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Les fractures du rachis thoracolombaire sont des lésions fréquentes avec des conséquences
potentiellement graves, nécessitant une prise en charge rapide et adaptée. La connaissance des éléments
anatomiques de stabilité rachidienne, l’analyse des mécanismes lésionnels et un bilan d’imagerie adapté
sont les prérequis indispensables à la décision thérapeutique. Les différentes classifications des fractures
du rachis thoracolombaire servent à déterminer les critères d’instabilité des lésions et donc leur potentiel
évolutif. Ainsi, selon le type de fracture et son évolution prévisible on peut s’orienter vers un traitement
orthopédique ou au contraire vers un traitement chirurgical de la lésion. Il existe donc de multiples
modalités thérapeutiques, et le point fondamental reste l’évaluation initiale de la lésion sur le plan
clinique et paraclinique avec l’appréciation des atteintes ostéo-disco-ligamentaires antérieures et
postérieures afin d’obtenir une analyse lésionnelle précise amenant à la prise en charge la plus adaptée.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Appareil locomoteur 1
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15-829-A-10 ¶ Fractures et luxations récentes du rachis thoracique et lombaire de l’adulte
2 Appareil locomoteur
composante traumatique dépend également de la position du Au membre inférieur, les myotomes testés sont L2 (flexion de
corps au moment de l’impact. L’analyse de ces différents hanche), L3 (extension du genou), L4 (flexion dorsale de
paramètres est donc difficile en pratique quotidienne mais cheville), L5 (extension des orteils) et S1 (flexion plantaire de
constitue une base de réflexion pour estimer les dommages cheville).
rachidiens. La sensibilité est évaluée au toucher et à la piqûre pour
chaque dermatome droit et gauche de C2 à S5, donnant un
score maximum de 112 points.
En cas de déficit neurologique, l’examen périnéal permet de
■ Évaluation et prise en charge distinguer une lésion incomplète d’une paraplégie complète qui
se traduit par une abolition de la sensibilité anale et une
Les fractures et luxations du rachis thoracique et lombaire disparition des réflexes bulbocaverneux ou clitoridoanal. Ces
sont des lésions fréquentes situées majoritairement à la jonction examens doivent être répétés 48 heures après le traumatisme,
thoracolombaire et nécessitant une prise en charge rapide et c’est-à-dire après disparition du choc spinal avant d’affirmer le
adaptée. Une étude canadienne [7] rapporte une incidence de caractère complet et définitif de la lésion.
lésions médullaires traumatiques à 4 pour 100 000 habitants par Chez les patients polytraumatisés, il convient évidemment de
an, avec pour les patients hospitalisés une fracture au niveau respecter le maintien de l’axe rachidien lors des mobilisations
thoracique dans 33 % des cas (16 % de troubles neurologiques) mais également de toujours rechercher une lésion rachidienne
et lombaire dans 46 % des cas (7 % de troubles neurologiques). associée. Inversement, lorsque la lésion vertébrale est au premier
La mortalité globale est de 4 % et les étiologies les plus fréquen- plan, la recherche de lésions associées est systématique car elles
tes sont la chute d’un lieu élevé, les accidents de circulation, sont fréquentes, notamment les lésions intestinales et aorti-
puis les autres accidents du travail et les traumatismes sportifs. ques [9, 10]. La réalisation d’un examen méthodique permet aussi
de mettre en évidence des lésions étagées du rachis, présentes
Évaluation clinique dans 10 % des cas et ne devant pas être oubliées.
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Évaluation motrice
Score Asia Identité du patient
Toucher
Date de l'examen
D G
C2
C3
Niveau Sensitif Droite Gauche
C4
neurologique* Moteur Droite Gauche
C5 Flexion du coude
* Segment le plus caudal ayant une fonction normale
C6 Extension du poignet
C7 Extension du coude Lésion médullaire** : complète ou incomplète
C8 Flexion du médius (P3) ** Caractère incomplet défini par une motricité ou
T1 Abduction du 5e doigt une sensibilité du territoire S4-S5
T2
0 = paralysie totale Échelle d'anomalie Asia A B C D E
T3
1 = contraction visible ou palpable A = complète : aucune motricité ou sensibilité dans
T4 2 = mouvement actif sans pesanteur le territoire S4-S5
T5 3 = mouvement actif contre pesanteur B = incomplète : la sensibilité mais pas la motricité est
T6 4 = mouvement actif contre résistance
préservée au-dessous du niveau lésionnel,
5 = mouvement normal
T7 en particulier dans le territoire S4-S5
NT = non testable
T8 C = incomplète : la sensibilité est préservée au-dessous
T9 du niveau lésionnel et plus de la moitié des
Score «motricité» : /100
T10
Contraction anale : Oui/Non muscles testés au-dessous de ce niveau a un score < 3
T11 D = incomplète : la motricité est préservée au-dessous du
T12 niveau lésionnel et au moins la moitié des muscles testés
L1 au-dessous du niveau a un score ≥ 3
E = normale : la sensibilité et la motricité sont normales
L2 Flexion de la hanche
L3 Extension du genou Préservation Sensitif Droite Gauche
L4 Dorsiflexion du gros orteil partielle*** Moteur Droite Gauche
L5 Extension du gros orteil *** Extension caudale des segments partiellement innervés
S1 Flexion plantaire de cheville Syndrome clinique : Centromédullaire
S2
Brown-Séquard
S3 Moelle antérieure
S4-5 Cône terminal
Évaluation sensitive
Toucher Piqûre Score «toucher» : /112
D G D G Score «piqûre» : /112
C2 Sensibilité anale : Oui/Non
C3
C4 C3
C4 C4
C5
C2
C6 T2 T3 T2
C7 T4
C3 T5
C8 T6 C5
C5 T7
T1 C4 T1 T8 T1
T2 T9
T10
T3 T11
T4 S3 T12
T5 C6 L1 L1 C6
T6 S4-5
T7 C8 C8
C7 L2 C7
L2
T8
T9 L2 L2
T10 L3 L3 C8 L3 L3 C8
T11 C6 C6
T12 S2 S2 L4
L1 0 = absente C7 C7
L4 L5 L5
L2 1 = diminuée
L3 2 = normale
L5 L5
L4
NT = non testable
L5
S1 S1
S1 L5 L5
S1 S1
S2
S3
S4-5
Figure 1. Grille d’évaluation de l’état neurologique selon le score American Spinal Injury Association (ASIA).
lors des mécanismes en extension. Elle permet une évaluation Dans le cadre de l’urgence et des polytraumatismes, les
plus précise de la lésion en fonction du profil physiologique et patients bénéficient de plus en plus souvent d’un bilan tomo-
également de rendre compte de la qualité de la réduction densitométrique corps entier de première intention permettant
thérapeutique, surtout en lombaire où il existe une forte lordose d’analyser le rachis mais également de rechercher des lésions
physiologique. viscérales abdominales ou thoraciques associées.
Ce bilan d’imagerie permet d’obtenir une analyse des lésions
Tomodensitométrie constatées chez le patient ; il ne doit pas cependant faire oublier
La disponibilité des examens scanographiques et la possibilité l’intérêt des clichés standards du rachis thoracolombaire
de réalisation de reconstructions dans les trois plans de l’espace également pourvoyeur d’informations importantes pour la prise
indépendamment de la position du patient font de la tomoden- en charge.
sitométrie un examen de choix dans l’évaluation des lésions L’obtention de coupes axiales fines inférieures à 2 mm
thoracolombaires. associées à des reconstructions sagittales et coronales permet
4 Appareil locomoteur
Classifications
Un des buts majeurs des différentes classifications est de
déterminer le degré d’instabilité des lésions thoracolombaires.
L’instabilité ou la perte de stabilité peut se définir comme le
processus pathologique qui peut aboutir à des déplacements
vertébraux au-delà des limites physiologiques. Dans la prise en
charge des lésions rachidiennes, la méconnaissance du caractère
instable d’une lésion peut avoir des répercussions immédiates et
tardives. Dans la phase initiale, le risque est essentiellement
neurologique par déplacement secondaire des éléments fractu-
raires. Secondairement, l’apparition d’une cyphose post-
traumatique peut s’accompagner de douleurs chroniques et
Figure 3. Mesure de la cyphose vertébrale (1) et de la cyphose régio- possiblement d’un déficit neurologique progressif.
nale (2), l’angulation régionale traumatique correspond à la cyphose Le caractère stable ou non d’une lésion vertébrale dépend de
régionale moins l’angulation physiologique (Stagnara [13]). l’association des atteintes osseuses et ligamentaires ; une
classification idéale doit donc tenir compte de ces multiples
paramètres pour permettre le traitement le plus approprié.
une étude minutieuse des lésions vertébrales. Dans les lésions en
distraction, on recherche une atteinte des éléments postérieurs Classification de Denis
et une augmentation de l’espace interépineux. L’examen des Après les premières classifications basées sur un système à
facettes articulaires permet de mettre en évidence une éven- deux colonnes par Holdsworth [15] puis Kelly et Whitesides [16],
tuelle luxation, visible par le vide articulaire au niveau de la apparut la description du rachis selon trois colonnes de Louis [3,
coupe passant par la vertèbre sus-jacente. Parmi les lésions les 4]. La classification de Denis [17], décrite en 1983, repose sur trois
plus fréquemment rencontrées, on retrouve les fractures des colonnes différentes, une antérieure (ligament longitudinal
processus transverses souvent mal visualisées en radiographie antérieur, partie antérieure des disques et des corps vertébraux),
conventionnelle. Ces lésions sont stables si elles ont un une moyenne (ligament longitudinal postérieur et partie
caractère isolé mais sont souvent douloureuses et doivent faire postérieure des disques et des corps vertébraux) et enfin une
rechercher des lésions associées, notamment abdominales. colonne postérieure (arcs postérieurs et ligaments). Les lésions
Dans le cas des fractures-éclatement (burst), les coupes axiales sont ensuite divisées en quatre groupes :
facilitent l’évaluation de l’encombrement du canal médullaire • type I : lésion en compression avec perte de hauteur corpo-
par le fragment osseux et l’analyse des éléments postérieurs à la réale, souvent sans troubles neurologiques ;
recherche de facteurs d’instabilité. La déformation du canal • type II : fracture de type seat-belt par cisaillement et distrac-
rachidien est essentiellement dangereuse dans sa partie centrale tion ;
du fait du risque de compression médullaire ou de syndrome de • type III : fracture-éclatement, incluant les troubles de rota-
la queue de cheval. Le rétrécissement canalaire est le plus tion ;
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Classification de Magerl
Proposée en 1994 par Magerl et al. [2], elle est basée sur les
mécanismes lésionnels et permet de classer l’ensemble des
lésions observées selon un code alphanumérique. Ce système
définit trois types de lésions de bases, le type A par compression
axiale, le type B par distraction et le C par rotation. Chaque
lésion se subdivise ensuite en trois groupes classés de 1 à 3 puis
en sous-groupes de 1 à 3. Son intérêt réside dans la description
précise des fractures et des mécanismes lésionnels tout en
tenant compte des parties molles. Elle permet donc une gradua-
tion croissante des fractures en fonction de leur potentielle Figure 6. Fracture de type A3.1, fracture-éclatement incomplète.
instabilité et donc également du risque de lésions neurologiques
associées.
rachidien. Il est intéressant de noter que ce type de fracture
Lésions de type A peut être reconnu par lecture directe de la radiographie de
Ces fractures du corps vertébral sont typiquement dues à une face du rachis qui montre un diastasis interpédiculaire, c’est-
compression axiale avec ou sans flexion mais sans distraction ni à-dire un écartement entre les deux pédicules.
rotation. Elles concernent principalement le corps vertébral avec Chacun de ces sous-groupes est lui-même divisé en trois
une perte de hauteur variable, pouvant s’accompagner d’une parties. Dans le groupe des fractures de type A3, il est utile pour
fracture verticale des éléments postérieurs n’influant pas sur la le pronostic de distinguer les formes A3.1 avec fracture-
stabilité. On ne retrouve pas d’atteinte des tissus mous posté- éclatement incomplète (Fig. 6), A3.2 fracture-éclatement
rieurs, ni de translation antérieure du corps vertébral. Les incomplète avec refend sagittal (Fig. 7) et A3.3 (Fig. 8) avec une
fractures de type A sont ensuite subdivisées en trois sous- comminution de l’ensemble du corps vertébral.
groupes :
Lésions de type B
• A1 : fracture-tassement le plus souvent cunéiforme, respectant
toujours le mur postérieur donc sans complication neurolo- Les fractures de type B (Fig. 9) touchent les trois colonnes
gique (Fig. 4) ; avec un écart augmenté entre les corps vertébraux causé par le
• A2 : fracture-séparation du corps vertébral dans le plan mécanisme en distraction, le plus souvent postérieur. Ces
sagittal ou coronal par pénétration du disque intervertébral lésions s’accompagnent d’atteintes des éléments postérieurs
entre les fragments, pouvant secondairement être responsable pouvant conduire à une séparation des structures osseuses avec
de pseudarthrose (Fig. 5) ; augmentation de l’espace interépineux, voire une dislocation
• A3 : fractures-éclatement (burst fracture) par choc plus violent, des facettes articulaires. Cette distraction postérieure est
avec atteinte du mur postérieur et possibilité de signes rarement isolée et s’accompagne souvent d’une compression
neurologiques par recul d’un fragment osseux dans le canal antérieure occasionnant des lésions des corps vertébraux
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de réduction ou d’immobilisation n’est entreprise. Une fois que travail isocinétique. La surveillance du traitement est radioclini-
les phénomènes algiques sont contrôlés, le patient est levé sans que avec un examen neurologique et des clichés de contrôle
corset et une rééducation des muscles paravertébraux est réguliers. Cette méthode de traitement est sûre et efficace dans
entreprise avec un apprentissage des postures évitant une le traitement des fractures-éclatement du rachis thoracolom-
déformation en cyphose du rachis thoracolombaire. Ce traite- baire [20] sans complications neurologiques avec cependant des
ment est essentiellement réservé aux patients présentant des résultats moins bons dans les atteintes lombaires basses. Il s’agit
fractures de la région thoracique, stables et sans complications donc d’un traitement à privilégier pour les atteintes entre T11 et
neurologiques. L1, avec comme contre-indications une atteinte médullaire ou
un syndrome de la queue de cheval, une instabilité du ligament
Traitement orthopédique postérieur, un encombrement canalaire supérieur à 60 %, une
La prise en charge orthopédique des fractures thoracolombai- obésité sévère, en cas de polytraumatisme ou de lésions
res comprend systématiquement une immobilisation par corset, thoraciques.
avec ou sans manœuvres de réduction de la fracture.
Méthodes chirurgicales : abord postérieur
Immobilisation par corset sans réduction
La chirurgie par abord postérieur du rachis est la voie
Une immobilisation par corset sans réduction peut être
privilégiée de l’urgence neurologique. Elle doit répondre à trois
utilisée dans les fractures stables thoracolombaires sans troubles
impératifs : réduire la déformation fracturaire, lever la compres-
neurologiques. La partie initiale de la prise en charge est la
sion nerveuse et stabiliser la colonne vertébrale. L’efficacité de
même que lors d’un traitement fonctionnel. Après sédation des
ce traitement est d’autant plus importante que la réalisation en
douleurs, le patient est levé avec le corset, le plus souvent
est précoce, notamment chez les patients présentant une
thermomoulé, et il est prescrit de la rééducation des muscles
atteinte neurologique incomplète, une atteinte du cône médul-
paravertébraux ainsi que de la sangle abdominale. L’immobili-
laire ou un syndrome de la queue de cheval. D’autre part, une
sation est portée en continue pendant les 3 mois de consolida-
prise en charge thérapeutique rapide facilite la mobilisation et
tion de la lésion.
les soins quotidiens chez les patients avec des traumatismes
Réduction progressive et immobilisation par corset multiples. Le port d’un corset postopératoire n’est pas systéma-
tique et dépend du type de lésion, du montage effectué et
L’objectif est d’obtenir une réduction de la cyphose par mise
d’éventuelles lésions associées, notamment pulmonaires et
en place progressive d’un billot lordosant au sommet de la
cutanées.
déformation, sur un patient en décubitus dorsal. La durée de
réduction de la fracture est variable selon les auteurs et s’éche- Réduction de la déformation fracturaire
lonne entre 21 jours et 45 jours [18]. Une fois la réduction
obtenue, un corset est ensuite mis en place et la suite du Une fois le patient installé sous anesthésie générale en
traitement est la même que précédemment. décubitus ventral, l’objectif est d’obtenir une mise en lordose du
rachis thoracolombaire. Plusieurs méthodes lordosantes sont
Réduction sur cadre et immobilisation par corset fréquemment utilisées lors de l’installation : mise en place de
Cette méthode de traitement des fractures thoracolombaires billots sous les crêtes iliaques et les épaules ; installation sur un
est issue des travaux de Boelher [19], reprise ensuite par Louis [3, cadre à rachis ou installation en traction avec les jambes
4] à la fin des années 1970. La réduction de la fracture est surélevées sur table orthopédique.
effectuée sur un cadre de Cotrel, dans les jours qui suivent le L’objectif est d’obtenir une réduction de la déformation par
traumatisme, sans anesthésie. Le patient est installé en décubi- ligamentotaxis dans le plan sagittal et frontal qui est contrôlée
tus dorsal et la manœuvre de réduction se fait en trois étapes sous amplificateur de brillance et éventuellement complétée en
sous contrôle fluoroscopique (Fig. 12) : peropératoire lors de la mise en place de l’instrumentation.
• installation en décubitus dorsal sur le cadre avec une bande L’abord chirurgical est réalisé par voie postérieure médiane,
de traction sous le niveau fracturaire ; les aponévroses désinsérées des apophyses épineuses et les
• mise en place d’une traction axiale de 10 kg de manière à muscles détachés des épineuses et des lames en étant particuliè-
restituer la hauteur du corps vertébral ; rement vigilant au niveau du foyer de fracture afin de ne pas
• réduction de la fracture par mise en tension de la bande de pénétrer le canal vertébral.
traction qui imprime une position lordosante au rachis.
Il est ensuite réalisé, toujours sur le cadre, un plâtre de Décompression neurologique
Boelher avec appui sternal, dorsal, iliaque et pubien. La conten- La liberté du canal vertébral dépend de plusieurs paramètres
tion est gardée pour une période de 3 mois avec autorisation de dont la réduction de la fracture, la restitution de la hauteur
lever le lendemain de la confection du corset. Une prise en vertébrale par distraction [21] et la réalisation d’un éventuel geste
charge en rééducation est ensuite importante avec réalisation de de libération.
8 Appareil locomoteur
1 2
10/15 kg
Cyphose + traction
Lordose
Figure 12. Réduction orthopédique d’une fracture thoracolombaire sur cadre à rachis (en trois étapes).
Lorsqu’un geste de décompression est nécessaire, la tomo- manière classique avec suture de la dure-mère pouvant être
densitométrie préopératoire permet d’en orienter le niveau et complétée par de la colle biologique afin d’augmenter l’étan-
d’analyser les fragments intracanalaires. Cependant, ce geste chéité du sac dural.
n’est pas systématique et ne dépend pas uniquement du recul
du mur postérieur, mais de l’association entre des signes Stabilisation des lésions
cliniques et radiologiques. En effet, devant un recul du mur L’objectif de la stabilisation est d’assurer à court et long terme
postérieur sans troubles neurologiques, une laminectomie est la pérennité de la réduction fracturaire avec le moins de perte
sans doute inutile, rallonge le temps opératoire et le saignement de correction possible jusqu’à consolidation. De nombreuses
et peut être à l’origine de troubles neurologiques. techniques et de nombreux implants sont disponibles afin de
Lors d’une compression, celle-ci provient le plus souvent de réaliser la stabilisation rachidienne. Celle-ci est faite le plus
la rétropulsion d’un ou plusieurs fragments issus de la partie souvent par une ostéosynthèse utilisant vis pédiculaires,
postérosupérieure du corps vertébral rendant nécessaire la crochets, tiges et plaques.
réalisation d’une laminectomie de la vertèbre fracturée mais
aussi de la lame sus-jacente. En cas de besoin, la laminectomie Ostéosynthèse
est étendue latéralement, réalisant ainsi une laminoarthrecto- Les vis sont le plus fréquemment utilisées et sont introduites
mie [22], voire une pédiculectomie unilatérale afin de repousser dans les pédicules, après repérage de la base de la transverse,
vers l’avant un fragment compressif antérieur [23]. avec une visée droit devant [25, 26] ou en triangulation avec une
Des plaies de la dure-mère peuvent également être associées visée convergente. Dans le plan sagittal, l’orientation se fait
par lésions de l’arc postérieur et incarcération de radicelles entre perpendiculairement à la vertèbre afin d’être parallèle aux
les fragments fracturaires [24] . Ces lésions sont traitées de plateaux vertébraux. Les crochets peuvent également êtres
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utilisés (en position intra- ou extracanalaire) lorsque les vis ne Résultats des abords postérieurs
peuvent être mises en place ou aux extrémités du montage afin
La réalisation d’une voie postérieure en cas de fractures de
de mieux résister aux forces d’arrachement [27, 28]. Les jonctions
rachis thoracolombaire donne de bons résultats avec une
entre les implants se font par l’intermédiaire de plaques de type
supériorité rapportée par Uchida [39] en termes de correction par
Roy-Camille [25, 26], de tiges de type Cotrel-Dubousset [29] ou de
rapport à une voie antérieure avec cependant une perte de
type fixateur interne de Dick [30] . La distraction entre les
réduction progressive la rendant équivalente au dernier recul.
implants et la réalisation d’une manœuvre lordosante permet-
Selon le symposium de la Société française de chirurgie ortho-
tent d’optimiser la réduction de la fracture et la réintégration
pédique et traumatologique (Sofcot) de 1995 [40], la perte de
d’un fragment osseux intracanalaire (Fig. 13).
correction de la cyphose vertébrale est de 2,5° en moyenne.
Différents types de montage Dans cette série, le seul élément déterminant la perte de
correction est la qualité de la réduction peropératoire, indépen-
Selon le matériel utilisé, le type et la localisation de la
damment d’une greffe postérolatérale, du port d’un corset ou de
fracture, les montages réalisés sont courts, un niveau sus- et
la réalisation d’un montage long. La constatation d’un vide
sous-jacent, ou long englobant plusieurs niveaux. Au rachis
antérieur sur les clichés radiographiques postopératoires ou
thoracique, les montages sont souvent de type long prenant
d’une insuffisance de réduction de la fracture peut donc être un
deux niveaux de part et d’autre de la fracture avec peu de
élément en faveur de la réalisation d’un deuxième temps
répercussion sur la mobilité de ce segment rachidien peu
chirurgical par voie antérieure [41].
mobile [31], alors qu’au rachis lombaire, la préservation de la
mobilité fait plus souvent choisir des montages courts si la
comminution du corps vertébral n’est pas trop importante. Il est Méthodes chirurgicales : abord antérieur
également possible de réaliser des montages mixtes associant vis Réalisée isolément ou après une chirurgie postérieure, la voie
et crochets afin d’augmenter la résistance aux forces antérieure doit répondre aux mêmes objectifs que précédem-
d’arrachement. ment : réduction, décompression et stabilisation.
Une arthrodèse postérolatérale par mise en place de greffons
corticospongieux est réalisée en complément de l’ostéosynthèse, Décompression antérieure
notamment dans les fractures avec lésions ligamentaires Dans certaines fractures, l’approche antérieure peut être
postérieures (Magerl B1, B3 et C). préférée à une voie postérieure car elle permet une visualisation
antérieure directe du sac dural et une meilleure décompression
Techniques percutanées et mini-invasives neurologique. Ainsi, la réalisation d’une vertébrectomie peut
Depuis sa description originelle par Galibert [32] pour le être utile lorsque la compromission du canal vertébral est liée à
traitement des angiomes vertébraux, les techniques et indica- une rétropulsion d’un fragment osseux et discal chez un patient
tions de la vertébroplastie percutanée n’ont cessé de se dévelop- avec un déficit neurologique incomplet. Une fracture-
per. Comme toute technique chirurgicale, la cimentoplastie éclatement, une fracture par compression et flexion ou par
présente des risques de complications, dont la fuite de ciment compression verticale avec un alignement correct dans le plan
dans le canal rachidien [33]. L’utilisation de la cyphoplastie par coronal peuvent également être traitées par une voie antérieure
ballonnets permet de diminuer ce risque de fuite et donc les permettant la décompression neurologique et la restauration de
risques de compression mécanique et de réaction exothermique la colonne antérieure. Cette voie est aussi intéressante quand le
au contact des structures nerveuses [34]. Les résultats présentés renforcement ou le soutien de la colonne antérieure est néces-
dans les travaux récents estiment la restitution de la hauteur saire afin d’éviter une déformation en cyphose secondaire,
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1 2 3
A
1 2 3
B
1 2 3
C
Figure 16. Classification de McCormack.
A. Évaluation de la comminution du corps vertébral.
B. Évaluation de l’amplitude de déplacement des fragments.
C. Évaluation du degré de déformation en cyphose permettant la cotation.
ankylosante, une ostéoporose sévère, une obésité importante ou L’addition des trois éléments permet donc d’obtenir un score
une défaillance cardiaque ou respiratoire avancée. total compris entre 3 et 9 points, une fracture avec un score
Cette classification est utile afin de déterminer l’attitude supérieur à 7 points est considérée comme possédant une faible
thérapeutique la plus appropriée à la lésion thoracolombaire résistance de la colonne antérieure et justifie alors d’un temps
rencontrée. Elle présente toutefois des limites et ne présume pas, antérieur. Cette classification semble reproductible et efficace [49]
lorsqu’un traitement chirurgical est envisagé, de la voie d’abord et permet également, selon Parker [50], de réaliser une ostéosyn-
à privilégier. Selon le type de fracture et notamment dans les thèse courte prenant un niveau au-dessus et un en dessous de
fractures-éclatement, un abord postérieur puis antérieur peut la vertèbre fracturée avec de bons résultats si le score est
être réalisé avec des indications et des risques différents. inférieur à 7 points.
12 Appareil locomoteur
d’évolution en cyphose est modéré ; en revanche, le risque [6] Langrana NA, Harten RR, Lin DC. Acute thoracolumbar burst
neurologique reste important. Une réduction orthopédique fractures: a new view of loading mechanisms. Spine 2002;27:498-508.
ou chirurgicale est donc indispensable. Lorsque le recul du [7] Hu R, Mustard CA, Burns C. Epidemiology of incident spinal fracture
mur postérieur est supérieur à 50 % de la surface canalaire, in a complete population. Spine 1996;21:492-9.
une réduction est également souhaitable, même en l’absence [8] Frankel HL, Hancock DO, Hyslop G. The value of postural reduction in
de troubles neurologiques initiaux afin d’en éviter l’appari- the initial management of closed injuries of the spine with paraplegia
tion secondaire. and tetraplegia. I. Paraplegia 1969;7:179-92.
• Fractures de types B et C : ces lésions sont fortement instables [9] Anderson PA, Rivara FP, Maier RV. The epidemiology of seatbelt-
et d’évolution imprévisible avec un risque de déplacement associated injuries. J Trauma 1991;31:60-7.
secondaire important, même si la lésion initiale ne présente [10] Ayella RJ, Hankins JR, Turney SZ. Ruptured thoracic aorta due to blunt
qu’un déplacement modéré. Il s’agit donc de lésions justifiant trauma. J Trauma 1977;17:199-205.
d’un traitement chirurgical afin d’assurer la réduction de la [11] Acosta FL Jr, Aryan HE, Taylor WR. Kyphoplasty-augmented short-
déformation et la stabilisation des lésions vertébrales. Du fait segment pedicle screw fixation of traumatic lumbar burst fractures:
du caractère imprévisible de ces lésions, l’analyse des données initial clinical experience and literature review. Neurosurg Focus 2005;
radiologiques est donc essentielle afin de rechercher des 18:E9.
[12] Maestretti G, Cremer C, Otten P. Prospective study of standalone
éléments de distraction ou de rotation.
balloon kyphoplasty with calcium phosphate cement augmentation in
Lésion avec troubles neurologiques traumatic fractures. Eur Spine J 2007;16:601-10.
[13] Stagnara P, De Mauroy JC, Dran G. Reciprocal angulation of vertebral
Selon le type de syndrome neurologique présenté par le bodies in a sagittal plane: approach to references for the evaluation of
patient, plusieurs situations sont rencontrées. kyphosis and lordosis. Spine 1982;7:335-42.
• Fracture thoracolombaire avec paraplégie complète d’origine [14] Gertzbein SD. Neurologic deterioration in patients with thoracic and
médullaire : une prise en charge chirurgicale avec décompres- lumbar fractures after admission to the hospital. Spine 1994;19:1723-5.
sion médullaire, réduction fracturaire et stabilisation est [15] Holdsworth F. Fractures, dislocations, and fracture-dislocations of the
indispensable. spine. J Bone Joint Surg Am 1970;52:1534-51.
• Atteinte neurologique incomplète d’origine médullaire : de la [16] Kelly RP, Whitesides TE Jr. Treatment of lumbodorsal fracture-
même façon, il convient d’assurer une décompression rapide dislocations. Ann Surg 1968;167:705-17.
des éléments neurologiques, de manière toujours chirurgicale [17] Denis F. The three column spine and its significance in the classification
dans les lésions instables (types B et C). Pour les lésions de of acute thoracolumbar spinal injuries. Spine 1983;8:817-31.
type A, une prise en charge orthopédique avec réduction et [18] Goutallier D, Hernigou P, Piat C. Orthopedic treatment of fractures of
immobilisation peut être effectuée si l’encombrement cana- the dorsolumbar and lumbar spine with recoil of the posterior corpus
laire est inférieur à 50 % et si la lésion siège au-dessous de wall (burst fracture) without or with minor neurologic lesions. Rev Chir
T10, en raison du manque d’efficacité du traitement ortho- Orthop Reparatrice Appar Mot 1988;74(suppl2):77-83.
pédique en région thoracique haute. [19] Boehler L. Technique de traitement des fractures de la colonne dorsale
et lombaire. Paris: Masson; 1944.
• Fracture avec atteinte de la queue de cheval : en présence
[20] Tropiano P, Huang RC, Louis CA. Functional and radiographic
d’une lésion entre L2 et L5 avec une atteinte pluriradiculaire
outcome of thoracolumbar and lumbar burst fractures managed by
et un déficit moteur coté à moins de 3, un geste de libération
closed orthopaedic reduction and casting. Spine 2003;28:2459-65.
neurologique et de stabilisation chirurgicale est indispensable [21] Zou D, Yoo JU, Edwards WT. Mechanics of anatomic reduction of
le plus rapidement possible. En revanche, si le déficit est thoracolumbar burst fractures. Comparison of distraction versus dis-
monoradiculaire, purement sensitif ou avec une cotation traction plus lordosis, in the anatomic reduction of the thoracolumbar
motrice supérieure à 3, une prise en charge initiale orthopé- burst fracture. Spine 1993;18:195-203.
dique est envisageable avec le recours à un traitement [22] Garfin SR, Mowery CA, Guerra J Jr. Confirmation of the posterolateral
chirurgical en l’absence de récupération des signes technique to decompress and fuse thoracolumbar spine burst fractures.
neurologiques. Spine 1985;10:218-23.
[23] Mimatsu K, Katoh F, Kawakami N. New vertebral body impactors for
posterolateral decompression of burst fracture. Spine 1993;18:1366-8.
■ Conclusion [24] Denis F, Burkus JK. Diagnosis and treatment of cauda equina
entrapment in the vertical lamina fracture of lumbar burst fractures.
Les fractures du rachis thoracolombaire sont donc des lésions Spine 1991;16(suppl8):S433-S439.
complexes dont la prise en charge est toujours source de [25] Roy-Camille M, Saillant G. Rachis dorsolombaire traumatique non
discussion. D’une manière générale, les résultats cliniques sont neurologique. Paris: Masson; 1980.
bons et s’améliorent avec le développement technique et une [26] Roy-Camille R, Roy-Camille M, Demeulenaere C. Osteosynthesis of
avancée vers une prise en charge la moins invasive possible. Le dorsal, lumbar, and lumbosacral spine with metallic plates screwed into
point fondamental de la prise en charge reste l’évaluation vertebral pedicles and articular apophyses. Presse Med 1970;78:
initiale de la lésion sur le plan clinique et paraclinique avec 1447-8.
l’appréciation des atteintes ostéo-disco-ligamentaires antérieures [27] de Peretti F, Cambas PM, Puch JM. Modular construction (2 HS-1 SH),
et postérieures afin d’obtenir une analyse lésionnelle précise using Cotrel-Dubousset’s universal instrumentation for comminuted
amenant à la prise en charge la plus adaptée. Il s’agit donc fractures of the thoracolumbar junction. Comparison with various other
d’une chirurgie exigeante, de plus en plus effectuée dans des constructions. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Mot 1994;80:
centres de référence. 205-16.
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[28] Freslon M, Mosnier T, Gayet LE. Biomechanical evaluation of
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Tropiano P., Blondel B. Fractures et luxations récentes du rachis thoracique et lombaire de l’adulte. EMC
(Elsevier Masson SAS, Paris), Appareil locomoteur, 15-829-A-10, 2009.
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