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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 14-076-A-10

14-076-A-10

Fracture de l’extrémité supérieure


du fémur chez l’enfant
H De Boeck
T Scheerlinck

Résumé. – Les fractures de l’extrémité supérieure du fémur sont rares chez l’enfant. Ces fractures sont le plus
souvent dues à un traumatisme grave, à la suite d’un accident de roulage ou d’une chute de plusieurs mètres.
La classification la plus utilisée est celle de Delbet en quatre types.
Le traitement dépend largement du type de fracture et de l’âge de l’enfant. Les fractures non déplacées ou peu
déplacées peuvent être traitées par plâtre pelvipédieux chez le petit enfant. Classiquement, toutes les
fractures déplacées doivent faire l’objet d’une réduction et d’une fixation interne. Chez les tout-petits, des
broches de Kirschner sont utilisées pour les fractures à décollement épiphysaires et certains cas de fractures
transcervicales. Pour les fractures transcervicales chez les enfants plus grands et pour les fractures
intertrochantériennes, des vis à filetage court sont utilisées, tout en respectant le cartilage de croissance. Les
complications des fractures du col du fémur de l’enfant sont fréquentes. Outre la pseudarthrose et la
déformation en varus, la nécrose avasculaire reste la complication la plus redoutée et la plus grave. La nécrose
avasculaire de l’épiphyse fémorale supérieure post-traumatique peut donner lieu à un handicap définitif.
© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : décollement épiphysaire, fracture du col du fémur, nécrose avasculaire, plâtre pelvipédieux,
pseudarthrose.

Introduction Chez l’adulte, une partie des complications peut être traitée par de
la chirurgie prothétique, ce qui est exclu chez l’enfant en cours de
Les fractures de hanche chez l’enfant diffèrent fortement des croissance.
fractures de hanche chez l’adulte. Chez la personne âgée, ces
fractures sont fréquentes alors que chez l’enfant elles sont rares. De
ce fait, notre expérience personnelle ainsi que les données de la Causes
littérature se limitent à de petites séries très diversifiées. Les
Les causes les plus fréquentes de fractures de hanche chez l’enfant
fractures de l’extrémité supérieure du fémur ont été décrites dans
sont :
toutes les catégories d’âge, aussi bien chez le nouveau-né que chez
l’adolescent (âge moyen entre 7 et 10 ans). La diversité des fractures, – le traumatisme obstétrical : bien que rare, une fracture obstétricale
regroupées sous le terme « fracture de l’extrémité supérieure du de la hanche peut apparaître lors d’un accouchement difficile. Le
fémur chez l’enfant », en fait un groupe très hétérogène. Il est donc diagnostic radiologique différentiel avec une luxation congénitale de
difficile d’énoncer des lignes de conduite ou des règles absolues hanche est délicat [4, 18, 24, 34] ;
pour le traitement de toutes ces fractures. – l’enfant battu : c’est la cause la plus fréquente chez l’enfant de
Contrairement à l’os ostéoporotique de la personne âgée, l’os de moins de 2 ans. Le diagnostic peut être tardif [12, 14, 24] ;
l’enfant est solide et dense. Par conséquent, une fracture est le plus – l’accident de roulage : il s’agit souvent d’enfants qui sont
souvent le résultat de contraintes importantes. Les complications des renversés en jouant, à pied ou à bicyclette. La présence de lésions
fractures de hanche sont fréquentes chez l’enfant comme chez associées est fréquente [6, 8, 14, 16, 19, 25, 27]. Ces lésions associées peuvent
l’adulte. Toutefois, elles sont différentes aussi bien en ce qui concerne être fatales et doivent être traitées prioritairement ;
leurs types que leurs conséquences. Chez l’enfant, l’os est en pleine
croissance ce qui, en cas de fracture, présente aussi bien des – l’accident sportif : cette cause semble en progression, les jeunes
avantages que des inconvénients. La guérison osseuse est peu participant de plus en plus à des sports agressifs ;
problématique et les complications générales, ainsi que les – la chute de plusieurs mètres : dans ce cas, la fracture de hanche
problèmes de réinsertion rencontrés fréquemment chez le sujet âgé, est souvent associée à des lésions concomitantes ;
sont rares. Par ailleurs, des problèmes de croissance liés à une – la simple chute : parfois, et sans affection sous-jacente, une simple
fracture peuvent donner lieu à des déformations entraînant une chute peut entraîner une fracture de hanche chez l’enfant [16, 27] ;
impotence fonctionnelle importante à long terme.
– une cause inconnue : dans certains cas décrits dans la littérature,
l’origine de la fracture est inconnue ou reste peu claire [27]. Chez le
bébé, une histoire douteuse doit faire suspecter un contexte d’enfant
Hugo De Boeck : Professeur et chirurgien orthopédique des Universités, chef de clinique, responsable du battu ;
département d’orthopédie et de traumatologie infantile.
Thierry Scheerlinck : Chirurgien orthopédique des Universités, responsable du département de la pathologie – la fracture pathologique : il s’agit souvent d’une lésion osseuse
de la hanche.
Service d’orthopédie et de traumatologie infantile, hôpital académique de la Vrije Universiteit Brussel,
bénigne en région trochantérienne (kyste osseux) qui fragilise l’os et
Chaussée de Laarbeek, 101, 1090 Bruxelles, Belgique. qui, lors d’une simple chute, peut entraîner une fracture [1, 14, 23, 32] ;

Toute référence à cet article doit porter la mention : De Boeck H et Scheerlinck T. Fracture de l’extrémité supérieure du fémur chez l’enfant. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits
réservés), Appareil locomoteur, 14-076-A-10, 2003, 7 p.

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14-076-A-10 Fracture de l’extrémité supérieure du fémur chez l’enfant Appareil locomoteur

1 Classification selon Delbet des fractures du col fémoral


chez l’enfant.

Type I Type II Type III Type IV

– la fracture de stress : la fracture de stress de l’extrémité supérieure non seulement être distinguée de l’épiphysiolyse de l’adolescent,
du fémur chez l’enfant est extrêmement rare et seuls quelques cas mais également de l’épiphysiolyse rencontrée chez l’enfant plus
ont été décrits dans la littérature [29, 35]. Toutefois, ces fractures jeune dans le cadre d’une affection sous-jacente comme
peuvent se compléter lorsqu’elles ne sont pas reconnues et traitées à l’hypothyroïdie, l’insuffisance hypophysaire, l’insuffisance rénale ou
temps [29] ; d’un traitement radiothérapique.
– une affection généralisée : des affections neurologiques ont été
décrites en association à des fractures de hanche chez l’enfant [1, 14, TYPE II : FRACTURE TRANSCERVICALE
30]
.
Ce type de fracture est le plus fréquent et est rencontré dans 50 %
L’épiphysiolyse de l’adolescent est une entité à part. Dans sa phase des cas. La plupart de ces fractures sont déplacées (dans plus ou
aiguë, il s’agit en quelque sorte d’une fracture de type I (fracture- moins 80 % des cas) et les complications sont fréquentes [4, 5, 7, 11, 16, 20,
décollement épiphysaire), mais qu’il faut distinguer des autres 27, 28, 33]
.
fractures de hanche chez l’enfant et qui ne sera pas discutée ici.

TYPE III : FRACTURE BASICERVICALE


Classification Les fractures basicervicales sont les deuxièmes par ordre de
fréquence et représentent 30 % des fractures de hanche chez l’enfant.
La classification la plus utilisée est celle de Delbet comme décrite Lors de leur diagnostic, un peu plus de la moitié de ces fractures
par Colonna [9] en quatre types (fig 1). Cette classification présente sont déplacées [5, 11, 16, 25, 27, 28, 33].
plusieurs avantages :
– elle est utilisée fréquemment et est acceptée par tous ; TYPE IV : FRACTURE INTERTROCHANTÉRIENNE
– elle est simple ; Ce type de fracture représente entre 12 et 15 % des fractures de
– elle permet d’orienter le traitement ; hanche chez l’enfant et près de 30 % d’entre elles sont déplacées [5, 11,
25, 27, 28]
. Ces fractures guérissent généralement bien et présentent le
– elle permet un pronostic. moins de complications [14, 16].
En revanche, elle ne tient pas compte du degré de déplacement de
la fracture ou d’une éventuelle luxation associée, bien que ces deux
éléments soient essentiels pour orienter le traitement ainsi que pour Diagnostic
le pronostic [19, 20].
Les différents types sont : La présentation clinique d’une fracture de hanche chez l’enfant
– type I : fracture-décollement épiphysaire ; dépend fortement de son âge, de la cause et du déplacement de la
fracture. Dans certains cas, le diagnostic de fracture de hanche chez
– type II : fracture transcervicale ; l’enfant peut être méconnu initialement. En raison du périoste, très
– type III : fracture basicervicale ; résistant, certaines de ces fractures sont à l’origine non déplacées et
le diagnostic n’est alors posé que lors d’un déplacement secondaire
– type IV : fracture intertrochantérienne. ou lorsqu’un cal osseux apparaît. Par ailleurs, dans le cas d’un
polytraumatisme, toute l’attention peut être attirée vers les lésions
TYPE I : FRACTURE-DÉCOLLEMENT ÉPIPHYSAIRE potentiellement fatales et une fracture de hanche peut ainsi être
initialement méconnue. S’il y a polytraumatisme, une radiographie
Ce type de fracture est le plus rare et représente entre 6 et 8 % des du bassin est indispensable dans tous les cas.
fractures de hanche chez l’enfant [1, 4, 5, 7, 11, 16, 25, 27, 28, 32]. Elle se
présente surtout chez l’enfant de moins de 2 ans, notamment dans Si la fracture est déplacée, le membre inférieur est généralement en
le cas d’un enfant battu. Lors d’un traumatisme obstétrical, c’est rotation externe, flexion et abduction [18, 34]. La mobilisation passive
surtout ce type de fracture qui apparaît [1, 5, 24, 34]. Il est important de est douloureuse et la mobilisation active est le plus souvent
faire la différence entre : impossible [24].

– une fracture peu ou non déplacée ;


EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
– une fracture déplacée ;
Généralement, une radiographie standard est suffisante pour poser
– une fracture-luxation. le diagnostic. En principe, deux incidences sont nécessaires, mais si
Cinquante pour cent des fractures de type I sont associées à une un déplacement est présent, il est important de limiter les
luxation de l’épiphyse proximale, ce qui complique le traitement et manipulations du membre fracturé et, dans ce cas, il est préférable
influence défavorablement le pronostic. La fracture de type I doit de se limiter à une seule incidence. Le diagnostic radiologique d’une

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Traitement
GÉNÉRALITÉS
Le traitement préférentiel est déterminé par :
– le type de fracture ;
– le déplacement dû à la fracture ;
– la présence ou non d’une luxation de la hanche associée.
Bien qu’il soit généralement recommandé de mettre en route le
traitement le plus tôt possible afin de limiter les complications,
aucune donnée de la littérature ne semble confirmer cette attitude.
La nécrose avasculaire est la complication la plus fréquente et la
plus redoutée. Elle est une conséquence directe de la gravité du
traumatisme initial et, dans la plupart des cas, elle est inévitable
quel que soit le traitement [20]. D’autres complications, comme le
déplacement secondaire, peuvent être évitées par un traitement
correct. Que ce traitement ait été effectué en urgence ou non ne
semble pas jouer un rôle important [2, 8]. Toutefois la qualité du
traitement est un facteur essentiel [11, 21]. Les meilleurs résultats sont
donc obtenus lorsque le traitement est effectué dans les meilleures
conditions et par les chirurgiens les plus expérimentés [19]. En cas de
polytraumatisme, le traitement des lésions potentiellement fatales a,
en tout cas, la priorité sur le traitement de la fracture de hanche.
Lorsqu’une fracture est déplacée ou instable ou pour tout type de
fracture lorsqu’il s’agit d’un enfant plus âgé, il y a lieu de réaliser
une ostéosynthèse [3, 7, 10, 11, 20, 22, 26]. Chez l’enfant, il est illusoire de
2 Imagerie par résonance magnétique montrant une fracture de stress du col fémo- vouloir traiter des fractures de hanche avec du matériel
ral chez une fille de 8 ans. Le trait de fracture n’était pas visible sur une radiographie d’ostéosynthèse classique comme la vis-plaque dynamique ou le
standard. clou gamma. De plus, le remplacement prothétique n’est pas
envisageable. Il faut se limiter à des broches de Kirschner non
3 Scanner isotopique filetées, ou à des vis de petit diamètre, placées en dehors du cartilage
montrant une hyperactivité de croissance. Chez l’enfant jeune, si un traitement chirurgical
au niveau d’une fracture de s’impose, il faut se limiter à une fixation par quelques broches de
stress du col fémoral. Kirschner non filetées, qui, peuvent éventuellement être placées à
travers ce cartilage. Ce matériel d’ostéosynthèse fort limité ne
permet pas la mise en charge immédiate et il faut souvent recourir à
une immobilisation plâtrée. Cette immobilisation par plâtre
pelvipédieux est en règle générale bien tolérée, chez l’enfant, si des
précautions élémentaires ont été prises. Dès que l’anatomie le
permet il est recommandé d’utiliser des vis canulées (ou non
canulées), sans toutefois pénétrer le cartilage de croissance si l’enfant
a moins de 12 ans. Chez l’enfant jeune, l’ostéosynthèse est protégée
par une immobilisation plâtrée.
La nécessité d’évacuer l’hématome intracapsulaire reste un point de
controverse. L’effet de tamponnade est considéré par beaucoup
d’auteurs comme une cause possible de nécrose avasculaire [8, 22, 26, 31,
fracture obstétricale est difficile et cette fracture peut être confondue 33]
. Toutefois, il n’existe pas de preuve absolue et certains éléments
avec une luxation congénitale de la hanche ou une arthrite septique. semblent démontrer que le drainage de l’hématome intracapsulaire
Un signe radiologique important qui permet de faire la différence ne diminue pas la fréquence de cette complication [3, 6, 11, 13, 14, 16, 21, 25].
entre une fracture de hanche et une luxation congénitale est l’aspect
morphologique normal du cotyle en cas de fracture [18, 24, 34]. Par TYPE I : FRACTURE-DÉCOLLEMENT ÉPIPHYSAIRE
ailleurs, une fracture de la hanche présente rapidement – après
Si la fracture n’est pas déplacée – souvent la radiographie ne montre
2 semaines – un cal osseux.
qu’un élargissement du cartilage de croissance – une immobilisation
D’autres examens complémentaires peuvent être utiles lors du par plâtre est suffisante chez l’enfant jeune [3]. Si la fracture est
diagnostic d’une fracture de hanche chez l’enfant. déplacée, une tentative de réduction à foyer fermé doit être
entreprise, suivie d’une immobilisation plâtrée [5]. Si la fracture est
¶ Échographie instable, une fixation par broches de Kirschner non filetées à travers
L’échographie est l’examen de choix pour faire la différence entre le cartilage de croissance, suivie d’une immobilisation plâtrée, est
une luxation congénitale de hanche et une fracture chez le préconisée [4, 6, 10]. En cas de fracture déplacée irréductible à foyer
nouveau-né. fermé ou si une luxation de la hanche est associée, une réduction à
foyer ouvert suivie d’une fixation par broche de Kirschner non
¶ CT-scan et résonance magnétique nucléaire (fig 2) filetée à travers le cartilage de croissance et d’une immobilisation
plâtrée est indiquée [2, 5, 10].
Ces examens ne sont indiqués que pour les cas problématiques où
Chez le nouveau-né et même chez l’enfant jusqu’à l’âge de 2 ans,
le diagnostic est difficile ou douteux [19, 29].
mais à l’exception de la fracture-luxation, une réduction anatomique
n’est pas absolument indispensable car un important remodelage
¶ Scintigraphie osseuse (fig 3)
osseux se produit secondairement [4, 10, 12, 15, 18, 24, 34]. Dans ce cas, un
Un scanner isotopique est utile en cas de fracture de stress ou de traitement par plâtre ou par traction pendant quelques semaines
fracture non déplacée [29]. donne encore le meilleur résultat.

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4 Fracture basicervicale du col fémoral.


A. Fracture de type III de Delbet.
B. Ostéosynthèse à l’aide de deux vis.

*
A *
B

Les fractures de type I au-delà de l’âge de 12 ans sont rares mais Complications
peuvent, tout comme les épiphysiolyses idiopathiques, être traitées
par un vissage à travers le cartilage de croissance. De ce fait, une Des complications après fracture de hanche chez l’enfant sont
ostéosynthèse stable est obtenue et une immobilisation fréquentes et certaines d’entre elles peuvent causer un handicap
complémentaire n’est pas indispensable. important et définitif [1, 4, 5, 10, 13, 21]. La gravité des complications ainsi
que leurs conséquences dépendent de :
TYPE II : FRACTURE TRANSCERVICALE – l’âge de l’enfant lors du traumatisme ;
En cas de fracture non déplacée chez l’enfant jeune, une – l’importance du traumatisme initial ;
immobilisation plâtrée peut donner de bons résultats mais un suivi
régulier pendant les premières semaines est primordial afin de – le type de fracture ainsi que son degré de déplacement ou d’une
détecter et de traiter rapidement un éventuel déplacement éventuelle luxation de hanche associée ;
secondaire. Chez l’enfant de plus de 6 ans, une ostéosynthèse est – le traitement ;
indiquée.
– le délai depuis le moment du traumatisme.
Si la fracture est déplacée, une réduction à foyer fermé est
La durée du suivi est un élément important. Les séries décrites dans
généralement possible. Toutefois, dans certains cas, la réduction doit
la littérature dont le suivi est relativement court ont un taux de
se faire sur table de traction. Après réduction, la fracture est fixée
complications nettement inférieur à celles dont le recul est plus
par des vis qui évitent le cartilage de croissance. On utilise de
important [5, 8, 17].
préférence des vis spongieuses, cannulées et à filetage court. En
général, deux vis suffisent à condition d’effectuer un vissage
parallèle pour obtenir une compression du foyer de fracture. Si le INFECTION
fragment entre la fracture et le cartilage de croissance est trop petit,
L’infection n’est pas une complication spécifique de la fracture de
des broches de Kirschner non filetées peuvent être utilisées à travers
hanche chez l’enfant et elle n’est rapportée que de manière
le cartilage de croissance. Chez le jeune enfant, un plâtre
sporadique par quelques auteurs [3, 10, 16, 21]. Une infection peut être
pelvipédieux est mise en place afin d’éviter la mise en charge trop
favorisée par des lésions associées en cas de polytraumatisme.
précoce [4, 5, 26, 33]. Au-delà de l’âge de 12 ans, des vis à travers le
cartilage de croissance peuvent être utilisées.
Si une réduction correcte à foyer fermé est impossible, une réduction NÉCROSE AVASCULAIRE
à foyer ouvert suivie d’une ostéosynthèse s’impose. La nécrose avasculaire est une complication fréquente et redoutée [1,
3, 4, 5, 8, 10, 13, 14, 16, 17, 20, 21, 22, 25, 26, 28, 33]
. Le risque de nécrose est fortement
lié à l’importance du traumatisme, au degré de déplacement de la
TYPE III : FRACTURE BASICERVICALE (fig 4)
fracture, à l’âge du patient lors du traumatisme et à une luxation de
Si la fracture est non déplacée chez un enfant en dessous de 6 ans, l’épiphyse proximale associée [4, 5]. Plus l’enfant est âgé, plus le risque
une immobilisation plâtrée suffit. Chez l’enfant de plus de 6 ans, du de nécrose est grand car des contraintes importantes sont nécessaires
fait d’un risque accru de déplacement secondaire, ou en cas de pour causer de telles fractures, ce qui engendre d’importants dégâts
fracture déplacée initialement, il est préférable de recourir à un au niveau des vaisseaux nourriciers. Pour certains auteurs, 90 % des
vissage en évitant toutefois le cartilage de croissance [4, 5, 10, 33]. fractures déplacées et près de 100 % des fractures–luxations
présentent une nécrose avasculaire. Toutefois, les données de la
littérature ne sont pas unanimes. Les chiffres les plus fiables qui
TYPE IV : FRACTURE INTERTROCHANTÉRIENNE (fig 5) reprennent le risque de nécrose avasculaire en fonction du type de
La plupart des fractures de type IV sont déplacées mais peuvent fracture sont :
être réduites à foyer fermé [5]. Certaines de ces fractures peuvent être
– type I : 80 % et jusqu’à 100 % en cas de luxation associée ;
traitées par immobilisation ou par traction continue, mais une
réduction suivie d’une ostéosynthèse est le traitement de choix [4]. – type II : 50 à 60 % ;

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5 Fracture intertrochanté-
rienne.
A. Fracture intertrochanté-
rienne non déplacée de
type IV de Delbet traitée
par plâtre pelvipédieux.
B. Résultat à 8 mois. Fonc-
tion normale.

*
B

*
A

6 Classification selon Ratliff des nécroses avasculaires


après fracture du col fémoral chez l’enfant.

Type I Type II Type III

– type III : 30 % ; – type II : pronostic meilleur car un remodelage secondaire est plus
– type IV : 0 à 10 %. probable, surtout chez l’enfant jeune ;
La nécrose avasculaire est causée essentiellement par la rupture des – type III : ce type de nécrose comme décrit par Ratliff [27] n’est en
vaisseaux nourriciers lors du traumatisme, mais également lors de fait pas une nécrose proprement dite, mais plutôt une extension de
la manœuvre de réduction [4, 8, 12, 13, 26]. Il est donc essentiel de la fracture [5, 13].
procéder avec prudence lors de cette manœuvre afin de ne pas
endommager davantage ces vaisseaux [6]. Le pronostic en cas de nécrose avasculaire est défavorable dans 60 à
D’un point vue clinique, la nécrose avasculaire se caractérise par 70 % des cas [5]. La nécrose avasculaire donne lieu à des douleurs,
des douleurs, ainsi que par une limitation de la mobilité. Les signes une boiterie, des troubles fonctionnels, et est en grande partie
radiologiques peuvent se manifester dès la 8e semaine mais dans responsable d’une arthrose secondaire. Une nécrose avasculaire avec
certains cas, ils n’apparaissent qu’après 1 an et demi [4, 5]. Une affaissement de l’épiphyse fémorale proximale entraîne un
scintigraphie osseuse ainsi qu’une imagerie par résonance raccourcissement du membre inférieur. Chez l’enfant jeune, une
magnétique (IRM) permettent un diagnostic précoce [4]. nécrose qui s’accompagne d’une fermeture précoce du cartilage de
Ratliff [27, 28] décrit trois formes de nécrose avasculaire (fig 6) : croissance peut donner lieu à un raccourcissement très important.
– type I : nécrose complète du fragment proximal ainsi que de
l’épiphyse ;
CAL VICIEUX
– type II : nécrose partielle de l’épiphyse ;
Des chiffres de 20 à 30 % de cals vicieux, principalement en coxa
– type III : nécrose de la partie de l’épiphyse située entre le trait de
vara, sont cités dans la littérature [1, 3, 4, 5, 8, 10, 12, 16, 25, 30]. Cette incidence
fracture et le cartilage de croissance proximal.
est devenue nettement moindre si la fracture est traitée par une
¶ Pronostic réduction suivie d’une ostéosynthèse [4, 5, 7, 10, 11, 14, 28]. La coxa vara
survient également à la suite d’une nécrose avasculaire avec atteinte
Le pronostic en fonction du type de nécrose est [4, 13, 20, 28] : du cartilage de croissance. Cette déformation, si elle est importante,
– type I : pronostic mauvais, toutefois, chez l’enfant jeune on peut donne lieu à une boiterie et une arthrose secondaire. Toutefois, chez
espérer un remodelage secondaire, ne serait-ce que partiel ; l’enfant jeune, un remodelage osseux secondaire est possible.

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PSEUDARTHROSE la situation [3, 4, 5, 31, 33]. Si un remodelage se produit, il peut se


Une pseudarthrose complique le traitement d’une fracture de hanche prolonger pendant 5 ans après le traumatisme. Si le remodelage
chez l’enfant dans 6 à 10 % des cas [4, 5, 10]. Cette complication osseux ne corrige pas suffisamment les déformations, il est possible
apparaît essentiellement après traitement conservateur et presque de tenter d’améliorer la congruence de l’articulation grâce à une
exclusivement dans les fractures de type II et III [14] . Cette ostéotomie du bassin ou du fémur proximal [1, 3, 4, 5, 33].
complication est nettement moins fréquente depuis que l’utilisation
de l’ostéosynthèse s’est généralisée [4, 5, 7, 11, 13, 16, 28]. Si les déformations sont importantes, et que les douleurs ainsi que
l’impotence fonctionnelle le justifient, une arthrodèse de hanche peut
FERMETURE PRÉMATURÉE DU CARTILAGE être envisagée [28]. La mise en place d’une prothèse de hanche après
DE CROISSANCE la fin de la croissance est une autre possibilité. Toutefois, cette
Cette complication peut être causée par le traumatisme en soi mais alternative chez des patients jeunes peut donner lieu à de nombreux
également par des vis placées à travers le cartilage de croissance [4, problèmes précoces [3, 5].
21]
. Son incidence varie fortement selon les séries entre 7 et 62 % [1, 5,
20, 28]
. Une destruction complète du cartilage de croissance chez
l’enfant jeune causera une différence importante de longueur des PSEUDARTHROSE
membres inférieurs [3, 5, 8, 10, 13, 15, 16, 21, 26]. En revanche, la fermeture
partielle du cartilage de croissance a pour résultat une déformation En cas de fracture oblique, il est conseillé de réaliser une
de la hanche en varus ou en valgus [3, 4, 6, 10, 12, 21]. Une déformation en ostéosynthèse après avoir effectué une ostéotomie sous-
« coxa brevis » ou « coxa magna » est souvent le résultat d’une trochantérienne de valgisation afin d’obtenir une horizontalisation
fracture de type I [6, 21]. du trait de fracture [3, 13, 32].

AUTRES COMPLICATIONS
La chondrolyse est une complication typique d’une épiphysiolyse COXA VARA
qui est rarement décrite à la suite d’une fracture [13].
Une coxa vara a, chez l’enfant de moins de 2 ans, toutes les chances
Une fracture sous-trochantérienne au point d’insertion des vis a été
de se corriger spontanément par remodelage osseux [4, 5, 12]. Si la
rapportée dans la littérature de manière sporadique. Elle est le
déformation est importante (angle cervicodiaphysaire inférieur à
résultat d’un forage excessif lors de l’insertion des vis.
120°) et que l’enfant a moins de 10 ans, une épiphysiodèse du grand
Chez l’enfant, une fracture de fatigue du matériel d’ostéosynthèse
trochanter peut être réalisée. Chez un enfant de plus de 10 ans, il est
semble uniquement avoir été décrite dans des séries historiques [8,
21]
. préférable de réaliser une ostéotomie de valgisation du fémur
proximal [4, 5, 12, 13, 30].
Le déplacement secondaire est une complication rencontrée
essentiellement après réduction à foyer fermé et immobilisation
plâtrée [28].
DIFFÉRENCE DE LONGUEUR DES MEMBRES INFÉRIEURS

Traitement des complications Si la différence de longueur est de plus de 2 cm, il est conseillé de
réaliser en temps utile une épiphysiodèse au membre inférieur
NÉCROSE AVASCULAIRE opposé [ 3 , 4 , 5 ] . Si cela n’est pas possible, une ostéotomie
En cas de nécrose avasculaire chez l’enfant de moins de 6 ans, il est d’allongement peut être prudemment envisagée. Toutefois, il faut
préférable d’attendre le plus longtemps possible avant d’intervenir veiller à ne pas causer de dommages complémentaires à la hanche
chirurgicalement car un remodelage osseux peut toujours améliorer déjà atteinte.

Références
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Appareil locomoteur Fracture de l’extrémité supérieure du fémur chez l’enfant 14-076-A-10

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