Vous êtes sur la page 1sur 7

ARTICLE ORIGINAL

Analyse qualitative de l’offre pour la


prévention et la prise en charge de la
drépanocytose à Bruxelles
Qualitative analysis of the offer for prevention and caring of
sickle cell anaemia in Brussels
M. Coppieters1, I. Godin1, Y. Coppieters1 et B. Gulbis2
1
Département d’Epidémiologie et de Promotion de la Santé, Ecole de Santé Publique, ULB,
2
Département de Chimie Médicale, Hôpital Erasme

RESUME ABSTRACT

La drépanocytose est la première maladie génétique Sickle cell disease (SCD) is the first genetic disease
au monde et reste largement méconnue du grand in the world and remains largely ignored by the
public, mais aussi des professionnels de la santé. population but also by health professionals. SCD is
La drépanocytose est caractérisée par une characterized by a variable clinical expression,
expression clinique variable d’un individu à un however most of the patients are at risk to develop
autre ; néanmoins, les patients atteints sont à risque acute and severe complications conducting to a
de développer des complications aiguës et sévères fatal issue.
les exposant en permanence à un risque vital. Cette This study develops a qualitative approach to
étude a comme objectif d’analyser qualitativement analyze the adequacy between the services offered
l’adéquation entre l’offre de services pour la for those patients in Brussels and the sociocultural
drépanocytose à Bruxelles et les caractéristiques characteristics of the target population and more
socioculturelles de la population cible et plus specifically of the migrant population originating of
spécifiquement de la population migrante originaire sub-saharan Africa which is the most concerned. To
d’Afrique sub-saharienne qui est la région la plus have a global vision of the preventive and care
concernée. Afin d’avoir une vision globale de l’offre services provided for SCD in Brussels, semi-
de services de prévention et de soins pour la structured interviews were conducted with health
drépanocytose à Bruxelles, des entretiens semi- professionals and patients associations. The results
dirigés ont été menés auprès de professionnels de were analyzed to determine if they match the
la santé et du milieu associatif. Ils ont été analysés expectations of health professionals and audiences
afin d’établir s’ils correspondent aux attentes des across the voluntary sector. The results show the
professionnels de la santé et des publics cibles à absence of a real recognition at the national level
travers le milieu associatif. Les résultats ont mis en of sickle cell anaemia, a deficit in psychosocial care
évidence l’absence de reconnaissance réelle de la of patients and their families. SCD is often
problématique de la drépanocytose au niveau considered by the African community as a disease
national ainsi qu’un déficit au niveau de la prise en of the curse which has to be hidden. To the physical
charge psychosociale des patients drépanocytaires pain and multiple organ complications one must add
et de leurs proches. La drépanocytose est souvent a psychological distress that patients drive back
considérée par cette communauté africaine comme into silence. The management of this disease
étant une maladie de la malédiction dont il faut therefore requires a dedicated approach. With the
cacher l’existence. Aux douleurs physiques et aux exception of newborn screening performed in all
multiples complications organiques vient s’ajouter maternity hospitals in Brussels and Liège, there is
une souffrance psychique que les patients refoulent no specific measure for the management of SCD in
dans le silence. La prise en charge de cette maladie Belgium.
nécessite donc une approche particulière. A
l’exception du dépistage néonatal systématique Rev Med Brux 2011 ; 32 : 139-45
réalisé dans les maternités bruxelloises et
liégeoises, il n’existe aucune mesure particulière Key words : sickle cell anaemia, management,
pour la prise en charge de la drépanocytose en psychosocial care, screening, Brussels
Belgique.

Rev Med Brux 2011 ; 32 : 139-45

Rev Med Brux - 2011 139


INTRODUCTION compte 1 cas de mucoviscidose dépisté pour
3.000 naissances8. Sur le plan des croyances et des
La drépanocytose est la maladie génétique la représentations de cette maladie dans les populations
plus répandue du globe1. A l’origine, la distribution de d’origine africaine, la drépanocytose revêt un caractère
l’hémoglobine S (HbS) est liée à celle du Plasmodium quelque peu mystique, proche du tabou. Cause d’une
falciparum, parasite transmetteur du paludisme, que l’on for te mortalité infantile et d’une morbidité élevée
trouve essentiellement en Afrique sub-saharienne, mais souvent incomprise par les proches, elle est
aussi au Moyen-Orient, en Inde et également dans le généralement assimilée à une malédiction qui s’abat
bassin méditerranéen1. L’HbS s’étend sur l’ensemble sur la famille 10. Le déni ainsi que les explications
du continent africain avec une prévalence qui diminue irrationnelles sur l’origine de la maladie constituent une
vers le Nord et vers le Sud. En Afrique du Nord, la sorte de refuge pour éviter le rejet et l’exclusion sociale.
prévalence des porteurs sains de l’hémoglobine S varie Par ailleurs, selon certains auteurs, la connotation
de 1 à 2 % alors qu’en Afrique sub-saharienne, elle négative reliée à cette maladie trouverait en partie son
peut atteindre les 40 % pour l’ensemble de la origine dans l’histoire des populations noires et de
population1,2. Dans la péninsule ibérique, le Sud de l’esclavage. En effet, la drépanocytose a souvent servi
l’Italie et la Grèce, cette fréquence varie de 1 % à comme argument ségrégationniste tant pour les Blancs
4,5 %. En dehors des zones impaludées, la que pour les Noirs11. Afin de répondre au mieux aux
drépanocytose se retrouve aussi dans les régions où attentes des patients drépanocytaires et de leurs
sont concentrées les populations d’origine africaine proches, l’offre de services qui leur est proposée devrait
issues de la traite négrière ainsi que des migrations tenir compte des particularités tant médicales que
plus récentes consécutives à la décolonisation, aux socioculturelles liées à cette pathologie ainsi que de
guerres et à la situation économique défavorable dans son retentissement psychologique, social et
les pays d’origine. La drépanocytose se retrouve donc communautaire. Face à une pathologie si lourde tant
aux Antilles, en Amérique du Sud (Brésil, Cuba), en sur le plan physique, psychique, moral que social,
Amérique du Nord essentiellement chez les Noirs l’objectif de notre étude est d’analyser, suivant une
américains, et dans les Caraïbes. Aux Etats-Unis, les approche qualitative, l’adéquation entre l’offre de
porteurs sains de l’hémoglobine S constituent environ services pour la drépanocytose et les caractéristiques
8 % de la population noire3. socioculturelles de la population cible, qui, dans le
cadre de notre étude, se limite à la population migrante
A la première moitié du XX ème siècle, la originaire de l’Afrique sub-saharienne étant prise en
drépanocytose était considérée comme une maladie charge à Bruxelles.
exogène et exceptionnelle en Europe. L’immigration
durant ces dernières décennies des populations issues METHODOLOGIE
des principales zones à risque citées, est à l’origine de
l’introduction de la drépanocytose en Europe et dans Pour mener à bien cette recherche, il a été
d’autres régions du monde. Avec les brassages proposé de recueillir des avis et des informations
consécutifs aux mouvements des populations, tous les auprès de ceux qui prennent en charge des personnes
pays du globe et toutes les populations sont maintenant concernées de près ou de loin par la drépanocytose.
potentiellement concernés par la drépanocytose 4. Pour cela, il est nécessaire de rencontrer non
L’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) seulement des professionnels de la santé mais
recommande aux Etats membres où la drépanocytose également des responsables d’associations de patients,
est un problème de santé publique, de définir des et d’aborder le sujet par une approche qualitative par
programmes nationaux de prévention et de prise en entretiens individuels semi-dirigés. Le choix de cette
charge de cette maladie5. Pour les professionnels de la méthode de recherche est motivé par le souhait d’offrir
santé, le protocole préventif et thérapeutique consiste une plus grande liberté de propos aux interlocuteurs,
en une surveillance accrue de la sur venue des via des questions ouvertes sur les différents thèmes
complications et en un traitement de fond des infections abordés.
et de l’anémie6.
Les professionnels de la santé prestataires de
En Belgique, Bruxelles est le lieu, ces dernières l’offre de services, qui œuvrent pour la prévention et la
décennies, de l’arrivée de populations issues de prise en charge de la drépanocytose ainsi que les
l’immigration, notamment de régions du monde où professionnels des associations en lien avec la maladie,
l’allèle bS est prévalent. Sur le million d’habitants que ont été choisis comme population d’étude pour cette
compte la capitale, environ 1/3 est constitué d’une enquête car, travaillant au contact de patients
population migrante originaire de régions à risque drépanocytaires et de leurs familles, ils sont bien placés
d’hémoglobinopathies7. En Belgique, la drépanocytose pour fournir les informations relatives à la nature et à
est peu connue tant du grand public que du personnel la qualité de la prise en charge de ces personnes. Le
médical et soignant8. Selon les résultats du dépistage retentissement psychologique, social et communautaire
néonatal systématique réalisé en région de Bruxelles- de la maladie justifie aussi la volonté de sortir du milieu
Capitale, dans toutes les maternités bruxelloises et hospitalier et d’élargir notre population en dehors de
quelques maternités à Liège, on compte 1 drépano- ce milieu. L’échantillon s’est constitué par la méthode
cytaire pour environ 1.500 naissances, soit une “ boule de neige ”, au fil des contacts, les premières
incidence de 0,06 % 9. A titre de comparaison, on personnes recommandant des responsables ou

140 Rev Med Brux - 2011


personnes ressources d’autres institutions ou secteurs connaissent la maladie en général au même titre que
en charge de la drépanocytose. Les personnes les autres hémoglobinopathies, mais témoignent que
interviewées ont été identifiées dans trois hôpitaux c’est au contact des premiers patients drépanocytaires
universitaires bruxellois, une institution médico-sociale qu’ils ont développé peu à peu leur expérience et leurs
et deux associations. Dans le secteur extrahospitalier, connaissances au sujet de la maladie. Quant aux
un médecin généraliste du SAMU social a été rencontré infirmières, la psychologue et l’assistante sociale, le
ainsi que deux responsables d’associations de lutte programme de leur formation ne contenait pas de cours
pour la drépanocytose. spécifique sur la drépanocytose. C’est en travaillant
dans leurs contextes professionnels actuels en lien
Notre méthode de collecte de données par avec des patients drépanocytaires qu’elles ont connu
entretien individuel semi-dirigé nous a permis d’obtenir cette maladie. Les professionnels d’origine africaine,
les informations recherchées à travers des questions congolaise, ont été confrontés de plus près à la maladie
spécifiques mais également de pouvoir préciser, ajuster dans leur cercle familial. Ils connaissent l’existence de
où réorienter certaines autres, en fonction des réponses la drépanocytose dans la population congolaise par des
de l’interlocuteur. Cette méthode de récolte de données relations de voisinage ou dans leur cercle de
offre l’avantage de pouvoir obtenir des informations connaissances. Cependant à Bruxelles, elle est connue
supplémentaires sur une question ou un thème surtout dans les services où elle est prise en charge,
particulier12. Le guide d’entretien comprenait une série tels que les services de pédiatrie, d’hématologie-
de questions abordant différents thèmes en rapport oncologie et les services où sont référés les patients
avec les caractéristiques générales de l’offre de santé drépanocytaires. Dans un même hôpital, elle n’est pas
et a été préalablement testé auprès d’une infirmière et connue de la même manière dans tous les services.
d’un médecin. A ce propos, un infirmier travaillant dans le service de
gériatrie d’un hôpital qui traite pourtant de nombreux
Quatre thèmes essentiels ont été abordés dans patients drépanocytaires, rappor te avoir été
le guide d’entretien : 1) les connaissances des complètement désemparé lui et le reste de l’équipe
professionnels au sujet de la drépanocytose ; 2) l’offre face aux “ cris de douleur, malgré la pompe à
de services actuelle avec les différentes structures de morphine ” d’une patiente drépanocytaire de 30 ans,
prise en charge des personnes drépanocytaires et de placée dans son service faute de place dans les autres
leurs proches ; 3) la nature des prestations ; 4) le services, et de la colère de son compagnon envers
recueil de l’avis sur les difficultés rencontrées par les l’équipe des soignants. Ceci démontre bien un manque
professionnels et leurs propositions pour améliorer de connaissances et même d’information sur la
l’offre de services actuelle aux personnes concernées maladie, les douleurs terribles qu’elle peut occasionner
par la drépanocytose. Les données recueillies via les chez le patient et l’angoisse que cette souffrance ne
entretiens sont complétées par l’analyse des soit pas reconnue, le désespoir et la colère des
documents récoltés au sein des services et des proches. Une responsable d’association, mère d’un
associations lors des rencontres ainsi que par une jeune drépanocytaire de 25 ans, confiait sa crainte de
revue de la littérature. voir son fils hospitalisé dans un autre service que celui
de pédiatrie. Après avoir rapporté le cas d’une de ses
L’analyse des données s’est faite par une connaissances dont l’enfant avait failli mourir aux soins
démarche descriptive et interprétative du contenu du intensifs après un bref séjour dans un service “ non
discours des personnes interrogées13 afin de dégager pédiatrique ” où “ on ne s’occupait pas de lui ”, elle
les points essentiels qui ressortent des données brutes, confiait ce qui suit : “ Mon fils a 25 ans et il est toujours
de dégager les résultats qui ont été classés dans en pédiatrie, avec les bébés ! Les autres mamans le
différentes catégories sur base des thèmes de regardent de travers, il a honte, il reste enfermé dans
l’entretien. Une comparaison est aussi faite entre sa chambre (…) mais, s’il va dans un autre service, il
soignants d’origine européenne et non européenne. va mourir !! Je vous jure, il va mourir !! Ils ne
connaissent rien du tout sur la drépanocytose ! ”. Ceci
RESULTATS démontre que le manque de connaissances des
professionnels de la prise en charge de la
Onze personnes ressources ont été interviewées drépanocytose a un impact, non seulement sur leurs
avec les profils professionnels suivants : médecin aptitudes à assurer correctement cette prise en charge,
urgentiste, médecin généraliste, pédiatre et pédiatre mais aussi sur les patients et leurs familles qui en
spécialisé en hématologie, infirmière pédiatrique, redoutent les conséquences, lorsque cette prise en
psychologue et assistant social. charge est mal assurée. Cet aspect des connaissances
représente un facteur important de la qualité de la prise
Les connaissances de la drépanocytose par les en charge, car il influence aussi les compétences des
professionnels professionnels. Un autre responsable d’association
relate le combat qu’il mène avec d’autres experts pour
Concernant la première expérience avec la qu’une information sur la drépanocytose soit introduite
drépanocytose, la plupart des professionnels de la dans le programme de l’enseignement secondaire et
santé, d’origine européenne rencontrés, ont été des écoles de disciplines médicales et paramédicales.
confrontés à la maladie pour la première fois dans le
cadre de l’exercice de leur profession. Les médecins Un autre aspect soulevé par tous les

Rev Med Brux - 2011 141


professionnels interrogés est le fait que les professionnels de la santé interrogés, mais aussi par
connaissances actuelles en matière de drépanocytose les membres associatifs, sont les grands hôpitaux
restent “ de base ” et limitées au domaine “ médical ”. universitaires bruxellois. Même parmi ces derniers, tous
Les professionnels de la santé restent assez ne suivant pas le même nombre de patients, et n’ayant
désemparés face aux aspects culturels et la pas les mêmes équipements (exemple : équipement
représentation sociale de cette maladie, et qui pour l’échange transfusionnel), réfèrent certains
pourraient être à la base de cer taines attitudes patients vers ceux qui sont mieux équipés. Les centres
inappropriées vis-à-vis des drépanocytaires et de leurs spécialisés ont mis en place des protocoles de prise
proches. en charge spécifiques dans les salles qui accueillent
ces patients ainsi qu’aux urgences. Les personnes
Toutes les personnes interrogées sont interviewées s’accordent pour dire que cette prise en
conscientes du retentissement de la maladie sur le charge est en évolution, s’améliore, s’organise dans
physique, le psychique et les aspects sociaux qui y les centres où la prise en charge des patients
sont liés. Elles relèvent les conséquences psychiques drépanocytaires est effective.
causées par les souffrances, le sentiment de culpabilité
partagé entre les patients et les familles, la honte Les professionnels des centres de référence pour
éprouvée par les personnes concernées par la maladie. la drépanocytose organisent des formations, des
échanges d’expériences entre les centres mais aussi
Le type de structures, la quantité et la nature des entre les ser vices plus spécialisés (service
prestations offertes d’hématologie par exemple) et les autres services tels
que le service des urgences.
Les différents types de structures qui accueillent
les patients drépanocytaires à Bruxelles sont : Au niveau paramédical, l’offre est insuffisante et
1) Les hôpitaux, les cabinets des médecins toutes les personnes interrogées dénoncent l’absence
généralistes, pour un suivi médical et psychosocial. de budget pour payer une infirmière, une psychologue,
Dans les hôpitaux, ces patients sont suivis dans le une assistante sociale spécialement affectées à la prise
service d’hématologie, de pédiatrie ou de médecine en charge des personnes drépanocytaires et de leur
interne, ou encore à la clinique de jour pour le suivi famille et pouvoir garantir la gratuité de ces
chronique. consultations pour les patients.
2) Les associations, plutôt pour un soutien
psychosocial et pour sensibiliser la communauté sur Les responsables d’associations déplorent
différents aspects tels que la nécessité du dépistage, l’insuffisance des structures associatives et surtout leur
la stigmatisation, etc. manque de visibilité. La mise en place de la journée
annuelle “ drépanocytose ” contribue à rassembler les
Un médecin exper t de la drépanocytose à différents exper ts et à améliorer les échanges
Bruxelles rapporte qu’une enquête, financée dans le d’expériences.
cadre d’un projet européen au niveau du groupe
ENERCA*, est en cours pour répertorier les structures Les associations pensent qu’une collaboration
de prise en charge de la drépanocytose dans 15 pays plus étroite avec les professionnels de la santé
européens dont la Belgique. Cet état des lieux devra contribuerait à améliorer la qualité de cette prise en
rendre compte du nombre de centres médicaux et charge. Une responsable d’association regrettait la
associatifs de prise en charge, de leur répartition distance entre eux et le monde hospitalier. Un
géographique, du type de service offert (tel centre offre rapprochement pourrait contribuer à améliorer le suivi
la transplantation et l’échange transfusionnel, tel autre du traitement par les patients en leur expliquant
est destiné aux enfants ou aux adultes,…), du nombre l’importance et les conséquences, en parlant aux
de malades qui les fréquentent, etc. proches des patients “ dans leur langue ”.

L’objectif de cette enquête est d’avoir une vision Principales difficultés rencontrées dans l’exercice
globale de ce qui existe pour la prise en charge de la de sa fonction en lien avec la drépanocytose
drépanocytose, de standardiser les procédures et les
protocoles de prise en charge, de créer des guidelines Les difficultés peuvent être classées en deux
afin de promouvoir les échanges de compétences et grands groupes : d’une part, les personnes rencontrent
d’expertise entre ces centres au niveau européen. des difficultés d’ordre organisationnel et opérationnel
liées au fait que la prise en charge spécifique des
En termes de quantité des structures à Bruxelles, patients drépanocytaires relève des seules initiatives
les personnes interrogées trouvent que les centres privées, et de la bonne volonté des professionnels de
médicaux de prise en charge de patients la santé en milieu hospitalier, qui font ce travail en plus
drépanocytaires sont suffisants par rapport au nombre de leurs activités courantes. Ils dénoncent le manque
de patients pris en charge. Il existe suffisamment criant de moyens financiers pour éventuellement
d’hôpitaux à Bruxelles dont certains ont développé une
expertise en matière de drépanocytose et qui servent
* European Network for Rare and Congenital Anaemia : projet financé
de référence aux autres, moins expérimentés. Les par la Commission Européenne à travers sa Direction Générale de
hôpitaux de référence les plus cités par les Santé Publique et de protection du Consommateur (DGSANCO).

142 Rev Med Brux - 2011


agrandir l’équipe paramédicale permettant une prise rajouter les difficultés d’observance du traitement liées
en charge optimale de cette maladie. Selon une généralement aux maladies chroniques, ainsi que les
infirmière pédiatrique, “ ce serait bien d’avoir par spécificités liées à la période de l’adolescence, passage
exemple une infir mière, rien qu’à mi-temps… critique dans le développement, pendant laquelle le
l’assistante sociale est en fait payée sur le budget de jeune en quête d’autonomie teste ses limites et adopte
la convention de l’INAMI pour les infections HIV, mais, parfois des conduites transgressives. Par ailleurs, pour
il n’y a rien pour ça (la drépanocytose), la psychologue, les familles, le coût financier mais également
c’est l’hôpital qui paie et tout ça doit être gratuit parce l’investissement en termes de temps et de disponibilité
que si on demande à un drépanocytaire de venir voir pour le suivi du traitement de leur enfant reste difficile
la psychologue et qu’il doit la payer… ”. à gérer.

En dehors de l’hôpital aussi, les associations sont Le fait qu’il n’existe pas en Belgique, une
dépourvues de moyens financiers et matériels pour structure médicale avec une équipe affectée
fonctionner. uniquement à la prise en charge de la drépanocytose
est considéré comme étant un point négatif. Face à
D’autre part, les difficultés rencontrées par les une demande croissante, les équipes sont alors
prestataires de soins résident essentiellement au souvent débordées, dénonçant le manque de places
niveau du contact et de la relation avec les patients et en hospitalisation dans les services d’hématologie-
leurs proches. L’aspect “ tabou ” qui entoure cette oncologie où sont admis ces patients. Un autre point
maladie rend la communication entre praticiens et faible est le fait de devoir justifier la nécessité du
patients très difficile. Vivant dans cette atmosphère dépistage néonatal gratuit pour les patients, grâce à
permanente du non-dit, du caché, les personnes une convention signée entre l’INAMI et toutes les
concernées par la drépanocytose, en commençant par maternités bruxelloises et renouvelable tous les deux
le patient lui-même, vont tellement nier son existence ans selon les justificatifs apportés. Selon un pédiatre
en essayant de vivre “ comme si de rien n’était ”, qu’ils hématologue d’un hôpital bruxellois expert reconnu
finissent par oublier la réalité des faits et par se dans la prise en charge de la drépanocytose, “ l’Etat
persuader qu’ils ne sont pas malades. Dans les faits, devrait encadrer la drépanocytose sous forme de la
cela se traduit par le non-respect des rendez-vous, une reconnaissance de centres qui ont une expertise
mauvaise observance du traitement, le faible recours suffisante et qui ont démontré leur intérêt et leur
au dépistage, etc. Sur le plan social, à cause de cet capacité à prendre en charge des patients
aspect caché, les patients et leur famille ne sont même drépanocytaires avec leurs complications… ces centres
pas demandeurs d’une prise en charge sociale. auraient une convention avec l’INAMI ”. La plupart des
personnes interrogées, tant du côté médical
Que cela soit au niveau médical ou psychosocial, qu’associatif, dénoncent l’absence de participation des
le déni de la drépanocytose traduit un mal-être en lien patients dans la lutte pour une reconnaissance
avec cette pathologie qui se caractérise par ces nationale de la drépanocytose par les pouvoirs publics.
problèmes de compliance au bon déroulement du “ La drépanocytose est invisible pour les pouvoirs
traitement et complique davantage l’organisation du publics… les associations devraient se fédérer et
travail des équipes de prise en charge. Au niveau devenir plus visibles auprès des autorités publiques ”.
associatif, les responsables dénoncent également
l’absence de participation des personnes concernées DISCUSSION
par la drépanocytose et leur famille : “ J’ai constaté
que les mamans africaines, les Congolaises en Cette étude qualitative a été menée sur un
particulier, ne connaissent pas le sens réel de la échantillon de quelques professionnels de la santé et
prévention : quand je fais une conférence, les gens ne du milieu associatif travaillant avec des personnes
viennent pas, mais quand il y a un mort, là il y a plein drépanocytaires et leurs proches à Bruxelles. Les
de monde qui vient au deuil… et pourtant lorsqu’il s’agit structures hospitalières d’où sont issues les personnes
de venir écouter les conseils pour éviter cette mort, du monde médical interviewées sont majoritairement
personne ne vient… ”. Ils ne viennent pas aux les hôpitaux universitaires répertoriés comme ayant
conférences, aux différentes réunions de parole de peur déjà une expérience de la drépanocytose. Bien que les
d’être reconnus par les autres et d’être stigmatisés. hématologues et les pédiatres apparaissent en
L’impact psychique sur toute la famille est très fort, première ligne pour la prise en charge et le suivi
accentué par l’absence d’expression des émotions. médical des patients drépanocytaires, la diversité des
L’angoisse de mort, la limitation de la durée de vie, les complications de la maladie et leur étendue sur
éventuels deuils familiaux liés à la drépanocytose sont l’organisme implique la participation de toutes les
des éléments omniprésents dans l’esprit tant des spécialités de la médecine. Ainsi, selon les
enfants que des parents. “ Je n’aurai jamais 40 ans ” complications et les organes atteints, le patient
confient certains adolescents à la psychologue. De drépanocytaire sera dirigé tantôt chez un cardiologue
plus, la famille est envahie par un immense sentiment ou un spécialiste vasculaire, un ophtalmologue pour la
de culpabilité partagée entre les enfants et les parents, dégénérescence rétinienne, un neurologue ou encore
liée à la souffrance, à une histoire familiale non dite, à chez l’orthopédiste pour les ostéonécroses14,15. Le rôle
la déception liée à une dévalorisation profonde de du médecin généraliste reste peu précis dans cette
l’estime de soi. A tous ces éléments viennent se prise en charge. Pourtant, le médecin généraliste, grâce

Rev Med Brux - 2011 143


à un suivi régulier, peut permettre aux patients médical, l’adhérence ne suit pas. Les rendez-vous ne
drépanocytaires de préserver au mieux leur état de sont pas respectés, le patient ne consultant que lorsque
santé et de prévenir au maximum les situations de la crise douloureuse lui rappelle l’existence de la
crises aiguës. Il peut en outre jouer un rôle non maladie. Une étude 18,19 portant sur les facteurs qui
négligeable dans la prévention en établissant un climat guident le jugement des équipes hospitalières à propos
de confiance avec les patients et les familles et en leur de la douleur chez les patients drépanocytaires, relève
expliquant l’importance du dépistage. Une enquête que ces derniers, se sentant “ accusés ”
menée en 1999 auprès de tous les médecins d’accoutumance aux analgésiques, victimes de
généralistes, les gynécologues et les pédiatres de la stigmatisation raciale, se sont “ habitués ” à supporter
région de Bruxelles-Capitale, sur l’évaluation des cette douleur, ne se rendant à l’hôpital que lorsqu’elle
connaissances et des besoins en information sur les devient extrême. Cette étude montre par ailleurs une
hémoglobinopathies, a montré des résultats assez relation entre la manière dont le soignant va gérer le
faibles, laissant craindre que des patients ne soient traitement de la douleur et la nature du contact avec le
pas diagnostiqués ou mal pris en charge. L’étude révèle patient. Cependant, bien d’autres facteurs, tels que la
aussi que 61 % des généralistes avaient déjà rencontré sévérité de la maladie, le nombre d’hospitalisations
des patients avec une hémoglobinopathie, 68 % des interviennent dans ces attitudes20.
médecins prescrivaient une recherche d’hémoglobine
anormale, dont 90 % pour un dépistage prénatal Les recherches démontrent qu’un maximum de
(gynécologues) et 80 % auprès de patients moyens est mis en œuvre pour informer au mieux tous
symptomatiques (pédiatres et généralistes)16. Une autre les acteurs qui interviennent dans la drépanocytose.
étude menée auprès de 118 médecins généralistes de Les canaux utilisés sont multiples et variés (sites web,
Bruxelles a montré que 55 % des généralistes brochures, conférences, débats et rencontres, journée
prescrivent un test de dépistage des hémo- drépanocytose, for mations, etc.) mais aussi
globinopathies en fonction de l’origine ethnique et que accessibles. Néanmoins, on constate un écart entre
52 % de ces tests sont réalisés essentiellement chez l’attitude des professionnels, plutôt en quête
une population d’origine africaine en âge de procréer. d’informations sur la drépanocytose et celle des
Mais bien que les médecins généralistes suivent 18 % patients, plutôt peu réactifs. Malgré les efforts déployés,
de femmes enceintes, la recherche d’une l’information semble passer difficilement auprès des
hémoglobinopathie reste anecdotique, le syndrome de patients et de leurs proches. La question peut à
Down représentant 86 % des recherches17. nouveau être posée pour savoir si, malgré la diversité
et la portée de cette information, les personnes
Une autre étude est en cours au niveau européen drépanocytaires sont disposées à l’intégrer. En fait,
(ENERCA). Elle porte sur l’état des lieux de l’offre de lorsqu’on analyse de plus près les messages contenus
soins proposés dans les pays européens pour la dans les différentes brochures informatives ou sites
prévention, le diagnostic et la prise en charge de la Inter net, on constate que l’accent est mis
drépanocytose. Il existe déjà au Royaume-Uni et en essentiellement sur les aspects médicaux et préventifs
France des centres de référence qui ont été répertoriés. de la maladie, donnant des recommandations pour le
La Belgique devrait suivre et cela per mettra bon suivi du traitement, encourageant le dépistage, etc.
probablement de répondre plus exhaustivement à cet Mais, alors que la maladie comporte de lourdes
objectif spécifique de cette recherche. conséquences sur le vécu tant physique que
psychologique, la portée familiale, communautaire et
Si on se limite au plan de la prise en charge sociale, les messages sur la gestion de ce volet sont
médicale de la drépanocytose, l’offre de services des quasi inexistants.
soins de santé est plus que suffisante avec tous les
moyens disponibles pour soulager les souffrances des Une des premières barrières à l’efficacité de
patients, limiter les complications et leur offrir la l’offre de service pour la drépanocytose identifiée et de
meilleure espérance de vie possible. Par contre, le laquelle vont découler les autres, est le manque de
déficit de la prise en charge psychosociale apparaît reconnaissance nationale de cette maladie. Bien que
évident : il n’existe par exemple aucun protocole de l’O.M.S. ait adopté deux résolutions sur les
prise en charge, aucun budget pour l’emploi de hémoglobinopathies5, invitant les pays touchés et son
personnel psychosocial. Tous les professionnels secrétariat à mettre davantage de moyens pour lutter
rencontrés dénoncent le manque de moyens affectés à contre ces affections, les autorités de la santé belges
cette prise en charge. Dans l’objectif d’une prise en semblent sous-estimer l’ampleur croissante du
charge globale, il est impératif d’offrir aux patients et à problème à l’échelle nationale. A Bruxelles, le dépistage
leurs proches, un espace d’expression des émotions et néonatal systématique est un point positif dans la
du vécu par rapport à cette maladie. Ces mêmes prévention des hémoglobinopathies. La complexité de
professionnels se plaignent aussi du manque de la pathologie justifie la reconnaissance de centres de
demande de la part des patients et des familles. On référence qui devraient permettre notamment d’étendre
peut aussi chercher à comprendre les fondements le dépistage au niveau national, de développer des
profonds du désintéressement apparent des patients politiques standardisées de prise en charge, des
par rapport à leur prise en charge. En effet, cela ne protocoles et procédures clairs et uniformes.
concerne pas uniquement le volet psychosocial car les
résultats de cette étude montrent que même au niveau De là découle une autre barrière qui est le

144 Rev Med Brux - 2011


manque de reconnaissance officielle de centres 8. Gulbis B, Thilolo L, Cotton F, Lin C, Vertongen F : Neonatal
spécialisés dans la prise en charge de la screening for haemoglobinopathies : the Brussels experience.
J Med Screening 1999 ; 6 : 11-5
drépanocytose tels qu’il en existe en France et en
Grande-Bretagne. Ces centres sont régis par un cadre 9. Gulbis B, Cotton F, Ferster A et al. : Neonatal haemoglobinopathy
de référence définissant ce qu’est un centre spécialisé, screening in Belgium. J Clin Pathol 2009 ; 62 : 49-52
son rôle particulier ainsi que ses activités, le rôle des
10. Bizwaza S : Etude exploratoire sur les connaissances,
médecins généralistes et des services communautaires. représentations et perceptions sur la maladie drépanocytaire :
Cette reconnaissance contribuerait à améliorer l’offre Analyse des besoins éducationnels de la population migrante à
de services et la prise en charge des patients et à Bruxelles sur la drépanocytose. Mémoire présenté en vue de
favoriser le développement d’une réelle politique de l’obtention du grade de Licenciée en Sciences de la Santé
Publique, orientation : Promotion-Education pour la santé,
prévention primaire au sein de populations précarisées. Louvain-en-Woluwe, 2005, 55 p
Une dernière barrière qui mérite d’être relevée est le
manque de concertation entre les professionnels du 11. Treadwell MJ, McClough L, Vichinsky E : Using Qualitative and
monde médical et les autres, représentés dans cette Quantitative Strategies to Evaluate Knowledge and Perceptions
about Sickle Cell Disease and Sickle Cell Trait.
étude par les associations. Cette étude met en lumière J Natl Med Assoc 2006 ; 98 : 704-10
la distance entre les soignants et les soignés. Elle
démontre la nécessité de trouver les moyens de créer 12. Blais M, Martineau S : L’analyse inductive générale : description
un trait d’union entre la sphère médicale, les patients d’une démarche visant à donner un sens à des données brutes.
Recherches Qualitatives 2006 ; 26 : 2006 : 1-18
et la société. Ce lien peut être appor té par le
développement de stratégies coopératives entre le 13. Zajc LS, Anadon M : L’analyse qualitative des données.
monde médical, des spécialistes de disciplines de Recherches Qualitatives 2009 ; 28 : 1-7
sciences humaines, tels que les sociologues, les
14. Anoosha H, Bachir D, Godeau B : Complications aiguës de la
ethnologues ou encore les anthropologues et la drépanocytose. La Revue du Praticien 2004 ; 54 : 1548-56
société21.
15. Buckner M : Sickle-cell disease : from Sierra Leone to southeast
Remerciements London. Lancet 2004 ; 364 : 1361

16. Hansen V, Gulbis B, Humblet P et al. : Le dépistage des


Ce travail entre dans le cadre d’un mémoire en hémoglobinopathies dans la pratique médicale : audit des
sciences de la santé publique de l’Ecole de Santé gynécologues, pédiatres et généralistes à Bruxelles.
Publique de l’ULB (année 2009-2010). Nous remercions Rev Med Brux 2001 ; 22 : 67-72
l’ensemble des professionnels de la santé et ceux en 17. Gulbis B, Barlow P : Le médecin généraliste et le dépistage chez
lien avec la prévention et la prise en charge de la la femme en âge de procréer.
drépanocytose d’avoir participé à cette recherche. Rev Med Brux 2001 ; 22 : A345-8

18. Elander J, Marczewska M, Amos R, Thomas A, Tangayi S :


BIBLIOGRAPHIE Factors Affecting Hospital Staff Judgments About Sickle Cell
Disease Pain. J Behav Med 2006 ; 29 : 203-14
1. Bardakdjian J, Wajcman H : Epidémiologie de la drépanocytose.
La Revue du Praticien 2004 ; 54 : 1531-3 19. Thomas VJ, Cohn T : Communication skills and cultural
awareness courses for healthcare professionals who care for
2. Rochette J, Charbbit Y : Deux maladies génétiques : La patients with sickle cell disease. J Adv Nurs 2006 ; 53 : 480-8
drépanocytose et les thalassémies, enquêtes en région
parisienne. 20. Gold JI, Mahrer NE, Treadwell M, Weissman L, Vichinsky E :
Revue Européenne de Migrations Internationales 1990 ; 6 : 145-60 Psychosocial and behavioral outcomes in children with sickle
cell disease and their healthy siblings.
3. Jamesetta A : Factors Influencing Independence in Adolescents J Behav Med 2008 ; 31 : 506-16
with Sickle Cell Disease. Journal of Child and Adolescent
Psychiatric Nursing 2008 ; 21 : 177-85 21. Hudelson P : Que peut apporter l’anthropologie médicale à la
pratique de la médecine ? Santé Conjuguée 2008 ; 46 : 36
4. De Montalembert M, Niakaye A : Approche transculturelle du
diagnostic néonatal de la drépanocytose.
Arch Pediatr 2009 ; 16 : 513-4
Correspondance et tirés à part :
5. Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) : Drépanocytose.
M. COPPIETERS
Rapport A59/9, Point 11.4 de l’ordre du jour provisoire 24 avril
Ecole de Santé Publique, ULB
2006 du Secrétariat. Cinquante-neuvième.
Route de Lennik 808 CP 596
Assemblée Mondiale de la Santé, Genève, 2006
1070 Bruxelles
E-mail : metacopp@yahoo.fr
6. De Montalember t M : Options thérapeutiques dans la
drépanocytose. La Revue du Praticien 2004 ; 54 : 1557-67
Travail reçu le 4 janvier 2011 ; accepté dans sa version définitive
7. Hansen V, Ver tongen F, Ferster A, Cotton F, Cochaux P,
le 3 mai 2011.
Gulbis B : Strategy for haemoglobinopathies management : from
laboratory to public health.
The Brussels experience, Brussels, ULB

Rev Med Brux - 2011 145

Vous aimerez peut-être aussi