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HEMOPHILIES CHEZ L’ENFANT

Dr DJEUMENE N. Rodrigue
Pédiatre-Périnatologue-Nutritionniste
Chef des services Pédiatrie générale et Néonatologie
HSJM-Njombé
OBJECTIFS DU COURS
1- Rappeler et décrire les différentes étapes de
l’hémostase en insistant sur l’étape coagulation;
2- Définir l’hémophilie;
3- Citer les 2 principaux types d’hémophilie;
4- Bien conduire l’examen clinique d’un enfant
hémophile;
5- Enoncer le mécanisme de transmission de
l’hémophilie;
6- Enoncer les mesures préventives à observer par un
enfant hémophile.
PLAN
I- GENERALITES IV- DIAGNOSTIC
1- Définition 1- Diagnostic positif
2- Epidémiologie 2- Formes cliniques
3- Mécanisme de 3- Diagnostic différentiel
transmission V- PRISE EN CHARGE
II- RAPPELS VI- EVOLUTION
PHYSIOLOGIQUES:
VII- CONCLUSION
HEMOSTASE
REFERENCES
III- PHYSIOPATHOLOGIE
I- GENERALITES
1- Définition
2- Epidémiologie
3- Mécanisme de transmission
1- Définition (1)
• Maladie hémorragique héréditaire transmise
selon un mode récessif lié au chromosome X,
due à un déficit ou une absence d’un facteur de
coagulation, responsable d’accidents
hémorragiques essentiellement musculaires et
articulaires.
• Ces défauts sont dûs à une déficience d'un des
facteurs suivants : VIII, IX, ou XI ou à la présence
d'anticoagulants contre l'un de ces facteurs.
1- Définition (2)
• Il existe 2 principaux types d’hémophilie :
– Hémophilie A (Hémophilie classique) correspond à une mutation du
gène du facteur VIII
– Hémophilie B (ou Christmas disease) correspond à une mutation du
gène du facteur IX
• L ’expression clinique est identique, qu’il s ’agisse de
l’hémophilie A ou B
• Hémophilie C (ou Maladie de Rosenthal), correspond à une mutation
du gène du facteur XI. Forme légère d'hémophilie non liée au sexe. Elle
ne nécessite le plus souvent pas de traitement.
Elle atteint une personne sur 100.000.
2- Epidémiologie (1)
• La plus fréquente et la plus sévère des maladies héréditaires de la
coagulation;
• Touche essentiellement les garçons;
• Touche exceptionnellement la fille (père hémophile, mère porteuse ou
défaut d’inactivation du chr X);
• Incidence: 1/10 000 naissances ou 1/5000 naissances de garçons;
• L’hémophilie A est 5-6 fois plus fréquente que l’hémophilie B;
• Affection ubiquitaire;
• Dans 20- 40% des cas aucun ATCD hémorragique familial n’est retrouvé
(néo mutation).
2- Epidémiologie (2)
• Sa prévalence est peu connue en Afrique pour
plusieurs raisons :
– rareté de l’affection,
– coût élevé de sa prise en charge,
– nombre insuffisant de spécialistes en hématologie
et absence de laboratoires adéquats pour le
diagnostic biologique de cette maladie.
3- Mécanisme de transmission
• Transmission récessive
liée au chromosome X
• Gènes F8 et F9 situés
sur le bras long du chr X
• Garçon : XY
• Fille: XX
• Mutations de ces
gènes(délétion,
inversion, insertion…)
Arbre généalogique
II- RAPPELS PHYSIOLOGIQUES
• Hémostase: processus physiologique qui regroupe
l'ensemble des phénomènes destinés à limiter les pertes
sanguines au niveau d'une brèche vasculaire.
• 3 étapes:
– Hémostase primaire: clou plaquettaire (clou blanc) =
Plaquettes + facteur de von Willebrand
– Coagulation: consolide le clou (thrombus rouge ou clou rouge)
= Facteurs de coagulation. 2 voies: intrinsèque et extrinsèque.
– Fibrinolyse: destruction du caillot par des facteurs
plasmatiques (Plasminogène, Plasminogen tissue Activator,
…).
Facteurs de coagulation
Schéma de la coagulation in vitro

VI VE
III- PHYSIOPATHOLOGIE
• La mutation des gènes → absence ou
altération ou déficit des facteurs VIII ou IX →
perturbation de la coagulation.
• Tout traumatisme même minime → un
saignement prolongé par altération de la voie
intrinsèque de la coagulation.
IV- DIAGNOSTIC

1- Diagnostic positif
2- Formes cliniques
3- Diagnostic différentiel
1- Diagnostic positif

TDD: Hémophilie du nourrisson dans sa forme


sévère.
• Début vers 9 mois au moment de
l’apprentissage de la marche.
• Circonstances de découvertes: elles sont variables :
– Survenue de manifestations hémorragiques insolites:
ecchymoses multiples, gros hématome du front ou de
la fesse, hématomes au niveau d’un prélèvement
sanguin, d’une injection intramusculaire ou d’une
vaccination, saignement prolongé après circoncision;
– Dépistage lors d’un bilan d’hémostase demandé en
raison d’antécédents familiaux d’hémophilie;
– Découverte du déficit lors d’un bilan préopératoire
systématique.
• Anamnèse:
– Age, sexe;
– ATCD personnels de saignement anormal;
– ATCD personnel de douleur d’une articulation;
– ATCD personnels de prise de médicaments;
– ATCD familiaux de saignement ou de trouble de la
coagulation dans la fratrie (négativité de l’enquête
n’élimine en rien le diagnostic);
– Notion de traumatisme même mineur ou d’effort
prolongé;
– Localisation, durée, quantité du saignement : toujours
s’enquérir de la coloration des selles et des urines;
– Signes d’intolérance: asthénie, somnolence, dyspnée.
• Examen physique: doit être minutieux
– Apprécie l’ampleur du saignement;
– Retentissement locorégional: pouls, sensibilité,
motricité;
– Retentissement hémodynamique: EG, pouls, FC,
FR;
– Le saignement peut- être extériorisé ou non.
• Hémorragies non extériorisées:
– L'hémarthrose constitue la manifestation
hémorragique la plus typique et la plus fréquente.
Par ordre de fréquence décroissante seront
touchés les genoux, les coudes, les chevilles, les
épaules et les hanches.
• Se constitue en quelques heures: tuméfaction
douloureuse, chaude avec attitude vicieuse
• Sans traitement, résorption en plusieurs jours avec
lésion du cartilage et de la synoviale ainsi qu'une
amyotrophie qui fragilise l'articulation et expose aux
récidives.
– Hématomes sous cutanés ou musculaires:
• Sous cutanés: échymose (bleu, violet)
• Musculaires: peuvent être dangereux par leur volume
ou leur localisation. Certains mettent en jeu le
pronostic vital par asphyxie ou collapsus hémorragique.
D’autres mettent en jeu le pronostic fonctionnel par
compression vasculo-nerveuse ou rétraction
tendineuse.
– Hémorragies du SNC: rares , mais redoutables
Hématomes de localisation dangereuses
• Hémorragies extériorisées:
– Plaies cutanées;
– Hémorragies buccales et dentaires: fréquentes;
– Epistaxis: très fréquentes chez l’enfant;
– Hématuries: en général spontanées. Peuvent se
compliquer de colique néphrétique;
– Hémorragies digestives plus rares mais peuvent
être brutales et très abondantes;
– Hémorragies postopératoires.
Paraclinique
• le Temps de Céphaline Activé (TCA) ou Temps de Céphaline Kaolin
(TCK) est allongé (>3N dans les formes sévères)
• Temps de Quick ou Taux de Prothrombine (TP), le temps de
thrombine(TT), le fibrinogène et le temps de saignement sont
normaux
• Facteur VIII ou IX: abaissé
• NFS: plaquettes normales, anémie
• Diagnostic anténatal possible: indication: formes sévères
– Prélèvement du sang des villosités choriales est pratiqué à la
10ème semaine d’aménorrhée et étude de l’ADN du fœtus.
– Ponction de sang fœtal vers la 20ème semaine chez les fœtus
dont le sexe mâle a été reconnu par échographie.
2- Formes cliniques (1)

Selon la gravité:
• Hémophilie mineure
– Entre 6 et 30 % d’activité du facteur de coagulation. TCA
allongé de 1,2 - 1,5N;
– Peut ne jamais présenter de trouble de saignement;
– Risque de saignement prolongé après une intervention
chirurgicale ou une lésion grave;
– Hémorragies rares.
2- Formes cliniques (2)
• Hémophilie modérée
– Entre 2 et 5 % d’activité du facteur de coagulation. TCA
allongé de 1,5 - 2N
– Risque de saignement prolongé après une intervention
chirurgicale, une lésion grave ou une intervention
dentaire.
– Peut présenter des épisodes de saignement environ une
fois par mois.
– Saigne rarement, voire jamais sans raison évidente.
• Hémophilie sévère
– Moins de 1 % d’activité du facteur de coagulation.
2- Formes cliniques (3)
Selon l’âge:
• Forme à révélation néonatale: rare.
– Saignement du cordon,
– Volumineux céphalhématome ou bosse sérosanguine,
– Saignement prolongé après circoncision précoce,
hémorragie intracrânienne
• Forme du nourrisson
• Forme du grand enfant et de l’adolescent:
diminution des saignements due à la prise de
conscience de la maladie.
2- Formes cliniques (4)
• Selon le sexe:
– Hémophilie chez le sujet de sexe masculin: quasi
exclusive
– Hémophilie féminine: exceptionnelle
3- Diagnostic différentiel

• Maladie de von Willebrand: pas de différence de sexe, TS allongé,


TCA allongé, vWF: Ag +/- abaissé, vWF cofact ristocétine
abaissé(vWF rCo), VIII peu abaissé.
• Autres déficits en facteurs de coagulation (II, V, VII, X, XI)
• Thrombopathies: qualitatatives ou quantitatives
• Avitaminose K
• Insuffisance hépatocellulaire (IHC)
• Prise de médicaments: antivitamine K (AVK), antiagrégants
plaquettaires, héparine
• Maladies de système: LED
• CIVD
V- PRISE EN CHARGE
• Multidisciplinaire: (Hématologue, Pédiatre,
Orthopédiste, Psychologue, Généticien,
Biologiste…)
• PEC globale du malade et de sa famille
• BUTS :
– Traiter et prévenir les crises hémorragiques;
– Prévenir les complications;
– Améliorer le confort du patient.
• MOYENS:
1- Traitement substitutif
– Facteurs de coagulation d’origine plasmatique
inactivé sur le plan viral ou recombinant;
– Doit être débuté le plus tôt possible au cours d’un
épisode hémorragique;
– Dose dépendant de la sévérité du saignement;
– Voie IV: 1UI → ↑2% Facteur VIII et 1% Facteur
IX;
– Cout élevé.
2- Traitement d’entretien (prophylactique)

– Injection systématique de facteur VIII toutes les 48


heures ou de facteur IX tous les 3 jours → ↓du
nombre d’accidents hémorragiques;
– La prophylaxie systématique, dès la première
hémarthrose, pourrait contribuer à limiter
l’arthropathie chronique.
3- Autres traitements anti-hémorragiques

• Antifibrinolytiques: Acide Tranexamique


(EXACYL*): Seuls ou combinés au traitement
substitutif.
• D-Arginine-Vasopressine(MINIRIN*): ↑de 2 à 4
fois les taux de facteur VIII. Indiqué en première
intention en cas d’accident hémorragique survenant
chez un hémophile A mineur ou modéré. Peut être
combiné à l’Acide Tranexamique.
• Perfusion de concentrés de plasma frais
4- Traitement des cas particuliers (1)

• Saignements articulaires et musculaires:


– Traitement substitutif;
– Immobilisation dans une position fonctionnelle: réduit la
douleur et le risque de récidive;
– Si saignement important du psoas, alitement complet;
– Ponction articulaire: si hémarthrose importante;
– Corticothérapie courte;
– Kinésithérapie : à court et à long terme;
– Chirurgie possible si hématome volumineux ou
compression importante.
4- Traitement des cas particuliers (2)
• Epistaxis:
– Compression;
– Pommade HEC si saignement minime;
– Ttt substitutif si saignement abondant.
• Hémorragie digestive:
– Ttt substitutif intensif les premiers jours;
– Antifibrinolytiques (Acide tranexamique)
4- Traitement des cas particuliers (3)
• Hématurie:
– Traitement immédiat associe la prise de boissons
abondantes aux antalgiques en cas de douleur;
– Antifibrinolytique (Acide tranexamique) contre
indiqués;
– Ttt substitutif indiqué seulement si hématome
intra rénal à l’échographie.
• Hémorragie intracranienne: Ttt substitutif
5- Interventions chirurgicales chez
l’hémophilique: précautions
• En cas d’urgence (accident de la voie publique,
appendicite aiguë, occlusion intestinale, hernie
étranglée...):
– Ttt substitutif à la dose de 60 UI/kg de facteur VIII ou
IX, injectée en 10 minutes;
– Maintenir la substitution jusqu’à cicatrisation
complète.
• Interventions « programmées »: 30 UI/kg /8H
avant l’intervention et jusqu’à cicatrisation
complète.
6- Traitement adjuvant
• Antalgiques:
– Paracétamol
– Morphiniques
– AINS strictement contre indiqués
• Compressions : Hématome minime
• Transfusion de sang frais si anémie sévère
7- Mesures préventives (1)
• Etablir une carte d‘hémophile
• Etablir des règles de conduite :
– Toutes les vaccinations sont possibles. Le vaccin contre l'hépatite B est
recommandé très précocement;
– Proscrire les injections intramusculaires;
– Se méfier des médicaments ayant une action sur l'hémostase : Aspirine, Anti-
inflammatoires non stéroidiens;
– Bien comprimer après une ponction veineuse ou sous cutanée;
– Bonne hygiène dentaire, brossage doux;
– Interventions diagnostiques et autres: la ponction lombaire, le cathéter sous
clavier, la ponction artérielle, etc., ne sont possibles que sous traitement
substitutif;
7- Mesures préventives (2)
– Eviter les traumatismes et les sports violents;
– Enquête familiale pour dépister d'autres
hémophiles et les conductrices;
– Possible conseil génétique;
– Soutien psychologique du malade et de sa famille;
– Education sur la maladie au près des parents, les
grands enfants et les adolescents.
VI- EVOLUTION (1)
• Le traitement et le suivi → une réduction
significative des complications et séquelles →
amélioration de la qualité de vie et de
l’insertion sociale.
VI- EVOLUTION (2)
COMPLICATIONS
• Locomotrices:
– Destructions articulaires (arthropathie
hémophilique)
– Handicap fonctionnel
– Douleurs
• Mécaniques:
– Compression des paquets vasculo-nerveux
– Compression des voies respiratoires
• Hématologiques: Anémies sévères
VI- EVOLUTION (3)
• Infectieuses: Contamination par le virus de
l’hépatite B, C, HIV car malades polytransfusés.
• Immmunologiques: Développement d’inhibiteurs
contre le Facteur VIII ou Facteur IX exogène (ACC:
anticoagulant circulant)
• Séquelles:
– Attitudes vicieuses irréductibles (flessum, équin);
– Rétractions tendineuses;
– Amyotrophie;
– Paralysies par compression nerveuse…
VII- CONCLUSION
• Hémophilie: maladie congénitale héréditaire liée au chromosome sexuel
X;
• Touche essentiellement le garçon;
• Diagnostic : clinique et biologique;
• Dans notre contexte, l’hémophilie pose:
– un problème épidémiologique (rareté d’études),
– un problème diagnostique (diagnostic positif pas toujours possible),
– un problème thérapeutique (Ttt substitutif couteux et non disponible)
• Complications et séquelles peuvent être invalidantes.
REFERENCES
• Richard E., Robert M., Hal B. Nelson Textbook
of Pediatrics, 18th edition, 2007.
• Lambert T., Rafowicz A., Dommergues JP.
Enfant hémophile. Encycl Méd Chir (Elsevier,
Paris), Pédiatrie, 4-080-B-20, 1999, 8 p.
• Dr. Esther Meili, Dr. Brigit Brand, 2006
Recommandations pour le traitement de
l‘hémophilie, association suisse des
hémophiles.

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