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O.N.G.

SANTE + HUMANIITUS
CELLULE SANTE MENTALE – BIEN-ETRE ET PSYCHOTHERAPIE
Récépissé N° : 1271/MI/SG/BMB du : 10/10/2022
Avis de Reconnaissance Technique N° : 00163/MSAF/SG/DGPDOASPS du : 07/06/2022

PUBLICATION :
Titre : Inobservance aux traitements antituberculeux par les patients traités à
l’hôpital spécialisé de NKEMBO à Libreville : facteurs Psycho-sociaux.

Auteurs : Pierre MBELE MBOUNGOU, Psychologue Clinicien-Psychothérapeute


Spécialiste en neuropsychologie clinique
Responsable du Service des Affaires social du Centre Hospitalier Universitaire Mère et Enfant
(CHUME) Fondation Jeanne Ebori

Libreville, janvier 2024

1
Résumé :
Bien que le traitement antituberculeux soit gratuit sur l’ensemble du territoire gabonais et
particulièrement pour les patients suivis au Centre de Diagnostic et de traitement de la
Tuberculose (CDT) de l’hôpital spécialisé de Nkembo, on constate que des nombreux malades
soit près de 46%1 selon les données du Programme National de lutte contre la Tuberculose
(PNLT) sont perdus de vue. Sur le plan national on parle de 36%2 le taux des perdus de vue.
La présente étude a pour objectif de mettre en évidence les facteurs psycho-sociaux de
l’inobservance au traitement antituberculeux par les patients suivis au CDT de l’hôpital
spécialisé de Nkembo et de proposer des stratégies pour lutter contre ce phénomène.
L’enquête qui a porté sur un échantillon de dix (18 ) malades ayant abandonnés leur traitement
depuis plus de deux mois, à l’aide des entretiens semi-directifs a permis de relever les facteurs
déterminants dans un pays où le traitement de la tuberculose est gratuit, conduisant à un
phénomène inquiétant de l’inobservance au traitement antituberculeux.
D’une manière générale, on retiendra que La peur de la discrimination, du rejet, de la
stigmatisation, l’incrimination des forces mystico-spirituelle dans l’origine de la maladie, la
honte, la gêne et l’inquiétude constituent les principales éléments qui expliquent ce phénomène.
Il y a donc urgence de mettre en place des stratégies pouvant réduire ce phénomène si l’on veut
lutter contre la tuberculose au Gabon et avoir un taux élevé de succès thérapeutique. La
sensibilisation sur la maladie, les causeries éducatives en petit groupe et l’éducation
thérapeutique peuvent aider à réduire de manière significative ce phénomène.
Mots-clés : Inobservance, facteurs psycho-sociaux, tuberculose, éducation thérapeutique,
représentations socioculturelles, perdu de vue, irrégulier au traitement, observance.
Introduction :
La tuberculose à la différence des autres maladies connues depuis de longues années, a
bouleversé les habitudes en matière de prise en charge des malades. En effet, cette maladie
grave a mis à nu non seulement les limites de nos systèmes de santé mais, elle a aussi souligné
aux yeux de l’humanité l’indispensable nécessité de prendre en compte la dimension
psychosociale, socio-économique et socioculturelle de la prise en charge des personnes atteintes
de celle-ci.

1
OMS (2005) : STRATEGIE DE COOPERATION DE L’OMS AVEC LES PAYS : GABON P.12
22
https : // www. Cemel.org pdf WHO Global Tuberculosis Report 2014. Profil TB Gabon, OMS 2014.
Page 17. Notification des cas de TB au Gabon (2003-2013)

2
La prise en charge de la tuberculose devrait ainsi sortir du cadre purement médical ; la meilleure
approche doit être multidisciplinaire intégrant des domaines de compétences aussi variés que
complémentaire, tels que les dimensions somatiques, psychologiques, sociales, culturelles et
économiques du malade.
A l’hôpital spécialisé dans le traitement de la tuberculose de Nkembo, le phénomène de
l’inobservance au traitement est de plus en plus récurent bien que le traitement soit gratuit. Il
réduit le taux de succès thérapeutique, augmente le nombre de décès, le nombre des cas des
tuberculoses à bacilles multi-résistants et le nombre des personnes contaminées. C’est pourquoi,
afin d’améliorer l’observance au traitement, il est urgent qu’une étude soit menée afin de mieux
comprendre et bien appréhender ce phénomène dans ce contexte gabonais et proposer des
solutions qui permettrons d’amener les malades à suivre leur traitement jusqu’à terme.
En effet, La problématique de l’inobservance au traitement est un thème ancien des milieux
thérapeutiques. Notamment le milieu médical. Il est à l’heure actuelle une source de recherche
scientifique pour les spécialistes des sciences humaines et sociales. Ainsi, des études ont été
menées par des chercheurs en sciences humaines et sociales qui s’intéressent aux maladies à
retentissement sociales telles que la lèpre, la trypanosomiase, le VIH/SIDA, la tuberculose, etc.
Pour notre part, nous allons nous intéresser sur ceux menées sur la tuberculose.
Tout d’abord, soulignons cette étude menée par l’OMS au cours de l’année 2001sur la
situation de la tuberculose au Gabon. Celle-ci avait permis de constater que le taux des malades
tuberculeux avait augmenté de plus de 50%, soit 52, 75% par rapport à son chiffre initial de
1990. L’hypothèse que cette situation été due au fait que les malades n’arrivent pas à se soigner
correctement, faute de moyen avait été retenue. Ainsi, une étude a été menée pour mettre en
évidence la situation critique dans laquelle se trouverait le Gabon si rien n’est fait pour stopper
la propagation de cette maladie. Les résultats de celle-ci publiée en 2005 dans STRATEGIE DE
COOPERATION DE L’OMS AVEC LES PAYS : GABON ont révélé qu’au Gabon, « le taux des
malades dépistés positifs de la tuberculose était passé de 1386 cas en 1990 à 2627 cas en 2001.
Et seulement 22% des malades bénéficient de la couverture DOTS (traitement de brève durée
sous surveillance directe) »3. Cette recrudescence de la tuberculose serait liée, selon cette
dernière à trois principales causes : «
- la pauvreté ;
- le VIH/SIDA ;
- l’inobservation au traitement antituberculeux ».4

3
OMS (2005) : STRATEGIE DE COOPERATION DE L’OMS AVEC LES PAYS : GABON P.12
4
OMS (2005) Idem.

3
Soulignons que cette étude a été réalisée à l’aide des données statistiques recueillies auprès
des Centres de Diagnostic et de traitement de la Tuberculose (CDT) fonctionnels au Gabon et
des centres hospitaliers de chaque province du pays. Les entretiens menés par les agents de
l’OMS avec le personnel médical posent l’inobservance au traitement antituberculeux comme
l’un des problèmes majeur au suivi de celui-ci. En effet, « près de 46% des malades selon le
PNLT sont déclarés perdus de vue et un malade sur deux est irrégulier au traitement ».5
Celle-ci nous a donc permis de constater que bien que la pauvreté, facteur économique, est
souvent mise en cause dans beaucoup des maux qui minent les peuples africains, d’autres
facteurs souvent négligés peuvent jouer un rôle déterminant dans l’origine ou l’explication d’un
phénomène. Ainsi, on peut noter que le problème de la recrudescence de la tuberculose n’est
pas seulement lié à la pauvreté mais aussi à d’autres facteurs tels que l’inobservance du
traitement qui constitue la principale cause d’échec thérapeutique. Par ailleurs, l’inobservance
en lui-même constitue aussi un problème dont il convient d’identifier les facteurs explicatifs.
Dans cette perspective, la Direction Générale de la Santé de France en collaboration avec
l’Institut Nationale des Sciences et de Recherche Médicale Française (INSERM) sous la
direction du professeur Lucien Behaim, a publié en mars 2003 une étude sur ce phénomène.
Celle-ci s’est intéressée particulièrement à l’évaluation des différentes formes d’interventions
destinées à lutter contre l’inobservation et à limiter les risques d’échappement thérapeutique.
S’appuyant sur les résultats d’entretiens semi directifs, effectués auprès des patients mis sous
traitement antituberculeux en Guyane Française, des données statistiques de l’évolution de ce
phénomène dans cette colonie et partant de l’hypothèse selon laquelle l’inobservance serait due
à des facteurs psychologiques dont il convient d’identifier et de singulariser. Ils ont observé que
le taux des malades perdus de vue dans cette région française allait de 20 à 30 % des malades
mis sous traitements antituberculeux6. Les principales causes évoquées dans ces cas d’abandon
du traitement sont : les migrations vers des zones d’emploi, les pressions sociales
(stigmatisation, discrimination, rejet, méfiance, etc.) et la peur de la perte de son emploi7. Cette
étude vient confirmer l’inobservance comme le principal problème au suivi du traitement
antituberculeux. De plus, elle nous apporte des éléments nouveaux sur cette inobservance, à
savoir le rôle des facteurs économiques et psychosociaux dans la survenu de ce phénomène.
Toutefois, même si l’étude ne nous dit pas si les facteurs Psychologiques jouent un rôle

5
OMS (2005) Ibid
6
DIRECTION GENERALE DE LA SANTE et l’INSERM : Analyse des connaissances disponibles sur des
problèmes de santé sélectionnés, leurs déterminants, et les stratégies de santé publique, 2003, P. 247-250
7
DIRECTION GENERALE DE LA SANTE et l’INSERM. op. cit. P. 250-252

4
déterminant dans la survenue de ce problème, elle met au moins en évidence ces dernières parmi
les éléments explicatifs de celui-ci.
Cependant, celle-ci ne nous renseigne pas sur les représentations de la maladie par ces
populations ni sur son vécue par les malades.
C’est dans cette logique que Jaffré Y et Olivier de Sardan J. ont réalisé une étude publiée
en 1999 dans leur ouvrage intitulé la construction sociale des maladies, notamment celle de la
tuberculose en Guinée Conakry. Celle-ci avait pour but d’analyser les représentations
populaires de la tuberculose, le vécu de cette maladie par les malades et la relation entre ces
facteurs et la non observance du traitement. L’étude menée à l’aide des entretiens semi-directifs
avec les populations guinéennes et certains malades tuberculeux, montre que : les
représentations de la maladie sont perçues différemment, selon que l’on soit ou non malade ou
que l’on ait connu quelqu’un qui a souffert de cette maladie ou que l’on ait un niveau
d’instruction élevé. Ainsi, les chercheurs ont constaté que « les personnes ayant un niveau
d’étude très élevé avaient une représentation de la maladie plus ou moins proche de la réalité »8.
Autre fait, l’étude montre que « les populations ou les personnes enquêtées prennent souvent
les symptômes pour la cause de la maladie et établissent une relation entre le symptôme ou
l’entité ressentie et la tuberculose »9. De ce fait, dans la représentation populaire un paludisme
précédant une tuberculose est automatiquement lié à celle-ci. Du point de vue psychologique,
« la tuberculose est une maladie qui fait peur, et génère une forte angoisse chez les sujets atteints
de celle-ci et une peur d’être contaminée de la part des parents ou ami(s) de ce dernier »10. C’est
pourquoi, certains parents abandonnent leurs malades à l’hôpital par peur d’être contaminé et
d’autres estimaient que s’il a attrapé la tuberculose c’est lui-même qui l’a « cherché », allusion
faite au non-respect des normes sociales de la part de certains malades.
Enfin, notons les travaux réalisés par Cyr Voisin, publié en 1995 aux éditions Hauts de
France, dans son ouvrage intitulé, TUBERCULOSE : parcours imagé. Ce dernier, cherche à
travers cette étude à identifier les facteurs psychosociaux déterminants dans la survenue de
l’inobservance aux traitements antituberculeux en Guinée. A l’aide d’entretien semi directifs
réalisés auprès des malades en situation de rechute et des personnels de santé (médecins,
infirmiers et infirmières), le chercheur évoque avec ces derniers « les raisons des arrêts
temporaires ou définitifs du traitement par les malades »11.

8
Jaffré (Y) Sardan(o), op. cit. P.157
9
Jaffré (Y) Sardan(o), op. cit. Iem
10
Jaffré (Y) Sardan(o), op. cit. P. 58
11
Voisin (c) : TUBERCULOSE : Parcours Imagé, Tome II, Paris, Haut de France, 1995, P. 117-120

5
Partant de l’hypothèse selon laquelle, ces arrêts seraient dus aux représentations
socioculturelles que les populations se font de la maladie, conduisant ces dernières vers la
recherche d’autres types de traitements, au détriment des chimiothérapies prescrites par
l’hôpital. Le chercheur note que : « la principale raison évoquée par les malades réside
essentiellement de leurs perceptions de la maladie et de la guérison »12.
Cette étude présente un grand intérêt pour nous, car nous pensons que parmi les facteurs
explicatifs fondamentaux de l’origine de l’inobservance aux traitements antituberculeux il y a
la perception que les malades ont de leur maladie, de la guérison mais aussi et surtout le vécue
de cette maladie par nos populations qui rattachent généralement les causes de leurs souffrances
à une attaque mystico-occulte, recourant ainsi aux pasteurs des églises dites de réveilles ou aux
tradipraticiens. Notre étude permettra donc d’identifier dans le cas spécifique du Gabon et
particulièrement des malades traités à l’hôpital spécialisé de Nkembo les facteurs
psychologiques, sociologiques et culturels déterminants, permettant d’expliquer la survenue de
l’inobservation aux traitements antituberculeux et d’y tenter de mettre en place une stratégie de
lutte contre ce phénomène.
Nul ne peut aujourd’hui contester l’importance dans la prise en charge d’un malade de la
relation entre ce dernier et son médecin. Cette relation médecin-malade, loin de se limiter à ces
deux seuls antagonistes implique bien d’autres éléments qu’il est tout aussi important de
prendre en considération. En effet, dans les cas des maladies graves telles que la tuberculose,
la lèpre, le cancer ou le VIH/SIDA, une bonne prise en charge nécessite aussi bien l’action du
médecin, du psychologue que du travailleur social.
Selon Jaffré Y. et Olivier Sardan J. « les représentations populaires des maladies, dans chaque
culture, sont les représentations largement partagées par lesquels les différentes maladies sont
dites et décrites, aux seins de la grande majorité de la population, telles que l’on peut facilement
les identifier ou les solliciter dans les discours de tout un chacun »13.
Ainsi, on note qu’en occident, notamment en France par exemple les maladies graves ou les
maladies à retentissement social élevé telles que le sida, la tuberculose ou les cancers soulèvent
de plus en plus des problèmes de vécu psychologique de celle-ci. Ainsi, chez ces derniers, on
constate que la maladie se caractérise « par trois éléments : le rétrécissement de l’univers,
l’égocentrisme et une attitude faite à la fois de tyrannie et de dépendance. »14.

12
Voisin (c): op. cit. 117-120
13
Jaffré (Y) Sardan(o) : La construction sociale des maladies, Paris, PUF. 1999, P.20
14
Delay (J) et Pichot (P) : Abrégé de psychologie, Paris, Masson, 1990, P.427

6
Aux Etats Unis d’Amérique on parle plutôt de stress psychologique et de stress sociaux. Avec
pour symptômes observés dans le stress psychologique « la peur, l’anxiété et la dépression »15
et pour le stress social « la stigmatisation, le rejet, l’abandon, l’isolement »16
En Guinée, la tuberculose quant à elle, est assimilée à : « -une maladie de la mauvaise toux
qui est grave et qui fait maigrir ; - une maladie synonyme du sida ; - l’aboutissement d’un palu
chronique ; - un sortilège lancé par un jaloux (sorcier, parent, collègue, etc.)17 ; - une maladie
divine pour nous punir de nos fautes, etc »18.
Outre cet aspect, il y a que la tuberculose comme toutes maladies chroniques à un traitement
qui s’inscrit dans la durée. Maladie à résonnance sociale élevée, elle met face à face des malades
souvent incapables de subvenir à leurs besoins vitaux, et un environnement social difficile.
Dans ce contexte, Hane (F) et all, pense que « la tuberculose pose des réels problèmes sociaux,
économiques et psychologiques devant lesquels la médecine et la santé publique sont
désarmées »19. C’est pourquoi, ils estiment qu’en Afrique et particulièrement en Guinée le fait
d’avoir la tuberculose expose à la pluralité des risques sociaux. Car le niveau actuel de
connaissances et des représentations de la population sur cette maladie, n’est pas favorable pour
empêcher cette situation. De plus, un autre risque, et non de moindre pour le tuberculeux réside
dans le fait, qu’en « plus de la perte de confiance vis-à-vis de son environnement social, il est
à tout moment exposé à perdre son emploi, ce qui pourrait compliquer sa situation socio-
économique ».20
Aussi, Bruno Dujardin prolongeant la réflexion dans le même sens écrit que « la santé ne se
réduit pas à la prise en charge des seuls aspects de problèmes de santé. Tous les aspects
psychosociaux et autres déterminants de la santé (facteurs culturels, économiques,
environnementaux, politiques…) font partie intégrante des préoccupations des professionnels
de la santé intéressés par l’amélioration du fonctionnement des systèmes de santé. »21.
Au Gabon, notamment au CDT de l’hôpital spécialisé de Nkembo on note que certains malades
dépistés comme tuberculeux et pris en charge gratuitement abandonnent leurs traitements après
les deux premiers mois de soins intensifs. D’autres continuent à le prendre mais sont irréguliers.

15
Haack (J) et Ungvarski, (J) : HIV/SIDA, Le guide de l’équipe soignante, Paris, Bayard, 1994, P.290
16
Haack (J) et Ungvarski, (J) Idem.
17
Jaffré (Y) Sardan(o), op. cit. P.157
18
Jaffré (Y) Sardan(o), op. cit. P.157
19
L’harmattan, 2005, P.255
20
Hane (F). et all, op. cit. Idem.
21
Bruno Dujardin : Politique de santé et Attentes des patients. Vers un nouveau dialogue, Paris, Karthala,
2003, P.289.

7
Les agents du service social sont souvent sollicités à chaque fois pour les retrouver afin de les
remettre sous traitement. Par ailleurs, on note de plus en plus des cas de tuberculose familiale
avec des familles où l’on retrouve plus de trois (3) cas de tuberculose. Souvent liés à un malade
qui n’a pas suivi correctement son traitement où l’a abandonné en cours, croyant qu’il était déjà
guéri. D’où notre inquiétude. Celle-ci nous a donc conduit à nous interroger sur ce phénomène
de plus en plus récurent dans cette structure hospitalière afin d’y apporter une solution.
L’inobservance au traitement antituberculeux serait donc pour notre part liée à une combinaison
des facteurs psychologiques, sociologiques et culturels qui ont un rôle déterminant.
Autrement dit, la peur de la discrimination, de la stigmatisation et du rejet, l’incrimination
des forces occultes dans l’origine de la maladie Les sentiments de honte, de culpabilité, et
l’inquiétude amènerait les patients à fréquenter de moins en moins l’hôpital spécialisé de
Nkembo à abandonner le traitement médical, à rechercher des traitements mystico-spirituel
chez des pasteurs des églises dites de ‘’réveilles’’ et/ou chez des tradipraticiens et à ne plus
suivre correctement leur traitement.
Méthodologie
Il est indispensable de présenter avec précision la population sur laquelle les enquêtes ont été
menées. Dans la non observance à l’hôpital spécialisé de Nkembo nous avons deux cas de
figure : les malades irréguliers qui viennent prendre le traitement et lorsqu’ils se sentent bien
après une ou deux semaines de traitement ne viennent plus. Puis, reviennent quelques jours
après lorsque les symptômes réapparaissent. Ils n’arrêtent pas définitivement le traitement mais
ne suivent pas les recommandations du médecin et ne le prennent pas chaque jour comme
recommandé. Aux traitements et les malades qui l’on complètement abandonné souvent appelé
les perdus de vue. Il s’agit des malades qui ont abandonné le traitement depuis au moins deux
mois. C’est donc ces malades perdus de vue qui ont constitué notre population d’étude. Nous
avons environs cinquante (50) malades mis sous traitement antituberculeux par mois. Sachant
que le taux de perdu de vue sur le plan national selon l’étude menée par le Dr Marguerite
Massinga Loembé et Pr Martin Grobusch est de « 36% »22, nous avons calculé la population
qui allait constituer notre échantillon. En prenant les 36% de 50 nous avons 18 patients perdus
de vue que nous avons dû retrouver et à qui nous avons administré notre outil d’enquête. Avec
l’aide des agents sociaux de l’hôpital, nous avons pu retrouver dix-huit (18) patients qui avaient
abandonné leur traitement depuis déjà plus deux mois au moment de notre étude.

22
https : // www. Cemel.org pdf WHO Global Tuberculosis Report 2014. Profil TB Gabon, OMS 2014. Page
17. Notification des cas de TB au Gabon (2003-2013)

8
Pour notre enquête, nous avons utilisé un entretien semi directif avec un guide d’entretien
comprenant trois (3) thèmes :
- le vécu psychologique de la tuberculose et de son traitement ;
- les représentations socioculturelles de celle-ci ;
- les facteurs sociaux liés à cette maladie.
Ceux-ci nous ont permis de cerner un fait, de faire ressortir chez le sujet tous les problèmes
aussi bien d’ordre psychologique, social, que culturel.
Nos données ont été traitées à partir d’une analyse de contenu thématique, une technique qui
permet de déceler dans le message de chaque sujet le thème principal en vue d’en tirer « ce qu’il
contient de significatif par rapport aux objectifs de la recherche »23. Elle permet donc de décrire
les données recueillies à travers une description systématique et qualitative
il s’est agi de faire ressortir de chaque résumé de nos entretiens, le mot clé ou le groupe de mot
répondant à un thème donné ( facteur explicatif de l’inobservance) et permettant ainsi
d’affirmer ou d’infirmer la validité de celui-ci dans notre hypothèse et partant de l’hypothèse
tout entière
Résultats
De nos entretiens, on relève :
- quatre (4) types de représentations socioculturelles de la tuberculose : une maladie causée par
la fumée et guérissable, une maladie due à un microbe, une maladie mystique ou divine, une
maladie transmise par les fumeurs.
- trois (3) facteurs sociaux : la discrimination, la stigmatisation et le rejet.
- quatre (4) facteurs psychologiques : la honte, la gêne, l’inquiétude et la peur.
Discussion
Le suivi du traitement de la tuberculose pose l’inobservance au traitement comme l’un des
problèmes majeur dans tous les pays où l’on retrouve encore cette pandémie. En occident, ce
phénomène est lié à des facteurs psychosociologiques. Le stress psychologique et social est
souvent mis en cause dans la survenue de l’inobservance au traitement antituberculeux. En
Afrique, notamment en Afrique de l’ouest, ce sont les facteurs culturels et l’ignorance qui sont
souvent mis en cause. Dans cette perspective, nous avons voulu savoir dans le cas spécifique
de l’hôpital spécialisé de Nkembo de Libreville, situé en Afrique en centrale, plus précisément
au Gabon, quelles seront les facteurs explicatifs de ce phénomène. Ainsi, l’hypothèse selon

Muccuelli, (R) : L’analyse de contenu des documents et des communications entreprises modernes, Paris,
23

ESF, 1974, P.121

9
laquelle l’inobservance aux traitements antituberculeux à l’hôpital spécialisé de Nkembo serait
liée à une combinaison des facteurs psychologiques, sociologiques et culturels a été retenue. Ce
travail dont l’objectif était d’identifier les causes de l’inobservance aux traitements
antituberculeux et d’améliorer l’observance de celui-ci chez les malades suivi au CDT de
l’hôpital spécialisé de Nkembo nous a permis d’aboutir au résultat suivant. La peur de la
discrimination, du rejet, de la stigmatisation, l’incrimination des forces mystico-spirituelle dans
l’origine de la maladie, la honte, la gêne et l’inquiétude amènerait les malades à fréquenter de
moins en moins l’hôpital de Nkembo, à abandonner le traitement médical et à rechercher des
traitements mystico-spirituel chez des tradipraticiens, ou les pasteurs des églises dites « de
réveilles » et à ne plus suivre correctement leur traitement. Ainsi, notre hypothèse de départ se
trouve alors confirmée. Autrement, dit l’inobservance au traitement antituberculeux au CDT de
l’hôpital spécialisé de Nkembo est liée à une combinaison des facteurs culturel, social et
psychologique. Ces facteurs ont été mis en évidence à partir des entretiens semi-directifs que
nous avons menés à l’aide d’un guide d’entretien comprenant trois thèmes, avec des malades
tuberculeux suivi au CDT de l’hôpital spécialisé de Nkembo, ayant abandonnés leur traitement
depuis au moins deux mois.
Aussi, nous estimons que ces résultats peuvent être généralisés dans la quasi-totalité des cas
d’inobservance aux traitements antituberculeux constaté au Gabon. Car, ce traitement est gratuit
sur toute l’étendue du territoire national. De plus, le malade reçoit une fois par mois l’ensemble
du traitement. Ce qui permet d’éviter les problèmes de déplacement des malades.
Conclusion
Cette étude a pour objectif de comprendre les facteurs explicatifs de l’inobservance au
traitement antituberculeux par les patients suivis au CDT de l’hôpital spécialisé de Nkembo et
de proposer des stratégies permettant de lutter contre phénomène. A l’aide des entretiens semi-
directifs menées avec des malades ayant abandonnés leur traitement depuis déjà deux mois et
retrouver par les agents sociaux de cet hôpital, nous avons pu observer qu’effectivement
l’inobservance dans ce contexte est lié à la combinaison des facteurs sociologiques,
psychologiques et culturels. De plus, le manque d’un véritable plan de suivi des malades en
cours de traitement accentue et favorise ce comportement.
Afin d’apporter une solution à ce problème, nous pensons que la sensibilisation des populations
sur la maladie, les causeries éducatives dans les quartiers et l’éducation thérapeutique des
malades sont des techniques qui peuvent aider de manière efficace à réduire ce phonème.

10
Références bibliographiques

I. Dictionnaires et encyclopédies
 Dictionnaire encyclopédique Hachette, 2001, Paris.
 Dictionnaire Petit Larousse compact : 1997, Paris.
 Encyclopédie des connaissances actuelles : Médecine primitive, Philipe Auzou. 1987.
 Piéron (H) : Vocabulaire de la psychologie, Paris, PUF, 1979.
II. Ouvrages
 Analyse anthropologique de la tuberculose en Guinée Conakry(2006).
 Bardin (L) : Analyse de contenu, Paris, PUF, 1998.
 Blanchet (A) et all : L’entretien dans les sciences sociales, Paris, Dunod, 1985.
 Bruno Dujardin : Politique de santé et Attentes des patients. Vers un nouveau dialogue,
Paris, Karthala, 2003.
 Byrond Good : Comment faire de l’anthropologie médicale ? Médecine, rationalité et
vécu. Institut Synthélabo, PUF, 1998.
 Delay (J) et Pichot (P) : Abrégé de psychologie, Paris, Masson, 1990.
 Haack (J) et Ungvarski, (J) : HIV/SIDA, Le guide de l’équipe soignante, Paris, Bayard,
1994.
 Hane (F). et all, Les professionnels de la santé en Afrique de l’ouest entre savoirs et
pratiques, Paris, L’harmattan, 2005.
 Jaffré (Y) Sardan(o) : La construction sociale des maladies, Paris, PUF. 1999.
 Jodelet, (D) : Les représentations sociales. Paris, PUF, 1994.
 Muccuelli, (R) : L’analyse de contenu des documents et des communications entreprises
modernes, Paris, ESF, 1974.
 Voisin (c) : TUBERCULOSE : Parcours Imagé, Tome II, Paris, Haut de France, 1995.
III. Revues
 DIRECTION GENERALE DE LA SANTE et l’INSERM : Analyse des connaissances
disponibles sur des problèmes de santé sélectionnés, leurs déterminants, et les stratégies
de santé publique, 2003.
 OMS : STRATEGIE DE COOPERATION DE L’OMS AVEC LES PAYS : GABON,
Brazzaville, 2005.
 Programme de la Tuberculose, OMS : Administrer le traitement, 2003.
 REACH G. : Application de la théorie causale de l’action à l’analyse de la non-
observance thérapeutique. LA PRESSE MEDICALE, vol. 29, n°35, 2000.

11
Remerciements
Je remercie le Docteur NTOUNG MVE Médard, Directeur du PNLT pour sa disponibilité à
répondre à nos multiples interrogations et pour les corrections apportées à ce travail.
Je remercie tous les psychologues ayant participé à cette étude. Ce fut un réel plaisir et un grand
privilège de travailler à vos côtés tout au long de cette étude, puis de vous savoir toujours
présents et prêts à épauler un collègue dans son parcours professionnel et scientifique. Encore
Merci !
Je remercie également tous les agents du service Social de l’Hôpital Spécialisé de Nkembo,
notamment la responsable du service qui nous a permis d’utiliser leur bureau pour que moi et
mes collègues psychologues pussions mener nos entretiens avec les malades.
Annexe

Tableau N° 1 : Récapitulatif des représentations socioculturelles de la tuberculose


DIMENSION INDICATEURS
Une maladie causée par la fumée et guérissable
SOCIOCULTURELLES une maladie due à un microbe
une maladie mystique ou divine
une maladie transmise par les fumeurs
Source : notre enquête

Tableau N°2 : Récapitulatif des facteurs sociaux de la tuberculose

DIMENSION INDICATEURS
La discrimination
SOCIALE La stigmatisation
Le rejet
Source : notre enquête

Tableau N° 1 : Récapitulatif des facteurs psychologiques de la tuberculose

DIMENSION INDICATEURS
La honte
PSYCHOLOGIQUE La gêne
L’inquiétude
La peur
Source : notre enquête

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