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SPECIAL DREPANOCYCTOSE

PHYSIOPATHOLOGIE ET CLINIQUE DE LA DREPANOCYTOSE CHEZ


L’ENFANT

BEYEME-OWONO M.1; CHIABI A.2

RESUME:

Les auteurs décrivent la physiopathologie et la présentation clinique de la drépanocytose. La symp-


tomatologie clinique est polymorphe et faite d’anémie hémolytique, des manifestations liées aux micro-
thrombi et surtout des crises vaso-occlusives. Les complications les plus fréquentes sont liées aux infec-
tions bactériennes, palustres, thromboses viscérales et vasculaires.
MOTS-CLES: Drépanocytose – Physiopathologie – Présentations cliniques

SUMMARY:

The authors review the pathophysiology and clinical features of sickle cell disease. The clinical
presentation is quite varied with hemolytic anemia and manifestations due to micro-thrombi especially
vaso-occulsive crisis. The most frequent complications are due to bacterial complications, malaria and
visceral or vascular thrombosis.
KEY WORDS : Sickle cell anemia – Pathophysiology – Clinical features

1
Service de Pediatrie, Hôpital EPC Djoungolo, B.P. 4055 Yaounde – Cameroun
E-mail : beyowono@yahoo.fr
2
Service de Pediatrie, Hôpital Gynéco- Obstétrique et Pédiatrique; Yaounde – Cameroun 37
Clinics in Mother and Child Health Vol I, N° 1 Janvier - Avril 2004
M Beyeme Owono et al

La drépanocytose est une membranaire importante. Les manifestations cli-


hémoglobinopathie constitutionnelle, avec ané- niques se voient essentiellement chez les
mie hémolytique, due à la présence d’une hé- drépanocytaires homozygotes SS. L’hémoglo-
moglobine anormale, l’hémoglobine S. C’est une bine A, qui constitue environ 50% de l’hémo-
maladie héréditaire autosomique codominante. globine chez l’héterozygote AS, empêche la po-
Les manifestations cliniques n’existent que chez lymérisation de l’hémoglobines S. Un taux élevé
les homozygotes Hb SS, les sujets hétérozygo- d’hémoglobine fœtale HbF a le même effet pro-
tes Hb AS (trait drépanocytaire) sont générale- tecteur.
ment asymptomatiques. Mais pour le biochi-
miste, l’hémoglobine S existe chez l’hétéro- II-MANIFESTATIONS CLINIQUES DE LA
zygote comme chez l’homozygote, à des taux DREPANOCYTOSE HOMOZYGOTE
différents. On dit que la drépanocytose est clini- Les manifestations cliniques de la
quement récessive, biologiquement dominante drépanocytose revêtent une grande richesse
[1-2]. Selon Labie et al [3], alors que sur le plan symptomatologique. Les signes varient en fonc-
clinique la maladie pouvait paraître comme ré- tion de l’âge de l’enfant.
cessive, sa caractérisation phénotypique prouve Plusieurs symptômes cliniques apparaissent dès
qu’elle est autosomique codominante. le deuxième ou troisième trimestre de vie, car
c’est à partir de l’âge de 6 mois que l’hémoglo-
I- PHYSIOPATHOLOGIE [1,2,4,5] bine fœtale HbF est progressivement remplacée
En situation d’hypoxie, l’hémoglobine S par l’hémoglobine HbS qui devient prédomi-
voit sa solubilité diminuée et se polymérise (se nante [2-3].
gélifie) et entraîne une déformation en faucille
de l’hématie. L’hématie déformée tend à se II-1. Tableau clinique de l’anémie hémolyti-
bloquer dans les petits vaisseaux, provoquant des que chronique
thromboses. Ces micro-thromboses et l’ischémie Les hématies déformées, rigides, présen-
qu’elles entraînent augmentent la désaturation tent des lésions membranaires. La diminution de
locale en oxygène et par conséquent la la plasticité des hématies, leur rétention dans les
falciformation. Celle-ci fragilise l’hématie, avec très petits vaisseaux, tout cela va accélérer leur
une diminution notable de sa durée de vie. Les destruction par les cellules réticulaires macro-
hématies falciformes, rigides car rétractées, sont phages. Cette destruction accélérée s’effectue
rapidement phagocytées par les cellules surtout dans la rate et le foie, avec libération d’un
réticulées, d’où une hyperhémolyse. En plus de excès d’hémoglobine dans le plasma.
l’hypoxie, la falciformation est provoquée aussi Les manifestations cliniques sont [1-2]:
par la fièvre, la déshydratation, l’abaissement du - une pâleur conjonctivale et palmaire modé-
pH, le froid et l’humidité. rée.
L’augmentation de la viscosité sanguine - subictère.
et la déformation des hématies entraînent des - la splénomégalie (chez le jeune enfant) et son
phénomènes vaso-occlusifs : agglutination des volume est souvent modéré. A cause des in-
hématies déformées, stase de la micro-circula- farctus spléniques répétés, la rate tend à
tion, avec pour conséquence une anoxie qui fa- s’atrophier progressivement, et la splénomé-
vorise la falciformation. Le cercle vicieux est galie disparaît quand l’enfant grandit.
bouclé. - l’hépatomégalie (surtout retrouvée chez le
La micro-circulation n’est pas concernée seule, nourrisson et le jeune enfant).
la thrombose peut s’étendre, par proximité, à des - le retard staturo-pondéral est souvent modéré.
artères de moyen et de gros calibre, avec des
thromboses massives et des infarctus de régions II-2. Les crises vaso-occlusives ou crises
importantes. La falciformation de l’hématie est algiques
d’abord plusieurs fois réversibles, puis l’héma- Elles s’observent chez tous les
tie fragilisée ne retrouve plus sa forme normale. drépanocytaires, mais elles sont très variables
Il y a deux conséquences de cette falciformation dans leur durée, leur intensité, leur localisation
: et la périodicité entre les crises.
- l’occlusion des petites vaisseaux par les Les hématies falciformées et agglutinées provo-
drépanocytes irréversibles et rigides entraîne quent, dans les petits vaisseaux, une vaso-occlu-
une ischémie dont la traduction clinique est sion, avec une stase et l’ischémie. Les facteurs
la douleur. déclenchant les crises vaso-occlusives, sont les
- L’hémolyse intratissulaire dont le siège prin- facteurs qui provoquent l’une des quatre pertur-
cipale est la rate, intéresse les hématies fal- bations physiologiques suivantes :
ciformes irréversibles qui ont subi une al- l’hypoxémie, l’acidose, l’hyperthermie, la dés-
tération hydratation [1,2,5].
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Le froid provoquerait la falciformation d) Les crises douloureuses abdominales [1,2,6].


par le biais d’une hypoxémie, elle même secon- Elles sont causées par les micro-throm-
daire à la vasoconstriction. Le froid humide (sai- boses viscérales mésentériques, hépatiques, splé-
son de pluies) est plus concerné que le froid sec niques. Elles sont relativement fréquentes, d’in-
de l’hiver. L’effort physique intense et prolongé, tensité variable, isolées ou associées aux crises
entraîne une acidose lactique. La haute altitude, douloureuses ostéo-articulaires.
à cause de l’hypoxie, est un sérieux facteur dé- Les vomissements sont fréquents, ainsi
clenchant de la crise drépanocytaire.
Les facteurs iatrogènes, essentiellement que l’ileus paralytique. Les douleurs s’estompent
les anesthésiques généraux, à cause de et disparaissent en quelques jours, spontanément.
l’hypoxémie d’origine centrale qu’ils induisent. Une extension des micro-thromboses vers des
Ce sont de puissants agents falcéminants. vaisseaux de gros calibre peut provoquer un in-
a) Le syndrome pieds-mains ou syndrome des farctus viscéral massif.
extrémités ou « hand-foot syndrome» ou La splénomégalie est modérée chez le
«dactylitis» des anglo-saxons, est parfois le pre- nourrisson, avec un risque de crise de séquestra-
mier symptôme trouvé chez le nourrisson et le tion parfois mortelle. La rate diminue de taille à
jeune enfant entre 6 et 18 mois. On observe ainsi mesure que l’enfant grandit. Elle est à peine pal-
[1,2]: pable chez le jeune enfant, avec un risque
- une tuméfaction très douloureuse et d’infarcissement et de surinfection. Chez l’ado-
chaude du dos des pieds et des mains, pouvant lescent, l’atrophie et la fibrose sont dues aux
atteindre la première phalange.
- l’impotence fonctionnelle à cause des microthromboses répétées, avec une asplénie
douleurs très vives, à la simple pression. L’en- fonctionnelle.
fant refuse de marcher ou de saisir un objet. e) Syndrome thoracique aigu (acute chest
La crise dure de 5 à 7 jours, puis diminue pro- syndrome) [2,7]:
gressivement. Les récidives sont fréquentes. Il Les micro-thromboses siègent souvent sur
n’y a pas de déglobulisation, le taux d’hémo- les côtes, les vertèbres, provoquant des douleurs
globine reste stable. précordiales ou thoraciques très vives. Elles sont
b) Les crises ostéo-articulaires de l’enfant. beaucoup plus fréquentes chez les adolescents.
Les douleurs concernent surtout la mé- Selon Serjeant [7], le syndrome thoracique aigu
taphyse des os longs, plus rarement l’épiphyse est la première cause de mortalité chez les
des petits os des extrémités. La douleur est cons- drépanocytaires après l’âge de 2 ans et est la prin-
tante, la fièvre habituelle, la tuméfaction est rare. cipale cause de morbidité et mortalité à toute âge.
La surinfection bactérienne est fréquente chez
les nourrissons et les jeunes enfants provoquant On retrouve une intrication de phénomènes pa-
essentiellement les ostéomyélites. Les germes thologiques qui se succèdent, la vaso-occlusion
les plus fréquemment rencontrés sont les sta- et l’infarctus se compliquant d’infection, d’em-
phylocoques, les pneumocoques, les salmonel- bolie pulmonaire et de séquestration pulmonaire,
les surtout [2,6]. d’abcès du poumon.
Leur diagnostic est évoqué sur les constatations L’enfant présente une symptomatologie
suivantes : évoquant la pneumonie, avec fièvre, toux, dysp-
- la persistance de la douleur au-delà de née, douleurs thoraciques vives. L’embolie grais-
7 jours seuse peut compliquer une infarcissement osseux.
- fièvre élevée Le tableau clinique est composé alors de douleurs
-tuméfaction chaude, douloureuse, d’as- thoraciques et lombaires vives, sensation d’op-
pect inflammatoire avec impotence fonction- pression, dyspnée, hypotension artérielle.
nelle passive et active.
L’ostéo-nécrose aseptique de la tête fémorale On se trouve en présence d’une urgence médi-
(plus rarement tibiale), se rencontre surtout chez cale mettant la vie de l’enfant en danger.
le grand enfant. Au début, elle se manifeste par
une douleur très vive avec impotence fonction- III-3. Anémie aiguë [1,2,6]
nelle. Elle a pour séquelle une boiterie. On distingue 3 types :
c) Les douleurs articulaires pures, sont l’apa- - La crise de séquestration splénique : Elle est
nage de l’enfant et l’adulte. Elles touchent une rare, mais très spectaculaire et de pronostic
ou plusieurs articulations (les grosses articula- très défavorable. Il y a une aggravation bru-
tions telles les coudes, les genoux et les che- tale de l’anémie, un ictère intense, un choc
villes). L’enfant présente une tuméfaction hypovolémique, une hépatosplénomégalie im-
chaude et douloureuse et la mobilisation est dif- portante.
ficile.
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L’hémoglobine est effondrée à moins de 4g 100 La physiopathologie des infections chez


ml. La crise de séquestration splénique se ren- les drépanocytaires s’expliquent de plusieurs
contre surtout chez le petit nourrisson et le jeune manières[2,6,9,10,11]. L’immunité humorale
enfant. Les hématies falciformées sont « séques- est normale, l’immunité cellulaire est légère-
trées » dans les organes hématopoïétiques. L’in- ment déprimée. Les principaux facteurs expli-
fection est le facteur déclenchant le plus fréquent. quant la grande sensibilité des drépanocytaires
L’évolution est rapidement fatale sans transfu- aux infections sont l’asplénie fonctionnelle et
sion en urgence. les troubles de la phagocytose.
- La crise hémolytique : c’est l’aggravation a) L’asplénie fonctionnelle: Les infarctus splé-
de l’hémolyse chronique. Il faut rechercher une niques successifs ne permettent plus à la rate
cause associée d’hémolyse aiguë: paludisme, dé- d’exercer ses fonctions immunologiques. Le
ficit en Glucosé-6-Phosphate Déhydrogenase rôle de la rate, dans la défense antibactérienne
(G6PD). du jeune enfant est primordial. Même quand la
- La crise aiguë erythroblastopénique ou rate est augmentée de volume, son fonctionne-
aplasique. L’erythroblastopènie est provoquée par ment est nettement diminué.
le parvovirus B19 [7-9]. Le virus provoque un Trois conséquences découlent de cette asplénie
arrêt transitoire de l’érythropoïèse pendant quel- fonctionnelle :
ques jours. L’érythroblastopénie est marquée par - la suppression de l’activité macrophagique de
une chute brutale et transitoire de l’hémoglobine la rate
(entre 2 et 6g/100ml). - la suppression de l’activité immunologique
Une immunité définitive s’installe, il n’y de la rate avec diminution de la synthèse d’IgM
a jamais de récurrence. Des études sont en cours spécifiques.
pour la mise au point d’un vaccin contre le - la diminution de la production de tuftsine,
parvovirus humain. C’est le tableau d’une ané- qui stimule la migration des polynucléaires et
mie arégénérative, conséquence de l’inhibition favorise la phagocytose.
de l’érythropoïèse, avec un taux faible de b) Le déficit de l’opsonisation du sérum (le ra-
réticulocytes, parfois une leucopénie ou même lentissement de la phagocytose des bactéries),
une thrombopénie. Elle se rencontre à tout âge. est dû à l’hyperhémolyse et à l’hémoglobine
. dans le plasma qui active la voie alterne du com-
III . LES COMPLICATIONS plément avec inhibition du C 3. Le défaut
Les thromboses vasculaires avec d’opsonisation rend inopérante la voie complé-
infarcissements et les infections sont les compli- mentaire alterne de défense contre l’infection
cations les plus fréquentes chez les que l’on sait être la seule active chez les sujets
drépanocytaires. dépourvus d’anticorps spécifiques, en particu-
lier les drépanocytaires. La phagocytose impar-
III-1. Complications liées aux thromboses faite, par perturbation du pouvoir opsonisant
[1,2,13] du sérum, explique la grande sensibilité du
Elles sont spléniques, mésentériques, pul- drépanocytaire aux pneumocoques et aux sal-
monaires, rénales, osseuses. L’ischémie osseuse monelles.
chronique entraîne des troubles de la croissance c) Autres mécanismes possibles [6]:
avec une petite taille. - les débris tissulaires dus à la nécrose
- les thromboses des vaisseaux cérébraux qui sont des sites de colonisation bactérienne.
sont souvent mortelles ou grevées de séquelles - le passage des bactéries à travers les
importantes, telle l’hémiplégie. muqueuses sièges de micro-infarctus.
- les thromboses oculaires sont favorisées - la diminution du pouvoir phagocytaire
par la rétinopathie drépanocytaire. des polynucléaires neutrophiles.
- la thrombose des corps caverneux pro- - l’hyperhémolyse favorise l’utilisation
voque un priapisme très douloureux. accrue du fer pour le métabolisme des bacté-
- En ce qui concerne les artères coronai- ries.
res, la répétition des vaso-occlusions peut pro- Pusieurs types d’infections sont rencon-
voquer une fibrose myocardique. trées[2,6,10]:
- les infections pulmonaires avec le
III-2. Complications infectieuses pneumocoque et l’Hemophilus
Elles sont en fait la première cause de influenzae.
morbidité et de mortalité chez les drépanocytaires, - les ostéomyélites qui sont des surinfec-
surtout avant 5 ans. Elles sont quasi-constantes tions bactériennes d’infarctus osseux.
chez les nourrissons et les jeunes enfants. Les germes les plus fréquents sont les
salmonelles et les staphylocoques.

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- les septicémies et méningites purulen- (voyage en avion non pressurisé, anesthésie,
tes. effort physique intense), des crises vaso-occlu-
- le paludisme : La multiplication du sives abdominales, rénales (avec hématurie)
Plasmodium falciparum est partiellement inhi- peuvent se voir chez certains hytérozygotes.
bée dans l’hématie HBSS,mais le paludisme L’hémolyse aiguë chez un héterozygote AS
provoque l’hémolyse et les crises vaso- implique la recherche d’une association, avec
occulsives [7]. Le paludisme est le plus im- un déficit en G6PD ou un b thalassémie. L’es-
portant facteur de morbidité et de mortalité chez pérance de vie de ces enfants est normale
l’enfant drépanocytaire. L’hémoglobine SS con-
fère une immunité partielle contre le Plasmo- V. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
dium falciparum. Les accès palustres seront Deux situations sont rencontrées:
moins fréquents mais tout accés palustre est 1. La drépanocytose homozygote n’est pas con-
désastreux chez les drépanocytaires, car il pro- nue, chez un petit nourrisson ou un jeune en-
voque des crises hémolytiques et vasco-occlu- fant, il faut faire le diagnostic de douleurs vi-
sives. Pour Labie et al l’inhibition du dévelop- ves ostéo-articulaires ou abdominales, d’ictère
pement du Plasmodium falciparum est impor- prolongé ou d’une anémie. Il faut éliminer:
tante dans les hématies HbAS. Ceci est indé- l’accès palustre grave avec anémie et sub-ic-
pendant de la falciformation. C’est une pro- tère, l’arthrite septique, l’anémie ferriprive du
priété spécifique de l’hémoglobine S, agissant nourrisson, le syndrome abdominal aigu, les
tant sur les formes matures qu’immatures, et œdèmes des extrémités du nourrisson et du
qui ne requière pas la falciformation. jeune enfant (la piqûre d’insecte unilatérale, le
Pour Sanokho et al, [8] le développe- syndrome néphrotique avec des oedèmes in-
ment du plasmodium est fonction de la pres- dolores et le traumatisme) [2,13].
sion partielle en oxygène. En hypoxie , il y a Toute transfusion sanguine intempes-
blocage de la maturation et de la multiplica- tive sans électrophorèse préalable va retarder
tion du parasite. La dernière partie du cycle le diagnostic positif.
érythrocytaire se fait dans les tissus profonds; 2. La drépanocytose homozygote est connue :
la présence d’une hémoglobine S réduit la pres- Il faut :
sion d’oxygène déjà faible. a) Faire le diagnostic positif de la ma-
Les taux de mortalité par paludisme sont moin- nifestation de la crise ou de la complication.
dres chez les AS que chez les AA, et en parti- b) Eliminer une autre maladie :
culier, les formes neurologiques sont excep- - crises vaso-occlusives ostéo-
tionnelles. Le Plasmodium falcifarum ne se articulaires (on discute une
développe pas bien dans les hématies en pré- ostéomyélite, un rhumatisme articu-
sence de l’hémoglobine S. Les drépanocytaires laire aigu, une arthrite).
sont protégés du neuropaludisme, mais l’accès - crises algiques abdominales aiguës (on
palustre et la fièvre peuvent être responsables élimine un abdomen aigu chirurgical).
de crises vaso-occlusives et des crises hémoly- - crises algiques thoraciques ( on éli-
tiques. mine une pneumonie, une pleuro-
pneumopathie).
III-3. Complications liées à l’anémie[2,12] - crises algiques abdominales à minima :
- La cardiomégalie, avec tachycardie et rechercher une infection urinaire, une parasi-
souffle systolique. tose digestive
- La lithiase vésiculaire, avec un syn- - l’ictère : on élimine une hépatite
drome de cholestase (ictère intense, hépatomé- - la fièvre : on élimine l’accès palustre, les
galie franche). Elle se rencontre surtout chez infections bactériennes
les grands enfants [12]. - devant l’anémie: on élimine l’anémie
ferriprive microcytaire et hyposidérémique.
IV- SYMPTOMATOLOGIE DES PA- Mais l’anémie ferriprive peut aggraver l’ané-
TIENTS HETEROZYGOTES AS [1-2] mie du drépanocytaire, surtout chez le jeune
Les enfants hétérozygotes AS sont en général nourrisson et le petit enfant. Elle est alors d’ori-
asymptomatiques. Il n’y a pas d’hémolyse, pas gine nutritionnelle ou parasitaire. Il faut doser
de crises vaso-occlusives ostéo-articulaires ou le fer sérique. Il faut rechercher l’association
abdominales en temps normal. Mais, dans cer- drépanocytose SS et déficit en G6PD qui va
tains contextes particuliers favoriser de graves crises hémolytiques aiguës.
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VI. EVOLUTION ET PRONOSTIC un grand nombre d’enfants drépanocytaires, il


Le pronostic de la drépanocytose homo- a constaté une diminution de moitié du nombre
zygote s’est considérablement amélioré avec les de crises aiguës traitées, avec une diminution
connaissances meilleures de sa physiopatholo- de leur intensité et un raccourcissement de leur
gie et de ses complications, les progrès dans sa durée. Ceci esten rapport étroit avec la prise en
prise en charge thérapeutique, sa surveillance. charge précoce des enfants sur le plan médical.
Depuis trois décennies, de plus en plus de La surveillance globale améliore le pronostic.
drépanocytaires arrivent à l’âge adulte, tra-
vaillent et ont des enfants. Le taux de mortalité VII CONCLUSION
a très fortement diminué, mais reste encore pré- La drépanocytose est une maladie très
occupant, surtout avant l’âge de 5 ans. Parmi particulière, car son tableau clinique fait inter-
les causes de mortalité chez les drépanocytaires, venir pratiquement tous les organes du corps
les plus importants sont : les crises d’anémie humain. Elle est chronique, invalidante, sou-
aiguë, les thromboses massives avec infarctus vent mortelle. Le taux de mortalité à très forte-
important d’un viscère, les infections bactérien- ment baissé, mais sa morbidité reste importante.
nes et le paludisme[6,7]. Bien qu’étant fréquente parmi nos populations,
D’après Hazoume [14] qui a suivi en hospitali- elle reste l’objet de beaucoup de préjugés em-
sation à Cotonou au Bénin, preints de mysticisme.

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