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Les fractures, luxations, entorses du rachis cervical supérieur ont la particularité, soit d’entraîner le décès
immédiat du patient, soit d’être rencontrées chez des patients en général indemnes de troubles neurolo-
giques. Ces lésions se rencontrent essentiellement chez les sujets âgés et la plus fréquente est la fracture de
l’odontoïde. Ces lésions engagent le pronostic vital à cause du risque neurologique, des complications de
décubitus chez les sujets âgés et des complications du traitement, qu’il soit orthopédique ou chirurgical.
Il n’y a pas de consensus concernant la prise en charge de ces patients. Les fractures des arcs antérieur
et postérieur de C1, des masses latérales de C1, les fractures isolées de l’arc postérieur de C1 et C2, les
fractures verticales du corps de C2 sont en général traitées orthopédiquement. Les entorses du ligament
transverse de C1, les rarissimes luxations occipitocervicales sur blessé vivant sont en général opérées. Les
autres lésions, en particulier les fractures de l’odontoïde et des isthmes de C2, peuvent bénéficier d’un
traitement chirurgical ou orthopédique. L’indication chirurgicale est en général retenue si la lésion paraît
instable et que le sujet peut supporter l’intervention, si l’on veut instaurer un nursing précoce chez un
polytraumatisé, etc. Chez les sujets âgés qui sont les plus fréquents, le dilemme est : doit-on opérer le
patient pour éviter un traitement orthopédique contraignant ? Doit-on traiter orthopédiquement pour
éviter le risque opératoire ? Le bon sens, l’expérience et les conditions locales vont orienter soit vers le
traitement chirurgical, soit vers le traitement orthopédique. Pour ces raisons, il est nécessaire d’adresser
ces patients dans un centre spécialisé.
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Plan que soient l’âge et l’étage, il faut faire la différence entre les lésions
osseuses dont l’instabilité est temporaire jusqu’à consolidation, les
■ Définition 1 lésions ligamentaires dont l’instabilité est définitive et les lésions
mixtes. Le traitement ne peut être conduit qu’après interpréta-
■ Différentes lésions du rachis cervical supérieur 1 tion du type de lésion. Nous étudierons dans un premier temps
Lésions ligamentaires : entorse et luxation du rachis cervical les différentes lésions rencontrées, puis les modalités de la prise
supérieur 1 en charge et les différents traitements.
Fractures du rachis cervical supérieur 2
Lésions et traumatismes associés du rachis cervical supérieur 5
■ Prise en charge du blessé
Blessés conscients
6
6
Différentes lésions du rachis
Blessés confus 7 cervical supérieur
Imagerie par résonance magnétique 7
■ Données générales sur le traitement orthopédique 7 Lésions ligamentaires : entorse et luxation
■ Conclusion 7 du rachis cervical supérieur
Luxation occipitoatloïdienne
C’est une lésion rare, en général rapidement létale, et pour
Définition cette raison sous-estimée. Elle fut retrouvée neuf fois par Bucholz
et al. [1] en examinant 112 blessés décédés. On individualise :
Le rachis cervical supérieur est étendu de l’articulation occi- • la luxation par distraction pure, véritable décapitation sous-
pitoatloïdienne au disque C2-C3. Les traumatismes du rachis cutanée et vraisemblablement mortelle, que nous n’avons
cervical supérieur mettent en jeu le pronostic vital, soit en entraî- retrouvée qu’une seule fois sur une blessée arrivée vivante à
nant immédiatement des troubles neurologiques mortels, soit par l’hôpital et décédée en salle de radiologie ;
déplacement secondaire. Ils sont très fréquents chez les sujets âgés • les luxations et subluxations antérieures que l’on rencontre
et présentent alors une double morbidité : les troubles de décu- chez les rares survivants ;
bitus et les risques d’apparition de troubles neurologiques. Quels • les luxations postérieures, qui sont rarissimes.
A B
Figure 4.
A. Mécanisme par choc sur le vertex de la fracture de Jefferson.
B. Schéma montrant la perte d’alignement d’un côté d’une masse latérale avec le condyle occipital correspondant.
C. Fracture de Jefferson en vue supérieure.
Figure 6. Classification d’Effendi et Laurin montrant les trois types de fracture des isthmes de C2.
A. Type I.
B. Type II.
C. Type III.
L’étude canadienne [28] sur les patients sans trouble de la l’alimentation et en position assise si possible car une minerve
vigilance précise qu’en l’absence de critère en faveur d’un trau- moulée en position allongée a peu de chance d’être adaptée lors
matisme même bénin du rachis cervical, les radiographies sont de la verticalisation. Dans les lésions instables et réduites, elle est
indiquées s’il existe un risque lié au terrain, aux circonstances de moulée avec contrôle scopique bouche ouverte, et sangle man-
l’accident, à l’examen clinique initial, ou si le patient est inca- dibulaire de traction verticale ou étrier de traction en place pour
pable d’effectuer une rotation cervicale de 45◦ vers la droite et la maintenir la réduction. Une fenêtre antérieure permet les mou-
gauche. vements du larynx. La surveillance clinique est fondamentale.
Si les radiographies mettent en évidence ou suspectent une L’immobilisation par minerve expose aux escarres chez les sujets
lésion du rachis cervical supérieur, la TDM est demandée car elle dont la peau est fine à cause de l’âge ou d’une corticothérapie au
est inégalée pour explorer le rachis cervical supérieur [29] . long cours. La mise en place d’une minerve est contre-indiquée
chez les patients dont la conscience n’est pas parfaite, présentant
des troubles respiratoires ou risquant de nécessiter des manœuvres
Blessés confus urgentes de réanimation, ou présentant un traumatisme facial
associé. Le déplacement secondaire des lésions est fréquent. Pour
Pour les blessés confus, polytraumatisés, intoxiqués, la TDM
cela, le contrôle radiologique est nécessaire tant que les lésions ne
est plus sensible que les radiographies [26] et est rarement prise en
sont pas solides.
défaut face à l’IRM. Le scanner multicoupes millimétriques permet
Le halo crânien ou halo plâtré (halo vest ou halo cast des
d’explorer en quelques secondes le rachis cervical et peut être asso-
Anglo-Saxons) est formé de trois parties : une couronne fixée au
cié à l’exploration d’autres régions. Son irradiation est compensée
moins par quatre pointeaux dans le crâne, un gilet thoracos-
par son bénéfice.
capulaire, et des barres d’union entre le halo et le gilet. C’est
un traitement classique pour les lésions du rachis cervical supé-
Imagerie par résonance magnétique rieur, et ce d’autant plus que les barres d’union sont réglables,
permettant une modification du montage. Il doit être autant sur-
Elle n’est pas performante pour explorer l’arc postérieur [26] veillé qu’une minerve et présente les mêmes contre-indications.
mais serait performante pour explorer les lésions ligamentaires. Il expose [31] au démontage du système, à l’arrachement des
Nous pensons qu’elle nécessite des radiologues entraînés et des pointeaux, à l’infection locale et aux escarres, au déplacement
machines performantes, car dans notre centre elle n’a pas fait secondaire de la lésion. Comme pour la minerve, le contrôle
la preuve de son efficacité. L’IRM reste inégalée pour l’étude radiologique régulier des lésions est nécessaire en attendant la
du contenu du canal rachidien. Les indications en traumato- consolidation. Le halo plâtré, très utilisé dans le monde occiden-
logie du rachis [26] sont limitées par les difficultés d’accès, la tal, est peu utilisé en France et les publications françaises sont
durée de l’examen, la compatibilité du matériel de réanimation rares.
et d’orthopédie, la difficulté de surveillance du patient. Elle est en La traction par étrier crânien se fait sur un sujet alité en position
fait indiquée dans les cas où la TDM ne permet pas de faire par- semi-assise, le tronc faisant 30 à 45◦ avec les membres inférieurs.
faitement le diagnostic des lésions ou en cas de discordance entre Il ne faut pas dépasser 3 kg de traction pour le rachis cervical
les lésions constatées et l’examen clinique. supérieur, sauf si l’on veut réduire une lésion ancienne. Les radio-
graphies de contrôle sont au moins quotidiennes au début car
le risque de distraction des lésions est majeur, pouvant réaliser
déplacement, de pseudarthrose et de l’âge du sujet. Leur traite- [17] Platzer P, Thalhammer G, Oberleitner G, Schuster R, Vécsei V, Gaebler
ment n’est pas univoque. Si elle est possible, la chirurgie n’est pas C. Surgical treatment of dens fractures in elderly patients. J Bone Joint
contre-indiquée chez le vieillard. Ainsi, chaque lésion doit être Surg [Am] 2007;89:1716–22.
analysée pour proposer au patient la balance bénéfice/risque la [18] White AP, Hashimoto R, Norvell DC, Vaccaro AR. Morbi-
plus juste. Et tout compte fait, l’expérience du thérapeute est un dity and mortality related to odontoid fracture. Spine 2010;35:
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F. de Peretti (deperetti.f@chu-nice.fr).
M. Challali.
Service de traumatologie-orthopédie, Hôpital Saint-Roch, Centre hospitalo-universitaire de Nice, 5, rue Pierre-Dévoluy, 06006 Nice cedex 1, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : de Peretti F, Challali M. Traumatismes du rachis cervical supérieur. EMC - Appareil locomoteur 2012;7(4):1-8
[Article 15-825-A-10].
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