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Les fractures du cou-de-pied chez l’enfant concernent très fréquemment les cartilages de croissance des
extrémités des deux os de la jambe. Elles sont la plupart du temps bénignes et de traitement
orthopédique, cependant, certains types de décollement épiphysaires comportent un risque élevé de
complication à type d’épiphysiodèse avec les conséquences de celle-ci sur la croissance osseuse. L’analyse
des circonstances du traumatisme et le type anatomique selon la classification de Salter et Harris de la
lésion permettent la plupart du temps d’établir un pronostic et une attitude thérapeutique qui doit être
adaptée à l’enfant. À chaque âge correspond des types de fractures plus fréquents. L’évaluation de la
croissance résiduelle est un élément décisionnel important. Les fractures articulaires et les fractures
parcellaires mettent en jeu le pronostic fonctionnel articulaire. Leur diagnostic s’aide de l’imagerie et, là
encore, le traitement, qui est souvent chirurgical, doit être adapté à l’enfant. Les fractures complètes du
talus sont exceptionnelles chez l’enfant. Une bonne connaissance des types lésionnels rencontrés au
niveau de la cheville de l’enfant et de leurs risques potentiels garantit l’indication d’un traitement adapté
de ces fractures, minimisant les risques de complication.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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14-088-B-10 ¶ Fractures du cou-de-pied de l’enfant
Classiquement, la réponse mécanique à un traumatisme décollements épiphysaires de type I en particulier à la fibula. Les
épiphysaire et articulaire chez l’enfant conduit à un décollement traumatismes à haute vélocité sont rares à cet âge en dehors des
épiphysaire, cela est souvent le cas à la cheville, cependant, défenestrations.
dans la deuxième décennie, la fréquence des traumatismes de Avec l’augmentation de l’âge, de l’usage des dispositifs
cette région anatomique est plus grande et on voit apparaître, à roulants et de l’activité sportive, apparaissent les décollements
cet âge, des lésions ligamentaires périarticulaires qui ne sont pas épiphysaires de type II au tibia, associés ou non à des lésions de
évoquées ici. la fibula. Chez l’adolescent, la cinétique de la fusion épiphysaire
La fréquence des épiphysiodèses post-traumatiques n’est pas fait apparaître les décollements épiphysaires de type III et IV qui
négligeable, cependant, fort heureusement, elles surviennent nécessitent souvent un traitement chirurgical. À cet âge, ces
souvent sur une cheville proche de la fin de croissance et sont traumatismes précipitent la fusion épiphysaire.
donc habituellement sans conséquence notable. Enfin, les fractures du talus sont le fait de traumatismes à
haute énergie quel que soit l’âge : accidents de la voie publique,
Épidémiologie et implications traumatismes complexes des machines agricoles, chutes d’un
lieu élevé (défenestration ou sport).
en physiopathologie Les points anatomiques de faiblesse de la cheville de l’enfant
La pratique sportive est responsable d’environ 20 à 50 % des sont les ligaments, freins passifs des mouvements, et le cartilage
traumatismes de l’enfant en fonction de l’âge. L’incidence de de croissance. Lorsque les mouvements dépassent l’amplitude
ces accidents est en constante augmentation. autorisée, l’un ou l’autre de ces éléments cède. Toute raideur de
Les traumatismes de cheville du petit enfant sont rares et l’articulation tibiocrurale fait augmenter le risque traumatique à
souvent bénins. À cet âge, il faut être particulièrement vigilant la cheville chez l’enfant. La chaîne d’amortissement postérieur
afin de dépister les lésions consécutives à des sévices. Chez des membres inférieurs constituée par l’appareil tricipito-suro-
l’enfant jeune, les fractures sont rares, souvent le fait de plantaire et les muscles ischiojambiers peut créer une instabilité
l’apprentissage des dispositifs roulants et du sport. Elles sont en cas d’hyperlaxité ou de rétraction. La faillite du système
plus souvent métaphysaires qu’intéressant la physe et, dans les amortisseur est obligatoirement liée à un défaut de coordination
traumatismes en varus, elles sont alors remplacées par des qui expose l’enfant, en particulier lors de la pratique d’un sport.
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âge : tassement en « motte de beurre », fracture sous-périostée réduction doit reproduire à l’inverse le déplacement provoqué
oblique ou spiroïde, fracture en bois vert (fracture de Gillespie), par le traumatisme. Une complication immédiate du traitement
fractures transversales. Ces fractures sont traitées orthopédique- orthopédique de ces lésions est l’incarcération périostée,
ment avec ou sans réduction préalable en fonction de l’impor- empêchant une réduction anatomique, voire la stabilisation de
tance du déplacement. L’immobilisation plâtrée est cruro- la fracture. En cas d’instabilité, le lambeau périosté doit être
pédieuse, genou fléchi, pendant 2 à 3 semaines en fonction de chirurgicalement désincarcéré par voie antéromédiale le plus
l’âge et relayée par une botte plâtrée pour la même durée. Chez souvent et un traitement orthopédique classique peut être
l’adolescent, les fractures simples de cette région relèvent d’un réalisé ensuite. Si la fracture est stable malgré l’incarcération,
traitement orthopédique et, lorsqu’elles sont complexes, leur chez un enfant à fort potentiel de croissance, celle-ci est
prise en charge est alors peu différente de celle de l’adulte. On négligée et la reprise de croissance surveillée, en revanche, une
tient compte de la maturité pubertaire dans la décision théra- telle situation chez l’adolescent doit faire préférer la libération
peutique et si une ostéosynthèse se révèle nécessaire, elle doit du lambeau (Fig. 3).
respecter la plaque de croissance. À maturité osseuse, ces
fractures sont traitées comme chez l’adulte. Fractures articulaires
Fractures-décollements épiphysaires de type I et II Les fractures articulaires sont le plus souvent des décolle-
ments épiphysaires de type III ou IV. Plus rarement, des
Les fractures-décollements épiphysaires de type I et II sont
fractures ostéochondrales ou épiphysaires pures peuvent être
très fréquentes et surviennent à tout âge.
rencontrées.
Les décollements épiphysaires de type I (6 à 15 %) peuvent
intéresser le tibia et la fibula isolément ou en association. Ils Fractures de la malléole latérale
sont de diagnostic aisé lorsqu’il existe un déplacement même
modéré, en revanche, seul un examen clinique soigneux peut Ces fractures sont de diagnostic difficile lorsque le fragment
les mettre en évidence en l’absence de déplacement : douleur est petit ou ostéochondral. Une hémarthrose doit attirer
circonférentielle en regard du cartilage de croissance intéressé. l’attention, en particulier en présence de signes évocateurs d’une
On est attentif à distinguer un déplacement rotatoire pur d’un entorse latérale de la cheville. La fracture est visualisée sur les
décollement épiphysaire de type I de l’extrémité inférieure du clichés obliques. En l’absence de déplacement de plus de 2 mm,
tibia. leur traitement est le plus souvent orthopédique. En cas d’échec
Les décollements épiphysaires de type II de l’extrémité d’une réduction orthopédique, l’ostéosynthèse peut utiliser de
inférieure du tibia représentent la lésion probablement la plus fines broches, une colle biologique ou encore une ostéosynthèse
classique de la région (40 à 70 %). Ils peuvent se présenter soit résorbable.
dans le plan frontal, soit dans le plan sagittal. Ils sont associés
ou non à une fracture métaphysaire ou à un décollement Fractures de la malléole médiale
épiphysaire de la fibula. Leur traitement est orthopédique sauf Ces fractures en inversion peuvent être isolées ou associées à
exception, mais elles nécessitent souvent une réduction réalisée une lésion osseuse ou ligamentaire à la malléole latérale. Elles
au bloc opératoire. C’est ici que prend toute l’importance de peuvent être de type Salter et Harris III ou IV en fonction de la
l’analyse radiographique du mécanisme, la manœuvre de composante de cisaillement, elles sont également dénommées
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Fracture
Fracture de type Salter I ou II Fracture de type Salter V Fracture de type Salter III ou IV
Épiphysiodèse
Déplacement
secondaire
Traitement Traitement
chirurgical chirurgical
adapté en
fonction de l'âge
Figure 8. Arbre décisionnel. Thérapeutique et surveillance. Salter : classification de Salter et Harris ; surveillance simple : contrôles radiographiques à j8, j15,
j45, 3 mois et 1 an ; surveillance rapprochée : contrôles radiologiques à j8, j15, j21, j45, 3 mois, 6 mois, 1 an, 2 ans. * Facteurs de pronostic négatif :
traumatisme à haute énergie, traumatisme à déplacement important, jeune âge, complication associée (ouverture, lésion vasculaire). AG : anesthésie générale.
osseux de petite taille peut faire espérer une rupture spontanée de nécrose et les fractures ostéochondrales qui sont à l’origine
de celui-ci sous la poussée de croissance et autorise une sur- de ces mauvais résultats à distance : limitation articulaire,
veillance radiographique de quelques mois. S’il est de grande douleurs résiduelles et arthrose. La réduction d’une fracture
taille ou bien si, dès le premier examen, on constate un trouble articulaire ou concernant la plaque de croissance devrait être
de croissance, il y a indication thérapeutique. Celle-ci est parfaite car un défaut de la surface articulaire ou une déviation
précisée en fonction de l’âge osseux de l’enfant et de l’impor- axiale conduisent inévitablement à une dégradation prématurée
tance de l’épiphysiodèse. Un bilan comportant une évaluation de la fonction [2, 10, 14-17].
de l’étendue de l’épiphysiodèse par un scanner et une évalua-
tion fonctionnelle du cartilage conjugal par IRM est indispen-
sable à l’indication thérapeutique (Fig. 9). Une inégalité de Complications iatrogènes
longueur sans déviation est traitée par épiphysiodèse controla- Des épiphysiodèses iatrogènes peuvent être induites si le
térale ou par désépiphysiodèse si le potentiel de croissance est
matériel d’ostéosynthèse est inadapté, trop volumineux ou si la
élevé et la lésion de petite taille. Une déviation axiale est traitée
plaque épiphysaire est traversée à multiples reprises. Une
par désépiphysiodèse, épiphysiodèse complémentaire ou ostéo-
synostose tibiofibulaire peut être provoquée par une broche trop
tomie de réalignement en fin de croissance [11, 12].
saillante dans l’espace intertibiofibulaire. Cela conduit à
Syndrome algoneurodystrophique recommander une bonne connaissance des ostéosynthèses chez
Un syndrome algoneurodystrophique doit être suspecté dès l’enfant afin d’adopter une technique irréprochable.
que la récupération fonctionnelle après immobilisation est
longue et douloureuse. Le tableau clinique d’algodystrophie
chez l’enfant est fréquemment atypique, néanmoins, il doit être
évoqué même si le tableau clinique est incomplet. Les signes
■ Conclusion
cardinaux sont les mêmes que chez l’adulte, mais les phénomè-
Le diagnostic des fractures du cou-de-pied chez l’enfant est
nes algiques et l’anxiété sont souvent au premier plan. La
relativement aisé, ne nécessitant le plus souvent qu’un bilan
fréquence de cette complication est probablement sous-estimée
chez l’enfant. Chez l’enfant, l’algodystrophie est traitée préfé- radiographique usuel. L’évaluation du pronostic de ces lésions
rentiellement par de la physiothérapie et des antalgiques et relève d’une analyse simple de la lésion par la classification de
parfois, un antidépresseur tricyclique comme l’amitriptyline est Salter et Harris et les indications thérapeutiques en découlent.
utile ou plus rarement un bloc anesthésique locorégional [13]. La plupart du temps, le traitement est orthopédique. Cepen-
dant, l’application rigoureuse des indications chirurgicales et des
Altérations de la fonction articulaire techniques adaptées à l’enfant permet de prévenir nombre de
et de la surface articulaire séquelles consécutives à une épiphysiodèse, en particulier les
Un traitement insuffisant ou imparfait favorise les résultats fractures concernant le cartilage de croissance et la surface
médiocres du traitement de ces fractures. Ce sont principale- articulaire chez l’enfant qui présente un potentiel important de
ment les fractures articulaires, les fractures du talus compliquées croissance.
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B. Dohin (bruno.dohin@chu-lyon.fr).
Service de chirurgie pédiatrique, Hôpital Édouard Herriot, place d’Arsonval, 69437 Lyon cedex 03, France.
J. Langlais.
Service de chirurgie pédiatrique et orthopédique, Hôpital Saint-Jacques, 2, place Saint-Jacques, 25030 Besançon cedex, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Dohin B., Langlais J. Fractures du cou-de-pied de l’enfant. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Appareil
locomoteur, 14-088-B-10, 2007.
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