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Lors des deux précédents entretiens, l’économiste Omar

Bakkou nous a présenté les propositions de la CSMD pour


réformer quatre secteurs essentiels, à savoir l’eau, l’énergie, le
logement et l’éducation. Dans le présent entretien nous
interrogerons O. Bakkou sur un autre secteur éminemment
important pour le devenir du Maroc, à savoir celui de la santé.
-Quelles sont alors les propositions pour améliorer la situation du
secteur de la santé ?
Le secteur de la santé se caractérise globalement par une insuffisance de l’offre et de
la demande.
L’insuffisance de l’offre est à la fois quantitative et qualitative.
Sur le plan quantitatif, l’insuffisance de l’offre sanitaire concerne particulièrement
certains territoires dans lesquels les infrastructures et le personnel de santé semblent
inexistants.

Alors que sur le plan qualitatif, cette carence constitue le constat général dégagé lors
des auditions organisées par la CSMD.

S’agissant de l’insuffisance de la demande, elle demeure liée à la faiblesse des


revenus de franges importantes de la population et à la faible couverture sanitaire de
cette population.
Pour dépasser cette situation, le rapport de la CSMD a émis un ensemble de
propositions.

Ces propositions visent naturellement à agir à la fois sur l’offre et la demande des
services de santé.
-Quelles sont alors les propositions émises par le rapport de la CSMD
pour améliorer l’offre de soins ?
Les propositions émises par le rapport de la CSMD pour l’amélioration de l’offre de
soins au Maroc peuvent être rangées en trois catégories.

La première catégorie concerne les propositions visant les ressources humaines.


S’agissant de la deuxième catégorie, elle concerne les propositions visant
les structures hospitalières.
Quant à la troisième catégorie, elle concerne les propositions visant les modalités
organisationnelles du secteur de la santé.
-Pourriez-vous nous parler davantage des propositions visant les
ressources humaines ?
Les propositions visant le renforcement des ressources humaines peuvent être
scindées en deux catégories : celles visant à améliorer la quantité et celles ciblant la
qualité de ces ressources.

En matière quantitative, il est suggéré d’améliorer la densité du personnel


soignant sur l’ensemble du territoire en passant de 2 pour 1000 habitants
actuellement à 4,5 pour 1 000 habitants en 2035.
Pour la réalisation de cet objectif, ledit rapport propose d’augmenter les capacités de
formation de médecins, cela à travers deux principaux instruments.
Le premier instrument consiste dans le renforcement des capacités des CHU et des
facultés actuels (publics et privés) en assurant que l’ensemble des régions du
Royaume disposent d’une offre de formation (CHU et faculté) .

Quant au second instrument , il consiste dans la réduction de la durée de formation


généraliste en allouant certains enseignements aux formations spécialisées.

En matière qualitative, le rapport de la CSMD suggère l’amélioration de la qualité


des ressources humaines déployées pour l’offre de services de santé, et ce, à travers la
valorisation des métiers de la santé.
Pour la réalisation de cet objectif, ledit rapport propose de mettre en place un statut
particulier pour les professionnels de santé.

Ce statut s’articulera autour de deux principes fondamentaux : la révision du régime


de rémunération à la hausse et son indexation sur la qualité et le rendement.

Ce régime de rémunération devrait à terme converger vers celui adopté par le secteur
privé.

Cette convergence permettra de résorber les distorsions actuelles décourageantes


pour la motivation du personnel de l’hôpital public.

-Quid des propositions visant les structures hospitalières ?


Pour le développement des structures hospitalières, le rapport de la CSMD a émis
trois principales propositions :

– Le renforcement de l’hôpital public ;

– La promotion de l’investissement privé dans le secteur de la santé ;

– L’encouragement de la coopération public-privé.

-Quelles sont les propositions suggérées pour l’amélioration des


modalités organisationnelles du secteur de la santé ?
Les propositions émises à ce titre peuvent scindées en trois volets.

Le premier volet concerne la déclinaison territoriale de l’offre de soins.

S’agissant du deuxième volet, il concerne les aspects techniques de l’offre de soins.

Quant au troisième volet, il concerne l’architecture institutionnelle de gestion du


secteur sanitaire.

-Pourriez-vous expliciter davantage comment l’offre de soins devrait être


déclinée sur le plan territorial ?
Le rapport de la CSMD préconise une refonte de l’organisation territoriale du
système de santé.

Cette refonte devrait aboutir à l’organisation du parcours de soins autour de trois


échelons .
Le premier échelon est d’ordre communautaire comprenant la télémédecine et les
agents de santé communautaire, pour les territoires les plus reculés.

Puis un second échelon de proximité permettant l’accès aux soins de base dans des
centres médicaux et hospitaliers de proximité disponibles au niveau des cercles et des
districts.

Et enfin, un troisième échelon de recours au niveau régional, permettant l’accès à des


soins hospitaliers spécialisés.

-Quid des propositions concernant les aspects techniques relatifs à l’offre


de soins ?
Les propositions émises à ce titre portent sur l’accélération de l’utilisation des
nouvelles technologies dans le système de santé.

Cette digitalisation devrait se matérialiser par la mise en place du registre médical


numérique pour tous les citoyens.

Ce registre permettra d’établir une cartographie des pathologies sur l’ensemble du


territoire.

Cette cartographie devra appuyer le pilotage global de la politique publique de santé


et de l’offre de soins.

-Vous venez de présenter deux principaux volets concernant les réformes


proposées pour l’amélioration des modalités organisationnelles du
secteur de la santé. Reste le troisième volet, à savoir celui de
l’architecture institutionnelle du secteur de la santé. Pourriez-vous nous
expliciter les principales propositions émises à ce titre ?
Oui en effet, le rapport de la CSMD propose une refonte de la gouvernance sanitaire.

Cette refonte devrait s’articuler autour de trois principales orientations.

La première orientation concerne la coordination de l’offre publique de soins au


niveau régional.

Cette coordination devra être opérée à travers le regroupement du CHU régional et


l’ensemble des structures hospitalières régionales au sein d’un même établissement
public autonome.

Cet établissement aura pour mission d’assurer les soins hospitaliers, la formation et
la recherche.

La deuxième orientation concerne le pilotage de l’offre globale de soins (public et


privé) au niveau régional.

Ce pilotage devra être opérée à travers la mise en place d’agences régionales de santé
.

Ces agences auront deux principales missions : la mise en œuvre de la politique


publique de santé au niveau régional et la promotion de la coopération entre le
secteur public et celui privé.
La troisième orientation concerne la supervision de la qualité de l’offre de soins.

Cette supervision devra être opérée à travers la mise en place d’une autorité
scientifique indépendante du ministère de la Santé.

Cette autorité aurait pour mission de veiller sur l’ objectif précité par le biais d’une
panoplie d’instruments, notamment :

-la définition de normes et de procédures ;

– l’encadrement de la formation et des compétences ;

-la mise en œuvre de mécanismes de contrôle et d’accréditation ;

-l’analyse des tendances et évolutions nationales et mondiales ayant un impact sur le


système de santé, et ce, dans l’objectif de prévenir, détecter et riposter contre des
urgences de santé publique et de réduire leur impact sur les citoyens.

-Quid des propositions émises par le rapport de la CSMD pour


solvabiliser la demande de soins ?
Les propositions destinées à soutenir la demande de soins consiste dans l’accélération
de la généralisation de l’accès à la couverture médicale de base.

Cette généralisation consistera à intégrer les travailleurs non-salariés dans le régime


de l’AMO et à assurer l’accès effectif au RAMED aux populations éligibles.

Ces mesures permettront d’intégrer environ 12 millions de Marocains qui ne


disposent actuellement ni de l’Assurance Maladie Obligatoire (l’AMO) ni du Régime
d’Assistance Médicale ( le RAMED).

Ces deux régimes doivent faire l’objet d’une convergence progressive vers une caisse
unique de la couverture médicale de base.

Cette caisse devra assurer l’accès aux paniers de soins, avec une tarification de
référence reflétant les coûts réels de prestation des soins.

-il s’agit d’un projet ambitieux qui butera naturellement sur le problème
du financement. Comment ce projet sera financé ?
Cette caisse sera financée en matière de sa composante solidaire (l’équivalent du
RAMED) par le budget de l’Etat (recettes fiscales spécifiques).

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