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Fractures et luxations récentes du rachis


thoracique et lombaire de l’adulte
P. Tropiano, B. Blondel

Les fractures du rachis thoracolombaire sont des lésions fréquentes avec des conséquences
potentiellement graves, nécessitant une prise en charge rapide et adaptée. La connaissance des éléments
anatomiques de stabilité rachidienne, l’analyse des mécanismes lésionnels et un bilan d’imagerie adapté
sont les prérequis indispensables à la décision thérapeutique. Les différentes classifications des fractures
du rachis thoracolombaire servent à déterminer les critères d’instabilité des lésions et donc leur potentiel
évolutif. Ainsi, selon le type de fracture et son évolution prévisible on peut s’orienter vers un traitement
orthopédique ou au contraire vers un traitement chirurgical de la lésion. Il existe donc de multiples
modalités thérapeutiques, et le point fondamental reste l’évaluation initiale de la lésion sur le plan
clinique et paraclinique avec l’appréciation des atteintes ostéo-disco-ligamentaires antérieures et
postérieures afin d’obtenir une analyse lésionnelle précise amenant à la prise en charge la plus adaptée.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Fracture du rachis ; Rachis thoracique ; Rachis lombaire

Plan lésionnel et de ses conséquences dépend de la compréhension


des classifications parfois complexes mais indispensables à la
conduite thérapeutique.
¶ Introduction 1
De nombreux modes de traitement sont disponibles, qu’il
¶ Bases anatomochirurgicales du rachis thoracolombaire 1 s’agisse d’un traitement fonctionnel, orthopédique ou chirurgi-
Éléments ostéoarticulaires 1 cal. L’analyse du mécanisme fracturaire, de la lésion et de son
Biomécanique des lésions 2 potentiel évolutif doit donc permettre de choisir la solution
¶ Évaluation et prise en charge 3 thérapeutique la plus appropriée à chaque cas.
Évaluation clinique 3
Examens d’imagerie 3
Classifications 5 ■ Bases anatomochirurgicales
¶ Modalités thérapeutiques 7 du rachis thoracolombaire
Prise en charge non chirurgicale 7
Méthodes chirurgicales : abord postérieur 8
Méthodes chirurgicales : abord antérieur 10
Éléments ostéoarticulaires
¶ Indications thérapeutiques 11 L’ensemble du rachis thoracolombaire est basé sur un système
Algorithme décisionnel selon Vaccaro 11 à trois colonnes défini par Louis [3, 4], qui assure des fonc-
Aide à la décision selon McCormack 12 tions essentielles : fonction de statique et de stabilité, fonction
Autre aide à la décision 12 dynamique et fonction de protection du système nerveux central.
¶ Conclusion 13 Fonction de statique
La statique rachidienne participe à l’équilibre du tronc et de
la tête grâce à l’existence de quatre courbures vertébrales
sagittales alternées : lordose cervicale, cyphose thoracique,
■ Introduction lordose lombaire et cyphose sacrococcygienne. Cette organisa-
tion augmente considérablement la résistance mécanique de la
Les fractures et luxations du rachis thoracique et lombaire colonne. En l’absence de pathologie, il n’existe pas de courbure
s’étendent de T1 à L5 et sont des lésions fréquentes et sévères rachidienne dans le plan frontal.
pouvant engager le pronostic fonctionnel ou parfois vital des Cette fonction statique se décrit dans le plan vertical et dans
patients. Du fait de cette répartition anatomique le long de l’axe le plan horizontal.
rachidien, ces fractures vont avoir des spécificités propres à la
fois sur les circonstances de survenue, sur les complications Statique verticale
potentielles, sur les lésions associées et leur prise en charge. Elle est basée sur un système à trois colonnes, une antérieure
Sur les 10 000 cas traités par an en France, 60 % de ces la plus volumineuse représentée par les corps vertébraux et deux
lésions siègent à la jonction thoracolombaire entre T11 et L2 [1, colonnes apophysaires postérieures assurant la transmission
2] . Même si ces lésions ont été largement étudiées dans la verticale des forces. Cette statique est renforcée à chaque étage
littérature, leur prise en charge ne fait toujours pas, à l’heure vertébral par des « barreaux » horizontaux qui solidarisent les
actuelle, l’objet d’un consensus. L’analyse du mécanisme colonnes entre elles (pédicules et lames).

Appareil locomoteur 1
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Statique horizontale lombaires. La situation de la moelle épinière est différente


suivant les niveaux. Au rachis thoracique, le canal vertébral est
Elle est sollicitée lorsque le rachis est soumis à des forces
étroit avec moins d’espace entre la moelle et l’anneau osseux.
perpendiculaires à son grand axe et met en jeu l’ensemble des
La vascularisation de la moelle thoracique dans sa portion
structures osseuses articulaires et discoligamentaires à chaque
centrale est moins dense, ce qui peut entraîner des lésions
niveau vertébral lors des mouvements de flexion, extension ou
médullaires pour des traumatismes moindres. De fait, les lésions
de rotation et inclinaison latérale.
neurologiques siégeant au rachis thoracique supérieur sont
• Au rachis thoracique : la statique dans le plan horizontal est
généralement plus sévères. En revanche, les lésions des nerfs
assurée par les formations discoligamentaires et les surfaces
intercostaux sont moins importantes du point de vue fonction-
articulaires des processus articulaires qui sont orientées dans
nel que des racines lombaires et sacrées.
le plan frontal, ce qui durant la flexion limite la translation
La vascularisation rachidienne se fait par l’intermédiaire
de la vertèbre.
d’artères intercostales et lombaires naissant directement de
• Au rachis lombaire : la statique horizontale dépend des
l’aorte thoracique et lombaire. Pour la moelle, l’apport vascu-
articulaires supérieures et inférieures qui sont orientées dans
laire se fait à la face antérieure par une artère spinale antérieure
le plan sagittal et des structures discoligamentaires (disques,
unique et à la face postérieure par des artères spinales postérieu-
ligament longitudinal antérieur et postérieur, capsules
res et plusieurs artères radiculaires. L’artère médullaire la plus
articulaires postérieures).
caudale (artère d’Adamkiewicz) naît le plus souvent d’une artère
D’une manière générale, les butées articulaires postérieures et
intercostale ou d’une artère lombaire supérieure, et constitue un
les freins discoligamentaires postérieurs sont mis en jeu lors des
apport sanguin vital pour l’artère spinale antérieure. Sa lésion
mouvements de flexion ; inversement, les structures antérieures
par un fragment discal ou une fracture vertébrale est susceptible
sont sollicitées lors des mouvements d’extension.
d’entraîner une ischémie médullaire par interruption de la
Fonction dynamique vascularisation spinale antérieure.
Ainsi les traumatismes du rachis dorsal et lombaire vont se
La stabilité rachidienne est définie par Louis comme la manifester différemment suivant leur topographie.
qualité du rachis grâce à laquelle les pièces vertébrales main-
tiennent leur cohésion lors des mouvements physiologiques du Biomécanique des lésions
corps. De par sa structure polyarticulaire, le rachis possède des
possibilités dynamiques variées en fonction du niveau consi- L’analyse du mécanisme lésionnel permet de déterminer
déré. l’énergie et la direction des forces appliquées au rachis et aide
• Au rachis thoracique : les 12 vertèbres s’articulent avec les ainsi à identifier les dommages osseux et des tissus mous.
côtes pour former avec le sternum la cage thoracique. Celle-ci
Compression axiale
rigidifie les segments mobiles à chaque niveau du rachis
thoracique dans le plan sagittal en flexion-extension. En Des études expérimentales [5] ont montré que le rachis soumis
revanche, la rotation axiale est plus grande avec son maxi- à des contraintes axiales présente différentes lésions en fonction
mum en T8-T9. de la force appliquée. Ainsi une compression modérée entraîne
• À la jonction thoracolombaire : la juxtaposition des cinq une fracture des plateaux vertébraux, une force moyenne
vertèbres T10 à L2 réalise une charpente solide et mobile. Du occasionne un tassement en coin et un traumatisme plus
point de vue dynamique, il s’agit d’une région charnière violent donne une fracture-éclatement (burst). Les éléments
entre, dans le plan sagittal, un rachis dorsal peu mobile en postérieurs peuvent également être lésés, comme les facettes
flexion et un rachis lombaire très mobile et, dans le plan articulaires, les lames ou pédicules. La stabilité de ces lésions
horizontal, entre un rachis lombaire peu mobile en rotation dépend essentiellement de l’intégrité du ligament longitudinal
et un rachis dorsal inférieur très mobile en rotation du fait de postérieur.
l’orientation des articulaires dorsales et de l’absence de gril
costal fixe. Cette double discontinuité dynamique est à Flexion
l’origine de l’importante vulnérabilité de cette zone aux L’application d’une force de flexion sur la colonne vertébrale
traumatismes. entraîne, selon la position du point d’inflexion, des lésions
• Au rachis lombaire : du fait de l’orientation des structures différentes. Ainsi s’il est situé juste en avant du ligament
vertébrales, la rotation est limitée par les facettes articulaires longitudinal postérieur, la résultante est une compression
et par la portion antérieure de l’annulus fibrosus, alors que les antérieure du corps vertébral et une distraction des éléments
mouvements de flexion-extension sont beaucoup plus impor- postérieurs. En cas de point d’inflexion plus antérieur, la mise
tants qu’au rachis thoracique. en tension brutale de la colonne peut entraîner une rupture des
éléments postérieurs. En pratique, les forces en flexion sont
Fonction de protection nerveuse rarement isolées mais souvent combinées.
La colonne vertébrale assure le passage et la protection des Extension
éléments du système nerveux par l’intermédiaire du canal
vertébral et des trous de conjugaison d’où émergent les racines L’application d’un mouvement d’extension est à l’origine
nerveuses. d’une distraction de la partie antérieure de la vertèbre et d’une
La canal vertébral est constitué par une paroi antérieure qui compression de l’arc postérieur [6], pouvant donner de véritables
correspond à la face postérieure des corps vertébraux et des fractures-éclatement (burst) et peut également jouer un rôle dans
disques intervertébraux ; une paroi postérieure qui correspond la rétropulsion des éléments osseux dans le canal vertébral.
en alternance à la face antérieure des lames et des ligaments
jaunes ; et de deux parois latérales correspondant aux pédicules
Rotation axiale
vertébraux et aux trous de conjugaison. L’ensemble assure la Dans l’application des forces de rotation, la cage thoracique
protection des éléments nerveux et doit s’adapter aux condi- joue un rôle stabilisateur et protège le rachis thoracique. La
tions dynamiques du rachis thoracolombaire lors des mouve- situation est différente à la jonction thoracolombaire qui
ments de flexion et d’extension. constitue une zone de transition entre la portion thoracique
La moelle épinière se présente sous la forme d’un long rigide et la portion lombaire mobile. Les contraintes en rotation
cordon cylindrique de calibre variable du fait de la présence de appliquent une charge importante sur les articulations intera-
deux renflements : l’un cervical, l’autre lombaire correspondant pophysaires postérieures et peuvent donc être source d’une
aux nerfs des membres supérieurs et inférieurs. La moelle grande instabilité.
épouse les courbures vertébrales et s’arrête le plus souvent à la
hauteur du disque L1-L2. Au-dessous de la terminaison médul- Combinaisons de forces
laire, les racines rachidiennes se groupent pour former la queue En pratique, le rachis est rarement soumis à des forces isolées
de cheval qui occupe ainsi le canal vertébral des vertèbres mais à une combinaison de contraintes. L’association de chaque

2 Appareil locomoteur

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composante traumatique dépend également de la position du Au membre inférieur, les myotomes testés sont L2 (flexion de
corps au moment de l’impact. L’analyse de ces différents hanche), L3 (extension du genou), L4 (flexion dorsale de
paramètres est donc difficile en pratique quotidienne mais cheville), L5 (extension des orteils) et S1 (flexion plantaire de
constitue une base de réflexion pour estimer les dommages cheville).
rachidiens. La sensibilité est évaluée au toucher et à la piqûre pour
chaque dermatome droit et gauche de C2 à S5, donnant un
score maximum de 112 points.
En cas de déficit neurologique, l’examen périnéal permet de
■ Évaluation et prise en charge distinguer une lésion incomplète d’une paraplégie complète qui
se traduit par une abolition de la sensibilité anale et une
Les fractures et luxations du rachis thoracique et lombaire disparition des réflexes bulbocaverneux ou clitoridoanal. Ces
sont des lésions fréquentes situées majoritairement à la jonction examens doivent être répétés 48 heures après le traumatisme,
thoracolombaire et nécessitant une prise en charge rapide et c’est-à-dire après disparition du choc spinal avant d’affirmer le
adaptée. Une étude canadienne [7] rapporte une incidence de caractère complet et définitif de la lésion.
lésions médullaires traumatiques à 4 pour 100 000 habitants par Chez les patients polytraumatisés, il convient évidemment de
an, avec pour les patients hospitalisés une fracture au niveau respecter le maintien de l’axe rachidien lors des mobilisations
thoracique dans 33 % des cas (16 % de troubles neurologiques) mais également de toujours rechercher une lésion rachidienne
et lombaire dans 46 % des cas (7 % de troubles neurologiques). associée. Inversement, lorsque la lésion vertébrale est au premier
La mortalité globale est de 4 % et les étiologies les plus fréquen- plan, la recherche de lésions associées est systématique car elles
tes sont la chute d’un lieu élevé, les accidents de circulation, sont fréquentes, notamment les lésions intestinales et aorti-
puis les autres accidents du travail et les traumatismes sportifs. ques [9, 10]. La réalisation d’un examen méthodique permet aussi
de mettre en évidence des lésions étagées du rachis, présentes
Évaluation clinique dans 10 % des cas et ne devant pas être oubliées.

Prise en charge initiale Examens d’imagerie


Chez tout traumatisé, une évaluation initiale des fonctions Radiographies standards
vitales (liberté des voies aériennes, respiration et circulation) et Indispensables, elles constituent le préalable à tout examen
une protection du rachis cervical sont essentielles. Sur les lieux ultérieur. Des clichés de bonne qualité avec des incidences
de l’accident, dès lors qu’existe une potentielle lésion rachi- orthogonales de face et de profil de la totalité du rachis doivent
dienne, le ramassage doit être prudent tout en assurant un être systématiquement réalisés. Leur analyse doit être méthodi-
maintien de la rectitude de l’axe rachidien lors des mobilisa- que avec une étude de l’aspect des corps vertébraux, la recher-
tions. Une évaluation neurologique initiale motrice et sensitive che d’un recul du mur postérieur mais également l’état des
consignée est fondamentale afin d’avoir un examen neurologi- structures postérieures pouvant faire craindre un caractère
que de référence, utile en cas de coma secondaire ou de instable de la lésion (par mouvements de distraction ou de
sédation sur les lieux de l’accident. Chez le patient inconscient, rotation). La réalisation de clichés du rachis entier permet
une hypotension et une bradycardie peuvent être les premiers également de rechercher une lésion associée à un autre niveau
signes d’un choc neurogénique par atteinte médullaire ; le de la colonne vertébrale. La détection d’une anomalie sur ces
maintien d’une oxygénation satisfaisante et d’une bonne images de première intention doit faire pratiquer des examens
hémodynamique est important pour limiter l’extension d’une complémentaires centrés sur les régions concernées.
lésion médullaire. La radiographie permet également de mesurer la déformation
locale et régionale du rachis secondaire à la fracture. En effet,
Examen clinique la lésion peut induire un déséquilibre antérieur ou latéral du
tronc, pouvant être source de douleurs ultérieures dans la zone
Fondamental, l’examen clinique initial doit être complet,
lésée et aux niveaux adjacents par mécanisme compensatoire.
systématique et consigné dans le dossier médical afin de servir
La déformation locale de la vertèbre se définit par la mesure
de référence et suivre l’évolution. Il est réalisé sur un blessé
de la cyphose locale (CV ou CL), angle compris entre les
entièrement dévêtu en décubitus dorsal et latéral en prenant
tangentes aux plateaux supérieurs et inférieurs du niveau
soin de maintenir l’axe rachidien lors des mobilisations.
fracturé. Deux autres index sont décrits afin d’apprécier la perte
L’inspection et la palpation systématiques de toutes les portions initiale de hauteur vertébrale et secondairement l’efficacité du
du rachis recherchent une douleur provoquée, une saillie traitement entrepris en mesurant la restitution de cette hauteur
anormale ou une déformation globale de la colonne vertébrale. vertébrale. Ces mesures sont pratiquées sur les radiographies de
L’examen et la palpation abdominale recherchent des signes profil ou sur les reconstructions sagittales tomodensitométri-
indirects de lésion vertébrale, par exemple une défense abdomi- ques. Le premier compare la hauteur de la face antérieure du
nale par hématome rétropéritonéal ou une ecchymose par une corps vertébral fracturé à la hauteur de la face antérieure du
ceinture de sécurité. corps adjacent en pré- et postopératoire comme décrit par
L’évaluation neurologique doit être rigoureuse, en s’aidant Acosta [11]. Le deuxième est l’index de Beck décrit par Maes-
d’échelles de cotation. Le score de Frankel [8] comprend cinq tretti [12] qui compare la hauteur de la face antérieure du corps
grades de gravité décroissante ; le grade A correspond à une vertébral fracturé à la hauteur de la face postérieure de la même
paraplégie complète, B à une conservation d’une sensibilité vertèbre (Fig. 2).
sous-lésionnelle avec une atteinte motrice complète ; dans le En terme de déformation régionale, deux mesures sont
grade C, la majorité des muscles importants au-dessous du réalisables, la cyphose régionale (CR) et l’angulation régionale
niveau lésionnel est cotée à moins de 3/5 ; ces mêmes muscles traumatique (ART). La CR correspond à la déformation de la
sont cotés au moins à 3/5 dans le grade D, et le grade E vertèbre lésée et des deux disques adjacents et se mesure comme
correspond à une sensibilité et une motricité normales. étant l’angle entre la tangente au plateau supérieur de la
L’échelle ASIA proposée par l’American Spinal Injury Associa- vertèbre sus-jacente et la tangente au plateau inférieur de la
tion (Fig. 1) permet également une évaluation fiable et repro- vertèbre sous-jacente. Cependant, du fait des courbures physio-
ductible des éventuels troubles neurologiques. La motricité est logiques du rachis, une même valeur de CR n’a pas la même
cotée sur 100 points maximum avec une note sur 25 pour signification pour la cyphose thoracique ou la lordose lombaire.
chacun des quatre membres correspondant à la somme des L’ART est définie comme la déformation induite par le trauma-
cotations musculaires habituelles pour cinq myotomes. tisme et se mesure comme la CR moins la valeur de courbure
Au membre supérieur sont testés C5 (flexion du coude), C6 physiologique au niveau considéré en fonction des mesures
(extension du poignet), C7 (extension du coude), C8 (flexion établies par Stagnara [13] (Fig. 3). Cette valeur est considérée
des phalanges distales) et T1 (abducteur du 5e doigt). comme positive dans les traumatismes en flexion et négative

Appareil locomoteur 3
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Évaluation motrice
Score Asia Identité du patient
Toucher
Date de l'examen
D G
C2
C3
Niveau Sensitif Droite Gauche
C4
neurologique* Moteur Droite Gauche
C5 Flexion du coude
* Segment le plus caudal ayant une fonction normale
C6 Extension du poignet
C7 Extension du coude Lésion médullaire** : complète ou incomplète
C8 Flexion du médius (P3) ** Caractère incomplet défini par une motricité ou
T1 Abduction du 5e doigt une sensibilité du territoire S4-S5
T2
0 = paralysie totale Échelle d'anomalie Asia A B C D E
T3
1 = contraction visible ou palpable A = complète : aucune motricité ou sensibilité dans
T4 2 = mouvement actif sans pesanteur le territoire S4-S5
T5 3 = mouvement actif contre pesanteur B = incomplète : la sensibilité mais pas la motricité est
T6 4 = mouvement actif contre résistance
préservée au-dessous du niveau lésionnel,
5 = mouvement normal
T7 en particulier dans le territoire S4-S5
NT = non testable
T8 C = incomplète : la sensibilité est préservée au-dessous
T9 du niveau lésionnel et plus de la moitié des
Score «motricité» : /100
T10
Contraction anale : Oui/Non muscles testés au-dessous de ce niveau a un score < 3
T11 D = incomplète : la motricité est préservée au-dessous du
T12 niveau lésionnel et au moins la moitié des muscles testés
L1 au-dessous du niveau a un score ≥ 3
E = normale : la sensibilité et la motricité sont normales
L2 Flexion de la hanche
L3 Extension du genou Préservation Sensitif Droite Gauche
L4 Dorsiflexion du gros orteil partielle*** Moteur Droite Gauche
L5 Extension du gros orteil *** Extension caudale des segments partiellement innervés
S1 Flexion plantaire de cheville Syndrome clinique : Centromédullaire
S2
Brown-Séquard
S3 Moelle antérieure
S4-5 Cône terminal

Évaluation sensitive
Toucher Piqûre Score «toucher» : /112
D G D G Score «piqûre» : /112
C2 Sensibilité anale : Oui/Non
C3
C4 C3
C4 C4
C5
C2
C6 T2 T3 T2
C7 T4
C3 T5
C8 T6 C5
C5 T7
T1 C4 T1 T8 T1
T2 T9
T10
T3 T11
T4 S3 T12
T5 C6 L1 L1 C6
T6 S4-5
T7 C8 C8
C7 L2 C7
L2
T8
T9 L2 L2
T10 L3 L3 C8 L3 L3 C8
T11 C6 C6
T12 S2 S2 L4
L1 0 = absente C7 C7
L4 L5 L5
L2 1 = diminuée
L3 2 = normale
L5 L5
L4
NT = non testable
L5
S1 S1
S1 L5 L5
S1 S1
S2
S3
S4-5

Figure 1. Grille d’évaluation de l’état neurologique selon le score American Spinal Injury Association (ASIA).

lors des mécanismes en extension. Elle permet une évaluation Dans le cadre de l’urgence et des polytraumatismes, les
plus précise de la lésion en fonction du profil physiologique et patients bénéficient de plus en plus souvent d’un bilan tomo-
également de rendre compte de la qualité de la réduction densitométrique corps entier de première intention permettant
thérapeutique, surtout en lombaire où il existe une forte lordose d’analyser le rachis mais également de rechercher des lésions
physiologique. viscérales abdominales ou thoraciques associées.
Ce bilan d’imagerie permet d’obtenir une analyse des lésions
Tomodensitométrie constatées chez le patient ; il ne doit pas cependant faire oublier
La disponibilité des examens scanographiques et la possibilité l’intérêt des clichés standards du rachis thoracolombaire
de réalisation de reconstructions dans les trois plans de l’espace également pourvoyeur d’informations importantes pour la prise
indépendamment de la position du patient font de la tomoden- en charge.
sitométrie un examen de choix dans l’évaluation des lésions L’obtention de coupes axiales fines inférieures à 2 mm
thoracolombaires. associées à des reconstructions sagittales et coronales permet

4 Appareil locomoteur

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souvent lié à un recul du mur postérieur, plus rarement par une


fracture déplacée de l’arc postérieur ou par l’effet « coupe-
cigare » lors des luxations rachidiennes. La visualisation sur les
coupes axiales tomodensitométriques d’un encombrement du
canal rachidien supérieur à 50 % est un facteur lésionnel
aggravant, en faveur de la réalisation d’un geste de décompres-
sion, même en l’absence de troubles neurologiques initiaux. En
effet, il existe dans ce cas un risque important de voir apparaître
un déficit en cas de déplacement secondaire, voire après
consolidation de la fracture [14].

Imagerie par résonance magnétique


L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est l’examen le
plus à même de permettre l’évaluation des tissus mous telle que
l’état du ligament longitudinal postérieur, les ruptures discales,
les hématomes ou œdèmes médullaires. L’IRM reste cependant
un examen moins accessible et plus long que le scanner et sa
réalisation ne doit pas pour autant retarder la prise en charge
du patient présentant une lésion neurologique. Un des intérêts
fondamentaux de l’IRM réside dans l’évaluation des critères de
Figure 2. Mesures des index de perte et de restitution de la hauteur stabilité des lésions vertébrales (notamment par l’analyse du
vertébrale. ligament longitudinal postérieur) et dans la possibilité d’une
A. Index comparant la face antérieure du corps fracturé (1) par rapport à évaluation directe de la moelle et du cône médullaire pouvant
la vertèbre adjacente (2). fournir des éléments pronostiques de récupération
B. Index de Beck comparant la face antérieure du corps fracturé (1) à sa neurologique.
face postérieure (2). Les indications les plus communes de réalisation d’une IRM
sont en présence d’un déficit neurologique, particulièrement
chez les patients présentant une discordance entre les données
de l’examen clinique et les images tomodensitométriques, de
manière à évaluer le degré d’atteinte et de compression médul-
laire. Cela aide à éliminer la présence d’un hématome épidural,
d’une hernie discale associée ou d’un rare infarctus spinal.
L’IRM est aussi l’examen de choix pour l’évaluation des
déficits neurologiques progressifs ou d’apparition retardée. Dans
ces situations, la réalisation de coupes axiales et sagittales en
pondération T1 et T2 est utile pour mettre en évidence un
éventuel hématome intradural.

Classifications
Un des buts majeurs des différentes classifications est de
déterminer le degré d’instabilité des lésions thoracolombaires.
L’instabilité ou la perte de stabilité peut se définir comme le
processus pathologique qui peut aboutir à des déplacements
vertébraux au-delà des limites physiologiques. Dans la prise en
charge des lésions rachidiennes, la méconnaissance du caractère
instable d’une lésion peut avoir des répercussions immédiates et
tardives. Dans la phase initiale, le risque est essentiellement
neurologique par déplacement secondaire des éléments fractu-
raires. Secondairement, l’apparition d’une cyphose post-
traumatique peut s’accompagner de douleurs chroniques et
Figure 3. Mesure de la cyphose vertébrale (1) et de la cyphose régio- possiblement d’un déficit neurologique progressif.
nale (2), l’angulation régionale traumatique correspond à la cyphose Le caractère stable ou non d’une lésion vertébrale dépend de
régionale moins l’angulation physiologique (Stagnara [13]). l’association des atteintes osseuses et ligamentaires ; une
classification idéale doit donc tenir compte de ces multiples
paramètres pour permettre le traitement le plus approprié.
une étude minutieuse des lésions vertébrales. Dans les lésions en
distraction, on recherche une atteinte des éléments postérieurs Classification de Denis
et une augmentation de l’espace interépineux. L’examen des Après les premières classifications basées sur un système à
facettes articulaires permet de mettre en évidence une éven- deux colonnes par Holdsworth [15] puis Kelly et Whitesides [16],
tuelle luxation, visible par le vide articulaire au niveau de la apparut la description du rachis selon trois colonnes de Louis [3,
coupe passant par la vertèbre sus-jacente. Parmi les lésions les 4]. La classification de Denis [17], décrite en 1983, repose sur trois

plus fréquemment rencontrées, on retrouve les fractures des colonnes différentes, une antérieure (ligament longitudinal
processus transverses souvent mal visualisées en radiographie antérieur, partie antérieure des disques et des corps vertébraux),
conventionnelle. Ces lésions sont stables si elles ont un une moyenne (ligament longitudinal postérieur et partie
caractère isolé mais sont souvent douloureuses et doivent faire postérieure des disques et des corps vertébraux) et enfin une
rechercher des lésions associées, notamment abdominales. colonne postérieure (arcs postérieurs et ligaments). Les lésions
Dans le cas des fractures-éclatement (burst), les coupes axiales sont ensuite divisées en quatre groupes :
facilitent l’évaluation de l’encombrement du canal médullaire • type I : lésion en compression avec perte de hauteur corpo-
par le fragment osseux et l’analyse des éléments postérieurs à la réale, souvent sans troubles neurologiques ;
recherche de facteurs d’instabilité. La déformation du canal • type II : fracture de type seat-belt par cisaillement et distrac-
rachidien est essentiellement dangereuse dans sa partie centrale tion ;
du fait du risque de compression médullaire ou de syndrome de • type III : fracture-éclatement, incluant les troubles de rota-
la queue de cheval. Le rétrécissement canalaire est le plus tion ;

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Figure 4. Fracture de type A1 selon la classification de Magerl.

Figure 5. Fracture de type A2 selon la classification de Magerl.


• type IV : fracture-dislocation avec mécanismes de flexion-
rotation avec rupture des trois colonnes.
Cette classification comprend 16 sous-groupes et donne des
informations utiles sur la morphologie des lésions et leurs
mécanismes. Cependant, cet organigramme lésionnel présente
des inconvénients, ne tenant pas compte d’un éventuel degré
croissant d’instabilité et de la présence de troubles
neurologiques.

Classification de Magerl
Proposée en 1994 par Magerl et al. [2], elle est basée sur les
mécanismes lésionnels et permet de classer l’ensemble des
lésions observées selon un code alphanumérique. Ce système
définit trois types de lésions de bases, le type A par compression
axiale, le type B par distraction et le C par rotation. Chaque
lésion se subdivise ensuite en trois groupes classés de 1 à 3 puis
en sous-groupes de 1 à 3. Son intérêt réside dans la description
précise des fractures et des mécanismes lésionnels tout en
tenant compte des parties molles. Elle permet donc une gradua-
tion croissante des fractures en fonction de leur potentielle Figure 6. Fracture de type A3.1, fracture-éclatement incomplète.
instabilité et donc également du risque de lésions neurologiques
associées.
rachidien. Il est intéressant de noter que ce type de fracture
Lésions de type A peut être reconnu par lecture directe de la radiographie de
Ces fractures du corps vertébral sont typiquement dues à une face du rachis qui montre un diastasis interpédiculaire, c’est-
compression axiale avec ou sans flexion mais sans distraction ni à-dire un écartement entre les deux pédicules.
rotation. Elles concernent principalement le corps vertébral avec Chacun de ces sous-groupes est lui-même divisé en trois
une perte de hauteur variable, pouvant s’accompagner d’une parties. Dans le groupe des fractures de type A3, il est utile pour
fracture verticale des éléments postérieurs n’influant pas sur la le pronostic de distinguer les formes A3.1 avec fracture-
stabilité. On ne retrouve pas d’atteinte des tissus mous posté- éclatement incomplète (Fig. 6), A3.2 fracture-éclatement
rieurs, ni de translation antérieure du corps vertébral. Les incomplète avec refend sagittal (Fig. 7) et A3.3 (Fig. 8) avec une
fractures de type A sont ensuite subdivisées en trois sous- comminution de l’ensemble du corps vertébral.
groupes :
Lésions de type B
• A1 : fracture-tassement le plus souvent cunéiforme, respectant
toujours le mur postérieur donc sans complication neurolo- Les fractures de type B (Fig. 9) touchent les trois colonnes
gique (Fig. 4) ; avec un écart augmenté entre les corps vertébraux causé par le
• A2 : fracture-séparation du corps vertébral dans le plan mécanisme en distraction, le plus souvent postérieur. Ces
sagittal ou coronal par pénétration du disque intervertébral lésions s’accompagnent d’atteintes des éléments postérieurs
entre les fragments, pouvant secondairement être responsable pouvant conduire à une séparation des structures osseuses avec
de pseudarthrose (Fig. 5) ; augmentation de l’espace interépineux, voire une dislocation
• A3 : fractures-éclatement (burst fracture) par choc plus violent, des facettes articulaires. Cette distraction postérieure est
avec atteinte du mur postérieur et possibilité de signes rarement isolée et s’accompagne souvent d’une compression
neurologiques par recul d’un fragment osseux dans le canal antérieure occasionnant des lésions des corps vertébraux

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Fractures et luxations récentes du rachis thoracique et lombaire de l’adulte ¶ 15-829-A-10

Figure 7. Fracture de type A3.2, fracture-éclatement incomplète avec


refend sagittal.

Figure 9. Lésion de type B par distraction selon la classification de


Figure 8. Fracture de type A3.3, comminution complète du corps Magerl.
vertébral.

analogues à celles rencontrées dans les types A. Cependant,


contrairement au groupe A, une translation peut être présente
par l’atteinte postérieure, mais seulement dans le plan sagittal
du fait de l’absence de mécanisme de torsion.
Il existe aussi des cas de distraction antérieure avec augmen-
tation de l’espace intersomatique, rupture du ligament longitu-
dinal antérieur, atteinte de l’arc postérieur et une possible
translation postérieure.
De la même façon que précédemment, les fractures de type B
se subdivisent en trois sous-groupes : B1, lésion avec distraction
postérieure à prédominance ligamentaire, B2 lésion avec
distraction postérieure à prédominance osseuse et B3 lésion avec
distraction antérieure. Lors de l’analyse radiologique, il faut
veiller à ne pas identifier comme lésion de type A un tassement
du corps vertébral avec atteinte postérieure, car malgré le même
aspect de l’atteinte corporéale, les fractures de type B n’ont pas
le même potentiel évolutif, notamment en termes de cyphose Figure 10. Lésion de type C par mécanisme de rotation selon la
post-traumatique. classification de Magerl. On peut noter le décalage dans l’alignement des
Lésions de type C (Fig. 10) épineuses qui traduit la dislocation en rotation intervertébrale.

Ce sont les plus graves avec une atteinte des éléments


antérieurs et postérieurs par des contraintes en rotation respon- Un organigramme de classement des fractures en fonction des
sables d’une instabilité dans le plan sagittal, vertical et axial. Les signes radiologiques selon la classification de Magerl est
mécanismes lésionnels sont identiques aux types A et B mais présenté Figure 11.
avec l’ajout d’une composante rotatoire associant souvent des
fractures des processus transverses, dislocations des têtes costales
ou fracture d’un coin de corps vertébral. Les fractures de type
C1 comprennent un mécanisme de compression et rotation, les
■ Modalités thérapeutiques
C2 un mécanisme de distraction et rotation. Elles sont fré-
quemment associées à des troubles neurologiques et sont très Prise en charge non chirurgicale
instables avec un potentiel évolutif important. Cette dislocation
en rotation intervertébrale peut se voir sur la radiographie du
Traitement fonctionnel
rachis de face qui montre un décalage dans l’alignement des Il consiste en un repos au lit en décubitus dorsal associé à des
épineuses (Fig. 10). antalgiques jusqu’à disparition des douleurs. Aucune manœuvre

Appareil locomoteur 7
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15-829-A-10 ¶ Fractures et luxations récentes du rachis thoracique et lombaire de l’adulte

Figure 11. Arbre décisionnel. Algorithme de


classement des fractures thoracolombaires se-
Aspect du corps vertébral
lon la classification de Magerl en fonction des
signes radiologiques.

Perte de hauteur Intact

Pas de lésion Lésion postérieure Augmentation de l’espace discal Espace


postérieure discal
normal

Fracture verticale Lésion transverse Signes de rotation

Type A Type B Type C

de réduction ou d’immobilisation n’est entreprise. Une fois que travail isocinétique. La surveillance du traitement est radioclini-
les phénomènes algiques sont contrôlés, le patient est levé sans que avec un examen neurologique et des clichés de contrôle
corset et une rééducation des muscles paravertébraux est réguliers. Cette méthode de traitement est sûre et efficace dans
entreprise avec un apprentissage des postures évitant une le traitement des fractures-éclatement du rachis thoracolom-
déformation en cyphose du rachis thoracolombaire. Ce traite- baire [20] sans complications neurologiques avec cependant des
ment est essentiellement réservé aux patients présentant des résultats moins bons dans les atteintes lombaires basses. Il s’agit
fractures de la région thoracique, stables et sans complications donc d’un traitement à privilégier pour les atteintes entre T11 et
neurologiques. L1, avec comme contre-indications une atteinte médullaire ou
un syndrome de la queue de cheval, une instabilité du ligament
Traitement orthopédique postérieur, un encombrement canalaire supérieur à 60 %, une
La prise en charge orthopédique des fractures thoracolombai- obésité sévère, en cas de polytraumatisme ou de lésions
res comprend systématiquement une immobilisation par corset, thoraciques.
avec ou sans manœuvres de réduction de la fracture.
Méthodes chirurgicales : abord postérieur
Immobilisation par corset sans réduction
La chirurgie par abord postérieur du rachis est la voie
Une immobilisation par corset sans réduction peut être
privilégiée de l’urgence neurologique. Elle doit répondre à trois
utilisée dans les fractures stables thoracolombaires sans troubles
impératifs : réduire la déformation fracturaire, lever la compres-
neurologiques. La partie initiale de la prise en charge est la
sion nerveuse et stabiliser la colonne vertébrale. L’efficacité de
même que lors d’un traitement fonctionnel. Après sédation des
ce traitement est d’autant plus importante que la réalisation en
douleurs, le patient est levé avec le corset, le plus souvent
est précoce, notamment chez les patients présentant une
thermomoulé, et il est prescrit de la rééducation des muscles
atteinte neurologique incomplète, une atteinte du cône médul-
paravertébraux ainsi que de la sangle abdominale. L’immobili-
laire ou un syndrome de la queue de cheval. D’autre part, une
sation est portée en continue pendant les 3 mois de consolida-
prise en charge thérapeutique rapide facilite la mobilisation et
tion de la lésion.
les soins quotidiens chez les patients avec des traumatismes
Réduction progressive et immobilisation par corset multiples. Le port d’un corset postopératoire n’est pas systéma-
tique et dépend du type de lésion, du montage effectué et
L’objectif est d’obtenir une réduction de la cyphose par mise
d’éventuelles lésions associées, notamment pulmonaires et
en place progressive d’un billot lordosant au sommet de la
cutanées.
déformation, sur un patient en décubitus dorsal. La durée de
réduction de la fracture est variable selon les auteurs et s’éche- Réduction de la déformation fracturaire
lonne entre 21 jours et 45 jours [18]. Une fois la réduction
obtenue, un corset est ensuite mis en place et la suite du Une fois le patient installé sous anesthésie générale en
traitement est la même que précédemment. décubitus ventral, l’objectif est d’obtenir une mise en lordose du
rachis thoracolombaire. Plusieurs méthodes lordosantes sont
Réduction sur cadre et immobilisation par corset fréquemment utilisées lors de l’installation : mise en place de
Cette méthode de traitement des fractures thoracolombaires billots sous les crêtes iliaques et les épaules ; installation sur un
est issue des travaux de Boelher [19], reprise ensuite par Louis [3, cadre à rachis ou installation en traction avec les jambes
4] à la fin des années 1970. La réduction de la fracture est surélevées sur table orthopédique.
effectuée sur un cadre de Cotrel, dans les jours qui suivent le L’objectif est d’obtenir une réduction de la déformation par
traumatisme, sans anesthésie. Le patient est installé en décubi- ligamentotaxis dans le plan sagittal et frontal qui est contrôlée
tus dorsal et la manœuvre de réduction se fait en trois étapes sous amplificateur de brillance et éventuellement complétée en
sous contrôle fluoroscopique (Fig. 12) : peropératoire lors de la mise en place de l’instrumentation.
• installation en décubitus dorsal sur le cadre avec une bande L’abord chirurgical est réalisé par voie postérieure médiane,
de traction sous le niveau fracturaire ; les aponévroses désinsérées des apophyses épineuses et les
• mise en place d’une traction axiale de 10 kg de manière à muscles détachés des épineuses et des lames en étant particuliè-
restituer la hauteur du corps vertébral ; rement vigilant au niveau du foyer de fracture afin de ne pas
• réduction de la fracture par mise en tension de la bande de pénétrer le canal vertébral.
traction qui imprime une position lordosante au rachis.
Il est ensuite réalisé, toujours sur le cadre, un plâtre de Décompression neurologique
Boelher avec appui sternal, dorsal, iliaque et pubien. La conten- La liberté du canal vertébral dépend de plusieurs paramètres
tion est gardée pour une période de 3 mois avec autorisation de dont la réduction de la fracture, la restitution de la hauteur
lever le lendemain de la confection du corset. Une prise en vertébrale par distraction [21] et la réalisation d’un éventuel geste
charge en rééducation est ensuite importante avec réalisation de de libération.

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Fractures et luxations récentes du rachis thoracique et lombaire de l’adulte ¶ 15-829-A-10

1 2
10/15 kg

Cyphose + traction

Lordose

Figure 12. Réduction orthopédique d’une fracture thoracolombaire sur cadre à rachis (en trois étapes).

Lorsqu’un geste de décompression est nécessaire, la tomo- manière classique avec suture de la dure-mère pouvant être
densitométrie préopératoire permet d’en orienter le niveau et complétée par de la colle biologique afin d’augmenter l’étan-
d’analyser les fragments intracanalaires. Cependant, ce geste chéité du sac dural.
n’est pas systématique et ne dépend pas uniquement du recul
du mur postérieur, mais de l’association entre des signes Stabilisation des lésions
cliniques et radiologiques. En effet, devant un recul du mur L’objectif de la stabilisation est d’assurer à court et long terme
postérieur sans troubles neurologiques, une laminectomie est la pérennité de la réduction fracturaire avec le moins de perte
sans doute inutile, rallonge le temps opératoire et le saignement de correction possible jusqu’à consolidation. De nombreuses
et peut être à l’origine de troubles neurologiques. techniques et de nombreux implants sont disponibles afin de
Lors d’une compression, celle-ci provient le plus souvent de réaliser la stabilisation rachidienne. Celle-ci est faite le plus
la rétropulsion d’un ou plusieurs fragments issus de la partie souvent par une ostéosynthèse utilisant vis pédiculaires,
postérosupérieure du corps vertébral rendant nécessaire la crochets, tiges et plaques.
réalisation d’une laminectomie de la vertèbre fracturée mais
aussi de la lame sus-jacente. En cas de besoin, la laminectomie Ostéosynthèse
est étendue latéralement, réalisant ainsi une laminoarthrecto- Les vis sont le plus fréquemment utilisées et sont introduites
mie [22], voire une pédiculectomie unilatérale afin de repousser dans les pédicules, après repérage de la base de la transverse,
vers l’avant un fragment compressif antérieur [23]. avec une visée droit devant [25, 26] ou en triangulation avec une
Des plaies de la dure-mère peuvent également être associées visée convergente. Dans le plan sagittal, l’orientation se fait
par lésions de l’arc postérieur et incarcération de radicelles entre perpendiculairement à la vertèbre afin d’être parallèle aux
les fragments fracturaires [24] . Ces lésions sont traitées de plateaux vertébraux. Les crochets peuvent également êtres

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Figure 14. Prise en charge mini-invasive d’une fracture par cyphoplas-


tie par ballonnets et ostéosynthèse percutanée, aspect de la cicatrice.

vertébrale supérieure à 20 % [35] et un gain moyen de 9,9° sur


la cyphose locale [36]. La réalisation d’une cyphoplastie par
ballonnets est contre-indiquée en cas de troubles neurologiques
car elle ne traite pas la compression médullaire. Il s’agit d’un
traitement réservé aux fractures stables sans troubles neurologi-
ques et initialement sans recul du mur postérieur, bien que des
travaux anatomiques récents aient démontré la capacité de la
cyphoplastie de réduire l’encombrement canalaire [37].
Une autre approche de la fixation rachidienne connaît un
essor important avec le développement de techniques percuta-
nées mini-invasives d’ostéosynthèse pouvant de plus être
couplée à une cyphoplastie par ballonnets (Fig. 14). La mise en
place de l’instrumentation se fait par un abord cutané centimé-
trique et la tige est introduite dans les vis pédiculaires de façon
percutanée. Les analyses préliminaires de ces techniques sont
Figure 13. Ostéosynthèse en distraction et lordose permettant la ré- encourageantes cliniquement et radiologiquement en termes de
duction de la fracture. gains de correction de cyphose et de faible taux de perte de
correction [38].

utilisés (en position intra- ou extracanalaire) lorsque les vis ne Résultats des abords postérieurs
peuvent être mises en place ou aux extrémités du montage afin
La réalisation d’une voie postérieure en cas de fractures de
de mieux résister aux forces d’arrachement [27, 28]. Les jonctions
rachis thoracolombaire donne de bons résultats avec une
entre les implants se font par l’intermédiaire de plaques de type
supériorité rapportée par Uchida [39] en termes de correction par
Roy-Camille [25, 26], de tiges de type Cotrel-Dubousset [29] ou de
rapport à une voie antérieure avec cependant une perte de
type fixateur interne de Dick [30] . La distraction entre les
réduction progressive la rendant équivalente au dernier recul.
implants et la réalisation d’une manœuvre lordosante permet-
Selon le symposium de la Société française de chirurgie ortho-
tent d’optimiser la réduction de la fracture et la réintégration
pédique et traumatologique (Sofcot) de 1995 [40], la perte de
d’un fragment osseux intracanalaire (Fig. 13).
correction de la cyphose vertébrale est de 2,5° en moyenne.
Différents types de montage Dans cette série, le seul élément déterminant la perte de
correction est la qualité de la réduction peropératoire, indépen-
Selon le matériel utilisé, le type et la localisation de la
damment d’une greffe postérolatérale, du port d’un corset ou de
fracture, les montages réalisés sont courts, un niveau sus- et
la réalisation d’un montage long. La constatation d’un vide
sous-jacent, ou long englobant plusieurs niveaux. Au rachis
antérieur sur les clichés radiographiques postopératoires ou
thoracique, les montages sont souvent de type long prenant
d’une insuffisance de réduction de la fracture peut donc être un
deux niveaux de part et d’autre de la fracture avec peu de
élément en faveur de la réalisation d’un deuxième temps
répercussion sur la mobilité de ce segment rachidien peu
chirurgical par voie antérieure [41].
mobile [31], alors qu’au rachis lombaire, la préservation de la
mobilité fait plus souvent choisir des montages courts si la
comminution du corps vertébral n’est pas trop importante. Il est Méthodes chirurgicales : abord antérieur
également possible de réaliser des montages mixtes associant vis Réalisée isolément ou après une chirurgie postérieure, la voie
et crochets afin d’augmenter la résistance aux forces antérieure doit répondre aux mêmes objectifs que précédem-
d’arrachement. ment : réduction, décompression et stabilisation.
Une arthrodèse postérolatérale par mise en place de greffons
corticospongieux est réalisée en complément de l’ostéosynthèse, Décompression antérieure
notamment dans les fractures avec lésions ligamentaires Dans certaines fractures, l’approche antérieure peut être
postérieures (Magerl B1, B3 et C). préférée à une voie postérieure car elle permet une visualisation
antérieure directe du sac dural et une meilleure décompression
Techniques percutanées et mini-invasives neurologique. Ainsi, la réalisation d’une vertébrectomie peut
Depuis sa description originelle par Galibert [32] pour le être utile lorsque la compromission du canal vertébral est liée à
traitement des angiomes vertébraux, les techniques et indica- une rétropulsion d’un fragment osseux et discal chez un patient
tions de la vertébroplastie percutanée n’ont cessé de se dévelop- avec un déficit neurologique incomplet. Une fracture-
per. Comme toute technique chirurgicale, la cimentoplastie éclatement, une fracture par compression et flexion ou par
présente des risques de complications, dont la fuite de ciment compression verticale avec un alignement correct dans le plan
dans le canal rachidien [33]. L’utilisation de la cyphoplastie par coronal peuvent également être traitées par une voie antérieure
ballonnets permet de diminuer ce risque de fuite et donc les permettant la décompression neurologique et la restauration de
risques de compression mécanique et de réaction exothermique la colonne antérieure. Cette voie est aussi intéressante quand le
au contact des structures nerveuses [34]. Les résultats présentés renforcement ou le soutien de la colonne antérieure est néces-
dans les travaux récents estiment la restitution de la hauteur saire afin d’éviter une déformation en cyphose secondaire,

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Fractures et luxations récentes du rachis thoracique et lombaire de l’adulte ¶ 15-829-A-10

comme dans les fractures comminutives du corps vertébral ou


Identification de mécanisme lésionnel Figure 15. Classification
les fractures-éclatement instables avec atteinte des éléments
Thoracolumbar Injury Seve-
ostéoligamentaires postérieurs.
rity Score (TLISS).
Dans d’autres circonstances, notamment chez les patients Cotation
présentant des lésions avec déplacements importants (fractures-
luxations ou lésions en flexion-distraction), la voie antérieure
peut être précédée par un abord postérieur afin d’obtenir un État du ligament longitudinal postérieur
alignement rachidien satisfaisant. Cette stratégie en deux temps
est aussi utile en cas de persistance d’un déficit neurologique
après réalisation d’une voie postérieure [42] ou en cas de lésions Cotation
ouvertes du rachis thoracolombaire avec des dommages des
parties molles postérieures. La réalisation d’une approche
circonférentielle du rachis thoracolombaire peut être faite en Statut neurologique du patient
deux temps distincts ou en une fois avec une installation
latérale du patient, ce qui pourrait diminuer le temps opéra- Cotation
toire, la perte sanguine et le taux de complications [43, 44].

Aspects techniques de la voie antérieure


Quel que soit le type d’abord envisagé, transthoracique de T4 Total des points
à T9, thoracoabdominal de T10 à L1 ou rétropéritonéal de T12
à L5, la chirurgie antérieure est techniquement exigeante avec
un risque de complications non négligeable. Oskouian et
Johnson [45] ont recensé, dans leur travail rétrospectif, 5,8 % de
complications vasculaires, 1 % de décès et 2,4 % de complica-
Proposition thérapeutique
tions thromboemboliques.
L’évolution technique est également liée au développement
des implants spécifiques à l’instrumentation antérieure permet-
tant une réduction des accès chirurgicaux (endoscopies thoraci- associant une flexion latérale donnant une déformation
ques) et la pose de matériel de moins en moins encombrant, ce supérieure à 15° dans le plan coronal.
qui limite le risque de lésions tardives des gros vaisseaux. • Lésions en rotation/translation : ces fractures causées par une
force en rotation sont associées à une instabilité significative
et sont cotées 3 points.
■ Indications thérapeutiques • Lésions en distraction : par mécanisme d’extension, l’atteinte
de la colonne antérieure peut être uniquement osseuse,
Malgré les nombreuses classifications et l’évolution de ligamentaire ou associant les deux. Elles concernent les trois
l’arsenal thérapeutique, la prise en charge des traumatismes colonnes et sont cotées 4 points.
thoracolombaires reste encore aujourd’hui un sujet de discus-
sion. Le premier critère pris en compte dans les méthodes de Évaluation du statut neurologique
traitement reste l’instabilité potentielle de la lésion orientant la Quatre sous-catégories sont décrites, basées sur la sévérité du
prise en charge ultérieure. Il est donc fondamental d’identifier déficit et le potentiel de récupération après prise en charge
ces patients présentant une fracture thoracolombaire justifiant thérapeutique. Un examen neurologique normal est coté
d’un traitement chirurgical afin de restaurer l’alignement 0 point, la présence d’un déficit radiculaire est cotée 2 points,
rachidien, décomprimer les éléments nerveux et stabiliser les une atteinte neurologique complète (sensitive et motrice)
lésions. Le geste opératoire a également pour but de prévenir 2 points et une atteinte incomplète ou un syndrome de la
une déformation symptomatique post-traumatique et une queue de cheval 3 points.
éventuelle séquelle neurologique tardive.
Intégrité du complexe ligamentaire postérieur
Algorithme décisionnel selon Vaccaro Trois cas de figure sont décrits, basés sur les résultats de l’IRM,
Récemment, Vaccaro et le groupe d’étude des traumatismes examen de choix dans l’étude ligamentaire [48] avec, en cas de
du rachis [46] ont proposé un algorithme décisionnel reproduc- rupture du complexe ligamentaire postérieur, un hypersignal sur
tible [47] , le score de sévérité des lésions thoracolombaires les séquences pondérées en T2. L’absence de lésion ligamentaire
(Thoracolumbar Injury Severity Score ou TLISS). Cet organi- est cotée 0 point, 1 point est attribué si l’atteinte ligamentaire
gramme repose sur trois éléments majeurs : le mécanisme est indéterminée et 2 points si elle est avérée.
lésionnel, l’intégrité du complexe ligamentaire postérieur et le
statut neurologique du patient (Fig. 15). Prise de décision
Au sein de chacune des trois variables, une score de 1 à 4 est À l’issue de l’évaluation du mécanisme lésionnel, du statut
attribué à chaque sous-catégorie, reflétant la sévérité de la lésion neurologique et de l’intégrité du complexe ligamentaire posté-
et sa contribution à l’instabilité rachidienne. rieur, on effectue le calcul total du score orientant la décision
thérapeutique. Les patients avec un TLISS inférieur ou égal à
Mécanisme lésionnel 3 points sont considérés comme des candidats à un traitement
La première étape de l’algorithme thérapeutique est de non chirurgical, les patients avec un TLISS supérieur ou égal à
déterminer le mécanisme lésionnel selon les trois catégories 5 points sont candidats à une prise en charge chirurgicale. Les
majeures décrites selon la classification de Magerl [2], compres- patients présentant un score de 4 sont considérés comme
sion, translation/rotation et distraction. En cas de fractures pouvant bénéficier d’une attitude thérapeutique chirurgicale ou
multiples sur différents niveaux, seul le niveau avec le méca- non, la décision pouvant être modulée selon les comorbidités
nisme le plus sévère est coté ; en revanche, le score s’additionne éventuelles.
en cas d’association de plusieurs mécanismes sur le même L’algorithme décisionnel est donc basé sur ces trois paramè-
niveau. tres qui peuvent cependant être modulés par différents facteurs
• Lésions en compression : résultant d’une faillite vertébrale liés au patient. En effet, une cyphose importante, des fractures
sous l’effet d’une force axiale, ce sont les plus fréquentes et multiples de côte ou du sternum associées ou un contexte de
sont cotées 1 point. Un point supplémentaire est attribué polytraumatisme peuvent orienter la prise en charge thérapeu-
dans le cas de fracture-éclatement avec rétropulsion d’un tique. Il en est de même pour les comorbidités médicales
fragment osseux dans le canal vertébral ou de mécanisme pouvant influencer le traitement telles que la spondylarthrite

Appareil locomoteur 11
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1 2 3
A

1 2 3
B

1 2 3
C
Figure 16. Classification de McCormack.
A. Évaluation de la comminution du corps vertébral.
B. Évaluation de l’amplitude de déplacement des fragments.
C. Évaluation du degré de déformation en cyphose permettant la cotation.

ankylosante, une ostéoporose sévère, une obésité importante ou L’addition des trois éléments permet donc d’obtenir un score
une défaillance cardiaque ou respiratoire avancée. total compris entre 3 et 9 points, une fracture avec un score
Cette classification est utile afin de déterminer l’attitude supérieur à 7 points est considérée comme possédant une faible
thérapeutique la plus appropriée à la lésion thoracolombaire résistance de la colonne antérieure et justifie alors d’un temps
rencontrée. Elle présente toutefois des limites et ne présume pas, antérieur. Cette classification semble reproductible et efficace [49]
lorsqu’un traitement chirurgical est envisagé, de la voie d’abord et permet également, selon Parker [50], de réaliser une ostéosyn-
à privilégier. Selon le type de fracture et notamment dans les thèse courte prenant un niveau au-dessus et un en dessous de
fractures-éclatement, un abord postérieur puis antérieur peut la vertèbre fracturée avec de bons résultats si le score est
être réalisé avec des indications et des risques différents. inférieur à 7 points.

Aide à la décision selon McCormack Autre aide à la décision


En 1994, une autre classification d’aide à la décision théra- Les données issues de la classification compréhensive de
peutique a été proposée par McCormack [41], basée sur le partage Magerl et l’étude du symposium de la Sofcot de 1995 permet-
des contraintes sur la vertèbre. L’objectif est la prédiction de la tent également de faire une synthèse des indications thérapeu-
résistance de la colonne antérieure en fonction du type de tiques en fonction de l’état neurologique et du type de fracture
fracture qui, lorsqu’elle est considérée comme insuffisante, peut présentés par le patient.
nécessiter un temps antérieur.
Ce système de classification est basé sur trois éléments : la Lésion sans trouble neurologique
comminution du corps vertébral, l’amplitude de déplacement • Fracture de type A1 : il s’agit d’une fracture stable avec peu
des fragments et le degré de déformation en cyphose (Fig. 16). de risques de déplacement secondaire et d’apparition de
• Comminution du corps vertébral dans le plan sagittal : troubles neurologiques. Un traitement fonctionnel ou ortho-
1 point est attribué si elle est inférieure à 30 % du corps pédique avec corset est envisageable avec une aggravation
vertébral, 2 points si elle est comprise entre 30 et 60 % et moyenne de l’ART de 2,5° en moyenne.
3 points au-delà de 60 %. • Fracture de type A2, A3.1 et A3.2 avec un recul du mur
• Déplacement des fragments : 1 point si le déplacement est postérieur inférieur à 30 % et une ART inférieure à 30° : le
minime, 2 points s’il est inférieur à 2 mm et 3 points s’il est risque neurologique est faible et l’évolution en cyphose
supérieur à 2 mm. modérée. Un traitement par corset permet de limiter l’aug-
• Degré de déformation en cyphose : correspond à la correction mentation de l’ART en moyenne de 6° ; un traitement
de cyphose nécessaire afin de restaurer un équilibre sagittal chirurgical est envisagé quand la déformation angulaire
physiologique au niveau considéré ; 1 point est attribué si la traumatique est supérieure à 15°.
correction de cyphose est inférieure à 3°, 2 points si elle est • Fractures de A3.1 et A3.2 avec recul du mur postérieur
comprise entre 4 et 9° et 3 points si elle est supérieure à 10°. supérieur à 30 % et les fractures de type A3.3 : le risque

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Fractures et luxations récentes du rachis thoracique et lombaire de l’adulte ¶ 15-829-A-10

d’évolution en cyphose est modéré ; en revanche, le risque [6] Langrana NA, Harten RR, Lin DC. Acute thoracolumbar burst
neurologique reste important. Une réduction orthopédique fractures: a new view of loading mechanisms. Spine 2002;27:498-508.
ou chirurgicale est donc indispensable. Lorsque le recul du [7] Hu R, Mustard CA, Burns C. Epidemiology of incident spinal fracture
mur postérieur est supérieur à 50 % de la surface canalaire, in a complete population. Spine 1996;21:492-9.
une réduction est également souhaitable, même en l’absence [8] Frankel HL, Hancock DO, Hyslop G. The value of postural reduction in
de troubles neurologiques initiaux afin d’en éviter l’appari- the initial management of closed injuries of the spine with paraplegia
tion secondaire. and tetraplegia. I. Paraplegia 1969;7:179-92.
• Fractures de types B et C : ces lésions sont fortement instables [9] Anderson PA, Rivara FP, Maier RV. The epidemiology of seatbelt-
et d’évolution imprévisible avec un risque de déplacement associated injuries. J Trauma 1991;31:60-7.
secondaire important, même si la lésion initiale ne présente [10] Ayella RJ, Hankins JR, Turney SZ. Ruptured thoracic aorta due to blunt
qu’un déplacement modéré. Il s’agit donc de lésions justifiant trauma. J Trauma 1977;17:199-205.
d’un traitement chirurgical afin d’assurer la réduction de la [11] Acosta FL Jr, Aryan HE, Taylor WR. Kyphoplasty-augmented short-
déformation et la stabilisation des lésions vertébrales. Du fait segment pedicle screw fixation of traumatic lumbar burst fractures:
du caractère imprévisible de ces lésions, l’analyse des données initial clinical experience and literature review. Neurosurg Focus 2005;
radiologiques est donc essentielle afin de rechercher des 18:E9.
[12] Maestretti G, Cremer C, Otten P. Prospective study of standalone
éléments de distraction ou de rotation.
balloon kyphoplasty with calcium phosphate cement augmentation in
Lésion avec troubles neurologiques traumatic fractures. Eur Spine J 2007;16:601-10.
[13] Stagnara P, De Mauroy JC, Dran G. Reciprocal angulation of vertebral
Selon le type de syndrome neurologique présenté par le bodies in a sagittal plane: approach to references for the evaluation of
patient, plusieurs situations sont rencontrées. kyphosis and lordosis. Spine 1982;7:335-42.
• Fracture thoracolombaire avec paraplégie complète d’origine [14] Gertzbein SD. Neurologic deterioration in patients with thoracic and
médullaire : une prise en charge chirurgicale avec décompres- lumbar fractures after admission to the hospital. Spine 1994;19:1723-5.
sion médullaire, réduction fracturaire et stabilisation est [15] Holdsworth F. Fractures, dislocations, and fracture-dislocations of the
indispensable. spine. J Bone Joint Surg Am 1970;52:1534-51.
• Atteinte neurologique incomplète d’origine médullaire : de la [16] Kelly RP, Whitesides TE Jr. Treatment of lumbodorsal fracture-
même façon, il convient d’assurer une décompression rapide dislocations. Ann Surg 1968;167:705-17.
des éléments neurologiques, de manière toujours chirurgicale [17] Denis F. The three column spine and its significance in the classification
dans les lésions instables (types B et C). Pour les lésions de of acute thoracolumbar spinal injuries. Spine 1983;8:817-31.
type A, une prise en charge orthopédique avec réduction et [18] Goutallier D, Hernigou P, Piat C. Orthopedic treatment of fractures of
immobilisation peut être effectuée si l’encombrement cana- the dorsolumbar and lumbar spine with recoil of the posterior corpus
laire est inférieur à 50 % et si la lésion siège au-dessous de wall (burst fracture) without or with minor neurologic lesions. Rev Chir
T10, en raison du manque d’efficacité du traitement ortho- Orthop Reparatrice Appar Mot 1988;74(suppl2):77-83.
pédique en région thoracique haute. [19] Boehler L. Technique de traitement des fractures de la colonne dorsale
et lombaire. Paris: Masson; 1944.
• Fracture avec atteinte de la queue de cheval : en présence
[20] Tropiano P, Huang RC, Louis CA. Functional and radiographic
d’une lésion entre L2 et L5 avec une atteinte pluriradiculaire
outcome of thoracolumbar and lumbar burst fractures managed by
et un déficit moteur coté à moins de 3, un geste de libération
closed orthopaedic reduction and casting. Spine 2003;28:2459-65.
neurologique et de stabilisation chirurgicale est indispensable [21] Zou D, Yoo JU, Edwards WT. Mechanics of anatomic reduction of
le plus rapidement possible. En revanche, si le déficit est thoracolumbar burst fractures. Comparison of distraction versus dis-
monoradiculaire, purement sensitif ou avec une cotation traction plus lordosis, in the anatomic reduction of the thoracolumbar
motrice supérieure à 3, une prise en charge initiale orthopé- burst fracture. Spine 1993;18:195-203.
dique est envisageable avec le recours à un traitement [22] Garfin SR, Mowery CA, Guerra J Jr. Confirmation of the posterolateral
chirurgical en l’absence de récupération des signes technique to decompress and fuse thoracolumbar spine burst fractures.
neurologiques. Spine 1985;10:218-23.
[23] Mimatsu K, Katoh F, Kawakami N. New vertebral body impactors for
posterolateral decompression of burst fracture. Spine 1993;18:1366-8.
■ Conclusion [24] Denis F, Burkus JK. Diagnosis and treatment of cauda equina
entrapment in the vertical lamina fracture of lumbar burst fractures.
Les fractures du rachis thoracolombaire sont donc des lésions Spine 1991;16(suppl8):S433-S439.
complexes dont la prise en charge est toujours source de [25] Roy-Camille M, Saillant G. Rachis dorsolombaire traumatique non
discussion. D’une manière générale, les résultats cliniques sont neurologique. Paris: Masson; 1980.
bons et s’améliorent avec le développement technique et une [26] Roy-Camille R, Roy-Camille M, Demeulenaere C. Osteosynthesis of
avancée vers une prise en charge la moins invasive possible. Le dorsal, lumbar, and lumbosacral spine with metallic plates screwed into
point fondamental de la prise en charge reste l’évaluation vertebral pedicles and articular apophyses. Presse Med 1970;78:
initiale de la lésion sur le plan clinique et paraclinique avec 1447-8.
l’appréciation des atteintes ostéo-disco-ligamentaires antérieures [27] de Peretti F, Cambas PM, Puch JM. Modular construction (2 HS-1 SH),
et postérieures afin d’obtenir une analyse lésionnelle précise using Cotrel-Dubousset’s universal instrumentation for comminuted
amenant à la prise en charge la plus adaptée. Il s’agit donc fractures of the thoracolumbar junction. Comparison with various other
d’une chirurgie exigeante, de plus en plus effectuée dans des constructions. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Mot 1994;80:
centres de référence. 205-16.
.
[28] Freslon M, Mosnier T, Gayet LE. Biomechanical evaluation of
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■ Références internal devices. Rev Chir Orthop Reparatrice Appar Mot 2007;93:
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15-829-A-10 ¶ Fractures et luxations récentes du rachis thoracique et lombaire de l’adulte

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P. Tropiano, Professeur des Universités, praticien hospitalier (patrick.tropiano@ap-hm.fr).


B. Blondel, Interne des Hôpitaux.
Université de la Méditerranée, Service de chirurgie orthopédique et vertébrale, Hôpital Nord, chemin des Bourrely, 13015 Marseille, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Tropiano P., Blondel B. Fractures et luxations récentes du rachis thoracique et lombaire de l’adulte. EMC
(Elsevier Masson SAS, Paris), Appareil locomoteur, 15-829-A-10, 2009.

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