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L’
infection par le VIH, véritable fléau du XXIe siècle, est un problème
André Loua1,2
croissant de santé publique, mais aussi de société [1]. Avec un
Cécé Dominique Dramou2 taux de prévalence de l’infection de 0,7 à 1,8 % dans la popula-
Nyankoye Yves Haba1,2 tion générale en 2009, pouvant atteindre 2,5 % chez les femmes
Fodé Bangaly enceintes, l’épidémie du VIH en Guinée est de type généralisé [2].
Magassouba2 Selon les estimations de l’ONUSIDA et de l’OMS en juillet 2009, en Guinée, envi-
Mathieu Lamah2 ron 80 000 personnes vivent avec le VIH ; les nouvelles infections et les décès dus
au sida représenteraient 7 400 et 3 700 respectivement ; le nombre d’orphelins
Abdoulaye Camara2,3 serait de 30 000 et l’effectif des femmes enceintes ayant besoin du programme
Mohamed Cissé4 de prévention de la transmission du VIH (PTME) de la mère à l’enfant est estimé
Kovana Marcel Loua2,5 à 5 400. Le nombre de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ayant besoin du
Émile Pé Gamy2,5 traitement antirétroviral est évalué à 21 400 parmi lesquels 2 400 enfants [3].
Le VIH (rétrovirus) provoque une détérioration lente et progressive du système
Xavier Troussard6 immunitaire de l’hôte. Les anomalies hématologiques surviennent chez presque
tous les patients en cours d’évolution. Elles sont la résultante des conséquences
1 Centre national de transfusion
de l’immunodéficience et/ou de la dysrégulation du système immunitaire, des
sanguine, BP 2737, Conakry
2 Département de pharmacie, complications des infections, bactériennes, virales ou fongiques, des effets secon-
Université de Conakry daires des traitements multiples et du rôle direct du virus sur certains progéniteurs
<loua.andre@yahoo.fr> hématopoïétiques et les cellules stromales [4, 5]. Cependant, l’infection des progé-
3 Laboratoire central de biologie
niteurs médullaires in vitro a rarement été démontrée avec certitude en dehors des
médicale, Hôpital national Ignace-Deen, mégacaryocytes et des cellules stromales (macrophages/monocytes, fibroblastes,
Conakry
4 Service de cellules endothéliales).
dermatologie-vénérologie-IST, Actuellement, en Guinée, l’accès aux antirétroviraux et le suivi biologique sont
Hôpital national Donka, Conakry décentralisés et accessibles à un plus grand nombre de personnes vivant avec le
5 Institut national de santé publique,
VIH.
Conakry, Guinée
6 Laboratoire d’hématologie,
L’objectif de cette étude est d’apprécier les modifications hématologiques qui sur-
CHU Côte de Nacre, viennent au cours de l’évolution de l’infection à VIH chez les patients, de décrire les
Caen, France anomalies hématologiques observées au niveau des différentes lignées cellulaires,
et de les corréler au profil immunologique des patients infectés.
Matériels et méthodes
Cette étude rétrospective de type descriptif a été menée de janvier 2008 à
doi:10.1684/hma.2011.0630
Pour citer cet article : Loua A, Dramou CD, Haba NY, Magassouba FB, Lamah M, Camara A, Cissé M, Loua KM, Gamy EP, Troussard X. Profil hématologique
des patients infectés par le VIH à Conakry. Hématologie 2011 ; 17 (5) : 365-9 doi:10.1684/hma.2011.0630
l’hémogramme et la numération des lymphocytes CD4 et réaliser localement la charge virale pour les patients infectés
CD8, et patients recevant un traitement antirétroviral. Les cri- par le VIH.
tères d’exclusion étaient les patients non observant et ceux
n’ayant pas répondu aux différents contrôles pour la sur-
veillance thérapeutique. Un groupe de population constitué Résultats
de patients VIH négatif (VIH-) et hospitalisés pour d’autres
maladies a été utilisé à des fins de comparaison. Sur les 1 031 patients inclus dans l’étude, 835 étaient VIH+
Les patients infectés par le VIH étaient classés selon le système avec un âge médian de 40 ans, et 196 VIH- avec un âge
de classification CDC de l’infection à VIH [6]. médian de 45 ans.
Les hémogrammes ont été réalisés au laboratoire Parmi les patients infectés par le VIH, 282 (33,8 %) étaient de
d’hématologie de l’INSP à l’aide d’un automate de sexe masculin et 553 (66,2 %) de sexe féminin, soit un sex-
type Sysmex XT2000i de Abbott Diagnostic. L’étude qua- ratio H/F de 0,51. Le tableau 1 représente les principales
litative a été réalisée à partir d’un frottis de sang coloré professions des PVVIH, les commerçants et les ménagères
par la méthode de May Grünwald Giemsa (MGG). Les étant les plus touchés.
phénotypages lymphocytaires au laboratoire d’immunologie Le VIH 1 a été identifié dans 823 cas (98,6 %) contre 7 cas
dudit institut ont été réalisés avec un automate de type de VIH 2 (0,8 %) et 5 cas de co-infections VIH 1+2 (0,6 %).
FACScount de Becton-Dickinson. Pour les patients VIH-, 115 (58,7 %) étaient de sexe féminin
En conformité avec les valeurs de référence de l’INSP, et 81 (41,3 %) de sexe masculin, soit un sex-ratio H/F de
les hémogrammes ont permis de définir : l’anémie pour 0,7.
un taux d’hémoglobine inférieur à 11 g/dL, quelles que La répartition des patients vivant avec le VIH aux différents
soient les valeurs du volume globulaire moyen (VGM) ou stades de l’évolution de la maladie était la suivante : 50 (6 %)
de la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine au stade 1, 197 (23,6 %) au stade 2, 521 (62,4 %) et 67
(CCMH) ; la leucopénie et la leucocytose des valeurs respec- (8 %) au stade 4.
tives de globules blancs inférieure à 4 000/L et supérieure Les valeurs moyennes des paramètres de laboratoire des
à 9 000/L ; la neutropénie et la neutrophilie pour des patients infectés par le VIH comparées à celles des patients
valeurs respectives de polynucléaires neutrophiles inférieures VIH négatif sont présentées dans le tableau 2 .
à 1 400/L et supérieures à 6 500/L ; l’éosinophilie Les globules blancs, les granulocytes neutrophiles et éosino-
pour une valeur de polynucléaires éosinophiles supérieure philes avaient en moyenne des valeurs plus basses chez les
à 500/L ; la monocytose pour une valeur supérieure à PVVIH que chez les patients VIH, contrairement à la valeur
600/L ; la lymphopénie et la lymphocytose pour des valeurs moyenne de l’hématocrite.
respectives de lymphocytes inférieures à 1 200/L et supé- Le profil hématologique des PVVIH comparé à celui des
rieures à 3 400/L ; la thrombopénie et la thrombocytose patients VIH- est présenté dans le tableau 3.
pour des valeurs respectives de plaquettes inférieures à Au niveau des différentes lignées cellulaires, on observe que
15 0000/mm3 et supérieures à 35 0000/L. les PVVIH avaient une leucopénie et une neutropénie plus
L’immunodéficience a été définie comme la diminution du marquée, tandis que les patients VIH présentaient une leuco-
taux des lymphocytes CD4 en dessous de 355 cellules/L. cytose, une neutrophilie et une thrombocytose.
Elle a été considérée comme sévère pour les taux de lympho-
cytes T CD4 < 200 cellules/L.
La collecte des données s’est effectuée grâce à une fiche Tableau 1
Répartition des 835 patients VIH+ selon les principales catégories
d’enquête élaborée à cet effet. Elle s’intéressait aux rensei- socioprofessionnelles.
gnements généraux, aux stades de la maladie et aux signes
Principales catégories N %
associés, aux examens hématologiques et immunologiques,
socioprofessionnelles
aux régimes de traitements antirétroviraux, etc. La saisie et
l’analyse des données ont été faites à l’aide du logiciel EPI Commerçants 265 31,7
info 6.0 version et Excel 2003. Ménagères 197 23,6
La comparaison des proportions observées chez les patients Ouvriers 141 16,9
VIH+ et VIH- a été faite par le test de 2 de Pearson Fonctionnaires 120 14,4
avec correction de Yates pour les valeurs théoriques < 5.
La comparaison des moyennes a été faite par le test du Élèves/Étudiants 71 8,5
t-Student pour échantillons indépendants. Le seuil de signi- Agents de sécurité 31 3,7
fication retenu pour tous les tests statistiques a été de 5 %. Cultivateurs 10 1,2
Les limites de l’étude étaient la non-disponibilité du phénoty- Total 835 100
page lymphocytaire pour les patients VIH- et l’impossibilité de
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Tableau 2
Valeurs moyennes des paramètres de laboratoire des PVVIH et des patients VIH-.
Tableau 3
Principales anomalies hématologiques observées chez les PVVIH et les patients VIH-.
N Cas N Cas
Anémie 832 454 54,6 196 97 49,5 NS
Leucopénie 813 173 21,3 196 8 4,1 S
Neutropénie 809 123 15,2 196 2 1,0 S
Lymphopénie 791 119 15,0 193 21 10,9 NS
Thrombopénie 480 51 10,6 80 13 16,2 NS
Lymphocytes CD4 < 355/L 830 537 64,7 - - -
Lymphocytes CD4 < 200/L 830 130 15,7 - - -
Rapport CD4/CD8 < 0,9 293 258 88,0 - - -
Leucocytose 813 65 8,0 196 54 27,7 S
Neutrophilie 809 33 4,1 196 45 22,9 S
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