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Quand le sang dans les veines ne remplit pas son rôle, comme c’est le cas
chez les patients souffrant d’un cancer du sang, la transplantation d’une
nouvelle moelle osseuse, bien que complexe et risquée, constitue un bon
traitement. Avec la nouvelle moelle osseuse, le patient bénéficie d’une usine
à fabriquer des globules rouges dépourvus de cellules cancéreuses
dangereuses.
Mi-novembre 2016, Ingrid fait le voyage jusqu’au Rikshospital, à Oslo.
Toutes les analyses supplémentaires ont confirmé le verdict. Ingrid souffre
d’un cancer du sang répondant au nom de leucémie myéloïde aiguë. Il est
dangereux, mais les médecins ont un plan.
Le cancérologue annonce des séances de chimiothérapie, des périodes de
repos et évoque des pistes alternatives pour le traitement. Il n’y a pas de
temps à perdre.
Le jour même, on implante à Ingrid un tube en plastique − un cathéter
veineux central − qui pénètre par le côté droit de la cage thoracique,
quelques centimètres au-dessous de la clavicule. Ce tube permet d’envoyer
du liquide directement dans la circulation sanguine.
La première semaine de chimiothérapie, les médecins injectent des
molécules chimiques tuant toutes les cellules qui se divisent vite. De
nombreuses cellules cancéreuses meurent. Il y a malheureusement des effets
collatéraux sur d’autres tissus à renouvellement rapide comme les cheveux
et les cellules des muqueuses buccales et intestinales.
Après la séance de chimiothérapie, les médecins testent la moelle osseuse
à la recherche de cellules cancéreuses. Mais la réponse des échantillons
n’est pas celle espérée par les médecins, aussi Ingrid se voit-elle soumise
directement à une deuxième séance de chimiothérapie.
Cette fois, elle subit toute une série d’effets secondaires. La peau de ses
mains et de ses pieds se détache. Impossible d’écrire, de se brosser les dents
ou de marcher. La nuit, elle dort avec des gants de glace aux mains. Elle est
en proie à des poussées d’herpès et est placée à l’isolement dans sa
chambre, une petite pièce blanche avec un lit, une télévision et des toilettes.
Noël arrive et passe, triste conclusion d’une année difficile.
Mais une bonne nouvelle arrive enfin, le premier jour de 2017 : ses
défenses immunitaires reprennent des couleurs. Une semaine plus tard,
Ingrid est autorisée à rentrer chez elle.
Aller simple
Pilleurs de tombes
Evatar
Lavage du cerveau
Un dernier baiser
À la photocopieuse
Revenons-en à Kari et Ola. Ces derniers ont déjà eu des rapports sexuels à
de nombreuses reprises, alors on peut calculer qu’au cours de leur vie, ils
auront entre deux mille et trois mille rapports sexuels. Mais comment
savons-nous ce qu’ils font dans leur chambre à coucher, dans leur voiture,
dans leur chalet en vacances ou à la photocopieuse ?
Eh bien, parce que quelqu’un a étudié les habitudes sexuelles des gens.
Quelqu’un s’est donné la peine d’interviewer des milliers de personnes sur
leurs pratiques sexuelles, un travail colossal qui, dans les années 1940
et 1950, était quelque peu sujet à controverse. Quand, où et comment les
gens ont-ils des rapports sexuels ? Nous avons ainsi, grâce à
l’entomologiste américain Alfred Kinsey (1894-1956), pionnier de la
sexologie, une source quasiment inépuisable de connaissances sur le sujet.
Avec plusieurs collègues, Kinsey sillonna tous les États américains et
recueillit les propos de vieux, de jeunes, de gens mariés, de célibataires,
d’hétéros, d’homos et même d’asexuels. En 1948, parut son étude sur les
habitudes sexuelles des hommes, basée sur les interviews et les histoires de
12 000 hommes. Cinq ans plus tard, il publia une seconde étude sur les
habitudes sexuelles des femmes, dans laquelle 5 940 femmes firent part de
leurs expériences.
Les deux livres révélaient des pratiques sexuelles très variées qui
mettaient à mal l’idée tenace, à l’époque, d’une vie sexuelle standardisée.
« Il n’y a pas de norme de comportement sexuel qui soit typiquement
américaine », écrivit le journaliste américain Albert Deutsch dans l’article
qu’il rédigea au sujet de l’étude sur les femmes.
Kinsey et ses collègues recensèrent une grande diversité de
comportements, que ce soit chez les hommes ou chez les femmes –
notamment concernant les sources d’excitation, la fréquence des rapports
sexuels (que ce soit en solitaire ou avec un partenaire) et la différence entre
ce qui se passe avec ceux dont on tombe amoureux et ceux avec qui on a
simplement eu des expériences sexuelles. Ils observèrent aussi de grandes
variations dans l’évolution des habitudes sexuelles au cours d’une longue
vie, et dans ce qui pousse les hommes et les femmes à se mettre en quête
d’une partenaire. Bref : les gens sont différents !
Pourtant, les chercheurs ne renoncent toujours pas à leur besoin impérieux
d’analyser, de mesurer, d’étudier et de comprendre ce qui se passe dans et
avec un corps pendant l’acte sexuel. Kinsey, lui, souhaitait franchir une
étape supplémentaire et observer, analyser l’acte sexuel proprement dit. Il
n’osa cependant pas solliciter de financement pour ce genre d’expériences
ni effectuer ses recherches à son labo. La solution de repli, chez lui dans son
grenier, ne rebuta pas les trente couples qui se présentèrent pour être filmés.
Certains des volontaires se masturbèrent aussi devant la caméra, y compris
Kinsey lui-même.
Kinsey n’était toutefois pas le premier chercheur qui, pour des raisons
diverses, donnait de sa personne ou était excité, au sens littéral, par la
recherche sur les habitudes sexuelles. Dans les années 1890, le gynécologue
américain Robert Latou Dickinson (1861-1950) interrogeait ses patients sur
leur sexualité, en leur demandant des détails intimes sur leurs habitudes
sexuelles avant de les examiner. Certaines des réponses qu’il obtint
débordaient largement du cadre de ce dont il est habituel de parler avec son
médecin. Au début des années 1900, le psychologue américain John Watson
(1878-1958) décida de donner de sa personne pour aider la science. Avec
une étudiante de 19 ans répondant au nom de Rosalie Rayner, et qui plus
tard allait devenir sa seconde épouse, ils formèrent peut-être le tout premier
couple à participer à la fois en tant que chercheurs et cobayes. Les
enregistrements sonores et les notes de leurs expériences comptèrent
probablement pour beaucoup dans la procédure de divorce entre Watson et
sa première femme.
Dans Bonk, l’écrivaine américaine Mary Roach, née en 1959, explique
pourquoi autant de chercheurs qui se sont intéressés au à la sexualité ont
pris une part active à leurs projets de recherche. Non pas qu’ils fussent
pervers ou anormaux, mais il était alors à la fois difficile, gênant et risqué
d’inviter des personnes étrangères à avoir des rapports sexuels devant une
caméra. Dans les années 1940 et 1950, les découvertes de Kinsey se
heurtèrent à une forte opposition. En revanche, quelques décennies plus
tard, les mentalités conservatrices avaient évolué et les chercheurs osèrent
des expériences de plus en plus intimes et détaillées.
Imaginez cette scène du début des années 1960 : un homme et une femme
sont assis côte à côte sur un lit d’hôpital. Des murs blancs et des lampes au
plafond éclairent leurs corps nus, sur lesquels des capteurs sont fixés à la
tête, à la poitrine et aux organes génitaux, tandis que des fils électriques
sont reliés à des machines qui ronronnent et bipent. Une voix donne le feu
vert par haut-parleur et le couple commence à se caresser. Derrière une
glace sans tain se tient le duo de chercheurs américains William Masters
(1915-2001) et Virginia Johnson (1925-2013). Ils prennent des notes,
impatients de confirmer la nouvelle théorie selon laquelle un rapport sexuel
se décompose en quatre phases : excitation, plateau, orgasme et
normalisation.
En pleine conscience
Gouttes précieuses
Comme cela arrive parfois, l’orgasme d’Ola déclenche celui de Kari. Elle
ressent des picotements dans tout le corps, des contractions dans le bas-
ventre et une sensation chaude de plaisir. D’autres fois, Kari peut avoir
plusieurs orgasmes de suite, et une fois de temps à autre, il lui arrive même
d’éjaculer. Les premières fois, Kari et Ola furent tous deux surpris de voir
des gouttelettes sortir de l’urètre féminin. Cette mythique éjaculation
féminine n’est pas de l’urine, comme beaucoup le croient. Sa consistance,
son odeur et son goût n’ont rien à voir, bien que l’origine et la fonction de
ce fluide féminin ne soient pas encore complètement analysées.
Cette fois-ci, c’est terminé, sans orgasmes en série ni orgasme fontaine.
Kari sent que le pénis devient mou, lui qui pourtant quelques secondes plus
tôt était tout dur. Ola est extrêmement sensible après l’orgasme et il n’arrive
pas à rester en elle. Ils ont alors atteint la quatrième phase de
l’accouplement, la normalisation, et le sang regagne sa place dans le corps.
Étendus sur le dos, côte à côte, tous deux sont essoufflés et transpirent.
Les spermatozoïdes ayant échoué dans le vagin de Kari, ont déjà entamé
la compétition féroce dont plus de 99,9 % sortiront perdants. Quant au
vainqueur, un long et éprouvant parcours l’attend. Mais vers où doit-il
nager ?
Dans son livre Sperm Wars : Les secrets de nos comportements amoureux,
le biologiste évolutionniste Robin Baker décrit une tentative de filmer
l’intérieur de volontaires pendant l’accouplement. Pour ce faire, le
chercheur fixa une caméra à fibre optique sur la face inférieure du pénis
juste avant le rapport sexuel. La caméra capta l’accouplement comme si elle
était le pénis et les observateurs ne furent pas au bout de leurs surprises.
Le vagin n’est pas un canal ouvert ou un cylindre ouvert plein d’air. Au
lieu de cela, les parois humides sont très rapprochées, disons comme un
tuyau d’incendie vide. Lorsque l’homme pénètre la femme avec son pénis
caméra, les deux parois se séparent, et on peut voir l’extrémité du vagin
comme un mur aveugle. Quand l’homme retire son pénis, le vagin se
referme.
Grâce au pénis caméra, les chercheurs virent apparaître, au fur et à mesure
que le rapport sexuel avançait, le col de l’utérus, formant comme une
ouverture au fond du vagin. Tout au long des rapports sexuels, le col de
l’utérus changea de forme et se distendit vers le bas, vers le plancher de
l’utérus. Lorsque l’homme éjacula, le sperme s’accumula comme une
flaque à l’intérieur du vagin.
Les spermatozoïdes ayant quelque espoir d’atteindre un ovule doivent se
hâter d’entrer en contact avec le col de l’utérus. Baker utilise une
métaphore : « Imaginez que le col de l’utérus est comme une trompe
d’éléphant qui plonge dans une grande flaque de sperme », écrit-il. Seule
environ la moitié des spermatozoïdes parviendront à entrer en contact avec
le col de l’utérus et progresseront vers le haut. L’autre moitié devra ressortir
en suivant le même chemin qu’à l’aller, c’est-à-dire à travers le vagin.
L’une des raisons qui font que Baker porte autant d’attention au col de
l’utérus, c’est le mucus que produisent ses cellules : la glaire cervicale. Il
qualifie cela de wonderful stuff, quelque chose sans équivalent.
Les sécrétions du col de l’utérus contrôlent ce qui entre dans l’utérus et ce
qui en sort. Les bactéries et les parasites se voient barrer l’accès, tandis que
le sang des règles a un droit de passage une fois par mois. Les gamètes,
mauvais nageurs, restent englués, tandis que les plus sains et rapides
parviennent à nager librement. Dans son ouvrage Le Premier mystère,
Katharina Vestre dépeint cela en termes élégants : « Le paysage entourant
les spermatozoïdes n’est ni limpide ni hospitalier. Il n’est pas sans rappeler
une forêt envahie par la végétation, pleine de broussailles chaotiques et de
voies sans issue. »
Certaines recherches indiquent que la glaire cervicale peut aider à
sélectionner les spermatozoïdes. Ce qui est sûr, c’est que les mauvais
gamètes trouvent porte close. Neuf mois plus tard, si la fécondation a eu
lieu, un bébé de cinquante centimètres passera par ce même canal
bien lubrifié.
Droite ou gauche ?
Bingo !
Kari est au travail où elle prépare une importante réunion. Elle ne le sait
pas, mais dans son corps, les deux cellules qui deviendront le nouveau-né se
rencontrent.
L’ovule est protégé par une membrane visqueuse que les spermatozoïdes
doivent s’efforcer de traverser. Le premier gamète qui atteint l’ovule appuie
sa tête contre la membrane de l’ovule et les deux fusionnent. Le contact
entre les deux membranes envoie également un signal à l’extérieur de
l’ovule pour empêcher de nouveaux spermatozoïdes de suivre le
mouvement. La route est barrée et pour les 99 gamètes restés à l’extérieur,
c’est « game over ». Le vainqueur rafle la mise !
Les vingt-trois chromosomes du spermatozoïde et les vingt-
trois chromosomes de l’ovule vont constituer le matériel génétique du futur
bébé. L’ovule fécondé se déplace lentement vers le bas de la trompe de
Fallope, d’où vient le gamète ; c’est à ce moment que commence la division
cellulaire. Lorsque l’ovule fécondé arrive dans l’utérus, environ
une semaine plus tard, il a l’aspect d’une framboise, avec sa centaine de
cellules. Le grumeau se cramponne à la paroi de l’utérus et lance des
messages annonçant que quelque chose de nouveau est en cours. Quand le
fœtus atteint vingt-deux jours, son cœur se met à battre.
Branchements pirates
L’eau dans les poumons, qui pour les adultes peut être un symptôme grave
de maladie cardiaque aiguë, est tout à fait indispensable pour le bébé dans le
ventre de sa mère : elle contribue au développement normal des cellules
pulmonaires. En revanche, le développement in utero peut s’arrêter net si de
l’air s’infiltre.
Respirer trop tôt peut se traduire par des défis considérables et durables
pour les enfants nés prématurément. Une grossesse normale dure
quarante semaines, mais parfois les enfants naissent alors qu’ils ne sont
qu’à la moitié de leur développement. Après vingt semaines seulement, il
est trop tôt pour que l’enfant respire de l’air. Dans l’idéal, les enfants
prématurés devraient continuer à baigner dans un liquide pendant encore
quelques mois.
Dans le laboratoire de recherche d’Emily Partridge, chirurgienne
pédiatrique à l’hôpital pour enfants de Philadelphie, se trouve une sorte de
récipient transparent avec des valves et des fils électriques. À l’intérieur, il y
a un agneau vivant, mais encore à naître. Dans les vidéos qui accompagnent
l’article de recherche paru au printemps 2017, on peut voir un agneau qui
rêvasse et gigote à l’intérieur du sac plastique transparent.
Partridge et ses collègues utilisent des fœtus de moutons pour leurs
recherches, des agneaux qui, normalement, naissent au bout de 145 jours
(chez les êtres humains, le développement du fœtus dure environ 280 jours).
Pour leurs expériences, ils récupèrent des fœtus de moutons après environ
100 jours et les laissent terminer leur développement dans le sac au
laboratoire. Pour éviter que le liquide amniotique artificiel ne soit
endommagé par des bactéries, le sac est une chambre stérile fermée par un
zip. Le cœur de l’agneau pompe le sang du cordon ombilical à travers un
filtre à air et retourne dans son corps, exactement comme à l’intérieur de sa
mère.
La technologie demande encore quelques années de développement avant
de pouvoir aider les bébés très prématurés, nés entre la 22e et la
26e semaine. Les scientifiques sont bien conscients que leurs recherches ne
leur permettent d’améliorer que la situation des enfants nés après la
22e semaine. Mais que se passera-t-il quand un tel sac leur permettra de
sauver des fœtus âgés de 15 semaines, des fœtus encore soumis aux limites
de l’avortement médical ?
Cette recherche a aussi un côté futuriste, lorsqu’on imagine un ovule
fécondé se développant et devenant un bébé dans un utérus artificiel
pendant neuf mois.
En attendant, ce sont les femmes qui doivent porter le poids du
développement fœtal, et pour Kari, qui en est maintenant au septième mois,
le fœtus pèse un kilo et demi. Pendant ses mois de grossesse, elle n’a pas
ses règles. Les cycles hormonaux, qui d’habitude contrôlent son corps par
tranches de 28 jours, sont remplacés par un signal de l’utérus. Elle a un
excès d’eau dans ses jambes enflées, un bébé qui lui comprime
constamment la vessie et une envie irrésistible de soda et de chocolat.
Heureusement, il ne reste que deux mois à patienter.
Un jour, sept semaines plus tard, elle sent quelque chose d’humide entre
ses jambes. La poche des eaux s’est rompue.
4. LA NOURRITURE
NAISSANCE FLOTTANTE
« Nous savons presque deux fois plus de choses sur les problèmes
d’érection que sur le lait maternel », affirme la chercheuse américaine Katie
Hinde. Le manque de connaissances sur la nourriture et les fluides corporels
peut avoir de graves conséquences et laisser un goût amer : au menu, du lait
cru, du boudin, de la masse cérébrale et du placenta.
Mystère de la vie
Avenir liquide
Pour les bébés qui se nourrissent de lait maternel, il est important de tirer
le meilleur parti possible de cette alimentation. Le processus débute donc
dès le seuil des lèvres. La salive du bébé contient en effet un fort taux de
lipase, une enzyme digestive qui décompose les matières grasses présentes
dans le lait maternel. Mais la salive fait bien davantage que transformer du
solide en liquide.
On sait que les personnes qui ont trop peu de salive ne tardent pas à en
mesurer les conséquences. Sans salive, il devient difficile de mâcher,
d’avaler et de parler. Une grande partie du goût de la nourriture disparaît et
le salé, le sucré et l’aigre provoquent une sensation piquante et douloureuse
sur la langue.
La salive et les muqueuses constituent également une première ligne de
défense. Or, pour assurer la défense contre les envahisseurs, il faut
davantage que quelques gouttes de salive : il faut de la salive dans toute la
bouche, en permanence. Pour que la salive ne déborde pas, vous avalez
beaucoup plus souvent que vous ne le croyez. Chaque jour, les glandes
salivaires produisent jusqu’à un litre et demi de salive, soit plus qu’une
brique de lait !
Pour l’essentiel, ce litre n’est que de l’eau avec quelques composants
supplémentaires. La salive se présente sous deux formes : la salive de repos,
visqueuse, et la salive stimulée, riche en eau. La mastication, le goût et
l’odeur peuvent activer les glandes salivaires et l’eau afflue sur la langue.
Après chaque repas, l’acidité de la bouche augmente. Cette acidité est
nocive pour les dents, et la salive est là pour rééquilibrer tout cela dans la
bouche.
L’âge, l’état de santé et la situation ont aussi une incidence sur le contenu
et la quantité de salive. Une équipe de chercheurs australiens a comparé la
réaction de la salive de bébés et celle d’adultes au lait maternel. Ils ont
découvert que la salive des bébés était dix fois plus efficace que celle des
adultes pour réagir au lait maternel et fabriquer du peroxyde d’hydrogène,
un désinfectant. Ainsi, la salive du bébé empêche les bactéries dangereuses
− comme la salmonelle, par exemple − de proliférer dans la bouche du
nouveau-né. La salive d’adulte constitue un habitat pour d’innombrables
colonies de bactéries qui ne survivent pas ailleurs dans le corps. Personne
n’y a découvert de substances dont l’action serait similaire à celle
d’antibiotiques, mais l’effet que cela aurait de lécher une blessure, comme
le font les chiens et les chats, manque pour l’instant de base scientifique.
La salive contient des traces remontant aux premiers temps de l’humanité,
un domaine que l’on appelle l’archéologie génétique. À l’été 2017, des
analyses d’ADN et des simulations informatiques montrèrent que les
ancêtres des Africains modernes se mélangèrent probablement à une espèce
humaine inconnue, il y a de cela des centaines de milliers d’années. Cette
hypothèse repose sur des analyses détaillées de salive.
Les scientifiques prirent comme point de départ l’une des protéines
présentes dans la salive, répondant au nom de mucine-7. La mucine-7 est
une glycoprotéine, c’est-à-dire une protéine associée à des glucides
(hydrates de carbone), qui contribue à rendre la salive visqueuse. Chez
certains Africains actuels, la mucine-7 contient d’infimes variations
génétiques, probablement héritées d’une autre espèce d’hominidés. Qui
étaient ces autres, comment cela s’est-il passé entre eux et, éventuellement,
quelles autres propriétés ont-ils transmises aux humains modernes ? Il est
trop tôt pour le dire.
Pendant que vous lisez, vous allez peut-être recevoir une lettre par la
Poste, malheureusement pas de celles qui vous invitent à passer un bon
moment, mais une courte missive qui vous rendra nerveux, en sueur et mal
à l’aise : « Devinez qui doit aller chez le dentiste ? », est-il écrit en blanc sur
fond rouge menaçant2.
Votre bouche deviendra sèche. Puis la salive reviendra.
Directement de l’artère
Manger des parties du corps d’autres humains n’est pas une idée nouvelle
et, en Europe comme en Chine, la médecine populaire a parfois suggéré
qu’il fallait manger du sang, des os, de la peau et des intestins humains pour
améliorer la santé des gens, sans que cela ne fasse de vagues ou ne
provoque de réactions majeures. En revanche, sur les îles d’Amérique
centrale au XVIe siècle, la vision du cannibalisme a eu de graves
répercussions.
Christophe Colomb et la reine d’Espagne cataloguèrent tous les indigènes
comme des cannibales, et cela donna aux soldats espagnols une raison de
tuer les indigènes ou de les prendre comme esclaves. Ces dernières années,
le doute s’est toutefois insinué dans les esprits : Colomb et ses compagnons
de voyages ont-ils vraiment observé des actes de cannibalisme dans chaque
village sur toutes les îles et sur le continent, ou ont-ils simplement invoqué
cette excuse pour s’emparer du nouveau continent et s’y installer ?
De très nombreux indigènes moururent également de maladies que les
Espagnols avaient apportées. Entre 60 et 80 millions d’êtres humains, dans
les Caraïbes, au Mexique et en Amérique centrale, moururent avant la fin
du XVIe siècle. Si ces chiffres sont exacts, le mot cannibale fut la raison qui
marqua le début du plus grand génocide de l’histoire de l’Amérique latine.
Au XXe siècle, à l’autre bout du monde, un rituel cannibale fit l’objet d’un
curieux projet de recherche d’anthropologues. Depuis l’île de Papouasie-
Nouvelle-Guinée parvenaient de plus en plus de rapports sur une
mystérieuse maladie, décrite comme de la maladie du tremblement ou du
rire de la mort. Ceux qui en étaient atteints perdaient lentement le contrôle
de leur corps et pouvaient rire jusqu’à en mourir. Ils tremblaient et
finissaient par rester couchés par terre, incapables d’avaler ou de respirer.
Ils mouraient de faim, de soif ou de pneumonie. Cette maladie mystérieuse
tuait environ 1 % de la population chaque année.
La population de l’île comptait alors 35 000 personnes, réparties entre
170 villages. Celles-ci n’eurent aucun contact avec l’Occident avant les
années 1930 et l’une des coutumes qui fit forte impression sur les
explorateurs Blancs fut le rituel entourant la mort. Les Papous pensaient en
effet qu’il valait mieux être mangé par ses proches que par les vers sous
terre.
Le défunt était placé sur un lit de feuilles et les femmes de la famille
découpaient le corps en morceaux. Les bouts de viande étaient disposés en
tas et partagés entre les proches. Les femmes disposaient ensuite les lanières
de chair sur des feuilles de bambou et les faisaient cuire au-dessus du feu
avant que la viande ne soit mangée. Finalement, elles ouvraient la cage
thoracique du défunt pour montrer les organes à la veuve. La tête du mort
faisait également partie du rituel, et après l’avoir débarrassée des cheveux et
de la peau à l’aide du feu et d’un couteau, elles ouvraient le crâne avec une
hache en pierre et en extrayaient le cerveau. Elles mélangeaient ce tissu
semi-solide avec des fougères avant de le faire cuire et de manger la matière
cérébrale. Les indigènes mangeaient tout le corps du défunt, y compris les
organes génitaux et les excréments qu’elles récupéraient dans les intestins
en grattant.
Avec le recul, il était facile de faire le rapprochement entre les actes
cannibales et la mystérieuse maladie du tremblement, appelée kuru :
globalement, seuls les femmes et les enfants tombaient malades, tandis que
les hommes adultes, qui ne participaient pas aux rituels, étaient plus
rarement touchés. Encore fallait-il trouver une explication médicale et un
traitement éventuel contre le kuru.
Cela nécessita un important travail de recherche, y compris l’injection de
matière cérébrale d’une victime du kuru chez trois singes. Deux des
animaux de l’expérience, Georgette et Daisy, présentèrent trois ans plus tard
des symptômes d’une maladie neurologique semblable à celle qui sévissait
en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le petit cerveau de Georgette avait un
aspect identique à celui des êtres humains atteints de cette maladie : de
grands trous dans le tissu cérébral, comme un fromage suisse.
Nous savons maintenant que le kuru ne vient ni d’un virus, ni d’une
bactérie, ni de parasites, mais d’une protéine, le prion, dont le repliement est
anormal. La protéine mal repliée est infectieuse car elle peut faire en sorte
que les protéines prion normales, qui sont nombreuses dans le cerveau,
changent de forme, et passent de saines à malades. L’effet domino se
propage, et les neurones, incapables de faire face à la quantité de protéines
mal repliées, finissent par mourir. Le cerveau est endommagé et cesse de
fonctionner normalement. Le kuru s’apparente à la maladie de la vache folle
et à la tremblante du mouton, des maladies à prions contagieuses dont
l’issue est toujours mortelle.
Après tout ça, je suis presque prêt à parier que vous n’aurez pas du tout
envie de vous adonner au cannibalisme. En revanche, vous devriez essayer
un plat de la cuisine traditionnelle norvégienne qui, selon le chef Henriksen,
contient quelque chose qui n’est ni tout à fait solide ni entièrement liquide :
que diriez-vous de goûter du sperme de morue frit ?
Un smoothie rouge
Le charme du badminton
L’intestin grêle peut lui aussi être endommagé par le suc gastrique, aussi
use-t-il de plusieurs stratégies pour éviter que le jus de betterave rouge ne
fasse fausse route et s’écoule dans l’abdomen.
Quant au pancréas, son rôle consiste avant tout à sauver la paroi
intestinale des effets du mélange corrosif de suc gastrique et de smoothie à
la betterave rouge. Aussi, juste après la transition de l’estomac à l’intestin
grêle, une petite ouverture, l’extrémité d’un mince tube provenant du
pancréas, déverse un suc sur le bol alimentaire. Ce suc pancréatique
contient des enzymes qui décomposent les graisses, les glucides et les
protéines. Les cellules dans la paroi intestinale sécrètent elles aussi un
mucus pour se protéger et aider les aliments liquides à circuler.
Lorsque le repas est important et gras, les graisses alimentaires activent
des capteurs, dans l’intestin, qui ouvrent les écluses de la vésicule biliaire
accolée au foie. La bile, ou plus exactement les enzymes contenues dans la
bile, transforment les graisses en molécules absorbables par la paroi
intestinale. Le canal de la vésicule biliaire asperge le smoothie à la betterave
rouge de bile verte. Le contenu de l’intestin a maintenant les couleurs de
Noël : rouge et vert.
Chaque jour, jusqu’à neuf litres de liquide transitent par l’intestin grêle.
Cinq litres et demi proviennent de la nourriture, de la boisson, du suc
gastrique et des enzymes de l’estomac, et trois litres et demi sont issus du
pancréas, de la vésicule biliaire et de la paroi intestinale.
Neuf litres de liquide qui passent par l’intestin. Qu’en advient-il ensuite ?
La plus grande partie est déjà absorbée dans l’intestin grêle, où un peu
plus de sept litres de liquide empruntent le même chemin que les nutriments
absorbés par les cellules intestinales. On donne à ce principe le nom
d’osmose : l’eau se déplace pour égaliser les grandes différences dans la
concentration de sucre, de morceaux de protéines, de vitamines et de sel.
Les cellules intestinales absorbent les morceaux décomposés de smoothie à
la betterave rouge depuis la lumière de l’intestin puis les transportent
activement jusqu’à leur pôle basal, où se situent les vaisseaux sanguins.
L’eau suit le même cheminement, passivement, par effet d’osmose ; elle va
aux endroits où la concentration de sucre et de sel est la plus élevée.
L’intestin grêle mesure en moyenne six mètres de long, mais la paroi
intestinale présente des milliers de petits plis, et chaque cellule intestinale
dispose de cils vibratiles en surface. Résultat : la surface totale de l’intérieur
de l’intestin est de loin plus importante que ce tube de quelques mètres de
long pour un diamètre de deux centimètres et demi.
Dans les manuels, on peut lire que la surface aplatie peut jusqu’à atteindre
entre 180 et 300 mètres carrés, soit environ la superficie d’un court de
tennis. Pourtant, à l’été 2014, des chercheurs suédois arrivèrent à la
conclusion que la superficie de l’intérieur de l’intestin grêle n’est que
d’environ 30 mètres carrés. Ces derniers eurent recours à des microscopes
ultra-perfectionnés pour calculer l’effet des villosités intestinales sur la
superficie totale de l’intestin, démontrant que la superficie totale des
muqueuses dans l’intestin d’un adulte n’est pas de la taille d’un court de
tennis, mais plutôt d’un demi-terrain de badminton.
Mais grâce à ce terrain de badminton, les cellules de la paroi intestinale
ont tout de même le temps et l’espace pour absorber la plupart des
nutriments de ce qui est désormais un smoothie à la betterave rouge et au
suc intestinal.
Les graisses sont captées par les vaisseaux lymphatiques, qui prennent une
coloration laiteuse. Ces vaisseaux rejoignent la circulation sanguine juste
derrière la clavicule et les graisses vont ainsi directement au cœur.
La plupart des autres substances passent à travers la paroi intestinale et,
au-delà, dans les vaisseaux sanguins. Les cellules consommatrices d’énergie
doivent encore attendre, car le sang transite d’abord par le foie. Celui-ci
joue un rôle de filtre : paracétamol, alcool et toxines sont décomposés et le
foie détruit aussi les vieilles cellules sanguines à la retraite.
Le foie est la station de désintoxication du corps. Si votre foie fonctionne
bien, vous n’avez pas besoin de boire de la purée de chou frisé ou des
décoctions de gingembre pour « nettoyer l’intérieur de votre corps » ou
« éliminer les déchets ». Votre corps se débrouille tout seul. Le foie peut
également détecter un excès de sucre et le stocker sous forme de glycogène.
Le sang filtré par le foie remonte ensuite vers le cœur avant d’être
réinjecté dans les poumons pour s’y charger en oxygène. Le sang, rempli
d’oxygène, de sucres et de protéines, peut enfin irriguer toutes les cellules
du corps.
Que de larmes
Les cellules du corps ont besoin à la fois d’énergie et d’eau. L’eau du jus
de betterave rouge circule dans les vaisseaux sanguins avant de se diffuser
dans les intervalles entre les cellules et d’enrichir le tissu conjonctif3. Toute
une série de cellules dépendent d’un flux régulier de liquide, par exemple
les glandes qui fabriquent la sueur et la salive. Certaines cellules ont
également pour tâche de produire des larmes et de la morve à des moments
très précis.
Le liquide lacrymal contient une longue liste d’ingrédients. Il garde la
pupille humide et la protège contre les intrus.
Dans son livre intitulé Why humans like to cry (Pourquoi les humains
aiment pleurer), Michael Trimble fait le lien entre l’histoire de l’évolution
et l’analyse de l’opéra et du théâtre pour déterminer d’où viennent nos
larmes émotionnelles. Il souligne que l’être humain est le seul animal dont
la vie sensorielle intérieure peut s’exprimer par un débordement au coin de
l’œil. Plusieurs animaux peuvent produire du liquide lacrymal sous l’effet
de la douleur, mais seuls les humains se mettent à larmoyer en regardant un
film triste, en écoutant de la musique ou en assistant à des obsèques.
Plusieurs projets de recherche ont révélé que les larmes sont
accompagnées d’une boule dans la gorge, et que beaucoup se sentent mieux
après avoir pleuré. La cause des larmes émotionnelles est notre capacité à
faire preuve d’empathie pour d’autres humains, selon Trimble. Il cite parmi
les responsables de cette empathie les neurones miroirs du cerveau, ces
cellules nerveuses qui nous aident à lire les émotions sur le visage des
autres. Les larmes sont importantes tant pour celui qui pleure que pour celui
qui le voit pleurer. Les larmes sont le plus beau fluide corporel.
Il est courant d’uriner entre six et huit fois par jour, plus une fois la nuit.
Au total, cela fait un litre et demi d’urine au quotidien. Le docteur Debes
m’assure que toutes les nuances du jaune clair au brun foncé sont normales.
La couleur vient des déchets jaunes des cellules sanguines mortes qui
étaient rouges auparavant.
En ayant recours à un peu de chimie, l’urine peut revêtir presque toutes
les couleurs de l’arc-en-ciel. Les médicaments pour la tuberculose peuvent
donner à l’urine une teinte rouge ou orange, tandis que le propofol, une
substance utilisée en anesthésie, peut colorer l’urine en vert, et le bleu de
méthylène, un indicateur d’acidité, teinte l’urine en bleu. La bile peut
donner à l’urine la couleur du Coca-Cola, tandis que le café, le safran, le
thon et les asperges peuvent de leur côté modifier son odeur.
De plus, le goût de l’urine a une valeur d’information importante pour les
médecins depuis de nombreuses années. Les diabétiques ont un excès de
sucre dans les vaisseaux sanguins et la molécule de sucre passe dans l’urine.
Résultat : l’urine a un goût sucré. Ce goût sucré, que les médecins analysent
en en prenant une petite gorgée, est aussi la raison pour laquelle on appelait
le diabète honey-urine disease (la maladie de l’urine au miel). En revanche,
boire sa propre urine n’est pas une bonne stratégie de survie car le corps a
besoin de plus d’eau qu’il n’en acquiert en buvant cette urine pour se
débarrasser de ce recyclage liquide.
Les reins ajustent le volume d’urine pour coordonner l’équilibre des
fluides dans le corps grâce à des capteurs réagissant à la pression artérielle
et aux modifications dans la concentration de sel dans le sang. Si trop peu
de sel ou trop peu de sang passent par les reins, ceux-ci produisent un
volume d’urine moindre.
Les reins n’interviennent pas seuls, car des capteurs dans le cerveau
analysent aussi la concentration de sel dans le sang et envoient un message
si ce taux est trop élevé. Trop de sel signifie trop peu d’eau. Dans ce cas, un
signal du cerveau arrive, demandant aux reins de diminuer le volume
d’urine, tandis qu’un second signal vous incite à boire.
À d’autres moments, le signal annonce qu’il y a trop de liquide dans le
corps, et qu’il faut en expulser. Pour de nombreuses personnes, cela se
produit sous forme de gouttelettes sans que l’on s’en rende compte.
Généralement, nous ne sommes en contact qu’avec nos propres fluides
corporels. Mais pas dans les piscines où des quantités inconnues d’urine
emplissent les bassins. L’urine en elle-même est stérile et inoffensive, mais
les déchets azotés qu’elle contient peuvent réagir avec le chlore de l’eau du
bassin et irriter les yeux et les poumons.
Une équipe de chercheurs canadiens menée par Xing-Fang Li a recueilli
250 échantillons d’eau issus de trente-et-une piscines dans deux villes
canadiennes et trouva des traces d’urine dans tous les échantillons.
Dans un bassin long de 25 mètres, large de 10 mètres et profond de
2 mètres, le volume d’urine était d’environ 40 litres. Bien que ces 40 litres
d’urine constituent moins de 0,01 % du volume d’eau total de
500 000 litres, la conclusion est claire : arrêtez d’uriner dans les piscines !
Une expérience avec ses propres fluides corporels
Un quart d’heure plus tard, c’est Lill Anny Gunnes Grøseth qui vient me
chercher : elle est directrice générale de la bio-banque norvégienne pour le
cancer de la moelle osseuse. Elle me remercie pour mon don et me tend une
blouse blanche. Ainsi habillé, je peux séjourner dans son laboratoire et
observer le processus de préparation du sang et de la moelle osseuse pour
les futures expériences. Plusieurs projets de recherche ont besoin de
comparer le sang et la moelle osseuse de personnes malades aux extraits
correspondants de sujets sains. Mes fluides corporels seront stockés en tant
que contribution d’un donneur anonyme.
Seuls les globules blancs présents dans la moelle osseuse intéressent la
chercheuse Anne-Marit Sponaas, qui attend au deuxième étage. Grøseth
transvase donc la moelle osseuse dans un tube tout à fait spécial. Ce tube
contient une gelée qui permet de trier les différents types de cellule sans
attendre que la gravité fasse le travail en plusieurs heures. Les globules
blancs sont plus légers que les rouges, aussi, quand une centrifugeuse fait
tourner le tube plusieurs milliers de fois par minute, les cellules se
répartissent en couches dans la gelée.
Une demi-heure plus tard, nous obtenons le résultat attendu. Le fond du
tube est couleur bordeaux à cause des cellules sanguines, compressées sur le
dessous par un centimètre et demi de gelée blanche jaunâtre. Juste au-
dessus on trouve une couche de cellules épaisse d’un centimètre. Le liquide
n’est pas tout à fait transparent, plutôt gris, comme si quelqu’un avait versé
un peu de lait entier dans l’eau. Ici se concentrent tous les globules blancs
de la moelle osseuse. Les trois centimètres du haut du tube sont constitués
de plasma et de plaquettes, surmontés d’une couche de graisse de
trois millimètres.
Grøseth transvase chacune des couches dans des tubes à part avant
d’utiliser une machine pour compter le nombre de globules blancs. « Au
total, 42 millions de cellules mononucléées ! », conclut Grøseth. Chez les
patients atteints du cancer, il n’y a pas toujours autant de globules blancs
sains. Par conséquent, il est utile pour les chercheurs d’avoir accès à la
moelle osseuse saine des donneurs.
Collaboration
C.
Pour en savoir davantage sur mes fluides corporels, j’ai pris place un
mardi de juin sur un banc au soleil et j’ai pensé intensément à un citron. Les
glandes salivaires ont obéi à ce qui leur a été demandé et des gouttes sont
tombées sur ma langue puis dans un tube en plastique. Les vingt minutes
suivantes, j’ai recueilli presque deux millilitres de salive. Ce volume est
étonnamment élevé quand vous devez le fabriquer sans avoir recours à de
l’eau ou à un chewing-gum. D’où l’utilité d’un citron imaginaire.
Ayant terminé de cracher et la bouche plutôt sèche, j’ai suivi le reste des
instructions qui figuraient sur la boîte portant l’inscription Welcome to you.
J’ai rabattu le couvercle sur la salive et vissé le bouchon. Et voilà ma salive
partie pour l’Amérique. Mon fluide corporel est en route pour la société
répondant au nom inoffensif et tentateur de 23andMe. Qui a peur d’une
entreprise de biotechnologie et d’analyse génomique, pourtant très
controversée, avec un nom qui rime ?
La salive contient des cellules de la muqueuse buccale et des glandes
salivaires. Dans ces cellules, il y a l’ADN. Mon ADN, qui est unique et
renferme aussi l’histoire de ceux avec qui je suis apparenté, en remontant
loin dans le temps. Une simple analyse de l’ADN d’un fluide corporel peut
donc dire d’où je viens.
Mais ce n’est pas aussi simple, car pour savoir d’où vient mon ADN, il est
nécessaire qu’il y ait un ADN des temps anciens auquel le comparer. Or, il
n’y en a pas. Il n’existe pas d’ADN millénaire de toutes les régions du
monde qui puisse servir de référence pour déterminer d’où vient ma famille.
Alors que faire ?
Eh bien, en l’absence de fluides corporels de gens ayant vécu il y a des
millénaires, l’entreprise utilise l’ADN de gens qui vivent de nos jours.
23andMe appelle ça les bases de données de référence, l’ADN de gens qui
ont des histoires génétiques connues, le plus souvent attestées à travers des
arbres généalogiques et des chroniques familiales. 23andMe va comparer
l’ADN de mes fluides corporels à celui de personnes de référence. Si nous
avons des ADN qui se ressemblent, la conclusion est que mes origines sont
les mêmes que les leurs.
Trois semaines plus tard, je reçois la réponse. 100 % européen et pas de
grandes surprises. On me confirme que je suis un quart britannique. Le reste
de mes gènes vient de Scandinavie et d’une zone définie par l’algorithme
comme « largement au nord-ouest de l’Europe ».
En plus de la cartographie géographique du lieu d’origine de mes gènes en
Europe, l’analyse de l’ADN de ma salive donne aussi des informations
concernant la localisation des différentes origines de mes vingt-trois paires
de chromosomes. Les chromosomes montrent un patchwork de l’héritage de
la mère et du père, ayant hérité eux-mêmes de deux ensembles de grands-
parents. Ma combinaison génétique est unique au monde. La vôtre aussi.
Pensez-y.
Puisque je suis un homme doté d’un chromosome X et d’un
chromosome Y, je dois mon chromosome Y à mon père. Le chromosome X
me vient de ma mère. C’est de son côté que se situent les antécédents
britanniques. Je n’irais pas jusqu’à dire que je suis fier de ma génétique,
mais je trouve cela assez amusant d’avoir un chromosome X de Manchester.
En pratique, cela signifie que ma mère et moi partageons des traits qui sont
gérés par un ou plusieurs gènes sur le chromosome X. Ma chère moitié
esquisse un sourire et commente la génétique ainsi : « Est-ce que cela
concerne aussi l’hypoglycémie ? »
Expéditions préhistoriques
Un fier Néandertalien
Lorsque je me connecte à 23andMe, je reçois un message disant que
l’analyse de ma salive montrait jusqu’à 309 variantes néandertaliennes dans
mon ADN. Le record est de 397 et la moyenne de 267. J’ouvre de grands
yeux quand je vois que ce chiffre est plus élevé chez moi que chez 90 % de
leurs clients. Fort heureusement, 23andMe me rassure vite en disant que
l’héritage des Néandertaliens représente malgré tout moins de 4 %, soit une
fraction assez marginale de mon ADN.
À partir d’un simple échantillon de salive, les chercheurs arrivent
néanmoins à la conclusion que les rapports sexuels préhistoriques avec des
Néandertaliens se sont traduits par des conséquences visibles pour mon
corps. J’ai une variante génétique qui me donne des cheveux raides, une
variante qui diminue le nombre de poils sur le dos, une variante qui me fait
plus grand et une qui me fait plus petit. Le vainqueur est une variante
génétique qui diminue la probabilité que j’éternue après avoir mangé du
chocolat noir. Merci aux Néandertaliens !
Bien sûr, ce n’est pas comme si les variantes génétiques étaient des
interrupteurs qui activent et désactivent les caractéristiques corporelles. Il
existe un petit nombre d’exceptions simples et sans importance. La cire
d’oreille est l’une de ces exceptions. La cire d’oreille, que l’on appelle aussi
le cérumen, est une sécrétion épaisse et visqueuse qui protège le conduit
auditif. Le fluide se présente sous deux formes : l’une humide et collante
comme de la morve, l’autre sèche et floconneuse comme des miettes de
pain. Le gène qui sécrète ces deux types de cérumen est long de
4 576 lettres et s’appelle ABCC11. À la place numéro 538 dans le gène, on
trouve soit un G soit un A. Dans son ouvrage A Brief History of Everyone
Who Ever Lived (Une brève histoire de tous ceux qui ont vécu), Adam
Rutherford explique les grandes conséquences qu’a cette petite modification
pour la cire d’oreille. Les personnes possédant sur une même paire de
chromosomes deux exemplaires du gène ABCC11 avec la lettre G ont du
cérumen collant, tandis que les personnes ayant deux exemplaires de la
variante A ont du cérumen sec ! Les personnes possédant un de chaque ont
aussi du cérumen collant.
Les variantes génétiques deviennent encore plus passionnantes quand on
voit comment le cérumen est « enduit à la surface du globe », selon
l’expression de Rutherford. En Afrique, tout le monde a du cérumen collant,
tandis qu’en Asie, tous ont de la cire d’oreille sèche. Comment se fait-il
qu’au fur et à mesure de la migration des humains vers l’Est, notre cérumen
soit de plus en plus sec ? Sur ce point, les chercheurs manquent
d’explications satisfaisantes et en sont réduits à des spéculations. Une
possibilité est que ABCC11 fasse plus que simplement modifier le type de
cérumen. Les scientifiques japonais pensent que la variante génétique qui
donne du cérumen collant aux Européens contribue également à augmenter
l’odeur et la production de sueur. On ignore quel rôle joue ce gène sous les
bras et cela montre qu’un exemple apparemment simple est en réalité
beaucoup plus complexe.
23andMe explique que des algorithmes et des questionnaires sur leurs
clients ont été utilisés pour trouver la corrélation et l’association entre les
cinq variantes néandertaliennes et mes traits physiques. L’ordinateur
cherche des situations où des choses différentes se produisent en même
temps, par exemple une variante génétique et la quantité de poils sur le dos.
Le résultat est ensuite comparé à l’humain moyen. Les conséquences de
l’une ou l’autre variante génétique sont minimes. Il n’empêche. Avoir
moins de poils sur le dos et se goinfrer de chocolat noir sans éternuer ? Oui,
merci.
Pouvons-nous utiliser également les variantes génétiques pour expliquer
qui nous sommes et pourquoi nous agissons comme nous le faisons ?
En 2009, un juge italien se vit poser la même question et sa réponse en
surprit plus d’un. L’affaire concernait un homme adulte ayant des
problèmes psychiques qui, en première instance, avait été condamné à
neuf ans de prison pour le meurtre d’un autre homme. En appel, l’avocat de
la défense fit effectuer un test ADN pour détecter d’éventuelles variantes
génétiques dans quatre gènes différents liés à un comportement violent.
L’accusé réagit positivement au test. Il avait notamment une variante
génétique dans le gène MAOA que d’autres chercheurs avaient
précédemment découvert chez des hommes violents et des criminels.
Le juge crut l’avocat de la défense quand celui-ci expliqua que la variante
génétique rendait le prévenu plus enclin à commettre des actes violents. La
peine fut donc ramenée de neuf ans à huit ans, une décision qui créa un
grand débat international. Utiliser des variantes génétiques pour justifier ses
actes confine au débat sur le libre arbitre. Est-ce moi qui décide ou bien
sont-ce mes gènes ? Une conséquence plus grave pour les personnes
atteintes de ces variantes génétiques serait que la société s’attende à de
futures infractions de leur part et aggrave les sanctions plutôt que de les
diminuer.
10 % africain
La saga de Theranos
Sur une photo de presse, Elizabeth Holmes apparaît vêtue d’un pull noir à
col roulé. Elle rappelle l’un des fondateurs d’Apple mondialement connu, et
au printemps 2014, on parlait constamment d’elle comme de la future
Steve Jobs. Bonnes nouvelles et grandes promesses remplissaient tous les
grands journaux américains. Son idée était une véritable révolution
médicale : un simple échantillon de sang devait fournir des réponses
rapides, directement aux consommateurs.
En 2003, alors âgée de 19 ans, Elizabeth Holmes créa la société Theranos,
l’année même où elle interrompit ses études à Stanford. Un an plus tard, les
investisseurs apportèrent 6,9 millions de dollars, et dix ans après, elle avait
amassé plus de quatre cents millions de dollars. La société était censée
fournir un outil de diagnostic à l’industrie pharmaceutique et misait sur des
tests rapides et bon marché pour déterminer la posologie et l’efficacité d’un
médicament en cours de développement.
La valeur de l’entreprise fut évaluée à neuf milliards de dollars et,
en 2015, elle contribua à une modification de la loi en Arizona qui accorda
aux clients privés le droit de tester leur sang sans l’approbation d’un
médecin. Plusieurs chaînes de grands magasins passèrent des accords de
partenariat avec Theranos et dans les boutiques, les clients se voyaient
proposer un test sanguin dans un coin, pas loin des rayonnages où étaient
exposés les médicaments sans ordonnance. L’aventure se poursuivit en
trombe et tout était en place pour que partout aux États-Unis, les
consommateurs puissent avoir accès à des tests sanguins simples et sûrs
avec des informations utiles sur leur santé.
Mais peu de temps après, la façade commença à se lézarder.
John Carreyrou, journaliste au New York Times, exprima son scepticisme
quant au secret entourant la technologie utilisée par Theranos pour analyser
les échantillons de sang. Dès lors que les tests des échantillons de sang
n’avaient pas besoin d’être homologués par les autorités, Theranos avait le
champ libre pour développer et adopter de nouvelles méthodes sans
impliquer d’experts ni de critiques internationaux. Carreyrou se mit à
enquêter et prit contact avec des informateurs clés. Quelques mois plus tard,
il publia son premier article.
Selon les sources de Carreyrou, la technologie à laquelle recourait
Theranos n’était pas assez performante : leur machine, appelée Edison, ne
détectait pas des quantités suffisantes de marqueurs dans le sang. Le
problème clé était qu’en faible quantité, le sang ne se comportait pas
comme en grande quantité, et les cellules sanguines circulaient
différemment dans la machine. Les techniciens avaient donc dilué les
échantillons de sang et utilisaient finalement des équipements standards
produits par Siemens pour fournir les réponses aux tests.
Face à ces critiques, Holmes se défendit en qualifiant cet article d’attaque
contre les entrepreneurs innovants qui voulaient changer le monde.
Toutefois, elle ne trouva pas de réponses assez convaincantes pour rassurer
son monde. Six mois plus tard, on apprit qu’une inspection menée dans les
laboratoires de Theranos avait mis au jour de graves manquements et
carences. Il fut prouvé que la société avait utilisé un test défectueux pour la
coagulation du sang et que des réponses incomplètes aux tests avaient eu un
impact sur des décisions médicales. Les inspecteurs brandirent la menace de
sanctions et la valeur de l’entreprise chuta de neuf milliards à huit
cents millions de dollars.
Au printemps 2016, il apparut que Theranos avait jeté et annulé tous les
résultats de test fournis par la machine Edison au cours de la période 2014-
2015. La société envoya des milliers de lettres aux médecins et aux
consommateurs pour donner des éclaircissements sur les résultats des tests
et les corriger. Quelques mois plus tard, Theranos se vit retirer
l’approbation lui permettant d’analyser les échantillons de sang de clients
assurés par le système Obamacare. Holmes fut alors condamnée à deux ans
d’interdiction de gérer un laboratoire. Une sérieuse semonce pour un
entrepreneur animé de hautes ambitions.
Quelques mois plus tard, Holmes annonça que sa société allait licencier
environ la moitié de ses 750 employés et cesser les analyses d’échantillons
de sang. Pour d’autres que Holmes, ce coup dur aurait sonné le glas de son
rêve de changer le monde. Mais pas pour elle.
Ainsi, Holmes misa ensuite sur les équipements médicaux à destination de
l’industrie pharmaceutique. Sa nouvelle plateforme minLab avait pour
ambition de commercialiser des mini-laboratoires automatisés de la taille
d’une boîte à chaussures capables de tester un faible volume de fluide
corporel.
Certains tests de fluides corporels font l’effet d’une boule de cristal. Dans
une certaine mesure, le contenu des fluides peut révéler l’avenir et, pour
certains, les réponses obtenues sont lourdes de conséquences.
« Nous pouvons tester génétiquement des personnes en bonne santé et
décréter avec une certitude absolue qu’elles déclareront, ou pas, certaines
maladies », affirme Ellen Økland Blinkenberg, généticienne et médecin
chef à l’hôpital universitaire Haukeland. Spécialiste des maladies
génétiques graves, elle s’efforce de rendre la recherche médicale complexe
plus accessible afin que le patient et sa famille puissent disposer
d’informations suffisantes pour comprendre leur situation.
Le test dont elle parle concerne la maladie de Huntington, un défaut de
gène dominant que l’on hérite de l’un de ses parents. Ceux qui sont touchés
tombent le plus souvent malades à l’âge adulte, et cette maladie du cerveau
se traduit par des mouvements involontaires, la perte de capacités physiques
et l’apparition de démence avec changement de personnalité. À ce jour,
aucun traitement ne permet d’enrayer son évolution.
Si l’un des parents souffre de cette maladie, il y a 50 % de chances pour
que leurs enfants aussi la contractent. Le test permet de savoir de manière
certaine si la personne va tomber malade ou non. La réponse peut aider à
planifier sa vie, préparer la famille et réfléchir à l’optique d’avoir ou non
des enfants.
D’après une enquête informelle parmi les membres d’une association
américaine de patients, avant l’arrivée du test, presque tout le monde était
décidé à se faire tester. Une fois le test disponible, seulement environ 20 %
des personnes présentant un risque d’une chance sur deux s’y soumirent. La
demande d’un test génétique pour la maladie de Huntington n’est donc pas
aussi importante qu’on pourrait le croire. Blinkenberg pense qu’il y a un
choix conscient derrière l’idée de ne pas se faire tester, car « le test
intervient dans la vie et les choix de vie ».
Le fils du facteur
Histoire cochonne
Je demande si je peux tenir une poche de sang dans ma main. Cette poche
qui se conserve au réfrigérateur un mois entier peut sauver trois vies
humaines.
À l’avant de la poche figurent des messages importants sur son contenu.
Je lis : « A rhésus négatif ». Il y a également une canule longue de
sept centimètres remplie de sang fixée sur la poche. Le sang dans le tuyau
est le même que le sang du reste de la poche et il est préparé afin que les
ingénieurs en biologie puissent facilement tester s’il est compatible avec le
sang du patient ou s’il provoquera des dommages. Car le sang n’est pas le
même chez tous les êtres humains.
La surface des cellules sanguines est couverte de milliers de molécules
différentes qui permettent de les identifier et le plasma est plein d’anticorps
qui détectent les cellules étrangères. Si un anticorps du patient réagit aux
cellules sanguines du donneur, ça peut vite mal tourner.
Certaines expériences de transfusion sanguine ont vraiment mal tourné.
Le sang fait des grumeaux au contact de l’air et rend ainsi la transfusion
difficile, sans compter qu’à l’intérieur d’un nouveau corps, cela peut se
traduire par des réactions graves. La raison pour laquelle le sang ne peut pas
circuler librement entre humains est ce que nous connaissons désormais
sous le nom de groupes sanguins.
Au début du XXe siècle, Karl Landsteiner utilisa le sang des employés de
son laboratoire, à Vienne, pour mélanger systématiquement les cellules
sanguines avec le plasma. Si la surface des cellules sanguines réagissait à
un anticorps dans le plasma, le mélange faisait des grumeaux. Dans un
corps, les caillots de sang peuvent conduire à un blocage des veines et
libérer les déchets qui, eux, endommageraient les reins. Les expériences de
Landsteiner montrèrent que le sang de certains de ses collègues ne faisait
jamais de grumeaux (celui que nous connaissons désormais sous
l’appellation O). Les autres groupes sanguins se distinguent selon que les
molécules de surface des cellules sanguines sont de type A ou de type B.
Les personnes du groupe sanguin AB ont tout à la fois des molécules de
types A et des molécules de type B à la surface de leurs cellules sanguines.
Les systèmes ABO et Rhésus (+ ou –), ou Rh, sont les plus connus pour
différencier les groupes sanguins, mais ils ne sont ni les seuls ni les plus
complexes. En 2014, on a recensé pas moins de trente-trois façons
différentes de classifier le sang. ABO et Rh sont les deux plus pertinents
parce qu’ils provoquent de graves complications si l’on n’en tient pas
compte lors d’une transfusion.
En 2016, la banque du sang de l’hôpital Haukeland a reçu 21 247 poches
de sang, ce sang qui, chaque jour, sauve des vies. Le sang neuf a également
le potentiel de changer la vie du receveur, même longtemps après la
transfusion. Plusieurs chercheurs traquent des marqueurs chimiques dans le
sang qui peut avoir des conséquences incroyables, voire éternelles, pour
celui qui est transfusé.
La recherche sur les pouvoirs encore inconnus du sang est une longue
histoire, riche en rebondissements. Tout a commencé par une expérience
cruciale, il y a 150 ans.
Au milieu du XIXe siècle, le physiologiste français Paul Bert cousit
deux rats albinos ensemble. Son but était de créer un système circulatoire
commun chez les deux animaux. La blessure guérit d’elle-même et, dans le
processus, les vaisseaux capillaires des rats se connectèrent. Le sang de l’un
passa à l’autre, avec deux cœurs qui pompaient le sang. Les deux rats
continuèrent à vivre côte à côte et cette technique reçut le nom de
parabiose, qui signifie justement « vivre à côté ».
Lorsque cette expérience fut réitérée, certains des rats siamois artificiels
survécurent aux dépens de leur partenaire, et de nombreux « couples »
moururent suite à des réactions immunitaires. Cette expérience ne fut ni
simple sur le plan technique ni dénuée de problèmes éthiques, et dans les
années 1970, les scientifiques cessèrent d’utiliser cette méthode quelque
peu barbare.
Pourtant, ces dernières années, plusieurs groupes de chercheurs travaillant
dans des laboratoires en Californie ont repris la technique des rongeurs
siamois en se basant sur les expériences des années 1970, dont certains
résultats suggéraient que de vieux rats cousus avec de jeunes congénères
vivaient un peu plus longtemps qu’attendu. Le sang des jeunes partenaires
pourrait-il en être la cause ?
En 1999, la chercheuse Amy Wagers, qui souhaitait étudier le mode de
déplacement de cellules-souches dans le sang, cousit deux souris ensemble
pour déterminer si les cellules-souches colorées de l’une des souris
pouvaient migrer dans le corps de sa partenaire. Ses résultats montrèrent
que les cellules-souches sortaient de la moelle osseuse d’une souris et
contribuaient à la production d’une nouvelle moelle osseuse chez l’autre
animal. Forte de ce succès, Wagers lança une nouvelle expérience pour
examiner les effets du sang jeune sur de vieilles souris. Elle relia les
circulations sanguines de jeunes et de vieilles souris, l’âge des souris
correspondant respectivement à 20 ans et 70 ans chez les humains. Les
conclusions firent les gros titres des médias : le sang provenant des jeunes
souris avait une incidence sur les cellules-souches des muscles du squelette
et du foie des vieilles souris. Les vieilles cellules-souches commençaient à
se diviser de nouveau.
Amy Wagers collabora avec des spécialistes du cœur et du cerveau pour
analyser les effets du sang jeune. Ensemble, ils s’aperçurent que le sang
jeune pouvait inverser une hypertrophie cardiaque chez les vieilles souris.
Cela avait pour effet d’augmenter l’alimentation du cerveau en sang et d’y
accroître ensuite la division cellulaire. Tout portait à croire que le sang
jeune avait des effets spectaculaires sur les vieilles souris.
Cependant, Wagers ne voulut pas conclure pour autant que les vieilles
souris avaient retrouvé une seconde jeunesse suite à cet apport de sang neuf.
Selon elle, le sang jeune aidait à réparer les vieux tissus, de sorte qu’ils
retrouvaient leurs fonctions. Mais si Wagers reste dans la retenue, d’autres
chercheurs vont beaucoup plus loin.
Beaucoup ont cru que le sang était une source de jouvence et en 1615, le
médecin allemand Andreas Libavius écrivit que le sang de personnes jeunes
était une « fontaine de vie ». Il imagina que le sang pouvait être transmis
d’un homme jeune en bonne santé à un homme plus âgé, et que le sang
jeune et chaud éliminerait toutes les faiblesses chez les personnes vieilles et
fragiles.
Selon la légende, la comtesse hongroise Elisabeth Bathory, connue
comme la tueuse en série la plus active du monde, aurait pris des bains de
sang de vierges pour rester jeune. Il n’est pas exclu que le clergé ait
également parfois agi en plaçant sa foi dans les pouvoirs du sang. En 1492,
par exemple, le pape Innocent VIII tomba dans le coma, et on raconte – les
sources ne sont pas suffisamment fiables pour authentifier ce récit − qu’en
guise de traitement, on lui aurait administré du sang de jeunes donneurs. Un
médecin versa le sang de trois garçons de 10 ans directement dans la
bouche du pape pour le sauver. Cela ne marcha pas comme le médecin
l’avait espéré car le pape mourut, ainsi d’ailleurs que les trois enfants.
L’idée que le sang de personnes jeunes puisse contenir un élément
susceptible de nous faire vivre mieux et plus longtemps reste néanmoins
séduisante.
Einar Kristoffersen, le directeur de la banque du sang de l’hôpital
Haukeland, se montre critique envers les résultats de recherche de l’étude
d’Ambrosia. Des personnes qui versent presque 10 000 euros pour un
traitement expérimental seraient en droit d’espérer des résultats fiables. Or
Kristoffersen m’explique qu’étant donné le protocole expérimental de
l’étude, les résultats auto-proclamés auront peu de crédit et les mesures
objectives elles-mêmes ne seront pas considérées comme fiables.
Mais supposons que cela fonctionne, que le sang jeune puisse vraiment
être bénéfique pour les personnes âgées. D’où viendra ce sang ? Qui seront
les jeunes donneurs ?
Kristoffersen rit sous cape à la suggestion que le don du sang puisse faire
partie intégrante des leçons de catéchisme et souligne que l’utilisation de
sang jeune pose des problèmes éthiques évidents.
Sang vivant
Ève 2.0
Je ne crois pas qu’il faudra tant de décennies avant la naissance du
premier bébé de laboratoire. Un embryon trié d’abord en fonction de son
sexe et des risques de maladies héréditaires, et dont le génome serait édité
avec CRISPR/Cas pour optimiser une sélection de gènes liés à l’intelligence
et aux caractéristiques physiques.
L’enfant commencera sa vie in vitro avant de se développer pendant
neuf mois dans un utérus artificiel. Là, installé sur une étagère de
laboratoire, il sera bien protégé par un demi-litre de liquide amniotique
artificiel.
Nouveau-née et hurlante, Ève 2.0 recevra du lait de sa mère devant son
papa qui pleurera de joie. Les jours passeront et les selles de bébé céderont
la place au pipi au lit, aux larmes de crocodile et aux gouttes de sang avant
que la puberté ne s’installe. Les boutons, les règles et les poussées de sueur,
ensuite les premiers rapports sexuels.
Sa vie sera un dur labeur, des fêtes au champagne, des déceptions, des
hauts et des bas. Certains jours pleins de morve, de diarrhée, d’urine et de
sucs gastriques perturbés, d’autres pleins d’adrénaline et de transpiration
d’un entraînement intense et d’un travail acharné. Le sang bouillonnera et
vers 35 ans, Ève 2.0 rencontrera la personne avec laquelle elle voudra
partager le reste de sa vie. Ils deviendront parents de deux enfants, des
jumeaux avec de petits ajustements génétiques qui leur garantiront un
avenir sans maladie et sans misère, et quelques « versets », c’est-à-dire des
séquences d’ADN bien choisies, disant que la vie n’est peut-être pas si
courte.
Ève 2.0 s’achètera tous les jours des doses de source de jouvence,
pratiquera le yoga et continuera à vivre en végétarienne. Elle aura 110, 120
et ensuite 130 ans avant de s’endormir paisiblement. La famille pleurera et
les larmes tomberont sur le sol. Dans le sang des enfants et petits-enfants
continuera de couler l’histoire d’Ève 2.0 et de la révolution technologique.
5. N.D.T. : Favorisant le développement de tumeurs.
9. LA MORT
UNE DERNIÈRE GOUTTE
Quand nous mourons, le cœur cesse de pomper le sang et de le faire
circuler dans tout le corps. Les cellules n’ont plus ni oxygène ni nutriments,
aussi la combustion d’énergie et la production de chaleur s’arrêtent-elles. À
chaque heure qui passe, le corps refroidit d’environ 0,8 °C, jusqu’à avoir la
même température que son environnement.
Ailleurs, les vaisseaux capillaires se vident de leur sang, rendant la peau
blême et inerte. La gravité attire le sang vers les parties les plus basses et
fait apparaître des taches sombres sur la peau. Les signaux chimiques dans
les muscles s’interrompent et les fibres verrouillent le corps comme une
statue. Lorsque les cellules musculaires sont décomposées, la rigidité de
marbre relâche enfin son emprise sur les bras et les jambes.
Ensuite, le corps se fait dévorer. D’abord par lui-même.
Dans les cellules saines, vivantes, les enzymes qui découpent le sucre, la
graisse et les protéines en petits morceaux sont soumises à un contrôle
strict. Dans un corps mort, les enzymes font ce qu’elles veulent et
grignotent ce qui est le plus près : les cellules elles-mêmes. Ce cannibalisme
moléculaire décompose la membrane cellulaire et l’eau du milieu cellulaire
s’écoule. La nécrose liquéfiée s’accumule dans les cavités corporelles et
sous forme de petites poches dans la peau. Parfois, elle se mélange avec du
sang, d’autres fois elle est transparente. Au fil du temps, la partie supérieure
de la peau se détache du tissu en dessous et s’écaille par larges plaques.
Les micro-organismes intestinaux qui mangent nos restes de nourriture
lorsque nous sommes en vie dévorent le corps lorsque nous mourons. Ils
commencent par l’intestin et taillent leur route à grands coups de
mandibules. Leurs déchets sont des gaz qui restent prisonniers à l’intérieur
du corps, un ballon dont la taille augmente régulièrement. Le rectum s’est
effondré et les gaz dans la graisse sous-cutanée et le scrotum ne trouvent
aucune issue. La pression augmente, et la peau se tend. De très nombreuses
bactéries se trouvent également autour de la bouche et des organes
génitaux ; la langue, les lèvres et le pénis gonflent.
Le liquide des cellules se mélange avec les bactéries et à ce qui reste de
l’intestin, du pancréas, des poumons et de la graisse, pour former une soupe
d’organes en pleine effervescence. Les bactéries passent d’un repas à
l’autre. Et voilà que les mouches arrivent. Leurs larves ressemblent à de
petits grains de riz rampants qui mangent et grandissent dans le corps mort.
Si un cadavre n’est pas pris en charge et conservé, ou se dessèche dans un
environnement sec et frais, il finit par se liquéfier et s’écouler. Seul restera
le squelette, pour un moment.
Le corps liquide s’enfonce dans la terre et ce fluide ne fera qu’un avec la
nature.
Retour à la case départ.
REMERCIEMENTS
Je dois un grand merci à tous ceux qui ont contribué au contenu de cet
ouvrage. Un merci spécial à la courageuse Ingrid Lunde pour avoir partagé
son histoire avec moi. Un merci tout particulier aux chercheurs de l’hôpital
St Olav qui m’ont permis de donner ma moelle osseuse et de suivre ce qui
lui arrivait : Therese Standal, Tobias S. Slørdahl, Lill Anny Gunnes
Grøseth, Anne-Marit Sponaas et Anders Sundan.
Merci également à tous ceux et celles qui se sont prêtés aux interviews ou
ont contribué autrement avec leurs récits sur leurs propres fluides corporels
et ceux des autres : Marie E. Rognes, Marius Johansen, Henrik J.
Henriksen, Gro Sæther, Kari Husabø (1924-2018), Anders Debes, Håvard
Aalmo, Tom Luka, Astrid Aksnes, Ellen Økland Blinkenberg, Einar
Kristoffersen, Line Nybakken, Heidi Konestabo, Tone Gadmar, Ole Ivar
Burås Storø, Atle Hunnes Isaksen, James Boyda, Loretta Ramos, Ole
Kristian Drange, Idun Husabø, Tone Nordbø, Eirik Lehre, Emma Manin et
Angeliki Dymak-Adolfsen.
Merci à mes premiers lecteurs Katharina Vestre, Øyvind Rolland et Eivind
Torgensen pour leurs retours enthousiastes. Merci aux consultants
professionnels pour leurs corrections et contributions importantes. S’il y a
tout de même une erreur ou deux dans cet ouvrage, elles seront le fait de
l’auteur et de personne d’autre.
Merci également à toute la bande aussi travailleuse qu’inspirante du
collectif indépendant Stallen.
Enfin, un grand merci à Jon Olav, mon critique le plus sévère en même
temps que mon plus grand fan.
À la vôtre !
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