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Faculté de Médecine de Marseille

Les infections nosocomiales (91)


Michel Drancourt , François Gouin
Février 2006

1. Généralités

1.1. Définitions
Les infections nosocomiales (IN) sont les maladies infectieuses dues (par ordre de fréquence
décroissante) à des bactéries, des virus, des levures et des ectoparasites et des agents
transmissibles non-conventionnels (prions) contractées par les patients et éventuellement le
personnel soignant au cours du séjour hospitalier.
Le critère de délai d’hospitalisation > 48 heures souvent retenu pour la définition des infections
nosocomiales est peu fonctionnel en pratique, en effet certaines infections peuvent être en
incubation au moment de l’hospitalisation et doivent bien sûr être exclues du cadre des IN. La
démonstration d’une source hospitalière pour une infection est nécessaire et suffisante pour
caractériser cette infection comme nosocomiale.
Les conséquences individuelles et collectives des infections nosocomiales englobent la mortalité
et la co-morbidité, l’allongement de la durée du séjour hospitalier et un surcout lié au diagnostic
et au traitement de ces infections.
Il faut bien distinguer le caractère nosocomial du caractère iatrogène voire du caractère fautif des
infections contractées lors du séjour hospitalier. Les infections nosocomiales englobent les
infections nosocomiales iatrogènes et les infections nosocomiales fautives mais ne s’y résument
pas.
Dans un établissement de soins, les infections nosocomiales contractées par le personnel
soignant relèvent de la compétence des Services de Médecine du Travail, les infections
nosocomiales contractées par les patients relèvent de celles du Comité de Lutte contre les
Infections Nosocomiales (CLIN).

1.2. Epidémiologie des infections nosocomiales


1.2.1. Outils et méthodes
La mesure du nombre des infections nosocomiales dans un établissement est réalisée par le
recueil des informations à partir des services cliniques ou à partir des laboratoires de
bactériologie, virologie et mycologie ou à partir des deux sources simultanément. Ce recueil est
standardisé sous forme de fiche de recueil permettant d’assurer que seules les infections
nosocomiales respectant des définitions précises sont enregistrées. Le recueil peut être
intermittent ou cours d’une surveillance en prévalence ou quotidien au cours d’une surveillance
en incidence. Le recueil en incidence est essentiellement utilisé dans les services les plus à
risque d’IN, en particulier dans les services de réanimation et soins intensifs. Le recueil en
prévalence peut être réalisé au cours d’enquêtes menées dans plusieurs établissements de soins
simultanément, comme lors de l’enquête nationale de prévalence des IN réalisée en 1996 et en
2001. Ces deux enquêtes constituent les deux sources de données officielles en France sur les IN.
Le nombre des infections nosocomiales recueilli en numérateur peut être rapporté à un
dénominateur pour produire un taux de prévalence ou un taux d’incidence d’infection
nosocomiales. Le choix du dénominateur est délicat, le dénominateur idéal est la mesure du taux
d’exposition au facteur de risque lorsque celui-ci est connu : par exemple, division du nombre
d’infections urinaires nosocomiales par le nombre de jours de sondage urinaire pour mesurer la
densité d’infections urinaires nosocomiales, rapportée à 1.000 jours de sondage. Seuls les
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densités d’IN sont comparables entre elles, dans un même service au cours du temps ou entre
différents services, les autres taux ne sont pas comparables entre eux.

1.2.2. Les modalités épidémiologiques


Les IN peuvent se présenter sous forme de cas isolés, sans relation évidente entre eux ; sous
formes épidémique de cas groupés lors d’épidémies pour lesquels il faudra rechercher une
exposition commune à une source commune ; sous forme endémique de cas qui apparaissent en
continu dans le temps. La reconnaissance des ces modalités épidémiologiques n’est possible que
si un recueil des IN en prévalence ou en incidence a été mis en place dans l’établissement de
soins. Une épidémie d’IN est toujours « anormale » et doit toujours faire rechercher une source
spécifique ou une anomalie spécifique dans l’hygiène des soins lors d’une investigation.
L’investigation d’une épidémie d’IN comporte deux temps, la réalisation d’une enquête cas-
contrôles dans un premier temps qui a pour fonction de déterminer la ou les sources probables de
l’épidémie puis une investigation microbiologique dans un deuxième temps, qui a pour fonction
de confirmer l’hypothèse issue de l’enquête cas-contrôles. L’enquête cas-contrôle consiste, après
définition rigoureuse des cas et des non-cas (contrôles), à tester l’existence de différences
significatives entre ces deux groupes sur des items choisis en fonction de la nature de l’épidémie
à investiguer. En général, deux ou trois patients contrôles sont appariés par patient-cas. Les items
sont choisis pour tester des hypothèses de source d’IN. Par exemple, l’investigation d’une
épidémie d’IN de site opératoire à Staphylococcus aureus dans un service de chirurgie, l’enquête
cas-contrôles comparera l’exposition des patients infectés (cas) et des patients non-infectés
hospitalisés dans le même service pendant la même période de temps (contrôles) à des sources
possibles de Staphylococcus aureus, c’est à dire des membres du personnel de bloc ou de salle
d’hospitalisation. Dans un autre exemple d’une épidémie de légionellose nosocomiale, c’est
l’exposition à des sources d’eau (points d’usage, machines à glace, baignoires, points de rinçage
de l’instrumentation) qui sera testée entre les patients infectés (cas) et les patients non-infectés
hospitalisés dans le même service dans la même période de temps afin de recherche quel point
d’eau est significativement associé au cas et non pas aux contrôles. Suite à l’enquête cas-contrôle
qui est le temps le plus important de l’investigation d’une épidémie, des prélèvements
microbiologiques seront réalisés sur la source désignée par l’enquête cas-contrôles afin de
confirmer la présence du micro-organisme responsable et permettre éventuellement sa
comparaison avec les isolats réalisés chez les patients afin de confirmer le caractère clonal qui
signera définitivement la source.

1.2.3. Les données épidémiologiques


Le taux de patients infectés était de 6,7% et le taux d’infection était de 7,6% lors de l’enquête
nationale de prévalence en 1996. Certains patients présentent donc plusieurs infections
nosocomiales simultanément. Quant à la répartition des sites d’IN, les IN urinaires représentaient
36% de toutes les IN, les pneumonies 13%, les infections de site opératoire 11% et les
bactériémies, 6%. Quant à la répartition des bactéries responsables, Escherichia coli représentait
35%, Enterococcus spp. 11%, Enterobacter-Klebsiella 10%, Proteus spp. 9%, Pseudomonas
aeruginosa 9%, Staphylococcus aureus 7% et les levures 6%.

1.2.4. Données microbiologiques


Il est possible de distinguer deux types de micro-organismes responsables d’infections
nosocomiales, celles qui sont dues à des pathogènes obligatoires c’est à dire dont la rencontre
avec l’homme provoque toujours une maladie infectieuse et qui ont développé des moyens de
franchissement de la peau ou de nos muqueuses ; et les pathogènes opportunistes hospitaliers qui
tirent profit des techniques médico-chirurgicales pour franchir la peau ou les muqueuses.
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Les premiers (Mycobacterium tuberculosis, virus Influenza, sarcopte de la gale) sont avant tout
des pathogènes communautaires pour lesquels l’hospitalisation donne une possibilité d’évolution
épidémique du fait de l’énorme densité de population et la promiscuité dans le cadre hospitalier.
Les deuxièmes au contraire vont tirer bénéfice de la rupture de la barrière cutanée par les
cathéters sanguins et la chirurgie et des barrières muqueuses par les explorations endoscopiques
et la chirurgie pour franchir ces barrières naturelles et exprimer ensuite leur pouvoir pathogène
au niveau de leur porte d’entrée (infection urinaire, infection de site opératoire, infection
pulmonaire) ou à distance de la porte d’entrée en cas de bactériémie.
Parmi les bactéries, les staphylocoques (Staphylococcus aureus et staphylocoques coagulase-
négative), les entérocoques (Enterococcus sp.) et les streptocoques (Streptococcus sp.) sont les
principaux genres de cocci Gram-positif responsables des infections nosocomiales. Les
corynebactéries (Corynebacterium sp., Propionibacterium, Listeria) sont des bacilles Gram-
positif plus rarement en cause. Les entérobactéries (Escherichia coli, Klebsiella spp.,
Enterobacter spp., Serratia, spp.) sont les bactéries Gram-négatif les plus fréquemment en cause,
les pseudomonas (Pseudomonas aeruginosa) sont moins fréquemment isolés. Les légionelles
constituent une dernière catégorie des bacilles Gram-négatif responsables d’infections
nosocomiales. Mycobacterium tuberculosis peut être responsable de tuberculose nosocomiale.
Parmi les virus, les Rotavirus sont responsables dentérite nosocomiales, les virus B et C des
hépatites, et les virus Influenza de la grippe sont responsables d’infections nosocomiales.

1.3. Mécanismes des infections nosocomiales


L'infection nosocomiale est un processus complexe et dynamique dans lequel interviennent
divers facteurs : diminution des défenses du patient (défaillances viscérales, pathologies sous-
jacentes, traitements), multiplication des portes d'entrée (dispositifs invasifs), environnement
bactérien. La connaissance des mécanismes de l'infection est une nécessité pour définir des
méthodes de prévention ainsi que pour comprendre l'échec relatif de certaines d'entre elles.

Les micro-organismes responsables des infections peuvent avoir deux origines : exogène et
endogène. En effet, Réservoirs et sources. Chaque germe responsable d’infections nosocomiales
est caractérisé par son réservoir, c’est à dire le lieu écologique dans lequel il vit et se multiplie.
La partie du réservoir qui est à l’origine d’une infection nosocomiale est appelée la source de
cette infection. Les sources peuvent être inanimées (environnementales) : ce sont essentiellement
l’eau des réseaux hospitaliers et l’alimentation ou animées : ce sont les patients, le personnel
soignant et les visiteurs. Les flores commensales du patient : flore cutanée et flores des
muqueuses peuvent être source d’infection pour ce patient : on parle alors d’infection
nosocomiale endogène. Mais il est important de noter que les flores commensales du patient sont
modifiées au cours des premiers jours de l’hospitalisation, en 48-72 heures ces flores sont
substituées par une flore hospitalière qui en pratique se caractérise par sa résistance aux
antibiotiques. Ainsi, les infections nosocomiales endogènes contractées après plusieurs jours
d’hospitalisation sont généralement dues à des bactéries plus résistantes aux antibiotiques que
celles contractées au début du séjour hospitalier.

Dans l’origine exogène ils sont acquis à partir de l'environnement. Il s’agit de transmission
croisée. La transmission des micro-organismes peut se faire de malade à malade ou plus
habituellement du malade au personnel soignant et de celui-ci aux malades. Les voies de
transmission inter-humaine (transmission croisée) sont l'air, l'environnement matériel et le
transport des germes par le personnel soignant, essentiellement par les mains (infection
manuportée).
Les micro-organismes peuvent provenir de la propre flore endogène du patient : il s’agit des
infections d’origine endogène.
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1.3.1. Origine exogène : les transmissions croisées


La transmission par les mains, transmission manu-portée, est de loin la plus fréquente. Il est donc
très important de connaître les caractéristiques de la flore cutanée.

1.3.1.1. Infection manu-portée


1.3.1.1.1. Flore cutanée
Les méthodes d'études de cette flore sont très nombreuses, ce qui démontre leur caractère
imparfait. A l'évidence, la comparaison de l'efficacité des diverses techniques de lavage et
désinfection cutanés impose une standardisation. Sans entrer dans les détails, les cultures
peuvent être réalisées sur empreintes sur gélose, sur le liquide de lavage (de la peau elle-même
ou du « jus de gant »). Cette étude porte soit sur la flore « normale », spontanée, soit sur une
flore de contamination. L'application des résultats des techniques expérimentales aux conditions
cliniques est toujours sujette à caution.
L'écosystème cutané comprend 2 flores : la flore résidente et la flore transitoire.
La flore résidente est faite de bactéries qui habitent, survivent et se multiplient dans la peau :
elles peuvent être cultivées de façon répétée. La plupart de ces micro-organismes sont situés dans
les couches superficielles de la peau mais une partie d'entre eux se trouvent aussi dans les
couches profondes. Les bactéries aérobies de cette flore sont des cocci à Gram positif :
staphylocoques epidermidis, corynébactéries, microcoques ; les anaérobies sont essentiellement
des Propionibacterium acnes. Ces bactéries sont habituellement peu pathogènes chez l'hôte sain.
Elles peuvent par contre être responsables d'infections lorsque la chirurgie ou des techniques
invasives leur permettent de pénétrer dans les tissus profonds ou chez un sujet immunodéprimé.
La flore transitoire ou superficielle correspond à des contaminants récents qui ne survivent
qu'un temps limité sur la peau. Ces germes peuvent être très pathogènes lorsqu'ils sont acquis au
contact des patients colonisés ou infectés : entérobactéries, Pseudomonas, Staphylococcus
aureus. Dans ces circonstances, les germes sont en outre souvent multirésistants aux
antibiotiques.
Plusieurs études ont en outre documenté un portage de longue durée de bacilles à Gram négatif
par les mains du personnel hospitalier, la flore résidente tendant alors à devenir permanente.
Le niveau de contamination après un contact même bref peut être très élevé : un contact de
quelques secondes avec la peau de l'aine fortement contaminée d'un patient suffit pour que l'on
retrouve plus de 103 bacilles à Gram négatif par ml de jus de gant. Le type de contact avec le
patient intervient dans la contamination des mains. Le risque de contamination est d'autant plus
élevé que l'on entre en contact avec des sécrétions, du sang, des matières organiques.

1.3.1.1.2. Importance de la transmission manuportée


Les infections croisées, d'origine exogène, ont le plus souvent une transmission manuelle. La
transmission manuportée est en cause dans 20 à 40 % des infections nosocomiales.
Dans certaines travaux, 20 % environ des infections nosocomiales observées durant la période
d'étude sont causées par des espèces bactériennes qui sont également retrouvées sur les mains du
personnel. En dehors des infections endémiques, le portage manuel a une responsabilité majeure
dans la survenue des infections épidémiques. Le lavage des mains est l'élément le plus important
de la prévention des infections nosocomiales. Les raisons de la non-observance, très fréquente,
des impératifs de l'hygiène des mains doivent être mises en exergue afin de proposer des
programmes d'éducation efficaces et des stratégies applicables au quotidien. Les mesures
d'isolement ont pour objectif d'interrompre la transmission croisée, de protéger les patients, de
contrôler et d'éliminer les réservoirs de germes.

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1.3.2. Infection transmise par le matériel


Le matériel est potentiellement un réservoir de microorganismes et peut devenir une source de
contamination. A l'origine de ces contaminations on retrouve des fautes ou des erreurs dans le
cycle d'entretien (nettoyage – désinfection - stockage) avant réutilisation de ce matériel.
Les principaux mécanismes mis en évidence dans ces contaminations sont :
• un nettoyage de mauvaise qualité ou insuffisant, favorisé notamment par la complexité de
certains de ces matériels : conduits fins des endoscopes, valves d'aspiration …
• le non-respect des procédures de désinfection et/ou de stérilisation
• la recontamination après désinfection.
La décontamination, le nettoyage et la désinfection du matériel médico-chirurgical sont en
effet des procédures complexes et éventuellement à risque .
Le risque infectieux lié au matériel est connu depuis longtemps. Ce risque, souvent considéré
comme très faible actuellement, existe en fait toujours comme en témoignent les cas récemment
rapportés.
Dune façon générale les risques de contaminations sont particulièrement élevés avec :
• le matériel utilisé pour le maintien de la liberté des voies aériennes et pour réaliser
la ventilation mécanique : humidificateurs chauffants, nébuliseurs, ballons de
ventilation manuelle, systèmes d'aspiration...Décrits dès le début des années 60 des cas
groupés d'infections en rapport avec l'utilisation d'humidificateurs et/ou de nébuliseurs
contaminés continuent d'être rapportés. Les bacilles Gram négatif et notamment
Pseudomonas aeruginosa sont ici le plus souvent en cause.
• le matériel d'hémodialyse qui a été incriminé dans la transmission d'infections à
staphylocoques, à bacilles Gram négatif et surtout d'hépatites B. Le développement très
important des endoscopies diagnostiques et thérapeutiques s'est accompagné au cours
des dernières années d'une prise de conscience du risque de contamination liées à ces
endoscopies. La contamination des bronchoscopes et des fibroscopes par des
microorganismes pathogènes, particulièrement entérobactéries et Pseudomonacés, peut
être à l'origine de la transmission d'infections. Plusieurs publications ont documenté la
possibilité de contamination par des mycobactéries. A côté de Mycobacterium
tuberculosis , M fortuitum et M chelonei sont souvent en cause. Les endoscopies
digestives comportent, elles aussi, des risques de transmission d'un patient à un autre de
bactéries mais également de virus comme ceux des hépatites B et C. La détection par
PCR montre que des acides nucléiques viraux peuvent être présent après désinfection non
satisfaisante dans le liquide de rinçage d'endoscopes utilisés chez des patients infectés
par les virus des hépatites B et C.

1.3.3. Origine endogène


Ces infections d'origine endogène sont en réalité de deux types. Certaines prennent leurs sources
dans la flore habituelle (« normale ») du patient : ce sont des « infections endogènes
primaires ». D'autres trouvent leur source dans une flore modifiée au cours de l'hospitalisation
(flore dite « hospitalière ») : ce sont des « infections endogènes secondaires », qui paraissent
être les plus fréquentes. Il convient de remarquer que la distinction entre infections endogènes
primaires et secondaires peut être difficile à établir. Certains patients entrent à l'hôpital en étant
déjà porteurs d'une flore modifiée du fait de leur maladie et des traitements reçus à domicile
(antibiothérapie, corticothérapie, anti-acides...). Les alternatives à l'hospitalisation actuellement
développées, comme les hospitalisations à domicile, sont probablement des facteurs favorisant
les échanges de flore. La majorité des modifications de flore surviennent néanmoins en cours
d'hospitalisation.

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Les pneumopathies nosocomiales et les infections urinaires sont très fréquemment des infections
d’origine endogène (cf infra), ce qui explique les difficultés de leur prévention.

Importance de la colonisation
Au cours de leur séjour hospitalier, surtout en réanimation, les patients sont rapidement
colonisés par des micro-organismes (bactéries mais aussi levures, voire virus) potentiellement
pathogènes. Les taux de colonisation retrouvés pour les patients de réanimation sont de plus de
40 % au bout de 5 à 7 jours et de 80 % ou plus au-delà de 10 jours. Il convient de remarquer que
cette colonisation est fréquemment présente dès l'entrée en réanimation, notamment lorsque les
patients proviennent d'un autre service hospitalier où ils ont séjourné de façon prolongé. Les
antibiotiques reçus avant l'admission ou pendant le séjour en jouent un rôle majeur dans la
sélection des bactéries. Les résultats des études de la littérature concernant la colonisation et
l'infection des patients ne sont pas tous concordants. Les divergences concernent aussi bien les
taux rapportés que les relations entre colonisation et infection. Ces divergences tiennent au fait
que les études sont rarement comparables : différences dans la gravité des patients et leurs
facteurs de risque (souvent non explicités), dans les critères diagnostiques de l'infection, dans
l'utilisation des antibiotiques... Ces divergences s'expliquent également par la complexité des
relations entre colonisation et infection ainsi que par les critères retenus pour affirmer l'identité
des bactéries colonisantes et de celles responsables de l'infection.
L'infection est le plus souvent précédée d'une colonisation du site infecté ou de sites
proches. La proportion de patients colonisés qui vont développer une infection varie en fonction
des études. La durée d'exposition au facteur de risque est l'élément déterminant : la prévention
passe par une réduction de cette durée d'exposition.

Germe Réservoir Sources Transmission Infections


Staphylococcus aureus Homme Personnel soignant Directe ISO
Patient Manuportée IR
IU
Staphylococcus non Homme Patient ISO
aureus IU
Pseudomonas aeruginosa Eau Environement Directe ISO
Personnel soignant Manuportée IR
IU
Entérobactéries Homme Patient Directe IU
Manuportée ISO
IR
Influenza virus Homme Patients Directe Grippe
Personnel soignant
Visiteurs
Rotavirus Homme Patients Manuportée Entérite
Aspergillus Environem Air (travaux) Directe Aspergillose
ent
Legionella Eau Environement Directe Legionellose
Aeromonas sp. Eau Sangsues Directe ISO
Mycobacterium xenopi Eau Environement Directe ISO
Mycobacterium fortuitum Eau Instrumentation Indirecte Pneumonie
(fibroscope)
Mycobacterium chelonei Eau Instrumentation Indirecte Pneumonie
(fibroscopes)
ATNC (prion) Homme Patient Indirecte Maladie de
Creutzfeld
Jacob

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2. Les grandes situations d’infections nosocomiales

2.1. Infections urinaires nosocomiales


2.1.1. Position du problème
Les infections urinaires sont les plus fréquentes de toutes les infections nosocomiales et
représentent 50-80% des infections selon les établissements. Il s’agit d’infections urinaires
basses le plus souvent mais les pyélonéphrites sont possibles. Les conséquences médicales sont
la co-morbidité, une mortalité mal chiffrée mais non-nulle (pyélonéphrite) et la possible
colonisation de matériel prothétique situé à distance en particulier de prothèses orthopédiques et
vasculaires.

2.1.2. Physiopathologie
Les infections urinaires nosocomiales sont ascendantes, c’est à dire que les bactéries
responsables colonisent les voies urinaires du méat uréthral vers la vessie puis le haut appareil
urinaire. Les bactéries sont originaires de la flore digestive du patient, modifiée après
hospitalisation > 72 heures par l’apparition d’une flore digestive hospitalière. Egalement les
bactéries du manuportage (S. aureus, P. aeruginosa, entérobactéries) sont incriminées lors de
transmissions croisées. Le sondage urinaire est le facteur de risque le plus important car il crée
une rupture des mécanismes de défense, c’est à dire du flux urinaire.

2.1.3. Diagnostic
Les manifestations cliniques sont celles des infections urinaires, le dépistage est systématique
chez les patients en réanimation. Le diagnostic est confirmé par l’analyse cytobactériologique
des urines qui montre une bactériurie > 105 bactéries/ml. Les germes rencontrés sont par ordre de
fréquence décroissante les entérobactéries (Escherichia coli, Klebsiella sp., Enterobacter sp.,
Serratia sp.), les entérocoques (Enterococcus faecium, Enterococcus faecalis), les
staphylocoques (Staphylococcus aureus, Staphylococcus epidermidis, Staaphylococcus
saprophyticus, Staphylococcus haemolyticus) et les levures (Candida sp.).

2.1.4. Prise en charge thérapeutique


Le traitement repose sur l’ablation de la sonde et une antibiothérapie empirique protocolée puis
adaptée aux données microbiologiques (bactérie et antibiogramme) et cliniques (infection
urinaire nosocomiale ou pyélonéphrite) sur le modèle des infections urinaires communautaires.

2.1.5. Prévention
La prévention repose sur (1) le strict respect des indications du sondage urinaire et le strict
respect des durées de sondage : rétention d’urine, surveillance de la diurèse chez un malade en
état de choc, ulcères cutanés de la région sacrée chez un patient avec incontinence urinaire, soins
de confort en phase terminale (2) le strict respect des règles d’antiseptie : toilette génitale et
désinfection du méat urétral et d’aseptie : antiseptie des mains et port de gants stériles au
moment de la pose et de la manipulation des sondes, emploi de sonde stérile à usage unique, le
sondage clos est en cours d’évaluation (3) maintient de la sonde en position déclive.

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2.2. Les infections de site opératoire


2.2.1. Position du problème
Les infections de site opératoire sont les deuxièmes par ordre de fréquence et représentent en
moyenne 20% des infections nosocomiales rencontrées dans un établissement généraliste.

2.2.2. Physiopathologie
La peau et les muqueuses intactes représentent des barrières efficaces contre les bactéries des
flores commensales et des flores extérieures. Par contre, les solutions de continuité de la peau ou
des muqueuses lors d’un traumatisme et d’une ouverture chirurgicale offrent l’opportunité à ces
bactéries de franchir de se multiplier au site du traumatisme ou au site opératoire, d’y créer une
infection pouvant secondairement disséminer par voie hématogène. Les bactéries responsables
de ces infections proviennent de la flore du patient : flore cutanée (Staphylococcus non aureus,
Corynebacteriul sp., Propionibacterium sp.) ou flore muqueuse (entérobactéries) en particulier
Staphylococcus aureus lors du portage nasal asymptomatique par le patient ; à partir du
personnel soignant : Staphylococcus aureus en portage nasal asymptomatique chez le personnel,
Streptococcus pyogenes ; à partir de l’environnement hydrique essentiellement : Pseudomonas
aeruginosa, Mycobacterium sp. ou de l’environnement général en cas de traumatisme ouvert et
donc souillé par de la terre ou des débris divers. La contamination peut être différée par
manuportage. Enfin une contamination hématogène est possible essentiellement en cas
d’infection de matériel prothétique par des entérobactéries à porte d’entrée urinaire. Les
infections de site opératoire comprennent les infections superficielles qui concernent le tissu
sous-cutané et les infections profondes qui concernent le site opératoire lui-même. Les
conséquences des ISO sont (1) mortalité dans le cas des endocardites sur valve cardiaque
prothétique par exemple (2) dégradation fonctionnelle dans le cas des prothèses orthopédiques
par exemple (3) co-morbidité (4) allongement de la durée de séjour (5) surcoût.

2.2.3. Diagnostic
Le diagnostic d’une ISO doit être évoqué devant (1) des signes inflammatoires dans la région de
la cicatrice opératoire : douleurs, chaleur, tension et rougeur de la cicatrice et de la région
opératoire (2) une fièvre post-opératoire dans les jours suivant l’intervention (3) une anomalie
fonctionnelle pouvant survenir dans un délai très variable, de quelques jours à quelques années
en cas de dysfonctionnement prothétique en orthopédie par exemple. Les signes cliniques sont
évidemment fonction de la localisation et de la nature de l’intervention, la fièvre est fréquente en
cas d’abcès mais elle n’est pas constante lorsqu’il n’ y a pas d’abcès (infection chronique de
prothèse par exemple), de même pour l’hyperleucocytose. Un syndrome biologique
inflammatoire est fréquent. Le diagnostic étiologique doit toujours être tenté par la prescription
et la réalisation de prélèvements bactériologiques : uroculture (ISO en chirurgie urologique), 3
hémocultures (ISO en chirurgie cardiaque), écouvillonnage ou ponction d’une plaie opératoire
inflammatoire, ponction voire biopsie en cas de suspicion d’ISO profonde ; la ponction peut être
réalisée sous contrôle radiologique (échographie ou scanner). L’interprétation de ces
prélèvements n’est pas toujours univoque : les urocultures montrant > 105 bactéries/ml, les
hémocultures positives 3/3, les ponctions et les biopsies positives signent le diagnostic
bactériologique ; par contre, les hémocultures 1 ou 2/3 et les prélèvements superficiels
demandent à être interprétés avec prudence pour distinguer infection et contamination lorsque
ces prélèvements rapportent une bactérie qui est normalement commensale de la flore cutanée ou
muqueuse où le prélèvement superficiel a été pratiqué.

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2.2.4. Prise en charge thérapeutique


Le traitement des ISO repose sur (1) l’évacuation chirurgicale d’un abcès (2) l’ablation de tout
matériel étranger infecté (3) une antibiothérapie soit empirique et protocolée dans l’attente de la
documentation bactériologique, soit protocolée et basée sur la documentation. Le diagnostic
différentiel des ISO est évidemment vaste ; devant une fièvre post-opératoire, les autres
hypothèses diagnostiques sont (1) causes non infectieuses : thrombose veineuse superficielle ou
profonde, hématome (qui mime parfaitement la sémiologie clinique et biologique non-spécifique
d’un abcès,seule la ponction fera la différence), allergie médicamenteuse (2) autres infections
nosocomiales : infection au point d’entrée d’un cathéter veineux, bacteriémie, infection urinaire,
pneumopathie d’inhalation, grippe.

2.2.5. Prévention
La prévention repose sur : (1) traitement de toute infection intercurrente et report de
l’intervention (2) hospitalisation pré-opératoire la plus courte possible, si possible le matin même
de l’intervention pour éviter la colonisation du patient par la flore hospitalière résistante (3)
douche pré-opératoire (4) absence de rasage du champ, éventuellement tonte voire rien (5)
antiseptie du champ réalisée en quatre temps et respectant le délai d’action de l’antiseptique
utilisé (iode) (6) aseptie du champ comprenant l’usage d’instruments à usage unique ou stérilisés
et de compresses et linges à usage unique ou stérilisés, par un personnel portant une cagoule
englobant toute la chevelure, un masque opératoire englobant les fosses nasales, une tenue de
bloc stérile et une paire de gants stériles enfilés après la réalisation d’un lavage antiseptique des
mains (7) réalisation de l’intervention dans un bloc correctement entretenu, l’efficacité des flux
laminaires pour la prévention des ISO n’est pas démontrée (8) l’utilisation prophylactique des
antibiotiques (antibioprophylaxie) : cf. chapitre infra.

2.3. Pneumopathies nosocomiales


2.3.1. Position du problème
Les pneumopathies nosocomiales (PN) représentent la première cause d’infection nosocomiale
en réanimation. Il s’agit d’une pathologie qui fait encore l’objet de nombreuses controverses. La
physiopathologie est multifactorielle et le poids de chaque facteur est incertain et sûrement
variable d’un patient à l’autre selon les circonstances. Les modalités diagnostiques sont encore
discutées dans de nombreuses publications. De ce fait l’incidence réelle de la maladie reste
imprécise. Son influence réelle sur la morbidité et mortalité est encore à l’origine de travaux
d’évaluation difficile à mener. L’importance de la maladie justifie des mesures préventives dont
les modalités et l’impact restent, du fait de ces multiples imprécisions, encore souvent à évaluer.

2.3.2. Physiopathologie
La physiopathologie des PN fait appel à différents processus d’importance variable selon les
malades et les circonstances.
Schématiquement pour que se constitue une PN deux conditions doivent être remplies
• des micro-organismes doivent atteindre les voies aériennes inférieures
• les mécanismes normaux de défense du poumon doivent être dépassés, permettant le
développement de la pneumopathie.

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2.3.2.1. Modes de pénétration des mico-organismes dans les


voies aériennes
Plusieurs modes de pénétration des micro-organismes existent
• inhalation de liquides et/ou de sécrétions
• inhalation de particules aérosolisées
• atteinte du poumon par voie hématogène

2.3.2.2. L’inhalation de liquides et/ou de sécrétions


C’est le mécanisme le plus habituel.
Normalement les voies aériennes sont protégées contre l’inhalation de liquides par les réflexes de
déglutition et la toux. L’inhalation nécessite que les mécanismes de protection des voies
aériennes ne fonctionnent pas. L’altération ou la suppression des réflexes de déglutition se
rencontre lors des troubles de conscience :
• comas (atteintes neurologiques, traumatismes crâniens)
• anesthésie ou sédation profonde
L’inhalation est alors favorisée par la présence d’un estomac plein et d’un reflux gastro-
oesophagien.
Ces inhalations, de volume variable, peuvent survenir précocement, parfois avant même la prise
en charge hospitalière avant ou pendant l’intubation, expliquant les pneumopathies dites
précoces (avant le 4ème jour).
La présence d’une sonde d’intubation ou de trachéotomie pour assurer une ventilation artificielle
permet aux sécrétions oro-pharyngées de pénétrer dans voies aériennes le long de la sonde, les
ballonnets des sondes n’assurent en effet pas une étanchéité parfaite Dans ces circonstances
l’inhalation de sécrétions se fait de façon insidieuse : il s’agit de micro-inhalations répétées. Les
altérations de l’épithélium respiratoire induites par la sonde favorisent l’adhérence des bactéries
et donc la colonisation des voies aériennes.
Les pneumopathies se développant ainsi sont dites d’origine endogène.

2.3.2.3. Autres mécanismes


L’inhalation de micro-organismes sous forme d’aérosols se rencontre plus rarement :
• contamination des systèmes de nébulisation ou d’administration d’aérosols
• aspergillose, tuberculose et légionelloses
Dans certains cas probablement assez rares, la pneumopathie survient par voie hématogène à
partir d’un foyer à distance voire par translocation bactérienne à partir du tube digestif.

2.3.2.4. Diminutions des mécanismes de défense


Le développement de la pneumopathie est favorisé par toutes les diminutions des mécanismes de
défense
• Locaux : tabagisme, pathologie respiratoire chronique ou aiguë (contusion pulmonaire,
syndrome de détresse respiratoire par exemple), présence du corps étranger qu’est la
sonde d’intubation, lésions du poumon dues à la ventilation artificielle… .
• Généraux : immuno-dépréssion liée à la pathologie ou aux médicaments.

2.3.3. Les facteurs de risque


Les trois grandes situations où les risques de pneumopathie nosocomiale sont élevés sont ainsi :

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1) Les troubles de la conscience aigus chez des sujets souvent âgés (accidents vasculaires
cérébraux), les intoxications volontaires et l’alimentation entérale chez les sujets peu conscients
et/ou en position allongée.
2) La période post-opératoire. Les PN sont plus fréquentes après chirurgies abdominales et
thoraciques. Les éléments favorisants liés au patient lui-même sont les antécédents de
pathologie respiratoire et l’insuffisance cardiaque.
3) La ventilation artificielle. L’incidence des PN augmente avec la durée de VA.
L’intubation en extrême urgence, l’extubation à tort avec réintubation en urgence, les intubations
répétées au cours du même séjour, sont des situations particulièrement à risque car elles
favorisent les inhalations de liquide oro-pharyngé ou gastrique. A l’inverse, la non-intubation
d’un patient épuisé est probablement, bien que non étudiée, un facteur de risque. La pathologie
pulmonaire pré-exitante est un facteur favorisant qui se surajoute au rôle de la VA.
Ces facteurs de risque peuvent bien entendu se cumuler chez un même patient. Un exemple est
tout à fait représentatif est celui des sujets victimes d’un polytraumatisme. Le patient présentant
un traumatisme crânien grave avec coma, associé à un traumatisme thoracique et à un
hémopéritoine par rupture de rate et/ou du foie, associe de très nombreux facteurs de survenue
d’une PN :
• coma initial favorisant les inhalations,
• contusion pulmonaire liée au traumatisme thoracique, cette contusion étant un élément
majeur de surinfection du poumon.

2.3.4. Diagnostic
Le diagnostic de PN est évoqué devant l’association :
• d’un syndrome infectieux
• de manifestations respiratoires : dyspnée, expectoration purulente
• d’une image radiologique de pneumonie, d’apparition récente
Lorsque le patient est soumis à une ventilation artificielle le diagnostic est beaucoup plus
difficile car aucun des symptômes précédents n’est spécifique. En effet, les syndromes infectieux
sont très fréquents chez les patients en cours de séjour en réanimation et leurs causes sont
nombreuses et difficiles à mettre en évidence. La présence de sécrétions trachéo-bronchiques
purulentes n’est pas un argument suffisant pour parler de pneumopathie puisque la colonisation
des voies aériennes à elle seule entraîne la purulence des sécrétions. Enfin, les images
radiologiques sans rapport avec une pneumopathie sont très fréquentes chez les malades sous
respirateur ; il s’agit notamment de troubles de ventilation. Dans ces circonstances, le
diagnostic de pneumopathie est évoqué et il demandera à être confirmé par la culture de
prélèvements des sécrétions bronchiques mettant en évidence un micro-organisme à un seuil
significatif.
Il n’existe pas de consensus actuel sur la méthode à choisir préférentiellement en matière de
prélèvements bronchiques pour diagnostic microbiologique des pneumopathies. Pour les patients
qui ne sont pas sous respirateur, la culture des crachats est souvent utilisée bien qu’elle ne soit
pas parfaitement fiable du fait de la contamination par la flore salivaire. Plusieurs techniques ont
été proposées :
• ponction transtrachéale qui est en fait rarement utilisée car comportant des risques et
éventuellement ne ramenant pas assez de sécrétions.
• prélèvements sous fibroscopie mais qui posent le problème de l’aggravation éventuelle
du patient liée au geste même de la fibroscopie,
Pour les malades sous ventilation artificielle, l’accès aux voies aériennes existe déjà : intubation,
trachéotomie. Le problème est ici de différencier une simple colonisation d’une véritable
infection pulmonaire. En effet, comme nous l’avons vu plus haut pour ces malades sous

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respirateur, la colonisation précède pratiquement toujours l’infection. Seules les infections vraies
sont à traiter et non les simples colonisations. Plusieurs possibilités ont été proposées pour
différencier infection de colonisation :
• prélèvements trachéo-bronchiques non protégés en dénombrant les micro-organismes. Le
seuil retenu pour parler d’infections est de au moins 105 microorganismes par ml.
• prélèvements dits protégés : le cathéter de prélèvement est à l’intérieur d’une chemise qui
lui évite d’être contaminé lors de la traversée des voies aériennes supérieures. Au niveau
des bronches terminales, le cathéter est poussé au delà la chemise pour réaliser le
prélèvement puis ramené à l’intérieur de la chemise avant d’être retiré. A la place d’un
cathéter, il est possible d’utiliser une petite brosse qui selon le même principe est
protégée par une chemise. Le plus souvent les prélèvements sont réalisés sous fibroscopie
afin de diriger le cathéter ou la brosse vers la zone de la pneumopathie, zone repérée par
la radiographie. La fibroscopie permet ainsi de réaliser des prélèvements à gauche ou au
niveau d’un lobe supérieur alors qu’un cathéter descendu à l’aveugle ira toujours dans le
lobe inférieur droit. Le cathéter permet de réaliser un mini-lavage broncho-alvéolaire
(LBA). Cette technique a l’intérêt de permettre non seulement l’isolement de bactéries
mais aussi la recherche de virus ou de parasites. Le seuil de positivité retenu pour le LBA
est de plus de 104 micro-organismes par ml. Pour la brosse le seuil est de 103.

2.3.5. Incidence et épidémiologie microbienne


Compte tenu des difficultés de diagnostic, l’incidence tant des pneumopathies post-opératoires
que des pneumopathies au cours de la ventilation artificielle varie beaucoup d’une étude à
l’autre. Pour les malades soumis à une ventilation artificielle pendant plus de 48 heures,
l’incidence retrouvée est en moyenne de 20 à 30 %. Elle s’accroît comme nous l’avons vu avec
la durée de la ventilation artificielle et peut atteindre 70 % des malades ventilés pendant plus de
trois semaines.
La flore microbienne responsable des pneumopathies est très schématiquement différente dans
les pneumopathies précoces et dans les pneumopathies tardives. Les pneumopathies précoces
correspondent très fréquemment à des inhalations de la flore oro-pharyngée non modifiée par
une antibiothérapie ou par l’hospitalisation (Cf. supra). Les micro-organismes les plus souvent
en cause sont : Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae et Staphylococcus aureus.
Pour les pneumopathies tardives, les micro-organismes les plus souvent en cause sont :
Pseudomonas aeruginosa, des entérobactéries types Klebsiella sp ou Entérobacter sp, et
Staphylococcus aureus . Très souvent les bactéries isolées dans ces pneumopathies tardives sont
résistantes aux antibiotiques usuels. Elles peuvent même être résistantes à la plupart des
antibiotiques, on parle alors de bactéries muli-résistantes. Les staphylocoques aureus isolés dans
les pneumopathies tardives sont très fréquemment résistants à l’oxacilline. Le facteur principal
d’apparition de ces résistances est l’utilisation d’antibiotique à visée curative d’une autre
infection dans les jours ou semaines précédant la pneumopathie.

2.4. Les bactériémies


Infections liées aux cathéters veineux centraux

2.4.1. Définition
L’infection liée au cathéter (ILC) est définie par la présence de micro-organismes à la surface
interne et/ou externe du cathéter veineux central (CVC), responsable d'une infection locale et/ou
générale.

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2.4.2. Mécanismes impliqués dans les infections liées aux CVC


Les voies de contamination
La contamination du CVC par voie cutanée est la plus fréquente. Elle survient lors de la pose ou
lors de l'infection secondaire du site d'insertion. La contamination endoluminale des CVC peut
être secondaire aux manipulations septiques des raccords et exceptionnellement à la
contamination d'un liquide de perfusion. La contamination endoluminale devient prépondérante
pour les CVC laissés en place plus de 3 semaines. La voie hématogène est rare.
Les mécanismes de la colonisation
Le dépôt d'un film protéique et plaquettaire sur le CVC permet l'adhésion des micro-organismes.
Des protéines d'origine diverse et la production par la bactérie de "slime", d'adhésine et de
polysaccharides facilitent leur adhésion.
Les matériaux utilisés jouent un rôle démontré in vitro. Le polyuréthane et les élastomères de
silicone sont les moins propices à l'adhésion bactérienne.

2.4.3. Incidence. Facteurs de risque


2.4.3.1. Incidence
Par leur fréquence et leur mortalité, les infections liées au CVC font partie des trois principales
infections acquises en réanimation.
L'incidence des bactériémies primaires, associées pour leur plus grande part (90%) aux CVC,
aurait augmenté deux fois plus que celles des bactériémies secondaires.
Les cocci à Gram positif, en particulier les staphylocoques à coagulase négative et Candida spp
représentent actuellement les principales causes d'infections liées au CVC.
Le taux médian de bactériémies primaires se situe entre 5 et 7/1000 jours-cathéter. L'incidence
des bactériémies liées au CVC est comprise entre 2,8 et 3,2/100 CVC et celles des cultures
positives de CVC est en moyenne de 14/100 CVC.

2.4.3.2. Facteurs de risque


Trois sont associés à une augmentation de l'infection :
• le site d'insertion : les voies fémorales et jugulaires présenteraient un risque de 1,5 à 10
fois supérieur à la voie sous-clavière ;
• la fréquence des manipulations de la ligne veineuse ;
• la durée du cathétérisme, avec un risque multiplié par deux après 4 jours de maintien , de
4 après 7 jours, et de 7 après 14 jours.

2.4.4. Diagnostic
Les signes cliniques locaux et/ou généraux peuvent s'accompagner ou non d'une hémoculture
positive. A l'inverse, une hémoculture positive peut exister sans que ces signes soient présents. A
l'exclusion du pus au point de ponction, aucun des signes cliniques ne permet d'affirmer
l'infection sur CVC. Pour relier les signes infectieux à la présence de micro-organismes sur le
CVC des analyses microbiologiques sont nécessaires.
L'analyse la plus simple est la culture de l'extrémité distale du CVC, ce qui nécessite son
ablation. Différentes méthodes ont été proposées : culture qualitative en milieu liquide, culture
semi-quantitative sur milieu gélosé, culture quantitative en milieu liquide après rinçage
endoluminal ou après "vortexage" ou sonication.
La constatation d'un taux élevé d'ablations injustifiées de CVC et l'existence de situations
nécessitant le maintien du CVC ont amené à proposer d'autres techniques : - culture des
prélèvements faits sur la peau au site de ponction, et/ou au niveau du premier raccord (pavillon) -

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hémocultures quantitatives comparatives prélevées par le CVC et en périphérie. Aucune de ces


techniques ne permet actuellement d'apporter la certitude de la présence de micro-organismes sur
le CVC.
Mettre en évidence des micro-organismes sur un CVC ne suffit pas à affirmer l'infection liée à
celui-ci. Il faut définir un seuil permettant de relier une situation infectieuse à la présence de
micro-organismes sur le CVC. Le seuil (> 15 UFC) de la technique semi-quantitative a été
déterminé par rapport à l'inflammation du site d'insertion de cathéters périphériques. Celui > 103
UFC/ml de la technique par "vortexage" a été déterminé à l'aide d'une classification clinique des
malades bactériémiques ou non, en réanimation. La culture qualitative en milieu liquide n'a pas
été validée en réanimation.
La culture quantitative de l’extrémité distale du CVC après vortexage devrait être préférée
En pratique la confrontation des résultats microbiologiques et des données de la clinique permet
d'indiquer que

2.4.4.1. L'infection est liée au CVC si


• La culture du CVC est positive et il existe une bactériémie dans les 48 h encadrant le
retrait du CVC avec un micro-organisme identique à celui isolé du CVC
• La culture du CVC est positive et il n'y a pas de bactériémie due à un micro-organisme
identique à celui isolé du CVC et les signes infectieux régressent totalement ou
partiellement dans les 48 h suivant l'ablation.
Dans la majorité de ces 2 cas, la concentration des micro-organismes isolés du CVC est > au
seuil défini.

2.4.4.2. L'infection n'est pas liée au CVC si


• Le CVC est stérile
• La culture du CVC est positive, mais la souche est différente de celle isolée dans le sang
et/ou d'un autre foyer infectieux présent au moment de l'ablation du CVC et le syndrome
infectieux ne régresse pas à l'ablation du CVC : celui-ci est contaminé.
• La culture du CVC est positive. La souche isolée est identique à celle trouvée dans un
foyer infectieux autre identifié au moins 48 h avant l'ablation du CVC qu'il soit ou non
responsable de bactériémie et le syndrome infectieux ne régresse pas à l'ablation du CVC
: celui-ci a été colonisé à partir d'un foyer situé à distance.
Dans la majorité de ces cas, la concentration des micro-organismes isolés du CVC est < au seuil
défini.

2.4.5. Méthodes de prévention de l'infection liée aux CVC


La limitation des indications de pose des CVC et des cathéters de Swan-Ganz ainsi que leur
ablation la plus précoce possible sont des méthodes de prévention primaire efficaces.
Les autres méthodes visent à réduire la contamination du CVC et de la ligne veineuse par les
micro-organismes.
Les seules mesures dont l'efficacité a été démontrée sont :
• La pose du CVC doit être effectuée dans des conditions d'asepsie chirurgicale. La peau
est lavée à l'eau et au savon puis badigeonnée avec une solution antiseptique (polyvidone
iodée ou chlorhexidine). La zone opératoire est installée avec des champs stériles
larges.L’opérateur s’habille de façon chirurgicale.
• L'efficacité de l'occlusion du site est démontrée. Le type du pansement n'est pas décisif
mais l'utilisation d'un pansement semi-perméable et transparent permet la surveillance
visuelle et manuelle du site. La date de pose du CVC doit être notée. L'intervalle

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optimum de changement du pansement se situe entre 2 et 4 jours. La date de réfection du


pansement est notée.
• la limitation des manipulations de la ligne veineuse est ensuite indispensable.
L'éloignement des sites d'injection par rapport à la zone d'insertion réduit le risque de
contamination grâce à un prolongateur qui n'est pas changé. L'intervalle optimum de
changement de la ligne veineuse est de 2 à 4 jours. L'efficacité des filtres antimicrobiens
et de l'héparinisation générale n'est pas démontrée.

Les modalités de pose, d'entretien et d'utilisation de la ligne veineuse doivent être définies par
des protocoles écrits, élaborés par l'ensemble d'une équipe et respectés par tous.
La voie fémorale doit être réservée à l'urgence et sur une courte période. La voie axillaire mérite
une évaluation comparative.

2.4.6. Stratégie diagnostique et thérapeutique initiale en cas de


présomption d'infection sur CVC en réanimation ?
La réalisation d'hémocultures et la mise en culture du CVC doivent être systématiques.

2.4.6.1. Attitude vis à vis du CVC


2.4.6.1.1. Ablation immédiate du CVC si

• infection locale purulente


• forte présomption d'infection (thrombophlébite, cellulite loco-régionale purulente ou non,
bactériémies à Staphylococcus aureus, Pseudomonas aeruginosa ou à levures),
• signe de gravité (choc septique)
• terrain à risque (valvulopathie, immunodépression)
Une antibiothérapie probabiliste est immédiatement débutée

2.4.6.1.2. Changement sur guide si faible présomption


d'infection liée au CVC
Signes infectieux sous traitement antibiotique adapté alors qu'il existe un foyer identifié pouvant
expliquer l'état septique - état septique sans signe de gravité en l'absence d'autres foyers.
Aucune nouvelle antibiothérapie n'est débutée avant le retour des résultats microbiologiques,
mais la surveillance renforcée du patient s'impose.

2.4.6.1.3. Changement de site ou changement sur guide


impossibles ou dangereux
On fera appel aux prélèvements microbiologiques locaux (peau et pavillon) et aux hémocultures
quantitatives.

2.4.6.2. Conduite thérapeutique en fonction des résultats


biologiques
2.4.6.2.1. Culture du CVC > 103 UFC/ml
Signes infectieux généraux ou hémocultures positives : si le CVC a été changé sur guide, il est
retiré. Si nécessaire, un nouveau CVC est implanté sur un autre site.
L'antibiothérapie s'impose et sera adaptée aux résultats microbiologiques.
En présence d'entérobactéries sur le premier C.V.C et d'un changement sur guide, le deuxième
CVC doit être retiré. L'antibiothérapie n'est pas justifiée en l'absence de signes généraux.
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2.4.6.2.2. Culture du CVC < 103 UFC/ml


Hémocultures positives au même germe ou signes généraux persistants : la conduite est la même
que précédemment (Cf. a).
Hémocultures négatives, et en l'absence de signes généraux : on surveille l'évolution locale et
générale. Le CVC est laissé en place. L'antibiothérapie n'est pas recommandée. Au moindre
doute, les hémocultures sont renouvelées et le CVC ôté. La recherche d'un autre foyer est
souhaitable.

2.4.6.2.3. CVC stérile


il n'est pas impliqué

2.5. Les autres situations : Les entérites nosocomiales


Les entérites nosocomiales se rencontrent dans deux types de circonstances. Dans les services de
pédiatrie, le Rotavirus est responsables d’épidémie d’entérites par transmission croisée à partir
d’un cas index. La prévention repose sur la stricte limitation des hospitalisations des cas
d’entérite à rotavirus, l’isolement strict de ces patients, et l’hygiène des mains du personnel par
lavage antispetique (la friction alcoolique est inefficace dans ce cas). Par ailleurs, la
contamination de l’alimentation dans un établiseement de soins peut être responsable de toxi-
infection alimentaire nosocomiale qui n’offre pas de particularité par rapport aux toxi-infections
alimentaires communautaires (cf. Question n°73).

3. Prévention des infections nosocomiales

3.1. Organisation de la lutte contre les infections nosocomiales


en France
En France, la lutte contre les infections nosocomiales est organisée par décrets et circulaires
ministériels, la mise en œuvre pratique étant du ressort des établissements de soins. La Direction
des Hôpitaux et la Direction Générale de la Santé du Ministère de la Santé ont en charge
l’organisation de la lutte contre les infections nsocomiales. Ces deux directions sont assistées par
le Comité Technique national des Infections Nosocomiales (CTIN) qui est un groupe d’experts
chargé de conseiller les directions. Au niveau régional, la France est dotée de cinq Coordination
de Comités de Lutte contre les Infections Nosocomiales (C.CLIN) : C.CLIN Paris-Nord, C.CLIN
Ouest, C.CLIN Sud-Est (Lyon), C.CLIN Est, C.CLIN Sud-Ouest (Bordeaux) qui sont chargés
d’animer les Comités de Lutte contre les Infections Nosocomiales (CLIN) de chaque
établissement. Le CLIN est un comité obligatoire pour tous les établissements de soins. Sa
composition est régie par le décret ministériel n°99-1034 du 6 Décembre 1999 et comporte
obligatoirement 22 membres au maximum, comprenant entre autre le Président de la
Commission Médicale d’Etablissement (CME), le Directeur de l’Etablissement, le Médecin du
Travail, le Directeur du Service de soins infirmiers, le Pharmacien, le Biologiste, le médecin ou
pharmacien Hygiéniste. Le CLIN correspond à une assemblée de professionnels de
l’établissement impliqués dans la lutte contre les infections nosocomiales et est chargé de
conseiller la Commission Médicale d’Etablissement et la Direction de l’Etablissement et de
mettre en œuvre une politique de surveillance, de prévention et de formation dans ce domaine.
Les actions préconisées par le CLIN sont mises en œuvre par des équipes hospitalières d’hygiène
comprenant des médecins, des pharmaciens et des infirmières spécialisés en hygiène hospitalière.
Ces actions se déclinent dans trois domaines (1) Surveillance de l’environnement hospitalier en

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particulier de la qualité microbiologique de l’eau, surveillance du nombre et des taux des


infections nosocomiales, surveillance des bactéries responsables de ces IN et de leur résistance
aux antibiotiques, surveillance de la consommation des antibiotiques ; (2) Prévention des
infections nosocomiales via des actions d'hygiène environnementale, d'hygiène du personnel et
d’hygiène des soins, ces actions doivent être formalisées sous forme de protocoles rédigés et
disponibles auprès de tous les professionnels de soins concernés; (3) Prévention de la résistance
des bactéries aux antibiotiques via une politique de maitrise de la consommation des
antibiotiques ; (4) information du personnel soignant et administratif sur les problèmes et les
actions entreprises et formation du personnel soignant à l’hygiène hospitalière.

3.2. Maitrise microbiologique de l’environnement inanimé


3.2.1. Hygiène des locaux
Les locaux et leur mobilier ne constituent pas une source d’infections nosocomiales et n’ont
aucune influence directe sur le taux des infections nosocomiales mais leur salubrité contribue par
« l’impression de propreté » à un comportement général de respect de l’hygiène hospitalière. Le
CLIN doit être consulté avant la réalisation de travaux sur l’infrastructure de l’hôpital. Il importe
donc de maintenir cette « impression de propreté » par (1) l’organisation de circuits hospitaliers
ayant pour règle la marche en avant du plus « propre » vers le plus « sale » et l’absence de
coupure d’un circuit « propre » par un circuit « sale » : ces cicuits doivent être appliqués à la
circulation des patients, des soignants, du matériel médico-chirurgical et du linge (2) la
maintenance des infrastructures ainsi conçues (2) le nettoyage de ces infrastructures par eau
chaude et détergent selon un schéma protocolé.

3.2.2. Hygiène de l’air


Il n’y a pas de prescription particulière en dehors (1) des chambres pour patient aplasique où
l’utilisation d’air filtré par filtre microbiologique (« filtre absolu ») et mise en place d’un flux
laminaire de l’air est recommandé et où les travaux de maintenance doivent être interdits en
présence du patient (risque d’aspergillose nosocomiale) ; (2) des blocs opératoires pour la
chirurgie de classe I (chirurgie propre) où l’utilisation d’air filtré par filtre absolu n’a pas fait la
preuve de son efficacité ; (3) des hotes de préparation des médicaments dans les pharmacies
hospitalières où l’utilisation d’une hote microbiologique protégeant la préparation est
indispensable ; (4) des chambres d’isolement pour patient tuberculeux où la mise en place d’un
système en dépression est recommandé pour limiter la dissémination aérienne de Mycobacterium
tuberculosis.

3.2.3. Hygiène de l’eau


L’eau est un réservoir de bactéries responsables d’infections nosocomiales, leur prévention passe
par une maîtrise de son utilisation et une maitrise microbiologique. (1) la maitrise de l’utilisation
doit être codifiée dans des protocoles précisant la qualité microbiologique requise pour l’eau de
boisson, l’eau de toilette et l’eau pour les soins en fonction du type de patient et de la nature des
soins prodigués: il ne faut jamais utiliser l’eau du réseau pour les soins en particulier pour
les soins respiratoires (kinésithérapie, ventilation) où le risque de légionellose nosocomiale est
majeur (2) la maitrise microbiologique de l’eau fait appel en pratique à une désinfection
chimique ou physique : le chlore à une concentration minimale de 2%, la chaleur à une
température minimale de 60°C, la filtration sur filtre de porosité 0,22 µm, l’autoclavage qui seul
permet de stériliser l’eau.

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3.2.4. Hygiène de l’alimentation


L’alimentation en établissement de soins n’offre pas de particularité par rapport à toute
alimentation en collectivité, elle est soumise aux mêmes règles de contrôle, en dehors des
patients aplasiques pour lesquels une alimentation stérilisée peut être proposée.

3.2.5. Hygiène de l’instrumentation médico-chirurgicale


Le matériel médical peut devenir une source de contamination ( cf supra). Le matériel est divisé
en 3 classes en fonction des risques de contamination : critique, semi-critique et non critique. Le
matériel critique est appelé ainsi compte tenu du risque très élevé d'infection lorsqu'il est
contaminé y compris par des spores. Il s'agit de matériel qui pénètre dans des tissus stériles ou
dans le système vasculaire : cathéters veineux et artériels, sonde vésicales, instruments de
chirurgie etc. Ce matériel doit être stérile. Le matériel semi-critique est celui qui entre en
contact avec une muqueuse ou une peau non intacte : lame de laryngoscope, sonde d'intubation
par exemple. Ce matériel peut être :
• à usage unique : sonde d'intubation, canules oro-pharyngées …
• réutilisable et stérilisable : lames de laryngoscopes
• réutilisable et non stérilisable : endoscopes.
Le matériel non critique est celui qui est en contact avec une peau saine comme les brassards à
tension, les stéthoscopes. Ce matériel est susceptible de transmettre des bactéries. Il doit être
utilisé propre.
Le principe de non restérilisation des dispositifs médicaux stériles à usage unique est
absolument intangible. En effet les risques liés à une telle réutilisation sont potentiellement très
nombreux: (1) instabilité des polymères de structure semi-cristalline les exposant à des
modifications structurelles lors de recyclage (2) perte d'efficacité des opérations de recyclage liée
à la configuration complexe de certains dispositifs et/ou à des contaminations très importantes
lors de l'utilisation clinique (3) risques toxiques.

3.2.6. Description des procédures d'entretien


Le cycle contamination-entretien-réutilisation du matériel est schématisé dans le tableau II.
Chacune des étapes des procédures d'entretien comporte des impératifs spécifiques et des risques
d'erreurs : le personnel qui en est chargé doit donc recevoir une formation spécifique et disposer
de procédures de référence. Les procédures écrites doivent préciser : (1) les personnes en
charge (2) les étapes à respecter (3) les produits à utiliser, leurs modes de conservation et
d'emploi et les risques liés à leur utilisation (4) les conditions de stockage du matériel.

3.2.6.1. Pré-désinfection ou décontamination


La désinfection est toujours précédée de traitements préliminaires visant à obtenir du matériel
propre selon le principe que l'on ne désinfecte bien que ce qui est propre. Le port de gants de
protection est obligatoire pour le personnel qui manipule le matériel souillé. Cette
décontamination est réalisée en immergeant le matériel dans une solution d'un produit détergent-
désinfectant. Ce trempage empêche la fixation par séchage des matières organiques et favorise
le nettoyage ultérieur. Le nettoyage est une opération physico-chimique qui a l'objectif
d'éliminer les matières organiques ou minérales des surfaces et des objets. Le nettoyage élimine
les souillures et permet donc d'obtenir une propreté visible. Le nettoyage est réalisé à l'aide de
produits détergents qui favorisent l'élimination par l'eau des souillures non solubles dans l'eau.

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3.2.6.2. Désinfection
Selon l'AFNOR la désinfection est une opération au résultat momentané permettant d'éliminer ou
de tuer les micro-organismes et/ou d'inactiver les virus indésirables portés par des milieux inertes
contaminés. Le résultat de cette opération est limité aux micro-organismes présents lors de sa
réalisation et d’efficacité limitée dans le temps. La désinfection est réalisée par trempage dans un
produit désinfectant non détergent. Les principaux produits actuellement utilisés sont (1) le
glutaraldéhyde qui est très efficace mais est un produit très irritant pour les muqueuses et peut
être cancérogène. Il ne doit en aucun cas être utilisé sur du matériel suspect de contamination par
les prions et doit être manipulé dans un local ventilé avec port de protections pour le personnel
(2) les peroxydes sont très efficaces, atoxiques pour le personnel mais corrosifs pour certains
matériaux (3) l’hypochlorite de sodium (eau de Javel) est très efficace mais très corrosive pour
certains matériaux (4) la soude est recommandée pour la décontamination des prions.

3.2.6.3. Stérilisation
La stérilisation est la mise en œuvre d'un ensemble de méthodes et de moyens visant à éliminer
tous les micro-organismes vivants, de quelque nature que ce soit, portés par un objet
parfaitement nettoyé. La stérilisation est sous la responsabilité du pharmacien de l'établissement.
Le choix du mode stérilisation est fonction du matériel. Il impose un mode de conditionnement
et des contrôles spécifiques. La réglementation impose en matière de stérilisation des dispositifs
médicaux un système continu de qualité. Actuellement, tous les autoclaves (stérilisation par la
vapeur d’eau) sont réglés sur un cycle « prion » à 134°C pendant 18 minutes.

Figure1

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3.3. Hygiène du personnel soignant


3.3.1. Hygiène des mains
3.3.1.1. Caractéristiques des antiseptiques
Le savon ordinaire ne contient pas d'antiseptique ou seulement des quantités minimes utilisées
comme conservateur. Les alcools agissent par dénaturation des protéines. L'activité dépend de la
concentration. A partir d'une concentration de 70 %, elle s'exerce sur la plupart des micro-
organismes, y compris les champignons et de nombreux virus (CMV, VIH). A concentration
adéquate, l'action des alcools est plus rapide et plus complète que celle des savons antiseptiques.
Un frottage vigoureux, et d'une durée d'une minute, des mains à l'alcool est aussi efficace qu'un
lavage de 3 à 4 minutes avec un savon antiseptique. Les alcools les plus utilisés sont l'éthanol,
l'alcool propylique et l'alcool isopropylique. L'inconvénient majeur des alcools est leur effet
dessicateur sur la peau. L'addition d'émollients permet de limiter cet effet. Les alcools ont un
effet rémanent d'une durée limitée.
Les savons antiseptiques sont à base de très nombreux dérivés. Les ammoniums quaternaires
sont d'une efficacité limitée et ne conviennent pas à la désinfection hygiénique des mains à
l'hôpital. La chlorhexidine est habituellement utilisée sous forme de gluconate en solution à 4 %
dans de l'alcool isopropylique à 4 %. L'activité est moins rapide que celle de l'alcool mais le
spectre est large. Un lavage de seulement 15 s entraîne une réduction importante de la flore
transitoire. En outre, la chlorhexidine présente l'intérêt d'une activité rémanente longue. Les
dérivés iodés ont un bon spectre d'activité. Leur action est liée à la libération d'iode, ce qui peut
nécessiter un temps de contact de plus d'une minute. Les inconvénients sont la possibilité
d'allergie, l'effet irritant fréquent et le peu d'effet rémanent.

3.3.1.2. Les différents types d'hygiène des mains


La peau est un organe vivant dont les caractéristiques varient quantitativement et qualitativement
d'un individu à l'autre. La peau est difficile à désinfecter car elle est poreuse et revêtue d'un film
sébacé. L'hygiène des mains à l'hôpital comporte plusieurs types de lavages et de désinfection.
Le lavage habituel ou normal est réalisé avec un savon pur ne comportant pas d'antiseptique. Il
a une action essentiellement mécanique et n'élimine qu'une partie de la flore résidente. Les
bactéries sont mises en suspension dans le savon et seront ensuite éliminées par le rinçage. Ce
type de lavage ne permet pas d'éliminer les bactéries d'une contamination importante. Le lavage
antiseptique utilise des savons comportant des antiseptiques. Il élimine la flore transitoire et
une partie de la flore résidente.
Un essuyage avec du papier est réalisé avant de fermer le robinet d’eau ; ce papier est utilsé pour
la fermeture afin de ne pas se recontaminer. Le lavage chirurgical est réalisé avec des savons
antiseptiques. La durée est d'au moins 5 minutes. Il a pour but d'éliminer la totalité de la flore
transitoire et la plus grande partie de la flore résidente.
Les alternatives au lavage sont représentées par le rinçage à l'alcool ou avec des solutions
contenant des antiseptiques. L'efficacité est démontrée tout particulièrement pour les rinçages à
l'alcool. Ces techniques de décontamination éliminent une partie de la flore transitoire dès le
premier rinçage et la quasi-totalité lorsque ces rinçages sont répétés.
La disponibilité d'un lavabo à coté du patient est susceptible d'améliorer la compliance avec la
technique et d'éviter de sortir de la chambre, de toucher les poignées de porte, etc.
Le port de gants disposables pour effectuer les gestes comportant un risque septique est
indispensable.

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3.3.2. Recommandations
1- Quel que soit le poste de travail, l'accès à un lavabo doit être aisé (un lavabo par lit dans
chaque service neuf). Un distributeur de papier, pour s'essuyer les mains après lavage, sera placé
à côté de ce lavabo.
2- Avant la réalisation des procédures invasives, un lavage chirurgical est nécessaire.
3- En dehors de ces techniques, le lavage des mains en réanimation sera réalisé avec des produits
liquides, soit antiseptiques soit savon, en fonction des circonstances (germes multirésistants) et
des gestes.
4- Un lavage des mains doit être réalisé avant et après contact des patients, ainsi qu'après
utilisation de gants (cf. infra).
5- Les alternatives au lavage sont à utiliser en cas d'urgence.
6- La tolérance cutanée des produits utilisés doit être surveillée et prise en compte dans leur
choix.

3.4. Isolement et hygiène du personnel soignant


3.4.1. Techniques d'isolement
Les mesures d'isolement ont pour objectif d'établir des barrières contre la transmission des
micro-organismes d'un patient à l'autre, d'un malade au personnel soignant et du personnel
soignant à un malade.
L'isolement septique s'applique aux patients susceptibles d'être atteints d'une maladie
transmissible ou porteurs de micro-organismes particulièrement pathogènes ou particulièrement
résistants. Les épidémies hospitalières d'infections dues à des staphylocoques méticilline-
résistants, à des klebsielles productrices de bêta-lactamases à spectre élargi ou à des
Acinetobacter sont souvent survenues dans les unités de réanimation et montrent bien l'intérêt de
ce type d'isolement.
L'isolement protecteur s’applique aux patients particulièrement susceptibles aux infections du
fait de leur pathologie ou de leur traitement. Il s'agit de les protéger de l'environnement
microbiologique extérieur.
L’isolement géographique en chambre individuelle n’est pas toujours possible

L’isolement fonctionnel répond au souci de soins individualisés


• Gants.
o Le port de gants stériles est réservé à la réalisation des procédures invasives
nécessitant une asepsie chirurgicale. Le port de gants non stériles est réservé à la
réalisation de gestes contaminants : manipulation de liquides biologiques, de
sang, de linges souillés, contacts avec les muqueuses...
o Le port de gants doit être réservé à une tâche spécifique : « un patient, une paire
de gants ; un geste, une paire de gants ».
o Les gants doivent être retirés immédiatement après l'accomplissement du soin. Il
faut lutter contre le port permanent des gants procurant une fausse sensation de
sécurité.
o Les gants doivent être à usage unique, jetés après usage
o Après usage de gants, le lavage ou le rinçage des mains est indispensable.
o Hygiène des mains et port des gants ne sont pas des mesures alternatives mais
complémentaires. La politique de réalisation des soins, propre à chaque service,
doit préciser clairement leur place respective.

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• Masques.
o Le masque est reconnu comme barrière dans la transmission croisée de
l'aspergillus, du bacille de Koch (Mycobacterium tuberculosis), de
Staphylococcus aureus méthicilline-résistant et de façon générale de tout germe à
transmission aérienne.
• Surblouses d'isolement et tabliers plastifiés :
o Les surblouses évitent la contamination des vêtements lors des contacts avec des
patients infectés. La surblouse sera réservée aux patients porteurs de germes
multirésistants et aux patients immunodéprimés, brûlés. La surblouse doit être
réservée aux soins donnés à un seul et même patient puis jetée. Tout vêtement
souillé par un liquide biologique (sang, liquide digestif, urine, etc.) doit être
changé.

Autres mesures. Le port de calots ou de coiffe a pour but de prévenir la chute de cheveux et
squames sur les plaies. Le port de calot ne peut donc être recommandé que lorsqu'une asepsie
chirurgicale est nécessaire. L'utilisation de surchaussures ne repose sur aucune donnée
scientifique. Les micro-organismes retrouvés sur le sol n'ont jamais été incriminés dans les
infections nosocomiales. La seule justification des surchaussures paraît être la protection
éventuelle des chaussures du personnel contre la contamination par du sang ou d'autres liquides
biologiques.

3.4.2. Hygiène des soins


Le personnel peut être un réservoir de micro-organisme pour les patients, la règle est donc une
éviction temporaire du service en cas de maladie contagieuse, grippe par exemple. Par ailleurs,
deux vaccinations obligatoires pour le personnel soignant : BCG et vaccin anti-hépatite B
protègent les patients en prévenant le personnel comme réservoir pour ces deux pathogènes.
Enfin, les tenues vestimentaires stériles porétes au bloc opératoire ou au cours de toute activité
invasive : implantation de matériel étranger, exploration par sondage ou cathétérisme créent une
barrière entre la flore résidante du personnel et le patient et participe donc à l’aseptie de ces
actes. Cette tenue comporte : une cagoule enrobant toute la chevelure (prévention des infections
à Stretococcus pyogenes), un masque enrobant la cavité buccale et les fosses nasales (prévention
des infections à Staphylococcus aureus), une blouse stérile et une paire de gants stériles à usage
unique qui sont enfilés après un lavage antiseptique des mains. L’hygiène des soins comporte
l’antiseptie, c’est à dire la suppression temporaire des micoorganismes du site soigné et
l’aseptie c’est à dire le fait de ne pas apporter de microorganismes sur un site sous antiseptie.
L’aseptie a été présentée dans les différents chapitres ci-dessus. L’antiseptie du site soigné
repose sur l’application d’antiseptiques. Il s’agit de molécules chimiques présentant des activités
microbicides contre les bactéries, les virus et les levures mais toxiques par voie générale et donc
réservées à l’usage local. Ces molécules ont un spectre large mais chacune présente des
spécificités de spectre, elles agissent en quelques minutes, diminuent fortement les
concentrations microbiennes (> 6 logarithmes) et ont une activité diminuée par les composés
organiques. Elles peuvent être classées en quelques familles dont les plus importantes sont: (1)
les alcools (éthanol) ont un large spectre englobant les bactéries Gram-positives, Gram-
négatives, Mycobacterium tuberculosis, Candida spp.et les virus. Les alcools ne sont actifs qu’en
solution hydrique, à une concentration de 70% pour l’éthanol. Les effets secondaires comporte le
dessèchement cutané, diminué par l’ajout de glycérine à 1%. Les indications sont l’antiseptie
rapide des mains : une friction alcoolique avant tout contact avec un patient et l’antispetie sur
peau saine (2) la chlorhexidine est active essentiellement sur les bactéries Gram-positives, à une
concentration de 4%, sa toxicité comporte une ototoxicité et kératite, son utilisation est
l’antiseptie sur peau saine (3) les ammoniums quaternaires sont actifs essentiellement sur les
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bactéries Gram-positives, à une concentration de 0,1% et sont utilisés pour la désinfection sur
peau saine (champ opératoire par exemple) (4) l’iode présente un spectre étendu sur l’ensemble
des bactéries y compris Mycobacterium tuberculosis, les virus et Candida spp, elle est utilisée à
une concentration variant de 0,5 à 10% dans la désinfection sur peau saine (lavage antiseptique
des mains avant un geste invasif, préparation de champ opératoire) et muqueuse saine (y compris
une présentation ophthalomologique) et pour la désinfection sur peau lésée (désinfection après
traumatisme), il existe un passge systémique de l’iode pouvant conduire à des dysthyroïdies.

3.5. Politique d’utilisation des antibiotiques


3.5.1. Principes généraux de l’antibioprophylaxie en chirurgie
3.5.1.1. Introduction
Environ huit millions d’actes anesthésiques sont pratiqués en France chaque année ce qui motive
de très nombreuses prescriptions d’antibioprophylaxie destinées à limiter la survenue de
complications infectieuses postopératoires. L’infection est un risque permanent en chirurgie
et l’on retrouve des bactéries pathogènes dans plus de 90% des plaies opératoires, lors de la
fermeture. Ceci existe quelle que soit la technique chirurgicale et quel que soit l’environnement
(le flux laminaire ne supprime pas complètement ce risque). Ces bactéries sont peu nombreuses
mais peuvent proliférer. Elles trouvent dans la plaie opératoire un milieu favorable (hématome,
ischémie, modification du potentiel d’oxydo-réduction...) et l’acte chirurgical induit des
anomalies des défenses immunitaires. L’objectif de l’antibioprophylaxie en chirurgie est de
s’opposer à la prolifération bactérienne afin de diminuer le risque d’infection
postopératoire au niveau du site de l’intervention. La consultation préopératoire représente un
moment privilégié pour décider de la prescription d’une antibioprophylaxie en chirurgie. Il est
possible d’y définir le type d’acte chirurgical prévu, le risque infectieux qui s’y rapporte (et donc
la nécessité ou non d’une antibioprophylaxie), le moment de la prescription avant l’acte
chirurgical et d’éventuels antécédents allergiques pouvant modifier le choix de la molécule
antibiotique sélectionnée.

3.5.1.2. Prescription de l’antibioprophylaxie


Les interventions chirurgicales sont classées en 4 catégories ( classification d’Altemeier ) qui
sont explicitées dans les tableaux ci-dessous.

DCEM2 - Module n° 7 23
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Figure2

L’antibioprophylaxie s’applique à certaines chirurgies « propres » ou « propres-contaminées ».


Pour les chirurgies « contaminées » et « sales », l’infection est déjà en place et relève d’une
antibiothérapie curative dont les règles sont différentes notamment en terme de durée de
traitement. L’antibioprophylaxie doit s’adresser à une cible bactérienne définie, reconnue
comme la plus fréquemment en cause dans les infections du site opératoire du type de chirurgie
envisagée. Elle ne doit pas chercher à prendre en compte toutes les bactéries éventuellement
rencontrées. Le protocole d’antibioprophylaxie doit comporter une molécule incluant dans son
spectre cette cible bactérienne. Il est indispensable de sélectionner des molécules à spectre étroit
d’activité et qui ont obtenu une autorisation de mise sur le marché dans cette indication.
L’antibioprophylaxie (administrée généralement par voie intraveineuse) doit toujours précéder
l’acte opératoire (dans un délai maximum de 1h à 1h30) si possible lors de l’induction de
l’anesthésie et durer un temps bref, période opératoire le plus souvent, parfois 24 heures et
exceptionnellement 48 heures. La présence d’un drainage du foyer opératoire n’autorise pas à
transgresser ces recommandations. L’antibioprophylaxie ne doit pas être maintenue au delà de
ce délai y compris en cas de fièvre post-opératoire.
Il n’y a pas de raison de prescrire des réinjections lors de l’ablation de drains, sondes ou
cathéters. Le caractère ambulatoire de la chirurgie ne fait pas modifier les protocoles
habituellement utilisés. La première dose (ou dose de charge) est habituellement le double de la
dose usuelle. Des réinjections sont pratiquées pendant la période opératoire, toutes les deux
demi-vie de l’antibiotique, à une dose similaire, ou de moitié de la dose initiale. Les protocoles
d’antibioprophylaxie sont établis localement après accord entre chirurgiens, anesthésistes et
réanimateurs, infectiologues, microbiologistes et pharmaciens. Ils font l’objet d’une analyse
économique par rapport à d’autres choix possibles. Leur efficacité est régulièrement réévaluée
par une surveillance des taux d’infections postopératoires et des microorganismes responsables
chez les malades opérés ou non.. Ainsi, dans chaque service de spécialité, faut-il établir une

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politique de l’antibioprophylaxie c’est-à-dire une liste des actes opératoires regroupés selon leur
assujettissement ou non à l’antibioprophylaxie avec, pour chaque groupe, la molécule retenue et
son alternative en cas d’allergie. De plus, les malades à risque infectieux élevé (ou toute autre
situation justifiant) font l’objet d’une antibioprophylaxie particulière que l’on peut dire
« personnalisée » (ou « à la carte »). Dans un même service, il est recommandé de choisir
distinctement les molécules utilisées en antibioprophylaxie et en antibiothérapie curative. Les
protocoles sélectionnés doivent être écrits, validés par le CLIN et le comité du médicament
de l’établissement. Ces protocoles doivent impérativement être affichés en salle
d’intervention.

3.5.2. Recommandations concernant le bon usage des


antibiotiques
Depuis que les médicaments anti-infectieux sont utilisés, la résistance des micro-organismes
(bactéries, champignons, parasites mais également virus) à ces médicaments n’a cessé
d’augmenter. Cette évolution a été particulièrement spectaculaire pour les antibiotiques depuis
une vingtaine d’années. La prévalence de la résistance bactérienne aux antibiotiques est
préoccupante dans les établissements de soins en France. Le choix d’antibiotiques efficaces y est
rendu difficile,quand il est encore possible. Par ailleurs, cette prévalence de bactéries,
multirésistantes, et la gravité des infections qu’elles induisent amènent à prescrire largement les
quelques molécules encore actives, souvent les plus récentes et/ou de spectre étendu. Ces
pratiques favorisent l’émergence de nouvelles résistances et de plus, induisent des surcoûts.
La prescription des antibiotiques doit prendre en compte non seulement l’effet recherché sur
l’infection des malades traités, mais aussi leurs effets sur l’écologie bactérienne et donc sur la
collectivité. Il est ainsi essentiel de retarder l’apparition et/ou l’extension des résistances
bactériennes et de préserver le plus longtemps possible l’activité des antibiotiques. Des
recommandations visant au bon usage des antibiotiques ont été formulées par l’ANAES. Elles
s’intègrent dans une stratégie de contrôle de la résistance bactérienne dont l’autre principe de
base est d’interrompre la transmission épidémique des bactéries résistantes, par l’isolement ( cf
supra). Le bon usage des antibiotiques à l’hôpital fait intervenir un nombre important de
partenaires et notamment le Comité du Médicament (COM.MED), la pharmacie, le laboratoire
de microbiologie et les divers prescripteurs.
Conformément aux dispositions réglementaires, le COM.MED est chargé :
• de promouvoir et de veiller au bon usage des médicaments ;
• de mettre en place des enquêtes d’utilisation et un suivi des consommations ;
• d’optimiser les dépenses en médicaments ;
• de favoriser la recherche thérapeutique.
La politique de l’établissement est définie dans le cadre de réunions régulières consacrées aux
antibiotiques ou déléguée à une sous-commission (commission des antibiotiques).
La commission des antibiotiques est chargée d’élaborer et de proposer au COM.MED puis à la
Commission Médicale d’Etablissement (CME) la politique antibiotique de l’établissement.
Les principales actions à mettre en oeuvre sont :
• établir la liste des antibiotiques admis dans l’hôpital et la réactualiser ;
• établir la liste des antibiotiques à distribution contrôlée et proposer les modalités de ce
contrôle ;
• veiller à la diffusion régulière des informations relatives aux consommations, aux coûts et
aux nouveaux antibiotiques approuvés ;
• examiner la consommation antibiotique au regard de la résistance bactérienne et de
l’activité médicale ;

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• rédiger des recommandations de bonnes pratiques faisant l’objet d’un consensus des
utilisateurs ;
• participer à l’élaboration, la mise en place et l’évaluation des protocoles d’antibiothérapie
dans les services cliniques. L’appel à un référent spécialiste en antibiothérapie pour
des conseils ou la validation de la prescription de certains antibiotiques est une mesure
essentielle.
La réévaluation entre le 3 è et le 5 è jour de la prescription contribue au bon usage en particulier
dans le cadre des antibiothérapies probabilistes. La poursuite du traitement est soumise à l’avis
d’un médecin senior (médecin du service, infectiologue ou référent désigné).

3.6. Aspects réglementaires et médico-légaux : Responsabilités


juridiques/implications médico-légales
La prévention des infections nosocomiales est devenu un enjeu de santé publique. Cette
prévention est mise en avant par le code de déontologie médicale, par le référentiel
d’accréditation de l’ANAES, par de nombreux textes réglementaires, arrêtés et décrets .
La responsabilité médicale a un caractère contractuel reconnu depuis l’arrêt Mercier rendu
par la Cour de Cassation le 20 mai 1936. Le contrat passé entre le médecin et son patient
comporte traditionnellement une simple obligation de moyens. Comme nous allons le voir,
l’évolution de la jurisprudence en matière d’infections nosocomiales paraît remettre en
cause actuellement le fait que le médecin n’est tenu qu’à une obligation de moyens. Par
ailleurs, il était toujours très habituel d’insister sur le fait que le patient devait apporter la preuve
de la faute et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage. Cette notion est également
discutée. Il existe deux sortes de responsabilité : la responsabilité civile dont l’objet est
l’indemnisation des victimes et la responsabilité pénale qui définit les sanctions applicables aux
auteurs de la faute. Au niveau de l’hôpital public la voie judiciaire va passer par les juridictions
administratives et en dernier recours par le Conseil d’Etat.
En ce qui concerne les établissements privés, le chemin suivi sera celui des juridictions civiles et
en derniers recours la Cour de Cassation. En matière d’infections nosocomiales, l’analyse des
décisions rendues par le Conseil d’Etat, au cours de la décennie écoulée, semble instaurer la
notion de fautes présumées de l’Etablissement de Santé en cas d’infections nosocomiales,
lorsque le dommage révèle un fonctionnement défectueux du service, sans que le patient
n’ait à prouver la faute ou le dysfonctionnement. La présomption de faute ainsi retenue
renverse la charge de la preuve mais ne prive pas l’hôpital d’essayer de démonter qu’il n’a pas
commis de faute dans le fonctionnement du service.
En ce qui concerne les établissements privés, la responsabilité est engagée sur les fondements de
la relation patient-établissement privé et patient-médecin de nature contractuelle. L’évolution de
la jurisprudence s’est faite vers une notion d’obligation de sécurité des résultats et non pas
simplement d’obligation de moyens. Dans ces conditions, la faute présumée peut être le fait de
l’établissement privé, du médecin ou des deux.. Trois arrêts récents de la Cour de Cassation en
date du 29 Juin 1999 mettent en exergue l’obligation de sécurité de résultats dont
l’établissement de santé et le médecin ne peuvent se libérer qu’en rapportant la preuve
d’une cause étrangère. En matière pénale, le patient victime ou ses ayants droit s’il est décédé
peut intenter une action en invoquant 3 délits :
le débit d’homicide involontaire,
le délit d’atteinte à l’intégrité de la personne du patient,
le délit de mise en danger d’autrui.
Les soignants, aussi bien que les établissements de santé, publics ou privés, en tant que personne
morale peuvent faire l’objet d’une action pénale. Ces éléments législatifs sont d’une importance
fondamentale. Ils soulignent la nécessité pour les soignants de réunir toutes les pièces
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permettant d’établir qu’ils ont « accompli les diligences normales », respecté la


réglementation et les textes en vigueur ainsi que les recommandations des Sociétés
Savantes, du CTIN, du CCLIN et du CLIN …. . Ces pièces ont un caractère essentiel au
stade d’une expertise. Il apparaît actuellement que l’une des questions fondamentales que l’on
peut se poser en matière d’I.N. est celle des possibilités de les éviter : a t’on tout mis en œuvre
pour éviter la survenue de l’I.N. ? Dans les circonstances particulières de survenue d’une
infection nosocomiale cette survenue était elle obligatoire ?

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