais améliore
selon le concept « d’hérédité multifactorielle à seuil » pas ses repas. L’examen met en évidence une en revanche la SO2 en cas d’insuffisance de
développé par Nora et al. tachycardie, parfois un bruit de galop, une l’hématose de cause respiratoire. D’autres
symptômes sont associés à la cyanose : tachypnée
d’effort superficielle, modification comportementale
Étiologies des cardiopathies congénitales du nourrisson (anxiété, agitation, économie des
✔ Anomalies génétiques : efforts) et léger retard staturopondéral.
– les aberrations chromosomiques sont responsables de 5 % des cardiopathies : La présence d’une cyanose implique un
trisomie 21 surtout (1/700 naissances), avec cardiopathie dans 50 % des cas ; diagnostic urgent.
– les anomalies monogéniques suivent les lois de l’hérédité mendélienne, mais ■ Cardiopathies de l’enfant et de l’adolescent :
avec une pénétrance variable. L’action pléiotrope des gènes explique la fréquence le plus souvent, l’enfant bénéficie à cet âge d’une
des syndromes polymalformatifs dont la cardiopathie n’est qu’un élément. surveillance cardiologique pour antécédents de
✔ Facteurs tératogènes spécifiques : ils sont responsables d’embryofœtopathies et de cardiopathie, déjà opérée ou non. Les symptômes à
2 % des cardiopathies congénitales : type de dyspnée d’effort, de douleurs thoraciques ou
– facteurs toxiques : alcool +++, sels de lithium, certains anticonvulsivants ; de palpitations, de malaise, seront rapportés
– infection maternofœtale : rubéole congénitale surtout, devenue rare ; directement par le patient et pourront plus
– causes métaboliques : diabète sucré maternel, phénylcétonurie ; facilement être analysés.
– mécanismes immunologiques : lupus érythémateux disséminé maternel à Les cardiopathies relativement silencieuses
l’origine d’un bloc auriculoventriculaire (BAV) fœtal. comme la CIA, les anomalies partielles du retour
Mais près de 90 % des cardiopathies n’ont pas d’étiologie reconnue ++. veineux pulmonaire, la bicuspidie aortique ou
d’autres anomalies valvulaires, la cardiomyopathie
hypertrophique, seront découvertes à cet âge ou


hépatomégalie avec reflux hépatojugulaire, des râles chez l’adulte.
Diagnostic des cardiopathies humides aux bases pulmonaires. Une cardiomégalie ■ Les troubles du rythme cardiaque peuvent
radiologique avec surcharge vasculaire et/ou révéler ou plutôt compliquer l’évolution de certaines
œdème pulmonaire est habituelle. L’échographie cardiopathies par une insuffisance cardiaque :
‚ Principales situations cliniques
constitue l’exploration à visée étiologique la plus bradycardie régulière entre 50 et 80 b/min
et conduite à tenir
efficace ; évocatrice de BAV congénital, ou tachycardie
Dépistage systématique – hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) : régulière et paroxystique au-delà de 200 b/min
■ Le dépistage prénatal par échographie évoquée principalement dans un contexte de shunt essentiellement d’origine supraventriculaire.
morphologique de routine à 20 semaines gauche-droite (G-D) volumineux, en présence d’une
d’aménorrhée, ou par échocardiograhie spécialisée cyanose et d’une tachypnée d’effort, et à
Trois symptômes doivent faire évoquer
motivée en raison de facteurs de risques l’auscultation d’un B2 unique et claqué au foyer
le diagnostic de cardiopathie
cardiologiques ou d’anomalies suspectes a pour congénitale chez le nourrisson :
Tableau II. – Cardiopathies à révélation
objet d’informer les parents, de préparer la naissance néonatale. – l’insuffisance cardiaque
et d’organiser les soins périnataux en milieu progressive ;
spécialisé. Une interruption médicale de grossesse Climat d’urgence
Transfert en centre spécialisé – l’hypertension artérielle
peut être envisagée si la cardiopathie est jugée létale
(conditionnement ++) pulmonaire ;
ou à l’origine d’un handicap majeur ; l’analyse du
Cardiopathies cyanogènes – la cyanose.
caryotype fœtal est nécessaire.
■ Le dépistage postnatal est soit précoce, en Transposition simple des gros vaisseaux
Lésions obstructives du cœur droit ‚ Examens complémentaires
maternité et chez le nourrisson, soit plus tardif, à — atrésie pulmonaire +/- CIV
l’école et lors d’une demande de certificat d’aptitude — tétralogie de Fallot ■ Échocardiographie : méthode non invasive et
au sport ; il est essentiellement basé sur la — sténose critique valvulaire pulmonaire reproductible, essentielle. Le mode Tm permet le
découverte d’un souffle cardiaque, d’une — atrésie tricuspide + obstruction pulmonaire calcul précis des dimensions et de la cinétique
hypertension artérielle (HTA) ou d’une abolition des Retour veineux pulmonaire anormal, total, blo- ventriculaire. Le mode 2D offre la possibilité
qué
pouls fémoraux. Il est indispensable de pouvoir d’analyser l’architecture cardiaque en deux
distinguer un souffle innocent d’un souffle Insuffisance cardiorespiratoire dimensions, et autorise l’évaluation des débits et des
organique, lequel motivera des examens spécialisés. Lésions obstructives du cœur gauche fractions d’éjection ventriculaires. L’échographie par
— hypoplasie cœur gauche
— sténose critique valvulaire aortique voie œsophagienne est surtout utile chez
Cardiopathies symptomatiques l’adolescent et l’adulte, ou dans le contexte
— coarctation aortique (syndrome ++)
■ Les cardiopathies à révélation néonatale Shunt gauche-droite : postopératoire. L’imagerie en trois dimensions, très
présentent le plus souvent un caractère d’urgence : — canal AV prometteuse, est d’apparition plus récente.
insuffisance cardiaque aiguë, détresse respiratoire, — ventricule unique ■ Doppler : la mesure des vélocités sanguines
— fistule artérioveineuse large (cérébrale)
cyanose intense, survenant après un intervalle libre — canal artériel large (prématuré) par effet doppler permet une approche hémodyna-
de quelques jours, lors de la fermeture du canal mique non invasive des cardiopathies : calcul des

2
Cardiopathies congénitales - 8-0680

débits, analyse du remplissage ventriculaire, hydraulique est définie par le rapport de la variation
évaluation des gradients de pressions de part et des pressions entre les deux extrémités du circuit, sur
d’autre des cloisons intracardiaques ou des valves, le débit du fluide : R = dP/Q.
visualisation en couleur des flux sanguins selon leurs L’élévation de la RVP dépend du niveau des
vitesses et leurs directions. pressions pulmonaires, de la SO 2 artérielle
■ Cathétérisme cardiaque avec angiographie : le pulmonaire, de l’ancienneté du shunt, et de facteurs
cathétérisme est encore la méthode de référence de susceptibilité individuels (âge, prédisposition
pour le calcul des pressions, des résistances génétique). Les remaniements de la circulation
vasculaires et du volume des shunts (rapport Qp/Qs pulmonaire, secondaires à l’HTAP et à l’hyperflot
entre débits pulmonaire et systémique). pulmonaire, constituent le support histopatholo-
L’angiographie est indiquée pour apprécier l’état de gique de l’élévation de la RVP : lésions réversibles à
la circulation pulmonaire, analyser les lésions type d’épaississement de la média et de l’intima des
multiples, les anomalies vasculaires et la circulation vaisseaux, par adaptation à l’augmentation de la
coronaire (coronarographie sélective réalisable dès contrainte pariétale, puis constitution de lésions
la naissance). Les risques de l’examen dépendent du irréversibles (stade de RVP haute et fixée) à type de
status hémodynamique, de l’âge de l’enfant et du fibrose, hyalinose, nécrose cellulaire, et enfin
type de procédure. apparition de lésions plexiformes oblitérant la
■ Examens indiqués occasionnellement : lumière des artérioles. Lorsque la RVP atteint le
– épreuve d’effort sur bicyclette ou sur tapis niveau systémique, le shunt G-D est aboli ; il s’inverse
roulant, réalisable dès l’âge de 5 ans et d’un grand si la RVP devient suprasystémique.
1 Communication interventriculaire (CIV) : locali-
intérêt pour établir l’aptitude au sport ; ■ Les troubles ventilatoires (atélectasie, stase des
sation anatomique. Face droite du septum interven-
– enregistrement prolongé sur 24 ou 48 sécrétions et surinfections) sont favorisés par la
triculaire (AO : aorte ; VCS : veine cave supérieure ;
heures du rythme cardiaque (Holter ECG) ou de la dilatation des artères pulmonaires, lesquelles VD : ventricule droit ; OD : oreillette droite ; TAP :
pression artérielle (Holter tensionnel), dans le bilan compriment les voies aériennes de voisinage. tronc artériel pulmonaire).
des arythmies et de l’HTA ; ■ Les conséquences cardiaques de l’hyperflot 1. CIV périmembraneuse ; 2. CIV trabéculée
– IRM cardiaque, scanner thoracique, pulmonaire sont liées à l’augmentation du retour moyenne ; 3. CIV du septum d’admission ; 4. CIV
scintigraphie myocardique. veineux pulmonaire et à la surcharge des cavités infundibulaire.
gauches, entraînant des mécanismes adaptatifs :


tachycardie sinusale, dilatation et hypertrophie du
Principales cardiopathies ventricule gauche (VG), favorisant une décompen-
congénitales sation précoce. L’élévation des pressions capillaires
pulmonaires provoque un subœdème et une
‚ Shunts gauche-droite diminution de la compliance pulmonaire.
Définition ¶ Hypodébit systémique
Il s’agit d’un flux sanguin dirigé de la circulation Il a pour conséquences l’hypotrophie
gauche vers la circulation droite, à travers une staturopondérale, et la mise en jeu de mécanismes
communication siégeant à l’intérieur du cœur ou visant à maintenir une pression artérielle normale et
entre les vaisseaux. à éviter l’ischémie des territoires privilégiés classiques
(rénal, cérébral et coronaire) : stimulations
Physiopathologie catécholaminergique et neurosympathique
Le shunt est responsable d’un hyperflot expliquant les sueurs profuses et la vasoconstriction
pulmonaire et d’un hypodébit aortique. Le volume périphérique, rétention hydrosodée ; ces
du shunt correspond à la différence entre les débits mécanismes élèvent la postcharge du VG et
pulmonaire et aortique (Qp-Qs) et dépend de la taille favorisent la décompensation cardiaque.
de la communication et du niveau respectif des
Types de shunt gauche-droite 2 Communication interventriculaire musculaire
résistances vasculaires systémique et pulmonaire, la basse (échocardiographie-doppler à codage couleur).
compliance ventriculaire intervenant aussi dans le Coupe parasternale gauche du VG selon son grand
cas des shunts atriaux. axe. Le flux turbulent de couleur « mosaïque » tra-
Les différents shunts
verse la CIV.
¶ Hyperflot pulmonaire et conséquences « gauche-droite » :
■ HTAP précapillaire : l’augmentation du débit ✔ CIV ;
pulmonaire provoque une majoration de la contrainte ✔ CIA ; multiples et fréquemment associées à d’autres
pariétale des artères, avec élévation modérée des ✔ canal artériel ; anomalies cardiaques, malformatives ou génétiques.
pressions précapillaires pulmonaires. Le niveau des ✔ canal atrioventriculaire ; Le diagnostic est soit fortuit, soit porté devant une
pressions pulmonaires dépend surtout du siège du ✔ anomalies du retour veineux insuffisance cardiaque progressive avec HTAP ; il
shunt : HTAP peu importante et tardive au cours de pulmonaire ; repose sur l’auscultation : souffle holosystolique,
shunt entre cavités à « basses pressions », de type ✔ fenêtre aortopulmonaire. frémissant et intense, en jet de vapeur, précordial et
auriculaire ; HTAP précoce et sévère pour les shunts de
irradiant en « rayons de roue ».
type ventriculaire ou aortopulmonaire qui entraînent
Il n’y a pas de corrélation stricte entre l’intensité
rapidement l’égalisation des pressions gauches et ¶ Communication interventriculaire (CIV)
droites. Dans ce cas, la vasoconstriction et la Les CIV (fig 1) siègent au niveau de la portion du souffle et la taille de la CIV.
vasoréactivité artérielles sont importantes, et les stimuli membraneuse et sous-aortique du septum (CIV L’échocardiographie doppler permet de visualiser
hypoxiques ou hypercapniques, l’acidémie, sont à périmembraneuse), de sa portion musculaire (CIV le défaut septal (fig 2), d’en évaluer la taille et le
l’origine de crises hypertensives pulmonaires sévères. trabéculée), entre les orifices mitral et tricuspidien siège, d’apprécier le volume du shunt et le niveau
■ Élévation de la résistance vasculaire (CIV « d’admission »), CIV « infundibulaire » haut située des pressions pulmonaires. Le cathétérisme est
pulmonaire (RVP) : la résistance d’un circuit sous la valve pulmonaire. Elles sont isolées ou souvent requis dans le bilan préopératoire.

3
8-0680 - Cardiopathies congénitales

Physiopathologie
Le volume du shunt G-D est déterminé par le
niveau des pressions auriculaires, lui-même
dépendant de la « compliance ventriculaire » et par la
taille du défaut septal. Le shunt entraîne une
dilatation parfois très importante des cavités droites
et des vaisseaux pulmonaires, à l’origine d’arythmies
ou de fuites valvulaires, puis tardivement
d’insuffisance ventriculaire droite. Les modifications
histologiques de la circulation pulmonaire
secondaires à l’hyperflot ne conduisent que
tardivement et rarement à l’élévation de la RVP.
La survenue d’embolies paradoxales peut
compliquer l’évolution.

Clinique
Les signes fonctionnels sont frustes : infections
respiratoires récidivantes, tachypnée d’effort,
hypersudation chronique au repos et à l’effort,
3 Communication interventriculaire large : aspect
radiographique du thorax. Cardiomégalie et sur- contrastant avec un bon état général et une activité
charge vasculaire pulmonaire avec saillie de l’arc physique jugée « normale », mais en fait souvent
moyen gauche « autolimitée ».
Les arythmies sont fréquentes à l’âge adulte
Formes cliniques et évolution 4 Communication interauriculaire : localisation (palpitations ou tachycardies soutenues).
■ CIV asymptomatique (maladie de Roger) : CIV anatomique. Face droite de la cloison auriculaire L’auscultation retrouve un souffle doux,
de petite taille, très fréquente, marquée par un (VD : ventricule droit ; OD : oreillette droite ; TAP : proto-méso-systolique, éjectionnel, situé au foyer
souffle persistant de manière isolée. Une fermeture tronc artériel pulmonaire). 1. Ostium secundum
pulmonaire ; il correspond au souffle d’hyperflot
spontanée de la CIV est observée dans plus de la ou « central ». 2. CIA sinus venosus. 3. CIA bas située.
4. ostium primum. pulmonaire, typiquement associé à un dédou-
moitié des cas au cours des premières années de vie,
blement fixe de B2, persistant en expiration.
par constitution d’un anévrisme du septum
La radiographie du thorax montre une silhouette
membraneux ou d’un comblement progressif du d’évolution, une période d’amélioration clinique
cardiaque globuleuse avec débord auriculaire droit,
defect selon sa localisation. Les complications à type paradoxale survient, avec régression des
hypervascularisation pulmonaire et saillie de l’arc
de fuite aortique ou de surinfection oslérienne sont symptômes d’insuffisance cardiaque gauche ;
moyen gauche. L’ECG inscrit une surcharge des
rares. L’abstention chirurgicale est la règle. l’examen constate un B2 claqué et la disparition du
■ CIV large : les symptômes d’insuffisance cavités droites (déviation de l’axe du cœur entre
souffle de CIV. Une cyanose apparaît progressi-
cardiaque et d’HTAP débutent précocement, et +90° et +180°, ondes « P » amples), et un aspect de
vement dès l’âge de 10 ou 15 ans et s’intensifie avec
malgré un traitement médical symptomatique, bloc de branche droite.
les années ; une tachypnée au moindre effort
l’évolution est souvent médiocre, marquée par des L’échocardiographie-doppler localise et mesure le
l’accompagne, l’insuffisance cardiaque droite
hospitalisations fréquentes, jusqu’à la fermeture defect, évalue l’importance de la surcharge droite et
s’installe plus tardivement.
chirurgicale du shunt ou le cerclage de l’artère pulmonaire, la fonction du VD ; un aspect paradoxal
pulmonaire. L’ECG inscrit une surcharge des cavités La courbe de survie marque un net infléchis- ou plat de la cinétique septale interventriculaire est
gauches, le cliché thoracique montre une sement à partir de l’âge de 30 ans. Cette évolution fréquemment rencontré.
cardiomégalie avec saillie de l’arc moyen gauche et contre-indique la fermeture chirurgicale du shunt.
L’évolution est habituellement simple, expliquant
dilatation artérielle pulmonaire hilaire bilatérale (fig la possibilité d’un diagnostic tardif à l’âge adulte. La
¶ Communication interauriculaire
3). fermeture spontanée des petites CIA survient dans
Défaut septal de la cloison auriculaire, parfois
Le traitement chirurgical est maintenant indiqué près de la moitié des cas, et avant l’âge de 3 ans.
associé à des anomalies des retours veineux
dès l’âge de 3 à 6 mois : fermeture de la CIV à l’aide Il ne faut pas méconnaître les risques
pulmonaire ou systémique, à un prolapsus mitral, ou
d’une pièce en tissu synthétique, sous circulation d’insuffisance cardiaque droite ou d’HTAP brutale et
à une sténose pulmonaire.
extracorporelle. Les lésions associées (canal artériel,
sévère chez la femme enceinte, alors que la
autre shunt, lésions obstructives gauches) sont en Types anatomiques (fig 4) cardiopathie était bien tolérée auparavant. Les CIA
général traitées dans le même temps, selon leurs
■ CIA centrale dite « ostium secundum », la plus « vieillies » sont responsables d’arythmies auriculaires
indications propres. Des complications postopéra-
fréquente et de taille variable (5 à 30 mm). à type d’extrasystoles, de fibrillation, de tachycardies
toires peuvent survenir : poussées d’HTAP,
paroxystiques, parfois difficiles à régulariser et
dysfonction ventriculaire, troubles du rythme ou ■ CIA haut située, de type sinus venosus,
invalidantes.
BAV. La mortalité opératoire est inférieure à 5 %. En constituant un complexe malformatif avec anomalie
l’absence de lésion résiduelle, l’espérance de vie et la Le traitement de référence est chirurgical, indiqué
partielle du retour veineux pulmonaire droit dans la
qualité de vie ultérieure seront normales. lorsque l’hyperflot pulmonaire est significatif (rapport
veine cave supérieure.
■ CIV avec élévation fixée de la résistance QP/QS > 2), vers l’âge de 5 ans. L’intervention est
■ CIA bas située au voisinage de la veine cave réalisée sous circulation extracorporelle (CEC) en
vasculaire pulmonaire (complexe d’Eisenmenger) :
inférieure. utilisant une pièce en péricarde ou en tissu
les CIV non diagnostiquées étant devenues
exceptionnelles, cette évolution concerne en ■ CIA multiples. synthétique cousue sur les berges du defect. La
pratique les enfants porteurs d’anomalies génétiques La persistance du foramen ovale perméable (10 à mortalité opératoire est inférieure à 0,5 %,
ou extracardiaques sévères, chez lesquels la décision 20 % de la population générale) se situe aux l’évolution ultérieure excellente pour les formes
de fermeture chirurgicale d’un shunt G-D a toujours frontières nosologiques ; la CIA « ostium primum » est opérées dans l’enfance.
été différée, ou les formes accompagnées d’emblée une forme de canal atrioventriculaire, détaillée Depuis quelques années, la fermeture des CIA
de RVP haute et fixée. Après plusieurs années ci-après. « centrales » est réalisable par cathétérisme, à l’aide

4
Cardiopathies congénitales - 8-0680

d’une prothèse introduite par voie veineuse et fixée ¶ Canal atrioventriculaire (CAV) responsable de fuite valvulaire. Les voies de
sur les berges de la CIA. Cette technique prometteuse Cardiopathie fréquemment associée à des conduction et le nœud AV sont déplacés, et le VG
est en cours d’évaluation. anomalies extracardiaques et chromosomiques, peut être hypoplasique, ou obstrué par sa voie de
notamment la trisomie 21. chasse ; celle-ci prend l’aspect d’un « col de cygne ».
¶ Persistance du canal artériel
■ Physiopathologie : les shunts G-D « facultatifs »
Il faut distinguer deux types de canal artériel : CAV partiel
par la CIA et la CIV sont responsables d’une
– le canal artériel du prématuré est secondaire à Défini par une CIA « ostium primum », bas située,
insuffisance cardiaque précoce avec HTAP
l’immaturité et à l’hypoxémie par maladie au contact des anneaux auriculoventriculaires, ou
précapillaire ; les fuites valvulaires entraînent une
respiratoire ou infection périnatale. L’insuffisance par une oreillette unique ; ces lésions sont
HTAP postcapillaire. Enfin, un shunt « obligatoire »
cardiaque est précoce. La fermeture pharmacolo- habituellement associées à une fente de la valve
s’établit entre ventricules et oreillettes à travers le
gique du canal est tentée par cures d’indométacine antérieure mitrale, responsable de fuite mitrale, voire
large defect central.
par voie IV ou per os, le traitement chirurgical étant à une petite CIV ; les orifices auriculoventriculaires
réservé aux échecs ou aux contre-indications du sont distincts. ■ Clinique : le tableau clinique est celui d’une CIV
traitement médical ; ■ CIA « ostium primum » : le tableau clinique est large avec HTAP, accompagnée d’un souffle
– le canal artériel du nourrisson et de l’enfant est identique à celui décrit pour la CIA, mais la fuite systolique de fuite mitrale apicoaxillaire. Sont
secondaire à des anomalies histologiques pariétales mitrale peut être au premier plan. L’ECG est suggestif évocateurs : le contexte de trisomie 21 dans 50 %
empêchant sa fermeture postnatale ; il est isolé ou par la déviation gauche de l’axe du cœur (entre 0° et des cas, et l’ECG par la déviation gauche de l’axe du
associé à d’autres malformations (10 %). -90°). Les risques évolutifs, décrits pour la CIA, incitent cœur et la surcharge biventriculaire avec troubles
De petite taille, il est volontiers asymptomatique à proposer une correction chirurgicale vers l’âge de conductifs. L’échocardiographie-doppler permet
et découvert par un souffle continu sous-claviculaire 5 ans : fermeture par pièce et suture éventuelle de la l’analyse optimale des lésions valvulaires et de la
gauche irradiant dans le dos, ou par la palpation de fente mitrale. La mortalité opératoire est inférieure à taille des defects ; le cathétérisme cardiaque est
pouls fémoraux bondissants. L’échodoppler 5 %, mais les complications à type de BAV et de fuite indiqué en cas de forme anatomique atypique,
mitrale résiduelle sont potentiellement évolutives, d’anomalie associée ou pour évaluer la RVP.
confirme le diagnostic, et l’indication de fermeture
nécessitant une prise en charge à long terme.
est retenue en raison des risques à tout âge de greffe
■ Oreillette unique : malformation rare, associée ■ Le pronostic spontané est sombre, avec
oslérienne.
à des anomalies du retour veineux systémique, ou insuffisance cardiaque et maladie vasculaire
Les formes symptomatiques correspondent aux
faisant partie d’un syndrome polymalformatif pulmonaire obstructive en quelques mois,
canaux artériels larges : insuffisance cardiaque et notamment chez l’enfant trisomique 21.
(Ellis-Van Creveld, Holt-Oram). Les infections
HTAP précoces, hypotrophie, troubles respiratoires.
respiratoires répétées et la cyanose d’effort seront
L’indication de fermeture est là encore ■ La correction chirurgicale sous CEC est
fréquemment révélatrices, et une réparation
systématique : section-suture chirurgicale par indiquée vers l’âge de 6 mois et permet la fermeture
chirurgicale précoce visant à cloisonner les deux
thoracotomie latérale gauche, ou mise en place par des défauts septaux et la séparation des orifices
oreillettes est proposée.
cathétérisme interventionnel d’une ombrelle auriculoventriculaires ; les valves AV doivent être
intravasculaire ou d’un ressort coïl causant une CAV complet (20 % des CAV) étanches et non restrictives, tout en évitant la mise
thrombose oblitérante. Cette technique évite une ■ Morphologie (fig 5) : une CIA « ostium primum » en place de prothèse valvulaire. La mortalité globale
thoracotomie, mais le taux d’échec est supérieur à est associée à une CIV du septum d’admission, périopératoire varie de 10 à 30 %, l’insuffisance
celui de la chirurgie (10 à 15 % de shunts résiduels réalisant un vaste defect central, et à un orifice mitrale résiduelle est fréquente et nécessite un
contre 0 %). La chirurgie est indiquée de principe auriculoventriculaire commun sur lequel s’insèrent traitement médical prolongé et parfois des
pour les canaux larges ou présentant une disposition quatre à six éléments valvulaires, plus ou moins réinterventions, un BAV complet par lésions
anatomique particulière, voire pour tout canal dysplasiques ou hypoplasiques. L’hémivalve chirurgicales des voies de conduction indique la mise
artériel dans certaines équipes. antérieure est le plus souvent divisée par une fente en place d’une pile.

5 Canal atrioventriculaire complet (VD : ventri-


cule droit ; VG : ventricule gauche ; OD : oreillette
droite ; OG : oreillette gauche ).
A. Coupe des quatre cavités. Anneau AV com-
mun, large defect central, anomalies valvulai-
res.
B. Anneau unique et valves AV, vus
par l’oreillette droite. 1. Hémivalve antérieure ;
2. fente valvulaire ; 3. hémivalve postérieure ;
4. crête du septum interventriculaire.

5
8-0680 - Cardiopathies congénitales

¶ Anomalies du retour veineux pulmonaire pulmonaire et l’ECG inscrit une hypertrophie


Malformation rare, définie par l’abouchement ventriculaire droite, avec ondes « R » amples en V1.
anormal du retour veineux pulmonaire dans Le gradient transvalvulaire pulmonaire est
l’oreillette droite ou dans ses vaisseaux affluents correctement évalué par l’examen doppler, et les
(veines caves supérieure et inférieure). examens itératifs permettent d’apprécier l’évolutivité
Les formes partielles impliquent une à deux des lésions, surtout durant les 2 premières années de
veines pulmonaires, droites le plus souvent ; la la vie.
physiopathologie et les symptômes sont communs à Un gradient de sténose inférieur à 40 mmHg
la CIA, sans toutefois le dédoublement fixe de B2 à autorise une vie normale et une prophylaxie
l’auscultation. Le pronostic spontané est en général antioslérienne ; les formes serrées, même
excellent et il n’a pas d’indication chirurgicale. asymptomatiques, avec gradient supérieur à
Le retour veineux anormal total est en revanche 70 mmHg nécessitent une prise en charge afin de
redoutable, avec insuffisance cardiorespiratoire et prévenir une dysfonction ventriculaire droite
cyanose néonatales, œdème pulmonaire. Les quatre progressive à bas bruit.
veines pulmonaires sont drainées par un collecteur La dilatation valvulaire par cathétérisme
commun, fréquemment sténosé ou comprimé. Une interventionnel est tentée en première intention ; elle
CIA est toujours présente, sa taille conditionne la s’avère efficace dans la majorité des cas mais
précharge ventriculaire gauche et donc le débit comporte des risques d’arythmies ventriculaires ou
systémique. La radiographie du thorax montre un de lésions traumatiques intracardiaques et de fuite
œdème interstitioalvéolaire « poumon-brouillard » valvulaire pulmonaire (presque constante). Une
avec volume cardiaque normal. récidive de la sténose survient dans 20 à 30 % des
Le traitement chirurgical urgent vise à réimplanter cas, obligeant à un deuxième geste de valvuloplastie
le collecteur veineux dans l’oreillette gauche sous 6 Atrésie pulmonaire à septum intact (AO : aorte ;
percutanée.
CEC ; la mortalité préopératoire est importante. CA : canal artériel ; CG : communication gauche ;
La commissurotomie chirurgicale est indiquée en VG : ventricule gauche ; OD : oreillette droite ; TAP :
¶ Fenêtre aortopulmonaire cas d’échec ou de lésions associées. tronc artériel pulmonaire). 1. Sinusoïdes entre cavité
Communication située au-dessus des valves À l’opposé, la sténose « critique » du nouveau-né VG et coronaire gauche ; 2. atrésie pulmonaire ; 3.
sigmoïdes entre aorte ascendante et tronc peut menacer d’emblée le pronostic vital : fuite tricuspide ; 4. shunt D-G auriculaire.
pulmonaire, responsable d’une symptomatologie de l’hypertrophie et la dysfonction ventriculaire droite
type canal artériel. sont majeures, les pressions droites sont élevées et Le traitement chirurgical est indiqué pour un
causent un shunt D-G auriculaire avec cyanose, à gradient supérieur à 50 mmHg : résection des
‚ Malformations obstructives travers le foramen ovale « forcé ». Les symptômes à bandelettes musculaires et élargissement éventuel
type de cyanose et de détresse respiratoire de l’infundibulum par pièce.
dépendent de la perméabilité du canal artériel qui
Les différentes malformations constitue l’unique source de perfusion pulmonaire. Atrésie pulmonaire à septum intact
obstructives Le traitement médical vise à le maintenir perméable Cardiopathie à révélation néonatale, sévère,
✔ Sténose pulmonaire. à l’aide d’une perfusion de PGE1, et à améliorer associant une atrésie de l’orifice ou de la valve
✔ Atrésie pulmonaire à septum intact. l’insuffisance cardiaque droite congestive ; la pulmonaire à un hypodéveloppement du VD et de
✔ Coarctation de l’aorte. dilatation valvulaire par cathétérisme est tentée la valve tricuspide. Cette cardiopathie est singulière
✔ Sténose aortique. malgré les risques d’échecs ou de lésions par l’existence de communications (sinusoïdes) entre
✔ Hypoplasie du cœur gauche. traumatiques tricuspidiennes et du VD. la cavité VD et le système coronarien, favorisant
✔ Interruption de l’arche aortique. La qualité du VD (hypertrophie et fonction) l’ischémie myocardique par vol coronarien (fig 6).
✔ Obstruction au retour veineux constitue un facteur pronostique majeur. Le tableau clinique est celui d’une « sténose
pulmonaire. pulmonaire critique » ; le cathétérisme et
¶ Sténose supravalvulaire pulmonaire l’angiographie sont indiqués pour étudier la
et périphérique circulation coronaire et les possibilités chirurgicales.
Sténose pulmonaire Associée dans deux tiers des cas à d’autres
Le traitement médical repose sur le maintien d’un
malformations, elle doit faire rechercher une
¶ Sténose valvulaire pulmonaire canal artériel perméable à l’aide d’une perfusion de
embryofœtopathie (rubéole congénitale) et un
C’est la plus fréquente (90 %). PGE1 ; le traitement chirurgical est essentiellement
syndrome de Williams et Beuren.
Fusion commissurale complète ou partielle des palliatif (anastomose de Blalock modifiée ou
Le retentissement fonctionnel est absent dans les dérivation cavopulmonaire), mais certaines formes
valvules sigmoïdes, donnant à la valve un aspect de
formes modérées ou unilatérales, les formes diffuses favorables peuvent bénéficier d’une ouverture
dôme systolique perforé d’un gicleur ; les feuillets
sont cyanogènes. L’auscultation révèle un souffle chirurgicale de la voie pulmonaire. Le pronostic reste
valvulaires peuvent être dysplasiques et épais ; une
systolique ou continu assez doux, siégeant aux globalement sombre.
hypertrophie réactionnelle du VD apparaît avec
foyers de la base et irradiant vers le dos et les
l’évolution et peut entraîner un rétrécissement
aisselles ; l’angiographie pulmonaire est indiquée car Coarctation de l’aorte
sous-valvulaire pulmonaire.
l’échographie s’avère imprécise.
Chez le nourrisson et le grand enfant, la tolérance Sténose de l’isthme aortique en regard du canal
Les lésions sont accessibles à la dilatation par artériel (fig 7). La fermeture du canal artériel joue un
fonctionnelle est souvent excellente. Le diagnostic
cathétérisme interventionnel, mais les récidives sont rôle déterminant dans l’apparition, après un
est évoqué devant un souffle systolique rude,
fréquentes. intervalle libre, des signes de coarctation dominés
intense et frémissant, siégeant au foyer pulmonaire
et irradiant vers le dos. Un click protosystolique ¶ Sténose sous-valvulaire pulmonaire par l’abolition des pouls fémoraux.
éjectionnel témoigne de valves encore souples, la Obstacle à l’éjection du VD créé par l’hypertrophie ¶ Coarctation « pure » et classique du nourrisson
diminution de B2 et un souffle « court » indiquent au des bandelettes musculaires pariétale et septale, en et de l’enfant (90 %)
contraire une sténose serrée. règle bien toléré, et révélé par un souffle systolique Constituée d’un diaphragme fibreux obstruant la
La radiographie du thorax montre une saillie de éjectionnel intense au bord gauche du sternum, lumière du vaisseau ou d’une hypoplasie localisée
l’arc moyen gauche par dilatation du tronc irradiant vers les deux champs pulmonaires. de l’isthme aortique, elle est souvent associée à une

6
Cardiopathies congénitales - 8-0680

et l’angiographie est indiquée pour analyser la


circulation collatérale et l’aspect du segment coarcté.
Le traitement chirurgical est indiqué entre 6 mois
et 2 ans, car les résultats à long terme indiquent une
réduction de l’incidence des risques d’HTA à l’âge
adulte, évaluée entre 10 et 40 % si l’opération est
effectuée après 5 ans : résection de la coarctation et
anastomose terminoterminale de l’aorte
(intervention de Crafoord), ou plastie vasculaire
obtenue en rabattant l’artère sous-clavière gauche
(intervention de Waldhausen). La mortalité
opératoire est inférieure à 2 %, et les risques de
paraplégie par ischémie médullaire et d’hémorragies
sont faibles.
Une récidive de la coarctation survient dans 10 %
des cas, et plus fréquemment si l’opération est
réalisée avant 3 mois ; une dilatation par
cathétérisme interventionnel peut être indiquée :
efficace dans 50 à 85 % des cas, elle peut être
compliquée de déchirure vasculaire, de thrombose
fémorale, ou d’anévrisme aortique.

A ¶ Syndrome de coarctation à révélation


B néonatale (10 %)
7 Coarctation de l’aorte (AO : aorte ; CA : canal artériel ; TAP : tronc artériel pulmonaire). Il est défini par l’association d’une coarctation
A. Forme classique « pure ». (avec hypoplasie tubulaire de l’aorte horizontale),
B. Forme néonatale avec hypoplasie tubulaire de l’aorte et canal artériel vicariant. d’une CIV et d’un canal artériel s’implantant en aval
de la coarctation. Les anomalies valvulaires
aortiques et mitrales, l’hypodéveloppement du VG
sont fréquents. La CIV et l’obstruction aortique
provoquent un shunt G-D massif, avec HTAP et
insuffisance cardiaque précoces.
Le traitement médical repose sur l’utilisation IV
des PGE1 afin de maintenir perméable le canal
artériel, la ventilation artificielle, les traitements
inotropes et diurétiques. Le traitement chirurgical
consiste en une résection très étendue de la zone
coarctée pour éviter une coarctation résiduelle (30 %
des cas) ; les lésions associées sont corrigées si
possible dans le même temps, d’où une majoration
du risque opératoire.

Sténose aortique
¶ Sténose valvulaire (70 %)
La valve aortique est le plus souvent bicuspide, et
les deux sigmoïdes sont de tailles inégales et
séparées par des commissures partiellement
soudées et épaissies. L’aorte ascendante est dilatée
par « lésion de jet ». La sténose entraîne une
hypertrophie réactionnelle et délétère du VG, et un
8 Coarctation de l’aorte (doppler continu). Flux caractéristique systolodiastolique, accéléré.
risque d’ischémie myocardique par réduction de la
perfusion coronarienne en diastole.
L’adaptation à l’effort par tachycardie et
bicuspidie valvulaire aortique (30 à 50 % des cas). ¶ Clinique hypercinésie ventriculaire se fait au prix d’une
L’obstruction aortique entraîne une insuffisance Le diagnostic peut être posé fortuitement à partir
élévation des pressions systoliques VG et du gradient
cardiaque aiguë si elle survient brutalement, ou une d’une abolition des pouls fémoraux, d’une HTA aux
de sténose ; si les besoins métaboliques du
adaptation du VG par hypertrophie myocardique si membres supérieurs avec pression systolique
myocarde excèdent les capacités d’apports, il
la coarctation s’installe progressivement. Dans tous supérieure de 20 mmHg à celle du membre inférieur
apparaît une ischémie fonctionnelle, traduite par des
les cas, la pression artérielle s’élève en amont avec homolatéral, ou d’un souffle interscapulovertébral
troubles de la repolarisation ventriculaire à l’ECG,
menace cérébrale et apparition de lésions gauche, systolique ou continu, d’intensité moyenne.
mais surtout à l’origine d’arythmies graves, de
athéromateuses artérielles ; elle diminue en aval, L’échographie-doppler permet de visualiser
syncopes, et de mort subite.
d’où une hypoperfusion mésentérique et rénale, et directement la coarctation et d’évaluer l’hyper-
l’activation du système rénine-angiotensine- trophie myocardique et la fonction du VG. Une Formes de l’enfant
aldostérone. Une circulation collatérale se développe accélération typique du flux systolique avec Elles sont découvertes fortuitement à partir d’un
au cours des premières années de vie entre artères éventuelle prolongation diastolique est enregistrée souffle, ou se révèlent par des signes fonctionnels à
d’amont et d’aval, court-circuitant la coarctation et au niveau de l’isthme par doppler (fig 8). L’IRM l’effort : fatigabilité, malaise, tachypnée, angor,
amenant une régression spontanée de l’HTA. fournit d’excellentes informations morphologiques, syncope. Le souffle systolique est rude, intense,

7
8-0680 - Cardiopathies congénitales

proto-méso-systolique, maximal au foyer aortique et Interruption de l’arche aortique


irradiant vers les vaisseaux du cou. Il est associé à un
Cardiopathie sévère à révélation néonatale,
click protosystolique au bord gauche du sternum,
fréquemment associée à un syndrome de Di George
lorsque les valves sont encore souples.
(dysmorphie faciale, hypocalcémie par hypoparathy-
L’ECG est normal ou inscrit une hypertrophie du
roïdie, thymus absent ou hypoplasique, déficit
VG, les troubles de la repolarisation ventriculaire
immunitaire, retard intellectuel).
sont recherchés lors d’épreuves d’effort.
L’interruption de l’aorte siège à un niveau variable
Le diagnostic est confirmé par échodoppler avec
entre les vaisseaux de la crosse, et s’accompagne
aspect en dôme systolique des sigmoïdes aortiques ;
d’une CIV avec malalignement du septum
l’hypertrophie et la fonction du VG ainsi que le
responsable d’un obstacle sous-aortique ; le débit de
gradient de sténose sont appréciés.
l’aorte descendante est tributaire du canal artériel. La
L’évolution fonctionnelle est longtemps favorable,
diminution de tous les pouls, à l’exception du pouls
mais les symptômes cliniques et ECG à l’effort
carotidien droit, et l’échodoppler permettent
doivent être dépistés pour conduire à une indication
opératoire, dans la crainte d’une mort subite et d’une d’éliminer une hypoplasie VG et un syndrome de
détérioration de la fonction VG. coarctation, dont les aspects cliniques sont voisins.
Le rétablissement chirurgical de la continuité
La prophylaxie de l’endocardite d’Osler est
systématique, et le risque d’aggravation de la aortique doit être rapidement tenté, mais la mortalité
sténose justifie un protocole de surveillance périopératoire est de 10 à 30 %.
annuelle, clinique et échographique.
Les activités sportives seront autorisées, à Obstructions au retour veineux pulmonaire
l’exception des compétitions ou de l’entraînement à Groupe de cardiopathies rares et responsables
outrance, si l’enfant est asymptomatique et si le d’une élévation des pressions veineuses
gradient transvalvulaire aortique est inférieur à pulmonaires et d’un œdème pulmonaire ; la
40 mmHg. La surveillance comporte une épreuve 9 Hypoplasie du cœur gauche (VD : ventricule sémiologie respiratoire est riche, depuis la détresse
d’effort tous les 2 ans si le gradient est compris entre droit ; OD : oreillette droite ; OG : oreillette gauche ; respiratoire précoce jusqu’aux formes chroniques
50 et 70 mmHg ; les activités physiques seront CA : canal artériel ; TAP : tronc artériel pulmonaire). avec tachypnée, toux, infections répétées,
limitées. Au-dessus de 70 mmHg, l’indication d’une 1. Shunt G-D atrial ; 2. atrésie aortique ; 3. atrésie
hémoptysies. Le degré d’obstruction veineuse, la
commissurotomie chirurgicale ou d’une dilatation mitrale et cavité VG rudimentaire.
présence éventuelle d’un défaut septal auriculaire
valvulaire par cathétérisme est retenue. Les séquelles permettant une décharge de l’OG, conditionnent la
à type de fuite aortique ou de sténose résiduelle, est filiforme et contraste avec une crosse mieux
précocité et la sévérité des symptômes.
peuvent conduire à l’indication de remplacement développée, du fait d’une perfusion rétrograde
valvulaire, mais le plus tardivement possible. provenant du canal artériel. L’oreillette gauche est ¶ Cœur triatrial
hypoplasique et communique avec l’oreillette droite Les veines pulmonaires s’abouchent dans une
Sténoses « critiques » néonatales par une CIA ou un foramen ovale large. Les cavités chambre proximale séparée de la véritable OG par
Elles sont responsables d’insuffisance cardiaque droites sont dilatées, le VD est hypertrophié, une une membrane fibromusculaire perforée.
sévère avec œdème pulmonaire, et d’une dilatation fuite tricuspide massive est présente.
hypokinétique du VG avec fibroélastose Le VG est incapable d’assurer un débit ¶ Sténose et atrésie des veines pulmonaires
endocardique. Le bas débit cardiaque minimise le Constituée d’une sténose d’une ou plusieurs
systémique, et l’aorte descendante reçoit le sang
souffle et le gradient de sténose. Certaines formes provenant du VD et traversant le canal artériel ; la veines à leur jonction avec l’OG, ou d’une hypoplasie
confinent à l’hypoplasie du cœur gauche. Une fermeture du canal entraînera un collapsus veineuse diffuse, voire d’une agénésie d’un
commissurotomie chirurgicale ou une dilatation cardiovasculaire avec détresse vitale. Les lésions collecteur veineux pulmonaire commun. Le
valvulaire par cathétérisme sont réalisées en obstructives du cœur gauche sont responsables traitement chirurgical reste très décevant, les
urgence, mais la mortalité reste importante. d’œdème pulmonaire et d’HTAP. techniques de dilatation et de mise en place de
Le traitement médical ne se conçoit que dans un ressort stent par cathétérisme interventionnel offrent
¶ Sténose supravalvulaire aortique une alternative thérapeutique.
L’aorte ascendante est rétrécie en sablier ou projet thérapeutique. Il vise à rouvrir le canal artériel
hypoplasique, parfois obstruée par un diaphragme par perfusion IV de PGE1 et à compenser les ¶ Rétrécissement mitral congénital
fibreux ; les artères coronaires sont dilatées car désordres métaboliques et respiratoires. L’abstention Il est causé par des lésions valvulaires (dysplasie,
soumises à des pressions élevées. Un syndrome de thérapeutique est habituelle en France, mais deux hypoplasie), par un diaphragme supravalvulaire, ou
Williams et Beuren ou une forme familiale seront options peuvent être envisagées : par des anomalies de l’appareil sous-valvulaire :
recherchés. Le traitement chirurgical est complexe – programme chirurgical palliatif décrit par valve en parachute ou en hamac. Des anomalies
dans les formes avec hypoplasie diffuse. Norwood et al, effectué en plusieurs temps, visant à sont associées dans 60 à 90 % des cas. Le pronostic
transformer la voie droite en voie gauche, la est sombre, la réparation chirurgicale complexe.
¶ Sténose sous-valvulaire aortique perfusion pulmonaire étant assurée par une
Cardiopathie rare et associée dans 25 % des cas à dérivation cavopulmonaire ; ce programme est
d’autres anomalies cardiaques, présentant divers ‚ Cardiopathies cyanogènes
grevé d’un taux de mortalité de 50 à 70 % et d’un
aspects : diaphragme fibreux implanté sous la valve, pronostic aléatoire en termes de qualité de vie ; Elles représentent environ un quart des
nécessitant une résection chirurgicale ; tunnel – greffe cardiaque autorisant une survie dans 70 cardiopathies, et la cyanose résulte de cinq
fibromusculaire sous-aortique ; obstructions à 90 % des cas à 5 ans, mais rarement réalisable par mécanismes physiopathologiques principaux :
d’origine mitrale ou musculaire, très difficiles à traiter défaut de donneurs d’organes, et soulevant des obstruction de la voie droite associée à un défaut
chirurgicalement. questions éthiques fondamentales. septal en amont de l’obstacle ; anomalies de
Le dépistage prénatal conduit souvent à une connexion ventriculoartérielle ; présence d’une
Hypoplasie du cœur gauche interruption médicale de la grossesse, selon la chambre de mélange des flux sanguins saturés et
Définie par l’hypodéveloppement de la cavité décision des parents. Le risque de récurrence de désaturés en O 2 ; fistules artérioveineuses
ventriculaire gauche avec hypoplasie ou atrésie des cardiopathies peut atteindre 10 à 15 %, justifiant un pulmonaires ; anomalies du retour veineux
valves d’entrée et de sortie (fig 9) ; l’aorte ascendante conseil génétique. systémique dans l’oreillette gauche.

8
Cardiopathies congénitales - 8-0680

– dextroposition de l’aorte qui naît à cheval ¶ Prévention


Les cardiopathies cyanogènes au-dessus des deux ventricules ; La prévention des malaises repose sur la
incluent : – hypertrophie ventriculaire droite secondaire à surveillance cardiologique régulière avec
✔ la tétralogie de Fallot ; la sténose pulmonaire. échographie-doppler, l’utilisation éventuelle de
✔ l’atrésie pulmonaire à septum Les lésions associées sont fréquentes : anomalies bêtabloquants per os (propranolol à la posologie de
ouvert ; de naissance ou de trajet des artères coronaires (10 2 à 5 mg/kg/j répartis en 3 à 4 prises quotidiennes).
✔ la transposition des gros à 30 %), arc aortique droit (25 %). ¶ Chirurgie
vaisseaux ; La prise en charge chirurgicale et précoce de la
✔ les anomalies complexes de ¶ Physiopathologie
Le shunt D-G par la CIV est obligatoire, mais cardiopathie est recommandée.
connexion ventriculoartérielle ; Deux alternatives chirurgicales sont proposées :
dépend de la sévérité de la sténose pulmonaire et du
✔ l’atrésie tricuspide ; – anastomose palliative de « Blalock-Taussig
niveau de la résistance vasculaire systémique,
✔ le cœur univentriculaire ; modifiée », réalisée au cours des premiers mois de
laquelle diminue à l’effort. La sténose pulmonaire et
✔ la malformation d’Ebstein. vie dans l’attente d’une cure complète, mettant en
l’hypertrophie du VD s’aggravent avec l’âge, mais
l’insuffisance cardiaque est rare. communication l’artère sous-clavière et l’artère
Tétralogie de Fallot pulmonaire homolatérale à l’aide d’un tube calibré
¶ Clinique en Gore-Text ; la sténose pulmonaire centrale est
¶ Définition La cyanose est discrète à la naissance et apparaît ainsi « court-circuitée » et l’anastomose permet une
La tétralogie de Fallot est la cardiopathie au cours des premiers mois de vie, avec tachypnée croissance des artères pulmonaires ;
cyanogène la plus fréquente. et fatigabilité à l’effort. L’auscultation est marquée – réparation complète, indiquée dès l’âge de 6
La tétralogie de Fallot est définie par quatre par un B2 unique et diminué au foyer pulmonaire, et mois, ou d’emblée pour certains si les conditions
éléments : par un souffle systolique râpeux infundibulopulmo- anatomiques l’autorisent : fermeture de la CIV,
– sténose infundibulaire pulmonaire : obligatoire, naire. Si le souffle est long, la sténose pulmonaire est résection de la sténose sous-pulmonaire, ouverture
de nature musculaire, plus ou moins diffuse, et peu sévère ou modérée ; un souffle bref indique une de la valve pulmonaire, et parfois élargissement de
associée dans deux tiers des cas à une sténose sténose serrée. la voie infundibulopulmonaire par une pièce
valvulaire pulmonaire. Le tronc pulmonaire est L’ECG inscrit une déviation axiale droite et des transannulaire.
lui-même hypoplasique ou rétréci, et des sténoses signes d’hypertrophie VD. La radiographie du thorax Les résultats du traitement chirurgical sont en
distales au niveau de la bifurcation ou des branches
montre typiquement un apex cardiaque surélevé et général satisfaisants : mortalité inférieure à 5 %,
pulmonaires peuvent être présentes (fig 10) ;
un arc moyen gauche concave (cœur en sabot), une survie à long terme de 85 % des patients avec vie
– CIV : typiquement périmembraneuse, unique et
diminution de la vascularisation pulmonaire « normale » dans la plupart des cas ; certaines lésions
large, mais parfois CIV multiples ;
périphérique. L’échocardiographie permet l’analyse résiduelles seront à surveiller et à traiter : sténose
précise des lésions, l’examen doppler quantifie le pulmonaire presque obligatoire, insuffisance
gradient de sténose pulmonaire, et le cathétérisme valvulaire pulmonaire dans plus de la moitié des cas,
avec angiographie présente deux intérêts : visualiser CIV, BAV complet ; une dysfonction ventriculaire
au mieux la voie droite et la circulation pulmonaire, droite prédispose aux arythmies ventriculaires
dépister les anomalies coronaires et les lésions tardives avec risques de mort subite.
associées.
Atrésie pulmonaire à septum ouvert (APSO)
¶ Complications
Les complications évolutives sont sévères : L’APSO réunit les éléments de la tétralogie de
malaises hypoxémiques (rares avant 1 an), accidents Fallot mais la sténose pulmonaire est remplacée par
vasculaires cérébraux, abcès cérébral, endocardite une atrésie de la valve et de la portion initiale du
d’Osler. tronc pulmonaire ; l’infundibulum ventriculaire droit
est borgne, les branches pulmonaires ne sont pas
Le malaise hypoxémique constitue une urgence
toujours confluentes, et certaines artères
cardiologique, et nécessite l’hospitalisation
systémiques ont pour rôle de suppléer la
immédiate de l’enfant ; il est causé par un spasme
vascularisation pulmonaire : canal artériel, artères
musculaire de l’infundibulum sous-pulmonaire,
bronchiques et surtout artères collatérales nées de
responsable d’hypodébit pulmonaire et de shunt
l’aorte thoracique et anastomosées avec les artères
D-G massif, favorisé par les stimuli catécholaminergi-
pulmonaires centrales ou intraparenchymateuses ;
ques : effort, stress, crises de pleurs. Il se traduit par
certaines collatérales irriguent directement des
un accès prolongé de pâleur ou de cyanose extrême,
segments ou lobes pulmonaires.
avec tachycardie et tachypnée, obnubilation puis
Une cyanose précoce ou un accident hypoxé-
hypotonie, et risque de convulsions ; l’hypoxémie est
mique aigu révèlent la cardiopathie, suspectée
majeure, le souffle systolique de sténose pulmonaire
devant un souffle continu sous-claviculaire gauche
disparaît.
ou paravertébral, témoignant de la circulation de
¶ Traitement suppléance ; le B2 est unique au foyer pulmonaire.
Le traitement des malaises ne peut être différé en La vascularisation pulmonaire est pauvre ou
raison des risques de séquelles neurologiques et de pléthorique à la radiographie selon le type de
mort de l’enfant : oxygénothérapie et surtout suppléance vasculaire, avec image typique du « cœur
10 Tétralogie de Fallot (VD : ventricule droit ; AO : injection lente de propranolol IV à la posologie de en sabot ».
aorte ; VG : ventricule gauche ; OG : oreillette gau- 0,05 à 0,1 mg/kg, éventuellement renouvelable. En L’échocardiographie-doppler montre l’absence de
che ; OD : oreillette droite ; TAP : tronc artériel pul- cas de difficultés, l’injection intrarectale de diazépam connexion et de flux entre VD et AP, précise la
monaire). (0,5 à 1 mg/kg) peut s’avérer efficace. En l’absence longueur du segment atrétique, le type de
1. CIV périmembraneuse ; 2. sténose infundibulaire d’amélioration, seront indiqués un remplissage suppléance vasculaire, et recherche les lésions
sous-pulmonaire ; 3. chevauchement aortique sur le cardiovasculaire, une correction de l’acidose associées fréquentes : CIA (50 %), arc aortique droit
septum ventriculaire ; 4. hypertrophie VD.
métabolique, voire l’utilisation d’adrénaline. (25 %), anomalies coronaires, ou plus complexes.

9
8-0680 - Cardiopathies congénitales

12 Transposition des gros


vaisseaux (échocardiogra-
phie 2D). Coupe parasternale
gauche haut située, montrant
le parallélisme anormal des
gros vaisseaux.

sanguins à travers certaines communications l’incidence des arythmies auriculaires tardives (50 %),
(foramen ovale surtout, canal artériel ou CIV) : une des risques de mort subite et d’insuffisance
partie du sang veineux atteint ainsi les poumons, et irréversible du VD laissé anatomiquement en
une partie du sang oxygéné rejoint l’aorte. position sous-aortique (10 %).
Le VG deviendra en quelques semaines
incompétent à supporter une circulation systémique. ¶ TGV avec CIV
À l’inverse, on constate rapidement une La cyanose est plus discrète et le tableau évoque
11 Transposition des gros vaisseaux (AO : aorte ;
hypertrophie ventriculaire droite. plus une CIV avec shunt G-D volumineux et HTAP
VG : ventricule gauche ; CA : canal artériel ; VD :
ventricule droit ; TAP : tronc artériel pulmonaire). précoce. Correction anatomique et fermeture de la
Clinique CIV en un temps sont habituellement proposées
Le diagnostic doit être suspecté devant toute dans le premier mois de vie.
Les angiographies permettent d’établir une cyanose néonatale intense et isolée, réfractaire à
cartographie exacte de la circulation pulmonaire. l’oxygène, sans anomalie auscultatoire, ECG ou ¶ TGV avec sténose pulmonaire et CIV
radiographique. Le risque de détérioration clinique, Aspect clinique d’une tétralogie de Fallot.
¶ Traitement
Une perfusion de PGE1 est indiquée chez les imprévisible et brutal, impose le transfert immédiat L’opération curative peut être précédée d’un shunt
nouveau-nés hypoxémiques, avant d’envisager une dans une unité spécialisée. Le diagnostic de certitude palliatif de Blalock, et a pour but de rétablir la
anastomose de Blalock modifiée ou le rétablis- repose sur l’échographie-doppler (fig 12). continuité VD-AP par tube valvulé ou directement.
sement provisoire d’une continuité VD-AP par tube. La conduite à tenir immédiate dépend de la
La cure complète chirurgicale est réalisée avant l’âge tolérance clinique et des données échographiques : Anomalies complexes de connexion
de 1 an : fermeture de la CIV, mise en place d’un – cathétérisme en urgence pour agrandir un ventriculoartérielle
tube valvé entre VD et bifurcation pulmonaire ; foramen ovale restrictif (manœuvre de Rashkind) ;
L’abord de ces cardiopathies doit tenir compte des
les collatérales sont préalablement occluses, et – perfusion IV de PGE 1 pour maintenir
réalités chirurgicales : critères anatomiques définis à
les territoires qui en sont tributaires raccordés aux perméable le canal artériel et ainsi majorer le
évaluer par échocardiographie-doppler (notamment
artères pulmonaires centrales (principe volume des shunts croisés (ductal et atrial).
la distance entre valves tricuspide et pulmonaire, qui
d’« unifocalisation »). Depuis les années 1980, l’indication d’une
détermine la possibilité de reconstruire un chenal
Les résultats dépendent surtout des conditions « correction anatomique chirurgicale » est retenue
VG-aorte sans obstruer la voie sous-pulmonaire).
anatomiques ; à moyen terme le remplacement du avant la fin du premier mois de vie (période
tube VD-AP, voire une reconstruction plus définitive correspondant à un ventricule gauche encore ¶ Ventricule droit à double issue (VDDI)
de la voie pulmonaire, sont obligatoires. « préparé ») : les gros vaisseaux sont sectionnés Anomalie la plus fréquente de ce groupe, définie
au-dessus des valves sigmoïdes, puis décroisés et par la naissance « préférentielle » des vaisseaux à
Transposition des gros vaisseaux (TGV) anastomosés aux culots ventriculaires « physiologi- partir du VD (fig 13) et se présentant sous trois
ques » ; le transfert des ostia coronaires d’un culot formes anatomocliniques :
¶ TGV simple artériel à l’autre est responsable des principales
Définie par une discordance ventriculoartérielle : – CIV sous-aortique et sténose pulmonaire :
difficultés opératoires. Lorsque le diagnostic est tableau de tétralogie de Fallot ;
l’aorte naît du ventricule droit et l’artère pulmonaire
tardif, le VG doit être préparé à la correction – VDDI et CIV sous-aortique : aspect de CIV large
du ventricule gauche (fig 11). Les anomalies
anatomique par un cerclage de l’artère pulmonaire. avec HTAP ;
d’origine et de distribution des artères coronaires
La mortalité périopératoire est de 5 à 10 %,
sont très fréquentes. Les malformations – VDDI et CIV sous-pulmonaire : cyanose intense
l’évolution ultérieure habituellement « normale »,
extracardiaques et les aberrations chromosomiques et HTAP précoces.
rarement marquée par une sténose supravalvulaire
sont rares. Trois principes chirurgicaux seront discutés, selon
pulmonaire ou une fuite aortique. Le recul est
Physiopathologie insuffisant pour juger des risques coronariens à long la position respective des vaisseaux et de la CIV, et
Le sang veineux désaturé atteint l’aorte, alors que terme. chercheront à éviter la mise en place de prothèse :
le sang oxygéné provenant des veines pulmonaires Les techniques de « correction physiologique » cloisonnement simple intraventriculaire ; réparation
rejoint l’artère pulmonaire. Les deux circulations (interventions de Mustard et de Senning) ont pour endoventriculaire (REV) avec réimplantation directe
fonctionnent en parallèle, avec deux shunts principe de créer des chéneaux veineux à l’intérieur de l’AP sur le VD et fermeture de la CIV ;
obligatoires : D-G entre veines cave et aorte, et G-D des oreillettes pour diriger le sang désaturé vers les détransposition artérielle, déjà décrite pour la TGV.
entre veines pulmonaires et artère pulmonaire. La poumons et le sang oxygéné vers l’aorte ; leurs Ces interventions sont envisagées chez le
survie n’est possible que par le passage croisé de flux indications sont devenues rares en raison de nourrisson. La mortalité postopératoire atteint 10 à

10
Cardiopathies congénitales - 8-0680

13 Ventricule droit à double issue (AO : aorte ; VD : 15 Atrésie tricuspide (AO : aorte ; CIA : communi-
ventricule droit ; OD : oreillette droite ; TAP : tronc cation interauriculaire ; CIV : communication inter-
artériel pulmonaire). 1. CIV sous-aortique ; 2. CIV ventriculaire ; VD : ventricule droit ; OD : oreillette
sous-pulmonaire ; 3. CIV en relation avec les deux droite ; TAP : tronc artériel pulmonaire).
vaisseaux. 14 Tronc artériel commun (AP : artère pulmonaire ;
VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche ; TAC :
L’examen révèle un souffle systolique de type CIV
20 %, la survie à 5 ans est de 75 % ; des réinter- tronc artériel commun). 1. CIV ; 2. valve troncale
anormale. ou de sténose pulmonaire, et une hépatomégalie
ventions ultérieures sont indiquées dans un tiers des
avec reflux hépatojugulaire en cas de CIA restrictive.
cas.
nécessaire de remplacer le tube devenu restrictif, et L’ECG est très évocateur s’il montre une déviation
¶ Tronc artériel commun (truncus arteriosus) souvent d’envisager une plastie chirurgicale ou la vers la gauche de l’axe du cœur, associée à une
Cardiopathie rare et sévère, souvent révélatrice mise en place de prothèse valvulaire. La mortalité hypertrophie auriculaire droite et une surcharge VG.
d’un syndrome de Di George. opératoire demeure élevée (10 à 50 %) et
Un seul tronc artériel émerge du cœur au-dessus Le diagnostic est confirmé par échocardiographie-
augmente en cas de lésions associées (interruption
d’une large CIV et donne naissance aux artères doppler, le cathétérisme est indiqué dans le bilan
de l’aorte notamment) et de syndrome de Di
coronaires, puis se divise en aorte et en tronc artériel préopératoire pour mieux étudier la circulation
George.
pulmonaire, bien que les branches pulmonaires pulmonaire.
puissent naître directement du truncus (fig 14). Les Atrésie tricuspide Le traitement chirurgical comporte plusieurs
anomalies associées sont fréquentes : valves Définie par une agénésie de l’orifice auriculoven- alternatives encore très discutées, avec possibilité de
sigmoïdiennes en nombre anormal et dysplasiques, triculaire droit, associée à un défaut septal auriculaire combinaison entre shunt palliatif et correction
à l’origine de sténose et de fuite dans la moitié des indispensable à l’écoulement du flux veineux. Le physiologique partielle.
cas ; anomalies coronaires (30 %), arc aortique droit ventricule droit est toujours hypoplasique, et les gros
(25 %), hypoplasie ou interruption de la crosse vaisseaux sont transposés dans un tiers des cas. Les ¶ Chirurgie palliative
aortique (10 à 20 %). deux ventricules communiquent par un foramen Elle est préconisée dans les situations
La physiopathologie est basée sur le mélange des bulboventriculaire (équivalent d’une CIV) ; l’artère d’hypovascularisation pulmonaire : confection d’une
flux sanguins oxygénés et désaturés au niveau du pulmonaire et ses branches sont fréquemment anastomose de Blalock-Taussig modifiée, ou d’une
truncus, à l’origine d’une cyanose, plus sévère en cas sténosées. anastomose entre veine cave supérieure et branche
de sténose ou d’hypoplasie des branches pulmonaire droite (technique de Glenn modifiée) ;
pulmonaires. L’insuffisance cardiaque avec HTAP, ¶ Physiopathologie cerclage du tronc artériel pulmonaire en cas
Shunt D-G obligatoire à l’étage auriculaire, et G-D
accompagnant les situations d’hyperflot pulmonaire, d’hyperflot pulmonaire avec HTAP.
à l’étage ventriculaire (fig 15). L’expression clinique
est encore favorisée par les lésions de sténose et de
(surcharge ou hypovascularisation pulmonaire, voire ¶ Correction physiologique
fuite valvulaires.
situation parfaitement équilibrée), dépend des La correction physiologique vise à dériver le sang
Le diagnostic sera évoqué devant l’apparition
dimensions de la CIA et du foramen bulboventricu- veineux cave vers l’artère pulmonaire en
d’une insuffisance cardiaque précoce avec
laire, de la présence éventuelle d’une malposition court-circuitant le VD : intervention de Fontan ou
cyanose, un souffle systolique éjectionnel latéro-
des gros vaisseaux et d’une sténose pulmonaire. Le techniques dérivées. Ce type d’intervention repose
sternal gauche et surtout un souffle diastolique de
foramen bulboventriculaire tend à devenir restrictif. sur des indications bien précises : résistance
fuite valvulaire ; le B2 est unique et fort, les pouls
bondissants ; l’abolition des pouls suggère une ¶ Clinique vasculaire pulmonaire normale, rythme sinusal,
coarctation ou une interruption de l’arche aortique. Si les gros vaisseaux sont normalement posés, il fonction VG normale. La mortalité préopératoire est
Le traitement chirurgical est proposé dès les existe une cyanose d’intensité variable, sans d’environ 5 % mais les résultats à long terme sont
premières semaines de vie : rétablissement de la insuffisance cardiaque. En cas de TGV associée, la décevants : dysfonction VG progressive, fuite mitrale,
continuité VD-AP par tube valvulé et fermeture de cyanose est moins marquée, mais insuffisance arythmie, apparition tardive de shunts artério-
la CIV (technique de Rastelli). Ultérieurement, il sera cardiaque et HTAP surviennent précocement. veineux intrapulmonaires.

11
8-0680 - Cardiopathies congénitales

Les formes modérées sont marquées par une


dyspnée, une cyanose discrète, un rythme à trois ou
quatre temps à l’auscultation, avec souffle systolique
de fuite tricuspidienne au foyer xiphoïdien. La
radiographie thoracique montre une cardiomégalie
ovoïde avec pédicule étroit et poumons clairs. L’ECG
est évocateur par des ondes P géantes, l’aspect
particulier du bloc de branche droite : ondes
polyphasiques et bas voltées. Une préexcitation
ventriculaire avec ondes « delta » et PR court est
associée dans 10 % des cas.
Le traitement chirurgical à type de plastie
valvulaire (technique de Carpentier) est idéalement
tenté vers l’âge de 10 à 15 ans dans les formes bien
tolérées, avant que n’apparaissent une insuffisance
droite ou des troubles du rythme. La mortalité
opératoire est de 5 à 10 %, les résultats à long terme
encourageants.

‚ Cardiopathies particulières

Anomalies congénitales des artères coronaires


L’anomalie de naissance de l’artère coronaire
gauche à partir de l’artère pulmonaire est la plus
16 Malformation d’Ebstein (OD : oreillette droite ; fréquente.
OR : oreillette gauche). 1. VD « atrialisé » ; 2. orifice Dès la période postnatale, la perfusion
17 Artère sous-clavière droite rétro-œsophagienne
tricuspidien « fonctionnel » ; 3. adhérences du feuillet coronarienne gauche diminue, puisque les pressions (AO : aorte ; TAP : tronc artériel pulmonaire). 1.
septal tricuspidien. pulmonaires chutent physiologiquement ; une Œsophage ; 2. trachée ; 3. artère sous-clavière droite.
circulation collatérale se développe entre coronaires
Cœur univentriculaire droite et gauche et permet la survie de l’enfant. Le
Malformation très rare, définie par la présence sens de la circulation va de l’aorte via la coronaire
d’une cavité ventriculaire prédominante (le plus droite puis la coronaire gauche vers l’artère
souvent de type gauche), à double entrée mitrale et pulmonaire. L’ischémie myocardique précède
tricuspidienne. La chambre accessoire est en position l’apparition d’une « pseudo-nécrose » ventriculaire
supérieure et communique avec la précédente par gauche avec ondes « q » en dérivation « VL » à l’ECG,
un foramen bulboventriculaire. Les malpositions des constituant un argument essentiel du diagnostic.
gros vaisseaux sont habituelles ainsi que les lésions Une insuffisance cardiaque gauche révèle
obstructives. habituellement l’anomalie entre 3 et 6 mois, et
Les variétés anatomiques et physiolopatholo- l’échographie-doppler à codage couleur facilite
giques sont responsables de tableaux bien différents, grandement le diagnostic, bien que la coronaro-
allant du shunt G-D volumineux à la cyanose sévère. graphie reste indiquée dans la majorité des cas.
Le traitement chirurgical est palliatif (cerclage du Le traitement chirurgical consiste à réimplanter
tronc artériel pulmonaire, anastomose de Blalock) directement l’artère coronaire gauche sur l’aorte, et
ou fait appel aux techniques de dérivation le pronostic à moyen terme est le plus souvent
cavopulmonaire totale ou partielle, avec traitement favorable, avec régression des lésions ECG et
spécifique des obstructions pulmonaires ou récupération d’une fonction VG normale.
aortiques. Des tentatives de septation ventriculaire D’autres anomalies de naissance, de nombre, et
ont été réalisées, mais avec beaucoup d’échecs. de trajet des artères coronaires sont décrites,
notamment en association avec les cardiopathies
Malformation d’Ebstein « conotruncales ». Les fistules entre coronaires et
Accolement plus ou moins complet des valves cavités cardiaques réalisent un shunt G-D.
tricuspidiennes septale et postéro-inférieure au
septum interventriculaire et à la paroi inférieure du Anomalies des arcs aortiques
VD (fig 16). Le bord libre des valves délimite un Groupe disparate de malformations, secondaires
orifice tricuspidien « fonctionnel » déplacé vers le bas, à des anomalies du développement des six paires
incontinent et restrictif ; la chambre d’admission du d’arcs aortiques embryonnaires, et dont l’expression 18 Double arc aortique (AO : aorte ; TAP : tronc
VD est incorporée dans l’oreillette droite et présente clinique est dominée par les symptômes de artériel pulmonaire). 1. Œsophage ; 2. trachée ; 3.
des contractions dyskinétiques à l’origine de stase compression œsotrachéale : dysphagie, stridor arcs antérieur et postérieur.
veineuse et d’une élévation des pressions inspiratoire, gêne respiratoire avec accidents
auriculaires ; l’hypodébit pulmonaire peut être asphyxiques. Les explorations complémentaires – l’artère sous-clavière aberrante et rétro-
majeur. comportent l’échocardiographie, le TOGD, l’IRM œsophagienne (fig 18) ;
Les formes sévères néonatales se traduisent par thoracique et la fibroscopie trachéobronchique, – l’artère pulmonaire gauche aberrante et
une cyanose importante avec surcharge droite et selon les cas. Les principales anomalies indiquant rétrotrachéale.
hépatomégalie. Le diagnostic est évoqué en une correction chirurgicale sont : D’autres anomalies sont peu ou asymptomati-
présence d’une cardiomégalie radiologique majeure. – le double arc aortique enserrant l’axe ques : crosse aortique droite isolée, vol sous-clavier
La mortalité reste élevée (50 %). trachéo-œsophagien (fig 17) ; congénital, pseudo-coarctation de l’aorte ou kinking.

12
Cardiopathies congénitales - 8-0680

Malpositions cardiaques L’utilisation d’amines pressives telles que la nourrisson), l’alimentation lactée ne permettant pas
La position de l’apex cardiaque définit l’état de dopamine, la dobutamine, voire l’adrénaline, ou de véritable restriction hydrosodée chez le
dextrocardie, lévocardie, et mésocardie. d’inhibiteurs de la phosphodiestérase comme nourrisson ; les repas seront fractionnés d’où des
Les dextrocardies relèvent de plusieurs l’énoximone et l’amrinone est réservée aux formes contraintes familiales ; l’hospitalisation pour
mécanismes : sévères dans le cadre hospitalier. alimentation entérale continue ou gavages
– refoulement ou attraction du cœur par une discontinus sera réservée aux échecs.
Diurétiques
pathologie extracardiaque ;
Utilisés très fréquemment pour réduire la
– dextroversion cardiaque, isolée ou associée à ‚ Traitement chirurgical
des anomalies des retours veineux ; précharge ventriculaire et la congestion veineuse et
pulmonaire : le furosémide à la posologie de 1 à Il nécessite un inventaire complet et une
– situs inversus avec image en miroir des viscères
2 mg/kg/j per os ou IV lent selon l’urgence, d’action compréhension physiopathologique parfaite des
thoracoabdominaux, isolé et alors asymptomatique,
ou parfois associé à un syndrome de Kartagener rapide, et la spironolactone entre 3 et 5 mg/kg/j per anomalies ; il a pour but de reconstituer dans la
(sinusites chroniques, bronchectasies) ; os. La diurèse et le poids de l’enfant doivent être mesure du possible une anatomie cardiaque
– isomérisme auriculaire avec deux oreillettes de surveillés, ainsi que le bilan hydroélectrolytique normale. Les principes chirurgicaux sont les
morphologie identique, droite ou gauche ; la (risque d’hypokaliémie et d’hypochloronatrémie suivants :
dextrocardie est associée à des cardiopathies avec alcalose métabolique), pour adapter la
– procédés palliatifs transitoires, indiqués dans
complexes, ou à un syndrome d’asplénie ou de posologie.
l’attente d’un traitement plus définitif, et notamment
polysplénie. chez le jeune enfant : anastomose de Blalock-
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion
de l’angiotensine Taussig en cas d’hypoperfusion pulmonaire,
Transposition « corrigée » des gros vaisseaux cerclage de l’artère pulmonaire pour limiter l’HTAP,
Ils diminuent la postcharge et le volume
Définie par une double discordance atrioventricu- résection chirurgicale de la cloison auriculaire
télésystolique ventriculaires, la fraction de
laire et ventriculoartérielle : l’OD communique par (Blalock-Hanlon) ;
régurgitation des fuites valvulaires, et les résistances
une valve mitrale avec un ventricule morphologi-
vasculaires notamment pulmonaires ; ils sont – réparations palliatives à visée « fonctionnelle »,
quement gauche, mais situé à droite et donnant
employés en cas d’insuffisance cardiaque surtout sans reconstitution anatomique cardiaque :
naissance à l’artère pulmonaire ; l’OG communique
compliquée d’HTAP et de fuites valvulaires. La intervention de Fontan, dérivations cavopulmo-
par une valve tricuspide avec le ventricule
posologie du captopril varie de 0,5 à 2 mg/k/j, naires partielle ou totale, indiquées surtout dans
morphologiquement droit, d’où naît l’aorte.
fractionnés en 2 à 3 prises orales quotidiennes, et il l’atrésie tricuspide et le ventricule unique, ou d’autres
Les sténoses pulmonaires et les CIV, ainsi que les
faut rechercher en début de traitement l’apparition anomalies complexes ; le pronostic à long terme est
anomalies des valves auriculoventriculaires, sont très
d’une hypotension artérielle ou d’une insuffisance aléatoire ;
fréquemment associées.
rénale biologique avec hyperkaliémie.
Les formes isolées sont longtemps asymptoma- – correction anatomique complète : exemple de
tiques, mais une fuite tricuspidienne apparaît Régime alimentaire la détransposition artérielle ;
souvent avec l’âge, car cette valve n’est pas adaptée Le régime alimentaire doit être enrichi et – procédés de substitution : transplantation
au régime des pressions systémiques. Les formes hypercalorique (150 cal/kg/j ou plus chez le cardiaque et cardiopulmonaire.
associées peuvent poser de réelles difficultés
opératoires et conduire à une transplantation
cardiaque. La vie de l’enfant cardiaque
✔ Les vaccinations obligatoires doivent être réalisées dans tous les cas.
✔ L’état dentaire doit être étroitement surveillé.


Aspects de la prise en charge des
cardiopathies congénitales

‚ Traitement médical de l’insuffisance


✔ L’anesthésie générale n’est quasiment jamais contre-indiquée pour une
intervention chirurgicale urgente, mais comporte des risques en cas de cyanose ou
d’insuffisance cardiaque, ce qui justifie de l’effectuer dans un environnement
spécialisé ; les interventions non urgentes seront envisagées après correction de la
cardiaque cardiopathie.
Traitement tonicardiaque ✔ La pratique des sports est à favoriser pour éviter la désadaptation à l’effort de
l’enfant cardiaque ; les contre-indications absolues sont rares (HTAP, insuffisance
¶ Digitaliques cardiaque, cardiomyopathie hypertrophique obstructive, sténoses aortiques et
Les digitaliques constituent la base du traitement :
pulmonaires sévères, anomalies coronaires, cardiopathie cyanogène). Un certificat
digoxine per os ou IV à la posologie de 7 à
15 mg/kg/j répartis en 2 à 3 administrations
de non-contre-indication à l’aptitude au sport sera délivré après avis spécialisé ; les
quotidiennes, adaptée selon l’âge et les dosages compétitions et les efforts d’endurance feront l’objet d’une attention très
sanguins résiduels de la digoxinémie, pour obtenir particulière.
un taux thérapeutique efficace entre 1 et 2,5 ng/mL, ✔ Les séjours à la montagne sont autorisés sans réserve en dessous de 1 000 m ; ils
le seuil toxique débutant entre 3 et 5 ng/mL. doivent être évités au-dessus de 1 500 m en cas de cyanose ou d’insuffisance
Ce médicament potentiellement dangereux doit cardiaque.
être tenu hors de portée des autres enfants, et ✔ Les aspects psychologiques ++ : l’enfant porteur d’une malformation cardiaque
l’ordonnance clairement explicitée. Une intoxication subit fréquemment une surprotection familiale ; le rôle du praticien consiste à
digitalique est dépistée devant des manifestations dédramatiser la situation, sans toutefois dénier la gravité de certaines anomalies, et
digestives et l’apparition de troubles conductifs aigus à assurer un soutien à long terme de l’enfant et de son entourage, notamment lors
(BAV) ou d’arythmies ventriculaires à l’ECG des interventions chirurgicales. Les associations de parents d’enfants cardiaques
(extrasystoles, tachycardie ou fibrillation peuvent apporter des réponses aux questions soulevées par le handicap.
ventriculaires) pouvant entraîner une défaillance Une coopération étroite entre le médecin traitant et le groupe de spécialistes est
cardiaque aiguë et la mort. L’hospitalisation urgente indispensable, et constitue la base d’une prise en charge optimale de l’enfant
en service de soins intensifs et l’administration cardiaque à très long terme, puisque l’espoir d’atteindre l’âge adulte dans de bonnes
intraveineuse d’anticorps spécifiques antidigoxine conditions est aujourd’hui très fort.
sont nécessaires.

13
8-0680 - Cardiopathies congénitales

Les techniques de plastie et de remplacement raison des poussées d’HTAP, nécessitant une ‚ Conseil génétique
valvulaires ont également beaucoup progressé ; la hospitalisation pour oxygénothérapie ou Les données épidémiologiques expérimentales
nécessité d’un traitement anticoagulant après mise ventilation artificielle, kinésithérapie respiratoire, ont permis d’établir les bases d’un conseil
en place d’une prothèse valvulaire expose l’enfant à nutrition parentérale. L’éviction des collectivités génétique spécialisé, lequel propose d’évaluer le
des complications hémorragiques lors de (crèche) est souhaitable, puisque la vaccination risque de récurrence des cardiopathies : il est
traumatismes. n’est pas encore possible. augmenté si plusieurs sujets sont atteints dans la
La prophylaxie de l’endocardite d’Osler consiste à famille, si l’antécédent touche un parent de sexe
‚ Prévention des complications administrer une antibiothérapie systématique, féminin et si la cardiopathie du probant est une
La survenue chez le nourrisson de viroses amoxicilline ou macrolides, en cas d’infection lésion obstructive du cœur gauche ; la
respiratoires, dominées par les bronchiolites bactérienne, de soins dentaires sanglants ou de consanguinité parentale constitue également un
aiguës virales à VRS, est souvent mal tolérée en détartrages dentaires. facteur de risque important.

François Heitz : Praticien hospitalier,


unité de cardiologie pédiatrique, CHU Purpan, place du Docteur Baylac, 31300 Toulouse, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Heitz. Cardiopathies congénitales.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0680, 1998, 14 p

Références

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[5] Gillette PC, Garson A. Pediatric arythmias : electrophysiology and pacing.


Philadelphia : Saunders, 1990

14
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Hypertension artérielle
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

chez l’enfant
JL André

L a mesure systématique de la pression artérielle (PA) fait partie de l’examen de routine de l’enfant et de
l’adolescent. Plusieurs particularités caractérisent l’hypertension artérielle (HTA) de l’enfant : la méthode de
mesure nécessite l’utilisation d’un brassard adapté ; l’évolution des chiffres avec l’âge et le développement somatique
impliquent l’intérêt de se référer à des valeurs établies en fonction de la taille ; la définition de seuils d’hypertension
artérielle est graduée. L’HTA franchement élevée a pratiquement toujours une cause, d’autant plus que l’enfant est
plus jeune. Elle est rénale le plus souvent, ou endocrinienne. Son traitement étiologique ou symptomatique efficace
permet d’éviter les complications autrefois graves et fréquentes. En revanche, en présence d’une HTA modérée ou
limite, surtout chez l’adolescent, souvent aucune étiologie n’est retrouvée. Cette HTA limite pourrait être une
expression précoce dès l’enfance de l’HTA primitive ou essentielle de l’adulte. Les mesures de la PA doivent être
répétées. Le suivi et les conseils hygiénodiététiques s’inscrivent dans une perspective de prévention du risque
d’affection cardiovasculaire future. Toutes ces particularités justifient une approche pédiatrique du dépistage, de
l’évaluation et de la prise en charge de l’HTA chez l’enfant et l’adolescent.
© Elsevier, Paris.


manière à couvrir les deux tiers de sa longueur et Difficilement applicable avant l’âge de 6 ans, elle
Introduction entourer toute sa circonférence. L’utilisation d’un requiert les mêmes impératifs de choix de brassard
brassard trop étroit majore artificiellement les que la mesure au repos.
chiffres dans des proportions pouvant dépasser
La mesure de la pression artérielle (PA) doit être 12 mmHg et, inversement, l’usage d’un brassard trop


effectuée lors de tout examen clinique d’un enfant large minore les résultats [1] . Parmi les autres
ou d’un adolescent. Sa motivation traditionnelle est méthodes, la technique du flush chez le nourrisson
Pression artérielle normale
le diagnostic précoce et le traitement des formes
est imprécise et pratiquement abandonnée. On lui
secondaires de l’hypertension artérielle (HTA). En
préfère les techniques utilisant l’effet doppler ou
présence de chiffres tensionnels franchement élevés, ‚ Valeurs fréquentes de référence
maintenant la méthode automatique oscillométri-
la particularité chez l’enfant par rapport à l’adulte est La PA augmente avec l’âge et la croissance, et de
que [1, 10, 20, 21]. Celle-ci permet des séries de mesures
qu’une étiologie est souvent mise en évidence. Il manière plus importante chez le garçon à partir de la
répétées mais ne dispense pas du choix d’un
s’agit de l’HTA « maladie ». Les causes rénales sont les puberté. Parmi les nombreuses études épidémiolo-
brassard approprié et d’un calme minimal. Un
plus fréquentes. Une orientation plus récente est la giques maintenant disponibles, on peut citer aux
étalonnage régulier des appareils est nécessaire.
prise en considération d’une élévation modérée des États-Unis celle de la Task Force on Blood Pressure in
chiffres tensionnels ou d’une HTA limite. Une cause Children, qui rassemble les données mesurées dans
est rarement mise en évidence. Cette HTA limite ‚ Variabilité tensionnelle, pression plusieurs centres [20, 22], et en France l’étude effectuée
implique la notion de « risque » potentiel comme artérielle d’effort, pression artérielle à Nancy concernant 17 067 enfants âgés de 4 à
l’HTA essentielle de l’adulte dont elle pourrait ambulatoire 18 ans [2] qui a été retenue par la Société de
apparaître comme une manifestation précoce. Sa néphrologie pédiatrique [5]. Les valeurs fréquentes
prise en charge s’intègre alors dans une démarche La variabilité intra-individuelle pose le problème,
observées sont exprimées en percentiles en
préventive de la morbidité cardiovasculaire future à comme chez l’adulte, de la reproductibilité des
référence à la taille pour chaque sexe (fig 1A, B).
l’âge adulte. mesures et justifie leur répétition. On a pu montrer
Chez les nouveau-nés, la PAS augmente surtout au
que la neutralisation de la « réaction d’alerte »
cours du 1er mois de valeurs de l’ordre de 75 ±
nécessitait environ 8 minutes avec des écarts de
9 mmHg jusqu’à 90 ± 10 mmHg puis évolue peu


l’ordre de 12 mmHg sur la PA systolique (PAS) et de
jusqu’à l’âge de 4 ans. La PAD est de
Modalités de mesure 8 mmHg sur la PAD entre la première et la huitième
50 ± 10 mmHg. Les valeurs fréquentes de la PA
minute, temps où est atteint le plateau du niveau
ambulatoire chez l’enfant ont été publiées plus
tensionnel de repos [1]. On sait par ailleurs que la récemment [26].
‚ Mesure classique : tension artérielle prévalence de l’HTA dans une population diminue
de repos lorsque l’évaluation tensionnelle est répétée. Dans ‚ Facteurs associés à la pression artérielle
La mesure est effectuée au repos, depuis au les cas où existe une labilité tensionnelle importante
moins 5 minutes et de préférence en position et en vue d’une pratique sportive, la mesure du Croissance et maturation pubertaire,
allongée. La méthode de référence classique utilise niveau tensionnel d’effort peut être utile. Elle est composantes du poids
© Elsevier, Paris

un manomètre à mercure et la méthode réalisée à un niveau progressif sous-maximal. Chez La PA évolue chez l’enfant avec le dévelop-
auscultatoire. La PA diastolique (PAD) est définie par les enfants dont les chiffres tensionnels sont limites pement somatique au cours des 2 premières
la disparition des bruits [21]. La largeur du brassard est ou l’HTA inconstante ou encore avec une notion décades de la vie. Il existe une corrélation plus étroite
le facteur le plus important de variabilité des d’HTA familiale, la mesure de la PA en ambulatoire entre la PA et la taille qu’entre la PA et l’âge et
résultats : il doit être adapté au bras de l’enfant de par enregistrement pendant 24 heures est utile. surtout, à âge égal, il persiste une liaison significative

1
8-0690 - Hypertension artérielle chez l’enfant

A
B

1 Pression artérielle des garçons (A) et des filles (B) de 4 à 18 ans en fonction de la taille. Étude de Nancy et seuils de l’hypertension artérielle (HTA) Société
de néphrologie pédiatrique.

entre la PA et la taille alors qu’à taille égale, il n’y a intérêt pratique serait de pouvoir déterminer les percentile [1, 10, 20, 21]. Il est nécessaire d’utiliser la
plus de corrélation entre la PA et l’âge [2, 18, 21]. Ceci sujets ayant une prédisposition génétique à même méthode que celle employée pour
justifie l’intérêt de préférer les systèmes de développer une HTA, en particulier dans certaines l’établissement des normes auxquelles on se réfère.
description de la PA en fonction de la taille plutôt circonstances d’environnement. La mise en évidence Dans le cadre de la Société française de néphrologie
qu’en fonction de l’âge. La corrélation entre la PA et d’une corrélation entre insulinémie de jeûne, obésité pédiatrique, la définition et la classification suivantes
le poids est retrouvée chez l’enfant comme chez et HTA, associée à la sensibilité au sodium et à une ont été proposées depuis 1980 [5].
l’adulte, mais la signification de cette liaison doit être hyperréactivité vasculaire, réversible avec la maîtrise Sont qualifiés d’hypertendus les enfants dont les
nuancée : celle-ci augmente considérablement au de la surcharge pondérale, illustre ces nouveaux PAS et/ou PAD mesurées à trois reprises espacées
moment de la puberté chez le garçon qui coïncide axes d’étude [14]. sont supérieures au niveau du 97,5e percentile des
avec l’augmentation de la masse musculaire. valeurs en référence à la taille et au sexe, établies à
L’examen clinique, et l’utilisation d’indices de Autres facteurs Nancy [2]. Pour ne pas médicaliser à tort mais aussi
pondérosité, permettent d’évaluer la nature d’un La personnalité ou le profil psychologique, afin de ne pas négliger le symptôme hypertension
surpoids éventuel chez l’adolescent. l’ambiance de vie, les habitudes de consommation ayant signification de risque à terme ou permettant
sodée sont aussi, bien que faiblement, liés à la PA. de conduire au diagnostic d’une affection causale,
Ressemblance familiale Une liaison inverse avec le poids de naissance a été trois catégories d’HTA sont distinguées :
L’existence d’une liaison significative entre la PA montrée récemment, parfois associée à une – HTA immédiatement menaçante : 97,5 e
des parents et celle de leurs enfants (et plus nette insulinorésistance et une hyperlipémie [17]. percentile + 30 mmHg ;
encore entre la PA des enfants d’une même fratrie) a – HTA confirmée : 97,5e percentile +10 et
<+ 30 mmHg ;


bien été démontrée. L’hérédité et l’environnement
sont très intriqués dans ce phénomène d’agrégation Définition et diagnostic – HTA limite : entre le 97,5e percentile et ce
familiale. Les études réalisées dans des familles
de l’hypertension artérielle niveau plus 10 mmHg.
de l’enfant
comportant des jumeaux mono- ou dizygotes ou Des abaques tenant compte de ces seuils de
des familles comportant à la fois des enfants naturels La limite entre l’HTA et la pression normale est définition sont proposés pour chaque sexe
et des enfants adoptés sont en faveur d’une arbitraire. Selon les auteurs, les enfants considérés permettant également de tracer la tendance au
prédominance de la composante génétique [1]. Les comme hypertendus sont ceux dont la TA dépasse cours de la croissance (fig 1). Pour les enfants de 2 à
travaux actuels explorent les différents systèmes deux déviations standards au-dessus de la 4 ans, on peut retenir les mêmes critères en se
intervenant dans la régulation de la PA [8, 9]. Leur moyenne, le niveau du 95e percentile ou du 97,5e référant aux enfants de 95 cm. Pour les enfants de

2
Hypertension artérielle chez l’enfant - 8-0690

moins de 2 ans, l’HTA confirmée peut être définie


par des valeurs de 110/65 mmHg à condition que Tableau I. – Première phase d’investigations.
ces chiffres soient mesurés dans d’excellentes
Anamnèse, notion familiale, examen clinique
conditions de calme. Chez le nouveau-né, les chiffres Dosages sanguins : créatinine, ionogramme, acide urique, glucose, cholestérol, triglycérides
de 95/65 mmHg sont souvent retenus comme seuils Dosages urinaires : protéinurie ou microalbuminurie si négative, cytologie
d’HTA [20]. En pratique, après avoir vérifié à plusieurs Échographie rénale ± échodoppler des artères rénales et de l’aorte
reprises l’élévation des chiffres, une première phase ± Échographie cardiaque et fond d’œil
d’investigations, schématisée dans le tableau I, ± Rénine et aldostérone plasmatique et catécholamines urinaires
explore à la fois le retentissement et les orientations
étiologiques éventuelles. La démarche diagnostique
est ensuite guidée par les résultats de ces premières Tableau II. – Seconde phase d’investigations.
investigations et selon la catégorie d’HTA
observée [12]. Orientation Investigations
Glomérulopathie Tests immunologiques (complément, anticorps antinucléaires)


Ponction-biopsie rénale
HTA immédiatement menaçante Infections urinaires répétées, uropathie, Urographie intraveineuse, cystographie, scintigraphie
et HTA confirmée reins cicatriciels DMSA
Ces catégories d’HTA ont une signification à la Atteinte rénovasculaire Artériographie ± scintigraphie au DMSA ± néphrogramme au
DTPA ou au MAG 3 ± test au captopril
fois de risque plus ou moins imminent et de maladie. Phéochromocytome Tomodensitométrie ou RMN scintigraphie MIBG
Chez l’enfant, elles sont souvent symptomatiques et HTA endocriniennes Dosages hormonaux (aldostérone, stéroïdogenèse)
secondaires à une étiologie précise. Le bilan de Tumeur à rénine Tomodensitométrie ou RMN ± dosages étagés de rénine
retentissement et la recherche d’une cause sont la
règle. Les investigations et le traitement sont HTA : hypertension artérielle ; DMSA : dimercaptosuccinic acid ; DTPA : diéthylène-triamino-pentacétate ; RMN : résonance magnétique nucléaire ;
MIBG : méta-iodo-benzyl-guanidine ; MAG 3 : mercaptacétyltriglycérine.
entrepris sans délai dans le cas d’HTA dite
immédiatement menaçante. ‚ Étiologies dans 5 à 10 % des cas ; chez l’enfant, la forme à
transmission autosomique récessive est la plus
‚ Symptômes de découverte et expression La nette prédominance de l’hypertension
fréquente, bien que de rares formes dominantes à
clinique secondaire est caractéristique chez l’enfant. Les
révélation précoce puissent aussi être à l’origine de
Ils sont liés aux conséquences de l’HTA ou à fréquences rapportées varient, dans les publications,
l’HTA ;
l’affection en cause. Les signes les plus classiques selon le mode de recrutement spécialisé ou non
– la transplantation rénale, l’insuffisance rénale
souvent évoqués sont les céphalées, les troubles (pédiatrie générale, néphrologie, cardiologie) et selon
chronique à un stade avancé sont des causes à part,
sensoriels subjectifs (vertiges, bourdonnements l’âge [4, 10, 12, 23, 25].
faciles à diagnostiquer par leur contexte et de
d’oreille, gêne visuelle), une symptomatologie mécanisme multiple, vasculaire, parenchymateux ou
Causes rénales et rénovasculaires
digestive (anorexie, vomissements, douleurs liées aux traitements (corticoïdes, ciclosporine,
abdominales), une polyuropolydipsie, une Elles sont les plus fréquentes (67 à 80 %).
tacrolimus...).
stagnation staturopondérale. D’autres signes plus Parmi celles-ci sont dénombrées :
rares, tels que la paralysie faciale ou l’épistaxis, sont – les glomérulopathies chroniques (30 à 40 %) ; Causes endocriniennes
aussi mentionnés. Parfois c’est une complication elles s’accompagnent d’une surcharge volémique,
Rapportées avec une fréquence de 1 à 8 %, elles
grave qui peut être révélatrice : convulsions, coma, d’une protéinurie abondante, d’une hématurie et
sont surtout représentées par le phéochromo-
diminution brutale de l’acuité visuelle, défaillance souvent d’une insuffisance rénale. Il s’agit des
cytome. Le diagnostic est affirmé par les dosages
cardiaque, encéphalopathie hypertensive, néphroses corticorésistantes et des glomérulo-
spécifiques des catécholamines urinaires, et en
hémorragie cérébrale. Actuellement l’HTA devrait néphrites prolifératives sévères, primitives ou
particulier de la noradrénaline et de la
être découverte avant ces symptômes par la mesure secondaires : néphropathies à immunoglobulines
normétadrénaline. Les autres causes endocriniennes
systématique des chiffres tensionnels. En période (Ig) A, lupus érythémateux disséminé, vascularites,
sont rares et l’on peut citer les hyperaldostéronismes
néonatale et chez le nourrisson de moins de 6 mois, glomérulopathies membranoprolifératives ; leur
suppressibles par la dexaméthasone, les défauts
l’HTA est souvent latente, manifestée par un défaut diagnostic est précisé par les tests immunologiques
enzymatiques de la stéroïdogenèse (déficit en
de croissance, des signes trompeurs tels que des et par la ponction-biopsie rénale ;
11 bêta-hydroxylase et pseudohermaphrodisme de
troubles digestifs ou des troubles vasomoteurs. Les – les séquelles de syndrome urémohémolytique (6
la fille ou le déficit en 17 alpha-hydroxylase avec
complications aiguës cardiaques ou neurologiques à 14 %) ;
pseudohermaphrodisme chez le garçon). Les
sont alors plus fréquentes. – les reins cicatriciels (15 à 30 %) ; il s’agit de
tumeurs à sécrétion de rénine sont exceptionnelles
lésions secondaires à des épisodes de pyélo-
‚ Investigations et de diagnostic difficile.
néphrites, eux-mêmes liés fréquemment à un reflux
Elles précisent le retentissement et recherchent vésicorénal ; on peut en rapprocher les hypoplasies Autres causes rares
une étiologie. L’échocardiographie peut mettre en segmentaires dont l’aspect en imagerie est
évidence une détresse myocardique parfois sensiblement identique ; les cicatrices rénales Elles ont une origine neurologique (encéphalite,
sous-estimée cliniquement [ 1 3 ] . L’examen peuvent être uni- ou bilatérales et peuvent faire hypertension intracrânienne, dysautonomie),
ophtalmologique évalue l’œdème papillaire discuter dans le premier cas l’indication d’une métabolique (hypercalcémie, porphyrie) ou
éventuel, souvent retardé. Le bilan neurologique néphrectomie ; médicamenteuse (corticothérapie, ciclosporine,
avec électroencéphalogramme et éventuellement – les atteintes rénovasculaires (8 à 12 %) [6] ; une hypervitaminose D, vasoconstricteurs,
une tomodensitométrie est demandé facilement s’il sténose peut concerner le tronc de l’artère rénale ou amphétamines).
existe le moindre signe neurologique. L’exploration ses branches ; elle est liée à une dysplasie
Particularités du nourrisson
rénale concerne à la fois l’évaluation du fibromusculaire ou peut s’intégrer à une affection
retentissement et la recherche de l’étiologie de l’HTA. générale ; les affections en cause peuvent être une La coarctation de l’aorte, la thrombose de l’artère
Les explorations étiologiques sont guidées par les maladie de Recklinghausen, une maladie rénale, la polykystose sont les étiologies les plus
données de l’anamnèse et de l’examen clinique et la d’Ehlers-Danlos, un pseudoxanthome élastique, un fréquentes.
première phase d’examens (tableau I). Après avoir syndrome de Williams Beuren, une artérite de
éliminé cliniquement l’éventualité d’une coarctation Takayashu ; le diagnostic est fortement orienté par Hypertension artérielle primitive, essentielle
de l’aorte, la seconde phase d’investigations l’échographie doppler s’il s’agit d’une atteinte Sa fréquence semble augmenter avec l’âge, de
(tableau II) est sélective [12, 23, 25]. Elle recherche en proximale [7] et confirmé par l’angiographie ; l’ordre de 12 à 30 % et diffère beaucoup selon les
priorité les causes rénales endocriniennes, avant – les polykystoses rénales et autres atteintes séries publiées. La règle chez l’enfant en présence
d’envisager les causes plus rares. parenchymateuses malformatives sont en cause d’une HTA confirmée et en l’absence de notion

3
8-0690 - Hypertension artérielle chez l’enfant

familiale nette est de ne retenir cette éventualité effectué par le médecin traitant et ce n’est qu’en cas hypertensives avec les posologies habituellement
qu’après une recherche étiologique particulièrement de signes d’orientation ou en cas de persistance que préconisées. Celles-ci font actuellement l’objet d’une
minutieuse. des investigations plus complètes sont préconisées validation à l’Agence du médicament. Dans les HTA
telles qu’enregistrement ambulatoire, épreuve immédiatement menaçantes à prendre en charge en
d’effort, échocardiographie qui guideront le recours milieu spécialisé, on a recours préférentiellement


éventuel à un traitement. aux inhibiteurs des canaux calciques (nifédipine ou
Hypertension artérielle limite nicardipine) ou bien aux inhibiteurs de l’enzyme de
conversion par voie orale dans un premier temps, si

Elle a la signification d’un risque éventuel et


potentiel à terme. Cette catégorie d’HTA s’apparente
à l’HTA essentielle modérée de l’adulte. L’expérience

Traitement de l’hypertension
artérielle chez l’enfant
la situation clinique le permet. Si la tolérance de
l’HTA est critique, le recours à la nifédipine ou parfois
au labétalol injectable associé au furosémide est
nécessaire. Ce n’est qu’en cas d’HTA rebelle avec
montre que, dans la majorité des cas, l’enfant est ‚ Mesures « hygiénodiététiques » manifestations viscérales majeures (encéphalopathie
asymptomatique et que, souvent, aucune étiologie hypertensive), que l’on utilise exceptionnellement les
Préalables à tout traitement, elle peuvent suffire
n’est retrouvée. En raison de la variabilité même de vasodilatateurs d’action directe tels que la prazosine,
dans les HTA limites. Les conseils hygiénodiététiques
la PA, de la diversité des critères de définition retenus le nitroprussiate ou le minoxidil [11, 19, 24]. Dans les
classiques comportent la correction et la prévention
selon les études, la fréquence de l’HTA limite est HTA chroniques, les diurétiques peuvent être utiles
de la surcharge pondérale, la modération des
difficile à appréhender. Elle se situerait entre 1 et dans les néphropathies avec rétention hydrosodée.
apports sodés, l’activité physique et sportive
13 % au premier examen pour ne plus être que de Les antihypertenseurs le plus habituellement
régulière, l’abstention du tabagisme. On s’efforcera
l’ordre de 1 à 3 % lorsque les mesures sont répétées employés sont les inhibiteurs de l’enzyme de
d’obtenir le suivi de la PA et de ces conseils d’autant
quelques semaines plus tard [20, 21]. Dans les cas de conversion en l’absence de contre-indication
plus que la notion d’autres facteurs de risque
doute et après l’âge de 6 ans, la pratique de la (hyperkaliémie, sténose serrée de l’artère rénale d’un
cardiovasculaire, notamment familiaux, sont
mesure de la PA en ambulatoire permet une rein unique...), les inhibiteurs calciques ou les
présents. En l’absence de symptômes, de signes de
approche plus précise. bêtabloquants, avec éventuellement des
retentissement et d’anomalies lors de la première
phase d’investigations, ou d’évolution vers une HTA associations entre eux. La présentation de
‚ Signification prédictive
confirmée, le recours à un traitement médica- l’acébutolol en solution, disponible dans les
La question primordiale est de savoir si une valeur menteux n’est pas justifié [19]. Sa persistance au-delà pharmacies hospitalières, est particulièrement utile
élevée de la PA observée dans l’enfance permet de de 1 an pourra faire envisager la prescription de chez les jeunes enfants. Le phéochromocytome est
prévoir, avec une fiabilité suffisante, la survenue médications antihypertensives à faible dose en se une indication au recours préférentiel au labétalol ou
d’une HTA à l’âge adulte. On dispose maintenant de guidant sur la PA observée en ambulatoire. à la prazosine. On s’attachera toujours chez le
nombreuses études longitudinales évaluant le nouveau-né et chez le nourrisson à obtenir un effet
phénomène de t r a c k i n g ou cheminement ‚ Traitement étiologique progressif sans à-coup brutal, source d’accident
tensionnel [3, 15, 21]. Les coefficients de corrélation Chez l’enfant, une action directe sur le mécanisme d’hypoperfusion cérébrale.
entre les chiffres tensionnels initiaux et ceux de l’HTA est à privilégier chaque fois que possible Dans tous les cas, l’objectif est de ramener les
observés 5 et 10 ans plus tard sont de l’ordre de avec des chances d’efficacité suffisante. Une chiffres tensionnels à un niveau inférieur au 97,5e
0,2 à 0,4 à 5 ans et de 0,13 à 0,4 à 10 ans pour la angioplastie endoluminale transcutanée permet de percentile, tout au long du nycthémère, en limitant
PAS et légèrement inférieurs pour la PAD [3]. Selon les corriger un certain nombre de sténoses en particulier autant que possible le nombre de comprimés et la
études, l’estimation de la proportion d’enfants dont liées à une dysplasie fibromusculaire avec une fréquence des prises. Le suivi est assuré en
la PA initialement élevée est demeurée à ce niveau proportion de succès de l’ordre de 60 % des cas [6]. ambulatoire et nécessite l’association des
plusieurs années plus tard ou à l’âge adulte, varie de Un traitement chirurgical peut consister en une adolescents à la compréhension de la raison d’être
15 à 40 %. Ce chiffre dépend de l’âge de la mesure correction des sténoses vasculaires rénales, en une du traitement, pour obtenir la meilleure adhésion
initiale, de la durée du suivi, de la fréquence des néphrectomie de rein dystrophique ou cicatriciel possible.
mesures intermédiaires, du seuil initial retenu, des unilatéral et peu fonctionnel, en une exérèse de
modalités de traitement statistique des données


tumeurs surrénales, de phéochromocytome. Les
(correction ou non de la liaison de la PA à l’âge ou à avantages d’une guérison définitive de l’HTA sont
la taille). Conclusion
incontestables chez le sujet jeune. Cependant, les
La valeur prédictive de la pente de la PA au cours progrès acquis dans le domaine des drogues
de l’enfance est aussi intéressante [15]. Une liaison antihypertensives n’autorisent plus les gestes Une élévation de la TA dans l’enfance ne doit pas
entre la pente de la PA et la pente des indices de aléatoires. être négligée. L’HTA immédiatement menaçante
surcharge pondérale confirme l’importance des impose une hospitalisation immédiate en raison du
paramètres somatiques dans l’appréciation du ‚ Traitement diététique et médicamenteux risque vital qu’elle peut impliquer à très court terme.
niveau tensionnel. La prédiction de la nocivité de La restriction des apports sodés reste habituelle, L’HTA confirmée impose la recherche systématique
l’HTA limite à l’âge adulte est également mal connue mais de manière relativement modérée : de l’ordre d’une étiologie, rénale ou endocrinienne et un
et dépend de sa pérennité éventuelle sous forme de 1 à 2 mmol/kg sauf dans les cas d’HTA sévère. Le traitement adapté et efficace. La mesure plus
d’une HTA essentielle [16, 18, 21]. choix des médicaments se heurte en pédiatrie à un habituelle de la PA chez l’enfant, l’amélioration des
double problème : la plupart des spécialités n’ont pas techniques d’imagerie et l’efficacité des traitement
‚ Démarche diagnostique fait l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur modernes ont rendu rares les complications des HTA
En présence d’une HTA limite, plusieurs contrôles le marché (AMM) pour l’indication pédiatrique en de l’enfant. L’HTA limite, facteur de risque potentiel
espacés des chiffres tensionnels sont effectués dans raison de la lourdeur et du coût des procédures d’HTA à l’âge adulte pose encore de nombreux
de bonnes conditions avant d’admettre ce d’expérimentation et d’autorisation. La présentation problèmes. Sa valeur prédictive relativement limitée
diagnostic. L’interrogatoire et l’examen clinique galénique et le dosage des comprimés, sauf pour de conduit à une attitude nuancée en matière de
visent à collecter tout élément évocateur d’une rares exceptions, ne sont pas adaptés aux besoins dépistage comme en matière de prise en charge. Les
prédisposition personnelle ou familiale vis-à-vis du des très jeunes enfants. En pratique, ceci conduit les études épidémiologiques ont permis des progrès
risque vasculaire ou d’une orientation vers une pédiatres à une prescription relativement restreinte sensibles dans la connaissance de la PA de l’enfant
étiologie ou un retentissement d’une hypertension : de médications « classiques » dont ils ont une bonne et ses facteurs associés. La poursuite d’études
antécédents familiaux d’HTA ou de pathologie expérience du maniement, des posologies adaptées longitudinales comportant l’analyse des médiateurs
cardiovasculaire ou rénale, antécédents personnels à l’enfant et une bonne connaissance des effets des systèmes de régulation de la PA chez l’enfant et
en particulier sur le plan uronéphrologique et sur les secondaires [11, 19, 24]. Les tableaux III et IV présentent sa famille, l’évaluation d’interventions simples sont
médicaments reçus, examen clinique. Les examens une sélection non limitative des médicaments le plus nécessaires pour mieux discerner les possibilités
complémentaires sont réduits au minimum couramment utilisés en pédiatrie dans le cadre de d’une prévention sélective, dès l’enfance, de l’HTA à
(tableau I). Un suivi simple de la TA est conseillé, l’HTA confirmée et dans le cadre des crises l’âge adulte.

4
Hypertension artérielle chez l’enfant - 8-0690

Tableau III. – Médicaments et hypertension artérielle de l’enfant et de l’adolescent.

Posologie mg/kg Posologie mg/kg Nombre


Famille Nom Remarques
initiale maximale de prises/j
Diurétiques
Furosémide Lasilixt 0,5-1 8 2-6 Ototoxicité, calciurie, néphrocalcinose
Hydrochlorothiazide Esidrext 1 3 2-3 Hypokaliémie, hyperuricémie
Spironolactone Aldactonet 1 3 1 Hyperkaliémie, gynécomastie
Bêtabloquant
Acébutolol Sectralt 3 15 2-3 Insuffisance cardiaque ± asthme
Labétalol Trandatet 3 20 2-3 Alpha- et bêtabloquant
Aténolol Ténorminet 1 2 2-3
Aphabloquant
Prazosine Minipresst 0,01-0,1 0,4 3 Hypotension orthostatique
Inhibiteurs calciques Contre-indiqués en néonatologie
Nifédipine Adalatet 0,25-0,5 1 4-6 Tachycardie, flush
Adalate LPt 0,25 2-3 2-3
Nicardipine Loxent 0,25 2-3 2-3
Inhibiteurs de l’en-
zyme de conversion
Captopril Loprilt 0,1(Nouveau-né : 0,01) 3 2-3 Insuffisance rénale si déplétion sodée ou si
Captolanet sténose de l’artère rénale
Nouveau-né : début prudent (0,01-0,15 mg/kg)
Enalapril Rénitect 0,05 0,75 1-2
Vasodilatateurs
Dihydralazine Népressolt 1-2 5 3 Tachycardie, rétention sodée
Minoxidil Lonotent 0,05-0,1 1 2 Hirsutisme

Tableau IV. – Médications des crises hypertensives : enfants et adolescents.

Nom Présentation Voie Posologie Délai Durée Effets secondaires


Furosémide comprimés à 20 et 40mg orale ou IV 1 à 3 mg/kg/4h < 1h 2-3 h Hypokaliémie...
(Lasilixt) ou ampoules à 20 mg
Nifédipine (Adalatet) capsules à 5 et 10 mg sublinguale 0,25 à 1 mg/kg (sauf 5-30 min 3-6 h Flush, tachycardie
nouveau-né)
Nicardipine (Loxent) ampoules à 5 et 10 mg IV 0,5 à 3 µg/kg/min 30 min Idem, céphalées
t
Labétalol (Trandate ) ampoules à 100 mg IV bolus : 0,2 mg/kg renouvela- 3 à 24 h Hypotension, céphalées,
ble après 10 min ou nausées, bloc auriculoven-
perfusion 1 mg/kg/h triculaire
max=20 mg/kg/j
Urapidil (Eupressylt) ampoules à 25 mg IV 0,8 à 2 mg/kg/h 1à3h Céphalées, vertiges
t
Dihydralazine (Népressol ) ampoules à 25 mg IV lente ou IM 0,25-0,5 mg/kg 10-30 min 2à6h Tachycardie, céphalées
max 3-5 mg/kg/j
Nitroprussiate (Nitriatet) ampoules à 50 mg IV continue 0,5 à 8 µg/kg/min 1 à 2 min 2 à 5 min Hypotension ++
Prazosine (Minipress , t
comprimés à 1 et 5 mg per os 0,01-0,05 mg/kg- < 1h 8-12 h Hypotension
Alpresst) 0,1-0,7 mg/kg/j
Minoxidil (Lonotent) comprimés à 5 et 10 mg per os 0,2 à 1 mg /kg 1à2h variable Hypotension

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8-0690 - Hypertension artérielle chez l’enfant

Jean-Luc André : Ancien chef de clinique-assistant, praticien hospitalier,


néphrologie pédiatrique, centre hospitalier universitaire de Nancy, hôpital d’Enfants, rue du Morvan, 54511 Vandœuvre-Les-Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : André JL. Hypertension artérielle chez l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0690-MG, 1999, 6 p

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155 : 190-196

6
8-0755

8-0755

Conduite à tenir devant une


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

protéinurie chez l’enfant


MF Gagnadoux

L a protéinurie est un symptôme qui peut révéler presque toute la pathologie uronéphrologique de l’enfant, de
la plus bénigne à la plus grave. En conséquence, sa découverte ne doit jamais être négligée, mais doit toujours
conduire à un minimum d’investigations complémentaires et à une surveillance ultérieure.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : enfant, protéinurie, glomérulonéphrite aiguë, glomérulonéphrites chroniques, syndrome néphrotique,


biopsie rénale.

■ ■
position debout, dont le mécanisme reste imprécis,
Physiopathologie et classification et la protéinurie accompagnant l’hypersécrétion de Dépistage
rénine/angiotensine ou de catécholamines.
Les étiologies principales des protéinuries de
L’urine primitive contient de 2 à 3 g/L de protides ‚ Bandelette réactive
l’enfant sont représentées sur le tableau I.
dont 99 % sont réabsorbés et dégradés dans le
tubule proximal par endocytose. Il existe une
protéinurie physiologique, inférieure à 100 mg/m2/j Ce moyen simple et peu onéreux de
chez l’enfant, un peu plus importante chez le détecter une protéinurie est utilisé de
Tableau I. – Classification étiologique des pro-
nouveau-né (jusqu’à 300 mg/m2). La protéinurie première intention lors d’un dépistage.
téinuries de l’enfant.
physiologique a un caractère non sélectif, composée Les urines sont recueillies dans un
pour 60 % de protéines plasmatiques et pour 40 % Protéinuries glomérulaires récipient propre et sec. La lecture se
de protéines sécrétées par l’épithélium tubulaire. - Néphrose idiopathique : corticosensible et corti-
fait au bout de 1 minute par
L’augmentation pathologique de la protéinurie corésistante comparaison à une échelle
peut résulter de plusieurs mécanismes, que l’on peut - Syndromes néphrotiques infantiles : colorimétrique ou à l’aide d’un
- syndrome néphrotique congénital « finlandais » appareil de lecture automatique. Les
classer en quatre groupes principaux : causes - sclérose mésangiale diffuse
« glomérulaires », « tubulaires », « de surcharge » et - Glomérulonéphrite aiguë postinfectieuse
résultats par la méthode visuelle
« fonctionnelles ». - Glomérulonéphrites chroniques : apparaissent sous forme de croix (0,
– Les protéinuries glomérulaires, les plus - à dépôts mésangiaux d’IgA (maladie de Ber- traces : 10-20 mg/dL ; 1 + : 30 mg/dL ;
ger) 2 + : 100 mg/dL ; 3 + : 300 mg/dL et
fréquentes, sont dues à une augmentation de la
- glomérulonéphrite extramembraneuse
perméabilité de la barrière glomérulaire, du fait de - glomérulonéphrite membranoproliférative 4 + : 1 g/dL), alors que la lecture
lésions anatomiques ou fonctionnelles (par exemple, - glomérulonéphrite proliférative « à croissants automatisée donne une évaluation
modification de la répartition des charges épithéliaux » semi-quantitative de 0 à plus de 3 g/L.
- glomérulonéphrites des maladies de système : La bandelette est plus sensible à
anioniques, dans la néphrose idiopathique). Elles
purpura rhumatoïde, LED, vascularites
sont constituées essentiellement d’albumine. - Syndrome d’Alport et autres glomérulopathies l’albumine qu’aux autres protéines.
– Les protéinuries tubulaires, beaucoup plus rares, héréditaires Des résultats faussement positifs
sont dues à une diminution de la réabsorption - Syndrome hémolytique et urémique « atypique » peuvent se voir en cas d’urines
- Hyalinose glomérulaire secondaire à une réduc- fortement alcalines ou lors de
tubulaire des protéines filtrées, en cas de lésions de
tion néphronique
l’épithélium tubulaire ou de l’interstitium. Elles sont l’utilisation de désinfectants sur la
composées de peu d’albumine et de beaucoup de Protéinuries tubulaires peau.
protéines de faible poids moléculaire. - Tubulopathies héréditaires : cystinose, syndrome
– Les protéinuries « de surcharge », dues à la de De Toni-Debré-Fanconi, syndrome de Dent...
filtration de protéines produites en excès, ne - Néphrites tubulo-interstitielles : ‚ Dosage de la protéinurie
- aiguës : toxiques, sarcoïdose, idiopathiques...
s’observent guère que chez l’adulte, dans les - chroniques : génétiques (néphronophtise), idio- Une positivité à + et au-delà justifie un dosage
gammapathies monoclonales. pathiques... pondéral des protéines dans les urines. Les
– Les protéinuries « fonctionnelles » sont - Retentissement d’une uropathie malformative méthodes de dosage sont nombreuses ; celles le
secondaires à une augmentation du débit sanguin Protéinuries fonctionnelles plus couramment utilisées sont la technique
rénal, responsable d’une augmentation transitoire turbidimétrique à l’acide sulfosalicyque ou les
- Orthostatique
de la filtration des protéines, en cas de fièvre ou techniques colorimétriques au bleu de Coomassie ou
- Accompagnant la fièvre ou l’effort
d’effort physique intense. On en rapproche la au rouge de pyrogallol [2]. Les différences d’affinité
protéinurie « orthostatique » n’apparaissant qu’en IgA : immunoglobuline A ; LED : lupus érythémateux disséminé. des colorants aux protéines sont à l’origine de la

1
8-0755 - Conduite à tenir devant une protéinurie chez l’enfant

variabilité des résultats. Il est donc préférable, lors de ‚ Protéinurie associée à une hématurie, correspondre aussi à des lésions glomérulaires
la surveillance, d’utiliser la même technique de micro- ou macroscopique sévères (glomérulonéphrite proliférative endo- et
dosage. L’existence d’une hématurie importante extracapillaire « à croissants », glomérulonéphrite
peut gêner le dosage de la protéinurie. Dans ce cas, il Infection urinaire
membranoproliférative...), qui nécessitent une action
faut demander un dosage spécifique de l’albumine Le premier examen à pratiquer est un examen thérapeutique rapide pour limiter la prolifération
(cf infra). cytobactériologique urinaire (ECBU), même s’il n’y a cellulaire (corticoïdes à forte dose).
S’il existe une protéinurie de concentration pas de troubles mictionnels : en cas de pyurie, la Le contexte de purpura rhumatoïde est en
pathologique, il faut quantifier le débit de la détection d’une protéinurie modérée, attribuée à la général évident cliniquement ; cependant, le purpura
protéinurie. La mesure de référence est la mesure de lyse des leucocytes et/ou à la sécrétion de protéines peut être très localisé et il faut examiner de principe
la protéinurie des 24 heures. Une protéinurie par l’épithélium des voies urinaires, n’est pas rare ; le revêtement cutané des membres inférieurs et des
supérieure à 100 mg/m2/j (ou 4 mg/m2/h) est elle doit disparaître avec la guérison de l’infection. fesses. La surveillance de la protéinurie doit être
pathologique. Chez le petit enfant où le recueil des systématique après chaque poussée et toute
urines de 24 heures est difficile, il est plus facile de Absence d’infection urinaire
protéinurie égale ou supérieure à 1 g/j persistant
mesurer le rapport protéines sur créatinine, de En l’absence d’infection urinaire, un bilan sanguin plus de 3 semaines justifie une biopsie rénale, afin
préférence sur les premières urines matinales ; il est de « débrouillage » s’impose, comprenant dosage de dépister une prolifération cellulaire glomérulaire
normalement, en milligramme protéines/mil- d’urée et de créatinine sanguines, de protidémie et s’ajoutant aux dépôts d’IgA caractéristiques de la
ligramme créatinine, inférieur à 5 chez le nourrisson d’albuminémie, dosage du complément sérique, C maladie et nécessitant une corticothérapie.
et à 2 chez l’enfant (soit environ 0,5 et 0,2 en mg reactive protein (CRP), numération formule sanguine
L’existence d’antécédents familiaux d’insuffisance
protéines/mmol créatinine) [3]. (NFS). L’interrogatoire recherche des antécédents
rénale associée à une surdité fait évoquer un
familiaux éventuels de néphropathie et tous les
‚ Dosage des protéines spécifiques syndrome d’Alport lié à l’X. La mère elle-même
antécédents médicaux de l’enfant.
présente souvent une hématurie-protéinurie
Plutôt qu’une électrophorèse sur gel de Le premier diagnostic évoqué dans ce contexte
asymptomatique. Chez le garçon atteint de
polyamide ou une immunoélectrophorèse qui est celui de glomérulonéphrite aiguë postinfec-
syndrome d’Alport, la protéinurie n’apparaît en règle
n’apportent qu’une analyse qualitative, il est tieuse, dont l’incidence réaugmente après une
qu’après plusieurs années d’hématurie isolée ; elle
préférable, si l’on hésite sur l’origine d’une quasi-disparition dans les années 1970-1980. Le
est d’abord faible, puis évolue progressivement vers
protéinurie, de demander un dosage sélectif de « syndrome néphritique », très évocateur, comporte
le syndrome néphrotique, puis l’insuffisance rénale.
certaines protéines urinaires, choisies pour leur des urines « bouillon sale », hématuriques et
Chez la fille, la protéinurie est le plus souvent faible
qualité de marqueurs de l’atteinte tubulaire ou fortement protéinuriques (+ + + +), un discret
et intermittente.
glomérulaire, par immunonéphélémétrie [2]. Cette œdème, une hypertension artérielle (HTA), une urée
et une créatinine un peu augmentées, une Une protéinurie-hématurie isolée, sans syndrome
technique est fiable, facilement réalisable et rapide.
protidémie normale mais une albuminémie néphrotique, peut révéler différentes glomérulopa-
Protéinurie d’origine glomérulaire inférieure à 30 g/L. Une angine ou un impétigo dans thies : glomérulonéphrite à dépôts d’IgA (maladie de
les semaines précédentes constituent un argument Berger), syndrome d’Alport non connu dans la
Le dosage de l’albumine ou microalbuminurie est
étiologique supplémentaire. L’abaissement famille, glomérulonéphrite membranoproliférative,
très utile en cas de faible protéinurie ou en présence
transitoire de la fraction C3 du complément confirme glomérulonéphrite extramembraneuse, voire
d’une hématurie rendant le dosage des protéines
totales ininterprétable. La microalbuminurie le diagnostic, ainsi que l’augmentation retardée des néphropathie lupique, et la persistance de cette
physiologique ne dépasse pas 30 mg/m2/j. Le anticorps antistreptocoques dans la plupart des cas. symptomatologie pendant plus de quelques
dosage des immunoglobulines G (IgG) et de la La symptomatologie doit rentrer dans l’ordre en 2 à semaines doit conduire à une consultation
transferrine permet le calcul de l’index de sélectivité 3 semaines, avec une protéinurie inférieure à 1 g/j néphrologique spécialisée, en vue d’une biopsie
(rapport clairance des IgG/clairance de la au bout de 1 mois ; l’hématurie microscopique peut rénale. Chez les enfants venant de pays d’endémie,
transferrine). être plus prolongée. En l’absence d’une régression une sérologie de l’hépatite B et de l’hépatite C doit
rapide des divers symptômes, un avis néphrologique être demandée, ces infections pouvant s’accom-
Protéinurie d’origine tubulaire spécialisé doit être demandé pour poser l’indication pagner de lésions glomérulaires (glomérulonéphrite
Le dosage de protéines de bas poids moléculaire, d’une biopsie rénale (cf encadré) ; en effet, un extramembraneuse pour le virus B, glomérulo-
inférieur à 40 kDa, normalement réabsorbées par le tableau clinique initialement identique peut néphrite membranoproliférative pour le virus C ).
tubule, est utilisé pour affirmer une protéinurie
tubulaire : a-1-microglobuline, b-2-microglobuline,
Biopsie rénale chez l’enfant
lysozymurie, chaînes légères d’Ig, retinol-binding
La biopsie rénale est indiquée chaque fois que le traitement dépend des résultats de
protein (RBP). La protéinurie tubulaire comprend
cet examen, en particulier devant un tableau de glomérulonéphrite rapidement
moins de 60 % d’albumine.
progressive. Elle n’est pas indiquée en cas de syndrome néphrotique typique chez un
enfant âgé de 1 à 10 ans, sans signes extrarénaux, qui répond à la corticothérapie,


ni en cas de glomérulonéphrite aiguë poststreptococcique dans sa forme typique
Démarche diagnostique lorsque l’évolution est rapidement favorable, ni en cas de purpura rhumatoïde s’il
n’y a qu’une hématurie, même macroscopique.
La démarche diagnostique est orientée par La biopsie rénale peut être effectuée dans la très grande majorité des cas par voie
l’importance de la protéinurie et le contexte dans percutanée (ponction-biopsie rénale [PBR]) sous anesthésie locale et prémédication
lequel elle a été découverte [1, 3]. ou analgésie au protoxyde d’azote. La réalisation d’une PBR nécessite des reins de
taille normale ou faiblement diminuée, l’absence de dilatation des voies urinaires, un
‚ Protéinurie « fonctionnelle » repérage échographique (ou par urographie intraveineuse) de la position du rein à
S’il s’agit d’une protéinurie faible (+, moins de biopsier, une hémostase et une tension artérielle (TA) normales. Une étude du rein
0,5 g/L) découverte au cours d’une infection fébrile en microscopie optique, en immunofluorescence et en microscopie électronique doit
(angine par exemple) ou après un effort physique être demandée. Après le geste, un repos strict allongé pendant 24 heures avec
intense, un nouveau contrôle s’impose quelques surveillance de la TA, de la fosse lombaire et de la coloration des urines est
jours plus tard, après disparition des modifications nécessaire ; une hématurie transitoire s’observe dans 10 % des cas environ.
hémodynamiques intraglomérulaires.

2
Conduite à tenir devant une protéinurie chez l’enfant - 8-0755

‚ Protéinurie accompagnée d’œdèmes syndrome de Drash (avec néphroblastome et du syndrome hémolytique et urémique, surtout dans
ambiguïté sexuelle) ou d’une néphrose, souvent sa forme « atypique », non postdiarrhéique, à diurèse
Syndrome néphrotique corticorésistante et familiale. Rares sont, conservée. Une protéinurie associée à une anémie
La présence d’œdèmes, même minimes et actuellement, les glomérulonéphrites secondaires à chronique s’observe dans deux maladies
localisés (paupières), chez un enfant de plus de 1 an, une infection (syphilis, toxoplasmose, cytomégalo- héréditaires exceptionnelles, le syndrome
évoque immédiatement le syndrome néphrotique virus, rubéole). d’Imerslund avec malabsorption de la vitamine B12
idiopathique ou « néphrose lipoïdique », qui est et le déficit en lécithine-cholestérol-acyltransférase.
actuellement la glomérulopathie la plus fréquente ‚ Protéinurie associée à des symptômes
chez l’enfant. La protéinurie est en général massive extrarénaux ‚ Protéinurie cliniquement isolée
(> 2 g/L) et s’accompagne d’une hypoprotidémie par
Syndrome inflammatoire Dans cette situation fréquente, il faut tout d’abord
hypoalbuminémie (< 30 g/L). Le plus souvent, il n’y a
Une altération de l’état général, une fièvre, en vérifier, par un rapide bilan sanguin (ionogramme,
aucune hématurie, la fonction rénale et la TA sont
normales, et le syndrome néphrotique est dit « pur » particulier chez une jeune adolescente, doivent faire urée-créatinine, protides-albumine, NFS, CRP...),
et se révèle corticosensible. La présence d’une petite rechercher un syndrome inflammatoire. Dans ce l’absence d’un syndrome néphrotique inapparent
hématurie microscopique s’observe cependant dans contexte, la protéinurie peut parfois faire découvrir cliniquement, d’une insuffisance rénale, d’une
15 à 20 % des néphroses idiopathiques et ne justifie une glomérulonéphrite lupique, mais peut aussi être anémie ou d’un syndrome inflammatoire, qui
pas à elle seule une biopsie rénale. d’origine tubulaire et révélatrice d’une néphropathie ramèneraient aux situations précédentes.
La découverte d’un syndrome néphrotique « pur » tubulo-interstitielle chronique, d’origine
chez un enfant ne justifie pas forcément une immunoallergique (médicaments), secondaire à une Protéinurie orthostatique
hospitalisation immédiate si les œdèmes ne sont pas sarcoïdose, ou idiopathique (et, dans ce cas, souvent
En l’absence de toute perturbation biologique, il
majeurs, mais elle nécessite toujours une associée à une uvéite). La biopsie rénale est
faut, dans un premier temps, éliminer une
consultation rapide en milieu spécialisé, avant de indispensable dans un tel contexte pour confirmer le
protéinurie orthostatique n’apparaissant qu’en
mettre en route la corticothérapie. Sous une dose diagnostic et chercher une étiologie. Une
position debout et disparaissant en position
suffisante (60 mg/m2/j), 90 % des néphroses se corticothérapie à bonne dose est le plus souvent
allongée. Cette protéinurie non pathologique
révèlent corticosensibles et donc de bon pronostic à indiquée dans cette situation et est en général très
s’observe essentiellement chez le grand enfant et
long terme, mais après une évolution émaillée de efficace.
l’adolescent longilignes. Elle peut être importante en
rechutes dans deux tiers des cas. concentration, mais son débit est faible (< 1 g/j). Pour
Retard de croissance ou polyurie
En attendant l’effet de la corticothérapie, il faut de la prouver, il faut une méthodologie précise : recueil
toute façon supprimer le sel de l’alimentation, mais L’association à un retard de croissance statural et
d’au moins deux échantillons d’urine, le premier
éviter autant que possible les diurétiques qui à une polyurodipsie évoque immédiatement soit
comportant exclusivement les urines émises en
risquent d’aggraver une hypovolémie. une insuffisance rénale chronique d’origine
position couchée (vidange de la vessie 1 heure après
héréditaire ou malformative passée inaperçue, soit
le coucher et recueil au lever des urines émises
Néphrose corticorésistante une tubulopathie chronique (acidose tubulaire,
depuis ce moment), le deuxième comportant des
La présence de symptômes associés (hématurie cystinose, tubulopathies proximales de De
urines émises dans la journée, après une activité
macroscopique, HTA, petite insuffisance rénale) ou Toni-Debré-Fanconi...). L’ionogramme sanguin et le
normale. La protéinurie orthostatique doit être
d’une corticorésistance (persistance d’une protéinurie dosage de l’urée et de la créatinine doivent être
totalement absente sur le recueil nocturne. Si la
au bout de 4 semaines de corticothérapie suffisante) demandés systématiquement devant une
nature exclusivement orthostatique de la protéinurie
doit conduire à la biopsie rénale et donc à une protéinurie permanente, ainsi que l’échographie
se confirme sur deux examens successifs à quelques
hospitalisation en néphrologie pédiatrique. Dans la rénale.
mois d’intervalle, il n’est pas nécessaire de continuer
néphrose corticorésistante, la biopsie rénale peut Dans les insuffisances rénales chroniques, la
la surveillance, car le suivi à très long terme a montré
être normale (« lésions glomérulaires minimes ») ou protéinurie peut être d’origine glomérulaire, par
un pronostic excellent [4].
montrer une « hyalinose segmentaire et focale des sclérohyalinose progressive des glomérules
glomérules » ; dans les deux cas, un traitement par la hyperfiltrants en cas de réduction du nombre de
néphrons fonctionnels (hypoplasie rénale, cicatrices Protéinurie permanente
ciclosporine doit être tenté pour essayer d’éviter
l’évolution vers une insuffisance rénale. Mais la ou résection parenchymateuses), ou d’origine Si la protéinurie n’a pas de caractère
biopsie peut aussi montrer d’autres lésions tubulaire en cas de lésions de la médullaire rénale, orthostatique, il faut essayer de déterminer son
glomérulaires : « sclérose mésangiale diffuse » du dues à une néphropathie tubulo-interstitielle origine glomérulaire ou tubulaire par le dosage des
petit enfant, glomérulonéphrite extramembraneuse génétique (néphronophtise) ou au retentissement protéines spécifiques : microalbuminurie pour la
ou d’autres glomérulopathies plus rares, accessibles d’une uropathie malformative (par reflux, protéinurie glomérulaire, dosage des protéines de
ou non à un traitement. obstruction ou pyélonéphrites). bas poids moléculaire pour la protéinurie tubulaire.
Dans les tubulopathies, le dosage des protéines
Syndromes néphrotiques infantiles (décou- spécifiquement tubulaires (b-2 microglobuline, par
¶ Protéinurie tubulaire
verts avant l’âge de 1 an) En cas de protéinurie tubulaire, il convient de
exemple) confirme par un taux très élevé l’origine
rechercher d’autres anomalies de la réabsorption
Ils correspondent à des pathologies différentes de tubulaire majoritaire de la protéinurie. En cas
tubulaire : dosage d’aminoacidurie et surtout dosage
celles de l’enfant plus âgé. Les syndromes d’atteinte tubulaire proximale, il s’y associe souvent
de la calciurie ; une hypercalciurie (> 4 mg/kg/j)
néphrotiques congénitaux apparus avant 3 mois une glycosurie ; chez l’enfant, l’association
associée à une protéinurie de faible poids
sont dus le plus souvent à une maladie génétique glycosurie-protéinurie ne doit pas évoquer un
moléculaire suggère un « syndrome de Dent »,
récessive autosomique, le syndrome néphrotique diabète sucré, qui n’entraîne pas de néphropathie
maladie héréditaire liée à l’X [5]. Des protéinuries
finlandais (dont le gène sur le chromosome 19 est diabétique à cet âge, mais une tubulopathie
proximale. tubulaires isolées familiales, d’évolution bénigne, ont
connu). Les œdèmes sont présents dès la naissance
aussi été décrites.
et s’accompagnent d’un gros placenta ; la mortalité
précoce est élevée et l’évolution vers l’insuffisance Anémie aiguë ¶ Protéinurie glomérulaire
rénale dans l’enfance est constante. L’association à une anémie aiguë révélée par une Si la protéinurie paraît glomérulaire, constituée
Lorsque la protéinurie se révèle plus tardivement pâleur doit faire rechercher les stigmates essentiellement de « microalbumine », la conduite à
(3 à 12 mois), il s’agit le plus souvent d’une sclérose hématologiques (anémie hémolytique et tenir dépend de son débit. S’il dépasse 1 g/24 h,
mésangiale diffuse, isolée ou dans le cadre d’un thrombopénie) et biochimiques (insuffisance rénale) l’enfant doit être adressé sans attendre en milieu

3
8-0755 - Conduite à tenir devant une protéinurie chez l’enfant

spécialisé en vue d’une biopsie rénale ; s’il est


inférieur à 1 g/j, on peut se permettre d’attendre
protéinurie confirmée
quelque temps, en recontrôlant régulièrement le
taux de la protéinurie et l’absence de signes associés
ECBU, urée-créatinine
(en particulier hématurie et hypoalbuminémie).
albuminémie, C3, NFS
ionogramme Certaines de ces faibles protéinuries disparaissent en
quelques semaines et correspondent peut-être à des
+ hématurie + œdèmes + signes extrarénaux protéinurie isolée
glomérulonéphrites aiguës « a minima » passées
inaperçues. Mais, en règle générale, la persistance
syndrome syndrome néphrotique fièvre, alter EG éliminer une protéinurie
d’une protéinurie, même faible, pendant plus de 3
ECBU +
« néphritique » (oligurie « pur » syndrome inflammatoire orthostatique mois, justifie une consultation spécialisée en
HTA, hyperazotémie,
> infection urinaire
C3 bas) > échographie néphrologie pédiatrique, où la décision d’une biopsie
protéinurie permanente
> microalbuminurie
rénale est prise éventuellement. Celle-ci peut
1 - 10 ans et protéines de BPM montrer une glomérulopathie de diverse variété,
GN aiguë > prednisone LED
60 mg/m2 mais ne retrouve parfois aucune lésion glomérulaire.
Dans ce cas, le suivi de ces enfants ne doit pas être
plus de 1 an néphrite tubulo- protéinurie
GN prolongée plus de
moins de 10 ans interstitielle tubulaire
abandonné car le développement, à long terme,
1 mois > PBR
> PBR > PBR d’une hyalinose glomérulaire avec insuffisance
SN « impur » ou protéinurie
rénale progressive n’est pas exclu.
retard de croissance
purpura rhumatoïde corticorésistant glomérulaire
polyurie
> PBR


contexte familial de
syndrome d'Alport insuffisance rénale
> 1 g/jour > PBR Conclusion
chronique

Pu-Hu isolée < 1 g/jour > si durée


tubulopathie
> PBR supérieure à 3 mois,
congénitale
avis spécialisé La découverte d’une protéinurie chez un enfant
n’est pas anodine et doit conduire à une démarche
anémie + thrombopénie
> SHU ? diagnostique raisonnée, schématisée par un arbre
décisionnel (fig 1). Dans la plupart des cas, si la
1 Arbre décisionnel en présence d’une protéinurie chez l’enfant. GN : glomérulonéphrite ; PBR : ponction- protéinurie n’a pas régressé presque complètement
biopsie rénale ; SN : syndrome néphrotique ; LED : lupus érythémateux disséminé ; SHU : syndrome hémoly- en moins de 1 mois, une consultation en milieu
tique et urémique ; ECBU : examen cytobactériologique urinaire ; NFS : numération formule sanguine ; HTA : spécialisé est justifiée, afin de ne pas laisser évoluer
hypertension artérielle ; BPM : bas poids moléculaire ; EG : état général ; Pu-Hu : protéinurie-hématurie. une pathologie potentiellement curable.

Marie-France Gagnadoux : Praticien hospitalier,


service de néphrologie pédiatrique, hôpital Necker-Enfants Malades, 146-161 rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : MF Gagnadoux. Conduite à tenir devant une protéinurie chez l’enfant.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0755, 2001, 4 p

Références

[1] Bergstein JM. A practical approach to proteinuria. Pediatr Nephrol 1999 ; 13 : [4] Ryland DA, Spreiter S. Prognosis in postural (orthostatic) proteinuria: forty-
697-700 to fifty-year follow-up of six patients after diagnosis by Thomas Addis. N Engl J
Med 1981 ; 305 : 618-621
[2] Chopin N. Protéinuries : stratégies d’étude en 1995. Feuillets Biol 1995 ;
XXXVI : 29-46 [5] Wrong O, Nordin AG, Feest TG. Dent’s disease: a familial proximal renal
tubular syndrome with low-molecular-weight proteinuria, hypercalciuria, nephro-
[3] Hogg RJ, Portman RJ, Milliner D, Lemley KV, Eddy A, Ingelfinger J. Evalu- calcinosis, metabolic bone disease, progressive renal failure and a marked male
ation and management of proteinuria and nephrotic syndrome in children: recom- predominance. Q J Med 1994 ; 87 : 473-493
mendations from a pediatric nephrology panel established at the national kidney
foundation conference on proteinuria, albuminuria, risk, assessment, detection
and elimination (PARADE). Pediatrics 2000 ; 105 : 1242-1249

4
Traité de Médecine AKOS 8-0720 (2004)

8-0720

Énurésies de l’enfant

Y. Heloury, M.-D. Leclair, C. Capito, C. Laplace, G. Podevin, L. Lenormand

L ’énurésie se définit comme une miction active et complète survenant à un moment ou à un endroit inapproprié
ou socialement inacceptable (enfant de plus de 5 ans). L’enfant avec une énurésie nocturne urine dans son lit
alors qu’il est endormi et n’est généralement pas réveillé par le fait d’être mouillé. La forme la plus fréquente est
l’énurésie nocturne monosymptomatique, ce qui signifie qu’il n’y a pas de symptômes cliniques dans la journée.
L’énurésie est un syndrome héréditaire résultant de trois facteurs : la polyurie nocturne, une capacité vésicale
fonctionnelle réduite et un trouble de l’éveil. C’est la pathologie chronique de l’enfant la plus fréquente dans les pays
occidentaux. L’interrogatoire élimine les troubles mictionnels diurnes et précise les conditions de l’énurésie. L’examen
clinique élimine une vessie neurologique ou une malformation. Les examens complémentaires sont inutiles. Le
traitement repose sur les alarmes et/ou la desmopressine. Il est réservé aux enfants et aux familles demandeurs. Le
suivi pendant et à l’arrêt du traitement est un élément essentiel du succès qui reste inconstant.
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Énurésie ; Enfant ; Immaturité vésicale ; Desmopressine


Certaines sous-classifications ont été définies car elles peuvent avoir des
Introduction conséquences thérapeutiques : l’énurésie nocturne primaire correspond à des
enfants présentant une énurésie monosymptomatique qui n’ont jamais été secs
la nuit pour une période ininterrompue d’au moins 6 mois ; elle s’oppose à
L’énurésie nocturne est un désordre du genre humain. Se mouiller pendant la l’énurésie nocturne secondaire où, après une période d’acquisition de la propreté
nuit ne se produit pas chez les autres mammifères. La prise en charge de cette d’au moins 6 mois, réapparaissent des fuites nocturnes. L’énurésie primaire est
anomalie suppose une définition partagée, une compréhension des mécanismes plus fréquente que l’énurésie secondaire : 52,8 % versus 31,6 %. [6]
physiopathologiques, une évaluation clinique simple mais rigoureuse et un
Ces définitions opposent énurésie et incontinence. L’incontinence correspond
éventuel traitement adapté à chaque enfant.
à la perte de petites quantités d’urine et non à une miction complète. Cette
distinction constitue la première étape de la démarche clinique chez ces enfants.


Définition

L’énurésie se définit comme une miction active et complète survenant à un ■


Épidémiologie
moment ou à un endroit inapproprié ou socialement inacceptable. [21] L’enfant
avec une énurésie nocturne urine dans son lit alors qu’il est endormi et n’est Les enfants deviennent généralement propres le jour avant d’être propres
généralement pas réveillé par le fait d’être mouillé. La forme la plus fréquente est durant leur sommeil. À 2 ans, 25 % des enfants sont propres le jour et 10 % la
l’énurésie nocturne monosymptomatique, ce qui signifie qu’il n’y a pas de nuit ; à 3 ans, les pourcentages sont respectivement de 98 % et 78 %. [6, 9, 12]
symptômes cliniques dans la journée éliminant ainsi un dysfonctionnement Ensuite, chaque année, environ 15 % des enfants verront disparaître leurs
vésical. Ces enfants n’ont pas de miction impérieuse, pas de fuite urinaire diurne mictions nocturnes. L’énurésie nocturne est plus fréquente chez les garçons que
et ont un nombre de mictions journalières normal. chez les filles dans l’enfance mais cette tendance tend à disparaître avant
Cette séparation entre énurésie nocturne monosymptomatique qui constitue l’adolescence. À l’âge de 7 ans, 5 à 10 % des enfants sont suffisamment mouillés
la base de cet article et énurésie nocturne associée à des troubles mictionnels la nuit pour être demandeurs d’un traitement. La prévalence de l’énurésie
diurnes est très utile cliniquement mais ne correspond probablement pas nocturne chez les adultes est estimée à 0,5 %, ce qui veut dire que moins de 5 %
totalement à la réalité de fonctionnement de la vessie. [32] des enfants ayant eu une énurésie nocturne sont à risque de la voir se prolonger
pendant l’adolescence.
La définition de l’énurésie nocturne implique qu’elle soit socialement
inacceptable. Cette condition semble remplie au-dessus de l’âge de 5 ans.


Le nombre de nuits mouillées doit être précisé par mois ou par semaine. Il est
également important de déterminer le moment de survenue : précocement (deux Étiologie
premières heures de sommeil), tardivement (deux heures avant le lever) ou sans
notion de temps. Une des difficultés de la définition d’énurésie est de savoir à
partir de quel nombre de nuits mouillées par mois l’énurésie nocturne devient un L’énurésie nocturne est une pathologie héréditaire. Les facteurs génétiques
problème. Il y a maintenant un consensus raisonnable pour considérer qu’un sont les plus importants dans l’étiologie de l’énurésie nocturne. [17, 30] Dans une
enfant qui se mouille la nuit une à trois fois par mois peut nécessiter une aide et population de 106 enfants ayant une énurésie nocturne, von Gontard [30]
un traitement. Les études cliniques jugeant de l’efficacité d’un traitement sur la retrouve une histoire familiale dans 63,2 % des cas. Chez les enfants dont les
réduction du nombre de nuits mouillées retiennent le chiffre de 14 nuits sèches deux parents ont une histoire d’énurésie nocturne, le contrôle nocturne de la
par mois pour pouvoir juger de l’efficacité des traitements. vessie est décalé de 1 an et demi.

1
8-0720 - Énurésies de l’enfant

‚ Autres causes
Polyurie nocturne CFV réduite Obstruction des voies aériennes supérieures
Une obstruction des voies aériennes supérieures peut favoriser l’énurésie par
l’intermédiaire probablement d’un sommeil perturbé.

Vessie pleine Constipation


La constipation est fréquemment associée à une immaturité vésicale. Elle peut
Éveil ? donc contribuer, par l’intermédiaire de contractions vésicales désinhibées, à
Oui Non favoriser l’énurésie.

Diabète
Miction éveillé Énurésie Le diabète, par la polyurie qu’il entraîne, est une cause d’énurésie secondaire.

Figure 1 Physiopathologie de l’énurésie nocturne et de la nocturie. CFV : Syndrome d’hyperactivité


capacité fonctionnelle vésicale. Les enfants ayant un syndrome d’hyperactivité sont 2,7 fois plus souvent
énurétiques que la population générale. Ce syndrome associé à l’énurésie
Ces études confirment donc bien le rôle prédominant des facteurs génétiques, constitue une des rares indications du traitement par antidépresseur tricyclique
prédominance encore renforcée par l’étude de jumeaux mono- et comme nous le reverrons.
hétérozygotes. [13] Le taux de concordance chez les jumeaux monozygotes est
deux fois supérieur à ce qu’il est chez les jumeaux hétérozygotes (respectivement Abus sexuels
0,43 et 0,19) mais cette différence n’est significative que chez les garçons. Cette éventualité doit rester toujours présente à l’esprit du clinicien lors de son
examen clinique. Certains troubles mictionnels sont en effet le symptôme


révélateur de ces abus.
Physiopathologie

La physiopathologie de l’énurésie nocturne est relativement simple (Fig. 1).


Pendant la nuit, la vessie se remplit et nécessite d’être vidée. Le remplissage
vésical dépend de deux phénomènes éventuellement intriqués : une production

Retentissement psychologique de l’énurésie

Il est actuellement admis que l’énurésie est responsable chez l’enfant d’un
d’urine excessive (polyurie nocturne) et/ou une capacité vésicale fonctionnelle sentiment de honte et de perte d’estime de soi. [1] Ceci peut être à l’origine de la
nocturne diminuée. Le résultat en est qu’une miction est imminente. La question demande par l’enfant d’un traitement qui doit alors lui être accordé. Dans certains
cruciale est alors : l’enfant va-t-il se réveiller ? Si l’enfant se réveille, il ira aux cas, la famille accepte mal les épisodes d’énurésie et peut punir l’enfant.
toilettes et aura une miction nocturne socialement acceptable. S’il ne se réveille L’étude de van Tijen [28] montre que l’énurésie apparaît comme un événement
pas, il mouillera son lit. particulièrement stressant qui la situe en troisième position après le divorce et les
La miction nocturne éveillé est plus fréquente que l’énurésie puisque chez des querelles entre parents. Les études à long terme [1] ne semblent pas montrer de
enfants âgés de 7 à 15 ans, 35,2 % d’entre eux se lèvent la nuit pour uriner de différences comportementales à l’âge adulte selon qu’ils aient été ou non
façon occasionnelle, 3,6 % au moins une fois par semaine et 4,1 % chaque nuit. énurétiques.
Si on y ajoute les 5 à 10 % d’enfants ayant une énurésie nocturne, la fréquence


des mictions la nuit, endormi ou éveillé, survient chez environ 50 % des enfants
d’âge scolaire.
L’énurésie nocturne apparaît donc due à un retard dans la maturation des
Évaluation d’un enfant énurétique
voies nerveuses contrôlant la production d’urine, la fonction nocturne de la vessie
et l’éveil vessie pleine. [31] Cette maturation apparaît, comme nous l’avons déjà dit, L’identification d’une énurésie monosymptomatique repose essentiellement
guidée par des facteurs génétiques. Les différentes modalités thérapeutiques sur l’interrogatoire. [7]
visent à agir sur ces trois éléments. [2]
‚ Interrogatoire
‚ Polyurie nocturne
L’interrogatoire doit s’attacher à connaître les modalités d’acquisition de la
Une polyurie nocturne relative est retrouvée chez environ deux tiers des propreté tant pour l’enfant que pour les membres de sa famille. Ceci permet de
enfants ayant une énurésie nocturne monosymptomatique. La cause la plus préciser si le trouble est primitif ou secondaire et dans ce cas quels sont les
fréquente de l’énurésie nocturne est donc une polyurie associée à une absence facteurs ayant pu favoriser la réapparition de l’énurésie (naissance d’un autre
d’éveil. La polyurie nocturne justifie le traitement de l’énurésie par la enfant, séparation). Il importe de faire préciser les conditions exactes des fuites
desmopressine. [14, 20] nocturnes : heure de survenue, port de couches, quantité de boisson absorbée au
repas du soir. Le symptôme énurésie doit être précisé dans son ancienneté, son
‚ Capacité vésicale fonctionnelle rythme ainsi que son vécu par l’enfant et sa famille. Il faut évaluer la qualité du
Différentes études ont montré que la capacité vésicale fonctionnelle des sommeil, rechercher une éventuelle rétention stercorale et apprécier le
enfants énurétiques était identique aux témoins pendant la journée mais retentissement psychosocial de cette énurésie (agressivité des parents vis-à-vis de
inférieure à ces mêmes témoins la nuit. [22] D’autre part, des études l’enfant, enfant renfermé).
cystomanométriques [32] ont montré une hyperactivité vésicale nocturne, ces L’interrogatoire doit également s’attacher à rechercher des troubles
enfants ayant un fonctionnement vésical normal lorsqu’ils étaient éveillés. Cette mictionnels diurnes souvent négligés par les parents. Il faut donc que
anomalie de la capacité vésicale fonctionnelle justifie le traitement de l’énurésie l’interrogatoire soit orienté, recherchant des mictions impérieuses, des fuites
par les alarmes et/ou la rééducation. mictionnelles, des infections urinaires.
L’interrogatoire doit également faire préciser aux parents si différents
‚ Sommeil et éveil traitements ont déjà été essayés (modalité, durée).
La grande énigme de l’énurésie concerne le sommeil et l’éveil puisque certains
enfants, lorsque leur vessie est pleine, vont se lever pour uriner alors que d’autres ‚ Examen clinique
urineront dans leur lit (énurésie). De nombreux parents disent que leur enfant L’examen va s’attacher à rechercher une anomalie des organes génitaux
énurétique est très difficile à réveiller ou qu’il dort de façon très profonde. Il externes ou de la région sacrée (agénésie sacrée partielle, fossette
semble confirmé que chez les enfants énurétiques, le sommeil soit normal mais sacrococcygienne prononcée). L’examen de l’abdomen recherche une rétention
que le mécanisme d’éveil soit immature. [10, 31] stercorale et un globe vésical. Un examen neurologique simple consiste à

2
Énurésies de l’enfant - 8-0720

Tableau 1. – Résultats des différents traitements [23]

Traitement
Sécheresse Imipramine Desmopressine Alarme
Après 6 mois de traitement 36 % 68 % 63 %
Six mois plus tard, sans traitement 16 % 10 % 56 %

examiner les membres inférieurs et les pieds, à rechercher les réflexes que pour les enfants qui ont une réponse initiale de plus de 50 % de réduction
ostéotendineux et les réflexes périnéaux permettant d’éliminer une pathologie des nuits mouillées, la guérison à long terme est obtenue dans 31 % des cas. Les
neurologique. On apprécie le retentissement éventuel des fuites (irritations facteurs prédictifs de réponse à la desmopressine sont un nombre de nuits
périnéales). mouillées limité (moins de trois par semaine), un seul événement d’énurésie par
La normalité de l’examen clinique et l’absence de troubles mictionnels diurnes nuit et un âge supérieur à 8 ans. [27] L’énurésie héréditaire n’est pas un facteur
permettent de retenir le diagnostic d’énurésie monosymptomatique. Dans ce pronostique prédictif. [25]
contexte, faut-il réaliser des examens complémentaires ? Les effets secondaires modérés ne sont pas exceptionnels : 7,1 %. [8] Ces effets
secondaires sont généralement mineurs (maux de tête, douleurs abdominales,
‚ Examens complémentaires irritations nasales ou saignement lors de l’utilisation du spray). Les complications
Si le diagnostic d’énurésie monosymptomatique apparaît certain, il n’y a pas graves (rétention d’eau avec hyponatrémie et convulsions) sont rares. [15, 24, 29]
lieu de réaliser d’examen complémentaire particulier [5], hormis une bandelette Ces complications doivent être évitées en demandant à l’enfant de ne pas boire
urinaire pour éliminer un diabète débutant. d’eau dans les 2 heures précédant la prise de desmopressine.
S’il existe un doute sur une énurésie symptôme d’un dysfonctionnement
Anticholinergiques
vésical, il faut alors réaliser une débitmétrie permettant d’authentifier une
immaturité vésicale et/ou une dyssynergie vésicosphinctérienne. Cet examen est Les anticholinergiques [4] (oxybutynine, toltérodine) ne sont pas un traitement
alors complété par une échographie abdominale. logique de l’énurésie monosymptomatique puisque, théoriquement, il n’existe
pas de contractions vésicales désinhibées. Ce traitement n’est pas utilisé seul dans


le traitement de l’énurésie mais en association avec les alarmes et/ou la
desmopressine.
Traitement
Antidépresseurs tricycliques
L’imipramine est un traitement qui reste utilisé dans l’énurésie. C’est sur la
Nous étudions tout d’abord les différentes modalités thérapeutiques à notre
faculté de modifier l’organisation du sommeil que reposait son indication. En
disposition avant de voir les indications thérapeutiques et en particulier de
réalité, son mode d’action reste imparfaitement connu. Ce traitement a une
préciser les enfants qui justifient d’un traitement.
efficacité limitée : 36 % pendant le traitement, 16 % après l’arrêt du traitement. [19]
‚ Méthodes Ce traitement ne doit donc pas être considéré comme un traitement de l’énurésie
vu ses résultats médiocres mais surtout vu ses effets secondaires fréquents
Alarmes (modification de l’humeur, céphalées) et surtout ses risques létaux du fait d’une
Il s’agit d’une méthode dite de conditionnement qui utilise la conduction toxicité cardiaque et hépatique en cas de surdosage accidentel.
électrique de l’urine. Sur le lit (alèse) ou dans le pyjama de l’enfant (capteur
Rééducation
d’humidité sous forme de miniserviette en coton ou en feutre) est intégré un
circuit électrique que les premières gouttes d’urine vont mettre en marche, faisant Une prise en charge rééducative dans des centres spécialisés pendant une
sonner une alarme. L’enfant doit alors couper celle-ci, terminer sa miction aux période prolongée semble être le traitement le plus efficace à long terme. [3, 26] Ce
toilettes et réinstaller l’appareil pour le restant de la nuit. C’est par un phénomène traitement repose sur l’utilisation d’une alarme et la venue une fois par semaine
d’anticipation et de prise de conscience du besoin que ce système se révèle dans un centre spécialisé. Ces résultats montrent bien le rôle de l’éducation
efficace. Il faut de 2 à 8 semaines pour qu’un résultat soit obtenu et de 2 à 4 mois thérapeutique et du soutien au long cours de ces enfants et de leur famille.
de plus pour renforcer ce résultat et prévenir les rechutes. Il existe plusieurs
Traitements associés
systèmes en France, utilisant de préférence les capteurs d’humidité dans les
sous-vêtements. Pipi Stopt est le plus connu. L’association alarmes-desmopressine peut être utilisée, l’effet rapide de la
Les alarmes constituent le traitement le plus efficace de l’énurésie desmopressine permettant aux parents d’accepter les résultats initiaux décevants
monosymptomatique avec un taux d’efficacité comparable à la desmopressine de l’alarme. Cette efficacité à court terme est confirmée [16] mais à long terme, les
pendant le traitement mais nettement supérieur une fois le traitement arrêté résultats ne sont pas différents de ceux des alarmes seules.
(Tableau 1). Le taux de sécheresse 6 mois après l’arrêt du traitement est de 56 %
‚ Indications thérapeutiques
avec les alarmes [19] alors qu’il n’est plus que de 10 % après arrêt de la
desmopressine. Les alarmes permettent d’obtenir une augmentation de la Les deux questions qui se posent sont : quels enfants traiter et comment ?
capacité vésicale fonctionnelle [23] dont on sait qu’elle est un des facteurs
étiologiques de l’énurésie. Cette augmentation se fait progressivement dans le Quels enfants traiter
temps, conduisant à proposer un traitement par alarme d’au moins 3 mois. Cette L’étude réalisée par Lottmann [18] montrait que 42 % des enfants interrogés
méthode thérapeutique est souvent prescrite aux États-Unis et en Europe du Nord avaient été ennuyés par leurs symptômes, 92 % des mères considérant que ceci
mais reste peu prescrite en France du fait de son absence de prise en charge par n’avait pas de répercussion sur leur vie de famille, le comportement à l’école ou
la Sécurité sociale, de ses résultats qui ne sont pas immédiats et de la nécessité les résultats scolaires de leur enfant. Néanmoins, 48 % d’entre elles déclaraient
d’une forte motivation de la famille. La raison essentielle d’échec des alarmes est que les médecins consultés n’avaient pas prêté suffisamment attention au
le non-réveil de l’enfant, confirmant ainsi que le trouble du réveil est un facteur problème de l’énurésie nocturne de leur enfant. Il apparaît que l’énurésie
essentiel de l’énurésie. nocturne doit être traitée chez les enfants et/ou les familles demandeuses d’une
prise en charge.
Desmopressine
Comment traiter
La desmopressine est un traitement logique chez les enfants présentant une
polyurie nocturne. C’est un analogue structural synthétique de l’hormone En cas d’énurésie nocturne monosymptomatique, les alternatives
antidiurétique (ADH) naturelle, la vasopressine. Le produit peut être administré thérapeutiques aujourd’hui se résument aux alarmes et à la desmopressine. [2, 7,
11]
par spray nasal (une pulvérisation dans chaque narine avant le coucher) ou par
comprimés (0,2 à 0,4 mg/j), plus indiqués chez les enfants ayant des rhinites. Une Quelques règles peuvent nous orienter dans le choix de ces traitements
étude multicentrique prospective suédoise réalisée chez 393 enfants a montré (encadré 1).

3
8-0720 - Énurésies de l’enfant

Encadré 1 Stratégie thérapeutique dans l’énurésie nocturne


Exclure les troubles diurnes pour retenir le diagnostic d’énurésie nocturne monosymptomatique.
Tester la motivation de l’enfant.
Expliquer les connaissances actuelles sur l’énurésie.
Évaluer sur 2 semaines les conditions mictionnelles.
Commencer par une alarme ou la desmopressine selon la motivation familiale et les conditions mictionnelles.
Inclure l’enfant dans un programme d’éducation thérapeutique.
En cas d’échec au bout de 3 mois, faire une pause de 6 à 12 mois avant de réessayer un traitement.
En cas de succès, arrêter le traitement de façon progressive sur quelques semaines.

Les alarmes ne devraient pas être utilisées dans les familles agressives à traitement et probablement de les inclure dans un programme d’éducation
l’égard de leur enfant qui se mouille ou vivant dans des conditions thérapeutique structuré, programme ayant bien montré son efficacité dans les
psychosociales défavorisées. maladies chroniques. Les récidives à l’arrêt du traitement sont très fréquentes, en
Les alarmes devraient être préférées chez les enfants qui ont des fuites particulier après l’utilisation de la desmopressine.
fréquentes (plus de trois par semaine) ou chez lesquels il existe une forte suspicion
de capacité vésicale fonctionnelle réduite.


La desmopressine est le traitement de choix lorsqu’on évoque une polyurie
nocturne. Conclusion
Le choix entre ces traitements impose d’avoir au préalable parfaitement
analysé les conditions mictionnelles et en particulier avoir, sur une période de
2 semaines, apprécié le volume mictionnel diurne, le volume mictionnel nocturne L’énurésie nocturne est fréquente, mal tolérée par un nombre important
(poids des couches), le nombre des mictions. Dans tous les cas, les deux modalités d’enfants et/ou de familles. Ces enfants et ces familles doivent être écoutés et
thérapeutiques doivent être expliquées aux parents avec leurs avantages et aidés dans la prise en charge de ce symptôme. Ceci peut conduire à des
inconvénients respectifs. Il est demandé aux parents de supprimer les couches et traitements reposant sur les alarmes et/ou la desmopressine. L’efficacité de ces
de tenir un calendrier mictionnel permettant de renforcer la motivation de traitements est limitée avec des rechutes fréquentes à l’arrêt du traitement. Ceci
l’enfant et de contrôler l’efficacité du traitement. Plus que la rééducation, il souligne l’importance de l’éducation thérapeutique permettant
apparaît fondamental d’assurer un suivi très régulier de ces enfants pendant leur l’accompagnement de ces enfants et de ces familles.

Y. Heloury
Adresse e-mail: yves.heloury@chu-nantes.fr
M.-D. Leclair, C. Capito, C Laplace, G. Podevin
Service de chirurgie pédiatrique, Hôpital Mère et Enfant, Quai Moncousu, 44093 Nantes cedex 1, France.
L. Lenormand
Clinique urologique, Hôtel-Dieu, centre hospitalier universitaire, Place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Y. Heloury, M.-D. Leclair, C. Capito, C. Laplace, G. Podevin, L. Lenormand. Énurésies de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Traité de Médecine Akos, 8-0720, 2004, 5 p

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8-0756

8-0756
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Infections urinaires de l’enfant

A Bensman

L a prise en charge d’un enfant suspect d’infection urinaire passe par quatre étapes : 1) le diagnostic positif
d’infection urinaire est posé en présence d’une bactériurie supérieure à 105 germes pour des urines obtenues
par la technique des poches ou au milieu du jet, supérieure à 104 germes par cathétérisme vésical. La technique des
poches est peu fiable et source de beaucoup de fausses infections urinaires ; 2) le diagnostic de localisation
(pyélonéphrite aiguë ou cystite) repose sur des signes cliniques (tableaux d’infection néonatale, douleurs lombaires,
fièvre mal expliquée et des signes biologiques (hyperleucocytose et syndrome inflammatoire). L’indication de la
scintigraphie à l’acide dimercaptosuccinique (DMSA) est encore discutée lorsque le résultat obtenu n’a pas de
conséquences thérapeutiques évidentes ; 3) le diagnostic étiologique repose sur l’interrogatoire, l’échographie rénale
et la cystographie rétrograde à la recherche d’une uropathie obstructive, d’un reflux vésico-urétéral, d’une lithiase et
d’un dysfonctionnement vésical ; 4) le traitement de la cystite est d’une durée de 5 à 7 jours et utilise des antibiotiques
oraux en évitant les céphalosporines de 3e génération.
Des études prospectives bien menées ont permis de conclure qu’il n’est pas nécessaire de traiter les pyélonéphrites
aiguës par voie intraveineuse pendant une période supérieure à 3 à 4 jours. Le relais est ensuite pris par un
traitement oral d’une dizaine de jours. Chez l’enfant de plus de 18 mois, qui n’a pas d’uropathie grave et pas de
syndrome septique, un traitement per os d’emblée est concevable mais il manque encore des études cliniques pour
valider définitivement cette attitude.
© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : infection urinaire, pyélonéphrite.


que maintenant, l’échographie anténatale en est le correctes. Ils s’appliquent si les urines ont été
Introduction principal mode de révélation ; prélevées par la technique des poches ou au milieu
– l’infection du parenchyme rénal est d’autant du jet. En revanche, en cas de prélèvement par
plus dangereuse qu’elle survient sur un organe en cathétérisme urétral, une bactériurie > 10 4
croissance. Il y a un risque de séquelles définitives germes/mL est suffisante [18]. En utilisant la technique
L’infection urinaire est définie par l’existence
après une pyélonéphrite aiguë (cicatrice rénale) [34, de la ponction sus-pubienne, la seule présence d’une
d’une bactériurie significative. La pyélonéphrite 37]
. bactérie est suffisante pour porter le diagnostic car il
aiguë est une infection bactérienne avec invasion n’y a pas de risques de souillure [1].
Le risque de ces cicatrices rénales augmente avec
tissulaire intéressant à la fois le bassinet et le le nombre de pyélonéphrites aiguës [1, 24].
parenchyme rénal. L’infection urinaire basse
En présence d’un enfant suspect d’infection ‚ Modes de prélèvement
symptomatique ne touche que la vessie. Elle ne urinaire, la prise en charge passe par quatre étapes : Chez le nouveau-né et le nourrisson qui n’ont pas
menace pas le parenchyme rénal. L’infection le diagnostic positif, le diagnostic de localisation de mictions volontaires, la technique de la poche est
urinaire asymptomatique est due à des germes peu (s’agit-il d’une pyélonéphrite aiguë ou d’une infection la plus facile. Chez le garçon non circoncis, un
virulents qui ne sont pathogènes ni pour l’arbre urinaire basse), la recherche d’une étiologie et le prépuce long peut contenir de grandes quantités de
urinaire ni pour le parenchyme rénal. traitement. germes. Dans une étude de Lincoln et Winberg,
L’infection de l’appareil urinaire est un problème concernant 70 garçons nouveau-nés non circoncis,
de première importance en pédiatrie, et cela pour au une bactériurie > 105 germes/mL était retrouvée
moins trois raisons :
– c’est une pathologie fréquente. Le risque
d’avoir une infection urinaire avant la puberté est
estimé à 3 à 5 % chez la fille et à 1 à 2 % chez le

Diagnostic positif

Il est posé en présence d’une bactériurie > 105


dans 1,8 % des cas. Pour diminuer les risques de
contamination, la poche ne doit pas rester en place
plus de 20 minutes.
Il faut noter que la technique des poches n’a pas
garçon [19, 21]. Dans la période néonatale, les garçons germes/mL (critères de Kass). Une leucocyturie été considérée comme suffisamment fiable dans la
sont plus touchés que les filles (rapport M/F = 2,5). pathologique (> 20 000/mL) accompagne la conférence de consensus américaine [1] pour être
Au-delà de 1 an, l’infection urinaire touche plus bactériurie, cependant, il ne s’agit pas d’un signe préconisée. Seuls sont préconisés la ponction
souvent les filles que les garçons, avec un pic de constant. Lorsque l’enfant est sous traitement sus-pubienne et le sondage vésical. À noter que dans
fréquence vers 2 à 3 ans ; antimicrobien, une bactériurie < 105 germes peut une étude faite par Ramage [32], le recueil des urines
– elle reste le mode de révélation principal d’un avoir une valeur pathologique, surtout si le germe au milieu du jet chez le nouveau-né et le nourrisson
reflux vésico-urétéral qu’il importe de rechercher afin est retrouvé à plusieurs reprises. Les critères de Kass est aussi fiable que la ponction sus-pubienne. On
d’assurer une prise en charge précoce. Elle peut ne sont valables que si les conditions de peut également préconiser l’attitude suivante : faire
également révéler une uropathie obstructive bien prélèvement et de conservation des urines sont un premier prélèvement par la technique des

1
8-0756 - Infections urinaires de l’enfant

poches ; en cas de bactériurie douteuse, faire le Il peut s’agir uniquement d’une fièvre mal expliquée. ‚ Imagerie de la pyélonéphrite aiguë
contrôle par une technique plus lourde mais En cas d’infection basse, la symptomatologie se Les lésions parenchymateuses échappent
beaucoup plus fiable. résume à des signes vésicaux : pollakiurie, brûlures souvent à l’échographie rénale. Elle peut mettre en
Chez l’enfant plus grand, les urines sont recueillies mictionnelles sans fièvre. évidence un gros rein et des zones du parenchyme
au milieu du jet, après une toilette locale. Dans une Récemment Benador et al ont insisté sur l’intérêt rénal présentant une échogénicité modifiée [10]. Le
étude portant sur 120 patients [2], la positivité d’un du dosage de la procalcitonine [4]. Son taux est plus souvent, il s’agit d’une zone hyperéchogène. Les
examen cytobactériologique des urines prélevées au significativement plus élevé en cas de pyélonéphrite zones hypoéchogènes sont plus rares et peuvent
milieu du jet chez des enfants âgés de moins de aiguë (5,37 µg/L ± 1,9) qu’en cas d’infection urinaire préfigurer l’apparition d’un abcès. Dans des cas
18 mois n’a été confirmée que dans 42 % des cas basse (0,38 µg/L ± 0,19). Par ailleurs son élévation rares, un foyer de pyélonéphrite aiguë a pu faire
par ponction sus-pubienne, alors que la serait un bon marqueur de la sévérité des lésions évoquer une masse intrarénale [31].
concordance des résultats était de 71 % chez des rénales en cas de pyélonéphrite aiguë. Le doppler énergie, en permettant de bien
enfants âgés de 18 mois à 12 ans. Les autres examens indirects qui avaient fait visualiser des zones hypoperfusées de pyélonéphrite
Les urines recueillies doivent être conservées à l’objet de nombreuses études dans les années 1980 aiguë, est une méthodologie intéressante.
+ 4 °C. Pour le diagnostic rapide d’infection urinaire, sont beaucoup moins utilisés en pratique courante Les foyers infectieux hypovascularisés sont
on peut utiliser l’examen des urines non centrifugées actuellement. décelés au mieux par la scintigraphie rénale au
en utilisant un hémocytomètre ; 10 germes par mm3 technétium (glucono-heptonate ou DMSA). Il existe
Le dosage des anticorps sériques spécifiques du
correspondent à 10 germes/mL d’urines cultivées. des lacunes ne fixant pas ou mal le DMSA [17]. Le
germe isolé avait été bien codifié pour les bacilles à
La valeur du dépistage de l’infection urinaire, par diagnostic différentiel avec des cicatrices
Gram négatif. Il existe une bonne corrélation entre
des bandelettes réactives recherchant les nitrites, préexistantes n’est pas toujours facile. La prescription
l’existence d’un taux bas d’anticorps et d’une
une leucocyturie et une hématurie, a été étudiée d’une scintigraphie au DMSA doit rester très limitée
infection urinaire basse, d’un taux d’anticorps élevé
chez l’enfant. Lorsque les trois tests, voire seulement en pratique courante car le plus souvent elle n’a pas
et d’une infection du parenchyme rénal [3], comme
les deux premiers, sont négatifs, la valeur prédictive de conséquence thérapeutique. La conférence de
dans l’infection urinaire expérimentale du lapin [11].
négative est proche de 98 %. La valeur prédictive consensus américaine [1] et un travail récent par
Le taux des anticorps sériques reste cependant
positive est plus faible (65 à 75 %). La négativité des Hoberman et al [20] aboutissent aux mêmes
souvent bas chez le nouveau-né et le nourrisson
plages leucocytes et nitrites rend l’infection urinaire conclusions.
atteint de pyélonéphrite aiguë. Le test ACB recherche
peu vraisemblable. En revanche, la positivité d’une La tomodensitométrie met également en
des anticorps fixés contre la paroi des bactéries
ou deux plages doit conduire à la réalisation d’un évidence des images hypodenses. Cependant, elle
(« antibodycoated bacteria » ou « anticorps contre
examen cytobactériologique des urines avec n’est pas indiquée en pédiatrie car elle est source
bactéries »). Le test ACB est généralement positif en
antibiogramme [1]. d’irradiation trop importante. L’uro-imagerie par
cas de pyélonéphrite [6] avec cependant des
résonance magnétique (IRM) est certainement
‚ Germes et voies d’infection discordances, en particulier chez le nourrisson de
intéressante, mais trop peu utilisée en pédiatrie par
moins de 1 an.
Escherichia (E.) coli est le germe le plus souvent manque de matériel disponible [28, 29].
retrouvé. Sa fréquence est variable : plus de 80 %
‚ Infection de l’appareil urinaire
des infections des filles âgées de moins de 10 ans [36]
sans uropathie obstructive, moins de 40 % des
infections des garçons ayant une malformation de
l’arbre urinaire. Proteus est présent plus
en période néonatale
L’infection du nouveau-né a des caractéristiques
particulières soulignées par le groupe de Göteborg [9]

Recherche d’une étiologie

L’infection de l’appareil urinaire est le mode


fréquemment chez le garçon en dehors de la et dans notre série [13] : prédominance chez les principal de révélation des uropathies obstructives,
période néonatale et plus d’une fois sur deux en cas garçons (70-80 % des cas), tableau d’infection des reflux vésico-urétéraux (RVU), des lithiases et du
de lithiase [7]. D’autres germes sont également néonatale parfois sévère, accompagné parfois dysfonctionnement vésical. Dans une série de 310
retrouvés : Klebsiella, Pseudomonas aeruginosa, d’ictère. Ainsi dans une étude [15] prospective ayant cas de lithiases de l’enfant [7], l’infection a été le signe
Staphylococcus, Streptococcus D, Citrobacter. inclus 160 nourrissons ictériques de moins de révélateur dans 55 % des cas et, au cours de la
La voie ascendante est le mode principal 8 semaines, une infection urinaire a été retrouvée surveillance, 74 % des enfants ont eu une infection.
d’infection de l’arbre urinaire, à partir de la flore chez 12 d’entre eux (7,5 %). C’est l’examen Quatre vingt-dix pour cent des RVU sont révélés par
fécale et péri-urétrale. cytobactériologique des urines (ECBU) systématique une infection urinaire.
Le point de départ de l’infection urinaire du qui permet le diagnostic. Les germes responsables Toute infection urinaire de l’enfant justifie un
garçon est le prépuce. Un phimosis ou un sont souvent des colibacilles. Dans la majorité de ces bilan étiologique.
décalottage difficile sont des facteurs favorisant infections néonatales, il n’est pas mis en évidence
‚ Imagerie
l’infection. La muqueuse préputiale favorise d’uropathie. L’infection urinaire néonatale reste un
l’adhésivité bactérienne, elle peut être – par mode de révélation d’uropathies graves bien que la – L’échographie rénale est l’examen de première
elle-même – un facteur favorisant l’infection [14]. majorité de celles-ci soient maintenant révélées par intention. Elle permet de mettre en évidence des
l’échographie anténatale. cavités excrétrices dilatées et une lithiase. Elle étudie
non seulement le rein et les cavités excrétrices
Un cadre particulier est celui des bactériuries


intrarénales mais également la vessie et les uretères.
Diagnostic de localisation asymptomatiques néonatales. D’après Lincoln et
Elle peut également visualiser un urètre postérieur
de l’infection urinaire Winberg, 1 à 3 % des nouveau-nés, surtout les
dilaté.
garçons, ont une bactériurie asymptomatique dont
– La cystographie rétrograde ou sus-pubienne est
la signification est mal connue. L’infection est
le seul moyen de diagnostiquer un RVU ; elle doit
‚ Arguments cliniques et biologiques généralement découverte par un dépistage
donc être prescrite en cas de pyélonéphrite aiguë.
usuels systématique. Elle peut précéder l’installation d’une
Elle n’est pas indispensable d’emblée chez la fille en
L’association d’une fièvre élevée à 39-40 °C, de pyurie.
cas de première infection urinaire basse lorsque
frissons, de sueurs, d’une altération de l’état général, l’échographie est normale. La cystographie
‚ Infection urinaire asymptomatique
de douleurs abdominales en particulier lombaires, rétrograde utilisant des techniques isotopiques
est évocatrice de pyélonéphrite aiguë. Elle répond aux critères bactériologiques habituels (principalement le technétium 99 DTPA) est moins
Il existe souvent une douleur à la palpation d’une de l’infection urinaire de l’enfant. Elle se caractérise irradiante ; la période d’observation est plus longue,
fosse lombaire ; la palpation d’un gros rein est plus par l’absence de tout signe clinique. Elle est due à des permettant de mettre plus facilement en évidence
rare. Une hyperleucocytose avec polynucléose, un germes peu virulents qui ne sont pathogènes ni pour un RVU intermittent. La cystographie isotopique
syndrome inflammatoire (vitesse de sédimentation l’arbre urinaire ni pour le parenchyme rénal [5, 8]. Il indirecte recherche un RVU après l’injection
[VS] > 30 mm à la première heure, élévation de la s’agit d’une situation fréquente car elle survient chez intraveineuse de 99mTc DTPA. Cette technique
protéine C réactive) sont la règle. Plus l’enfant est 1 à 3 % des nourrissons et enfants d’âge préscolaire éviterait les inconvénients du cathétérisme vésical
jeune et plus la symptomatologie est peu spécifique. et chez 1 % des enfants plus âgés. mais elle est moins fiable.

2
Infections urinaires de l’enfant - 8-0756

– L’urographie intraveineuse (UIV) qui était il y a


encore quelques années la clé de voûte des Tableau I. – Liste des principaux agents antimicrobiens utilisés dans le traitement des infections
explorations urologiques est beaucoup moins urinaires hautes.
utilisée actuellement. Elle n’apporte pas beaucoup
Posologie
plus d’informations sur l’aspect des cavités Produit Spectre Voie Nom commercial
mg/kg/j
excrétrices par rapport à l’échographie – examen
non agressif pour l’enfant et non irradiant. La Ampicilline 100 PO. IV. IM Totapent
fonction rénale est mieux précisée par les examens Amoxicilline E. coli ampi-S 50-100 PO. IV. IM Clamoxylt
scintigraphiques. Bacampicilline Proteus 50 PO Bacampicinet
Pivampicilline Strepto. D 50 PO Pondocilt
– Les examens scintigraphiques peuvent
Pivmecillinam 10-13 PO Selexid
apporter des renseignements supplémentaires : la
scintigraphie au DMSA visualise les cicatrices focales. Amoxicilline Entérobactéries
La scintigraphie au Mag 3 permet de quantifier la + ampi-R 50-75 PO. IV Augmentint
filtration glomérulaire globale et de chaque rein. Sa Acide clavulanique
courbe d’élimination – au mieux après injection de Oxacilline Staph. méti-S 50-100 IM-IV Bristopent
furosémide – permet de quantifier le degré d’une
obstruction. Mezlocilline Entérobactéries 100-300 IV Baypent
Azlocilline ampi-R 200-300 IV Sécuropent
Pipéracilline Strepto D 200-300 IV perf. Pipérillinet
En résumé : en présence d’une Céfaclor 20-40 PO Alfatilt
pyélonéphrite aiguë, la recherche Céfalotine 50-100 IM. IV Kéflint, Céfalotinet
d’une cause à celle-ci justifie d’emblée Céfazoline Entérobactéries 25-50 IM. IV Céfacidalt, Kefzolt
une échographie rénale et une Céfalexine ampi-S 50-100 PO. IM. IV Céporexinet, Kéforalt
Céfadroxil Staph. méti-S 50 PO Oracéfalt
cystographie rétrograde [1]. Céfapirine 50-100 IM. IV Céfalojectt
L’indication des examens Céfatrizine 15-25 PO Céfaperost
scintigraphiques est beaucoup plus
Céfuroxime Entérobactéries 50-100 IM. IV Curoximet
discutée [1, 20]. Ils ne sont justifiés que Céfamandole Staph. méti-S 50-100 IM. IV Kéfandolt
lorsqu’ils ont des conséquences
Cefménoxime 50-100 IM. IV Cémixt
thérapeutiques. Céfopérazone 50-200 IM. IV Céfobist
Céfotaxime Entérobactéries 50-200 IM. IV Claforant
‚ Dysfonctionnement vésical : Ceftizoxime 50-200 IM. IV Cefizoxt
une cause fréquente Latamoxef 40 IM. IV Moxalactamt
Ceftriaxone 50-75 IM. IV Rocéphinet
d’infection urinaire de l’enfant [23] Cefsulodine Pyocyanique 50-100 IM. IV Pyocéfalt
Le plus souvent, il s’agit d’une instabilité vésicale Ceftazidime 50-100 IM. IV Fortumt
dont la symptomatologie est assez univoque :
Aztréonam Entérobactéries 50-100 IM. IV Azactamt, Nebactamt
pollakiurie, mictions impérieuses responsables de + pyocyanique
fuites urinaires diurnes et parfois nocturnes.
Cette instabilité vésicale est la conséquence d’une Entérobactéries
vessie immature. Elle peut être secondaire à une multi-R
Fosfomycine Entérocoque 100-200 IV Fosfocinet
constipation chronique dont le traitement efficace
Staph. méti-R
peut suffire à normaliser le fonctionnement
vésical [26]. Vancomycine Staph. méti-R 20-40 IV Vancocinet
Le diagnostic d’instabilité vésicale est avant tout Gentamicine 2-3 IM. IV perf Gentallinet
clinique et les épreuves urodynamiques sont inutiles Nétilmicine 6-7,5 IM. IV perf Nétromicinet
le plus souvent. Amikacine Entérobactéries 15 IM. IV perf Amiklint
En revanche, quand l’enfant est dysurique il faut Dibékacine ± pyocyanique 3 IM Débékacylt
craindre un dysfonctionnement vésicosphinctérien. Sisomicine 2-3 IM Sisollinet
Les épreuves urodynamiques sont dans ce cas Tobramycine 3 IM. IV perf Nebcinet
nécessaires. Cotrimoxazole TMP = 6 Bactrimt, Eusaprimt
Triméthoprime SMZ = 30 PO
E. coli
±


TMP = 8
Sulfamétrole SMT = 40 PO Quamt
Traitement de l’infection urinaire
coli [ 2 7 ] en 1996, 54 % étaient résistants à Cela illustre bien la nécessité de ne pas banaliser
‚ Pyélonéphrites aiguës l’ampicilline-amoxicilline, 39 % à l’amoxicille + acide l’utilisation des C3G afin de ne pas augmenter le
Le but du traitement est non seulement de clavulanique, 44 % aux céphalosporines de pourcentage de souches résistantes.
stériliser le parenchyme rénal mais également de 1re génération.
prévenir les cicatrices rénales définitives. C’est pourquoi il ne faut pas prescrire ces Faut-il commencer par un traitement
Les antibiotiques utilisés (tableau I) doivent avoir antibiotiques en première intention. Ils pourront être intraveineux ou peut-on commencer
un quotient inhibiteur élevé au niveau sérique et du utilisés dans un second temps après connaissance par un traitement per os ?
parenchyme rénal, une bactéricidie rapide et une de l’antibiogramme. En revanche, moins de 1 % des Une étude prospective par Hoberman et al [22]
élimination urinaire à forte concentration. E. coli étaient résistants aux céphalosporines de concluait que le céfixime oral peut être recommandé
Lors de la mise en route du traitement 3e génération (C3G) et à la nétilmicine et moins de chez des enfants âgés de 1 à 24 mois. En fait, la
antibiotique, ni le germe ni l’antibiogramme ne sont 2 % à la gentamicine. Ce sont ces antibiotiques qui gravité potentielle de la pyélonéphrite aiguë du
connus. Le choix initial de l’antibiothérapie doit être sont préconisés comme choix initial. nourrisson (altération de l’état général, troubles
guidé par la connaissance du profil de résistances Dans une étude faite à l’hôpital Trousseau entre hémodynamiques, hémocultures positives, voire
des germes urinaires le plus souvent rencontrés janvier 1998 et mai 2002 portant sur 3 060 culots méningite) justifie un traitement par voie
localement. Dans une étude réalisée par Loirat en urinaires positifs à E. coli, 43 souches résistantes aux intraveineuse et le plus souvent une hospitalisation.
France sur la résistance aux antibiotiques des E. C3G ont été isolées [12]. Cependant, une bonne organisation médicale

3
8-0756 - Infections urinaires de l’enfant

permet un traitement ambulatoire [33] des formes


cliniquement peu graves. Au-delà de 18 mois, un Tableau II. – Liste des principaux agents antimicrobiens utilisés dans le traitement des infections
traitement per os d’emblée est concevable si l’état de urinaires basses.
l’enfant le permet, c’est-à-dire en absence
Produit Posologie mg/kg/jour Nom commercial
d’uropathie sévère connue et de syndrome septique
sévère. Il manque encore des études cliniques pour Acide nalidixique 30-60 Négramt
valider définitivement cette attitude. Les Nitrofuranes 3-5 Furadoïnet, Furadantinet
fluoroquinolones n’ont pas l’autorisation de mise sur Nitroxoline 20 Nibiolt
le marché (AMM) en pédiatrie, ils ne seront utilisés Cotrimoxazole TMP = 6 Bactrimt, Eusaprimt
SMZ = 30
que s’il n’existe pas d’alternative thérapeutique.
Amoxicilline 50 Clamoxylt
Amoxicilline + Acide clavulanique 50 Augmentint
Durée du traitement intraveineux Céfaclor 20 Alfatilt

Des travaux prospectifs bien faits ont montré


qu’un traitement intraveineux de 10 jours ne Par cette attitude, on évite la multiplication des Il faut insister sur le fait que l’intérêt du traitement
diminuait pas l’incidence des cicatrices rénales par traitements antibiotiques inutiles, voire dangereux. préventif de l’infection urinaire repose sur des études
rapport à un traitement de 3 jours (ceftriaxone En effet, la flore microbienne non pathogène peut prospectives peu nombreuses et déjà anciennes. Des
50 mg/kg/j) [ 1 6 ] . C’est donc un traitement être remplacée en raison des antibiotiques par des données cliniques font défaut en ce qui concerne la
intraveineux de 3 jours relayé par un traitement per bactéries uropathogènes qui pourront provoquer prévention du haut appareil urinaire et l’émergence
os de 12 jours en monothérapie qui est préconisé. des infections urinaires symptomatiques, voire des de cicatrices rénales dans les populations à risque.
En fonction de l’antibiogramme, on utilise le plus pyélonéphrites aiguës [5, 8]. Des études de la littérature aussi bien
souvent : céfixime 8 mg/kg/j en deux fois, francophones [30] qu’anglophones [35] ont conclu à la
amoxicilline 50 mg/kg/j en trois fois (avec, si ‚ Traitement préventif nécessité de nouvelles études cliniques prospectives
nécessaire, acide clavulanique). de l’infection urinaire permettant d’étudier l’efficacité préventive d’un
antibiotique administré au long cours chez l’enfant
Traitement intraveineux en monothérapie Il comprend la prise en charge des causes ayant une malformation de l’arbre urinaire.
ou association avec un aminoside ? favorisantes des infections urinaires.
C’est avant tout le traitement de l’instabilité


L’association à un aminoside est logique car la vésicale par l’oxybutynine (Ditropant, Driptanet) en
pénétration de cet antibiotique dans le parenchyme cas d’immaturité vésicale et de la constipation [26]. Conclusion
rénal est excellente. Cependant, son intérêt n’est pas Chez le garçon, les infections urinaires
validé par des études cliniques prospectives. récidivantes peuvent avoir le prépuce comme point
Elle est systématique pour certaines équipes en de départ d’où la nécessité de traiter – chez ce type L’infection urinaire est un des chapitres
tout cas jusqu’à l’âge de 6, voire 18 mois [27]. Pour d’enfants – les adhérences préputiales, les phimosis, importants de la pédiatrie. Porter le diagnostic
d’autres auteurs, son utilisation est restreinte aux éventuellement par circoncision [38]. d’infection urinaire reste difficile chez les enfants qui
pyélonéphrites graves (pyélonéphrite du nouveau Le traitement antibiotique préventif de l’infection n’ont pas encore de miction volontaire et il y a
né, en cas d’uropathies sévères, d’immunodé- urinaire a été préconisé aussi bien par la conférence encore trop de faux positifs. Le bilan étiologique
pression ou de signes cliniques de gravité). de consensus française qu’américaine [1]. d’une pyélonéphrite aiguë repose sur l’échographie
rénale et la cystographie rétrograde.
‚ Traitement de la cystite (tableau II) Les deux antibiotiques de base restent le Bactrimt
en une seule prise le soir (2 mg/kg/j de Des études prospectives bien menées ont permis
Il s’agit d’un traitement oral de 5 à 7 jours. Il faut
triméthoprime) et la nitrofurantoïne (1 à 2 mg/kg/j)
éviter les céphalosporines de 3e génération afin de de conclure qu’il n’est pas nécessaire de traiter les
en une seule prise le soir. pyélonéphrites aiguës par voie intraveineuse
diminuer les risques d’apparition de résistance à ces
antibiotiques, clés de voûte du traitement des D’autres antibiotiques sont préconisés mais qui pendant une période supérieure à 3 à 4 jours. Dans
pyélonéphrites aiguës. ont fait l’objet de peu d’études prospectives : certaines circonstances le traitement per os d’emblée
– nitroxoline (Nibiolt) = 10 mg/kg/j ; est possible. Il manque encore de bonnes études
‚ Traitement de l’infection urinaire – acide nalidixique (Négramt) = 20 mg/kg/j ; cliniques pour en affiner les indications.
asymptomatique – pivmecillinam (Selexidt) = 3-5 mg/kg/j.
Elle est due à des germes peu virulents, qui ne À noter que le céfaclor (Alfatilt) est très utilisé chez De même, le traitement préventif des
sont pathogènes ni pour l’arbre urinaire ni pour le le nouveau-né et le nourrisson. pyélonéphrites aiguës par un traitement antibiotique
parenchyme rénal. Sa tolérance semble bonne mais les études à doses faibles est à redéfinir car il repose sur des
En l’absence d’uropathie malformative, elle ne prospectives dans cette indication sont quasi études déjà anciennes et qui demandent à être
justifie aucun traitement antimicrobien [5, 8, 25]. inexistantes. réévaluées.

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Infections urinaires de l’enfant - 8-0756

Albert Bensman : Professeur,


service de néphrologie pédiatrique, hôpital Trousseau, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75012 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : A Bensman. Infections urinaires de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0756, 2003, 5 p

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5
8-0730
8-0730

Lithiase urinaire de l’enfant


Encyclopédie Pratique de Médecine

MF Gagnadoux

B ien que moins fréquente que chez l’adulte, la lithiase urinaire n’est pas rare chez l’enfant.

© Elsevier, Paris.


lisses, homogènes, volontiers coralliformes, tandis recueillis (éventuellement par tamisage des urines)
Introduction que les calculs d’oxalate de calcium, très opaques doivent être examinés chimiquement et par
aussi, sont finement spiculés en oursin et que les cristallographie. L’analyse morphologique des
calculs ammoniacomagnésiens paraissent stratifiés. calculs ou de la cristallurie spontanée apporte en
La lithiase endémique, en général faite de calculs Les calculs de cystine sont moins opaques, ronds, effet de précieux renseignements étiologiques [4].
vésicaux d’urate, qui sévit encore dans certains pays réguliers et les calculs d’acide urique pur et de


à faible niveau de vie, a pratiquement disparu de xanthine sont radiotransparents. Mais le noyau du
nos pays développés, où s’observe presque calcul est souvent recouvert de phosphates calciques Étiologie
exclusivement la lithiase du haut appareil urinaire, et ammoniacomagnésiens qui modifient son aspect
faite le plus souvent de phosphates calciques ou et son opacité. Il faut connaître aussi les calculs
ammoniacomagnésiens, ou d’oxalate de calcium. La mous, pyélocaliciels, faits d’un coagulum protidique La recherche d’une cause expliquant le
prédominance chez le garçon (environ deux tiers des avec un début de calcification centrale ou développement de la lithiase est en effet une étape
cas), et dans le jeune âge (un tiers avant 2 ans, 50 à périphérique qui les rend visibles. indispensable dans le but d’éviter les récidives.
60 % avant 5 ans) est retrouvée dans la plupart des Suivant les auteurs et leur obstination dans l’enquête
statistiques [2, 8, 9]. Échographie
étiologique, une étiologie est retrouvée dans 30 à
Elle permet de dépister les lithiases rénales ou 80 % des cas [2, 8, 9], en moyenne 50 %. Il y a deux
vésicales non visibles radiologiquement en raison de


grands groupes de causes, dont l’importance relative
Clinique leur taille ou de leur caractère radiotransparent ; elle varie selon l’orientation néphrologique ou
montre une image hyperéchogène accompagnée urologique des auteurs : les lithiases métaboliques et
d’un cône d’ombre ; elle permet également une les malformations des voies excrétrices.
meilleure localisation de leur situation. Mais elle ne
La symptomatologie varie selon l’âge de l’enfant :
peut en règle dépister les calculs urétéraux, sauf sur ‚ Lithiases métaboliques
– chez le nourrisson, c’est la pyurie (souvent à
uretère dilaté. Elles représentent de 15 à 50 % des cas suivant
Proteus), la protéinurie découverte à un examen
Parfois, le premier examen radiologique ou les séries.
systématique, ou l’émission de calculs dans les
échographique ne permet pas d’affirmer l’existence
couches, qui font le plus souvent découvrir la
d’une lithiase, et il faut savoir répéter les examens si Lithiases calciques
lithiase ;
la symptomatologie persiste inexpliquée, par Dues à une hypercalciurie, ce sont les plus
– chez le jeune enfant, l’hématurie et la pyurie
exemple devant des hématuries récidivantes. fréquentes des lithiases métaboliques. L’hypercal-
sont les deux symptômes essentiels ;
– chez le grand enfant dominent les douleurs ciurie est définie par une excrétion urinaire
Urographie intraveineuse
abdominales, plus ou moins typiques de coliques quotidienne de calcium supérieure à 4-5 mg/kg, ou
Devant la découverte d’une lithiase, une par un rapport calcium/créatinine urinaires à jeun
néphrétiques, et l’hématurie.
urographie intraveineuse est toujours nécessaire afin supérieur à 0,21 (en mg) ou 0,56 (en mmol) [11]. Les
Certaines lithiases, totalement asymptomatiques,
de mieux localiser la situation du calcul dans les causes d’hypercalciurie sont nombreuses, mais une
sont de découverte fortuite.
voies excrétrices, de rechercher une cause meilleure prévention semble avoir fait diminuer les
favorisante urologique, et d’apprécier le lithiases dues à une hypercalciurie secondaire.


retentissement d’une obstruction éventuelle sur les
Examens complémentaires voies urinaires sus-jacentes. Une étude précise des ¶ Hypercalciuries secondaires
fonctions rénales (clairance de créatinine, étude du Acidose tubulaire distale dite d’Albright
pouvoir de concentration des urines) s’impose Non traitée, elle s’accompagne constamment
Radio-abdomen sans préparation également. d’une forte hypercalciurie, responsable d’une
Dans la très grande majorité des cas, le cliché néphrocalcinose médullaire pouvant donner
d’abdomen sans préparation permet d’affirmer la Étude biochimique et morphologique naissance à une lithiase, à point de départ papillaire.
lithiase en mettant en évidence une ou plusieurs Enfin, une étude biochimique, à la recherche Le traitement alcalinisant doit ramener la calciurie
© Elsevier, Paris

opacités de siège caliciel, pyélique ou pyélocaliciel, d’une cause métabolique, doit être entreprise devant dans les limites normales pour éviter la formation de
ou urétéral (rarement vésical ou uréthral). La taille et toute lithiase : dosage de la calcémie et de la nouveaux dépôts calcaires. On peut en rapprocher la
l’aspect de ces calculs varient selon leur nature calciurie, de l’uricémie et de l’uricurie, de l’oxalurie, lithiase compliquant à long terme la glycogénose de
chimique et leur ancienneté. Typiquement, les réaction de Brand et, si elle est positive, dosage de la type 1, où l’on constate un trouble incomplet de
calculs de phosphate de calcium sont très opaques, cystinurie et de la lysinurie. Bien entendu, les calculs l’acidification [12].

1
8-0730 - Lithiase urinaire de l’enfant

Hyperparathyroïdie primaire Lithiase cystinique l’enfant. Il importe d’emblée d’éliminer les dilatations
Elle est exceptionnelle chez l’enfant, de même Elle s’observe uniquement dans la cystinurie- secondaires à une obstruction par le calcul, et de ne
que d’autres maladies hypercalciuriantes : lysinurie (et jamais dans la cystinose). La cystinurie retenir que les malformations indiscutables. Il s’agit
sarcoïdose, syndrome de Cushing, hypothyroïdie est une maladie héréditaire récessive ou le plus souvent de malformations obstructives,
non traitée. incomplètement récessive, caractérisée par un sténoses de jonction pyélo-urétérale et
trouble du transfert tubulaire de la cystine, de la méga-uretères en particulier. La stase des urines,
Causes iatrogènes
lysine et des autres acides aminés dibasiques [7]. Le l’infection, surtout à germes protéolytiques tels que
Elles ne sont pas rares : citons l’immobilisation
diagnostic évoqué sur la positivité de la réaction de le Proteus, qui alcalinisent les urines et favorisent de
prolongée, le surdosage en vitamine D, en calcium
Brand doit être confirmé par la chromatographie des ce fait la précipitation des phosphates ammoniaco-
ou en alcalins, la prescription prolongée de
acides aminés et le dosage de la cystinurie (> 200 mg magnésiens, jouent certainement un rôle favorisant,
furosémide chez le prématuré [10].
ou 800 αmol/1,73 m2/24 h) et de la lysinurie. Les mais des facteurs individuels doivent entrer en jeu
¶ Hypercalciurie idiopathique premiers symptômes sont souvent très précoces et la car ces lithiases sont finalement assez rares eu égard
L’hypercalciurie idiopathique semble plus lithiase est très récidivante, pouvant aboutir, en au nombre de malformations. Des anomalies
rarement en cause que chez l’adulte. Cependant, l’absence de traitement, à la destruction complète du métaboliques peuvent être présentes chez certains
cette étiologie est retrouvée chez 30 % des enfants parenchyme rénal. de ces malades [9].
lithiasiques dont Noe et Stapleton [11] ont étudié le Le traitement préventif des récidives fait appel à
Les dérivations urinaires dans les néovessies
rapport calcium/créatinine urinaires à jeun et après intestinales se compliquent assez fréquemment de
l’alcalinisation permanente des urines, et
une charge orale en calcium, et il est possible que lithiase, en cas d’acidose chronique non compensée
éventuellement à la prescription de D-pénicillamine
cette cause soit sous-estimée. Il s’agit alors d’une et de stase urinaire dans un segment distendu.
ou de ses dérivés. La D-pénicillamine (1 à
hypercalciurie lithogène isolée, semblable à celle de 2 g/1,73 m2) a une action préventive et parfois La pyélonéphrite xanthogranulomateuse, dont
l’adulte, de cause rénale ou digestive (hypercalciurie curative, pouvant obtenir la dissolution de certains l’étiologie est inconnue, s’accompagne souvent de
absorptive) ou mixte. Dans l’hypercalciurie calculs. Mais la tolérance imparfaite de ce produit calculs visibles radiologiquement au sein d’un gros
idiopathique de l’enfant type Royer, s’accompagnant (avec risque, en particulier, de néphrotoxicité) limite rein non fonctionnel, au parenchyme plus ou moins
d’autres dysfonctions tubulaires, on n’observe pas de son utilisation. nécrosé, avec des plages de cellules
lithiase. xanthomateuses.
La maladie de Dent ou néphrolithiase récessive Lithiases puriques
liée au sexe est un syndrome de Fanconi familial ‚ Lithiases idiopathiques
Elles sont rares chez l’enfant puisque la goutte ne
avec hypercalciurie, lithiase, et insuffisance rénale [5]. Elles représentent environ 50 % des cas chez
se voit pas à cet âge.
l’enfant. Cependant, des explorations plus
Lithiases oxaliques
¶ Lithiases uriques approfondies du métabolisme calcique ont permis à
Les lithiases à oxalate de calcium sont parmi les En dehors de la lithiase vésicale endémique que certains auteurs [11] de rattacher à une hypercalciurie
plus fréquentes. l’on peut observer chez des enfants immigrés, elles un certain nombre de lithiases apparemment
Elles peuvent être dues à une oxalose, ou peuvent se voir dans l’hyperuricémie du syndrome idiopathiques. Mais le plus souvent, aucune
hyperoxalurie primaire, thésaurismose familiale à de Lesch-Nyhan ou des exceptionnels déficits anomalie métabolique n’est retrouvée et la lithiase
oxalate de calcium, particulièrement fréquente dans partiels en hypoxanthine-guanine phosphoribosyl ne récidive pas après élimination ou ablation. Il s’agit
les pays à forte consanguinité. La lithiase y est transférase (HGPRT), ou après fonte chimiothéra- habituellement de calculs mixtes, faits d’un mélange
souvent révélatrice, faite d’oxalate de calcium pique de tumeurs malignes. Dans ce derniers cas, on de plusieurs sels. De nombreux facteurs étiologiques
monohydraté (whewellite) [4] . L’hyperoxalurie peut observer également des lithiases radiotranspa- ont été incriminés : infections à Proteus [8] (mais il est
massive (> 90 mg ou 1 000 αmol/24 h) affirme le rentes faites de xanthine ou d’autres oxypurines en difficile d’affirmer qu’il s’agit de la cause plutôt que de
diagnostic. La forme habituelle (type I) aboutit à raison de la prescription préventive d’inhibiteurs de la conséquence), alcalinité des urines favorisant la
l’insuffisance rénale terminale par néphrocalcinose, la xanthine-oxydase. La lithiase xanthinique précipitation des phosphates calciques et
souvent précipitée par l’ablation chirurgicale des s’observe par ailleurs dans la xanthinurie familiale, ammoniacomagnésiens, déséquilibre entre les
calculs ; il est préférable de s’abstenir autant que exceptionnelle. facteurs favorisants et inhibiteurs de la lithogenèse,
possible de tout geste chirurgical non indispensable. normalement présents dans l’urine [1], facteurs
La forme avec acidurie L-glycérique (type II), ¶ Lithiase de 2-8 dihydroxyadénine nutritionnels [6]. La lithiase idiopathique s’observe
La lithiase de 2-8 dihydroxyadénine par déficit en
beaucoup plus rare, ne semble pas avoir le même surtout chez le jeune enfant, avec une prédomi-
adénine phosphoribosyl transférase [3] est une
risque de néphrocalcinose, malgré des lithiases très nance de garçons et des antécédents familiaux de
maladie récessive autosomique dont la fréquence
récidivantes. lithiase sont parfois retrouvés.
est probablement sous-estimée car le gène est
La lithiase oxalique avec hyperoxalurie
fréquent. Elle se révèle chez le jeune enfant ; elle est


modérée (> 30 mg ou 330 αmol/1,73 m2/24 h) est
radiotransparente et simule une lithiase urique.
beaucoup moins fréquente que chez l’adulte (où elle Traitement
L’uricémie normale doit faire suspecter le diagnostic
représente un tiers des lithiases), mais elle peut
et conduire à une analyse approfondie des urines et
exister chez l’enfant. Il existe souvent un caractère
des calculs recueillis. ‚ Traitement médical
familial. Les calculs sont formés principalement
d’oxalate de calcium dihydraté (weddellite). En dehors du traitement à visée pathogénique qui
Autres lithiases métaboliques
Les hyperoxaluries secondaires, par exemple a été envisagé dans le chapitre des étiologies, le
dues à une ingestion très excessive d’acide oxalique, Les lithiases médicamenteuses sont rares chez traitement symptomatique est indispensable et peut
à une résection intestinale, ou à un déficit en l’enfant. Citons cependant la lithiase de silice suffire à lui seul à éviter les récidives. Quelle que soit
pyridoxine, sont rares chez l’enfant. Les lithiases secondaire à l’absorption prolongée de certains l’étiologie de la lithiase, qu’elle ait été opérée ou non,
observées dans la mucoviscidose relèveraient, au épaississants alimentaires, chez le nourrisson. la prescription d’un apport hydrique supplémentaire,
moins en partie de ce mécanisme [13]. destiné à diluer les urines de façon permanente, est
La solubilité de l’oxalate de calcium dans les ‚ Lithiases associées à une malformation essentielle. L’apport d’eau nécessaire, de l’ordre de
des voies excrétrices
urines est accrue par l’oxyde de magnésium, ou le 2 L/24 h/m2 de surface corporelle, doit être réparti
citrate de sodium ou de potassium. Aussi est-il Leur fréquence est diversement appréciée suivant sur le nycthémère, avec au moins une prise au
recommandé, à titre de prévention des récidives, les auteurs, mais on peut estimer qu’elles milieu de la nuit. Le traitement correct de toutes les
d’associer l’un ou l’autre de ces sels à l’hydratation. représentent environ un tiers des lithiases de infections s’impose également.

2
Lithiase urinaire de l’enfant - 8-0730

‚ Lithotritie et traitement chirurgical Mais dans la majorité des cas une intervention métaboliques se fragmentant difficilement (cystine).
Les petits calculs peuvent être éliminés spontanément, directe sur les calculs est nécessaire. La lithotritie En cas d’échec, il faudra recourir à une ablation
et dans cet espoir, certaines lithiases calicielles, non extracorporelle est possible chez l’enfant avec un chirurgicale ou percutanée. La récidive est rare si la
obstructives, indolores, non infectées, peuvent être appareillage adapté, mais son efficacité dépend de cause a pu être retrouvée et convenablement
respectées, sous couvert d’une surveillance régulière. la nature chimique du calcul, certaines lithiases traitée.

Marie-France Gagnadoux : Praticien hospitalier,


service de néphrologie pédiatrique, hôpital Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : MF Gagnadoux. Lithiase urinaire de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0730, 1998, 3 p

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3
8-0750

Quand faut-il hospitaliser 8-0750


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

un enfant atteint de
purpura rhumatoïde ?
L Martinat, A Bensman

L e purpura rhumatoïde (PR), ou maladie de Schönlein-Henoch, est la vascularite la plus fréquente de l’enfant,
beaucoup plus rare chez l’adulte. L’incidence est de 15 à 20 cas pour 100 000 enfants. Elle survient
essentiellement entre 5 et 15 ans, avec une prédominance masculine [2].
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.


Physiopathologie

L’étiopathogénie reste encore mal connue. Dans



Biologie

Aucun signe biologique n’est spécifique. Il peut


un quart des cas, le PR succède à une infection des exister un syndrome inflammatoire modéré et une
voies aériennes supérieures, à une prise élévation des IgA. La bandelette urinaire est
médicamenteuse, à un vaccin, ou à une allergie, systématique, à la recherche d’une hématurie et
sans que l’on puisse réellement établir une relation d’une protéinurie. Un hémogramme est indiqué afin
de cause à effet. d’éliminer un purpura thrombopénique.
Du point de vue histologique, il existe une
vascularite leucocytoclasique avec une infiltration


périvasculaire constituée par des polynucléaires, des
lymphocytes et des histiocytes, un œdème des Traitement
cellules endothéliales (responsable du caractère
infiltré du purpura), et des foyers de nécrose
En l’absence de complications, le traitement est
fibrinoïde de la paroi vasculaire. En immunofluores-
symptomatique. Aucune étude ne permet de dire
cence, on trouve dans la paroi des capillaires cutanés
que le repos strict modifie l’évolution et le risque de
et dans le mésangium, des dépôts granuleux
complications. Le repos au lit systématique ne se
d’immunoglobulines (Ig) A parfois associés à des IgG,
justifie pas, mais il peut dans certains cas être
IgM, du complément (C3) et de la fibrine.
nécessaire : altération de l’état général, douleurs
Cette vascularite est caractérisée par la triade
articulaires et abdominales intenses. Dans la grande
classique associant un purpura de type vasculaire,
majorité des cas, le diagnostic est évident, les
des arthralgies et des douleurs abdominales
examens complémentaires sont réduits au strict
évoluant par poussées. L’installation du tableau est
minimum. La surveillance peut se faire à domicile.
rapide, en quelques heures ou quelques jours, et la
L’hospitalisation n’est donc pas nécessaire [1].
durée est variable, de 2 semaines à 3 mois en
fonction du nombre des poussées.


Quand faut-il hospitaliser un


enfant atteint de purpura
Diagnostic clinique rhumatoïde ?
Dans un petit nombre de cas, l’enfant présente
Il repose sur ces éléments cliniques : 1 Atteinte cutanée du purpura rhumatoïde. des complications nécessitant une prise en charge
– signes généraux : inconstants ; altération de hospitalière.
l’état général, fièvre modérée ; articulations (genoux, chevilles), transitoires, fugaces
– atteinte cutanée (95 à 100 % des cas) : il s’agit et migratrices, peuvent survenir initialement de ‚ Complications digestives
d’un purpura de type vasculaire, seul signe constant, façon isolée et révéler la maladie. Elles disparaissent et nutritionnelles
mais il n’est révélateur que dans un tiers des cas. Le sans laisser de séquelles ; L’atteinte digestive correspond à un purpura plus
purpura est pétéchial, infiltré, et souvent – atteinte digestive (75 à 90 % des cas) : des ou moins étendu de la muqueuse intestinale et à
accompagné de plaques érythématopapuleuses ou douleurs abdominales diffuses accompagnées de une adénolymphite mésentérique. Les douleurs
urticariennes. Des œdèmes, éventuellement vomissements ou de diarrhée d’intensité variable abdominales peuvent s’accompagner d’hémorragies
ecchymotiques, peuvent siéger au niveau des sont le reflet des lésions purpuriques au niveau de la digestives (méléna, rectorragies), nécessitant parfois
extrémités, des lombes et du front. Ils prédominent muqueuse digestive ; des transfusions sanguines. Il existe aussi de
dans les zones déclives, favorisés par l’orthostatisme – atteinte rénale (25 à 55 % des cas) : le signe le véritables complications chirurgicales qu’il ne faut
évoluant par poussées. Les lésions évoluent pendant plus fréquent est l’hématurie isolée microscopique pas méconnaître, en particulier en l’absence de
1 à 3 semaines en fonction des poussées (fig 1) ; ou macroscopique. Elle peut être associée à une signes cutanés contemporains. Il s’agit de nécroses,
– atteinte articulaire (70 à 75 % des cas) : des protéinurie, à une insuffisance rénale ou à une de perforations, d’invaginations intestinales aiguës
polyarthralgies prédominant au niveau des grosses hypertension artérielle. iléo-iléales le plus souvent.

1
8-0750 - Quand faut-il hospitaliser un enfant atteint de purpura rhumatoïde ?

Tableau I. – Indications à la ponction biopsie Tableau II. – Conduite à tenir devant un pur-
rénale. pura rhumatoïde.

Syndrome néphrotique Examen clinique, pression artérielle, bandelette


Protéinurie > 1 g/L au-delà de 1 mois urinaire (BU)
Insuffısance rénale aiguë En cas de doute diagnostique, NFS plaquettes et
Hématurie macroscopique récidivante hémostase
Hypertension artérielle En cas d’anomalie de la BU, dosage de la créatini-
némie et de la protéinurie
Hospitalisation si altération de l’état général,
L’échographie abdominale, à la recherche complications digestives ou rénales
d’œdème de la paroi intestinale, d’hématomes
pariétaux ou d’un boudin d’invagination, est un
NFS : numération formule sanguine.
examen essentiel et doit être répété lorsque des
douleurs paroxystiques persistent. Une endoscopie
digestive haute est justifiée avant toute ‚ Atteintes testiculaires
corticothérapie, en cas d’atteinte digestive. Certaines L’orchite peut se révéler par une grosse bourse
formes graves se compliquent de malabsorption douloureuse. Ce tableau doit faire évoquer de
(entéropathie exsudative), d’intolérance digestive principe une torsion du testicule, en l’absence de tout
nécessitant une assistance nutritionnelle entérale ou autre signe de PR. L’échographie-doppler par un
parentérale, le plus souvent associée à une médecin expérimenté permet, dans certains cas,
corticothérapie. d’éviter l’exploration chirurgicale. Seul un traitement
‚ Complications rénales symptomatique est recommandé.
La néphropathie glomérulaire est la principale
‚ Atteintes urétérales
cause de morbidité du PR. Le pronostic est en
général bon, mais 1 à 5 % évoluent vers Il s’agit classiquement d’une urétérite sténosante
l’insuffisance rénale terminale. Elle survient dans les qui peut se révéler plusieurs mois après l’épisode
premières semaines d’évolution mais aussi plus 2 Dépôts mésangiaux d’immunoglobuline A. aigu [3].
tardivement, lors d’une nouvelle poussée. Elle peut
être révélée par une protéinurie, un syndrome La mise en route précoce d’une corticothérapie ‚ Atteintes neurologiques
néphrotique, une insuffisance rénale aiguë ou une par emboles de méthylprednisolone est efficace
L’atteinte neurologique peut être plurifactorielle :
hypertension artérielle qui imposent la réalisation dans les formes sévères, lorsque le pourcentage de
par vascularite, hypertension artérielle ou troubles
d’une ponction biopsie rénale (tableau I). glomérules ayant un croissant dépasse 30 à 40 % [4].
hydroélectrolytiques (tableau II).
L’histologie rénale montre une atteinte Une hypertension artérielle peut survenir, même
mésangiale avec dépôts prédominants d’IgA (fig 2), en l’absence d’anomalies du sédiment urinaire [5]. La


avec un degré variable d’hypercellularité et de surveillance de la pression artérielle et de la
gravité croissante : bandelette urinaire doit être systématique pendant Conclusion
– 1 : glomérulonéphrite mésangiopathique ; les poussées et durant l’année suivant la poussée.
– 2 : glomérulonéphrite segmentaire et focale ;
– 3 : glomérulonéphrite proliférative endocapillai- ‚ Manifestations rares Le PR est une vascularite de l’enfant. Le diagnostic
re diffuse ; Les lésions de vascularite peuvent toucher tous est avant tout clinique, devant l’association d’un
– 4 : glomérulonéphrite proliférative endo- et les organes. Les formes systémiques et les formes purpura vasculaire, d’arthralgies et de douleurs
extracapillaire. atypiques doivent toujours faire évoquer une abdominales. Le traitement est symptomatique dans
C’est le pourcentage de glomérules, siège d’une maladie de système. Une biopsie cutanée permet les formes non compliquées. L’hospitalisation ne se
prolifération extracapillaire (croissant), qui a la plus d’orienter le diagnostic et de confirmer ou d’infirmer justifie qu’en cas de complications digestives et
grande valeur pronostique. dans les cas difficiles le diagnostic de PR. rénales.

Laurence Martinat : Attachée.


Albert Bensman : Chef de service.
Service de néphrologie pédiatrique, hôpital d’Enfants Armand-Trousseau, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75571 Paris cedex 12, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : L Martinat et A Bensman. Quand faut-il hospitaliser un enfant atteint de purpura rhumatoïde ?
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0750, 2000, 2 p

Références

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purpura rhumatoïde. Arch Fr Pédiatr 1993 ; 50 : 635-636 severe forms of Henoch-Schönlein purpura nephritis. Pediatr Nephrol 1998 ; 12 :
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[2] Cochat P. Purpura rhumatoïde de l’enfant et de l’adulte. Rev Prat 1998 ; 48 :
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purpura. J Urol 1983 ; 129 : 1040-1042

2
¶ 8-0762

Convulsions fébriles
M. Fohlen

Le terme « convulsion fébrile » regroupe l’ensemble des manifestations convulsives provoquées par une
hyperthermie chez le nourrisson et l’enfant entre 6 mois et 6 ans. On ne parle de convulsions fébriles que
si la fièvre est le seul facteur déclenchant, à l’exclusion de toute autre pathologie neurologique ou
infectieuse aiguë. Les convulsions fébriles dans la grande majorité des cas sont des épisodes aigus
fréquents en pathologie pédiatrique le plus souvent bénins et qui disparaissent avec l’âge sans séquelles.
Cependant, le risque de développer une épilepsie ultérieure est supérieur à celui de la population
générale ; parmi les facteurs de risque faisant craindre une évolution vers une épilepsie, la nature
complexe (crises à début précoce, de durée longue et comportant un élément de focalisation) et non
simple de la convulsion est à considérer. Les épilepsies qui débutent en règle par des convulsions fébriles
sont le syndrome de Dravet, le syndrome des épilepsies généralisées avec crises fébriles plus (GEFS+) et
l’épilepsie temporale interne avec sclérose de l’hippocampe. L’existence de facteurs génétiques dans la
survenue des convulsions fébriles et dans le développement d’une épilepsie ultérieure est maintenant bien
connue. Il s’agit de mutations affectant les gènes codant essentiellement pour des sous-unités des canaux
sodium voltage dépendant, ce qui place ces épilepsies dans le cadre des channelopathies. La conduite à
tenir devant une convulsion fébrile dépend du type de convulsion et du risque de développer une épilepsie
ultérieure.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Convulsion fébrile ; Syndrome de Dravet ; Épilepsie temporale interne ;


Sclérose de l’hippocampe ; Épilepsie généralisée avec crises fébriles plus ; Channelopathies

Plan crises afébriles marquant leur entrée dans une authentique


épilepsie qui sera classée de façon syndromique en fonction de
¶ Introduction 1 ses caractéristiques électrocliniques. L’existence de facteurs
génétiques dans la survenue des CF et dans le développement
¶ Épidémiologie 1 d’une épilepsie ultérieure est maintenant bien établie ; certaines
¶ Aspects cliniques des CF 2 épilepsies avec crises fébriles répondent à une transmission
Crises fébriles simples 2 héréditaire et résultent de mutations dans les gènes codant pour
Crises fébriles complexes 3 les canaux ioniques soit voltage dépendant soit dépendants
Syndromes épileptiques avec CF 3 d’un ligand, ce qui conduit à considérer ces épilepsies comme
¶ Conclusion 4 des channelopathies.

■ Introduction ■ Épidémiologie
Les convulsions fébriles (CF) sont les manifestations convul- La prévalence des CF varie selon les continents : 2-5 % en
sives les plus fréquemment rencontrées dans l’espèce humaine. Europe et Amérique du Nord [1] et 7-14 % au Japon [2]. Un tiers
Le terme de convulsions fébriles est défini par « un événement des enfants va avoir des crises récurrentes (2 à 5 en
de la petite enfance ou de l’enfance, lié à une fièvre et sans moyenne) [3]. Le sex-ratio montre une prédominance masculine.
éléments permettant d’incriminer une infection intracrânienne Les études épidémiologiques retrouvent en moyenne 30 %
ou une autre cause définie » (Consensus Development Panel, d’antécédents familiaux de CF et une incidence élevée chez les
1980). jumeaux monozygotes, ce qui suggère fortement l’implication
Les CF ne sont pas considérées comme un syndrome épilep- de facteurs génétiques dans la survenue des CF.
tique mais comme un syndrome particulier caractérisé par un Les études prospectives mettent en évidence une fréquence de
facteur déclenchant (la fièvre) et un âge d’exposition (6 mois- survenue de crises afébriles dans 2 à 7 % des cas de CF, soit un
6 ans). Il existe un lien épidémiologique entre convulsions risque d’épilepsie dix fois supérieur à celui de la population
fébriles et épilepsie : en effet, bien que les CF constituent une générale [4]. Les études rétrospectives révèlent que 10-15 % des
pathologie bénigne avec un très bon pronostic, un certain patients épileptiques ont présenté des CF dans l’enfance avec
nombre de patients vont présenter dans leur évolution des une incidence qui varie selon le type d’épilepsie [5, 6].

Traité de Médecine Akos 1


8-0762 ¶ Convulsions fébriles

■ Aspects cliniques des CF clairement identifiée et gérable à domicile, l’hospitalisation en


milieu pédiatrique n’est pas indispensable. S’il existe une
Les caractéristiques cliniques des crises convulsives permet- suspicion d’infection du système nerveux central, des anomalies
tent leur classification en CF simples et CF complexes à l’examen neurologique ou si la crise est prolongée ou compli-
(Tableau 1). que une pathologie neurologique préexistante, l’hospitalisation
est alors indispensable. Au moindre doute de méningite ou de
Crises fébriles simples méningoencéphalite, surtout si l’enfant est déjà sous un
Elles représentent 70 % de l’ensemble des convulsions fébriles traitement antibiotique, il est impératif de réaliser une ponction
et leur bénignité contraste avec le caractère spectaculaire de lombaire avec étude du liquide céphalorachidien. A contrario la
l’épisode. pratique systématique d’une ponction lombaire devant une
convulsion fébrile si la cause de la fièvre est bien identifiable est
Aspects cliniques superflue. La conduite à tenir repose donc essentiellement sur
un examen clinique complet et bien conduit.
Les crises fébriles simples surviennent chez les nourrissons et
les jeunes enfants (âge compris entre 6 mois et moins de 6 ans) Les causes de la fièvre sont par ordre de fréquence décrois-
neurologiquement normaux à l’occasion d’une montée thermi- sante, les affections des voies respiratoires supérieures, les otites
que rapide, la fièvre étant considérée comme le seul facteur aiguës, les pneumopathies, les gastroentérites aiguës, la roséole
déclenchant. Ce n’est pas le chiffre absolu de la température et les maladies non infectieuses.
corporelle qui est l’élément déclenchant mais la rapidité de la Le traitement de la convulsion consiste à mettre l’enfant en
montée thermique ; on peut ainsi observer des convulsions décubitus latéral afin d’éviter les fausses routes. L’injection
fébriles à une température de 38°-38,5° alors qu’une température intrarectale de Valium® à la dose de 0,5 mg/kg est le traitement
en plateau à 40° n’en provoquera pas. La nature imprévisible de choix de la convulsion à condition que celle-ci dure plus de
des poussées thermiques explique la difficulté à prévenir les CF 3 à 5 minutes ce qui revient au temps nécessaire pour préparer
par les antipyrétiques. Dans leur présentation classique les CF le Valium® ; elle n’a plus d’intérêt si la CF est déjà terminée. Les
sont généralisées, cloniques ou tonicocloniques, parfois avec manœuvres permettant de faire baisser la température (linges
hypotonie et pâleur, voire cyanose ; leur durée est courte, moins humides sur le corps, bain à une température de 2 degrés
de 2-3 minutes, toujours inférieure à 10 minutes ; il n’y a pas au-dessous de la température corporelle, administration d’anti-
de déficit postcritique ; la récupération est rapide et l’examen pyrétiques par voie intrarectale) sont indispensables.
neurologique au décours est normal. À distance de la convulsion fébrile
Pour les parents, les crises ont souvent un caractère très
spectaculaire : la pâleur, l’immobilité, les modifications respira- On recherche par l’interrogatoire de la famille des antécé-
toires associées leur donnent souvent l’impression que leur dents de CF et autres syndromes épileptiques sachant que
enfant est en train de mourir. Ce caractère impressionnant l’existence d’antécédents de CF est présent chez les ascendants
contraste avec la parfaite bénignité des convulsions fébriles et la fratrie dans 30 % des cas.
simples. Il est important d’exprimer clairement aux parents le Les examens complémentaires neurologiques, élec-
fait que, d’une part on ne meurt pas d’une convulsion fébrile [7, troencéphalogramme (EEG) et imageries cérébrales sont inutiles
8] et que d’autre part celle-ci n’endommage pas le cerveau.
dans les CF simples. L’EEG s’il est réalisé à distance de l’épisode
Rassurer les parents est fondamental pour les aider à faire face montre, comme seul élément spécifique, l’existence de brèves
aux éventuelles récidives et surtout à justifier l’abstention décharges delta de haut voltage contenant quelques pointes,
thérapeutique d’un traitement au long cours. présentes à l’endormissement, maximales à l’âge de 3-4 ans. Cet
élément bien que considéré comme un marqueur de la CF n’a
Conduite à tenir pas de valeur pronostique à long terme. Il est actuellement
Devant la convulsion fébrile admis par la communauté neuropédiatrique que les EEG dans
les CF ne sont pas justifiés.
Pour toute convulsion fébrile, il est impératif d’interroger les Les imageries cérébrales (tomodensitométrie et imagerie par
parents et d’examiner l’enfant le plus rapidement possible afin résonance magnétique) n’ont pas leur place dans le bilan des CF
d’apprécier l’état neurologique et d’identifier l’origine de la de l’enfant. Une étude rapportant la pratique de scanners
fièvre. L’interrogatoire de parents le plus souvent paniqués rend
cérébraux chez 44 patients présentant des CF n’a pas trouvé
difficile des informations précises sur la sémiologie de la crise et
d’anomalies significatives [9].
sa durée ; il permet cependant d’éliminer d’autres manifesta-
Le risque majeur est la récidive de CF ultérieures dont les
tions aiguës et de distinguer les crises simples des crises
parents doivent être informés. Un traitement préventif par
complexes. L’examen neurologique apprécie l’état de cons-
antiépileptiques au long cours ne se discute qu’à partir d’une
cience, le tonus axial, l’existence ou non de signes déficitaires
troisième ou quatrième crise, après entretien avec la famille et
(hémiplégie ou monoparésie), la taille du périmètre crânien et
information sur les avantages et inconvénients d’un traitement
sa croissance en s’aidant des courbes. On élimine une fontanelle
au long cours, sachant que l’abstention thérapeutique est
bombante qui oriente bien évidemment vers une méningite. On
parfaitement légitime dans les CF simples. Le traitement de
recherche des anomalies du développement neurologique
témoignant d’une possible pathologie neurologique antérieure choix est le valproate de sodium (Dépakine ®) à la dose de
et des taches cutanées achromiques ou café-au-lait qui orientent 25-30 mg/kg/j pour une durée minimale de 2 ans à partir de la
vers une maladie neurocutanée. Si l’enfant a un examen dernière crise. Le traitement préventif de la crise repose, dans la
neurologique normal au décours de la crise et que l’hyperther- mesure du possible, sur un traitement antipyrétique bien
mie est secondaire à une infection virale ou bactérienne conduit ; il est maintenant admis que la prévention des CF par
un traitement par diazépam (Valium ® ) par voie orale ou
intrarectale administré en cas de fièvre est totalement inefficace,
Tableau 1. voire dangereux car il peut masquer les signes neurologiques
Caractéristiques cliniques des convulsions fébriles (CF) simples et d’une infection du système nerveux central.
complexes.
L’évolution à long terme des enfants qui ont présenté une ou
Critères cliniques CF simples CF complexes plusieurs crises fébriles simples est la même que les enfants
Âge 6 mois-6 ans < 6 mois contrôles du point de vue des performances scolaires et du
comportement. Ils doivent donc mener une vie rigoureusement
Durée < 10 minutes > 10 minutes
normale, peuvent séjourner en collectivité et pratiquer toutes les
Signes de focalisation Non Oui : crises hémicorporelles,
activités sportives y compris aquatiques.
à bascule, déficit
postcritique
Les crises fébriles doivent être notées dans le carnet de santé
comme tout événement marquant de la vie de l’enfant. Le
Rechute dans les 24 heures Non Oui
milieu scolaire n’a pas de raison d’être systématiquement

2 Traité de Médecine Akos


Convulsions fébriles ¶ 8-0762

informé des CF qui restent un phénomène accidentel et uni- Tableau 2.


quement lié à la fièvre ; en particulier les enfants ayant fait une Fréquence des convulsions fébriles dans les antécédents de syndromes
ou deux convulsions fébriles ne relèvent absolument pas d’un épileptiques (d’après [17]).
projet d’accueil individualisé (PAI) qui ne se justifie que pour Épilepsies généralisées
une pathologie chronique.
Idiopathiques
Vaccinations Épilepsies absences de l’enfant : 20 %
Les enfants ayant présenté une ou plusieurs convulsions Épilepsies myocloniques juvéniles : 5-10 %
fébriles ne doivent pas faire l’objet d’une politique vaccinale GEFS+ : 100 %
différente des autres enfants. Au cours des 20 dernières années, Symptomatiques et cryptogéniques
les vaccins sont devenus plus sûrs et les effets secondaires tels Épilepsie myoclonoastatique: 11-28 %
que convulsions fébriles et encéphalopathie postvaccinale sont Syndrome de Lennox-Gastaut : 8 %
en nette diminution [10] ; en particulier, le risque de fièvre et de
Épilepsie myoclonique sévère du nourrisson (syndrome de Dravet) :
CF secondaire à la vaccination contre la coqueluche a considé-
100 %
rablement diminué avec l’utilisation de vaccins acellulaires à la
Épilepsies partielles
place des vaccins vivants atténués et ne justifie plus le maintien
des contre-indications qui avaient cours pour ces derniers. Les Idiopathiques
réactions fébriles, toujours possibles après vaccin (essentielle- Épilepsie à paroxysmes rolandiques : 8 %
ment le rougeole-oreillons-rubéole [ROR]) ne justifient en aucun Épilepsie occipitale bénigne : 17 %
cas de moins bien vacciner les enfants. Il faut clairement Symptomatiques
expliquer aux parents que, en l’absence de vaccination, les Épilepsie temporale : 25 %
maladies infectieuses infantiles provoquent des montées Épilepsie temporale interne avec sclérose hippocampique : 50-80 %
thermiques autrement plus importantes que la vaccination elle-
Autres épilepsies néocorticales : 6 %
même avec un fort tropisme neurologique pour certains agents
infectieux tels que ceux responsables de la rougeole, de la
rubéole ou des oreillons. Cependant, comme le montre un myoclonique sévère du nourrisson : dans ce cas, l’EEG est
article paru en 2006 [11], il apparaît que de nos jours les enfants initialement normal de même que l’examen clinique et l’ima-
ayant des antécédents de CF gardent une moins bonne couver- gerie. Un traitement préventif par Dépakine® est indispensable
ture vaccinale pour le DT coqueluche et le ROR. En revanche, dès la première crise.
aucune différence significative n’apparaît face à un groupe Une première crise de durée prolongée surtout s’il existe un
témoin pour la vaccination par l’hépatite B. Il y a donc un élément de focalisation et ce quel que soit l’âge fait craindre
travail pédagogique à faire essentiellement auprès des médecins l’évolution vers une future épilepsie de la face mésiale du lobe
mais également envers les familles. temporal avec sclérose hippocampique : là encore, un traite-
Aspects génétiques ment par valproate de sodium est la règle afin d’éviter d’autres
crises prolongées qui sont un facteur pathogène supposé du
L’existence de facteurs génétiques responsables de convul- développement d’une sclérose hippocampique.
sions fébriles simples est maintenant bien établie et plusieurs L’association de CF et de crises afébriles oriente soit vers une
modes de transmission (autosomique dominant, autosomique épilepsie généralisée avec crises fébriles plus (GEFS+) soit vers
récessif et polygéniques) ont été rapportés. À ce jour aucun gène une épilepsie symptomatique.
n’a été identifié mais cinq loci ont été rapportés dont le dernier
localisé en 6q22-q24 a été retrouvé dans deux familles et Syndromes épileptiques avec CF
correspond à un phénotype homogène de CF simples à trans-
mission autosomique dominante [12]. Le Tableau 2 chiffre la fréquence des CF dans les antécédents
de syndromes épileptiques.
Crises fébriles complexes Épilepsies généralisées avec crises fébriles plus
Aspects cliniques (GEFS+)
Ce cadre syndromique regroupe les patients qui après avoir
Les CF complexes représentent environ 30 % de l’ensemble
présenté des CF simples vont développer des CF après l’âge de
des CF [13] ; elles sont caractérisées par un âge de survenue en
6 ans et des crises afébriles le plus souvent généralisées
dehors de la fourchette classique (avant 6 mois et après 6 ans),
tonicocloniques.
une durée longue, supérieure à 10 minutes, une focalisation
Ce syndrome a été décrit pour la première fois en 1997 par
incluant un déficit postcritique, une survenue chez un patient
Scheffer et Berkovic sous le terme Generalized epilepsy with febrile
porteur d’une pathologie neurologique connue ou découverte à
seizures plus (GEFS+) [18] . Il s’agit d’un syndrome familial
l’occasion de la crise. Le risque de développer une épilepsie
caractérisé par une grande variabilité du phénotype au sein
ultérieure est nettement supérieur dans les CF complexes que
d’une même famille. On retrouve selon les patients : des crises
dans les CF simples (4-12 % versus 2 %) [4, 14]. Il existe des
fébriles simples, des crises fébriles perdurant au-delà de 6 ans et
antécédents de CF complexes chez 50-80 % des patients avec
des crises afébriles ; ces dernières commencent à un âge variable,
épilepsie du lobe temporal et sclérose hippocampique [15, 16].
avec ou sans intervalle libre et sont de différents types (généra-
lisées ou partielles, parfois temporales ; toniques, cloniques ou
Conduite à tenir myoclonoastatiques).
Le traitement symptomatique des CF complexes et simples est La transmission se fait selon un mode autosomique dominant
identique. En revanche, les CF complexes nécessitent une avec pénétrance incomplète (70 à 80 %) ; il existe une hétéro-
stratégie à moyen et long terme différente de celle des CF généité génétique du syndrome dans la mesure où plusieurs
simples et adaptée à chaque patient ; les explorations complé- gènes sont porteurs de mutations [19-21] : SCN1A localisé en
mentaires sont souvent la règle, comportant toujours un EEG 2q21-33, SCN1B localisé en 19q13.1, SCN2A localisé en 5q21-
standard avec tracé de veille et de sommeil, EEG qui peut être 33 et GABRG2 localisé en 5Q31-33. Les gènes SCN1A, SCN1B et
initialement normal mais dont la normalité est informative et SCN2A codent pour des sous-unités du canal sodium voltage
qui sert de référence pour suivre l’évolution. Les imageries dépendant, respectivement alpha 1, bêta 1 et alpha 2. Le gène
cérébrales et autres explorations neurologiques et métaboliques GABRG2 code pour la sous-unité bêta 2 du récepteur GABA.
sont à discuter au cas par cas. Dans les familles GEFS+ de nombreuses mutations ponctuelles
Les crises survenant avant l’âge de 6 mois surtout lorsqu’elles ont été décrites dans le gène SCN1A alors qu’elles son peu
sont prolongées, généralisées ou partielles et à bascule font nombreuses dans le gène SCN1B. Le mécanisme physiopatholo-
craindre une évolution vers un syndrome de Dravet ou épilepsie gique du syndrome GEFS+ est essentiellement sous-tendu par un

Traité de Médecine Akos 3


8-0762 ¶ Convulsions fébriles

dysfonctionnement canalaire, exprimé sous le terme de « chan- Les causes d’épilepsies partielles symptomatiques sont les
nelopathie », concernant essentiellement le fonctionnement du malformations congénitales dominées par les dysplasies focales,
canal sodium voltage dépendant. D’autres mécanismes sont en les séquelles d’accident ischémohémorragique, les tumeurs
cause : dysfonctionnement du site de fixation aux benzodiazé- glioneuronales et les maladie neurologiques dégénératives.
pines, dysfonctionnement du courant canal chlore dépendant
induit par le GABA. Certaines familles GEFS+ n’ont aucune Épilepsie temporale avec sclérose hippocampique
mutation dans ces gènes.
Les crises fébriles prolongées associées ou non à une focalisa-
Épilepsie myoclonique sévère du nourrisson tion et/ou un déficit postcritique à type de déficit hémicorporel
(EMSN) récemment baptisée syndrome de Dravet font craindre le développement ultérieur d’une épilepsie de la
face mésiale du lobe temporal par le biais d’une sclérose
Il s’agit d’une épilepsie cryptogénique qui survient avant l’âge hippocampique qui se constituerait au cours de cette CF.
de 6 mois et débute par des crises prolongées, répétées, cloni- L’hippocampe joue le rôle « d’amplificateur » des crises et est
ques, généralisées ou partielles à bascule déclenchées par des particulièrement vulnérable aux phénomènes anoxiques provo-
poussées fébriles qui peuvent être modérées [22]. Vers l’âge de qués par les crises, ce qui a pour conséquence une destruction
18 mois-3 ans les crises deviennent afébriles de type clonique des neurones de certaines couches (Ca1 Ca3 et du hile) rempla-
ou tonicoclonique associées à des myoclonies massives et cés alors par une gliose. Cette destruction neuronale est à
segmentaires (18 mois, 3 ans) et à des absences. Secondairement l’origine d’une épilepsie temporale interne qui elle-même
apparaissent des absences atypiques comportant souvent une aggrave la mort neuronale et entretient l’épilepsie. Il existe
composante myoclonique, des états de mal myoclonique et des toujours un intervalle libre très variable allant de quelques mois
crises partielles [23]. Les crises partielles sont de type partielles à quelques années entre la CF et le début de l’épilepsie
complexes comportant des phénomènes adversifs, végétatifs, temporale.
atoniques et des automatismes ; elles peuvent se généraliser La séméiologie des crises temporales internes est typique
secondairement. réalisant avec les anomalies radiologiques une véritable entité
Cette épilepsie survient chez des nourrissons qui ont un syndromique. Les crises sont de type partiel complexe, inaugu-
développement prémorbide considéré comme normal. Elle rées par une sensation douloureuse ou désagréable rétrosternale
s’accompagne constamment d’un ralentissement du développe- ascendante, une sensation de déjà-vu ou une sensation
ment psychomoteur, aboutissant à un retard intellectuel d’angoisse signalée par le patient, associée parfois à des nausées ;
d’intensité variable, moyen à sévère, et de troubles du compor- puis il existe une rupture de contact avec rubéfaction du visage,
tement à type d’hyperkinésie et impulsivité. Une scolarisation fixité oculaire, mydriase, urination, mastication, salivation, voire
en milieu spécialisé est nécessaire compte tenu des difficultés jetage salivaire ou vomissements. Il s’y associe fréquemment des
cognitives de ces enfants. automatismes à type de manipulation ou déambulation. Une
L’EEG est initialement normal puis vers l’âge de 18 mois- prise de posture à type de dystonie et hypertonie du membre
3 ans apparaissent un ralentissement, puis des pointes ondes supérieur ou de l’hémicorps controlatéral peuvent s’y associer,
généralisées isolées ou en brèves bouffées augmentées par la témoin d’une diffusion de la décharge vers les noyaux gris
somnolence et des anomalies focales et multifocales ; on centraux. Un frottement de nez avec la main homolatérale est
retrouve inconstamment une photosensibilité. L’imagerie très fréquemment observé. En postcritique on observe une
cérébrale est normale. asthénie, voire un endormissement du patient et une amnésie
Le traitement médical échoue le plus souvent à contrôler postcritique plus ou moins complète.
durablement les crises. Le créneau des antiépileptiques efficaces Les explorations électroencéphalographiques permettent de
dans ce type d’épilepsie est assez étroit : la Dépakine® est le latéraliser et localiser le foyer dans la région temporale.
traitement de première intention associé le plus souvent aux L’épilepsie temporale interne est très pharmacorésistante mais
benzodiazépines (urbanyl, rivotril), le striripentol (diacomit), répond très bien à la chirurgie, ce qui conduit à proposer une
antiépileptique de dernière génération et faisant l’objet d’une intervention chirurgicale qui permet une guérison de l’épilepsie
autorisation temporaire d’utilisation (ATU) a permis de mieux dans plus de 80 % des cas sur l’ensemble des séries des patients
contrôler les états de mal ; les autres antiépileptiques de dernière adultes et enfants [28].
génération tels le Keppra® et l’Épitomax® sont à l’étude. Le Ce schéma physiopathologique classique expliquant la
phénobarbital est à proscrire, surtout dans les états de mal en survenue d’une sclérose hippocampique n’est pas toujours aussi
raison d’un effet aggravant de même que le tégrétol. simple, en particulier chez l’enfant, car il existe souvent une
Sur le plan génétique, le syndrome de Dravet est générale- dual pathology c’est-à-dire l’association d’une sclérose hippocam-
ment sporadique mais on retrouve un taux élevé d’antécédents pique et d’une autre lésion temporale qui peut être par ordre de
familiaux d’épilepsie et de CF dans plusieurs séries [23-26] ce qui fréquence : une dysplasie, une gliose ou une tumeur neurono-
est en faveur d’une prédisposition génétique commune entre gliale. Dans ces cas-là, la CF est souvent précoce, l’intervalle
EMSN et convulsions fébriles. Il existe également des patients libre est court et les crises temporales peuvent précéder la crise
avec EMSN dans des familles GEFS+. Plusieurs études [26, 27] ont fébrile.
retrouvé dans des cas sporadiques de EMSN des mutations dans Les études génétiques suggèrent qu’il existe un lien entre CF
les gènes SCN1A impliquées dans les GEFS+. Nabbout et al. ont et les formes familiales d’épilepsies temporales. À l’inverse, il n’y
montré que sur une série de 93 patients avec EMSN, 35 % a pas d’arguments solides permettant de supposer que la
avaient des mutations dans SCN1A dont certaines transmises séquence convulsion fébrile responsable d’une sclérose hippo-
par des parents asymptomatiques ou faiblement atteints. Il n’y campique à l’origine d’une épilepsie de la face mésiale du lobe
a pas de corrélation stricte entre génotype et phénotype puisque temporal ait des bases génétiques.
pour une mutation donnée le patient peut être neurologique-
ment indemne ou avoir une EMSN ou une GEFS+. Cependant
le plus souvent la mutation à l’origine d’une EMSN aboutit à ■ Conclusion
une protéine tronquée alors que dans les GEFS+ celle-ci n’abou-
tit qu’à la substitution d’une seul acide aminé rendant compte La fièvre provoque 14 % des crises chez les patients épilepti-
peut-être de la différence de sévérité entre ces deux pathologies. ques adultes. Elle est également le facteur déclenchant de crises
d’arythmie chez des patients ayant des arythmies paroxystiques
Épilepsies partielles symptomatiques héréditaires causées par un dysfonctionnement du canal sodium
Une crise fébrile précoce peut être inaugurale d’une épilepsie dépendant. Les mécanismes à l’origine des CF sont soit les
partielle symptomatique ou cryptogénique qui se manifeste variations de température soit les mécanismes inflammatoires
ensuite par des crises afébriles. La sémiologie de la crise dépend associés aux infections. Les médiateurs inflammatoires pyrogé-
de la topographie du foyer à l’origine des crises. La fièvre a un niques, telle l’interleukine 1b, libérés par la fièvre ont des
rôle de facteur déclenchant au même titre que n’importe quelle propriétés proconvulsivantes. L’hyperthermie chez le rat
autre « agression » pouvant survenir dans cette tranche d’âge. provoque un effet excitateur en diminuant les mécanismes

4 Traité de Médecine Akos


Convulsions fébriles ¶ 8-0762

impliqués dans le blocage du potentiel d’action par diminution [15] French JA, Williamson PD, Thadani VM, Darcey TM, Mattson RH,
de l’influx calcium et par augmentation de la transmission Spencer SS, et al. Characteristics of medial temporal lobe epilepsy. I.
synaptique excitatrice. Elle diminue l’inhibition dans les Results of history and physical examination. Ann Neurol 1993;34:
hippocampes immatures par réduction de la libération de 774-80.
GABA. [16] Falconer MA. Mesial temporal lobe (Ammon’s horn) sclerosis as a
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M. Fohlen, Neuropédiatre (mfohlen@fo-rothschild.fr).


Service de neurochirurgie pédiatrique, Fondation Rothschild, 25, rue Manin, 75019 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Fohlen M. Convulsions fébriles. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 8-0762, 2008.

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Traité de Médecine Akos 5


8-0760

8-0760
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Épilepsies et convulsions

N Villeneuve

L es convulsions occasionnelles et l’épilepsie sont des maladies différentes. L’épilepsie correspond à une affection
chronique du cerveau beaucoup plus rare, caractérisée par la répétition des crises.
© 1999 , Elsevier, Paris.


pointes-ondes (PO) généralisées à 3 c/s sur l’EEG. membres, le plus souvent en flexion. À l’EEG, on
Introduction Elles peuvent s’accompagner de clonies légères de la enregistre une onde lente généralisée à
face ou des paupières (absences avec composante prédominance bifrontale, surchargée ou suivie de
L’épilepsie regroupe différents syndromes clonique légère), d’une atonie progressive entraînant rythmes rapides.
épileptiques tenant compte de l’âge d’apparition des une chute de la tête (absences atoniques),
d’automatismes simples (absences avec ‚ Crises partielles
crises, du type de crises, de l’étiologie et des données
de l’électroencéphalogramme (EEG). automatismes), d’une note végétative à type de Elles correspondent à une décharge focale d’une
Les épilepsies dites idiopathiques sont liées à rougeur du visage, de perte d’urine (absences avec région corticale. Elles sont simples lorsqu’il n’y a pas
l’âge et surviennent en l’absence de lésion composante végétative), d’un renforcement tonique d’altération de la conscience. Elles sont dites
anatomique décelable. Les patients n’ont pas de avec rejet de la tête en arrière (absences avec « complexes » lorsqu’il y a une perte de conscience.
déficit neurologique ou intellectuel, ni d’antécédents composante tonique). Elles peuvent se généraliser secondairement.
significatifs, en dehors d’éventuels antécédents Les absences atypiques ont un début et une fin
familiaux d’épilepsie bénigne : elles correspondent moins brusques, avec souvent une diminution du ‚ États de mal convulsif
alors à une prédisposition génétique. tonus et parfois des myoclonies palpébrales et
L’orientation diagnostique dépend de la
Les épilepsies sont dites symptomatiques péribuccales, avec des PO généralisées à 2 ou 2,5 c/s
sémiologie des crises, de leur caractère unique ou
lorsqu’elles surviennent chez des patients ayant une sur l’EEG.
répété, bref ou prolongé, focal ou généralisé, fébrile
lésion cérébrale ou un développement psycho- Les myoclonies massives correspondent à des
ou non. Il convient de rechercher une pathologie
moteur antérieur retardé. secousses axiales brusques et précédées d’une
infectieuse, traumatique, vasculaire, toxique. Les
Les épilepsies dites cryptogéniques ne relèvent bouffée généralisée de polypointes-ondes (PPO) sur
états de mal convulsif (EMC) sont un mode de
d’aucun des deux groupes : celles-ci seront l’EEG.
présentation de certaines épilepsies, mais aussi des
développées en fonction de l’âge. Les myoclonies erratiques correspondent à des convulsions occasionnelles. Ils peuvent survenir au
Le diagnostic syndromique repose donc sur petites secousses rythmiques asynchrones d’un cours de l’évolution de certaines épilepsies.
l’analyse des crises, la connaissance du faisceau musculaire, généralement des doigts, des
développement psychomoteur, l’examen clinique et paupières ou du pourtour des lèvres. Elles sont


les explorations paracliniques (fond d’œil, EEG, perceptibles au toucher au repos.
tomodensitométrie et imagerie par résonance Les myoclonies segmentaires concernent un Convulsions occasionnelles
magnétique [IRM] cérébrales). L’EEG avec segment de membre et sont arythmiques et
polygraphie et vidéo simultanées est parfois asynchrones.
Elles surviennent à tout âge. Les facteurs
indispensable pour définir le type ou les différents Les crises atoniques correspondent à une déclenchants sont le plus souvent la fièvre, les
types de crises. brusque perte de tonus avec fléchissement des traumatismes crâniens, les infections cérébrales, les
genoux. anomalies métaboliques (hypoglycémie,


Les crises cloniques correspondent à des hypocalcémie), les intoxications (médicaments,
Description des différents types secousses rythmiques d’un ou plusieurs groupes produits ménagers). L’évolution est le plus souvent
de crises musculaires. bénigne. La crise nécessite le plus souvent un
Les crises toniques correspondent à une traitement symptomatique, mais rarement un
‚ Crises généralisées hypertonie axiale, avec parfois une révulsion traitement au long cours.
Elles correspondent à une décharge des neurones oculaire concomitante de rythmes rapides Les traumatismes crâniens peuvent entraîner un
corticaux, paroxystique, diffuse, synchrone, d’amplitude croissante sur l’EEG. hématome extradural et s’accompagner de crises
bilatérale, sans point de départ focal. Elles Les crises tonicocloniques associent les deux
© Elsevier, Paris

convulsives dans 7 à 8 % des cas. Les épanchements


comportent une perte de conscience. précédentes. sous-duraux peuvent se révéler par des crises
Les absences typiques (absences simples) Les spasmes épileptiques correspondent à une convulsives et nécessitent la recherche d’un
correspondent à une rupture de la conscience de contraction brusque, généralement bilatérale et traumatisme crânien, voire d’un syndrome de
courte durée, à début et à fin brusques, avec des symétrique des muscles du cou, du tronc et des Silverman. L’épilepsie post-traumatique est rare (1 à

1
8-0760 - Épilepsies et convulsions

5 % des traumatismes crâniens) et elle survient dans jour chez un nouveau-né dont l’examen
les cas où le traumatisme est accompagné d’une Les convulsions fébriles simples neurologique est normal. Il s’agit de crises toujours
contusion corticale. surviennent entre 1 et 5 ans pour une de type myoclonique, erratiques, migratoires, à
fièvre supérieure à 38,5 °C, en dehors bascule, mais jamais toniques. Elles sont d’évolution
‚ Convulsions occasionnelles d’une infection cérébrale. Elles sont favorable. L’EEG montre un tracé interictal de type
du nouveau-né généralisées, de brève durée, cèdent « thêta pointu alternant ». Les crises durent de
Elles surviennent dès le premier jour de vie et ont spontanément dans l’immense quelques heures à 3 jours. Dans les formes avec de
des origines diverses. majorité des cas et n’entraînent pas de nombreuses crises, on peut utiliser un traitement
Entre la sixième heure de vie et le deuxième déficit. L’EEG n’est pas nécessaire. antiépileptique intraveineux (phénytoïne [PHT] :
jour, il s’agit le plus souvent d’une origine Lorsqu’il est fait, il peut montrer des Di-Hydant, benzodiazépines [BZ]). Un traitement de
circulatoire : crise partielle, motrice, clonique, anomalies lentes postérieures pendant quelques mois par VPA (Dépakinet) peut être
localisée, évoquant un accident vasculaire cérébral quelques jours. Le risque de faire une proposé. Cependant, les crises cèdent le plus souvent
dont l’évolution est de bon pronostic, ou d’un état de deuxième crise dans l’année est de spontanément.
mal (EM) associant des crises cloniques uni- ou 25 %. Celui d’une troisième crise est ■ Les convulsions néonatales familiales
bilatérales, des crises toniques et des phénomènes de 9 %. Le traitement antiépileptique bénignes : elles surviennent vers le deuxième ou
végétatifs (anoxo-ischémie). L’EEG ictal et interictal au long cours se discute en fonction troisième jour de vie. Les crises sont cloniques ou
est, dans ce dernier cas, une aide pour apprécier le de la tolérance familiale et de la tonicocloniques, rarement toniques, et ne réalisent
pronostic. fréquence des crises. Il convient de pas d’EM. Elles peuvent se répéter durant quelques
Les convulsions au cours des méningites prescrire un traitement antipyrétique semaines. Un traitement par VPA (Dépakinet) de
bactériennes, en rapport avec un abcès ou un et de recommander le diazépam (DZ) quelques mois peut être proposé. Les antécédents
accident vasculaire cérébral, surviennent souvent intrarectal (Valiumt) en cas de crise. familiaux de convulsions néonatales bénignes ou
après la première semaine. Les convulsions liées à d’épilepsie sont constants. L’évolution est favorable,
une méningoencéphalite herpétique surviennent mais une épilepsie secondaire peut survenir. Un
Avant l’âge de 1 an, il convient de réaliser une gène a été identifié sur le chromosome 20.
vers le dixième jour.
ponction lombaire pour rechercher une infection
Les causes métaboliques regroupent différentes
cérébrale virale ou bactérienne. Le caractère partiel à
étiologies. L’hypocalcémie survient entre j3-j5 et fait Encéphalopathies épileptiques
prédominance brachiofaciale de la crise est
rechercher une hyperparathyroïdie chez la mère.
évocateur d’une encéphalite herpétique et impose la Deux encéphalopathies épileptiques, le syndrome
L’hypoglycémie se voit plus souvent chez le
ponction lombaire et le traitement antiviral d’Ohtahara et l’encéphalopathie myoclonique
nouveau-né macrosome ou de mère diabétique,
d’urgence. précoce, se révèlent en période néonatale par des
mais fait également évoquer un hyperinsulinisme,
En l’absence d’infection cérébrale, un traitement crises convulsives et s’associent à l’EEG interictal des
transitoire ou non, un trouble de la bêta-oxydation
antiépileptique par le valproate de sodium (VPA) suppression-burst. Ce tracé se caractérise par des
des acides gras. Les amino-acidopathies, les
(Dépakinet) est indiqué, après vérification de la bouffées d’ondes lentes de grande amplitude,
aciduries organiques, les leucinoses peuvent faire
normalité des transaminases si l’enfant est âgé de mêlées à des pointes durant 1 à 5 secondes,
convulser, mais l’hyperamoniémie et les troubles
moins de 1 an, associé au traitement antipyrétique alternant avec des phases d’aplatissement durant
digestifs, associés aux troubles de conscience
lors des épisodes fébriles. 3 à 10 secondes, dans la veille et le sommeil.
précédant le plus souvent l’EMC, font évoquer le
Le DZ intrarectal (Valiumt) sera administré en cas Le syndrome d’Ohtahara se caractérise par des
diagnostic. Les maladies peroxysomales peuvent se
de nouvelles crises convulsives pour éviter une crise crises partielles motrices et des spasmes toniques
révéler par des convulsions et associent une
prolongée. isolés et peut évoluer vers un syndrome de West ou
hypotonie axiale majeure, une dysmorphie faciale et
de fines calcifications épiphysaires. Le déficit en L’EEG n’a d’intérêt que dans les crises un syndrome de Lennox-Gastaut. Une malformation
biotine peut se révéler par des convulsions : le compliquées et peut montrer un foyer d’ondes lentes cérébrale est mise en évidence dans la majorité des
diagnostic est le dosage de l’activité enzymatique de ou de pointes, des complexes lents périodiques dans cas.
la biotinidase et le traitement la supplémentation en le cas de l’encéphalite herpétique.
L’encéphalopathie myoclonique précoce se
biotine. Les convulsions dites pyridoxinodépen- Le risque ultérieur de développer une épilepsie
caractérise par des myoclonies erratiques ou
dantes sont rares : elles surviennent en période sévère ne concerne que les crises fébriles
massives et des crises partielles motrices. Elle semble
néonatale chez un enfant ayant des antécédents compliquées. La répétition de crises, fébriles ou non,
plutôt due à une maladie métabolique, même si
familiaux de convulsions néonatales, de fausses cloniques, unilatérales, dans la première année de
celle-ci est rarement identifiée. Des cas familiaux ont
couches spontanées répétées ou de mort in utero et vie est souvent le premier signe de l’épilepsie
été décrits. L’évolution est fatale en quelques mois
sont associées à une agitation importante : le myoclonique sévère du nourrisson et le traitement
dans la majorité des cas.
traitement est la supplémentation par la vitamine B6, préventif des crises a pour but de limiter la fréquence
cofacteur de la synthèse du GABA (acide et la gravité des EM. Une épilepsie partielle
gamma-aminobutyrique). L’arrêt du traitement temporale peut se développer plusieurs années ‚ Syndromes épileptiques du nourrisson
entraîne la réapparition des crises. après une crise fébrile prolongée, faisant alors
Des crises de sevrage peuvent se voir chez les rechercher une sclérose mésiotemporale. Convulsions bénignes du nourrisson
nouveau-nés de mère toxicomane. (familiales ou non)


Elles surviennent entre 3 et 8 mois, sous la forme
‚ Convulsions occasionnelles Épilepsies d’un orage épileptique caractérisé par la répétition
du nourrisson et de l’enfant de crises d’allure généralisée sur quelques jours.
Les causes métaboliques et traumatiques doivent ‚ Syndromes épileptiques du nouveau-né Dans un tiers des cas, il s’agit d’une affection
être recherchées en fonction de l’histoire clinique et familiale et la transmission est autosomique
des examens complémentaires (cf supra). Convulsions néonatales bénignes dominante (chromosome 19) ; un tiers des enfants a
Lorsque la crise convulsive est unilatérale ; de Les convulsions néonatales bénignes des antécédents épileptiques d’une autre nature et le
durée supérieure à 15 minutes ; suivie d’un déficit ; s’individualisent en deux groupes. dernier tiers n’a pas d’antécédents.
surtout, si elle survient avant 1 an, il s’agit d’une crise ■ Les convulsions néonatales bénignes Le traitement au long cours n’est pas
fébrile compliquée. idiopathiques : elles surviennent vers le cinquième systématique car cet orage épileptique reste unique.

2
Épilepsies et convulsions - 8-0760

Syndrome des spasmes infantiles (syndrome Épilepsie myoclonique sévère du nourrisson et un pattern EEG constitué de PO lentes (inférieures
de West) à 2,5 c/s), diffuses, intercritiques, pendant la veille et
Elle débute dans la première année de vie par des
de bouffées de rythme à 10 c/s au cours du
Il associe des spasmes épileptiques, une crises convulsives unilatérales le plus souvent,
sommeil. Des crises partielles sont parfois observées.
régression psychomotrice et un tracé EEG interictal fébriles ou non, prolongées, chez un enfant ayant un
Il touche plus souvent le garçon que la fille et débute
particulier : l’hypsarythmie. développement psychomoteur normal. Les EEG
avant l’âge de 8 ans, avec un pic vers 3 à 5 ans. Il
L’âge de début se situe avant 1 an, le plus souvent interictaux sont dépourvus d’anomalies durant les
survient dans 60 % des cas chez des enfants ayant
entre 4 et 7 mois. Cependant, quelques cas ayant premiers mois de la maladie. Entre 1 et 4 ans,
une encéphalopathie préexistante. Il peut succéder
débuté entre 1 et 4 ans sont rapportés. apparaissent des myoclonies massives, isolées ou
aux spasmes infantiles. L’évolution se fait en général
groupées en brèves bouffées, pluriquotidiennes. Elles
L’incidence est de 1/3 000 naissances. Le tracé vers la chronicité, avec parfois des EM de crises
sont parfois discrètes, donnant l’impression d’une
EEG de veille montre un aspect hypsarythmique généralisées ou d’absences. Cependant, dans les
instabilité de l’enfant, ou plus intenses, le faisant
constitué d’ondes lentes (OL) de très grande formes cryptogéniques, l’utilisation des nouveaux
tomber. Des myoclonies segmentaires sont parfois
amplitude, mêlées de pointes (P) dont l’amplitude et antiépileptiques tels que la LTG (Lamictalt), en
associées, présentes au repos et majorées par
la topographie varient de façon asynchrone entre les association au VPA (Dépakinet) et parfois à la PHT
l’action. Des crises partielles complexes et des
deux hémisphères. L’hypsarythmie se fragmente (Di-Hydant) et aux BZ peut permettre la guérison de
absences atypiques sont également présentes à cet
dans le sommeil. Le rythme de fond n’est pas la maladie.
âge. Le développement psychomoteur se ralentit à
décelable. La régression psychomotrice se partir de la deuxième année et il apparaît une ataxie
caractérise par une perte de l’intérêt pour État de mal convulsif
et des signes pyramidaux.
l’entourage, du contact oculaire, de la préhension Le syndrome hémiconvulsion-hémiplégie
Les tracés EEG montrent des PO et PPO
volontaire, voire d’une perte de tonus. (épilepsie) est une forme d’EMC survenant avant
généralisées, rapides, isolées ou en brèves bouffées,
Les formes symptomatiques représentent 70 % l’âge de 2 ans. Bien qu’il y existe quelques formes
une photosensibilité précoce et des anomalies
des cas. Les facteurs étiologiques anténatals cryptogéniques, certaines causes sont favorisantes
focales. Les explorations neuroradiologiques sont
représentent environ 50 % des cas : il s’agit des comme les syndromes neurocutanés (sclérose
normales.
fœtopathies inflammatoires (Cytomégalovirus, tubéreuse de Bourneville, maladie de Sturge-Weber-
Les crises sont rebelles au traitement médical et
Krabbe, nævus linéaire sébacé), les malformations
toxoplasmose, rubéole), de séquelles d’anoxo- l’évolution intellectuelle est défavorable. La sévérité
cérébrales. L’épilepsie partielle au décours apparaît
ischémie (porencéphalie, leucomalacie du retard mental semble liée au nombre d’EM au
1 à 2 ans après l’EMC.
périventriculaire), de malformations cérébrales cours de la première année.
(syndrome d’Aicardi, agénésie du corps calleux, ‚ Syndromes épileptiques de l’enfant et de
hémimégalencéphalie, dysplasies corticales focales, Épilepsie myoclonoastatique ou syndrome l’adolescent
sclérose tubéreuse de Bourneville), d’anomalies de Doose
chromosomiques telle que la trisomie 21 et de Elle survient entre l’âge de 2 et 5 ans, chez un Épilepsies partielles idiopathiques (EPI)
maladies métaboliques (mitochondriopathies). Les enfant dont le développement psychomoteur est Les EPI ont une prévalence de 40 à 60 % des
méningites purulentes, les encéphalites sont normal mais ayant des antécédents familiaux épilepsies. Elles débutent après 18 mois. Les crises
également des étiologies retrouvées dans les (convulsions fébriles, épilepsie généralisée). Le sont brèves et rares, mais elles peuvent être
spasmes infantiles. garçon est deux fois plus souvent atteint que la fille. fréquentes au début. Les crises sont de sémiologie
Dans les formes dites cryptogéniques, aucune Elle se caractérise par l’association de plusieurs types variable mais non polymorphe chez un même
étiologie n’est retrouvée chez des nourrissons qui de crises : crises tonicocloniques généralisées (CTCG) patient. Il n’y a jamais de crises toniques.
avaient un développement normal avant le début souvent fébriles au début, chutes myocloniques ou À l’EEG interictal, l’activité de fond dans la veille et
des spasmes. Les spasmes infantiles idiopathiques myoclonoastatiques et absences, parfois associées à le sommeil est normale. L’anomalie paroxystique
sont rares et s’associent à un tracé EEG ictal des clonies palpébrales ou péribuccales. Ces typique est une pointe lente focale suivie d’une onde
particulier, caractérisé par la reprise de dernières peuvent être favorisées par certains lente comme la pointe rolandique de l’épilepsie
l’hypsarythmie entre chaque spasme et une antiépileptiques comme la carbamazépine (CBZ) partielle à pointes centrotemporales. Dans le
régression psychomotrice modérée, sans perte du (Tégrétolt), le VGB (Sabrilt), le PHT (Di-Hydant) et sommeil, la fréquence des anomalies focales
contact oculaire. Le pronostic, pour le contrôle des alors réaliser un EM-absence. On note souvent une augmente, mais sans modification de leur
crises, dépend de la cause, de la présence d’autres dyspraxie manuelle, une instabilité à la marche et morphologie et sans bilatéralisation. Il y a parfois de
types de crises et de l’âge du patient au début des une dysarthrie. L’apparition de crises toniques de fin brèves décharges de PO généralisées.
spasmes. Le traitement repose sur les antiépilep- de nuit semble liée à un mauvais pronostic. Le développement psychomoteur est toujours
tiques tels que le vigabatrin (VGB) (Sabrilt) et les L’EEG peut être normal au début ou montrer un normal. Des antécédents familiaux d’épilepsie sont
corticoïdes. rythme théta diffus. notés dans 17 à 59 % des cas. Le traitement au long
Le traitement repose sur l’utilisation des cours n’est pas systématique.
antiépileptiques tels que le VPA (Dépakinet), les BZ,
Épilepsie myoclonique bénigne du nourrisson ¶ Épilepsie partielle rolandique (EPR)
l’éthosuximide (ESM) (Zarontint), la lamotrigine (LTG) L’EPR, ou épilepsie partielle à pointes
Elle se caractérise par des accès brefs de (Lamictalt) et l’éviction de la carbamazépine (CBZ) centrotemporales, débute entre 2 et 13 ans. Les
myoclonies massives, décrits par les parents comme (Trégétolt), de la PHT (Di-Hydant), du VGB (Sabrilt). crises surviennent à l’endormissement ou plus
des « chutes de la tête », souvent discrets au début. L’évolution peut se faire vers la guérison en quelques rarement au réveil. La crise débute par des
Ces accès surviennent à n’importe quel moment de mois. Cependant, la persistance de crises toniques paresthésies unilatérales intéressant la langue, les
la journée. L’enfant ne perd jamais connaissance et nocturnes et la survenue d’EM-absence sont de lèvres et la face interne de la joue, suivies de
continue à jouer pendant l’accès. mauvais pronostic, avec apparition d’un quelques secousses hémifaciales produisant un arrêt
À l’EEG ictal, on enregistre une décharge de PO ou ralentissement du développement psychomoteur et de la parole et une émission de salive avec
de PPO généralisées, rapides, dont la durée est d’une épilepsie rebelle. conservation de la conscience. Elles se généralisent
identique à l’accès. L’activité de fond dans la veille et parfois. Les crises sont peu fréquentes (un quart des
le sommeil est normale. Il n’y a pas d’autres types de Syndrome de Lennox-Gastaut enfants ont une seule crise).
crises. Le traitement repose sur le VPA (Dépakinet). Il associe des absences atypiques, des crises L’EEG confirme le diagnostic en montrant des
Lorsque le traitement est institué tardivement, il peut toniques et des chutes dues à des crises atoniques, pointes centrotemporales lentes diphasiques, de
y avoir un discret retard de développement. des absences prolongées, une détérioration mentale haut voltage, activées dans le sommeil. Le pronostic

3
8-0760 - Épilepsies et convulsions

est excellent et la guérison de règle avec ou sans premières semaines de vie ; syndrome de myocloniques, sont observés. Elles sont brèves (5 à
traitement. Chez tous les patients, l’EEG se normalise Sturge-Weber-Krabbe, associant un angiome plan 15 secondes), toujours inférieures à 1 minute. Elles
en quelques années. unilatéral et, du même côté, un angiome facial sont plus fréquentes en fin de journée, favorisées par
localisé dans le territoire de la branche ophtalmique le relâchement de l’attention, déclenchées par
¶ Épilepsie bénigne à paroxysmes occipitaux
du nerf trijumeau ; neurofibromatose de l’hyperpnée et parfois la stimulation lumineuse
(EPO)
Elle se caractérise par des crises comportant une Recklinghausen) et une pathologie traumatique. intermittente. L’absence s’accompagne à l’EEG d’une
sémiologie visuelle (amaurose, phosphènes, Les crises révèlent très rarement un processus décharge de PO généralisées à 3 c/s, à début et à fin
illusions, hallucinations), souvent suivies par des tumoral expansif. Les crises de rire ou de pleurs sont brusques. Les absences tendent à disparaître
convulsions hémicloniques ou des automatismes rares et doivent faire rechercher un hamartome spontanément et sont supprimées dans 80 % des
psychomoteurs. hypothalamique. Les malformations artériovei- cas par les antiépileptiques spécifiques (VPA
L’EEG montre, dans 80 % des cas, des PO dans les neuses et les cavernomes se révèlent par des crises [Dépakinet], ESM [Zarontint], LTG [Lamictalt]). À
régions occipitales ou postérotemporales, convulsives dans respectivement un quart et la l’adolescence, 40 % des sujets développent une
supprimées à l’ouverture des yeux. Le contrôle des moitié des cas. L’évolution est fonction de l’étiologie épilepsie, avec des CTCG peu fréquentes. L’insertion
crises est rapidement obtenu par le traitement et de la réponse au traitement. Un traitement sociale des patients est souvent médiocre du fait de
antiépileptique (VPA [Dépakinet], BZ), chez 60 % des chirurgical est envisageable lorsque les examens difficultés intellectuelles et de troubles du
patients. On distingue deux groupes d’EPO : complémentaires préchirurgicaux (EEG prolongé de comportement présents dans 30 % des cas.
– un groupe de bon pronostic, débutant vers surface et intracrânien, IRM cérébrale, SPECT ictal et
¶ Épilepsie-absence de l’adolescent
5 ans (de 2 à 8 ans), avec des crises nocturnes interictal, évaluation neuropsychologique) montrent
Elle débute vers 10 ou 12 ans et touche aussi
caractérisées par une déviation des yeux et des une concordance entre le point de départ des crises,
souvent la fille que le garçon. Les absences ne se
vomissements ; le foyer épileptogène, et la lésion corticale.
produisent pas tous les jours. Les CTCG sont
– un groupe de moins bon pronostic, débutant présentes dans 80 % des cas et surviennent au
Épilepsies partielles continues (EPC)
plus tardivement, avec des crises diurnes de réveil. Des myoclonies du réveil sont notées chez
sémiologie visuelle suivies de céphalées. Les EPC (ou syndromes de Kojewnikoff) se 15 % des patients. La réponse au traitement (VPA
Les crises visuelles ne persistent pas après caractérisent par des secousses épileptiques [Dépakinet], LTG [Lamictalt]) est bonne.
l’adolescence mais sont remplacées par d’autres localisées plus ou moins continues et des crises
types de crises chez 5 % des patients. jacksoniennes. Deux groupes électrocliniques sont ¶ Épilepsie myoclonique juvénile (EMJ)
Elle se caractérise par des secousses myoclo-
individualisables.
¶ Crises partielles bénignes de l’adolescence Le premier groupe correspond au syndrome de
niques bilatérales, isolées ou répétées, arythmiques,
Elles débutent vers 13 ou 14 ans (de 10 à 20 ans) irrégulières, prédominant aux membres supérieurs.
Kojewnikoff classique : chez des enfants ayant une
avec une nette prédominance masculine. Aucun Elles peuvent entraîner une chute dans une minorité
lésion rolandique fixée, d’étiologie généralement
antécédent familial d’épilepsie n’est noté. Il s’agit de de cas. Il n’y a pas de perte de conscience. Des CTCG
connue, et une sémiologie neurologique stable,
crises simples ou complexes, comportant des sont souvent associées (90 %) et surviennent au
apparaissent des crises partielles motrices puis des
phénomènes moteurs ou sensitifs, avec une réveil. Les absences sont rares (10 %). Le manque de
myoclonies bien localisées. L’EEG montre des
généralisation secondaire fréquente. La crise est sommeil, le stress et la fatigue favorisent la survenue
anomalies focales. L’affection n’est pas évolutive et
unique ou se répète deux à cinq fois sur 24 heures. des crises.
le traitement chirurgical peut être efficace.
Cet épisode est le plus souvent unique et ne À l’EEG, la stimulation lumineuse intermittente est
Dans le deuxième groupe, le syndrome de
nécessite pas de traitement au long cours. positive dans 40 % des cas. La réponse au
Kojewnikoff survient chez des enfants âgés de
L’EEG est normal. traitement spécifique (VPA [Dépakinet]) est bonne.
moins de 10 ans sans lésion préalable. Les crises
Un gène a été localisé sur le chromosome 6 en
partielles motrices s’associent rapidement à des
Épilepsies partielles symptomatiques (EPS) 6p21-3, mais ce locus ne correspond pas à toutes les
myoclonies de topographie variable mais localisées
Elles sont liées à une anomalie connue ou EMJ.
du même côté que les crises partielles. L’EEG met en
suspectée du système nerveux central, se traduisant évidence des anomalies du rythme de fond et des ¶ Épilepsie avec crises grand mal du réveil
par une anomalie de l’examen clinique, un retard anomalies paroxystiques focales et diffuses. Elle se manifeste de manière quasi exclusive par
mental et/ou une anomalie de l’imagerie cérébrale. L’évolution est progressive, avec apparition d’un des CTCG peu après le réveil ou à la période du
Différents types de crises peuvent être observés et déficit progressif homolatéral aux crises, d’autres repos du soir. Elle débute entre 10 et 25 ans. Le
leur sémiologie peut se modifier au cours de types de crises et d’une détérioration mentale. traitement par VPA (Dépakinet) est proposé en
l’évolution. fonction de la tolérance et de la fréquence des crises.
À l’EEG, il n’y a pas de pattern spécifique de l’EPS. Épilepsies généralisées idiopathiques
L’EEG interictal objective des P ou des PO focales non Épilepsies généralisées cryptogéniques
Elles représentent 30 % des épilepsies. Elles sont ou symptomatiques
répétitives, de morphologie variée, de localisation
liées à l’âge et ont des caractéristiques communes.
fixe, n’augmentant pas de fréquence mais pouvant
Trois types de crises sont observés : des absences, ¶ Épilepsie avec absences myocloniques
diffuser pendant le sommeil. La sémiologie des crises Elle se caractérise par des absences s’accompa-
des myoclonies massives, des CTCG. Aucune
est fonction de leur localisation (par exemple : crise gnant de myoclonies rythmiques bilatérales,
étiologie, en dehors d’une éventuelle prédisposition
partielle motrice avec démarche Bravais- importantes, diffuses, touchant les racines et les
génétique, n’est mise en évidence.
Jacksonienne si l’origine de la crise est le cortex épaules, souvent associées à une contraction
L’EEG enregistre des décharges généralisées
moteur). tonique. Le trouble de conscience est variable.
bilatérales, synchrones et symétriques de PO et PPO
L’imagerie cérébrale morphologique (scanner et À l’EEG, elle se traduit par une décharge bilatérale,
à 3 c/s, critiques et intercritiques. L’activité de fond
IRM) et fonctionnelle (SPECT [single photon emission synchrone et symétrique de PO rythmiques à 3 c/s.
est normale. On note une photosensibilité dans 20 à
tomography] et PET [positon emission tomography]) Ces crises surviennent plusieurs fois par jour. Elle
40 % des cas. L’évolution est favorable sous
recherche une lésion cérébrale (malformation débute vers l’âge de 7 ans (de 1 à 12 ans). D’autres
traitement le plus souvent.
cérébrale, lésion séquellaire d’une souffrance fœtale types de crises (CTCG, absences), peu fréquentes,
anté- ou périnatale [leucomalacie, porencéphalie...], ¶ Épilepsie-absence de l’enfant sont associées dans 60 % des cas. L’évolution est
une phacomatose (sclérose tubéreuse de L’épilepsie-absence de l’enfant, ou petit variable : les crises peuvent être résistantes au
Bourneville, associant des calcifications mal-absence, débute vers 6 ou 7 ans (de 3 à 10 ans), traitement et il peut apparaître une détérioration
périventriculaires, des tubers corticaux et des taches touchant plus souvent la fille. Tous les types mentale et une évolution vers le syndrome de
achromiques cutanées apparaissant dès les d’absences (cf supra), sauf les absences Lennox-Gastaut.

4
Épilepsies et convulsions - 8-0760

¶ Épilepsie myoclonique progressive (EMP) que dans 70 % des cas. Les troubles du des antécédents neurologiques. La disparition des
Elle représente 1 % des épilepsies de l’enfant et de comportement sont présents dans 70 % des cas. crises précède ou survient en même temps que la
l’adolescent. Elle se caractérise par des myoclonies L’EEG montre des P et PO répétitives, organisées disparition des POCS dans la moitié des cas. La
segmentaires et massives, des crises généralisées en foyers bilatéraux, dans les deux régions normalisation de l’EEG se fait en 3 ans en moyenne.
tonicocloniques ou cloniques, une détérioration des temporales. Le sommeil les active constamment et Le pronostic neuropsychologique et social est
fonctions supérieures et des anomalies à l’examen elles diffusent dans le sommeil. Le rythme de fond mauvais dans la moitié des cas. En revanche, le
neurologique (syndrome pyramidal, cérébelleux, par est normal. Le traitement repose sur les BZ et/ou les pronostic de l’épilepsie est bon.
exemple). Elle survient le plus souvent au cours de corticoïdes prolongés et la prise en charge spécifique
maladies métaboliques, identifiées ou non. La de ce trouble du langage. La pathogénie de ce
transmission est le plus souvent autosomique
récessive.
Les tableaux cliniques les plus fréquents sont la
maladie de Lafora, l’EMP de type dégénératif
syndrome est hypothétique : il n’y a aucune lésion à
l’imagerie cérébrale. Il pourrait s’agir d’une rupture
de la boucle audition-intégration verbale-langage
parlé. Le pronostic est meilleur lorsque la perte du

Conclusion

La grande majorité des épilepsies est d’évolution


(myoclonus baltique et myoclonus méditerranéen), langage est survenue après 6 ans. favorable avec un bon contrôle des crises sous
les céroïdes lipofushinoses, la maladie de Gaucher traitement. La description sémiologique des crises est
type III, certaines gangliosidoses (GM2), les sialidoses, Syndrome des pointes-ondes continues indispensable à la caractérisation du syndrome
la maladie de Huntington et certaines encéphalo- du sommeil (POCS) épileptique, à laquelle s’ajoutent les données de
myopathies mitochondriales (MERRF) dont la Il se caractérise par l’association de plusieurs types l’EEG. La survenue d’épisodes stéréotypés, moteurs
transmission est maternelle. de crises, partielles ou généralisées, survenant ou non, ou une perte des acquisitions, décrite par les
pendant le sommeil, et des absences atypiques parents, doit faire évoquer le diagnostic d’épilepsie et
Syndrome de Landau et Kleffner pendant la veille. faire pratiquer un EEG avec enregistrement de
Il associe une aphasie acquise et des anomalies L’EEG met en évidence des PO continues diffuses sommeil. Aucun traitement au long cours n’est à
paroxystiques constantes à l’EEG. Il débute entre 2 et pendant le sommeil lent. instaurer en urgence. Il faut savoir en discuter les
12 ans chez un enfant ayant un développement La persistance de ces décharges pendant une indications et ne pas hésiter à demander un avis
normal et ayant acquis le langage. Il se caractérise longue période est responsable de troubles spécialisé.
par une perte progressive du langage secondaire à n e u r o p s y c h o l o g i q u e s a v e c d iffi c u l t é s d e Au terme d’un bilan bien conduit, certaines
une agnosie auditive. Les difficultés de compré- raisonnement abstractif, baisse du quotient épilepsies restent inclassées, nécessitant de
hension précèdent et dominent les difficultés intellectuel, troubles de l’orientation temporospatiale nouvelles évaluations. Cependant, l’évolution des
d’expression, ce qui donne l’impression que l’enfant et de la mémoire. Les POCS peuvent être crises et de l’EEG permet de classer ces épilepsies
est sourd. Les crises convulsives ne sont présentes cryptogéniques ou survenir chez des enfants ayant difficiles.

Nathalie Villeneuve : Neuropédiatre,


service de neuropédiatrie, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 74-82, avenue Denfert-Rochereau, 75674 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Villeneuve N. Épilepsies et convulsions.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0760, 1999, 5 p

Références

[1] Aicardi J. Disease of the nervous system in childhood. Oxford : Blackwell [3] Roger J, Bureau M, Dravet CH, Dreifus FE, Perret A, Wolf P. Les syndromes
Scientific Publications, New-York : Cambridge University Press : 991-1001 épileptiques de l’enfant et de l’adolescent (2e éd). Paris, Londres : John Libbey,
1992
[2] Arthuis M, Dulac O, Ponsot G, Pinsard N, Mancini J. Neurologie pédiatrique
(2e éd). Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1998 : 359-463

5
¶ 8-0781

Infirmité motrice cérébrale


D. Truscelli, M. Le Metayer, V. Leroy-Malherbe

L’infirmité motrice cérébrale (IMC) est un regroupement protéiforme au sein du vaste ensemble de la
paralysie cérébrale, il met en avant la possible indépendance entre le physique et le mental. Cet état de
fait provient de la topographie des lésions cérébrales précoces, distinctes selon la nature de la cause. La
prématurité, la souffrance néonatale à terme, les perturbations cérébrales de la période anténatale sont
des circonstances à haut risque de séquelles motrices chroniques. Les syndromes classiques sont la
maladie de Little (ou diplégie spastique), les syndromes dystoniques et athétosiques, l’hémiplégie
congénitale. En revanche, le tableau clinique, au cours des premiers mois, est monotone car le bébé IMC
est globalement incapable de s’adapter aux changements de position, car trop raide et trop mou à la fois.
Le diagnostic précoce est recommandé et faisable en interrogeant l’organisation motrice globale innée.
Les troubles associés, somatiques et cognitifs, le plus souvent très hétérogènes, doivent être recherchés
progressivement. La prise en charge comprend, vis-à-vis de l’enfant, la rééducation motrice et la
prévention des complications orthopédiques. Vis-à-vis des parents un accompagnement psychologique et
social est nécessaire, ainsi qu’une aide de proximité pour faciliter le nursing de ce bébé si désorientant.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Infirmité motrice cérébrale versus paralysie cérébrale ; Capacités mentales ; Hémiplégie ;
Diplégie de Little ; Athétose ; Motricité innée

Plan Guy Tardieu est l’auteur en 1952 du terme « infirmité motrice


cérébrale » qu’il a donné, de parti pris, à une cohorte de sujets
¶ Introduction 1 qui se distinguaient de l’ensemble des encéphalopathes par
l’indépendance entre leur atteinte motrice souvent lourde et le
¶ Signes cliniques neuromoteurs ou côté déficitaire de
maintien des capacités mentales et de communication.
l’infirmité motrice cérébrale/infirmité motrice d’origine cérébrale 2
Avant 1 an, s’agit-il d’un retard psychomoteur ou d’un déficit
Il a réalisé une étude minutieuse, encore valable de nos jours,
posturomoteur ? 2 des troubles divers perturbant la motricité, défini la spasticité et
Signes neurologiques à la fin de la première année 3 fait le point sur l’état des deux composantes du muscle,
Moderniser l’examen ! 3 contractile et viscoélastique, soumis à la désorganisation de la
Progrès 4 commande nerveuse.
Grands syndromes 4 L’IMC, tout comme l’infirmité motrice d’origine cérébrale
Diagnostic différentiel 5 (IMOC) – vocable créé postérieurement pour élargir le tableau
¶ Recherche des potentiels de l’enfant infirme 5 clinique aux sujets ayant des troubles associés, en particulier
intellectuels, qui influencent durement le devenir –, doit être
¶ Rééducation motrice du jeune enfant infirme moteur cérébral 6
examinée sous l’éclairage des connaissances modernes.
Développement psychomoteur et éducation thérapeutique
de la motricité 6
Les étiologies sont toujours diverses : sont candidats à une
Étapes en éducation thérapeutique 6 souffrance cérébrale chronique certains prématurés dont la
Motricité buccofaciale. Déglutition. Alimentation 12 durée de gestation se raccourcit jusqu’à 26 semaines, voire
Infirmités motrices d’origine cérébrale 13 moins, les bébés à terme dont les conditions de naissance sont
perturbées par des troubles mécaniques de l’accouchement, ou
des troubles circulatoires des derniers moments intra-utérins, les
nourrissons ayant des complications de maladies inflammatoires
■ Introduction du système nerveux central (SNC) ou de maladies épileptiques
graves des premiers mois postnatals. Cependant, depuis une
L’infirmité motrice cérébrale (IMC) n’est pas un diagnostic dizaine d’années, on met beaucoup plus en avant, dans 80 %
mais une abréviation désignant un regroupement syndromique ; des cas selon les études, des troubles de la période anténatale [2]
son dénominateur commun est la reconnaissance de séquelles de type excitotoxique évoluant à l’insu de tous et créant une
motrices après lésion(s) cérébrale(s) de la période néo- ou fragilisation du fœtus peu apte aux exercices naturels de
périnatale. Elle est incluse dans la paralysie cérébrale dont la l’obstétrique.
prévalence [1] est encore de deux pour 1 000 enfants nés vivants, L’annonce du « handicap », formule tristement consacrée,
environ. devrait être la révélation d’une atteinte cérébrale sans mensonge

Traité de Médecine Akos 1


8-0781 ¶ Infirmité motrice cérébrale

mais en évitant les mots d’une médecine faussement prédictive :


le savoir organique n’est pas la connaissance du destin de
l’individu. [3]
Le médecin, s’il doit garder son savoir spécifique, doit aussi
apprendre à collaborer à tout projet thérapeutique où sont pris
en compte des éléments développementaux et psychosociaux.

“ Point fort
Ce n’est pas une maladie que l’on traite mais un enfant
avec son histoire personnelle et familiale, et qui va garder
des séquelles à long terme.

■ Signes cliniques neuromoteurs


ou côté déficitaire de l’infirmité Figure 1. Réaction globale d’un nourrisson valide dans l’épreuve du
motrice cérébrale/infirmité « tiré-assis ». Noter la participation des membres inférieurs et la flexion du
bassin.
motrice d’origine cérébrale
Le défi est de les détecter tôt pour savoir apporter une aide
adéquate au nourrisson et savoir répondre aux questions
légitimes des parents qui constatent des anomalies dans le
développement. La mère ou la nourrice apporte beaucoup
d’arguments au diagnostic, avant le médecin qui, se ménageant
un certain recul et craignant les faux positifs, accorde au temps
un pouvoir réparateur !
Cette tolérance peut devenir un piège pour les anciens prématurés
dont l’âge est corrigé (âge corrigé des prématurés : l’âge chronologique
est corrigé pendant les six premiers mois après la naissance, mais pas
au-delà).
La situation est un peu différente quand l’anamnèse retrouve
des éléments de souffrance néonatale bien documentés et
consignés dans un dossier. Cependant, on sait que, dans les
premiers mois, il y a des zones d’ombre incitant à la prudence.
Des enfants ont récupéré de la phase aiguë et rassurent car leur
scanner cérébral a un aspect dit normal, ce qui ne signifie pas
obligatoirement que le cerveau fonctionne(ra) correctement. À
l’inverse, il existe des anomalies transitoires motrices [4] qui
disparaîtront sans laisser de trace vers le 6e mois.
Donc, le tableau clinique n’a pas d’emblée les caractères qu’il
aura plus tard. Certes, plus les signes d’appel sont nombreux au
départ, plus l’infirmité sera sévère. Dans tous les cas, on est loin Figure 2. Réaction d’un enfant pathologique de 3 mois dans le tiré-
des signes neurologiques que l’on trouve chez l’adulte après un assis. Noter la posture anormale des membres inférieurs en même temps
accident vasculaire cérébral (AVC) ou toute pathologie cérébrale que l’insuffisance de réaction.
acquise.

Avant 1 an, s’agit-il d’un retard corps ne s’adapte pas aux gestes naturels de l’adulte. Et pour-
tant, la communication passe et les messages que l’enfant
psychomoteur ou d’un déficit transmet à sa façon indiquent que son trouble n’est pas d’ordre
posturomoteur ? psychique.
L’enfant IMC se présente avec un déficit des acquisitions Le diagnostic précoce d’une atteinte motrice d’origine
motrices accompagné plus ou moins d’un retard général de cérébrale ne se fait pas sur l’étude des réflexes archaïques, sur la
développement. Il est facile de parler d’un retard psychomoteur lecture rétrospective d’un indice d’Apgar bas, [5] sur des réflexes
avec une appréciation d’ordre quantitatif, mais cette attitude est ostéotendineux vifs. Le recueil de ces données n’apporte que des
à proscrire, puisque les anomalies motrices de l’IMC sont arguments complémentaires au dossier.
qualitatives et durables. L’utilisation des tests de développement La nouvelle approche est de nettement distinguer la part qui
général comme le Brunet-Lézine demande une lecture critique revient à la motricité parmi les aptitudes du bébé ; elle étudie
des résultats. Un quotient de développement peut être abaissé les organisations globales précâblées, décrites par Grenier [6] et
pour diverses raisons, posturomotrices en particulier, quelle Le Métayer [7] depuis 1980 (Fig. 1–4). Elles ont l’intérêt d’être
qu’en soit l’étiologie. affranchies d’une quelconque participation mentale puisqu’elles
En fait, le futur IMC a ses propres caractéristiques, c’est un sont l’expression de la motricité automatique inconsciente qui
nourrisson aux conduites motrices monotones, sans richesse et assure les réactions antigravitaires et gèrera l’équilibre de l’axe
peu variables selon les phases de son état d’éveil. L’axe corporel dans les activités de soutien. Les indices de normalité de la
est mou et les membres raides ou parfois les redressements de motricité en devenir (Grenier) sont tirés de leur présence et de
la tête sont excessifs, avec une sorte d’opisthotonos, pouvant leur qualité.
faire croire, à tort, à une capacité rassurante et précoce. Ce bébé Cependant, cette circuiterie innée est la première victime du drame
désorientant est difficile à prendre dans les bras car son petit cérébral qui entraîne des ruptures, totales ou partielles, dans

2 Traité de Médecine Akos


Infirmité motrice cérébrale ¶ 8-0781

Une symptomatologie cérébelleuse [9] est rarement isolée dans


la PC, elle est associée volontiers aux syndromes extrapyrami-
daux. Seule, elle fait évoquer des maladies génétiques et/ou
malformatives touchant le cervelet.
La topographie des séquelles est éminemment variable sur les
membres ; elle peut atteindre la sphère buccofaciale et gêner
l’alimentation-déglutition et les productions orales, de façon
définitive.

Moderniser l’examen !
Le jargon médical est un moyen interactif bien pauvre. Dans
la médecine d’évaluation qui caractérise le domaine rééducatif
et de réhabilitation, Tardieu avait proposé de procéder à un
examen factoriel. Cette proposition est encore d’actualité et
devrait connaître un regain d’intérêt avec les traitements
modernes protocolaires où il faut préciser le paramètre visé.
Figure 3. Réaction d’un jeune nourrisson valide à l’inclinaison latérale Le principe est d’examiner le sujet de la posture la plus
lente. Bonne réponse automatique de l’axe du corps et écartement simple à la plus compliquée afin d’apprécier le retentissement
simultané des cuisses. du ou des troubles élémentaires sur l’état fonctionnel.

Observation du sujet couché et rassuré (facteur B)


C’est un préalable indispensable qui permet de vérifier la
présence d’enraidissements avec ou sans mouvements involon-
taires, leur distribution, leur intensité en fonction de l’anxiété
facilement réveillée. L’observation de cet état basal s’effectue
sous l’influence de perturbations de l’environnement (facteur E)
tels bruit soudain, menace, calcul mental, autant de facteurs
qui, engendrant une hyperexcitabilité médullaire, demandent
un contrôle personnel de la situation. Ces deux facteurs sont –
ou non – présents et ne vont pas de pair.

Examen du muscle
L’examen du muscle s’effectue d’abord à vitesse lente jugeant
de l’élasticité musculaire dans la fenêtre articulaire, puis à
vitesse rapide jugeant de la qualité du réflexe d’étirement
(myotatique). La spasticité se définit précisément par une
Figure 4. Réaction du nourrisson pathologique. Insuffisance de réponse exagération de ce réflexe : la traction (composante cinétique)
de l’axe du corps contrastant avec l’excès de contraction des muscles des bloque l’étirement après une latence de 400 ms, induisant une
membres inférieurs et la posture anormale de ceux-ci. résistance statique dont la vitesse de décroissance est variable.
En électromyogramme (EMG) de surface, le phénomène est
.
évident et se distingue des myogrammes de l’activité musculaire
spontanée. En clinique, ce type de mécanisme pathologique est
l’organisation globale déjà agencée avant toute expérience
souvent incriminé pour expliquer l’équin [10] du pied à la
sensorimotrice.
marche. Certaines pathologies s’accompagnent au contraire
.
Au début, le dénominateur commun de l’IMC/IMOC est donc
d’insuffisance de réponse à la traction rapide, c’est le cas de la
bien la perte relative ou massive des réglages de base sur
symptomatologie cérébelleuse où le manque de freinage du
lesquels devraient s’appuyer les perfectionnements de la
geste est une donnée classique.
motricité.
Ce moyen original d’arriver au diagnostic a l’avantage d’éviter Testing
le délai qu’implique la référence aux âges-clés du développe-
ment, ce qui faisait attendre le diagnostic parfois jusqu’à C’est un examen intéressant dans les affections périphériques,
9 mois. il perd de sa valeur dans la PC où il s’agit de paralysie de
Les médecins doivent apprendre à déclencher la réactivité du fonction. En effet, un testing rassurant en décubitus ne permet
nourrisson par des manœuvres qui testent son comportement pas d’anticiper sur le fonctionnement global d’un segment
sous l’effet de la pesanteur. C’est l’approche la plus pertinente corporel.
de l’examen pour aller au diagnostic précoce et avoir une
certaine connaissance sur ce que l’on peut envisager en réédu-
Examen vertical
cation. On sait depuis que l’on consacre une large attention à Certains sujets n’ont guère de troubles à l’examen « horizon-
ces réactions que, si elles sont très altérées, les patients ne tal », mais mis en position assise ou debout, l’organisation
peuvent reconstruire, par la commande volontaire, les montages motrice est défaillante, et toute stimulation rapide, bien
largement automatisés et fournis normalement sans qu’adaptée à l’âge et à l’évolution du sujet, autour du point
apprentissage. d’équilibre, accentue la défaillance.

Geste finalisé
Signes neurologiques à la fin Les contractions excessives des muscles lors d’un geste finalisé
de la première année peuvent s’expliquer par les troubles neuromoteurs déjà signalés
ou révéler un manque de sélectivité de la commande nerveuse
La paralysie cérébrale (PC) offre plus une impression de centrale ou ils peuvent s’imposer comme une compensation
raideurs que de paralysie. bénéfique contre une grande faiblesse posturale. Les anomalies
La liste des raideurs musculaires [8] comprend la spasticité, la de coordination ne sont pas toujours liées à un défaut d’expé-
rigidité, la dystonie, la dyskinésie et les mouvements involon- rience mais annoncent une dyspraxie durable. [11]
taires. L’examen doit apprécier la part d’hypotonie axiale dans La règle est de faire l’analyse de ce qui paraît être trop raide
les postures de station-locomotion. et d’éviter de tout ramener à la spasticité avec son cortège de

Traité de Médecine Akos 3


8-0781 ¶ Infirmité motrice cérébrale

Figure 5. Imagerie par résonance magnéti-


que (IRM) montrant une leucomalacie péri-
ventriculaire particulièrement visible dans les
zones pariéto-occipitales, chez un ancien pré-
maturé porteur d’une maladie de Little.

traitements antispastiques classiques per os ou par infiltrations


(toxine botulique, par exemple). La variabilité des résultats
pourrait s’expliquer par le manque de rigueur des indications,
les effets positifs du placebo dans les études en double aveugle
“ Point important
y font penser.
Les grands syndromes se dessinent au-delà des
Rétraction musculotendineuse 18 premiers mois et ont des caractéristiques liées aux
La réduction notable de l’amplitude du mouvement entraîne circonstances lésionnelles.
un haut risque de complications orthopédiques dans le secteur
concerné, en premier lieu, des modifications du muscle dans sa
partie viscoélastique sous forme de « rétraction », différente de
la fibrose des maladies neurologiques périphériques. Il s’agit discute, les avis sont partagés entre la relative liberté fournie et
d’une résistance musculaire passive, muette à l’EMG, due à une le besoin d’apprendre à exercer son corps en difficulté.
brièveté du muscle et/ou du tendon, secondaire aux ordres de
En outre, la maladie de Little comprend des troubles visuo-
contraction excessifs qui finissent par mettre le corps du muscle
moteurs, non seulement des strabismes mais aussi des troubles
en position raccourcie, [12] à laquelle il s’adapte.
du balayage du champ visuel ou de l’attention visuelle pouvant
faire craindre une gêne dans la prise d’informations visuelles.
Progrès Ces difficultés engendrent une dyspraxie c’est-à-dire une
Des progrès sont possibles si la lésion cérébrale n’est pas impossibilité de réaliser les séquences d’un geste et certains
progressive. problèmes d’apprentissage scolaire (cf. infra, troubles associés)
Ils se manifestent dans la motricité globale (gross motor où le contrôle visuel entre en jeu, comme l’écriture et le
function des Anglo-Saxons), dans les savoir-faire (fine motor dénombrement.
function) qui nécessitent plusieurs niveaux d’intégration cen-
trale, dans l’anticipation à toute action motrice. Les progrès Hémiplégie cérébrale infantile congénitale
sont souvent dissociés et l’acquisition d’un déplacement avec ou
L’hémiplégie cérébrale infantile congénitale est une atteinte
sans aide de marche n’est pas parallèle à l’amélioration des
qui se révèle après un intervalle considéré classiquement comme
coordinations manuelles complexes comme l’écriture, le dessin.
libre : pas de notion de problèmes pendant la grossesse ni à
Le contraire se vérifie ; des sujets confinés au fauteuil roulant
l’accouchement qui a eu lieu à terme dans la majorité des cas.
peuvent assimiler l’usage de moyens alternatifs à la communi-
Les examens comme le scanner ou l’imagerie par résonance
cation : commande électronique, ordinateurs, synthèse vocale
magnétique (IRM) (Fig. 6) mettent en évidence des lésions
sophistiquée.
souvent impressionnantes constituées à bas bruit.
Le diagnostic se fait au moment où l’enfant commence à
Grands syndromes manipuler et met en défaut un côté de son corps. Parfois le
diagnostic est tardif, à l’âge habituel de la marche, entre 10 et
Maladie de Little 18 mois, sur le constat qu’un pied se met en équin ! En fait, un
La maladie de Little est la complication des anciens préma- interrogatoire rigoureux retrouve des signes d’appel en compa-
turés qui n’échappent pas à la leucomalacie intraventriculaire rant les deux côtés. Du côté « hémiplégié », le nourrisson ne sait
cavitaire (Fig. 5). Elle est composée d’une atteinte diplégique, pas pousser son bras dans la manche, a ses orteils en griffes. Les
spastique d’intensité variable qui entraîne une extension forte troubles de la main sont moteurs et gnosiques, un tiers des
des membres inférieurs, avec équinisme et adduction des cuisses mains paralysées seulement fournit une assistance à la main
réalisant une attitude en ciseaux. valide. L’atteinte de la main droite est plus handicapante dans
La déambulation est possible vers 3 ans dans les formes la vie d’adulte. Une hémianopsie latérale homonyme est à
moyennes. Les complications articulaires sur les hanches sont chercher dès que possible. L’épilepsie lésionnelle est fréquente.
fréquentes si les mesures préventives ne sont pas suivies avec L’atteinte du langage dans les hémiplégies droites est rare.
régularité. L’âge auquel on doit donner des aides de marche se Contrairement à ce que pourrait laisser espérer l’acquisition

4 Traité de Médecine Akos


Infirmité motrice cérébrale ¶ 8-0781

du geste. Ils s’impriment sur le mouvement organisé en le


parasitant. Le sommeil les arrête. Ils peuvent être en partie
réduits par maîtrise personnelle et anticipation et mieux avec
l’aide de médicaments de type acide gamma-aminobutyrique
(GABA)-ergique. Ils peuvent au contraire être d’une telle
violence qu’ils induisent rapidement des attitudes vicieuses et
douloureuses sur l’axe rachidien cervical. L’atteinte de la sphère
buccofaciale gêne l’alimentation et la déglutition, devenant
parfois un handicap majeur, responsable de fausse route
trachéale si la technique d’alimentation n’est pas adéquate. La
dysarthrie est fréquente, pouvant aller jusqu’à l’impossibilité
d’une parole intelligible mais laisser intacte l’évolution du
langage intérieur et permettre l’apprentissage de la lecture. Les
patients atteints d’athétose peuvent garder des capacités
mentales élevées si les lésions restent localisées aux noyaux gris
centraux. Ils sont capables d’assimiler l’usage d’aides à la
communication et de suivre des scolarités longues.

Formes mixtes
Elles dénoncent la variété des tableaux cliniques qui ne
peuvent recevoir d’étiquettes précises. Il est clair qu’il est
préférable d’en analyser les multiples facettes plutôt que d’en
rester à des appellations vagues, comme tétraplégies pyramidales
ou spastiques ou dystoniques, etc.

Formes graves
Figure 6. Imagerie par résonance magnétique (IRM) montrant une
fente schizencéphalique chez un enfant porteur d’hémiplégie cérébrale Les formes graves touchant l’axe corporel et les membres
infantile. supérieurs requièrent une tierce personne à vie.

Diagnostic différentiel
Les maladies périphériques ne posent pas de vrais problèmes ;
les atteintes du plexus brachial font parfois évoquer une
hémiparésie mais un examen correct rectifie la première
orientation.
Les atteintes médullaires hautes par malformations de la
charnière peuvent faire hésiter mais l’anamnèse a des spécifici-
tés et les radiographies du rachis cervical sont évocatrices.
Plus difficile est le diagnostic de maladies qui ont des signes
neuromoteurs en commun avec la pathologie congénitale de
l’IMC/IMOC et qui n’auront que secondairement des signes
caractéristiques. Parmi les maladies génétiques, on distingue la
maladie de Lesch-Nyhan dont les signes n’apparaissent pas
avant la fin de la première année. L’acidurie glutarique provo-
que une athétose après les épisodes convulsifs qui ouvrent
l’enquête du diagnostic, l’ataxie-téléangiectasie donne un
syndrome cérébelleux. La liste n’est pas close, il existe des
maladies neurodégénératives pas toujours étiquetées, à évolu-
tion lente, qui, au début, peuvent en imposer pour une paraly-
sie cérébrale.
Les malformations du cerveau ou du cervelet peuvent déter-
miner une souffrance néonatale car le nouveau-né n’est pas apte
à suivre la progression de l’accouchement, seuls les examens
radiologiques feront la certitude de la cause.
Il existe des cas douteux où la diplégie qui ressemble à la
maladie de Little est en fait une paraplégie génétique liée à l’X
chez un enfant né en avance et qui fait évoquer les séquelles
d’une « vraie » prématurité.
Les pièges existent, il est important de bien mener l’entretien
Figure 7. Imagerie par résonance magnétique (IRM) montrant une avec les familles et de recourir si nécessaire à des examens
nécrose bilatérale des noyaux gris centraux chez un enfant ayant souffert complémentaires pour être sûr du diagnostic et mener des
d’une anoxie néonatale à terme et porteur d’une athétose. actions de prévention si besoin.

assez rapide de la marche, l’évolution psychique et/ou mentale ■ Recherche des potentiels
des hémiplégiques n’est pas simple, [13] ainsi que leur intégra-
tion dans le tissu social.
de l’enfant infirme
C’est l’autre versant de l’évaluation, après le diagnostic des
Athétose déficits. Les lésions cérébrales ne touchent pas de la même
L’athétose est liée à une atteinte de la substance grise centrale manière tous les domaines des fonctions supérieures. C’est leur
(Fig. 7) qui se manifeste par des mouvements involontaires des extension cérébrale qui détermine les troubles associés et non
extrémités accompagnés de mouvements de torsion de la tête et pas l’intensité du déficit moteur. L’athétose postictère nucléaire,
du cou. Leur répartition est variable, diffuse le plus souvent, leur avant qu’on en connaisse le traitement préventif et curatif, en
intensité augmente avec les facteurs de stress et la complexité était l’exemple type.

Traité de Médecine Akos 5


8-0781 ¶ Infirmité motrice cérébrale

“ Point important “ Point important


Il ne faut pas se fier aux apparences physiques et savoir Solliciter la collaboration des parents ne signifie pas en
dégager les éléments positifs sur lesquels vont s’appuyer la faire les thérapeutes de leur enfant.
rééducation, la motivation personnelle et entretenue en
famille, les ressources du langage intérieur, la
représentativité de la performance à réaliser et
L’éducation thérapeutique trouve son prolongement par
l’intelligence du corps en mouvement.
l’intégration de l’enfant dans le tissu social lors d’une entrée en
crèche, à l’école maternelle puis à l’école primaire ordinaire ou
dans des classes spécialisées si nécessaire.

La marche n’est pas entièrement récupérable par les actions Développement psychomoteur et éducation
venues de l’extérieur comme celles menées en rééducation,
même la mieux adaptée aux besoins. Les récupérations se thérapeutique de la motricité
produisent dans un laps de temps déterminé, en gros de 2 à L’acquisition de la station assise puis de la marche nécessite
6 ans, [14] pas au-delà excepté pour les formes à note cérébel- non seulement un savoir-faire acquis par l’expérience que
leuse. Cette horloge biologique doit être retenue dans les projets favorise l’éducation psychomotrice, mais encore de disposer
thérapeutiques. La surenchère est toujours possible, les métho- d’un ensemble de réponses motrices automatiquement régulées
des miracles se heurtent aux mêmes restrictions, quoi qu’on en et disponibles. Ces conduites motrices automatiques s’intègrent
dise. dans l’exécution des gestes. Elles sont innées et ne disparaissent
Enfin et c’est le principal, devant nous, il y a un enfant IMC pas avec l’âge. Les automatismes innés [16] sont toujours plus ou
ou IMOC qui reçoit des soins mais qui possède en lui, intuiti- moins atteints dans l’infirmité motrice cérébrale et l’objectif de
vement, une certaine connaissance de ses possibilités de l’éducation thérapeutique est de les développer en corrigeant
réadaptation. À nous, soignants, de trouver les moyens de les leurs schèmes anormaux et de permettre leur intégration dans
mettre en valeur avec justesse sans faire croire à l’inaccessible, les programmes d’activités motrices volontaires et
afin d’accompagner les parents et de ménager un avenir fonctionnelles.
possible au futur adulte qui est devant nous. Les techniques manuelles utilisées pour provoquer ces
réactions motrices automatiques et juger de leur validité au
moment de l’examen prennent place parmi un ensemble de
■ Rééducation motrice du jeune techniques que doit maîtriser le rééducateur.
enfant infirme moteur cérébral
Étapes en éducation thérapeutique
La rééducation motrice précoce du jeune enfant IMC, [15]
qu’il est juste d’appeler éducation thérapeutique, prend son sens Correction des postures
et apporte une aide aux enfants infirmes moteurs cérébraux et Les postures anormales (pathologiques) plus ou moins
d’une certaine manière un soutien à leurs parents par la qualité marquées au niveau des membres et des ceintures en particulier
des techniques employées et adaptées pour chaque enfant, mais au niveau des épaules, voire sur l’axe du corps, observées en
aussi au prix d’une étroite collaboration et d’une concertation décubitus, s’accentuent en position érigée. Le jeune enfant n’en
prolongée entre le médecin et les rééducateurs. a pas conscience et ses efforts dans le mouvement tendent à les
Elle se donne pour objectifs : renforcer. Leur image s’insère dans sa mémoire si on ne lui
• de développer les potentialités motrices et fonctionnelles de propose pas d’autres expériences motrices par l’éducation
chaque enfant en ce qui concerne la locomotion, les activités thérapeutique.
manuelles et la motricité buccofaciale quel que soit le degré Pour cela, le rééducateur utilise des manœuvres de décontrac-
des atteintes, dans une perspective dynamique faite de plaisir tion (indolores et source de confort) et corrige les postures
et de joie de vivre où la médiation du jeu et les activités anormales puis, par le biais des automatismes disponibles, il
partagées avec d’autres enfants tiennent une large place ; crée des situations actives que l’enfant apprend à poursuivre et
• de rechercher, si besoin en est, des installations adaptées et à répéter par la commande volontaire. Le choix des automatis-
des aides techniques pour permettre à l’enfant d’atteindre les mes varie en fonction de l’activité fonctionnelle proposée.
meilleurs niveaux fonctionnels correspondant à son âge Dans les cas où les contractions pathologiques sont intenses,
mental ; les manœuvres de décontraction facilitent le maniement de
• de prévenir et traiter les troubles orthopédiques dont l’enfant l’enfant pour l’habillage, l’installation dans une chaise ou dans
est d’autant plus menacé que ses troubles neurologiques sont un fauteuil, par exemple.
importants ; Indiquons au passage l’intérêt de ces manœuvres dans
• soutenir les parents en les conseillant dans l’éducation de leur l’examen clinique, en particulier pour faire la part entre les
enfant et en les aidant à découvrir ses possibilités existantes. contractions s’opposant aux mobilisations passives et la dimi-
En leur enseignant les gestes qui facilitent les activités de la nution de longueur des muscles qui gênent ou limitent les
vie quotidienne et prolongent l’éducation thérapeutique. amplitudes, car ces techniques de décontraction produisent le
Gestes adaptés pour les déplacements, l’habillage et la toilette, même effet quelle que soit la nature des contractions.
l’alimentation. Cet enseignement n’a pas pour objectif de
faire des parents les thérapeutes de leurs propres enfants, mais Automatismes disponibles
de les associer aux actions éducatives et thérapeutiques
entreprises. Automatismes antigravitaires
L’éducation thérapeutique trouve son prolongement par On distingue :
l’intégration de l’enfant dans le tissu social lors d’une entrée en • les automatismes de soutien : exemple en position accroupie
crèche, à l’école maternelle puis à l’école primaire ordinaire ou (Fig. 8) ;
dans des classes plus spécialisées si nécessaire. • les automatismes de maintien : exemple : provoquer et
C’est aussi, pour le rééducateur, le moment venu, de partici- entretenir le maintien de l’axe du corps et de la tête (Fig. 9) ;
per à l’information sur leurs droits, de faciliter leurs rencontres • les automatismes de redressement : exemple : le redressement
avec d’autres parents confrontés aux mêmes difficultés regrou- de la position couchée sur le dos à la position assise en
pés en associations locales ou régionales. passant par l’appui sur un coude (Fig. 10) ;

6 Traité de Médecine Akos


Infirmité motrice cérébrale ¶ 8-0781

Figure 10. Réaction de redressement latéral en partant de la position


couchée sur le dos.

Figure 8. Réaction de soutien automatique et innée à la mise en charge


en position accroupie.

Figure 11. Stimulation du soutien et des réactions d’équilibration sur


rouleau.

Figure 9. Redressement et maintien de la tête renforcé par des pressions


exercées à hauteur du sternum conjuguées avec des stimulations visuelles.

• les automatismes d’équilibration : exemple : les incurvations


compensatrices de l’axe du corps associées aux réponses des
membres inférieurs (Fig. 11).
Automatismes de locomotion
On distingue :
• la marche, le déroulement se produit selon un enchaînement Figure 12. Réaction automatique de retournement.
de réponses programmées qu’il est possible de provoquer tout
en sollicitant la participation active de l’enfant ;
• le retournement du dos sur le ventre ou du ventre sur le dos qui Ces réactions automatiques ont pour intérêt de donner à
est provoqué puis guidé par des stimulations effectuées soit l’enfant des expériences motrices, pour qu’il puisse les mémori-
au niveau des membres inférieurs, soit au niveau de la tête et ser au fil des répétitions puis y participer activement. Le
des membres supérieurs (Fig. 12) ; rééducateur veille toujours à donner à ces mouvements actifs un
• la reptation. but fonctionnel motivant pour l’enfant.

Traité de Médecine Akos 7


8-0781 ¶ Infirmité motrice cérébrale

Niveaux d’évolution motrice Prévenir la diminution des possibilités d’allongement


des muscles (brièveté musculaire)
L’enfant valide apprend le plus souvent par lui-même à se
mouvoir sur le sol en se retournant ou en rampant puis à passer En termes généraux, les contractions pathologiques limitent
à genoux et, assis sur ses talons, à progresser à quatre pattes et l’amplitude des mouvements effectués par les enfants IMC. Les
enfin à marcher. Les enchaînements nécessaires aux passages muscles les plus contractés sont maintenus dans des positions
d’un stade au suivant ont été étudiés et appelés niveaux de raccourcissement souvent prolongées. En raison de ces deux
d’évolution motrice (NEM). Ils représentent le fil conducteur facteurs et du pouvoir naturel d’adaptation des muscles à une
dans l’éducation thérapeutique de la locomotion. longueur imposée, ils perdent progressivement et précocement
Toutefois, la progression dans les enchaînements de NEM de leur possibilité d’allongement (modifications du tissu
n’est pas toujours suivie rigoureusement avec les enfants IMC conjonctif et diminution du nombre de sarcomères). Ainsi, le
en raison de la diversité de leurs troubles et de la topographie décalage entre la longueur des muscles et celle des os augmente.
de ceux-ci, en sachant aussi que les acquisitions fonctionnelles Une surveillance s’impose par une évaluation des longueurs
se font aussi au rythme du développement cognitif. musculaires faite par le rééducateur à intervalles réguliers, en
Si toute activité motrice génère des informations propriocep- particulier des triceps suraux, des adducteurs, des ischiojambiers
tives et extéroceptives associées aux informations visuelles et et du droit interne, ainsi que des pronateurs aux membres
auditives issues du milieu extérieur, leur mémorisation et leur supérieurs. Ce sont souvent les premiers muscles à perdre de
mise en jeu dépendent autant de l’âge mental de l’enfant et de leur longueur.
son pouvoir de mémorisation que de ses capacités cérébromo- Le traitement préventif de ces « rétractions » consiste :
trices potentielles. • à développer les mouvements sur des amplitudes maximales ;
Ainsi, l’éducation thérapeutique contribue progressivement à • à maintenir les muscles en position d’allongement non
l’élaboration d’un stock de practognosies et de praxies enrichis- douloureuse un temps suffisamment long sur 24 heures. Le
maintien en position d’allongement se fait au moyen de
sant la représentation des gestes à accomplir selon les rencon-
gouttières moulées réalisées en plâtre, en résine ou en toute
tres avec le milieu extérieur.
autre matière plastique.
Ces observations sont valables pour tous types d’apprentissa-
Ce traitement préventif demande une participation de
ges fonctionnels, de la locomotion aux activités manuelles en
parents et des éducateurs auxquels on montre comment procé-
passant par l’habillage et le déshabillage, la tenue à table, les
der pour la mise en place des gouttières, si l’enfant est au jardin
jeux, la propreté, l’alimentation et la parole.
d’enfants ou à l’école.
Activités manuelles
Allongement des triceps par plâtres circulaires successifs
L’implication des membres supérieurs dans les retournements, Les triceps, en particulier les soléaires, s’allongent en se
les appuis sur le sol et les redressements laissent le choix à restructurant s’ils sont maintenus en position allongée durant
l’utilisation de nombreux automatismes innés. au moins 8 jours par des bottes plâtrées permettant la marche
Libre de ses membres supérieurs, l’enfant apprend à ouvrir la lorsqu’elle est possible. Le gain est en moyenne de 20° pour
main durant le transport de celle-ci vers la cible, à s’adapter deux bottes successives. Une gouttière maintenant le pied fléchi
rapidement à la forme de l’objet, à apprendre à utiliser les à au moins 20°, associée à une rééducation appropriée, permet
différentes manières de saisir et de manipuler, à connaître la de conserver le gain un long moment ou de manière définitive.
matière dont sont faits les objets manipulés de même que leur
forme sans contrôle visuel. C’est pourquoi l’éducation des
gnosies tactiles tient une place importante dans les jeux, en
sachant que cette éducation contribue en outre au développe-
ment de la spatialisation. “ Point important
En toutes circonstances, on doit veiller aux positions permises
par des installations nécessitant des adaptations particulières La prévention précoce de la diminution de longueur du
lorsque les atteintes motrices sont très importantes. Un ameu- triceps évite la déformation du pied en éversion (valgus
blement constitué d’une table avec un plateau évidé, réglable en abductus).
hauteur et en inclinaison, d’une chaise ou d’un siège moulé,
facilite les activités manuelles en position assise.
Une attention particulière doit être accordée aux enfants atteints Maintien des possibilités d’allongement des adducteurs
d’hémiplégie parce que l’entourage familial a toujours tendance et des ischiojambiers
à exiger de l’enfant qu’il se serve autant de la main atteinte que
de la main valide. Il en est trop souvent de même de la part des Des gouttières pelvijambières moulées permettent de réaliser
rééducateurs kinésithérapeutes et ergothérapeutes et des méde- un maintien de ces muscles en position allongée durant 1 ou
cins parfois. Est-il nécessaire de rappeler que, pour l’enfant, 2 heures par jour d’une manière fractionnée et en situation
devoir se soumettre à l’obligation de se servir d’un mauvais d’activité manuelle et de mise en charge (Fig. 13).
outil quand on dispose d’un autre outil fiable et précis n’est pas Le port de telles gouttières de nuit n’est envisagé que dans
sans conséquences psychologiques ? des circonstances particulières.
Nous avons à lui apprendre à se servir de « la mauvaise Allongements chirurgicaux par ténotomie a minima
main » comme d’une bonne main assistante. Ce sont donc des
activités bimanuelles qu’il y a lieu de lui proposer. De plus, si Si des diminutions de longueurs musculaires surviennent
la motricité d’exécution est plus ou moins diminuée, il existe malgré les traitements préventifs suivis, et qu’il est constaté par
fréquemment des troubles perceptifs et gnosiques conduisant à exemple une insuffisance de longueur gênant l’acquisition de la
une utilisation nécessairement limitée de la main atteinte. marche ou menaçante pour l’évolution des hanches, des
Une progression sur plusieurs années est à prévoir pour ces ténotomies a minima peuvent être envisagées.
enfants tout en maintenant leur motivation dans une ambiance Le recours à des allongements manuels forcés et douloureux
ludique. Un matériel très varié où les rouleaux, les gros ballons des muscles est déconseillé car les gains sont faibles en regard
et les bâtons de dimensions, de diamètres, de poids variés et des inconvénients évidents et du temps passé au détriment
décorés peuvent tenir une place de choix. d’autres activités.
Prévenir les dysplasies des hanches et l’excentration des têtes
Prévention orthopédique fémorales
Si les progrès fonctionnels entrevus jusqu’ici demeurent des L’emploi de gouttières pelvijambières moulées offre un
objectifs majeurs, la prévention des troubles orthopédiques doit second avantage, celui de placer l’enfant en charge et de
être abordée très précocement pour les raisons suivantes. recentrer les têtes fémorales dans une situation active favorisant

8 Traité de Médecine Akos


Infirmité motrice cérébrale ¶ 8-0781

Figure 14. Enfant infirme moteur cérébral (IMC) placé en position


assise en bord de table.

Figure 13. Gouttière moulée destinée à recentrer les têtes fémorales et


à maintenir les adducteurs en position d’allongement.

le développement des éléments ostéoarticulaires. De préventif,


ce traitement peut devenir curatif en réduisant l’excentration de
la tête fémorale et la dysplasie cotyloïdienne (Fig. 13).
Le choix d’une position inclinée en avant ou en arrière peut
se poser selon les capacités de l’enfant à maintenir la tête et
l’axe du corps.
Danger des postures pathologiques asymétriques
L’asymétrie de l’atteinte des membres inférieurs induit une
posture asymétrique homolatérale.
De telles postures ont une incidence directe et précoce sur la
croissance ostéoarticulaire de la hanche du côté apparemment
plus court. En même temps que des diminutions de longueurs
des muscles, les dysplasies et l’excentration de la tête fémorale
du même côté sont probables. Des évaluations cliniques et
radiologiques minutieuses et régulières accompagnées d’une
situation rééducative appropriée visant à réduire l’asymétrie sont
nécessaires. Toutefois dans les atteintes importantes, la situation
de rééducation peut être considérée comme « dépassée » dès que
l’excentration augmente et que la longueur des muscles dimi-
nue régulièrement.
Figure 15. Moulage réalisé en plâtre en position à quatre pattes.

Il s’agit de corriger la posture qui porte le bassin en rétrover-


sion pour éviter l’attitude cyphotique et permettre le redresse-
“ Point important ment de l’axe du corps. Le siège moulé assure également le
centrage des hanches tout en permettant une station assise
équlibrée, ce qui facilite l’usage des mains (Fig. 16).
L’asymétrie des contractions des muscles des hanches Dans les cas d’insuffisance importante des réactions antigra-
constitue une menace à terme de dysplasie de la hanche vitaires de maintien, c’est-à-dire lorsque l’enfant s’infléchit vers
du côté le plus atteint et d’excentration de la tête l’avant après un redressement volontaire de courte durée, un
fémorale. siège moulé muni d’un dossier haut et d’un appui-nuque est
indiqué. Ce siège doit être inclinable vers l’arrière et muni d’un
appui pour la nuque pour permettre à l’enfant de diriger son
regard à l’horizontale, ainsi que de déglutir dans une position
Autres dispositions préventives favorable (Fig. 17, 18).
Position assise Position assise sur le sol
Les postures pathologiques sont à l’origine de positions En position assise sur les fesses, l’enfant IMC ne peut éviter
assises incorrectes et instables (Fig. 14). La correction de la d’avoir le bassin rétroversé. Il compense alors le risque de chute
position assise est obtenue au moyen de sièges moulés (Fig. 15). en arrière par une attitude cyphotique compensatrice.

Traité de Médecine Akos 9


8-0781 ¶ Infirmité motrice cérébrale

Figure 18. Le siège apporte une correction posturale et une décontrac-


tion globale.

Figure 16. Le moulage est utilisé comme siège. Il permet une correc-
tion de la posture, assure l’équilibre et le centrage des hanches.

Figure 19. Enfant infirme moteur cérébral (IMC) assise sur le sol.

• distension de la capsule articulaire de la hanche due à


l’excentration de la tête fémorale en arrière et en dehors.
Cette position en W est affectionnée des enfants. En échange,
Figure 17. Siège moulé avec dossier et appui pour la nuque.
on doit leur proposer d’autres positions où ils pourront conti-
nuer de jouer assis, à cheval, ou debout.
En revanche, la position assise en tailleur recentre les han-
Dans la position assise en tailleur, la rétroversion pelvienne ches, seulement les jeunes enfants n’y demeurent que peu de
est plus aisément corrigée et le tronc se redresse dès qu’on temps.
assied l’enfant sur un siège découpé dans de la mousse dense Un autre moyen peut être utilisé pour permettre les déplace-
(Fig. 19). Ce siège surélève le bassin et facilite l’équilibre par sa ments en quadrupédie. Il s’agit du « trotte-lapin ». [17]
forme moulée sur les fesses et les cuisses (Fig. 20). Ce vocable désigne un système très léger réalisé par le décou-
page d’une pièce de mousse (Fig. 22, 23). Il permet de pro-
Position à genoux
téger les hanches des enfants sans entraver les déplacements à
La position à genoux et assise entre les talons doit être quatre pattes entrecoupés de station assise. Il n’interdit pas
proscrite. de se mettre debout et de marcher en poussant un déam-
Cette position (Fig. 21) est à proscrire parce qu’elle est à bulateur.
l’origine de déformations souvent irréversibles des hanches et
Prévention et correction des pieds
des genoux. Elle n’est d’ailleurs pas sans conséquences chez les
enfants valides. Cette position entraîne à court terme : Le processus de déformation des pieds n’est pas celui du
• distension des ligaments des genoux par la rotation forcée des « pied plat essentiel » rencontré chez l’enfant valide. Il s’agit
tibias en dehors ou en dedans ; d’un pied éversé (plat-valgus). Le plus souvent, il est la

10 Traité de Médecine Akos


Infirmité motrice cérébrale ¶ 8-0781

Figure 22. Système « trotte-lapin » découpé aux mesures de l’enfant.

Figure 20. Correction de la posture par la position assise en tailleur sur


un siège de mousse découpé selon la morphologie de l’enfant.

Figure 23. Les hanches et les genoux sont protégés dans la station
assise et durant les déplacements en quadrupédie.

“ Conduite à tenir
La prévention des troubles orthopédiques des hanches et
des genoux consiste à :
• interdire la position à genoux et assise entre les talons ;
• favoriser la position assise en tailleur ;
• favoriser la position assise sur un rouleau ou sur une
selle, les hanches fléchies à 60° avec l’usage de siège
moulé, à maintenir les deux cuisses écartées d’au moins
25° et plus selon les nécessités.

Il faut donc veiller à maintenir une longueur suffisante des


Figure 21. Position en W à proscrire. triceps avant d’entreprendre des exercices de rééducation et
pour permettre l’appui sur les talons. Il faut très souvent
conséquence de la diminution des possibilités d’allongement du corriger l’éversion du pied au moyen de semelles orthopédiques
triceps qui conduit l’enfant à porter le pied en éversion pour moulées (Fig. 24) introduites dans des chaussures de série dite
conserver l’appui du talon sur le sol. thérapeutique dès que l’enfant commence à prendre appui sur

Traité de Médecine Akos 11


8-0781 ¶ Infirmité motrice cérébrale

Les troubles moteurs se traduisent selon les cas par :


• la protrusion de la langue associée à un abaissement exagéré
de la mâchoire ;
• une ouverture insuffisante de la bouche et des mouvements
antéropostérieurs et latéraux limités de la langue ;
• une insuffisance de serrage des lèvres associée à l’insuffisance
d’efficacité de la tétée ;
• le serrage exagéré des gencives puis des dents au simple
contact de la langue, entraînant fréquemment des morsures ;
• une asynchronisation du péristaltisme lingual et des autres
muscles associés dans le temps buccal et pharyngien rendant
la déglutition peu efficace, ce qui conduit à des fausses routes
par encombrement, révélées par la toux, ou des fausses routes
silencieuses. Il peut s’ensuivre aussi des fausses routes
trachéales directes révélées également par la toux ou silen-
cieuses, ou sous formes asphyxiques en dépit d’un réflexe de
Figure 24. Semelle moulée en élastomère.
déglutition normal.
Ces troubles sont généralement majorés par les contractions
siégeant sur l’ensemble du corps qui semblent envahir la
motricité buccofaciale. Les contractions des muscles du cou et
des épaules portent la tête à la fois en extension et en attitude
de cervidé. Cette posture rend la déglutition difficile et, à elle
seule, elle peut être la cause principale des fausses routes.

Éducation thérapeutique des troubles


de l’alimentation
Il est souhaitable de la commencer avec prudence en ce qui
concerne l’entourage familial. La démarche peut être par elle-
même la révélation de troubles jusque-là ignorés, si ce n’est la
longueur des biberons ou des repas.
On procède par des conseils associés à quelques explications
simples.
Une évaluation clinique permet d’identifier les troubles, leur
importance et leurs conséquences fonctionnelles.
Le contrôle des contractions siégeant sur l’axe du corps, dont
le cou et les membres, s’opère par une mise en position fléchie
où la tête fait un angle de 30° à 40° avec le tronc. Cette position
peut être maintenue sur les genoux de l’adulte ou dans un siège
adapté.
Les aliments sont présentés par en bas pour éviter l’extension
active du cou. Les Figures 26 à 31, indiquent les erreurs
communes à ne pas commettre en regard d’une bonne manière
de faire :
La tenue de la cuillère et du verre revêt une certaine impor-
tance :
• présenter la cuillère en évitant de vider celle-ci au contact des
gencives et des dents. Le serrage des lèvres pour la saisie de
l’aliment est facilité par un contact du dos de la cuillère sur
Figure 25. Chaussures sur mesure. la partie médiane de la langue ;
• montrer aux parents comment la protrusion de la langue
les pieds, puis un peu plus tard dans des chaussures orthopédi- peut être aisément contrôlée à l’aide de la cuillère en exerçant
ques souples avec une large semelle (Fig. 25). une pression mesurée sur la partie médiane. Éviter d’enduire
le dos de la cuillère avec l’aliment, ce qui incite l’enfant à la
lécher ;

“ Point important
• présenter le verre par en bas sans verser le liquide dans la
bouche et sans introduire le bord du verre entre les gencives
ou les dents. Favoriser l’aspiration du liquide en aidant les
L’éducation thérapeutique précoce doit représenter pour lèvres à prendre contact sur le bord du verre. Tout enfant
l’enfant des situations ludiques où ses efforts sont à la capable d’effectuer des mouvements de succion peut être
hauteur de ses motivations. éduqué à aspirer et boire au verre ;
• développer la mastication et le plaisir de mastiquer en
stimulant les mouvements latéraux de la langue avec le doigt
ou un morceau de pain très ferme maintenu solidement pour
Motricité buccofaciale. Déglutition. éviter tout danger. Ces stimulations peuvent être pratiquées
Alimentation durant quelques minutes en dehors des repas jusqu’à ce que
Les troubles moteurs peuvent affecter la motricité buccofa- l’enfant mastique véritablement.
ciale et entraîner des difficultés fonctionnelles d’alimentation, La réorganisation de la motricité buccofaciale au cours de
de déglutition, des troubles articulatoires et certaines formes de l’alimentation conduit progressivement à certaines formes
bavage. [18] d’apprentissages du contrôle du bavage, puis à l’organisation

12 Traité de Médecine Akos


Infirmité motrice cérébrale ¶ 8-0781

Figure 26. Mauvaise position de la tête et introduction d’une trop Figure 28. Technique manuelle incorrecte.
grande cuillère.

Figure 27. Technique manuelle correcte.


Figure 29. Posture correcte et bonne présentation du verre.

articulatoire, l’acquisition de phonèmes de mots et de phrases


en orthophonie. C’est aussi l’occasion de donner des conseils
d’hygiène buccodentaires appropriés. Infirmités motrices d’origine cérébrale
Différents troubles associés à l’infirmité motrice
cérébrale

“ Point important Les « troubles associés » regroupent les manifestations se


surajoutant au handicap moteur et caractérisant la pathologie
de l’IMC, au même titre que le trouble neuromoteur.
L’éducation thérapeutique précoce de la motricité Les conséquences de l’histoire médicale du sujet s’étendent
buccofaciale facilite l’alimentation, la déglutition, au-delà de l’atteinte motrice : le petit prématuré a pu souffrir de
l’hygiène dentaire et les capacités articulatoires. maladie des membranes hyalines et garder une bronchodyspla-
sie, l’enfant au cerveau lésé peut souffrir d’épilepsie.

Traité de Médecine Akos 13


8-0781 ¶ Infirmité motrice cérébrale

abdominaux transverses, prise d’un verre d’eau bien fraîche


au lever, installation correcte sur les toilettes permettant de
détendre le périnée ;
• le retard staturopondéral peut être la conséquence directe du
petit poids de naissance. Il s’agit plus exactement d’un
ralentissement de la vitesse de croissance dont le mécanisme
physiopathologique principalement évoqué est une sous-
nutrition. [20] La pratique d’une gastrostomie avant l’âge de
2 ans peut corriger ce retard de croissance. D’autres hypothè-
ses sont avancées : des troubles de la croissance d’origine
neurotrophique, une absence d’activité physique. Le traite-
ment par hormones de croissance pourra être discuté. Il reste
contesté chez l’IMC car il existe un risque d’aggravation des
déformations osseuses. Les carences en hormones de crois-
sance, mises en évidence, pourraient être secondaires et
s’apparenter au nanisme d’origine psychosociale ;
• le retard pondéral peut aussi être secondaire à des troubles de
la déglutition ou à une consommation énergétique accrue par
les mouvements anormaux (athétose). Les carences alimen-
taires doivent être prévenues. Une adaptation du régime
alimentaire peut suffire à réajuster l’équilibre. Parfois, une
gastrostomie est nécessaire.
A contrario, c’est le surpoids qui guette l’enfant quadriplégi-
Figure 30. Mode d’alimentation incorrect. que ou diplégique au moment de la puberté. Sa consommation
énergétique est globalement plus faible que celle du sujet
normal, du fait de la diminution de l’exercice physique.
Troubles du sommeil. Ils sont souvent bien difficiles à
élucider.
On retient des causes organiques aux troubles du sommeil
telle l’hypoxie nocturne, la douleur ou des causes comporte-
mentales telles les difficultés de séparation parent/enfant ou la
difficulté dans l’installation de l’enfant. Les troubles du sommeil
constituent un fait majeur pourvoyeur de dérèglement de la vie
familiale et doivent être dépistés au plus tôt. Si des anomalies
du cycle veille/sommeil d’origine neurologique sont détectées
(pointes ondes continues du sommeil, dysrégulation dans la
sécrétion de mélatonine), cela évoque des syndromes neurolo-
giques qui remettent en cause le diagnostic d’IMC.
Troubles respiratoires. Ils peuvent être la conséquence d’une
maladie des membranes hyalines chez l’ancien prématuré
(bronchodysplasie). Ils peuvent être la traduction de fausses
routes. Certains enfants peuvent aussi avoir du mal à expecto-
rer. La prévention passe par la recherche et la prise en charge
des troubles de l’alimentation, la kinésithérapie respiratoire, les
traitements stimulants de l’immunité et la vaccination antigrip-
pale systématique. La prescription de fluidifiants est contre-
indiquée chez ces enfants car elle aggrave le risque de fausses
routes. La prescription d’une kinésithérapie respiratoire doit
rester circonscrite aux épisodes infectieux reconnus car les
manœuvres peuvent aggraver un reflux gastro-œsophagien ou
Figure 31. Bonne position et technique manuelle correcte. une irritation broncholaryngée et empêcher la maîtrise du cercle
vicieux irritation/inflammation/encombrement.
Épilepsie. Elle est relativement rare chez l’ancien prématuré
L’atteinte motrice peut retentir sur d’autres appareils que dont l’atteinte touche essentiellement la substance blanche. Elle
l’appareil locomoteur : la fonction buccofaciale peut être peut apparaître dans l’évolution d’une hémiplégie cérébrale
entravée, la fonction respiratoire peut être gênée. infantile ou des lésions corticales d’origine vasculaire comme le
L’infirmité motrice cérébrale trouve son origine dans une syndrome transfuseur-transfusé. Chez le nourrisson, son expres-
lésion du cerveau. Même si l’atteinte motrice reste la plus sion clinique est celle de spasmes en flexion ; plus tard, chez
visible, des troubles neurologiques liés à l’extension de la lésion l’enfant d’âge scolaire, des crises partielles (motrices ou cogniti-
au-delà des zones de la motricité restent très fréquents et sont ves), ou des crises généralisées peuvent se manifester. Leur
en particulier responsables des troubles des fonctions cognitives. apparition n’aggrave pas le handicap moteur mais peut entraî-
Nous allons détailler successivement ces trois catégories de ner une stagnation des acquisitions scolaires. Après une pre-
troubles associés. mière crise, un traitement antiépileptique est nécessaire sur ce
cerveau lésé. Sa suspension peut être tentée après deux ans
Conséquences de l’histoire médicale passés sans crise mais est le plus souvent nécessaire sur le long
Troubles digestifs. Ils sont fréquents. On distingue : terme.
• le reflux gastro-œsophagien. Il peut être la conséquence d’une Phénomènes douloureux. Les causes somatiques au mal-
déformation rachidienne, d’une anomalie de contraction ou être corporel de l’IMC sont nombreuses et fréquemment
de relaxation du sphincter œsophagien. Ce trouble peut, à lui rencontrées (Tableau 1). La phase primordiale est de les recon-
seul, entraîner des fausses routes. Outre le traitement médical, naître, à partir de signes comme une modification du compor-
la station assise prolongée après les repas s’impose ; [19] tement, un accroissement des raideurs ou la perte d’aptitudes
• la constipation est liée à l’immobilisation. Elle aggrave le motrices. L’échelle de San Salvadour permet de se reporter à des
reflux gastro-œsophagien, exacerbe la spasticité et l’inconfort critères cliniques qui conforteront cette hypothèse
du sujet. Des moyens simples peuvent y remédier : massages diagnostique. [21]

14 Traité de Médecine Akos


Infirmité motrice cérébrale ¶ 8-0781

Tableau 1. Tableau 4.
Causes de phénomène douloureux chez l’infirme moteur cérébral. Causes de fausses routes chez l’infirme moteur cérébral.
Contractions prolongées – Positionnement de la nuque en hyperextension
Neuropathie par compression nerveuse liée à l’immobilisation – Absence de fermeture labiale (cocontractions buccofaciales, tonus trop
Reflux gastro-œsophagien faible du sphincter labial, trouble de l’articulation temporomandibu-
laire, rétraction de la lèvre supérieure)
Constipation
– Cocontractions avec protraction linguale
Gingivite, stomatite, otite, sinusite d’allure chronique
– Fatigue ou trouble de la vigilance (en particulier si médication asso-
Dysfonctionnement temporomandibulaire
ciée)
Luxation de hanche, déformation osseuse
– Absence de phase de préparation quand l’enfant est nourri par un tiers
Blessure liée à l’appareillage mal adapté
avec introduction à l’improviste de la cuillère
Escarre
– Prise alimentaire à un rythme trop rapide
Infection urinaire
– Alimentation insipide ou trop lisse, ne permettant pas une imprégna-
Colique néphrétique tion sensorielle donc un contrôle moteur suffisants
Rétention urinaire aiguë – RGO ou infection pulmonaire associée
RGO : reflux gastro-œsophagien.

Tableau 2.
Tableau 5.
Complications d’un trouble de l’alimentation.
Contre-indications à l’alimentation per os.
Malaise
Trouble sensitif pharyngé
Retard staturopondéral
Absence de réflexe de toux
Bronchites à répétition
Insuffisance de réflexe de toux
Fibrose pulmonaire interstitielle
Trouble de la vigilance
Oblitération bronchique
Déglutitions rares (moins de 3 par minute)
Atélectasie persistante
Pneumonie récurrente
Toux chronique
(Tableau 4) (toux, nasonnement, tachycardie brutale, dyspnée
brutale), des difficultés à déglutir (augmentation du temps
Infections ORL à répétition
buccal, plusieurs tentatives de déglutition avant d’avaler,
Problème auditif augmentation de la durée des repas, résidus alimentaires dans
Troubles de l’articulé dentaire les culs-de-sac), mouvements de facilitation visant à déclencher
Trouble du sommeil le réflexe pharyngien (projection antérieure du cou, mouvement
Troubles de la relation de flexion/extension du cou avec risques majeurs de provoquer
Comportement particulier vis-à-vis de la nourriture ces fausses routes).
Posture particulière La plupart des fausses routes de l’IMC peuvent être imputées
à un mauvais positionnement du cou qui est en hyperextension
ORL : oto-rhino-laryngologique. (mauvaise installation, cocontractions d’origine neurologique,
insuffisance du maintien postural). Le maintien correct de la
posture assise et la présentation adéquate des aliments permet-
Tableau 3.
tent alors d’éviter les fausses routes : il s’agit de garder la nuque
Symptomatologies du temps buccal et du temps pharyngé.
en légère flexion antérieure pour que le larynx remonte dans le
Symptomatologie du temps buccal pharynx, protégeant ainsi les voies aériennes inférieures.
Difficultés à mastiquer, à mordre ; succion faible L’organisation d’une déglutition efficiente et régulière peut
Refus d’alimentation ; exclusion de certains aliments être entravée par des troubles des gnosies (reconnaissance des
Reflux nasal ; vomissements
textures, par exemple) ou des troubles des praxies (mauvaise
automatisation de l’enchaînement moteur). Typiquement, l’IMC
Incontinence salivaire ; encombrement rhinopharyngé
souffre d’une atteinte limitée à la sphère buccale (mouvements
Guidage du mouvement (présentation particulière des aliments, utilisa- de protraction de langue, réflexe de fermeture de la bouche
tion du doigt pour pousser les aliments) exacerbé, fuites de salive par hypomobilité labiale etc.). Des
Symptomatologie du temps pharyngé manœuvres de guidage manuel vont aider à provoquer une
Mutisme brutal ; perturbation du faciès organisation motrice plus probante pour l’alimentation. On
Augmentation du temps buccal ; enchaînement de plusieurs tentatives peut être amené à contre-indiquer l’alimentation per os s’il y a
de déglutition un risque vital (Tableau 5).
Augmentation de la durée des repas Bavage. Le bavage abondant est inesthétique ; il limite la
Présence de résidus alimentaires dans les récessus constitution du bol alimentaire et sa bonne assimilation. Il peut
être secondaire à un trouble gnosique buccofacial, à une
Réflexe de toux exacerbé ; bronchites à répétition ; malaises ; troubles
du sommeil
occlusion labiale incomplète ou à une augmentation du délai
entre phase de succion et phase de déglutition, enfin à une
Mouvements de facilitation :
déglutition trop peu fréquente. [22] La rééducation, lorsqu’elle
projection antérieure du cou est possible, demande des capacités de rétrocontrôle importan-
hyperextension de nuque ; fermeture des lèvres ; appui sur les joues tes. Aucun médicament n’est réellement efficace, car l’origine
du problème n’est pas une hypersécrétion de salive, mais une
mauvaise mécanique de son écoulement. Des interventions
Conséquences de l’atteinte motrice sur les appareils autres chirurgicales sont proposées, en cas d’échec de la rééducation et
que l’appareil locomoteur sous réserve d’une absence de trouble de la déglutition, mais
Troubles de la déglutition. Chez l’IMC, ceux-ci peuvent dans un nombre de situations très limité. L’intervention
passer inaperçus. Leur mode de révélation (Tableau 2) peut être consiste en une ligature du canal d’une parotide avec implan-
accidentel (malaise, troubles respiratoires), ou liés au retentisse- tation postérieure des canaux des sous-maxillaires ou en la
ment sur l’organisme (retard pondéral). La symptomatologie section de la corde du tympan. Si les résultats sur la sécrétion
(Tableau 3) peut être centrée sur des troubles de la prise salivaire sont probants, ils restent souvent transitoires et créent
alimentaire (refus d’alimentation, exclusion des solides, un désagrément notable au cours de l’alimentation du fait de
mutisme brutal, perturbation du faciès) ou des fausses routes l’épaississement de la salive.

Traité de Médecine Akos 15


8-0781 ¶ Infirmité motrice cérébrale

Troubles sphinctériens. L’atteinte neurologique ne touche Défense tactile. Cette difficulté à intégrer des informations
pas l’appareil vésicosphinctérien, le système nerveux autonome tactiles peut nuire à la construction psychoaffective du bébé et
étant intègre. L’apprentissage de la propreté peut donc débuter provoque des réactions motrices parfois inadaptées. Elle est
dans des délais normaux. Cependant, du fait des difficultés évoquée devant un enfant qui ne supporte pas l’habillage ou
motrices (station assise, tenue du tronc), il faut que l’enfant soit qui ne supporte pas le contact nécessaire lors de la rééducation
bien installé. Il faut surtout prendre en compte la dépendance motrice, qui reste dans son coin alors que les sollicitations
affective entraînée par le handicap, parler à l’enfant de sa motrices tendant à prouver qu’il est parfaitement capable
sexualité et entretenir l’écoute et le respect du corps. Chez d’organiser une motricité efficiente. Cela peut entraver pendant
l’enfant plus grand, des fuites urinaires peuvent être secondaires de longs mois l’accès à la rééducation motrice active et nécessite
aux difficultés de déplacement et de déshabillage. Lorsque un travail patient en psychomotricité. [24]
celles-ci sont trop importantes et qu’il faut envisager une aide Devant ces troubles « associés » ou isolés, en eux-mêmes
humaine, il est capital de réfléchir à la dépendance que cela générateurs de perturbations dans les apprentissages moteurs, le
symbolise pour chercher à préserver l’intimité du jeune. rééducateur cherche à évaluer les capacités de compensation
Certains dysfonctionnements peuvent avoir une origine neuro- pour les développer par des prises en charge en ergothérapie et
logique : contractions du périnée et du sphincter strié ou en psychomotricité. L’enjeu majeur de cette rééducation réside
difficultés de détente. [23] Un traitement médicamenteux peut dans la possibilité de restaurer des compétences d’analyse
alors être proposé. sensorielle pour permettre à l’enfant d’approcher le monde
d’une façon cohérente.
Extension de la lésion au-delà des zones dévolues à
Troubles spécifiques inhérents aux apprentissages scolai-
la motricité res. Lors du suivi d’un enfant IMC, on sait que le risque de
Troubles spécifiques intervenant dans la motricité. Dans handicap cognitif associé existe. À l’heure actuelle, seul un suivi
l’infirmité motrice cérébrale, l’atteinte plus ou moins étendue régulier permet de le suspecter, sur des arguments cliniques :
des structures du système nerveux central impliquées dans la retard de mise en place des acquisitions attendues pour l’âge qui
programmation motrice va nuire au développement d’une s’accentue avec le temps (évoquant un retard global), difficultés
motricité harmonieuse, ajustée et rapide. Un trouble des dans un domaine bien ciblé de la cognition repérable après l’âge
fonctions d’intégration sensorielle, souvent caché par l’atteinte de 3 ans (évoquant une dyspraxie, un trouble spécifique des
des fonctions motrices, peut modifier ou empêcher le contrôle conduites linguistiques), difficultés ressenties par l’enfant malgré
moteur, que celui-ci soit d’origine visuelle ou vestibulaire, tactile un examen cognitif normal en situation duelle (évoquant un
ou kinesthésique. L’enfant se retrouve alors dépendant non trouble des fonctions exécutives). Les essais d’analogie entre la
seulement des contraintes de son corps difficile à commander lésion visible sur les imageries traditionnelles (scanner ou
mais aussi de l’environnement qu’il va avoir du mal à appré- imagerie par résonance magnétique nucléaire) et le trouble
hender. Ces troubles sont fréquents chez l’ancien prématuré. attendu ne sont concluants ni pour juger du type d’atteinte, ni
Chez certains sujets, porteurs d’athétose en particulier, ils pour estimer la gravité du retentissement scolaire ou quotidien.
peuvent être totalement absents : on est alors surpris de Des progrès sont à attendre dans ce domaine lorsqu’on utilisera
constater la dextérité et l’engagement corporel de ces enfants, l’IRM fonctionnelle ou l’IRM avec analyse morphométrique. [25]
parfaitement habiles à construire des séquences motrices En pratique, une consultation auprès de ces enfants doit
complexes et contrôlées allant jusqu’à prendre en compte leurs comporter systématiquement, pour chaque année de scolarité
mouvements parasites. entamée, une évaluation du niveau de lecture, de calcul,
Trouble visuoperceptif. Il s’agit d’une difficulté pour le patient d’écriture et de raisonnement. Cela nécessite des liens obligatoi-
à reconnaître ou à interpréter ce qu’il voit. L’appréhension du res avec l’école et peut conduire à une demande d’évaluation
monde par le canal visuel sera alors erronée ; le développement psychométrique en cas de difficulté scolaire.
du bébé et de l’enfant peut être perturbé dans le domaine La caractérisation des troubles neuropsychologiques gênant
sensorimoteur et cognitif. Chez le bébé, une attitude particulière les apprentissages de l’enfant repose sur un bilan pluridiscipli-
avec perte de contact intermittent, regard errant peut suggérer naire. Un test d’intelligence permet d’avoir une idée sur un
un trouble de ce type ; le bébé, perdu dans un univers vide de fonctionnement cognitif global : certains enfants procèdent par
sens pour lui, ne pourra pas organiser sa motricité vers un but analogie, d’autres par déduction ; certains fonctionnent à partir
et aura tendance à rester au sol, peu mobile ou apeuré par de matériel visuel, d’autres à partir de matériel verbal. Des
chaque mouvement déclenché. Si l’atteinte visuoperceptive n’est examens complémentaires complètent cette approche : bilan
pas reconnue comme telle et n’est pas prise en compte, elle orthophonique pour les troubles des conduites linguistiques,
peut conduire à un trouble de connaissance de l’environnement bilan ergothérapeutique pour des troubles du graphisme et de la
et des réactions phobiques, voire à un trouble de la relation à construction, bilan orthoptique pour des troubles dans la prise
l’autre, d’allure psychotique. [11] d’informations visuelles, bilan neuropsychologique pour des
Trouble de l’attention visuelle. Il s’agit d’une difficulté à agencer troubles du raisonnement ou de l’attention, par exemple.
l’espace de façon cohérente. Chez le tout-petit, il se traduit par On distingue les troubles des fonctions verbales et les troubles
un trouble posturomoteur ; l’attitude en cyphose passive se de fonctions non verbales.
corrige si l’on attire l’attention visuelle de l’enfant ou que l’on Les troubles des fonctions verbales touchent la parole, c’est-
délimite le champ de vision périphérique – on guide alors à-dire la capacité à articuler, la phonologie, c’est-à-dire la
l’analyse visuelle et la construction de l’espace – ou si l’on capacité à isoler des sons, le lexique, c’est-à-dire l’étendue du
renforce les afférences proprioceptives – on renforce alors des vocabulaire, la syntaxe, c’est-à-dire la capacité à assembler les
informations provenant d’un canal autre que la vision afin qu’il différents constituants significatifs du langage.
devienne porteur de sens. Les troubles des fonctions non verbales concernent les
Apraxie gestuelle. Il s’agit d’une difficulté à réaliser une activités gestuelles (préhension, regard, graphisme) et les
séquence d’actions incorporées à une fonction. On observe activités logicomathématiques (signification du nombre,
l’enfant lorsqu’il verse de l’eau dans un verre, lorsqu’il s’habille, activités de raisonnement).
lorsqu’il écrit, lorsqu’il fait une construction. Ce trouble peut se Ces atteintes ne sont pas l’apanage des handicaps moteurs
révéler par une maladresse gestuelle plus importante que ne le graves et visibles mais touchent aussi des sujets « à risque » dont
voudrait la paralysie motrice, un refus ou des difficultés à le handicap moteur est à peine détectable. Elles doivent être
réaliser des exercices moteurs finalisés, une stagnation des évaluées au travers du handicap moteur – élément qui, en lui-
apprentissages moteurs (en particulier, ceux qui mettent en jeu même, peut entraver l’expression d’une fonction – et en tenant
la coordination bimanuelle ou la coordination oculomanuelle). compte de l’état psychique du patient.
Elle peut apparaître sur ordre verbal ou sur imitation, lors de Ces troubles associés motivent une prise en charge multidis-
gestes habituels ou non habituels et concerne l’espace corporel ciplinaire, souvent de longue durée. Une bonne coordination
ou extracorporel. entre les professionnels et surtout avec l’école est indispensable.

16 Traité de Médecine Akos


Infirmité motrice cérébrale ¶ 8-0781

Cette coordination peut être facilitée lorsque l’enfant est pris en [13] de Barbot F. L’hémiplégie: handicap léger? Motr Cérébr 1993;14:
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tendons de l’IMOC: examen clinique et données expérimentales. Mot
Cérébr 1999;20:69-90. Revue Motricité Cérébrale, Masson, Paris.

D. Truscelli, Médecin neuropédiatre, ex-responsable du service de rééducation neurologique.


Département de pédiatrie, hôpital Bicêtre AP-HP, 78, avenue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France.
M. Le Metayer, Kinésithérapeute, cadre, coresponsable du diplôme universitaire en IMC et polyhandicap (mlemetayer@apetreimc.org).
1, rue Modigliani, 75015 Paris, France.
V. Leroy-Malherbe, Médecin de rééducation et de médecine physique.
Service de rééducation neurologique infantile, hôpital Bicêtre AP-HP, 78, avenue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Truscelli D., Le Metayer M., Leroy-Malherbe V. Infirmité motrice cérébrale. EMC (Elsevier SAS, Paris), Traité
de Médecine Akos, 8-0781, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Traité de Médecine Akos 17


8-0770

Méningites purulentes 8-0770


AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

du nouveau-né, du nourrisson
et de l’enfant
Y Aujard

L ’épidémiologie bactérienne des méningites purulentes (MP) du nouveau-né est différente dans les formes
précoces, dominées par le streptocoque B, et dans les formes tardives où prédomine Escherichia coli. La
fréquence des complications immédiates (abcès cérébral, infarctus ischémohémorragique, ventriculite) explique le
taux encore élevé de séquelles motrices, sensorielles et/ou psycho-intellectuelles.
L’épidémiologie des MP de l’enfant a été bouleversée par la vaccination anti-Haemophilus. Le pneumocoque
résistant pose les problèmes thérapeutiques les plus difficiles. Les complications immédiates sont l’hypertension
intracrânienne (HIC), les convulsions, les épanchements sous-duraux, les infarctus et les nécroses cérébraux. Les
séquelles sont surtout neurosensorielles, dominées par la surdité. La corticothérapie, qui reste habituelle en cas de MP
à Haemophilus influenzae, n’est efficace ni dans les méningites à pneumocoque, ni dans celles à méningocoque.
Les protocoles d’antibiothérapie sont en cours d’évaluation, la combinaison céfotaxime + vancomycine à fortes
doses étant la plus utilisée.
© 1999 , Elsevier, Paris.


dissémination bactérienne qui est responsable de Les méningites bactériennes surviennent :
Introduction complications (abcès en particulier), souvent – précocement, avant le cinquième jour de vie,
contemporaines de la phase d’invasion bactérienne. en règle le premier jour : elles représentent alors la
L’interaction des macrophages et des bactéries est complication d’une infection systémique d’origine
Les MP de l’enfant posent plus de problèmes responsable de phénomènes délétères accentués maternelle, à point de départ sanguin ou
thérapeutiques que diagnostiques. L’épidémiologie par l’antibiothérapie. Les composants des parois amniotique ;
bactérienne des méningites néonatales dépend de bactériennes induisent une « cascade inflamma- – tardivement, entre la deuxième et la quatrième
leur âge de survenue, précoce ou tardif. toire ». Les endotoxines entraînent la production de semaine de vie : elles sont souvent isolées. Leur
L’épidémiologie des MP du nourrisson et de l’enfant cytokines, en particulier d’interleukine (IL)1 et IL6, et origine n’est pas univoque : révélation décalée d’une
a été bouleversée par la vaccination anti- de cachectine ou tumor necrosis factor (TNF) ; cette IMF (lait, contamination postnatale), infection
Haemophilus. La fréquence des méningites libération est accentuée par l’antibiothérapie qui lyse nosocomiale, ou contamination par l’entourage
bactériennes à méningocoque et pneumocoque les cellules bactériennes. après l’arrivée du nouveau-né à la maison
reste stable ; celle des méningites à pneumocoque Les cytokines entraînent alors une altération des (méningite « précoce » du nourrisson).
de sensibilité intermédiaire ou résistant à la parois cellulaires, ce qui induit un œdème cérébral, L’épidémiologie bactérienne est différente selon
pénicilline augmente, ce qui pose des problèmes une HIC, et une altération du flux sanguin cérébral. l’âge de révélation, les streptocoques B prédominant
thérapeutiques difficiles [7]. L’œdème cérébral est donc vasogénique et dans les formes précoces et E. coli dans les formes
Le rôle délétère de la production de cytokines à la cytotoxique. Les concentrations de TNF et d’IL dans tardives. Comme les autres germes, les infections à
phase initiale de la méningite a fait préconiser le LCR sont inversement corrélées au pronostic. Listeria monocytogenes peuvent se compliquer de
l’utilisation des corticoïdes dans les méningites à H. Plusieurs médicaments réduisent la libération de méningite dans les formes précoces et surtout dans
influenzae, essentiellement la dexaméthasone, dans cytokines. La dexaméthasone a été la plus étudiée les formes tardives.
le but de réduire les séquelles, surtout les expérimentalement et en clinique ; elle prévient la Tous les germes responsables d’infections
complications sensorielles [1]. libération de TNF et d’IL1 en bloquant la nosocomiales chez le nouveau-né peuvent se
La mortalité varie selon l’âge, de 5 à 30 % chez le transcription de leur acide ribonucléique (ARN) compliquer d’atteinte méningée (Enterobacter,
nouveau-né [10] à 3 à 5 % chez le nourrisson. Les messager. Serratia...). Les entérobactéries sont le plus souvent
séquelles, en particulier sensorielles, restent en cause.


fréquentes et sont observées chez 10 à 20 % des
Nouveau-né ‚ Aspects diagnostiques [2, 10]
enfants.
[2, 10, 15] Les signes cliniques sont peu spécifiques car les
troubles de la réactivité et du tonus peuvent révéler


une infection sans atteinte neurologique. La fièvre,
Physiopathologie [16, 17] ‚ Épidémiologie des troubles de conscience, des convulsions, une
L’incidence des MP en période néonatale est fontanelle bombante, un nouveau-né algique, sont
faible, inférieure ou égale à 0,2 ‰ naissances en faveur d’une méningite. Les signes de Kernig et
L’invasion des espaces méningés se produit par vivantes, alors que celle des infections de Brudzinski sont rarement observés, souvent
© Elsevier, Paris

l’intermédiaire des plexus choroïdes au travers maternofœtales (IMF) est de 1 % des naissances remplacés par une hypotonie axiale. Une méningite
desquels se déversent les germes du sang vivantes. Le risque d’une méningite, lorsque est à suspecter en maternité devant un sepsis
(bactériémie) dans le liquide céphalorachidien (LCR). l’hémoculture initiale est positive, est de 30 %. d’allure systémique, et au domicile, devant un des
La mobilisation des polynucléaires est retardée par Toutefois, moins de 10 % des IMF sont prouvées par signes précédents que l’enfant ait été ou non
rapport au début de l’infection, favorisant la des hémocultures. colonisé à la naissance par un germe pathogène.

1
8-0770 - Méningites purulentes du nouveau-né, du nourrisson et de l’enfant


L’absence de signes de localisation respiratoire – une infection extraméningée à H. inflenzae,
(rarement fébrile au-delà de 38 à 38,5 °C) implique Nourrisson et enfant essentiellement épiglottite ;
d’éliminer une infection urinaire et une méningite et – un état de choc : l’hypovolémie efficace
donc, en pratique, impose un avis hospitalier. À aggrave la réduction du débit sanguin cérébral. Il est
l’hôpital, la réalisation de la ponction lombaire (PL) ‚ Épidémiologie
habituellement contrôlé par une expansion
est plus souvent le fait d’une démarche systématique En France, 3 500 cas par ont été rapportés en volémique, avec ou sans drogue inotrope associée,
qu’orientée. 1990 [14]. H. influenzae b (HIb) était le germe le plus et régresse dans les 24 premières heures. Il est à
Dans le LCR, une hypercytose supérieure à fréquent avant 4 ans (41 % des cas), le différencier des méningococcies graves (purpura
30/mm3, avec une majorité de polynucléaires, méningocoque, essentiellement B, était responsable fulminans) qui réalisent un choc septique grave et ne
l’augmentation modérée de l’albumine, et surtout la de 37 % des cas, et le pneumocoque de 19 %. Le sont qu’inconstamment associés à une atteinte
baisse du rapport glycorachie/glycémie, sont en taux de résistance d’HIb à l’ampicilline par sécrétion méningée.
faveur du diagnostic qui est confirmé par la culture. de bêtalactamase est de 40 % dans les méningites,
La mise en évidence d’antigènes solubles contre 20 % pour l’ensemble des souches d’HIb. Le ‚ Diagnostic biologique [12]
(streptocoque B ou E. coli K1) dans le LCR permet un méningocoque est sensible aux céphalosporines de
diagnostic bactériologique plus précoce. troisième génération (céfotaxime, ceftriaxone), mais Il repose sur les modifications du LCR. La PL est
L’augmentation de la protéinorachie est variable 22 % des souches ont une sensibilité intermédiaire à réalisée après stabilisation de l’état hémodynamique
(normale jusqu’à 1,30g/L). L’hémoculture est l’ampicilline depuis 1997. Plus de 30 % des et respiratoire. Un fond d’œil n’est pas obligatoire
souvent positive au même germe (50 % des cas). pneumocoques sont intermédiaires ou résistants à la dans un contexte fébrile avec des signes méningés.
Les paramètres inflammatoires (hyperleucocy- pénicilline en 1998 [7]. La réaction cellulaire est d’intensité très variable et
tose, surtout augmentation du fibrinogène et de la C à majorité de polynucléaires responsables de
‚ Diagnostic clinique
reactive protein [CRP]) sont en règle très évocateurs. l’aspect « eau de riz ». Une formule panachée est
Ces modifications peuvent être décalées de Il est en règle facile devant l’association d’une possible dans les premières heures. Une réaction
quelques heures par rapport aux premiers fièvre et de signes méningés et/ou neurologiques, cellulaire décalée (méningite en deux temps) est
symptômes. Leur normalité n’exclut donc pas le mais aucun signe n’est spécifique. La fièvre est le exceptionnelle. Une contamination par des
diagnostic. plus souvent supérieure ou égale à 39 °C et s’associe érythrocytes liée à une piqûre vasculaire n’est pas
à des céphalées, des vomissements, une rare : la coloration rouge des trois tubes ne décroît
‚ Pronostic et séquelles [2, 10, 15] photophobie, des troubles confusionnels, une
que si la contamination est peu importante. Les
La mortalité varie selon les études de 0 à 44 %. La léthargie et/ou une irritabilité. Ces symptômes sont
érythrocytes (GR : globules rouges) augmentent le
morbidité est très variable et est également fonction toutefois inconstants et non spécifiques, s’observant
taux de protéines et modifient le nombre de
des lésions associées (hémorragie ou ischémie au cours de nombreuses pathologies virales avec ou
globules blancs (GB). Toutefois, le calcul d’un rapport
cérébrale), du milieu socioculturel, de la prématurité. sans localisation méningée.
GR/GB de 1 000/1, par analogie à celui de
Les complications à court terme sont dominées L’examen recherche une raideur lors de la flexion
l’hémogramme, est illusoire.
par les abcès (20 % des cas) [2]. Leur diagnostic de la nuque, une flexion des genoux lors de leur
élévation (signe de Kernig) ou une flexion des Le taux de protéines est augmenté. L’hypoglyco-
repose sur l’imagerie (échographie transfontanel- rachie est quasi constante, mais n’est interprétable
laire, imagerie par résonance magnétique [IRM] ou jambes lors de la flexion de la nuque (signe de
Brudzinski), très utiles car observables chez un enfant qu’en fonction de la glycémie, le rapport glucose
tomodensitométrie). Leur résorption sous traitement
opposant. Une tension de la fontanelle en dehors LCR/sang est inférieur à 50 %, et la glycorachie est
antibiotique seul est possible mais elle est accélérée
des cris est très évocatrice chez le nourrisson. Cette souvent inférieure à 1 mol/L (0,2 g/L).
après une ponction évacuatrice. Les ventriculites
s’observent quel que soit le germe. Elles sont raideur méningée peut être remplacée par une L’examen direct du LCR par la coloration de Gram
révélées par des troubles neurologiques, un retard à hypotonie chez le nourrisson. n’identifie des bactéries que si la concentration de
la stérilisation du LCR, une hypoglycorachie Les signes apparaissent en quelques heures. germes est au moins égale à 10 5 /mL. Les
persistante et/ou des images floconneuses dans la Exceptionnellement, des formes à début progressif, pneumocoques prennent la coloration de Gram
lumière ventriculaire à l’échographie. Des accidents initialement paucisymptomatiques, peuvent se (cocci à Gram positif). Les Listeria sont des bacilles qui
ischémohémorragiques sont souvent révélés par des développer en plusieurs jours. Inversement, des prennent la coloration de Gram faiblement (bacilles
convulsions. formes graves peuvent être mortelles en quelques à Gram positif faible). Les Haemophilus et les
Les risques de rechute ou de récidive existent heures [9]. entérobactéries sont des bacilles à Gram négatif. Les
avec les entérobactéries comme avec les D’autres signes ou situations cliniques peuvent méningocoques ne sont pas non plus colorés par le
streptocoques B ; ils sont prévenus par un traitement être associés et/ou révélateurs : Gram (cocci à Gram négatif).
suffisamment prolongé. – un purpura pétéchial, évocateur d’infections à La mise en évidence d’antigènes solubles
Les séquelles atteignent 30 à 50 % des survivants méningocoques ; toutefois, les pneumocoques ou bactériens dans le LCR n’est réalisable que pour
et sont d’autant plus fréquentes que la concentration les Haemophilus peuvent en être responsables ; certains germes : E. coli K1 et méningocoque B avec
d’antigènes bactériens dans le LCR, et donc la – des convulsions, en règle généralisées : le même anticorps, streptocoque B, H. influenzae b et
concentration de germes, est plus élevée. Un retard l’examen neurologique et la recherche de signes pneumocoque. D’autres sérogroupes de Neisseria
intellectuel ou moteur, une comitialité, des séquelles méningés permettent de prendre la décision d’une méningitidis (A, C, W135, Y) sont également
sensorielles, plus souvent visuelles qu’auditives, sont PL dans ce contexte fébrile ; disponibles.
recherchés en fin de traitement et surtout lors du – des troubles moteurs de type hémiparésie,
La culture du LCR est positive dans 98 % des cas
suivi systématique dont la durée est d’au moins paralysie faciale, déficit visuel ;
en 48 heures. Elle permet l’identification du germe et
2 ans. – des troubles de conscience qui font craindre
son antibiogramme.
une HIC précoce et rechercher un œdème papillaire ;
‚ Traitement [2, 10] – une ataxie ou un déficit auditif ; Un traitement antibiotique préalable peut
négativer la culture, voire transformer la cytologie
(formule mixte). La recherche d’antigènes solubles,
L’antibiothérapie parentérale est celle des infections systémiques néonatales et voire l’électrophorèse de la lacticodéshydrogénase
associe initialement l’amoxicilline, une céphalosporine de troisième génération type (LDH), dont les fractions IV et V sont supérieures à
céfotaxime, et un aminoside. La posologie des bêtalactamines est doublée. Après 30 % du total en cas d’atteinte bactérienne, est
identification du germe, l’amoxicilline ou la céphalosporine est arrêtée. L’aminoside réalisable.
est administré uniquement par voie parentérale (intraveineuse) et est poursuivi 10 Le bilan bactériologique est complété par
jours, la bêtalactamine pendant 21 jours. Son efficacité est appréciée sur la l’hémoculture qui identifie dans près de 90 % des
stérilisation du LCR, 36 à 48 heures après le début du traitement. Un contrôle 48 cas le germe responsable. Une otite concomitante
heures après l’arrêt des antibiotiques reste nécessaire. permet un prélèvement bactérien après paracentèse.
D’autres examens ne sont pas spécifiques mais

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Méningites purulentes du nouveau-né, du nourrisson et de l’enfant - 8-0770

permettent d’évoquer une réponse inflammatoire et éventualités, une ponction sous-durale diagnostique Comitialité
de surveiller l’évolution sous traitement : est possible lorsque la fontanelle est perméable. Son incidence est de 2 à 8 %. Aucune étude n’a
– hyperleucocytose à polynucléaires sur – Les abcès cérébraux sont beaucoup plus rares démontré un effet protecteur d’un médicament
l’hémogramme ; chez le nourrisson et l’enfant que chez le anticonvulsivant systématique au cours des
– augmentation de la CRP sérique supérieure à nouveau-né. Leur constitution est probablement méningites. Toutes les crises focales et/ou
20 mg/L et souvent très élevée ; contemporaine de la méningite. Les MP à Citrobacter généralisées sont possibles. Elles sont associées ou
– hyperfibrinémie et/ou augmentation de la se compliquent électivement d’abcès. non à d’autres séquelles neurologiques.
vitesse de sédimentation ; – Les infarctus cérébraux sont évoqués devant
Elle contre-indique ultérieurement la vaccination
– augmentation de la procalcitonine. des convulsions, focales ou non, éventuellement
anticoquelucheuse.
associées à des signes déficitaires. Leur diagnostic est
‚ Évolution initiale fait par l’IRM ou le scanner. Séquelles motrices
– Les nécroses cérébelleuses se compliquent
Appréciation de l’efficacité [5] Elles sont de tous types : hémiparésie,
d’hydrocéphalie aiguë qui est à dériver en urgence.
Le contrôle du LCR, prélevé 24 à 36 heures après monoparésie. Elles peuvent être secondaires à une
– Les mouvements anormaux sont à distinguer
le début du traitement, doit être stérile. La coloration atteinte corticale ou médullaire.
des convulsions (EEG) et traduisent l’atteinte des
de Gram peut mettre en évidence des germes « tués » noyaux gris centraux, confirmée par l’imagerie Ataxie
dont la culture reste négative. La glycorachie est en cérébrale.
règle augmentée par rapport à celle du LCR initial. La – L’ulcère de stress peut s’observer au cours des Son incidence est de 0,5 %. L’atteinte cérébelleuse
cytologie est également souvent augmentée, avec MP et est révélé en règle par une complication est à distinguer de celle des voies de la sensibilité
une décroissance de la proportion des polynu- hémorragique ; il est diagnostiqué par la fibroscopie. profonde.
cléaires. Si la culture du deuxième LCR est positive, la – Les arthrites purulentes compliquent surtout
signification n’est pas univoque : soit concentration ‚ Rechutes et récidives
les méningites à Haemophilus et à méningocoques
très élevée de germes dans le LCR initial, soit et touchent les grosses articulations. Elles sont Les rechutes sont rares, inférieures à 1 % et sont
complication de type ventriculite, soit antibiothérapie suspectées sur la clinique et l’échographie, et la conséquence d’un traitement insuffisamment
inefficace ou insuffisante. confirmées par la ponction articulaire. Elles sont à prolongé ou d’une localisation bactérienne
La PL, au décours du traitement, peut ne pas être distinguer des arthrites réactionnelles qui sont plus secondaire (empyème, ventriculite) [18]. Elles sont à
réalisée si l’évolution clinique est parfaite, pour les tardives (du sixième au dixième jour), d’origine distinguer des récidives, souvent favorisées par un
méningocoques et les Haemophilus. Toutefois, la immunologique (méningocoque, Haemophilus) et déficit immunitaire (méningites à méningocoque et
moindre anomalie dans l’évolution clinique ou dont l’évolution est spontanément favorable. déficit en complément). Toutefois, la répétition des
biologique la rend obligatoire. Pour les – Les péricardites sont également purulentes ou méningites, en particulier à pneumocoque, fait
pneumocoques, cette PL de contrôle est immunologiques. Elles sont exceptionnelles et éliminer une cause favorisante locale, habituel-
constamment faite. diagnostiquées par l’échographie et la ponction lement une brèche de l’étage antérieur du crâne.
péricardique. Cliniquement, elle est suspectée devant une
Surveillance rhinorrhée claire récidivante [11].
‚ Séquelles neurologiques
Elle apprécie l’évolution du processus infectieux et
Elles sont plus fréquentes chez le nourrisson ‚ Principes du traitement [8, 10, 12, 13]
des signes neurologiques, et recherche des
lorsque l’antibiothérapie initiale est inefficace, dans Le traitement curatif des MP du nourrisson et de
complications extraméningées, en particulier
les MP à pneumocoque et si la concentration initiale l’enfant repose sur l’antibiothérapie (tableau I) dont
digestives et articulaires.
de germes dans le LCR est élevée et/ou si la le choix initial est déterminé avant le résultat des
– Le processus infectieux est évalué, en dehors
stérilisation de LCR est retardée. Elles représentent cultures par l’épidémiologie bactérienne qui tient
de l’analyse du LCR, sur la leucocytose sanguine, la
toute la gravité des MP, au-delà de la mortalité compte des signes cliniques, de la situation
CRP et la fièvre.
initiale. Elles se traduisent par des atteintes géographique et de l’âge de l’enfant. Son efficacité
– La recherche de signes neurologiques cliniques
sensorielles, psycho-intellectuelles, comitiales et/ou conditionne le pronostic. La stérilisation rapide du
(conscience, mouvement anormal, signe déficitaire)
motrices. Leur incidence est de 20 à 30 %. LCR est l’objectif essentiel. Elle doit être obtenue en
est complétée par l’électroencéphalogramme (EEG)
et l’imagerie (échographie transfontanellaire, IRM Séquelles auditives 24 à 36 heures en moyenne.
et/ou scanner) selon l’évolution. Elles sont plus fréquentes au cours des méningites
Traitement initial
à pneumocoque. Leur survenue est en général
Complications initiales précoce. L’évaluation de la fonction auditive est faite Entre 1 et 3 mois, les germes en cause sont
– L’HIC est quasi constante mais modérée dans cliniquement au moment de la sortie et par identiques à ceux observés chez le nouveau-né, et
les premiers jours. Une aggravation ou une audiogramme, otoémissions et/ou potentiels une trithérapie par céphalosporine type céfotaxime,
apparition de troubles de la conscience, des évoqués auditifs. Un examen anormal 1 mois après amoxicilline, et un aminoside, identique à celle
convulsions, en sont la traduction clinique. Elle peut la guérison de la méningite est contrôlé à 3, 6, et utilisée chez le nouveau-né, est débutée.
être aggravée par une sécrétion inappropriée éventuellement 12 mois. L’incidence de la surdité est Après l’âge de 3 mois, le céfotaxime et la
d’hormone antidiurétique qui est elle-même variable, de 3 à 15 % selon les études [6]. ceftriaxone ont une efficacité comparable, mais
favorisée par une restriction hydrique trop sévère. La dexaméthasone administrée juste avant ou au l’utilisation d’une céphalosporine en monothérapie a
– L’état de mal convulsif peut compliquer une moment de la première injection d’antibiotiques été abandonnée en raison de l’évolution de la
HIC ou révéler un épanchement sous-dural, une s’accompagne d’une réduction des séquelles résistance des pneumocoques. Le traitement est
collection crânienne, une ventriculite, une auditives de 7 à 0 % dans les méningites à parfois orienté grâce aux données bactériologiques
thrombophlébite cérébrale. Haemophilus [13] . Toutefois, la fréquence des initiales, indépendamment de l’âge. Toutefois,
– Les épanchements sous-duraux ont une séquelles modérées et sévères n’est pas différente et lorsqu’un pneumocoque est possible ou non exclu
origine non univoque et sont liés à l’accumulation de cet effet n’est pas observé dans les méningites à (cocci à Gram positif, antigène soluble positif à
LCR dans l’espace sous-dural. Leur fréquence est de pneumocoque [1]. pneumocoque ou absence de germe à l’examen
32 % pour les Haemophilus, 19 % pour le direct), la combinaison du céfotaxime à la posologie
Séquelles visuelles
pneumocoque, 8 % pour le méningocoque. Ils de 300 mg/kg/j en quatre fois, ou de la ceftriaxone
Leur incidence est de 2 à 4 %. Elles sont en règle 150 mg/kg/j en deux fois associée à la vancomycine
compliquent surtout les méningites du nourrisson.
secondaires à une atteinte corticale. 60 mg/kg/j, soit en quatre perfusions de 1 heure, soit
Leur recherche est motivée devant la persistance de
la fièvre, des convulsions retardées, ou la persistance Retards psycho-intellectuels en perfusion continue, est souvent utilisée [4].
ou l’apparition secondaire de signes d’HIC. Ils s’observent surtout dans les MP compliquées
– L’empyème sous-dural est, contrairement à d’état de mal convulsif et/ou d’anoxie cérébrale. Il Traitement secondaire
l’épanchement sous-dural, une collection purulente est associé ou non à des séquelles sensorielles, Le choix est fonction du résultat des cultures, de la
dont l’évacuation est nécessaire. Dans les deux comitiales, des troubles du langage (10 à 15 %). détermination des sensibilités (E test) et de la

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8-0770 - Méningites purulentes du nouveau-né, du nourrisson et de l’enfant

Tableau I. – Principaux antibiotiques utilisables dans le traitement des méningites bactériennes du nourrisson et de l’enfant.

Antibiotique (DCI) Pénétration méningée (%) Nombre d’injections Posologie (mg/kg/j) Spectre
Ampicilline, amoxicilline 20-30 % 4 200 SGB, SGD, pneumocoques, HI (60 %),
méningocoque
Céfotaxime 10-20 % 4 200 (300) Cocci à Gram +, bacille à Gram -
Ceftazidime 10-20 % 4 100-150 Idem + Pseudomonas
Ceftriaxone 10-20 % 4 80-100 (150) Cocci à Gram +, bacilles à Gram -
Fosfomycine 20 % 4 100-200 Staphylocoque
Imipenem, cilastatine < 20 % 4 80-100 Bacille à Gram - sécréteur de cépha-
(hors AMA < 3 mois) losporinase
Métronidazole 30-50 % 3 22-5 Anaerobie péni-R
Oxacilline < 20 % 3-4 200 Staphylocoque méti-S
Pénicilline G < 20 % 3-4 100 000 VI Pneumocoque péni-S ; méningocoque
Rifampicine < 20 % 2 10 Staphylocoques
Vancomycine < 10 % continu 60 Staphylocoques, pneumocoques péni-R
Amikacine ≤ 10 % 3 22,5 Synergie
Gentamicine ≤ 10 % 3 6 à 7,5 avec
Nétromicine ≤ 10 % 3 6 à 7,5 bêtalactamines
Ciprofloxacine, ofloxacine Pé- ≈ 20 % 2à3 30-45 Associé à êtalactamine Staphylocoques
floxacine (hors AMM) Pseudomonas, entéro-bactéries

AMM : autorisation de mise sur le marché ; BG : bacilles à Gram négatif ; SGB : streptoccoque du groupe B ; SGD : streptoccoque du groupe D ; HI : Haemophilus influenzae.

stérilisation du deuxième LCR, prélevé entre 24 et 36 voie intraveineuse. Son utilisation est devenue la posologie de 5 mg/kg deux fois par jour avant 1
heures après le début du traitement. Ce traitement moins systématique depuis la quasi-disparition des mois, 10 mg/kg deux fois par jour de 1 mois à 12
ne peut pas être codifié actuellement car il fait l’objet méningites à H. influenzae. ans, 600 mg deux fois par jour après 12 ans,
de protocoles prospectifs en cours. – Anticomitiaux : aucune étude n’a pu pendant 48 heures. En cas de contre-indication à la
L’utilisation d’un aminoside par voie parentérale a démontrer leur effet préventif sur la survenue de rifampicine (grossesse, maladie hépatique sévère,
deux avantages théoriques : augmentation de la convulsions secondaires. porphyrie, hypersensibilité à la rifampicine), la
vitesse de bactéricidie, y compris lorqu’il existe un – Apports hydriques : ils sont limités à la voie spiramycine est employée à la posologie de 75 000
effet inoculum ; inhibition par adsorption des parentérale, pendant les 48 à 72 premières heures. UI/kg deux fois par jour chez l’enfant et de 3 millions
endotoxines prévenant le relargage de cytokines Une réduction modérée des apports à 800 à d’UI deux fois par jour chez l’adulte. Cette
séquelles. Une tendance à la diminution du nombre 1 000 mL/m2/j est préconisée. chimioprophylaxie est réservée aux sujets contacts.
de complications immédiates a en revanche été La désinfection des locaux est inutile. La déclaration


observée avec l’amikacine, sans modification des de la maladie est obligatoire en France.
séquelles sensorielles. Traitement préventif [8]

Dans les pays en voie de développement, deux ‚ Haemophilus influenzae


antibiotiques sont fréquemment utilisés, la pénicilline Il concerne la prévention primaire (immunopro-
G et le chloramphénicol dont l’excellent passage Les enfants vaccinés sont protégés vis-à-vis du
phylaxie) et celle des cas secondaires, et est différent
méningé, 50 %, justifie l’utilisation lorsqu’une sérotype b. Cette vaccination est associée à celle
selon le type de germe (fig 1).
céphalosporine III n’est pas disponible. contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la
‚ Méningocoque poliomyélite. Elle se présente, soit sous forme
Durée du traitement La vaccination n’est réalisable que pour les combinée (Pentacoqt, Pent-Hibestt), soit en
Les formes non compliquées des MP du sérotypes A et C dans les pays d’endémie. La vaccination anti-Hœmophilus isolée. Elle est
nourrisson et de l’enfant ont une durée de chimioprophylaxie repose sur la rifampicine per os à administrée au troisième, quatrième et cinquième
traitement qui dépend du germe :
– méningocoque : 4 à 7 jours ; Cas index (enfant) 1 Prophylaxie des mé-
– Haemophilus et pneumocoque, sensibles à la ningites à méningocoque
pénicilline : 7 à 10 jours ; (d’après [8]). Sujet devant
- crèches - écoles primaires
– pneumocoques intermédiaires et résistants à la
- famille (domicile)
- lycées
recevoir une prophylaxie
- pouponnières
pénicilline : au moins 10 jours après la stérilisation - + sujets fréquentant le malade - écoles maternelles - collèges par rifampicine.
du LCR (durée optimale, en fait non déterminée). (ensemble de l'établissement)
Les derniers jours du traitement semblent pouvoir
être réalisés à domicile si l’évolution initiale est 1 seul cas - 2 cas dans la - 2 cas dans deux - 3 cas ou +
bonne, sous contrôle d’une structure de type même classe classes - au moins dans deux
voisin de classe classes différentes
hospitalisation à domicile. Ce type de pratique - toute la classe - les deux classes
réaliserait une économie importante pour le système - tout l'établissement
de santé. Cas index (adulte)

Traitements adjuvants
Travail Université
– Corticothérapie : la dexaméthasone est le
Pas de prophylaxie
corticoïde le plus utilisé, à la posologie de (sauf si cas secondaire) Camarades habituels
0,15 mg/kg, quatre fois par jour pendant 4 jours, par

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Méningites purulentes du nouveau-né, du nourrisson et de l’enfant - 8-0770

mois, avec un rappel à 1 an et à 5 ans. Son efficacité splénectomisés. Elle est réalisée par une adapté ensuite, en fonction des données
et son innocuité sont largement établies. La pénicillinothérapie quotidienne et par la vaccination bactériologiques. Les complications et les séquelles
chimioprophylaxie repose également sur la antipneumococcique qui est renouvelée tous les 5 restent fréquentes.
rifampicine, mais en une seule prise quotidienne, à la ans. Cette vaccination n’est que partiellement Chez le nourrisson et l’enfant, deux grandes
posologie de 10 mg/kg avant 1 mois, 20 mg/kg efficace. modifications épidémiologiques sont survenues en 5
chez le nourrisson et l’enfant, 600 mg chez l’adulte. ans : la quasi-disparition des méningites à H.
Elle ne s’adresse qu’aux sujets contacts, tout influenzae b grâce à la vaccination, et l’augmen-
particulièrement aux enfants de moins de 4 ans, tation des souches de pneumocoques de sensibilité
ainsi qu’au malade lui-même.

‚ Pneumocoque

Conclusion intermédiaire ou résistants à la pénicilline. De
nouveaux protocoles sont en cours d’évaluation.
Les corticoïdes paraissent utiles pour les MP à H.
influenzae car ils réduisent le taux de séquelles
L’absence de propagation épidémique de ce Les MP de l’enfant posent peu de problèmes sensorielles. En revanche, leur efficacité n’a pas été
germe explique l’absence de protection collective. La diagnostiques en dehors de la période néonatale. démontrée avec les autres pathogènes et en
prévention individuelle est réservée aux enfants à Jusqu’à l’âge de 3 mois, une trithérapie initiale est particulier avec les pneumocoques non sensibles à
risque, drépanocytaires homozygotes et enfants nécessaire en première intention. Le traitement est la pénicilline.

Yannick Aujard : : Professeur, chef de service,


service de néonatologie, hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Y Aujard. Méningites purulentes du nouveau-né, du nourrisson et de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0770, 1999, 5 p

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5
8-0780

8-0780
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Purpura fulminans

C Baujard, R Mandel, P Durand, D Devictor

L e purpura fulminans (PF) demeure l’une des plus grandes urgences de la pédiatrie (fulgur : la foudre). Il s’agit
d’un choc septique associé à un purpura extensif. Le taux de mortalité reste élevé, avoisinant 35 %, malgré les
progrès de la réanimation [1, 4].
© Elsevier, Paris.


Parfois il ne se résume qu’en quelques pétéchies
Introduction Messages-clés dont la seule présence doit alerter, voire il peut
✔ Tout purpura fébrile est un manquer au premier examen et le médecin n’est
purpura méningococcique jusqu’à alors alerté que par l’altération de l’état général.
Il s’agit d’une pathologie rare. En effet, moins de Quoi qu’il en soit, le purpura peut en quelques
100 cas sont dénombrés chaque année en France. preuve du contraire.
heures se généraliser et prendre un aspect
Bien qu’aucune tranche d’âge ne soit épargnée, cette ✔ Mieux vaut porter le diagnostic par
ecchymotique ou nécrotique, les tâches se
infection touche préférentiellement l’enfant et le excès. disséminant au hasard sous la peau.
nourrisson. Elle survient principalement en hiver ou ✔ Seul le premier médecin qui voit
au printemps. Le germe le plus souvent en cause est l’enfant peut prendre de vitesse la
le méningocoque, essentiellement des groupes B et ‚ Attitude pratique en ville
maladie (fulminans = fulgur = la
C [1] . D’autres germes peuvent être incriminés Face à un purpura fébrile, l’attitude du médecin
foudre).
comme les Haemophilus (H) influenzae ou les doit être univoque. Elle se résume en quatre points
pneumocoques. Toutefois, les PF à H influenzae ne qui sont : évoquer systématiquement le diagnostic,
se voient pratiquement plus en France depuis la ■ La fièvre est toujours élevée, mais elle peut rechercher des signes de choc, réaliser une injection
vaccination et les PF à pneumocoques ne se n’être que transitoire. Elle peut motiver à elle seule d’antibiotiques et adresser l’enfant en urgence à
rencontrent que sur des terrains très particuliers l’appel au médecin. Celui-ci doit penser à demander l’hôpital. Cette attitude est volontairement
(splénectomisés, drépanocytaires). aux parents s’ils n’ont pas remarqué des taches sur caricaturale, mais c’est la seule qui puisse prendre de
la peau qui ne s’effacent pas à la pression. vitesse la maladie. Elle ne peut être nuancée que par
■ L’atteinte de l’état général se traduit par un l’expérience et le bon sens du médecin.


Présentation clinique et attitude
pratique en ville
teint grisâtre, un enfant geignard, irritable ou
obnubilé. Parfois, des convulsions peuvent inaugurer
le tableau. Des signes digestifs sont fréquemment
associés : refus d’alimentation, vomissements,
■ Évoquer systématiquement le diagnostic :
tout purpura fébrile est un purpura méningococcique
jusqu’à preuve du contraire qui peut évoluer en
quelques heures vers la mort. Le grand danger serait
‚ Présentation clinique douleurs abdominales. de considérer ce purpura comme a priori « viral » ou
Les signes inauguraux sont toujours brutaux et ■ Le purpura peut initialement être très de se laisser abuser par un état général encore
surviennent chez un enfant en pleine santé. Ils discret ou peut se cacher sous un vêtement que conservé ou par une température redevenue
associent une fièvre élevée, une atteinte de l’état l’on aura négligé d’enlever. C’est pourquoi un normale. Certes, il existe d’autres causes de purpura
général et un purpura extensif (fig 1, 2). enfant doit s’examiner complètement dévêtu. fébrile mais mieux vaut adopter une attitude de
© Elsevier, Paris

1 Purpura ecchymotique. 2 Pupura nécrotique. Le délai entre l’apparition des premières taches pétéchia-
les et ce cliché n’est que de quelques heures.

1
8-0780 - Purpura fulminans

sécurité tant l’évolution risque d’être foudroyante en


retenant que plus d’un tiers des purpuras fébriles Antibiothérapie 3 Arbre décisionnel pour
Expansion volémique la prise en charge initiale
sont d’origine bactérienne.
■ Rechercher des signes de choc : ceux-ci ne d’un purpura fulminans
sont pas faciles à reconnaître au début, et le piège à l’hôpital. PA : pression
serait de se laisser abuser par un état général encore artérielle ; FC : fonction
30 minutes plus tard
conservé. Car, initialement, la traduction clinique des cardiaque ; TRC : temps
troubles hémodynamiques peut se limiter à un de recoloration ; DS : dé-
Purpura stable Purpura extensif viation standard.
allongement du temps de recoloration cutanée, des
PA normale PA < 2 DS
extrémités froides ou une tachycardie. Le diagnostic FC > 2 DS
FC normale
de choc devient évident quand il existe des TRC > 3
TRC normal
marbrures, que le pouls est filant et que la pression
artérielle est effondrée. Dans ce cas, on peut craindre
que le choc soit déjà bien avancé.
■ Injecter des antibiotiques : si le médecin Surveillance Appel réanimation
dispose d’antibiotiques il doit injecter par voie Examens complémentaires
intramusculaire à défaut de voie veineuse 25 mg/kg
d’ampicilline ou mieux de ceftriaxone. Ici, le danger
serait de ne pas injecter d’antibiotiques sous prétexte
Aggravation
que les prélèvements bactériologiques n’ont pas été
encore réalisés. Il s’agit d’un faux problème, car le
méningocoque a pratiquement laissé sa signature deux voies d'abord
sous forme de purpura. De plus, les techniques intubation-ventilation
modernes de bactériologie permettront d’en faire expansion volémique 20 mL / kg
secondairement la preuve. Injecter des antibiotiques
dobutamine / dopamine
à un purpura a priori « viral » n’est guère dangereux ;
prendre du retard dans un purpura méningococ-
cique peut être fatal.
■ Conduire en urgence l’enfant à l’hôpital : tout ‚ Attitude pratique de conscience (le choc est alors évolué). Le
dépend des situations locales et de l’état de l’enfant. traitement en réanimation sort du cadre de cet
Dans certains cas, on pourra estimer que l’enfant Elle est schématisée sur l’arbre décisionnel
article.
peut être conduit par ses parents à l’hôpital le plus (fig 3).Une ou mieux deux voies veineuses
proche ; dans d’autres cas on peut être amené à périphériques sont mise en place. En l’absence
d’abord veineux possible, devant une situation


appeler le SAMU à domicile.
gravissime, la voie intra-osseuse est une alternative.
L’abord vasculaire permet l’injection intraveineuse
Prophylaxie
Pièges de 25 mg/kg d’une céphalosporine de troisième
✔ Penser que le purpura est a priori génération. Cette injection est suivie d’une perfusion
« viral ». d’un soluté macromoléculaire (20 mL/kg en Le purpura fulminans à méningocoque fait partie
✔ Se laisser rassurer par une 20 minutes). Au terme de cette injection deux des maladies à déclaration obligatoire.
température redevenue normale. situations peuvent se présenter : Le traitement prophylactique, défini par la
✔ Se laisser abuser par un état – soit la situation paraît contrôlée car circulaire de la Direction générale de la santé du 5
général encore conservé. l’hémodynamique est normale pour l’âge et le février 1990, ne concerne que les infections à
purpura ne s’étend plus. On peut alors faire les méningocoque. Cette prophylaxie s’adresse aux
✔ Négliger d’enlever un vêtement
examens complémentaires. Ils visent à confirmer sujets contacts. Ceux-ci sont définis comme les
derrière lequel peut se cacher le l’origine bactérienne du purpura (numération personnes (adultes ou enfants) vivant sous le même
purpura. formule sanguine, protéine C réactive, hémoculture, toit que l’enfant. Elle s’étend aux enfants de la crèche
✔ Penser que de simples pétéchies ponction lombaire, antigènes solubles). Ils visent ou de l’école.
témoignent a priori d’une maladie également à apprécier les conséquences viscérales Cette prophylaxie comprend de la rifampicine per
peu dangereuse. éventuelles de la défaillance hémodynamique (acide os à 5 mg/kg deux fois par jour pour les
✔ Ne pas injecter d’antibiotiques, lactique, ionogramme sanguin, calcémie, glycémie, nouveau-nés ou les nourrissons de moins de 1 mois,
sous prétexte d’attendre la preuve hémostase...). La ponction lombaire ne se fera que 10 mg/kg, 2 fois/j de 1 mois à 12 ans et 600 mg, 2
bactériologique. chez un enfant parfaitement stable. L’antibiothérapie fois/j pour les plus de 12 ans. En cas de
est poursuivie. Elle repose sur l’administration d’une
✔ Penser qu’on ne rencontrera contre-indication à la rifampicine, on pourra utiliser
céphalosporine de troisième génération, Claforant la spiramycine per os à la dose de 75 000 UI/kg, 2
jamais cette maladie sous prétexte 200 mg/kg/j, en 4 ou 6 prises. On doit garder
qu’elle est rare. fois/j chez l’enfant et 3 000 000 UI, 2 fois/j chez
l’enfant à l’hôpital en restant très vigilant car un
l’adulte.
collapsus secondaire est toujours possible ;


En présence d’un méningocoque A ou C, les sujets
– soit l’hémodynamique reste précaire ou le
Attitude pratique à l’hôpital purpura s’étend. Il faut alors poursuivre le contacts seront vaccinés.
remplissage vasculaire et transférer l’enfant en
réanimation par l’intermédiaire d’un SAMU. En


‚ Examen clinique attendant le remplissage vasculaire sera poursuivi et
À l’hôpital, l’attitude est également stéréotypée. un traitement inotrope sera mis en route Conclusion
L’examen nécessairement rapide est complet. La (dopamine : 10 à 15 µg/kg/min). Le transfert en
topographie du purpura est notée, de même que réanimation s’impose également en présence si
son extension éventuelle. On recherche des signes l’enfant est âgé de moins de 2 ans (le pronostic vital Il est remarquable de noter qu’en dépit des progrès
de défaillance hémodynamique (pouls, tension est alors très sévère), si le purpura prédomine au de la réanimation, la mortalité reste élevée de l’ordre
artérielle, temps de recoloration, marbrures, niveau des extrémités en « gant » ou en de 35 %, associée à une morbidité non négligeable :
conscience...). L’examen neurologique apprécie l’état « chaussettes » (le pronostic des extrémités est en jeu amputation, insuffisance rénale, séquelles
de conscience et recherche un syndrome méningé. avec risque d’amputation), ou si existent des troubles neurologiques. Différents facteurs de risque ont été

2
Purpura fulminans - 8-0780

individualisés. Sont classiquement de mauvais


pronostic un âge de moins de 1 an et de plus de 10 Pronostic
ans, une leucopénie, l’absence de méningite. Il faut à ✔ Le pronostic reste très sévère : un tiers de morts, un tiers d’enfants amputés ou
ce propos bien différencier le PF qui est un choc présentant d’autres séquelles, un tiers de survivants sans séquelles.
septique le plus souvent sans atteinte méningée, des ✔ Ces chiffres sont malheureusement constants depuis plusieurs années malgré les
méningites à méningocoque ou les signes de choc progrès de la réanimation.
sont souvent au second plan par rapport aux signes ✔ Le pronostic est encore plus sévère chez l’enfant de moins de 2 ans (75 % de
méningés. Bien entendu, toutes les formes cliniques
mortalité).
existent entre ces deux extrêmes.

Catherine Baujard : Chef de clinique-assistant.


Romain Mandel : Chef de clinique-assistant.
Philippe Durand : Assistant.
Denis Devictor : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.
Service de réanimation pédiatrique, hôpital de Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le-Kremlin-Bicêtre cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Baujard, R Mandel, P Durand, D Devictor. Purpura fulminans.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0780, 1998, 3 p

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3
Anorexie mentale du nourrisson, 8-0880
8-0880

du jeune enfant, de l’enfant


Encyclopédie Pratique de Médecine

prépubère et de l’adolescent
P Ferrari

O n désigne sous le terme d’anorexie les troubles du comportement aboutissant à une restriction voire à un
refus plus ou moins complet d’alimentation, avec généralement conservation de la sensation de faim. Nous
distinguerons les anorexies du nourrisson, les anorexies du grand enfant, en période de latence et les anorexies de
l’adolescent.
Bien que de rares cas d’anorexie de la petite enfance puissent se prolonger à l’adolescence, on admet qu’il n’existe
pas de lien direct, ni sur le plan évolutif ni sur le plan psychopathologique, entre les différentes formes d’anorexie à
ces différentes périodes de la vie.
© Elsevier, Paris.


Anorexies d’inertie
Anorexie mentale du nourrisson Bilan d’une anorexie mentale
et du jeune enfant Il s’agit d’une forme rare mais grave d’anorexie
commune du nourrisson
marquée par une grande passivité de l’enfant, un
Il faut :
C’est le plus fréquent des troubles alimentaires du refus de la succion, un désintérêt pour toutes les
✔ éliminer une cause organique ;
nourrisson. Sa fréquence est évaluée entre 1,4 à 3 %. activités orales habituelles, un trouble du contact
✔ rechercher les facteurs favorisants avec pauvreté des échanges contrastant avec une
Il convient de distinguer les anorexies néonatales
bénignes, la forme commune du second semestre, la
(poussée dentaire, sevrage, épisode hypervigilance. Le contexte de survenue est
plus fréquente, et les formes graves et complexes
infectieux, vaccination) ; généralement celui d’une défaillance massive de
beaucoup plus rares. ✔ rechercher des troubles associés l’environnement.
(insomnies, autres conduites
Ces deux types d’anorexies (dépressives et
‚ Anorexies néonatales bénignes d’opposition) ;
d’inertie) nécessitent des prises en charge conjointes
✔ apprécier le comportement du bébé,
Celles-ci surviennent dès les premières semaines (mère et bébé), pédiatrique et pédopsychiatrique.
généralement très éveillé avec un
de la vie dans des contextes très particuliers : au
décours d’une anesthésie maternelle ou lors d’une
développement psychomoteur
Anorexies psychotiques
maladie intercurrente de l’enfant. Ce manque
normal ;
✔ apprécier la personnalité de la Elles sont très particulières en raison du contexte
transitoire d’appétit doit être respecté mais il peut
mère, ses modalités interactives avec clinique dans lequel elles surviennent. Il s’agit :
secondairement s’organiser en une conduite
l’enfant et ses habitudes éducatives. – soit d’un syndrome autistique avec absence
d’opposition à l’alimentation identique à l’anorexie
d’activité autoérotique orale et difficultés de succion
du second semestre, surtout lorsque des contraintes
puis de mastication ;
alimentaires intempestives ont été mises en oeuvre.
conscience de certains fantasmes en jeu dans sa – soit, chez un enfant plus âgé, un syndrome de
‚ Anorexie mentale commune du second relation à lui, plus grande confiance dans les dysharmonie psychotique avec difficulté à la
semestre capacités maternelles ; d’autres fois, l’anorexie se mastication et à la déglutition d’aliments solides.
prolonge, habituellement sans véritable Ces pathologies graves relèvent d’une prise en
C’est la forme la plus typique et la plus fréquente
amaigrissement mais avec une prise de poids qui charge essentiellement pédopsychiatrique.
(Lelong et Kreisler).
reste faible.
Clinique Anorexies mentales phobiques
‚ Formes graves d’anorexie précoce
Les modalités du refus alimentaire sont variées, Il s’agit d’une attitude phobique généralisée
soit refus catégorique et bruyant, soit refus larvé Nous retiendrons la classification de Kreisler [5] : vis-à-vis de l’alimentation avec refus de la nourriture
mais tout aussi persistant et tenace. Les stratagèmes solide et liquide, le contact avec les aliments
utilisés par la mère, quoique divers, aboutissent tous Anorexies mentales dépressives entraînant une attitude générale de crainte. Ce type
à une attitude plus ou moins contraignante et à une Il s’agit ici d’une véritable atteinte de l’appétit au d’anorexie survient au décours de la deuxième
lutte autour de l’alimentation qui se termine toujours sein d’un tableau clinique complexe fait d’inertie, de année, s’accompagne volontiers d’autres
par la victoire de l’enfant. retard de croissance et de retard du développement symptômes phobiques et peut nécessiter une
psychomoteur. Le contexte dans lequel surviennent hospitalisation d’urgence en raison des risques de
Évolution et traitement déshydratation. Ces anorexies relèvent d’une prise
© Elsevier, Paris

ces anorexies au cours du deuxième ou troisième


Certaines anorexies guérissent rapidement du fait semestre est très caractéristique. Dépression en charge pédopsychiatrique.
des modifications comportementales de la mère au maternelle, séparation précoce, trouble grave de En conclusion, il faut opposer la fréquence et le
décours des entretiens thérapeutiques : diminution l’investissement affectif de l’enfant, du fait d’un pronostic généralement bon de l’anorexie habituelle
de l’inquiétude dans la relation à l’enfant, prise de environnement sociofamilial défaillant. du nourrisson dite « anorexie d’opposition » aux

1
8-0880 - Anorexie mentale du nourrisson, du jeune enfant, de l’enfant prépubère et de l’adolescent

autres formes d’anorexie, plus rares mais plus imaginaire. Ils nécessitent une prise en charge Aspects psychologiques de la maladie [2]
graves, et qui traduisent un trouble psychopatholo- conjointe, pédiatrique et pédopsychiatrique.
Ils font partie intégrante de l’affection et leur
gique beaucoup plus sévère.
identification est capitale tant pour le diagnostic que


pour la conduite du traitement. Il s’agit de :


Anorexie mentale de l’adolescent – déni de l’amaigrissement et de crainte panique
Anorexies chez le grand enfant de grossir, conséquence de troubles de la perception
et l’enfant prépubère de l’image du corps. Il explique l’absence
‚ Épidémiologie
d’inquiétude des patientes au sujet de leur état ;
D’une façon générale, deux à huit cas pour
‚ Épidémiologie – méconnaissance des besoins et exigences
100 000 habitants sont recensés chaque année
On ne possède que peu de données épidémiolo- dans les sociétés occidentales. En France, l’incidence corporelles avec tentative de maîtrise de l’appétit et
giques sur les troubles des conduites alimentaires à de l’anorexie mentale est évaluée entre 2 000 et érotisation de la sensation de faim ;
cette période de la vie. Une étude sur une population 6 000 cas annuels (Rigaud) [7]. – appauvrissement du vécu émotionnel et
d’enfants âgés de 8 à 13 ans (Malonay) montre que L’anorexie touche le sexe féminin dans plus de affectif avec refoulement massif des exigences
7 % des enfants présentent des « scores 90 % des cas. L’âge moyen de début se situe entre pulsionnelles liées à la sexualité génitale ;
anorexiques » avec des préoccupations concernant 15 et 17 ans. – tentative de maîtrise du corps, de ses besoins,
le poids, accompagnées de certaines restrictions sentiment de triomphe issu de cette maîtrise,
alimentaires qui n’aboutissent pas toujours à de – surinvestissement de l’activité physique et de la
véritables anorexies [7]. Diagnostic positif de l’anorexie motricité avec méconnaissance de la sensation de
mentale de l’adolescent fatigue ;
Clinique Le DSM-IV exige pour le diagnostic – vie relationnelle centrée autour d’une lutte
positif cinq critères : contre le sentiment de dépendance dans un
¶ Dépression et anorexie
D’authentiques dépressions de l’enfant peuvent ✔ une perte de poids de plus de fantasme d’autosuffisance avec difficultés
s’accompagner de troubles alimentaires avec un 25 % ; d’engagement affectif dans la relation à autrui,
éventuel retentissement pondéral (15 à 20 %). ✔ un âge de début avant 25 ans ; maintien d’une relation de dépendance aux objets
Par ailleurs, on trouve fréquemment des ✔ l’existence de troubles importants parentaux et lutte contre celle-ci (conflit déplacé sur
symptômes dépressifs, voire une franche dépression, du comportement alimentaire ; l’objet nourriture) ;
chez les enfants présentant une anorexie prépubère ✔ l’absence de toute pathologie autre, – niveau intellectuel, souvent excellent,
mais l’anorexie et les troubles concomitants de organique ou psychiatrique ; s’accompagnant souvent de bons résultats scolaires,
l’image du corps sont le plus souvent antérieurs à la ✔ la peur intense de devenir obèse. voire d’avidité pour l’emmagasinement des
dépression et lui persistent [7]. connaissances ;
Symptomatologie somatique – troubles de l’humeur. Classiquement, ils
¶ Anorexie mentale prépubère n’existent pas et l’on considère comme nécessaire
Il s’agit d’anorexies mentales proches dans leur ¶ Amaigrissement au diagnostic l’absence de tout syndrome dépressif
symptomatologie des anorexies mentales de Il est très important, dépassant 25 voire 50 %
caractérisé. Cependant, certaines études mettent en
l’adolescence (avec trouble de l’image du corps) mais dans certains cas. Il s’agit d’un amaigrissement
évidence des traits dépressifs dans cette population
qui s’en distinguent par le fait qu’elles se impressionnant avec fonte musculaire, atténuation
et il n’est pas rare d’observer des moments
développent antérieurement à la puberté. Il peut des formes féminines, modification des phanères,
dépressifs en cours d’évolution. Ceux-ci doivent être
s’agir : troubles circulatoires avec cyanose des extrémités,
soigneusement repérés.
– soit d’une forme survenant alors que parfois même oedèmes de carence. Au total, l’aspect
s’ébauchent déjà les premières modifications du corps est squelettique. L’amaigrissement se
Milieu familial
corporelles pubertaires. Elle serait de meilleur poursuit inexorablement, la jeune anorexique ne se
pronostic ; sentant en accord avec elle-même qu’à la condition L’appréciation du milieu familial constitue un
– soit d’une forme survenant en pleine période de pouvoir s’assurer cette maîtrise d’imposer au temps important de la démarche diagnostic.
de latence sur fond plus ou moins marqué de corps un aspect décharné. Cependant, il faut distinguer les réactions du milieu
troubles de la personnalité, souvent à dominante familial à l’apparition des troubles et une éventuelle
¶ Anorexie psychopathologie familiale antérieure à ceux-ci et
obsessionnelle. Ces formes d’anorexie, au pronostic
Il s’agit d’une restriction alimentaire délibérée qui
plus sévère, entraînent parfois un retentissement sur ayant pu - au moins partiellement - contribuer à leur
s’accompagne d’un régime draconien et de
la croissance (taux abaissé de l’hormone de genèse.
préoccupations obsédantes autour de l’alimentation
croissance et de l’activité de la somatomédine ¶ Réactions du milieu familial
visant à restreindre les apports d’aliments réputés
plasmatique) [2]. L’insensibilité de la jeune anorexique aux
caloriques. La conduite anorexique est une
¶ Vomissements psychogènes composante d’un ensemble de comportements pressions familiales et à toute tentative de
Ils peuvent s’observer chez des enfants à cette visant tous au contrôle du poids et à la lutte contre raisonnement logique, la méconnaissance du
période, isolés ou associés à une anorexie. Ils ne une possible obésité : contrôle des aliments, danger vital qu’elle courre, sont, pour les parents, à
s’accompagnent pas de troubles de l’image du corps vomissements provoqués, prise de laxatifs et de l’origine d’une angoisse intense et de profondes
mais peuvent avoir un éventuel retentissement diurétiques pour accélérer les éliminations, exercice blessures narcissiques. Les agressions du cadre
pondéral. Ils sont généralement rattachés à des physique intense et prolongé dans le but de familial et le défi lancé au pouvoir parental
structures névrotiques de type hystérique. déperdition calorique. entraînent, par ailleurs, chez les parents un
sentiment d’impuissance. La réponse parentale peut
¶ Troubles anorexiques au cours des maladies ¶ Aménorrhée osciller entre le déni des troubles et de leur
organiques Elle est constante en cours d’évolution. Dans la
dimension psychologique et les réactions
Ils sont fréquents au cours des pathologies plupart des cas, elle coïncide avec le début de
d’excessive dramatisation.
organiques de l’enfant, souvent rapportés à tort à la l’amaigrissement mais peut parfois le précéder ou lui
seule maladie organique dont ils peuvent cependant succéder. Elle peut être primaire ou secondaire. Elle ¶ Psychopathologie familiale
souvent aggraver le retentissement somatique. Ils est relativement indépendante de l’amaigrissement Une psychopathologie familiale antérieure à la
viennent traduire l’anxiété liée à la maladie, à ses et constitue toujours un symptôme tenace, long à genèse des troubles a pu jouer un rôle dans
conséquences possibles, qu’elle soit réelle ou disparaître. celle-ci [7].

2
Anorexie mentale du nourrisson, du jeune enfant, de l’enfant prépubère et de l’adolescent - 8-0880

■ La relation à la mère. Il est classique de contre laquelle s’organisent des fantasmes de toute Formes tardives
souligner la particularité de la relation de la jeune puissance, d’indépendance et des attitudes de défi. Certaines formes à début apparemment tardif
anorexique à sa mère. La nature profondément L’importance de l’impact traumatique des (au-delà de 25 ans) ont le plus souvent débuté, en
narcissique de l’investissement par celle-ci de son modifications physiologiques et psychologiques de fait, précocement par des épisodes anorexiques
enfant avec une survalorisation des performances la puberté qui sont vécues de façon persécutive : passés inaperçus.
sociales et scolaires aux dépens de l’expression des – incapacité à accepter les transformations
manifestations émotionnelles et affectives et de la corporelles de la puberté et notamment les signes de ‚ Évolution [3]
vie imaginaire. La mère vivrait ainsi sa propre fille féminité ;
comme un double d’elle-même dans une relation – le corps d’abord vécu comme un objet de Évolution spontanée
ambivalente à sa propre mère. haine, devient secondairement objet d’une sorte L’évolution spontanée tend plutôt vers
■ La relation au père. Celle-ci a été moins bien d’idéalisation à tonalité mégalomaniaque : objet l’aggravation et l’installation dans un état de
identifiée que la relation à la mère. Les pères des désincarné, asexué, tout puissant, indestructible qui chronicité avec stabilisation du poids à un niveau
jeunes anorexiques présentent souvent des doit être soumis à une maîtrise absolue. très inférieur à la normale, appauvrissement des
difficultés à assumer les positions d’autorité à Paradoxalement, certaines parties du corps peuvent échanges sociaux. Le taux de mortalité se situe à
l’intérieur du cadre familial dont ils se sentent faire l’objet de recherche de sensations corporelles 5 % (par dénutrition ou tentative de suicide).
souvent mis à l’écart aboutissant alors à des pures (par exemple, recherche de sensation de
réplétion gastrique lors des boulimies, érotisation de Évolution sous traitement
attitudes d’évitement relationnel et de repli
la sensation de faim). Sous traitement bien conduit (le meilleur facteur
narcissique de la part du père.
La pauvreté de la vie fantasmatique et de pronostic semble être la nature, la qualité, la
■ Le fonctionnement familial se caractériserait
notamment de la vie onirique. cohérence et la durée du traitement), l’évolution -
parfois par un souci d’une excessive harmonie
familiale tendant à l’évitement de tout conflit et à la L’importance des attitudes de masochisme où le ponctuée cependant de rechutes (10 à 50 %) - est
plaisir n’est tiré que de la non-satisfaction des très différente avec disparition des principaux
limitation des échanges affectifs, par un manque de
besoins (orgasme de faim). symptômes (75 % des cas), guérison (dans 50 % des
distance entre les membres de la famille aboutissant
Le rapport à l’image du corps est profondément cas), reprise d’une vie personnelle et sociale
souvent à une confusion entre les générations.
perturbé. L’image du corps peu intégrée au sujet satisfaisante.
reste extérieure à lui et très dépendante de ce que lui
‚ Étiologie
renvoie le regard d’autrui. L’exhibition provocante ‚ Conduite thérapeutique
La constatation d’un syndrome d’anorexie d’un corps décharné et l’image que lui en renvoie le L’hospitalisation en service de soins intensifs est
mentale chez la jeune fille impose une enquête à regard de l’autre la confirme dans sa propre identité absolument indispensable lorsque l’amaigrissement
visée étiologique et psychopathologique (laquelle et dans l’emprise sadique et omnipotente qu’elle a atteint un point critique tel qu’il menace gravement
sera approfondie lors de la prise en charge tente d’exercer sur autrui. la santé, voire la vie.
psychiatrique). L’importance de la conflictualité autour de la
problématique autonomie/dépendance.
Recherche de facteurs organiques L’anorexique déplace sur l’objet nourriture sa lutte Le bilan biologique en unité de
contre la dépendance et ses tentatives de réanimation montre :
Les facteurs génétiques. Même s’il existe des cas
sauvegarde de son autonomie. Pour ces raisons, ✔ bilan standard : modifications secon-
incontestables d’anorexie mentale familiale et que
l’anorexie mentale a pu être rattachée aux conduites daires à la dénutrition : anémie
des prédispositions génétiques à cette affection ne
d’addiction toxicomaniaque. hypochrome, hypoglycémie,
soient pas exclues, il n’est pas possible d’affirmer
Les modèles culturels de minceur et de formes hypercholestérolémie, hypokaliémie,
l’existence d’un déterminisme génétique univoque
idéales de perfection corporelle n’interviennent que hypovolémie, éventuellement
dans la survenue de l’affection.
sur les personnalités au narcissisme défaillant. troubles de la conduction
Les troubles hypothalamiques et diencéphalo-
cardiaque ;
hypophysaires sont fréquents. Ils sont généralement ‚ Formes cliniques ✔ bilan d’exploration de l’axe hypo-
considérés comme secondaires, soit au trouble
thalamo-hypophysaire : diminution
psychique lui-même, soit à la dénutrition. Leur Anorexie mentale du garçon
de l’hormone thyroïdienne T3 et T4
exploration physiologique pourra se faire lors d’une Beaucoup plus rare (5 à 10 %), elle est un
hospitalisation (nous détaillerons les examens
avec un taux sanguin normal de
équivalent structurel de celle de la jeune fille. thyroid stimulating hormone (TSH) ;
nécessaires dans le paragraphe consacré à L’aménorrhée est remplacée par des troubles de la
l’hospitalisation).
abaissement du taux sanguin des
libido. On a signalé la plus grande fréquence des
hormones ovariennes avec un taux
troubles obsessionnels, voire schizoïdes sous-jacents
Caractéristiques psychopathologiques
d’hormone folliculostimulante
et le pronostic est plus sévère.
(FSH) et de l’hormone
On essayera d’apprécier les caractéristiques lutéostimulante (LH) inférieur à la
psychopathologiques ayant pu jouer un rôle dans Formes frustes
normale ; abaissement des facteurs
l’étiologie de la maladie et contribuant à Elles sont très fréquentes, l’amaigrissement y est de croissance plasmatique.
l’individualisation de la structure psychopatholo- souvent peu important. Par contre, existent toujours
gique de celui-ci. Le premier essai d’appréciation des préoccupations corporelles et des troubles de
effectué par le médecin généraliste sera complété l’image du corps. Hospitalisation en service spécialisé [2]
lors de l’examen psychiatrique [2, 4, 7]. Hormis les cas nécessitant une réanimation,
Le type de personnalité ayant précédé l’éclosion Formes boulimiques des anorexies l’hospitalisation doit se faire préférentiellement dans
de la maladie : souvent personnalité en « faux self », La fréquence des anorexies avec accès un service de psychiatrie spécialement adapté à ce
c’est-à-dire personnalité qui se développe dans la boulimiques suivis de vomissements est type de prise en charge.
dépendance au désir et aux attentes d’autrui, dans relativement importante (25 à 50 % des cas). L’hospitalisation permet alors :
un souci d’aconflictualité avec l’entourage. Certains traits psychopathologiques sont plus – d’établir une séparation du milieu familial
L’importance de la pathologie narcissique avec volontiers associés à ces formes (dépressions, permettant de rompre le système des interactions
sentiment de vide intérieur et de non-valeur de soi kleptomanie, alcoolisme). pathogènes entre l’adolescent et sa famille ;

3
8-0880 - Anorexie mentale du nourrisson, du jeune enfant, de l’enfant prépubère et de l’adolescent

– d’établir un contrat d’hospitalisation, élément généralement longue (entre 3 et 6 mois). Une – les thérapies comportementales et
essentiel du cadre thérapeutique qu’il importe de interruption prématurée entraîne, le plus souvent, cognitives. Ces thérapies visent au changement des
maintenir solidement. Ce contrat implique une une reprise des troubles ; comportements alimentaires par modification de
séparation complète entre la jeune anorexique et sa – d’autres méthodes thérapeutiques peuvent être « cognitions erronées » sur lesquelles sont censés
famille jusqu’à ce que soit obtenu un poids à partir mises en place au cours de l’hospitalisation. reposer ces comportements ;
duquel seront autorisées les visites et un poids à Ce sont : – les psychothérapies individuelles
partir duquel sera envisagée la sortie. Le contrat – la chimiothérapie. Elle n’a que peu d’inspiration psychanalytique sont extrêmement
constitue une règle de référence qui s’impose à tous ; d’indications dans l’anorexie mentale (hormis les utiles mais doivent être aménagées (pour éviter une
– de mettre en place une thérapie institutionnelle antidépresseurs lors de syndromes dépressifs rupture toujours menaçante) et prudentes (dans
qui vise à induire des modifications de fond dans caractérisés) ; l’interprétation des contenus fantasmatiques des
l’économie psychique de la patiente, à favoriser et à – l’approche familiale. L’alliance thérapeutique conflits pulsionnels et des manifestations
diversifier ses échanges relationnels avec les autres avec les parents constitue un élément essentiel du transférentielles).
adolescents et les soignants, à éviter les replis, à traitement. Le travail avec eux vise à les aider à
favoriser le réinvestissement du corps et la modifier leurs modalités d’investissement de
Suivi thérapeutique
dimension de plaisir dans le rapport à celui-ci, à l’adolescent, à accepter ses mouvements
favoriser enfin les mouvements identificatoires. La d’autonomisation, à tolérer ses modifications Un suivi thérapeutique régulier doit être assuré
prise en charge institutionnelle peut s’aider de comportementales. L’approche familiale peut se lors de la sortie dont les modalités pourront
diverses médiations : sociothérapie, psychothérapie, faire selon des modalités particulières (entretiens, comporter la poursuite de certains des dispositifs
activités scolaires. La durée de l’hospitalisation est groupes de parents, thérapie familiale) ; précédents.

Pierre Ferrari : Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’UFR Kremlin-Bicêtre, médecin-chef du centre de psychiatrie infantile,
fondation Vallée, 7, rue Benserade, 94257 Gentilly cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Ferrari. Anorexie mentale du nourrisson, du jeune enfant, de l’enfant prépubère et de l’adolescent.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0880, 1998, 4 p

Références

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1985
[2] Jeammet PH. L’anorexie mentale. Monographie. Paris : Doin, 1985
[6] Mille CH. L’anorexie mentale. In : Ferrari P, Epelbaum C eds. Psychiatrie de
[3] Jeammet PH. Le devenir de l’anorexie mentale : une étude prospective de 129 l’enfant et de l’adolescent. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1994
patients évalués au moins 4 ans après leur première admission. Psychiatr Enf
1991 ; 31 : 381-442 [7] Samuel-Lajeunesse B, Foulon CH. Les conduites alimentaires. Paris : Mas-
son, 1994
[4] Kestemberg E, Kestemberg J, Decobert S. La faim et le corps. Paris : PUF,
1972

4
8-0870
8-0870

Hyperactivité de l’enfant
Encyclopédie Pratique de Médecine

MC Saiag, MC Mouren-Siméoni

L e diagnostic du trouble déficit de l’attention / hyperactivité est difficile ; le pronostic en l’absence de traitement
est péjoratif et les conséquences à long terme sont graves. Ce n’est qu’au terme d’une évaluation bien
conduite qu’un projet cohérent de traitement pourra être proposé.
© Elsevier, Paris.


variabilité des caractéristiques comportementales troubles du comportement, altèrent les
Introduction qui peuvent inclure des traits similaires aux performances scolaires qui sont souvent médiocres
symptômes du trouble. et source de conflits avec la famille et les autorités
scolaires. Mal intégré au groupe, l’enfant est peu
L’hyperactivité de l’enfant est connue depuis la fin ‚ Description type entre l’âge productif ; souvent anxieux, il a une faible estime de
du XIXe siècle. Diverses dénominations ont été de 6 et 10 ans soi.
utilisées : instabilité psychomotrice, hyperkinésie, L’inattention, l’impulsivité, l’hyperactivité varient
C’est le plus souvent lors de l’entrée à l’école, ou
hyperactivité, dysfonctionnement cérébral a minima. chez un même enfant en fonction des situations.
dans les premières années de scolarisation, que les
Actuellement, on utilise le terme de trouble déficit de Elles s’exacerbent en situation de groupe, en
parents consultent, alarmés par les enseignants. La
l’attention / hyperactivité selon la quatrième édition particulier à l’école. Elles sont très atténuées dans des
caractéristique essentielle du trouble est un mode
de la classification de l’Association américaine de situations nouvelles ou duelles (le cabinet de
persistant d’inattention et/ou d’hyperactivité /
psychiatrie (DSM IV) [1] ou de troubles hyperkiné- consultation médicale). L’information recueillie
impulsivité, qui est plus fréquent et plus sévère que
tiques selon la dixième révision de la Classification auprès des parents et des enseignants est donc
ce qui peut être observé chez des sujets d’un niveau
internationale des maladies (CIM 10) [6]. Pour des essentielle, ainsi que celle apportée par l’observation
de développement similaire. Il apparaît dans de
raisons de commodité, le terme hyperactivité va être standardisée de l’enfant.
multiples contextes, entraînant une gêne
utilisé dans cet article à la place du terme trouble
fonctionnelle à l’école et à la maison et altérant de ‚ Caractéristiques liées à l’âge
déficit de l’attention / hyperactivité.
façon significative le fonctionnement scolaire, social Chez les enfants plus jeunes, les formes
et familial. Ces symptômes doivent être présents


symptomatiques sont généralement plus sévères et
avant l’âge de 7 ans. les symptômes plus nombreux. Dès la naissance, le
Données épidémiologiques L’inattention peut se manifester en milieu scolaire nourrisson est très actif. Dès les premiers mois de vie,
ou social. L’enfant semble ne pas écouter ou ne pas il se débat dans les bras de sa mère, s’agrippe à elle,
L’hyperactivité est un problème majeur de santé entendre ce qui se dit ; il est distrait par le moindre se tortille, touche à tout, rampe partout dès qu’il en a
publique en raison de sa prévalence élevée (3 à 5 % stimulus, change fréquemment d’activité, ne peut les capacités. Il ne peut rester même un bref instant
chez les enfants d’âge scolaire) [1] et de la gravité de soutenir son attention sur une tâche scolaire, a du seul sans tomber, il pousse des cris perçants. Son
ses complications à long terme. C’est un des troubles mal à organiser son travail et à respecter les règles développement moteur est rapide, par à-coups. Le
psychopathologiques les plus étudiés chez l’enfant. dans les jeux. nourrisson s’endort difficilement, se réveille
Des critères diagnostiques standardisés et des outils L’impulsivité se manifeste par une impatience, facilement en sursautant et en criant ; l’appétit est
d’évaluation clinique [4] développés aux États-Unis une difficulté à attendre son tour et une tendance à faible, irrégulier, sans détente postprandiale. L’enfant
sont largement utilisés. La prédominance est nette interrompre les autres. Elle peut être source passe de façon imprévisible du hurlement au calme ;
dans le sexe masculin avec un sex-ratio variant de d’accidents et l’enfant nécessite une surveillance il sourit peu et regarde rarement sa mère. Celle-ci
4/1 à 9/1 [ 1 ] . En France, la prévalence est stricte en raison de son absence d’anticipation du souvent déroutée et insatisfaite tend à s’éloigner de
probablement comparable à celle des États-Unis [9]. danger. lui. Un renforcement négatif de l’interaction se
La comorbidité est fréquente : association à un L’hyperactivité peut varier avec l’âge et le niveau développe. Cette perturbation précoce de la relation
trouble oppositionnel avec provocation ou un de développement du sujet. L’enfant est incapable mère - enfant peut être le précurseur d’une relation
trouble des conduites (47 %), à des troubles de de rester assis, se tortille, se balance sur sa chaise, difficile avec les pairs.
l’humeur ou à des troubles anxieux (26 %), à des touche à tout, manipule des objets sans but De 18 mois à 6 ans, le développement du
troubles des apprentissages [2]. L’hyperactivité n’est organisé. Il a du mal à participer à des activités de langage peut être retardé : premiers mots vers 3 ans,
pas rare chez les sujets atteints de la maladie de groupe où il faut rester tranquille. premières phrases vers 4 ans. Avec ses pairs, l’enfant
Gilles de la Tourette. À ces manifestations s’ajoutent souvent une faible est agressif, dominateur, destructeur, sans souci
tolérance aux frustrations, des accès de colère, une apparent de l’opinion de l’entourage, mais en fait


opposition, une brutalité, une insistance excessive à très sensible à l’exclusion dont il est l’objet. Il est
Caractéristiques diagnostiques ce que les demandes soient satisfaites, une labilité de particulièrement exposé aux risques d’accident,
© Elsevier, Paris

l’humeur. Ce comportement est souvent à l’origine d’absorption de toxiques, et sa surveillance est


de difficultés relationnelles avec les pairs et de difficile. Une intervention précoce avant l’âge de
Le diagnostic est difficile, rarement porté en l’exclusion du groupe. Des troubles spécifiques du 6 ans est nécessaire avant que la distorsion de la
consultation. Il est particulièrement difficile à établir développement (trouble de l’acquisition du langage, relation mère - enfant ne devienne irréversible et
chez l’enfant jeune, avant 4 ou 5 ans, en raison de la de la lecture, de l’expression écrite), associés aux que la relation avec les pairs ne soit très altérée. Il

1
8-0870 - Hyperactivité de l’enfant


importe d’éviter de minimiser le trouble, de Le développement d’une personnalité antisociale
dévaloriser la mère. L’école joue un rôle important à l’âge adulte est également significativement plus Évaluation symptomatique [7]

dans le signalement de l’enfant. fréquent chez les adultes ayant présenté dans
Avec la puberté, les symptômes deviennent en l’enfance une hyperactivité [11] ; 23 % des adultes
général moins apparents. Les signes d’hyperactivité antérieurement hyperactifs ont une personnalité L’évaluation symptomatique est essentiellement
motrice deviennent moins fréquents ou se limitent à antisociale contre 2,4 % dans le groupe contrôle. Il basée sur les entretiens avec les parents, avec
un sentiment subjectif d’agitation. En revanche, les n’y a pas de différence significative entre les deux l’enfant lui-même et sur les informations données
symptômes d’inattention persistent, interférant avec groupes en ce qui concerne l’abus d’alcool. par les enseignants, auxquels s’ajoutent des échelles
les résultats scolaires et les symptômes d’impulsivité Gittelman et al [8] parviennent à des conclusions de comportement pour les parents et les
peuvent conduire à des infractions aux règles similaires : 30 % des adultes diagnostiqués enseignants, et une observation standardisée de
familiales, sociales ou scolaires. hyperactifs dans l’enfance ont un trouble l’enfant le plus souvent en présence de sa mère.
hyperactivité contre 3 % dans le groupe contrôle ;
‚ Évolution
20 % ont un trouble des conduites contre 8 % dans
De nombreuses études prospectives longitudi- le groupe contrôle ; 19 % ont un trouble abus de L’hyperréactivité s’exacerbe en
nales contrôlées ont précisé l’évolution du trouble, et substances toxiques contre 7 % dans le groupe situation de groupe, en particulier à
ont remis en cause l’opinion longtemps admise contrôle. La plupart des sujets qui présentent des l’école. Elle est très atténuée dans des
selon laquelle l’évolution serait spontanément problèmes antisociaux ont aussi un trouble situations nouvelles ou duelles (le
favorable à la puberté. L’hyperactivité est un trouble hyperactivité persistant. L’abus d’alcool et l’abus de
chronique qui représente un facteur de risque pour
cabinet de consultation médicale).
drogues se retrouvent chez les sujets hyperactifs qui
le développement de comportements antisociaux. L’information recueillie auprès des
avaient aussi un trouble des conduites ; l’abus
Trois évolutions semblent possibles [ 1 0 ] : parents et des enseignants, ainsi que
survient après le développement d’une personnalité
disparition complète de la symptomatologie vers antisociale qui constitue un facteur de risque. l’observation standardisée de l’enfant,
l’âge de 12 ans (20 %) ; persistance de l’ensemble de Ainsi, le pronostic de l’hyperactivité de l’enfant en sont donc essentielles.
la symptomatologie à l’âge adulte (43 %) ;
l’absence de traitement est mauvais ; ses
disparition de l’hyperactivité mais persistance à l’âge
conséquences à long terme sont graves avec de L’entretien avec les parents renseigne
adulte de difficultés d’apprentissage, de troubles du
nombreuses implications psychiatriques. essentiellement sur la chronologie et la durée des
comportement ou émotionnels (37 %).
symptômes, notions que l’enfant ne possède
habituellement pas avant l’adolescence, mais qui


Évolution du trouble déficit de sont des éléments importants du diagnostic
l’attention / hyperactivité Diagnostic différentiel psychiatrique. Cet entretien a également pour but
✔ Disparition complète de la
(tableau I) d’obtenir des informations démographiques, des
symptomatologie vers l’âge de 12 ans informations sur l’enfant, sur les parents et sur leur
mode d’éducation, et d’appréhender la qualité de la
(20 %)
relation parents - enfant et les répercussions du
✔ Disparition de l’hyperactivité mais L e s s y m p t ô m e s d u t r o u b l e d é fi c i t d e
comportement de l’enfant au sein de sa famille.
persistance à l’âge adulte de l’attention/hyperactivité peuvent être difficiles à
L’entretien avec l’enfant précise ce qu’il ressent, la
difficultés d’apprentissage, de distinguer de comportements appropriés à l’âge
façon dont il vit ses difficultés plus que les faits
chez les enfants actifs au début de l’enfance.
troubles du comportement ou eux-mêmes ou leur chronologie. L’examen clinique
Le trouble déficit de l’attention / hyperactivité doit
émotionnels (37 %) est en soi un moyen d’établir une relation avec
être distingué de l’inattention ou de l’instabilité
✔ Persistance de l’ensemble de la l’enfant et de montrer à la mère que l’enfant souffre.
secondaire à des conditions environnementales Il permet de plus de reconnaître une affection
symptomatologie à l’âge adulte défectueuses, à certains traitements ou à certains
(43 %) métabolique (hyperthyroïdie), une intoxication
troubles psychopathologiques (retard mental, (plomb), une épilepsie, un trouble neurologique
autisme et trouble envahissant du développement, identifiable (5 % des cas), qui peuvent aussi se
Gittelman [ 8 ] dans une étude prospective troubles sévères des apprentissages). manifester par une hyperactivité ou lui être associés.
longitudinale compare 101 adolescents ayant eu Le diagnostic différentiel est parfois difficile avec L’enfant est souvent stable lors du premier entretien.
dans l’enfance un trouble hyperactivité à 100 les états maniaques ou hypomaniaques. Il exprime souvent des affects négatifs : il se sent
adolescents contrôles. Environ 30 % des adolescents Dans le trouble de l’adaptation, la réaction non anormal, perçoit que son comportement ne peut
du premier groupe ont un trouble hyperactivité adaptée survient après un facteur de stress être contrôlé ni par lui ni par ses parents, ce qui
contre 3 % dans le groupe contrôle. Le trouble des identifiable, et cesse après la disparition du facteur augmente son inquiétude.
conduites et l’abus de substances toxiques sont de stress. L’entretien avec les enseignants apporte des
significativement plus élevés dans le premier groupe. informations ayant trait aux symptômes actuels.
Le plus grand facteur de risque pour le Leur évaluation du comportement de l’enfant et de
développement de ces deux troubles est la sa famille peut être particulièrement fiable et
persistance de l’hyperactivité. Tableau I. – Diagnostic différentiel du trouble objective et ce, pour deux raisons :
déficit de l’attention / hyperactivité. – d’une part, ils observent dans les mêmes
‚ Complications circonstances des enfants de même âge et de même
Les complications à long terme sont graves. Ce — Inattention ou instabilité secondaire à des sexe et basent donc leur opinion sur des
sont l’échec scolaire, le trouble des conduites et le conditions environnementales défectueuses, à cer- comportements de référence ;
développement d’une personnalité antisociale à tains traitements ou à certains troubles psychopa-
– d’autre part, ils ont acquis une expérience
thologiques (retard mental, autisme et trouble en-
l’âge adulte. vahissant du développement, troubles sévères de considérable des relations avec les parents.
L’échec scolaire est lié en partie aux troubles l’apprentissage) L’information qu’ils fournissent est une donnée
cognitifs, en partie à la pauvre estime de soi et en importante car la situation de groupe, réalisée par la
— Trouble de l’adaptation
partie aux difficultés avec les pairs qui s’aggravent. vie à l’école, est une situation privilégiée dans
Seulement 20 % des adolescents ont une scolarité — État maniaque ou hypomaniaque laquelle les symptômes comportementaux
normale. — Épilepsie (absences) s’exacerbent souvent. Ils apportent également des
Le trouble des conduites est une complication — Hyperthyroïdie et intoxication au plomb où les données essentielles sur les relations de l’enfant
fréquente : dans l’étude de Sassone [10], 20 % des troubles du comportement sont un symptôme au avec ses pairs, son comportement, ses acquisitions.
hyperactifs avaient des difficultés avec la loi contre sein d’un tableau clinique plus riche Enfin, leur observation est une observation de
4 % dans le groupe contrôle. longue durée.

2
Hyperactivité de l’enfant - 8-0870

En raison de la faible contribution active de interventions éducatives et pédagogiques, Les psychothérapies visent surtout les effets à
l’enfant au processus diagnostique, les échelles de rééducations psychomotrice et du langage. Une long terme. Elles ont un rôle complémentaire et
comportement sont une source de données stratégie thérapeutique doit être adaptée à chaque indispensable. La psychothérapie d’inspiration
essentielles pour celui-ci. Ces outils d’évaluation enfant en faisant appel à ces différentes méthodes analytique a une place très restreinte, et n’a pas fait
clinique, développés aux États-Unis, sont largement thérapeutiques. Un projet cohérent de traitement ne l’objet d’étude d’évaluation dans cette indication. Les
utilisés et ont été traduits en français par Cook et peut être proposé qu’au terme d’une évaluation bien psychothérapies cognitivocomportementales ont
Dugas. Les échelles de Conners [5] sont les plus conduite en tenant compte de nombreuses variables pour but de développer les capacités d’autocontrôle
couramment utilisées. Elles sont faciles à appliquer. parmi lesquelles l’âge de l’enfant, la sévérité du des enfants hyperactifs, et d’aider les parents à
Cotées de façon claire, elles sont fiables et valides ; trouble (intensité des symptômes et retentissement utiliser des stratégies spécifiques adaptées au
elles représentent un gain de temps pour sur le fonctionnement de l’enfant), le type de déficit comportement déviant de leur enfant. De
l’observateur. Toutefois, elles ne sont en aucun cas cognitif sous-jacent, l’existence de troubles mentaux nombreuses études ont évalué l’efficacité à court
destinées à être le seul instrument diagnostique, ou à associés et de troubles des apprentissages. terme des techniques cognitivocomportementales.
se substituer au jugement clinique. Les résultats montrent qu’elles sont des
Les traitements médicamenteux ont d’autant
Le questionnaire de Barkley [3] s’adresse aux compléments indispensables au traitement
plus d’importance que le trouble est sévère et la
parents. Il informe plus sur les situations dans médicamenteux, et qu’elles apportent une aide aux
prescription médicamenteuse est réservée aux
lesquelles les difficultés surviennent que sur le type parents dans la prise en charge de ce trouble
formes invalidantes. De nombreuses études
des manifestations elles-mêmes. Un questionnaire chronique.
méthodologiquement bien conduites ont montré
semblable au questionnaire pour les parents a été
l’efficacité et la bonne tolérance des psychostimu-
développé pour les enseignants. L’hyperactivité et les difficultés d’attention
lants dans le trouble hyperactivité. Le principal constituent la manifestation la plus apparente des
L’étude de l’efficience intellectuelle (échelles de
psychostimulant utilisé en France est le difficultés scolaires. Depuis longtemps, le rôle
Wechsler), la recherche de difficultés d’apprentissage
méthylphénidate (Ritalinet). Inscrite sur la liste des fondamental de l’école est souligné. C’est
et l’évaluation du niveau scolaire complètent
l’évaluation de l’enfant hyperactif. Les troubles stupéfiants (ex-tableau B), la Ritalinet ne peut être effectivement souvent l’école qui alarme les parents ;
spécifiques du développement sont souvent prescrite que par des médecins spécialistes ce sont les enseignants qui donnent le traitement
associés (trouble de l’acquisition du langage hospitaliers, avec un carnet à souches et délivrée médicamenteux (à midi), évaluent et quantifient les
expressif, de la lecture, de l’expression écrite). Les pour 28 jours. La durée du traitement, dont progrès de l’enfant à l’aide des questionnaires de
performances scolaires sont fluctuantes malgré une l’efficacité ne peut être jugée qu’après 1 mois, est Conners à dix items. Beaucoup d’études mettent
efficience intellectuelle normale. longue. De nombreux auteurs préconisent des l’accent sur l’importance de l’enseignement
périodes régulières d’interruption thérapeutique individualisé, avec une grande souplesse sur les
durant les vacances scolaires et une durée maximale programmes d’éducation et de rééducation intensive
de traitement de 3 années scolaires ; cette


et brève, sur l’intérêt de classes de réadaptation à
interruption est discutée. La nécessité de la poursuite petit effectif et sur l’importance d’une collaboration
Traitement du traitement est réévaluée chaque année. avec les familles.
Habituellement, on attend l’âge de 6 ans pour
prescrire le méthylphénidate, âge auquel Les rééducations psychomotrices et du langage
Plusieurs modalités de traitement sont l’hyperactivité interfère avec les acquisitions sont indiquées en fonction des résultats de
possibles : chimiothérapie, psychothérapies, scolaires. l’évaluation.

Marie-Claude Saiag : Ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique-assistant des hôpitaux de Paris.
Marie-Christine Mouren-Siméoni : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, hôpital Robert Debré, 48, boulevard Sérurier, 75935 Paris cedex 19, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : MC Saiag et MC Mouren-Siméoni. Hyperactivité de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0870, 1998, 3 p

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3
Insomnies de l’enfant 8-0830
8-0830

Approches diagnostiques
Encyclopédie Pratique de Médecine

et thérapeutiques
M Lecendreux

L es troubles du sommeil sont fréquents chez l’enfant. Des études en population générale ont montré que 20 à
30 % des enfants ont des difficultés ou des plaintes concernant le sommeil (problèmes d’endormissement,
éveils nocturnes) qui amènent les parents à consulter.
© Elsevier, Paris.


Introduction Tableau II. – Particularités au cours du
développement.

À 6 mois, stabilisation du rythme circadien



Classification des insomnies
de l’enfant selon l’ICSD

La classification internationale des troubles du


La prévalence des troubles du sommeil est estimée Vingt-cinq pour cent des enfants entre 6 et 12 mois
à 1,8 % des demandes de consultation en pratique de ont des éveils nocturnes, mais peuvent se rendor- sommeil (International Classification of Sleep Disorders
ville et hospitalière. Il s’agit donc d’un motif fréquent de mir sans l’intervention des parents ICSD) [8] individualise des troubles propres à l’enfant.
consultation, qui fait également souvent l’occasion de Le pic des éveils nocturnes se situerait autour de la Parmi ces troubles, on retrouve différents types
prescription de sédatifs ou d’hypnotiques, 2e année d’insomnies, primaires et secondaires.
principalement chez le nourrisson et chez l’enfant À 3 ans, 21 à 38 % des enfants se réveillent encore
d’âge préscolaire [4] . Malgré cette fréquence de la nuit, une ou plusieurs fois par semaine
Entre 5 et 12 ans, amélioration de la continuité du Classification des troubles du sommeil
prescription, il semble que ces troubles soient encore
sommeil selon l’ICSD
relativement banalisés ou méconnus et ne fassent que
rarement l’objet d’évaluation et/ou d’investigations ✔ Troubles primaires
cliniques précises. – Chez le nourrisson ou l’enfant d’âge préscolaire, – Dyssomnies : insomnies/hypersomnies
la plainte est d’abord celle des parents et de troubles intrinsèques


l’entourage. Les troubles peuvent être présents
troubles extrinsèques
préférentiellement dans l’environnement de coucher
Principaux symptômes d’appel habituel de l’enfant et moindres ou absents dans un
troubles du rythme circadien.
environnement différent (grands-parents, nourrice...), – Parasomnies.
ou encore retrouvés quel que soit le lieu ou il sera ✔ Troubles secondaires
On entend par insomnie les troubles de la demandé à l’enfant de dormir. – En rapport avec une cause
continuité du sommeil, à savoir les troubles de
– Chez l’enfant plus âgé, la plainte peut être psychiatrique.
l’endormissement et du maintien du sommeil. Le
diagnostic est avant tout clinique et repose sur
exprimée par l’enfant lui-même. Celle-ci concerne alors – En rapport avec une cause médicale.
plus fréquemment la situation de coucher, qui peut
l’interrogatoire des parents et de l’enfant, si son âge le
être l’occasion d’une réaction anxieuse induite par la
permet. Les symptômes sont divers (tableau I). Bien ‚ Insomnies secondaires
séparation.
souvent, ces symptômes sont installés depuis plusieurs
semaines, voire plusieurs mois, et il n’est pas rare de Le retentissement du trouble dans la journée doit Ce sont les plus fréquentes. Elles peuvent être en
voir l’enfant en consultation après une longue période être évalué avec précision, surtout s’il existe une rapport avec une cause médicale ou psychiatrique.
d’évolution au cours de laquelle de nombreuses altération du fonctionnement diurne (irritabilité, Les causes médicales sont recherchées systémati-
tentatives de réduction des troubles ont pu être fatigabilité, colères, troubles de l’appétit) et/ou une quement à l’aide de l’interrogatoire et de l’examen
entreprises. Une durée d’évolution des troubles diminution des performances scolaires. clinique.
supérieure à 6 mois est en faveur d’une chronicité.
‚ Particularités développementales Insomnies secondaires de l’enfant : causes
médicales
Tableau I. – Principaux symptômes d’appel. Les éveils nocturnes sont un aspect important du
développement de l’enfant [2]. Les éveils brefs pendant ■ Reflux gastro-œsophagien.
— Diffıcultés d’endormissement, refus du coucher le sommeil sont habituels au cours des premiers mois ■ Syndrome d’apnées obstructives au cours du
— Éveils nocturnes répétés de vie. Toutefois, de nombreux enfants ne signalent sommeil (SAOS).
— Éveils confusionnels, cauchemars pas ces éveils et sont capables de se tranquilliser et de ■ Causes iatrogènes (prise de médicaments
— Réveil matinal précoce se rendormir eux-mêmes, sans l’intervention d’un stimulants).
— Sommeil agité parent. Ainsi, tout éveil nocturne n’est pas équivalent ■ Affections intercurrentes, coliques.
— Troubles de la vigilance et du comportement ■ Asthme, maladies métaboliques.
d’insomnie chez le jeune enfant. En effet, la probabilité
diurne
© Elsevier, Paris

— Importance du retentissement (fatigue, somno- qu’un enfant, même bon dormeur, se réveille au cours ■ Allergie aux protéines du lait de vache.
lence diurne) : de la nuit est importante (tableau II). Il convient ■ Douleurs...
- sur les performances scolaires d’expliquer ce phénomène aux parents et de les ■ Les causes éducatives ou environnementales et
- sur l’entourage rassurer sur l’aspect souvent physiologique des éveils psychopathologiques font également l’objet d’une
nocturnes. recherche systématique.

1
8-0830 - Insomnies de l’enfant - Approches diagnostiques et thérapeutiques

Insomnies secondaires de l’enfant d’âge rare, et sa prévalence n’est pas précisée. Elle renseigne sur le nombre et la durée des éveils et leur
scolaire concernerait les sujets depuis la naissance et tout au type (simple ou confusionnel), la régularité des
long de leur vie. horaires de coucher et de lever, l’existence de périodes
¶ Causes environnementales
Hygiène de sommeil inadéquate. de sommeil diurne.
Horaires de lever et de coucher irréguliers. Insomnie idiopathique ‚ Questionnaires de sommeil
Insuffisance de sommeil. ✔ Rare. Ils visent à recueillir des données de façon
Routines de coucher et facteurs d’apprentissage du ✔ Début dans l’enfance. systématique sur les caractéristiques du sommeil de
sommeil inopérants. l’enfant et de son entourage (parents, fratrie...).
✔ Persiste tout au long de la vie.
Modeling parental (habitudes parentales).
✔Anomalie des mécanismes de ‚ Examen clinique
Consommation d’hypnotiques.
contrôle du cycle veille-sommeil. Il est systématique et recherche une cause
¶ Causes psychiatriques ✔ Traitement symptomatique. somatique (asthme, amygdales hypertrophiées,
– Troubles anxieux : trouble panique, attaques de symptomatologie douloureuse...). Il oriente, le cas
panique nocturnes ; hyperanxiété, difficultés échéant, vers des investigations complémentaires
d’endormissement, facteurs cognitifs de prévention du Insomnies primaires du nourrisson
spécialisées.
sommeil ; état de stress post-traumatique, cauchemars et du jeune enfant
monothématiques ; anxiété de séparation, Les insomnies primaires dites « extrinsèques » ou ‚ Explorations spécialisées
réassurance, éveils nocturnes anxieux, lit partagé. « environnementales » sont donc les plus fréquentes Ce sont des examens de laboratoire qui peuvent
– Troubles dépressifs : épisode dépressif majeur chez l’enfant de moins de 3 ans. Elles représenteraient nécessiter une nuit ou une journée au laboratoire de
(EDM), difficultés d’endormissement, éveils 15 à 20 % des troubles du sommeil de la tranche sommeil (polysomnographie nocturne ou de sieste,
intrasommeil, réveil matinal précoce ; dépression d’âge. Ces troubles répondent le plus souvent à des avec étude de la respiration, de la pH-métrie ou de la
saisonnière, hypersomnie associée à une humeur facteurs éducatifs et environnementaux, qui suffisent saturation, monitorage vidéo...). Les techniques
triste et une appétence pour les hydrates de carbone, généralement à les entretenir (tableau III). ambulatoires sont aussi de plus en plus utilisées
répond à la luxthérapie. Ces troubles ont en commun des conditions (actimétrie, Holter-électroencéphalogramme [EEG],
– Trouble de l’attention avec hyperactivité : d’endormissement inappropriées et une gestion étude de la saturation du sang artériel en oxygène
sommeil agité, opposition au coucher, difficultés inadéquate des éveils nocturnes. [SaO2] nocturne...).
d’endormissement. Dans la plupart des cas, les comportements mis en
– Troubles du développement : autisme, retards place par l’entourage pour amener l’enfant à
mentaux, troubles envahissants du développement : s’endormir ne permettent pas à celui-ci d’y parvenir ✔ Évaluation
difficultés d’endormissement, insomnie, somnolence seul. L’endormissement au moment du coucher ou à Habitudes de sommeil, routine de
diurne parfois majorée par les sédatifs, altération des la sieste nécessite la présence d’un parent ou d’une coucher, environnement de sommeil,
rythmes veille-sommeil. tierce personne [1]. Lorsque l’enfant se réveille la nuit, aides à l’endormissement, associations
Chaque fois que possible, le traitement sera celui de les mêmes conditions sont requises pour que le retour
la cause initiale. Si le trouble du sommeil persiste
au coucher.
au sommeil soit permis.
malgré un traitement étiologique bien mené, une Examen clinique.
Ainsi, ces conditions sont toujours nécessaires à
nouvelle évaluation pourra se révéler utile, qui l’endormissement. Des études menées à l’aide Questionnaires sur les habitudes et
conduira à la mise en place d’un traitement plus d’enregistrements polysomnographiques ont montré l’hygiène de sommeil.
spécifique, comme cela pourrait être le cas pour une que lorsqu’elles sont réunies, le sommeil est de qualité Agenda de sommeil.
insomnie primaire. En effet, un trouble du sommeil normale. ✔ Explorations spécialisées
peut passer à la chronicité, même lorsque la cause
initiale a disparu, du fait de la mise en place
EEG de sieste.


progressive de facteurs d’entretien et de maintien du Polysomnographie nocturne.
trouble, comme dans un trouble extrinsèque, par Évaluation Monitorage vidéo.
exemple. Actimétrie.
PH-métrie nocturne.
‚ Insomnies primaires C’est une étape fondamentale et préalable au
Enregistrement nocturne de la SaO2.
traitement de tout trouble du sommeil. Elle nécessite
Insomnies d’origine extrinsèque
l’appréciation par le clinicien des rythmes veille-
Les causes sont extérieures au sujet et sont à sommeil propres à l’enfant, quels que soit son âge et Elles trouveront leur place en fonction de la cause
rapporter à l’environnement. Ce type d’insomnie est son niveau de développement, et des facteurs suspectée, essentiellement dans les troubles
de loin le plus fréquent chez le nourrisson et le jeune environnementaux susceptibles de faciliter ou de secondaires à une cause médicale (apnées du
enfant, où le rôle de l’entourage est souvent impliqué contrarier l’endormissement et le maintien du sommeil, reflux gastro-œsophagien, épilepsie...). La
dans le maintien des troubles. sommeil. polysomnographie est le seul examen permettant
d’apprécier le sommeil dans sa globalité et d’obtenir
Insomnies d’origine intrinsèque ‚ Agenda de sommeil une indication sur le retentissement éventuel d’un
Les causes sont endogènes et seraient dues à un Rempli par les parents pendant 10 à 15 jours, il trouble respiratoire (SAOS) sur la qualité du sommeil
dysfonctionnement des centres veille-sommeil. Il s’agit constitue bien souvent la première étape du (réactions d’éveil, microéveils...) [6].
essentiellement de l’insomnie dite « idiopathique » ou traitement, en établissant une ligne de base qui sera Les techniques ambulatoires, et en particulier
« à forme de début dans l’enfance ». Cette insomnie est utilisée comme référence tout au long de celui-ci. Il l’actimétrie, seront intéressantes pour donner une

Tableau III. – Insomnies extrinsèques chez le nourrisson et le jeune enfant.

Âge préféren-
Prévalence Description clinique
tiel de survenue
Trouble des associations à 15-20 % des enfants de la 6 mois à 3 ans L’endormissement est impossible en l’absence de certaines conditions ou
l’endormissement tranche d’âge associations précises (bercement, lit partagé, présence d’une tierce
personne...)
Syndrome d’alimentation 5 % des enfants entre > 6 mois Prise alimentaire excessive au cours de la nuit (généralement prise de
nocturne 6 mois et 3 ans liquides, biberons...)
Insuffisance de limites, rituels de 5-10 % des enfants de la 2-4 ans Renforcement inapproprié des horaires et des habitudes de coucher par
coucher inappropriés tranche d’âge l’adulte, ayant pour conséquence un refus ou une opposition au coucher

2
Insomnies de l’enfant - Approches diagnostiques et thérapeutiques - 8-0830

indication sur les périodes d’activité et de repos au Contrôle des stimuli environnement sonore, température), l’absence
cours du nycthémère. Dans certains cas, elles d’exercice physique ou d’effort intellectuel avant le
C’est l’un des principes de base, qui consiste à
viendront compléter très utilement les données de coucher.
associer le lit et la chambre avec un endormissement
l’agenda de sommeil. rapide, et à soustraire de l’environnement du sommeil Restriction du temps passé au lit
tous les stimuli non compatibles avec celui-ci [3]. Par
Elle a été proposée comme un des traitements de


exemple, il sera demandé aux parents de s’assurer que
l’insomnie chronique chez l’adulte. Il est possible de
Traitement l’enfant s’endort systématiquement dans son lit et non
l’utiliser chez des enfants présentant des délais
dans d’autres lieux (canapé, chambre ou lit des
d’endormissement prolongés, et pour qui l’entourage
parents, bercé dans les bras...).
impose une heure de coucher peu compatible avec le
sommeil. La technique consiste à réduire le temps que
‚ Stratégies éducatives Approche progressive et extinction
du comportement de signalement des éveils l’enfant passe au lit à ne pas dormir. Il est conseillé au
Elles sont essentielles dans le traitement et la sujet d’éviter de rester au lit à des heures non
prévention des troubles du sommeil du jeune enfant. Très utilisée dans la gestion des troubles du compatibles avec le sommeil ou avec l’endormisse-
Elles doivent être précisées aux parents lors de la sommeil d’origine extrinsèque ou environnementale ment. De fait, certains enfants ou préadolescents
consultation et s’assurer qu’elles ont été bien du nourrisson et de l’enfant d’âge préscolaire [10], cette couchés trop tôt ne peuvent s’endormir avant un délai
comprises ou appliquées lors d’une consultation technique s’adresse principalement aux parents ou à de 1 à 2 heures, ce qui est susceptible de favoriser la
ultérieure. Ces indications simples apparaissent la personne responsable du coucher de l’enfant rumination d’idées anxiogènes et d’entretenir les
comme un excellent moyen de prévention des (nourrice). Elle consiste à encourager les parents à symptômes d’insomnie.
troubles extrinsèques du sommeil du jeune enfant, favoriser l’extinction du comportement de signa-
cause principale de consultation dans la tranche d’âge. lement des éveils, en évitant de renforcer Relaxation
systématiquement tel ou tel comportement d’éveil de Elle permet à l’enfant, dès que son âge le permet
leur enfant. Il sera ainsi demandé de ne plus intervenir (dès 5 ou 6 ans), d’apprendre lui-même à abaisser son
Entre 0 et 3 ans : apprendre à systématiquement et immédiatement lors de chaque seuil d’éveil physiologique. Quelle que soit la
reconnaître les signes de sommeil de éveil nocturne et de permettre à l’enfant de se technique utilisée (training autogène, relaxation
l’enfant rendormir seul, en dehors de la présence d’une tierce progressive, biofeedback), la relaxation s’applique à
personne. Il sera conseillé aux parents d’intervenir de
✔ Favoriser le calme avant le différents troubles : difficultés d’endormissement,
façon très brève, le but n’étant pas d’endormir l’enfant gestion des éveils nocturnes, angoisse du coucher,
coucher. mais de lui permettre de s’endormir seul. Pour éviter aide au sevrage des hypnotiques.
✔ Encourager à mettre au lit et à de laisser pleurer l’enfant sur de trop longues périodes
partir. (technique dite du « laisser pleurer » ou « cry it out »), un Techniques cognitives
✔ Utiliser des routines de coucher délai bref de 5 minutes sera respecté au début, avant Elles ont pour but de modifier les idées et les
apaisantes. la première intervention. Ce délai sera progressive- croyances erronées sur le sommeil [9] des parents et
✔ Apprendre à dormir dans son lit. ment augmenté (par exemple de 5 minutes) sans aller parfois de l’enfant lui-même. Bien souvent, ces
au-delà de 15 minutes la première nuit. On favorisera croyances sont à l’origine de comportements
✔ Adapter l’environnement de ainsi un apprentissage, qui permettra par la suite à inadaptés. Elles portent fréquemment sur les durées ou
sommeil. l’enfant de trouver la façon de se calmer et de se les rythmes de sommeil (tel enfant devrait dormir tant
✔ Autoriser à chercher une position préparer seul au sommeil [5]. d’heures ou être couché à telle heure). Ailleurs, des
confortable. difficultés globales (troubles du comportement,
✔ Ne pas attendre un endormissement difficultés scolaires) sont systématiquement attribuées
Stratégies comportementales
immédiat. au manque de sommeil. Le but de la thérapie sera
✔ Enlever les stimulations excessives. ✔ Favoriser l’apprentissage par donc de confronter ces croyances à des données
✔ Préciser les limites à l’avance. l’enfant des stimuli discriminatifs au objectives, de façon à tenter de les modifier ou de
sommeil. permettre au sujet et à son entourage de les envisager
✔ Éviter de renforcer les éveils.
Lit => endormissement. différemment.
Préférer des visites brèves au
« laisser pleurer ». ✔ Donner des repères temporels ‚ Autres psychothérapies
✔ Éviter de prendre l’enfant dans les (heures de coucher et de lever). Les thérapies plus traditionnelles, qui s’adressent à
bras. Encourager l’utilisation d’un ✔ Donner des repères l’enfant seul ou à l’enfant avec ses parents, peuvent,
environnementaux (lit, chambre à dans certains cas, être conseillées en première
objet transitionnel.
coucher, routines de coucher...). intention ou encore au décours d’une thérapie
✔ Éviter les renforcements de type comportementale. Elles sont proposées lorsque l’on
alimentaire (biberons...). ✔ Ne pas renforcer les éveils
souhaite aborder une problématique plus globale et
nocturnes et le non-sommeil par des non limitée au seul comportement de sommeil. Il s’agit
attitudes inappropriées. des thérapies d’inspiration analytique, des thérapies
Si ces consignes sont respectées ou mises en place
suffisamment tôt, elles permettent d’éviter l’installation familiales ou encore des thérapies mère-enfant.
de troubles plus durables. Si elles se révèlent Chez l’enfant d’âge scolaire, il sera demandé au


insuffisantes, l’application de techniques plus sujet une participation active, même si l’entourage
structurées est alors conseillée. conserve un rôle déterminant.
Traitements médicamenteux
Règles d’hygiène de sommeil
‚ Stratégies comportementales
Elles sont utilisées dans les stratégies de traitement Les médicaments psychotropes sont largement
et éducatives
des sujets adultes insomniaques [7]. La plupart d’entre utilisés dans le traitement des troubles du sommeil de
Elles peuvent être proposées dans les troubles du elles s’appliquent à l’enfant et à l’adolescent et doivent l’enfant. Plusieurs familles sont proposées, au premier
sommeil quel que soit l’âge de l’enfant. Elles visent être précisées aux parents. Parmi ces principes, on rang desquelles les sédatifs et apparentés. Quelle que
essentiellement à permettre à l’enfant et à sa famille insiste sur le respect des heures de coucher et de lever soit la molécule choisie, il s’agit d’un traitement qui
de modifier les comportements incompatibles avec à horaires réguliers, y compris en fin de semaine et les reste uniquement symptomatique, et pour lequel
l’endormissement au coucher ou lors d’éveils jours de vacances pour les enfants présentant une certaines règles de prescription doivent être
nocturnes. Elles s’adresseront principalement aux plainte d’insomnie, le respect d’un temps de sommeil systématiques. Ces précautions d’emploi sont d’autant
parents pour les enfants d’âge préscolaire. Par la suite, suffisant pour l’âge, la gestion des siestes, l’absence de plus justifiées qu’il n’existe que très peu d’études
les enfants eux-mêmes pourront les appliquer prise d’hypnotiques au long cours, le contrôle de la concernant l’utilisation de ces produits chez l’enfant, et
(apprentissage de techniques de relaxation, techniques prise de stimulants ou d’excitants, le respect des que la prescription repose sur des arguments
de désensibilisation...). facteurs favorisant le sommeil (lit, chambre à coucher, essentiellement empiriques.

3
8-0830 - Insomnies de l’enfant - Approches diagnostiques et thérapeutiques

Nopront ; hydroxyzine, Ataraxt), de phénothiazines L’absence d’études réalisées chez l’enfant restreint
Tableau IV. – Stratégies médicamenteuses, antihistaminiques (prométhazine, Phénergant ; l’utilisation des hypnotiques, et en particulier des
précautions d’emploi. alimémazine, Théralènet), voire de phénothiazines hypnotiques non benzodiazépiniques (cyclopyrrolo-
neuroleptiques (thioridazine, Mellerilt ; cyamémazine, nes et imidazopyridines), qui pourraient représenter
— Exceptionnelles en première intention
Terciant). Les principaux inconvénients des produits une alternative intéressante aux produits classiques.
— Toujours associées à d’autres stratégies de traite-
ment dérivés de la phénothiazine sont ceux des ‚ Antidépresseurs et anxiolytiques
— Surveillance clinique régulière neuroleptiques (dyskinésies aiguës, syndrome benzodiazépiniques
— Recherche des effets secondaires (excitation para- extrapyramidal, sédation, hypotension orthostatique), Ils sont surtout proposés dans le traitement
doxale, irritabilité, insomnie) et leur prescription nécessite un contrôle médical strict. symptomatique de certaines parasomnies
— Dose minimale effıcace, fonction du poids de l’en- Leur utilisation doit se faire à la dose minimale efficace, (myorythmies d’endormissement, terreurs nocturnes,
fant en débutant à des doses faibles et en augmentant par
— Progression par paliers somnambulisme...), lorsque l’intensité et la fréquence
paliers progressifs. Les posologies habituelles sont des épisodes le justifient. Les antidépresseurs peuvent
— Courte durée < 4 semaines
— Sevrage progressif, effet rebond (anxiété, insomnie) généralement de 1 mg/kg/j (niaprazine, hydroxyzine, également trouver leur place dans le traitement des
alimémazine, thioridazine). troubles du sommeil associés à un trouble anxieux
Prescrits ponctuellement, sur des périodes courtes (trouble panique, anxiété généralisée) ou à un trouble
Les règles de prescription sont donc strictes (n’excédant pas 4 semaines, et si possible 8 à 10 jours), dépressif (épisode dépressif majeur).
(tableau IV), et une surveillance médicale est ils présentent un intérêt en association à des règles
nécessaire pendant toute la durée du traitement.


d’hygiène de sommeil ou à une thérapie comporte-
mentale. Leur rôle est alors de permettre d’appliquer
‚ Sédatifs et apparentés (tableau V) dans de meilleures conditions les techniques
Conclusion
Largement utilisés en médecine de ville, il s’agit le comportementales, en diminuant pendant quelques
jours la fréquence et la durée des éveils nocturnes. Les troubles du sommeil de l’enfant, et tout
plus souvent d’antihistaminiques (niaprazine, particulièrement les « insomnies », nécessitent, avant
tout traitement, une évaluation et un diagnostic précis
Tableau V. – Traitements médicamenteux des insomnies. reposant sur une approche clinique multidisciplinaire.
Les troubles secondaires sont les plus fréquents, et leur
Produits (DCI) Nom commercial Posologies Effets secondaires traitement suppose en premier lieu celui de leur cause,
qu’il s’agisse d’une cause médicale ou psychopatholo-
Antihistaminiques
gique. Les investigations complémentaires spécialisées
Niaprazine Nopront 1 mg/kg/j somnolence diurne doivent permettre, dans certains cas, une aide
Hydroxyzine Ataraxt 1 mg/kg/j excitation déterminante au diagnostic.
Doxylamine Méréprinet 0,5 à 2 mg/kg/j paradoxale La prévalence des troubles primaires est élevée,
Phénothiazines antihistaminiques surtout chez le nourrisson et le jeune enfant. Le rôle de
l’entourage, des facteurs éducatifs et environnemen-
Alimémazine Théralènet 1 mg/kg/j Somnolence taux est alors prépondérant dans le maintien et
Prométhazine Phénergant 0,5 à 1 mg/kg/j Dyskinésie aiguë l’entretien des troubles, et le traitement repose alors,
en majeure partie, sur des techniques éducatives et
Phénothiazines comportementales. L’hygiène de sommeil doit être
enseignée aux parents, de telle sorte que ceux-ci
Thioridazine Mellerilt 0,5 à 1 mg/kg/ Somnolence
Cyamémazine Terciant 0,5 à 1 mg/kg/j Effets neurologiques puissent jouer un rôle actif dans la prise en charge du
trouble de leur enfant.
Benzodiazépines Les médicaments à visée hypnotique ont un rôle
Diazépam Valiumt 0,1 à 0,5 mg/kg/j Somnolence uniquement symptomatique et devraient être réservés
Excitation, sevrage à certains cas sévères, et toujours sous stricte
surveillance médicale.

Michel Lecendreux : Ancien chef de clinique-assistant,


service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, hôpital Robert-Debré, 75019 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : M Lecendreux. Insomnies de l’enfant. Approches diagnostiques et thérapeutiques.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0830, 1998, 4 p

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4
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8-0885

Maltraitance à enfants
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

et adolescents
C Rey, C Mignot

L a maltraitance à enfants n’est pas la simple addition de faits sensationnels médiatiques. Il s’agit d’un sujet de
société hautement préoccupant. La floraison à laquelle on assiste actuellement de livres, articles, thèses et
émissions sur ce thème, pourrait faire penser qu’il s’agit d’un problème nouveau. Il n’en est rien. Violences et
négligences à enfants font partie de l’histoire de l’humanité et ont existé de tous temps et sous toutes les latitudes. Ce
qui est nouveau, c’est la prise de conscience générale de ce phénomène dérangeant, longtemps masqué par le passé.
Aujourd’hui, un autre regard est porté sur l’enfant sujet de droits reconnus dans la Convention internationale des
Droits de l’enfant, adoptée par les Nations unies en 1989.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.


Évolution de la notion de définition assez restrictive et précise permet professionnels ont encore du mal à admettre la réalité
maltraitance : historique, définition d’appréhender les problèmes de dépistage, de des mauvais traitements. Il est en effet impossible
et aspects épidémiologiques signalement et de prévention. d’éliminer une part de subjectivité dans l’appréciation
La définition suivante s’avère aujourd’hui la plus de chaque cas en fonction de ses références
‚ Historique consensuelle : « L’enfant maltraité est celui qui est personnelles et professionnelles, de sa formation et de
victime de la part de ses parents — ou d’adultes ayant sa connaissance du milieu socioculturel dans lequel on
Les premiers travaux sur l’enfance maltraitée
autorité sur lui — de violences physiques, de intervient. C’est déjà faire ici le plaidoyer du travail
remontent à la seconde moitié du XIXe siècle. Les
négligences lourdes, de cruauté mentale ou d’abus d’évaluation pluridisciplinaire, seul gage d’une certaine
travaux pionniers de A Tardieu ne rencontrent que
sexuels qui compromettent gravement sa santé et son objectivité.
l’indifférence générale, et notamment une publication
développement physique et psychique. » (Observatoire La loi du 10 juillet 1989 prévoit l’organisation du
de 1860 sur 339 cas de petites filles victimes d’inceste.
de l’action sociale décentralisée [ODAS]). « recueil des informations relatives aux mineurs
Le radiopédiatre FN Silvermann décrit, en 1942, les
La définition de la maltraitance doit certainement maltraités ». La responsabilité en incombe aux conseils
lésions traumatiques pouvant faire évoquer des
englober les sévices institutionnels, c’est-à-dire les généraux. C’est à partir de ces données que l’ODAS a
mauvais traitements. Mais c’est surtout H Kempe, violences opérées par des institutions dont la fonction pu retenir les chiffres suivants, reconnus actuellement
pédiatre à Denver, qui donne une impulsion décisive est la garde, le soin ou l’éducation de l’enfant. comme les plus fiables : 16 000 enfants maltraités en
par son article « Le syndrome de l’enfant battu », publié L’élargissement de la définition, une meilleure 1994, répartis en 7 000 mauvais traitements
en 1962 en collaboration avec EN Silvermann et le connaissance du phénomène, une mobilisation accrue physiques, 4 000 négligences lourdes, 4 000 sévices
pédopsychiatre B Steele. Les auteurs notent des personnels et des structures de protection de sexuels et 1 000 cas de cruauté mentale.
l’importance numérique des cas, précisent les l’enfance, les modifications législatives concernant le
éléments cliniques conduisant au diagnostic, et dispositif du signalement, sont autant de facteurs qui


insistent sur l’importance de l’enquête sociale et concourent à modifier le concept de mauvais
psychologique des parents. traitements, et par retour, à complexifier la définition. Clinique
En France, la première étude épidémiologique a été
‚ Que dire des chiffres ?
menée conjointement à Paris, sous l’égide de P Straus,
Les chiffres de la maltraitance à enfants sont variés,
et à Nancy sous celle de M Manciaux, entre 1972 et ‚ Pathologie traumatique
fluctuants, et ne représentent pas actuellement un outil
1975. Par la suite, les publications se sont multipliées Les lésions traumatiques liées à la maltraitance sont
de mesure fiable. Tirés d’estimations, d’extrapolations
et la prise de conscience a progressé rapidement variées (tableau I). Si aucune lésion prise isolément n’a
ou de projections, ils n’apportent qu’un éclairage
auprès des professionnels de l’enfance, des pouvoirs de caractère spécifique, l’association de plusieurs
insuffisant sur l’ampleur du phénomène. Ils nécessitent
publics et du grand public. lésions d’âge différent, leur forme, leur siège, leur
toujours une grande prudence dans leur interprétation.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer le caractère caractère multifocal et leur évolution permettent
‚ Définition généralement de conduire au diagnostic. La suspicion
aléatoire de ces chiffres :
La définition de la maltraitance a évolué au cours – l’évolution de la définition nécessite que tout de maltraitance est confortée si l’interrogatoire des
des dernières décennies. À côté des mauvais chiffre avancé soit assorti d’une stricte définition des parents ne retrouve aucune notion de traumatisme, ou
traitements physiques, un certain nombre de critères d’inclusion ; si les circonstances décrites comme à l’origine du
situations cliniques, non rattachées initialement à des – les échantillons de séries hospitalières, de cas traumatisme sont sans rapport avec les constatations
mauvais traitements, sont venues progressivement recensés par l’école ou le tribunal, sont difficilement cliniques.
compléter le tableau : négligences, carences de soins, comparables et cumulables ; L’examen clinique est complet, si possible hors de la
carences affectives, comportements inappropriés aux – un certain nombre d’enfants ne sont pas présence des parents.
besoins ou à l’âge de l’enfant, sévices sexuels. Si on a reconnus comme victimes de maltraitance, y compris La prescription d’examens complémentaires est
donc assisté, au fil du temps, à une extension de la lorsque celle-ci aboutit parfois au décès. Il n’est certes souvent nécessaire pour confirmer le diagnostic de
définition, il faut néanmoins se méfier d’une définition pas toujours aisé de faire la part entre accident et maltraitance et éliminer, en fonction de la présentation
trop large qui assimilerait les enfants en danger et les mauvais traitement, entre droit de correction des clinique, les quelques pathologies figurant au registre
enfants maltraités, les enfants en souffrance et les parents et mauvais traitement. Mais au-delà des des diagnostics différentiels (troubles de la coagulation,
enfants maltraités. Il nous semble donc que seule une difficultés diagnostiques, un certain nombre de ostéogenèse imparfaite...).

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8-0885 - Maltraitance à enfants et adolescents

Tableau I. – Pathologie traumatique.

Type lésionnel Sièges Mécanismes Arguments diagnostiques


Contusions Face - coexistence de lésions de colorations
(ecchymoses, hématomes) - joues coups différentes, donc d’âge différent
- cuir chevelu
- périorbitaire
- cou strangulation - absence de pathologie hématologique et
Membre supérieur de troubles de l’hémostase
- bras pincements, coups
- poignets contention
Thorax et abdomen
- région lombaire coups
- région fessière
Membre inférieur
- face postérieure coups
- chevilles contention
Alopécie Plaque pseudopeladique ou plusieurs arrachements répétés - absence d’affection dermatologique
zones glabres
Plaies Cutanées griffures - plaies multiples d’âge différent
polymorphes morsures
lanières, fil électrique, boucle de ceinture - forme parfois évocatrice de l’instrument
utilisé
Endobuccales liquide bouillant
thermomètre
Génitales striction pénis, agression sexuelle
Brûlures Membres, région fessière immersion (eau chaude) - brûlures multiples, d’âges différents
- siégeant surtout dans les zones
découvertes
engin brûlant, électrique, cigarettes... - forme évocatrice de l’instrument utilisé
ou limite nette dans le cas d’une immersion
forcée
Fractures - Crâne en dehors région pariétale torsion, élongation, écrasement, broiement - association à des fractures anciennes :
- Côtes (arcs postérieurs) valeur des radiographies du squelette
- Sternum complet
- Vertèbres (épineuses et apophyses - pas d’argument radiologique en faveur
transverses, corps vertébraux avec d’une pathologie osseuse congénitale
compression)
- Acromion (avec arrachement de
l’extrémité clavicule)
- Doigts et orteils - scintigraphie à discuter
- Arrachement métaphyse (fractures de côtes)
- Décollement épiphysaire
Lésions viscérales Hématome sous-dural secousses antéropostérieures violentes - FO
nourrisson < 1 an (syndrome du bébé → déchirures veines corticodurales - TDM cérébral
secoué) - IRM cérébrale
Lésions oculaires
- hémorragie chambre antérieure de l’œil coups - examen ophtalmologique
ou sous-conjonctivale
- luxation cristallin
- décollement rétine
ORL gifles - otoscopie
Rupture tympan
Thoraciques et abdominales
- hémopneumothorax coups
- rupture viscérale intra- abdominale (foie, - radiographie du thorax et échographie
rate, mésentère...) abdominale

ORL : oto-rhino-laryngologique ; FO : fond d’œil ; TDM : tomodensitométrie ; IRM : imagerie par résonance magnétique.

Hypotrophies staturopondérales Retards psychomoteurs


Un certificat médical descriptif est L’enfant est inerte, apathique, hypotonique, au
toujours rédigé à l’issue de l’examen, Il s’agit d’enfants jeunes présentant une cassure de
maximum replié sur lui-même en position fœtale, avec
leur courbe staturale et pondérale. La négativité du
en conservant un double dans le retard des acquisitions, mais l’enfant peut être, à
bilan étiologique, la réversibilité des signes en milieu
dossier (cf infra). l’opposé, agité, hypertonique. Là aussi, la réversibilité
hospitalier ou à distance de l’environnement familial
des troubles à distance du milieu familial est un bon
en permettent le diagnostic. Cette récupération est argument diagnostique, mais est fonction de
fonction de l’ancienneté et de la gravité des
‚ Négligences et carences de soins l’ancienneté et de la gravité initiale.
symptômes. Au maximum, il peut s’agir d’un
authentique « nanisme psychosocial », avec arrêt ou ‚ Maltraitance psychologique
Troubles de l’état général
diminution de la sécrétion de l’hormone de croissance. Si la souffrance psychologique est présente dans
Il s’agit de dénutritions plus ou moins sévères, avec Le mécanisme physiopathologique en est discuté : toutes les formes de mauvais traitements, il existe une
fonte du pannicule adipeux ou insuffisance pondérale privation de sommeil, manque de nourriture, stress violence psychologique ou cruauté mentale isolée.
en rapport avec des carences alimentaires grossières. chronique... « Est considérée comme maltraitance psychologique,

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Maltraitance à enfants et adolescents - 8-0885

l’exposition répétée d’un enfant à des situations dont – il existe une discordance entre l’anamnèse, consentement de l’enfant. Il s’agit d’un examen très
l’impact émotionnel dépasse ses capacités l’examen clinique et les examens complémentaires ; spécialisé qui doit être mené par un médecin en ayant
d’intégration psychologique. » Si cette définition a le – les traitements prescrits sont mal tolérés ou l’expérience. L’examen d’une victime d’agression
mérite d’insister sur le caractère répété, chronique des inefficaces ; sexuelle datant de moins de 72 heures et ayant
faits, on perçoit combien elle laisse également de flou – les symptômes surviennent uniquement en comporté des actes de pénétration sexuelle est une
et d’imprécision d’appréciation. Comment mesurer présence de la mère ; urgence. Dans ce délai, la recherche de sperme peut
l’impact émotionnel sur un enfant donné ? Quelles – la mère assure une présence presque constante être positive, preuve absolue d’un contact sexuel
sont les capacités d’intégration psychologique d’un auprès de son enfant à l’hôpital ; récent pouvant permettre une identification génétique
enfant ? Quels critères objectifs permettent de – la mère présente des symptômes similaires à de l’auteur. Il est conseillé au médecin non familiarisé
répondre à ces questions sans tomber dans l’intuition, ceux de son enfant ou a une histoire médicale avec ce type d’examen de prendre contact avec un
par définition subjective ? complexe et inhabituelle ; service hospitalier spécialisé ou une unité de
Les éléments cliniques classiquement intégrés dans – il existe des antécédents similaires, des maladies consultations médicojudiciaires.
ce cadre sont les humiliations verbales ou non inexpliquées ou des décès chez d’autres enfants de la L’examen périnéal est le plus souvent normal, ce
verbales, la marginalisation systématique, la fratrie. qui n’élimine pas la réalité d’une agression sexuelle,
dévalorisation et le rejet, les exigences excessives ou mais permet de rassurer le jeune patient sur son
‚ Agressions sexuelles
disproportionnées à l’âge de l’enfant, les consignes et intégrité physique. Au terme de l’examen, le médecin
injonctions contradictoires ou impossibles à respecter. « Toute participation d’un enfant ou d’un adolescent rédige un certificat médical descriptif et estime la
Trois éléments nous semblent pouvoir caractériser à des activités sexuelles qu’il n’est pas en mesure de nécessité d’hospitaliser l’enfant et d’alerter les autorités
ces situations parmi les plus extrêmes de violences comprendre, qui sont inappropriées à son âge et à son judiciaires (cf infra).
psychologiques : développement psychosexuel, qu’il subit sous la Les examens complémentaires comportent :
– la sidération provoquée chez le professionnel par contrainte, par violence ou séduction, ou qui – la recherche de sperme en cas d’agression
les propos tenus concernant le jeune en sa présence, transgressent les tabous sociaux. » récente (moins de 72 heures) ayant comporté une
faits de mésestime et de dévalorisation ; Les circonstances dans lesquelles un médecin peut pénétration sexuelle ;
– le caractère de véritable haine qui se dégage de rencontrer un enfant ou un adolescent victime – des prélèvements bactériologiques vaginaux
ces propos ; d’agression sexuelle sont multiples. Deux scénarios et/ou anaux ;
– l’impossibilité de créer la moindre alliance sont schématiquement possibles. Dans le premier cas, – des tests sérologiques de dépistage : TPHA
thérapeutique avec le parent. l’agression sexuelle est le motif de consultation et la (treponema pallidum hemagglutination)-VDRL
demande d’aide est claire. Dans le deuxième cas, (venereal desease research laboratory), virus de
‚ Syndrome de Münchhausen l’agression sexuelle n’est pas directement verbalisée et l’immunodéficience humaine (VIH), hépatite B (en
par procuration le médecin peut être en difficulté. L’enfant exprime l’absence de vaccination antérieure), hépatite C, à
En 1977, le pédiatre Roy Meadow publie les cas de alors ce qu’il a subi à travers des plaintes somatiques répéter éventuellement à 1 mois et à 3 mois ;
deux jeunes patients victimes de pathologies ou des troubles des conduites qui motivent la – un dépistage des βhCG (human chorionic
inventées ou provoquées par leur mère (une consultation et qu’il faut savoir décoder. gonadotrophin), chez l’adolescente pubère.
intoxication chronique par le sel conduisant au décès Les enfants et les adolescents qui rapportent une Une hospitalisation s’impose sans délai en cas :
d’un enfant et une falsification itérative des urines d’un histoire d’agression sexuelle mentent rarement sur les – d’agression intrafamiliale, lorsque l’agresseur
enfant par l’addition de sang). Il donne à ce type faits proprement dits, mais peuvent chercher à présumé vit sous le même toit que la victime ;
particulier de maltraitance le nom de « syndrome de protéger l’auteur. Les fausses allégations sont en – de grossesse ;
Münchhausen par procuration » (SMPP). Le SMPP majorité le fait d’enfants d’âge préscolaire influencés – de signes évoquant une infection génitale ;
représente une entité particulière dans la mesure où par un parent, dans un contexte de séparation – d’un retentissement émotionnel important sur
les mauvais traitements infligés à l’enfant résultent de familiale avec conflit sur le droit de garde. Ils l’enfant et sur son entourage.
l’action conjuguée du parent, qui invente ou provoque constituent actuellement une des situations les plus Les autres situations permettent généralement le
les symptômes, et des médecins qui prescrivent des complexes à traiter, témoignant dans tous les cas maintien de l’enfant à son domicile.
examens complémentaires invasifs et des d’une souffrance de l’enfant.
interventions thérapeutiques inutiles et dangereuses. Le médecin qui est amené à prendre en charge un ‚ Adolescents
La définition le plus couramment admise du SMPP enfant suspect d’agression sexuelle se doit de lui Les adolescents maltraités présentent certaines
comporte quatre critères : assurer une prise en charge médicopsychologique particularités qu’il nous semble utile de souligner.
– maladie alléguée ou provoquée chez un enfant optimale. S’il ne se sent pas la compétence de le faire, Le diagnostic de maltraitance est souvent plus
par un parent ou un proche de l’enfant ; le médecin doit effectuer dans les meilleurs délais le difficile à établir chez l’adolescent que chez l’enfant
– présentation de l’enfant pour un diagnostic et/ou transfert de son patient vers un centre spécialisé. plus jeune. Non seulement les traumatismes
des soins, d’une affection récurrente et/ou persistante, L’examen doit se dérouler dans le calme et avec le physiques, lorsqu’ils sont présents, sont habituelle-
aboutissant à des actes médicaux à visée diagnostique temps nécessaire. Il peut être thérapeutique si le ment moins graves sur le plan symptomatique,
ou thérapeutique multiples et invasifs ; médecin met l’enfant en confiance, lui explique le pouvant même éviter le recours à des soins, mais
– déni de la cause des symptômes par le parent déroulement de l’examen, tout en restant attentif à encore la révélation des situations de violence se
responsable ; son état psychologique. Il importe aussi de rassurer déroule volontiers dans un climat de troubles des
– amendement des symptômes lorsque l’enfant l’entourage dont les réactions émotionnelles peuvent conduites et du comportement dans lequel les
est séparé du parent responsable. déterminer celles de l’enfant. professionnels sont souvent mal à l’aise. La tentative
La clinique recouvre la plupart des situations L’entretien en tête-à-tête avec l’enfant est le premier de suicide, révélateur fréquent des situations de
décrites en pathologie pédiatrique et les différences temps de l’examen. Au terme de celui-ci, le médecin violences subies à l’adolescence, en est l’exemple type.
entre une affection spontanée et une maladie doit avoir une idée relativement précise de l’agression Dans l’enfance, la victimation est relativement âge-
provoquée peuvent être extrêmement difficiles à sur les points suivants : dépendante (hématome sous-dural du nourrisson,
mettre en évidence. Les symptômes le plus – date, heure, lieu et circonstances ; nanisme psychosocial du jeune enfant...). Sous la
fréquemment en cause sont les convulsions, les – agression unique ou répétée ; poussée des transformations pubertaires, la
malaises, les troubles de la conscience, les apnées, la – nature de l’agression (attouchements, victimation devient sexe-dépendante. Ainsi, à
fièvre, la diarrhée, les vomissements, les saignements pénétration sexuelle...) ; l’adolescence, les garçons subissent davantage de
d’origine diverse, les éruptions cutanées, les allergies et – violences associées, menaces ; violences physiques, tandis que les filles connaissent
les retards de croissance. Les symptômes présentent la – identité de l’auteur par rapport à la victime, liens plus d’agressions à caractère sexuel.
particularité de n’être jamais directement observés par affectifs ou d’autorité. Mais un des facteurs essentiels qui différencie les
les soignants. L’examen clinique proprement dit débute toujours adolescents maltraités des enfants plus jeunes est le
Les signes d’alerte devant faire envisager le par un examen général. Il permet de mettre l’enfant en fait qu’il reste en définitive très difficile pour les
diagnostic de SMPP sont les suivants : confiance et de rechercher des traces de violences qui professionnels de considérer l’adolescent comme une
– la « maladie » présentée par l’enfant est sont consignées sur un schéma ou photographiées. victime véritablement « innocente » des situations de
inexpliquée, se prolonge de façon anormale ou est L’examen périnéal, après que le médecin en ait exposé violences familiales. Le petit, dépendant d’un
extrêmement rare ; les modalités et la finalité, ne s’effectue qu’avec le agresseur tout-puissant, suscite chez la plupart des

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8-0885 - Maltraitance à enfants et adolescents

intervenants une réponse empathique et protectrice. Il – les antécédents médicosociaux, tant de cet ‚ Signalement
n’en est pas de même chez l’adolescent dont il serait enfant que de la fratrie, qui sont recherchés avec
Le signalement peut être défini comme l’acte par
attendu, en raison de ses capacités physiques et de ses précision (séparations précoces, placements répétés,
lequel un professionnel alerte une autorité qu’il estime
possibilités de recours extérieurs, une réponse ou tout mort subite...).
compétente d’une situation de mineur en danger. Le
au moins une esquive face à la violence parentale. Schématiquement, ce temps fondamental signalement renvoie à la définition que chacun peut se
Même lorsque les mauvais traitements sont avérés, le d’évaluation multidisciplinaire de la situation repose faire de la notion de danger. Il y a évidemment toute
rôle de l’adolescent dans l’induction de ceux-ci est sur un trépied : qui est cet enfant ? qui sont ses une gamme de situations entre le « bon traitement » et
toujours suspecté. parents ? quelle est la situation sociale et culturelle ? le « mauvais traitement », et il n’est pas toujours facile
L’objectif à ne pas perdre de vue à ce stade est le de déterminer à partir de quel seuil il est nécessaire de
bilan du danger physique, psychologique, social et faire intervenir un sur-spécialiste social ou judiciaire

‚ Bilan d’évaluation

Prise en charge
éducatif, et la mise en place d’un projet thérapeutique
à court et long termes prenant en compte les besoins
de l’enfant et de ses parents.
Au terme de cette évaluation regroupant
capable de prendre les mesures indispensables à la
protection d’un enfant et de les faire appliquer. C’est la
raison pour laquelle, avant toute décision de signaler,
s’imposent une évaluation pluridisciplinaire et un
l’ensemble des professionnels qui connaissent la travail de concertation avec les intervenants extérieurs
Le diagnostic de lésions traumatiques est famille, différentes situations pratiques peuvent se susceptibles de connaître l’enfant et sa famille (crèche,
généralement aisé. Un bilan médical classique dégager : protection maternelle et infantile [PMI], service
s’impose pour éliminer formellement toute pathologie – le diagnostic est certain : il faut le dire clairement polyvalent de secteur...).
organique : pas tant l’exceptionnelle maladie des os aux parents, sans jugement ni accusation, c’est-à-dire En pratique, deux options sont possibles : le
fragiles, qu’un trouble de la coagulation, une maladie signifier le danger encouru par l’enfant et notre devoir signalement judiciaire et le signalement administratif.
hématologique ou digestive... de protection. Un signalement est alors adressé aux Lorsque le danger est réel et que la protection du
Le diagnostic de mauvais traitements est en autorités administratives ou judiciaires ; mineur apparaît urgente, le professionnel adresse un
revanche beaucoup plus difficile et complexe. Il – le diagnostic n’est que soupçonné : l’existence de signalement judiciaire au procureur de la République,
convient de réunir un faisceau d’arguments en facteurs de risque fait craindre pour l’enfant. Un suivi joignable 24 heures sur 24 auprès du tribunal de
s’appuyant notamment sur : efficace, impliquant l’ensemble des partenaires grande instance du lieu de résidence habituel de
– le caractère des lésions, leur localisation, leur médico-psycho-sociaux, doit être mis en place pour l’enfant. En urgence, ce magistrat du Parquet peut
association, leur répétition, leur évolution en cours continuer l’évaluation de la situation à distance. intervenir pour prendre toute mesure, et notamment
d’hospitalisation ; Cependant, les obstacles au diagnostic sont placer le mineur ou le maintenir à l’hôpital
– l’aspect de l’enfant et son comportement, nombreux. Nous ne ferons que citer : (ordonnance de placement provisoire). Par la suite, le
appréciés avec toute la nuance nécessaire ; – l’implication affective d’une telle démarche ; procureur de la République jugera de l’opportunité des
– l’observation et éventuellement l’entretien avec – l’identification aux parents avec déni face à des poursuites contre les auteurs présumés des violences
l’enfant en fonction de son âge ; parents socialement bien insérés ou, a contrario, (transmission du dossier à un juge d’instruction) et
– les explications fournies par les parents dans étiquetage rapide face à des familles défavorisées ou saisira souvent un juge des enfants au titre de
lesquelles on repère discordances, invraisemblances, marginales ; l’assistance éducative (mesures de protection lorsque
commentaires inappropriés à la situation ; – la confusion souvent retrouvée entre diagnostic la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation d’un
– le retard dans le recours aux soins qui est clinique de la maltraitance et nécessité d’apporter des enfant sont gravement compromises).
toujours un élément à noter, ainsi que l’absence preuves ou d’obtenir des aveux, ce qui n’est en aucun Lorsqu’une évaluation complémentaire apparaît
apparente d’émotion ; cas du rôle du médecin. nécessaire pour mieux estimer la situation, il convient

Exemple de rédaction de signalement.


Cadre du signalement :
✔ rédaction sur papier libre ;
✔ nom, qualité et adresse du destinataire ;
✔ nom, qualité et adresse du rédacteur ;
✔ préciser si la famille est informée du signalement ;
✔ identification du (des) enfant(s) pour lequel (lesquels) une situation de danger ou de risque est dénoncée, en précisant le nom,
le prénom, la date de naissance et l’adresse de cet (ces) enfant(s) ;
✔ date, signature ;
✔ signalement à adresser par lettre recommandée avec accusé de réception. (en conserver un double dans le dossier).
Renseignements concernant la famille :
✔ état civil : composition de la famille, statut matrimonial et filiation des enfants, âges... ;
✔ renseignements administratifs : immatriculation à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), à la caisse d’allocations
familiales (CAF)... ;
✔ résumé concis de l’histoire de la famille ;
✔ situation financière de la famille et conditions de logement.
Description et évaluation du danger encouru par le(s) mineur(s) :
✔ résumé de l’évaluation somatique, psychologique et sociale menée ;
✔ éventuellement certificat médical initial ;
✔ action(s) déjà menée(s) et limites rencontrées dans la prise en charge, en mentionnant les noms, qualités et adresses des autres
professionnels éventuellement contactés ou impliqués.
Conclusions :
✔ suggestions sur les interventions souhaitées (placement, action éducative en milieu ouvert, tutelle aux prestations familiales...),
en précisant le suivi éventuellement envisagé par le rédacteur du signalement et le degré d’urgence des mesures préconisées ;
✔ demande d’information sur les suites données.
Remarque : Pour les diverses informations contenues dans le signalement, il importe de toujours préciser leur origine (propos du
mineur lui-même, de ses parents, du travailleur social...), afin de lever toute ambiguïté pour le destinataire.

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Maltraitance à enfants et adolescents - 8-0885

Rédaction d’un certificat de constatations médicales.


✔ Nom, qualité et adresse du praticien.
✔ Conditions dans lesquelles le médecin a été amené à réaliser l’examen (consultation spontanée, réquisition) et personnes
accompagnant l’enfant.
✔ Anamnèse, en citant entre guillemets les paroles de l’enfant ou de l’accompagnant et en évitant de désigner nominalement la
personne mise en cause (l’agresseur présumé peut être indiqué comme « un membre de la famille » ou « une personne de
l’entourage » de l’enfant).
✔ Examen clinique descriptif en indiquant si des clichés ont été pris.
✔ Description de l’état émotionnel de l’enfant.
✔ Examens complémentaires éventuellement réalisés.
✔ Conclusion reprenant les éléments les plus importants, précisant éventuellement le nombre de jours de l’incapacité totale de
travail (ITT)(1) et indiquant à qui a été remis le certificat.
✔ Date, signature.

(1)
L’incapacité totale de travail désigne un état où le sujet est gêné dans les actes de la vie courante (manger, se laver, s’habiller, etc), y compris la vie de relation. Malgré son nom, elle n’est pas liée à
l’exercice d’une activité professionnelle.

d’adresser un signalement administratif au président administrative ou judiciaire (déclaration de maladie


du conseil général, sachant qu’une articulation entre contagieuse à la direction départementale de l’action Professionnel de l’enfance ou non
autorités administratives et autorités judiciaires est sanitaire et sociale [DDASS], examen médical sur professionnel, chaque citoyen est tenu
prévue par la loi, notamment lorsqu’il s’avère réquisition...). Le législateur a également prévu des
d’agir en « empêchant par son action
impossible d’évaluer la situation ou que la famille dérogations facultatives à la règle du secret. En cas « de
refuse manifestement d’accepter l’intervention du privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit
immédiate soit un crime soit un délit
service de l’Aide sociale à l’enfance. d’atteintes sexuelles, infligés à un mineur de 15 ans ou contre l’intégrité corporelle d’une
En dépit de son caractère relativement banal, le à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger personne » (Code pénal, art 223-6).
signalement demeure un acte dont les conséquences en raison de son âge ou de son état physique ou
sont lourdes, tant pour l’enfant que pour sa famille. Il psychique », le médecin est autorisé à avertir les
d’accueil ou de soins, écoles... La consultation du
nécessite donc une réflexion en dehors de l’urgence, autorités judiciaires, médicales ou administratives
pédiatre n’échappe pas à cette règle. Elle est l’occasion
des réactions émotionnelles trop vives et de la (Code pénal, art 226-14 complété par la loi n° 98-486
d’une observation mais aussi de discussions autour de
précipitation. Il faut également veiller à ne pas du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la
l’enfant et de son mode de vie. Les mères expriment
détourner le signalement de son objet, à savoir la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la
ainsi sous couvert de demandes médicales leurs
protection de l’enfant et non celle des professionnels. protection des mineurs).
inquiétudes, leur insécurité, leur sentiment
Le code de déontologie médicale (décret n° 95-1000
‚ Rédaction du certificat médical d’incapacité. Le soutien et la réassurance qui peuvent
du 6 septembre 1995) fixe les devoirs qui sont imposés
L’examen d’un enfant maltraité ou suspect de l’être alors leur être apportés de la part de professionnels
aux médecins dans le cadre de leur exercice
doit toujours s’achever par la rédaction d’un certificat sont considérables. Que des professionnels puissent
professionnel : « Le secret couvre tout ce qui est venu à la
de constatations médicales initiales. La rédaction de ce reconnaître et comprendre leur fatigue, leur
connaissance du médecin dans l’exercice de sa
certificat répond à des règles précises et réclame une épuisement devant un enfant présentant des troubles
profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été
grande rigueur car il est susceptible d’être produit en du sommeil, leur exaspération devant des difficultés
confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. » (art
justice. Le certificat doit être purement descriptif et le alimentaires ou des heures passées pour quelques
4). En accord avec les dispositions du Code pénal, le code
médecin doit veiller à ne pas prendre parti dans des grammes de biberon, leur désillusion devant un enfant
de déontologie médicale prévoit une dérogation au
conflits familiaux autour de l’enfant. Dans le cadre bien différent de l’enfant imaginaire dont elles avaient
secret professionnel, dictée par l’intérêt de l’enfant :
d’un examen sur réquisition, le certificat est rêvé constituent un champ de prévention considérable
« Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès
directement remis à l’autorité requérante. Hors des troubles relationnels. Plus tard viendront les
de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de
réquisition, les parents peuvent demander qu’il le leur questions éducatives et scolaires. La dédramatisation
privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus
soit remis. Un double doit toujours être conservé dans et l’écoute sont essentielles dans ces situations. Les
adéquats pour la protéger en faisant preuve de
le dossier. mères n’ont parfois personne d’autre avec qui
prudence et de circonspection. S’il s’agit d’un mineur de
échanger ou à qui se confier. Si cette forme de
‚ Secret professionnel et maltraitance 15 ans ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se
prévention primaire s’adresse à toutes les mères,
protéger en raison de son âge ou de son état physique
Du fait de sa formation et de sa place particulière au d’autres mesures plus ciblées sont destinées à des
ou psychique, il doit, sauf circonstances particulières qu’il
sein du dispositif de protection des mineurs en danger, populations en difficultés ou présentant des facteurs
apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires,
le professionnel est réputé agir dans l’intérêt de de risque de vulnérabilité.
médicales ou administratives. » (art 44).
l’enfant. Le législateur a donc souhaité lui reconnaître Les textes législatifs et réglementaires indiquent Des études rétrospectives sur des populations
une compétence différente de celle du « simple donc que la révélation des mauvais traitements reste d’enfants victimes de mauvais traitements mettent en
citoyen » dans l’approche des mauvais traitements. discrétionnaire pour le médecin, à condition toutefois évidence un certain nombre de facteurs de risque
Entre une attitude visant à préserver à tout prix le que des mesures de protection soient mises en place repérables dans la période néonatale précoce :
secret et une attitude visant à délier systématiquement autour de l’enfant pour éviter la répétition des surveillance de la grossesse et séjour à la maternité :
le professionnel du secret, le législateur français a violences, et partant l’infraction de « non-assistance à – facteurs liés au passé des parents qui expliquent
retenu une position intermédiaire. personne en danger ». La non-assistance à personne la fragilité de la construction de leur image parentale
Le Code pénal sanctionne les atteintes portées à la en danger vise non pas le fait de ne pas parler, mais le (antécédents de placement, de mauvais traitements,
vie privée dans le cadre d’une activité professionnelle fait de ne pas agir. Il n’y a donc ici aucune exception. éthylisme, toxicomanie, pathologie psychiatrique...) ;
(art 226-13), mais il précise que cette règle de la – facteurs liés à la situation affective et
confidentialité « n’est pas applicable dans les cas où la socioéconomique actuelle (isolement social, deuil,


loi impose ou autorise la révélation du secret » (art transplantation récente, abandon par le conjoint,
226-14). Sont ainsi prévues un certain nombre de Prévention difficultés financières...) ;
dérogations légales qui obligent le médecin à révéler – facteurs liés à l’enfant lui-même, illustrant son
des informations à caractère médical, soit en délivrant interaction dans la situation de maltraitance selon qu’il
à son patient ou à ses ayants droit des certificats Elle concerne tous les lieux fréquentés par les vient renforcer des images positives ou négatives chez
(certificat de vaccination...), soit en avisant une autorité enfants et leur famille : maternités, lieux de garde, ses parents.

5
8-0885 - Maltraitance à enfants et adolescents

Cette stratégie du risque réclame prudence et Mais le dépistage et la prévention ont des limites. Abord pluridisciplinaire et concertation avec des
modestie. On sait que, dans les domaines médical et On ne peut prétendre supprimer tous ces types de travailleurs sociaux de secteur, PMI, école...
médicosocial, l’existence de facteurs de risque dysfonctionnements intrafamiliaux. Certaines Hospitalisation en cas d’urgence, de doute
n’implique pas obligatoirement l’apparition de la situations à risque peuvent échapper aux diagnostique, d’enfant jeune, de crise familiale ou de
pathologie attendue et que la répétition transgénéra- professionnels. Les difficultés vis-à-vis du bébé peuvent risque de récidive des mauvais traitements. Lieu neutre
tionnelle des mauvais traitements n’est pas être complètement masquées pendant le séjour à la et de soins, l’hospitalisation est généralement
inéluctable. Il convient donc d’interpréter ces éléments maternité où la mère est entourée. Enfin, l’évolution facilement acceptée par la famille, et permet tout à la
sans zèle intempestif et sans stigmatisation excessive. naturelle de certaines situations va parfois à l’encontre fois le diagnostic, l’évaluation, la protection de l’enfant
En effet, ces familles sont déjà fragilisées et ont besoin de tous les pronostics. et la concertation avec les différents partenaires du
d’un regard soutenant, faute de quoi leur sentiment réseau. L’hospitalisation donne du temps pour la prise
‚ Conduite à tenir pratique pour le de décision, et notamment le signalement.
d’incompétence, d’échec ou de mésestime d’elles- praticien
mêmes risque fort de se trouver renforcé. Ne pas laisser évoluer une situation sans rien faire :
Lorsque le diagnostic est certain, il faut le signifier revoir la famille, mettre en place un réseau local.
Des études prospectives menées en Belgique et aux aux parents en leur indiquant les éléments du danger Prévention des situations à risque : soutien face aux
États-Unis ont mis en évidence qu’une aide pour l’enfant et notre devoir de protection. Lorsque le manifestations psychosomatiques de l’enfant
psychosociale préventive dès la grossesse et dans la diagnostic n’est que soupçonné, il faut se donner les (sommeil, propreté, alimentation...), mobilisation des
période périnatale pouvait conduire à une réduction moyens de revoir l’enfant et organiser son suivi par un ressources de l’environnement (halte-garderie,
par 5 des mauvais traitements. professionnel compétent. travailleuse familiale, cantine scolaire...).

Caroline Rey : Pédiatre des Hôpitaux.


Caroline Mignot : Pédiatre des Hôpitaux.
Hôpital de Bicêtre, service de médecine pour adolescents, 78, avenue du Général-Leclerc, 94275 Le-Kremlin-Bicêtre, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Rey et C Mignot. Maltraitance à enfants et adolescents.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0885, 2000, 6 p

6
8-0886

8-0886

Troubles de l’apprentissage
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

du langage chez l’enfant


C Billard

L ’apprentissage du langage écrit constitue l’un des principaux objectifs de l’école primaire. La fréquence des
dyslexies-dysorthographies est évaluée entre 3 et 10 % des enfants d’âge scolaire. Elles représentent une des
grandes causes de l’échec scolaire et, faute de prise en charge correcte, peuvent conduire à l’illettrisme. Elles génèrent
chez ces enfants et leurs familles une grande souffrance liée à la situation d’échec et à l’insuffisance, dans notre pays,
de solutions pédagogiques et rééducatives à mettre en œuvre.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : langage, troubles du langage, langage écrit, langage oral, dyslexie, dysphasie, difficultés scolaires,
dysorthographie.


déficit soit de l’expression, soit de la compréhension,
Introduction soit des deux associées. Surtout, le suivi longitudinal On considère qu’environ 5 % des
montre la réelle signification d’un tel déficit puisque enfants de maternelle ont un langage
Le langage oral est le principal outil de
près de 40 % de la population déficitaire aura à oral déficitaire et 5 % des enfants de
7 ans et demi un déficit du langage oral, soit du primaire ont un langage écrit
communication. C’est un système symbolique qui se
langage écrit, soit une déficience mentale. Une déficitaire, dont 1 % de formes sévères.
développe en interaction étroite avec le
lecture différente de la même publication conclut Il y a donc en France actuellement
développement de l’intelligence et de la pensée. Son
que 60 % des enfants ayant à 3 ans un langage environ 200 000 à 350 000 enfants
développement nécessite donc un fonctionnement
déficitaire n’auront plus aucun problème à 7 ans et porteurs d’un tel trouble et 65 000 sont
cognitif, psychique et sensoriel adéquat et
demi ! atteints d’un trouble sévère.
harmonisé, sans oublier l’importance de
l’environnement socioculturel. Un trouble du C’est peu dire que la politique médicale du « ça
développement du langage peut donc avoir s’arrangera » n’a pas de sens même si tout déficit à
Versant réceptif
plusieurs significations, d’où l’importance de savoir cet âge n’a pas forcément une signification
Il nécessite une audition correcte. Il comporte
dépister le trouble et de diagnostiquer le cadre dans définitivement pathologique.
deux fonctions principales :
lequel il se situe. La fréquence de l’illettrisme est estimée entre 4 et
– la perception de la parole dont la discrimi-
Les troubles du langage oral et du langage écrit 10 % des jeunes adultes. Il s’agit donc d’un problème
nation des sons proches (le « cra » de crapaud et le
n’ont pas tous la même signification, selon leur de société de première importance. Si l’illettrisme est
« dra » de drapeau), et la conscience que l’on a que la
caractère secondaire ou au contraire spécifique, et principalement lié aux difficultés socioculturelles, la
parole peut être découpée en unités (la phrase en
leur gravité. La connaissance des différents cadres dyslexie de développement est enfin reconnue
mots, le mot en syllabes [lavabo : la-va-bo], ou en
est indispensable au médecin de l’enfant pour : comme une de ses étiologies. Une enquête récente
phonèmes [l-a-v-a-b-o-]). Cette conscience appelée
– les dépister précocement et adresser les enfants témoigne que près de 20 % des jeunes en grande
conscience phonologique ou métaphonologie est,
au bon moment aux professionnels adéquats ; situation de précarité socioprofessionnelle ont, en
on le verra, une compétence indispensable à
– aider à la guidance familiale et aux contacts fait, toutes les caractéristiques de la forme la plus
l’apprentissage du langage écrit ;
avec les enseignants ; fréquente de dyslexie de développement : la
– la compréhension :
– pouvoir apprécier l’efficacité de la rééducation. dyslexie phonologique [5]. D’où l’importance d’un
– des mots (dite « lexicale » : « montre-moi le
dépistage précoce des troubles du langage oral et
garçon ») ;
écrit, débouchant sur une action appropriée.


– de la grammaire (dite « syntaxique » :
Les déficits du développement du langage oral « montre-moi l’image où le garçon est poussé par la
Quelques chiffres sont, par ailleurs, très fortement prédictifs d’un déficit fille ») ;
ultérieur en lecture. – et du sens (dite « sémantique »).
Les études longitudinales du développement
normal du langage montrent qu’avant 3 ans-3 ans et Versant expressif
demi, les systèmes phonologique et syntaxique se
développent très différemment d’un enfant à
l’autre [9], pour aboutir finalement, à cet âge, à un
niveau comparable chez tous les enfants. La

Troubles du langage oral
Il nécessite une motricité des muscles buccaux,
linguaux et laryngés normale. Il comporte :
– l’évocation des mots (dite « lexicale », appréciée
en faisant dénommer une image) ;
‚ Grandes fonctions du langage oral
principale enquête épidémiologique prospective sur – la prononciation de ces mots (dite
une population d’environ 1 000 enfants de 3 ans a Le langage est constitué de deux versants : un « phonologie », appréciée en faisant répéter des mots
montré que 7 % de ces enfants avaient à 3 ans un versant réceptif et un versant expressif. [« le grand piano »] ou des non-mots [« stripadul »]) ;

1
8-0886 - Troubles de l’apprentissage du langage chez l’enfant

– la production de phrases correctes (dite (Ortho-Éditions, 62330 Isbergues) permettent de


« syntaxique » : « le garçon joue avec la fille » et non repérer par un questionnaire les troubles dès l’âge de Tout déficit de langage doit d’emblée
« garçon jouer fille ») ; 3 ans ; amener à différencier un touble
– les fonctions dites « sémantique et – l’ERTL 4 [1], l’ERTLA 6 (Com-Medic, 54500 primitif d’un trouble secondaire.
pragmatique » : qui donnent aux phrases une valeur Vandœuvre) et la batterie mise au point par Zorman Dans les déficits secondaires, le
de communication sociale. et Jacquier Roux (Cogni Sciences, 38100 Grenoble) pronostic et la prise en charge doivent
s’adressent également à une seule tranche d’âge être guidés par la pathologie primitive.
‚ Grandes étapes du développement (respectivement 4 et 5-6 ans) ; L’orthophonie ne peut être isolée et
du langage oral chez l’enfant – le PER 2000 (Ortho-Éditions, 62330 Isbergues) s’inscrit dans un projet thérapeutique
Le développement du langage oral débute dès la permet le dépistage des troubles du langage et des plus global guidé par le neuropédiatre
naissance, mais c’est entre 20 mois et 3 ans que fonctions non verbales chez l’enfant de 3 ans à 5 ans en cas de déficit mental ou d’autre
l’émergence du langage est la plus spectaculaire. et demi ; pathologie neurologique patente,
Globalement, les études longitudinales du – la BREV (Kiosque production, 69, boulevard l’ORL en cas de surdité, le
développement normal du langage montrent Saint-Marcel, 75013 Paris) [4] est un outil clinique pédopsychiatre en cas de trouble de
qu’avant 3 ans-3 ans et demi, le système complet, soigneusement validé, permettant un communication.
phonologique et syntaxique se développe très examen clinique des fonctions verbales, non Les troubles spécifiques (ou primitifs)
différemment d’un enfant à l’autre, pour aboutir verbales, de l’attention, de la mémoire et des du langage oral se définissent, au
finalement à cet âge à un niveau comparable chez apprentissages chez les enfants de 4 à 9 ans, afin de contraire, comme les troubles ne
tous les enfants. Dès 4 ans, et même avant, le dépister les enfants qui seraient porteurs d’un déficit s’expliquant pas par un des grands
langage, instrument linguistique, peut être mesuré et d’en préciser le profil. cadres pathologiques évoqués.
par des tests standardisés. À 6 ans, avant Ces batteries ne sont pas des outils formels de Les retards de langage et les
l’apprentissage du langage écrit, les principales dysphasies de développement sont les
diagnostic. Les enfants suspects doivent alors être
notions phonologiques, lexicales et syntaxiques du
testés de façon conventionnelle par un bilan deux cadres de ces troubles spécifiques
langage sont acquises.
orthophonique lorsque le déficit langagier est isolé du développement du langage oral.
ou de façon plus complète lorsque le déficit ne
concerne pas uniquement le langage.
Quelques précisions concernant l’âge ‚ Du retard de langage aux dysphasies
Dès 3 ans, un trouble sévère du langage oral doit
d’acquisition du langage oral pour de développement
être dépisté (aucun langage intelligible). À 4 ans, un
90 % des enfants [9] : Les dysphasies de développement se définissent
langage encore inintelligible et sans phrase doit être
– 6 mois : le babil « a-reu » ; comme un trouble du développement du langage
reconnu. À 5 ans et plus, tout trouble du langage
– 10 mois : utilise « papa », oral sévère, spécifique, structurel, durable, perdurant
oral, même modéré, doit être repéré et évalué.
« maman » sans référence ; bien au-delà de 6 ans, tandis que les retards de
– 9-10 mois : comprend « non » ; langage se caractérisent par un langage se
‚ Déficits secondaires et primitifs
– 15 mois : 1 ou 2 mots en dehors de du langage développant avec délai, mais en suivant les étapes
« papa » et « maman », comprend un habituelles et se normalisant avant ou autour de
ordre simple sans geste ; La première démarche devant un trouble du 6 ans. Dans les deux cadres, le trouble du langage
– 18-23 mois : 7 à 20 mots, désigne développement du langage est de différencier les oral est spécifique et ne peut pas être expliqué par
une partie de son corps ; déficits secondaires et les déficits spécifiques. une autre pathologie. Sans que l’on dispose de
– 24 mois : 50 mots, courte phrase de Dans les déficits secondaires, le trouble du chiffres épidémiologiques formels, on estime que les
deux mots, comprend un ordre développement du langage oral peut être expliqué retards sont de loin les plus fréquents et que les
double ; par une autre pathologie. Le retard mental en est la dysphasies sont rares (0,5 à 1 % des enfants d’âge
– 36 mois : peut raconter une petite cause la plus fréquente, et les compétences verbales préscolaire et scolaire).
histoire avec des phrases comportant doivent toujours être comparées aux compétences
trois mots dont un sujet, utilise « je, non verbales. La première appréciation de ces Exemples
moi » de façon appropriée. La fonctions non verbales peut être clinique, à l’aide de Caroline, à 4 ans, parle mal. La passation de la
longueur moyenne des énoncés est batteries de dépistage type la BREV. En cas de doute BREV montre que ses compétences en graphisme,
sur les compétences non verbales, l’intelligence non raisonnement spatial, résolution de labyrinthes,
de trois à quatre mots selon le milieu
verbale doit être mesurée par un test psychomé- discrimination, attention visuelle et calcul sont
culturel ;
trique (WIPPSI ou WISC). L’évaluation clinique de normales. Son niveau de compréhension syntaxique
– au-delà de 4 ans, les compétences
l’audition par un examen oto-rhino-laryngologique est également normal mais sa production
doivent être cotées par des tests
(ORL), complété au moindre doute par une phonologique, la qualité de son évocation lexicale et
étalonnés.
audiométrie, est toujours indispensable pour la structure de ses phrases sont bien inférieures aux
éliminer une surdité, voire un déficit auditif modéré moins 2 écarts-types des enfants de son âge. À
qui doit toujours être traité efficacement. Une 5 ans, elle aborde la grande section de maternelle
‚ Dépistage des troubles du langage
paralysie des organes de la voix, une infirmité avec un langage qui reste encore modérément et
Le souci pratique de repérer ou de dépister tôt les motrice cérébrale sont également responsables de spécifiquement déficitaire sur le plan de la
troubles du langage afin d’agir efficacement a troubles secondaires du langage oral. Les troubles de production. Un bilan orthophonique formel confirme
conduit au développement d’outils cliniques, la communication, en particulier les troubles un niveau de production phonologique et
destinés aux professionnels en première ligne envahissants du développement, se présentent aussi syntaxique à moins 3 écarts-types des enfants de
comme les médecins de l’enfant, qui permettent comme un trouble du développement du langage son âge. Après 20 séances de rééducation
d’apprécier le niveau de langage d’un enfant en oral associé à un trouble des autres communications orthophonique, le langage se normalise. Ses
référence à une population normale. v i s u e l l e s e t t a c t i l e s . E n fi n , l e s c a r e n c e s acquisitions scolaires seront normales.
Pour en citer quelques-uns : psychoaffectives et socioculturelles sévères peuvent Caroline présente un retard de langage typique.
– le questionnaire de Chevrie-Muller [2] (ANAE, également entraîner un déficit du développement Stéphane est le second enfant d’une fratrie de
PDG Communication, 75017 Paris), et le DPL 3 du langage oral. quatre. Deux de ses sœurs n’ont aucun trouble des

2
Troubles de l’apprentissage du langage chez l’enfant - 8-0886

apprentissages tandis que sa sœur cadette est suivie na pond na zœufs » pour les poules, ça pond des
pour un « retard de langage ». Son père, deux de ses œufs). Sur le versant réceptif, l’atteinte est infiniment Les troubles sévères et spécifiques du
cinq oncles et tantes ainsi que sa grand-mère variable. développement du langage oral
paternelle parlent peu, mal et sont illettrés. Stéphane Tous les enfants présentent à un degré variable relèvent d’un bilan orthophonique et
a un développement moteur et relationnel normal, un trouble de la perception des sons pourtant d’une rééducation intensive (trois fois
mais, à 3 ans, il n’a aucune expression de langage. À normalement entendus (discrimination de sons par semaine), dès que la coopération
5 ans, son langage est limité à une dizaine de mots « canif » et « caniche »). La compréhension lexicale et de l’enfant le permet. Les centres de
intelligibles sans phrase. À 7 ans, après deux grandes syntaxique est le plus souvent discrètement référence permettent de compléter
sections de maternelle, le langage reste quasi déficitaire, mais mieux préservée que l’expression. l’évaluation, d’aider au projet
inintelligible. Il n’apprend pas à lire malgré deux Les troubles du langage écrit sont quasi constants. La thérapeutique et d’évaluer l’efficacité
cours préparatoires. Stéphane sera orienté vers une gravité de l’atteinte du langage et son profil sont de la rééducation.
structure pour enfant dysphasique où il va infiniment variables d’un enfant à l’autre et parfois Les troubles spécifiques et modérés ou
apprendre à lire avec une dysorthographie sévère, même chez un même enfant au cours de son retards de langage, où le langage, bien
mais sans difficultés majeures en mathématiques. Il évolution. Cette grande diversité explique la
que déficitaire, n’est pas inintelligible
réintégrera un collège d’éducation spécialisée, nécessité absolue, au-delà des grandes règles, de
et comporte des phrases, ne nécessitent
passera son CAP de menuisier. Stéphane est devenu faire des projets thérapeutiques individuels,
pas forcément une intervention avant
un adulte au langage encore réduit avec une régulièrement fondés sur la symptomatologie
4-5 ans. En revanche, tout langage
persistance de difficultés phonologiques et précisément évaluée à un moment précis.
Actuellement, tous les auteurs s’entendent pour
oral encore déficitaire à 5 ans doit
syntaxiques, mais n’entravant plus l’intelligibilité.
différencier les dysphasies d’expression, de loin les
absolument être rééduqué. En règle,
L’histoire de Stéphane est une histoire
plus fréquentes, où le trouble touche avant tout le une trentaine de séances suffisent.
caractéristique de dysphasie de développement.
versant expressif du langage, et les dysphasies La rééducation porte sur
La symptomatologie des retards de langage est
réceptives, rares mais plus graves, où l’atteinte l’amélioration du langage oral, mais
caractérisée par un déficit isolé de la production
touche à la fois, de façon majeure, le versant réceptif aussi sur la préparation du langage
phonologique (ou sons), syntaxique (ou phrase) et
et expressif. La diversité tient aussi à la gravité très écrit. Elle doit être évaluée avec une
éventuellement de l’évocation lexicale (ou
variable du déficit, certains enfants, contrairement à remise en question à l’aide des centres
dénomination d’images). La production
d’autres, étant encore quasiment inintelligibles à de référence si l’évolution n’est pas
phonologique est simplifiée (élision : « voitu » pour
voiture, inversion des groupes consonantiques :
10 ans. Sur 14 enfants dysphasiques revus à l’âge favorable.
« carpo » pour crapaud).
adulte : quatre restent difficilement inintelligibles, L’apprentissage du langage écrit doit
deux ont un langage oral quasi normal et les huit être surveillé dès le milieu du CP, chez
La cible est reconnaissable. Les phrases sont aussi
autres des séquelles d’intensité variable. tout enfant avec un déficit du langage
simplifiées avec des articles supprimés, des verbes
On peut résumer le problème de l’étiologie des oral, même modéré et guéri,
non conjugués et des formes immatures (« à le
dysphasies, en disant qu’elle reste mystérieuse et particulièrement si celui-ci est sévère.
garçon » pour au garçon). Le langage s’étaye sur
multifactorielle, même si les particularités du cerveau
celui de l’adulte et les formes incorrectes sont
du dysphasique et les facteurs génétiques sont
progressivement remplacées par les formes (décalage de 18 à 24 mois entre l’âge de lecture et
actuellement décrits [2] . L’existence de formes
correctes. Le vocabulaire est éventuellement pauvre. l’âge chronologique), qui ne peut être expliqué ni par
familiales avec un arbre généalogique évoquant une
transmission autosomique dominante est une déficience mentale, ni par une carence
Dysphasies de développement pédagogique, éducative, psychoaffective ou
actuellement bien admise, même si elle ne rend pas
La symptomatologie des dysphasies de compte de la majorité des dysphasies, et un gène socioculturelle, ni par un trouble sensoriel ou une
développement est caractérisée par des signes appelé « speech 1 » en 7q31 vient d’être isolé dans pathologie neurologique ou psychiatrique
communs quasi constants et, par ailleurs, par une une large famille dysphasique. Les données authentifiée. C’est-à-dire qu’elles doivent être
grande diversité du déficit du langage oral qui neuropathologiques, puis plusieurs études différenciées des troubles des apprentissages
conditionne la diversité des prises en charge et du morphométriques et en imagerie fonctionnelle multiples, liés à une déficience mentale, ou multiples
pronostic [6, 7]. Le trouble du langage oral touche suggèrent l’absence de l’asymétrie usuelle d’une et complexes, sans déficience. Il existe plusieurs
toujours l’expression du langage qui reste partie du lobe temporal : le planum temporal, et types de dyslexies qui nécessitent des programmes
inintelligible pour l’entourage bien au-delà de 6 ans. l’existence d’un trouble de la migration de rééducation très différents.
Le trouble touche toujours, mais à un degré et sous embryonnaire des neurones dans ce lobe temporal,
une forme variables, la phonologie et la structure de appelé hétérotopie, comme témoin d’un cerveau
la syntaxe. S’il existe aussi une simplification comme
dans le retard de langage, il existe des signes de
déviance du langage, comme des complexifications
(« palapapluie » pour parapluie), des productions
« singulier » [8]. Les hypothèses épileptiques [2] qui
feraient des dysphasies des formes précoces de
syndrome de Landau-Kleffner, ne semblent pas se
confirmer en tout cas pour la majorité des cas et les

Liens entre langage oral
et langage écrit

Des troubles du développement du langage oral


longtemps loin de la cible (« aui » pour parapluie), de anomalies paroxystiques intercritiques retrouvées à l’illettrisme, il existe une réaction en chaîne qu’il est
nombreuses approches phonémiques (ra.., chez un enfant dysphasique sur trois n’en sont pas la aujourd’hui possible d’enrayer [3].
rami,…rapi….,...pour radis), et des paraphasies cause directe, mais plutôt l’expression du trouble de Les enfants dysphasiques ont quasiment
sémantiques (« fourchette » pour cuillère), ou maturation cérébrale, lui-même responsable de la constamment des difficultés d’apprentissage du
phonémiques (« raladateu » pour radiateur). dysphasie. langage écrit [3]. Une enquête longitudinale française
Les productions ne sont jamais stabilisées et les a objectivé que quatre enfants dysphasiques de plus


formes très pathologiques coexistent longtemps de 9 ans sur 24 seulement étaient lecteurs. Une
avec les formes simplifiées ou normales, témoignant
Troubles spécifiques des étude anglo-saxonne a suivi trois populations
apprentissages du langage écrit
de l’absence de conscience des formes usuelles de d’enfants diagnostiqués à 5 ans comme porteurs
notre langue. Les structures syntaxiques erronées Les dyslexies-dysorthographies ont également d’une dysphasie ou d’un retard ou anciens
(« on a vu le cheval qu’attendait bientôt ») coïncident une définition à la fois précise et insuffisamment prématurés : 90 % des dysphasiques, 25 % des
avec les simplifications à l’extrême (« cheval attendre précise. Elles se caractérisent par un trouble retards de langage étaient, à 8 ans, de mauvais
bientôt » et les morphèmes indifférenciés (« na poule significatif du développement du langage écrit lecteurs.

3
8-0886 - Troubles de l’apprentissage du langage chez l’enfant

La littérature de ces dernières années s’est


intéressée aux liens entre la perception de la parole
à 5-6 ans et l’apprentissage du langage écrit après
6 ans. Les capacités métaphonologiques (conscience
que la parole est découpable en unités type syllabes)
ou la discrimination des sons à 5-6 ans sont
prédictives des compétences ultérieures en lecture, et
un entraînement dès cet âge permet d’améliorer les
compétences ultérieures en lecture.
Le développement de la psychologie dite
« cognitive » a permis de préciser les stratégies
déficitaires portant sur le déchiffrement analytique
appelé « voie d’assemblage » et de préciser les
techniques de rééducation efficaces.
Cela souligne la nécessité de suivre les
apprentissages en langage écrit de tout trouble du
langage.

‚ Dyslexies dysorthographiques
et différents sous-types
Si les dyslexies sont particulièrement fréquentes
chez les enfants ayant présenté un trouble du
langage oral, elles peuvent se manifester après le CP
alors que rien ne la laissait prévoir.
Son diagnostic [7, 10] est fait sur l’existence d’un
décalage significatif entre l’âge de lecture et l’âge
chronologique, avec des stratégies de lecture
perturbées, alors que le niveau intellectuel, et le plus
souvent le niveau en calcul, sont normaux. Même si
la dyslexie entraîne souvent un retentissement
psychoaffectif lié à l’échec scolaire, il n’y a pas de
troubles psychopathologiques plus profonds. La 1 Un exemple de dysorthographie à prédominance phonétique : Stéphane 10 ans, dysphasie et dyslexie
dysorthographie (fig 1) est constante chez les phonétique. Diffıcultés de segmentation et dysorthographie phonétique : « le gros ver de terre » écrit « palo-
enfants dyslexiques, mais elle peut aussi être isolée à rocoferedes ». Dysorthographie phonétique : le non-mot « pradu » écrit « padu » ; le mot « ligne » écrit
la suite d’une dyslexie guérie. Les dyslexies et « line ». Dysorthographie lexicale : « bord » écrit « bore ». Dysorthographie phonétique et grammaticale :
dysorthographies peuvent être dépistées par les « trois truites » écrit « ter turte ».
batteries cliniques type BREV, qui peuvent, de plus,
apprécier la normalité des fonctions non verbales et nouveaux, l’enfant doit absolument mettre en place « deux voies ». La lecture globale, dite par
des apprentissages en mathématiques. les règles de la correspondance entre les lettres et les « adressage », lui permet d’identifier rapidement les
sons caractéristiques du second stade dit mots dont la forme écrite est connue. La seconde
« alphabétique ». L’enfant apprend alors à segmenter voie analytique, dite par « assemblage », lui permet
Les enfants dyslexiques doivent être les mots dans ses différentes unités (lavabo : trois de lire les mots dont la forme écrite est inconnue. Elle
reconnus dès la fin du CP ou le début syllabes la/va/bo, six phonèmes l/a/v/a/b/o). Il peut est beaucoup plus longue. La stratégie utilisée par un
de la deuxième année de primaire. alors lire un non-mot comme « mati », « picrado ». En enfant pour identifier un mot écrit est appréciée en
Toute plainte des parents ou des revanche, il continuera à faire des erreurs pour comparant les scores de lecture de différents items
enseignants doit mener à la pratique certaines graphies contextuelles (« tion » de (mots réguliers ou irréguliers, non-mots, mots
d’un test de dépistage et, en cas de « révolution » lu « ti-on » et non « sion »), et pour la fréquents, rares, courts ou longs) et par le temps de
difficultés réelles et spécifiques du lecture des mots ambigus (« transiger » sera lu latence pour lire le mot beaucoup plus rapide en
langage écrit, à un bilan « transsiger » et non « tranziger »). L’acquisition du lecture globale qu’analytique.
orthophonique. dernier stade « orthographique » est donc Il reste à l’enfant à progresser dans sa vitesse de
indispensable à la lecture fluente. L’enfant accède à lecture et dans la compréhension du message lu.
la lecture directe, globale, avec un lien direct entre la
Les progrès de la psychologie cognitive ont forme visuelle du mot et son sens, pour les mots ‚ Modèle de l’identification des mots écrits
permis de démontrer l’existence de différents connus qui font partie de son stock lexical et peut (fig 2)
sous-groupes de dyslexies caractérisés par des alors lire correctement les mots irréguliers ou La forme la plus fréquente est la dyslexie
déficits différents et donc des soins différents [7, 9]. ambigus (« femme » ou « tabac »), puisqu’il les identifie phonologique, caractérisée par les difficultés
sur la correspondance entre leur aspect visuel et leur d’acquisition du stade alphabétique et donc d’accès
‚ Enfant apprenti lecteur et lecteur habile sens et non sur un déchiffrement analytique. Il ne à la lecture analytique. Ce sont les formes observées
Les modèles du développement du langage écrit fera plus les erreurs de type « femme » assimilé à un après les troubles du langage oral. Leur prise en
rendent bien compte de la pathologie. L’acquisition mot visuellement proche comme « ferme » ou charge nécessite un travail intensif sur la perception
de la lecture évoluerait en trois stades. Le stade « fème ». Ce stade orthographique se développe dès de la parole et sur la voie d’assemblage en s’aidant
« logographique » est caractérisé par une 7-8 ans et est complètement acquis à 9 ans, âge où de codes (gestes Borel, syllabes en couleur…). Dans
reconnaissance des mots de l’environnement l’enfant est un lecteur habile capable d’identifier cette forme, le stock lexical de mots écrits, qui
(comme le prénom, maman, Coca Colat…), sur la correctement tous les mots, qu’ils soient courts ou permet ensuite de les aborder en lecture globale, est
forme visuelle. Ce vocabulaire visuel est longs, réguliers ou irréguliers, concrets ou abstraits, souvent très limité et nécessite aussi sa constitution
évidemment limité. Pour aborder des mots fréquents ou rares, connus ou inconnus, grâce aux en rééducation pour permettre une lecture rapide,

4
Troubles de l’apprentissage du langage chez l’enfant - 8-0886

Analyse visuelle des mots écrits

Mots connus Mots inconnus


(livre) (picrado)

Lexique orthographique Segmentation: pi/cra/do


d'entrée

Accès au sens Conversion des lettres en sons

Assemblage

Accès au sens

Lexique phonologique de sortie

2 Modèle de l’identification des mots écrits.

accédant au sens, et une orthographe d’usage


correct. Il existe d’autres formes de dyslexies : les
dyslexies dites « de surface » qui, au contraire des
précédentes, sont caractérisées par des difficultés
d’accès à la lecture globale. La lecture se fait donc
uniquement de façon analytique, lentement et en
déchiffrant. Les formes mixtes où les deux stratégies
sont déficitaires existent aussi. Elles sont
particulièrement graves et rendent compte des
enfants non lecteurs en fin de primaire. L’intérêt de
ces sous-types est de définir la nature de la
rééducation et de la pédagogie qui sont totalement
différentes.
La dysorthographie accompagne la dyslexie et
souvent perdure, même chez les enfants devenus de
bons lecteurs. Dans les dysorthographies
phonologiques, la transcription des sons en lettres
est à l’origine de nombreuses confusions, alors que 3 Dysorthographie lexicale : Sébastien, dyslexie de surface. Dysorthographie lexicale : « maître » écrit
la dysorthographie de surface est avant tout lexicale « mètre », « orthophoniste » écrit « ortofoniste ». Dysorthographie grammaticale : « les profs » écrit « les
(fig 3). L’orthographe grammaticale est déficitaire profe ».
dans tous les cas.
La rééducation des dyslexies doit être précoce,
sans attendre les 2 ans de décalage de la définition, L’intensité et la durée de la rééducation orthophonique dépendent de la sévérité du
et le plus souvent intensive (trois fois par semaine), et trouble. En cas de dyslexie sévère (plus de 2 ans de décalage entre l’âge et l’âge de
surtout elle doit être précisément adaptée au trouble lecture), trois séances par semaine et une pédagogie adaptée sont nécessaires. La
de l’enfant. Il n’y a pas et il n’y aura jamais de nature de la rééducation dépend du type de dyslexie et son efficacité doit toujours
rééducation « universelle » de tous les enfants être évaluée. Un contact avec l’école est indispensable.
dyslexiques à tout âge. L’évaluation de l’efficacité de
cette rééducation doit être précise pour réorienter les
objectifs. Malheureusement, le grand drame des Un enfant dyslexique de 8 ans non lecteur ou de ne lui est pas adapté, voire qui ne lui sert à
enfants dyslexiques en France est lié à l’absence 10 ans pauvre lecteur, dans le système ordinaire, rien….Cette situation a récemment ému les pouvoirs
d’harmonisation pédagogie-rééducation. passe 10 heures par semaine à faire du français qui publics et déclenché un plan d’action.

5
8-0886 - Troubles de l’apprentissage du langage chez l’enfant

Catherine Billard : Médecin des Hôpitaux, responsable du Centre de référence sur les troubles du langage,
unité de rééducation neuropédiatrique, hôpital Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Billard. Troubles de l’apprentissage du langage chez l’enfant.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0886, 2002, 6 p

Références

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tion. Marseille : Solal, 1999
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pathologies du langage chez l’enfant. In : Chevrie-Muller C, Narbona J éd. Le [8] Habib M. Dyslexie : Le cerveau singulier. Marseille : Solal, 1997
langage de l’enfant, aspects normaux et pathologiques. Paris : Masson, 1999 :
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[5] Delahaie M, Billard C, Calvet C, Gillet P, Tichet J, Vol S. Dyslexie de déve-


loppement et illettrisme. Un exemple d’évaluation. Santé Publique 1998 ; 10 :
369-383

6
8-0850
8-0850

Troubles névrotiques chez l’enfant


Encyclopédie Pratique de Médecine

O Halfon, JM Porret

L es troubles névrotiques chez l’enfant ne sont pas synonymes de névrose ni même de pathologie mentale. Si
les caractéristiques essentielles des troubles névrotiques sont identiques chez l’enfant et chez l’adulte, elles
peuvent prendre chez l’enfant des significations très variées au cours du développement.
© Elsevier, Paris.


névrose : ces mécanismes de défense sont des ‚ Aspects cliniques
Troubles névrotiques processus inconsciemment mis en œuvre pour des troubles obsessionnels
écarter ou maîtriser l’angoisse ;
En général, la découverte des premières
– conscience de la morbidité des troubles ;
manifestations obsessionnelles s’effectue dans le cadre
‚ Historique – absence de perte du sens de la réalité qui
de l’investigation chez un enfant à la fin de la période de
permet aux névrosés de communiquer avec autrui
C’est en étudiant l’hystérie que Freud [2] élabore latence. C’est ainsi le plus souvent à l’occasion de
et d’établir des relations humaines ;
progressivement les premières théories difficultés scolaires survenant chez des enfants dont il
– absence de confusion entre réalité extérieure et
psychanalytiques des névroses. La névrose est classique de signaler le niveau intellectuel supérieur.
réalité interne.
hystérique est tout d’abord considérée par Freud [2]
comme résultant directement de traumatismes ‚ Particularités chez l’enfant : Idées obsédantes
sexuels infantiles réels (séduction par un adulte, pôle développemental Les obsessions ont pour objet ou l’enfant
attouchements sexuels). Puis Freud [2] revient sur Il faut différencier névrose infantile et névrose de lui-même, ou un être cher qui est représenté sali,
cette théorisation et parle de reviviscence dans l’enfant. En effet, la névrose infantile est inévitable dégradé ou victime de mauvais traitements. Le
l’après-coup de scènes vécues comme traumatiques pour chacun d’entre nous et fait partie du doute caractérise la plupart de ces idées obsédantes.
sur un plan fantasmatique dans l’enfance et développement normal ; c’est elle que va Souvent elles portent sur des problèmes
refoulées secondairement. Cette reviviscence reconstruire la psychanalyse de l’adulte. métaphysiques ou religieux. Comme le dit Freud [4], il
entraîne une mise en image corporelle du conflit La névrose infantile est fondatrice de l’individu et s’agit au fond d’un doute sur l’amour.
sexuel refoulé que représente la conversion correspond au conflit central lié au problème
hystérique. Ainsi, le symptôme névrotique a un sens, œdipien et à l’angoisse de castration. De sa Action compulsive et rituels
une économie. Freud [2] étend ensuite cette résolution dépendra l’équilibre futur de la Contrairement aux idées obsédantes qui sont
conception du symptôme aux autres psychoné- personnalité. rares, dans l’ensemble les rituels sont d’une grande
vroses et développe leur théorisation Très différente est la névrose de l’enfant qui banalité, même si leur tolérance par l’entourage est
psychanalytique. constitue une entité pathologique organisée et fixée, très variable. Freud [3] les décrivait ainsi : « Le
Le nœud des névroses pour Freud [2] est la rappelant la pathologie adulte. Il s’agit d’une cérémonial névrotique consiste en de petites
non-résolution du conflit œdipien avec persistance déviation morbide du développement. pratiques qui sont accomplies lors de certaines
de l’angoisse de castration. Selon le mode de actions de la vie quotidienne, d’une manière
développement affectif, la symptomatologie toujours semblable ou modifiée selon une loi. Ces


s’exprime sous différents aspects : activités nous donnent l’impression de simples
Névrose obsessionnelle
– déplacement sur le corps du conflit non résolu et obsessions de l’enfance « formalités » ; elles nous apparaissent comme
dans l’hystérie ; complètement dépourvues de signification. Elles
– déplacement sur les situations extérieures, ‚ Situation générale et âge d’apparition n’apparaissent pas autrement au malade lui-même
devenant phobogènes dans la névrose phobique ; qui est pourtant incapable de s’en dispenser, car
La névrose obsessionnelle est rare chez l’enfant,
– déplacement sur la pensée elle-même qui chaque dérogation à son cérémonial aboutit à une
qu’on la compare aux autres formes de névrose de
devient surinvestie avec des idées prégnantes angoisse intolérable qui contraint immédiatement à
l’enfance bien plus fréquentes qu’elle ou que l’on
envahissant le fonctionnement psychique dans la reprendre ce dont on s’était dispensé ».
prenne en considération les différents tableaux
névrose obsessionnelle. En dehors du lever, de la toilette, des repas, du
cliniques susceptibles de comporter une sémiologie
d’allure plus ou moins nettement compulsive. On coucher, le temps de classe est un terrain de choix pour
‚ Définition le déploiement d’un rituel. Parmi les actions
peut cependant la rencontrer avec des caractères qui
Les névroses peuvent se définir par les critères ressemblent à ceux de la névrose obsessionnelle de compulsives, certaines visent à vérifier que l’enfant ou
suivants : l’adulte, ceci tout particulièrement chez l’adolescent. ce qui lui appartient reste propre ou à conjurer la saleté.
– existence d’une souffrance psychique, le plus Bien souvent on se trouve tantôt devant des
souvent sous forme d’angoisse qui est toujours tableaux dont on hésite à affirmer le caractère
Inhibitions et empêchements
présente à un moment au moins de l’évolution ; pathologique, tant les manifestations obsession- Freud [4] ajoute : « Le contenu du mal, outre ces
– présence de symptômes qui traduisent soit nelles sont fréquentes au cours du développement deux phénomènes, est formé d’interdictions et
© Elsevier, Paris

l’angoisse directement, soit les processus mis en normal de la période de latence, tantôt devant des d’empêchements (aboulies), qui ne font proprement
œuvre pour aménager des conflits et lutter contre organisations dont on se trouve amené à discuter le que poursuivre l’œuvre des actions compulsion-
l’angoisse ; caractère névrotique, en particulier lorsqu’il s’agit de nelles, telle chose étant complètement interdite au
– existence de mécanismes de défense du Moi formes d’organisation plus ou moins favorables, de malade, telle autre ne lui étant permise qu’à la
décelables lors d’une approche dynamique de la psychose infantile ou de psychose de l’adolescence. condition qu’il obéisse à un cérémonial fixe ».

1
8-0850 - Troubles névrotiques chez l’enfant

Tabou du toucher où la régression est parvenue, par le contenu des Cette fixation et cette délimitation d’un espace
pulsions et des fantasmes qui ont été rejetés et par le permettent d’éviter le surgissement ou l’accrois-
Parmi les prohibitions les plus remarquables
choix des mécanismes de défense particuliers sement de l’angoisse moyennant un évitement de
figurent celles en rapport avec le tabou du toucher.
auxquels le sujet a recours ». l’espace en cause.
Inhibition intellectuelle Le pronostic est difficile à établir. Parfois les Plus profondément, les phobies névrotiques sont
symptômes obsessionnels disparaissent cliniquement. à rattacher à des conflits intrapsychiques entre
Il est classique de souligner l’intelligence
Dans certains cas la guérison semble spontanée. Dans certains désirs pulsionnels et les défenses contre ces
supérieure de ces enfants, mais l’échec ou la trop
d’autres cas la névrose obsessionnelle de l’enfant désirs ; elles ont donc valeur de compromis entre les
grande réussite des mécanismes obsessionnels
guérit grâce à une analyse. premiers et les secondes.
peuvent rendre compte de certaines difficultés
Une éventualité qui semble fréquente à travers ce
intellectuelles de ces enfants.
que l’on sait du passé des obsédés adultes est que les ‚ Aspects cliniques
obsessions de la fin de la latence se prolongent dans des névroses phobiques
Formes obsessionnelles de la normalité
la névrose obsessionnelle de l’adulte. À la fin de la Le propre de l’angoisse phobique est d’être
– Les manifestations obsessionnelles font partie période de latence et surtout à la préadolescence et à thématique. Passons en revue un certain nombre de
de ce qui est attendu normalement d’un enfant à l’adolescence les observations de névrose thèmes qu’utilisent les phobies névrotiques :
certaines périodes de sa vie. Ce ne sont en rien des obsessionnelle deviennent plus nombreuses. Bien – les phobies d’objets externes animés (grands et
bizarreries évolutives, mais des éléments structurants souvent, la psychanalyse des enfants obsédés permet petits animaux, médecins, dentistes, etc) ;
nécessaires au développement de l’enfant. de découvrir avec une grande régularité que la – les phobies des lieux (endroits élevés, espaces
– Les symptômes obsessionnels contemporains névrose obsessionnelle a été précédée d’une névrose clos ou ouverts, lieux publics, école, cave, etc) ;
de l’apprentissage de la propreté. Ces rites mettent hystérique, hystérie de conversion ou plus – les phobies de situation (obscurité, orage,
toujours en cause les parents de manière directe, habituellement hystérie d’angoisse. Cliniquement éclairs, tonnerre, incendie, feu, eau, moyens de
sollicitant leur contre-attitude. La complaisance ou d’ailleurs la coexistence chez un même enfant à un transport, route, accidents, sommeil, etc) ;
l’intolérance apparente de l’un ou de l’autre parent instant donné de symptômes phobiques et – les phobies d’objets externes inanimés
ne permet pas toujours d’apprécier facilement leur obsessionnels est fréquente. (aliments, bruits, appareils ménagers, cuvette des
attitude profonde qui a une grande influence sur le WC, etc) ;
destin de ces manifestations. ‚ Traitement – les phobies liées au corps (maladies, défécation,
– Les symptômes obsessionnels isolés à la Le traitement majeur de la névrose obsession- érythrose faciale, etc) ;
période de latence. Des manies et des rites sont nelle reste selon nous la psychothérapie ou le – les phobies liées à l’activité de pensée
fréquemment observés de manière isolée à la psychodrame individuels, conduits tous deux dans (apprentissages scolaires) ;
période de latence (de 5 à 11 ans) chez des enfants une perspective psychanalytique. – les phobies d’« images mythiques » ou phobies
examinés pour de tout autres raisons. C’est à cette Les neuroleptiques et les antidépresseurs peuvent idéiques (loup, sorcière, baleine, requin, monstres,
période que l’on a discuté la signification de petites être utilisés souvent à des doses importantes chez fantômes, bandits, etc).
marottes, parfois passagères, parfois durables : des adolescents hospitalisés [6].
l’enfant collectionneur de timbres, par exemple. Plus ‚ Traitement et évolution
inquiétant est l’enfant qui collectionne pendant des de la névrose phobique de l’enfance


années de très nombreuses catégories d’objets :
Névrose phobique Le traitement majeur de la névrose phobique
bouchons, papiers, tickets d’autobus, ficelles, etc. Ce
et phobies de l’enfance reste selon nous la psychothérapie individuelle ou le
qui est important, c’est que ces manifestations
psychodrame individuel, conduits tous deux dans
occupent une place minime dans le fonctionnement
une perspective psychanalytique. Une telle
mental de l’enfant, dont l’examen va montrer la ‚ Situation générale et âge d’apparition
entreprise requiert l’adhésion et la compréhension
pluralité des mécanismes de défense. La névrose phobique est l’organisation des parents. Quand ces conditions ne sont pas
névrotique par excellence de l’enfance, ce qui veut remplies ou quand un traitement psychothérapeu-
Caractère obsessionnel dire qu’elle est à la fois la plus fréquente et la plus
de l’enfant à l’adolescence tique individuel n’est pas possible pour d’autres
exemplaire des névroses de l’enfance. On ne peut raisons, on peut avoir recours à une thérapie
Beaucoup de manies et de rites méritent plus le pas parler de névrose phobique avant l’âge de 5 ou familiale psychanalytique. Sinon, certains
nom de traits de caractère que celui de symptômes. 6 ans, voire plus. Elle éclôt au moment de ce qui symptômes phobiques très gênants peuvent être
Certains enfants révèlent dans leur comportement devrait être l’entrée en période de latence ; elle est le l’objet de thérapies médicamenteuses ou de
un début d’organisation caractérielle de type résultat d’une impossibilité de trouver une issue déconditionnement. Les indications de celles-ci
obsessionnel. La limite est incertaine entre névrose psychique « non coûteuse » au complexe d’Œdipe de doivent être soigneusement soupesées et précisées,
et caractère obsessionnel. Pourtant il n’est pas sûr la phase phallique et signe l’échec de l’installation afin qu’elles ne prennent pas l’allure de manœuvres
que les futurs obsédés adultes soient les enfants de progressive de la période de latence. sadiques déniant le rôle économique que possède le
caractère obsessionnel [5]. symptôme au sein du fonctionnement psychique
‚ Définition et délimitation
global de l’enfant.
Névroses obsessionnelles du champ de la phobie
Sans traitement, la névrose phobique de l’enfance
de l’enfance et de l’adolescence La définition stricte de la phobie consiste en évolue le plus souvent à l’adolescence ou à l’âge
Anna Freud [1] stipule qu’on ne doit parler de l’apparition d’une angoisse disproportionnée à l’égard adulte vers des formes d’organisations psychiques
névrose chez un enfant que « si le développement d’un objet, d’un endroit précis et/ou d’une situation du plus invalidantes que les organisations névrotiques :
initial a progressé jusqu’à un niveau assez élevé de monde extérieur, mais toujours accompagnée d’une dépressions, psychoses franches, caractères
maturation du Moi et des pulsions ; une angoisse et inhibition donnant lieu à des conduites d’évitement psychotiques, états limites, etc. C’est pourquoi elle
une frustration exagérément intenses sont qui visent à enrayer le développement de l’angoisse. doit être dépistée avec soin et traitée.
survenues dans cette position (angoisse de C’est ainsi que la phobie doit être distinguée de
castration liée au complexe d’Œdipe chez l’enfant) ; l’angoisse et de la peur.
une régression pulsionnelle en est la conséquence
avec retour à des points de fixation prégénitaux. Il se
produit une efflorescence de pulsions, de désirs et de
fantasmes sexuels et agressifs prégénitaux,
‚ Caractéristiques essentielles
des phobies névrotiques
Les phobies névrotiques comportent certaines
‚ Situation générale

Hystérie chez l’enfant

d’angoisse et de culpabilité qui s’y rapportent et de caractéristiques essentielles, qui en permettent


réactions défensives mobilisées par le Moi sous l’authentification. L’angoisse est projetée à La question de l’hystérie chez l’enfant est
l’influence du Surmoi. L’activité défensive crée des l’extérieur, afin d’être fixée à un objet, à un lieu précis complexe. Nous avancerons que, conçue
formations de compromis. Les symptômes qui en et/ou à une situation et afin d’être circonscrite à un analogiquement à partir du modèle de celle de
résultent sont déterminés par les points de fixation espace bien délimité, dénommé espace phobique. l’adulte, la névrose hystérique dans sa version la plus

2
Troubles névrotiques chez l’enfant - 8-0850

générale n’existe pas chez l’enfant, ou, si elle existe, des symptômes obsessionnels. De même, le les enseignants se plaignent que ces enfants sont
elle est en tout cas très rare. On rencontre cependant somnambulisme a souvent été considéré comme toujours distraits, « dans la lune », qu’ils ne
chez l’enfant une forme particulière de celle-ci, une manifestation hystérique, ce que nous aurions parviennent pas à se brancher sur les apprentissages
l’hystérie d’angoisse qui désigne à peu près la même personnellement tendance à récuser. scolaires et à faire des acquisitions sur ce plan.
constellation que la névrose phobique. Parfois, la symptomatologie peut se réduire à des
L’hystérie chez l’enfant relève avant tout de Manifestions hystériques paroxystiques et troubles de la lecture et de l’orthographe évoluant
manifestations polymorphes qui se présentent soit épisodiques rapidement vers une véritable dyslexie-
sous forme de traits de caractère, soit sous forme de Quelques unes d’entre elles sont assez fréquentes dysorthographie. À l’examen psychiatrique, on
symptômes durables ou épisodiques. chez l’enfant : crises de colère, de larmes, trouve un monde fantasmatique extrêmement riche,
d’évanouissement, de lipothymie. D’autres sont plus voire débordant, qui absorbe totalement l’enfant et
‚ Éventail clinique rares : crises de catalepsie (perte brusque du tonus sur lequel celui-ci est considérablement replié. Cette
des manifestations hystériques musculaire), de cataplexie (perte momentanée de la richesse fantasmatique qui contraste avec la
Traits de caractère hystériques contractilité volontaire des muscles avec hypertonie pauvreté de l’expression symptomatique laisse
et conservation des postures), crises convulsives entrevoir des conflits névrotiques en rapport avec
Ils sont relativement plus fréquents chez la fille une difficulté à élaborer certaines contradictions
posant le problème de l’hystéroépilepsie, crises de
que chez le garçon : attitude répétitivement internes, inhérentes aux fantasmes prégénitaux et
tétanie par hyperventilation, etc.
séductrice dans la relation à l’autre, tendance au œdipiens.
théâtralisme et à la dramatisation des événements ‚ Évolution et traitement Le dépistage de tels enfants est important, car les
les plus insignifiants, inclination à échafauder et à se risques d’évolution et les modalités thérapeutiques
Tous les deux dépendent bien entendu du mode
réfugier dans des romans imaginaires. sont les mêmes que ceux que nous avons
d’organisation psychique accompagnant les traits de
caractère ou les symptômes hystériques. Il s’agit mentionnés à propos des névroses phobiques.
Symptômes hystériques durables
essentiellement d’organisations non névrotiques,
Un premier groupe d’entre eux concerne les


susceptibles d’évoluer à court ou à long terme vers
conversions hystériques et touche donc le corps
des organisations psychotiques, dépressives, « Névrose » d’angoisse
somatique. La notion de conversion hystérique reste
psychosomatiques ou psychopathiques, etc.
néanmoins difficilement définissable et délimitable.
Sur le plan thérapeutique, les mesures sont
Elle est référable à l’inhibition de certaines fonctions La « névrose » d’angoisse doit être distinguée aussi
diverses, mais elles doivent considérer la situation
intéressant l’appareil moteur : paralysies diverses bien de la névrose phobique que de l’hystérie
globale de l’enfant et de sa famille et ne pas
sans support lésionnel organique décelable, d’angoisse, car elle n’est pas une névrose au sens
restreindre leur objectif à la simple disparition des
astasie-abasie, aphonie, mutisme complet (et non strict du terme. Elle se caractérise par une
symptômes. Cela pour rendre attentif une nouvelle
pas seulement extrafamilial), etc, ainsi que l’appareil insuffisance d’élaboration psychique de l’excitation
fois aux risques que comportent les méthodes de
sensitif et sensoriel : anesthésies, surdité, sexuelle endosomatique qui ne peut se traduire
conditionnement et de déconditionnement en
hypoacousie, amaurose ou rétrécissement du psychiquement que par une angoisse libre, non liée
refusant de tenir compte du rôle joué par le
champ visuel, etc. à des idées particulières. Ainsi, on assiste
symptôme dans l’économie psychique du sujet et
Un second groupe de symptômes paraît devoir cliniquement à une angoisse athématique,
aussi dans celle de son entourage.
être plus ou moins séparé de la notion de survenant par bouffées, débordant le Moi, non
conversion et même se situer souvent aux frontières associée à des symptômes psychiques, mais souvent


de l’hystérie : douleurs et hyperesthésies diverses à des symptômes somatiques tels que palpitations,
(lombalgies, torticolis, etc), tremblements, céphalées, Névroses paucisymptomatiques dyspnée, sudations, vertiges, etc. La « névrose »
douleurs abdominales, vomissements, toux, hoquet, d’angoisse recouvre plus ou moins les problèmes
crampes musculaires (occasionnant par exemple posés par les « attaques de panique ». Chez l’enfant,
une dysgraphie), impatiences motrices, perceptions Il existe chez l’enfant des organisations elle éclôt dans le cadre d’un trouble sévère du
macropsiques ou micropsiques de certains éléments authentiquement névrotiques qui font peu de bruit développement du Moi et est proche des
du monde extérieur, etc. du point de vue symptomatologique. Cliniquement, organisations prénévrotiques et surtout
À noter que les tics ont été décrits soit comme des elles se manifestent souvent uniquement par le biais parapsychotiques de l’enfance, voire se laisse
symptômes de conversion hystérique, soit comme de difficultés touchant les apprentissages scolaires ; souvent ramener à ces dernières.

Olivier Halfon : Professeur, chef de service.


Jean-Michel Porret : Adjoint, maître d’enseignement.
Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, rue du Bugnon 23A, CH - 1005 Lausanne, Suisse.

Toute référence à cet article doit porter la mention : O Halfon et JM Porret. Troubles névrotiques chez l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0850, 1998, 3 p

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nal Stud Child 1963 ; 20 : 425-438
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à l’adolescence [thèse]. Faculté de Médecine Xavier-Bichat, Université de Paris
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sion. Paris : PUF, 1981

[4] Freud S. Remarques sur une névrose obsessionnelle (l’homme aux rats)
(1909). Cinq psychanalyses. Paris : PUF, 1982

3
8-0920
8-0920

Acné de l’enfant : manifestations


Encyclopédie Pratique de Médecine

cliniques en fonction de l’âge


F Prigent

L ’acné est une affection fréquente qui touche près de 80 % des adolescents (acné polymorphe juvénile). Elle est
alors caractérisée par la présence d’une ou plusieurs lésions élémentaires : comédons, microkystes, papules ou
pustules. Mais l’acné peut également affecter le nouveau-né ou le nourrisson...
© Elsevier, Paris.


Physiopathologie Trois facteurs interviennent dans la
genèse des lésions acnéiques :
✔ l’hyperséborrhée ;
✔ l’hyperkératose intrafolliculaire ;
La physiopathologie de l’acné juvénile est
✔ l’inflammation folliculaire.
connue. Trois facteurs interviennent dans la genèse
des lésions.
■ La séborrhée (hypersécrétion sébacée) est
Tableau I. – Les différentes formes d’acné ren-
indispensable. Elle est sous la dépendance de stimuli
contrées chez l’enfant.
hormonaux androgéniques : testostérone libre
d’origine testiculaire, déhydroépiandrostérone et Acné néonatale
delta-4-androstènedione d’origine surrénalienne. La
Acné du nourrisson
surrénale est quasiment la seule source
d’androgènes chez la femme. Acné prépubertaire
La réceptivité des glandes sébacées est très 1 Acné néonatale : pustules diffuses du visage.
Acné juvénile (forme commune de l’adolescent)
variable d’un individu à l’autre. Elle est liée à la
présence d’enzymes, dont la 5-alpha-réductase, qui Acnés graves :
- acné nodulokystique Elle toucherait 20 % des nouveau-nés et plutôt les
transforment les androgènes en métaboliques - acné conglobata garçons. Le début peut être très précoce, quasi
intracellulaires, notamment la dihydrotestostérone, - acné fulminans congénital.
actifs sur la biosynthèse sébacée.
Acnés induites : Les lésions sont surtout des pustules, voire des
La séborrhée est à l’origine du symptôme « peau - acné excoriée de la jeune fille papulopustules (jamais de comédons) donnant un
grasse ». - acné médicamenteuse aspect très monomorphe (fig 1). L’acné néonatale
■ La kératinisation d’une partie du canal - acné professionnelle
fait partie des pustuloses néonatales aseptiques
excréteur du follicule pilosébacé ralentit l’excrétion - acné aux cosmétiques comédogènes
localisées.
du sébum.
Elle touche l’ensemble du visage, les oreilles et le
La kératinisation est à l’origine du comédon
cou, avec parfois une extension aux épaules. Le
ouvert (point noir) puis du comédon fermé
nombre de lésions est extrêmement variable.
(microkyste) ; entre 8 et 13 ans chez la fille et entre 9 et 14 ans
L’évolution dure de 2 à 3 mois et la disparition est
■ L’inflammation folliculaire est secondaire à la chez le garçon. La sévérité de l’acné augmente
présence d’acides gras libres irritants issus de spontanée et totale.
progressivement et atteint son maximum après 3 à
l’hydrolyse des triglycérides du sébum par la flore L’acné néonatale serait sous la dépendance d’une
5 ans d’évolution, soit en moyenne entre 14 et 17
diphtéroïde anaérobie des follicules pilosébacés stimulation hormonale précoce des glandes
ans chez la fille et entre 16 et 19 ans chez le garçon
(notamment Propionibacterium acnes) et secondaire sébacées du nouveau-né par des androgènes
(tableau I).
à l’activité immunogène de P acnes ainsi qu’à la d’origine fœtale ou maternelle ; le débit sébacé du
La survenue de l’acné avant la puberté permet la
présence de protéases sécrétées par les nouveau-né est quasi équivalent à celui d’un enfant
description de tableaux cliniques particuliers qui
corynébactéries locales. en phase pubertaire, mais ne dure que quelques
nécessitent parfois des investigations hormonales.
L’inflammation folliculaire et la rupture du jours. Récemment, le rôle de Malassezia furfur (levure
microkyste sont à l’origine des symptômes « papules saprophyte cutanée des régions séborrhéiques, et


et pustules ». notamment du cuir chevelu) a été soulevé [4].
La présence de chacune des lésions élémentaires Différentes formes d’acné En principe, aucun traitement n’est nécessaire.
définit l’acné qui, selon le groupement, sera L’application d’une crème au kétoconazole pourrait
© Elsevier, Paris

inflammatoire (papulopustules), rétentionnelle se justifier afin de lutter contre M furfur, mais ce


(comédons, microkystes) ou mixte.
‚ Acné néonatale produit peut être irritant.
L’acné apparaît en général au moment de la On parle d’acné néonatale lorsque les premières Enfin, il convient d’éviter les facteurs aggravants
puberté qui elle-même survient dans 95 % des cas lésions surviennent pendant le premier mois de vie. que sont les cosmétiques comédogènes (crème dite

1
8-0920 - Acné de l’enfant : manifestations cliniques en fonction de l’âge

2 Acné du nourrisson :
comédons du menton.

4 Kératose pilaire.

‚ Acné prépubertaire (acné infantile) [1, 2]


L’acné débute par des comédons, souvent avant
que les autres signes de puberté n’apparaissent.
Cette acné peut être le témoin d’une adrénarche
normale (on peut voir des comédons dès 8 ans chez
3 Acné du nourrisson : comédons, papules et pustu-
la petite fille) ou accélérée, mais aussi la traduction
les du menton.
d’une sécrétion anormale d’androgènes et d’une 5 Acné nodulokystique de l’adolescent.
puberté précoce (développement des caractères
hydratante, lait de toilette) qui peuvent transformer sexuels secondaires avant 8 ans chez la fille et avant ‚ Acnés graves
l’acné néonatale en acné du nourrisson. 10 ans chez le garçon). La sécrétion excessive
d’androgènes se manifeste par une acné et un Elles posent un problème thérapeutique et sont
mal tolérées en raison d’une perturbation de l’image
hirsutisme à tout âge, une pilosité pubienne et/ou
‚ Acné du nourrisson que l’adolescent à de lui-même.
axillaire précoce avant la puberté, et ultérieurement
L’acné du nourrisson fait le plus souvent suite à ■ Acné nodulokystique ( fi g 5 ) : lésions
par une hypertrophie du clitoris et des troubles des
une acné du nouveau-né qui disparaîtra superficielles de l’acné juvénile commune et lésions
règles chez la fille et par un développement de la
normalement vers 2-3 mois, mais ce délai peut être profondes (kystes, nodules inflammatoires, abcès,
verge et des érections chez le garçon. L’accélération
fistules et cicatrices secondaires).
prolongé par la particularité du terrain ou par de la vitesse de croissance staturale est alors
Elle est parfois associée à la prise de certains
l’application de topiques comédogènes, voire par la constante. Cette sécrétion d’androgènes peut être
antidépresseurs (acné induite), à des anomalies
prise de médicaments acnéigènes (cf infra « Acné d’origine surrénalienne ou gonadique.
caryotypiques (XYY) ou à un virilisme par sécrétion
induite ») : la responsabilité du fluor est suspectée
inadéquate d’androgènes.
mais n’a pas été confirmée.
‚ Acné juvénile ■ Acné conglobata : acné suppurative chronique
L’acné néonatale s’enrichit progressivement de
(forme commune de l’adolescent) [3] à évolution cicatricielle formant des brides, parfois
lésions comédoniennes (fig 2), papulopustuleuses
associée à une hidrosadénite axillaire et
(fig 3), exceptionnellement nodulaires, pour L’acné juvénile est polymorphe, avec,
périnéofessière (inflammation des glandes
finalement mimer complètement une acné initialement, la séborrhée qui apparaît avant la
apocrines) et à une pustulose du cuir chevelu.
polymorphe juvénile de l’adolescent. Seule la puberté génitale et s’accompagne d’une dilatation
■ Acné fulminans : acné conglobata aiguë fébrile
topographie des lésions diffère puisque ces dernières porale, de cheveux gras qui, s’ils tombent sur le front,
et ulcéreuse avec état fébrile et arthralgies.
se situent surtout sur les joues et/ou le menton. Dans accentuent l’acné à ce niveau. Secondairement
cette situation, il n’y a pas d’investigation à faire ; apparaissent les lésions les plus caractéristiques : ‚ Acnés induites
seules la suppression des facteurs aggravants, la – comédon ouvert ou « point noir » caractérisé
■ Acné excoriée de la jeune fille : une irritation
toilette du visage à l’eau et l’application d’un topique par l’obturation du canal excréteur par un magma
mécanique perpétuelle empêche toute guérison et
à l’érythromycine sont nécessaires ; la prescription de sébum et de kératine noircis en superficie par
laisse des cicatrices plus ou moins varioliformes.
d’un antibiotique par voie générale est l’oxydation et la présence de mélanine ;
Cette pathologie est sous-tendue par des tensions
exceptionnelle. – microkyste ou « point blanc » ou « comédon
psychiques ; elle est plus fréquente chez
L’acné du nourrisson peut également apparaître fermé » lié à la fermeture du pore et donc à
l’adolescente.
de novo, et la présence de comédons puis d’autres l’enkystement de l’infundibulum ;
■ Acné médicamenteuse : les médicaments
lésions à un âge inhabituel doit faire suspecter la – papule par inflammation aseptique d’un
sécrétion inappropriée d’androgènes, déclencher un microkyste ;
bilan hormonal et des explorations à la recherche – pustule folliculaire (en principe centré par un L’acné (nom féminin) est un mot
d’une tumeur virilisante. La dermatose s’accom- poil) si l’inflammation aboutit à la destruction emprunté à l’anglais « acne », lui-
pagne d’une accélération de la croissance. aseptique puriforme du follicule pilosébacé. même venant du latin scientifique
L’acné du nourrisson aussi peut être le signe Les autres lésions sont plus rares : abcès, « acne », issu du grec tardif « aknê »
accompagnateur d’un syndrome malformatif macrokystes, nodules suppuratifs. La localisation est dont l’origine est obscure (soit akmê :
(syndrome d’Apert par exemple). surtout faciale, éventuellement sur les épaules, le pointe, acmé, et par suite éruption,
Enfin, il faut différencier l’acné de la kératose décolleté ou le dos. L’aspect peut se modifier tout au efflorescence, soit aknesis : éruption
pilaire (fig 4) qui est une hyperkératose des ostiums long de l’adolescence en fonction de la sans démangeaisons).
folliculaires, génétiquement transmise, donnant un prédominance de telle ou telle lésion. Aucun bilan Alain Rey. Dictionnaire historique de
aspect granité rugueux des joues, mais aussi des hormonal n’est justifié en l’absence de séborrhée la langue française. Paris : Le Robert
faces postéroexternes des bras et des faces externes fluente, d’alopécie avec régression temporale, 1993
des cuisses. d’hirsutisme et de règles irrégulières.

2
Acné de l’enfant : manifestations cliniques en fonction de l’âge - 8-0920

susceptibles d’induire ou d’aggraver une acné sont générations, des antiépileptiques (barbiturique, ■ Acné professionnelle : huiles minérales
les corticoïdes locaux et généraux, les androgènes, hydantoïne), la vitamine B12, l’isoniazide, certains comédogènes (mécanicien, garagiste...), intoxication
les anabolisants, certains contraceptifs oraux psychotropes (lithium, aminopeptine), les bromures, aux vapeurs de chlore (Seveso...).
contenant des progestatifs norstéroïdes de 1re et 2e les iodures, etc. ■ Acné aux cosmétiques comédogènes.

François Prigent : Chef de consultation,


consultation de dermatologie, hôpital Saint Michel, 33, rue Olivier-de-Serres, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Prigent. Acné de l’enfant : manifestations cliniques en fonction de l’âge.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0920, 1998, 3 p

Références

[1] Brauner R. Variantes de la puberté normale. Revue Prat 1992 ; 42 : 1397-1399 [4] Rapelanoro R, Mortureux P, Couprie B, Maleville J, Taïeb A. Neonatal Malas-
sezia furfur pustulosis. Arch Dermatol 1996 ; 132 : 190-193
[2] De Raeve L, De Schepper J, Smitz J. Prepubertal acne : a cutaneous marker of
androgen excess. JAm Acad Dermatol 1995 ; 32 : 181-184

[3] Grosshans E. L’acné. In Précis de Dermatologie et de Vénéréologie. Paris :


Masson, 1991 : 639-646

3
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AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Eczéma constitutionnel

P Foulc, B Dreno

L a dermatite atopique est considérée aujourd’hui comme une dermatose de l’environnement survenant sur un
terrain génétiquement déterminé. Elle atteint le plus souvent le jeune enfant et évolue par poussées
caractérisées par une phase de suintement, puis d’assèchement. Dans 80 % des cas, elle a disparu à l’adolescence.
La dermatite atopique est un diagnostic essentiellement clinique. Enquête alimentaire et tests allergiques ne doivent
être demandés que devant des signes d’orientation précis. La surinfection bactérienne et virale (sensibilité à l’herpès-
virus) doit être dépistée précocement.
Le traitement repose avant tout sur les soins d’hygiène, les émollients et une corticothérapie locale dont l’utilisation
par le malade doit être constamment guidée. L’utilisation des traitements généraux (PUVAthérapie, ciclosporine)
doit rester du domaine de l’exception, essentiellement dans la dermatite atopique de l’adulte.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.


charge par les cellules présentatrices d’antigènes sont – La dermatite atopique est caractérisée par une
Introduction des haptènes (faible poids moléculaire), celles prises en hypersensibilisation des cellules présentatrices
charge dans l’eczéma atopique ont un poids d’antigènes : les cellules de Langerhans.
moléculaire élevé (poussière de maison, pneumaller- Celles-ci, cellules dendritiques présentatrices
L’eczéma constitutionnel, ou dermatite atopique, gène…) et constituent des atopèdes qui normalement d’antigènes présentes dans l’épiderme, ont à leur
est une dermatose chronique dont les lésions cutanées ne franchissent pas la barrière épidermique. surface des récepteurs aux IgE qui fixent les IgE. Les
peuvent être considérées comme une réponse Quels sont les principaux mécanismes reconnus atopèdes pénétrant la peau des atopiques se lient aux
immunologique à des allergènes de l’environnement, aujourd’hui dans l’apparition des lésions de la IgE fixées sur les cellules de Langerhans, activant ces
sur un terrain génétiquement déterminé. dernières. Cette activation aboutit à la présentation de
dermatite atopique ?
C’est une dermatose très fréquente atteignant l’atopène aux lymphocytes T sensibilisés, induisant
– La dermatite atopique est une pathologie à
principalement le jeune enfant. La prévalence dans la ainsi une réaction à médiation cellulaire. La dermatite
prédisposition génétique.
population pédiatrique est de 5 à 20 % selon les atopique est donc un modèle de réaction cellulaire
Plusieurs gènes sont impliqués :
études, et tombe à 0,7 à 2,4 % dans la population médiée par les IgE où l’antigène est un atopède.
– un gène codant pour le récepteur aux IgG sur
générale. Elle touche indifféremment les enfants de Parallèlement, les mastocytes présents dans le derme
les cellules (chromosome IIq13) ;
sexe féminin ou masculin (sex-ratio à 1,2 ont aussi des IgE à leur surface. Les atopèdes pénétrant
garçon/fille) [3, 7]. – un gène codant pour les cytokines,
interleukines (IL)4, IL5 (5q 31-33) ; jusqu’au derme peuvent ainsi activer les mastocytes
C’est une affection plus particulièrement observée en se fixant sur les IgE, induisant la sécrétion de
– les gènes codant pour le récepteur bêta-
dans la population caucasienne, dans les zones substances pro-inflammatoires sur ces derniers,
adrénergique (chromosome 17), pour la
urbaines des climats froids et tempérés. Elle est plus comme l’histamine, avec développement d’œdème,
phosphodiestérase, la chymase des mastocytes
fréquente dans les classes sociales favorisées. d’érythème, de prurit.
(chromosome 14q 11-2).
Le mode de transmission n’est pas connu, mais le De plus, dans la dermatite atopique, les récepteurs
– La dermatite atopique est caractérisée par un
caractère génétique de l’affection est fortement aux IgE présents sur les cellules de Langerhans et les
déficit en acides gras essentiels, notamment l’acide
suspecté devant l’existence d’une histoire familiale mastocytes auraient un seuil d’activation abaissé.
delta aminolévulinique.Cet acide gras est
d’atopie dans la majorité des cas. Le risque pour un
indispensable à la synthèse des prostaglandines qui – La dermatite atopique est caractérisée aussi par
enfant d’être atopique est de 60 % si un seul de ses
jouent un rôle essentiel dans l’inflammation cutanée et des anomalies des neuromédiateurs.
parent est atopique, passe à 70 % si les deux parents
la régulation du contrôle de la synthèse d’une Les neuromédiateurs (substance P, alpha-
sont atopiques, et à plus de 80 % si la fratrie est
cytokine, l’IL 4, qui favorise la production des IgE. Ce melanocyte stimulating hormone [MSH], vasoactive
atteinte [3, 6].
déficit en acides gras essentiels pourrait de plus intestinal peptide [VIP]...) sont des substances produites
modifier la barrière épidermique, favorisant la par le système nerveux central et libérées par les


pénétration de l’atopède. terminaisons nerveuses au contact des cellules de la
Physiopathologie – La dermite atopique est caractérisée par une peau, où elles se fixent sur des récepteurs (cellules de
augmentation de production des IgE, liée à des Langerhans, kératinocytes), induisant l’activation de
anomalies du mécanisme de régulation de ces Ig. ces cellules.
L’eczéma constitutionnel associe des signes Les lymphocytes T dits TH1 élaborent des cytokines Ces neuromédiateurs peuvent aussi être produits
d’hypersensibilité immédiate (augmentation des (IL2, interféron gamma) qui inhibent normalement la directement par les cellules de la peau. Ainsi l’alpha-
immunoglobulines [Ig]E) et cellulaire (lésions synthèse des IgE, et les lymphocytes T dits TH2 MSH, la somatostatine, sont produits par les
d’eczéma). élaborent des cytokines (IL4, IL5, IL13) qui favorisent la kératinocytes.
Comme pour l’eczéma de contact, il existe deux synthèse des IgG. Dans la dermatite atopique, il y Ces neuromédiateurs interviennent dans le
phases : une phase de sensibilisation qui ne surviendra aurait un déséquilibre de cette régulation des IgE, lié développement de la réaction inflammatoire cutanée.
que chez les sujets génétiquement prédisposés, et une notamment à un déficit de la production de l’interféron Une augmentation de production de ces neuromédia-
phase d’expression de l’eczéma, chaque fois que le gamma par les lymphocytes TH1, et à une activation teurs et/ou un seuil d’excitabilité anormal des
patient est en contact avec l’allergène. Mais alors que anormale des lymphocytes TH2 induisant une récepteurs à la surface des cellules sont évoqués dans
dans l’eczéma de contact les molécules prises en augmentation de la production d’IL4. la dermatite atopique.

1
8-0900 - Eczéma constitutionnel

ATOPÈDE Tableau I. – Critères diagnostiques de la der-


matite atopique.

Majeurs
Prurit
Topographie et aspect typiques des lésions (lichéni-
fication des plis chez l’enfant ou disposition li-
néaire chez les adultes, visage et face d’extension
des membres chez les enfants et les nourrissons)
TH1 Éruption récidivante et/ou chronique
Histamine
Antécédents personnels et familiaux d’atopie
(asthme, rhinite ou conjonctivite allergiques, der-
matite atopique)
Mineurs

1 Atopède. Xérose, ichtyose et/ou kératose pilaire et/ou hyper-


linéarite palmaire
La : cellule de Langerhans.
Renforcement périfolliculaire des lésions
Dermatite des mains et des pieds
Ainsi, la physiopathologie de la dermatite peut se Eczéma du mamelon, chéilite, pityriasis alba, plis 3 Eczéma lichénifié des plis du grand enfant.
résumer à partir des connaissances actuelles de la du cou
façon suivante (fig 1) : Pigmentation périorbitaire, pli de Dennie-Morgan
Conjonctivite, kératocône, cataracte sous-
– un facteur génétique faisant intervenir plusieurs
capsulaire antérieure
gènes ; Pâleur faciale et/ou érythème facial
– des anomalies de la fonction de barrière de la Purit à la transpiration
peau favorisant la pénétration des atopèdes ; Crises de sudation paroxystique
– une dysrégulation de la production des cytokines Aggravation des lésions sous l’influence des fac-
(augmentation de l’IL4, diminution de l’interféron teurs d’environnement et de l’émotion
gamma) aboutissant à une augmentation de Intolérance à la laine et aux solvants des lipides
production des IgE ; Tendance aux infections cutanées
Urticaire par réaction de type 1
– une hyperexcitabilité des récepteurs aux IgE sur Allergie alimentaire
les cellules de Langerhans ; Élévation du taux sérique des IgE
– une augmentation de production des
neuromédiateurs. La présence de trois critères majeurs et de trois critères mineurs autoriserait
le diagnostic de dermite atopique.
Ig : immunoglobulines.


Aspects cliniques

‚ Formes cliniques typiques


L’eczéma atopique se définit comme l’association
d’une peau sèche et de lésions prurigineuses. Cette
description classique subit en fait de nombreuses
variantes interindividuelles, topographiques, et surtout
liées à l’âge. La lésion élémentaire d’eczéma s’intègre
dans un ensemble de critères majeurs et mineurs
(tableau I) [2].
Chez le nourrisson jusqu’à 2 ans, les lésions sont de
type eczéma aigu. Elle siègent sur les convexités, le 4 Aspect de prurigo des membres inférieur chez un
front, les joues, le menton et les fesses, sous forme de adulte atopique.
placards « émiettés » (fig 2). Elles débutent par un
érythème mal limité, granité, se couvrant de kératose folliculaire. La topographie des lésions est
secondairement de microvésicules claires qui vont se variable, respectant souvent le visage, sauf le contour
rompre, à l’origine d’un suintement : ce sont les des yeux. L’aspect clinique peut parfois être celui d’une
« classiques » puits eczématiques. La guérison de la érythrodermie sèche et desquamative.
poussée passe par une phase croûteuse, suivie d’une
fine desquamation. Par ailleurs, l’enfant présente ‚ Signes associés
fréquemment des lésions squamocroûteuses du cuir À côté de la lésion d’eczéma proprement dite il
chevelu et des lésions nummulaires en « macaron » sur existe, chez l’atopique, de nombreux autres signes
le tronc, les cuisses et les membres supérieurs. cutanés qui peuvent être associés :
L’existence de fissures rétroauriculaires et l’atteinte de – la xérose, caractérisée par une peau sèche et
la base du pouce sucé complètent le diagnostic de rugueuse ;
dermatite atopique. – la kératose pilaire, constituée de multiples petits
2 Eczéma aigu du nourrisson.
Lorsque l’enfant grandit, l’eczéma devient sec, sous bouchons cornés folliculaires situés aux faces externes
forme de placards lichénifiés prédominant dans les plis des bras et des cuisses, et sur les fesses ;
de flexion, principalement creux poplités et plis des La dermatite atopique de l’adulte est de diagnostic – les eczématides ou dartres, réalisant ces plaques
coudes (fig 3). La peau est épaisse, striée par le difficile quand elle survient de novo. Les aspects achromiantes (pytiriasis alba), volontiers localisées au
grattage, et brillante. L’atteinte péribuccale et la cliniques sont variés. Les lésions sont souvent sèches, visage et aux faces externes des bras et des cuisses du
dermite fissuraire des doigts font souvent partie de soit à type de papules excoriées diffuses appelées jeune enfant, posant parfois le diagnostic différentiel
l’eczéma atopique du grand enfant. « prurigo » (fig 4), soit à type de plaques lichénifiées, ou avec une dermatophytie ;

2
Eczéma constitutionnel - 8-0900


Diagnostics différentiels

Ils se posent surtout chez l’enfant, puisque chez


l’adulte, dans la majorités des cas, le diagnostic a déjà
été posé antérieurement (tableau III).
On peut considérer trois niveaux de diagnostics
différentiels : ce qui n’est pas un eczéma, les eczémas
qui ne sont pas d’origine atopique, et l’eczéma
atopique associé à un déficit immunitaire ou une
génodermatose.
Devant une atteinte du visage, le premier diagnostic
5 Chéilite atopique. à éliminer est une dermite séborrhéique. Elle est le plus
souvent facile à distinguer car de siège médiofacial,
– un dermographisme blanc, correspondant à non ou peu prurigineuse, avec des squames épaisses
l’apparition d’une raie blanche papuleuse quelques et grasses. L’histiocytose langerhansienne (maladie de
minutes après le frottement appuyé d’une pointe Letterer-Siwe) est un diagnostic parfois difficile à
mousse sur la peau ; éliminer cliniquement dans les formes d’eczéma
– un double repli palpébral inférieur de Dennie- croûteux ; l’histologie et les marqueurs immunologi-
Morgan, et une pigmentation périorbitaire contrastant ques permettent de lever l’ambiguïté en montrant un
avec la pâleur du visage. infiltrat de cellules langerhansiennes.
‚ Formes cliniques topographiques Devant une dermatose prurigineuse diffuse, les
– L’atteinte des extrémités apparaît surtout chez le deux principaux diagnostics différentiels sont la gale et
grand enfant. Son apparition plus précoce est souvent le prurigo strophulus de l’enfant.
un signe de mauvais pronostic sur la sévérité et la La situation la plus difficile, est celle du diagnostic
durée de la dermatite atopique. Elle peut prendre différentiel d’une érythrodermie de l’adulte qui se pose
plusieurs aspects chez l’enfant : celui d’une pulpite avec un lymphome cutané type Sézary ou une
sèche, celui d’une dysidrose correspondant à de toxidermie. L’histologie peut avoir un intérêt.
6 Dermatite atopique localisée au visage chez un Le diagnostic différentiel avec les autres types
multiples vésicules enchâssées dans le derme siégeant
adulte : Red face syndrome . d’eczémas ne se pose en pratique que chez l’adulte. Ce
aux faces latérales des doigts, ou encore celui d’une
kératodermie plantaire collodionnée et fissurée, sont les eczémas de contact allergique, les eczémas
appelée dermatose plantaire juvénile. d’origine médicamenteuse et les eczémas endogènes,
Tableau II. – Critères de mauvais pronostic
– L’atteinte unguéale est rarement isolée. Elle est comme l’eczéma nummulaire, la dysidrose et l’eczéma
faisant craindre une évolution prolongée.
de type dystrophique, non spécifique, atteignant un ou de stase.
plusieurs ongles. Héridité atopique chez les deux parents Il faut connaître la possibilité de l’association de
– L’atteinte du cuir chevelu est surtout retrouvée l’eczéma atopique avec certains déficits immunitaires
chez le nourrisson. Elle réalise une desquamation Début très précoce de la DA ou au contraire tardif (syndrome de Buckley ou syndrome hyper-IgE,
après l’âge de 2 ans syndrome de Wiskott-Aldrich) et génodermatoses
épaisse et croûteuse.
Sévérité de la DA durant l’enfance
– L’atteinte du siège peut également faire partie du (syndrome de Netherton).
Épisodes érythrodermiques
tableau clinique précoce. On parle alors de dermite Distribution atypique des lésions en fonction de
bipolaire, dont l’évolution se fait plus souvent vers un


l’âge avec extension fleurale précoce
eczéma atopique que vers un psoriasis. Atteinte des mains (souvent au traitement et consti- Quel bilan faire devant une
– La localisation aux mamelons se voit tuant un handicap dans la vie quotidienne et pro- dermatite atopique ?
essentiellement chez l’adulte. fessionnelle)
– L’atteinte périorale prend la forme soit d’une Xérose persistante à l’âge adulte
chéilite fissuraire (fig 5), soit d’une dermite périorale, et Manifestations respiratoires : rhinite ou asthme Il n’y a pas de bilan minimal à faire dans la
doit faire rechercher chez l’adulte et le grand enfant Hyper-IgE dermatite atopique. Le diagnostic est uniquement
une allergie alimentaire. clinique dans la majorité des cas. Certains examens
DA : dermite atopique ; Ig : immunoglobulines.
– Les formes localisées au visage, appelées head complémentaires peuvent cependant se discuter dans
and neck dermatitis ou red face syndrome, font partie des circonstances particulières.
des formes cliniques de l’adulte (fig 6).
‚ Biologie
L’érythrodermie doit être considérée comme une
Des critères de mauvais pronostic sont définis On retrouve fréquemment une augmentation
complication et non comme une forme clinique de
l’eczéma atopique ; c’est l’extension des lésions à tout (tableau II). Différents scores sont proposés pour modérée des IgE totales sériques ; elle est d’autant plus
le tégument. définir une échelle de sévérité de la dermatite atopique marquée que la dermatite atopique est sévère ou
et apprécier objectivement la réponse aux traitements. associée à une atteinte respiratoire allergique.


Les plus fréquemment utilisés sont le score de gravité L’hyperéosinophilie est inconstante mais constitue un
de Rajka, le Scorad et l’Easy score. bon marqueur du terrain atopique. En cas d’atopie
Évolution

L’histoire naturelle de la dermatite atopique est Tableau III. – Principaux diagnostics différentiels.
souvent stéréotypée. Elle débute dans 38 % des cas
Eczéma, troubles immunitaires
avant 3 mois et dans 75 % des cas avant 8 mois. Le Ce qui n’est pas un eczéma Autres eczémas
et génodermatose
début après 20 ans est rare (2 %) et doit faire remettre
en cause le diagnostic. L’évolution se fait par poussées Dermite séborrhéique Eczéma de contact Syndrome de Buckley
entrecoupées de périodes de rémission. L’eczéma Histiocytose langerhansienne Eczéma de stase des membres Wiscott-Aldrich
disparaît dans un quart des cas vers 3 ans, avec parfois inférieurs
une réminiscence vers 5 ou 6 ans. Dans 80 % des cas, Prurigo strophulus Syndrome de Netherton
Gale Eczéma nummulaire
il a disparu complètement à l’adolescence [3].
Dermatophytie (dartre achromi- Dysidrose
La sévérité de la maladie dans la deuxième partie que)
de l’enfance est souvent corrélée à la sévérité de Lymphome cutané (adulte)
l’atteinte initiale.

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8-0900 - Eczéma constitutionnel

sévère, on peut doser ces deux paramètres au début RAST ou des prick-tests chez les enfant atteints de
de la prise en charge thérapeutique comme critères dermatite atopique. Ces régimes, souvent peu
biologiques évolutifs. efficaces, exposent à des carences nutritionnelles.

‚ Biopsie cutanée ‚ Facteurs d’environnement


Elle n’est pas nécessaire au diagnostic dans la et pneumallergènes
grande majorité des cas, l’histologie n’étant pas La recherche d’allergènes responsables dans
spécifique. Dans les lésions aiguës, on retrouve une l’environnement du patient ne doit être faite qu’en
spongiose dans les couches inférieures de l’épiderme présence de critères cliniques et d’arguments
correspondant à un œdème intercellulaire qui aboutit chronologiques dans le déclenchement des poussées.
parfois à la formation de véritables vésicules On s’oriente vers la recherche de pneumallergènes,
intraépidermiques. Le derme superficiel est le siège principalement chez les sujets adultes ayant une
d’un infiltrat inflammatoire, fait de lymphocytes, de dermatite atopique sévère prédominant dans les plis
polynucléaires neutrophiles et éosinophiles, situé de flexion, et devant une blépharite. La recherche des 7 Eczéma herpeticum du visage chez un adulte
autour des capillaires. pneumallergènes se fait par la mise en évidence d’IgE atopique.
spécifiques et par les prick-tests et les patch-tests. Les
‚ Tests allergologiques ‚ Érythrodermie
pneumallergènes recherchés sont les poussières et
La prévalence des dermites de contact chez les moisissures domestiques, les poussières de maison, les L’ensemble de la surface cutanée est le siège d’un
sujets atopiques est de 25 à 30 %, alors qu’elle tombe plumes, les poils d’animaux, les acariens (dermatopha- érythème cuisant, infiltré, par endroit suintant et érosif,
de 1,5 à 5 % dans la population générale. Les zones goïdes), les herbacés, les graminées et différents types et ailleurs lichénifié, associé à une fébricule et une
électivement atteintes sont les doigts, les paupières et d’arbres. polyadénopathie. L’érythrodermie, dans la dermatite
les commissures labiales. L’atteinte des lobules de atopique, apparaît souvent dans les suites d’un
l’oreille chez les femmes portant des boucles d’oreille sevrage d’une corticothérapie générale. Elle expose le


est très évocatrice. patient à de graves complications infectieuses
Pour explorer les patients chez qui on suspecte une Complications septicémiques.
sensibilisation, on réalise des séries de tests épicutanés
(patch-tests). Outre les 22 tests de la batterie standard,


définis par la norme européenne de l’International Les complications de la dermatite atopique sont
Contract Dermatitis Research Group (ICDRG), on peut principalement infectieuses. Les lésions cutanées et le
Prise en charge de la
grattage, entraînant une rupture de l’intégrité de la
dermatite atopique
orienter les tests sur les produits personnels du patient
et sur les dermocorticoïdes ou émollients utilisés. Le barrière cutanée, favorisent les surinfections
patch-test consiste à appliquer la substance à tester bactériennes et virales. La prise en charge de la dermatite atopique,
diluée ou non dans un excipient non réactogène, soit maladie multifactorielle, nécessite de prendre en
sous occlusion, soit en semi-ouvert c’est-à-dire ‚ Surinfections à staphylocoque doré
compte tous les paramètres intriqués. Elle associe
simplement recouvert d’un adhésif non allergisant, La surinfection à staphylocoque doré est la plus d’abord des conseils d’hygiène et la prescription
selon la causticité du produit testé. La lecture des tests fréquente des complications de la dermatite atopique. d’émollients primordiaux pour limiter les récidives, puis
se fait à j2, j3-j5, voire j7. La pertinence des tests doit Elle se traduit par une impétiginisation parfois difficile à les traitements locaux représentés principalement par
être interprétée avec prudence, en tenant compte des différencier d’un eczéma aigu : en faveur de la les dermocorticoïdes, et enfin dans certains cas les
réactions croisées. Les positivités doivent aboutir à une surinfection, on retrouve la majoration du suintement, traitements généraux (tableau IV).
liste de composants à éviter. l’existence de pustules. La fièvre et les adénopathies À côté de cette prise en charge purement
Ces tests doivent être réalisés systématiquement sont inconstantes et non spécifiques. Le traitement thérapeutique, il est nécessaire d’envisager une prise
chez l’adulte qui présente une dermatite atopique consiste en une antisepsie locale de courte durée pour en charge psychologique et allergologique.
sévère et chronique, d’autant qu’il présente des lésions éviter les sensibilisations de contact (on évitera les Pour espérer obtenir une amélioration globale, il
évocatrices type dysidrose, chéilite ou blépharite. Chez dérivés mercuriels), et un traitement antibiotique par faut établir un « contrat thérapeutique » avec le malade,
l’enfant, le risque d’induire une sensibilisation voie générale de 8 à 15 jours dans les formes sévères. dans lequel on explique que le but du traitement est de
ultérieure par les tests amènent à ne les discuter qu’en limiter l’intensité et la fréquence des poussées sans
cas de très forts arguments chronologiques. ‚ Surinfections virales
promettre de guérison. La compliance au traitement
La surinfection virale la plus redoutée est celle due est indispensable.
‚ Enquête alimentaire au virus herpès simplex, le plus souvent de type I. La
Certaines dermatites atopiques peuvent être primo-infection peut se traduire soit par une ‚ Soins d’hygiène et mode de vie
associées, surtout chez l’enfant, à une véritable allergie gingivostomatite sévère, soit par une atteinte La peau du sujet atopique est fragile, nécessitant de
alimentaire. Elle sera évoquée devant un eczéma généralisée de l’ensemble du revêtement cutané, limiter au maximum les agressions que sont les bains
péribuccal, un épisode d’œdème labial ou laryngé, un appelé pustulose varioliforme de Kaposi-Juliusberg. chauds et prolongés, le froid, le contact avec la laine, la
épisode d’urticaire, une symptomatologie digestive à Elle associe une éruption de vésicules ombiliquées, macération, l’eau de mer et tout autre produit agressif.
type de diarrhée, ou l’existence d’arguments secondairement nécroticohémorragiques, une On conseillera des soins d’hygiène à base de pain
chronologiques pertinents entre l’ingestion d’un aggravation de la dermatite atopique, et une ou gel surgras sans savon, hypoallergénique et sans
aliment et les poussées de dermatite atopique. Les hyperthermie sévère. Le traitement doit être hospitalier parfum, conçus pour les peaux atopiques.
principaux allergènes alimentaires sont le lait de pour assurer une surveillance cutanée et hémodyna- Après un bain à 35 °C, de courte durée, enrichi ou
vache, les œufs, les arachides. La mise en évidence de mique régulière et un traitement antiviral intraveineux non d’huile ou d’amidon de blé, il faut essuyer la peau
cette allergie demeure rare et difficile. Elle repose sur (Zoviraxt intraveineux à fortes doses). Le diagnostic doucement pour ne pas la léser. Sur la peau sèche,
l’enquête alimentaire, les prick-tests et le dosage de IgE doit être précoce car un traitement débuté tôt limite le
spécifiques (radio-allergo-sorbent test [RAST]). risque d’encéphalopathie herpétique mortelle. Plus
Tableau IV. – Traitements de la dermatite
Actuellement, le meilleur test diagnostique est rarement, la pustulose varioliforme de Kaposi-
atopique.
l’épreuve d’éviction-réintroduction, appelée aussi test Juliusberg est due au virus de la varicelle-zona. À côté
de provocation orale. Cette méthode consiste, après des primo-infections, on observe des surinfections Traitement standard Traitement d’exception
une période d’éviction complète d’un type d’allergène dues à des récurrences herpétiques. Le tableau clinique
alimentaire, à le réintroduire en double aveugle contre est similaire, en général moins étendu et moins sévère. Émollients
placebo. Relativement sensible, elle a l’inconvénient Il prend le nom d’eczéma herpeticum (fig 7). Mesures associées Corticothérapie générale
d’être lourde, puisqu’elle doit être réalisée en Les autres surinfections virales sont dues au Prise en charge Immunosuppresseurs
psychologique
hospitalisation en raison du risque rare de choc Papilloma, virus responsable de verrues vulgaires
Dermocorticoïdes
anaphylactique. parfois extrêmement profuses et difficiles à éradiquer Cures thermales
Actuellement, il n’est plus licite de faire des régimes chez l’atopique, et aux Poxvirus, responsables des Antihistaminiques
d’éviction alimentaire uniquement sur les résultats des molluscum contagiosum.

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Eczéma constitutionnel - 8-0900

l’émollient est appliqué matin et soir en le répartissant préparations mélangeant dermocorticoïdes et jusqu’à un total se situant entre 20 et 30 séances. La
par massage sur l’ensemble du corps et le visage. émollients. La quantification objective en grammes de photothérapie est indiquée en cas de poussée aiguë,
Pour les enfants, on peut également prévenir les dermocorticoïde montre que ces méthodes de mais non comme traitement au long cours. Les
lésions péribuccales en appliquant l’émollient avant les décroissance progressive amènent à une consomma- rechutes à l’arrêt sont fréquentes en l’absence de mise
repas sur les lèvres et les joues. De même, par temps tion mensuelle plus importante, sans limiter les en place d’un traitement relais.
froid et sec, l’application d’un émollient sur le visage récidives. Ce sont les prescriptions courtes, même
avant de sortir prévient des agressions climatiques. répétées, qui minimisent les effets secondaires des Traitements immunosuppresseurs
Concernant le type d’émollient à utiliser, on peut dermocorticoïdes. Ces effets secondaires sont ¶ Ciclosporine
prescrire de la vaseline, du cérat frais de Galien, de la principalement cutanés et représentés au premier plan Elle a reçu récemment une autorisation de mise sur
Cold Creamt, ou les émollients des gammes pour par l’atrophie cutanée. La pénétration systémique est le marché (AMM) dans la dermatite atopique sévère
peau atopique, sans parfum et hypoallergéniques, faible en cas d’utilisation sur des surfaces réduites [1]. résistant aux traitements classiques. Les doses
produits par les laboratoires dermatologiques. Ces habituellement utilisées sont de 4 mg/kg/j. Plus de
‚ Antihistaminiques
derniers ont l’intérêt d’être mieux acceptés chez les 80 % des malades sont améliorés en 4 à 8 semaines.
adultes et les grands enfants du fait de leur Leur utilisation est controversée au cours de la Cependant l’arrêt est suivi de rechute chez 70 % des
présentation cosmétique. Ils sont aussi moins occlusifs, dermatite atopique, essentiellement du fait d’une patients. Deux effets secondaires majeurs doivent être
ce qui limite la macération et la surinfection. Il faut efficacité souvent modérée. Leur intérêt est avant tout dépistés : l’hypertension artérielle et la toxicité rénale.
savoir que le coût de ces émollients, utilisés deux fois de diminuer le prurit lors d’une poussée. Leur efficacité Des contrôles réguliers de la tension artérielle et de la
par jour de façon continue est élevé. Cependant, au long cours, en prévention des poussées et du créatinémie doivent donc être faits, tous les 15 jours au
l’assiduité dans leur application permet de réduire développement d’un asthme, reste à démontrer. Des départ, puis espacés tous les mois. Ces toxicités,
significativement la quantité de dermocorticoïdes études sont en cours actuellement. Les patients ont réversibles si le traitement est arrêté précocement,
utilisée [1]. souvent une « sensibilité » spécifique aux anti- incitent à limiter la durée de prescription (12 mois).
histaminiques justifiant de pouvoir essayer différentes
‚ Dermocorticoïdes molécules pour trouver la plus efficace pour le malade. ¶ Méthotrexate
Ils constituent le traitement de référence de la Son intérêt est moindre que dans le psoriasis. Un
dermatite atopique. Leur utilisation doit être soumise à ‚ Traitements généraux de la dermatite schéma associant 2,5 mg/j, 4 jours par semaine par
quelques règles simples de prescription pour limiter les atopique voie orale, donnerait de meilleurs résultats que 25 mg
effets secondaires. Les dermocorticoïdes sont le Ils se justifient uniquement dans les formes sévères une fois par semaine. Ce traitement ne peut être
traitement de la poussée de dermatite atopique et ne de dermatite atopique résistant aux soins émollients et prescrit en cas d’altération hépatique. Lorsqu’une dose
doivent pas être utilisés au long cours. Il faut utiliser la aux corticoïdes locaux. Il importe avant de les utiliser cumulable de 1,5 g est atteinte, une ponction-biopsie
plus petite quantité possible de cortisone pour traiter de s’assurer que les traitements locaux ont été bien hépatique de contrôle doit être faite. Numération
efficacement une lésion. Concernant la classe de faits. Dans certains cas, une courte hospitalisation de formule sanguine (NFS), plaquettes et bilan hépatique
dermocorticoïdes on utilise, chez le nourrisson, sur le l’enfant dans une structure avec des chambres mère- doivent être contrôlés chaque mois.
visage un corticoïde non fluoré faiblement dosé (classe enfant peut permettre d’optimaliser les soins locaux et ¶ Azathioprine
IV ou III), et sur le corps un dermocorticoïde de classe éviter le passage aux traitements généraux. Ces Il est utilisé à des doses de 100 à 200 mg/j, mais il
III, voire de classe II en cas de lésions très aiguës, formes sévères de dermatite atopique se voient faut savoir que son délai d’action est long. Le bilan
pendant un court laps de temps, en prenant le relais toutefois essentiellement chez l’adolescent et l’adulte. biologique est identique à celui du méthotrexate.
par une classe III dès l’amélioration des lésions. Chez Ces traitements doivent être mûrement réfléchis avant
l’enfant, on utilise un dermocorticoïde de classe III sur utilisation et toujours contrôlés. Traitements futurs
le visage et de classe III ou II sur le corps, en fonction de Ils reposent sur un dérivé proche de la ciclosporine
l’intensité des lésions. Chez le grand enfant ou chez Corticothérapie générale
utilisé en traitement local (tacrolimus), l’interféron
l’adulte, on peut être amené à prescrire un Elle ne doit être utilisée que sur une courte période alpha, les inhibiteurs des phosphodiestérases, et peut-
dermocorticoïde de classe I en cas de lésions très (2 à 3 mois) pour passer un cap aigu. Les effets être les herbes chinoises qui auraient notamment des
lichénifiées et très épaisses, mais cette prescription doit secondaires de la corticothérapie générale, les risques propriétés antibactériennes et des propriétés anti-
être temporaire et rapidement relayée par un de rebond et les risques infectieux bactériens et viraux inflammatoires proches des corticoïdes.
dermocorticoïde de classe II (tableau V). chez l’atopique doivent toujours être présents à l’esprit
Pour quantifier la quantité de dermocorticoïdes du médecin et en limiter la prescription le plus possible. ‚ Nouveaux traitements locaux
utilisée, on conseille de noter sur chaque tube la date La dose moyenne varie entre 0,5 et 1 mg/kg. Du fait Actuellement de nouveaux traitements locaux sont
de début d’utilisation. On considère qu’une de son efficacité souvent spectaculaire, le malade doit en cours d’évaluation (protocole de phase II-III versus
consommation mensuelle d’un tube de 30 g d’un être bien averti du caractère limité de la prescription. dermocorticoïde). Les molécules testées sont le
dermocorticoïde de classe II sur le corps, chez un grand tacrolimus et l’ascomycine. Ce sont des macrolides
enfant ou chez un adulte, reste raisonnable et sans Photothérapie ayant des propriétés immunosuppressives.
effets secondaires. Cette notion de dose mensuelle Plusieurs modalités thérapeutiques ont fait preuve Ils associent une efficacité immunosuppressive et
cumulée amène à discuter les modalités de sevrage en de leur efficacité ultraviolets (UV) A + B, UVB seuls, anti-inflammatoire locale, avec un passage systémique
dermocorticoïdes après une poussée. Pour certains, il PUVAthérapie (psoralène + UVA). L’efficacité apparaît extrêmement faible. Ils doivent encore faire la preuve
est nécessaire de faire une décroissance progressive en une quinzaine de séances, chez 60 à 80 % des de leur efficacité et de leur tolérance à long terme.
séquentielle, un jour sur deux, puis sur trois, pour éviter malades selon les études. Le traitement d’attaque est
les phénomènes de rebond et de tachyphylaxie. de trois séances par semaine, avec diminution ‚ Place de la désensibilisation
D’autres proposent de prendre le relais par des progressive du nombre de séances par semaine, Dans la dermatite atopique, elle est encore très
limitée et concerne essentiellement les allergènes
Tableau V. – Échelle des corticoïdes. alimentaires chez l’enfant, les polysensibilisations
étant fréquentes chez l’adulte.
très puissants Le diagnostic est donc évoqué sur l’anamnèse et les
Classe I DermovalTM signes cliniques. On essaiera de le confirmer par des
lésions résistantes : lichénification surface localisée, temps limité tests pratiqués avec des aiguilles calibrées (prick-tests)
puissants (corticoïdes fluorés) à l’aide de réactifs. Il faut savoir qu’il existe souvent des
Classe II Bétaméthasone (Betnévalt, Diprosonet), fluocinolone (Synalart) effets II en utilisation désensibilisations croisées entre allergènes de même
prolongée famille, sans que tous les aliments de cette famille
induisent une allergie. Lorsque les arguments
moyennement puissants diagnostiques sont suffisants, des épreuves d’éviction
Classe III
Désonide 0,05 % (Tridesonitt), 0,1 % (Locapredt)
et de réintroduction peuvent être traitées. Ces
activité faible épreuves doivent être faites en milieu spécialisé. Leur
Classe IV
Hydrocortisone (Hydracortt) interprétation est souvent difficile, du fait notamment
du déclenchement souvent retardé des manifestations

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8-0900 - Eczéma constitutionnel

de la dermatite atopique. Le résultat à long terme de revanche, les sols devront être fréquemment aspirés, sous-jacent. La dermatite atopique n’est pas une
ces désensibilisations reste à préciser. les voilages sont préférables à des rideaux lourds qui affection psychosomatique à proprement parler, mais
se chargent rapidement de poussière, le matelas doit le rôle du stress dans le déclenchement des poussées
‚ Mesures associées être enveloppé dans une mousse de polyuréthane, les et l’entretien de la maladie est nettement mis en
Outre les évictions systématiques en cas d’allergie draps doivent être fréquemment changés, et il faut évidence. Chaque atopique ne justifie pas une prise en
alimentaire ou d’aéroallergie, certains conseils peuvent bannir les peluches du lit de l’enfant. Les habitats trop charge spécialisée, mais il faut savoir évoquer avec le
être donnés à tous les sujets atopiques. humides favorisent l’allergie aux moisissures. La patient ou ses parents la participation du psychisme
Concernant l’alimentation, les mesures prophylacti- prévention de la sensibilisation passe aussi par l’arrêt dans la pathogénie de la dermatite atopique, le
ques consistent à préférer l’allaitement maternel ou du tabagisme passif. retentissement des modifications de l’image
l’utilisation de laits maternisés jusqu’au sixième mois, Les vêtements doivent également être adaptés, corporelle, et les conséquences du prurit et de
et à faire la diversification alimentaire après 6 mois en c’est-à-dire non irritants (éviter la laine et les l’insomnie sur le comportement. La relation de l’enfant
introduisant les aliments solides d’abord, cuits puis crus synthétiques, préférer le coton), mais également pas atopique avec sa mère est modifiée par l’existence de
dans un second temps. Les œufs, les poissons, les fruits trop chauds pour limiter l’hypersudation. soins corporels qui vont se poursuivre parfois jusqu’à
exotiques et les agrumes ne sont pas introduits avant La prévention des sensibilisations, nécessaire chez un âge avancé, et par la nécessité d’une attention
le 12e mois. La consommation d’arachide doit être l’enfant dans le cadre de l’allergie cutanée mais aussi particulière concernant l’environnement (prévention
évitée avant 2 ou 3 ans. Les évictions alimentaires ne respiratoire, est également utile chez l’adulte, des sensibilisations). L’ensemble de ces éléments
doivent pas être systématiques chez l’enfant atopique, notamment dans le choix de sa profession. Certaines peuvent parfois déséquilibrer une personnalité sous-
mais basées sur l’existence de signes cliniques professions sont plus à risque que les autres : métiers
jacente fragile et nécessiter une prise en charge
évocateurs comme une dermite péribuccale, une de la coiffure, industrie agroalimentaire, métiers
psychologique. À côté de l’ensemble des conseils sur le
urticaire alimentaire, des douleurs abdominales ou des agricoles et forestiers, de la mécanique, ouvrier du
diarrhées après l’ingestion de certains aliments, mode de vie, les soins d’hygiène, les soins médicaux, il
bâtiment (ciment, peinture, colle…), entreprises de
corroborées par des prick-tests et des épreuves faut s’attacher à dédramatiser et aider le patient ou ses
nettoyage et professions de la santé.
d’éviction-réintroduction. Les aliments le plus souvent parents à mener une vie la plus normale possible.
La prévention de l’allergie de contact plus fréquente
responsables sont les œufs, le lait, le blé et ses dérivés, chez le sujet atopique passe par l’emploi de produits ‚ Cures thermales
le poisson et l’arachide. Les additifs et colorants adaptés hypoallergénique, sans parfum et non
peuvent également être allergisants. irritants : éviter le savon de Marseille, les savonnettes Elles sont basées sur des soins dermatologiques
Concernant les animaux, il faut interdire l’accès de la parfumées, les bains moussants et le maquillage utilisant l’eau des sources thermales en bains et en
chambre à l’animal domestique et si possible éviter les (préférer les gammes spécifiques). pulvérisations. Leur action serait due à la teneur élevée
contacts trop rapprochés de l’enfant avec l’animal. Mais L’ensemble de ces mesures doivent être appliquées en oligoéléments de ces eaux (La Roche-Posayt,
il n’est pas nécessaire d’éloigner l’animal domestique du sans « terrorisme médical » et nécessitent des Avènet). Si leur réel potentiel thérapeutique reste à
domicile en l’absence d’allergie prouvée. explications, voire des adaptations, au cas par cas. démontrer, il est certain qu’elles peuvent être une aide
De même, dans le cadre de la prévention des thérapeutique, surtout dans les formes sévères. La
aéroallergies, la moquette et le tissu aux murs doivent ‚ Prise en charge psychologique modification de l’environnement et la diminution du
être enlevés dans la chambre de l’enfant. L’emploi La prise en charge psychologique de la dermatite stress qui accompagnent les séjours en cures
d’acaricide est coûteux et ne doit pas être atopique est nécessaire en tant qu’affection thermales sont des facteurs pouvant intervenir dans
systématique en l’absence d’aéroallergie prouvée. En dermatologique chronique, quel que soit le terrain leur efficacité.

Phryné Foulc : Interne des hôpitaux de Nantes.


Brigitte Dreno : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Centre hospitalier universitaire de Nantes, clinique dermatologique, Hôtel-Dieu, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Foulc et B Dreno. Eczéma constitutionnel.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0900, 2000, 6 p

Références

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Verlag, 1991

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AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Maladies éruptives de l’enfant

P Amblard

L es maladies éruptives de l’enfant sont fréquentes et très polymorphes. L’éruption peut être de type
érythémateux, vésiculeux, papuleux, pustuleux, purpurique. Les étiologies sont multiples, essentiellement
virales, mais aussi bactériennes et médicamenteuses. Devant une éruption érythémateuse, on pensera à la rougeole,
la rubéole, la mononucléose infectieuse, à l’exanthème subit, au mégalérythème épidémique, à une toxidermie, à
une scarlatine, à un choc ou à un syndrome de Lyell staphylococcique, à un syndrome de Kawasaki. Une éruption
vésiculeuse orientera vers une varicelle, un zona, un herpès, une coxsackie. Devant une éruption papuleuse, on
évoquera un syndrome de Gianotti-Crosti. Une éruption pustuleuse fera rechercher une infection bactérienne
mycosique ou virale. L’acropustulose infantile et la pustulose néonatale transitoire correspondent à des pustules
aseptiques d’étiologie inconnue. Un purpura avec des signes généraux graves se rencontre dans le purpura
fulminans, le tableau de purpura rhumatoïde étant moins aigu.
© 2000 Editions Scientifiques Elsevier SAS. Tous droits réservés.


La période d’invasion se caractérise par un catarrhe antibiothérapie précoce par macrolides ou
Introduction oculonasal, une pharyngite, une toux. Il existe parfois bêtalactamines si l’on craint une infection
des signes digestifs (douleurs abdominales, diarrhée, staphylococcique.
vomissements). Le diagnostic peut être fait dès ce Les autres complications imposent une
Les maladies éruptives de l’enfant sont fréquentes stade où existe un énanthème caractéristique qui hospitalisation.
et diverses. Elles peuvent revêtir différents types apparaît vers la 36e heure et persiste jusqu’au début de
séméiologiques : érythème, papules, vésicules, Rubéole
l’éruption. Il existe en effet un semis de minuscules
pustules, purpura, ces différentes lésions étant parfois taches blanc bleuâtre reposant sur un fond La rubéole, ou troisième maladie, est due à un virus
associées chez un même malade. érythémateux au niveau de la face interne des joues : acide ribonucléique (ARN) appartenant à la famille des
En pratique, on peut distinguer les éruptions c’est le signe de Koplik, pathognomonique mais Togaviridae.
érythémateuses, vésiculeuses, pustuleuses, inconstant. Il est classique d’opposer la rubéole acquise
purpuriques. La période d’état survient 14 jours après le contage, contractée après la naissance et la rubéole
Nous n’étudierons ici que les éruptions se voyant avec l’apparition de l’éruption morbiliforme. Celle-ci, congénitale.
essentiellement chez l’enfant, éliminant ainsi érythème limitée le premier jour à l’extrémité céphalique, en ¶ Rubéole acquise
polymorphe et érythème noueux. particulier derrière les oreilles, va s’étendre La période d’incubation est de 14 à 18 jours. La
‚ Éruptions érythémateuses progressivement au cou, au thorax, aux membres phase d’invasion est brève (moins de 2 jours), discrète
supérieurs. Le troisième jour, elle gagne l’abdomen et (fièvre modérée, courbatures), souvent inapparente.
Ce sont les plus fréquentes. Au plan séméiologique, les cuisses. Elle est généralisée au quatrième jour. La période d’état est marquée par l’éruption qui
on distingue :
À partir du deuxième ou troisième jour de débute au visage puis s’étend rapidement au tronc et
– les érythèmes morbiliformes, faits d’éléments
l’éruption, l’aspect est caractéristique : le visage est aux membres supérieurs. Elle est de type maculeux ou
maculopapuleux rouge vif, séparés par des intervalles
bouffi, tacheté de rouge, les paupières gonflées, les maculopapuleux, plus marquée au niveau du visage
de peau saine, donnant au toucher une sensation
yeux larmoyants, le nez coule. Les signes généraux et qui prend un aspect cramoisi. Le troisième jour, elle
veloutée ;
fonctionnels disparaissent dès la sortie de l’éruption. disparaît sans desquamation ; il n’y a pas
– les érythèmes roséoliformes, faits d’éléments
Cette dernière s’efface en 5 jours environ, avec une d’énanthème.
maculopapuleux rose pâle, parfois confluents ;
desquamation le plus souvent imperceptible. La fièvre est modérée (inférieure à 39 °C),
– les érythèmes scarlatiniformes, généralisés ou en
Les complications sont rares : pneumopathie inconstante et éphémère, et disparaît le deuxième ou
nappes confluentes, faits d’éléments maculopapuleux
clinique et radiologique, épanchement pleural, otite, troisième jour de l’éruption.
rouge vif, donnant au toucher une sensation de
laryngite, encéphalite, rougeole maligne. Des adénopathies peuvent précéder cette dernière
rugosité granuleuse.
La rougeole est devenue une maladie rare en de 1 semaine et persister plusieurs semaines. Les
En pratique, ces différents aspects cliniques n’ont
France du fait de la vaccination. Elle reste encore un ganglions de petite taille siègent préférentiellement
qu’une valeur d’orientation.
grave problème dans les pays sous-développés où les dans les zones sous-occipitales, cervicales postérieures
Au plan étiologique, on distingue les éruptions
complications sont particulièrement fréquentes. Il en et épitrochléennes.
d’origine virale et celles d’origine toxinique.
est de même chez l’immunodéprimé. Les formes inapparentes, pratiquement
‚ Éruptions érythémateuses d’origine Le diagnostic est essentiellement clinique sur les asymptomatiques, sont fréquentes (au moins 50 %
virale caractères de l’énanthème, l’aspect clinique et des cas).
l’évolution de l’exanthème, le catarrhe oculonasal, la Les complications sont rares, sauf chez
Rougeole fièvre. La sérologie ne permet qu’un diagnostic l’immunodéprimé : polyarthrite, purpura thrombopéni-
La rougeole, ou deuxième maladie, est due à un rétrospectif. que, méningoencéphalite.
paramyxovirus. Après une période d’incubation Le traitement, dans la forme habituelle, est Le diagnostic est avant tout clinique. On discute
cliniquement muette de 10 à 15 jours, la maladie purement symptomatique : fébrifuges, désinfections rarement une adénovirose, une toxoplasmose. La
débute par un malaise général et une fièvre variable rhinopharyngée et oculaire, antitussifs, anticonvulsi- certitude ne peut être apportée que par la
( 38 à 40 °C ). vants. La surinfection respiratoire impose une séroconversion.

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8-0910 - Maladies éruptives de l’enfant

Le traitement ne comporte guère que des Le diagnostic est uniquement clinique et le Après une incubation de 3 à 5 jours, le début est
fébrifuges. traitement symptomatique. brusque, avec une fièvre à 39-40 °C, des douleurs
pharyngées, des vomissements. À l’examen, il existe
¶ Rubéole congénitale Parvovirus B19
une angine rouge, une langue saburrale, des
Le virus traverse le placenta pendant les 8 Le parvovirus B19, est responsable d’un adénopathies sous-angulaires, une tachycardie
premières semaines de la grossesse, pouvant entraîner mégalérythème épidémique (ou cinquième maladie). franche.
un avortement spontané et surtout des malforma- L’affection survient par épidémies familiales ou L’éruption scarlatiniforme caractéristique apparaît
tions, en particulier oculaires, auditives, cardiaques, scolaires. Elle se voit surtout au cours de la deuxième en 24-48 heures, d’abord sur le thorax et à la racine
parfois décalées à la naissance ou même se enfance et de l’adolescence. Après une incubation de 8 des membres, puis se généralise rapidement en
manifestant quelques années plus tard. jours, le début est brutal par une éruption bilatérale et respectant cependant les paumes, les plantes et la
La rubéole congénitale évolutive correspond à symétrique de maculopapules, rapidement région péribuccale. Il peut en outre exister des
l’infection virale chronique généralisée. Elle associe à la confluentes en vastes placards au niveau des joues pétéchies ou des lignes ecchymotiques aux plis de
naissance une hypotrophie pondérale et de (aspect typique du visage soufflé). L’éruption prend un flexion. Le prurit est inconstant. L’énanthème, à ce
nombreuses anomalies plus ou moins associées : aspect réticulé en carte de géographie sur le tronc, les stade, est encore plus caractéristique. La langue
purpura thrombopénique, hépatite, méningite, faces d’extension des membres, le dos des mains. devient progressivement rouge écarlate, alors que
myocardite, pneumopathie, éruption rubéoliforme L’éruption va disparaître mais réapparaître de façon l’enduit blanchâtre disparaît de la périphérie vers le
régressive en 1 à 2 mois. Le pronostic est réservé fugace pendant quelques heures lors d’une exposition centre. Au sixième jour, la langue est uniformément
(séquelles psychomotrices, décès dans 20 % des cas solaire ou à la chaleur, pour disparaître complètement rouge framboisé. Les signes généraux vont alors
environ). en 1 à 3 semaines. s’atténuer, l’exanthème s’effacer, laissant place à une
Le diagnostic se fait avec les autres causes Le diagnostic est uniquement clinique. Aucune desquamation caractéristique. Elle commence par le
d’infections néonatales : herpès, syphilis, thérapeutique n’est à envisager. tronc, sous forme de petites écailles, et se poursuit par
toxoplasmose, infection à cytomégalovirus (CMV). Il Entérovirus la face sous forme de squames fines et furfuracées,
est affirmé par la mise en évidence du virus dans le puis atteint les membres sous forme de larges lamelles,
Les affections par entérovirus Echo et Coxsackie,
pharynx ou par la présence d’immunoglobulines (IgM) pour se terminer aux extrémités où elle peut prendre
plus fréquentes en été, peuvent se manifester par une
spécifiques dès la naissance. un aspect en « doigts de gant ».
éruption rubéoliforme plus ou moins généralisée,
La vaccination dans le jeune âge et l’obligation de Un traitement précoce par pénicilline raccourcit
persistant 2 à 3 jours. Il s’y associe un syndrome
la sérologie rubéolique au moment du mariage font pseudogrippal avec fièvre, céphalées, myalgies. Il l’évolution, diminue l’intensité de l’éruption. En
que ces problèmes sont moins d’actualité. existe parfois une méningite lymphocytaire aiguë. Le revanche, l’énanthème conserve son aspect habituel,
virus peut être isolé dans les selles (Echo 1 à 25, restant l’un des signes les plus fidèles de l’affection.
Virus herpétique À l’heure actuelle, les complications sont rares
Coxsackie B 1 à 6). L’exanthème peut s’accompagner
¶ Virus d’Epstein-Barr : mononucléose infectieuse d’une angine vésiculeuse de la partie postérieure du (néphrites, rhumatismes). Il en est de même des formes
Maladie de l’adolescent et de l’adulte jeune, elle est voile (herpangine) caractéristique des affections à malignes, alors que les formes frustes sont fréquentes.
rare chez l’enfant, exceptionnelle avant 3 ans. La Coxsackie A. Le diagnostic est avant tout clinique. En cas de
transmission est essentiellement salivaire. La maladie doute, un prélèvement pharyngé peut mettre en
Virus divers évidence le streptocoque en cause.
débute par une fièvre brutale dans la moitié des cas.
Dans l’autre moitié, les sujets se plaignent d’une Certaines infections à adénovirus et à myxovirus Le traitement repose sur l’antibiothérapie :
asthénie profonde, progressive et persistante, la fièvre comportent parfois un exanthème. Il en est de même pénicilline ou macrolides en cas d’intolérance.
n’apparaissant qu’au bout de quelques jours. La de certaines arboviroses. Au 15e jour, il faut vérifier l’absence de protéinurie
période d’état associe une angine, des adénopathies Enfin, rappelons que la primo-infection à virus et d’hématurie microscopiques, contrôler la
évocatrices par leur siège et leur diffusion (cervicale, d’immunodéficience humaine (VIH) se manifeste stérilisation du pharynx. Il est par ailleurs conseillé de
occipitale, axillaire, sus-épitrochléenne, inguinale), et souvent par une éruption morbilliforme du tronc, avec soumettre l’entourage à une prophylaxie antibiotique
une éruption cutanée rubéoliforme, morbiliforme, plus fréquente atteinte palmoplantaire, érosions buccales pendant 1 semaine.
rarement scarlatiniforme, d’évolution fugace. La prise et polyadénopathie, le diagnostic étant fait par
d’ampicilline ou d’amoxicilline augmente considéra- l’antigénémie p24. Syndrome du choc staphylococcique
blement la fréquence de ces rashes (90 % des cas). Une ‚ Accidents médicamenteux Il débute brutalement par une fièvre à 39-40 °C
splénomégalie est retrouvée dans 50 % des cas. Les exanthèmes médicamenteux surviennent 7 à avec hypotension, vertiges, vomissements, diarrhée,
L’évolution se fait vers la guérison avec asthénie 24 jours après l’introduction de la molécule, avec un douleurs abdominales, hémorragies digestives,
persistante. pic de fréquence à j9, mais en cas de reprise de atteinte hépatique. L’éruption de type scarlatiniforme
Le diagnostic est bien sûr clinique, mais avant tout médicament déclenchant, le délai est très court, de 1 à s’installe rapidement sur la face et le tronc. Elle évolue
biologique : leucocytose (10 000 à 40 000) à 3 jours. Tous les types d’érythèmes morbilliformes, vers une desquamation fine (visage, tronc) ou en gros
lymphocytes et à cellules mononucléées, mise en roséoliformes, scarlatiniformes peuvent se rencontrer. lambeaux (extrémités). L’énanthème est inconstant,
évidence d’IgM spécifiques. Le prurit est plus ou moins important. De même, pouvant précéder l’exanthème : langue dépapillée,
n’importe quel type de médicaments peut être en hyperhémie conjonctivale, ulcération génitale.
Le traitement est uniquement symptomatique. Les
corticoïdes améliorent les signes généraux. cause. Sont cependant plus fréquemment incriminés : Les localisations pulmonaires, cardiaques,
les pénicillines, les sulfamides et les anticomitiaux, les musculaires, rénales et nerveuses sont rares. La
¶ Cytomégalovirus anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les symptômes guérison est habituelle sous traitement.
La primo-infection passe souvent inaperçue. Elle régressent rapidement dès l’arrêt du médicament Le point de départ est habituellement ombilical
peut cependant se manifester par un tableau de responsable. Le diagnostic d’imputabilité relève d’une chez le nouveau-né, en rapport avec une perte de
mononucléose infectieuse sans angine et avec démarche de type probabiliste. Seul le test de substance accidentelle ou opératoire chez l’enfant.
sérologie négative. Les éruptions cutanées sont rares, réintroduction, au demeurant dangereux, permet la Le diagnostic est fait sur l’anamnèse, l’aspect
mais là aussi plus fréquentes si le sujet a été traité par confirmation formelle, un test négatif n’éliminant pas clinique, la mise en évidence du germe au niveau
l’ampicilline ou l’amoxicilline. le diagnostic. cutané.
¶ Exanthème subit ‚ Éruptions toxiniques Le traitement fait appel en première intention aux
L’exanthème subit, ou roséole infantile, ou sixième céphalosporines, aux macrolides et autres
Elles sont liées à la production de toxines par
maladie, est une affection fréquente, due au virus synergistines. Il peut être modifié en fonction de
certaines bactéries et donnent des éruptions
herpès 6. Elle n’atteint que les nourrissons entre 6 mois l’antibiogramme.
scarlatiniformes.
et 2 ans. Après une incubation de 12 jours environ,
l’affection débute par une fièvre à 39-40 °C, totalement Scarlatine Syndrome de Lyell staphylococcique
isolée et bien supportée. Elle dure 3 jours, puis tombe Elle est due à un streptocoque bêtahémolytique du Il est dû à un staphylocoque doré à toxine
brusquement. C’est alors qu’apparaît une éruption groupe 1, la diffusion de la toxine se faisant à partir exfoliante groupe phagique II, I-III.
rubéoliforme prédominant sur le tronc et qui disparaît d’un foyer pharyngoamygdalien, plus rarement Il se manifeste par un érythème scarlatiniforme
en 24 à 48 heures. cutané. autour des orifices ou des plis de flexion, ou encore

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Maladies éruptives de l’enfant - 8-0910


autour du foyer initial (impétigo staphylococcique). Les formes topograhiques sont multiples. Seules peuvent
lésions vont confluer, puis va apparaître un Éruptions vésiculeuses poser problème les atteintes du trijumeau, en
décollement de larges lambeaux superficiels laissant particulier le zona ophtalmique.
voir une surface humide et luisante. Il n’y a pas Le diagnostic est avant tout clinique, l’éruption étant
d’atteinte des muqueuses. La vésicule est un petit soulèvement épidermique caractéristique. L’hésitation est cependant possible à la
À cette éruption vont s’associer hyperthermie, en « tête d’épingle » rempli d’une sérosité transparente. phase prééruptive ou lorsque l’éruption est discrète. En
vomissements, diarrhée et malaise général. La mort Les éruptions vésiculeuses sont toujours d’origine cas de doute, le virus peut être mis en évidence dans
est possible chez le nourrisson, mais l’évolution est en infectieuse, essentiellement virale. les vésicules.
règle favorable, en 7 à 10 jours, sous traitement. Le traitement se borne, chez l’enfant non
Le diagnostic repose sur la clinique et l’identification
‚ Varicelle immunodéprimé, à la désinfection des lésions et
du germe en cause. Il faut cependant éliminer une Due au virus Herpes varicellae, c’est une affection éventuellement des antalgiques. Chez l’immunodé-
nécrose épidermique toxique (syndrome de Lyell hautement contagieuse, qui survient en règle entre primé, les mêmes antiviraux que dans les varicelles
toxidermique). 2 et 10 ans. L’incubation est de 14 à 16 jours et est graves sont prescrits.
Le traitement repose sur l’antibiothérapie : suivie d’une période d’invasion très courte (24 heures)
‚ Herpès
synergistine, céphalosporines, macrolides, avec malaise général, fébricule à 38 °C. En fait, cette
phase est souvent inapparente. L’éruption débute par La primo-infection herpétique (virus type I) est une
éventuellement adaptée en fonction de
des macules rosées recouvertes en moins de maladie de l’enfance, mais elle passe souvent
l’antibiogramme.
24 heures de vésicules, de 1 à quelques millimètres de inaperçue. Elle peut se manifester sous forme d’une
‚ Affections diverses diamètre, à contours réguliers, à contenu clair. En 24 à gingivostomatie aiguë, plus rarement par un herpès
De nombreuses affections peuvent s’accompagner 48 heures, la lésion se flétrit. Une croûtelle brunâtre généralisé comme dans l’herpès néonatal. Dans ce
d’un rash érythémateux plus ou moins transitoire. remplace la vésicule. Elle va tomber vers le huitième dernier, au quatrième ou au huitième jour après la
ou dixième jour, sans cicatrice, sauf en cas de naissance, vont apparaître des vésicules sur l’extrémité
Affections bactériennes surinfection ou de grattage intempestif, car l’un des céphalique, la région périnéale, les muqueuses. Elles
Septicémie, typhoïde, syphilis secondaire, caractères de l’éruption est d’être prurigineuse. peuvent se disséminer à l’ensemble des téguments,
rickettsiose. prenant parfois un aspect nécrotique. L’altération de
L’éruption apparaît à la face et au thorax, puis va se
l’état général est profonde. Il peut exister des atteintes
généraliser avec atteinte du cuir chevelu, des paumes
Affections parasitaires viscérales. L’infection est létale dans près de la moitié
et des plantes, marquée par une petite élévation
Toxoplasmose acquise, hydatidose. des cas. Il existe des séquelles neurologiques graves
thermique, en deux à trois poussées successives. Il
chez les survivants.
peut exister un petit énanthème buccal, conjonctival,
Origine non infectieuse La contamination est souvent intra-utérine après
voire laryngé, et de discrètes micropolyadénopathies,
Essentiellement syndrome de Kawasaki et surtout cervicales. rupture des membranes ou au passage de la filière
érythème toxique du nouveau-né. génitale au moment de l’accouchement. Plus
La guérison survient en 10-15 jours.
rarement, il s’agit d’une virémie maternelle ou d’un
¶ Syndrome de Kawasaki Les complications sont rares : surinfection cutanée,
contage après la naissance.
Il s’agit d’une vasculite, probablement virale, atteinte pulmonaire avec aspect de pseudomiliaire,
Le germe en cause est, dans 75 % des cas, l’herpès
atteignant le nourrisson et l’enfant d’âge atteintes neurologiques, ataxie aiguë cérébelleuse,
virus Hominis de type II.
prépubertaire. encéphalite aiguë.
Le traitement fait appel aux antiviraux majeurs. Le
L’affection débute par un énanthème avec chéilite Les formes graves ne s’observent que chez le
traitement préventif repose sur la césarienne de la
fissurée, langue framboisée, érythème buccopha- patient immunodéprimé. Elles réalisent un état
mère porteuse d’un herpès génital, à terme.
ryngé. Au troisième-cinquième jour, apparaît un infectieux sévère, avec éruption cutanéomuqueuse
érythème palmoplantaire maculopapuleux, profuse d’éléments nécrotiques, ulcérés, parfois ‚ Syndrome mains-pieds-bouche
accompagné d’un œdème dur, souvent douloureux, hémorragiques. Les complications viscérales ne sont Il est dû au virus Coxsackie A16. Après une période
des mains et des pieds, suivi 2 à 3 semaines plus tard pas rares et de mauvais pronostic. d’incubation de 6 jours, la phase d’invasion de 2 jours
d’une desquamation. Au cinquième-septième jour, Le diagnostic est en règle facile, essentiellement est marquée par fébricule, anorexie, douleurs
apparaît l’exanthème de type scarlatiniforme ou clinique tant l’éruption est typique. Ce n’est qu’en cas abdominales, parfois arthralgies, puis apparaît un
morbilliforme évoluant par poussées successives pour de doute qu’on recherche le virus dans les lésions énanthème : lésions aphtoïdes des muqueuses
guérir en 3 semaines. cutanées. jugales, gingivales, linguales. Très rapidement apparaît
À ces manifestations s’associent une fièvre élevée, Le traitement de la forme commune est purement l’exanthème, sous forme de vésicules ovalaires avec
une conjonctivite bilatérale, une atteinte ganglionnaire symptomatique, antihistaminique pour calmer le aréole inflammatoire sur les mains et les pieds. Dans
cervicale précoce. Il peut également exister une prurit, antiseptique pour éviter la surinfection. Si cette les formes profuses, il peut exister une atteinte des
diarrhée, des arthralgies, mais surtout une atteinte dernière se produit malgré tout, elle nécessite une bras, des jambes, des coudes, des genoux. La guérison
cardiovasculaire qui fait toute la gravité de l’affection antibiothérapie par macrolides ou céphalosporines. survient en 1 semaine environ.
(décès dans 1 à 1,7 % des cas) : myocardite, Chez l’immunodéprimé, il faut supprimer Le diagnostic est clinique, l’éruption étant
péricardite, atteinte coronarienne, thrombus, momentanément les traitements immunodépresseurs, caractéristique. En cas de doute, le virus est mis en
anévrisme au niveau des artères de moyen et gros si cela est possible, et prescrire des antiviraux par voie évidence dans les lésions cutanées.
calibre. générale : aciclovir ou dérivés, famciclovir. Le traitement se borne à la prescription
Le diagnostic est essentiellement clinique. d’antiseptiques buccaux et cutanés.
Électrocardiogramme et échographie sont ‚ Zona


systématiques, à la recherche d’une complication C’est la récurrence d’une infection à virus Herpes
cardiovasculaire. varicellae dont la primo-infection est la varicelle. Éruptions papuleuses
Le traitement repose sur l’administration d’Ig Exceptionnel chez le nourrisson, il est rare chez
intraveineuses (1 g/kg/j), pendant 2 jours, et l’aspirine l’enfant. Il se voit plus fréquemment chez les sujets Elles se limitent à l’acrodermatite papuleuse
30 à 50 mg/kg/j pendant 2 semaines. atteints d’un déficit immunitaire. infantile de Gianotti-Crosti. Il s’agit de papules
¶ Érythème toxique du nouveau-né Parfois, précédée de prodromes douloureux, inflammatoires lichénoïdes, siégeant au niveau des
Il apparaît au cours des 3 premiers jours de la vie l’éruption apparaît sous forme de plaques paumes, des plantes, du dos des mains et des pieds,
sous forme d’une éruption en nombre très variable de érythémateuses de topographie radiculaire, parfois des avant-bras et des jambes, de la face. Plus
macules érythémateuses, de papules disposées strictement unilatérales, qui se couvrent de vésicules rarement, on peut observer un livedo, un purpura des
irrégulièrement en amas sur un fond congestif. Le pour confluer en bulles. muqueuses. L’éruption, constituée en quelques jours,
siège est ubiquitaire, respectant les paumes et les Au bout de 8 jours, apparaissent des croûtes qui régresse en quelques semaines. L’affection est surtout
plantes. La résolution est spontanée en quelques vont tomber, avec possibilité de cicatrices. observée entre 1 et 4 ans :
heures à quelques jours, avec parfois plusieurs Les douleurs, en règle peu intenses chez l’enfant, – soit dans le contexte d’une hépatite à virus B, les
poussées. Il ne s’y associe aucun autre signe. L’origine vont disparaître en quelques jours. Il peut exister une lésions étant alors monomorphes, symétriques, non
est inconnue. fébricule, une adénopathie satellite douloureuse. Les coalescentes, disparaissant en 6 à 8 semaines ;

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8-0910 - Maladies éruptives de l’enfant

– soit au cours d’autres viroses (mononucléose, il existe une atteinte buccale. En revanche, les croûtes puis à des macules pigmentées. Il n’y a pas de
infection à CMV, à coxsackie), l’éruption étant alors adénopathies satellites sont importantes. Les atteintes prurit. L’évolution se fait par poussées. L’affection
plus polymorphe, non symétrique. Les lésions parfois viscérales sont exceptionnelles. Sous traitement, guérit vers 3 mois.
coalescentes et prurigineuses sont d’évolution plus l’évolution est en règle favorable en 8 à 10 jours.
prolongée. Le diagnostic, essentiellement clinique, peut être


Le diagnostic positif est clinique, le diagnostic complété par la mise en évidence du virus dans les
étiologique est biologique en fonction des orientations lésions. Éruptions purpuriques
cliniques. Il convient cependant d’éliminer une syphilis Le traitement est à la fois symptomatique (contrôle
secondaire. de la fièvre, prévention ou traitement d’une
Le traitement est celui de l’affection causale. surinfection) et étiologique (aciclovir intraveineux). Elles surviennent dans un contexte particulier.
‚ Pustules aseptiques ‚ Purpura fulminans méningococcique


Acropustulose infantile
Il est associé à un purpura rapidement évolutif,
Éruptions pustuleuses L’affection apparaît entre 2 et 10 mois, sous forme ecchymotique puis nécrotique, à des signes infectieux
de petites papules qui deviennent en 24 heures des et à une altération de l’état général. On rencontre
pustules. Elles siègent électivement sur les paumes et également, dans d’autres états septicémiques
Soulèvement circonscrit de la taille d’une tête
les plantes, plus rarement le dos des mains et des bactériens, des poussées de purpura.
d’épingle à plusieurs millimètres dont le contenu est
pieds. Le prurit est intense, pouvant faire évoquer une
purulent, la pustule peut succéder à une vésicule ou
gale. L’évolution se fait par poussées jusqu’à l’âge de ‚ Purpura rhumatoïde
être primitive. Elle peut témoigner d’une infection
2 ans où la guérison est observée. L’étiologie est
bactérienne, mycosique ou virale, ou être stérile. Nous Il se voit essentiellement dans la seconde enfance.
inconnue, l’affection étant plus fréquente chez le
n’étudierons ici que les pustuloses propres à l’enfant On assiste à l’installation rapide d’un purpura avec
garçon.
ou à prédominance infantile. influence nette de l’orthostatisme. S’y associent des
Le diagnostic est clinique : pustules aseptiques des
arthralgies (80 % des cas), un syndrome digestif
‚ Pustuloses septiques extrémités remplies de polynucléaires neutrophiles ou
(douleurs, vomissements, hémorragies [60 % des cas ])
éosinophiles.
Folliculites et un syndrome rénal (25 % des cas).
Il n’y a pas de traitement, en dehors de l’éventuelle
Il existe une hyperleucocytose, un syndrome
Elles correspondent à une infection superficielle des prescription d’antihistaminiques pour calmer le prurit.
inflammatoire biologique, une élévation précoce et
orifices pilaires. Elles peuvent être localisées ou Pustulose néonatale transitoire transitoire des IgA. À l’histologie, il existe un aspect de
généralisées, dues essentiellement aux cocci à Gram
Elle se manifeste dès la naissance par des pustules capillarite inflammatoire, sans leucocytoclasie ni
positif, mais également aux Proteus, Pseudomonas,
du front, du cou, du dos, parfois du tronc et des nécrose fibrinoïde, avec en immunofluorence des
coliformes. On peut en rapprocher le sudamina qui
extrémités. Rapidement, elles laissent la place à des dépôts d’IgA.
apparaît après exposition à la chaleur humide. Le
traitement fait appel aux antiseptiques.
Conduite à tenir devant une éruption cutanée de l’enfant
Candidose congénitale Dans tous les cas, il faut :
Elle se manifeste chez un nouveau-né contaminé ✔ préciser :
au moment de l’accouchement, par des macules se – le type de l’éruption : érythème, vésicule, papule, pustule, purpura ou
couvrant rapidement de petites pustules blanchâtres association de ces différents éléments ;
évoluant rapidement vers la dessiccation et la – sa topographie : généralisée ou localisée ;
desquamation. L’état général est conservé.
– son mode évolutif ;
Le diagnostic est clinique. Il peut s’aider du
prélèvement mycologique, le psoriasis pustuleux ne se – l’existence ou non d’un prurit ;
discute guère à cet âge. ✔ analyser le contexte clinique à la recherche :
Le traitement fait appel aux antifongiques locaux : – d’une fièvre dont il faut préciser l’évolution ;
amphotéricine B, imidazolés. – d’un énanthème ;
Pustulose varioliforme de Kaposi-Juliusberg
– d’adénopathies, d’une splénomégalie, d’une atteinte articulaire, hépatique, de
signes digestifs, méninges ;
Il s’agit le plus souvent d’une primo-infection
herpétique (type I) chez un atopique. Le début est
✔ faire préciser :
brutal, marqué par de la fièvre et une éruption faite de – les signes qui ont précédé l’éruption et la durée de cette phase prééruptive ;
pustules ombiliquées pouvant confluer en nappes, – les traitements prescrits ;
responsables de décollements cutanés. Le siège – les données épidémiologiques : maladies déjà contractées, vaccinations, notion
habituel est le visage, mais l’éruption peut être plus de contage dans l’environnement.
diffuse. L’œdème associé est important. Plus rarement,

Pierre Amblard : Professeur des Universités, praticien hospitalier,


service de dermatologie, hôpital A Michallon, 38043 Grenoble cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Amblard. Maladies éruptives de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0910, 2000, 4 p

Références

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1999 ; 121 : 1461-1463
[2] Huraux JM, Huraux-Rendu C, Blancher H. Herpes génital et grossesse : me-
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[3] Mansouri S, Aractingi S. Érythème : orientation diagnostique. Rev Prat 1997 ;


47 : 891-895

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8-0890

8-0890
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Peau et soleil chez l’enfant

P Amblard

S i l’irradiation ultraviolette permet la synthèse de la vitamine D3 , l’exposition solaire trop intense n’est pas
exempte de complications précoces (érythème, coup de chaleur), tardives (vieillissement cutané précoce,
carcinomes, mélanomes malins) ; l’importance des coups de soleil dans l’enfance est maintenant démontrée dans la
genèse de ces derniers. L’efficacité incomplète de la photoprotection naturelle en cas d’exposition solaire intense
et/ou répétée impose l’usage d’une photoprotection artificielle. Celle-ci repose sur trois éléments : la protection
vestimentaire qui reste le meilleur moyen de photoprotection, la photoprotection par filtres et écrans solaires, qui a
une place de choix chez le sujet sain mais impose des règles précises d’utilisation, la photoprotection interne qui
jusqu’à présent n’a vraiment fait la preuve de son efficacité que dans les photodermatoses.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : érythème, coup de chaleur, vitamine D, cancers cutanés, photoprotection, filtres, écrans, coefficient de
protection, photodermatoses.


associés à l’aspirine ou aux anti-inflammatoires non ‚ Fortes expositions et mélanome malin
Introduction stéroïdiens. En cas de coup de soleil sévère, une Si le facteur génétique est important dans la
corticothérapie générale pourra être envisagée. genèse du mélanome malin, le rôle des expositions
Les réactions cutanées qui suivent une exposition ‚ Coup de chaleur solaires intermittentes excessives dans l’enfance
solaire n’ont pas de spécificité chez l’enfant, mais les dans le développement de la maladie est suspecté
Il est le fait des infrarouges qui représentent 50 %
événements qui se produisent à court et à long grâce aux études épidémiologiques des populations
de l’énergie solaire et pénètrent profondément dans
termes sont particulièrement redoutés à cet âge, caucasiennes ayant migré dans les pays à fort
le derme, provoquant une vasodilatation et une
motivant une bonne photoprotection. Un problème ensoleillement.
élévation de la température cutanée. En cas de
particulier est celui de la pathologie cutanée induite En Israël [14], les juifs immigrés nés en Europe ont
surexposition, les possibilités de thermorégulation
ou aggravée par la lumière ; c’est le groupe de au même âge un risque de mélanome malin
(sécrétions sudorales) sont saturées, conduisant au
photodermatoses fréquentes chez l’enfant. Il faut d’autant plus important qu’ils sont arrivés tôt dans
coup de chaleur associant malaise général,
savoir qu’à l’heure actuelle l’héliothérapie naturelle a l’enfance.
hyperthermie, voire troubles de la conscience. Le
perdu beaucoup de son importance. De même, en Australie [6], les sujets arrivés avant
traitement fait appel à la réhydratation et à la lutte
10 ans ont un risque identique à celui des personnes
contre l’hyperthermie (serviettes fraîches, bains
nées en Australie de même âge et de même


rafraîchissants).
phototype ; le risque des sujets arrivés après 15 ans
Effets à court terme ‚ Synthèse de la vitamine D est seulement le quart de celui des natifs du pays.
Elle est réalisée dans l’épiderme à partir de Le rôle des coups de soleil reste discuté, n’étant
7-déhydrocholestérol transformé, sous l’action des pas retrouvé dans toutes les études. Cependant, il
‚ Érythème actinique ou coup de soleil semble bien que l’exposition solaire précoce favorise
UVB, en cholécalciférol qui est hydroxylé dans le foie
Il apparaît quelques heures après l’exposition puis le rein pour aboutir au 1,25-dihydroxycholécal- l’apparition de nævus, en particulier après de
solaire et dure plusieurs jours ; son spectre d’action ciférol, métabolite le plus actif. Cette synthèse ne fréquents et sévères coups de soleil. Une étude [4] a
est essentiellement dans les rayons ultraviolets B nécessite que de très faibles irradiations : l’exposition montré que le risque relatif de mélanome malin
(UVB) dont l’intensité du rayonnement est maximale des zones découvertes du corps (mains, bras, visage) augmente proportionnellement au nombre total de
entre 10 et 14 heures GMT (Greenwich mean time) et 10 à 15 minutes en milieu de journée deux à trois nævus ; en outre, lorsqu’un sujet est porteur d’au
en montagne. La dose érythémale minimale (DEM) fois par semaine pendant l’été suffit pour assurer les moins cinq nævus dont la taille se situe entre 5 et
est la plus petite quantité d’énergie nécessaire pour besoins. 10 cm, le risque relatif de mélanome est multiplié par
provoquer un érythème visible 24 heures après 10. On conçoit dès lors la nécessité d’une bonne
l’irradiation. Chez le sujet de race blanche, cette DEM ‚ Effets à long terme photoprotection, d’autant qu’une étude récente a
varie de 17 à 85 mJ/cm_, ce qui correspond à une Des travaux épidémiologiques récents montré que la photoprotection des enfants réduit
exposition de 12 à 60 minutes à midi au mois de incriminent l’exposition solaire intense dans considérablement le risque des mélanomes chez
juin au bord de la Méditerranée. À 3 DEM, on l’enfance comme facteur d’environnement l’adulte [5].
observera un érythème douloureux ; à 6 DEM, il se primordial pour le risque de survenue ultérieure de En ce qui concerne les carcinomes, par
produit un décollement bulleux. cancers cutanés, en particulier de mélanomes l’application d’un modèle mathématique de calcul
Le traitement associe des compresses humides à malins. Rappelons que, par son mode de vie à du risque, on peut estimer que :
des émollients (lait ou lotion après-soleil ont une l’extérieur, la dose annuelle d’UVB reçue par l’enfant – si on protège les enfants de 0 à 18 ans avec un
action décongestionnante dans les formes est trois fois supérieure à celle de l’adulte. On estime filtre de coefficient 15 appliqué sur tout le corps et
mineures) ; des dermocorticoïdes sous forme de lait que près de la moitié de l’exposition ultraviolette au lors de chaque exposition, 78 % des carcinomes
ou lotion seront utilisés dans les formes plus graves, cours de la vie a été déclinée avant l’âge de 20 ans. cutanés attendus sur une vie seront évités ;

1
8-0890 - Peau et soleil chez l’enfant

– si on protège seulement le visage, le cou et les Le coefficient de protection des vêtements est très flavonoïdes… L’efficacité de ces produits en
bras, 60 % des carcinomes seront prévenus. variable selon la texture, la couleur, l’épaisseur [12]. application topique a montré leur efficacité tant in
Les tissus les plus protecteurs sont la serge de coton, vitro qu’in vivo chez l’animal.


la soie, le polyester réfléchissant. Les vêtements
Anti-inflammatoires
Photodermatoses foncés sont les plus efficaces mais ils absorbent les
infrarouges (IR), ce qui les rend inconfortables. Le Ils restent sujets à discussion car ils peuvent
coefficient de protection peut ainsi varier de 2 pour retarder la sonnette d’alarme que constitue
Il est indispensable de protéger les enfants une robe en polyester à plus de 1 000 pour un jean. l’érythème.
atteints de photodermatoses, qu’il s’agisse de : Les vêtements humides, du fait de la transpiration Excipient
– dermatoses photo-inadaptées par déficit d’un ou d’une baignade, voient leur efficacité se réduire. Il revêt toute son importance car il permet
des facteurs de photoprotection naturelle : Différentes études se sont focalisées plus d’améliorer la galénique et donc la stabilité, la
albinisme, vitiligo, xeroderma pigmentosum, particulièrement sur la protection vestimentaire face substantivité, la rémanence du produit fini et son
trichothiodystrophie ; aux cancers cutanés. acceptabilité cosmétique.
– dermatoses photoaggravées : lupus Il a été ainsi mis en évidence qu’un tee-shirt d’été
érythémateux, poïkilodermies congénitales, herpès « standard » ne protège en rien de l’induction ¶ Coefficient de protection
récurrent, certaines dermatites atopiques ; tumorale chez la souris, alors que de nouveaux La valeur photoprotectrice d’un antisolaire est
– dermatoses métaboliques photodéclenchées : textiles qui ont un pouvoir UV protecteur élevé (FPS fournie par le coefficient de protection (CP). Ce
porphyrie cutanée, érythème pellagroïde ; [facteur de protection solaire] > 30) protègent dernier représente le coefficient par lequel la durée
– lucites idiopathiques : lucite estivale bénigne, complètement les souris dans les mêmes conditions d’exposition peut être multipliée pour aboutir à des
lucite hivernale bénigne, photodermatose d’irradiation ; de la même manière, la protection des lésions actiniques égales à celles qui surviennent
printanière juvénile, hydroavacciniforme. bas féminins face au risque de développement de sans photoprotecteur. Cette détermination se fait
cancers des jambes n’existe réellement que pour des habituellement en laboratoire, selon la méthode de
Schultze, sur volontaires sains avec comme


bas d’au moins 40 deniers [12].
paramètre le coup de soleil. Le CP fourni ne
Photoprotection L’amélioration de la qualité protectrice des
concerne que les UVB ; en fait, on tend à parler à
vêtements n’est certainement pas à négliger dans
l’heure actuelle de facteur de protection solaire (FPS)
l’objectif d’une protection au « quotidien ».
La photoprotection regroupe divers moyens car l’érythème induit par le simulateur solaire utilisé
capables de s’opposer aux dommages cutanés Photoprotection externe en laboratoire comporte 85 % d’UVB et 15 % d’UVA.
provoqués par les radiations solaires. Les Il n’y a en revanche pas de standardisation du calcul
La photoprotection topique est assurée par des
mécanismes physiologiques de la photoprotection du CP vis-à-vis des UVA et, selon la méthode utilisée,
préparations formées de l’association de principes
naturelle répondent à cet objectif, mais sont il peut varier de 1 à 10.
actifs (filtres et/ou écrans) solubles, divisées ou
insuffisants pour protéger une peau normale mais dispersées dans un excipient. Il faut savoir que même le chiffre donné par le FPS
surexposée ou une peau anormalement n’est que théorique. Gottlieb [7] a montré que les
photosensible. Ils doivent alors être confortés par ¶ Filtres concentrations dépendent du territoire d’application
une photoprotection artificielle externe ou interne. Ce sont des molécules synthétiques qui agissent et de la forme galénique du produit : faibles avec les
par absorption phototonique sélective en fonction crèmes sur le dos et les jambes, fortes avec les gels
‚ Photoprotection naturelle de la longueur d’onde. Il existe des filtres à spectre sur le visage. En outre, en laboratoire, la dose utilisée
Elle regroupe les éléments suivants : étroit sélectifs des UVB (benzimidazoles, benzydilène est de 2 mg/cm_, il s’agit de la dose minimale qui
– le système pigmentaire : son activité camphre, cinnamates, PABA) et des filtres dits à permet un calcul de FPS fiable grâce à un étalement
photoprotectrice s’exerce par absorption des spectre large efficaces au moins partiellement contre du produit uniforme et donc reproductible ; en
photons, diffraction du rayonnement incident, les UVB et les UVA (benzophénone, dibenzoylmé- pratique, les doses utilisées sont quatre fois
éponge de radicaux libres. Son activité est stimulée thane, mexoryl SX et XL, octocrylène). moindres. Il faut donc diminuer par 4 le FPS
par l’exposition solaire (rôle des UVB) ; La concentration maximale dans le produit fini théorique pour avoir le FPS réel, et ce d’autant plus
– la couche cornée et le système pileux ont étant limitée par la législation européenne, il est qu’il s’agit d’un coefficient élevé.
également des capacités de réflexion, de diffraction souvent nécessaire d’associer plusieurs filtres pour Le terme « écran total » est injustifié car les
et d’absorption phototoniques (rôle de la kératine) ; couvrir une bande suffisamment large et obtenir un produits n’arrêtent jamais la totalité de la lumière.
– les systèmes de réparation de l’acide pouvoir de protection élevé.
désoxyribonucléique (ADN) : il s’agit de mécanismes ¶ Risques des antisolaires
enzymatiques de dernier recours pour réparer les
¶ Écrans
Absorption cutanée
Ce sont des substances particulaires sous forme
dégâts induits au matériel génétique par les Certains filtres peuvent avoir une pénétration
de poudre ; dioxyde de titane et oxyde de zinc sont
photons : réparation des dimères et des ruptures de cutanée avec passage systémique, augmentée sur
actuellement les produits les plus utilisés. Ils agissent
chaînes. peau lésée et chez le jeune enfant [8].
en déviant et dispersant le rayonnement, en théorie
Au total, en dehors des déficits génétiques
sans discernement de la longueur d’onde. En fait, la Allergie et photoallergie
enzymatiques, l’efficacité de la photoprotection
synthèse de très fines particules (0,02 à 0,01 µm) a Si les cas d’irritation sont exceptionnels, des
naturelle d’un individu dépend essentiellement de sa
permis de déplacer le spectre d’action vers les réactions d’allergie ou de photoallergie de contact
pigmentation constitutionnelle et de sa capacité à
longueurs d’onde les plus courtes (UVB-UVA) ont été signalées même chez l’enfant [11] , en
augmenter celle-ci après exposition lumineuse. Le
donnant à ces molécules un aspect transparent très particulier avec l’oxybenzone mais aussi le
phototype qualifie cette photosensibilité individuelle.
intéressant au plan cosmétologique. Leur dibenzoylméthane, le méthylbenzydilène camphre,
Parmi les nombreux paramètres qui ont pu être
concentration n’est pas limitée ce qui permet les cinnamates. D’autres molécules peuvent être
retenus pour son appréciation, la carnation est le
d’obtenir, associés entre eux et éventuellement à des responsables de réactions de sensibilisation :
principal [1]. La photosensibilité ne varie que peu
filtres chimiques, des photoprotecteurs externes de conservateurs, excipients, parfums.
avec l’âge et, à phototype égal, un enfant normal
haut coefficient. De ce fait, l’emploi de photoprotecteurs composés
n’est pas plus sensible qu’un adulte [1].
¶ Autres molécules incorporées exclusivement d’écrans minéraux revêt un intérêt
‚ Photoprotection artificielle tout particulier chez l’enfant de par leur
Pièges à radicaux libres
Photoprotection vestimentaire photostabilité, leur inertie biologique et leur strict
La mise en cause des radicaux libres de l’oxygène effet de surface.
Un habillement adapté procure un filtre optique dans les effets néfastes de l’exposition solaire a
contre la pénétration des radiations néfastes. conduit à incorporer aux photoprotecteurs externes Inhibition de la synthèse de la vitamine D
Les chapeaux à large bord protègent les oreilles, un certain nombre de molécules aux propriétés L’application régulière d’un photoprotecteur
le nez, le front et complètent la protection offerte par antioxydantes : vitamines A, C, E, oligoéléments : pourrait gêner la synthèse épidermique de la
les cheveux. sélénium, zinc, manganèse, caroténoïdes, vitamine D. En fait, même en cas de photoprotection

2
Peau et soleil chez l’enfant - 8-0890

externe intense, comme c’est le cas pour les malades


atteints de xeroderma pigmentosum, un régime Tableau I. – Classification modifiée des phototypes, d’après Fitzpatrick et Cesarini.
suffisamment riche en lait, voire jaune d’œuf et
Érythème Protection
huiles de poisson, permet de maintenir des taux Phototype Carnation Pigmentation
actinique mélanique
normaux de vitamine D [16].
I Blanche Toujours Nulle Mélanocompromis
Photoprotecteurs solaires et cancers
Trois études épidémiologiques récentes II Claire Toujours Faible Mélanocompromis
suggèrent que l’utilisation de photoprotecteurs III Claire Souvent Modérée Mélanocompétent
externes ne prévient pas l’apparition de cancers
cutanés dans l’espèce humaine, avec une incidence IV Mate Fréquent Forte Mélanocompétent
plus grande des carcinomes basocellulaires chez les V Foncée Rare Très forte Mélanocompétent
femmes [9] et des mélanomes chez les hommes. Une Mélanoprotégé
étude cas-témoin de l’European organization for
VI Noire Très rare Noire Mélanoprotégé
research treatment (EORTC) [3] montre qu’il existe
une élévation du risque de mélanome dans la
population utilisant des crèmes solaires (odds ratio
Tableau II. – Caractéristiques des doses d’irradiation reçues sur la peau (climatologie).
de 2).
Comment peut-on expliquer ces études ? Il s’agit Qualité et quantité de l’ensoleillement
pour la plupart d’études rétrospectives (l’induction
par les ultraviolets d’un cancer cutané dans l’espèce Altitude Augmentation de 4 % des UVB tous les
humaine demande plusieurs décennies) 400 m
Latitude Diminution (surtout des UVB) avec
correspondant à des périodes où étaient utilisées des éloignement de l’équateur
photoprotecteurs externes ne contenant que des Ensoleillement direct
Saison Effıcacité érythémale 130 fois plus
filtres UVB et favorisant ainsi une surexposition aux importante en été qu’en hiver
UVA. Les UVA sont carcinogènes et présents en Journée Maximum d’énergie entre 11 et 13 heures
quantité pratiquement identique du lever au coucher solaires
du soleil et pendant toute l’année.
Ciel bleu Maximum d’énergie dans les UV courts,
Cependant, une étude prospective réalisée entre (UVB, UVA courts)
1995 et 1997 a montré, chez des enfants de 6-7 ans, Ensoleillement diffusé
Temps brumeux Diffusion identique pour toutes
le lien entre la quantité de crème solaire utilisée et le les longueurs d’onde
nombre de nævus (dont les liens avec le mélanome
Neige 80 %
sont maintenant bien établis) ; à l’inverse, le port des Sable 5 à 25 %
vêtements était associé à un nombre réduit de Ensoleillement réfléchi
Océan 20 %, eau de piscine : 5 %
nævus [4]. Herbe 3%
Doit-on conclure que les crèmes solaires sont
Extérieur 400 DEM/an
cancérigènes ? Certainement pas, le problème vient Activité professionnelle
Mixte 130 DEM/an
d’une mauvaise utilisation. Une étude récente a en (Europe du Nord)
Intérieur 60 DEM/an
effet montré que les sujets utilisant une crème
d’indice de protection 30 passaient 25 % plus de Vacances 3 semaines en Méditerranée 100 DEM
temps au soleil que les sujets utilisant une crème
DEM : dose érythémale minimale ; UV : rayonnement ultraviolet.
d’indice de protection 10 ; la quantité de crème
utilisée durant l’été était identique, de même que le
d’ensoleillement (tableau II). Il est d’autant plus élevé parents montrent l’exemple, les mesures de
nombre de coups de soleil [2].
que l’enfant est de phototype clair, que photoprotection sont alors plus facilement suivies
¶ Utilisation de la photoprotection externe l’ensoleillement est intense et que la durée par les enfants.
Cahier des charges d’exposition est plus prolongée ; on peut
Le choix de la forme galénique s’orientera vers les
recommander des produits de FPS entre 20 à 30 et ‚ Photoprotection interne
de 10 à 20 en UVA.
émulsions eau/huile qui sont stables à l’eau et Il est classique de considérer que la photopro-
restent sur la peau après de fortes sudations. Selon le En fait, la sagesse voudrait conseiller une
tection interne ne s’adresse qu’aux
territoire d’application, on choisira une forme photoprotection vestimentaire maximale et éviter
photodermatoses et à certaines dermatoses
galénique adaptée : crème pour le visage, lait ou toute exposition solaire non indispensable. Ceci va à
photosensibles.
spray pour le corps, stick pour les zones fragiles.*** l’encontre du mode de vie actuel et le praticien ne
peut avoir pour espoir qu’une éducation de De nombreux produits à base de caroténoïdes
Choix du FPS comportement visant à limiter les effets des et/ou de composés à visée antiradicalaire per os :
Le choix du facteur de protection tient compte du expositions tant recherchées. Ce rôle éducatif repose sélénium, zinc, vitamines E, C, A, flavonoïdes. Tous
phototype (tableau I) et des conditions sur des règles simples. Il faut également que les ces produits ont fait la preuve de leur efficacité tant
sur cultures cellulaires que chez l’animal. Leur
prescription est en théorie justifiée ; il n’existe
Le cahier des charges du photoprotecteur idéal est le suivant : cependant à l’heure actuelle aucune preuve
✔ être efficace contre le coup de soleil et les effets à long terme du soleil (cancers scientifique de leur activité. On doit donc considérer
cutanés, héliodermie), c’est-à-dire arrêter non seulement les UVB mais également qu’ils peuvent compléter la protection topique sans
les UVA et les infrarouges ; cependant pouvoir s’y substituer.
✔ maintenir une protection prolongée dans des conditions normales d’utilisation
‚ Photoprotection de l’enfant atteint
grâce à sa pénétration et sa fixation dans la couche cornée : substantivité ; de photodermatose
✔ être résistant à l’eau et à l’hypersudation : rémanence ;
✔ être stable à la lumière et à la chaleur ; La photoprotection externe, bien que de mise,
n’est plus suffisante et une photoprotection interne
✔ être acceptable au plan cosmétologique ;
devient indispensable. Rappelons que la seule
✔ posséder une parfaite innocuité générale (toxicologique et cutanée) ; attitude face aux photosensibilisations exogènes est
✔ absence de pouvoir irritant, allergisant et photosensibilisant. la prévention de leur survenue !

3
8-0890 - Peau et soleil chez l’enfant

Génodermatoses
La photoprotection interne est décevante et il
Règles de bonne conduite
convient d’appliquer au maximum la photopro- ✔ Pas d’exposition solaire directe avant l’âge de 1 ans.
tection externe. À titre d’exemple, dans le xeroderma ✔ Éviter les expositions entre 11 et 14 heures (heure solaire) ; quand l’ombre est
pigmentosum, devra-t-on interdire les sorties entre plus petite que la taille de l’enfant, il y a danger.
10 et 14 heures, préconiser une protection ✔ Pratiquer des expositions d’autant plus progressives que la peau est plus claire.
vestimentaire maximale, le port de lunettes filtrantes, ✔ Se méfier de la réflexion sur le sol et de la fausse protection offerte par un ciel
l’application en couche très épaisse des antisolaires couvert ou un temps venteux.
les plus puissants sur les zones non couvrables par
✔ Imposer chaque fois que cela est possible la protection par les vêtements. Ne pas
un vêtement.
oublier la protection des yeux.
Photodermatoses métaboliques ✔ Appliquer régulièrement (toutes les 2 à 3 heures) un photoprotecteur performant
dont le but n’est pas d’augmenter le nombre total d’heures d’exposition ni de
La protoporphyrie érythropoïétique représente
promouvoir un bronzage intense, mais de permettre une exposition raisonnable au
l’indication de choix des caroténoïdes qui ont
transformé la vie des patients atteints : moindre risque.
l’exceptionnelle porphyrie érythropoïétique de ✔ Ne jamais s’exposer lors de la prise d’une substance photosensibilisante et
Günther y est beaucoup moins sensible. supprimer l’usage d’un tel produit avant toute exposition.
La pellagre et les syndromes pellagroïdes, ✔ Se méfier chez le jeune enfant tout autant du coup de chaleur que du coup de
exceptionnels chez l’enfant en France, imposent une soleil.
vitaminothérapie PP ; les anomalies congénitales de


métabolisme du tryptophane, une polyvita- L’hydroavacciniforme (le plus souvent
minothérapie. spontanément curable à la puberté) peut être Héliothérapie
amélioré par les antipaludéens de synthèse, les
Lucites idiopathiques de l’enfant caroténoïdes, la vitamine B6 (en cas de déficit Si l’héliothérapie naturelle n’est plus guère utilisée
La lucite polymorphe bénéficie de la prescription spécifique) mais, là encore, la PUVAthérapie paraît la pour le traitement du rachitisme, elle peut rester
d’antipaludéens de synthèse [13], de caroténoïdes [10], plus intéressante. indiquée dans certaines dermatoses comme le
mais son meilleur traitement paraît la PUVAthéra- La photodermatose juvénile printanière n’impose psoriasis et la dermatite atopique ; cette dernière
pie [15], contre-indiquée cependant chez l’enfant. qu’une protection vestimentaire des oreilles ! étant incontestablement aggravée par la chaleur.

Pierre Amblard : Professeur des Universités, praticien hospitalier,


hôpital A Michallon, 38043 Grenoble cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Amblard P. Peau et soleil chez l’enfant.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0890, 2000, 4 p

Références

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4
8-0926

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AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Teignes du cuir chevelu

N Contet-Audonneau

L es teignes du cuir chevelu sont des infections fongiques fréquentes chez l’enfant d’âge scolaire. La
contamination est le plus souvent d’origine humaine ou animale (les animaux peuvent être malades ou
simplement porteurs de spores), rarement d’origine tellurique. Du fait des courants migratoires de populations et des
modifications du mode de vie, l’épidémiologie des teignes est en constante évolution. Le diagnostic clinique n’est pas
toujours facile, surtout lorsqu’il s’agit de teignes trichophytiques, volontiers discrètes ou simulant d’autres dermatoses.
Ceci doit inciter le praticien, dans toute atteinte du cuir chevelu de l’enfant, à demander au laboratoire un examen
mycologique. Cet examen permet d’affirmer l’origine fongique d’une lésion. L’examen direct peut indiquer
immédiatement si la contamination est d’origine humaine. La culture isole en 8 à 30 jours le dermatophyte. Ce
dernier donne des indications épidémiologiques précises, qui aideront le médecin dans sa démarche thérapeutique.
Le traitement des teignes du cuir chevelu repose toujours, actuellement, sur la griséofulvine per os. Elle est prescrite
pendant 6 à 8 semaines en association avec un antifongique topique. Fongistatique, la griséofulvine reste très
efficace dans le traitement des teignes.
© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : dermatophytes, teignes, Tinea capitis, griséofulvine, alopécie.


Introduction

En France, les teignes du cuir chevelu, pathologie


Tableau I. – Principaux dermatophytes responsables des teignes.

M. canis
Espèce Transmission
Zoophile
Rechercher contact
Pelage de certains mammifères (chats, chiens)
enfantine par excellence, ne posent plus de véritable
problème de santé publique. M. langeronii Anthropophile Afrique noire
Depuis les années 1950, la prescription de T. soudanense Anthropophile Afrique noire
griséofulvine dans les teignes anthropophiles avait
maîtrisé cette pathologie. Elle est réapparue dans les T. gourvilii Anthropophile Afrique noire
années 1980, avec l’augmentation de l’immigration T. violaceum Anthropophile Afrique du Nord
de populations originaires d’Afrique essentiellement, Afrique noire
mais n’a jamais repris l’ampleur des épidémies du
milieu du XIXe siècle, où les enfants étaient regroupés T. tonsurans Anthropophile Amérique (Afro-Américains)
dans des classes de teigneux. Actuellement, le Inde
Europe de l’Est
problème médical des teignes provient des teignes
anthropophiles, dont la clinique est souvent peu T. mentagrophytes Zoophile et tellurique Pelage de certains mammifères (cobayes,
évocatrice : elles ne sont pas toujours diagnosti- lapins, chats, chevaux)
quées, ce qui permet leur dissémination [6, 7]. Les Terre
teignes peuvent provenir aussi d’un réservoir
M. : Microsporum ; T. : Trichophyton.
animal ; c’est le cas le plus fréquent en milieu rural
ou dans les villes de moyenne importance [5, 18, 19] ;
ce sont surtout les animaux de compagnie (chats, Ces champignons sont à l’origine d’infections s’agit de Microsporum (M.) langeronii (variant africain
lapins nains) qui sont à l’origine de la contamination. superficielles de la peau et des phanères. Le réservoir de Microsporum audouinii), qui prédomine en
Les teignes zoophiles, souvent inflammatoires des dermatophytes peut être la terre, le pelage des Afrique en zone humide, et de T. soudanense, plus
contrairement aux teignes anthropophiles, sont animaux, la peau, les ongles ou les cheveux de fréquent en savane sèche [22]. Les enfants atteints
facilement diagnostiquées [23]. l’homme. Ceci permet de distinguer, selon leur sont nés en France et n’ont fait habituellement
habitat préférentiel, des dermatophytes telluriques, aucun séjour à l’étranger. La contamination a lieu au
zoophiles ou anthropophiles (tableau I).


sein de la famille et non à l’école, comme cela est
Le dermatophyte le plus impliqué en pathologie, démontré dans plusieurs publications. Ceci incite à
Épidémiologie [4, 8, 11]
Trichophyton (T.) rubrum, parasite strictement ne pas appliquer l’éviction scolaire de façon stricte, et
humain, n’est pratiquement jamais à l’origine de à permettre aux enfants de retourner à l’école dès
Les teignes sont des mycoses dues à des teignes. Seuls quelques cas isolés sont décrits chez qu’un traitement local et général est entrepris [16, 23].
dermatophytes, champignons microscopiques des enfants atteints de dermatoses congénitales [2]. Mais cette attitude n’est pas admise partout, car M.
cosmopolites qui ont une affinité particulière pour la Les dermatophytes anthropophiles à l’origine des langeronii donnerait facilement des épidémies en
kératine. teignes proviennent essentiellement d’Afrique. Il milieu scolaire [ 2 4 ] . D’autres dermatophytes

1
8-0926 - Teignes du cuir chevelu

Tableau II. – Aspect cliniques des teignes du cuir chevelu.

Type Clinique et examen direct du cheveu Dermatophyte


Teignes tondantes • Grandes plaques d’alopécie (> 2 cm) ; fluorescence M. canis
en lumière ultraviolette ; examen direct du cheveu : M. langeronii
parasitisme type microsporique
• Petites plaques d’alopécie (quelques millimètres) ; T. soudanense
pas de fluorescence en lumière ultraviolette ; examen T. violaceum
direct du cheveu : parasitisme type endothrix T. gourvilii
T. tonsurans
Teignes suppurées Kérions (quelques centimètres) ; pas de fluores- T. mentagrophytes
1 Chat teigneux (Microsporum canis) : nombreuses cence ; examen direct du cheveu : parasitisme type T. verrucosum
ecto-endothrix M. gypseum
plaques d’alopécie avec présence de croûtes conte-
nant des spores. Teigne favique Godet favique (quelques millimètres) ; fluorescence T. schoenleinii
vert foncé ; examen direct du cheveu : parasitisme
originaires d’Afrique centrale ou du pourtour de la type favique (endothrix, rares filaments)
Méditerranée sont plus rarement à l’origine de
teignes : T. gourvilii et T. violaceum. T. tonsurans est
fréquent aux États-Unis surtout dans la population
noire, ainsi qu’en Amérique du Sud [1]. Il est présent
aussi en Inde, en Grande-Bretagne, Espagne, dans
les pays de l’Est, et réapparaît depuis quelques
années en France [ 1 3 ] . T. tonsurans donne
fréquemment des lésions très discrètes, atypiques,
qui simulent d’autres affections dermatologiques,
mais dans certains cas les lésions peuvent aussi être
inflammatoires [ 1 ] . Les porteurs sains sont
fréquents [12].
Les teignes anthropophiles sont particulièrement
fréquentes en France dans les grandes villes
2 Teigne tondante à grande plaque d’alopécie chez 3 Examen direct d’une teigne tondante microspori-
cosmopolites. Partout ailleurs, ce sont les
un enfant, due à Microsporum canis. que (Microsporum canis). Présence d’une volumi-
dermatophytes zoophiles qui prédominent dans
neuse gaine de spores autour du cheveu.
l’étiologie des teignes, du fait du grand nombre
dermatophyte joue dans la formation des plaques
d’animaux de compagnie. Il s’agit de M. canis
d’alopécie. Lorsque le champignon envahit le millimètres de l’ostium folliculaire, ils forment une
transmis surtout par le chat (fig 1), et de T.
cheveu, celui-ci, fragilisé, casse. Ceci aboutit aux sorte de brosse et sont fluorescents en lumière de
mentagrophytes (lapin, cheval, chat, chien, souris,
teignes tondantes (à grandes ou petites plaques Wood. Ce qui reste des cheveux est prélevé à la
cobaye, chinchilla, furet…). La contamination se fait
d’alopécie). Dans la teigne favique (actuellement pince à épiler. Au microscope, on observe un
par l’animal de compagnie directement ou par ses
rare), les filaments, peu nombreux, ne fragilisent pas envahissement du cheveu par des filaments, et
poils infestants répandus dans l’environnement de
le cheveu. La destruction du cheveu provient de surtout on visualise un manchon de petites spores
l’enfant. Les spores présentes dans les poils restent
l’envahissement du follicule par le champignon (type microsporique) en périphérie (fig 3). Les deux
vivantes de longs mois, ce qui explique des
entraînant une alopécie définitive. principaux agents sont M. canis (zoophile) et M.
réinfestations fréquentes et tardives lorsqu’il existe
Cliniquement, on distingue trois types de teignes : langeronii (anthropophile).
un manque d’hygiène [20]. La contamination par la
les teignes tondantes, les teignes suppurées et la
terre due aux dermatophytes telluriques (M. ¶ Microsporum canis
teigne favique ou favus (tableau II).
gypseum) devient de plus en plus rare, même chez M. canis est transmis par les animaux, le chat
L’examen en lumière de Wood (lumière
les personnes ayant un mode de vie rural. De temps essentiellement, souvent le lapin, parfois le chien…
ultraviolette) aide au diagnostic. En effet, dans les
à autre, on peut observer un kérion du cuir chevelu Ce dermatophyte est à l’origine d’épidémies
teignes à grandes plaques d’alopécie (microspo-
dû à M. gypseum, chez un enfant qui s’est blessé en familiales dont le point de départ est l’arrivée de
riques), il existe une fluorescence vert clair des
jouant dans un jardin. l’animal contaminateur. Seuls les enfants sont
cheveux cassés sur la plaque d’alopécie. Cette
Les teignes sont l’apanage des enfants d’âge atteints de teignes du cuir chevelu. Des lésions
fluorescence est caractéristique, mais inconstante si
scolaire ; cependant, des adultes d’origine africaine circinées du visage, du cou sont souvent associées
un traitement a déjà été appliqué.
peuvent être porteurs sains de Trichophyton sur le (fig 4).
cuir chevelu et contaminer leurs enfants [17]. En ‚ Teignes tondantes Chez les parents, on observe des lésions cutanées.
Europe, chez les femmes adultes ayant des facteurs La contamination se fait directement au contact de
Elles se caractérisent par l’apparition de plaques
favorisants, comme un déficit œstrogénique ou une l’animal malade, ou de ses poils disséminés dans
d’alopécie. Selon la taille de ces plaques et le type de
corticothérapie, des teignes tondantes peuvent se l’environnement. Ces poils peuvent être à l’origine
parasitisme du cheveu, on distingue classiquement
voir [21]. de recontamination, car les spores restent longtemps
les teignes microsporiques et trichophytiques.
infestantes (plusieurs mois). Des prélèvements d’air
Cependant, cette différenciation n’est pas toujours
réalisés chez des familles infectées ont montré la


aussi évidente sur le plan clinique, comme on le
fréquence de spores très abondantes justifiant un
Clinique constate dans des enquêtes épidémiologiques en
nettoyage soigneux de tous les objets, des sièges et
Afrique [22].
des sols. Des vêtements, coussins, canapés, peluches
Teignes microsporiques peuvent être contaminés par des spores [20].
Les manifestations cliniques dépendent de la
réaction inflammatoire de l’hôte, et du type de Elles sont caractérisées par la cassure des cheveux ¶ Microsporum langeroni
parasitisme du cheveu. Les dermatophytes mal entraînant une ou plusieurs zones d’alopécie de M. langeronii est un dermatophyte anthropophile
adaptés à l’homme (espèces zoophiles et telluriques) plusieurs centimètres de diamètre (fig 2). Le cuir venant d’Afrique noire, fréquent dans les familles
donnent des lésions inflammatoires (teignes chevelu a un aspect squameux plus ou moins récemment immigrées. Sa contagiosité au sein d’une
suppurées ou kérions), associées à une adénopathie inflammatoire. Il n’y a pas de prurit. Sur ces plaques, collectivité d’enfants, plus importante que celle de T.
satellite. Le degré d’envahissement du cheveu par le on trouve encore les cheveux cassés à quelques soudanense, justifie une éviction scolaire [24]. Les

2
Teignes du cuir chevelu - 8-0926

7 Examen direct d’une teigne tondante trichophyti-


que (Trichophyton violaceum). Le cheveu est rempli
de spores.

4 Épidermophyties circinées du visage chez deux sœurs, dues à Microsporum canis.

8 Kérion suraigu chez un enfant, dû à Trichophyton


mentagrophytes. La lésion est suppurée, douloureuse.
la règle, et des prélèvements doivent être faits
6 Teigne tondante évoluant depuis plus de 1 an chez systématiquement chez tous les frères et sœurs.
un enfant originaire d’Afrique.
‚ Teignes suppurées ou kérions
plus, les lésions sont souvent atypiques et peuvent Elles sont plus rares que les précédentes et
être confondues avec une dermatite séborrhéique, peuvent atteindre le cuir chevelu de l’enfant, de la
un eczéma, une fausse teigne amiantacée, une femme adulte, ou l’homme au niveau de la barbe
pseudopelade. Des surinfections bactériennes (sycosis).
peuvent se voir surtout chez les patients qui ont un Ces teignes suppurées sont dues à des
traitement inadapté. Les plaques alopéciques dermatophytes zoophiles ou telluriques
mesurent au départ quelques millimètres de (M. gypseum). Elles se présentent sous la forme d’un
diamètre, puis s’étendent et deviennent placard érythémateux de plusieurs centimètres de
cliniquement évidentes (fig 6). Les cheveux sont diamètre ; des pustules apparaissent à la base des
cassés à leur émergence et apparaissent sous forme cheveux (fig 8). Puis, les cheveux sont éliminés par le
5 Teigne à Microsporum langeronii (fillette de 4 ans de points noirs, ou sont emprisonnés dans des pus. La douleur est intense et une adénopathie
originaire de Guinée). Les plaques d’alopécie sont croûtes de petite taille. Aucune fluorescence n’est satellite est souvent retrouvée.
moins nettes que dans la teigne à Microsporum canis. observée. L’examen direct du cheveu montre son Les dermatophytes les plus souvent en cause
envahissement par des spores donnant un aspect en sont : T. mentagrophytes transmis par la terre ou par
plaques d’alopécie sont souvent moins bien limitées
sac de noisettes (fig 7). Les dermatophytes les plus un animal (lapin, souris, chat, cheval) ; T. verrucosum
que celles dues à M. canis (fig 5). Les lésions
fréquemment impliqués sont : T. soudanense et T. est très présent en milieu d’élevage de bovins ; M.
cutanées sont rares, contrairement à ce qu’on
violaceum. T. gourvilii et T. tonsurans sont canis peut aussi être à l’origine de kérion.
observe avec M. canis. M. langeronii peut persister
actuellement de plus en plus fréquents. Le diagnostic clinique est facile lorsqu’on pratique
après la puberté de façon inapparente surtout chez
depuis longtemps la médecine rurale, mais cette
les femmes, ce qui peut être à l’origine d’infections ¶ Trichophyton soudanense pathologie est mal connue des citadins, et il peut y
néonatales. La contamination est interhumaine, Il est isolé chez des enfants dont la famille est
avoir confusion avec un abcès bactérien, ce qui
familiale. Les sources d’infections peuvent être des originaire d’Afrique noire (en particulier du Sénégal
conduit l’enfant chez le chirurgien. Au laboratoire, le
objets : foulards, barrettes, peignes, casquettes. Il faut et du Mali). Comme M. langeronii, il peut être porté
prélèvement n’est pas facile du fait de la douleur. Il
donc éviter que les enfants échangent leurs de façon asymptomatique par les mères de ces
faut soulever les croûtes pour obtenir des cheveux
accessoires de coiffure. Ces teignes sont facilement enfants. Des prélèvements systématiques, faits à
parasités, qu’on prélève ensuite à la pince à épiler.
diagnostiquées par l’examen mycologique. l’écouvillon humidifié, ont montré la fréquence de ce
Une dizaine de cheveux ainsi que du pus sont
Teignes trichophytiques portage asymptomatique chez les adultes [17, 21].
nécessaires à un bon diagnostic. L’évolution des
De transmission exclusivement interhumaine, ¶ Trichophyton violaceum et Trichophyton kérions est favorable avec le traitement, qui
elles sont devenues fréquentes en France dans les gourvilii comporte des antifongiques par voie générale et
grandes villes cosmopolites, surtout depuis les Ils donnent des teignes discrètes. Il s’agit au début locale, éventuellement associés à des corticoïdes
années 1980, du fait de l’augmentation de d’un aspect séborrhéique du cuir chevelu, avec une pendant quelques jours afin de diminuer la douleur.
l’immigration africaine. desquamation farineuse, et présence de petites Une alopécie cicatricielle n’est pas rare lorsque le
Le début de la contamination par ces teignes est croûtes qui renferment des débris de cheveux cassés diagnostic n’a pas été fait rapidement, entraînant des
insidieux, ce qui explique le retard au diagnostic. De au ras du cuir chevelu. La contamination familiale est retards thérapeutiques.

3
8-0926 - Teignes du cuir chevelu

La terbinafine (Lamisilt), qui est un antifongique


fongicide contre les dermatophytes et se présente
sous forme de comprimés sécables à 250 mg, n’a
pas encore l’autorisation de mise sur le marché
(AMM) pour le traitement des teignes chez l’enfant. Il
est réservé en France aux patients de plus de 15 ans.
Ce produit a fait preuve de son efficacité dans les
teignes du cuir chevelu dans de nombreux pays, de
même que l’itraconazole et le fluconazole [10, 12].
Le succès thérapeutique de ces produits est
meilleur pour les teignes trichophytiques que pour
celles à M. canis. L’itraconazole peut être une
10 Examen direct d’une teigne favique (Trichophy- alternative en cas d’inefficacité de la griséofulvine [15].
9 Teigne favique chez une jeune fille Nord-Africaine
ton schoenleinii). Présence de rares filaments dans le En France, il est plutôt conseillé de prolonger la durée
due à Trichophyton schoenleinii. Les croûtes sont des
cheveu. du traitement et d’augmenter les doses de
godets faviques.
griséofulvine [7].
Dans les kérions, une corticothérapie générale de
‚ Teigne favique (favus)
Éviction scolaire quelques jours associée au traitement antifongique
Cette teigne est actuellement très rare en France, per os peut diminuer la douleur due à l’inflam-
L’éviction scolaire, bien
mais aussi dans les pays du Maghreb où elle ne mation, mais ne raccourcit pas la durée du
représente plus que 0,6 % des teignes [9], alors qu’elle
qu’actuellement très controversée [16,
traitement.
était très fréquente au début du XXe siècle. Elle est
23]
, est encore obligatoire (décret du
Dans tous les cas, des traitements locaux sont
due à T. schoenleinii, dermatophyte anthropophile JO du 31 mai 1989 et BO n° 8 du indispensables pour compléter l’action fongistatique
qui donne une alopécie définitive. Le godet favique, 22 février 1990). Il est dit que le de la griséofulvine. Les produits utilisables sont
situé à la base du cheveu, se présente sous forme malade nécessite « une éviction nombreux :
d’une croûtelle jaunâtre, friable, centrée par le scolaire jusqu’à la présentation d’un – imidazolés (Pevarylt, Amycort, Mykt, Fonxt,
cheveu (fig 9). La lumière de Wood donne une certificat attestant qu’un examen Kétodermt sachet-dose) ;
fluorescence verdâtre du cheveu malade sur toute sa – ciclopiroxolamine (Mycostert) ;
mycologique a montré la disparition de
longueur. Il ne casse pas, car le parasitisme – tolnaftate (Sporilinet).
intrapilaire est peu important (fig 10). L’odeur
l’agent pathogène ». En pratique,
l’éviction scolaire ne se justifie que Pour traiter les régions pileuses, les formes
caractéristique de souris n’est perceptible que dans galéniques les mieux adaptées sont les lotions, les
les lésions étendues. pour les teignes anthropophiles :
gels moussants ou les émulsions fluides.
8 jours de traitement font disparaître
le risque de contagion. Il est ‚ Prévention


Diagnostic de certitude

Même si l’aspect clinique est très évocateur d’une


indispensable de dépister et de traiter
(par un shampooing antifongique) les
porteurs sains. Cette enquête doit être
faite à l’école mais aussi dans la
La prévention des réinfestations passe par un
nettoyage minutieux de l’environnement des
patients : vêtements, coiffures, sièges, coussins,
oreillers. Une poudre antifongique peut être utilisée
teigne, l’examen mycologique est le meilleur moyen pour désinfecter les objets non lavables. Tous les
famille de l’enfant malade.
pour faire un diagnostic de certitude. Il permet, en objets de toilette et de coiffure (peignes, barrettes,
plus, d’avoir une action efficace pour éviter les brosses à cheveux, casquettes, foulards) doivent être
recontaminations. européens [14], mais aussi aux États-Unis [3]. La désinfectés. Si l’origine de la contamination est un
Le diagnostic mycologique comprend : posologie est de 15 à 20 mg/kg/j à prendre en deux animal, il doit être vu et traité par le vétérinaire.
– l’examen en lumière de Wood ; prises au cours des repas. L’association à des corps L’absence de lésions évidentes du pelage de l’animal
– un examen direct de cheveux (prélevés à la gras facilite l’absorption digestive. Si l’enfant est très ne doit pas faire éliminer un portage du
pince à épiler) ; jeune, les comprimés sont finement broyés et champignon, qui peut être isolé par un prélèvement
– une culture sur milieu de Sabouraud. mélangés avec un aliment liquide. La durée du mycologique.
L’examen en lumière de Wood donne une traitement est de 6 à 8 semaines. Il est nécessaire de Dans les teignes anthropophiles, il est
orientation : en cas de fluorescence vert clair, il s’agit revoir l’enfant au bout de 1 mois de traitement, et de indispensable d’examiner le cuir chevelu de toute la
d’une teigne microsporique. le suivre jusqu’à guérison clinique et mycologique fratrie ainsi que des parents. Il est nécessaire de
L’examen direct de quelques cheveux oriente, en (par des prélèvements de contrôle). La griséofulvine rechercher un onyxis des mains, qui, chez un adulte,
cas de parasitisme par des spores à l’intérieur du est fongistatique, elle se fixe électivement sur la peut être à l’origine d’une contamination par un
cheveu, vers une teigne d’origine humaine. Ceci kératine et doit être associée à un traitement Trichophyton.
amène le clinicien à mettre immédiatement en route antifongique topique. La griséofulvine est en général
un traitement antifongique, et à faire une enquête bien tolérée chez l’enfant.
familiale (qui comprend les frères et sœurs mais
aussi les parents).
Les teignes à M. canis peuvent montrer une
certaine résistance. Dans ce cas, certains auteurs [7]
préconisent d’augmenter les doses à 25 mg/kg/j. ■
Conclusion


Le kétoconazole (Nizoralt) peut être prescrit chez Les teignes du cuir chevelu sont toujours une
l’enfant s’il existe une intolérance à la griséofulvine. Il pathologie fréquente en France, de diagnostic
Traitement
est nécessaire d’arrêter pendant 1 mois la parfois difficile. Ceci doit inciter tout personnel
griséofulvine avant d’entreprendre le traitement par soignant, face à une lésion du cuir chevelu chez un
Le traitement repose sur la griséofulvine donnée kétoconazole, sous peine de problèmes hépatiques enfant, à réaliser un prélèvement mycologique.
par voie générale (Griséfulinet comprimés sécables sévères. Celui-ci permet d’affirmer le diagnostic de teigne et
à 250 et 500 mg). Ce produit est utilisé pour traiter Il existe sous forme de comprimés sécables à d’être très efficace sur le plan épidémiologique et
les teignes du cuir chevelu dans la plupart des pays 200 mg. thérapeutique.

4
Teignes du cuir chevelu - 8-0926

Nelly Contet-Audonneau : Docteur,


laboratoire de mycologie, hôpital Fournier, CHU de Nancy, 36, quai de la Bataille, 54035 Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : N Contet-Audonneau. Teignes du cuir chevelu.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0926, 2003, 5 p

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5
8-0915
8-0915

Traitement des peaux sèches


Encyclopédie Pratique de Médecine

C Bieder

L a peau sèche ou xérose peut être un symptôme isolé (sécheresse physiologique du nourrisson et du jeune
enfant, sécheresse hivernale) mais elle peut également faire partie de la symptomatologie de certaines
maladies dont les plus fréquentes sont la dermatite atopique et les ichtyoses.
Le traitement symptomatique de la peau sèche a pour objectif de reconstituer le film hydrolipidique en apportant de
l’eau et des graisses (céramides, cholestérol et acides gras polyinsaturés).
© Elsevier, Paris.


est évident que ce traitement symptomatique ne
Physiopathologie pourra être efficace que si l’on agit sur les facteurs L’objectif du traitement est de :
étiologiques. ✔ reconstituer l’hydratation ;
✔ reconstituer les lipides de


Dans une peau normale, les kératinocytes sont l’épiderme ;
jointifs. Ils sont entourés d’un mélange lipidique et Clinique ✔ reconstituer l’orthokératose.
aqueux qui entretient une certaine lubrification. Il
existe également un ciment intercornéocytaire, riche
en céramides. Pour atteindre les buts fixés, nous disposons de
La peau sèche peut se définir cliniquement comme
moyens substitutifs et de moyens de surveillance.
Les anomalies de la peau sèche ont été bien une peau qui a perdu son caractère lisse au toucher et
étudiées dans la xérose de la dermatite atopique. Il à la vue et qui paradoxalement est humide, c’est-à-dire ‚ Moyens substitutifs
s’agit : qu’elle a perdu son pouvoir de rétention de l’eau.
– de la synthèse des céramides par les corps Agents hydratants
d’Odland (ou kératinosomes) qui est fortement
diminuée dans la dermatite atopique par rapport à la
Les conséquences de la peau sèche ¶ Phase
peau normale ; dans la dermatite atopique sont : Une émulsion est un mélange de deux substances
– des pertes transépidermiques d’eau (PTE) qui sont ✔ l’inconfort et l’augmentation du non miscibles, l’une hydrophile, l’autre lipophile ; la
augmentées. Quand on palpe une peau sèche, elle est prurit ; stabilisation du mélange nécessite en général la
présence d’un émulsionnant ou d’un tensioactif.
paradoxalement humide. Dans la dermatite atopique, ✔ l’augmentation de la
la xérose de la peau lésée est supérieure à la xérose de Dans les émulsions lipophiles-hydrophiles (L/H), la
consommation des corticoïdes ;
la peau apparemment normale qui est elle-même phase continue est aqueuse, la phase dispersée est
✔ la diminution de l’effet barrière de huileuse. Dans les émulsions hydrophiles-lipophiles
supérieure à la xérose d’une peau témoin, c’est-à-dire
la peau.
que : PTE en peau lésée > PTE en peau normale > PTE (H/L), la phase continue est huileuse (lipophile), la
d’une peau témoin. En effet, il existe : phase dispersée est aqueuse (hydrophile). Lorsque ces
Chez l’atopique, le déficit en enzyme delta 6 ✔ une augmentation des déperditions émulsions sont appliquées sur la peau, l’eau qu’elles
désaturase entraîne une diminution de l’acide transépidermiques d’eau ; contiennent va s’évaporer, laissant un film lipidique
linolénique et de l’acide gammalinolénique, en partie ✔ une augmentation de l’adhésion plus ou moins important.
responsable de la xérose par l’augmentation de la PTE des staphylocoques ; Le sens, la nature de l’émulsionnant et les
qu’elle entraîne. La peau sèche de la dermatite ✔ une diminution de la tolérance aux proportions des constituants conditionnent le pouvoir
atopique présente des anomalies de son microrelief hydratant du produit. L’utilisation d’une émulsion
soins d’hygiène ;
qui est irrégulier et désorganisé. On peut désormais grasse est plus logique que celle des corps anhydres
✔ une augmentation de la pénétration comme la vaseline. L’eau qu’elle contient permet la
objectiver le symptôme et l’efficacité de son traitement
à l’aide de tests fonctionnels cutanés qui montrent que des allergènes. reconstitution du film hydrolipidique en maintenant
dans la peau sèche : un gradient minimal de teneur en eau entre les


– le diamètre des cornéocytes diminue ; couches profondes et superficielles du stratum
– la conductance diminue ; Traitement corneum (elle régularise le flux hydrique
– la capacité de rétention de l’eau diminue. transépidermique).
Le traitement symptomatique de la peau sèche Les émulsions grasses (H/L) ont une grande
aura donc pour objectif de reconstituer le film Le but du traitement est de reconstituer une peau rémanence et substantivité et régulent bien le flux de
hydrolipidique en apportant de l’eau à l’aide d’un normale avec une hydratation normale. Il est PTE. Les émulsions L/H additionnées d’agents
produit hygroscopique et en apportant des graisses nécessaire de disposer de produits adaptés à l’hygiène hydratants peuvent apporter également un grand
qui se rapprochent le plus possible des graisses des peaux sèches en général et de la dermatite confort car ils contiennent des agents du NMF (facteurs
© Elsevier, Paris

épidermiques (céramides, cholestérol et acides gras atopique en particulier car la desquamation peut être naturels d’hydratation) :
polyinsaturés). augmentée par les produits moussants qui vont – acide lactique < 10 % ;
On a beaucoup insisté sur l’apport des acides gras enlever les graisses cutanées, augmenter les – acide pyrrolidone carboxylique ;
polyinsaturés dans la dermatite atopique, dans déperditions transépidermiques d’eau et aggraver ou – acides aminés ;
laquelle existe un déficit en delta 6 désaturase. Mais il provoquer une sécheresse cutanée. – urée 5 à 10 %.

1
8-0915 - Traitement des peaux sèches

¶ Graisses fait après le bain sur la peau encore humide, deux fois
Les phases grasses des émulsions comportent deux par semaine en moyenne. L’occlusion est réalisée par
types de composés. une combinaison en plastique chez l’adulte, par les
vêtements occlusifs Glaxot chez l’enfant.
Composés hydrophobes
Indispensable dans les érythrodermies ichtyosiformes
Ils sont insolubles dans l’eau et onctueux au
sèches, l’occlusion peut être utile dans d’autres
toucher. Ils sont occlusifs et donc freinent la perte d’eau
circonstances, par exemple dans une ichtyose liée à
transépidermique. Ce sont :
l’X.
– les hydrocarbures d’origine minérale (vaseline,
paraffine) ;
Rééducation de la sueur
– les hydrocarbures d’origine animale (le squalène
hydrogéné, extrait de certaines huiles de poisson) ; Chez l’enfant, il existe une hypohydrose
– les cires, d’origine végétale (cire de karité) ou fonctionnelle. La rééducation de la sueur consiste à
animale (cire d’abeille, blanc de baleine ; la cire donner à l’enfant des bains chauds afin d’améliorer sa
d’abeille est utilisée pour la préparation du capacité à transpirer.
cold-cream) ;
– les huiles et graisses naturelles, d’origine végétale ‚ Moyens de surveillance
(amande douce, olive, arachide, germe de blé, avocat, 1 Sécheresse physiologique d’un nouveau-né de 10
onagre) ou animale (foie de morue, axonge). La surveillance portera :
jours.
– essentiellement sur les scores. Dans la dermatite
Composés hydrophiles atopique, le Scorad (Scoring atopic dermatitis) a été mis
Certaines substances ont la double propriété au point et validé au niveau européen. Il prend en – la peau desséchée par des facteurs externes
d’occlusivité et d’hygroscopicité due à leur double compte l’extension des lésions, leur intensité et la gêne climatiques (froid, soleil) ou cosmétiques (bains
polarité chimique (un pôle hydrophile et un pôle qu’elles entraînent. Comme les autres items (érythème, moussants).
lipophile) : œdème, suintement, croûte, lichénification), la
– la lanoline est l’excipient le plus proche du ¶ Hygiène
sécheresse est cotée de 0 à 3. Le prurit et l’insomnie
sébum, elle a un bon pouvoir pénétrant et émollient. L’hygiène de l’enfant comportera un bain ou une
sont cotés de 0 à 10. Le Scorad permet d’évaluer l’effet
Cependant, elle peut provoquer une dermite douche soit avec un savon surgras, surgraissé le plus
du traitement et de comparer les effets thérapeutiques
d’irritation ou de sensibilisation ; souvent avec des huiles végétales, du karité, amande
de différents médicaments ;
– les phospholipides ; douce, jojoba (savon surgras La Roche-Posayt, Rogé-
– sur la résistivité cutanée. L’hypoconductivité
– les céramides favorisent la reconstitution des Cavaillèst) ou avec un pain ou syndet, un gel douche
électrique du tégument peut être mesurée à l’aide du
lipides lamellaires intercellulaires, réduisant ainsi la ou une mousse lavante qui sont à base de tensioactifs
Corneometer. La mesure est très aisée et quasi
perte en eau ; (anionique, amphotères et non ioniques). Ces produits
instantanée ;
– les crèmes contenant de l’acide linolénique ou ont un pH légèrement acide bien adapté au pH cutané
– sur les pertes insensibles en eau (PTE). Un
gammalinolénique peuvent compenser les carences normal. Ils sont additionnés d’adjuvants surgraissants
évaporimètre (Evaporimeter EP1t) permet de les
en acides gras polyinsaturés. (huile végétale, lait d’avoine, calendula), pain Nioléolt,
mesurer.
pain surgras au cold cream Avènet, pain Cetaphilt,
Principes actifs
Dermofloret, Saugellat Dermoliquide, Surgras liquide
Les principes actifs hygroscopiques ou agents
‚ Conduite thérapeutique (tableau I) La Roche-Posayt, pain et gel moussant surgras
humectants sont capables de fixer l’eau au sein du
Le traitement sera décidé en fonction de l’intensité Adermat, Uriaget.
stratum corneum (on augmentera ainsi la rétention de
l’eau apportée par les émulsions). Actuellement, les de la sécheresse cutanée et en fonction de l’étiologie. ¶ Émollients
principes actifs les plus utilisés dérivent de la On pourra utiliser ici des émulsions H/E contenant
composition du NMF : Premier degré : sécheresse légère (fig 1)
des huiles végétales (amande douce, jojoba, karité) ou
– l’acide pyrrolidone-carboxylique et son sel de La desquamation est ici invisible ou à peine visible. d’autres agents adoucissants (calendula) et hydratants
sodium 2 à 5 % ; Par exemple : (glycérine), Lipikart, Atodermt crème, Suppletivet,
– l’acide lactique est également un alpha-hydroxy- – la peau sèche physiologique de l’enfant ; Ictyanet, mais également des émulsions E/H.
acide (AHA) qui agit sur l’hyperkératose des ichtyoses.
Il peut être potentialisé par le propylène glycol ;
– l’urée possède un fort pouvoir de pénétration au Tableau I. – Conduite thérapeutique en pratique courante.
sein du stratum corneum. Elle est hydratante à des
concentrations de 5 à 10 %. Elle est kératolytique à Premier degré : sécheresse légère
plus forte concentration de 15 à 30 % et très utilisée Bain ou douche avec :
sur les peaux ichtyosiques. L’urée est dépourvue savon surgras : savon surgras Roche-Posayt, Rogé-Cavaillèst...
d’effets allergisants ou phototoxiques ; ou pain, syndet, gel douche, mousse lavante à base de tensioactifs : pain Nioléolt, pain surgras au cold
– le propylène glycol a un fort pouvoir hydratant à cream Avènet, pain Cetaphilt, Dermofloret, Saugellat Dermoliquide, Surgras liquide La Roche-Posayt,
des concentrations de 30 à 60 % et est très utile dans pain et gel moussant surgras Adermat, Uriaget...
les ichtyoses, avec ou sans occlusion. Il peut être Émollients : Lipikart, Atodermt crème, Suppletivet, Ictyanet...
associé à l’acide lactique ;
Deuxième degré : sécheresse modérée (dermatite atopique par exemple)
– le lactate d’ammonium (acide lactique neutralisé
par de l’hydroxyde d’ammonium) diminue la cohésion Bains quotidiens tièdes ou à moins de 37 °C additionnés d’huiles végétales ou d’extrait de céréales : huile
des cellules de la couche cornée, l’épaisseur de la d’Uriaget, Oleatum émollientt, bain au lait d’avoine Adermat, bains Aveenot...
couche cornée et améliore la teneur en eau Préférer les syndets ou les mousses lavantes aux savons surgras
épidermique. À faible concentration, cet AHA Émollients :
tamponné est intéressant pour le traitement de la Xérodermt, Xérial 3t
ou Exomegat, Hypheat delta 6, Atodianet, Topialyset, cold cream fluide Roct Dermatologic...
peau sèche de l’atopique.
Troisième degré : sécheresse importante (ichtyose liée à l’X par exemple)
Occlusion
Bains avec des huiles
Elle est importante : Crèmes hydratantes à appliquer sur peau mouillée. L’urée à 10 % facilite l’hydratation de la kératine
– sur les peaux sèches, l’hydratant à phase (Urexinet, Xérial 10t). Elle est associée à l’acide salicylique 1,5 % dans Akeratt (l’urée à 30 % sera utili-
huileuse a un pouvoir occlusif. Appliqué sur la peau sée chez l’enfant de plus de 5 ans).
mouillée, il permet de garder l’eau sur la peau ; Produit hygroscopique indispensable. Une solution aqueuse de propylène glycol (30 à 60 %) sera appliquée
– dans les ichtyoses sèches, l’application d’une sur peau mouillée et gardée sous occlusion.
solution de propylène glycol à forte concentration se

2
Traitement des peaux sèches - 8-0915

2 Sécheresse du visage chez un enfant de 2,5 ans


associée à une dermatite atopique.

4 Petite fille de 2 ans et demi : xérose cutanée asso- 5 Petite fille de 2 ans. Xérose + dermatite atopique
ciée à une dermatite atopique (noter les plaques d’ec- du dos.
zéma aux plis des coudes).
simplement induite par l’inhalation des allergènes car
devront apporter, comme nous l’avons établi, du les cellules à mucus manquent sur l’arbre respiratoire
cholestérol, des céramides, des acides gras et la filtration des allergènes ne se fait pas. D’autre part,
polyinsaturés ; ces enfants présentent une hypohydrose importante.
– soit dans une émulsion H/E (Xéramancet, Le traitement sera le même que dans la dermatite
émolliente d’Uriage) soit, de préférence, dans une atopique.
émulsion E/H (Exomegat, Hypheat delta 6, Atodianet,
Topialyset, cold cream fluide Roct Dermatologic). Troisième degré : sécheresse importante
L’apport des acides gras polyinsaturés par voie (fig 8, 9, 10, 11, 12)
externe est suffisant, pouvant même corriger une Nous prendrons comme exemple une ichtyose liée
maladie carentielle systémique. Le traitement de la à l’X. L’hyperkératose est bien visible à type de
peau sèche dans la dermatite atopique doit augmenter squames polygonales en forme d’écailles plus grandes
le confort, diminuer la consommation des corticoïdes et plus noires que dans l’ichtyose vulgaire.
et restituer l’effet barrière. Les bains avec des huiles sont ici très utiles ; les
Dans la dysplasie ectodermique anhidrotique (DEA), crèmes hydratantes seront appliquées sur une peau
l’atopie, parfois associée, peut être dissociée du terrain mouillée. L’urée à 10 % facilite l’hydratation de la
atopique. En effet, dans la DEA, l’atopie peut être kératine (Urexinet, Xérial 10t). Elle est associée à
3 Xérose bien visible du dos. Même enfant que dans
la figure 2.

Deuxième degré : sécheresse modérée


(fig 2, 3, 4, 5, 6, 7)
¶ Desquamation
La desquamation est visible avec squames
furfuracées ou plus épaisses. Nous prendrons ici
comme exemple la xérose de la dermatite atopique.
La peau de l’atopique dont la barrière cutanée est
altérée est hyperperméable, ce qui favorise la
pénétration des irritants et/ou des allergènes contenus
dans les topiques. C’est pourquoi les cosmétiques
choisis devront être des produits adaptés tout
spécialement à la dermatite atopique, ne favorisant ni
l’infection (toujours latente, même infraclinique), ni
l’irritation et/ou la sensibilisation. L’hydratation de la
peau se fera par des bains quotidiens tièdes ou à
moins de 37 °C additionnés d’huiles végétales ou
d’extrait de céréales (avoine), huile d’Uriaget, Oleatum
émollientt, bain au lait d’avoine Adermat, bains
Aveenot. Aux savons surgras, ou préférera ici les
syndets ou les mousses lavantes déjà étudiés plus
haut.
¶ Émollients
Ces bains seront complétés par l’application de
crèmes :
6 et 7 Enfant de 20 mois. dermatite atopique et xérose cutanée sur peau noire. Peau sèche et plaques d’eczéma
– soit H/E apportant de l’acide lactique ou de l’urée
lichénifié du tronc.
(Xérodermt, Xérial 3t), mais surtout, ces crèmes

3
8-0915 - Traitement des peaux sèches

l’acide salicylique 1,5 % dans Akeratt (l’urée à 30 %


sera utilisée chez l’enfant de plus de 5 ans).
L’application d’un produit hygroscopique spécifique
est indispensable. Une solution aqueuse de propylène
glycol à une concentration de 30 à 60 % sera
appliquée sur la peau mouillée puis gardée sous
occlusion.


Conclusion

Le conseil cosmétique est important dans le


traitement des peaux sèches et correspond à un acte
médical éthique qui doit tenir compte du rapport
coût/efficacité. Le produit prescrit doit être efficace
mais, dans le même temps, il ne doit pas présenter de
risques d’allergie ou de toxicité. Les produits
cosmétiques mis au point par les laboratoires en
collaboration avec les dermatologues dans le
traitement des peaux sèches doivent faire l’objet d’une
pharmacovigilance d’autant plus stricte que la surface
8 et 9 Ichtyose vulgaire (autosomique dominant) chez un enfant de 9 ans.
de la peau à traiter est importante.

10 Ichtyose AD chez un enfant de 6 ans. Écailles 11 et 12 Ichtyose liée à l’X chez un adolescent de 17 ans. Atteinte plus légère du tronc. Écailles sombres
fines et claires des jambes. et adhérentes des membres.

Chantal Bieder : Dermatologue,


hôpital Armand Trousseau, 26, avenue du docteur Arnold-Netter, 75571 Paris cedex 12, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Bieder. Traitement des peaux sèches.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0915, 1998, 4 p

Références

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4
8-0925
8-0925

Troubles factices chez l’enfant


Encyclopédie Pratique de Médecine

SG Consoli

L es troubles factices sont des troubles provoqués dans un état de conscience claire par le sujet lui-même, sur son
propre corps. En outre, le sujet, ayant psychologiquement besoin de jouer le rôle de malade, dissimule sa
responsabilité dans la survenue de ses troubles aux différents soignants. Enfin, on ne retrouve pas de motif rationnel
précis pouvant expliquer une telle conduite pathologique ce qui distingue cette dernière de la simulation.
© Elsevier, Paris.


Pathomimies cutanées Autres symptômes
Introduction [5] On a aussi décrit chez l’enfant des troubles :
Les pathomimies cutanées sont les plus
fréquentes, peut-être parce que la peau est un – digestifs (hémorragies rectales, diarrhées,
organe visible et facile à atteindre. Elles surviennent vomissements) ;
Le trouble factice est l’expression somatique surtout chez des petites filles prépubères et leurs – articulaires ;
d’une grave souffrance psychique. Cependant, aspects cliniques sont très variés selon les moyens – oculaires ;
l’interlocuteur privilégié du malade est le médecin utilisés par ces enfants. On peut donc tout observer, – urinaires (infections urinaires).
somaticien. On conçoit donc facilement que, dans mais les excoriations et les ulcérations sont les Ces symptômes évoluent de façon capricieuse
ces conditions, les fonctions habituelles dévolues lésions cutanées les plus fréquemment rencontrées. avec des récidives inexpliquées si l’on excepte des
aux soignants, au malade et à la maladie ainsi que Elles ont des limites nettes et des contours changements dans la vie socioaffective des enfants.
les repères les plus solides de tout soignant géométriques. En outre, ils n’entrent pas dans le cadre d’une
concernant, par exemple, l’exercice de son métier, À propos des pathomimies cutanées, insistons sur maladie qui fait sa preuve.
soient complètement bouleversés. une forme clinique particulière et de meilleur La plupart des troubles factices peuvent entraîner,
Tous ces éléments rendent très difficiles les pronostic : la dermatose autoaggravée (par exemple surtout si le délai diagnostique est long, des
démarches diagnostique et thérapeutique en cas de des retards de cicatrisation en cas de plaie d’origine complications somatiques graves, parfois même
trouble factice. traumatique ou chirurgicale ou bien des récidives mortelles : accidents infectieux à répétition,
Ces démarches sont encore plus difficiles quand le d’eczéma par réexposition au produit allergisant). amputations, actes chirurgicaux répétés et
trouble factice apparaît chez un enfant. Or, les Il faut distinguer des pathomimies cutanées les délabrants...
troubles factices ne sont pas exceptionnels chez autres manipulations qui prennent le revêtement Enfin, ces troubles factices, ainsi que leurs
l’enfant et leur fréquence est certainement cutanéomuqueux et/ou les phanères pour cible mais complications, peuvent être associés, ce qui n’en
sous-estimée, leur diagnostic étant très souvent qui ne sont pas tenues secrètes par le sujet : facilite pas le diagnostic.
retardé. – la trichotillomanie qui consiste en l’arrachage Mais si le diagnostic de pathomimie est si difficile
Les troubles factices surviennent chez l’enfant par l’enfant de ses propres cheveux et/ou poils. Mais à poser, c’est parce que les médecins qui se sont
dans deux circonstances : cet acte d’arrachage est facilement reconnu par occupés d’un même enfant pathomime sont, bien
– le trouble factice est créé par l’enfant lui-même l’enfant quand une relation confiante avec le souvent, très nombreux. Ils ont multiplié et même
sur son propre corps : c’est la classique pathomimie ; médecin a pu s’établir ; répété les investigations, ont parfois des avis
– le trouble factice est créé sur le corps de l’enfant – les excoriations dites névrotiques dont on peut divergents, comme cela arrive quand on a le
par un sujet extérieur, la mère le plus souvent : c’est, rapprocher l’acné excoriée de l’adolescent. L’enfant sentiment d’avoir affaire à une affection rare et
selon la dénomination de Meadow, le syndrome de reconnaît facilement qu’il est l’auteur de ses difficile à étiqueter. Il n’est alors pas évident
Münchhausen dit par procuration ou mieux, par excoriations qui apparaissent fréquemment à la d’imaginer qu’un enfant, sur lequel on s’est la plupart
délégation [5]. suite d’intenses crises de démangeaison ; du temps tellement investi, ait provoqué lui-même
– les automutilations qui se rencontrent chez des ses lésions.
enfants souffrant de graves désordres de la De telles attitudes et de tels sentiments


personnalité. Le diagnostic est évident et l’enfant ne
compliquent la démarche diagnostique. Ils
Pathomimie dissimule pas sa responsabilité dans la survenue de
confortent l’enfant dans sa maladie ; celui-ci finit par
ses lésions.
croire à la réalité de sa maladie devant la conviction
Dans chacun des trois diagnostics différentiels de ses médecins et de ses parents. En outre, ces
‚ Contexte somatique cités, l’enfant ne dissimule pas sa responsabilité. derniers installent l’enfant dans une position
Le diagnostic de pathomimie est toujours difficile masochiste et peuvent le pousser à une surenchère
© Elsevier, Paris

à établir car tous les organes peuvent être concernés


Fièvres en ce qui concerne la production des lésions.
par la conduite pathologique. C’est donc l’ensemble Les fièvres par manipulation du thermomètre ou Envisager le diagnostic de pathomimie, c’est
de la pathologie pédiatrique qui devrait être passé plus rarement par la création d’une infection sont accepter de mettre en péril la relation que l’on
en revue. très fréquentes. entretient avec un enfant et c’est risquer de se sentir

1
8-0925 - Troubles factices chez l’enfant

désormais manipulé par lui et de lui en vouloir Il ne paraît pas souhaitable de révéler procuration sont le résultat, non seulement de
définitivement. brutalement à l’enfant que son stratagème est l’action du parent responsable, mais aussi de l’action
Le diagnostic de pathomimie ne devrait pas être démasqué (risque de surenchère somatique, de des médecins. Une étude a montré que dans 23 %
un diagnostic d’élimination. Il devrait être évoqué décompensation psychologique). Mais il est des cas, l’évolution morbide est en relation directe
par les médecins au même titre qu’un autre important que le médecin puisse aborder avec avec l’action de l’équipe soignante (examens
diagnostic. l’enfant le contexte psychologique dans lequel la complémentaires répétés et lourds, escalade
Le diagnostic repose sur la confrontation « maladie » est apparue. thérapeutique médicale et chirurgicale avec les
d’arguments somatiques et d’arguments Le médecin fait ainsi comprendre à l’enfant qu’il séquelles somatiques qui en découlent).
psychologiques en faveur d’une pathomimie. Une peut envisager qu’une souffrance psychique puisse Ainsi, l’enfant « fait les frais », si l’on peut dire, de
telle confrontation nécessite une collaboration s’exprimer au niveau du corps et que son rôle n’est ces deux actions qui conjuguent leurs effets
étroite et cohérente de tous les soignants concernés pas de juger la façon dont cette souffrance pathogènes [3].
par cette pathologie et la conviction profonde psychique s’exprime mais d’aider l’enfant à se
partagée par tous les soignants que la pathomimie débarrasser de cette dernière. ‚ Contexte somatique
est l’expression d’une souffrance psychique enfouie, Par ailleurs, un entretien clair avec les parents est
Le syndrome de Münchhausen par procuration
parfois ignorée par l’enfant lui-même. indispensable. Il doit être mené en dehors de la
atteint autant les garçons que les filles et l’âge
présence de l’enfant, avec tact, en étant soutenant et
‚ Contexte psychique moyen du diagnostic est de 40 mois.
non culpabilisant et en expliquant à ces parents,
souvent bouleversés, que la conduite de leur enfant Les symptômes sont extrêmement variés et
Les pathomimies de l’enfant surviennent le plus
signe avant tout une souffrance psychologique souvent associés, recouvrant toute la pathologie
souvent dans un milieu familial en crise (séparation,
préoccupante mais le plus souvent temporaire. Un pédiatrique, ce qui complique d’autant la démarche
divorce...) et/ou dans une situation d’échec scolaire.
tel entretien doit prendre le temps nécessaire aux diagnostique. Les différents auteurs insistent à ce
Les pathomimies de l’enfant réalisent propos sur l’importance, dans les cas cliniques
parents pour accepter et commencer à comprendre,
fréquemment un véritable appel à l’aide, une façon complexes, de vérifier l’histoire médicale de l’enfant
sans la juger, la conduite pathologique de leur
de provoquer l’intérêt de parents trop exigeants, par d’autres sources que la mère en se mettant, par
enfant. Leur aide sera en effet indispensable si le
exerçant sur leur enfant une pression importante - exemple, directement en rapport avec tous les
recours au pédopsychiatre est souhaitable.
en particulier sur le plan scolaire -, ou au contraire
médecins qui ont été concernés par le cas de cet
trop indifférents aux angoisses de leur enfant. Dans
enfant.


ces cas, le pronostic est bon et l’amélioration survient
Syndrome de Münchhausen Mais surtout dès que, chez un enfant, une
dès que le problème conflictuel est mis à jour et par procuration maladie paraît extraordinaire ou jamais encore
qu’une réponse affective est donnée à l’enfant.
décrite ou ne faisant pas sa preuve ou encore
Mais parfois, l’enfant persiste dans sa conduite Le syndrome de Münchhausen par procuration [1] suivant une évolution aberrante, il faut savoir penser
pathologique et l’on peut craindre l’existence non bouleverse les repères des soignants de façon ou plutôt il faut s’autoriser à penser au diagnostic de
seulement d’un état dépressif mais aussi de graves encore plus fondamentale que les pathomimies syndrome de Münchhausen par procuration, et cela
troubles de la personnalité qui demanderont une classiques. malgré les sentiments d’incrédulité et d’horreur
longue prise en charge psychiatrique avant toute
En effet, dans ce syndrome, qui est une forme très qu’une telle hypothèse diagnostique peut
amélioration somatique.
particulière de maltraitance, un enfant devient la déclencher chez tout soignant, et malgré le fait que
victime de la conduite pathologique d’un adulte, la la mère de l’enfant concerné se montre dévouée et
‚ Conduite thérapeutique
mère biologique dans l’immense majorité des cas attentionnée avec son enfant, coopérante avec
Même si la pathomimie de l’enfant est de meilleur (quelques publications récentes rapportent des cas l’équipe soignante. Un tel comportement est, en
pronostic que celle de l’adulte, elle réalise toujours où le père est en cause). effet, fréquemment retrouvé chez les mères
un problème thérapeutique complexe. Ce problème Or, il n’est certainement pas aisé pour un responsables.
thérapeutique concerne en premier et souvent soignant, quel qu’il soit, de renoncer à l’idée qu’une Les symptômes les plus fréquents du syndrome
longtemps seulement le pédiatre. mère est toujours bonne pour son enfant. Ceci de Münchhausen par procuration sont par ordre
Le principal objectif thérapeutique est bien explique en grande partie la longueur des délais décroissant :
entendu psychologique. Ainsi, il faut savoir arrêter diagnostiques en cas de syndrome de Münchhausen – saignements (44 % des cas) ;
les investigations lourdes et répétées ainsi que par procuration (14 mois en moyenne, les extrêmes – crises convulsives (42 %) ;
l’escalade thérapeutique. En cas de graves troubles étant de quelques jours à 240 mois).
– atteintes du système nerveux central (19 %) ;
factices ou de complications somatiques de ces Les quatre critères diagnostiques du syndrome de
– apnées (15 %) ;
derniers, il peut être nécessaire d’hospitaliser l’enfant. Münchhausen (selon Rosenberg) sont :
– diarrhées (10 %) ;
Dans tous les cas une hospitalisation peut – maladie chez un enfant alléguée et/ou
– vomissements (10 %) ;
permettre à l’équipe soignante de nouer véritablement produite par un parent ;
tranquillement un dialogue avec l’enfant et avec les – fièvres (10 %) ;
– présentation de l’enfant pour des soins
parents de ce dernier. médicaux de façon répétée, conduisant à des – éruptions cutanées (9 %).
L’attitude thérapeutique de tous les soignants interventions médicales nombreuses ; Ces symptômes peuvent être allégués mais, dans
concernés par l’enfant pathomime doit être – refus par le parent en cause de reconnaître la majorité des cas, ils sont réellement produits chez
concertée et univoque. toute responsabilité dans la maladie de son enfant ; l’enfant (intoxications, suffocations, injections).
Les réunions entre les différents soignants – régression des symptômes quand l’enfant est Une enquête toxicologique est souvent
concernés sont souvent précieuses pour aider séparé du parent responsable. nécessaire pour permettre la découverte de la
chaque soignant à prendre conscience de ses Ces différents critères diagnostiques excluent du conduite pathologique maternelle.
sentiments d’agacement ou d’agressivité à l’égard de cadre nosologique du syndrome de Münchhausen Un élément diagnostique important est
l’enfant pathomime et/ou de la famille de ce dernier. par procuration les violences physiques et/ou l’existence dans la fratrie de l’enfant, de maladies
De tels sentiments, s’ils ne sont pas repérés et sexuelles mais l’association des deux est bien nombreuses et inexpliquées ainsi que de décès
explicités, risquent en effet d’entraver la relation entendu possible. survenus dans des circonstances mal élucidées (mort
thérapeutique, par exemple, en poussant un Les publications les plus récentes insistent subite du nourrisson).
soignant à des paroles ou à des actes blessants et particulièrement sur le fait suivant : les conséquences L’évolution à court terme peut être grave et
agressifs. somatiques du syndrome de Münchhausen par même mortelle. Une telle évolution a souvent été

2
Troubles factices chez l’enfant - 8-0925

constatée lorsque, une fois le diagnostic dévoilé aux enfants, l’isolement social, la solitude et la distance paramédicale et psychologique, actuellement
parents, l’enfant est retourné à son domicile sans affective avec le conjoint sont la règle. concernés, sans oublier ceux des équipes qui sont
protection. À long terme, surviennent des séquelles Les pères sont, en effet, souvent absents, éloignés, intervenues dans le passé.
somatiques et psychologiques plus ou moins par exemple, du domicile familial par leur profession, L’enfant doit être signalé aux services sociaux et
handicapantes. distants avec leur enfant hospitalisé. juridiques en sachant que les soignants peuvent être,
Les enfants d’âge préscolaire sont souvent en Dans quelques cas, le père participe activement à à leur tour, confrontés à l’incrédulité des membres de
retrait social, hyperactifs ou opposants. Ils sont très la production des symptômes. ces services.
dociles avec les soignants. Les enfants plus âgés La confrontation diagnostique avec les parents
risquent de reprendre à leur propre compte la ‚ Conduite à tenir [2] doit être réalisée après le signalement de l’enfant
conduite pathologique maternelle et de se créer Le point le plus important est de pouvoir penser aux services sociaux et juridiques pour éviter la sortie
eux-mêmes des symptômes somatiques. Une au diagnostic de Münchhausen par procuration contre avis médical.
collusion s’installe alors entre la mère et l’enfant [4]. après avoir vaincu les résistances psychologiques Le discours du médecin doit être calme, clair,
liées à une telle hypothèse diagnostique. dénué de tout jugement moral, n’essayant pas de
‚ Contexte psychologique C’est seulement dans ces conditions que les convaincre ou d’obtenir un aveu. Le désir de
Il est difficile de catégoriser sur le plan soignants mettront tout en œuvre pour étayer cette protéger l’enfant mais aussi d’apporter une aide
psychologique les mères responsables. On insiste hypothèse et n’écarteront pas rapidement cette psychologique à cette famille et en particulier à cette
beaucoup sur la gravité et le polymorphisme de dernière, continuant à « croire » à l’existence d’une mère en difficulté doit être exprimé.
leurs troubles de la personnalité. Ceux-ci se situent maladie extraordinaire et continuant donc à Il est important qu’un psychiatre puisse être
plutôt dans le registre borderline que psychotique chercher sans cesse des preuves matérielles de cette immédiatement disponible après cette confrontation
avec des troubles profonds de l’identification, des maladie. diagnostique. Il n’est pas rare, en effet, qu’une fois le
mécanismes psychopathologiques de déni de la Des réunions de tous les soignants concernés, en diagnostic dévoilé, des mères tentent de se suicider.
réalité et de clivage : la mère responsable est présence d’un psychologue ou d’un psychiatre, sont
consciente de ses actes, mais, si elle ne désire pas la nécessaires afin que chacun d’eux puissent
mort de son enfant, elle ne prend pas la mesure de
leur signification et de leurs conséquences possibles.
Elle ne perçoit pas l’agression qu’ils réalisent sur son
enfant. On souligne aussi chez les mères
verbaliser ses sentiments : incrédulité, angoisse,
hostilité, culpabilité d’avoir participé à la maltraitance
de l’enfant.
Ces sentiments, s’ils ne sont pas repérés, risquent

Conclusion

responsables la grande fréquence de l’immaturité en effet d’entraver les démarches diagnostique et Tous les troubles factices survenant chez un
affective, de la mauvaise image de soi, de la thérapeutique et de rompre le fragile lien relationnel enfant interpellent de façon profonde et radicale les
revendication affective, de l’intolérance à la noué avec l’enfant et sa famille, ce qui serait soignants à un niveau personnel et professionnel. Ils
frustration, d’un grave fond dépressif. catastrophique pour cet enfant. battent en effet en brèche des convictions
Les difficultés psychoaffectives de ces mères sont Simultanément, il faut protéger l’enfant : fondamentales (l’innocence des enfants, la bonté
anciennes, marquées par de lourdes carences – en l’hospitalisant (s’il ne l’est pas déjà) ; des mères...) et remettent en question les modes
affectives et par des sévices physiques et/ou sexuels. – en demandant si besoin une ordonnance de actuels d’exercice de la médecine.
Elles souffrent elles-mêmes dans un tiers des cas placement provisoire à l’hôpital avec surveillance ; Toutefois, les troubles factices apprennent aux
d’une pathomimie ou d’un syndrome de – voire une interdiction des visites des parents. soignants à être attentifs aux sentiments que tout
Münchhausen : il y a ainsi une transmission L’hôpital est donc le lieu privilégié des démarches malade déclenche en eux-mêmes et à aller à la
transgénérationnelle de la maltraitance. diagnostique et thérapeutique qui nécessitent, rencontre d’un sujet souffrant psychologiquement
Si ces mères responsables ont exercé ou exercent rappelons-le, une collaboration réelle et étroite de sans juger des modes d’expression de cette
encore un métier centré sur les soins ou sur les tous les membres de l’équipe médicale, souffrance.

Sylvie G Consoli : Attachée consultante,


unité de dermatologie, service de médecine interne, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : SG Consoli. Troubles factices chez l’enfant.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0925, 1998, 3 p

Références

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chronique et forme extrême de maltraitance [mémoire] Université Pierre et Marie question of psychiatric illness in a child. Br J Psychiatry 1993 ; 162 : 701-703
Curie. Faculté de Médecine Pitié-Salpêtrière, 1992
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lesc Med 1996 ; 150 : 753-758

3
8-0930

8-0930
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Ophtalmologie pédiatrique

P Dureau, MA Espinasse-Berrod

A u cours de ces dernières années, les progrès considérables de nos connaissances ophtalmologiques, tant
dans le domaine génétique que dans celui des techniques chirurgicales et des moyens d’examen spécifiques
à l’enfant, ont donné une individualité certaine à l’ophtalmologie pédiatrique.
Le temps n’est plus où les affections oculaires de l’enfance figuraient comme de simples formes cliniques de la
pathologie de l’adulte. Elles ont désormais leur spécificité qui justifie quasiment le terme de « spécialité ».
© Elsevier, Paris.


pouvant entraîner une baisse d’acuité visuelle. Elles ‚ Correction optique
Troubles de la réfraction sont diagnostiquées soit à l’occasion d’un examen Les verres prescrits sont convergents (convexes)
systématique (en raison d’antécédents familiaux, par pour l’hypermétropie, divergents (concaves) pour la
dépistage scolaire), soit à la suite de troubles du myopie et cylindriques pour l’astigmatisme. La
La réfraction est l’étude de l’acuité visuelle, de ses comportement visuel engendrant des difficultés correction par lunettes est la plus courante. La
troubles et de leur correction optique. scolaires : lecture trop rapprochée, confusion de lettres, monture doit être adaptée à la brièveté de l’ensellure
douleurs oculaires ou céphalées après la classe, nasale de l’enfant et le plus souvent maintenue en
‚ Acuité visuelle clignement et plissement des paupières, rougeur et place par un fil ou un élastique passant derrière la tête.
C’est la capacité à distinguer des détails séparés par picotements oculaires. Les verres doivent être organiques (incassables) et font
un angle réduit (pouvoir séparateur). Son évaluation L’importance des capacités d’accommodation des l’objet d’un remboursement par la Sécurité sociale plus
est fonction de l’âge de l’enfant [9, 10]. enfants oblige à paralyser celle-ci (cycloplégie) important que chez l’adulte, moyennant une entente
– Chez le nouveau-né, la fixation d’un visage situé préalablement à l’examen. On utilise l’atropine à préalable.
à faible distance est présente dès la naissance. Le 0,3 % avant 1 an, à 0,5 % après 1 an et le Les lentilles de contact peuvent être indiquées pour
réflexe photomoteur et le réflexe de clignement à la cyclopentolate (Skiacolt) chez les enfants d’âge corriger un trouble de réfraction important et unilatéral
lumière vive témoignent de la perception de la scolaire. En effet, la durée d’action de ce médicament (myopie forte, aphaquie). Les lentilles souples à port
lumière. n’est que de quelques heures et il ne perturbe donc permanent sont seules utilisables chez le jeune enfant
– À partir de 2 mois, l’enfant suit du regard un pas la scolarité. en raison des difficultés de manipulation.
objet fortement contrasté. La recherche d’une amétropie est soit manuelle
– À partir de 3 mois, il est possible d’utiliser la ‚ Malvoyance
(skiascopie), soit automatisée (autoréfractomètre).
méthode du regard préférentiel (ou bébé vision ou Des signes évocateurs de cécité peuvent être
cartes d’acuité de Teller [19]). Elle consiste à placer le observés dès la naissance :
nourrisson, installé sur les genoux de sa mère, face à – signe digito-oculaire de Franceschetti au cours
un écran comportant deux plages de même taille et de ✔ L’hypermétropie (œil trop court) est duquel le nourrisson comprime ses globes oculaires
même luminance. L’une est uniformément grise, avec ses doigts ou ses poings ;
physiologique dans les premières
l’autre comporte des raies verticales alternativement – signe de l’éventail qui consiste en des
blanches et noires. Le regard de l’enfant est années et diminue avec la croissance mouvements répétés des mains se déployant devant
naturellement attiré vers la plage rayée, si toutefois il du globe. Elle peut être compensée les yeux (fig 1) ;
est capable de distinguer les rayures. L’examinateur est par l’accommodation, mais si elle est – nystagmus multidirectionnel, mouvements de
caché derrière l’écran et vérifie à travers un orifice la trop importante, ceci peut entraîner balancement de la tête ou du tronc.
direction du regard de l’enfant. En présentant des raies fatigue oculaire, baisse d’acuité Devant ces signes, l’examen objective l’absence de
de différentes largeurs, il est possible de chiffrer l’acuité clignement à l’éblouissement brusque ou à la menace
visuelle, amblyopie, strabisme.
de l’enfant puis de la convertir en dixièmes grâce à une et souvent la faiblesse des réflexes oculomoteurs.
table de conversion. Ainsi, l’acuité est d’environ un
✔ La myopie (œil trop long) débute
Chez l’enfant plus âgé, la malvoyance se traduit par
trentième à 1 mois, un dixième à 3 mois, deux rarement avant l’âge de 5 ans et une baisse d’acuité visuelle, des difficultés pour se
dixièmes à 6 mois et trois dixièmes à 1 an [4]. évolue progressivement vers déplacer, une diminution des activités ou du
– Entre 1 an et demi et 2 ans et demi, il est difficile l’aggravation. Elle impose une rendement scolaire.
d’évaluer l’acuité visuelle car l’enfant ne s’intéresse correction optique, en particulier Le plus souvent, une étude électrophysiologique
plus aux cartes d’acuité. pour la vision de loin. (électrorétinogramme, potentiels évoqués visuels)
– À partir de l’âge du langage (2 ans et demi au ✔ L’astigmatisme (différence des vient préciser le diagnostic.
minimum), l’acuité visuelle subjective est évaluée à Les causes couvrent tout le champ de la pathologie
l’aide de dessins en vision de loin (échelle de Pigassou)
rayons de courbure entre deux
ophtalmologique [ 1 4 ] et toutes les structures
et de près (échelle de Rossano). méridiens orthogonaux de la cornée) anatomiques peuvent être intéressées (cornée,
est responsable d’une déformation cristallin, rétine, nerf optique, voies optiques, cortex
‚ Amétropies des images, confusion de lettres, occipital). Une pathologie particulière est constituée
Elles sont constituées par une anomalie de la fatigue visuelle. Il doit être corrigé par le syndrome de Beauvieux (retard de maturation
réfraction (myopie, hypermétropie, astigmatisme, aussi précisément que possible. du nerf optique) où le comportement visuel revient à la
l’absence de ces troubles constituant l’emmétropie) normale au cours de la première année de vie.

1
8-0930 - Ophtalmologie pédiatrique

Chez le très jeune enfant, des lunettes comportant


dans la partie nasale de chaque verre une zone
dépolie permettent un dépistage du strabisme. On fait
fixer un petit jouet à l’enfant. En l’absence de déviation,
les deux iris sont tangents ou équidistants au bord de
ces zones. En cas de strabisme convergent, l’iris de l’œil
dévié est partiellement caché par la zone dépolie. En
cas de divergence, une bande de conjonctive est
visible du côté nasal de l’œil dévié.
On étudie enfin la motilité oculaire qui peut montrer
une limitation des mouvements dans la direction
opposée à la déviation.
2 Strabisme convergent. Hérédité autosomique ‚ Examen ophtalmologique
dominante. Tout strabisme doit faire l’objet d’un examen
ophtalmologique complet, dont le premier temps est
l’étude de l’acuité visuelle, de la réfraction et la
recherche d’une éventuelle amblyopie (cf supra). En
effet, le strabisme est dans près de la moitié des cas
1 Signe de l’éventail. responsable d’une amblyopie qui doit être dépistée
et corrigée le plus tôt possible. Une hypermétropie est


fréquente dans les strabismes convergents du fait de
Amblyopie l’accommodation nécessaire pour compenser
l’amétropie (innervation commune du droit interne et
du muscle ciliaire par le nerf oculomoteur).
Il s’agit d’une acuité visuelle inférieure à quatre Le segment antérieur est soigneusement examiné à
dixièmes non améliorable par une correction optique. la lampe à fente, ainsi que le fond d’œil au pôle
Ce trouble est généralement unilatéral, en rapport postérieur et en périphérie. En effet, une atteinte
avec le fait qu’un œil est pénalisé par rapport à l’autre. organique unilatérale (opacité cornéenne, cataracte,
Par exemple, s’il existe un strabisme, l’image d’un objet tumeur ou cicatrice rétinienne, malformation) peut être
se forme sur la macula dans un œil et pas dans l’autre ; responsable d’un strabisme, ce qui nécessite
de même s’il existe une anomalie organique naturellement un traitement spécifique.
unilatérale : myopie, cataracte, opacité cornéenne etc. 3 Faux strabisme par base du nez large.
‚ Traitement
Les connections neuronales entre l’œil et le cerveau ne
se développent pas normalement au cours des Le premier temps du traitement consiste en la
‚ Examen du strabisme prescription d’une correction optique exactement
premières années de la vie et l’amblyopie est ensuite
définitive même si le trouble à l’origine de celle-ci est L’inspection peut mettre en évidence une attitude adaptée à l’éventuelle amétropie. Ceci nécessite la
corrigé, d’où l’importance de corriger précocement vicieuse de la tête, un nystagmus, mais surtout permet réalisation d’une réfraction sous cycloplégique (cf
les pathologies ophtalmologiques qui pourraient être d’éliminer ce qui n’est pas un strabisme. En effet, un supra). Cette correction est généralement obtenue par
amblyogènes. Par ailleurs, l’amblyopie elle-même épicanthus, une base du nez large (fig 3), un des lunettes.
peut faire l’objet d’un traitement spécifique, avant hypertélorisme peuvent faire croire à tort à une
En présence d’une amblyopie
(strabisme) ou après élimination de la maladie causale. convergence.
Celle-ci doit être traitée, généralement par occlusion
Ce traitement repose sur l’occlusion du bon œil par du bon œil. L’importance de cette occlusion (totale ou
un pansement occlusif (Opticludey), pendant une L’étude des reflets cornéens permet partielle par filtre diminuant l’acuité type Rysert), son
durée qui est fonction de l’âge, de la profondeur de nombre d’heures dans la journée, sa durée sont
l’amblyopie et de l’évolution de celle-ci. Ce traitement
d’objectiver un véritable strabisme :
✔ une source lumineuse non fonction de la profondeur de l’amblyopie et de l’âge de
est d’autant plus efficace que l’enfant est jeune, l’enfant. L’occlusion doit être d’autant plus « agressive »
d’autant moins que l’on s’approche de l’âge de 7 ou éblouissante placée à 30 cm des yeux
que l’amblyopie est profonde et l’enfant âgé. Il existe,
8 ans. crée deux reflets se projetant en cas d’occlusion excessive, un risque de bascule de
normalement au centre des pupilles. l’amblyopie (le bon œil devient le mauvais), qui
En cas de strabisme, les reflets sont


impose une surveillance rapprochée. Certains utilisent
Strabismes décentrés (du côté temporal pour un pour pénaliser le bon œil des verres « trop »
strabisme convergent). convergents ou de l’atropine.
En l’absence d’amblyopie
Le strabisme touche 5 % des enfants, avec une
Le test de l’écran nécessite une coopération de Le premier but est d’obtenir une alternance, c’est-à-
déviation convergente dans 90 % des cas. La
l’enfant [18]. Un écran cache un œil et l’on demande à dire que l’œil fixateur ne soit pas toujours le même. On
consultation est motivée dans certains cas par un
l’enfant de fixer un point lumineux. Lorsque l’on lève utilise le plus souvent des secteurs, qui sont une bande
strabisme évident, mais aussi très souvent par le fait
l’occlusion, il ne se passe rien s’il s’agit de l’œil dévié, il opaque verticale collée sur les lunettes (du côté interne
que les parents ont remarqué une déviation minime
existe un mouvement s’il s’agit de l’œil directeur qui pour un strabisme convergent). Ainsi les deux yeux ne
et/ou intermittente. La collaboration du pédiatre ou du
reprend alors la fixation un moment laissée à l’œil peuvent rester en convergence car ils tomberaient
médecin généraliste est ici précieuse pour dépister ces
dévié. Selon le sens du mouvement observé, l’œil tous les deux face au secteur. Ils prennent alterna-
formes frustes.
concerné par l’occlusion, il est possible de déterminer tivement la fixation et l’on peut constater une
s’il s’agit d’un strabisme (ésotropie pour un strabisme diminution de la déviation.
Importance du dépistage précoce des convergent, exotropie pour un strabisme divergent) ou Après ces étapes « médicales » et lorsqu’il persiste
formes frustes de strabisme. d’une hétérophorie (axes visuels parallèles mais une déviation vers l’âge de 4 ou 5 ans, un geste
apparition de la déviation à l’occlusion d’un œil). chirurgical peut être envisagé. Il nécessite une
Tantôt le même œil est toujours fixateur, tantôt il y a évaluation précise de la déviation, une bonne
L’interrogatoire recherche des antécédents une alternance. L’interposition de prismes de coopération de l’enfant et de ses parents qui doivent
familiaux, présents dans 50 à 80 % des cas [5] (fig 2). Le différentes puissances devant l’œil au cours du test de être prévenus qu’un second temps opératoire est
déroulement de la grossesse et de l’accouchement, le l’écran permet, en observant la diminution du parfois nécessaire. Le geste consiste à déplacer et/ou
statut immunitaire vis-à-vis de la toxoplasmose et de la mouvement de restitution, de chiffrer la déviation en réséquer certains muscles oculomoteurs. L’hospitalisa-
rubéole sont précisés. dioptries prismatiques. tion est réduite à 24 ou 48 heures et les suites

2
Ophtalmologie pédiatrique - 8-0930

généralement simples, avec une éviction scolaire de dilatation d’une glande tarsale et siégeant dans
quelques jours. La vision n’est pas affectée et une l’épaisseur de la paupière. Le traitement comporte une
éventuelle diplopie postopératoire est très transitoire. pommade associant antibiotique et corticoïde (par
exemple Cidermext), parfois une incision pour les
chalazions résistant au traitement médical.
Le traitement préventif du strabisme
passe par l’examen systématique, à la


recherche d’une amétropie ou d’une
amblyopie, des enfants présentant des Pathologie du cristallin
antécédents familiaux de strabisme,
des anciens prématurés ou Le cristallin dérive de l’ectoderme (surface de
hypotrophes, des enfants ayant l’embryon) par invagination d’une partie de celui-ci
présenté une souffrance fœtale ou (placode cristallinienne) à la quatrième semaine de vie
néonatale, des enfants de parents embryonnaire. Cette invagination aboutit à une
vésicule cristallinienne contenue dans le futur globe
ayant une amétropie. oculaire, puis au noyau cristallinien embryonnaire.
Celui-ci s’épaissit par appositions successives de fibres

‚ Conjonctivites

Infections
pendant toute la vie.
‚ Cataractes
Elles sont constituées par l’opacification plus ou
moins complète de l’un ou des deux cristallins.
5 Cataracte zonulaire.

Enfin, d’autres causes de cataracte ne sont pas


Les signes fonctionnels comportent une sensation spécifiques de l’enfant : uvéites, corticothérapie,
Les signes d’appel peuvent être une leucocorie, un
de gêne, de grain de sable, des démangeaisons irradiation, traumatismes.
comportement visuel anormal (cf supra), un strabisme.
oculaires. D’autres signes fonctionnels tels que
Il est important de savoir la date d’apparition des Traitement
douleurs, photophobie doivent faire suspecter une
troubles et le caractère uni- ou bilatéral de l’affection.
atteinte plus sévère (kératite). À l’examen, la Le traitement est uniquement chirurgical, dès lors
L’examen précise, outre l’acuité visuelle, le type de qu’il existe un retentissement sur la fonction visuelle.
conjonctive est uniformément rouge avec parfois un
la cataracte : totale (fig 4), nucléaire (au centre), Ce dernier point est d’autant plus difficile à préciser que
œdème palpébral ou conjonctival (chémosis). Il existe
zonulaire, paracentrale (fig 5), sous-capsulaire l’enfant est petit, en particulier si la cataracte est
généralement des sécrétions qui collent les cils au
antérieure ou postérieure. Le reste du globe oculaire partielle. Si l’ablation du cristallin est généralement
réveil.
est examiné à la recherche d’une malformation techniquement facile (broutage cristallinien), surtout
– Les conjonctivites bactériennes comportent des
associée (microphtalmie par exemple). En cas après 3 mois où la maturité du dilatateur de l’iris
sécrétions purulentes ou mucopurulentes qui peuvent
d’impossibilité d’accéder au fond d’œil, une autorise une bonne mydriase, le problème central est
faire l’objet d’un prélèvement. Elles sont très
échographie est pratiquée. Un bilan étiologique la correction de l’aphakie. Si la cataracte est bilatérale,
contagieuses mais réagissent favorablement aux
extensif n’est pas toujours pratiqué, car il s’avère très les deux yeux sont opérés à une semaine d’intervalle
antibiotiques locaux (Rifamycine Chibrett une goutte
souvent négatif. et l’aphakie corrigée par des verres convexes, à double
six fois par jour). Leur récidive toujours du même côté
Les cataractes congénitales répondent volontiers à foyer pour la vision de près, permettant d’envisager
fait suspecter une imperforation du canal
une origine génétique. La transmission dominante est une scolarité normale. En cas de cataracte unilatérale,
lacrymonasal nécessitant un sondage [12].
la plus fréquente, d’où l’intérêt d’examiner les parents. un seul verre fortement convergent entraîne une
– Les conjonctivites virales sont dues au virus APC
La trisomie 21 s’accompagne volontiers de cataracte. différence insupportable de taille d’image sur les deux
(adéno-pharyngo-conjonctival) avec association à une
Enfin, plusieurs maladies métaboliques se compliquent rétines (aniséiconie). Il est donc nécessaire d’équiper
pharyngite et une adénopathie prétragienne. Il existe
volontiers de cataracte : syndrome de Lowe avec l’enfant en lentille de contact [2], avec les difficultés de
des sécrétions séreuses. Ces formes sont également
glaucome, dysmorphie, aminoacidurie et retard manipulation que cela suppose chez un nourrisson
très contagieuses et doivent faire l’objet de mesures
mental ; galactosémie avec insuffisance hépatique et (port permanent), ou bien de mettre en place un
d’hygiène (lavage des mains) et d’une antibiothérapie,
tubulopathie ; hypoparathyroïdie (cataracte plus cristallin artificiel [3]. Le calcul de la puissance de ce
en prévenant que le traitement ne vise qu’à empêcher
tardive) ; maladie de Wilson. dernier est compliqué par la croissance future de l’œil..
les surinfections et que la guérison peut prendre
L’autre grande cause de cataracte congénitale est la Dans tous les cas, la vision de cet œil reste
plusieurs jours [1]. L’association à une kératite est
présence d’une embryofœtopathie, en particulier généralement limitée à un ou deux dixièmes.
fréquente, interdisant la prescription de corticoïdes
rubéolique. Il s’y associe volontiers une microphtalmie,
locaux sans examen ophtalmologique.
un glaucome, une rétinopathie et des signes généraux ‚ Ectopies et luxations
– D’autres conjonctivites infectieuses sont plus
cardiaques et neurologiques. Plus rarement, la Dans l’ectopie, le cristallin reste dans un plan frontal
rares : herpétique avec vésicules palpébrales et parfois
toxoplasmose peut être en cause. mais son axe est déplacé du fait de la rupture d’une
kératite dendritique, trachomateuse en zone
partie des fibres de la zonule qui le soutiennent (fig 6).
d’endémie avec des séquelles palpébrales graves.
Dans la luxation, la totalité des fibres sont rompues et
– La conjonctivite allergique est un diagnostic
le cristallin est déplacé soit en arrière dans le vitré, soit
différentiel fréquent avec une atteinte bilatérale, non
en avant dans la chambre antérieure [6].
purulente, volontiers très œdémateuse, dans un
contexte évocateur. Elle réagit bien aux antiallergiques L’affection est découverte soit à l’occasion d’un
locaux. examen systématique dans le cadre d’un syndrome
dysmorphique, soit s’il existe des symptômes : baisse
‚ Infections orbitopalpébrales d’acuité visuelle, diplopie monoculaire.
Forme grave Ces anomalies peuvent être isolées, à transmission
La cellulite orbitaire se développe dans un autosomique dominante, traumatiques ou plus
contexte de sinusite avec apparition d’une souvent liées à une pathologie générale : syndrome de
exophtalmie fébrile, œdème palpébral, douleur et Marfan avec son morphotype caractéristique,
ophtalmoplégie. homocystinurie avec association d’un retard mental et
Le diagnostic est confirmé par la tomodensitomé- d’une tendance aux thromboses artérielles et
trie. Une antibiothérapie parentérale massive veineuses.
s’impose [20]. ‚ Anomalies de forme
Forme fréquente La microsphérophakie se caractérise par un
L’orgelet est un furoncle d’un cil et se traduit par relâchement des fibres zonulaires donnant au cristallin
une petite tuméfaction blanche, sensible, du bord libre. une forme globuleuse. Elle s’associe volontiers à un
4 Cataracte congénitale totale.
Il faut le distinguer du chalazion constitué par la syndrome de Marchesani (nanisme brachymorphique).

3
8-0930 - Ophtalmologie pédiatrique

Ce tableau impose un examen sous


anesthésie générale en urgence pour
confirmer le diagnostic et entreprendre
le traitement.

Le diamètre cornéen augmenté, l’hypertonie


oculaire et l’excavation papillaire quand le fond d’œil
est accessible sont caractéristiques. L’examen
recherche la présence d’anomalies associées du
segment antérieur : embryotoxon postérieur
(épaississement de la ligne de Schwalbe) formant un 8 Arthrite chronique juvénile : triade de Still.
anneau grisâtre parallèle au limbe, syndrome
d’Axenfeld associant l’embryotoxon postérieur à des
adhérences iridocornéennes, anomalie de Rieger
comportant en plus des anomalies pupillaires, voire
des malformations cardiaques, osseuses ou dentaires.
6 Ectopie cristallinienne. Ces anomalies sont dominantes. Parfois une anomalie
de l’iris (aniridie) ou de la cornée (sclérocornée,
Le lenticône est une ectasie conique de la face syndrome de Peters, anomalie de von Hippel) est
antérieure ou postérieure du cristallin, souvent présente.
associée à un syndrome d’Alport.
Les ectopies, luxations et anomalies de forme du ‚ Traitement
cristallin doivent faire l’objet d’un geste chirurgical
lorsqu’elles retentissent sur l’acuité visuelle (broutage Le traitement du glaucome congénital est une
cristallinien et correction de l’aphakie). urgence chirurgicale, en raison du risque
d’aggravation brutale de l’état cornéen et de la
souffrance des fibres optiques. On pratique le plus


Glaucome congénital

‚ Physiopathologie-épidémiologie
souvent une trabéculectomie, bilatérale si nécessaire,
créant ainsi une fistule permettant l’écoulement de
l’humeur aqueuse vers l’extérieur du globe oculaire [7].

Dans les cas les plus favorables, la tension est 9 Toxoplasmose.


Le glaucome congénital est lié à une malformation contrôlée avec disparition des signes fonctionnels et
de l’angle iridocornéen (trabéculodysgénésie) qui développement visuel satisfaisant sous réserve d’un La cause la plus fréquente d’uvéite antérieure chez
dérive des crêtes neurales. Normalement, l’humeur contrôle régulier sous anesthésie générale tant que l’enfant est l’arthrite chronique juvénile, particulière-
aqueuse sécrétée par le corps ciliaire passe à travers la l’enfant est petit, d’autant plus fréquent que l’on est ment dans sa forme oligoarticulaire avec facteurs
pupille vers la chambre antérieure et est résorbée dans proche de l’épisode initial. Souvent il se développe une antinucléaires positifs [11]. Une particularité de cette
l’angle iridocornéen. La malformation aboutit à un amblyopie en raison des séquelles cornéennes étiologie est le caractère insidieux de l’uvéite avec
trouble de la résorption avec augmentation de (imposant parfois une greffe), des lésions papillaires et absence de douleurs et de rougeur oculaire. L’examen
pression et distension de la sclère (buphtalmie) qui est de la distension du globe (myopie). Enfin il arrive qu’un ophtalmologique doit donc être systématique et
extensible jusqu’à l’âge de 3 ans. Il en résulte un contrôle tensionnel satisfaisant ne puisse être obtenu régulier. Le risque est l’apparition d’une cataracte et
œdème de la cornée qui perd sa transparence avec malgré plusieurs interventions, aboutissant à des cas d’une kératite en bandelette (triade de Still) (fig 8).
ruptures de la membrane de Descemet et une de cécité qui constituent jusqu’à 15 % de la population Le traitement repose sur les corticoïdes locaux,
excavation papillaire. des instituts pour jeunes aveugles. souvent au long cours et en recherchant la dose
L’affection qui touche cinq nouveau-nés sur minimale efficace, et les mydriatiques. La corticothéra-
100 000 est bilatérale dans 80 % des cas, de Un traitement médical complémentaire (collyres
pie générale est réservée aux formes sévères ou
transmission autosomique récessive dans la forme hypotonisants, bêtabloquants, sympathomimétiques
justifiée par l’atteinte articulaire.
isolée. ou inhibiteurs de l’anhydrase carbonique) est parfois
Plus rarement, l’uvéite antérieure est associée à une
indiqué lorsque la tension est à la limite supérieure de
‚ Clinique spondyloarthropathie, une sarcoïdose ou une maladie
la normale.
de Behçet.
Les trois signes essentiels, parfois présents dès la
naissance, sont : ‚ Uvéites postérieures
– la buphtalmie (fig 7) avec cornée trouble ;


– la photophobie ; Elles correspondent à une inflammation de la
choroïde. La cause la plus fréquente d’uvéite
– le larmoiement clair. Uvéites postérieure est la choriorétinite toxoplasmique, liée à
la réactivation de toxoplasmes enkystés dans la rétine
à la suite d’une infection gestationnelle. En dehors des
Elles correspondent à une inflammation du tissu toxoplasmoses congénitales graves, les poussées de
uvéal (iris, corps ciliaire, choroïde) et peuvent être soit choriorétinite surviennent généralement à
idiopathiques, soit répondre à une cause générale ou l’adolescence. Il s’agit de foyers choriorétiniens
locale. blanchâtres, entourés d’œdème et associés à un
trouble vitréen (hyalite). Le retentissement fonctionnel
‚ Uvéites antérieures est fonction de la localisation (macula, papille). Dans
les cas douteux, les anticorps antitoxoplasme sont
Elles se situent au niveau du corps ciliaire et de l’iris recherchés dans l’humeur aqueuse par ponction de la
et se traduisent à l’examen par la présence de cellules chambre antérieure.
dans la chambre antérieure (Tyndall) et de synéchies La tendance spontanée à la cicatrisation (fig 9)
entre l’iris et le cristallin, responsables d’une impose de ne traiter que les formes menaçantes pour
7 Glaucome congénital. Buphtalmie.
déformation pupillaire. la vision. Le traitement associe la pyriméthamine

4
Ophtalmologie pédiatrique - 8-0930

(Malocidet) à la sulfadiazine (Adiazinet) pendant Brûlures


1 mois, avec adjonction d’une corticothérapie générale
Les brûlures par projection de caustique (les bases
48 heures après le début [15]. Les effets secondaires du
sont plus dangereuses que les acides en raison de leur
traitement (allergie aux sulfamides et anémie) doivent
pouvoir pénétrant) sont responsables de séquelles
être pris en considération.
oculopalpébrales de traitement difficile.
D’autres causes d’uvéite postérieure sont plus
Le point essentiel est la précocité et l’abondance
rares : toxocarose, maladie de Lyme, syndrome de
du lavage de l’œil atteint.
Vogt-Koyanagi-Harada.
‚ Traumatismes orbitaires


Les fractures du plancher de l’orbite sont plus rares
Pathologie de la rétine que chez l’adulte, au contraire des fractures du toit et
du rebord orbitaire supérieur.
Les signes essentiels à rechercher sont : une cécité
‚ Dégénérescences héréditaires avec mydriase évoquant une atteinte du nerf optique,
Les dégénérescences héréditaires les plus une diplopie en rapport avec une incarcération
fréquentes sont les rétinopathies pigmentaires qui musculaire, une hypoesthésie dans le territoire du nerf
touchent environ 40 000 personnes en France. sous-orbitaire. Le scanner est essentiel pour préciser les
L’hérédité peut être dominante, récessive ou liée à l’X. lésions osseuses (avec coupes coronales et plan
Les premiers signes apparaissent souvent dans 11 Maladie de Stargardt. neuro-ophtalmologique).
l’enfance ou l’adolescence [8]. Le traitement repose sur la corticothérapie générale,
Le signe le plus précoce est la gêne à la vision l’antibiothérapie et la réduction chirurgicale en cas de
crépusculaire (héméralopie), suivie d’un rétrécisse- diplopie, énophtalmie ou atteinte nerveuse.
ment progressif du champ visuel par atteinte des responsables d’un décollement de rétine exsudatif.
cônes puis d’une baisse d’acuité visuelle par atteinte Cette affection est généralement unilatérale et donc


des bâtonnets. Le fond d’œil montre les responsable d’une amblyopie profonde. La
remaniements pigmentaires en forme d’« ostéoblas- cryothérapie peut permettre de résorber le liquide Tumeurs
tes », la pâleur papillaire et le rétrécissement du sous-rétinien.
calibre artériel (fig 10). L’examen complémentaire La maladie de Wagner est une dégénérescence du
essentiel est l’électrorétinogramme qui est très vitré responsable de décollements de rétine très ‚ Tumeurs de la rétine
précocement altéré. graves, familiaux. Elle peut s’associer aux signes La tumeur peut se révéler par une leucocorie
De nombreuses associations pathologiques musculosquelettiques de la maladie de Stickler. (fig 12), un strabisme lié à l’amblyopie, plus rarement
existent, avec des maladies neurologiques, Le rétinoschisis lié à l’X se traduit par un clivage une cataracte ou un glaucome. Il peut s’agir également
métaboliques, auditives, rénales. L’amaurose entre la couche des fibres ganglionnaires de la rétine de l’examen systématique d’un enfant dans une
congénitale de Leber est une forme qui a la et les autres couches. L’atteinte maculaire est famille à risque.
particularité de débuter dès la naissance avec un responsable d’une baisse d’acuité visuelle tandis que
comportement de malvoyant. l’atteinte périphérique peut se compliquer
La maladie de Stargardt touche plus particulière- d’hémorragies ou de décollements de rétine.
Le rétinoblastome est la tumeur
ment les cônes avec une baisse d’acuité visuelle maligne oculaire la plus fréquente
débutant vers 10 ans et un fond d’œil caractéristique chez le nourrisson (1 pour


en « œil de bœuf » (fig 11). La maladie de Best se 20 000 naissances). Il peut être soit
révèle plus tardivement mais les signes maculaires Traumatismes sporadique, soit familial (10 % des
sont présents dès l’enfance.
cas) avec une transmission
Le traitement de ces hérédodégénérescences se
limite au port de verres teintés car la lumière a un effet
autosomique dominante et une
‚ Traumatismes oculaires
aggravant reconnu et au conseil génétique dans les tendance à la bilatéralité. Il s’agit
formes où le type de transmission est connu. Plaies du globe d’une tumeur de l’enfant jeune,
généralement avant l’âge de 2 ans [16].
‚ Autres pathologies La circonstance la plus grave est la plaie du globe,
qui risque toujours de passer inaperçue chez l’enfant.
Certaines maladies sont liées à des anomalies
Les circonstances de l’accident et la nature de l’agent La localisation et la taille de la tumeur sont au
vasculaires de la rétine. Ainsi la maladie de Coats se
vulnérant doivent attirer l’attention. La prise en charge mieux précisées par un examen sous anesthésie
traduit par des télangiectasies rétiniennes
en milieu spécialisé doit être immédiate, avec si générale. La tomodensitométrie précise l’extension de
nécessaire examen sous anesthésie générale. Les la tumeur et montre de typiques calcifications
bases du traitement en urgence sont l’antibiothérapie intratumorales.
parentérale massive, la prévention du tétanos et la
Selon l’extension (classification de Reese), le
suture de la plaie. Les lésions éventuellement
traitement associe diversement chirurgie (énucléation),
associées (cataracte traumatique, corps étranger
intraoculaire repéré par le scanner et l’échographie,
etc) sont généralement traitées secondairement.

Contusions oculaires
(traumatisme à globe fermé)
Elles sont plus fréquentes, souvent liées à la petite
taille des enfants (poignée de porte, coin de table...)
ou à des jeux. Elles peuvent être responsables d’un
saignement dans la chambre antérieure (hyphéma),
d’une cataracte, d’une rupture choroïdienne, d’une
déchirure rétinienne, d’une hémorragie intravitréenne.
Le traitement d’urgence est médical ou chirurgical
selon la nature des lésions. Il ne faut pas méconnaître
12 Tumeur de la rétine. Leucorie. « Œil de chat »
la possibilité d’un syndrome de Silverman, avec des
10 Rétinopathie pigmentaire. amaurotique.
lésions rétiniennes caractéristiques [17].

5
8-0930 - Ophtalmologie pédiatrique

13 Exophtalmie unilatérale. Sarcome orbitaire. 14 Tumeur orbitaite (scanographie). 15 Angiome immature.


contexte d’une neurofibromatose de von Recklinghau-
radiothérapie, chimiothérapie, thermothérapie. Dans orienter le diagnostic. La tomodensitométrie (fig 14) et sen. Les pseudotumeurs inflammatoires évoluent par
les formes familiales, la surveillance clinique étroite l’imagerie par résonance magnétique complètent le poussées aiguës et réagissent favorablement à la
peut être associée à une recherche du gène par des bilan [13]. corticothérapie. Les angiomes sont volontiers associés
techniques de biologie moléculaire. La majorité des tumeurs orbitaires de l’enfant sont à une localisation cutanée avec tendance spontanée à
nées dans l’orbite aux dépens de structures orbitaires. la régression (fig 15).
‚ Tumeurs de l’orbite Les sarcomes, en particulier le rhabdomyosarcome, se Plus rarement, les tumeurs de l’orbite proviennent
Elles se révèlent généralement par une traduisent par une exophtalmie rapidement évolutive. de tumeurs de voisinage (sarcome osseux,
exophtalmie unilatérale (fig 13). Leur caractère axile Le traitement associe radiothérapie et chimiothérapie. méningiome, épithélioma conjonctival) ou d’une
ou non, leur rapidité d’évolution, leur retentissement Les tumeurs nerveuses (neurofibrome, neurinome, maladie générale (métastase de sympathoblastome,
sur la fonction visuelle et la mobilité oculaire peuvent gliome du nerf optique) s’observent volontiers dans le leucémie, histiocytose X).

Pascal Dureau : Chef de clinique-assistant.


Marie-Andrée Espinasse-Berrod : Ancien chef de clinique-assistant, attachée à l’hôpital Necker.
Service d’ophtalmologie, hôpital Necker, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Dureau et MA Espinasse-Berrod. Ophtalmologie pédiatrique.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0930, 1998

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6
8-0940

8-0940
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Accidents de l’enfant

J Lavaud

L es accidents de l’enfant, malgré les progrès enregistrés depuis 20 ans (baisse de la mortalité de 70 % et nette
amélioration de la morbidité), restent un problème de santé publique. Ils sont très fréquents (un enfant sur dix
accidenté chaque année) et entraînent encore près de 900 décès annuels et 5 000 enfants porteurs de séquelles ou
de handicaps plus ou moins invalidants. Les accidents de la vie courante comprennent les accidents domestiques,
scolaires, de sports et de loisirs. Ils sont tous dominés par les traumatismes. Leur gravité est due surtout aux chutes de
grande hauteur et à la fréquence des traumatismes crâniens. Les autres points noirs persistants concernent les
brûlures et les incendies d’habitation (55 à 60 décès par an), les noyades domestiques et en eau froide (80 % des
95 décès par an), les asphyxies (45 décès uniquement dans le groupe des 1-4 ans). Les accidents lors des activités
sportives représentent 65 % des accidents scolaires, dont l’importance croît avec l’âge (un tiers des accidents entre
10-14 ans), sans oublier les accidents survenus en établissement professionnel. À côté des accidents de sports et de
loisirs traditionnels (bicyclette, ski, jeux de ballon, équitation…), on voit émerger des risques nouveaux avec
l’utilisation mal maîtrisée des rollers, skateboards et patins à roulettes. Les accidents de la circulation ont entraîné
encore 387 décès, 16 538 blessés dont 2 700 graves en 1999. Ils frappent plus les enfants passagers d’automobile
que les piétons ou les cyclistes, chez lesquels l’absence de port de casque est la cause majeure des décès et des
blessures graves. Les accidents sur le trajet de l’école restent préoccupants (88 morts en 1999) malgré les nombreuses
mesures de prévention prises depuis 20 ans. Législation, réglementation et normalisation ont permis des progrès
considérables quant à la qualité et la sécurité des produits et des services depuis 1983, date de la promulgation de la
loi de sécurité des consommateurs. L’information de la population et des professionnels en contact permanent avec
les enfants doit être inlassablement poursuivie, grâce à tous les supports de communication actuellement disponibles
et des campagnes bien ciblées en fonction des thèmes retenus et des groupes de population, si on veut encore
améliorer nos résultats.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : accidents de la vie courante de l’enfant, accidents domestiques, accidents de sports et de loisirs, accidents
scolaires, accidents de la circulation, législation-réglementation, information et éducation, problème de
santé publique.


gros progrès ont été accomplis. La mortalité a 5 jours. Les accidents graves représentent 2 ‰
Introduction diminué de 70 % ; cette baisse est plus nette pour les accidents ; les séquelles concernent 22 % de ces
accidents de la circulation que pour les accidents derniers.
domestiques, de sports et de loisirs que l’on Pourtant, en 1995, le baromètre santé des
C’est au début des années 1980 que les médecins regroupe avec les accidents scolaires sous la Français indiquait qu’ils redoutaient en priorité les
et les pouvoirs publics ont commencé à s’intéresser dénomination « accidents de la vie courante » [6]. En accidents de la circulation (69,1 %) et ne classaient
aux accidents de l’enfant. En raison des progrès 1997, 367 enfants sont décédés à la suite d’un les accidents domestiques qu’en cinquième position
considérables obtenus en deux décennies dans accident de circulation et 450 dans un accident de la (27,8 %) [3]. En 1997, les jeunes de 12 à 19 ans ne les
certains domaines (périnatalogie, infectiologie, vie courante [59]. classaient qu’en dixième position (15,6 %), mais les
oncologie, malformations congénitales), les Les accidents sont responsables d’un décès sur accidents de sports et de loisirs en sixième position et
accidents de l’enfant représentaient alors le tiers de cinq entre 1 et 4 ans, et d’un décès sur huit entre 5 et ceux de la circulation en première position (47 %) [5].
la mortalité globale. 14 ans [28]. La hiérarchie faite par les Français, jeunes et
En 20 ans, grâce à une meilleure connaissance de Mais la morbidité reste forte. Selon les études et vieux, ne correspond donc pas à la réalité
l’accidentologie chez l’enfant de moins de 15 ans, à enquêtes menées depuis 1985, on estime qu’un épidémiologique.
des efforts d’information permanente de la enfant sur dix est victime chaque année d’un Des progrès substantiels devraient être réalisés
population et des catégories professionnelles accident de la vie courante, soit 1 200 000 enfants ; dans les points noirs qui persistent en l’an 2001 et
intervenant auprès des enfants, au cours de 60 % ont besoin d’un médecin, d’un chirurgien ou qui procurent la majorité des décès, des séquelles
campagnes nationales, régionales, départementales, d’être admis aux urgences hospitalières. Les (motrices, fonctionnelles, sensorielles et psychiques)
et de nombreuses actions démultipliées sur le accidents concernent 40 % des urgences et des handicaps. Ces six points noirs sont : les
terrain, mais aussi grâce à la législation, la chirurgicales pédiatriques ; 60 000 enfants sont défenestrations et les chutes de grande hauteur, les
réglementation et la normalisation des produits, de hospitalisés pour une durée moyenne de séjour de noyades domestiques et en eau douce froide, les

1
8-0940 - Accidents de l’enfant

incendies d’habitation, les accidents spécifiques en (marche, escalade, course), en revanche quel que soit jusqu’à ce qu’un adulte vienne les soustraire au
milieu agricole, les asphyxies et les enfants leur sexe, sont bien plus à risque que les autres risque. Certaines brûlures sont alors plus profondes
passagers d’automobile. enfants, qui en moyenne n’acquièrent ces qu’elles n’auraient dû l’être.
Les intoxications aiguës, traitées par ailleurs (EMC possibilités que 5 à 6 mois plus tard, mais avec un En groupe, ils ne comprennent pas le danger
pédiatrie), ne sont pas reprises dans cet article. développement cérébral et intellectuel en rapport. encouru par un de leurs camarades du même âge.
Le nourrisson, qui fait ses premiers pas de façon Ils l’interprètent à leur façon sans avoir les réactions


autonome à 9 mois, est très dangereux. Sa que pourrait avoir un adulte. Un enfant de 5 ans
Accidents de la vie courante surveillance doit être renforcée ; certains risques de strangulé par son cordon de capuche dans une
la maison doivent être bien pris en compte par les glissière de toboggan et qui s’agite de façon
parents, qui doivent par ailleurs les attacher désordonnée, sans crier, c’est un mauvais camarade
Les accidents de la vie courante se définissent correctement, partout où ils sont assis (chaise haute, qui fait l’idiot et empêche les autres de jouer. Donc,
comme étant les accidents survenant au domicile ou siège dorsal, porte-bébé, poussette, caddie) avec un on l’abandonne à son triste sort et on part jouer
dans ses abords immédiats (jardin, garage, harnais thoracique de contention se fixant au ailleurs. Et quand quelques minutes plus tard on le
bâtiments d’exploitation agricole, mare...), sur les matériel derrière leur dos. En effet, ces nourrissons, trouve au même endroit immobile, les yeux clos,
aires de sports et pendant les loisirs, à l’école, et tous habituellement de petit gabarit, tout en muscles et c’est qu’il s’est endormi...
ceux survenant à un autre moment de la vie privée, L’enfant grandit, mais il reste malhabile pour
très toniques, sont capables de sortir aisément leurs
à l’exception des accidents de la circulation et du certains gestes ou manipulations. Les outils utilisés
jambes de l’entrejambe, puis de se mettre à genoux
travail [19]. par l’adulte ne sont pas toujours adaptés à cet enfant
ou debout malgré la sangle ventrale et de basculer
Leur importance respective dépend de la tranche de moins de 10 ans. Il a besoin d’accompagnement
par terre, tête première.
d’âge considérée : pour les accidents domestiques, ils et d’apprentissage pour limiter le risque et recevoir
Beaucoup de parents méconnaissent par ailleurs
représentent 80 % des accidents chez les moins de quelques notions de base en matière de sécurité.
les capacités de leur enfant, son esprit d’imitation, sa
5 ans, 50 % entre 5 et 9 ans et seulement 30 % chez C’est aussi après 10 ans qu’il s’intègre à son
les 10-14 ans révolus. Les accidents scolaires ténacité et sa persévérance dans l’effort pour aboutir
groupe social. On cherche à se mettre en avant, on
concernent 5 % des accidents chez les moins de à un résultat.
veut être le premier, la compétition s’installe, alors
5 ans, 15 % de 5 à 9 ans et 35 % chez les 10-14 ans Dès l’âge de 2-3 mois, le nourrisson peut glisser et
que les jeux sont plus ou moins violents. Certains
(six fois sur dix à l’occasion d’une activité sportive). tomber d’un canapé, alors qu’il avait été installé au
paris stupides tournent à la catastrophe [1].
Les accidents de sports en dehors du milieu scolaire fond, bien calé par des oreillers : mais un bébé
et de loisirs font la différence [24]. bouge ! Vers 4-5 mois, il peut se retourner sur Environnement
lui-même et tomber du lit adulte où l’on vient de le
‚ Accidents domestiques changer, mais aussi de la table à langer, voire du Les lieux de vie où évolue l’enfant sont souvent
Les accidents survenant au domicile ou dans ses couffin imprudemment posé sur une table de cuisine peu adaptés. L’enfant vit dans un environnement
abords immédiats sont les plus nombreux. Ils ou du salon. d’adulte et peu de matériels, de mobiliers,
frappent plus particulièrement les jeunes enfants en Vers 8-9 mois, se déplaçant rapidement en d’infrastructures, d’espaces, sont vraiment conçus et
raison d’un certain nombre de facteurs favorisants : aménagés pour les enfants de moins de 6-7 ans en
rampant ou à quatre pattes, il part à la découverte de
d’abord les caractéristiques propres à chaque enfant, assurant leur sécurité de façon passive.
son environnement. Portant tout à la bouche,
son développement progressif notamment curieux de tout, cherchant à tout prendre avec ses Certes, des réglementations depuis 1989 ont
psychomoteur, ses capacités et sa croissance, ensuite petites mains, c’est le début des grands dangers limité ou supprimé certains risques : espacement des
l’environnement dans lequel il vit, enfin l’entourage domestiques, d’autant qu’il ne tardera pas à se barreaux des balcons, des rampes d’escalier et d’un
humain et social, qui le protège, le surveille et garde-corps par rapport au bas d’une fenêtre fixé à
mettre debout avec appui : brûlure par solide chaud
l’éduque progressivement aux risques du 11 cm pour éviter les strangulations ou les chutes,
(porte de four) et liquide bouillant renversé,
quotidien [45]. fenêtres en hauteur munies de systèmes d’ouverture
intoxication par les médicaments et les produits
mieux étudiés pour la sécurité des plus jeunes (80 %
ménagers, risque électrique (fils et prises surtout),
L’enfant et ses caractéristiques propres des défenestrés ont moins de 5 ans), systèmes de
noyade en baignoire alors qu’il tient bien assis,
C’est un être en développement et vulnérable, sécurité obligatoires sur toutes les portes
risque de fausse route trachéobronchique avec un
surtout en dessous de 5 ans. automatiques de garage dans les immeubles
petit corps étranger (fragment de cacahuète, de noix,
Les garçons sont bien plus à risque que les filles. collectifs pour supprimer tout risque d’écrasement
de noisette...) ou d’asphyxie pharyngolaryngée par
Les statistiques enregistrent 60 % de garçons (décret septembre 1990), avec même un effet
un très gros corps étranger complètement obstructif
accidentés pour 40 % de filles. Cette différence est rétroactif sur les portes déjà installées, porte
de la gorge [17].
énorme, puisque le sex-ratio à la naissance en intérieure obligatoire dans les ascenseurs, puits
À partir de l’âge de la marche et du grimper, ce d’ascenseur totalement fermé ou muni d’un grillage
France est voisin de 1 avec une légère prédomi-
sont les traumatismes qui guettent le jeune enfant : de 1 m 50 non franchissable (décret 1992),
nance des garçons (+ 1 % soit 7 800 N). Ils ont des
chutes de sa propre hauteur ou d’un niveau plus ou disjoncteur différentiel à haute sensibilité obligatoire
accidents en règle plus graves, ce qui se répercute
moins élevé (50 % des traumatismes), chocs avec du sur les installations électriques des appartements et
sur la mortalité (deux garçons décédés pour une
mobilier, un autre enfant, un objet (30 %). Certains maisons neuves ou rénovées depuis avril 1991.
fille). Ainsi, au cours de la dernière décennie, des
sont dramatiques comme les défenestrations, les Quant aux chauffe-eau et aux chaudières, une
études effectuées en France ont montré que 75 %
chutes dans les escaliers, l’écrasement par un réglementation plus ancienne, datant de 1978,
des défenestrations sont le fait des garçons [29], tout
meuble lourd (commode, bibliothèque instable non impose deux systèmes de sécurité obligatoires, dont
comme 60 % des brûlures, 73 % des noyades en
piscine privée, 58 % des intoxications par le fixée au mur) ou une glace qui bascule. une sécurité de piégeage des gaz usés et une
monoxyde de carbone et les produits cyanhydriques D’un pas maintenant assuré, l’enfant franchit seul deuxième qui coupe l’arrivée du gaz lorsqu’une
au cours des incendies d’habitation, 90 % des le seuil de la maison, et ce sont les risques du jardin certaine quantité de monoxyde de carbone,
accidents de bicyclette et de vélo tout terrain (VTT). (noyades en pataugeoire, en piscine privée ou dans infratoxique, s’est déjà répandue dans la pièce où se
Cela tient aux caractéristiques propres des le bac à poissons, accidents avec les matériels de trouve l’appareil.
garçons, à leur comportement quotidien, bref à leurs jardinage, barbecue...), du garage (produits industriels Mais pour le reste, c’est aux parents à réfléchir
différences notables par rapport aux filles : force à usage domestique, outils de bricolage...), mais aussi pour adapter leur intérieur aux possibilités de
physique plus importante, curiosité très aiguë et des dépendances des exploitations agricoles l’enfant et à son développement psychomoteur afin
volonté d’indépendance, impulsivité, impétuosité, (produits phytosanitaires, animaux, cellier, grange, d’éviter la survenue d’accidents.
esprit de compétition, moindre réceptivité des tas de bois..) où vivent actuellement 600 000 enfants Toutes ces modifications de la maison ou ces
messages de prudence ou de mise en garde, enfin, en permanence. sécurités complémentaires coûtent cher : il serait plus
agressivité [1]. Les moins de 4-5 ans ne connaissent logique que les constructeurs et les architectes
Les nourrissons de 9 à 16 mois, très précoces habituellement pas le danger. Accidentés, ils crient, pensent à les proposer systématiquement aux
dans l’acquisition de certaines possibilités motrices hurlent, sans bouger, sidérés, sans se déplacer, familles en incorporant le prix de ces équipements

2
Accidents de l’enfant - 8-0940

dans le coût de la construction ou de l’aména- d’autre que de s’occuper de l’enfant. Mais on peut ‚ Traumatismes
gement intérieur. On peut citer les protège-fenêtres, être physiquement à côté de l’enfant et Ils représentent 85 % des accidents domestiques
les barrières ou portillons de protection dans les mentalement absent ; si les parents sont défaillants de l’enfant.
escaliers, les bloque-portes, les prises électriques pour protéger, surveiller, puis éduquer dès que
encastrables avec fiche de terre et opercule de possible l’enfant aux risques du quotidien, on peut Chutes
sécurité, très nombreuses et bien disposées dans les en conclure que dans certaines situations, l’enfant Elles prédominent largement (50 %). On distingue
pièces compte tenu du nombre d’appareils est une victime de cet état de fait [16]. habituellement trois grandes circonstances de
électriques présents (et futurs) possédés par les Une enquête effectuée à la demande du chutes :
familles, les placards spécifiques pour les produits secrétariat d’État à la consommation en 1992 a – chez le petit nourrisson dépendant de ses
ménagers usuels et d’autres pour les produits révélé que les familles françaises se répartissaient en parents, c’est la chute d’un matériel de puériculture ou
caustiques, les plus dangereux de tous avec les quatre catégories selon leurs connaissances des d’un meuble (canapé-lit). Les articles de puériculture
produits pétroliers, l’armoire à pharmacie familiale. accidents de l’enfant, leur comportement face aux sont destinés à assurer et à faciliter le couchage,
Les articles de puériculture doivent être choisis l’assise, le transport et le déplacement, le repas, la
risques et la prévention qu’elles y opposaient. Les
avec soin, même si actuellement tous doivent, toilette, la protection physique des enfants de la
trois premières catégories sont plus à risque que la
comme les jouets, répondre à des exigences naissance à l’âge de 4 ans. Selon l’enquête EHLASS
dernière, dont on espère qu’elle regroupe encore
essentielles de sécurité arrêtées par décret (1986-1996), la table à langer vient largement en
plus de familles en 2001 que 10 ans plus tôt.
obligatoire (jouets 1989, articles de puériculture tête (32 %), suivie par la chaise haute (16 %), le lit ou
– Surprotecteurs (33 % des familles) : c’est le type
1992). Il en est de même pour les lits en hauteur le berceau (10 %), les poussettes et landaus (13 %), le
de famille la plus sensible aux facteurs de risque et à
(1994), les bicyclettes et les VTT. transat (7 %). Les chutes sur la tête sont
la prévention. Leur stratégie de prévention se traduit
Les parents doivent acheter du mobilier prédominantes, mais pour les poussettes, le visage
essentiellement par une mise à l’écart de tous les
spécifique pour leurs jeunes enfants, privilégiant le est beaucoup plus intéressé (15 à 19 %) que pour les
dangers et une attitude essentiellement basée sur les tables à langer, les chaises hautes et les transats
bois, aux angles et aux rebords arrondis, des chaises
interdits et la surveillance. (respectivement 5, 9 et 11 %). Les contusions sont
solides et lourdes, et bien fixer ou caler les meubles,
– Fatalistes (17 %). Ces familles ont une majoritaires (65 %), mais il existe 15 à 20 % de plaies
miroirs ou glaces susceptibles de chuter ou de
conscience très faible du risque domestique. Ils font et 12 à 19 % de fractures (crâne et doigts) [17] ;
basculer trop aisément, si l’enfant veut grimper
preuve d’un grand fatalisme en face des accidents et – les chutes de la propre hauteur de l’enfant ou
dessus ou s’y suspendre.
laissent les enfants se débrouiller seuls sans d’une faible hauteur, après escalade, sont multiples
À l’extérieur de la maison, d’autres précautions
protection primaire ni accompagnement. Ils croient et peu graves. Encore faut-il que l’enfant en pleine
doivent être prises, comme la protection efficace de
peu à la prévention. Les enfants sont victimes course ne vienne pas violemment heurter un angle
tous les plans d’eau, en premier lieu la piscine et la
pataugeoire, mais aussi le bassin à poissons ou le d’accidents à répétition. aigu de mur, une porte ouverte ou un aileron de
tonneau d’eau de pluie. – Éducateurs (15 %). Ces familles ont une radiateur. Qu’il y ait ou non plaie ou fracture du
Selon l’enquête de la Caisse nationale d’assurance perception aiguë des risques et une volonté de crâne, de sévères lésions cérébrales, heureusement
maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), c’est la responsabiliser les enfants au stade le plus précoce exceptionnelles, peuvent s’observer. D’autres
cuisine qui est le lieu de prédilection des accidents possible, ce qui n’est pas évident et peut conduire à blessures peuvent être provoquées par l’objet
domestiques (24 %), suivie par la cour (13 %), le l’échec de la méthode chez les plus petits et les pointu, couteau ou paire de ciseaux branches
jardin (12 %), la salle de séjour (9 %), l’escalier (8 %), garçons. Leur stratégie de prévention consiste à ouvertes, qu’il a dans les mains. En sport, ce type de
la chambre (7 %), la salle de bains (4 %). expliquer le risque, de façon répétée, quel que soit chute de sa propre hauteur est fréquent, sans ou
Les maisons sont donc pleines de dangers, l’âge de l’enfant. après collision avec un autre joueur. Là, ce sont les
comme le rappelle la « Maison Géante », imaginée – Aménageurs (35 %). Ces dernières familles ont chevilles, les genoux et la jambe qui sont atteints.
par une pédiatre (docteur Caron-Husinger), en 1984, une connaissance et une utilisation moyennes des – les chutes de plus de 2 m, sont souvent les plus
à l’intention des parents, puisque tout le mobilier et méthodes de prévention. Leur stratégie de graves. Dans celles-ci on range les défenestrations,
les objets qui la composent ont des dimensions prévention consiste d’abord à supprimer les risques les chutes d’un balcon, d’une verrière, d’une grange,
doubles de la normale. Ainsi, les adultes se de base, les plus évidents, sur lesquels on peut agir d’un arbre ou d’une échelle, mais également les
retrouvent dans la situation d’enfants de moins de facilement, puis à expliquer les dangers lors du chutes en vol plané dans les escaliers et des lits en
4 ans dans leur propre maison ou appartement ; développement de l’enfant en l’accompagnant pour hauteur, pourtant interdits aux moins de 6 ans.
6 millions de Français l’auraient vue depuis sa l’aider à découvrir progressivement son Cinquante pour cent des accidentés dans ce type de
création [11]. environnement, et à connaître ses propres capacités lit ont moins de 5 ans et 75 % chutent en pleine
pour assurer sa sécurité. journée, c’est-à-dire lors de jeux ou de chahut [46].
Contexte sociofamilial
D’autres constatations ont été faites : Chocs
De nombreux accidents surviennent chez le – une mère surveille mieux son enfant qu’un Ils représentent 30 % des mécanismes
nourrisson parce que les parents méconnaissent les père ; traumatiques ; l’enfant se heurte avec une
capacités de leur enfant à chacune des étapes – un parent est plus attentif quand il est seul que infrastructure (mur, baie vitrée, porte), un mobilier
marquantes de son développement psychomoteur, lorsque père et mère sont présents ensemble ; (tiroir de buffet ou de commode, table normale ou
sans prévoir les différents risques qui découlent de
– la vigilance diminue encore lorsqu’il y a basse...), un objet ou un autre enfant. Il peut s’agir
ces nouvelles acquisitions : la marche à quatre pattes
beaucoup de monde (réunion familiale, fête...). aussi d’une projection d’objet au cours d’un jeu,
ou le ramper, la station debout, la marche, l’escalade,
Il serait alors judicieux de faire garder les moins d’une dispute, ou d’un objet, qui tombe sur lui.
la course..., alors qu’il existe pendant de nombreux
mois une incoordination motrice, une malhabileté de 10 ans et de les occuper (jeux éducatifs, Plaies directes
dans certains gestes, mais aussi une vive rapidité à chansons, musique, etc) par des baby sitters ou des
Il y a aussi des plaies directes (20 %) par :
passer à l’acte, une impulsivité et une spontanéité éducateurs attentifs.
– des animaux, notamment des chiens et des
qui déroutent plus d’un parent. Le mauvais climat familial retentit sur le chats, mais il existe aussi quelques rares
Lorsque l’accident survient, beaucoup de parents comportement de l’enfant qui peut provoquer un encornements ou coups de sabot ;
se déclarent surpris, car ils n’imaginaient pas que leur accident pour redevenir le pôle d’intérêt, pour que – des outils de bricolage ;
enfant était capable « de le faire ». l’on s’occupe de lui, alors que les parents – des ustensiles de cuisine (couteaux bien
Dans l’enquête European Home and Leisure s’entre-déchirent et le négligent. aiguisés et affûtés, couteau à pain, hachoir...) ;
Accident Surveillance System (EHLASS) menée depuis Enfin, trop d’adultes commettent des erreurs de – des appareils ménagers (lames des robots
1986, pour les cas recensés par la France aux comportement comme le transat posé sur une table, ménagers, grille-pain...) ;
urgences de ses huit hôpitaux de recueil, on observe l’outil de bricolage toujours branché sur le secteur et – des engins agricoles, qui peuvent entraîner des
que dans près de 60 % des cas, l’accident s’est abandonné, le produit ménager ou industriel à écrasements, des broiements de membre, des
produit en présence même des parents, qui usage domestique transvasé dans une bouteille sections ou des arrachements de segment de
apparemment ne faisaient à ce moment-là rien d’eau minérale ou un récipient alimentaire. membre.

3
8-0940 - Accidents de l’enfant

Chez le petit enfant, il s’agit essentiellement d’un


ou de plusieurs doigt(s) mis imprudemment dans un Conduite à tenir devant un traumatisme crânien.
interstice de porte. Tout dépend de la lourdeur de la Elle dépend initialement de l’existence ou non d’une perte de connaissance observée
porte et de la force avec laquelle elle va se refermer : par l’entourage [57].
les doigts peuvent être simplement pincés, ou ✔ Une simple surveillance sur place suffit, si l’enfant n’a pas perdu conscience, ce
écrasés (fracture de phalange et atteinte de
qui est presque toujours le cas, s’il crie ou pleure, même en restant un peu pâle. Le
l’articulation à proximité) ou sectionnés plus ou
moins totalement. médecin traitant, souvent appelé, donne les conseils de surveillance par téléphone,
Chez les grands enfants, l’utilisation inadéquate c’est-à-dire de consulter ou d’emmener l’enfant à l’hôpital s’il présente
d’outils de bricolage, de machines agricoles, ultérieurement des troubles de la conscience ou du comportement, des
notamment de motoculteurs, peut entraîner de très vomissements, une impotence partielle ou totale d’un membre, une asymétrie
grosses lésions, voire des délabrements, qui ne pupillaire, des troubles du langage. Mais si l’enfant convulse, c’est le 15 qu’il faut
peuvent pas toujours être corrigés. Si la appeler, tout en couchant immédiatement l’enfant sur le côté en position latérale
réimplantation n’est pas possible ou si elle aboutit à de sécurité (PLS). Pour ne pas passer à côté d’un état comateux, réveiller l’enfant
un échec par nécrose du segment réimplanté,
la première nuit toutes les 3 heures est souhaitable. Cette surveillance est assurée
l’accident aboutit à une amputation plus ou moins
large.
pendant 48 heures, mais à titre exceptionnel, ces signes peuvent se manifester au
Ces lésions peuvent également s’observer avec
troisième ou au quatrième jour, du fait des particularités anatomiques et
des engins explosifs manipulés par des enfants ou physiologiques cérébrales de l’enfant [56]. Le petit nourrisson est plus sujet à
des adultes à proximité (pétard, fusée de feu l’hématome sous-dural, mais l’hématome extradural peut aussi se voir, sans passer
d’artifice, fusée artisanale avec « carburant maison », obligatoirement par la perte de conscience initiale avec reprise transitoire d’un état
diverses munitions de guerre, liquides ou poudres de conscience normal [66]. Comme dans tout traumatisme crânien, on suspecte une
inflammables [essence, alcool à brûler...]). fracture du rocher devant une otorragie et une fracture de l’étage antérieur du
Les lésions bénignes (plaies superficielles, crâne devant une rhinorrhée parfois sanglante (valeur du Dextrostixt) [37].
ecchymoses, hématomes, griffures, abrasions ✔ Si l’enfant a perdu connaissance au moment de la chute, mais de façon brève (1
cutanées...) sont les conséquences de plus de la
à plusieurs minutes) et isolée, c’est que le choc a été relativement violent : il est
moitié des accidents (57,3 %) selon l’enquête de la
CNAMTS, qui a interrogé par voie postale des bon alors qu’un médecin voit l’enfant, mais neuf fois sur dix, il retourne au
dizaines de milliers de ménages sur leurs accidents, domicile avec poursuite de la surveillance comme précédemment.
réalisée alternativement par 28 Caisses primaires ✔ Dans quelques cas exceptionnels, la perte de connaissance se prolonge. On
d’assurance maladie (CPAM) de 1987 à 1995. conseille alors la mise en PLS avant l’arrivée du service d’aide médicale urgente
Viennent ensuite les entorses (17,8 %), les plaies (Samu) et la surveillance des fonctions vitales (respiration, pouls, coloration).
profondes (15,6 %), les fractures (14,9 %).
Chez les moins de 5 ans, la répartition des
principales lésions est différente, puisque les point d’impact. On peut observer un fracas crânien, de membres, surtout inférieurs, et 7 % des lésions du
contusions à elles seules concernent 38 % des des plaies craniocérébrales ouvertes avec issue de rachis, responsables parfois de lourdes séquelles.
traumatismes, tandis que les plaies profondes sont tissu cérébral ; Ces données ont été confirmées récemment par
rares (3 %) et les fractures deux fois moins – la nature, souvent dure, du sol à la réception : l’étude d’un collectif de 225 patients, pris en charge
fréquentes (7 %). béton, asphalte, granit ; en 1994 par la structure d’accueil chirurgicale et
Pour ce qui est de la localisation des principales – la hauteur de la chute, qui conditionne la neurochirurgicale de l’hôpital Necker-Enfants
lésions, leur pourcentage varie en fonction de l’âge. vitesse avec laquelle l’enfant arrive au sol. Elle est de Malades à Paris, qui accepte 24 heures sur 24 les
36 km/h pour une chute de deux étages, mais de polytraumatisés et les blessés crâniens de la région
Au centre 15 de Paris, en 1999, sur 600 appels
80 km/h pour une chute depuis le huitième étage. Île-de-France (huit départements, 2 300 000 enfants).
pour chute, 267 se sont soldés par un traumatisme
Les défenestrés représentent 20 % de tous les Les défenestrés y représentaient alors 15 % des
crânien simple et 24 par un trauma crânien avec
enfants polytraumatisés. admissions.
perte de connaissance initiale ; six enfants ont subi
une intervention neurochirurgicale. Le Smur pédiatrique de l’hôpital Necker-Enfants
Malades (Samu de Paris) a étudié 73 cas de


Ainsi, les traumatismes crâniens représentent-ils
50 % des conséquences des chutes et des chocs. défenestration survenus en 5 ans à Paris (1982 à
1986). On constate que 80 % des enfants ont moins Plaies
de 4 ans, que 75 % sont des garçons, 60 % des


enfants migrants vivant dans de très vieux
logements construits avant la Seconde Guerre
‚ Conduite à tenir devant une plaie
Défenestrations
mondiale, aux fenêtres basses au ras du plancher et
aux garde-corps de hauteur insuffisante : 66 % sont ‚ Plaies par morsures
Les défenestrations de l’enfant sont peu tombés d’une hauteur inférieure à trois étages, mais Les plaies par morsures, notamment de chiens
fréquentes. On en dénombre par an une douzaine à 25 % de plus de six étages. Soixante-quinze pour (80 %), représentent 2 % des accidentés qui
Paris intra-muros, une trentaine en Île-de-France (huit cent des enfants étaient seuls au foyer lors de consultent aux urgences (enquête EHLASS).
départements), entre 150 à 180 pour toute la France. l’accident (parents absents même pour de courtes Cinquante pour cent des blessés ont moins de 5 ans.
La mortalité est de 20 %, avec de nombreux décès périodes : descendre la poubelle, étendre du linge, Les lésions les plus fréquentes concernent le visage,
observés d’emblée sur le lieu de la chute ou dans les chercher le courrier, faire un achat chez un petit le cou et les mains (74 %) [22]. Elles sont d’emblée
premières 48 heures. Les enfants survivants sont commerçant du quartier), ou la surveillance de soigneusement lavées plusieurs fois de suite au
porteurs de séquelles dans 20 % des cas l’adulte était inexistante ; 90 % des défenestrations savon de Marseille et à l’eau claire du robinet, pour
(monoplégie, paraplégie, quadriplégie, autres déficits surviennent entre avril et septembre (rôle du soleil et éviter que la salive souillée de nombreux microbes,
moteurs, troubles sensoriels, déficits intellectuels, des fenêtres ou baies ouvertes). notamment anaérobies, n’ait le temps de pénétrer
troubles de l’idéation, de la mémoire, Les traumatismes crâniens prédominent avec huit en profondeur, dans ces plaies souvent multiples et
dysarthrie...) [29]. cas sur dix (mais il n’y a que 40 % de fractures du anfractueuses, facteurs de surinfection secondaire.
Trois facteurs de gravité expliquent ce mauvais crâne et 20 % d’hémorragies intracérébrales) ; 33 % Après avoir mis en place un pansement compressif
pronostic : présentent des lésions thoracopulmonaires efficace, le blessé est dirigé vers un service chirurgical
– le jeune âge de l’enfant, entre 9 mois et 5 ans (pneumothorax, fractures de côtes, contusions pédiatrique qui a l’habitude de traiter ce type de
(80 %), avec une chute « tête première » entraînant pulmonaires), 20 % des lésions intra-abdominales, lésion, souvent, au moins une fois par semaine [42].
d’emblée un grave traumatisme craniocérébral au plus souvent de la rate ou du foie, 15 % des fractures Les morsures d’animaux sont en nette progression

4
Accidents de l’enfant - 8-0940

Le fragment sectionné ou arraché est mis dans un évolution favorable après la période d’hospitali-
Devant toute plaie, l’attitude initiale petit linge propre après l’avoir rapidement nettoyé sation aiguë (réanimation et chirurgie), mais
est simple : au doigt avec des compresses, puis introduit dans un seulement trois d’entre eux ont pu être revus 6 mois
✔ comprimer directement la plaie sac plastique type sac-poubelle, posé ensuite sur une à 1 an après l’accident par les médecins enquêteurs.
avec un linge propre pendant au source de froid pour maintenir au frais le segment D’autres accidents sont rarement observés,
sectionné ou arraché. On recommande actuellement comme le piétinement par un troupeau,
moins 3 minutes pour arrêter le
que la source de froid soit un ou des sachets l’encornement de l’aine, redoutable par l’hémorragie
saignement. On peut être amené à réfrigérants de congélateur, plutôt qu’un lit de de la plaie de l’artère fémorale ou d’un gros vaisseau
comprimer avec un pouce ou avec le glaçons qui vont fondre au cours du transport. plus profond, les morsures d’équidés. On met en
poing si le saignement est Il faut changer le sac de position toutes les garde les jeunes enfants contre l’agression des jars et
important ; 15 minutes environ pour ne pas entraîner de gelure. les coups de bec de la volaille querelleuse.
✔ désinfection avec un produit bien On rappelle aux parents de ne rien donner à boire
supporté et accepté par les jeunes ou à manger à l’enfant pour que l’intervention ne
enfants (Dakint, Mercryl laurylét,
Septivont, Chlorhexidinet) en
tamponnant la plaie sans frotter ;
✔ pansement compressif avant de
soit pas différée, l’anesthésie générale nécessitant un
estomac aussi vide que possible.

L’appel au 15, dès la survenue de



Noyades

Après une forte décroissance de la mortalité entre


consulter s’il s’agit d’une plaie l’accident, permet de rappeler à 1959 (436 décès) et 1990 (113 décès), le chiffre des
noyades mortelles reste malheureusement
profonde, vilaine, à bords l’entourage la marche à suivre devant
stationnaire dans la dernière décennie 1990-2000,
déchiquetés, avec des corps étrangers ce type d’accident : entre 92 et 98 décès.
type gravier, qui nécessite une ✔ s’il s’agit d’un simple bout de doigt La majeure partie de ces décès sont des noyades
exploration chirurgicale, un parage sectionné dans une porte, l’enfant en milieu domestique (baignoire, seau dans la
et quelques points de suture ; parviendra au service « SOS mains » maison, piscine privée, bassin à poissons, mare,
✔ en revanche, si les bords de la plaie désigné, de façon simple (voiture abreuvoir, puits, tonneau d’eau de pluie dans
sont nets, si celle-ci est superficielle, personnelle, taxi, ambulance simple, l’environnement...) ou en eau froide courante (rivière,
on peut mettre du Steri-Stripy, et à la rigueur premiers secours canal, fleuve) ou dormante (lac, étang, pièce d’eau
aux urgences, de la colle secouristes des sapeurs-pompiers ou artificielle...) [7, 39].
chirurgicale type Histoacrylt. Les noyades sont plus rares en piscine municipale
de la Croix-Rouge) ;
ou en bord de mer, grâce à la présence des maîtres
✔ en revanche, s’il s’agit d’un nageurs sauveteurs et à leur efficacité, à la sortie
depuis quelques années, surtout dans certaines membre ou d’un gros segment de précoce des enfants de l’eau et à l’efficacité des
régions comme l’Alsace et la Seine-Maritime. membre, une équipe médicalisée du gestes de premier secours immédiatement entrepris,
On n’oublie pas de vérifier la validité de la service médical d’urgence et de puis relayés par les secouristes sapeurs-pompiers
vaccination antitétanique. réanimation (Smur) est envoyée sur et/ou les équipes médicalisées de Smur qui
place, car la spoliation sanguine a interviennent sur le terrain.
‚ Épistaxis Deux enquêtes récentes confirment la forte
pu être importante et il faut effectuer
Une simple compression au doigt de la narine, ou une sédation-analgésie, voire une morbidité de ce type d’accident et l’échec des
plus rarement des deux, suffisamment prolongée, nombreuses campagnes menées en France pour
anesthésie du blessé.
au-delà de 5 minutes, suffit habituellement à arrêter leur prévention.
une épistaxis, le blessé étant en position assise. L’enquête « Les défis pour la vie », initiée par les


Sinon, un méchage avec de la gaze sèche ou laboratoires Biothérapie, de janvier à novembre
simplement du coton, bien tassé au fond de la
Traumatismes spécifiques 1999, a permis de recenser 113 observations de
en milieu rural noyade grâce aux Samu et aux services d’incendie et
narine, mais la dépassant nettement, est utilisé ;
quelquefois, avec un hémostatique type Coalgant de secours.
ou Surgicelt. Une consultation oto-rhino- Peu nombreux, ils sont d’une extrême sévérité. Le grand Sud (Provence-Alpes-Côte-d’Azur [PACA],
laryngologique (ORL) est rarement nécessaire devant Une enquête menée par les Samu de France pour les Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes
un saignement persistant ; la mise en place, alors, années 1988-1989 confirme les données de la et Aquitaine, soit 32 départements) est
d’un morceau de laminaire, type Mérocelt, est utile. littérature [58, 61, 67]. La prédominance masculine est majoritairement concerné.
Laissé en place 12 à 24 heures, son ablation facile nette (70 %). Selon les tranches d’âge, deux pics de On relève 39 noyades en piscine privée, 16 en
car le produit reste humide, évite une reprise du fréquence sont notés : à 4-5 ans et entre 13-15 ans. piscine publique, 14 en bord de mer, 13 en
saignement. La distribution selon les saisons révèle que 45 % des baignoire, 12 en eau froide courante, neuf en eau
accidents surviennent de juin à août, période des froide dormante, cinq en bassin et cinq de causes
‚ Scalp récoltes de céréales. diverses (trou d’eau, bassin à poissons, piscine
Un saignement massif par scalp est très Le tracteur vient largement en tête (65 %) avant gonflable, pataugeoire).
dangereux. La spoliation sanguine peut être très les chariots attelés et le motoculteur. Si 12 chutes ont La prédominance masculine est nette (deux tiers
importante rapidement. Il est impératif de remettre le été notées sur 29 cas, 18 écrasements du corps de des cas). Les moins de 4 ans représentent 62 cas
scalp en place le plus vite possible et de comprimer l’enfant sont survenus. Les polytraumatismes sont (55 %).
ensuite le cuir chevelu par un large pansement pour fréquents (46 %) et deux arrêts cardiorespiratoires Trente et un décès ont été enregistrés (27,4 %),
contribuer à l’hémostase avant que l’on puisse ont été constatés à l’arrivée des secours. Douze dont 22 concernent les moins de 5 ans. Dix noyades
suturer. traumatismes crâniens et faciocervicaux, 12 cas de mortelles sont survenues en canal-rivière, cinq en
fractures de membres, quatre traumatismes baignoire, cinq en piscine privée, quatre dans un
‚ Membre abdominothoraciques sont relevés dans cette plan d’eau, trois au bord de mer, trois en bassin à
Devant une section ou un arrachement d’un étude [43]. poissons et une seule en piscine publique.
segment de membre, il est actuellement L’évolution immédiate et à court terme est La gravité de ces noyades est confirmée par les
recommandé de ne plus mettre de garrot, mais de catastrophique avec six décès (21 %), et sept enfants quelques données suivantes :
faire un pansement épais, très compressif et bien porteurs de séquelles motrices ou fonctionnelles – dans 20 observations, il n’y avait aucune
maintenu en place sur le moignon de la section ou (25 %) avec des amputations de doigts, de membre surveillance de la part des adultes ;
de l’arrachement, en remontant vers la racine du inférieur, de bras, tandis qu’un blessé reste – dans 21 cas, aucun geste de premiers secours
membre. paraparésique. Seize enfants semblent avoir une n’a été effectué ;

5
8-0940 - Accidents de l’enfant

– le délai d’immersion est trop souvent prolongé ‚ Prévention leurs responsabilités, apprendre les gestes de
au-delà de 5 minutes ; premiers secours et mettre des systèmes de sécurité
La forte prévalence de la mortalité et de la
– le délai moyen d’intervention d’une équipe et de recouvrement efficaces de leurs piscines
morbidité dans les noyades de l’enfant rend compte
Smur ou sapeurs-pompiers est de 14 minutes (2 à privées (volet recouvrant, toit escamotable, bâche
de l’échec des conseils de prévention et des
40 minutes) ; solidement et étroitement fixée).
campagnes initiées en France depuis plus de 10 ans.
– lors du repêchage, 36 arrêts cardiorespiratoires Par ailleurs, tous les points d’eau doivent être
ont été notés, qui ont été suivis de 31 décès dont 21 correctement protégés ou surveillés efficacement,
À la maison lorsque les jeunes enfants jouent ou stationnent à
sur les lieux mêmes de l’accident ;
– sur 17 enfants comateux, trois sont décédés On ne doit jamais laisser un jeune enfant de proximité. Attention au jardin inconnu (location de
ultérieurement et trois autres ont conservé des moins de 12-14 mois seul dans une baignoire, vacances, visite chez des amis) qui recèle derrière un
séquelles, dont un cas d’encéphalopathie majeure même avec très peu d’eau, car l’enfant ne voyant buisson le bassin à poissons ou au fond d’un jardin
(infirmité motrice cérébrale et état végétatif) [53]. plus l’adulte, se lève, glisse ou bascule du fait d’une ou de la propriété le ruisseau traître.
Pour les noyades en piscine privée, sur les station debout malhabile et d’une incoordination
motrice. Dès que le visage est recouvert d’eau, Enfant présentant un handicap
39 accidents, 33 enfants n’avaient aucun
l’enfant s’affole.
équipement individuel de sécurité ; un seul enfant Qu’il s’agisse d’un bain en baignoire, d’une
portait des brassards gonflables et un autre une Il faut aussi surveiller l’enfant fébrile de moins de baignade en piscine privée, en piscine publique ou
bouée (cinq cas sans précision). 4-5 ans, qui risque de faire une crise convulsive, et en tout autre lieu de baignade ou de loisirs, les
tout enfant porteur d’un handicap ou faisant des enfants handicapés, tant moteurs que cérébraux, ne
La seconde enquête, conduite par la sous-
malaises [27]. doivent en aucun cas être exclus, mais soumis à une
direction de la défense civile et de la prévention des
Les articles de bain pour nourrisson (anneau, surveillance stricte, rapprochée, renforcée, et
risques, concernait les accidents de baignade dans
transat, coque plastique) ne sont que des articles de réclament une aide physique ou matérielle pour
les piscines privées au cours des mois de juin à
confort permettant aux parents de ne pas avoir à mieux en profiter. On préfère les douches aux bains
septembre 2000. Elle fait état de 108 victimes âgées
maintenir l’enfant tout en le lavant ou en jouant en baignoire [27].
de 0 à 5 ans (54 %) et 45 de 6 à 20 ans (23 %), donc
avec lui. En aucun cas ces enfants doivent être
77 % de moins de 20 ans. Quatre-vingt-huit
laissés seuls, ces articles n’étant pas des articles de
départements y ont participé (92 %). Les régions les Équipements de bain et de baignade
sécurité. Malgré cette information, ils ont encore pour débutants
plus concernées, PACA, Midi-Pyrénées, Languedoc-
entraîné ces dernières années plusieurs décès.
Roussillon, Aquitaine concentrent 75 % des victimes Les équipements dits de sécurité, bouées,
et des décès. Soixante et onze pour cent des décès brassards et gilets gonflables, ceintures, planches,
concernent les enfants et les adolescents (13 % de 6 Dans le jardin et aux alentours de la maison utilisés par les enfants lors des baignades ne
à 20 ans [24], 58 % de 0 à 5 ans, soit 32 décès). Ce Le problème des piscines privées est majeur. Les procureront jamais de sécurité absolue. On a vu des
constat montre une très nette augmentation des chiffres montrent que les campagnes de la enfants glisser au travers d’une bouée, les brassards
décès par rapport à l’année précédente, 1999, où Fédération nationale des constructeurs se dégonfler... Certaines bouées-sièges ont été
n’étaient enregistrés que 16 décès de 0 à 5 ans et 6 d’équipements de sports et de loisirs (FNECEL), « au interdites par arrêté car en se retournant, l’enfant
de 6 à 20 ans. Il semble que la remontée des bord de l’eau, pensons sécurité », et des pouvoirs restait prisonnier de l’article, ne pouvant dégager ses
informations en provenance des départements et publics, avec de nombreux supports (dépliants jambes des orifices.
des hôpitaux ait été meilleure en l’an 2000 par d’information grand public, sensibilisation de tous les Ces divers équipements ne dispensent pas
rapport à 1999, ce qui contribue à mieux connaître médias, circulaires aux maires, formation aux gestes d’assurer une surveillance de qualité, d’autant que
la véritable mortalité liée aux noyades en piscine de premiers secours), ne parviennent pas à modifier d’autres facteurs peuvent entrer en jeu dans la
privée, les hôpitaux ayant déclaré 12 décès au lieu les comportements. survenue d’une noyade : malaise dans une eau trop
de trois l’année précédente. Pour être efficaces, les actions ne doivent être froide par rapport à la température cutanée de
Dans 63 % des observations, les gestes de limitées ni dans le temps (pas seulement l’été), ni l’enfant, hypoglycémie (pas de repas, ni de collation
premiers secours ont été faits par les parents (31 %), dans l’espace (pas uniquement le sud de la France), pris avant la baignade), fatigue musculaire excessive
un secouriste présent sur les lieux (23 %), un maître ni à un seul public (les parents). Les propriétaires des (épuisement, l’enfant est allé au-delà de ses
nageur (5 %) ou une tierce personne (4 %). 500 000 piscines privées doivent être conscients de capacités), crise convulsive.

Conduite à tenir devant une noyade


✔ Au moment de la noyade, l’enfant avale d’abord une grande quantité d’eau pendant 1 à 2 minutes, avant que les voies
respiratoires, d’abord protégées par un laryngospasme réflexe, ne s’ouvrent brutalement, laissant l’eau pénétrer largement, et
l’anoxie survenir par asphyxie.
Il est donc indispensable que, dès le repêchage, on évacue le maximum d’eau de l’estomac, surtout lors d’une noyade en eau
douce, pour éviter une intoxication secondaire par l’eau et ses conséquences cérébrales redoutables (œdème cérébral, état de mal
convulsif, hypertension intracrânienne). Il faut coucher l’enfant sur le ventre, tête basse et tournée sur le côté et appuyer dans le
dos au niveau du rachis dorsolombaire pour comprimer l’estomac et éliminer passivement l’eau intragastrique, rejetée par la
bouche.
✔ Pour le reste, selon l’état du noyé, les gestes entrepris sont variables [26] :
– enfant sans anomalies cardiorespiratoires et conscient : mettre en PLS, déshabillage éventuel, essuyage doux et réchauffement
progressif par une couverture ;
– troubles respiratoires avec cyanose, voire arrêt respiratoire, avec activité cardiaque normale : ventilation par
bouche-à-bouche, relayée au masque avec un insufflateur manuel en oxygène pur ;
– arrêt cardiorespiratoire : réanimation cardiorespiratoire primaire en associant ventilation et massage cardiaque externe, puis
médicalisée par équipe Smur. L’enfant est intubé, reçoit de l’adrénaline (50 c/kg) et est soumis à une ventilation mécanique
assistée, le plus souvent avec une pression expiratoire positive en raison d’une hypoxie plus ou moins réfractaire par la
destruction du surfactant. Il faut être très prudent, si un remplissage par une substance macromoléculaire (Plasmiont ou Élohès
à 6 %t) s’avère nécessaire devant un collapsus, très rare, pour ne pas entraîner une surcharge liquidienne (surveillance du
volume du foie et de l’auscultation pulmonaire pour dépister les premiers signes d’un œdème aigu du poumon [OAP]). Il ne faut
pas hésiter à administrer alors un inotrope positif type Dopaminet ou Dobutrext.

6
Accidents de l’enfant - 8-0940

Respect des informations les retirer soi-même. L’ORL les retire sous anesthésie souvent illusoire chez l’enfant. Si l’enfant boit un peu
et de la réglementation locale avec des instruments non dangereux, et les d’eau et le garde, c’est que le corps étranger digestif
Les enfants, comme les adultes, doivent respecter aspire. Sans précaution, on risquerait de fragmenter est déjà dans l’estomac. Un corps étranger digestif ne
les règlements des piscines publiques, les zones de le corps étranger, de l’enclaver encore plus profond provoque guère d’autre trouble qu’une sensation de
baignade autorisées, les panneaux d’information et ou de blesser la fosse nasale. En cas de reniflement, gêne au passage pharyngé.
de signalisation au niveau des plans d’eau douce, un corps étranger végétal fragmenté pourrait Cependant, quelques corps étrangers digestifs
publics ou privés, ou au bord de la mer. Là, on doit entraîner une fausse route respiratoire dangereuse. sont dangereux par leur taille, leur forme ou leur
apprendre à se méfier des baïnes, des courants, du Si le corps étranger est méconnu, on y pense composition :
vent de terre, de la rapidité avec laquelle la mer devant une rhinite purulente très nauséabonde – les pièces de monnaie de la taille d’une pièce
progresse en fonction des marées, de la pente des unilatérale, car il est exceptionnel que l’enfant ait de 1 euro se bloquent aisément au tiers supérieur de
plages, du terrain (vase). Quant aux embarcations introduit un corps étranger dans les deux fosses l’œsophage, au niveau de sa compression externe
légères, aux matelas pneumatiques et aux supports nasales. par la crosse aortique. La muqueuse œsophagienne
flottants de fortune, ils n’ont jamais assuré la se rétracte sur les crénelures de la tranche de la pièce
moindre sécurité. Conduit auditif et l’enclave, entraînant une obstruction complète,
Enfin, on ne devrait jamais se baigner seul, mais Il s’agit de plus petits objets, notamment des qui fait vomir l’enfant (salive et boisson). Les grosses
toujours en compagnie de quelqu’un (pour secourir perles, du gravier, mais aussi d’insectes comme des piles-bouton ont le même sort. Il faut les enlever
et/ou alerter). moucherons ou des pince-oreilles, comme cela a été sous œsophagoscopie avec une anesthésie générale
bien souligné par M Dubois et M François (hôpital pour relâcher la muqueuse et ne pas risquer une
Apprentissage précoce de la natation Robert Debré, Paris) [14]. Les enfants dorment au sol perforation de l’œsophage lors de leur ablation, aux
Dès que c’est possible, car l’enfant doit pouvoir sur des matelas ou des nattes et les insectes conséquences dramatiques (médiastinite) ;
coordonner ses mouvements. Habituellement à s’introduisent dans les conduits pendant leur –les piles-bouton de petit calibre sont plus
partir de 5-6 ans, les enfants doivent apprendre à sommeil. C’est un corps étranger en général dangereuses par le produit caustique, acide qu’elles
nager avec des moniteurs ou des maîtres nageurs douloureux que le spécialiste ORL doit retirer, parfois renferment, que par le métal qui les constitue. Le
sauveteurs dont c’est le métier. Les parents ne après noyade de l’insecte par un lavage auriculaire. risque, c’est l’enclavement d’une micropile-bouton
doivent pas se substituer aux professionnels, même Vouloir le faire soi-même, c’est s’exposer à l’otite dans l’intestin grêle et la libération du caustique, qui
s’ils ont un rôle de soutien et d’encouragement. Trop externe inflammatoire, au saignement du conduit, va perforer le tube digestif à bas bruit. Un purgatif
de noyades sont survenues parce qu’un parent voire à la perforation du tympan. Méconnu pendant salin est indiqué pour accélérer le transit et l’évacuer
tentait d’apprendre à nager à un enfant, dans un lac, quelque temps, on suspecte un corps étranger rapidement. Une radiographie d’abdomen sans
une rivière ou en bord de mer. Grâce à l’Éducation devant une « surdité » d’apparition brutale. préparation est utile en cas de non-élimination en
nationale, tous les élèves en école primaire vont à la 24 heures, avec surveillance clinique de l’abdomen,
piscine et apprennent à nager dès le CE2 ou le CM1. Vagin pour envisager éventuellement une élimination
C’est exceptionnel, même si devant des pertes instrumentale par voie endoscopique ;
Connaissance par la population des gestes malodorantes de la petite fille, on pense d’abord à – les objets présentant une pointe aiguë effilée
de premier secours des attouchements ou à d’autres abus sexuels, ou à (aiguille, épingle) peuvent perforer l’intestin sur leur
C’est un devoir de tout citoyen de connaître les une infection locale par les mains sales ou une trajet. On n’hésite pas à les retirer par endoscopie,
gestes de premier secours, pour pouvoir sauver son souillure répétée par un essuyage incorrect au cours après repérage radiographique, mais ils peuvent être
concitoyen et un enfant qui se noie. Les propriétaires des défécations. La fillette doit être confiée à un englobés par des aliments et s’éliminer
de piscine privée devraient s’engager à les pédiatre gynécologue. spontanément.
apprendre et à les pratiquer régulièrement sur
mannequin. Des programmes sont en cours depuis ‚ Corps étrangers oculaires ‚ Corps étrangers trachéobronchiques
1997 pour les apprendre aux enfants de l’école Ils sont fréquents, surtout au cours des jeux et des Toujours très spectaculaires en raison du
élémentaire sur 4 ans, selon le modèle de ce qui est déplacements à l’extérieur dans les squares et les syndrome de pénétration qu’ils déclenchent lors de
fait au Danemark et en Norvège depuis de sous-bois. En dehors des poussières, des grains de leur pénétration dans l’arbre trachéobronchique,
nombreuses années. Il y a encore beaucoup à faire, sable ou de petits fragments de végétaux qui après avoir franchi par surprise les cordes vocales,
puisque la dernière enquête sur les noyades, n’entraînent qu’une irritation, ils peuvent être leur nombre ne baisse pas depuis 20 ans, entre 650
effectuée en 1999, a noté une absence de tout geste dangereux s’ils se plantent dans la cornée ou la à 700 cas annuels. Le service ORL d’urgence pour la
de sauvetage dans plus d’un tiers des cas. Il ne suffit blessent. région Île-de-France, à l’hôpital Necker-Enfants
pas de connaître les gestes de premier secours ; il Il faut rapidement protéger par des compresses Malades à Paris (Professeur Y Manach) en a recensé
faut régulièrement entretenir ses acquis pour être l’œil blessé et faire un pansement protecteur non 414 sur une période de 9 ans, soit 45 à 50/an en
efficace le moment venu sur le terrain. compressif, jusqu’à la consultation ophtalmologique. moyenne [60] :
Si l’œil est crevé avec écoulement liquidien, il faut – 70 % des enfants ont moins de 3 ans ;
immédiatement coucher l’enfant en position dorsale


– 75 % sont des corps étrangers organiques,
avant de procéder comme ci-dessus pour tenter notamment alimentaires où les graines dominent, à
Corps étrangers d’éviter l’énucléation. Elle n’est pas exceptionnelle, commencer par la cacahuète (193 cas), suivie par un
puisque nous en avions observé trois cas, toutes fragment de pistache, noix, noisette, amande, pois
Ils sont relativement nombreux, car une grande chez des garçons, sur 1 067 observations lors d’une chiche...;
partie d’entre eux relèvent directement du enquête menée à Paris de mai 1988 à mai 1990 – 25 % sont des corps étrangers non organiques,
comportement du petit nourrisson qui porte tout à avec le Samu de Paris et l’unité Inserm U 149 de la plutôt métalliques que plastiques ou autres. Ils sont
sa bouche et explore toutes les parties de son corps, mère et de l’enfant à Port-Royal (Paris). plus le fait de grands enfants, qui mettent le corps
et de celui du jeune enfant de moins de 5 ans qui étranger en bouche ou pincé entre les lèvres, et qui
‚ Corps étrangers digestifs l’aspirent par inadvertance au cours du jeu ou lors
joue et qui, sur le plan physiologique, n’a pas encore
la possibilité de bien croquer et mâcher avec les Ils sont très nombreux, dix fois plus fréquents que d’un état de surprise (tableau I).
dents de la première dentition. les corps étrangers trachéobronchiques, mais ils Dans tous les cas, le syndrome de pénétration se
posent rarement des problèmes, en raison de leurs traduit par une quinte de toux brutale, prolongée de
‚ Corps étrangers des cavités naturelles caractéristiques propres. Avalés par inadvertance, le nombreuses minutes avec cyanose intense du
plus souvent ronds, ovales ou sans aspérité notable visage et fréquente agitation de l’enfant [13, 69]. Il n’est
Nez (bille, perle, noyau de fruit), on les retrouve dans les pas en danger et il faut bien se garder de faire un
Il s’agit souvent de graines (haricot, petit pois, selles en 24 à 48 heures, après avoir parcouru le geste maladroit, dangereux, qui bloquerait le corps
lentille) ou de petits objets (bouton, perle...) qui se tube digestif. L’attitude ancienne de faire avaler de la étranger en sous-glotte avec arrêt respiratoire à la
bloquent grâce aux cornets. Il ne faut pas tenter de mie de pain ou des aliments possédant des fibres est clef : enfant suspendu par les pieds ou frappé

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8-0940 - Accidents de l’enfant

Tableau I. – Nature des différents corps étrangers (extrait de [60]).

Oléagineux : cacahuètes (183), pistaches (18), amandes (12), noix de cajou (4), noix
de coco (1), noisettes (11), noix (13), graines (6 dont 3 de tournesol), soit 246 (59 %
Végétaux alimentaires du total des corps étrangers) 273
Autres graines : haricots (5), maïs (4), riz (1), pommes (5) et pois chiches (2)
Autres : pain grillé (1), carottes (4), coquillette (1) et châtaignes (2)
Total corps étrangers
Viande hachée (3), os (7), arêtes (3), carapace de crustacé (1), crème de gruyère (1) organiques : 304
Alimentaires autres 16
et lardon (1)
Feuille de thuya (1), brindille (1), branche de sapin (1), bois (3), charbon de bois (1)
Autres végétaux et liège (1) 15
Non précisé : 7
Pointus : épingle (5), épingle à nourrice ouverte (1), clou (2), vis (7), punaises (2),
aiguille (1) et ressorts (3)
Métalliques Autres : barrettes (6), bouton-pression (1), plomb de carabine (1), médaille (1), 41
porte-clés (1), papier aluminium (3), fragments métal (2), rivet (1), porte de voiture
miniature (1), cylindre (1), gourmette (1) et capuchon de critérium (1)
Total corps étrangers
Perles (3), Lego (7), sarbacanes (4), bouton (1) et bâton de sucette (1)
non organiques : 110
Plastiques Divers (34) : pions, flèchettes, roues de camion miniature, extrémités de stylo Bict 50
cristal, bouchons de stylo (2), éléments de jouet et autres dont deux cylindres
Cailloux (9), dents (2), billes, mousse, mines de crayon, gommes, papier, rondelles de
Autres caoutchouc et moquette 19
Non précisé : 1

Tableau II. – Corps étrangers pharyngolaryngés obstructifs asphyxiques 1996-2000. Paris et départements 92, 93, 94 (document Smur pédiatrique,
groupe hospitalier Necker-Enfants Malades).

Heimlich-Mofenson
Corps étrangers Âge Lieu Évolution
Local/secours
1 - Feuille de salade 2 ans 1/2 non (pince) domicile décès
2 - Grain de raisin Italia 14 mois oui magasin décès
3 - Fragment de ballon de baudruche 3 ans non domicile décès
4 - Morceau de fromage 6 ans non domicile séquelles ++
5 - Vis à large tête plate 9 mois non domicile décès
6 - Grain de raisin Italia 5 ans non école décès
7 - Gros bonbon dur 18 mois oui/- cabinet médical vivant
8 - Sucette en caoutchouc 18 mois non crèche vivant
9 - Marschmallowt 3 ans non (pince) domicile séquelles ++
10 - Grain de raisin Italia 18 mois non domicile décès
11 - Spaghettis aspirés 7 ans non/oui domicile vivant
12 - Rondelle de saucisson sec 3 ans non/oui domicile vivant
13 - Boule de jeu plastique 14 mois non/oui domicile décès
14 - Capsule plastique de bouteille d’eau minérale 3 ans oui domicile vivant
15 - Fragment de saucisse de Strasbourg 3 ans non/oui (pince) domicile vivant
16 - Hémicoque de Kinder surpriset 3 ans non domicile décès
17 - Ventouse de pare-soleil d’automobile 3 ans non trajet en voiture décès
18 - Grain de raisin Italia 3 ans non domicile décès

violemment dans le dos (toute manœuvre de étranger se manifeste par des signes de bronchite totalement opposé dans ses manifestations par
Heimlich ou de Mofenson est ici interdite). De même, fébrile, un wheezing et des sibilants expiratoires ou rapport au syndrome de pénétration du corps
l’introduction de doigts dans la bouche provoquerait, des râles en foyer, ce qui est suspect. Une étranger trachéobronchique.
du fait de la toux violente, une fausse route radiographie pulmonaire en inspiration et expiration Ici, il s’agit d’un gros corps étranger, plus souvent
trachéobronchique alimentaire, qui peut être forcées montre des troubles de ventilation, zone alimentaire qu’un objet ou fragment d’objet, qu’un
mortelle, comme on l’a déjà observé. emphysémateuse lobaire ou lobulaire, atélectasie ou enfant a introduit dans sa bouche et qu’il essaie de
Il faut donc attendre que l’enfant ait repris foyer mal systématisé qui y font penser, surtout si les déglutir, après l’avoir parfois insuffisamment croqué
spontanément sa respiration, même s’il tousse signes respiratoires sont à répétition dans un laps de ou mâché du fait de ses capacités ; 90 % de ces
encore par intermittence et qu’il est un peu temps court malgré l’antibiothérapie. enfants ont moins de 5 ans et 80 % moins de 3 ans.
dyspnéique, pour le conduire en position assise Une bronchoscopie sous anesthésie générale Ces accidents font partie des 45 à 50 décès annuels
stricte (pas de position allongée au risque d’une permet, dans l’immense majorité des cas, d’extraire enregistrés dans la tranche des 1-4 ans révolus dans
mobilisation du corps étranger) vers un service ORL le corps étranger. La réalisation d’une bronchotomie les statistiques annuelles de l’Inserm.
d’urgence, afin de procéder calmement à l’extraction distale par thoracotomie est exceptionnelle.
sous anesthésie générale, par un ORL pédiatre En 5 ans, de 1996 à 2000, le Smur pédiatrique de
compétent, disposant de matériel approprié. l’hôpital Necker-Enfants Malades en a répertorié
‚ Corps étrangers obstructifs 20 cas, liste non exhaustive (tableau II).
Ces corps étrangers trachéobronchiques
pharyngolaryngés
entraînent 1 à 2 % de mortalité. L’accident initial est Brutalement, l’enfant ne bouge plus, sidéré, la
parfois assez bref, donc négligé, puis oublié par les Ils sont relativement rares, mais d’une gravité bouche ouverte, sans mouvement respiratoire, sans
parents (17 %), voire méconnu, les parents n’ayant absolue. La mort peut survenir en quelques minutes, pouvoir tousser, crier, parler, s’exprimer de quelque
pas assisté à la scène et l’enfant ne venant pas le par asphyxie totale et anoxie cérébrale, si des façon que ce soit. En quelques dizaines de secondes,
dire. Quelques jours plus tard, l’obstruction complète manœuvres réflexes ne leur ont pas été opposés, il se cyanose et ses pupilles se dilatent avant qu’il ne
ou incomplète de la bronche où s’est bloqué le corps après reconnaissance du tableau typique et perde connaissance. C’est l’asphyxie par obstruction

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Accidents de l’enfant - 8-0940

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2
3 6

1 Manœuvre de Mofenson.

complète en sus-glottique, par un gros corps


étranger, parfois enclavé derrière l’épiglotte.
Sur des thorax peu volumineux et étroits (souvent
avant 5 ans), la manœuvre de Mofenson (violente
frappe à plat main dans le dos) est efficace d’emblée.

Méthode de Mofenson
Cette manœuvre est aisément réalisable par un
personnel n’ayant aucune connaissance médicale.
Elle est recommandée, même en première intention,
dans les structures de garde de la petite enfance
(crèches, haltes-garderies, assistantes maternelles).
¶ Technique
– Fléchir sa cuisse en posant le pied par terre ou 2 Manœuvre de Heimlich. 1. Objet obstruant ; 2. diaphragme ; 3. appendice xiphoïde ; 4. ombilic ; 5. objet
sur une chaise, installer l’enfant déjà en arrêt obstruant éjecté ; 6. transmission du coup.
respiratoire, inconscient et hypotonique, en position ¶ Technique tendu au niveau du creux épigastrique, toujours
ventrale à califourchon sur la cuisse fléchie (fig 1). Chez le jeune enfant, qui peut être gardé debout, entre l’ombilic et l’appendice xiphoïde. En enserrant
– Maintenir par en dessous le thorax de l’enfant plaqué contre la poitrine du sauveteur, ou assis sur le poing de son autre main, on enfonce le poing
avec une main, et avec le plat de l’autre main, ses cuisses, le sauveteur est derrière la victime, le sous l’appendice xiphoïde vers le haut et en arrière,
frapper violemment en plein dos entre les deux ceinturant de ses bras. On peut aussi asseoir l’enfant en direction de la colonne vertébrale. La manœuvre
omoplates. Le thorax ainsi comprimé très fortement sur une table en se plaçant derrière. Repérage de la faite immédiatement expulse le corps étranger
entre les deux mains entraîne la vidange pulmonaire région sus-ombilicale entre l’ombilic et l’appendice bloqué dans la gorge, hors de sa bouche, si elle est
et le déplacement de la masse d’air avec force dans xiphoïde : en plaçant une main (droite), paume au restée ouverte.
l’axe bronchotrachéal permet de décrocher le corps contact de l’abdomen en région sus-ombilicale, La manœuvre de Heimlich est une manœuvre
étranger sus-glottique et de l’expulser en dehors de empaumée par l’autre main, avec force on enfonce réflexe, faite d’emblée dès la reconnaissance du
la bouche. la main (droite) en sous-xiphoïdien grâce à un tableau asphyxique, qui seule, permet de sauver
mouvement dirigé vers le haut et en arrière. l’enfant, car même dans une grande ville comme
Manœuvre de Heimlich
Pour les grands enfants comme chez les adultes, Paris, le temps moyen de déplacement des premiers
À tout âge, on peut réaliser la manœuvre de c’est le poing (droit) que l’on place en oblique, pouce secours sapeurs-pompiers est de 7 minutes, celui
Heimlich. au contact de la peau abdominale en sus-ombilical, d’une équipe de Smur de 11 minutes. Or le décès
Elle consiste à créer une brutale compression des qui est violemment enfoncé vers le haut et en arrière peut survenir en 5 minutes si l’asphyxie est
deux poumons remplis d’air par l’intermédiaire du en sous-xiphoïdien par l’autre main, qui a empaumé complète, avec 2 à 3 minutes de répit supplémen-
refoulement du diaphragme vers le haut, ce qui le poing (droit) (fig 2). taire si un mince filet d’air peut encore passer.
mobilise avec violence leur contenu gazeux dans En cas d’enfant trop lourd ou d’obèse, celui-ci est Si une manœuvre n’est pas efficace une première
l’axe bronchotrachéal, soulevant et expulsant avec mis en position dorsale. On se place à genoux sur les fois, la recommencer en s’appliquant, puis passer à
force le corps étranger sus-glottique [30]. cuisses de l’enfant, en plaçant le poing (droit), bras l’autre manœuvre. Ces manœuvres, même bien

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8-0940 - Accidents de l’enfant

faites, peuvent échouer devant la nature végétale du de ressuscitation primaire qui sont effectués sont endormis en fumant au lit, que trois autres
corps étranger (grain de raisin Italia, feuille de salade) directement par l’entourage de l’accidenté. incendies étaient dus à des jeux d’enfants qui
ou un fragment de caoutchouc (ballon de baudruche Ces accidents d’asphyxie seraient plus nombreux avaient enflammé de vieux matelas dans des caves
éclaté, partie caoutchoutée d’une sucette désinsérée actuellement, si une information permanente n’était ou un grenier [44].
de sa protection circulaire plastique, en raison de leur pas donnée aux parents depuis des années et si des Sur les 80 décès annuels par brûlures, 60 à 65
grand pouvoir d’adhésion à la muqueuse, voire à un dispositions réglementaires n’avaient été prises dans sont dus aux seuls incendies, avec des enfants
produit très visqueux et gluant (bonbon à la la dernière décennie 1990-2000 : retrouvés carbonisés sur les lieux du sinistre ou
guimauve). – pas de chaîne, de chaînette, de lien, ni de asphyxiés par les gaz, les fumées et les suies. Dans
cordelette autour du cou avant l’âge de 5 ans. 31 % des observations, il n’y avait aucun adulte au
L’enfant doit pouvoir comprendre ce qui lui arrive, domicile quand le feu s’est déclaré.
En résumé : pour ne pas faire un mouvement brutal spontané Dans l’enquête de 1991-1992, menée sous la
✔ si l’enfant tousse violemment, qui aggraverait la situation (se débattre comme un direction du Professeur C Mercier de Tours, 56 % des
brutalement, pendant plusieurs fou, tirer pour se dégager) ; enfants étaient brûlés en dessous de 10 % de la
minutes, avec agitation et cyanose – système de blocage automatique pour les surface corporelle, 30 % entre 10 et 20 %, 14 %
du visage : ne rien faire et attendre portes de garage automatique construites après au-delà.
que l’enfant reprenne spontanément 1989 avec effet rétroactif sur les portes déjà Les parties du corps les plus fréquemment
installées [33] ; atteintes sont le tronc (42 %), la tête et le cou (35 %),
sa respiration, le corps étranger de
– décret obligatoire concernant les lits en hauteur les mains (32 %) dans l’accident typique du
petit calibre allant se bloquer bas
et superposés (1994) ; nourrisson de 1 à 2 ans qui renverse sur lui un
dans une bronche ; – décrets obligatoires concernant les récipient de produit chaud.
✔ si l’enfant est sidéré, ne bouge équipements d’aires de jeux collectives (1994-1996) ; Les brûlures par liquides sont habituellement du
plus, ne tousse pas, ne crie pas, – arrêté concernant les couvercles des deuxième degré, avec des phlyctènes et des
n’émet plus aucun son, ne respire conteneurs métalliques de déchets ; décollements de peau, mais les huiles ménagères,
plus, la bouche grande ouverte, – décret instituant l’installation d’une porte dont le point d’ébullition est entre 160-180 °C,
précédant la cyanose et la perte de obligatoire dans les ascenseurs collectifs et donnent des brûlures plus graves (troisième
connaissance en moins de 1 minute, améliorant la sécurité des cages d’escalier, soit par la degré) [23].
c’est un corps étranger obstructif fermeture totale du puits, soit sa protection par un Les brûlures par flammes et par certains solides
grillage de 1 m 50 de haut qui ne peut être escaladé chauds (porte de four) provoquent des brûlures du
pharyngolaryngé, asphyxique : tenter
par un enfant. troisième degré, même sur de petites surfaces, car le
sur le champ les manœuvres de jeune enfant reste plusieurs secondes au contact de
Mofenson ou de Heimlich, en la source brûlante, avant de comprendre ce qui lui


fonction de l’âge. arrive et de décoller sa main. Dans les incendies, plus
Brûlures de la moitié des brûlés le sont sur une superficie de
plus de 20 % et 10 % sont totalement carbonisés.


Autres asphyxies

Si le corps étranger obstructif du pharyngolarynx


Sur 5 000 enfants brûlés chaque année, plus de
1 000 sont hospitalisés, dont les deux tiers dans l’un
des 15 centres de brûlés recevant des enfants en
France, les autres étant admis dans des services de
Une brûlure est sévère si elle dépasse 5 % de la
surface corporelle chez le nourrisson et 10 % chez
l’enfant, ou si certaines zones sont atteintes : face,
cuir chevelu, plis de flexion, cou, périnée, organes
génitaux ou brûlures circulaires. La gravité des
réalise une asphyxie, il existe d’autres situations chirurgie. La dernière étude nationale a été effectuée brûlures est attestée par la durée moyenne
d’asphyxie chez l’enfant : du 1er septembre 1991 au 31 août 1992 sur d’hospitalisation qui est de 3 semaines, certains
– asphyxie bucconasale par un sac plastique, 937 enfants brûlés [48]. Elle a permis de définir un enfants restant plus de 6 mois lors de la première
relativement fin, dont l’enfant s’est recouvert la tête profil type de l’enfant le plus souvent victime d’une hospitalisation, d’autres séjours hospitaliers étant
(attention dans les supermarchés) ; brûlure : alors nécessaires pour traiter des séquelles, comme
– étranglement cervical par un cordon de rideau, – un tout-petit de 0 à 3 ans dans 60 % des cas, des rétractions tendineuses et musculaires et des
une cordelette, une laisse de chien ou la courroie plutôt un garçon (61 %), victime d’une brûlure brides rétractiles aponévrotiques. Dix pour cent des
d’un sac à main porté autour du cou ; domestique (85 %), généralement dans la cuisine enfants ont dû séjourner dans un centre de
– pendaison dans un lit superposé, un vieux (56 %) par contact avec un liquide chaud (eau de rééducation spécialisé. Près de la moitié des brûlés
berceau pliant pour nourrisson non conformes à la cuisson, lait, soupe, thé, café, huile) ou un solide hospitalisés garderont des séquelles et un tiers
réglementation actuelle et ne respectant pas les chaud (12 % ; plaque de cuisinière ou porte de four, subiront une ou plusieurs greffes de peau.
exigences essentielles de sécurité du décret du radiateur, cafetière électrique, fer à repasser...), ou
27 juillet 1992 ; dans la salle de bains (13 %) avec de l’eau sanitaire ‚ Prévention des brûlures
– strangulation par un cordon de vêtement ou (73 %) ; La prévention des brûlures passe d’abord par une
une jugulaire de casque-vélo au cours d’un grimper – l’enfant de plus de 10 ans est davantage information répétitive des parents et des éducateurs,
d’arbre, d’une escalade d’équipement d’aire de jeux victime de flammes lors d’une manipulation d’un une vigilance accrue lors de la préparation des repas,
collective ou d’une glissade sur un toboggan [62] ; produit inflammable à proximité d’une source de et des repas eux-mêmes, en présence d’enfants de
– respiration en atmosphère confinée, l’enfant se chaleur (White spiritt, alcool à brûler, détachant pour moins de 5 ans, puis par l’éducation au risque dès
cachant dans un réduit, qu’il ne peut ouvrir de le linge...), de la projection d’alcool à brûler sur les que possible. Faire porter au contact de la peau des
l’intérieur, un coffre ou un tiroir vide de lit. Au bout de braises semblant refroidies du barbecue, d’un feu tout-petits des vêtements en coton ou en laine est
quelque temps, l’oxygène se raréfie dans cet air non d’herbes ou de broussailles, de l’explosion d’une une sage précaution.
renouvelé et l’enfant réinspirant son propre gaz bouteille de gaz ; D’autres recommandations sont classiques :
carbonique, la narcose au CO2 précède la mort, si – à tous les âges, mais la moitié des victimes ont – mettre les fours en hauteur et installer une
l’enfant n’est pas découvert à temps [51] ; moins de 5 ans, l’enfant peut être victime d’un porte froide sur la porte du four de la cuisinière, si
– asphyxie par obstruction complète du nez et de incendie, quelquefois allumé par l’enfant lui-même elle n’en dispose pas à l’achat ;
la bouche par du sable (écroulement d’un tunnel en manipulant un briquet ou des allumettes, pour – utiliser de préférence les feux du fond de la
creusé dans le sable ou enfants jouant dans une mettre le feu à des papiers, enflammant des rideaux, cuisinière et tourner les queues des casseroles et des
sablière) ; une couverture ou ses propres vêtements [36]. poêles vers le fond, côté mur ;
– écrasement par des objets lourds : armoire, Ainsi, l’enquête menée par les Samu de France en – ne pas porter dans les bras un enfant en
commode, porte de garage automatique [33]. 1995 sur 65 enfants victimes d’incendie dans une s’activant devant la cuisinière ;
La survie sans séquelles dépend de la rapidité des habitation a révélé que dans trois cas, l’enfant avait – ne pas laisser les enfants s’amuser avec des
premiers secours et notamment des premiers gestes manipulé des allumettes, que trois adolescents se allumettes ou un briquet, tant ils sont friands

10
Accidents de l’enfant - 8-0940

‚ Que faire devant une brûlure [9] ? En attendant les secours :


– mettre l’électrisé au repos, en PLS, même en
l’absence de lésions apparentes (anomalies de
✔ Sur une région découverte, il faut immédiatement (dans le premier quart d’heure) l’électrocardiogramme possibles) ;
faire couler pendant 5 minutes de l’eau fraîche entre 15 à 20 °C, à 15 cm de la – toute perte de conscience impose la mise en
peau brûlée et uniquement celle-ci. Cette attitude bénéfique, spontanée, qui permet PLS ;
d’éliminer 20 fois plus vite que l’air la chaleur du produit en cause, ce qui limite – pratiquer le bouche-à-bouche, en cas
la durée de contact entre la peau de l’enfant et la source de chaleur, n’est réalisée d’inefficacité respiratoire isolée, avant de pouvoir
que dans un tiers des cas par l’entourage de l’enfant. Un refroidissement procéder à une ventilation en oxygène pur avec un
intempestif du jeune enfant, gênant la perfusion et la réanimation, serait obtenu insufflateur manuel ;
rapidement par une eau trop froide, s’écoulant trop longtemps et débordant – un massage cardiaque externe y est associé en
cas d’arrêt cardiorespiratoire ;
largement la région brûlée. Les Smur et les sapeurs-pompiers utilisent des
– rechercher les points d’entrée et de sortie du
compresses contenant 97 % d’eau et 3 % de gel froid, dit gel d’eau, qui remplacent
courant au niveau du corps de l’enfant (points ou
l’écoulement d’eau (Brulstopt, Waterjelt) [34]. plaques rouges) en essayant de tracer le trajet
✔ Si la surface est peu étendue, l’application en couche épaisse de pommade probable du courant pour prévoir les zones de
Biafinet ou de Flammazinet, après l’écoulement d’eau, est bénéfique, le tout survenue des nécroses secondaires éventuelles.
protégé par des compresses stériles et une large bande Velpeaut. Les électrocutions sont rares chez l’enfant (sept à
✔ Si l’enfant s’est renversé le liquide bouillant sur un vêtement en fibres naturelles dix cas par an), mais on peut mourir avec du courant
(coton, laine, lin), il faut le déshabiller aussitôt, avant l’écoulement d’eau, car dans domestique 220 V. N’acheter que du matériel
un premier temps (quelques minutes), le vêtement absorbe la chaleur du produit électrique portant le sigle « NF » et faire installer un
renversé, puis la restitue ensuite à la peau, se comportant en cataplasme, disjoncteur différentiel à haute sensibilité de 30 mA
aggravant les lésions. sur son installation électrique domestique sont
✔ En cas de port de vêtement synthétique ou constitué de fibres synthétiques d’excellents moyens pour éviter les accidents
électriques domestiques. Les prises électriques
prédominantes (70 %) qui collent à la peau brûlée, il ne faut surtout pas le retirer,
doivent disposer d’un opercule de sécurité obturant
mais faire couler de l’eau sur la région brûlée comme précédemment. les deux trous en postérieur, qui se soulève sous la
✔ Lors de brûlures par flammes, il est impératif d’étouffer les flammes, en poussée des deux branches de la prise du cordon
recouvrant l’enfant par un vêtement ou une couverture en fibres naturelles ou en des appareils utilisés. Les prolongateurs « NF »
roulant l’enfant au sol. Quel que soit le tissu qui compose le vêtement au contact possèdent une jupe isolante et des broches
de sa peau, en aucune façon il ne faut le retirer. Les fibres textiles naturelles se protégées. Les prises multiples doivent se présenter
consument et s’incrustent, les fibres synthétiques fondent. sous forme de barrettes.
✔ On procède à l’écoulement d’eau sur la région brûlée, car à côté des zones de
troisième degré, insensibles et carbonisées, il y a toujours des zones du deuxième
degré superficiel et intermédiaire, qui en bénéficient, notamment en périphérie.

d’allumer eux-mêmes les bougies du gâteau


d’anniversaire, le feu dans la cheminée, ou les
électriques domestiques (220-360 V), des brûlures
graves conduisent à des amputations ou des décès,

Accidents de sports et de loisirs

Chaque année, 12 enfants sur 1 000 sont


bougies sur la table de la fête ; surtout dus à des courants supérieurs à 10 000 V [2]. victimes d’un accident de sports et de loisirs, avec là
– aucun produit pétrolier ne doit être projeté sur Les accidents sont de plusieurs types : encore une nette prédominance masculine (77 %).
des braises pour raviver un barbecue ; – simple secousse avec impression de Avant 6 ans, ils ne représentent que 10 % des
– ne jamais laisser seuls des enfants de moins de fourmillements désagréables, notamment des accidents de la vie courante, pour s’élever à 25 %
9-10 ans à la maison, surtout des garçons ; extrémités (mains), qui ont touché l’élément entre 6 et 10 ans et 40 % entre 11 et 16 ans.
– bien ventiler les pièces ou locaux où l’on utilise électrique responsable (décharge électrique) ; Tous les sports de ballon sont largement en cause
des produits inflammables et toujours en l’absence – troubles de la conscience pouvant aller de (40 %), suivis par le ski (10 %), la gymnastique
de source de chaleur à proximité ; l’obnubilation au coma profond ; sportive (6 %), la bicyclette, l’équitation, les sports de
– éloigner les lampes halogènes de tout rideau
– arrêt ventilatoire par tétanisation des muscles contact comme le judo et les nouveaux sports,
synthétique et protéger les flammes nues (pare-feu
du diaphragme ; également moyens de locomotion dans les villes,
de cheminée) ;
– installer des détecteurs de fumée, notamment – arrêt cardiaque immédiat (électrocution) ; comme les rollers ou le skateboard.
dans le couloir conduisant aux chambres, bien La chute représente le mécanisme accidentel le
– brûlure cutanée : simple rougeur inflammatoire
entretenus et régulièrement vérifiés [10, 12] ; plus fréquent (65 %), précédée ou non d’un choc
au début, puis apparition rapide de phlyctènes, et en
– apprendre à se protéger et à alerter en cas (37 %), principalement un heurt entre deux enfants
quelques jours, développement d’une nécrose,
d’incendie d’habitation ; (jeux collectifs de ballon...). Viennent ensuite les
parfois très profonde et étendue par effet Joule : le
– savoir utiliser correctement le four à blessures provoquées par des objets ou des
courant, en traversant le corps de l’enfant, entraîne
micro-ondes, bien respecter les instructions matériaux. Coupures, piqûres, voire morsures
la production d’une grande quantité de chaleur,
d’utilisation et toujours vérifier la température des d’animaux (chiens, équidés...) ne sont pas rares.
amenant à cette nécrose des tissus traversés, d’où
boissons et des aliments destinés à l’enfant. Les Ces accidents de sports et de loisirs occasionnent
une surveillance médicochirurgicale quotidienne.
liquides doivent être agités et les aliments autant de lésions graves (58 %) que de lésions
semi-solides bien homogénéisés. La conduite à tenir dépend de l’état de l’électrisé, bénignes (56 %), qui se situent d’abord au crâne et à
mais dans tous les cas, il faut tenter de couper le la face (41 %), puis se répartissent de façon égale
courant au compteur électrique, si on y accède entre les membres inférieurs (34 %) et les membres


Électrisation

C’est l’ensemble des problèmes médicaux liés au


rapidement. Si cela n’est pas possible, bien s’isoler
avant d’écarter la victime de la zone conductrice
dangereuse en utilisant un matériau non
conducteur, comme un morceau de bois.
supérieurs (33 %) [72].
C’est pourquoi le taux d’hospitalisation est plus
élevé (loisirs 14,9 % ; sports 14,2 %), que pour les
accidents domestiques (11,5 %) ou scolaires (8,7 %).
passage d’un courant électrique à travers le corps Pour une électrisation, appeler le 15, mais s’il On enregistre 11 % de séquelles, plus souvent des
humain. Si les courants de faible tension et de faible s’agit d’une ligne à haute tension, prévenir aussi les déficiences mécaniques et motrices (42,2 %)
ampérage représentent la majorité des accidents services de l’Électricité de France. qu’esthétiques ou sensorielles [28].

11
8-0940 - Accidents de l’enfant

Dans la catégorie accidents de loisirs, on trouve ‚ Montagne garçons sont majoritaires (70 %) et les 11-15 ans
des noyades en eau froide dormante (lac, étang, Une enquête du réseau épidémiologique de représentent la moitié des accidentés. Selon les
plan d’eau...) ou courante (rivière, canal, torrent...), l’association des médecins de montagne en 1997 a séries, entre 12 et 18 % des enfants accidentés sont
des brûlures (feu d’herbes, barbecue, explosion de précisé l’âge des collisions sur les pistes de ski : hospitalisés, très souvent pour moins de 48 heures,
munitions...), des corps étrangers oculaires, mais ils 20,4 % des collisions concernent des moins de mais un sur dix pour 1 à 2 semaines [68].
ne sont pas très fréquents. Les lésions oculaires 10 ans (trauma crânien dans 12,6 % des cas) et La diminution de ces accidents passe par le port
peuvent conduire à des énucléations ou laisser des 16,3 % des 11-15 ans (trauma crânien dans 9 % des de vêtements adéquats évitant les plaies ouvertes et
séquelles visuelles importantes. Les brûlures par cas). les abrasions cutanées, le choix du matériel et le port
flammes avec explosion sont souvent étendues, En 1992-1993, les traumatismes crâniens d’équipements individuels de protection efficaces au
profondes, du troisième degré, avec parfois des concernaient 5,08 et 5,19 % de la totalité des niveau des poignets, des coudes et des genoux. Cela
phénomènes de blast (lésions pulmonaires et ORL accidents de ski dans ces deux catégories d’âge. suppose leur normalisation, comme pour les
induites). Après une première campagne de prévention de ce casques, qui devraient avoir des spécificités propres
type d’accident « skiez casqué », en 1994-1995, on a par rapport aux casques de vélo déjà homologués.
‚ Aires de jeux observé une chute des traumatismes crâniens chez Une campagne de sensibilisation et d’information
Les équipements d’aires de jeux sont l’enfant à 2,73 % en 1995, mais cette baisse fut de des pratiquants de rollers a débuté en l’an 2000 et se
responsables de nombreux accidents chez les moins courte durée, puisqu’en 1997 il y en avait 3,55 %, poursuivra jusqu’en 2002, à l’instigation de quatre
de 10 ans : le toboggan en premier lieu, les jeux bien que le quart des enfants soient alors casqués organismes : le Comité français d’éducation pour la
sur les pistes. santé (CFES), la CNAMTS, la direction générale de la
d’escalade comme les cages à poules ou à écureuils,
Ces casques doivent être soumis à des tests de concurrence, de la consommation et de la répression
les passerelles en cordage ou en bois, les cabanes et
résistance à la pénétration, d’absorption des chocs, des fraudes (DGCCRF) et la Commission de sécurité
les fortins, loin devant la balançoire et le
de résistance et d’efficacité de l’attache jugulaire, des consommateurs (CSC).
tourniquet [31, 50].
Depuis le 1er janvier 1995, tous les équipements pour qu’ils soient conformes à la norme obligatoire,
donc efficaces. En 1998, une enquête effectuée par


d’aires de jeux collectives doivent répondre à des
exigences essentielles de sécurité qui ont été définies le mensuel consumériste « 60 millions de
consommateurs » a montré que 55 % des
Accidents scolaires
par un décret publié en août 1994. Par ailleurs, les
équipements d’aires de jeux collectives ont été 16 casques de ski testés répondaient à la norme.
normalisés en France, ce qui oblige les fabricants à D’autre part, les enfants les trouvent parfois lourds et Atteignant 23 enfants âgés de 3 à 16 ans sur
respecter les normes pour que leurs produits chauds à l’usage, ce qui explique sans doute une 1 000, ils constituent 15 % de l’ensemble des
n’occasionnent pas d’accidents. En décembre 1996, partie du faible taux de port du casque. accidents, mais 37 % dans la tranche d’âge des
un second décret obligatoire a pris en compte Des campagnes annuelles concernant la sécurité 10-15 ans.
l’entretien, le contrôle et la vérification régulière des des skieurs et le port du casque ont été initiées à En 1993-1994, une enquête prospective menée
équipements qui peuvent se détériorer au fil du partir de 1999. dans les écoles du premier et du second degré dans
temps, soit du fait des intempéries, d’un usage ‚ Skateboard le département du Val-de-Marne révélait 1,2 %
intensif, soit malheureusement d’actes de d’enfants accidentés dans le premier degré et 5,8 %
Les accidents de skateboard se voient surtout
vandalisme. dans le second degré [21].
chez le garçon (87 %). Les blessures touchent
Il est à souligner que les équipements d’aires de Les garçons sont là encore majoritaires (62 %).
davantage les extrémités des membres, puis les
jeux collectives implantés dans les crèches, Dans le premier degré, les accidents scolaires ont
coudes et les genoux (74 %), que la tête et le cou
haltes-garderies et les établissements scolaires sont d’abord pour cadre la cour de l’école (30 %) en
(21 %) ou le tronc (5 %). Un traumatisme crânien
régis par ces mêmes décrets. Une enquête menée en récréation, lors des jeux, mais aussi des bagarres
s’observe plus fréquemment chez les 5-9 ans,
1997 par l’Association d’éducation et d’information entre garçons (un accident sur dix). Les
conséquence de la moitié des chutes, que chez les
du consommateur de la Fédération de l’Éducation infrastructures des locaux scolaires (escaliers,
10-19 ans. Un casque est rarement porté. Les
nationale (ADEIC-FEN) a montré une très nette portes...), le mobilier et les équipements de jeux
enfants de moins de 7 ans ne devraient pas faire de
amélioration de la qualité et de la sécurité des (toboggan, structures à grimper, à escalader, plots...)
skateboard, en raison d’un centre de gravité très
équipements en milieu scolaire élémentaire, avec et de sport (appareils de gymnastique, cages de but,
haut, d’un système neuromusculaire mal développé,
démontage des jeux dangereux et non conformes, paniers de basket, panneaux...) interviennent dans
de leur mauvaise évaluation des risques et d’une
lorsque cela s’avérait nécessaire. 18 % des cas, les visites éducatives hors
incapacité à se protéger suffisamment des accidents.
Ces dispositions réglementaires ne dispensent pas établissement dans 9 % et les accidents de sport
les adultes, parents, animateurs et éducateurs, d’une ‚ Rollers dans 45 %, surtout dans la tranche d’âge des
surveillance appropriée et rapprochée des enfants, Les accidents de rollers sont nombreux et 10-15 ans où ils atteignent un taux de 65 %.
qui doivent utiliser ces équipements en fonction de concernent surtout les débutants, dans les premières Les chutes et les chocs représentent 80 % des
leur âge, de leurs capacités motrices, physiologiques semaines d’utilisation. Il s’agit à la fois d’un sport et mécanismes lésionnels. Certains chocs peuvent
et intellectuelles, mais aussi normalement, sans d’un moyen de déplacement simple et rapide dans entraîner une chute ensuite. Deux accidents scolaires
prendre de risque particulier, facilité par le chahut et les villes, alors que le pratiquant de rollers est sur trois sont bénins et se soldent par des contusions,
les bagarres. toujours assimilé à un piéton et qu’aucun espace ne des hématomes ou des plaies superficielles, et des
Des études récentes ont pu dégager des éléments lui est réservé, pas même les pistes cyclables [18]. traumatismes crâniens sans conséquence.
intéressants dans quelques accidents de loisirs Il s’agit essentiellement de chutes (92 %), Cependant, on relève 18 % de plaies profondes,
traditionnels (ski) ou en pleine expansion, comme rarement de collisions (4 %) et 37 % des accidents 18 % d’entorses et 14 % de fractures chez les plus de
l’utilisation de plus en plus fréquente en pleine ville surviennent lors d’un trajet. La chute se produit le 10 ans. Plus l’enfant grandit, plus les lésions sont
du skateboard ou des rollers, dans des espaces non plus souvent en avant avec réception en sévères.
prévus pour cela, sur les trottoirs, voire sur la hyperextension, ce qui explique la prédominance Alors que la tête (crâne et face) est la plus touchée
chaussée (avec un baladeur sur les oreilles). des lésions au niveau des membres supérieurs, de chez les enfants de maternelle et de primaire (90 %
Récemment, de nombreux accidents, heureusement 62 à 68 % selon les séries, avec des fractures du des cas), ce sont les membres inférieurs ou
de faible gravité, sont survenus par chute sur le poignet, du scaphoïde, puis du coude (olécrane). On supérieurs qui sont préférentiellement en cause
visage lors de l’utilisation de trottinettes bon marché, note aussi des entorses de la cheville et des (72,5 %) chez les enfants de 11 à 16 ans, en raison
fabriquées en Chine, qui présentaient des défauts de contusions et plaies avec des pertes de substance de la fréquence des accidents de sports.
fabrication. Le guidon télescopique se desserrait en spécifiques à la face palmaire et dorsale des mains, Les enfants accidentés sont d’abord soignés sur
son milieu et s’enfonçait brutalement au cours du du membre supérieur et à la face antéroexterne de place par le personnel enseignant (80 % des cas en
déplacement. Douze marques de trottinettes ont dû la cuisse et de la jambe [41]. primaire), les infirmières scolaires (51 % des cas dans
être rappelées, puis retirées du circuit commercial au Quelquefois, un glissement en arrière provoque le second degré) et les éducateurs auxiliaires. Deux
premier trimestre 2001. un traumatisme occipital, ce qui est rare (5 %). Les enfants sur dix ont besoin de soins médicaux,

12
Accidents de l’enfant - 8-0940

dispensés presque toujours aux urgences de ces établissements. Douze pour cent des élèves Conclusion
hospitalières, où les enfants se rendent avec un accidentés avaient déjà eu un ou plus rarement deux
Environ 7,5 % des blessés ont été transportés en
enseignant ou leurs parents dans un véhicule accidents l’année précédente au recueil des
milieu hospitalier, mais trois adolescents seulement
particulier, une ambulance privée ou un véhicule de données.
ont été hospitalisés. Trente interventions ont été
secours des pompiers. Les déplacements d’une L’élève usinait (17 %), assemblait (11 %), nécessaires (27 pour points de suture, une pour
équipe médicalisée de Smur sont très rares et démontait (8 %), coupait ou découpait (7 %), soudait réduction d’un foyer de fracture). Une immobilisation
concernent, soit des traumatismes crâniens sévères, (6,5 %), limait (4 %), sciait (3 %), meulait (2,5 %) ou plâtrée a concerné dix enfants pour une durée de 15
soit des fractures de cuisse chez les adolescents ou perçait (2,5 %), lorsque l’accident est survenu. Mais à 30 jours.
de rares traumatismes vertébraux. 4 % des élèves se déplaçaient en transportant Dans le cas où l’accident a été provoqué par une
Huit accidents sur 100 entraînent une quelque chose et 5 % rangeaient ou nettoyaient. machine, les infirmières enquêtrices rappellent que
hospitalisation d’une durée moyenne de séjour de Des facteurs humains sont fréquemment les systèmes de sécurité n’étaient efficaces ou mis
5 jours, 13 % un arrêt scolaire et 25 % une dispense associés : inattention (38 %), précipitation (22 %), correctement en place que dans un cas sur deux.
d’éducation physique. désordre et chahut (4,5 %), fatigue (4,5 %), Beaucoup de ces accidents en ateliers auraient pu
Les accidents de sports à l’école concernent énervement (3 %), mais aussi inobservation des être évités si les élèves avaient porté des
12 enfants pour 1 000 âgés de 6 à 16 ans lors des règles de sécurité (10 %). équipements de protection individuelle (lunettes,
séances d’éducation physique et sportive. Le risque gants de manutention, casques, chaussures de
Dans 11 % des cas, il y avait une machine
accidentel est six fois plus élevé dans la catégorie des sécurité, vêtements spécifiques) et si ceux-ci étaient
incriminée, mais bien plus souvent un outil (25 % ;
11-16 ans que dans celle des 6-11 ans. régulièrement vérifiés, ce qui pose le problème de
marteau, scie, tournevis, fer à souder, chalumeau) ou
Une enquête commanditée en 1997 par leur entretien et de leur renouvellement.
un matériau (10 % ; pièce de métal, tôle, barre de fer,
l’observatoire national de la sécurité des
planche, aggloméré...).
établissements scolaires menée sur 55 départe-


En cuisine, ce sont les couteaux, les casseroles et
ments français a conclu que, au cours de l’année
scolaire 1996-1997, près de 6 000 élèves, dont les poêles qui sont d’abord en cause, avant les Législation et réglementation
5 000 en collèges et lycées, ont été admis aux verres, les assiettes cassées, les plats et les portes de
urgences suite à un accident en éducation physique four.
Quarante-quatre accidents ont été provoqués par La loi du 21 juillet 1983, dite loi de sécurité des
et sportive. Ce type d’accidents représente 67 % du
des copeaux, par absence de port de gants ou de consommateurs, établissait l’obligation générale de
total des accidents en collèges et lycées, et environ
lunettes. sécurité des produits et des services, qui incombe
17 % dans les écoles primaires.
aux fabricants, industriels et importateurs. Elle a
Les jeux collectifs de ballon (football, basket-ball, Des circonstances ont pu favoriser l’accident : sol
permis de retirer du marché depuis 1985 près de
volley-ball, rugby) sont responsables de 55 % de ces mouillé ou glissant, inégal, pièce huileuse ou grasse,
80 produits dangereux ayant provoqué des
accidents, puis la gymnastique (15 %), notamment matériau au sol sur le trajet des déplacements.
accidents ou susceptibles d’en provoquer du fait de
chez les filles, et l’athlétisme (13 %), en particulier les Il y a peu de chutes (3,5 %) et de chocs (5 %) par leur fabrication ou de leur utilisation incorrecte ! [71].
épreuves de vitesse, d’endurance et le saut en rapport aux plaies directes provoquées par des Cette loi, avec d’autres dispositions législatives et
hauteur. Les autres sports regroupent des pratiques machines, des outils ou des objets (42 %). On note réglementaires, est incluse désormais dans le Code
sportives aussi diverses que la natation, le ski ou la aussi 6 % de pincements et d’écrasements, mais de la consommation, qui constitue, pour la France, le
danse. seulement cinq cas d’arrachement de doigts avec support de base des actions en matière de sécurité.
Une bonne préparation à la pratique du sport, un deux pertes de substance. En cas de danger grave ou immédiat, les pouvoirs
échauffement suffisant en début de cours, le respect Les brûlures arrivent en deuxième position avec publics peuvent suspendre par arrêté pour une
des possibilités et des aptitudes de chaque enfant, la 17 % des accidents. Les corps étrangers, surtout durée maximale de 1 an, la fabrication, l’importation
sanction des comportements agressifs ou dangereux oculaires (poussière, sable, métal), intéressent 7 % et la commercialisation d’un produit et faire procéder
envers les autres dans les jeux collectifs de ballon par des blessés. Un seul accident est imputable au à son retrait, voire à sa destruction, si c’est le seul
exemple, un encadrement plus rigoureux et plus courant électrique et l’on relève deux intoxications moyen de faire cesser le danger. Ce fut le cas pour
nombreux, donc plus efficace, notamment dès l’âge bénignes par produit ménager et industriel. une poussette jouet, des jeux chimiques, de petits
de la préadolescence (10-11 ans), limiteraient de
Les lésions sont presque toujours bénignes, objets en mousse gonflables dans l’eau, des sièges
façon notable le risque accidentel dans les activités
qu’elles soient déclarées ou non. Il s’agit surtout de tubulaires de vélo, des bouées-sièges, encore
sportives en milieu scolaire.
contusions (11 %), d’hématomes (5 %), de coupures récemment [32].
(25 %) et d’autres plaies (42 %), dont très peu sont Cette interdiction peut être confirmée par une
‚ Accidents survenus en ateliers
hémorragiques. mesure permanente prise par voie de décret en
ou lors des stages en entreprise
Les brûlures sont provoquées par des objets Conseil d’État après avis de la CSC, qui fut créée par
Une enquête menée dans 32 établissements la loi de 1983.
brûlants (8,5 %), des liquides chauds (2,7 %), des
technologiques et professionnels d’enseignement Pour améliorer la sécurité des enfants, de
flammes (2,5 %), plus rarement des radiations ou des
public de l’académie de Nancy-Metz répartis dans les nombreux produits doivent répondre à des
coups d’arc (2 %). Elles sont surtout du premier ou du
quatre départements de l’académie, du 1er février au exigences essentielles de sécurité définies par décret
deuxième degré (16 %).
30 juin 1994, a permis de mieux connaître les obligatoire, comme ce fut le cas pour les articles de
accidents survenus au cours de ces activités Les lésions prédominent largement aux membres
puériculture, les jouets, les lits en hauteur ou
professionnelles pendant la scolarité de l’enfant. supérieurs (80 %), dont 24,5 % à la main, 16 % pour
superposés, les équipements d’aires de jeux
L’enquête a permis de colliger 1 003 observations le pouce et 22 % pour les autres doigts. La tête et le
collectives, les bicyclettes et les VTT. Ces exigences
chez les élèves qui préparaient un brevet visage sont rarement concernés (5,5 %), si on met à
s’appuient sur les normes des produits qui ont été
d’enseignement professionnel (BEP), un certificat part les lésions oculaires. élaborés par les commissions de l’Association
d’aptitude professionnelle (CAP), un baccalauréat Les premiers soins dispensés dans 90 % des cas à française de normalisation (AFNOR). Beaucoup de
professionnel ou étaient en classe de technologie ou l’infirmerie de l’établissement par l’infirmière ou la normes sont d’application facultative, d’autres sont
de formation professionnelle [40]. lingère secouriste se résument très souvent en une obligatoires, comme dans le domaine des
Les secteurs à risque sont le bâtiment public simple désinfection et un pansement (75 %), parfois appareillages électriques, mais les fabricants et les
(20,5 %), la métallerie (10 %), la mécanique générale compressif (3 %), plus rarement à un bandage après industriels ont compris depuis longtemps l’intérêt
(7,7 %), les métiers de la restauration (10 %), massage et pommade (6,5 %). qu’ils avaient à concevoir et fabriquer des produits
l’automobile (5 %), le bois et les matériaux associés Les brûlures ont été soignées d’abord par le froid sûrs, donc de qualité.
(3,5 %). (eau froide dans 5 % des cas) et des pommades Des contrôles et des enquêtes sont effectués par
La prépondérance masculine est écrasante autorisées (Biafinet, Flammazinet 3 %), plus les services départementaux de la DGCCRF, pour
(92 %), même si on prend en compte une nette exceptionnellement par du Tulle Grast ou un gel s’assurer du respect de la réglementation en vigueur,
prédominance des garçons (65 %) parmi les élèves d’eau. qu’il s’agisse de produits ou de services.

13
8-0940 - Accidents de l’enfant


Information et éducation

La sensibilisation des parents et de la population


Tableau III. – Évolution de la mortalité par accidents de voiture (de 1994 à 1998). Statistiques de
l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière.

Âge
0-4 5-9 10-14 15-19 0-19
Année
française aux risques accidentels de l’enfant a
débuté en 1983 avec la première grande campagne 1994 61 71 64 396 592
nationale du CFES « Avec l’enfant, vivons la sécurité », 1995 75 60 71 415 621
déclinée sous la forme de petits films éducatifs
montrant les conditions de réalisation des accidents
1996 77 62 66 492 697
domestiques dans une famille de trois enfants et 1997 68 53 59 558 738
diffusés sur une chaîne nationale (rediffusion 6 mois
1998 76 67 58 559 760
plus tard), de brochures, de kit de diapositives, de
cassettes VHS, et d’un film disponible en cassette
également « À tout risque » [4]. Les compagnies
Tableau IV. – Nombre de décès en 1998. Statistiques de l’Observatoire national interministériel de
d’assurances, sous la houlette de l’APMS, prirent le la sécurité routière.
relais dans les régions en 1984-1985 ; puis ce fut au
tour de la CNAMTS et de la Mutualité française de Âge
0-4 5-9 10-14 15-19 0-19
mener une grande enquête en 1985, sous la Catégories de tués
dénomination PREMUTAM, auprès de Piétons 28 31 33 37 129
20 000 familles d’assurés sociaux et de mutualistes
interrogés par questionnaires sur tous les accidents Cyclistes 0 13 24 20 57
qui leur étaient survenus l’année précédente [35]. Cyclomotoristes 0 0 24 166 190
Les premiers résultats de cette enquête furent
dévoilés en 1987 et frappèrent l’opinion par la forte
Motocyclistes 0 1 1 53 55
mortalité (23 500 décès, adultes et enfants Voiture de tourisme 76 67 58 559 760
confondus) et l’importante morbidité qui s’en
Autres 3 5 2 15 25
dégageait. Cela permit, dès 1988, au secrétariat
d’État à la consommation, associé à différents Total 107 117 142 850 1 216
partenaires institutionnels (ministère de la Santé,
DGS, CNAMTS, CFES, CSC...) ou privés (entreprises,
« Protection rapprochée », notamment dans les Des associations comme Migration-Santé, ATD
circuits de distribution et de commercialisation,
sports de glisse, ski, rollers, skateboard, patins à Quart-Monde, et les services médicosociaux
associations de consommateurs, associations
roulettes. (protection maternelle et infantile [PMI], services
d’éducation et de promotion de la santé, Centre
D’autres réalisations sont à citer, comme les d’éducation et de promotion de la santé des CPAM
d’information et de rencontre pour la prévention des
actions sur le terrain menées par les Familles Rurales, et des allocations familiales) mènent en permanence
accidents d’enfants [CIRPAE]...) de mener de
très importante association, bien implantée dans le des actions spécifiques en direction des populations
nombreuses campagnes nationales, régionales et de
milieu rural, avec de nombreux éducateurs de santé migrantes et défavorisées.
soutenir de nombreuses actions initiées au plan
et d’animateurs qui vont au contact de la population, Toutes ces actions mesurent l’importance des
local [28].
et la « Maison Géante » à partir de 1984 [11]. Imaginée efforts accomplis depuis 15 ans en France.
En 1988-1989, une première campagne d’alerte
par une pédiatre, tous les équipements et mobiliers
et de sensibilisation démarre, « Sécurité domestique,
de cette maison ont des dimensions doubles de la


ouvrons l’œil », avec une chouette pour logo.
normale, afin de sensibiliser les parents aux risques
De 1990 à 1992, l’accent est mis sur des Accidents de la circulation
de la maison pour les moins de 4 ans. Cette
messages à caractère plus préventif. Le nouveau
remarquable réalisation a vu défiler plus de
programme s’intitule « Un enfant, on ne peut pas
6 000 000 de personnes en plus de 15 ans. Elle est En 1999, les accidents de la circulation ont tué
toujours être derrière, alors prenez les devants ! ».
souvent exposée lors d’une exposition sécurité dans 387 enfants de moins de 15 ans (mais 1 265 ado-
En 1993, il s’agit de continuer à mobiliser les une ville, après de nombreux mois de travail sur le lescents de 15 à 19 ans) et entraîné 16 538 blessés
parents de jeunes enfants à la prévention en les terrain avec l’aide de nombreux partenaires : dont 2 700 graves.
incitant à prendre, chez eux, les mesures nécessaires. services sociaux et de la petite enfance de la Dans le tableau statistique récapitulatif établi en
En 1994, 1995, 1996, la campagne s’adresse à la municipalité, CPAM, services de secours (Samu, 1998 (tableau III) par l’Observatoire national
famille dans sa globalité, ciblant aussi les personnes sapeurs-pompiers, Croix-Rouge Française, protection interministériel de la sécurité routière (ONISR), à partir
âgées, sans pour autant négliger le thème des civile), professionnels de la santé, Éducation des déclarations de la gendarmerie et de la police
accidents chez les jeunes enfants. Les campagnes nationale (écoles du primaire, collèges), compagnies jusqu’à j6 après l’accident, on constate que la
s’intitulent « À la maison, les dangers, apprenons à d’assurances, associations de consommateurs, de mortalité stagne dangereusement depuis 1996,
les éviter » et « Faire attention chez soi, c’est faire quartiers... alors qu’elle avait progressé cette année-là par
attention à soi » [59]. Il faut aussi savoir profiter des saisons et des rapport à 1994 et 1995 [19].
En 1997, la DGS, la CNAMTS et le CFES ont mis en épisodes de la vie quotidienne pour cibler des En 1998, sur 366 décès d’enfants de moins de
place avec leurs partenaires un programme pour actions comme la lutte contre les noyades dès le 15 ans, on note que ce sont les passagers de voiture
3 ans : le principal objectif des campagnes de 1997 milieu du printemps (avril-mai), les défenestrations et de tourisme qui sont majoritaires (201 décès)
et 1998 a consisté à susciter des modifications de les chutes de balcon dès l’arrivée des premières (tableau IV), soit plus du double des piétons
comportements chez les parents, les adolescents, les belles journées, les intoxications par le monoxyde de (92 décès) (tableau V). Quant aux cyclistes (37 décès)
enfants (et les personnes âgées), en leur donnant les carbone avant le début de la mise en route des et aux cyclomotoristes (24 décès), la majorité des
moyens d’identifier les risques, d’anticiper le danger chauffages (octobre), les accidents de ski de décès est due à un traumatisme crânien sans port de
et d’éviter l’accident. décembre à avril chaque année ou les accidents au casque protecteur (tableau VI).
Depuis 1999-2000, si l’action de prévention des bord de mer à l’approche des grandes vacances.
accidents de l’enfant se poursuit avec de bons Inciter très fortement les enfants à porter un casque ‚ Enfants passagers d’un véhicule
résultats chiffrés, une réorientation des objectifs fut pour faire du vélo réduirait considérablement le Depuis le 1er janvier 1992, la réglementation
décidée, avec pour première cible la prévention des risque de traumatisme crânien grave, facteur de obligatoire impose aux parents d’installer tous les
accidents de sports et de loisirs chez les adolescents décès ou de séquelles graves [25]. enfants de moins de 10 ans dans des dispositifs de

14
Accidents de l’enfant - 8-0940

Tout siège-auto doit être homologué et cette


Tableau V. – Évolution de la mortalité par accidents de piétons (de 1994 à 1998). Statistiques de mention doit figurer sur l’emballage et sur la notice.
l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière. Certains sièges-auto protègent bien l’enfant, car ils
possèdent une double paroi avec une bonne
Âge
0-4 5-9 10-14 15-19 0-19 protection latérale au niveau du corps et de la tête.
Année
Une tablette peut s’y adapter pour permettre à
1994 19 51 33 37 140 l’enfant de jouer.
1995 15 41 35 37 128
De 3 à 6 ans
1996 30 36 24 44 134
Il existe aussi pour les 3-6 ans des tables-boucliers
1997 31 29 37 36 133 qui ne surélèvent pas l’enfant mais assurent son bon
1998 28 31 33 37 129 maintien latéral par leur conception enveloppante,
la ceinture trois points arrière passant dans l’angle
tronc-cuisse de l’enfant.
Tableau VI. – Évolution de la mortalité due aux accidents de cyclistes (de 1994 à 1998). Statisti-
ques de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière. De 4 à 10 ans
C’est le coussin rehausseur utilisé avec la ceinture
Âge de sécurité du siège arrière, mais celle-ci doit être
0-4 5-9 10-14 15-19 0-19
Année
réglée convenablement pour assurer la sécurité de
1994 1 22 42 20 85 l’enfant sans comprimer son cou. Il doit toujours
comporter sur les côtés des dispositifs pour un
1995 3 14 43 27 87
guidage correct de la sangle du bassin, passant à plat
1996 1 16 31 25 73 sur la racine des cuisses, évitant à l’enfant en cas de
choc violent un glissement vers le bas (sous-
1997 2 23 30 32 87
marinage) et parfois de graves lésions
1998 0 13 24 20 57 abdominales [16].

retenue pour enfants (DRE) qui doivent être Ce lit-nacelle doit être très soigneusement fixé en Au-delà de 10 ans
homologués, donc conformes à des normes précises long sur la banquette arrière du véhicule pour qu’il Les enfants doivent être attachés, comme les
de fabrication. Mais il faut aussi que ces dispositifs ne puisse basculer vers l’avant et en bas lors d’un adultes, avec la ceinture, quelle que soit la longueur
soient correctement installés et fixés sur les sièges choc violent, frontal ou à l’arrière. Il est très du trajet, et la place avant passager leur est
passagers, pour éviter tout risque de basculement en intéressant pour les trajets longs et les ex-prématurés autorisée. Il faut cependant faire attention à ce que la
cas de choc violent. Les ceintures de sécurité adulte et hypotrophes qui sont de petit gabarit et qui ont ceinture ne passe pas au niveau du cou, mais bien
sont parfois insuffisantes et certains DRE nécessitent quelques mois à rattraper sur les enfants nés à sur l’épaule.
des points d’ancrage supplémentaires au plancher terme ; Un intéressant travail de Braver et al (États-Unis) a
du véhicule, comme pour le lit-nacelle [45]. – le siège dos à la route (catégorie 0), autorisé tenté de déterminer l’influence de la place occupée
Toutes les enquêtes de comportement effectuées depuis le 1er janvier 1992, qui peut être installé sur le par l’enfant dans la voiture quant au risque de
depuis 1992 révèlent que si davantage d’enfants siège passager à l’avant du véhicule, sans airbag. Il mourir dans un accident, en prenant aussi en
sont désormais attachés en voiture, cela concerne est retenu par la ceinture de sécurité adulte du siège compte le fait qu’il soit retenu ou non dans un
essentiellement les moins de 5 ans et les trajets passager. Lors d’un choc, sa mise en tension brusque siège-auto et qu’il y ait ou non un airbag dans la
longs, alors que nombre d’enfants restent libres de fait basculer le siège dos à la route en un temps vers voiture [1].
leurs mouvements dans de nombreux trajets dits le dossier du siège passager, ce qui protège le cou et
26 233 dossiers d’enfants de moins de 12 ans,
courts : déplacement pour se rendre à l’école, faire la tête du bébé qui n’oscille pas dangereusement au
impliqués dans des accidents où il y avait eu un mort
des achats, accompagner l’enfant à ses activités risque de provoquer des lésions médullaires
ou plus, et survenus entre 1988 et 1995, furent
sportives et éducatives en dehors du temps scolaire cervicales [59].
étudiés à partir des données du Fatality Analysis
(enquête de l’Institut national de recherche sur les Le siège dos à la route est léger, facilement
Reporting System (FARS) de l’administration fédérale
transports et leur sécurité [INRETS] en 1995). mobilisable, permettant de transporter le nourrisson
de la sécurité routière aux États-Unis.
Un enfant de 1 an pesant 10 kg, assis sur la endormi de la voiture à la maison, ou le sortir du
Il confirme que la catégorie des enfants retenus
banquette arrière d’une voiture et non retenu par un véhicule toujours endormi lors d’une promenade ou
dans des dispositifs ou par la ceinture (grands
moyen quelconque, est projeté vers l’avant avec une d’un trajet assez long. En outre, le conducteur a son
enfants) et placés à l’arrière du véhicule a les
masse de 500 kg, au-dessus des deux sièges avant, bébé face à lui, peut le surveiller et le stimuler, lui
probabilités les plus faibles de mourir dans des
pour venir frapper le pare-brise ou être parler sans risque pour la conduite automobile.
collisions entre véhicules.
éventuellement éjecté du véhicule, à l’occasion d’un L’inclinaison de ce siège doit être calculée en
fonction de l’âge de l’enfant et de ses caractéristiques Le risque de mort était réduit de 35 % dans les
simple choc frontal sur un obstacle à 50 km/h.
physiques. Attention à ne pas mettre le nourrisson véhicules sans airbag et de 46 % avec un airbag
L’efficacité des DRE a été largement démontrée
trop tôt en position demi-assise en raison de passager. La place arrière offre le moins de risque de
voici déjà plus de 10 ans en Suède après l’analyse de
l’absence de tonus prolongé des masses musculaires mourir, que l’enfant soit attaché ou non, même avec
2 763 accidents. Le risque d’être blessé pour un
dorsolombaires. une ceinture ventrale, ceci comparé aux enfants
enfant était de 15,6 % quand il n’était pas attaché et
C’est un article pour le transport en voiture. Son retenus avec une ceinture trois points mais placés à
de 6,9 %, quand il l’était [6].
mésusage prolongé de trop nombreuses heures l’avant. On rappelle que la réglementation française
Il existe actuellement cinq catégories de DRE
(pour les achats, les repas, la sieste, quand ce n’est interdit avant 10 ans la présence d’un enfant à la
disponibles en France pour les enfants âgés de
pas pour la nuit) est dangereux pour le nourrisson place du passager à l’avant, excepté pour le siège
moins de 10 ans [5].
qui dort 14 à 19 heures par 24 heures et doit coque dos à la route des moins de 1 an.
De 0 à 9 mois (1 an pour les ex-prématurés impérativement être allongé sur le dos pour ce faire. La réglementation du 1er janvier 1992 devrait
et les hypotrophes) En temps d’éveil, le nourrisson doit alterner être mieux respectée, appliquée et contrôlée en
Deux dispositifs sont commercialisés : différentes positions. France par les services de gendarmerie et de police.
– le lit-nacelle avec brassière de maintien de
De 1 à 4 ans ‚ Enfants piétons
l’enfant qui le fixe bien en position dorsale au milieu
du lit et qui a permis de supprimer le filet recrouvrant C’est le siège-auto fixé habituellement sur le siège De 1994 à 1998, la mortalité des enfants piétons
antiéjection autrefois indispensable. arrière face à la route avec la ceinture trois points. reste malheureusement stable (tableau V).

15
8-0940 - Accidents de l’enfant

Quatre-vingt-douze enfants sont ainsi décédés en ‚ Enfants en deux roues port de lunettes. Il existe de superbes casques fiables,
France en 1998, et parmi ceux-ci, des enfants de solides et agréablement décorés, qui plairont aux
En 1998, par rapport aux années antérieures où
moins de 4 ans qui, lâchant brutalement la main de enfants. Quant aux publicitaires et aux afficheurs, ils
une inquiétante stabilité était enregistrée, la
l’adulte, se sont précipités sur la chaussée au devraient s’attacher à ne montrer que des cyclistes
mortalité a nettement baissé tant pour les cyclistes
moment où surgit un véhicule, ce qui provoque soit casqués. L’exemple est source d’entraînement et
que pour les cyclomotoristes (tableau VI).
un décès immédiat par écrasement, ou de très d’acceptabilité de ce qui peut être considéré comme
Il y eut tout de même 61 décès. La chute de
graves lésions, voire un polytraumatisme, le petit une contrainte au départ.
bicyclette est l’accident le plus fréquent et les décès
étant violemment heurté et projeté à quelques sont essentiellement dus aux traumatismes crâniens. ‚ Accidents sur le chemin de l’école
mètres. L’enquête EHLASS, à laquelle participe la France avec
Le risque pour l’enfant piéton est majeur entre 6 à Selon le Centre de documentation et d’infor-
un recueil de données aux urgences de huit
mation de l’assurance (CDIA), en 1998, en France,
11 ans. Cet âge correspond au passage à hôpitaux depuis 1986, a bien démontré la fréquence
21 enfants ont été tués et 1 312 blessés sur le
l’autonomie à l’extérieur de la maison, alors qu’il ne et la gravité des accidents de bicyclette avec non
chemin de l’école en tant que piétons. La région
peut maîtriser son environnement. Sa vulnérabilité seulement des traumatismes crâniens (50 % après
Île-de-France vient en tête pour le nombre de blessés
découle de ses caractéristiques physiques, chute), mais aussi de très nombreuses lésions de la
(301 mais un seul tué), mais il y a de mauvais élèves
physiologiques (petite taille, vélocité relative), face (22 %) [3, 37].
pour la mortalité (Gironde : quatre morts ;
sensorielles et intellectuelles. Deux blessés sur trois ont moins de 15 ans ; les Nord-Pas-de-Calais : trois morts ; Oise : deux morts).
L’enfant ne voit bien que ce qui est face à lui dans garçons prédominent (71 %) et ces accidents La grande majorité des cas recensés concerne les
un angle de 70°. Il ne peut déterminer avec précision surviennent à proximité de la maison lorsqu’il s’agit zones urbaines, l’Île-de-France bien sûr, mais aussi
et rapidité la provenance des sons, surtout dans une de jeunes enfants de moins de 10 ans, lors d’activités les Bouches-du-Rhône, le Rhône et le Nord-Pas-de-
autre direction que face à lui. de sports, de loisirs, ou lors de déplacements, pour Calais. C’est dans les villes surtout que les enfants
Il se méprend sur la taille et la vitesse des les autres. Dès 13-14 ans, on observe des accidents vont à l’école à pied. Dans les départements ruraux
véhicules par rapport à leur éloignement lorsqu’il avec les cyclomoteurs. ou semi-ruraux, le voiturage ou le covoiturage par
traverse, et pense qu’un camion est plus rapidement Une équipe multidisciplinaire de Philadelphie des parents, le ramassage en bus scolaire (un seul
sur lui qu’une voiture, initialement au même niveau. (États-Unis) regroupant ingénieurs, cliniciens, mort en 1998), le vélo et la motocyclette sont bien
À cause de sa petite taille, il peut difficilement voir épidémiologistes, a analysé les résultats d’une étude davantage utilisés.
par-dessus les voitures en stationnement, qui prospective consacrée aux accidents de bicyclette Les circonstances de ces accidents d’enfants
empiètent souvent sur les passages protégés. Il est chez l’enfant et l’adolescent, ayant conduit à une piétons sont bien connues : écoliers qui déboulent
caché pour la même raison à la vue de consultation dans les services d’urgences du entre deux voitures en stationnement sans regarder,
l’automobiliste, qui peut être surpris de le voir surgir 1er octobre 1995 au 30 septembre 1997. qui traversent en dehors des passages protégés, qui
entre deux véhicules. Sa connaissance des Cent sept accidents ont été recensés et leurs n’attendent pas que le feu pour les voitures se mette
dispositions du Code de la route et son interprétation circonstances analysées. À côté des lésions des au rouge ou que le bonhomme piéton passe au vert.
des différents panneaux de signalisation sont membres (60 %) et des blessures de la tête et du cou Dans 60 % des cas, l’automobiliste est surpris par
imparfaites, incomplètes, et parfois comprises à (45 %), les traumatismes abdominaux représentent la situation et ne peut éviter l’enfant (fig 3).
contresens. 17 % de l’ensemble des lésions retrouvées à Mais les enfants ne sont pas toujours à l’origine
L’enfant peut être distrait et son attention peut l’examen clinique. de l’accident : vitesse excessive, perte de contrôle du
être rapidement détournée par un événement Quatre-vingt pour cent de ces traumatismes véhicule, non-respect du Code de la route, surtout à
extérieur à la circulation (bruit violent, animal, appels, abdominaux sont la conséquence directe d’un proximité des établissements scolaires, pourtant bien
parents ou camarade sur le trottoir opposé...). impact avec le guidon, soit dans la portion médiane, signalés, sont souvent en cause.
L’enfant se sent en sécurité près de sa maison et en soit au niveau des poignées. Dans tous les cas, il Autre constat : environ 20 % des accidents sur le
oublie les règles de prudence, pour traverser par s’agissait de guidons droits, non recourbés sur les trajet scolaire ont lieu alors que la nuit est tombée.
exemple ; il est souvent un acteur actif de son extrémités. Le déplacement par rotation du guidon Rappelons aux parents qu’il est plus prudent de faire
lors des chutes est responsable de l’impact porter aux enfants des vêtements de couleurs claires
accident.
abdominal (poignée controlatérale du côté de la et vives, tranchant avec la grisaille des mauvais
Tous ces facteurs expliquent que dans les villes,
chute). temps et l’obscurité du soir, et d’installer des bandes
les enfants piétons peuvent représenter jusqu’à
Cette étude suggère aux fabricants de vélo la réfléchissantes ou des catadioptres sur les cartables
90 % des victimes de la circulation (enquête Inserm
généralisation des poignées de guidon recourbées, portés sur le dos. Enfin, marcher face au danger
U 149, Samu de Paris de mai 1988 à mai 1990),
alors que tous les VTT, cycle en pleine expansion, potentiel, c’est-à-dire face aux voitures, représente
alors qu’ils ne sont que 40 % en milieu rural et 60 %
ont actuellement des guidons droits, une limitation une sécurité supplémentaire.
en milieu semi-urbain [28].
de l’amplitude maximale de la rotation possible du En 1999, les accidents de la circulation chez les
Chez ces enfants de 6 à 11 ans, dans les villes, les guidon, la mise en place de moyens de protection, enfants de 4 à 18 ans se rendant à l’école ont
lésions sont habituellement de moyenne gravité, du manchon absorbant les chocs autour du guidon et provoqué 88 morts et 756 blessés graves. Si les
fait de la densité du trafic qui réduit la vitesse des au niveau des poignées. piétons semblent mieux protégés qu’autrefois
véhicules en agglomération, désormais limitée à Porter un casque peut sauver la vie ou éviter de (292 tués en 1970 contre 26 en 1999), ce chiffre est
50 km/h, et même à certains endroits à 30 km/h. graves séquelles cérébrales. Il n’est pas obligatoire trompeur. En effet, il y a 30 ans, ils étaient 85 % à se
Les chocs, le plus souvent avec un véhicule léger, en France, mais il faut en promouvoir le port si l’on rendre à pied à leur établissement, mais à peine
se soldent par une fracture de membre (68 % ; la veut améliorer sensiblement les statistiques [25]. 50 % actuellement. Les accidents graves se sont
jambe et la cuisse sont les plus touchées), des plaies, Depuis le 1er juillet 1990, l’État de Victoria en donc naturellement reportés sur les passagers
voire de simples contusions, car l’enfant est heurté Australie a imposé à tous les cyclistes le port du d’automobile, en particulier ceux qui ne respectent
par le pare-chocs ou l’aile du véhicule, avant d’être casque. Dès la première année de l’application de la pas le transport en dispositif de retenue ou le port de
projeté au sol, la tête venant frapper le sol dur avec loi, le nombre de cyclistes tués ou admis dans les la ceinture de sécurité, et surtout sur les adeptes du
fréquemment un traumatisme crânien (64 %). hôpitaux a chuté de 48 %, la deuxième année de cyclomoteur, non casqués ou commettant de
Les polytraumatismes sont rares en ville, alors 70 %. En Suède, en Norvège, au Danemark, le port multiples imprudences ou infractions au Code de la
que la majorité d’entre eux est observée en milieu du casque pour l’enfant à bicyclette est préconisé et route. Plus d’un tiers des enfants tués étaient
rural ou semi-urbain, en raison de la vitesse largement encouragé par les pouvoirs publics, ce qui accompagnés en voiture, et un quart d’entre eux se
nettement plus élevée des véhicules, du a contribué à une diminution importante du nombre déplaçaient à vélo [24].
déplacement des enfants sur le bas côté, pas de tués et de blessés graves. Pour les écoliers-piétons (25 % des décès), une
toujours face au danger, c’est-à-dire à contresens de Il ne faut acheter que des casques homologués, étude réalisée pour la sécurité routière montre que le
la circulation, et de l’absence de port de vêtements qui doivent protéger le front, le sommet et l’arrière poids des problèmes dits psychologiques, tels que le
clairs et munis de bandes réfléchissantes, utiles dès de la tête, ainsi que les tempes. Il doit être bien ajusté retard, l’euphorie, le stress, les soucis personnels,
la tombée de la nuit. et ne pas limiter le champ de vision, ni empêcher le sont à l’origine du tiers des accidents. La mauvaise

16
Accidents de l’enfant - 8-0940

Désormais, lors de la souscription d’une


assurance d’un cyclomoteur et tout au long de la vie
Proportion d'accidents mortels pour les piétons du contrat, les sociétés d’assurances doivent
maintenant exiger du souscripteur le brevet de
20% sécurité routière.
En traversant à un dont : Proche des arrêts de bus ou En plus de l’Éducation nationale, des associations
passage protégé montée et descente de bus comme la prévention routière, déjà citée de
3% 1% nombreuses fois, en partenariat avec la fondation
En jouant ou chahutant En traversant hors MAIF, ou comme AXA-Prévention, Assureurs
sur le trajet passage protégé Prévention Santé (APS), « Réagir, l’enfant et la rue »,
6% 6%
publient régulièrement livres, brochures, dépliants et
À moins de 100 élaborent des vidéos sur le sujet de la sécurité
mètres du domicile
4% routière ciblées pour les enfants, tels que « l’enfant
piéton », « les secrets de la circulation », « j’apprends la
À moins de 100
mètres de l'école rue ».
9% Toutes ces initiatives ont permis nettement de
faire baisser les chiffres de mortalité et de morbidité
depuis 20 ans, mais des efforts sont encore à fournir,
car la réflexion sur ce sujet ne doit pas naître après la
Proportion d'accidents mortels en transport motorisé survenue de l’accident.
‚ À propos des accidents de la voie
80% publique en agglomération
dont :
Cette enquête (Inserm U 149, Samu de Paris) a
porté sur 185 accidents du trafic survenus à Paris en
Autres (rollers, agressions, 2 ans et touchant l’enfant de moins de 15 ans. Les
malaises ou chutes, etc) En voiture garçons prédominent (74 %), les migrants aussi
5% 35% (60 %) et les jeunes de 0 à 5 ans représentent 36 %
de l’ensemble. Les accidents surviennent surtout à
À vélo En cyclo proximité du domicile (53 %), de 17 heures à
24% 14% 19 heures (40 %), peu sur le trajet scolaire (19 %).
Quatre-vingt-treize pour cent des enfants sont
En transports en commun piétons et renversés par une voiture particulière
2%
(70 %), 4 % sont en deux-roues et 3 % passagers de
voiture. Près d’un enfant sur deux traverse mal la
3 Les dangers se cachent aux quatre coins de la rue. Enfants de moins de 14 ans victimes d’accidents de la chaussée, sans regarder ou en courant, pour
circulation sur le trajet domicile-école-domicile entre 1996 et 1998 (d’après la Revue des parents, 313, rejoindre quelqu’un, ou lâche la main de l’adulte,
décembre 2000). enfin joue dans la rue [28].
Conduits à l’hôpital neuf fois sur dix, 60 % sont
hospitalisés, car ils présentent une perte de
maîtrise face à l’urgence est en cause dans 21 % des « papys et mamies trafic » qui surveillent la sortie des
connaissance initiale (54 cas), un coma (47 cas), une
cas. L’habitude du trajet, générant un relâchement écoles et les trajets (Rueil-Malmaison).
hémorragie extériorisée importante (20 cas), une
au niveau du comportement, intervient dans 10 % Environ 5 millions d’enfants piétons de moins de fracture de membre (13 cas). Trois enfants sur quatre
des accidents domicile-école. Jusqu’à l’âge de 9 ans, 15 ans se rendent chaque jour à l’école. ont au moins deux lésions ou plus. Les lésions
on l’a déjà vu, les enfants ne sont pas aptes Le milieu scolaire est une école de bonne siègent aux membres (68 %), au crâne (64 %), à la
physiologiquement et physiquement à affronter la conduite et d’apprentissage aux risques de la face (38 %), touchent plus rarement le tronc (13,5 %)
rue seuls ; les adultes doivent donc les accompagner circulation ; 2 millions d’élèves bénéficient chaque et les organes internes (7,5 %).
en leur montrant les endroits éventuellement année de plus de 400 circuits de la sécurité routière, Seuls 13,5 % des blessés sont hospitalisés en
dangereux sur le parcours et en leur apprenant les sous la direction d’animateurs spécialisés, de unité de soins intensifs (USI) ou en neurochirurgie, les
règles élémentaires de sécurité du piéton. membres de la gendarmerie nationale et de autres en service de chirurgie, beaucoup pour moins
fonctionnaires de police. Cent villages d’éducation de 72 heures (36 cas), mais la durée moyenne de
‚ Prévention et éducation sur le chemin routière avec représentation d’un quartier séjour est de 25 jours. Sept enfants sont décédés, soit
de l’école sur place ou dans les 2 premiers jours, dont trois
permettent aux enfants des écoles maternelles
migrants, deux petits de moins de 3 ans et deux
d’apprendre à se déplacer en sécurité dans un
Les municipalités ont pris depuis longtemps de passagers arrière de voiture, non retenus dans des
quartier ou un village ; ce travail « sur le terrain » est
nombreuses mesures pour éloigner le danger des DRE.
enfants sur le chemin de l’école, notamment à complété par des coffrets pédagogiques, des
Six mois après l’accident, 76 % sont sortis de
proximité des établissements : feux de signalisation supports écrits imagés et des cassettes vidéo [24].
l’hôpital, 12 % sont encore en centre de rééducation.
spéciaux (cubes bleus tournants), panneaux En ce qui concerne l’usage du cyclomoteur, les Le nombre des enfants porteurs de séquelles est
d’information, ralentisseurs, élargissement des arrêtés du 4 juillet 1996 et du 20 juin 1997 ont important : 77 % 1 mois après l’accident, 49 % à
trottoirs, protection par des barrières face aux sorties précisé que tout conducteur de cyclomoteur doit être 6 mois, 37 % à 1 an, et 24 % à 2 ans, époque où les
d’école, plots interdisant le stationnement des âgé d’au moins 14 ans et être titulaire du brevet de lésions séquellaires sont pratiquement fixées, donc
véhicules (notamment ceux des parents), pistes sécurité routière. Celui-ci se compose de l’attestation définitives.
spécifiques pour les enfants (flèches bleues et têtes scolaire de sécurité routière de niveau 1, passée en Plus l’enfant était âgé au moment de l’accident,
d’Indien à Rueil-Malmaison, Hauts-de-Seine), enfants cinquième secondaire, et d’une formation pratique plus l’accident était en règle grave et plus il y avait de
faisant traverser leurs camarades (Alsace), auxiliaires de 3 heures dispensée sur la voie publique par un séquelles cérébrales, motrices, sensorielles et
de la police municipale (un peu partout) et même des moniteur agréé, avec l’autorisation des parents. psychiques.

17
8-0940 - Accidents de l’enfant

Jean Lavaud : Médecin des Hôpitaux, responsable du Smur pédiatrique,


groupe hospitalier Necker-Enfants Malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : J Lavaud. Accidents de l’enfant.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0940, 2002, 19 p

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8-0945
AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Enfant voyageur

D Armengaud

L a mondialisation, l’amélioration et l’accélération des moyens de transport, le goût de l’exotisme, font que de
plus en plus d’enfants deviennent des voyageurs qui, pour diverses raisons, sont exposés à des risques qu’il
convient de connaître, de savoir identifier et, dans la mesure du possible, de prévenir.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.


‚ Actualisation du calendrier vaccinal complication est le risque imprévisible d’hépatite
Introduction L’annonce d’un prochain départ est l’occasion de fulminante qui, rare chez l’enfant (1/2 000 contre
remettre à jour, si besoin, les vaccinations exigées ou 2/100 chez l’adulte), n’en a pas moins le même risque
conseillées dont le calendrier est annuellement mis à évolutif (mortalité 50 %).
De nombreux enfants migrants arrivent en France jour en fonction de leur développement et de la Trois vaccins sont actuellement disponibles, mais
et peuvent poser le problème d’une pathologie modification de l’épidémiologie. L’amélioration de deux sont utilisables chez l’enfant, l’un constitué du
importée, mais pas toujours aussi « exotique » que ne l’immunogénicité des vaccins actuels permet de virus inactivé et l’autre d’un antigène de structure :
le laisserait supposer le pays d’origine [7], et c’est plus rattraper un calendrier en retard sans avoir à – Vaccin Havrixt 360 U/0,5 mL en trois injections,
souvent à une pathologie nutritionnelle et carentielle, recommencer les « primovaccinations » ; les vaccins et depuis peu Vaccin Havrixt 720 U/0,5 mL en deux
ubiquitaire, qu’à une parasitose anecdotique que le peuvent être réalisés simultanément sans risque pour injections, permettent d’obtenir, chez l’enfant de plus
médecin peut être confronté. l’enfant autre qu’une réaction thermique qu’il convient de 1 an, une protection comparable à celle de l’adulte
De même, un retour au pays (de leurs parents) de moduler par la prescription systématique (protection de 96 % des sujets vaccinés dans les 15
d’enfants nés en France ou y séjournant depuis d’antithermiques. jours qui suivent la première injection et de 100 % des
plusieurs années, expose à de nouveaux facteurs de Cette mise à jour doit concerner les vaccinations sujets au 30e jour [18]) ;
contre la diphtérie, la poliomyélite, le tétanos, la – VAQTAt, utilisable dès l’âge de 2 ans, est d’une
risque, pourtant non toujours perçus par les familles.
rougeole, la tuberculose, la coqueluche et efficacité comparable ;
Les problèmes sont bien sûr différents en raison de
Haemophilus influenzae B. – chez l’adulte, il peut être utile de faire une
trois facteurs principaux :
La vaccination antivariolique a été officiellement vérification de sérologie (virus de l’hépatite A [VHA],
– le lieu de séjour représenté, en dehors des immunoglobulines [Ig]G) avant vaccination contre
départements et territoires d’Outre-mer, principale- supprimée de ce programme en 1984 devant
l’éradication de la maladie, effective depuis 1977, l’hépatite A, mais cela ne s’impose pas chez l’enfant.
ment du fait des rapports historiques avec ces pays, Le schéma vaccinal consiste en l’injection d’une
par le Maghreb, l’Afrique de l’Ouest, le Moyen-Orient ; déclarée officiellement par l’Organisation mondiale de
la santé (OMS) en 1980 et n’est plus exigée par aucun dose de 0,5 mL dans le deltoïde en intramusculaire,
– les modalités du séjour qui, pour un enfant, en avec une injection de rappel :
pays.
tout cas en bas âge, ne peut être que « touristique » et – 6 à 12 mois plus tard pour le Vaccin Havrixt 720
non d’aventure, répondant à une prise en charge ‚ Extension des vaccinations conseillées U/0,5 mL ;
hôtelière qui minimise les risques ; – 6 à 18 mois plus tard pour VAQTAt, conférant
Hépatite A
– la santé de l’enfant et ses particularités d’âge ou une immunité de 10 ans.
de pathologie [2] qui justifient des mesures spécifiques. C’est certainement la vaccination à faire
L’injection du Vaccin Havrixt 360 U/0,5 mL doit
prioritairement chez un enfant partant en séjour dans
La préparation de ce voyage inclut donc une être renouvelée 1 mois après, avec un rappel 6 à 12
des pays endémiques, même si les conditions
information médicale préalable [4, 8] adaptée aux lieux mois après la première injection.
d’hébergement répondent aux normes « européen-
et conditions de séjour, et la mise en œuvre de L’immunité conférée, quel que soit le schéma utilisé,
nes », car les occasions de contamination (crustacés,
mesures prophylactiques en sachant que près d’un est de 10 ans.
fruits, légumes, marchés…) sont multiples. Si cette
voyageur sur deux a des problèmes de santé à un Ce vaccin, parfaitement bien toléré, peut être
maladie reste dans l’ensemble bénigne, sa survenue à
moment de ce séjour, et qu’un sur trois présente un effectué en même temps que les vaccins inactivés
l’étranger et dans des conditions de vie parfois
épisode diarrhéique chez l’adulte, qui risque d’être contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, le
précaires peut être source de conséquences plus
chez le nourrisson plus qu’un souvenir de voyage… et vaccin contre l’hépatite B (Vaccin Twinrixt) et les
graves que si elle survenait au domicile…
que la survenue d’une hépatite A est dix à 100 fois vaccins contre la fièvre jaune ou la typhoïde.
L’incidence de la maladie est inversement
plus fréquente qu’une typhoïde et 1 000 fois plus proportionnelle au degré d’hygiène générale et se Hépatite B
fréquente que le choléra [17]. traduit par un taux de contamination d’autant plus Les zones de haute prévalence de l’hépatite B
précoce que les mesures de sécurité sanitaire sont recouvrent dans leur ensemble celles de l’hépatite A, et
absentes, difficiles à mettre en œuvre ou difficiles à il est de ce fait commode d’associer ces deux


Vaccinations

La planification d’un voyage à l’étranger lorsqu’il


contrôler. Ainsi, en France, les progrès de ces dernières
années ont « retardé » la contamination et la majorité
des enfants face à cette hépatite « infectieuse » ne sont
donc pas immunisés.
vaccinations dans la mesure où les facteurs de risque
de contamination par l’hépatite B sont beaucoup plus
importants que dans un pays comme la France, qui fait
partie des zones de faible prévalence.
Ainsi, le risque de contamination au cours d’un – Vaccination contre l’hépatite B (Vaccin Engerix Bt
concerne un enfant est habituelle, et permet, à la voyage est estimé à 1/300, augmentant à 1/50 en cas 10 µg/0,5 mL enfant et nourrisson avant 15 ans, et
différence de l’adulte dont le départ peut être précipité de circonstances d’hygiène précaire, et l’incidence est Vaccin Engerix Bt 20 µg/1 mL adulte au-delà ; Vaccin
pour des raisons d’exigence professionnelle, de ne pas ainsi 100 fois plus élevée que la survenue d’une fièvre GenHevac B Pasteurt ; HB VAX DNA 5t et 10t).
être pris de court, notamment dans la pratique des typhoïde, et 1 000 fois plus fréquente que le choléra. – La vaccination couplée A et B, Vaccin Twinrixt
vaccins ou dans leur mise à jour. Outre les désagréments de cette maladie, la seule adulte, est à proposer aux parents et aux adolescents

1
8-0945 - Enfant voyageur

de plus de 16 ans. Le Vaccin Twinrixt enfant peut être Il est possible d’effectuer cette vaccination (1/30 000 à 1/150 000), mais est plus fréquente en
utilisé dès l’âge de 1 an et sa tolérance est tout à fait simultanément avec les vaccins tués (antitétanique, Inde (de l’ordre de 1/2 000 voyageurs).
satisfaisante. antipoliomyélite, hépatite A, hépatite B, encéphalite La maladie se manifeste par une fièvre mal tolérée
Le schéma de vaccination consiste en deux japonaise), mais il faut respecter un intervalle de 3 s’accompagnant de troubles de la conscience et d’une
injections dans le deltoïde en intramusculaire à 1 mois semaines avec les vaccinations antityphique et classique et évocatrice dissociation du pouls, dont la
d’intervalle, avec une troisième injection à 6 mois anticholérique. vaccination, même si elle est efficace, ne protège pas
permettant une immunisation protectrice en 2 à 4 Cette vaccination doit être inscrite sur le carnet en cas d’ingestion massive (inoculum). Il faut savoir
semaines. Un rappel est à prévoir à 5 ans pour la international de vaccination de l’OMS (carnet jaune). qu’un traitement antiacide au long cours (anti-H2)
vaccination contre l’hépatite B ou par vaccin combiné, augmente le risque de contamination.
mais il est suffisant à 10 ans en cas de vaccination Choléra Ce vaccin polyosidique, Typhim Vit, Typherixt, non
contre l’hépatite A. La souche El Tor est la plus répandue, mais les remboursé, commercialisé depuis une dizaine
formes graves de la maladie sont peu fréquentes d’années en remplacement du vaccin TAB [1], entraîne
‚ Vaccinations particulières à envisager
(1/60) et répondent à une hydratation massive. une séroconversion dans 96 % des cas, chez l’enfant
Fièvre jaune (obligatoire dans certains pays) Le risque de contamination, même en zone comme chez l’adulte. Cette vaccination peut être
d’endémie, est faible pour le voyageur qui respecte les effectuée chez l’enfant dès l’âge de 2 ans, surtout en
La fièvre jaune est une affection virale, source
consignes d’hygiène « universelle » et même inférieur cas de voyage ou de durée prolongée de plus de 3 à 4
d’atteinte hépatique et rénale grave, souvent mortelle,
au risque pris par un sujet vacciné se croyant semaines.
et pour laquelle il n’existe aucun traitement curatif
immunisé. Il s’administre en une seule injection intramuscu-
efficace. Près de 3 000 cas sont annuellement
Il s’agit d’un vaccin tué ne provoquant que peu laire ou sous-cutanée, de 0,5 mL, à faire au minimum
répertoriés par l’OMS, mais ce nombre est
d’effets secondaires (réaction locale douloureuse 15 jours avant l’exposition au risque, et assure une
certainement en dessous de la réalité [16]. Il s’agit d’une
parfois, et réaction fébrile entre le 4e et le 12e jour, protection d’une durée de 3 ans. Cette vaccination,
zoonose des singes des savanes et des forêts
mais surtout son immunogénicité est médiocre bien tolérée en général, mais qui peut donner une
tropicales limitrophes, transmise par les moustiques
(immunité protectrice obtenue chez à peine un sujet réaction locale (douleur, induration) ou générale
(aedes), et dont l’homme n’est qu’un hôte accidentel.
sur deux et encore moins en dessous de 5 ans), et de (réaction fébrile transitoire), n’est cependant pas
La contamination, habituellement au cours de
durée limitée (3 à 6 mois), en limitant l’utilité. recommandée avant l’âge de 2 ans, car comme tout
randonnées en forêt, est également possible en zone
Plus aucun pays n’exige cette vaccination depuis vaccin de nature polyosidique, il n’entraîne qu’une
urbaine. L’incubation dure de 3 à 6 jours, et si, dans la
1997. réponse immunitaire modérée, et à cet âge le risque
plupart des cas, la maladie se résume à un syndrome
Deux injections (Vaccin Cholérique Pasteurt 0,5 mL) d’exposition à la typhoïde est limité.
grippal, les formes aiguës plus rares ont une mortalité
qui peut atteindre 60 % des cas. à 1 mois d’intervalle (deux demi-doses avant 10 ans,
Rage
Le vaccin vivant atténué (souche vivante atténuée deux doses après 10 ans) sont effectuées chez l’enfant,
Rockfeller 17D), thermosensible (conservé à −20 °C), mais une seule injection suffit chez l’adulte. Si la rage est une maladie à faible incidence en
produit sur embryon de poulet, bien toléré, confère France, le risque d’exposition est nettement plus
Méningocoque A et C important lors d’un voyage en pays tropical [13]. Si la
une immunité de bonne qualité, voisine de 100 %,
acquise dès le dixième jour et pour une durée de 10 La méningite à méningocoque est hyperendémi- rage peut être véhiculée par un animal qui ne connaît
ans en une seule injection (sous-cutanée ou que dans la ceinture de la méningite qui correspond à pas ou peut craindre l’enfant (singe, chauve-souris),
intramusculaire). une zone subsaharienne de 600 km, s’étendant de la c’est en fait la rage canine qui domine et l’enfant peut
La seule contre-indication qui lui est reconnue est Gambie à l’ouest à l’Éthiopie à l’est. L’épidémie débute être attiré par cet animal qui fait partie de son
l’allergie aux protéines de l’œuf, ou les situations pendant la saison sèche, entre décembre et février, environnement habituel. La forme paralytique où le
d’immunodépression (plus de 10 mg/j de prednisone pour se terminer à la saison des pluies, en juin-juillet [9]. chien ou le chat se laissent approcher par l’enfant est
ou « équivalent » pendant 2 semaines), ou en cas D’autres zones sont considérées comme hyperendé- plus à risque que la forme furieuse où le chien fait peur
d’infection par le virus de l’immunodéficience miques (Chine centrale, Inde du Nord, Népal, Arabie par son agressivité. Il est donc conseillé de ne jamais
humaine (VIH) (manifestations cliniques ou taux de Saoudite), mais les voyageurs ne sont pas exposés à la caresser les animaux sauvages apparemment dociles,
CD4 inférieur à 200/mm3), mais un sujet séropositif même promiscuité que les habitants. ou les animaux domestiques errants.
asymptomatique doit être vacciné s’il se rend en zone Le vaccin polyosidique assure une protection de L’absence de traitement curatif fait toujours
d’endémie. 90 % contre les souches A et C qui sont celles que l’on proposer, en cas de séjour aventureux (est-il alors
Ce vaccin ne doit pas, en principe, être administré à rencontre principalement dans les zones d’Afrique adapté à l’enfant ?), dans une zone éloignée de plus de
la femme enceinte, mais lorsque le risque d’exposition subsahélienne, en Égypte, Afrique du Nord, Arabie 2 jours d’un centre habilité, une vaccination
à la maladie sauvage est important, il peut être discuté, Saoudite, Brésil, Bengladesh, Népal, Sri Lanka. préventive.
en sachant qu’il n’a pas été décrit d’incident de La vaccination peut être proposée dès l’âge de 18 Le Vaccin Rabique Pasteurt vivant atténué, cultivé
vaccination au cours de la grossesse. L’allaitement mois (auparavant l’efficacité est incertaine), et confère sur cellule vero, en ampoule de 0,5 mL, est à injecter
n’est pas une contre-indication à la vaccination. une protection dès le dixième jour pour une durée en intramusculaire (deltoïde chez l’adulte, zone
Elle est obligatoirement effectuée par des centres d’environ 3 ans. antérolatérale de la cuisse chez l’enfant). La
agréés. Une réaction douloureuse ou fébrile peut être La vaccination est effectuée en une seule injection vaccination nécessite trois injections rapprochées à j0,
observée, chez 2 à 5 % des sujets, entre le cinquième sous-cutanée ou intramusculaire, 10 jours au j7, j28.
et le dixième jour, toujours bénigne et de durée brève minimum avant le départ ; elle est recommandée pour À partir de 9 mois (le vaccin est contre-indiqué
(24 heures) et ne nécessitant qu’un traitement les personnes se rendant dans ces pays à forte avant), deux injections sont réalisées à j0 et j28, avec
antalgique et/ou antipyrétique. endémicité pour une durée conséquente (plus de 4 un rappel à 1 an et tous les 5 ans.
En cas de besoin, il est possible d’effectuer cette semaines) et surtout dans des régions rurales, ou bien La vaccination préventive évite une vaccination en
vaccination dès l’âge de 9 mois, voire 6 mois (quelques les personnes appelées à vivre en contact étroit avec la urgence dans un pays où le vaccin sur culture cellulaire
cas d’encéphalite postvaccinale ont été décrits, population locale. n’est pas disponible, mais ne dispense pas d’une
toujours chez des nourrissons de moins de 6 mois). Cette vaccination est obligatoire pour les pèlerins se nouvelle vaccination en cas de morsure.
La vaccination est recommandée pour les rendant à La Mecque, et sa durée de validité est dans
ce cas de 2 ans seulement. Encéphalite à tiques
personnes devant séjourner en Afrique intertropicale
sauf pour Madagascar et les îles de l’océan Indien, en Il existe depuis peu un vaccin efficace, Ticovact,
Amérique du Sud (sauf Argentine, Chili, Uruguay, Typhoïde disponible uniquement en centre habilité, en
Paraguay et Panama). Cette vaccination est La typhoïde est une toxi-infection provoquée par autorisation temporaire d’utilisation (ATU) de cohorte.
recommandée, même si elle n’est pas exigée par les Salmonella typhi, dont la contamination se fait par une Cette vaccination est conseillée pour les personnes
autorités, si le séjour a lieu dans des zones à risque, et transmission interhumaine féco-orale (boisson et partant faire du camping ou des séjours en zone rurale
notamment s’il est prévu de sortir des zones urbaines. aliments contaminés), où les porteurs sains ou forestière, en Europe centrale (Autriche tout
Dans certains pays non infectés, telles les régions asymptomatiques sont le réservoir de virus. particulièrement), entre les mois d’avril et d’octobre.
tropicales d’Asie, la vaccination est en revanche exigée L’incidence de la typhoïde reste faible pour les Trois injections sont nécessaires, à effectuer à j0
si l’on vient d’une zone reconnue endémique. personnes se rendant dans les zones tropicales pour la première, entre la deuxième semaine et le

2
Enfant voyageur - 8-0945

troisième mois pour la deuxième, entre 9 mois et 12 perdu leur immunité antipalustre et ne sont plus à chimiorésistance de Plasmodium aux antipaludiques
mois pour la troisième, avec un rappel à 2 ans, puis considérer comme « protégés ». surtout a progressé, du fait de l’utilisation massive de la
tous les 3 ans si les risques d’exposition persistent [19]. Le risque d’être infecté par le paludisme au cours chloroquine, et laisse peu de zones à « faible risque »
[11]
d’un voyage dépend du taux de prévalence de la . L’apparition de nouvelles molécules efficaces ne
Encéphalite japonaise maladie dans le pays concerné, mais aussi du mode s’accompagne pas malheureusement d’une plus
Le vaccin est disponible seulement en ATU de voyage et de vie sur place, de la période de l’année, grande facilité d’utilisation, surtout chez l’enfant, et ces
nominative, à prévoir 2 mois avant le départ. ainsi que de l’exposition aux moustiques. trois facteurs expliquent les 5 000 cas de paludisme
Les mesures de prévention prennent toute leur d’importation recensés annuellement en France et qui
La vaccination est indiquée lors de longs séjours en
importance chez le nourrisson et l’enfant. Les sont en progression.
Asie du Sud-Est, et en Inde en milieu rural de plus de
1 mois. Cette vaccination doit être effectuée sous anophèles, vecteurs du paludisme, infestent les zones
tropicales ou subtropicales, sauf dans les zones ‚ Protection contre les piqûres
couvert d’une surveillance médicalisée en raison de la
d’altitude où, selon les latitudes, au-delà de 1 500 à de moustiques
possibilité de choc anaphylactique.
Chez l’enfant de plus de 1 an, la vaccination 2 000 m, le climat et la température ne sont plus Les moustiques piquent quasi exclusivement entre
s’effectue par trois demi-doses à j0, j7, j30 et rappel à propices à leur reproduction. le coucher et le lever du soleil. Aussi les mesures de
2 ans. En Afrique, à la différence des pays d’Asie du Sud et protection sont à prendre essentiellement la nuit, et
d’Amérique du Sud, le paludisme est aussi urbain, donc particulièrement adaptées aux nourrissons et
touchant particulièrement les banlieues des grandes aux petits enfants.
métropoles où peuvent être épargnés les quartiers Les fenêtres des lieux d’habitation doivent être


résidentiels et les zones les plus polluées. protégées par des moustiquaires, de même que les
Paludisme P. falciparum est l’espèce la plus répandue en prises d’air de la climatisation. La protection de l’enfant
Afrique (P. malariae et P. ovale sont plus rares) et P. pendant son sommeil par une moustiquaire est le plus
vivax y est absent. En Asie, les grandes villes sont efficace des moyens de protection, majorée encore par
Un temps important de la consultation du voyageur épargnées et le paludisme est une maladie l’imprégnation d’un répellent [ 1 0 ] à base de
doit être consacré au paludisme et aux risques qu’il fait essentiellement de la campagne. En Amérique, le deltaméthrine ou de perméthrine, sans danger pour
encourir, à l’enfant comme à ses parents, car bon risque concerne surtout l’Amérique centrale et le nord l’enfant (Insect Écran, Moustidoset), d’une durée
nombre de destinations à risque sont désormais de l’Amérique du Sud (il est important notamment en d’action de 3 à 6 mois mais de coût non négligeable.
facilement accessibles (tableau I). Guyane). Enfin, le paludisme est absent d’Europe, de La réimprégnation par la perméthrine se fait
Le risque principal, car mortel, est celui d’un accès Tahiti et de Nouvelle-Calédonie. facilement en plongeant la moustiquaire dans une
pernicieux provoqué par Plasmodium falciparum Depuis une dizaine d’années, l’incidence du solution diluée, et séchée à l’ombre pour éviter la
auquel l’enfant non immunisé est particulièrement paludisme dans les pays du tiers monde a détérioration de l’insecticide par les ultraviolets (UV).
exposé. De même, les enfants vivant en Europe et considérablement augmenté, et majore ainsi le risque L’habillement de l’enfant doit être couvrant et frais
retournant dans leur pays d’origine ont le plus souvent de transmission pour le voyageur. Mais la (coton), suffisamment épais pour être efficace.

Tableau I. – Pays sans paludisme.

Afrique Amérique Asie Europe Moyen-Orient Océanie


Toutes les villes Toutes les villes Tous les pays Toutes les villes Toutes les villes
Lesotho Antigua Brunei Bahreïn Australie
La Réunion Antilles (néerlan) Corée du Nord Israël Fidji (îles)
Saint-Hélène Bahamas Corée du Sud Jordanie Hawaï
Seychelles Barbade Géorgie Koweït Mariannes (îles)
Tunisie Bermudes Guam Liban Marshall (îles)
Canada Hong-Kong Qatar Micronésie
Chili Christmas (îles) Nouvelle-Calédonie
Cuba Cook (îles) Nouvelle-Zélande
Dominique Japon Pâques (île)
États-Unis Kazakhstan Polynésie (française)
Guadeloupe Kirghizistan Samoa
Grenade Macao Tonga
Caïmans (îles) Maldives Tulavu
Malouines Mongolie
Vierges (îles) Ouzbékistan
Jamaïque Singapour
Martinique Taïwan
Porto-Rico Turkménistan
Sainte-Lucie
Trinidad
Uruguay

3
8-0945 - Enfant voyageur

L’application sur les surfaces cutanées exposées


d’un produit insectifuge est un moyen restreint de Tableau II. – Pays du groupe 1 (sans chloroquinorésistance).
protection, du fait de la limitation de sa durée d’action.
Groupe 1 Afrique Amérique Asie Moyen-Orient Océanie
Quelques produits ont fait la preuve de leur
efficacité, le diéthyltoluamide (DEET), l’éthylhexanédiol P. falciparum
(EHD), le diéthylhexanédiol, le diméthylphtalate (DMT) Maurice (île) Haïti Azerbaïdjan sud Iran
ou le N-butyl, N- acétyl-3-éthylaminopropionate, mais
leur application doit être renouvelée toutes les 4 à Dominique Tadjikistan sud Irak
6 heures, avec un risque de toxicité chez le nourrisson (République)
chez qui l’application n’est pas recommandée avant P. vivax
l’âge de 30 mois (de même que chez la femme
enceinte). Algérie Argentine nord
L’utilisation d’insecticides sous forme d’aérosols ou Égypte Belize
par diffuseur électrique ne doit être considérée que Maroc Bolivie sud
comme une mesure d’appoint d’efficacité limitée dans
la prévention du paludisme. Costa Rica
Guatemala
‚ Chimioprophylaxie
Honduras
Il existe vis-à-vis de la chimioprophylaxie
antipaludéenne un haut niveau de confusion et un bas Mexique
niveau de compliance [20] et aucune stratégie actuelle Nicaragua
ne peut être considérée comme efficace à 100 %. Cette
chimioprophylaxie doit être perçue comme une Paraguay est
limitation d’un risque, dont la nécessité s’impose pour Pérou ouest
la majorité des voyages en zone tropicale, ce d’autant
qu’elle apporte aussi la meilleure protection possible El Salvador
actuellement contre l’accès pernicieux et est à Panama nord
proposer tout autant aux Européens se rendant en
zone tropicale qu’aux personnes vivant en Europe et
retournant dans leur pays d’origine pour un séjour de Tableau III. – Chimioprophylaxie antipalustre pour les pays du groupe 1.
durée limitée.
Si l’immunité antipalustre protège quelque peu les Enfant Nivaquinet (comprimés à 100 mg) 1,5 mg/kg/j
sujets résidant en zone d’endémie, où cependant un
0-1 an < 8,5 kg 1/4 cp 1 j/2
accès pernicieux reste toujours possible, cette 1-4 ans 9-16 kg 1/4 cp/j
tolérance immunitaire s’acquiert lentement lors de 5-8 ans 17-34 kg 1/2 cp/j
séjour prolongé, ne semble pas diminuée par la 9-11 ans 34-45 kg 3/4 cp/j
chimioprophylaxie, mais en revanche se perd > 12 ans > 45 kg 1 cp/j
rapidement une fois sorti de la zone d’exposition au
Adulte Nivaquinet (comprimés à 100 mg et à 300 mg)
risque.
La résistance à la chloroquine est apparue en 1959 1 cp à 100 mg/j
en Colombie et en Thaïlande, et n’a fait que s’étendre 1 cp à 300 mg 2 fois/semaine
depuis lors, en raison notamment de l’importance de
la migration des populations et de l’augmentation de Femme enceinte comme Adulte
la fréquence de la maladie. Les pays d’Afrique de
l’Ouest, longtemps réputés comme à risque inférieur,
ont vu une augmentation considérable de l’incidence – à débuter dès le départ, voire même 48 heures Le traitement est à commencer la veille du départ et
de la chloroquinorésistance qui, par exemple au avant ; à poursuivre 4 semaines après le retour (tableau V).
Gabon, est passée de 0,5 % en 1983 à 31 % en 1987 – à donner à tous les enfants (le nourrisson ne
Pays du groupe 3 (prévalence élevée
et 42 % en 1988. D’origine mutationnelle, elle dispose pas d’une protection « magique ») ;
de chloroquinorésistance et résistances
progresse sous la pression de sélection de la – à poursuivre 4 semaines après le retour ; multiples) (tableau VI)
chloroquine, et particulièrement si la chimioprophy- – se rappeler que c’est un médicament dangereux
Dans ce groupe, la mise en place de la
laxie est mal conduite. (risque d’intoxication accidentelle) d’usage
chimioprophylaxie est plus difficile et dépend aussi de
Selon la prévalence de la chloroquinorésistance, les « quotidien ».
la durée prévue du séjour, car au-delà de 3 mois,
pays sont classés en trois groupes (OMS) et les La posologie est chez l’enfant de 1,5 mg/kg/j (ou
l’attitude doit être révisée ou adaptée après avis
schémas de prophylaxie sont établis par le Conseil 10 mg/kg/semaine) avec une adaptation des prises
médical autorisé pris sur place. Le problème essentiel
supérieur d’hygiène publique de France et publiés (deux à sept par semaine), en fonction de l’âge et du
est celui de la tolérance de la méfloquine (Lariamt) qui
chaque année, au mois de juin, dans le bulletin poids pour en faciliter l’observance (tableau III). n’est pas conseillée chez l’enfant de moins de 3 ans
épidémiologique hebdomadaire (BEH). (ou de moins de 15 kg), ni chez la femme enceinte.
Pays du groupe 2 (chloroquinorésistance
Le traitement par méfloquine doit être débuté 10
« modérée ») (tableau IV)
Pays du groupe 1 sans chloroquinorésistance jours au moins avant le départ, permettant d’en
(tableau II) Dans ces pays du groupe 2 de l’OMS, le taux de apprécier la tolérance, et doit être poursuivi 3 à
résistance à la chloroquine est de l’ordre de 10 %. La 4 semaines après le retour de la zone d’endémie
La chimioprophylaxie repose sur la chloroquine
prophylaxie repose néanmoins sur la chloroquine (tableau VII).
(Nivaquinet comprimés à 100 mg [17,70 F les 100
(Nivaquinet) à la posologie de 1,5 mg/kg/j (ou pour En cas de contre-indication ou d’intolérance à la
comprimés]) seule, dans les pays où sévit P. falciparum,
certains dans des séjours de moins de 6 mois à méfloquine, en cas de séjour en zone à risque (Asie du
car dans les autres cas elle est inutile.
3 mg/kg/j), en association avec le proguanil Sud-Est), il est possible chez l’adulte (en absence de
Un certain nombre de règles préalables sont à (Paludrinet) à la posologie de 3 mg/kg/j, à prendre en grossesse) ou chez l’enfant de plus de 12 ans, d’utiliser
connaître : une prise au cours d’un repas. L’association la doxycycline (Vibramycinet) à la dose de 100 mg/j,
– éviter les sirops (poids dans les bagages, risque chloroquine-proguanil (Savarinet) est disponible pour en débutant la veille du départ et en poursuivant le
de casse, mauvaise biodisponibilité) ; l’adulte, mais il n’existe pas de forme pédiatrique. traitement 4 semaines après le retour.

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Enfant voyageur - 8-0945

– les garder avec soi dans un sac de voyage et non


Tableau IV. – Pays du groupe 2 (chloroquinorésistance « modérée »). pas dans les bagages, en raison des risques de perte et
de dénaturation par congélation lors des vols d’avion ;
Groupe 2 Afrique Amérique Asie Moyen-Orient Océanie
– ne pas emporter de sirops et suspensions
Afrique du Équateur Afghanistan Arabie Saoudite (stabilité médiocre, flacons lourds et cassables), mais
Sud préférer les poudres et les comprimés ;
– bannir les suppositoires ;
Botswana Bhoutan Émirats Arabes
Unis – emporter une quantité suffisante en fonction de
la durée du voyage.
Ghana Inde Iran sud-est Il s’agit d’une prescription médicale qui doit donc
Guinée Indonésie* Oman être expliquée et écrite par le médecin, en précisant les
indications, le mode d’utilisation et les éventuels effets
Guinée-Bissau Malaisie Yémen indésirables. La prescription doit être faite avec
mention de la dénomination chimique internationale.
Liberia Népal
Outre les médicaments antipaludiques cités
Madagascar Pakistan précédemment, il paraît raisonnable de disposer :
– en cas de séjour avec hébergement correct :
Mali Philippines
– antipyrétique-antalgique : paracétamol ;
Mauritanie Sri Lanka – antiémétique (mal des transports) :
métopimazine ;
Namibie
– antihistaminique : dexchlorphényramine,
Niger cétirizine (au-delà de 12 ans) ;
– sachets prêts à l’emploi de solution de
Sénégal
réhydratation orale ;
Sierra Leone – collyre antiseptique : rifampicine (à utiliser dans
les 3 jours après ouverture) ;
Somalie – thermomètre électronique ;
Tchad – pansements et antiseptiques cutanés
(chlorhexidine) ;
Togo – crème solaire à haut indice de protection ;
* sauf Bali – en cas de séjour avec hébergement précaire,
ou prolongé (en plus) :
– pansements, tulle antiseptique, pince à
Tableau V. – Chimioprophylaxie antipalustre pour les pays du groupe 2. échardes, petits ciseaux, filets de contention ;
– antispasmodique d’action rapide : phlorogluci-
Nivaquinet (comprimés à Paludrinet (cp à 100 mg) nol (Spasfon-Lyoct) ;
Enfant +
100 mg) 1,5 mg/kg/j 3 mg/kg/j – antibiotique de spectre large : amoxicilline,
sulfamétoxazole-triméthoprime, et antiamibien :
0-1 an < 8,5 kg 1/4 cp 1 j/2 + 1/4 cp/j
1-4 ans 9-16 kg 1/4 cp/j + 1/2 cp/j métronidazole ;
5-8 ans 17-34 kg 1/2 cp/j + 1 cp/j – moustiquaires, crème antiprurigineuse :
9-11 ans 34-45 kg 3/4 cp/j + 1 cp 1/2/j crotamiton.
> 12 ans > 45 kg 1 cp/j + 2 cp/j


Soit : Nivaquinet (cp à 100 mg) (1,5 mg/kg/j)
Adulte
+ Pendant le voyage
Paludrinet (cp à 100 mg) (3 mg/kg/j)
Soit Savarine, mélange de chloroquine et de proguanilt, molécules
L’enfant est particulièrement sujet au mal des
constituants respectivement la Nivaquinet et la Paludrinet
comportant par comprimé (100 mg de chloroquine et 200 mg de transports, provoqué par des mouvements apparents
proguanil) dont l’importance dépasse, en intensité ou en durée,
un certain seuil, très variable d’un individu à l’autre. La
Nivaquinet 1 cp/j + Paludrinet 2 cp/j stimulation plus facile de l’oreille interne fait que
ou
Savarinet 1 cp/j l’enfant a une tendance naturelle à présenter des
nausées et des vomissements, quel que soit le mode
Femme enceinte comme Adulte de transport utilisé (train, voiture), et ce pour des trajets
parfois courts. Parfois, la sensation de malaise peut
être même anticipée à l’idée d’un départ.


Le mal des transports, appelé aussi cinétose, se
‚ Traitement de présomption
Pharmacie manifeste par une association variable de pâleur,
Ce type de traitement ne s’adresse pas en pratique hypersudation, nausées, vomissements, somnolence,
à l’enfant, car devant un accès de fièvre ou en cas de sensation vertigineuse, faiblesse musculaire,
suspicion de paludisme, une consultation médicale est hypotension artérielle. L’excès de chaleur ou de froid,
impérative en raison du danger potentiel dont on ne Il paraît raisonnable d’envisager la constitution l’atmosphère confinée, la présence d’odeur
peut laisser l’estimation à des parents, surtout dans un d’une trousse pharmaceutique minimale adaptée à (hydrocarbure, peinture, tabac), la fatigue et le manque
contexte de ce genre. l’âge de l’enfant et aux principaux risques encourus, en de sommeil sont des facteurs favorisants qui peuvent
En fonction du type de séjour, il est cependant utile fonction du mode et du lieu de voyage. être souvent évités.
de donner aux parents un traitement de réserve Afin de conserver un maximum d’efficacité à ces Lors des voyages en avion, il faut préférer la zone
(halofantrine [Halfant], méfloquine [Lariamt]). thérapeutiques, plusieurs conseils sont à suivre : centrale de la carlingue entre les ailes, plus stable, ou

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8-0945 - Enfant voyageur

Avant, il est possible de limiter les troubles digestifs par


Tableau VI. – Pays du groupe 3 (prévalence élevée de chloroquinorésistance et résistances l’emploi de métopimazide (Vogalènet) ou de
multiples). dompéridone (Motiliumt).
Que ce soit lors d’un voyage en voiture, à l’arrivée
Groupe 3 Afrique Amérique Asie Moyen-Orient Océanie
sur le lieu de séjour, ou lors d’un trajet touristique, il est
Angola Bolivie (Amazonie) Bengladesh Salomon (îles) impératif d’attacher l’enfant en voiture, en lit-nacelle
avant 10 mois, en siège baquet avant 3 ans, et en
Bénin Brésil (Amazonie) Cambodge Indonésie
rehausseur avant 10 ans [5], sans oublier au-delà de
Burundi Colombie (Amazonie) Chine Nouvelle- toujours boucler la ceinture de sécurité, même à
Guinée l’arrière.
Cameroun Guyana Laos Vanuatu


Comores Guyane Myanmar
française Pendant le séjour
Congo Panama sud Thaïlande
Djibouti Pérou (Amazonie) Vietnam ‚ Diététique
Érythrée Surinam Les aliments peuvent être responsables de toxi-
infections alimentaires liées à leur stockage (la chaîne
Éthiopie Venezuela du froid est beaucoup plus aléatoire en climat tropical).
Gabon Les agents en cause n’ont en général rien d’exotique et
correspondent aux salmonelles, shigelles, colibacilles
Guinée équa- et staphylocoques et autres entérovirus qui ne
toriale connaissent pas les frontières.
Kenya Le plus souvent, le changement de mode
d’alimentation entraîne une modification de la flore
Malawi intestinale, source d’une diarrhée d’adaptation
Mayotte transitoire témoin de cette rupture d’équilibre. La
consommation de crudités est un facteur de risque
Mozambique important qui peut être évité, soit par la cuisson
Nigeria systématique des aliments, soit leur désinfection avec
du permanganate de potassium (coloration violette de
Ouganda l’eau) ou l’adjonction de deux gouttes d’iode par litre
Soudan d’eau, qui peuvent en modifier le goût. Les fruits
doivent être épluchés et les laitages, beurre cru, glaces
Swaziland et crèmes artisanales, doivent être simplement évités.
Tanzanie Il est impératif de pouvoir disposer des solutions de
réhydratation orale dont les concentrations en sodium
Zaïre sont variables ; on conseille les plus concentrées en
sodium (60 mmol/L), en raison aussi de la perte
Zambie
sudorale liée au climat tropical : Adiarilt 49 mmol/L,
Zimbabwe Alhydratet 60 mmol/L, Ges 45t 49 mmol/L,
Hydrigozt 60 mmol/L ; Lytrent 50 mmol/L.
En cas d’urgence, il est possible de préparer une
Tableau VII. – Chimioprophylaxie antipalustre pour les pays du groupe 3. solution de ce type en mélangeant dans 1 L d’eau
minérale capsulée ou purifiée cinq cuillères à café de
Nourrisson et enfant de moins de 3 ans sucre en poudre et une cuillère à café de sel.
(méfloquine LARIAMt déconseillé)
la prophylaxie proposée est celle des pays du groupe 2 (chloroquine + proguanil) Risque hydrique
L’eau peut être à l’origine de la transmission de
Enfant de plus de 3 ans LARIAMt cp 50 mg et 250 mg (5 mg/kg/semaine)
maladies infectieuses ou parasitaires, de trois manières
15-19 kg 1 cp à 50 mg 1 fois/semaine possibles :
20-30 kg 2 cp à 50 mg 1 fois/semaine – par transmission passive (vecteur passif) ;
31-45 kg 4 cp à 50 mg 1 fois/semaine – comme élément de développement des formes
> 45 kg 1 cp à 250 mg 1 fois/semaine parasitaires à pénétration transcutanée ;
Adulte LARIAMt cp à 250 mg – comme élément de développement de vecteurs
(anophèles).
1 cp à 250 mg 1 fois/semaine La qualité de l’eau de boisson doit être une
Femme enceinte LARIAMt déconseillé préoccupation constante, en particulier pour les
enfants, car une seule ingestion peut être à l’origine
La prophylaxie proposée est celle des pays du groupe 2 (chloroquine + proguanil) d’une pathologie dont la gravité est dépendante de
l’agent pathogène, mais aussi de l’âge de l’individu.
une cabine au milieu du bateau, moins sensible aux surtout en cas de rhinite obstructive, et il convient, par Pour le nourrisson, il est évident que la poursuite ou
mouvements de roulis ou de tangage. l’emploi facilement accepté selon l’âge de biberon, le maintien d’un allaitement maternel est le moyen le
Des repas légers, la limitation des jeux visuels bonbon ou chewing-gum, de favoriser la déglutition. plus sûr, et l’utilisation d’eau minérale (capsulée) pour
(vidéo, lecture) sont pour les sujets atteints du mal des la préparation des biberons, si elle est impérative, ne
transports des conseils d’évidence. La limitation de la Des médicaments, qui doivent faire partie de la doit pas faire oublier le lavage des mains.
simulation visuelle immédiate, l’occlusion des yeux ou, trousse pharmaceutique du voyageur, permettent d’en Chez l’enfant plus grand, une alimentation avec des
si possible, la fixation d’un point lointain (côte, horizon) prévenir les manifestations : dimenhydrinate produits lavés avec une eau propre ou additionnée de
permettent de limiter cette stimulation sensorielle. (Dramaminet, Nausicalmt, Mercalmt), ou permanganate de soude permet de limiter les
En avion, les modifications de pression liées aux diphénhydramine (Nautaminet). Ils peuvent être contaminations, mais le risque est aussi à l’achat
changements d’altitude peuvent être source d’otalgie, utilisés chez l’enfant seulement après l’âge de 2 ans. d’aliments ou de glaces… de préparation artisanale.

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Enfant voyageur - 8-0945

Le respect des règles d’hygiène élémentaire en est ‚ Baignades – la longueur du trajet du rayonnement (plus court
la meilleure prévention, ce d’autant qu’il n’y a pas de Les baignades en piscine correctement chlorée en été et dans les régions équatoriales) ;
traitement préventif de la diarrhée du voyageur… et (mais cela est difficilement vérifiable) ou d’eau de mer, – l’inclinaison du soleil sur l’horizon (maximale en
aucun traitement médicamenteux ni antibiotique ni n’exposent pas à des risques particuliers (vérifier milieu de journée) ;
antiseptique n’est à proposer en termes de cependant la localisation des égouts), mais ce sont les – l’altitude (augmentation de 4 % tous les 300 m) ;
prophylaxie. En cas de syndrome dysentérique, le baignades dans des lacs ou marigots qui sont à – la diffusion par le ciel (dépendant de la
lopéramide (Imodiumt) peut être intéressant en déconseiller formellement en raison de risques de couverture nuageuse) ;
appoint pour améliorer le confort de l’enfant. transmission de la bilharziose, de la schistosomiase ou – la réverbération du sol (neige > sable > eau >
Le risque parasitaire concerne principalement de l’anguillulose, et autre ankylostomose. Ainsi, les herbe).
l’enfant qui, du fait de son autonomie, va être en baignades en eau douce sont à proscrire dans la Sont conseillés :
contact ou risque d’être en contact avec de l’eau presque totalité des pays d’Afrique subsaharienne et – l’évitement de l’exposition au soleil, notamment
sauvage et ses risques parasitaires. un bon nombre des pays d’Asie du Sud-Est et du Nord- en milieu de journée ;
Est de l’Amérique du Sud. Le port de chaussures – la limitation de la durée des « bains » de soleil
La forme kystique de Giardia intestinalis est une
fermées, préférables aux sandales, en bord de mer, est chez l’enfant ;
forme à la fois de résistance et infestante, que seule
nécessaire pour éviter les piqûres ou plaies – la protection par un chapeau ;
l’ébullition de l’eau de boisson permet de détruire car
accidentelles, et en pratique il est impératif de ne – l’application systématique et répétée d’une
les procédés chimiques sont inefficaces. La
laisser jamais un enfant marcher pieds nus. crème solaire de haut degré de protection, en sachant
contamination se fait par contact direct (mains sales) et
Après baignade dans des eaux tièdes, le risque que la qualité des produits solaires dépend du produit
absorption d’eau contaminée, et le délai d’incubation
principal est l’otite externe que l’on peut prévenir par actif (écran minéral ou filtre chromophore) mais aussi
en fait une maladie possible pendant le séjour. Plus
une douche systématique et l’instillation éventuelle de de l’excipient dont la qualité (facilité d’étalement,
rarement, la filaire de Médine dont l’hôte intermédiaire
gouttes auriculaires antibiotiques. résistance à l’eau) est un élément essentiel.
est un minuscule mollusque, le cyclops, d’une taille de
Les bains de mer ont comme risque majeur, dans la Un produit efficace doit protéger contre :
1 à 2 mm, peut être ingéré passivement mais évité par
mesure où la surveillance risque d’être moins policée – les UVB (290-320 nm) dont l’indice mesure le
l’utilisation d’un filtre.
que dans nos pays, celui des accidents (hydrocution, coefficient par lequel le produit multiplie le délai
noyades). d’apparition de l’érythème solaire (un indice supérieur
Traitement de l’eau
à 15 assure une bonne protection ;
L’ébullition de l’eau demeure un excellent moyen Soins de peau – les UVA (320-400 nm), dont l’évaluation de
de désinfection, à condition d’être suffisamment Les soins corporels du nourrisson sont particulière- l’efficacité est variable et impose également le recours
prolongée (10 à 15 minutes) et d’assurer sa protection ment importants dans ces conditions. Un bain aux indices les plus élevés en sachant que la quantité
pendant son temps de refroidissement. quotidien est indispensable, en ayant soin d’utiliser réellement appliquée est toujours inférieure à celle
Le traitement chimique repose essentiellement sur une eau « sûre » (potable ou filtrée) avec un savonnage utilisée pour les tests d’efficacité.
l’utilisation du chlore et de ses dérivés, ou de l’iode, et au savon de Marseille (éviter colorants, déodorants…), Cependant, l’usage d’écran de protection, si elle
dépendant de la qualité de l’eau (ainsi, la présence de avec un rinçage et un séchage soigneux des plis. En limite le risque d’érythème solaire, favorise la
cas d’activité intense ou de fortes chaleurs, des prolongation de l’exposition et ainsi le risque de
boue ou d’ammoniaque) qui en diminue fortement
douches supplémentaires, sans multiplier le photodermatose (rare en fait chez l’enfant), mais
l’efficacité ou demande de plus grandes quantités
savonnage de la peau, sont recommandées. surtout le risque d’hyperthermie. Ainsi, chez le petit
difficiles à accepter. Il existe une corrélation entre la
Au cours d’un voyage de ce type, il est évident que nourrisson, l’exposition au soleil doit être proscrite et
concentration en micro-organismes et la turbidité de
l’enfant présente des piqûres d’insectes, de l’enfant doit pouvoir rester dans des pièces fraîches
l’eau, et la présence de colloïdes est également un
moustiques, des plaies ou des écorchures qui sous ces aérées, afin d’éviter les risques d’hyperthermie.
facteur de protection des micro-organismes contre le
climats chauds et humides sont à haut risque de Ne pas oublier la réverbération du soleil sur le sable,
chlore. L’utilisation d’un filtre, céramique ou à charbon
surinfection, notamment par des lésions de grattage même sous un parasol, qui impose le port de lunettes
actif (Katadynt Combi) est à conseiller lorsque les
secondaire. Chaque plaie ou piqûre, si minime soit-elle, filtrant les UV afin d’éviter une ophtalmie (collyre à
zones urbaines et de distribution d’eau sont quittées.
ne doit pas être négligée mais désinfectée par l’uvéline).
L’utilisation dans un deuxième temps d’un administration d’une pommade antiseptique (les
désinfectant permet d’éliminer de l’eau claire les antiseptiques volatiles n’ont pas une durée d’action ‚ Altitude
germes responsables des principales maladies liées à suffisante) et recouverte non par un classique Le séjour à une altitude de 2 000-2 500 m nécessite
l’eau (Micropurt 1 comprimé/L d’eau). Plus sparadrap mais par une gaze stérile. La présence d’un chez l’enfant comme chez l’adulte un temps
simplement, l’eau de boisson peut être désinfectée par œdème, d’une zone de nécrose au point de piqûre, de d’adaptation physiologique (baisse de la pression
de l’eau de Javel à 13° chlorométrique (2 gouttes/L [14]). phénomènes inflammatoires locaux doivent faire barométrique et hypoxie) de quelques heures,
L’association filtre et traitement chimique est le consulter afin d’éviter une diffusion infectieuse à partir pendant lesquelles peuvent se manifester des
meilleur gage de sécurité, sans être pour autant d’une de la porte d’entrée (adénite, bactériémie) et insomnies, des céphalées, des vertiges, une asthénie,
sécurité absolue. l’administration d’antibiotiques type synergistine est une anorexie, des nausées, et parfois un œdème des
recommandée. extrémités. Il ne paraît pas raisonnable d’envisager des
Bourbouille séjours (marche, trekking) en altitude avec des enfants
compte tenu de la multiplicité des risques (exposition
Cette éruption est particulièrement fréquente chez
Les méduses sont capables de le jeune enfant lors de l’arrivée dans les pays à climat
au froid notamment, augmentation de l’ensoleil-
provoquer des brûlures intenses par lement).
chaud et humide. Elle se présente comme une
l’injection de venin sous la peau, avec éruption de fines vésicules, très prurigineuses, ‚ Piqûres d’insectes et d’arthropodes
sensation immédiate de cuisson puis prédominant au niveau des plis et de la taille, source
L’homme peut être aussi l’hôte intermédiaire
apparition dans un délai de 30 minutes de prurit, d’inflammation et de surinfection. La
« accidentel » d’un certain nombre d’insectes qui
de lésions urticariennes ou bourbouille est due à des microkystes sudoraux, du fait
peuvent, après piqûre, déposer leur larve sous la peau,
de l’obstruction des canaux sudoripares par des
vésiculobulleuses, devenant ensuite ou parfois même par simple contact. Cette larva
bouchons de kératine. La prévention repose sur la
purpuriques et pouvant persister 1 à migrans cutanée est une dermatose fréquente au
répétition de douches fraîches, le maintien de la peau
2 semaines. L’intensité de la douleur retour d’un voyage en pays tropical, et peut être évitée
au sec par l’utilisation de vêtements de coton peu
en évitant de s’allonger directement sur le sable.
peut être à l’origine de malaise serrés.
De même, il est toujours recommandé de repasser
général (lipothymie, malaise vagal, Coups de soleil au fer chaud le linge qui a séché dehors car des
accès de tachycardie) mais sans Le risque d’insolation et de coups de soleil est mouches y pondent leurs œufs qui pénètrent la peau
gravité. Il faut retirer les filaments de réellement important et doit faire l’objet avant tout de avec apparition d’une tuméfaction ressemblant à un
l’appareil venimeux et calmer par des mesures de prévention. L’ensoleillement reçu par un furoncle, une myase, source de démangeaison.
antalgiques et des antihistaminiques. individu dépend de plusieurs facteurs qui sont souvent Les piqûres d’araignée et de scorpion, si elles sont
majorés lors des voyages : douloureuses, ne sont généralement pas dangereuses,

7
8-0945 - Enfant voyageur

mais invitent à vérifier la literie avant de coucher l’on sait être, du fait de leur morphologie et de leur
l’enfant, et de pouvoir disposer d’une lumière en cas appréciation des risques, les plus exposés, majorés par Attention à l’absence de
de réveil nocturne intempestif. Les piqûres de guêpe et le mauvais état des routes, des véhicules plus ou standardisation internationale des
de frelon sont dangereuses du fait du risque de choc moins folkloriques, l’alcoolisation au volant et le non- concentrations d’insuline (40 et 100
anaphylactique et l’existence d’un antécédent de ce respect, là-bas comme ici, du Code de la route. La
U/mL). À partir du 30 mars 2000, il ne
type doit conduire à disposer d’un spray inhalateur de rareté du port de ceinture de sécurité, l’inadaptation
bêtamimétique et d’un kit d’adrénaline injectable des moyens de retenue de l’enfant et notamment du sera plus utilisé que l’insuline à
(Anahelpt 1 mL = 1 mg, avec possibilité de délivrer nourrisson, l’utilisation de véhicules « tout terrain » sans 100 U/mL.
0,25, 0,50, 0,75 ou 1 mg). expérience, et notamment sans la connaissance des Insuline rapide = Actrapidt = regular
dangers naturels de la région multiplient les risques = soluble.
‚ Piqûres de tiques dans lesquels il ne paraît pas raisonnable d’engager un Insuline type NPH = isophane =
Dans l’hémisphère nord, les piqûres de tiques sont enfant.
susceptibles de transmettre la maladie de Lyme, mais
Insulatardt .
elles peuvent être aussi vectrices de rickettsiose (fièvre ‚ Adolescents Monotard t = Zinc composé = lente.
boutonneuse méditerranéenne). À l’étranger et en vacances, les voyages « qui
Après une promenade en forêt, ou matin et soir en forment la jeunesse » rendent les adolescents plus gardant sa montre à l’heure de départ) et la durée
cas de camping, dans une région suspectée disponibles aux relations sexuelles occasionnelles. Ils d’action des insulines utilisées. En cas de voyage vers
endémique, il est nécessaire d’inspecter la peau de sont dès lors susceptibles de contracter une maladie l’ouest, la « journée » se rallonge mais ne doit pas, en
l’enfant à la recherche de tiques dont la morsure passe sexuellement transmissible facilement curable cas de décalage inférieur à 6 heures (Antilles) modifier
le plus souvent inaperçue. C’est principalement au (blennorragie, syphilis, herpès) ou plus problématique fondamentalement le schéma qui est simplement
niveau des plis (ceinture) qu’elles sont retrouvées et (hépatite B, sida). décalé en intensifiant la surveillance glycémique. En
leur extraction rapide, dans les 24 heures, limite le Il est plus que jamais impératif d’utiliser un cas de décalage vers l’ouest dépassant six fuseaux
risque d’infection. Cependant celle-ci doit être faite préservatif aux normes internationales (ou au moins horaires, il est nécessaire d’effectuer une injection
avec prudence, soit au moyen d’un appareil spécial, aux normes françaises), car la fiabilité des préservatifs intermédiaire d’insuline rapide 12 heures après
soit après application d’éther ou d’alcool dont certains de marque locale peut être sujette à caution. Il n’est l’injection du mélange habituel. En cas de décalage de
cependant pensent être un risque d’expulsion salivaire pas question bien sûr d’en réitérer l’emploi. près de 12 heures (côte ouest des États-Unis), une
contaminante. Dans le même ordre de risque, tatouages, double injection intermédiaire est nécessaire. Au
acupuncture, percement d’oreilles doivent être bannis retour, l’inverse doit être réalisé en avançant l’injection
Le port de pantalons longs, de chaussettes
en raison de risques de transmission incontrôlables. double de la demi-journée en ayant soin de diminuer,
remontantes, de bottes, sont des moyens d’en limiter
au moins d’un tiers, la dose d’insuline rapide.
le risque, plus que la pulvérisation d’insectifuge (DEET)


Il est nécessaire dans tous les cas de s’adapter dans
dont la durée d’action est limitée. L’imprégnation des
les 24-36 heures (durée du voyage compris) aux
vêtements par la perméthrine (Permas 10 g = 100 mL) Voyage de l’enfant malade nouveaux horaires de vie, de sommeil et
n’est conseillée qu’aux professionnels forestiers et ne
d’alimentation.
peut être utilisée en usage courant en raison de
l’irritation cutanée qu’elle provoque. ‚ Diabète ‚ Épilepsie
En cas de maladie de Lyme déclarée, se révélant Le diabète de l’enfant insulinoprive n’est pas une Il est recommandé de partir avec la quantité de
par l’érythème chronique migrant caractéristique, contre-indication aux voyages mais nécessite encore médicaments nécessaire à la durée totale du séjour
l’administration d’amoxicilline permet une guérison plus que dans la vie quotidienne une capacité (plus une boîte de sécurité), gardée dans les bagages à
rapide et sans complications. d’anticipation et d’adaptation à un milieu inconnu ou mains. Chez l’enfant, en plus du traitement de fond, il
changeant. En fait, le principal problème posé est celui est justifier de pouvoir disposer de diazépam (Valiumt)
‚ Morsures d’animaux de l’adaptation des doses d’insuline en fonction de la sous forme injectable (2 mL = 10 mg), afin de pouvoir
La désinfection locale immédiate est nécessaire longueur du voyage et du décalage horaire. administrer en urgence, par voie intrarectale, une
(lavage à grande eau au savon et antiseptiques Plus que pour tout autre médicament, car celui-ci est première dose de 0,5 mg/kg (jusqu’à 20 kg).
[chlorhexidine, ammonium quaternaire, solutions d’usage pluriquotidien, il importe de garder avec soi,
‚ Asthme
iodées]), ainsi que l’administration d’antalgiques. dans les bagages à main, les flacons ou cartouches
d’insuline, le matériel d’injection (seringues, stylos) et le La majorité des enfants asthmatiques présentent un
L’administration d’antibiotiques contre les
matériel d’autosurveillance glycémique, sans oublier asthme léger à modéré, généralement équilibré par la
anaérobies et la pasteurellose (pénicilline V
quelques ampoules de glucagon. prise intermittente de bronchodilatateurs. Cependant,
[Oracillinet]100 000 UI/kg/j ou amoxicilline + acide
le stress du voyage, la découverte d’un nouvel
clavulanique [Augmentint]) doit être systématique La vérification de la date de péremption est
environnement (allergènes, modifications climatiques,
mais n’empêche pas la surinfection toujours possible impérative, ainsi que le calcul de la quantité d’insuline
effort, pollution) sont d’évidents facteurs de risque.
d’une morsure animale. rapide et semi-lente, majorée pour parer à tout
imprévu d’un tiers. La conservation de l’insuline est Le voyage ne peut pas être, sur le départ, le
La pasteurellose provoque de vives douleurs dans
satisfaisante à température ambiante mais peut moment privilégié de l’éducation de l’enfant
la zone de morsure, dans les 24 à 48 heures, associées
justifier la mise dans un sac isotherme en cas de asthmatique, mais peut en être un élément moteur en
à un syndrome pseudogrippal. Il existe localement un
température supérieure à 30 °C prolongée. Il est en l’anticipant au cours de consultations préalables. Selon
œdème et des signes de lymphangite, avec souvent
revanche impératif, en cas de voyage en avion, de ne l’âge de l’enfant, l’autosurveillance, notamment par
une adénopathie satellite. Le traitement antibiotique
pas la laisser dans les bagages en raison de sa l’utilisation du débitmètre de pointe, est l’élément
de choix est la doxycycline, mais avant l’âge de 7 ans,
dénaturation par congélation en haute altitude. central d’une utilisation à bon escient de cette
elle est contre-indiquée et doit être remplacée par une
thérapeutique. La confrontation de ces moyens
érythromycine. Afin de faciliter le transport du matériel médical, et
thérapeutiques peut être en décalage avec les
Une surveillance quotidienne est nécessaire notamment des seringues, un certificat médical écrit
pratiques et les croyances locales qui doivent faire
pendant 1 semaine, avec désinfection quotidienne, ce dans la langue du pays de destination précise le
l’objet d’un abord préalable, avec la famille, afin qu’il
d’autant que la plaie ne doit pas être suturée, hormis diagnostic et le mode de traitement (nombre
n’y ait pas d’interruption ou d’abandon thérapeutique
au niveau du visage où elle nécessite alors une parage d’injections et donc de seringues). Il est également
indus.
chirurgical sous anesthésie générale. nécessaire de rédiger une ordonnance relative à
La mise à jour de la vaccination antitétanique doit l’insulinothérapie, à joindre au carnet de diabétique, en ‚ Drépanocytose
être systématique, mais il importe aussi d’évaluer le donnant si possible l’adresse d’un centre médical de Une consultation pour un enfant drépanocytaire,
risque rabique et il est préférable dans ce cas de référence sur place. surtout s’il s’agit d’un départ en Afrique, ne peut
conseiller un avis médical local. Le traitement du diabète repose sur un schéma s’improviser et doit être parfois sollicitée par le
d’administration selon un horaire strict qui va être médecin bien avant que le voyage soit annoncé par la
‚ Accidents de la circulation bouleversé par le voyage et le décalage horaire (sauf famille, afin de pouvoir aborder systématiquement les
Ce sont les risques les plus fréquents en voyage en bien sûr en cas de voyage vers le nord ou le sud). mesures préventives à prendre, mener l’actualisation
termes de mortalité et de morbidité auxquels Il est important de considérer non pas les durées de du calendrier vaccinal et étaler les dépenses
s’exposent le voyageur et notamment les enfants que vol, mais les horaires habituels des injections (en pharmaceutiques qui s’imposent…

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Enfant voyageur - 8-0945


La réactualisation des vaccinations est impérative, C’est dire l’importance de la qualité de l’examen du
notamment en ce qui concerne la vaccination contre Assurances pendant le séjour frottis sanguin qui est demandé systématiquement et
le pneumocoque (Pneumo 23t), contre l’hépatite B et dont le résultat doit être obtenu sur l’heure. Le
selon les risques locaux contre le méningocoque. diagnostic repose sur la mise en évidence de parasites
Les contrats d’assurance souvent proposés pour intraérythrocytaires sur un étalement (frottis et
L’administration d’Oracillinet doit être poursuivie une modique somme en même temps que le dépliant
en préférant, pour les raisons exposées précédem- coloration identiques à ceux de la formule sanguine)
du voyage d’agrément ne recouvrent pas toujours qui peut être faussement négatif en cas de parasitémie
ment, le passage aux comprimés (en sachant aussi, par l’« évacuation sanitaire » à laquelle chacun croit devoir
exemple, que l’Oracillinet n’est pas disponible aux faible (cette technique détecte environ 50 Plasmodium
bénéficier mais répondent à des clauses précises qu’il
Antilles sous forme de sirop). La carte de groupe par µL de sang).
convient de faire préciser.
sanguin est systématiquement jointe au carnet de La goutte épaisse est une technique de
Il est nécessaire de bien s’informer, avant le départ,
santé, ainsi que l’adresse d’un centre médical de concentration de lecture plus difficile, mais 25 à 30 fois
des conditions générales de l’assurance qui a été
référence sur place. plus sensible et plus longue, qui ne peut remplacer le
souscrite, de ses limitations territoriales (ou exclusions
frottis dans les situations d’urgence.
Le voyage en avion peut être, chez le sujet éventuelles), en se rappelant qu’il ne s’agit le plus
drépanocytaire, à l’origine d’une déstabilisation de sa Un diagnostic spécifique par sonde génomique (par
souvent que d’un contrat d’assistance pour lequel les
maladie, par le stress du voyage (et l’immobilisation en bandelette réactive) est disponible [12] , soit par
frais éventuellement engagés ne sont que
détection d’une protéine spécifique de Plasmodium,
position assise), la déshydratation (faible hygrométrie partiellement remboursés.
soit d’une lactate déshydrogénase parasitaire.
de l’air de la cabine) et l’altitude (diminution de la Les contrats d’assurance standards excluent les
pression partielle en oxygène). risques liés à : L’utilisation des sérologies reste discutée en
– un état pathologique, ou une maladie chronique pratique car la seule certitude est l’absence de
Il est facile de proposer à boire à l’enfant
préalable au voyage ; paludisme en cas de séronégativité, dans la mesure où
systématiquement et régulièrement pendant le vol,
– une maladie qui a fait l’objet d’une hospitalisa- il n’est pas possible de distinguer une infection en
surtout s’il est de longue durée, et de permettre à cours d’un antécédent lointain.
l’enfant, dans la mesure du possible, de déambuler au tion moins de 6 mois avant le voyage, ou si la
convalescence ou la consolidation n’ont pas été Il s’agit d’une urgence thérapeutique dans la
cours du vol. Il est en revanche possible, mais plus
établies ; mesure où devant une chimioprophylaxie bien
difficile, d’obtenir des kits d’oxygène (les masques de
– un voyages entrepris en vue d’un diagnostic ou conduite, la survenue d’un accès palustre fait
secours ne sont pas utilisables « en cas de besoin »),
d’une thérapeutique particuliers [15]. envisager une chloroquinorésistance et en contre-
mais ceux-ci sont soumis à autorisation préalable du
Des contrats d’assistance, sans exclusion, sont indiquer l’usage en traitement curatif.
médecin de la compagnie aérienne et sont d’un coût
proposés par des mutuelles, regroupées au sein Les autres espèces de Plasmodium (P. ovale, P.
non négligeable.
d’intermutuelles assistance qui garantissent le vivax et P. malariae) sont responsables de formes de
Le risque d’une transfusion est le risque infectieux reviviscences tardives, des mois après le retour, par la
rapatriement sanitaire, même en cas de complication
principal encouru par un sujet porteur d’une persistance d’hypnozoïtes dans le foie (P. vivax, P.
d’une pathologie antérieure, avec un plafonnement à
drépanocytose car dans un certain nombre de pays, 25 000 F, ce qui pour certains pays peut être largement ovale) ou le sang (P. malariae), non éliminés par la
dont la majorité des pays africains, il n’existe pas de insuffisant (États-Unis par exemple, où cela correspond chimioprophylaxie.
banque du sang ; de plus, les produits disponibles ne pratiquement à une journée d’hospitalisation…).
sont pas sécurisés. Pour une maladie chronique, des contrats


spécifiques peuvent être proposés, mais il paraît plus
‚ Déficit en glucose-6-phosphate intéressant de passer par les associations (hémophile, Conclusion
déshydrogénase (G6PD) Association française de lutte contre la mucoviscidose
Le déficit en G6PD est l’enzymopathie héréditaire la [AFLM], Association des paralysés de France) qui
plus répandue au monde, touchant plusieurs dizaines permettent des services (envoi de médicaments, Un voyage ou un séjour à l’étranger doit donc faire
de millions d’individus, en grande majorité mais non conseils médicaux…) au-delà de la couverture l’objet d’une ou de plusieurs consultations permettant
exclusivement de sexe masculin, essentiellement financière, plafonnée à 30 000 F. d’aborder, avec l’enfant et ses parents, les différentes
d’origines africaine, méditerranéenne et asiatique. mesures préventives, qui loin d’être des mesures
restrictives sont des moyens de maîtriser, pour une


L’expression clinique de ce déficit, en dehors de la
part, un environnement plus hostile que celui de nos
période néonatale, est une hémolyse provoquée Au retour contrées. Cela permet également de pouvoir étaler les
principalement par trois facteurs principaux :
dépenses engagées notamment dans le cadre de
– la fièvre, provoquant une hémolyse générale- l’extension des vaccinations. Les différents sujets
ment modérée mais dont la récupération est lente car Pendant les 2 premiers mois qui suivent un voyage
en pays tropical, il est impératif d’évaluer abordés, déjà une véritable invitation au voyage,
le syndrome fébrile limite la poussée réticulocytaire ; permettent d’éviter que celui-ci ne devienne une
systématiquement sur le plan médical tout épisode
– l’administration de certains médicaments, qui « galère » qui n’a rien avoir avec l’aventure attendue de
fébrile durant plus de 48 heures, en raison du risque
provoque une hémolyse dont l’intensité dépend de toujours possible de survenue d’un paludisme. Ce tout dépaysement.
l’activité enzymatique résiduelle. Le déficit est paludisme d’importation est le nouvel aspect du
généralement moins sévère chez les sujets noirs que paludisme en Europe depuis la disparition des formes
chez les sujets d’origine méditerranéenne ou asiatique. autochtones [3]. Le délai entre le retour en France et la
C’est chez ces derniers que les médicaments, crise de paludisme est dans la majorité des cas Quelques adresses utiles :
notamment les antipaludiques, sont à contre-indiquer, inférieur à 4 semaines, mais dans 10 à 20 % celui-ci 3615 Visa Santé (société de médecine des
l’un toujours formellement (la primaquine), les autres peut atteindre 2 mois et parfois même, pour P. voyages) : pays répertoriés, vaccinations recomman-
en fonction du contexte clinique. Les sulfamides sont à falciparum, 9 mois. Cinq cents à 600 cas pédiatriques, dées, adresses utiles (médecins, hôpitaux, consulats),
employer avec circonspection, mais aspirine et survenant pratiquement tous au retour d’Afrique, sont classification du pays (paludisme), animaux venimeux.
paracétamol peuvent être utilisés sans risque recensés chaque année en France. 3615 SV (santé voyage, service des maladies
d’hémolyse ; Les crises sont le plus souvent peu spécifiques, tropicales de Bordeaux) + pour les médecins : 3614
– la prise de fèves fraîches (favisme) quasi ressemblant à un épisode pseudogrippal trompeur, CHU 33
exclusivement chez les sujets du pourtour une gastroentérite banale, ce d’autant que la Site Internet :
méditerranéen dont le déficit est majeur (< 1 %). chimioprophylaxie peut en atténuer les symptômes. CDC : http://www.cdc.gov/travel/index.htm

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8-0945 - Enfant voyageur

Didier Armengaud : Chef de service de pédiatrie,


centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, 20, rue Armagis, 78105 Saint-Germain-en-Laye, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : D Armengaud. Enfant voyageur.
Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-0945, 2000, 10 p

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Anti-inflammatoires
Encyclopédie Pratique de Médecine

E Jacqz-Aigrain, M Guillonneau


des cellules intervenant dans la réaction inflamma- ‚ Pharmacocinétique
Introduction toire, tels que les polynucléaires, les monocytes et les
macrophages. Elles interviennent dans les Acide acétylsalicylique
phénomènes d’adhérence et de migration cellulaire L’acide acétylsalicylique possède des propriétés
Deux grandes classes de médicaments possèdent vers les espaces extravasculaires [6]. pharmacocinétiques complexes. Les caractéristiques
des effets anti-inflammatoires : les anti-inflammatoires principales sont une bonne résorption, fonction de la


non stéroïdiens et les glucocorticoïdes. Ils ont en présentation galénique (aspirine en comprimé, en
commun des propriétés antipyrétiques, antalgiques et Anti-inflammatoires solution, effervescente), des liaisons protéiques élevées
anti-inflammatoires et possèdent de nombreuses non stéroïdiens (fig 1) et saturables, un métabolisme important, impliquant
indications dans les pathologies aiguës et plusieurs voies dont certaines sont saturables, une
chroniques [4, 5] . Les médicaments qui ont une ‚ Classification élimination rénale fortement influencée par le pH
autorisation de mise sur le marché pour la pédiatrie, et Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont urinaire.
qui ont donc été étudiés chez l’enfant doivent être caractérisés par l’absence de structure chimique
utilisés préférentiellement. Le respect des précautions stéroïdienne, à l’inverse des corticoïdes. Ils sont classés Autres AINS
d’emploi et des contre-indications est important pour en dérivés salicylés, dérivés indoliques, acides Les AINS (aspirine exclue) sont des acides faibles
limiter les risques d’effets adverses lors de leur arylcarboxyliques, dérivés oxicam, dérivés fénamates, caractérisés par une bonne résorption digestive, une
prescription en pédiatrie. dérivés pyrazolés et autres. Seules les spécialités ayant fixation protéique importante, principalement à
des indications en pédiatrie (dictionnaire Vidal 1997) l’albumine, un métabolisme hépatique précédant une
sont présentées (tableau I). Les salicylés sont présentés


élimination rénale. Les paramètres pharmacocinétiques
Physiopathologie et mécanismes dans le chapitre « Antipyrétiques ». des AINS administrés par voie orale et ayant des
d’action des anti-inflammatoires ‚ Mécanismes d’action indications chez l’enfant sont présentés tableau II. Seule
la présentation en suppositoires de l’acide niflumique
Les AINS exercent leurs effets principalement par
(Niflurilt) possède des indications chez enfant. Les
L’inflammation, qui associe « rougeur et tumeur, l’intermédiaire d’une inhibition de l’activité COX, mais
paramètres pharmacocinétiques après administration
chaleur et douleur », est une réponse normale le mécanisme de cette inhibition est différent en
rectale ne sont pas connus à notre connaissance.
immédiate et transitoire à toute agression extérieure, fonction des AINS. L’inhibition liée à l’aspirine est
qui met en jeu les médiateurs lipidiques et protéiques irréversible, par acétylation de l’enzyme alors que celle ‚ Indications en pédiatrie
de l’inflammation. Par des mécanismes d’auto- des autres AINS est réversible. La plupart des AINS
entretien et d’amplification, la réponse inflammatoire Les AINS commercialisés en France sont nombreux
inhibent les activités COX1 et COX2 à des degrés
peut s’accentuer et entraîner un état pathologique. et le choix entre les molécules doit être orienté par les
divers. Les effets anti-inflammatoires sont
données de tolérance chez l’enfant, les indications et
principalement liés à l’inhibition de COX2, alors que les
‚ Cytokines effets adverses des AINS sont plus fréquemment liés à
des posologies pédiatriques recommandées. Les
principales indications des AINS sont les pathologies
Les cytokines sont des médiateurs protéiques l’inhibition de COX1. L’aspirine, mais aussi
douloureuses et inflammatoires chroniques, et en
capables à la fois d’activation et d’inhibition du l’indométacine sont sélectifs de COX1, alors que le
particulier les rhumatismes inflammatoires. Ils peuvent
processus inflammatoire. Deux d’entre elles, diclofénac agit de manière équivalente sur COX1 et
être utilisés dans les pathologies douloureuses et
l’interleukine-1 (IL-1) et le TNFa, jouent un rôle majeur COX2 [6].
dans le déroulement de l’inflammation. Sous leur
action, les cellules produisent des médiateurs
lipidiques, des enzymes protéolytiques, des radicaux

libres (NO, O2 ) qui sont directement responsables des
signes cliniques de l’inflammation.

‚ Prostaglandines et leucotriènes
Tous les stimuli inflammatoires provoquent la
synthèse des prostaglandines et leucotriènes
médiateurs lipidiques de la réaction inflammatoire,
synthétisés à partir de l’acide arachidonique qui est
libéré des phospholipides membranaires sous l’action
de la phospholipase A2. La cascade des prostaglandi-
nes dépend initialement des deux formes
enzymatiques dites COX1 et COX2 de la cyclo-
oxygénase. COX1, présente à l’état basal dans la
plupart des tissus, permet la synthèse des
prostaglandines exerçant des fonctions physiologi-
ques au niveau de l’estomac, du rein, etc, alors que
COX2, induite par les cytokines de l’inflammation,
© Elsevier, Paris

permet la synthèse des prostaglandines de


l’inflammation, jouant un rôle vasoactif et amplifiant
les phénomènes douloureux. La cascade des
1 Molécule de cortisol. Structures chimiques comparées du cortisol et des principaux glucocorticoïdes
leucotriènes dépend initialement de la lipo-oxygénase.
de synthèse. Les éléments en gras désignent les groupements fonctionnels dont dépend l’activité glucocorticoïde.
Les leucotriènes sont principalement synthétisées par

1
8-1010 - Anti-inflammatoires

Tableau I. – Classification des anti-inflammatoires non stéroïdiens (salicylés exclus).

Données du Vidal 1997 pour les


spécialités correspondantes
Tranches d’âge Indications Posologies
AINS indoliques et dérivés
Indométhacine - - -
Sulindac - - -
AINS arylcarboxyliques
Acide tioprofénique - Surgamt Enfant de plus de 16 kg Rhumatismes inflammatoires, 10 mg/kg/j
Aminoprofène - traumatologie, ORL
Diclofénac - Voldal 25t (comprimé et suppo- Enfant de plus de 17 kg et de plus de 1 an Rhumatismes inflammatoires 2 à 3 mg/kg/j
sitoire)
- Voltarène 25t (comprimé) Enfant de plus de 17 kg Rhumatismes inflammatoires 2 à 3 mg/kg/j
- Xenid 25t (comprimé et suppositoire) Enfant à partir de 10 kg Rhumatismes inflammatoires 2 à 3 mg/kg/j
Étodolac - - -
Fenbuphène - - -
Flurbiprofène - - -
Ibuprofène - Nureflex suspension Nourrisson et enfant (6 mois à 15 ans) Arthrite chronique juvénile, af- 20 à 40 mg/kg/j
fections fébriles et/ou douloureu-
ses
Kétoprofène - -
Naproxène - Apranax 275t et 550t (com- Enfant de plus de 5 ans et de plus de 25 kg Arthrite chronique juvénile 10 mg/kg/j
primé)
- Naprosyne 250t (comprimé) Enfant de plus de 25 kg Polyarthrite rhumatoïde, dou- 10 mg/kg/J
leurs postopératoires
AINS dérivés oxicam
Méloxicam - - -
Piroxicam - - -
Ténoxicam - - -
AINS fénamates
Morniflumate - Nifluril 400t (suppositoire) Enfant à partir de 6 mois Polyarthrite rhumatoïde, otites 40 mg/kg/j
aiguës simples (1 suppositoire/10 kg/j)
AINS pyrazolés
Phénylbutazone - - -

Tableau II. – Paramètres pharmacocinétiques des AINS bénéficiant d’indications pédiatriques. Tableau III. – Principaux effets secondaires
des AINS.
Dérivés arylcarboxyliques
Toxicité digestive
Acide tioprofénique Diclophénac Ibuprofène Naproxène
Douleurs, nausées, brûlures épigastriques, hémor-
Résorption (%) 60 90 60 90 ragies digestives
(effet de pre-
mier passage) Toxicité hépatique
Liaisons protéiques (%) 99 99 99 99 Élévation des transaminases, hépatite cytolytique,
syndrome de Reye (aspirine)
Métabolisme hépatique élevé élevé élevé élevé
Toxicité rénale
Élimination rénale rénale et rénale rénale
(métabolites) biliaire (métabolites) (métabolites) Néphrite interstitielle immuno-allergique, insuffı-
sance rénale oligo-anurique (fréquemment liée à
Demi-vie (h) 1,5 à 2,5 1-2 2 12 - 18 l’indométhacine), néphropathie aux AINS (après
utilisation prolongée à fortes doses)
inflammatoires aiguës (pathologie ORL). La place des dépendent du type de dérivé et du schéma Effets cutanés
AINS dans le traitement de la fièvre est discuté dans le posologique utilisé.
chapitre « antipyrétiques ». Les dérivés arylcarboxyli- Chez l’enfant, les effets gastro-intestinaux sont les Érythème, urticaire, toxidermie (syndrome de
ques sont utilisés par voie orale en raison de leur Steven-Johnson et syndrome de Lyell)
plus fréquents et il semble que les complications
meilleure tolérance. Les posologies dépendent du type hépatiques soient plus fréquentes que chez l’adulte. Toxicité hématologique
de molécule utilisé. Elle sont de 2 à 3 mg/kg/j pour le L’ibuprofène paraît mieux toléré que l’aspirine, et en
diclofénac, de 10 mg/kg/j pour le naproxène et de 20 particulier, les effets adverses graves et les
Effet anti-aggrégant plaquettaire, pancytopénie
(pyrazolés), anémie
à 40 mg/kg/j pour l’ibuprofène, administrées en trois à complications digestives sont peu nombreuses.
quatre prises par jour. Effets bronchopulmonaires
Dans tous les cas, il convient de respecter les contre- Anti-inflammatoires non stéroïdiens
et grossesse Asthme (aspirine)
indications (allergie à l’AINS, ulcère gastroduodénal
évolutif, insuffisance hépatique ou rénale) et les Tous les AINS prescrits à la mère en fin de grossesse Effets neurosensoriels
précautions d’emploi (ne pas associer les AINS, éviter présentent un risque pour le fœtus et/ou le nouveau-
Bourdonnements d’oreille et céphalées (aspirine),
les associations aux diurétiques et aux né. Les risques rapportés sont les suivants : vertiges, baisse de l’acuité auditive, atteinte cor-
antihypertenseurs). – fermeture prématurée du canal artériel et néenne, troubles psychiques
‚ Effets indésirables hypertension artérielle pulmonaire avec mort in utero,
insuffisance cardiaque, détresse respiratoire ;
Effets indésirables chez l’enfant – toxicité rénale avec oligoamnios, oligoanurie ; Les AINS sont donc contre-indiqués au cours du 3e
Les effets indésirables de la classe des AINS peuvent – modifications de l’agrégation plaquettaire avec trimestre de la grossesse. Il est par ailleurs important de
atteindre de nombreux organes (tableau III). Ils manifestations hémorragiques. lutter contre l’automédication en cours de grossesse.

2
Anti-inflammatoires - 8-1010


Glucocorticoïdes

0
2
1

4
HO

5
9
17
16
CO-CH2OH
OH

Les glucocorticoïdes sont dérivés par synthèse du


cortisol. Ils possèdent des propriétés anti-
inflammatoires, anti-allergiques et immuno-
Double liaison Fluor Substitution
suppressives puissantes et une action minéralocorti- en 1-2 en 9 en 16
coïde réduite [2, 4].
Cortisol — — —
‚ Classification - relations structure - Prednisolone + — —
activité Triamcinolone + + αOH
Dexaméthasone + + αCH3
Structure chimique + + βCH3
Bétaméthasone
Les structures chimiques du cortisol et des
principaux dérivés de synthèse sont représentées sur 2 Anti-inflammatoires non stéroïdiens.
la figure 2. La prednisolone possède une structure très
proche du cortisol. Seule l’adjonction d’une double COX2 (alors qu’ils n’ont pas d’effet sur COX1), de la parentérales de glucocorticoïdes (bolus ou assauts) est
liaison en 1-2 les différencie, qui augmente l’activité phospholipase A2 et inhibent donc à la fois la incontestable dans diverses indications : rejets chez le
anti-inflammatoire, réduit l’effet minéralocorticoïde et synthèse des prostaglandines et des leucotriènes. Cela transplanté rénal, crise d’asthme grave par exemple.
renforce l’effet pharmacologique en augmentant la explique la grande efficacité des glucocorticoïdes sur
demi-vie plasmatique de la molécule. La substitution les phénomènes inflammatoires. Les glucocorticoïdes ‚ Principales indications en pédiatrie
d’un groupement méthyle ou hydroxyle en 16 réduisent aussi sur les migrations cellulaires vers le site Les indications thérapeutiques des glucocorticoïdes
supprime pratiquement l’activité minéralocorticoïde. inflammatoire, modulent les fonctions cellulaires des sont très nombreuses, pour le traitement des
L’adjonction d’un fluor en 9 renforce l’effet anti- lymphocytes et macrophages et modifient la pathologies inflammatoires touchant tous les
inflammatoire et diminue l’effet de rétention sodique production des cytokines. systèmes (tableau V). La prise en charge des
lorsqu’elle est associée à d’autres modifications
pathologies inflammatoires justifie habituellement une
(dexaméthasone). En revanche, lorsqu’elle est isolée, ‚ Pharmacocinétique corticothérapie prolongée, dite chronique. La
cette modification renforce l’effet minéralocorticoïde
Paramètres pharmacocinétiques prednisone (Cortancylt) et la prednisolone
(fluorocortisone).
(Hydrocortancylt, Solupredt) sont habituellement
L’absorption des glucocorticoïdes est facile et rapide administrées en traitement d’attaque à la dose de 1 à
Demi-vie biologique et chronopharmacologie après administration orale, essentiellement dans le 2 mg/kg/j. En cas d’efficacité, la posologie est
Les glucocorticoïdes naturels suivent un rythme jéjunum haut. Les liaisons protéiques mettent en jeu la progressivement réduite jusqu’à obtenir une posologie
circadien de sécrétion de grande amplitude avec un transcortine, glycoprotéine possédant une haute minimale efficace. L’administration alternée un jour sur
maximum entre 6 et 9 heures du matin et un affinité pour le cortisol, et l’albumine, liant surtout les deux, qui limite les risques de retentissement sur la
minimum vers minuit. Les glucocorticoïdes de dérivés synthétiques. Le métabolisme des croissance est utilisée dès que possible. L’arrêt d’un
synthèse, en raison de leurs effets minéralocorticoïdes glucocorticoïdes est principalement hépatique. La traitement prolongé doit toujours être réalisé de
même faibles, interfèrent avec cette sécrétion et sont prednisone, forme biologiquement inactive, subit une manière progressive pour éviter l’insuffisance
classés en fonction de leur demi-vie biologique, définie transformation dose dépendante en prednisolone surrénalienne par freination de l’axe hypothalamo-
comme la durée de l’inhibition de l’axe hypothalamo- active par une 11-β-hydroxydéshydrogénase hypophysaire. Le risque d’insuffisance surrénale aiguë
hypophysaire. Ainsi, l’horaire d’administration des hépatique. De nombreuses autres biotransformations est alors important en cas de stress.
corticoïdes de synthèse a une influence primordiale interviennent pour tous ces composés. Les demi-vies
sur leur activité freinatrice de la sécrétion plasmatiques comparées des principaux glucocorticoï-
hypophysaire : une administration le matin a un effet des sont présentées dans le tableau IV. La Une corticothérapie brève, dite en cure
freinateur minimal à l’inverse d’une prise le soir. pharmacocinétique est très variable d’un individu à
courte, peut être utilisée dans certaines
l’autre et influencée notamment par des phénomènes
‚ Mécanismes d’action d’induction enzymatique (anticonvulsivants).
pathologies inflammatoires. Sa durée
Les glucocorticoïdes se lient à des récepteurs
est habituellement inférieure à dix
intracellulaires, le complexe formé agissant au niveau Administrations intraveineuses jours et le traitement peut être
de l’ADN et modifiant la transcription de nombreux Les glucocorticoïdes sont disponibles en interrompu sans décroissance
gènes. Dans le cadre de l’inflammation, les administration intraveineuse à action immédiate et à progressive [2].
glucocorticoïdes inhibent la transcription des gènes de action retard. L’efficacité des administrations

Tableau IV. – Activité relative des principaux glucocorticoïdes.

Dénomination Activité anti-


Activité métaboli- Activité minéralo- Demi-vie biologi- Doses
Groupe commune inflammatoire
que relative corticoïde que (heures) équivalentes (mg)
internationale relative
Hormones Cortisol 1 1 1 8-12 20
naturelles Cortisone 0,8 0,8 0,8 8-12 25
Dérivés Prednisolone 4 4 0,8 12-36 5
delta Prednisone 4 4 0,8 12-36 5
Dérivés delta méthylés Méthyl -
5 5 0,5 12-36 4
prednisolone
Dérivés delta fluorés et hydroxylés Triamcinolone 5 / 0,1 12-36 4
Dérivés Paraméthasone 10 / 0,1 36-54 2
delta Bétaméthasone 25 / 0,1 36-54 0,75
halogénés et hydroxylés Dexaméthasone 30 17 0,1 36-54 0,75
Dérivé méthylé et phényl-pyrazolé Cortivazol 60 / 0,1 > 60 0,30

3
8-1010 - Anti-inflammatoires

d’altérations du métabolisme du collagène.


Tableau V. – Principales indications des gluco- Tableau VI. – Principaux effets secondaires L’administration alternée dès qu’elle est possible
corticoïdes dans les pathologies inflammatoi- des glucocorticoïdes. permet de limiter cet effet. Les autres complications
res en pédiatrie. sont les complications métaboliques sous traitement et
Effets endocriniens
de l’effet freinateur de l’axe hypothalamo-
Pathologie gastro-intestinale
Retard de croissance, freination de l’axe hypophysaire, qui justifie d’arrêter de manière
Maladie de Crohn et rectocolite hémorragique hypothalamo-hypophysaire progressive une corticothérapie prolongée [3]. Le risque
Purpura rhumatoïde infectieux est plus difficile à évaluer.
Effets métaboliques
Diarrhée auto-immune
Obésité avec troubles de la répartition des grais- Corticoïdes et grossesse
Pathologie néphrologique ses, perturbations de la glucorégulation
Syndrome néphrotique Hyperlipidémie Le passage placentaire des glucocorticoïdes est
variable en fonction des molécules. La prednisone et la
Pathologie hématologique Effets cutanés prednisolone qui passent peu sont les corticoïdes de
Purpura thrombopénique idiopathique Acné, hirsutisme, fragilité cutanée choix lorsque l’indication du traitement est une
Pathologie ORL pathologie maternelle. La dexaméthasone et la
Effets digestifs bétaméthasone, qui passent bien la barrière
Laryngite aiguë Hémorragie, pancréatite placentaire sont indiquées dans les pathologies
Pathologie respiratoire - allergie fœtales. Les glucocorticoïdes sont tératogènes chez
Effets osseux l’animal avec une sensibilité variable en fonction des
Asthme Ostéoporose, ostéonécrose aseptique, myopathie espèces, les principales malformations étant les fentes
Maladies infectieuses proximale labiales et palatines. À l’inverse, les données chez la
femme enceinte sont très rassurantes. Les risques de la
Méningite aiguë bactérienne Effets cardiovasculaires
corticothérapie lorsqu’elle est indiquée sont
Maladies sytémiques Rétention hydrosodée, hypertension artérielle, al- certainement inférieurs à ceux de la pathologie non
calose avec hypokaliémie traitée (asthme, maladie inflammatoire chronique,
Lupus érythémateux disséminé
Effets neurologiques lupus). La survenue d’une insuffisance surrénale
Vascularité
RAA (avec atteinte cardiaque) néonatale est exceptionnelle, crainte surtout avec
Troubles neuropsychiatriques, hypertension intra- l’administration de fortes doses de dexaméthasone et
Greffes d’organe et de tissus crânienne de bétaméthasone [1].
Effets immunosuppresseurs
‚ Complications de la corticothérapie Favorisant les infections bactériennes, virales,
Les complications de la corticothérapie peuvent être
classées en deux grandes catégories : les effets
secondaires prévisibles, liés aux actions pharmacologi-
ques des glucocorticoïdes et les complications
mycosiques et fungiques
Effets oculaires
Infections cataracte

Conclusion

indépendantes des actions pharmacologiques Les anti-inflammatoires possèdent de nombreuses


(tableau VI). indications en pédiatrie, en raison de leurs effets
communs antalgiques, antipyrétiques et anti-
Accidents indépendantes des actions Effets prévisibles, liés aux actions inflammatoires. Les glucocorticoïdes sont très
pharmacologiques pharmacologiques des corticoïdes largement utilisés en traitement aigu et chronique.
Ils peuvent survenir quelle que soit la durée du Ces accidents sont fonction du type de corticoïde Outre les effets nocifs identiques à ceux de l’adulte, ils
traitement. Il s’agit des accidents immunoallergiques utilisé, de ses modalités d’administration et de la durée exposent en pédiatrie à des retards de croissance lors
(manifestations cutanées et choc anaphylactique), des du traitement. Ils sont décrits lors des corticothérapies d’administration chronique. Les anti-inflammatoires
effets gastro-intestinaux, des manifestations prolongées. Le retentissement sur la croissance est un non stéroïdiens, dénués d’effets hypothalamo-
neuropsychiques (troubles psychiques dits « mineurs » risque majeur en pédiatrie. Il apparaît habituellement hypophysaires ont bien d’autres effets nocifs. Ils sont
à type de délire et d’hallucinations et majeures à type après un traitement de quelques mois, en raison d’une mal évalués en pédiatrie, notamment en termes de
de psychoses et suicides), des complications oculaires diminution de la sécrétion de l’hormone de croissance, tolérance, ce qui justifie d’en respecter les indications et
(infections et ulcérations de la cornée). d’une action directe sur le cartilage de croissance et les précautions d’emploi.

Évelyne Jacqz-Aigrain : Pédiatre, professeur des Universités, praticien hospitalier.


Marianne Guillonneau : Pédiatre.
Unité de pharmacologie clinique pédiatrique, hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : É Jacqz-Aigrain et M Guillonneau. Anti-inflammatoires.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-1010, 1998, 4 p

Références

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cologie et retentissement fœtal. J Gynecol Obstet Biol Reprod 1996 ; 25 : 160-167 macology. Therapeutic principles in pratice (2nd ed). Philadelphia: Saunders,
1992: 335-344
[2] Jacqz-Aigrain É, Burtin P. Les corticoïdes : pharmacologie et indications des
cures courtes en pédiatrie. Arch Pediatr 1995 ; 2 : 353-364 [6] Terlain B, Jouzeau JY, Abid A, Nedelec E, Netter P. Iso-enzymes de la cyclo-
oxygénase et anti-inflammatoires non stéroïdiens. Lettre du Pharmacologue 1996 ;
[3] Lefevre H, Kunh JM. Comment interrompre une corticothérapie ? Un double 10 : 136-144
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[4] Liapi C, Chrousos GP. Glucocorticoids. In : Yaffe, Aranda eds. Pediatric Phar-
macology. Therapeutic principles in pratice (2nd ed). Philadelphia: Saunders,
1992: 466-475

4
8-1020
8-1020

Antipyrétiques
Encyclopédie Pratique de Médecine

M Guillonneau, E Jacqz-Aigrain

L e traitement médicamenteux de la fièvre est justifié, chez l’enfant, par le risque de crises convulsives et
d’hyperthermie maligne, ainsi que pour des raisons de confort.
© Elsevier, Paris.


Introduction

Corticoïdes
(-)
Phospholipides

Le traitement antipyrétique repose, en pratique, Acide arachidonique


sur trois molécules : le paracétamol, l’ibuprofène et
l’aspirine. Le choix d’une thérapeutique est fonction
(-) (-)
du tableau clinique dans lequel s’inscrit la fièvre et Aspirine Cyclo-oxygénase 1
(-) (-) AINS
des risques d’effets indésirables de la molécule.
Cyclo-oxygénase 2
Le paracétamol est le traitement de référence de
la fièvre et doit être utilisé à la dose de 15 mg/kg
toutes les 6 heures, soit 60 mg/kg/j. Son efficacité, à Endoperoxides
cette posologie, est comparable à celle de l’aspirine à
la dose de 15 mg/kg toutes les 4 à 6 heures et sa
tolérance est meilleure. PGI2 TXA2
Vasoconstricteur
Vasoconstricteur
hyperalgiant


proagrégant
Antiagrégant
plaquettaire
Physiopathologie de la fièvre plaquettaire

PGF2 PGD2 PGE2


L’élévation de la température est due à l’action de
pyrogènes exogènes ou endogènes. Les pyrogènes Antiagrégant
Bronchoconstricteur Vasodilatateur
plaquettaire
exogènes (bactéries, virus, etc) entraînent la Utéroconstricteur Hyperalgiant
Vasodilatateur
libération de pyrogènes endogènes qui sont
essentiellement des cytokines (interleukine 1, TNFα). 1 Sites d’action de l’aspirine et des autres AINS dans la synthèse des prostaglandines
Il existe un centre hypothalamique de la
régulation thermique (au niveau de l’hypothalamus Le mécanisme d’action antipyrétique des AINS, Les AINS inhibent à la fois COX1 et COX2. La
antérieur). Ces pyrogènes agissent au niveau de ce est lié à l’inhibition de la synthèse des prostaglan- puissance de leur action anti-inflammatoire est liée à
centre hypothalamique, en augmentant la synthèse dines au niveau du centre hypothalamique de la leur puissance d’inhibition de l’enzyme COX2. Les
locale des prostaglandines (notamment la PGE2), en régulation thermique [7]. effets indésirables sont liés à l’inhibition de la
particulier. On parle alors de thermostat Les prostaglandines sont synthétisées à partir COX1 [7].
hypothalamique réglé à une température plus des phospholipides membranaires, puis de l’acide Ainsi, le mécanisme d’action des AINS est
élevée. Les antipyrétiques, qui visent à abaisser le arachidonique. Leurs effets biologiques sont l’inhibition des cyclo-oxygénases. Il existe des
« réglage » du thermostat hypothalamique, ont une multiples et s’exercent à plusieurs niveaux : muscle variations dans le type et l’intensité de cette
place de choix dans le traitement de la fièvre. lisse, plaquettes, endothélium vasculaire, inhibition selon les AINS. L’aspirine est un inhibiteur
inflammation et régulation de la température. irréversible de COX1. Au niveau plaquettaire, cette
Parmi elles, la PGE2 joue un rôle majeur dans la inhibition irréversible dans une cellule anuclée qui


Mécanisme d’action
des antipyrétiques
fièvre.
La synthèse des prostaglandines est initiée à partir
ne peut pas resynthétiser l’enzyme, explique que
l’action de l’aspirine dure autant que la vie
plaquettaire (8 jours). L’ibuprofène inhibe à la fois
© Elsevier, Paris

de l’acide arachidonique grâce à deux enzymes


cyclo-oxygénases (fig 1), COX1 et COX2. COX1 est COX1 et COX2 de façon réversible.
Le paracétamol est un médicament antipyrétique une enzyme qui s’exprime dans la plupart des tissus. Le paracétamol, lui, est un inhibiteur faible de la
et antalgique, alors que l’ibuprofène et l’aspirine sont COX2 n’existe pas à l’état basal et est induite par les cyclo-oxygénase des tissus périphériques, mais
des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). phénomènes inflammatoires. inhiberait de façon puissante la cyclo-oxygénase au

1
8-1020 - Antipyrétiques

niveau du système nerveux central, ce qui


expliquerait son effet antipyrétique. Tableau II. – Principaux paramètres pharmacocinétiques de l’aspirine.

Absorption 70 % dont la vitesse dépend de :


— la forme galénique %%


Pharmacocinétique
Tmax (*)
— le pH gastrique
— le volume alimentaire
1h - 1h 30 (30 min pour les formes solubles)

La connaissance des paramètres pharmacociné- Liaisons protéiques 80-90 %


tiques des trois molécules utilisées dans le traitement Métabolisme hépatique — prédominant
de la fièvre, permet de comprendre les modalités de — saturable à dose élevée
prescription, en particulier : les rythmes
Élimination rénale faible :
d’administration (fonction de leur demi-vie), le risque — forme inchangée < 20 %
d’interactions médicamenteuses (liaison aux — métabolites inactifs %%
protéines plasmatiques et métabolisme) et certains augmente quand le pH augmente
éléments de toxicité (métabolisme hépatique Demi-vie dose dépendante, 2-4 h
saturable par exemple).
Les paramètres pharmacocinétiques des trois (*) Tmax = temps correspondant à la concentration maximale
molécules sont résumées dans le tableau I.

2 heures [5]. Le métabolisme est hépatique et les Ces principaux paramètres pharmacocinétiques
‚ Paracétamol
métabolites inactifs sont éliminés par voie urinaire. sont résumés dans le tableau II.
L’absorption digestive est presque complète. Sa Les paramètres les plus importants à connaître
vitesse dépend de la forme galénique : celle-ci est ‚ Aspirine pour les cliniciens sont : l’absorption plus rapide des
beaucoup plus rapide lors de l’administration de L’aspirine est bien absorbée au niveau digestif. formes solubles, le temps de demi-vie de l’ordre de
soluté (pic obtenu en 30 minutes alors que celui-ci Son absorption varie surtout en fonction de sa forme 4 heures, le caractère saturable du métabolisme
est atteint en 1 à 2 heures avec la forme comprimé). galénique. Les formes solubles et effervescentes sont hépatique qui explique la toxicité à doses élevées et
L’absorption de la forme rectale est plus lente. absorbées beaucoup plus rapidement que les le caractère dose dépendant de la demi-vie.
La liaison aux protéines plasmatiques est faible comprimés, et les pics sériques sont donc obtenus
(de l’ordre de 20 %), ce qui limite les interactions


plus précocement (au bout de 30 min versus 1 h à
médicamenteuses par compétition au niveau de 1h30 avec la forme comprimé) [1]. L’absorption
l’albumine.
Efficacité clinique et posologie
dépend également de facteurs gastriques tels le
Le métabolisme est hépatique par conjugaison volume alimentaire et le pH gastrique.
(sulfoconjugaison surtout chez le jeune enfant et Une fois absorbée, l’aspirine est hydrolysée en ‚ Paracétamol
glucuroconjugaison chez l’adulte), saturable avec les acide salicylique et se distribue au niveau de tous les
mêmes conséquences que pour l’aspirine. De l’ensemble des études récentes, il ressort
tissus (en particulier au niveau méningé et
qu’une dose de 10 à 15 mg/kg, en prise unique,
La demi-vie d’élimination est de 1heure 30 placentaire).
permet d’obtenir une diminution de 1.5 °C de la
minutes à 3 heures [6]. Sa liaison aux protéines plasmatiques est de fièvre pendant environ 6 heures. À la suite de ces
La toxicité hépatique du paracétamol est liée à l’ordre de 80 %, principalement à l’albumine. études, la posologie du paracétamol a été réévaluée
celle d’un métabolite réactif produit en faible Certains médicaments peuvent donc entrer en récemment en France, et la posologie actuellement
quantité à doses thérapeutiques. Ce métabolite se lie compétition pour cette liaison, ce qui peut recommandée est de 15 mg/kg toutes les 6 heures,
normalement au gluthation présent dans la cellule augmenter la fraction libre, active, de la molécule et soit 60 mg/kg/j. L’administration d’une dose
hépatique. Lors de surdosage, ce métabolite, produit donc son effet pharmacologique à concentration inférieure réduit l’efficacité antipyrétique et a conduit
en grande quantité, dépasse les possibilités de plasmatique totale égale. à surévaluer l’efficacité de l’aspirine par rapport au
liaison du glutathion. Il se lie alors aux protéines des Le métabolisme de l’aspirine est hépatique. Il paracétamol.
hépatocytes et entraîne des lésions de type s’agit d’une hydroxylation et d’une conjugaison. Ces Ainsi, lorsque l’aspirine et paracétamol sont
nécrotique. deux voies métaboliques sont saturables, ce qui utilisés à dose efficace, leur efficacité antipyrétique
peut se traduire par une augmentation très est comparable [10].
‚ Ibuprofène importante de la demi-vie, jusqu’à 20 ou 30 heures,
La résorption du paracétamol par voie rectale est
Les paramètres pharmacocinétiques de en cas d’intoxication. À doses antipyrétiques, la
quasi complète. En revanche, il existe une variabilité
l’ibuprofène chez l’enfant à partir de 2 ans sont demi-vie de l’acide salicylique est de 4 heures [1].
importante dans la réponse clinique avec la forme
identiques à ceux de l’adulte. L’absorption est élevée Les métabolites inactifs de l’acide salicylique sont rectale, par rapport à la forme orale, qui est donc
(80 %) de même que la liaison aux protéines éliminés dans les urines, de façon accrue lorsque les recommandée. La dose efficace est la même que par
plasmatiques (99 %). La demi-vie d’élimination est de urines sont alcalines. voie orale.
Il n’y a pas d’étude d’efficacité de l’alternance
Tableau I. – Paramètres pharmacocinétiques des trois molécules utilisées comme antipyrétiques. aspirine-paracétamol (mais des études concernant
l’association des deux molécules), qui n’est donc pas
Paracétamol Ibuprofène Aspirine justifiée. De plus, les effets indésirables potentiels de
Absorption ( %) 70-90 80 80 cette alternance sont plus nombreux que ceux de la
monothérapie.
Tmax (h) 0,5-1 0,5-1,5 0,25-0,5
Liaisons protéiques ( %) < 20 90 75-80 ‚ Ibuprofène
Métabolisme hépatique oui oui oui L’efficacité antipyrétique de l’ibuprofène est
Saturable oui non oui comparable à celle du paracétamol (utilisé à la dose
Demi-vie (h) 1,30-3 2 2-4 de 15 mg/kg/prise), lorsque l’ibuprofène est utilisé à
la dose de 10 mg/kg/prise.

2
Antipyrétiques - 8-1020

‚ Aspirine
Tableau III. – Schéma posologique des antipyrétiques.
L’aspirine possède tous les effets indésirables de
Paracétamol Ibuprofène Aspirine la classe des AINS [9].
Doses unitaires (mg/kg) 15 7-10 10 à 15
Rythme (nb prises/j) 4 3 ou 4 4à6 Troubles digestifs
Dose journalière (mg/kg) 60 20-30 60-80 Les plus fréquents sont : dyspepsie, douleurs
Présentation pédiatrique Dolipranet Advil Aspégict épigastriques, nausées et vomissements.
de soluté buvable Efferalgant Nureflext Aspirine solublet Comme tous les AINS, l’aspirine peut être
Catalginet responsable de lésions de la muqueuse
gastrique (ulcérations) et d’hémorragies, en
Les schémas posologiques sont résumés dans le saignement digestif (contre 0 dans le groupe raison de l’inhibition de la cyclo-oxygénase au
tableau III. paracétamol) soit un taux de 7,2 pour 100 000 [4]. niveau de la muqueuse gastrique. Ces lésions
L’effet antiagrégant plaquettaire est le même que peuvent survenir en dehors de toutes lésions
‚ Aspirine celui de l’aspirine mais sa durée est plus courte préexistantes digestives. L’incidence de ces effets
Les études évaluant l’efficacité antipyrétique de (autant que la présence d’ibuprofène). La dose chez l’enfant n’est pas évaluée. Chez l’adulte,
l’aspirine sont anciennes. Les résultats des études toxique se situe autour de 100 mg/kg en une prise. l’incidence est très élevée et concerne, dans
comparatives versus paracétamol vont tous dans le Des cas d’intoxications graves sont décrits. certaines études, 50 % des patients recevant de
même sens, et montrent que l’aspirine a une
efficacité comparable à celle du paracétamol utilisé à Tableau IV. – Effets indésirables des trois antipyrétiques.
doses suffisantes. Les doses efficaces d’aspirine sont
de 10 à 15 mg/kg toutes les 4-6 heures. La Paracétamol Ibuprofène Aspirine
diminution de la fièvre débute au bout de Estomac / troubles digestifs banals troubles digestifs banals
30 minutes. Le pic de défervescence de 1.5 à 2.25 °C (nausées...) (nausées...)
est atteint en 3 heures. L’effet antipyrétique persiste érosions érosions
3 à 4 heures [2]. hémorragies hémorragies
fréquence moindre qu’avec
l’aspirine


Allergie / fréquence très inférieure à celle asthme, urticaire, choc
Tolérance de l’aspirine
Fréquence très rare croisée avec celle de 23 % (si urticaire chronique)
l’aspirine%% 4 % (asthmatique)
0,3 % (population générale)
L’appréciation de la tolérance des trois molécules
est fondamentale pour poser les indications de Foie seulement en cas rare rare
de surdosage
traitement. Les données figurent dans les tableaux
IV et V. Rein / oui dose dépendante oui dose dépendante
Hématologique / # risque hémorragique # risque hémorragique
‚ Paracétamol # TS # TS
À dose thérapeutique, le paracétamol a très peu mais durée d’action sur
d’effets indésirables. Quelques rares réactions plaquettes moins longue
d’hypersensibilité sont rapportées. L’hépatotoxicité Dose toxique 100 mg/kg 100 mg/kg 100 mg/kg
ne survient qu’en cas de surdosage pour des doses (en une prise)
supérieures à 125 mg/kg en une prise. La gravité de Autres / / rôle dans le syndrome de Reye
l’atteinte hépatique est dose dépendante. Elle peut aux États-Unis
être appréciée à partir de la concentration
TS : temps de saignement
plasmatique maximale après l’ingestion, en fonction
de la dose toxique ingérée et de la concentration
plasmatique de paracétamol [8].
Tableau V. – Étiologies du syndrome de Reye.
Le paracétamol n’a pas d’effet indésirable
gastro-intestinal comme les AINS. Il ne modifie pas la Post-viral Toxique Enzymopathique
fonction plaquettaire.
Grippe A, B salicylés acidémies organiques :
Para-influenzae valproate isovalérique, méthyl-malonique,
‚ Ibuprofène propionique, glutarique I et II,
Varicelle tétracyclines
Les effets indésirables de l’ibuprofène sont moins Herpès paracétamol MCAD, LCAD, déficit systémique
Écho en carnitine
fréquents que ceux de l’aspirine (en particulier la
tolérance digestive paraît meilleure). L’incidence des Coxsackie aflatoxines anomalies cycle de l’urée : déficit
effets indésirables chez l’enfant est mal connue, mais EBV hypoglycine en OCT, CPS, citrullinémie
les données de pharmacovigilance américaines où Poliomyélite huile de margosa autres : intolérance au fructose,
leucinose
l’ibuprofène est utilisé chez l’enfant depuis de
nombreuses années, sont en faveur d’une bonne EBV : Epstein-Barr virus
tolérance du produit. LCAD : déficit en acyl-CoA-déshydrogénase des acides gras à chaînes longues
MCAD : déficit en acyl-CoA-déshydrogénase des acides gras à chaînes moyennes
Dans une large étude portant sur 83 915 enfants
CPS : carbamyl phosphate synthétase
recevant de l’ibuprofène à la dose unitaire de 5 ou OCT : ornithine carbamyl transférase
10 mg/kg ou du paracétamol (12 mg/kg), quatre
enfants dans le groupe ibuprofène ont présenté un D’après Hartemann E. Le syndrome de Reye. Rev Prat 1990 ; 40 : 807-811

3
8-1020 - Antipyrétiques

Salicylémie Tableau VI. – Contre-indications des différents antipyrétiques.


mg/dL
Contre- Paracétamol Ibuprofène Aspirine
Sé indications

100 Mo re
dé varicelle
Lég rée
50 èr
Asy e ulcère évolutif ulcère évolutif
mp
tom
20 atiqu maladie plaquettaire maladie plaquettaire
e
manifestation allergique allergie antérieure à allergie antérieure à
10 antérieure au paracétamol l’ibuprofène l’aspirine
0 6 12 24 36 48 60 allergie à l’aspirine
temps (h)
2 Monogramme de Done. Estimation de la gravité traitement par traitement par
anticoagulants anticoagulants
de l’intoxication salicylée à partir des taux
de salicylémie. dans les 24 heures dans les 10 jours précédant
précédant une intervention une intervention
chirurgicale majeure chirurgicale majeure
l’aspirine en cure courte. La forme soluble et
insuffısance rénale sévère insuffısance rénale sévère insuffısance rénale sévère
effervescente de l’aspirine est mieux tolérée sur
le plan digestif. insuffısance hépatocellulaire Lupus érythémateux
Les manifestations allergiques, dites grave disséminé
d’hypersensibilité à l’aspirine sont très rares dans la Précautions asthme asthme
population générale, mais élevées chez les
asthmatiques (4 %) et chez les patients présentant
un urticaire chronique (20 %) [9] . Toutes les
manifestations sont possibles : crise d’asthme, choc Ainsi, il existe des contre-indications formelles à
diarrhées, diminution des apports hydriques),
anaphylactique, manifestations cutanées (urticaire, l’utilisation de l’aspirine comme antipyrétique.
peuvent diminuer cette « marge de sécurité ».
purpura, érythème noueux, Lyell). Par ailleurs, des précautions d’utilisation de
l’aspirine sont nécessaires dans les situations où le
Syndrome de Reye
Effets indésirables hématologiques risque d’effets indésirables peut excéder le bénéfice
Il s’agit d’une encéphalopathie aiguë non du traitement. Il s’agit des situations cliniques
L’effet antiagrégant plaquettaire de l’aspirine se
inflammatoire, associée à une atteinte hépatique associant vomissements importants, déshydratation,
traduit par un allongement du temps de saignement.
dont l’étiologie est multifactorielle (tableau VI) acidose respiratoire ou métabolique, insuffisance
Par ailleurs, l’aspirine peut augmenter le risque
survenant chez le grand enfant, dont la morbidité et rénale et chez les asthmatiques.
hémorragique, lorsqu’il existe une pathologie
hématologique chronique : hémophilie, la mortalité sont très élevées. Dans les années 1980, Les effets indésirables potentiellement graves, en
thrombopathie constitutionnelle (thrombopathie de le rôle de l’aspirine chez des enfants atteints de particulier les manifestations allergiques chez
Glanzmann, par exemple), insuffisance hépatocellu- syndrome de Reye, aux États-unis, a été démontré [3]. l’asthmatique et les manifestations digestives, ainsi
laire sévère, traitement anticoagulant. Les recommandations américaines de ne pas utiliser que le rôle potentiel dans le syndrome de Reye sont
l’aspirine lorsque l’infection est d’allure grippale, et les facteurs limitant la prescription.
en cas de varicelle, ont entraîné une diminution
Effets indésirables rénaux
Comme tous les AINS, l’aspirine peut entraîner
une diminution du flux sanguin rénal et de la
filtration glomérulaire, à posologie élevée,
importante du nombre de cas (de 500 par an dans
les années 1978-1984 à 20 en 1988). En France, ce
syndrome a une incidence peu élevée, et le rôle de
l’aspirine n’est pas démontré. Les recommandations

Conclusion

Trois molécules ont une autorisation de mise sur


responsable d’insuffisance rénale fonctionnelle. de la Commission nationale de pharmacovigilance, le marché pour le traitement de la fièvre en pédiatrie.
Cette toxicité rénale est dose dépendante. en 1986, se sont limitées à contre-indiquer l’aspirine Il s’agit du paracétamol, de l’ibuprofène et de
lorsque la fièvre est liée à la varicelle. l’aspirine. Ces trois molécules, utilisées aux doses
Intoxication aiguë à l’aspirine
recommandées, ont une efficacité comparable.
L’incidence des cas graves a diminué ces Le paracétamol est le médicament de choix en
dernières années, en raison de l’existence de formes Contre-indications formelles de raison de sa bonne tolérance et de son efficacité
galéniques adaptées à l’enfant. Elle associe des l’aspirine : lorsqu’il est utilisé à la dose de 60 mg/kg/j en quatre
signes digestifs et des signes neurologiques à une ✔ la fièvre associée à une varicelle ; prises.
acidose métabolique. ✔ l’antécédent d’ulcère gastrique ou L’utilisation de l’association ou de l’alternance du
La dose toxique d’aspirine est supérieure à duodénal ; paracétamol et de l’aspirine n’est pas justifiée de
100 mg/kg en une prise. Comme pour le ✔ l’existence d’une maladie première intention.
paracétamol, la mesure des taux de salicylémie, faite constitutionnelle plaquettaire ; L’ibuprofène, dont le mécanisme d’action est le
jusqu’à 6 heures après l’ingestion, permet d’estimer ✔ l’association aux anticoagulants même que celui de l’aspirine, semble avoir une
la gravité de l’intoxication et de guider les indications oraux ; meilleure tolérance digestive et des effets
thérapeutiques (fig 2). ✔ la notion de manifestations indésirables moins fréquents, et peut être utilisé
En dehors de ces intoxications aiguës antérieures allergiques à l’aspirine ; comme alternative à l’aspirine.
accidentelles, il existe un risque de toxicité lorsque ✔ l’administration dans les 10 jours L’aspirine, en respectant les contre-indications et
des doses un peu plus importantes et plus précédant une intervention les précautions d’utilisation, peut aussi être indiquée,
rapprochées que les doses habituelles sont utilisées. chirurgicale majeure. lorsqu’un effet anti-inflammatoire est recherché
Certains facteurs de risque, (vomissements, (fièvre de la polyarthrite rhumatoïde, par exemple).

4
Antipyrétiques - 8-1020

Marianne Guillonneau : Pédiatre.


Evelyne Jacqz-Aigrain : Praticien hospitalier, professeur des Universités.
Unité de pharmacologie, clinique pédiatrique, hôpital Robert Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : M Guillonneau et E Jacqz-Aigrain. Antipyrétiques.
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Encyclopédie Pratique de Médecine, 8-1020, 1998, 5 p

Références

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(Suppl 4) : 8-26 Pediatrics 1978 ; 62 : 877-879

[2] Done AK, Yaffe SJ, Clayton JM. Aspirin dosage for infants and children. [7] Rang HP, Dale MM, Ritter JM. Anti-inflammatory and immunosuppressant
J Pediatr 1979 ; 95 : 617-625 drugs. In : Rang HP, Dale MM, Ritter JM eds. Pharmacology (3rd ed), Churchill
Livingstone. 1995 : 246-255
[3] Forsyth BW, Horwitz RI, Acampora D, Shapiro ED, Viscoli CM, Feinstein
AR et al. New epidemiologic evidence confirming that bias does not explain the [8] Rumack BH, Matthew H. Acetominophen poisoning and toxicity. Pediatrics
aspirin/Reye’s syndrome association. JAMA 1989 ; 261 : 2517-2524 1975 ; 55 : 871-876

[4] Lesko SM, Mitchell AA. An assessment of the safety of pediatric ibuprofen. A [9] Settipane GA. Adverse reactions to aspirin and related drugs. Arch Intern Med
practitioner-based randomized clinical trial. JAMA 1995 ; 273 : 929-933 1981 ; 141 : 328-332

[5] Nahata MC, Durrell DE, Powell DA, Gupta N et al. Pharmacokinetics of [10] Yaffe SJ. Comparative efficacy of aspirin and acetaminophen in the reduc-
ibuprofen in febrile children. Eur J Clin Pharmacol 1991 ; 40 : 427-428 tion of fever in children. Arch Intern Med 1981 ; 141 : 286-292

5
¶ 8-1026

Prise en charge de la douleur


chez l’enfant de 1 mois à 15 ans
E. Gatbois, D. Annequin

La prise en charge de la douleur de l’enfant implique l’ensemble des acteurs du soin ; elle nécessite
initialement et obligatoirement d’admettre sa réalité. Cette obligation éthique est intégrée dans un cadre
législatif. La perception de la douleur est fonctionnelle à partir de la 24e semaine de la vie fœtale.
L’évaluation avec un outil validé permet l’adaptation du traitement. À partir de 4 à 6 ans, l’enfant est
capable d’autoévaluer l’intensité de la douleur ; en dessous de cet âge, les grilles d’observation
comportementale doivent être utilisées. La prise en charge de la douleur inclut une prise en charge
médicamenteuse et non médicamenteuse, comme l’information, la préparation aux soins, la distraction,
la relaxation ou l’hypnose. Le traitement antalgique doit être proposé de manière simultanée au
traitement étiologique de toute pathologie douloureuse. Le but premier est d’obtenir un soulagement
rapide, ce qui détermine le choix de la molécule ainsi que sa voie d’administration. La standardisation et
l’homogénéisation des pratiques antalgiques représentent la clef de voûte d’une bonne prise en charge de
la douleur.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Douleur ; Enfant ; Évaluation de la douleur ; Paracétamol ; Anti-inflammatoire non stéroïdien ;
Codéine ; Nalbuphine ; Morphine ; Lidocaïne ; Prilocaïne ; Protoxyde d’azote ;
Méthode non pharmacologique ; Migraine

Plan ¶ Migraine de l’enfant 11


¶ Conclusion 12
¶ Introduction 1
¶ Évaluation de la douleur chez l’enfant 2
Pourquoi évaluer la douleur ? 2
Autoévaluation 2 ■ Introduction
Hétéroévaluation 3
¶ Prescription antalgique en pédiatrie 5 La douleur au quotidien est un signal « clignotant » pour
Quand traiter une douleur ? 5 l’enfant. Elle lui permet d’apprendre et d’intégrer les repères, les
Objectifs du traitement antalgique d’après les recommandations limites de son corps et de son environnement, et ainsi de
de l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé structurer son schéma corporel.
(ANAES) devenue HAS (Haute Autorité de Santé) 5 Il en est tout autrement de la douleur due à une maladie et
Classification et propriétés des antalgiques 5 de toute douleur provoquée.
Placebo 10 Selon l’IASP (International Association for the Study of Pain),
la douleur est « une expérience désagréable émotionnelle et
¶ Anesthésiques locaux 10
sensorielle associée à un dommage tissulaire présent ou poten-
Crème ou patch anesthésiant (Emla®, Anesderm) 10
tiel, ou décrite par le patient en de tels termes ». Cette défini-
Lidocaïne (Xylocaïne®) 10
tion décrite en 1988 implique un développement cognitif
¶ Mélange équimolaire oxygène-protoxyde d’azote : MEOPA suffisant pour repérer et identifier cette expérience mais aussi
(Kalinox®, Medimix®) 10 pour la communiquer. Anand et Craig élargissent la défini-
Indications 10 tion aux populations n’ayant pas accès au langage : la douleur
Effets secondaires 10 est une qualité inhérente à la vie qui apparaît tôt dans l’onto-
Contre-indications 10 génie pour servir de signal d’alarme lors d’une lésion
Interactions médicamenteuses 10 tissulaire [1].
Modalités pratiques 10 La douleur nociceptive secondaire à une stimulation doulou-
Modalités d’administration (texte de l’AMM) 11 reuse au niveau des récepteurs périphériques se distingue de la
¶ Moyens non médicamenteux de prise en charge de la douleur 11 douleur neuropathique liée à une lésion du système nerveux.
Présence des parents auprès de leur enfant 11 Leur traitement est différent.
Informations données à l’enfant 11 Les circuits des influx nerveux nociceptifs sont fonctionnels
Autres méthodes 11 entre 24 et 30 semaines de vie fœtale. L’immaturité des filtres
Neurostimulation transcutanée 11 inhibiteurs médullaires centraux augmente la vulnérabilité face
Solutions sucrées 11 à la douleur chez le fœtus et le nouveau-né. L’absence de
Organisation des soins 11 langage et de compréhension (peur, anxiété, absence de sens ou

Traité de Médecine Akos 1


8-1026 ¶ Prise en charge de la douleur chez l’enfant de 1 mois à 15 ans

de notion de temps) renforce et amplifie la perception doulou-


reuse. Des événements nociceptifs (isolés ou répétés) peuvent
entraîner des réactions de stress considérables, laisser des traces
« mnésiques » chez le nouveau-né et le prématuré, avec condui-
tes d’anticipation majorant probablement la perception doulou-
reuse [2, 3]. Le processus de la douleur peut s’autoamplifier. Un
stimulus douloureux considéré comme minime peut provoquer
une douleur significative dès la 23e semaine d’âge gestation-
nel [4]. La douleur doit être prise en charge dès la naissance de
l’enfant, quel que soit son âge gestationnel.
La prise en charge de la douleur implique l’ensemble des
soignants. C’est une obligation légale. Le soulagement est
essentiel pour l’enfant et entraîne des bénéfices pour l’équipe
(amélioration de la qualité et du temps des soins, meilleure
relation avec l’enfant et gratifications pour les soignants).
Le contexte, l’environnement, les expériences antérieures, le
sens (ou le non-sens) ont un rôle déterminant pour expliquer la
différence de perception de la douleur pour un stimulus donné
chez deux enfants, ou chez le même enfant à des temps
différents.
La douleur modifie l’humeur ; l’enfant qui souffre peut être
opposant, refusant tout contact, et ce de manière transitoire et
réversible après le soulagement de la douleur.
L’infirmière, souvent au premier plan, joue un rôle majeur Figure 1. Échelle visuelle analogique (d’après le site Pédiadol).
dans la prise en charge de la douleur de l’enfant. Elle intervient
dans l’évaluation de la douleur, dans la mise en place et le suivi
de protocoles antalgiques, dans l’ajustement des posologies
Échelle visuelle analogique [5] ou EVA (Fig. 1)
antalgiques, dans l’application des moyens non médicamenteux C’est l’outil de référence chez l’enfant autour de 6 ans. Elle
et dans la sensibilisation des équipes. permet de mesurer l’intensité de la douleur sur une réglette
échelonnée de 0 à 100 : « pas de douleur » ou « pas mal du
tout » à l’extrémité basse, et « douleur très forte » ou « très très
■ Évaluation de la douleur mal » à l’extrémité haute.
Entre 4 et 6 ans, l’utilisation de deux échelles différentes
chez l’enfant permet d’obtenir un résultat plus fiable.

Échelle des visages [8, 9] Faces Pain Scale-Revised


Pourquoi évaluer la douleur ? (FPS-R) (Fig. 2)
La douleur est une perception subjective. Le traitement de la À partir de 4-6 ans, une série de six visages est proposée à
douleur nécessite son évaluation. Ce temps préliminaire est l’enfant. La consigne est : « ces visages montrent combien on
indispensable et obligatoire. L’évaluation permet une mesure peut avoir mal. Ce visage (celui de gauche) montre quelqu’un
chiffrée et reproductible, base de l’adaptation du traitement qui n’a pas mal du tout. Ces visages (les montrer un à un de
antalgique. Il n’existe pas de marqueur biologique ou physiolo- gauche à droite), montrent quelqu’un qui a de plus en plus mal,
gique spécifique de la douleur ; l’évaluation est possible grâce à jusqu’à celui-ci (celui de droite) qui montre quelqu’un qui a très
des échelles validées sensibles, reproductibles et spécifiques. Lors très mal. Montre-moi le visage qui montre combien tu as mal
du suivi, l’évaluation doit préférentiellement être effectuée avec en ce moment à l’intérieur de toi ».
le même outil. L’enfant en âge de s’exprimer verbalement est le
mieux placé pour parler de sa douleur (autoévaluation). Échelle verbale simple
Pour l’enfant qui n’a pas ou plus accès au langage (nourris- À partir de 4 ans, on peut aider l’enfant à qualifier la quantité
son, enfant intubé, enfant polyhandicapé, enfant non franco- de douleur. L’évaluateur, en s’aidant de ses mains, montre trois
phone, etc.), l’évaluation de la douleur par l’observation des niveaux de douleur croissants : un peu, beaucoup, très fort. Cet
comportements est faite par une tierce personne outil permet d’adapter le vocabulaire employé au développe-
(hétéroévaluation). ment cognitif de l’enfant. Il nécessite qu’une même équipe
utilise les mêmes mots.
Autoévaluation Échelle numérique simple
Quand elle est possible (à partir de 4 à 6 ans), elle est la À partir de 6 ans, l’enfant note entre 0 et 10 le niveau de sa
référence. L’échelle choisie doit être validée. Elle doit être douleur. Il est nécessaire de définir la signification des extrémi-
familière pour l’équipe et comprise par l’enfant. Il en existe tés basse et haute (0 : pas mal, 10 : douleur la plus forte
plusieurs, toutes bien corrélées entre elles [5-9]. Les échelles les possible). Elle convient bien aux adolescents. Elle permet
plus utilisées sont les suivantes. d’évaluer la douleur sans réglette.

Figure 2. Échelle des visages.

0 2 4 6 8 10

2 Traité de Médecine Akos


Prise en charge de la douleur chez l’enfant de 1 mois à 15 ans ¶ 8-1026

Figure 3. Localisation de la douleur à partir


Dessin du bonhomme
du dessin (d’après le site Pédiadol).
Âge d'utilisation

• À partir de 4 ans.

Permet d'identifier
• Les localisations de la douleur, le nombre
de localisations, l'intensité de la douleur.

Description
• L'enfant colorie les zones qui lui font mal.

• Si possible, l'enfant choisit d'abord une


couleur différente pour 4 niveaux de couleur
(un peu, moyen, beaucoup, très fort).

Spécificités
• Rester auprès de l'enfant quand il dessine.
Les plus petits peuvent commencer par
colorier là ou ils ont mal, puis risquent de
ça fait mal : Choisir la couleur correspondant
tout colorier par jeu.
à l'intensité de la douleur puis
colorier la zone du corps concernée
• Ce dessin permet parfois de révéler des
localisations douloureuses qui étaient
Un peu Moyen Beaucoup Très mal passées inaperçues.

Localisation de la douleur sur un schéma [10] (Fig. 3) items de chacune des trois parties est reportée sur un graphique
qui permet de visualiser l’évolution de la douleur au cours du
À partir de 4 ans, l’enfant peut préciser les localisations de la
temps et des traitements.
douleur sur un schéma représentant le corps humain. Plus âgé,
il peut également en donner l’intensité : il choisit une couleur Une version simplifiée de cette grille vient d’être validée :
différente pour quatre niveaux de douleur (un peu, moyen, score d’HEDEN [12] (Tableau 2).
beaucoup, très fort), puis il colorie les zones qui lui font mal
avec la couleur correspondant à l’intensité. Il faut tenir compte ÉDIN [13, 14] (Tableau 3)
des confusions droite-gauche. Il est préférable de rester auprès C’est une échelle qui permet l’évaluation de la douleur
de l’enfant quand il dessine car les plus petits peuvent com- prolongée chez le nouveau-né à terme ou prématuré jusqu’à
mencer par colorier là où ils ont mal, mais ensuite tout colorier l’âge de 3 mois. Simple et rapide, elle comporte les items
par jeu. Cet outil permet d’affiner certains diagnostics en faisant
suivants : visage, corps, sommeil, relation, réconfort. Le score
apparaître des localisations non retrouvées à l’examen clinique
maximum et de 15, la douleur doit être traitée au-delà de 5.
ou à l’interrogatoire.
Evendol (Tableau 4)
Hétéroévaluation Cette nouvelle échelle française a été testée et validée pour
Elle se réfère à l’observation de l’enfant et de la douleur qu’il mesurer rapidement la douleur du jeune enfant de moins de
exprime par son corps et son comportement. Les échelles 7 ans aux urgences. C’est un outil simple, sensible et fiable. La
d’hétéroévaluation sont utilisées lorsque l’autoévaluation est démarche comprend deux étapes : l’observation « à distance »
impossible. puis lors de l’examen de la zone présumée douloureuse. Un
Les échelles intègrent les pleurs (cris ou plaintes), les signes score > 4 à l’une de ces deux évaluations nécessite un antalgi-
corporels (raideurs, attitudes antalgiques), les comportements que avant de poursuivre les soins.
(consolabilité, intérêt pour le jeu).
L’évaluation par les parents est précieuse car ils détiennent
des informations essentielles sur les comportements naturels de
Children’s Hospital of Eastern Ontario Pain Scale
l’enfant en dehors de la situation douloureuse (sommeil, CHEOPS [15]
appétit, activités ludiques). Cette échelle permet une hétéroévaluation en postopératoire
[11] et lors des soins douloureux chez l’enfant de 1 à 7 ans.
Grille Douleur Enfant Gustave Roussy DEGR
(Tableau 1) Objective Pain Scale OPS [16] (Tableau 5)
C’est une grille d’observation comportementale validée qui Cette grille est une version simplifiée de l’échelle CHEOPS.
évalue la douleur prolongée chez l’enfant de 2 à 6 ans (utilisable Elle permet l’évaluation de la douleur en postopératoire. Elle a
dès 9 mois et jusqu’à 10 ans).
été élaborée pour l’enfant de 8 mois à 13 ans. Elle est utilisable
Les items sont regroupés en trois parties :
dès l’âge de 2 mois. Les items suivants sont notés : pression
• signes directs de la douleur ;
artérielle, pleurs, mouvements, comportement, expression
• expression volontaire de la douleur ;
verbale et corporelle. Le score maximum est de 10. Une prise en
• atonie psychomotrice : c’est un tableau souvent trompeur car
il va à l’encontre des repères intuitifs utilisés habituellement charge antalgique est nécessaire à partir de 3. La majorité des
pour identifier la douleur (cris, pleurs, agitation, etc.). équipes utilisent cette grille sans l’item « pression artérielle » : il
Les enfants les plus douloureux apparaissent immobiles, est moins spécifique de la douleur après la première heure
tristes, ne communiquent plus et ne réagissent plus aux postopératoire.
stimulations extérieures. Ces tableaux peuvent être facilement Il existe d’autres échelles en fonction de l’âge de l’enfant et
confondus avec une dépression. du caractère aigu ou chronique de la douleur (Tableau 6).
Le score total est compris entre 0 et 40 ; un résultat supérieur L’ensemble des échelles d’évaluation de la douleur est détaillé
à 10 nécessite une thérapeutique antalgique. La somme des sur le site www.pediadol.org.

Traité de Médecine Akos 3


Tableau 1.
4

8-1026 ¶ Prise en charge de la douleur chez l’enfant de 1 mois à 15 ans


Échelle Douleur Gustave Roussy.
Item Cotation 0 Cotation 1 Cotation 2 Cotation 3 Cotation 4
1. Position antalgique au Absence de position antalgi- L’enfant semble éviter certai- L’enfant évite certaines posi- L’enfant choisit une position antalgique évidente, qui lui L’enfant recherche sans suc-
repos que : l’enfant peut se mettre nes positions tions mais n’en paraît pas apporte un certain soulagement cès une position antalgique
n’importe comment gêné et n’arrive pas à être bien ins-
tallé
2. Manque d’expressivité L’enfant est vif, dynamique, L’enfant paraît un peu terne, Au moins un des signes sui- Plusieurs des signes ci-dessus sont nets Visage figé, comme agrandi.
avec un visage animé éteint vants : traits du visage peu Regard vide. Parle avec effort
expressifs, regard morne,
voix marmonnée et mono-
tone, débit verbal lent
3. Protection spontanée des L’enfant ne montre aucun L’enfant évite les heurts vio- L’enfant protège son corps, L’enfant se préoccupe visiblement de limiter tout attouche- Toute l’attention de l’enfant
zones douloureuses souci de se protéger lents en évitant et en écartant ce ment d’une région de son corps est requise pour protéger la
qui pourrait le toucher zone atteinte
4. Plaintes somatiques Pas de plainte : l’enfant n’a Plaintes « neutres » : Au moins un des signes sui- En plus de la cotation 2, l’enfant : C’est au milieu de gémisse-
pas dit qu’il a mal - sans expression affective vants : - a attiré l’attention pour dire qu’il a mal ; ments, sanglots ou supplica-
(dit en passant « j’ai mal ») ; - a suscité la question tions que l’enfant dit qu’il a
- a demandé un médicament
« Qu’est-ce que tu as, tu as mal
- et sans effort pour le dire
(ne se dérange pas exprès) mal ? » ;
- voix geignarde pour dire
qu’il a mal ;
- mimique expressive accom-
pagnant la plainte
5. Attitude antalgique dans L’enfant ne présente aucune L’enfant montre une gêne, L’enfant prend des précau- L’enfant évite nettement de faire certains gestes, il se mobi- L’enfant doit être aidé, pour
le mouvement gêne à bouger tout son corps. un manque de naturel dans tions pour certains gestes lise avec prudence et attention lui éviter des mouvements
Ses mouvements sont souples certains de ses mouvements trop pénibles
et aisés
6. Désintérêt pour le L’enfant est plein d’énergie, L’enfant s’intéresse à son en- L’enfant s’ennuie facilement mais peut être stimulé L’enfant se traîne, incapable L’enfant est apathique et in-
monde extérieur s’intéresse à son environne- vironnement mais sans en- de jouer, il regarde passive- différent à tout
ment, peut fixer son atten- thousiasme ment
tion et est capable de se dis-
traire
7.Contrôle exercé par l’en- L’enfant se laisse mobiliser L’enfant a un regard attentif En plus de la cotation 1, l’enfant montre qu’il faut faire at- En plus de la cotation 2, l’en- L’enfant s’oppose à toute
fant quand on le mobilise sans y accorder d’attention quand on le mobilise tention en le remuant fant retient de la main ou initiative du soignant ou ob-
(mobilisation passive) particulière guide les gestes du soignant tient qu’aucun geste ne soit
fait sans son accord
8. Localisation de zones Pas de localisation : à aucun L’enfant signale, uniquement En plus de la cotation 1, l’enfant montre avec un geste va- L’enfant désigne avec la main En plus de la cotation 3, l’en-
douloureuses par l’enfant moment, l’enfant ne désigne verbalement, une sensation gue cette région une région douloureuse pré- fant décrit, d’une manière
une partie de son corps pénible dans une région va- cise assurée et précise, le siège de
comme gênante gue sans autre précision sa douleur
9. Réactions à l’examen des Aucune réaction déclenchée L’enfant manifeste, juste au Lors de l’examen, on note au moins un de ces signes : rai- En plus de la cotation 2, l’en- L’examen de la région dou-
zones douloureuses par l’examen moment où on l’examine, deur de la zone examinée, crispation du visage, pleurs brus- fant change de couleur, trans- loureuse est quasiment im-
une certaine réticence ques, blocage respiratoire pire, geint ou cherche à arrê- possible en raison des réac-
ter l’examen tions de l’enfant
10. Lenteur et rareté des Les mouvements de l’enfant L’enfant est un peu lent, et Un des signes suivants : Plusieurs des signes ci-dessus L’enfant est comme figé,
mouvements sont larges, vifs, rapides, va- bouge sans entrain - latence du geste ; sont nets alors que rien ne l’empêche
Traité de Médecine Akos

riés, et lui apportent un cer- de bouger


- mouvements restreints ;
tain plaisir
- gestes lents ;
- initiatives motrices rares
Score est calculé sur 40. Sous-scores : signes directs de douleur : 1 + 3 + 5 + 7 + 9 ; expression volontaire de douleur : 4 + 8 ; atonie psychomotrice : 2 + 6 + 10.
Prise en charge de la douleur chez l’enfant de 1 mois à 15 ans ¶ 8-1026

Tableau 2.
Grille d’hétéroévaluation de l’enfant : score d’HEDEN.
Signes de douleur 0 1 2
Plaintes somatiques Aucune Se plaint d’avoir mal Plaintes avec geignements, cris ou
(EVD) sanglots ou supplication
Intérêt pour le monde extérieur L’enfant s’intéresse à son environne- Perte d’enthousiasme, intérêt pour Inhibition totale, apathie, indifférent
(APM) ment une activité en y étant poussé et se désintéresse de tout
Position antalgique L’enfant peut se mettre n’importe L’enfant choisit à l’évidence une posi- Recherche sans succès une position
(SDD) comment, aucune position ne lui est tion antalgique antalgique, n’est jamais bien installé
désagréable
Lenteur et rareté des mouvements Mouvements larges, vifs, rapides, va- Latence du geste, mouvements res- Enfant comme figé, immobile dans
(APM) riés treints, gestes lents et initiatives motri- son lit, alors que rien ne l’empêche de
ces rares bouger
Contrôle exercé par l’enfant Examen et mobilisation sans problème Demande « de faire attention », pro- Accès impossible à la zone doulou-
quand on le mobilise tège la zone douloureuse, retient ou reuse ou opposition à toute initiative
(SDD) guide la main du soignant du soignant pour la mobilisation
Total
EVD : expression volontaire de la douleur ; SDD : signes directs de la douleur ; APM : atonie psychomotrice.

Tableau 3. • entre 10 et 30, douleur d’intensité légère : médicament


Échelle ÉDIN. antalgique de niveau 1 ;
Item Propositions Résultat
• entre 30 et 50, douleur d’intensité modérée : médicament
antalgique de niveau 1 ou 2 ;
Visage 0 Visage détendu • entre 50 et 70, douleur intense : médicament antalgique de
1 Grimaces passagères : froncement des niveau 2 ou 3 ;
sourcils, lèvres pincées, plissement du men- • supérieure à 70, douleur très intense : médicament antalgique
ton, tremblement du menton de niveau 3.
2 Grimaces fréquentes, marquées ou pro- Plusieurs exceptions à cette règle sont à connaître : les
longées céphalées, la crise de migraine malgré des niveaux de douleur
3 Crispation permanente ou visage prostré, très élevés et les douleurs psychogènes ne reçoivent pas de
figé ou visage violacé morphiniques. Les sujets souffrant de douleurs neuropathiques
Corps 0 Détendu sont traités en première intention par des antidépresseurs ou des
1 Agitation transitoire, assez souvent calme antiépileptiques.
2 Agitation fréquente mais retour au calme
possible Objectifs du traitement antalgique d’après
3 Agitation permanente : crispation des les recommandations de l’Agence nationale
extrémités et raideur des membres ou mo-
tricité très pauvre et limitée, avec corps figé d’accréditation et d’évaluation en santé
Sommeil 0 S’endort facilement, sommeil prolongé, (ANAES) devenue HAS (Haute Autorité
calme de Santé) [17]
1 S’endort difficilement
Le traitement antalgique doit être proposé de manière
2 Se réveille spontanément en dehors des
simultanée au traitement étiologique de toute pathologie
soins et fréquemment, sommeil agité
douloureuse (Tableau 7). Son but premier est d’obtenir une
3 Pas de sommeil
analgésie rapide, ce qui détermine le choix de la molécule et sa
Relation 0 Sourire aux anges, sourire réponse, atten- voie d’administration.
tif à l’écoute L’objectif immédiat du traitement est de ramener l’intensité
1 Appréhension passagère au moment du de la douleur en dessous du seuil de 3/10 sur l’échelle EVA, ou
contact de permettre à l’enfant un retour à ses activités de base (bouger,
2 Contact difficile, cri à la moindre stimula- jouer, dormir, parler, manger). En règle générale, la prescription
tion initiale dépend du niveau de douleur.
3 Refuse le contact, aucune relation possi- Le deuxième objectif est d’adapter le traitement en fonction
ble, hurlement ou gémissement sans la du niveau de douleur résiduelle. Une réévaluation doit être
moindre stimulation effectuée après une ou deux prises d’antalgiques. Si la douleur
Réconfort 0 N’a pas besoin de réconfort est supérieure à 3/10, une intensification du traitement antalgi-
1 Se calme rapidement lors des caresses, au que doit être programmée.
son de la voix ou à la succion L’existence d’effets secondaires doit être systématiquement
2 Se calme difficilement recherchée. Les parents doivent en être informés. Quand une
3 Inconsolable, succion désespérée analgésie correcte est obtenue, il est nécessaire de prévenir la
réapparition des douleurs grâce à des prises d’antalgiques
systématiques (y compris la nuit) pour la durée prévisible de la
douleur.
■ Prescription antalgique
en pédiatrie (Fig. 4) Classification et propriétés des antalgiques
Les antalgiques sont classés en fonction des trois niveaux
thérapeutiques de la classification de l’OMS (Organisation
Quand traiter une douleur ? mondiale de la santé), selon leur mode d’action ou leur puis-
Les seuils de traitement de la douleur nociceptive sont sance antalgique :
différents d’un enfant à l’autre. En règle générale, pour les • niveau 1 : antalgiques non morphiniques (paracétamol et
autoévaluations avec des échelles cotées entre 0 et 100 : anti-inflammatoires non stéroïdiens) ;

Traité de Médecine Akos 5


8-1026 ¶ Prise en charge de la douleur chez l’enfant de 1 mois à 15 ans

Tableau 4.
EVENDOL.
Signe Signe faible Signe Signe fort Évaluation à l’arrivée Évaluations
absent ou passager moyen ou ou quasi après
environ la permanent antalgique c
Étiquette moitié du
au « re- à l’examen
temps
pos » au ou à la mo-
calme a bilisation b
Expression vo- pleure et/ou crie et/ou gémit et/ou dit 0 1 2 3
cale ou verbale qu’il a mal
a le front plissé et/ou les sourcils fron- 0 1 2 3
Mimique
cés et/ou la bouche crispée
Mouvements s’agite et/ou se raidit et/ou se crispe 0 1 2 3
a une attitude inhabituelle et/ou an- 0 1 2 3
Positions talgique et/ou se protège et/ou reste
immobile
peut être consolé et/ou s’intéresse aux nor- dimi- très dimi- absente = 3
Relation avec
jeux et/ou communique avec l’entou- male = 0 nuée = 1 nuée = 2
l’environnement
rage
Remarques Score total/15
Date et heure
Initiales de l’évaluateur
a
Observer l’enfant avant tout soin ou examen, dans les meilleurs conditions possibles de confort et de confiance, par exemple à distance, avec ses parents, quand il joue en salle
d’attente...
b
Il s’agit de l’examen clinique ou de la mobilisation ou palpation de la zone douloureuse par l’infirmière (IAO) ou le médecin.
c
Évaluer de nouveau après antalgique, au moment du pic d’action : après 30 à 45 min si oral ou rectal, après 5 à 10 min si i.v.

Tableau 5.
OPS.
Jour
Heure
Pleurs
0 Absents
1 Présents mais enfant consolable
2 Présents et enfant inconsolable
Mouvements
0 Enfant éveillé et calme ou endormi
1 Agitation modérée, ne tient pas en place, change de position sans cesse
2 Agitation désordonnée et intense, risque de se faire mal
Comportement
0 Enfant éveillé et calme ou endormi
1 Contracté, voix tremblante, mais accessible aux questions et aux tentatives de réconfort
2 Non accessible aux tentatives de réconfort, yeux écarquillés, accroché aux bras de ses parents ou d’un soignant
Expression verbale ou corporelle
0 Enfant éveillé et calme ou endormi, sans position antalgique
1 Se plaint d’une douleur faible, inconfort global, ou position jambes fléchies sur le tronc, bras croisés sur le corps
2 Douleur moyenne, localisée verbalement ou désignée de la main, ou position jambes fléchies sur le tronc, poings serrés,
et porte la main vers une zone douloureuse, ou cherche à la protéger
Variation de la pression artérielle systolique par rapport à la valeur préopératoire
0 Augmentation de moins de 10 %
1 Augmentation de 10 à 20 %
2 Augmentation de plus de 20 %
Score
global

• niveau 2 : antalgiques centraux faibles (morphiniques Niveau 1


mineurs) ;
Paracétamol

• niveau 3 : antalgiques centraux puissants (ou morphiniques C’est un analgésique d’action périphérique et centrale. Par
puissants). voie orale et parentérale, la posologie est de 15 mg/kg toutes les

6 Traité de Médecine Akos


Prise en charge de la douleur chez l’enfant de 1 mois à 15 ans ¶ 8-1026

Tableau 6. Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)


Échelles d’hétéroévaluation en fonction de l’âge et du caractère aigu ou
prolongé de la douleur.
Il existe probablement un intérêt à les associer au paracéta-
mol sans qu’aucune étude le démontre.
Échelles Âge de l’enfant Douleur aiguë Douleur L’ibuprofène par voie orale (autorisation de mise sur le
prolongée marché [AMM] à partir de 3 mois) est disponible sous forme de
ÉDIN Prématuré et Oui sirop pédiatrique (Nureflex®, Advil®). Il existe des comprimés de
nouveau-né 100, 200 et 400 mg (Nureflex®, Antarene®, Upfen®, Advil®,
DAN Nouveau-né à Oui Nurofen®, etc.). Malgré une AMM donnée à partir de 12 ans, les
1 mois comprimés de 200 mg peuvent être prescrits dès 20 kg. La
NFCS Nouveau-né à Oui posologie est de 30 mg/kg par jour, soit 10 mg/kg toutes les
18 mois 8 heures ou 7,5 mg/kg toutes les 6 heures. Sa tolérance est très
Amiel-Tison 1 mois à 3 ans Oui bonne. Son utilisation n’est pas recommandée en cas de
OPS 2 mois à 5 ans Oui varicelle ou de déshydratation.
CHEOPS 1 an à 6 ans Oui Le kétoprofène par voie intraveineuse (Profenid®) est admi-
DEGR 2 ans à 6 ans Oui nistré à une posologie de 1 mg/kg deux à trois fois par 24 heu-
res. Malgré une AMM donnée à partir de 15 ans, il peut être
utilisé, et l’est de manière courante en postopératoire, à partir
6 heures. Pour des taux plasmatiques efficaces par voie rectale,la de 10 kg. Par voie orale, Toprec® sirop (AMM à partir de 6 mois)
posologie initiale serait de 40 mg/kg, suivie de 20 mg/kg est prescrit pour la fièvre : une mesure (soit 0,5 mg) par kilo,
6 heures plus tard [18], sans dépasser 100 mg/kg par jour. La voie trois à quatre fois par jour.
orale est à privilégier à la voie rectale en raison de sa meilleure L’acide niflumique à 400 mg (Nifluril ® ) en suppositoire
biodisponibilité. (AMM à partir de 6 mois) est prescrit de 6 à 30 mois : un demi

Figure 4. Arbre décisionnel. Prise en charge


médicamenteuse de la douleur aiguë.
Douleur nociceptive

Rechercher et traiter la cause, débuter le traitement antalgique

EVA > 3 Niveau 1 (paracétamol ± AINS)


4 < EVA < 7 Niveau 2 (nalbuphine, codéine ou tramadol) + niveau 1
EVA > 7 Niveau 3 (morphine) + niveau 1

Efficacité si : Si échec, pourquoi ?


- reprise d'une activité ludique adaptée - Type de douleur?
- reprise d'une activité motrice · douleurs psychogènes ?
- reprise du sommeil et de l'appétit · douleurs neuropathiques ?
- EVA < 3/10 - Bonne voie d'administration ?
- Bonne posologie ? voie orale → voie intraveineuse

Tableau 7.
Prise en charge de la douleur dans des pathologies médicales (selon les recommandations de l’ANAES).
Pathologie < 6 mois 6 mois-1 an 1 an-6 ans > 6 ans
Otite Avis ORL Palier 1 + antalgiques locaux si Palier 1 seul puis AINS + paracé- EVA < 5/10 EVA > 5/10
tympan fermé tamol pendant 48 h, + antalgi- Palier 1 pendant 48 h + antalgi- Palier 1 + codéine
ques locaux si tympan fermé ques locaux si tympan fermé
Si échec Si échec Si échec Si échec
AINS + paracétamol Ajouter codéine Ajouter codéine Augmenter les posologies
jusqu’au maximum autorisé
Dysphagie Palier 1 seul puis en association Palier 1 seul puis en association EVA < 5/10 EVA > 5/10
(AINS + paracétamol) Palier 1 pendant 48 h Palier 1 + codéine
Si échec Si échec Si échec Si échec
Augmenter les posologies Ajouter codéine Ajouter codéine Augmenter les posologies
jusqu’au maximum autorisé jusqu’au maximum autorisé
Gingivosto- Palier 1 (mais insuffisant le plus Palier 2 systématique pendant Palier 2 systématique pendant 48 h + lidocaïne en gel sur les
matite souvent) 48 h + lidocaïne en gel sur les lésions toutes les 3 h (2 mg/kg, maximum 100 mg /dose)
lèvres seulement 2 mg/kg toutes
les 3 h (maximum
100 mg/dose)
Si échec Si échec Si échec
Morphine Morphine Morphine
Si échec : pour les enfants de plus de 6 ans capables de réaliser une EVA, l’échec est objectivé par une EVA non ramenée en dessous de 3/10 ou pas de diminution de l’EVA. Pour les
enfants de moins de six ans, l’échec est la persistance de la disparition des activités de base de l’enfant : bouger, jouer, dormir, parler, manger.

Traité de Médecine Akos 7


8-1026 ¶ Prise en charge de la douleur chez l’enfant de 1 mois à 15 ans

Tableau 8.
Propriétés des associations codéine-paracétamol.
Nom Dosage Présentation AMM Posologie (toutes les 4 à
paracétamol-codéine 6 heures)
Codoliprane® 400 mg/20 mg Comprimés sécables 6 ans 1/2 comprimé/10 kg
Efferalgan codéiné® 500 mg/30 mg Comprimés effervescents 15 kg, 4 ans 1/2 comprimé/15 kg
Dafalgan codéiné® 500 mg/30 mg Gélule 30 kg 1 gel

suppositoire deux fois par jour, puis un suppositoire pour 10 kg Effets secondaires. Une somnolence transitoire nécessite une
trois fois par jour. surveillance du degré de sédation de manière systématique
Le diclofénac (Voltarène®, Voldal®, etc.) existe sous forme pendant 2 heures après une administration unique.
orale ou rectale et s’utilise à la posologie de 2 à 3 mg/kg par
jour. L’AMM est à 17 kg. Passage du niveau 2 au niveau 3
L’aspirine est actuellement peu utilisée comme antalgique en Si la douleur de l’enfant est insuffisamment calmée avec un
pédiatrie sauf pour certaines pathologies inflammatoires. Elle a niveau 2, la prescription d’un antalgique de niveau 3 est
un effet antalgique à des doses inférieures aux doses anti- nécessaire sans aucun délai d’attente.
inflammatoires. La posologie est de 25 à 50 mg/kg par jour en
quatre prises. Ses contre-indications comprennent les allergies, Niveau 3
les troubles de l’hémostase (ou une intervention chirurgicale Morphine
programmée) et les éruptions fébriles virales (varicelle). Ses effets
C’est la référence du niveau 3. Il n’existe aucune contre-
secondaires sont connus et plus fréquents que ceux des autres
indication liée à l’âge. Elle peut être administrée par voie orale
AINS.
ou intraveineuse. Il n’existe pas de posologie maximale : la dose
recommandée est celle qui soulage la douleur sans entraîner
Niveau 2
d’effets indésirables trop importants.
Codéine Morphine injectable. La morphine par voie intraveineuse est
La codéine (AMM à partir de 1 an) est un morphinique faible, administrée via un dispositif antireflux. Une dose de charge à
agoniste des récepteurs µ. Seule, elle est disponible sous forme 0,1 mg/kg soit 100 µg/kg (6 mg au maximum), suivie d’une
de sirop (Codenfan®) et doit être associée à un produit du injection de 0,025 mg/kg soit 25 µg/kg toutes les cinq minutes
niveau 1. La posologie initiale est de 0,5 mg/kg toutes les (« titration ») jusqu’au soulagement permet d’obtenir une
6 heures, suivis d’une adaptation de la posologie progressive analgésie rapide.
avec un maximum de 6 mg/kg par jour. Ses effets secondaires La perfusion continue de morphine ou la pompe autocontrô-
sont les vomissements, les nausées, la sédation et la constipa- lée (PCA) est débutée immédiatement après, à un débit initial
tion. La codéine serait inefficace chez environ 7 % de la de 0,04 mg/kg par heure (40 µg/kg par heure) ajusté en fonc-
population. tion des scores de douleur, de sédation, et des effets secondaires
En association avec le paracétamol, ses caractéristiques sont (fréquence respiratoire). Si la douleur est mal soulagée, la
présentées dans le Tableau 8. posologie est augmentée par palier de 30 % à 50 %.
La PCA (patient controlled analgesia) permet à l’enfant à partir
Tramadol (Contramal®, Topalgic®) [19, 20] de 6 ans de déclencher lui-même l’injection de morphine par
Le tramadol est un agoniste des récepteurs µ et un inhibiteur voie intraveineuse (bolus) [21]. Il y a une durée minimum entre
de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline ; il a chaque bolus, appelée période réfractaire (6 à 8 minutes), au
donc une action mixte sur les douleurs nociceptives et neuro- cours de laquelle le patient ne peut pas recevoir de morphine
gènes. Il existe une forme pédiatrique (AMM à 3 ans) : Topalgic® même s’il le demande. Le soulagement du patient est très
sirop (1 goutte = 2,5 mg de chlorhydrate de tramadol). La rapide. La PCA permet de personnaliser la posologie et de mieux
posologie est de 1 mg/kg trois fois par jour, jusqu’à 2 mg/kg contrôler les variations de douleur au cours du nycthémère. Elle
quatre fois par jour. Ses effets secondaires sont principalement peut être utilisée avec un débit de base associé à des bolus ou
les nausées, les vomissements, la constipation et la somnolence. des bolus seuls (20 µg à 100 µg/kg). Elle doit être expliquée à
l’enfant et sa famille en termes clairs. Les craintes concernant
Nalbuphine la toxicomanie doivent être anticipées en nommant la mor-
C’est un morphinique de puissance intermédiaire entre les phine et en expliquant que ce produit utilisé à l’hôpital ne
niveaux 2 et 3, à la fois agoniste et antagoniste µ. L’effet provoque pas ce genre de complication. Un livret sur la mor-
antalgique est rapide. La nalbuphine (Nubain®, Azerty®) est phine et la PCA, conçu par l’association « sparadrap », est
disponible sous forme d’ampoules de 20 mg dans 2 ml soit disponible pour les enfants et les familles (www.sparadrap.org).
10 mg/ml. Son AMM est à 18 mois. Elle est souvent utilisée en En raison d’un métabolisme immature, des diminutions de
France chez des enfants plus jeunes, dont des prématurés hors 50 % de la posologie sont nécessaires chez le nourrisson de
AMM. Il existe un effet plafond : au-delà d’un certain seuil, moins de 3 mois.
l’augmentation de la posologie ne provoque ni augmentation Passage à la voie orale. Le passage à la voie orale nécessite
des effets antalgiques, ni augmentation des effets indésirables, le calcul de la dose totale de morphine intraveineuse reçue
ce qui lui confère une grande marge de sécurité. Une synergie durant les 24 dernières heures, de la multiplier par trois à quatre
antalgique peut être obtenue en association au palier 1. (biodisponibilité de 25 à 30 %), et de diviser la dose obtenue en
Posologie. Par voie intraveineuse, la posologie est de six prises (forme à libération immédiate) ou deux prises (forme
0,2 mg/kg en intraveineuse lente de 15 minutes (0,1 mg/kg chez à libération prolongée).
le prématuré). Si besoin, une injection de 0,1 mg/kg supplé- Par exemple, 20 mg de morphine injectable en 24 heures
mentaire 10 minutes après est possible. Le relais est pris soit par sont relayés le lendemain par six fois 10 mg de morphine à
des injections régulières de 0,2 mg/kg toutes les 4 heures, soit libération immédiate (ou deux fois 30 mg de morphine à
par une perfusion continue à un débit de 0,05 mg/kg par heure, libération prolongée).
soit 50 µg/kg par heure (1,2 mg/kg par 24 heures). Morphine par voie orale. En l’absence de douleurs sévères et
Par voie rectale, la posologie est de 0,4 mg/kg (400 µg/kg) en paroxystiques, la voie orale est à privilégier. La morphine orale
une administration unique. Elle est réservée aux situations existe sous deux formes :
d’urgence ou lors de gestes douloureux. Le délai d’action est • libération dite immédiate avec un délai d’action de 30 à
variable (5 à 20 min). 60 minutes, d’une durée d’environ 4 heures :
Les voies sous-cutanées ou intramusculaires sont à proscrire C sirop de Morphine Aguettant® 1 ml = 5 mg (la première
en raison de la douleur induite par l’effraction cutanée. graduation commence à 2,5 mg ; en cas de dosage inférieur

8 Traité de Médecine Akos


Prise en charge de la douleur chez l’enfant de 1 mois à 15 ans ¶ 8-1026

à 2,5 mg, il faut utiliser une seringue de 1 ml à la place de C 3 : intense : ouverture des yeux après stimulation physi-
la pipette ; que ;
C Oramorph® : flacon compte-gouttes (20 mg/ml soit C 4 : très intense : impossible à réveiller ;
1 goutte = 1,25 mg) ou dosettes de 5 ml dosées à 10, 20 ou • la fréquence respiratoire : les seuils d’alerte en fonction de
100 mg ; l’âge sont les suivants :
C comprimés sécables (Sevredol ® 10 et 20 mg), gélules C moins de 20/min si moins de 1 an ;
(Actiskenan® 5, 10, 20 mg). Une dose de charge de C moins de 15/min entre 1 et 5 ans ;
0,4 mg/kg (30 mg au maximum) est relayée par des inter- C moins de 10/min après 5 ans ;
doses de 0,2 mg/kg (200 µg/kg) toutes les 4 heures. Les • les effets secondaires.
doses doivent être prises à heure régulière. Après la pre- Effets secondaires. Ils peuvent être :
mière dose orale de charge, si la douleur n’est pas suffisam- • digestifs : nausées, vomissements, constipation ;
ment diminuée, des prises complémentaires de 0,2 mg/kg • urinaires : rétention aiguë d’urine (« globe vésical ») ;
(200 µg/kg) toutes les 30 à 60 minutes sont données à • cutanés : un prurit souvent facial ;
l’enfant jusqu’à obtention d’un soulagement d’au moins • centraux : somnolence, hallucinations, vertiges.
50 % de la douleur initiale et en l’absence d’effets indési- La prise en charge des effets secondaires comprend un laxatif
rables gênants. En cas d’échec après deux à trois prises systématique (par exemple importal ou forlax ou movicol) et le
supplémentaires, il est conseillé de recourir à la voie dropéridol (Droleptan®, 2,5 mg à 5 mg dans une seringue de
intraveineuse ; 50 ml de morphine) pour son action antiémétique. Si le
• libération prolongée (comprimés de Moscontin® ou gélules de traitement symptomatique est inefficace, un antagoniste à petite
Skenan® à 10, 30, 60, 100 et 200 mg), efficace 2 à 3 heures dose comme la naloxone (Narcan ® ) peut être prescrit à la
après la prise et pendant 12 heures. Les formes retard ne posologie de 0,5 µg/kg par heure [22].
peuvent ni être croquées ni être écrasées. Les gélules peuvent En cas de sédation excessive, la surveillance de l’oxymètre de
être ouvertes. Le passage aux formes retard nécessite de pouls est continue ; le débit de morphine doit être diminué de
calculer la dose de morphine à libération immédiate reçue 50 %. Un antalgique supplémentaire de niveau 1 (AINS, para-
durant les 24 heures précédentes, de la diviser par deux et de cétamol, etc.) est alors associé.
donner cette dose toutes les 12 heures sous forme retard. Elle En cas de dépression respiratoire (avec bradypnée ou apnée,
s’accompagne obligatoirement de la prescription d’interdoses cyanose, inconscience), il faut stimuler l’enfant (par la voix, la
(prises supplémentaires de morphine à libération immédiate stimulation cutanée, etc.), libérer les voies aériennes supérieures,
égale à un sixième de la dose journalière), données en cas oxygéner s’il existe une désaturation, et injecter une dose
d’accès douloureux survenant entre les deux prises de doses initiale de naloxone de 1 à 2 µg/kg puis des doses successives
retard. Si plus de deux interdoses sont nécessaires entre les de 2 µg/kg toutes les 5 minutes jusqu’au retour d’une ventila-
prises de morphine retard, il faut augmenter les doses retard tion spontanée correcte et de la conscience, et poursuivre avec
le lendemain. une perfusion continue de naloxone 2 à 4 µg/kg par heure.
La posologie est adaptée en fonction des scores de douleur et Contre-indications. Elles sont :
de sédation : • l’absence de moyens de surveillance (clinique et instrumen-
• si la douleur persiste : la posologie doit être augmentée de tale) ;
50 % toutes les 24 heures jusqu’au soulagement de la dou- • les crises migraineuses et autres céphalées (efficacité improba-
leur ; ble, risque d’addiction, produit émétisant) ;
• si la douleur est calmée sans somnolence excessive : la • les troubles psychogènes ;
posologie peut être maintenue ; • la survenue d’effets indésirables intenses, ne répondant pas
• si la douleur est calmée mais l’enfant est très somnolent : elle aux moyens de contrôle mis en œuvre.
doit être diminuée de 25 %.
Autres morphiniques du palier 3
L’arrêt d’un traitement morphinique prolongé est toujours
progressif (au moins en 48 heures) de manière à éviter la Ils sont :
réapparition de la douleur et l’apparition éventuelle de signes de • l’hydromorphone LP (Sophidone ® ) : morphinique retard
sevrage (exceptionnellement observée sauf en période néona- efficace en 2 heures et une durée d’action de 12 heures. Les
tale) : agitation, tachycardie, hypertension artérielle, douleurs morphiniques à libération intermédiaire sont donnés en
abdominales, diarrhée, sueurs profuses, etc. Plus le traitement a interdoses en France (Sophidone® à libération immédiate non
été long, plus son arrêt doit être progressif. disponible en France) ;
Précaution d’emploi. Les précautions d’emploi concernent : • l’oxycodone : Oxycontin LP® ou Oxynorm LI® ;
• l’enfant de moins de 3 mois : surveillance dans un environ- • le fentanyl transdermique (Durogésic®) : patch qui agit au
nement rigoureux à l’instauration du traitement, la suite du bout d’environ 8 heures et pendant 3 jours. Il existe un
traitement équilibré peut se poursuivre à domicile moyennant dosage à 12 c/heure équivalent à 30 mg de morphine per
la possibilité de joindre très rapidement le médecin prescrip- os/24 h. Son utilisation est intéressante en cas de douleurs
teur ; stables et durables. Des interdoses de morphine à libération
• le patient insuffisant rénal : éviter l’administration continue immédiate doivent être prescrites en systématique.
à cause du risque d’accumulation de métabolite actif, et donc
de surdosage ;
Traitement des douleurs neuropathiques
• le patient recevant des produits psychotropes (ou équiva-
lents) ; L’amitriptyline (Laroxyl®) est indiqué dans les douleurs de
• le patient présentant des voies aériennes obstructives ; fond : la posologie orale de 0,5 à 1 mg/kg par jour est atteinte
• le patient ayant des troubles de conscience ; progressivement en commençant à 0,1 mg/kg par jour. Ses
• le patient présentant un ralentissement du transit digestif ; principaux effets secondaires, outre la sédation, sont de type
• le patient hypovolémique ou insuffisant respiratoire (titration atropinique : tachycardie, constipation, sensation de bouche
à doses plus faibles). sèche avec soif et augmentation de l’appétit avec prise de poids.
Surveillance. Elle est systématique et porte sur : Le clonazépam (Rivotril®) est indiqué lors de fulgurances à la
• l’analgésie, grâce aux échelles d’évaluation, toutes les 2 ou posologie de 0,025 mg/kg par jour avec une augmentation
4 heures et une heure après une modification de dose, au progressive à 0,05 à 0,1 mg/kg par jour. Les effets secondaires
repos et à la mobilisation ; sont ceux des benzodiazépines et essentiellement la sédation.
• la sédation selon un score à 4 niveaux : Certains antiépileptiques comme le Tégrétol® ou Neurontin®
C 1 : absente ; sont indiqués après avis d’expert pour certaines douleurs
C 2 : modérée : ouverture des yeux à l’incitation verbale ; neuropathiques, le plus souvent chroniques.

Traité de Médecine Akos 9


8-1026 ¶ Prise en charge de la douleur chez l’enfant de 1 mois à 15 ans

Placebo • en spray pour anesthésier les muqueuses (chirurgie dentaire,


soins de la muqueuse de la cavité buccale).
L’effet placebo est un effet attribuable à un médicament, une Des signes d’intoxication exceptionnels apparaissent en cas
médication, une exploration, un acte, un geste mais indépen- de surdosage. Les premiers signes sont neurologiques : logor-
dant de ses propriétés pharmacologiques ou spécifiques. L’effet rhée, goût métallique dans la bouche, paresthésies périorales,
placebo est réel et présent dans toute activité thérapeutique y acouphènes, vertiges, sensation d’ébriété, etc., puis crise
compris la chirurgie. L’action du placebo est liée à la libération convulsive. Une prise en charge immédiate assure une guérison
d’endorphines, la stimulation centrale des voies inhibitrices, le rapide et sans séquelles.
conditionnement et la suggestion [23, 24]. Elle n’est pas dépen- Il faut différencier les signes de surdosage d’un malaise vagal
dante d’un profil psychologique particulier. La diminution du (pâleur, sueur, bradycardie), ou d’une réaction allergique
niveau d’anxiété intervient en modifiant (augmentation) le seuil (rougeur, tachycardie, bronchospasme).
de perception de la douleur. L’effet placebo est très puissant [25]
et la douleur en est une cible privilégiée [26]. L’utilisation du
placebo est déconseillée en pratique quotidienne car elle
discrédite la plainte de l’enfant et altère la relation de confiance ■ Mélange équimolaire oxygène-
entre l’enfant et l’équipe soignante par une interprétation protoxyde d’azote : MEOPA
erronée. Il n’a pas de valeur de test thérapeutique et ne doit être
utilisé que dans le cadre d’une étude de recherche clinique (Kalinox®, Medimix®)
comportant le recours à un antalgique classique si la douleur
dépasse le seuil de 3/10. Il a une double action anxiolytique et antalgique. Il agit après
3 minutes d’inhalation. Il peut être utilisé au lit de l’enfant. Le
retour à l’état initial est très rapide en quelques minutes après
■ Anesthésiques locaux l’arrêt de l’inhalation. Il peut être proposé à un enfant non à
jeun ; il entraîne une analgésie de surface avec un état de
Ils permettent de prévenir la douleur provoquée en procurant sédation consciente.
une anesthésie sans effets sur la conscience ni sur le contrôle L’autoadministration est recommandée ; une coopération
des voies aériennes du patient. Ils inhibent de manière transi- active est difficile à obtenir avec l’enfant de moins de 3 ans
toire la conduction nerveuse au niveau des fibres nerveuses du chez qui le MEOPA est en général moins efficace.
système nerveux central ou périphérique.

Crème ou patch anesthésiant (Emla®, Indications


Anesderm) [27, 28] Il est indiqué pour tous les gestes et soins douloureux ou
anxiogènes de courte durée ou lors de la prise en charge d’une
C’est un mélange de lidocaïne et de prilocaïne utilisable dès douleur aiguë en association à un traitement antalgique médi-
la naissance (AMM à 37 semaines d’aménorrhée). L’application camenteux [30, 31].
sous pansement occlusif doit précéder le geste d’au moins
60 minutes (idéalement 90 à 120 minutes sont préférables). La
profondeur de peau anesthésiée est de 3 à 5 mm. La crème est Effets secondaires [32]
insuffisante lorsque la profondeur de l’effraction cutanée Des modifications des perceptions sensorielles sont parfois
dépasse cette zone. Elle est recommandée pour toute effraction décrites par les enfants : paresthésies (picotements, des fourmis
cutanée superficielle douloureuse. Son intérêt est majeur chez au niveau buccal ou des extrémités), auditives (sons éloignés,
les enfants ayant des gestes douloureux à répétition. Son distorsion des sons), visuelles (vision double, floue), sensation
efficacité n’est pas influencée par la couleur de peau. La de chaleur, de lourdeur, de légèreté.
quantité de produit à appliquer dépend de l’âge de l’enfant ; elle Les effets indésirables sont rares (moins de 10 %), mineurs et
est d’environ 1 à 2 g sur chaque site. Il est recommandé de ne réversibles en quelques minutes après l’arrêt de l’inhalation :
pas dépasser 2 g au total chez l’enfant de 3 à 12 mois, 10 g chez nausées et vomissements, excitation, sédation, céphalée,
l’enfant de 1 à 5 ans, et 20 g chez l’enfant de 6 à 12 ans. sensation de malaise et parfois hallucinations chez les plus
L’ANAES recommande l’utilisation d’Emla® à titre systémati- grands.
que pour les ponctions veineuses et pour les injections répétées
jusqu’à l’âge de 11 ans.
Contre-indications
Lidocaïne (Xylocaïne®) Les contre-indications sont :
Elle est disponible en solution injectable (0,5 %, 1 %, 2 %) • neurologiques : hypertension intracrânienne, traumatisme
ou sous forme de gel (2 %). Son action est de courte durée (30 crânien non évalué ou altération de l’état de conscience non
à 60 minutes). La dose maximale recommandée chez l’enfant évaluée ;
est de 7 mg/kg sans adrénaline, et de 10 mg/kg avec adrénaline. • pulmonaires : pneumothorax, bulles d’emphysème, embolie
Une dose de 1 ml de solution à 1 % contient 10 mg de gazeuse ;
lidocaïne. • accident de plongée ;
Pour les muqueuses, la dose maximale de lidocaïne est de • distension gazeuse abdominale ;
3 mg/kg (2 mg/kg pour les enfants de moins de 3 ans). Les • fracture des os de la face.
solutions adrénalinées permettent d’améliorer la qualité et la
durée de l’analgésie sans majorer les effets indésirables. L’addi- Interactions médicamenteuses
tion d’adrénaline est interdite lorsque l’anesthésie intéresse une
région dont la vascularisation artérielle est de type terminal (le Le risque respiratoire lié à la potentialisation par un psycho-
bloc pénien, le bloc digital, le lobe de l’oreille et certains blocs trope (benzodiazépines) ou un morphinique reste exceptionnel
de la face) en raison du risque de nécrose en cas de spasme mais réel.
artériel.
La lidocaïne peut être utilisée [29] :
• en infiltration : Modalités pratiques
C pour assurer un abord percutané indolore (ponction Lors d’une première inhalation, un temps d’explication est
médullaire, biopsie rénale, etc.) chez un enfant éveillé ou indispensable : il peut être associé à la visualisation d’une
sous sédation légère ; cassette vidéo spécifique [33]. Il est important d’établir un climat
C pour réaliser le parage et la suture de petites plaies en salle de confiance avec l’enfant et ses parents. Le masque ne doit pas
d’urgence ; être appliqué de force ; il peut être maintenu par un parent ou

10 Traité de Médecine Akos


Prise en charge de la douleur chez l’enfant de 1 mois à 15 ans ¶ 8-1026

l’enfant. L’inhalation doit être continue et d’une durée mini- perception d’une partie du corps. Cet état de « veille para-
male de 3 minutes avant le début de l’acte douloureux. Une doxale » est un moment propice à l’imagerie mentale, ouverture
anesthésie locale doit être systématiquement associée en cas d’un monde imaginaire. L’enfant peut trouver ses propres
d’effraction cutanée. ressources et reprendre en partie le contrôle des perceptions
En cas de non-coopération de l’enfant, la contention (géné- sensorielles quand il le souhaite grâce à l’apprentissage de
ratrice d’agitation) doit être limitée au maximum. Elle doit être l’autohypnose. Cet état de transe hypnotique s’accompagne
souple, sans bloquer la tête de l’enfant, tout en lui appliquant d’une analgésie en modifiant le seuil de perception de la
le masque sur le visage et en gardant toujours le contact verbal. douleur. L’enfant s’approprie cette technique facilement à partir
de 5 ans.
Modalités d’administration La sophrologie et le yoga sont des méthodes voisines de
l’hypnose et de la relaxation.
(texte de l’AMM)
« L’administration doit être faite dans des locaux adaptés, par Neurostimulation transcutanée
un personnel médical ou paramédical spécifiquement formé et
Le principe de la stimulation électrique transcutanée (NSTC
dont les connaissances sont périodiquement réévaluées (...).
ou TENS en anglais) consiste à stimuler les capacités inhibitrices
L’utilisation est possible chez l’enfant à partir de 4 ans (âge
des fibres de gros calibre myélinisées (fibres A) sur les fibres
permettant une coopération active). Chez l’enfant plus jeune,
fines non myélinisées (fibres C) au niveau des couches superfi-
l’administration devra être faite par un praticien familier de la
cielles de la corne postérieure de la moelle (gate control). Les
méthode. Le taux de succès chez les enfants de moins de 3 ans
douleurs neurogènes sont les indications le plus souvent
est plus faible car la concentration alvéolaire minimum efficace
rapportées. La TENS est facilement utilisable à domicile.
est supérieure à celle des enfants plus grands ».

Solutions sucrées [37]


■ Moyens non médicamenteux Des moyens simples permettent de soulager les nouveau-nés
de prise en charge de la douleur et les nourrissons de moins de 3 mois lors de gestes douloureux
brefs : l’administration orale d’une solution sucrée (2 ml de
Les méthodes non pharmacologiques de prise en charge de la saccharose à 20 % ou des solutions de glucose 30 %) 2 minutes
douleur ne se substituent pas aux traitements antalgiques, mais avant le geste est renforcé par la succion d’une tétine. La
peuvent favoriser leur action. méthode du contact « peau à peau » ou l’allaitement au sein
apportent également un effet antalgique significatif lors de
gestes agressifs mineurs tels qu’une ponction veineuse.
Présence des parents auprès de leur enfant
Elle est souhaitable et ce dans toutes les circonstances si cela Organisation des soins
répond à leur demande. Leur présence est très précieuse,
rassurante ; elle est une aide importante dans l’instauration La mise en place de protocoles antalgiques, d’un comité de
d’une relation de confiance avec l’enfant et participe au bon lutte contre la douleur et de référents douleur dans chaque
déroulement des soins. service sont des mesures qui permettent de décloisonner les
services et de mieux faire circuler les moyens antalgiques
existants.
Informations données à l’enfant
La préparation à l’hospitalisation et l’information donnée aux
enfants sur le fonctionnement de l’hôpital (avant la chirurgie) ■ Migraine de l’enfant (Fig. 5)
permettent de limiter les peurs et les angoisses, et diminuent
la perception douloureuse. L’association Sparadrap (www. La migraine est la céphalée primaire la plus fréquente chez
sparadrap.org) a pour but, par la diffusion de fiches et de livrets, l’enfant : 5 à 10 % sont atteints entre 4 et 15 ans [38] . La
d’informer, conseiller, rassurer les enfants et leur famille, et de céphalée est bilatérale ; les crises sont plus courtes que celles de
proposer des outils adaptés aux équipes soignantes. l’adulte, le sommeil est souvent réparateur. Beaucoup d’enfants
Les explications sur les soins apportés à l’enfant lui permettent présentent des tableaux mixtes associant migraine et céphalée
de donner un sens à ce qui lui arrive. Il est nécessaire de rester le de tension (moins intenses et de résolution spontanée), ce qui
plus proche de la réalité sans banaliser ni dramatiser. peut désorienter le praticien peu familier avec les céphalées de
l’enfant.
La majorité des enfants arrive à distinguer le « petit mal de
Autres méthodes tête » de la « grosse crise » ; c’est sur cette dernière entité que
doit porter l’analyse sémiologique pour caractériser la migraine.
Distraction La céphalée est sévère et associée selon les cas à des nausées
Le jeu et les clowns contribuent à l’atténuation de la percep- voire des vomissements, une phonophobie ou une photopho-
tion de la douleur chez beaucoup d’enfants. Les interventions bie. Des douleurs abdominales et des vertiges sont également
créatives, artistiques (musique, etc.) apportent à l’enfant la souvent observés. Une pâleur inaugurale est très souvent
possibilité de « s’évader » quelques instants, ce qui s’associe à un retrouvée. Les facteurs déclenchants (stimulation sensorielle,
réel bénéfice antalgique. Des méthodes simples de distraction sport, hypoglycémie, etc.) sont à distinguer de la cause de la
(raconter une histoire, jouer, souffler sur des bulles de savon) migraine dont l’origine génétique et familiale est maintenant
permettent d’accompagner l’enfant en guidant son attention et mieux connue. La migraine n’est pas une maladie psychologi-
en ne le laissant pas seul face à sa douleur. que même si des facteurs déclenchants de nature psychologique
(pression scolaire, amélioration en vacances, contrariété) sont
Relaxation [34] régulièrement retrouvés. Le stress scolaire souvent générateur de
crises est fréquemment mal interprété par les enseignants et les
Différentes méthodes de relaxation sont proposées à l’enfant
parents. Beaucoup d’enfants présentant d’authentiques migrai-
dans le but de « lâcher prise » et de prendre de la distance par
nes reçoivent des diagnostics de sinusite et de trouble de la
rapport à la situation (training autogène ou méthode Schultz,
réfraction de convergence. L’ibuprofène doit être privilégié en
méthode de Jacobson, biofeedback, etc.).
traitement de crise et doit être donné précocement, les voies
rectale ou nasale sont utilisées en cas d’échec de la voie orale.
Hypnose [35, 36]
Les traitements de fond non pharmacologiques (apprentissage
Dans le cadre d’une relation de confiance, l’hypnothérapeute de la relaxation, de l’autohypnose, etc.) doivent être privilégiés.
accompagne l’enfant vers un état de concentration axé sur la Un livret d’information pour les enfants et un site internet

Traité de Médecine Akos 11


8-1026 ¶ Prise en charge de la douleur chez l’enfant de 1 mois à 15 ans

Figure 5. Arbre décisionnel. Traitement de la


Crise migraineuse crise migraineuse selon l’ANAES.

- Concerne 5 à 10 % des enfants


- Céphalée intense souvent frontale, bilatérale
- Pâleur ++
- Phonophobie et/ou phobie
- Parfois nausées et vomissements, vertiges, douleurs abdominales
- Antécédents familiaux

Pas de nausées Nausées intenses


Pas de vomissements ou vomissements

Prise précoce (dans les 10 premières minutes)


Ibuprofène 10 mg/kg par prise (maximum 600 mg par prise)

Échec :
- < 30 kg diclofénac (Voltarène) suppositoire
- pas d'effet de
- > 30 kg ou < 40 kg sumatriptan (Imigrane)10 mg :
l'ibuprofène en
1 spray nasal
30 minutes
- < 40 kg Imigrane 20 mg : 1 spray nasal
- ou vomissements

(www.migraine-enfant.org) ont été réalisés pour les enfants et les l’évaluation de la douleur de l’enfant. Elle a été conçue pour être
professionnels. La partie du site destinée aux professionnels utilisée par l’ensemble des équipes soignantes et par tous les
propose une aide à la consultation et un guide de prescription, acteurs impliqués dans la santé de l’enfant.
ainsi que des textes de références.
.

■ Références
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Topalgic ® , etc.) sont à proscrire en raison de leur [4] Anand KJ, Hickey PR. Halothane-morphine compared with high-dose
fréquente inefficacité et des risques d’abus potentiels. sufentanil for anesthesia and postoperative analgesia in neonatal
Pour diminuer le nombre de crises, il faut identifier les cardiac surgery. N Engl J Med 1992;326:1-9.
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L’avancée des connaissances neurophysiologiques acquises ces [8] Bieri D, Reeve RA, Champin GD, Addicoat L, Ziegler JB. The faces
quinze dernières années a complètement invalidé les dogmes pain scale for the self-assessment of the severity of pain experienced by
médicaux qui ont permis pendant très longtemps de ne pas children: development, initial validation. Pain 1990;41:139-50.
traiter la douleur des enfants. À la lumière de ces connaissances, [9] Hicks CL, Von Baeyer CL, Spafford PA, van Korlaar I, Goodenough B.
notre responsabilité de soignant est clairement engagée en The Faces Pain Scale-Revised: toward a common metric in pediatric
matière de prise en charge de la douleur des enfants, quel que pain measurement. Pain 2001;93:173-83.
soit leur âge. Reconnaître et admettre la réalité de la douleur de [10] Savedra MC, Tesler MD, Holzemer WL, Wilkie DJ, Ward JA. Pain
l’enfant reste encore un exercice difficile pour beaucoup location: validity and reliability of body outline markings by
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limités et sa plainte est beaucoup moins crédible. Les phénomè- [11] Gauvain-Piquard A, Rodary C, Rezvani A, Serbouti S. The
nes de déni sont essentiels à repérer et à analyser car la qualité development of DEGR: a scale to access pain in young children with
de la prise en charge en découle directement. Prendre en charge cancer. Eur J Pain 1999;3:165-76.
la douleur nécessite initialement et obligatoirement d’admettre [12] Marec-Berard P, Gomez F, Bergeron C. L’échelle d’évaluation de la
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345:1594-602. tions pour la pratique clinique. ANAES, Février 2003 (www.anaes.fr).

E. Gatbois (edith.gatbois@trs.ap-hop-paris.fr).
D. Annequin.
Unité fonctionnelle d’analgésie pédiatrique, Centre de la migraine de l’enfant, Hôpital Armand Trousseau, 26 avenue du Docteur Arnold-Netter, 75571 Paris
cedex 12, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gatbois E., Annequin D. Prise en charge de la douleur chez l’enfant de 1 mois à 15 ans. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 8-1026, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


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Traité de Médecine Akos 13


8-1025
8-1025

Analgésie en urgence
Encyclopédie Pratique de Médecine

chez l’enfant
E Fournier-Charrière, JP Dommergues

chez l’enfant

A rrivée de l’enfant qui a mal : intérêt d’une prise en compte précoce de la douleur.

© Elsevier, Paris.


de décrire sa douleur [12]. Les parents sont alors dépend de l’intensité de la douleur : au-delà de la
Introduction parfois accusés d’augmenter l’anxiété de leur enfant, douleur faible - surmontée par l’enfant avec l’aide de
voire de majorer sa douleur. sa famille et des soignants -, l’absence de
Dans un but thérapeutique, il serait intéressant prescription fait penser à la non-assistance à
Dès l’arrivée peut s’établir la confiance entre d’effectuer une différenciation nette entre douleur et personne en danger. Soulager la douleur, c’est
l’enfant et ceux qui vont s’occuper de lui. La prise en anxiété. En pratique, il est illusoire de vouloir tracer fournir une prestation plus humaine et témoigner
charge de la douleur y contribue au premier chef. une ligne de partage objective. Une pathologie d’une empathie réelle.
douloureuse nécessite une prescription de
médicaments antalgiques ; parallèlement une ‚ Accueil de l’enfant


Préoccupations de l’enfant
et de ses parents
réflexion stratégique sur les facteurs anxiogènes
surajoutés s’avère indispensable.

‚ Préoccupations des soignants


Accueillir l’enfant qui a mal : rompre
le cercle vicieux : douleur → anxiété
Qu’il s’agisse d’un accident ou de l’apparition La démarche diagnostique prime aux urgences → douleur.
d’une symptomatologie aiguë, la douleur est source (recherche des signes de gravité somatique). La
d’une anxiété qui aggrave la perception pathologie, les investigations et les traitements
douloureuse. Les parents sont préoccupés : Chaque « petit moyen » efficace pour réduire
qu’elle nécessite sont souvent seuls considérés. La
inquiétudes liées au diagnostic, à la douleur présente l’angoisse, renforcer la confiance, distraire et
douleur des traumatismes banals, « des bobos », est
ou à venir, à la compétence des soignants. Ils détendre l’enfant a un rôle antalgique propre.
méconnue, comme si elle n’avait aucun intérêt :
redoutent particulièrement « d’attendre longtemps » : l’idée qu’il est « normal » de souffrir reste ancrée dans
un délai d’attente mal géré augmente leur crainte et Organisation de l’environnement
les esprits.
diminue leur confiance. Pour l’enfant, l’intensité de la Elle permet de réduire l’atmosphère de stress : des
douleur reflète la gravité de la maladie (la capacité à ‚ Concilier les préoccupations de l’enfant, locaux favorisant la distraction, permettant la
soulager la douleur lui paraît aller de pair avec la des parents et des soignants confidentialité au cours de la consultation, la mise à
capacité à soigner) : le laisser souffrir le persuade de Quelle que soit la présentation émotionnelle, très disposition de jouets [13], l’audition de musique, des
notre incompétence et compromet les relations variable d’un individu à l’autre en fonction de l’âge, lumières et des bruits modérés, pas trop
ultérieures avec l’équipe. du contexte, de l’entourage, de la culture, la d’instruments menaçants visibles. Le manque de
recherche de la douleur est la première étape : un personnel et de moyens, l’affluence, les locaux
‚ Stress ou douleur aiguë ? exigus rendent souvent cette réalisation utopique.
diagnostic de présomption de douleur suffit pour la
L’arrivée aux urgences est marquée par le stress : première prescription ; il est complété dès que Un changement dans les locaux n’implique pas un
circonstance inopinée et fréquemment violente, possible par une évaluation plus précise. changement dans les attitudes des personnes et il
parcours souvent mouvementé, lieu inconnu et serait dangereux de s’en faire un alibi : si le cadre est
chargé d’une signification négative, incertitude du ‚ Avantages d’une prise en charge vétuste et les jouets cassés, c’est le comportement
diagnostic, crainte de la séparation d’avec les immédiate de la douleur [8] des soignants qui permet malgré tout à la confiance
parents, des examens médicaux, des événements Soulager très vite la douleur tout en menant la et à la sérénité de s’installer.
qui vont suivre (hospitalisation, soins, intervention démarche médicale classique permet d’éviter ses
chirurgicale...). Un sentiment de culpabilité envahit conséquences morbides : au cours d’une pathologie Accueil, communication, information
souvent les parents et l’enfant. Tout concourt à grave, le stress nociceptif aggrave l’affection L’accueil, la communication avec l’enfant et sa
générer l’anxiété dont les manifestations elle-même ou génère des complications. En famille et l’information claire, dès que possible, sur
émotionnelles sont les pleurs, les cris, l’agitation, revanche, la douleur des « bobos », même les lésions et leurs traitements, sont les éléments
l’hostilité. Les symptômes du stress et de l’angoisse importante, n’entraîne pas de conséquence indissociables de la prise en charge de la douleur. Un
© Elsevier, Paris

se confondent avec ceux de la douleur aiguë : cette physique grave, mais sa mémorisation réalise une enfant correctement informé, dans un climat de
ambiguïté sémiologique renforce la conviction que empreinte dans le psychisme de l’enfant. Bien sûr la confiance et de dialogue, coopère efficacement, non
l’enfant est anxieux mais ne souffre pas : souffrance physique et morale fait partie intégrante seulement à l’évaluation de sa douleur, mais aussi
interprétation erronée fréquemment donnée par les de la vie et les petites douleurs quotidiennes ne au bon déroulement des soins : il est essentiel de ne
soignants même si l’enfant est capable de parler et nécessitent pas une réplique médicamenteuse ; tout pas mentir.

1
8-1025 - Analgésie en urgence

Relation de confiance
La relation de confiance est un défi. Il faut apaiser
Questions à l’enfant :
l’anxiété, rassurer.
✔ Qu’est-ce que tu fais quand tu as
■ Soignants calmes, pas trop pressés,
mal ?
accueillants. ✔ Qu’est-ce que tu voudrais qu’on
■ Absence de spectateurs inutiles (respect de fasse pour toi quand tu as mal ?
l’« intimité »). ✔ Qu’est-ce qui t’aide le plus pour
■ Éviter de s’approcher de l’enfant trop faire partir la douleur ?
précipitamment ou de le saisir contre son gré, lui Questions aux parents :
laisser le temps de repérer le nouveau lieu et les ✔ Quelles sont les expériences
personnes, ne pas le séparer de sa mère. douloureuses que votre enfant a déjà ça fait mal...
■ Se montrer attentif aux difficultés d’installation traversées ? un peu
dans la salle d’examen, privilégier le confort, parler à ✔ Quel est son comportement quand moyen
voix modérée et calme, éviter les interruptions il a mal ? beaucoup
intempestives (si fréquentes aux urgences de ✔ Que faites vous préférentiellement très très fort
l’hôpital), au cours de la brève consultation. quand votre enfant a mal ? et lui,
■ Utiliser les moyens qui calment : bercements, que fait-il ? 1 Dessin sur le bonhomme. Exemple de schéma
câlins, gestes chaleureux, savoir donner la main ✔ Qu’est-ce qui est le plus efficace du corps proposé aux garçons pour y faire figurer les
mais ne pas attacher, ne pas contraindre, ne pas pour le soulager ? zones douloureuses.
supprimer les objets « fétiches » comme la tétine et le
doudou. Savoir « perdre du temps » pour établir une avec curseur à déplacer entre les deux extrêmes
Le stress des soignants empêche d’aborder relation de confiance... est en fait en gagner. (douleur absente et douleur maximale). Sur les
efficacement l’enfant et ses parents. Exercer une réglettes destinées aux enfants, un triangle coloré


pression sur l’enfant pour qu’il retienne ses cris et ses concrétise la quantité de douleur (se les procurer
pleurs en valorisant les attitudes de courage ou de Évaluation de la douleur
en urgence auprès de l’association Sparadrap, 92 bd Diderot,
stoïcisme fait courir le risque que l’enfant renonce à 75012 Paris, Tel : 01-43-45-30-90). Présenter la
se plaindre. La menace du type « je fais sortir tes réglette verticalement, comme un « thermomètre de
parents si tu n’es pas sage » risque d’altérer la L’évaluation de la douleur trouve sa raison d’être
douleur », expliquer le fonctionnement et s’assurer
relation entre la famille et les soignants. Éviter la même dans une situation où prédomine la notion de
de la compréhension en faisant évaluer une douleur
panique et la confusion fait partie du traitement de la « faire vite » car elle seule permet de faire de façon
banale (chute) [12].
douleur. objective le choix thérapeutique ; elle constitue de
plus une aide au diagnostic non négligeable. Pour
Localisation sur dessin (fig 1)
les enfants de plus de 5 ans, on retient le principe de
« Bêtisier » : les phrases à éviter : « l’autoévaluation » dont la fiabilité a été largement L’enfant localise sa douleur sur un schéma du
✔ Tais-toi ! Chut ! Chut ! démontrée. Pour les enfants de moins de 5 ans, corps, de face et de dos, et en précise l’intensité : il
choisit dans une pochette de feutres quatre couleurs
✔ Sois sage ! l’évaluation de la douleur est faite à partir de
l’observation des comportements. Il n’existe, pour pour dessiner quatre niveaux de douleur (légère,
✔ Sois gentil !
cette tranche d’âge, aucune échelle d’évaluation moyenne, forte, très forte) ; puis il colorie les zones
✔ Tu étais sage quand Maman n’était
validée adaptée à l’urgence ; on se réfère cependant qui lui font mal. Ce test, qui dure 5 minutes, est
pas là.
à l’échelle « Douleur enfant Gustave Roussy » (DEGR), réalisable même en urgence. Il permet de révéler des
✔ Pourquoi tu pleures ? localisations ou des irradiations passées inaperçues ;
✔ Si tu pleures, je fais sortir Maman. support solide et reconnu pour l’examen clinique de
la douleur et son évaluation [12]. en outre l’enfant est valorisé par cette attention des
✔ Il fait marcher sa mère. soignants, et comprend qu’il est reconnu comme un
Urgence ne signifie pas automatiquement
✔ Il n’a rien. interlocuteur crédible.
douleur aiguë ou récente. Chez l’enfant, la douleur
✔ On n’a rien trouvé.
qui dure entraîne en 3 à 48 heures l’apparition de la
✔ C’est dans la tête. Aspects qualitatifs, descriptifs
symptomatologie de la douleur « prolongée » :
✔ Faites-lui un placebo (du sérum
disparition des expressions émotionnelles bruyantes Ils sont explorés par le dialogue en faisant
américain), on verra bien. (cris, protestation, agitation), installation des postures préciser à l’enfant la sensation qu’il ressent.
✔ Ça va être fini, voilà j’ai fini (alors antalgiques et de l’atonie psychomotrice : désintérêt
que ce n’est pas vrai). pour le monde extérieur, lenteur des mouvements et ‚ Évaluation chez l’enfant de 0 à 5 ans
diminution de la motricité [12]. Le recueil de renseignements auprès de la famille
Il faut s’enquérir du « passé » de douleur auprès ‚ Évaluation chez l’enfant de plus de 5 ans et la recherche des symptômes de douleur au cours
des parents et de l’enfant permet d’obtenir des de l’examen clinique aboutissent à une classification
Dialogue du type douleur faible, modérée, intense, sévère [8].
informations utiles à la gestion de la situation.
Le dialogue avec l’enfant apporte des
Cette préparation est le garant d’une alliance
renseignements précis et fiables si la confiance est Renseignements fournis par la famille
thérapeutique, une fois la confiance obtenue.
établie. La question directe : « Est-ce-que tu as mal ? » (tableau I)
L’infirmière expose à une réponse rapide : « Non » (maîtrise de
Il faut savoir écouter patiemment les parents
soi, courage, déni). Aborder de façon prudente :
Rôle clé de l’infirmière à l’hôpital : elle accueille, bavards et pousser à la parole ceux qui sont lents
« Qu’est-ce qui te gêne le plus ? », « Je sais que tu as
oriente le diagnostic et les premiers traitements, pour le faire.
mal, je te propose de me dire combien ».
décide si l’enfant est prioritaire, attire l’attention du
médecin sur l’intensité de la douleur et sait utiliser les Échelle visuelle Technique de l’examen clinique (tableau II)
outils d’évaluation ; elle donne les premières L’échelle visuelle analogue dite EVA est, comme Tout en parlant à l’enfant, observer son visage,
informations, rassure, installe, gère le temps chez l’adulte, l’instrument le plus adapté à l’urgence : ses réactions et ses mimiques au cours de trois
d’attente [8]. matérialisée par une réglette (0 à 100 millimètres) temps :

2
Analgésie en urgence - 8-1025

Tableau I. – Renseignements fournis par la famille.

Les cinq items


Sommeil calme agité
Gravité croissante
très perturbé insomnie

Principes du traitement
antalgique

Traiter la douleur évite ses conséquences


morbides, augmente la confiance des parents et de
Consolabilité facile diffıcile très diffıcile impossible
l’enfant et leur permet d’accepter plus facilement le
Sociabilité sociable grognon irritable refuse tout contact, diagnostic et les traitements proposés.
hostile
‚ Analyser les causes et le contexte
Jeu jeu spontané ne joue que sur baisse activité jeu, désintérêt de tout pour décider très vite du traitement [8]
incitation diffıcile à distraire jeu
– S’agit-il d’un symptôme utile au diagnostic ou
Plaintes nulles indique une locali- demande un traite- plaintes et au suivi sous traitement (exemple : douleur
somatiques sation ment gémissements
abdominale) ? Dans ce cas la douleur est
« respectée » tout en sachant, si possible, l’atténuer.
– S’agit-il d’un symptôme d’accompagnement
Tableau II. – Sémiologie de la douleur du petit enfant. qui ne contribue ni au diagnostic ni au suivi
Les neuf items Gravité croissante thérapeutique (exemple : fracture, brûlure) ? Dans ce
cas, l’idée qui nous a été enseignée que la douleur
Pleurs et cris absence pleurs gémissements épuisé, ne pleure est toujours un « maître symptôme » à respecter
plus
devient erronée. Identifier cette douleur c’est la
Sociabilité contact normal —————————————————————————→ désintérêt traiter.
Expression du détendu et expres- grimace de dou- menton tremblant visage prostré, – S’agit-il d’une douleur liée aux soins, aux
visage sif leur inexpressif examens ? Dans ce cas, elle est iatrogène et doit être
prévue systématiquement et donc prévenue.
Position antalgique pas de position évite une position s’installe dans une cherche en vain
position antalgique une position ‚ Paliers de l’Organisation mondiale
Mobilisation sans douleur mobilisation avec précaution de la santé (OMS) : classification
passive des antalgiques
—————————————→ évitement de toute mobilisation
Choix du palier
Tonus postural adaptation postu- maintenu avec → inadaptation posturale hyper- ou hy- En pratique, dans beaucoup de situations, la
rale effort potonie, rejet en arrière
douleur est manifeste, confirmée par le
Motricité normale agitation, mais → mouvements rares et lents ou immobi- comportement de l’enfant. Ce diagnostic de
spontanée retour au calme lité présomption de douleur suffit pour fixer le palier
Réactions à l’exa- se laisse faire demande précau- réticences, blocage → examen impossi- médicamenteux à prescrire en première intention.
men clinique tions d’examen respiratoire, retient ble (fig 2).
la main
Évaluation de la douleur « résiduelle »
Localisation des pas de zone dou- désigne par gestes description précise du siège
zones de douleur loureuse ou paroles Cette évaluation, après la première prescription,
peut amener à changer de palier. Mais un échec
– dans les bras de sa mère : observation de Tableaux trompeurs [12] thérapeutique (pas d’amélioration de la douleur) doit
l’adaptation posturale, détection des zones faire rechercher une complication passée inaperçue
– En cas de douleur profonde, importante, un
douloureuses au travers des positions antalgiques avant d’augmenter la posologie ou de passer au
état stuporeux et hypotonique proche du coma
au repos, appréciation du tonus et des réactions palier supérieur (exemple : un hématome
vigile peut s’installer chez le bébé, surtout avant 6
affectives à la situation ; compressif, ou un problème tel que vomissement
mois ; exemple : invagination intestinale aiguë dans
– lors du déshabillage de l’enfant par la mère : après prise orale d’antalgique).
sa forme neurologique.
observation des positions antalgiques dans le – La douleur « syncopale » entraîne un malaise, Effet placebo
mouvement, de la mobilité spontanée, des réactions une lipothymie ; exemple : « malaise du nourrisson ». Un placebo est une substance dépourvue de
à la mobilisation (plaintes, raideurs, grimaces) ; – Le grand enfant peut masquer une douleur propriétés spécifiques ou pharmacologiques. L’effet
– sur la table d’examen : confirmation des importante par la maîtrise de soi. placebo est un fait objectif spécialement important
symptômes déjà détectés et recherche plus précise,
repérage de la position dans laquelle l’enfant se met
spontanément.
Palier III
Sémiologie détaillée à l’observation
Antalgiques centraux forts :
du tout-petit
chef de file : morphine
Chez le nourrisson et le nouveau-né, l’analyse est
plus difficile. Palier II
– Observer la pâleur et la qualité de la succion (de Antalgiques centraux faibles :
tranquille et apaisante, elle devient désordonnée, codéine
non calmante, puis « désespérée »). dextropropoxyphène
nalbuphine
– Les troubles du tonus sont évalués au mieux en Palier I
prenant l’enfant dans les bras. Le bébé douloureux Antalgiques périphériques :
ne se love pas, ne se blottit pas, se rejette en arrière : acide acétylsalicylique
les raideurs sont bien perçues par l’examinateur [12]. paracétamol
– La localisation de la douleur est repérée par des AINS
mouvements de frottements, de grattements ou le
2 Paliers de l’OMS : classification des antalgiques.
maintien d’une main immobile.

3
8-1025 - Analgésie en urgence

dans le domaine du traitement de la douleur, il est L’autorisation de mise sur le marché (AMM) a fixé Posologie
déterminé par de nombreux facteurs. L’utilisation à 18 mois l’âge minimal possible pour la prise de ce À adapter au niveau de douleur.
d’un placebo, pour affirmer ou non le diagnostic de produit, mais le Nubaint est utilisé chez l’enfant plus – Par voie orale : soluté buvable, première prise
douleur fonctionnelle, est illusoire ; quelle que soit jeune par de nombreuses équipes. 0,4 mg/kg, l’inconvénient est le délai d’action (60
l’origine de la douleur, organique ou non, environ minutes) ; puis 1 à 4 mg/kg/j en six prises selon
30 % des patients « bénéficient » de l’effet placebo Surveillance
l’intensité de la douleur.
(diminution de plus de 50 % de la douleur). Conscience et fréquence respiratoire avec – Par voie IV : l’inconvénient est l’effet dépresseur
évaluation régulière de la douleur pour adapter la respiratoire possible, l’avantage est l’efficacité
‚ Prescrire le paracétamol
posologie et passer à la morphine si l’analgésie est antalgique. Premier bolus de 0,1 mg/kg puis
Peu toxique, très maniable, c’est l’antalgique de insuffisante. effectuer des réinjections de 0,025 mg/kg toutes les
première intention. Critères d’autorisation de sortie, « aptitude à la 10 minutes jusqu’à ce que le malade se dise
rue » : suffisamment soulagé (c’est la technique de
Voie orale ou rectale
– enfant réveillé ou aisément réveillable (ne se « titration », réalisée au mieux avec l’aide de
Soit 15 mg/kg à renouveler toutes les 6 heures. rendort pas immédiatement) ; l’anesthésiste dans des conditions de surveillance de
Première prise aux urgences : donner une dose de – enfant pouvant répondre à une question, se type « soins intensifs »). Ensuite, l’administration IV
charge : 20 à 30 mg/kg (préconisée actuellement par tenir debout, boire de l’eau. continue est poursuivie sur pousse-seringue (0,5 à
les pharmacologues pour obtenir plus rapidement
1 mg/kg/j) ou au mieux, à l’aide d’une pompe
une concentration efficace). Délai d’action : 30 Surdosage programmable autocontrôlée chez le grand enfant
minutes.
L’antidote (Narcan t ) n’est presque jamais (PCA).
Voie intraveineuse (IV) nécessaire.
Surveillance
Propacétamol : Pro-Dafalgant : 30 mg/kg en
Association aux benzodiazépines IV – Évaluation de la douleur pour adapter la
perfusion de 15 minutes (diluer car l’injection est
Elle est déconseillée aux urgences sauf si une posologie.
douloureuse), à renouveler toutes les 6 heures.
surveillance intensive est assurée, une majoration du – Conscience et fréquence respiratoire toutes les
‚ Prescrire le Nubaint risque de dépression respiratoire étant possible. heures : scope respiratoire et saturomètre sont utiles
lors du traitement IV. La fréquence respiratoire doit
C’est un antalgique morphinique de puissance
Inefficacité rester supérieure à 10 après 5 ans, supérieure à 15
intermédiaire, très utile en urgence.
Si l’analgésie est insuffisante, il est possible entre 1 et 5 ans, supérieure à 20 avant 1 an. L’enfant
Indications d’employer les morphiniques agonistes plus doit rester réveillable facilement, répondant à une
Douleur modérée à sévère [4, 15] : traumatisme puissants (morphine, fentanyl) même sans délai. stimulation verbale.
(fracture) ; douleur préopératoire (et postopératoire) :
‚ Prescrire la morphine Surdosage
prescription par l’anesthésiste ; soins douloureux,
mobilisation, pansement, suture, soin de brûlure ; Bradypnée et somnolence s’aggravent ensemble.
C’est l’antalgique le plus puissant préconisé aux
toute pathologie médicale douloureuse nécessitant Stimuler et oxygéner le patient puis recourir à
urgences pédiatriques [4, 15, 21]. L’administration
un morphinique. l’antidote, le Narcant (1 ampoule =1 mL = 0,4 mg) :
intraveineuse requiert impérativement des
injecter IV 4 µg/kg, répéter si besoin puis réévaluer la
conditions de surveillance strictes pour garantir la
Effets indésirables minimes situation pour reprendre si nécessaire le traitement à
sécurité [1, 6].
– Nausées. dose moindre.
– Somnolence. Indication (rare)
En

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