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O.N.G.

SANTE + HUMANIITUS
CELLULE SANTE MENTALE – BIEN-ETRE ET PSYCHOTHERAPIE
Récépissé N° : 1271/MI/SG/BMB du : 10/10/2022
Avis de Reconnaissance Technique N° : 00163/MSAF/SG/DGPDOASPS du : 07/06/2022

PUBLICATION :
Titre : Approche Clinique de la psychopathologie du ‘’MBUMBA YIYANO’’ chez une
patiente co-infecté Tuberculose-VIH/SIDA suivi à l’Hôpital Spécialisé de NKEMBO.

Auteur : Pierre MBELE MBOUNGOU, Psychologue Clinicien - Psychothérapeute


Spécialiste en Neuropsychologie clinique
Responsable du Service des Affaires Social du Centre Hospitalier Universitaire Mère et Enfant
(C.H.U.M.-E.) Fondation Jeanne Ebori/ Email : pierromaric@gmail.com

Libreville, Février 2024

1
Résumé :
Le traitement des patients souffrants de la tuberculose pose un réel problème. Et le handicap
majeur se situe au niveau du suivi régulier des patients en traitement. Bon nombre d’entre eux
disparaissent avant d’arriver au terme de celui-ci, pourtant gratuit au Gabon, et qui est d’une
durée de six (6) à huit (8) mois. Ce taux de déperdition des patients tuberculeux, serait dû en
partie à des facteurs psychologiques.
La présente recherche a pour objectif de mettre en évidence dans une étude de cas la
psychopathologie du Mbumba-yiyano chez une patiente co-infectée TB/VIH et son impact dans
l’irrégularité ou l’abandon du traitement médical.
Notre étude présente un cas clinique suivi au CDT de l’hôpital spécialisé de NEMBO co-infecté
TB/VIH qui est sous traitement TB depuis un mois, présentant une irrégularité au RDV de prise
de médicament et à qui nous devons annoncer son statut de séropositif au VIH/Sida. Les
données ont été recueillies à partir de deux outils : l’étude de cas clinique et le test projectif du
Rorschach.
Les résultats de cette étude montre que pour notre patiente le ‘’Mbumba-yiyano’’ est la manière
dont elle se représente mentalement l’angoisse. Toutefois, cette représentation pose un
problème dans l’observance du traitement. Car, la patiente a tendance à aller chercher des
traitements chez les Tradipraticiens-Nganga (africains spécialistes de la médecine des plantes
traditionnelles ayant des pouvoirs mystico-spirituel de clairvoyance), chez des pasteurs des
églises dites de réveilles (personne ayant des pouvoir spirituels de chasser les mauvais esprits
et de provoquer des guérisons miraculeuses) et néglige le traitement médical prescrit par le
médecin. D’où le phénomène d’irrégularité au traitement. Si rien n’est fait pour aider la patiente
à gérer cette angoisse qui est représenté par le Mbumba-yiyano comme nous le pensons dans
notre hypothèse, elle terminera par abandonner complètement le traitement médical.
Il est donc urgent si l’on veut améliorer le taux de succès thérapeutique et amener le plus de
malade à adhérer au traitement d’instaurer un véritable suivi psychologique pour les patient co-
infecté TB/VIH et que le coût de cette prise en charge soit supporter par l’état au moins durant
les trois premiers mois soit les douze (12) premières séances.
Mots-clés : Psychopathologie, Co-infection TB/VIH, approche clinique, Mbumba-yiyano,
angoisse, Rorschach.
Introduction :
Le Psychologue clinicien est considéré comme un spécialiste de la maladie mentale. La clinique
au lit du malade mental, puis dans les activités sociales, notamment dans les établissements de
l’enfance inadaptée et de l’enfance en difficulté, le dégage des tâches spécifiques qui sont les

2
siennes pour le situer dans une clinique et un quotidien du terrain le conduisant dans bien d’autre
espace d’intervention où la souffrance physique et surtout psychique est présente et dont son
intervention est plus que nécessaire pour obtenir des succès thérapeutiques.
Au Gabon, ont les retrouvent de plus en plus dans les Centres de traitement Ambulatoire (CTA)
où sont pris en charge les personnes atteintes du VIH/Sida, et dans les Centre de Diagnostic et
de Traitement des malades tuberculeux (CDT), comme celui de l’Hôpital Spécialisé de
NKEMBO ou du Centre Hospitalier Universitaire de Libreville (CHUL).
Selon l’étude menée par l’équipe de médecine composée des docteurs
U.D. Kombila, L.D. Ibinga, D. Mounguengui, C. Manomba Boulingui, J.B. Boguikouma
intervenant dans différents CDT des hôpitaux de Libreville, on note que « La co-infection
TB/VIH reste élevée. Elle impacte négativement la prise en charge de la TB en ambulatoire. »1
A l’hôpital spécialisé dans le traitement de la tuberculose de Nkembo, le phénomène de
l’inobservance au traitement est de plus en plus récurent bien que le traitement soit gratuit. Et
parmi les éléments mis en cause nous avons les facteurs psychologiques. En effet, selon les
travaux d’Olivier Collinet sur les facteurs associés à une mauvaise observance thérapeutique
chez les patients vivant avec le VIH à l’hôpital Albert Schweitzer au Gabon en 2019 « Le VIH
affecte les différentes dimensions de la vie de la personne atteinte et de son entourage :
somatique, psychologique, sociale, familiale, spirituelle, culturelle. Par conséquent, plusieurs
acteurs (assistante sociale, psychologue, médecin, IDE…) doivent ou devraient participer à la
prise en charge qui est ou devrait être toujours idéalement globale et médico-psycho-sociale »2.
Notons par ailleurs, que les travaux réalisés par Cyr Voisin, publié en 1995 aux éditions Hauts
de France, dans son ouvrage intitulé, TUBERCULOSE : parcours imagé, évoque avec ces
derniers les raisons des arrêts temporaires ou définitifs du traitement par les malades3. Le
chercheur note que : ‘’la principale raison évoquée par les malades réside essentiellement de
leurs perceptions de la maladie et de la guérison’’4. Pour notre part, ce sont ces facteurs
psychologiques chez les malades co-infectés TB/VIH qui nous intéresse. D’où notre intérêt
pour l’étude du vécu psychologique chez les malade suivis au CDT de l’hôpital Spécialisé de
NKEMBO, notamment le Cas de cette jeune patiente pour qui sa maladie serait lié à des facteurs

1
U.D. Kombila, L.D. Ibinga c, D. Mounguengui, C. Manomba Boulingui, J.B. Boguikouma (2021) : Profil
épidémiologique et évolutif de la tuberculose sous l’influence de l’infection par le VIH dans un centre de prise
en charge ambulatoire au Gabon, Paris, Elsevier Masson.
2
Olivier Collinet (2019) : Facteurs associés à une mauvaise observance thérapeutique chez les patients vivant
avec le VIH à l’hôpital Albert Schweitzer au Gabon THESE POUR L’OBTENTION DU DIPLÔME D’ÉTAT DE
DOCTEUR EN MÉDECINE Présentée et soutenue publiquement Le 21/11/2019
3
Voisin (c) : TUBERCULOSE : Parcours Imagé, Tome II, Paris, Haut de France, 1995, P. 117-120
4
Voisin (c): op. cit. 117-120

3
mystico-spirituels et que la cause de sa maladie est le ‘’MBUMBA YIYANO’’. Partant d’une
approche clinique de la psychopathologie, nous émettons l’hypothèse que le ‘’MBUMBA
YIYANO’’ serait pour notre patiente une tentative de représentation mentale de l’angoisse de
castration qu’elle vit.
Notons tout d’abord avec Jaffré Y. que « toute maladie comporte des dimensions sociales et
psychologiques. Les différences sociales et psychologiques sont importantes entre qui souffre
d’un rhume et qui combat une stérilité »5. Ainsi, il y a des maladies que l’on affronte seul et
d’autres plus graves dont les conséquences peuvent mettre en jeu l’identité des patients. Ce qui
est le cas pour la tuberculose et le VIH/Sida. En France, par exemple, Les études menées par
Delay et Pichot, montrent que la maladie se caractérise chez ces derniers « par trois éléments :
le rétrécissement de l’univers, l’égocentrisme et une attitude faite à la fois de tyrannie et de
dépendance. »6*. Aux Etats Unis d’Amérique on parle plutôt de stress psychologique avec
comme principale symptômes « la peur, l’anxiété et la dépression »7 . Les travaux de Diallo
A.B. et al (2004)8 nous révèlent que la tuberculose est intimement liée au sentiment de
culpabilité qui pousse les malades à rechercher dans les ruines de leur passé, des comportements
indélicats, ou des fautes commises et qui sont supposées être à l’origine de leur malheur actuel.
Dans d’autres cas les malades tombent dans la victimisation, accusant un « mauvais travail »
fait contre eux, un maraboutage ou autres trucages. Dans ces préjugés, les parents, les
collaborateurs sont toujours coupables désignés à l’avance et accusés d’avoir causé la maladie,
par l’intermédiaire d’actions maléfiques (Jaffré (Y) Sardan (o), (2003))9.
Freud dans ses études sur la névrose nous révèle que « l’angoisse est une réaction efficace du
Moi au danger qu’il redoute, c'est-à-dire la peur de la castration »10. La castration selon Piéron,
est « le terme psychanalytique désignant la peur que les parties génitales ou une partie
équivalente de l’organisme ne soit endommagées ou supprimées comme punition de pulsions
ou d’action sexuelles interdites »11.
Pour Freud (cité Marthe (R), (1972))12, la castration est l’ensemble des conséquences
subjectives principalement inconscientes déterminées par la menace de castration chez le

5
Jaffré (Y) Sardan(o), (1999) : La construction sociale des maladies, Paris, PUF. P.58
6
Delay (J) et Pichot (P) (1990): Abrégé de psychologie, Paris, Masson, P.427
7
Haack (J) et Ungvarski, (J) (1994): HIV/SIDA, Le guide de l’équipe soignante, Paris, Bayard, P.290
8
Diallo (AB) et al (2004) : Lutte contre la tuberculose, vue du « terrain » in médecine Tropicale, Marseille P.70-
71
9
Jaffré (Y) Sardan(o), (2003) : Une médecine inhospitalière, Paris, Karthala. P.11
10
Klein, (M), (1975) : Psychanalyse des enfants, Vendôme, PUF, P. 139.
11
Piéron (H) (1994) : Vocabulaire de la psychologie, Paris, PUF, P. 86
12
Marthe (R), (1972) : La révolution psychanalytique, la vie et l’œuvre de Freud, Paris, Payot, P.53

4
garçon et par l’absence du pénis chez la fille. Pour Marthe Robert « le mot “complexe’’ issu
du laboratoire de psychanalyse désigne d’abord des émotions intempestives et déplacées qui
dans une situation plus ou moins critique trahissent l’individu et contrarient son action »13. En
accord avec Claudine Herzlich (1969)14 qui nous rappelle que : tout évènement important de
l’existence humaine demande une explication : on doit en comprendre la nature et lui trouver
des causes. La maladie n’échappe pas à cette exigence. L’individu confronté à une sensation
corporelle désagréable et inhabituelle doit la “décoder’’ la relier éventuellement à d’autres
manifestations, décider s’il y a lieu d’y voir un signe inquiétant pour lequel une action s’impose.
Il doit aussi pouvoir en rendre compte, expliquer aux autres ce qu’il ressent s’il veut recevoir
une aide ou adhérer à l’aide qu’on le propose. Une telle élaboration n’est pas seulement reliée
au social et à la culture, mais aussi au vécu psychologique du malade, de son état et de
l’interprétation qu’il fait de sa maladie. Notre objectif est d’étudier d’un point de vu de
l’approche clinique de la psychopathologie le vécu psychologique de l’angoisse de castration
d’une patiente qui confronté au diagnostic positif d’une co-infection TB/VIH relie sa maladie
à une force surnaturelle et mystique, le ‘’MBUMBA YIYANO’’, à l’origine de ses problèmes
de santé. Cette étude nous permettra de dégager un model évidemment singulier mais qui peut
faire école et être une piste de réflexion pour d’autres cas, et permettre d’aborder la question
des représentations mentales chez un(e) patient(e) pour lutter contre l’angoisse,
particulièrement l’angoisse de castration dans le contexte africain.
Méthodologie
Notre population d’étude est essentiellement composé des malades tuberculeux mis sous
traitement depuis un mois et présentant une irrégularité dans les RDV de suivi et de prise des
médicaments et dont le test de VIH est positif. Tous les patients TB mis sous traitement ont
droit systématiquement à un counseling pré et post test VIH. Parmi ceux qui ont déjà fait le
counseling pré test et dont le test biologique du VIH nous est revenu positif nous avons
sélectionné celle dont l’irrégularité était la plus patente trois RDV absent sur quatre
programmés, et dont le risque d’abandon était le plus élevé. Pour notre étude, nous avons utilisé
la méthode d’étude cas clinique avec résumé des entretiens de chaque séance avec la patiente.
Nous avons eu quatre (4) séances avec la patiente (voir annexe 1). Les données ont été traitées

13
Green (A) (1990) : Le complexe de castration, Vendôme, PUF. P. 3
Herzlich (c), (1969) : SANTE ET MALADIE, Analyse d’une représentation sociale, Paris, éditions de l’école de
14

Haute études en sciences sociales. P. 20

5
à partir d’une approche d’inspiration psychanalytique et les entretiens à partir de l’analyse de
contenu thématique.
Outre l’étude de cas, nous avons aussi utilisé le test projectif de rorschach (voir Protocole de
Passation annexe 2) traité à partir de l’analyse formelle ou quantitative (voir psychogramme
annexe 3) et de l’analyse dynamique ou qualitative (analyse planche par planche voir annexe
4). Ce test nous a permis de mettre en évidence le type d’angoisse et le fonctionnement de la
personnalité et la psychopathologie de la patiente. Cette séance s’est faite en marge des quatre
(4) autres séances. Au total c’est cinq séances que nous avons eu avec la patiente la cinquième
étant celle de la passation du test de rorschach.
Résultats
Des résumés de nos entretiens durant les séances, on note que le vécu clinique de notre
patiente est dominé par : un sentiment de dépersonnalisation, de persécution et une angoisse
de castration et de mort.
L’analyse formelle ou quantitative à partir du psychogramme montre chez notre patiente :
- une forte tendance hâtive à l’interprétation, - la pauvreté de l’imagination, - la rigidité de la
pensée, - une attitude défensive, - une absence de curiosité, - un refoulement, - des projections
parfois délirantes, - un repli dans l’imaginaire, - une personne vulnérable, - une faible capacité
d’adaptation, - une inaptitude à manier les symboles.
De l’analyse dynamique ou qualitative on note : une humeur dépressive, des signes d’une
angoisse de castration, une tendance à la régression, une angoisse de morcellement ou
d’éclatement.
Discussion
Depuis l’annonce de son statut positif au VIH/sida, MMA vit son corps dans une atmosphère
d’étrangeté. On note chez elle un sentiment de dépersonnalisation : elle « à l’impression
d’avoir deux visages comme si elle avait un masque… » . « Son corps est bizarre… », elle a
une « figure qui ressemble à un enfant de quinze (15) ans alors qu’elle a vingt-deux (22) ans.
Un sentiment de persécution, elle n’a pas un bon nom, on « l’a donné un nom de la
sorcellerie », elle s’appelle « MBUMBA » qui signifie en langue PUNU (son ethnie) « serpent
». Une prophétesse d’une église de réveille, l’aurait dit qu’elle était sorcière et qu’elle avait un
serpent dans le ventre et c’est ce serpent qui lui ‘’mange les fœtus’’ quand elle est enceinte ; un
pasteur lui aurait dit à son tour que c’est un homme, un sorcier qui lui a rendu comme ça. Une
angoisse de castration qui se manifeste à travers les rêves «deux femmes qui se discutaient
pour entrer dans son corps » pendant qu’elle dormait. Une angoisse de mort qui s’observe dans
sa croyance morbide au propos d’un nouveau initié au Bwiti (rite mystico-spirituel

6
traditionnelle), qui lui aurait dit : « qu’elle devait consulter rapidement un ‘’NGANGA’’ pour
qu’il lui dise ce dont elle souffre et ce qu’elle doit faire pour se soigner. Si elle ne le faisait pas
dans les brefs délais elle risque de mourir ». Dépersonnalisation, sentiment de persécution,
angoisse de castration et de mort, voilà bien le vécu psychologique de MMA depuis l’annonce
de son statut positif VIH.
Pour mieux cerné sa personnalité nous avons utilisé l’approche de la Psychologie Clinique et
Projective. Le test de Rorschach a été l’outil qui nous a paru le mieux indiqué pour cette
évaluation.
Ainsi, après les deux premières séances et afin de mieux comprendre la dynamique de la
personnalité de MMA et de mieux orienté la psychothérapie qui convient à son cas, nous lui
avons fait passer le test de Rorschach. Le protocole, l’analyse et l’interprétation sont présentés
en annexe. Ce protocole présente une très grande pauvreté des interprétations, 7 réponses
seulement en 7 minutes. Cette pauvreté montre une forte tendance hâtive à l’interprétation
que le temps moyens de réactions (16 secondes) par planche vient le confirmer. Cette tendance
contraste avec la pauvreté de l’imagination au regard du nombre de réponses et des refus (trois
planches non interprétés). On peut ajouter à cela, la rigidité de la pensée que confirme le type
d’appréhension et la succession générale (rigide). Par ailleurs, le nombre des réponses G
majoritaires (71,42%), montre une attitude défensive, une absence de curiosité et un
refoulement. Avec Chabert15, en tenant compte des entretiens déjà eu avec la patiente, nous
retenons deux problématiques que soulèvent la présence majoritaire des G chez MMA : le
problème de l’image du corps et celui de la recherche d’une image de soi.
Selon Chabert16 les D associé à des F- ou à des déterminants sensoriels, marquent un lieu
d’expression projective. Mais ils peuvent aussi marquer un repli dans l’imaginaire, des
interprétations, des projections parfois délirantes lorsqu’ils sont associés à un déterminant
kinesthésique (K) comme c’est le cas chez MMA. Aussi, la formule secondaire de MMA
introversif pur nous amène à dire qu’il y a chez notre patiente un repli dans l’imaginaire,
d’autant plus que son type de résonnance intime, coarté pur, traduit une personne vulnérable
avec une faible capacité d’adaptation à une situation et une inaptitude à manier les symboles
associés au blocage.
De l’analyse dynamique du test, nous retiendrons une psychorigidité, une fausseté du
jugement avec tendance à l’interprétation de tous ce qu’elle vie. Des idées délirantes et le
recours à des explications pseudo-logiques, souvent mystico-spirituelles « des femmes qui

15
Catherine Chabert (1997) : Le Rorschach en clinique adulte, Paris, Dunod,
16
Catherine Chabert (1997) : Le Rorschach en clinique adulte, Paris, Dunod,

7
veulent entrer dans son corps, un serpent qui lui mange les enfants dans le ventre et qui est à
l’origine de sa séparation avec son fiancé, on lui a donné un nom de la sorcellerie, etc. ». Cette
analyse nous amène à dire que nous avons affaires à une personnalité paranoïaque.
Les éléments de l’analyse qualitative nous font craindre une évolution vers une pathologie
franche. Le sentiment de persécution est clairement établit et apparaît dans l’ensemble du
discours de MMA et dans son refus d’interprété les planches IV, VI, IX. Ces planches qui
traduisent chacune, pour la planche IV, la mise à l’épreuve de l’image de soi face à l’autorité,
dans le cas de MMA son image dans la société et sa capacité à faire face à la discrimination, la
stigmatisation et le rejet que vie les personnes atteints de la tuberculose et du VIH/Sida ; pour
la planche VI, la bisexualité et pose le problème de l’homosexualité à la base de la paranoïa
selon Freud17. MMA nous dit qu’une « femme veut entrer dans son corps ». Et pour la planche
IX enfin, la régression associé au fantasme de grossesse et de naissance « elle a un serpent dans
le ventre qui lui mange les enfants chaque fois qu’elle est enceinte».
MMA est en train d’évoluer vers une Psychose Paranoïaque avec un délire d’interprétation de
sérieux ou un délire sensitif.
Conclusion
Le ‘’MBUMBA YIYANO’’, serpent mystique est le persécuteur de Mlle MMA et en même
temps son castrateur, donc celui à l’origine de l’angoisse de castration. Selon la tradition
gabonaise ou se rite est pratiqué comme le définit Laurent OWONDO (2019) dans son ouvrage
« au bout du silence », le « Mbumba-yiyano, c’est le culte du conjoint invisible, culte du génie
intérieur à la personne, du génie de la naissance. Ce culte ne nécessite aucune initiation, ni
aucune manducation de l’iboga. C’est le culte qui est relaté dans Au bout du silence de Laurent
Owondo. Le Mbumba-yiyano “désigne avant tout le fond du caractère, la nature profonde, ce
qui vient à la naissance, puis, par-delà, une sorte d’esprit tutélaire, inspirateur du moi et de- la
conscience, qui se manifeste avec l’individu et disparaît avec lui” (Fromaget, 1986:107) »18.
C’est donc le double spirituel de la personne qui vit avec elle depuis sa naissance et ce jusqu’à
sa mort. Si vous n’êtes pas en harmonie avec ce dernier, vous courez des graves risques, y
compris la mort. MMA est donc persécuté par son double esprit qui cherche à la castrer voir la
faire mourir pour n’avoir pas respecter certains interdits. Il faut donc pour cela, que l’on remette
l’harmonie entre la personne et son Mbumba-yiyano et cela au moyen d’un rite bien connu des
maitres initiateurs gabonais. Une fois le rituel fait, il semblerait selon les initiés que la personne

17
Sigmund Freud, Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa (dementia
paranoïdes). Le président Schreber, 1911, G. W. VIII, dans Cinq psychanalyses, , Paris, PUF, 20 e édition, 1997,
18
http://briska.unblog.fr/2019/06/16/au-bout-du-silence-le-silence/

8
verra sa situation socio-économique s’améliorer, certaines maladies qui lui semblaient
incurables être guéri, elle pourra enfin enfanter et retrouver son équilibre psychique. Le
Mbumba-yiyano est vécu par notre patiente comme l’origine de l’angoisse, pouvant prendre
la forme de castrateur donc de l’angoisse de castration, de mort, dans l’angoisse de
morcellement ou de perte d’objet dans l’angoisse des états limites. C’est donc le Mbumba-
yiyano qui génère tous les troubles psychopathologiques et de la personnalité de notre sujet.

Références bibliographiques
U.D. Kombila, L.D. Ibinga c, D. Mounguengui, C. Manomba Boulingui, J.B. Boguikouma
(2021) : Profil épidémiologique et évolutif de la tuberculose sous l’influence de l’infection par
le VIH dans un centre de prise en charge ambulatoire au Gabon, Paris, Elsevier Masson.
Olivier Collinet (2019) : Facteurs associés à une mauvaise observance thérapeutique chez les
patients vivant avec le VIH à l’hôpital Albert Schweitzer au Gabon Thèse pour l’obtention du
diplôme d’état de Docteur en médecine, Présentée et soutenue publiquement Le 21/11/2019
Voisin (c) : Tuberculose : Parcours Imagé, Tome II, Paris, Haut de France, 1995, P. 117-120
Jaffré (Y) Sardan(o), (1999) : La construction sociale des maladies, Paris, PUF. P.58
Delay (J) et Pichot (P) (1990): Abrégé de psychologie, Paris, Masson, P.427
Haack (J) et Ungvarski, (J) (1994) : HIV/SIDA, Le guide de l’équipe soignante, Paris, Bayard,
P.290
Diallo (AB) et al (2004) : Lutte contre la tuberculose, vue du « terrain » in médecine Tropicale,
Marseille P.70-71
Jaffré (Y) Sardan(o), (2003) : Une médecine inhospitalière, Paris, Karthala. P.11
Klein, (M), (1975) : Psychanalyse des enfants, Vendôme, PUF, P. 139.
Piéron (H) (1994) : Vocabulaire de la psychologie, Paris, PUF, P. 86
Marthe (R), (1972) : La révolution psychanalytique, la vie et l’œuvre de Freud, Paris, Payot,
P.53
Green (A) (1990) : Le complexe de castration, Vendôme, PUF. P. 3
Herzlich (c), (1969) : SANTE ET MALADIE, Analyse d’une représentation sociale, Paris,
éditions de l’école de Haute études en sciences sociales. P. 20
Catherine Chabert (1997) : Le Rorschach en clinique adulte, Paris, Dunod,
Sigmund Freud, Remarques psychanalytiques sur l’autobiographie d’un cas de paranoïa
(dementia paranoïdes). Le président Schreber, 1911, G. W. VIII, dans Cinq psychanalyses,
Paris, PUF, 20e édition, 1997,
http://briska.unblog.fr/2019/06/16/au-bout-du-silence-le-silence/

9
Muchielli (R) (1974) : L’analyse de contenu des documents et des communications entreprises
modernes, Paris, ESF.
Annexes

Annexe 1 : Présentation du cas et résumés des séances

Mademoiselle MMA est fiancé et vie avec son concubin. Elle n’a pas d’enfant et est âgée de 20
ans. Elle est orientée au service social antituberculeux de l’hôpital spécialisé de Nkembo pour
un counseling pré test d’un examen du VIH/Sida. En effet, suite aux résultats de ses examens
médicaux, notamment l’examen de la radio pulmonaire et des crachats (bacilloscopie) on a
retrouvé la présence du microbe de la tuberculose dans ses crachats (le bacille de Koch (BK))
et la radio a montré un syndrome broncho-pulmonaire. De ce fait elle est donc déclaré
tuberculeuse. Selon les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), tout
malade tuberculeux doit obligatoirement faire un test de VIH/Sida. Les résultats du test de Mlle
MMA se sont révélés positifs. Elle est donc porteuse du virus du VIH/Sida et co-infecté
TB/VIH.

Elle est la sixième d’une fratrie de dix (10) enfants. Elle a arrêté ses études à l’âge de dix (18)
ans en classe de sixième avec pour diplôme le Certificat d’Etude Primaire (CEP).

Elle dit n’avoir pas de problème avec les autres membres de la famille, elle a grandi auprès de
son père et de sa mère avant de venir à Libreville pour poursuivre ses études, après l’obtention
du concours d’entrée en sixième. Elle décrit sa maman comme une femme calme et travailleuse,
car elle a beaucoup de plantation et son papa comme un homme négligeant qui ne s’intéresse
pas trop à l’avenir des enfants. Il passe son temps dans les champs, la chasse et le vin. Elle dit
que ses grandes sœurs et ses grands frères n’ont pas beaucoup avancé dans les études, les
femmes pour certaines vivent chez des concubins et les hommes font des bricoles pour survivre.

1ere séance : le 16 avril 2022

Au cours de cette première séance de suivi psychologique MMA nous dit que son visage est
plus petit que son âge, qu’elle a une petite figure ; une figure qui ressemble à un enfant de
quinze (15) ans alors qu’elle a vingt-deux (22) ans. Cela lui gène beaucoup. Elle a l’impression
d’avoir deux visages comme si elle avait un masque. Son corps est bizarre, par le bas elle
ressemble à une grande femme mais sa figure elle, ressemble à un enfant, ou plutôt à une
adolescente. Elle n’a pas un bon nom, on l’a donné un nom de la sorcellerie. Elle s’appelle
‘’MBOUMBA’’ un nom de l’ethnie PUNU, qui signifie en français serpent mystique et rituel

10
initiatique (MBUMBA-YIYANO). Ses paumes sont comme la peau du serpent, elle change après
un certain temps, comme si elle faisait la mue.

Elle dit avoir rencontré des hommes d’églises qui lui ont fait des révélations sur sa vie et sur
son corps : une prophétesse d’une église de réveille, qui lui a dit qu’elle était sorcière et qu’elle
avait un serpent dans le ventre ; un pasteur qui lui aurait dit à son tour que c’est un homme, un
sorcier qui lui a rendu comme ça.

2eme séance : le 20 avril 2022

Pendant cette séance MMA nous révèle qu’elle rêve souvent d’une personne (un homme en
particulier) dont elle voit le bas mais pas la tête. Elle nous raconte que la nuit de la veille elle a
rêvé de deux femmes qui se discutaient pour entrer dans son corps, mais l’une des femmes disait
qu’elle n’arrive pas parce que MMA bouge trop. Chaque fois qu’elle plongeait pour entrer dans
le corps de MMA celle-ci changeait de côté. Ce qui faisait que cette femme n’arrivait pas à
entrer dans son corps. Elle nous dit qu’après avoir parlé de ce rêve avec l’une de ses grandes
sœurs celle-ci lui a dit qu’elle aussi a déjà eu à faire le même rêve.

3eme séance : le 27 avril 2022

MMA nous raconte qu’elle a assisté à une veiller d’initiation. Au cours de cette veillée, un des
initiés l’aurait appelé pour lui dire qu’elle est gravement malade. Qu’elle devait consulter
rapidement un ‘’NGANGA’’ (médecin traditionnel et voyant) pour qu’il lui dise ce dont elle
souffre et ce qu’elle doit faire pour se soigner. Si elle ne le faisait pas dans les brefs délais elle
risque de mourir. Mais elle dit avoir l’impression que l’initié avait vu des choses sur elle pendant
son voyage mystique mais qu’il ne voulait pas lui dire ce qu’il avait vu parce qu’il était devant
les gens et qu’il fallait qu’elle s’approche de lui en privé pour qu’il lui dise ce qu’il a vu sur elle
ce qu’elle doit faire pour se soigner et guérir. Mais elle n’a pas pu le voir.

4eme séance : le 2 mai 2022

Elle dit avoir peur de faire des enfants. Mais pourtant elle veut en faire. Elle dit ressentir quelque
chose qui bouge dans son ventre comme un ver. Elle pense que chaque fois qu’elle a un retard
ce ver lui mange les enfants, c’est pourquoi elle n’arrive pas à porter une grossesse jusqu'à
terme et à enfanter. Aussi, elle a remarqué que lorsqu’elle trouve un travail il y a toujours
quelques choses qui se passent pour qu’on la renvoie. Elle a déjà même des problèmes avec son
fiancé. Il est allé jusqu'à la mettre dehors pour un problème bête. Parce qu’elle a refusé de
manger la nourriture que la voisine qui fait leur propriétaire l’a envoyé. Or ce que la voisine a

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cuisiné ne lui plait pas et elle n’aime pas mange ça. Elle pense que ça doit être le ‘’MBUMBA’’
qui fait ça pour la séparer de son fiancé. Elle termine en disant que ce nom lui porte malchance
et s’il n’est pas possible qu’elle change de nom.

Annexe 2 : Protocole de Passation

Nom : MMA Date de passation : le 25 avril 2022


Age : 20 ans Heure de début : 11h15
Réponses Enquêtes M.A. D C
20’’PL I
Ah ! une chauve-souris Le corps ici, là les ailes. G F+ Aban
35’’
10’'PL II
On dirait deux chiens Les deux chiens sont là. G F+ A
20’’
8’’PL III
Deux personnes Voilà une personne ici l’autre là. G F+ H
18’’
9’’ PL IV
Je n’arrive pas à identifié Ça ne me dit rien (refus).
16’’
8’’PL V
Un oiseau qui vole C’est un oiseau qui vole. G Kan A
18’’
V 9’'PL VI
Je n’arrive pas à identifier Ça ne me dit rien (refus).
21’’
14’’PL VII
C’est deux visages qui se regardent Les deux visages ici. D Kp Hd
35’’
13’'PL VIII
Deux animaux qui grimpent sur un L’arbre, les deux animaux. G Kan A
arbre
23’’
V 12’’PL IX
Non, je ne vois pas à quoi ça ressemble Non (refus).
33’’
V 13’’PL X
Je vois un arbre Ici, les fleurs, là l’arbre. D F- Bot
23’’
Heure de fin : 11h 22mn
Choix + : Planche III et Planche II parce que j’aime les humains pour la planche III et les
chiens pour la planche II.
Choix - : Planche I parce que je n’aime pas les chauves-souris et la Planche VII par ce qu’elle
est horrible à voir.

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Annexe 3 : Analyse formel ou quantitative : PSYCHOGRAMME

Mode d’appréhension

Total des interprétations R= 7 G = 5 soit 71,42%


Temps total : 7 mn D = 2 soit 28,58%
Temps moyens de réaction : 16’’

Déterminants des interprétations

F+ = 3 F+% = 42, 85% Kp = 1


F- = 1 F-% = 14, 28% Kan =2

Total F = 4

Contenu des interprétations


A=4 A% = 57,14%

H=2 H% =28, 57 %

Ban = 1 soit 14, 28% Bot = 1

Type d’appréhension : G D Succession Générale : Rigide

Type de résonnance intime : Ok/OC / Coarté pur


Formule secondaire : 3K/OE / Introversif pur

Phénomènes particulier : refus des planches IV, VI, IX.

Annexe 4 : Analyse dynamique ou qualitative (interprétation planche par planche)


Planche 1 : cette première planche a été perçue de façon globale par le sujet. Une seule réponse
a été donné associé à un déterminant de bonne forme (F+) et le contenue animal (« une chauve-
souris »).
En évoquant un contenu animal à cette planche, MMA utilise la projection comme mécanisme
de défense pour lutter contre le sentiment de dévalorisation de soi. Le fait que cette planche
figure parmi les planches non aimées (choix négatif) confirme cette hypothèse. Par ailleurs, on
note un manque d’imagination du sujet et un certain conformisme qui traduit une certaine
passivité propre à l’humeur dépressive.
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Planche 2 : elle est appréhendée globalement associée à un déterminant de bonne forme (F+).
Selon Mucchuelli19 c’est une planche bisexuée où sont associées des relations fusionnelles,
symbiotiques ou destructives. C’est aussi la planche où la problématique de la castration
apparait.
Planche 3 : celle-ci a été perçue globalement associée à un déterminant de bonne forme. De
plus elle fait partie de l’une des planches préférées. Ce qui montre comme l’indique la
signification symbolique de la planche, un problème de représentation de soi face à l’autre.
Etant une planche de la bisexualité, on peut noter chez MMA que ce problème se pose mais que
celle-ci le refoule.
Planche 5 : planche dite de l’identité et de la représentation de soi, elle a été saisie globalement
associée à un contenue animal en mouvement. Ce qui montre combien de fois MMA est sensible
au problème de l’identité et de la représentation de soi. Cette planche qui fait aussi appel au
sentiment d’intégrité nous amène à penser que le sujet tente de reconstituer l’image de son
corps.
Planche 7 : une seule réponse a été donnée avec un contenue en mouvement (« deux visage qui
se regardent »). Perçue partiellement avec un grand détaille cette planche nettement féminine
et /ou maternelle permet au sujet de se situé par apport à un model féminin. Ce qui n’a pas été
le cas pour MMA. Le contenu (Hd) laisse entrevoir une idée de fragilité de barrière dedans
dehors qui traduit la crainte d’une désintégration corporelle, signe d’une angoisse de castration.
Au niveau de l’image de soi, MMA n’arrive pas à se situer face à l’imago maternelle, car la
planche est perçue sans plus de précision (« deux visages qui se regardent »)
Planche 8 : première planche pastel, elle est la planche de contact avec le monde extérieure
mais aussi favorise la régression. Perçue globalement avec un contenue animal en mouvement
(« deux animaux qui grimpent sur un arbre »), MMA évite le traitement des couleurs. On peut
donc dire qu’il y a une tendance à la régression chez MMA.
Planche 10 : dernière planche interprété par MMA, elle a été perçue partiellement avec un
déterminant de mauvaise forme. Planche de l’individuation et de la séparation, MMA refuse
cette individuation et cette séparation à travers le refus de la régression qui se matérialise par
un déterminant de mauvaise forme (F-), car celle-ci évoque certainement une angoisse de
morcellement ou d’éclatement.

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Muchielli (R) (1974) : L’analyse de contenu des documents et des communications entreprises modernes, Paris,
ESF.

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