Résumé. – Les éruptions cutanées sont très fréquentes chez l’enfant et répondent à de nombreuses causes,
en particulier infectieuses et principalement virales.
Si les grandes maladies éruptives décrites au début du siècle dernier persistent, elles sont devenues
minoritaires et se présentent souvent sous une forme modifiée. En outre, l’absence fréquente de
correspondance entre un type d’éruption et un agent causal complique l’approche diagnostique.
L’examen clinique minutieux et un interrogatoire rigoureux sont les deux clefs d’un diagnostic qui s’efforce en
priorité de déterminer une cause bactérienne justiciable d’un traitement antibiotique. Dans un deuxième
temps, sont discutées des causes virales, médicamenteuses et plus rarement des maladies de système
(vascularites). Les examens complémentaires, en particulier sérologiques, n’ont qu’un intérêt souvent
rétrospectif ou épidémiologique.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction entités sont toujours des descriptions La papule est une élevure saillante.
purement cliniques dont on ne connaît pas La vésicule est un soulèvement épidermique,
la nature exacte. de petite taille (de 2 à 3 mm) au contenu
L’enfance est un des moments privilégiés de
translucide.
la survenue des éruptions, en raison de la
Définitions et abord La bulle est un décollement épidermique.
forte prépondérance des infections virales si
nombreuses à cette période de la vie, et leur clinique
survenue au cours de différentes maladies EXAMEN CLINIQUE COMPLET
infectieuses pose le problème classique des Cet examen essaie de mettre l’éruption « en
DIAGNOSTIC CLINIQUE
éruptions fébriles. À cet égard, l’apparition situation ».
d e l ’ é ru p t i o n c o n s t i t u e s o u v e n t u n Le diagnostic des éruptions de l’enfant est
L’existence ou non d’une fièvre est le facteur
phénomène rassurant dans la surveillance essentiellement clinique. Il est basé sur la
principal qui axe la discussion diagnostique.
d’un état fébrile encore inexpliqué, car elle morphologie et la topographie des éléments
Outre l’appréciation de son retentissement
éruptifs. L’examen des téguments est suivi
authentifie une maladie dont on peut immédiat, il faut faire préciser son caractère
d’un examen clinique complet et surtout
prévoir qu’elle sera autolimitée, avec en fin aigu ou prolongé, sa modalité d’installation,
d’un interrogatoire détaillé et rigoureux. Les
de compte un pronostic rassurant. Pendant son rapport chronologique avec l’éruption.
examens complémentaires, en particulier
longtemps, les maladies éruptives de On s’enquiert ensuite d’autres signes,
biologiques, sont souvent contingents,
l’enfance ont été décrites autour du cadre p e r m e t t a n t d ’ a ffi n e r l e s p i s t e s
rarement indispensables, au moins au début.
traditionnel des six maladies classiques, dont diagnostiques :
La primauté de l’abord clinique implique
la quatrième (maladie de Dukes-Filatow) a une bonne connaissance et une définition – signes évocateurs d’infection respiratoire
d’ailleurs disparu de la nomenclature, et précise des lésions élémentaires. ou digestive (toux, catarrhe, diarrhée) ;
cette description méritait une sérieuse
L’érythème (rougeur congestive de la peau) – énanthème de la bouche, du carrefour
révision [4].
peut être : pharyngé ou injection conjonctivale ;
De nos jours, l’éventail des causes possibles
– morbilliforme : maculopapules rouges, – signes neurologiques, en particulier note
est très étendu, ajoutant aux infections
disséminées, laissant entre elles des méningée ;
virales des infections bactériennes, des
intervalles de peau saine ;
réactions médicamenteuses ou des maladies – arthrites ou douleurs articulaires ;
de système. La discussion est donc souvent – roséoliforme : les papules sont plus pâles,
– adénopathies ;
difficile et n’aboutit pas toujours à un moins saillantes, souvent moins
nombreuses ; – c a r a c t è re p ru r i g i n e u x o u n o n d e
diagnostic précis et documenté. Quelques
l’éruption.
– scarlatiniforme : l’érythème est rouge franc
(écarlate), en nappe continue, sans intervalle L’interrogatoire des parents, précis ou même
de peau saine. quasi policier, est susceptible d’apporter
Jacques Astruc : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef
de service. La macule est une tache érythémateuse, de nombre d’éléments intéressants :
Frédéric Bernard : Praticien hospitalier.
Service de pédiatrie 3, hôpital Arnaud de Villeneuve, 371, avenue du
diamètre moyen (de 5 à 7 mm), non – statut vaccinal avec consultation du carnet
Doyen-G-Giraud, 34295 Montpellier cedex 5, France. saillante. de santé de l’enfant ;
Toute référence à cet article doit porter la mention : Astruc J et Bernard F. Diagnostic des éruptions courantes de l’enfant et du nourrisson. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Pédiatrie, 4-108-A-10, 2001, 9 p.
4-108-A-10 Diagnostic des éruptions courantes de l’enfant et du nourrisson Pédiatrie
– re n s e i g n e m e n t s é p i d é m i o l o g i q u e s Fièvre boutonneuse
élémentaires (voyages, piqûres, animaux Infection à Mycoplasma pneumoniae
Scarlatine et pathologie toxinique
domestiques etc).
Au terme de cette phase qui peut être Causes virales
effectuée en quelques minutes par un Rougeole
praticien expérimenté, il est souvent possible Mégalérythème épidémique
de conclure à une infection virale ou à une Exanthème subit
éruption d’une autre cause. Excepté les Mononucléose infectieuse
maladie éruptives classiques et faciles à Entérovirus et adénovirus
Vascularite (syndrome de Kawasaki)
d i a g n o s t i q u e r ( ro u g e o l e , s c a r l a t i n e ,
varicelle), un diagnostic plus précis n’est Éruptions médicamenteuses
souvent pas possible en raison de l’absence
de corrélation spécifique entre un type
d’exanthème et un agent infectieux : un
même aspect éruptif relève souvent de
causes différentes ; inversement, un même
agent infectieux peut se manifester par
différentes variétés d’éruption. Hors les cas
cliniquement indiscutables, un diagnostic
définitif ne peut être obtenu qu’au prix 2 Exanthème subit.
d’examens virologiques et/ou sérologiques.
Ceci est peu réalisable en pratique courante
et ces examens ne sont justifiés que devant beaucoup moins évoqué qu’avant, car la
des cas particuliers ou devant l’intérêt de vaccination intensive, quoique non encore
caractériser une épidémie. généralisée (75 à 80 % de taux de couverture
vaccinale en France), a fait disparaître le
caractère endémoépidémique de la maladie
Classification en limitant la circulation des virus.
Néanmoins, des cas restent observés chez
et diagnostic des enfants non vaccinés ou que le vaccin
n’a pas protégés, pouvant faire redouter la
De nombreuses revues générales, remises à reprise de petites épidémies. Le diagnostic
jour en fonction des derniers développe- est plus difficile dans le cas de rougeoles
ments cliniques, microbiologiques ou « atténuées » chez des enfants qui ont été
épidémiologiques, sont régulièrement vaccinés : incubation plus courte, éruptions
publiées sur ce sujet [10, 21, 22, 27, 28, 33, 34, 48]. plus florides et macules plus pâles, signes
L’abord pratique consiste surtout à éliminer généraux moins sévères. Le diagnostic ne
une cause bactérienne justiciable d’un 1 Rougeole. peut être établi, si besoin est, qu’à l’aide
t r a i t e m e n t s p é c i fi q u e , u n e r é a c t i o n d’examens complémentaires (sérologie).
médicamenteuse et une vascularite (en précise et unique comme l’érysipèle ou les
particulier le syndrome de Kawasaki), avant cellulites. Ils sont infectieux, médica- ¶ Rubéole (érythème à petites
d’émettre l’hypothèse d’une infection menteux, ou sont l’expression cutanée d’une macules rosées)
virale [5]. maladie de système (tableau I).
Goodyear [27] estime à 65 % les rashs éruptifs Elle ne peut être diagnostiquée qu’au moyen
de nature infectieuse, parmi lesquels 72 % de la sérologie, car les formes inapparentes
de virus et 20 % de bactéries, le plus souvent ÉRYTHÈMES MORBILLIFORMES sont nombreuses et l’éruption n’est en rien
ET RUBELLIFORMES spécifique, observée dans de nombreuses
le streptocoque A.
Quatre des classiques maladies éruptives de autres circonstances, y compris virales. Il ne
Aucune classification ne peut être à la fois
l’enfance entrent dans ce cadre. faut guère compter sur les adénopathies
exhaustive et didactique, compte tenu du
occipitales ou de la nuque décrites
nombre important d’agents infectieux, en
¶ Rougeole (fig 1) classiquement mais devenues exception-
particulier viraux, incriminés. L’approche
nelles. La vaccination a rendu cette maladie
diagnostique se fonde en fait sur deux Prototype des maladies éruptives de rare, supprimant ainsi beaucoup des
critères principaux : l’enfance, c’est la plus facile à diagnostiquer angoisses liées à l’évocation de ce diagnostic.
– la description des éléments de l’éruption, par son tableau clinique : fièvre brutalement
qui doit être morphologique et élevée accompagnée d’une toux rauque et ¶ Exanthème subit ou roséole
topographique ; d’un catarrhe respiratoire, suivie au bout de
infantile (fig 2)
3 à 4 jours d’une éruption caractéristique
– l’existence ou non d’une fièvre, dont (macules rouge foncé) dont la survenue Il concerne la quasi-totalité des nourrissons
l’absence oriente plus volontiers vers une débute à la face, en particulier derrière les entre 6 mois et 3 ans. L’éruption survient au
intolérance médicamenteuse (toxidermie) ou oreilles et sur le front, et qui descend le long troisième ou quatrième jour d’une fièvre
des causes bien particulières, plus rarement du tronc et des membres pour se généraliser élevée (de 39 à 40 °C), tendue, qui s’est
rencontrées. en 48 heures. Le classique signe de Koplik installée de façon rapide en quelques heures.
Les érythèmes diffus ne recouvrent pas qui précède l’éruption est moins Cette fièvre est remarquablement bien
obligatoirement l’ensemble des téguments constamment retrouvé par l’examen tolérée, l’enfant restant assez tonique et
mais ne sont pas limités à une localisation endobuccal. Le diagnostic de rougeole est continuant à s’alimenter.
2
Pédiatrie Diagnostic des éruptions courantes de l’enfant et du nourrisson 4-108-A-10
¶ Maladie de Lyme
C’est une anthropozoonose due à des
germes spirochètes (Borrelia) et transmise à
l’homme par des morsures de tiques (Ixodes).
Le réservoir de germes est constitué par les
animaux, en particulier sauvages. La
transmission se fait en saison chaude et
Il faut penser à rechercher l’éruption qui et peut présenter un certain nombre de
particulièrement dans les sous-bois humides
peut passer inaperçue. En effet, l’exanthème variantes. Parmi celles-ci, la plus
(feuillus) et les bocages. Elle intervient chez
est fait de très petites macules rosées « fleurs caractéristique est une éruption simulant
l’enfant au cours d’activités de loisirs
de pêcher ». Il prédomine au tronc et est une scarlatine ou une vascularite cutanée
(promenade en forêt, jeux divers).
souvent minime sur la face. Il est surtout d’allure papuleuse, siégeant de manière bien
transitoire et de courte durée (24 heures en limitée aux mains et aux pieds [50] (gloves and L’éruption est le premier et maître
moyenne) et peut donc être ignoré malgré socks syndrome). Les « épidémies » de s y m p t ô m e d e l a m a l a d i e d e Ly m e ,
sa valeur sémiologique considérable scarlatine, affection qui n’a aucun caractère survenant 15 à 30 jours après la morsure, le
puisqu’il authentifie une affection bénigne épidémique, sont plus probablement en fait plus souvent sur le tronc et la moitié
alors que la fièvre durable commençait à des épidémies d’infection à parvovirus B19. inférieure du corps. Elle débute par une
inquiéter parents et médecins. plaque rouge centrée par le point de
Le diagnostic d’infection à parvovirus B19
L’exanthème est dû à l’herpèsvirus (HV) 6 et morsure qui s’étend concentriquement, peut
peut se faire par les techniques sérologiques
plus rarement à l’HV7. Un diagnostic atteindre un diamètre de 20 cm, avec un
classiques (immunoglobulines (Ig) G et
virologique (polymerase chain reaction [PCR]) centre qui pâlit et une périphérie paraissant
IgM). La recherche du parvovirus peut se
et sérologique est possible, bien entendu donc plus érythémateuse. L’érythème est
faire dans le sang ou la moelle osseuse par
complètement inutile au cours d’une indolore et peut s’accompagner de petits
amplification génique (PCR).
maladie classique. L’intérêt de ces examens signes généraux (fièvre, céphalées, asthénie).
a été de démontrer l’existence de formes ¶ Fièvre boutonneuse Il est important de penser à ce stade à la
fébriles pures sans éruption au cours de la méditerranéenne maladie de Lyme, de la diagnostiquer et de
primo-infection à HV6 et de rapporter à la traiter si l’on veut éviter le passage aux
C’est une affection bactérienne, due à une formes neurologiques, articulaires et
cette infection un certain pourcentage de
rickettsie, Rickettsia conori, transmise par éventuellement viscérales, qui caractérisent
convulsions fébriles dont on sait qu’elles
morsure de la tique du chien. Elle appartient les stades secondaires (1 à 2 mois) ou
sont l’apanage de cette tranche d’âge [29, 31, 56].
donc au groupe des rickettsioses tertiaires de la maladie.
L’HV7, dont la primo-infection est un peu
exanthématiques, dont elle est pratiquement
plus tardive que pour l’HV6, peut également La mise en évidence des germes est difficile
la seule entité observée de façon courante en
être la cause d’autres manifestations et un peu décevante. La sérologie (enzyme-
Europe et particulièrement en France. Son
cutanées [17]. linked immunosorbent assay [Elisa], IFI,
diagnostic est essentiellement clinique car
western blot) est le plus souvent utilisée
¶ Mégalérythème épidémique (fig 3) elle se manifeste avec assez d’éléments
évocateurs pour le médecin averti : malgré quelques difficultés d’interprétation.
Dû au parvovirus B19 [1], il atteint l’enfant
d’âge scolaire par petites épidémies, surtout – fièvre d’installation rapide, tendue à 39- ¶ Infections virales
en hiver et au printemps. Habituellement, 40 °C, pratiquement isolée, à l’exception de
après quelques jours de fièvre sans signes généraux non spécifiques (anorexie, De nombreuses autres infections virales
accompagnement (sinon des céphalées et courbatures, abattement confinant au comprennent, en plus de leurs signes
quelques courbatures), l’éruption débute aux tuphos) et d’une langue saburrale ; digestifs, respiratoires ou neurologiques, une
joues qui prennent un aspect « souffleté ». éruption maculeuse. Leur diagnostic clinique
– apparition vers le quatrième jour de la
Quelques jours plus tard, elle réalise sur le est quasiment impossible et ne peut être fait
fièvre d’une éruption maculopapuleuse de
tronc et à la partie proximale des membres que par des examens sérologiques ou
petite taille, disséminée mais intéressant la
un érythème déchiqueté et linéaire, donnant virologiques, sans grand intérêt pratique et
paume des mains et la plante des pieds,
classiquement un aspect en guirlande et qui onéreux (cf supra). L’exception la plus
c o n t r a i re m e n t à b e a u c o u p d ’ a u t re s
s’accompagne souvent d’un énanthème courante est la primo-infection à Epstein-
éruptions, ce qui lui confère une haute
(pharyngite), ainsi que de manifestations Barr virus (EBV) (mononucléose infectieuse),
valeur sémiologique ;
articulaires pouvant simuler de véritables au diagnostic clinique facile dans les formes
arthrites. Cette deuxième phase éruptive, – résolution spontanée au huitième ou typiques, et qui s’accompagne dans 25 % des
interprétée comme une manifestation auto- dixième jour, sans séquelles, hâtée par une cas d’un rash maculeux, même en dehors de
immune, peut durer jusqu’à 3 à 4 semaines, antibiothérapie adaptée (cyclines ou tout traitement par l’amoxicilline [46].
avec des phases de disparition et de macrolides) ; différentes complications Les infections à adénovirus peuvent
recrudescences déclenchées par divers viscérales (neurologiques ou cardiovascu- s’accompagner d’un exanthème morbilli-
stimuli (soleil, changements de température). laires) sont exceptionnelles chez l’enfant ; forme de la face ou généralisé et de divers
L’éruption du mégalérythème épidémique – divers éléments concourent au diagnostic : signes neurologiques ou respiratoires (toux,
est loin d’être toujours conforme aux règles ils sont épidémiologiques (maximum en pneumopathie). Le diagnostic n’est suspecté
3
4-108-A-10 Diagnostic des éruptions courantes de l’enfant et du nourrisson Pédiatrie
cliniquement que devant la fièvre adéno- longtemps, mais ce n’est que depuis peu que
pharyngo-conjonctivale qui est le seul leur mécanisme toxinique a été élucidé.
e n s e m b l e s y n d r o m i q u e é v o c a t e u r. L’éruption peut siéger n’importe où, mais
L’immunofluorescence ou la culture virale de façon assez préférentielle sur les membres
sont utilisées quand une enquête étiologique ou au pourtour des orifices de la face.
est indiquée.
Fait important, il n’y a pas d’angine et
Les infections à entérovirus : il en existe l’énanthème, s’il existe, est peu marqué. Ceci
66 sérotypes dont 30 ont été incriminés dans est en rapport avec le fait que le foyer
les épidémies estivales de méningite staphylococcique, qui sécrète et libère les
lymphocytaire, de diarrhée ou de syndromes toxines, est le plus souvent cutané et
respiratoires. L’éruption inconstante échappe rarement muqueux. Les bien connues
à toute description puisqu’ont été rapportés scarlatines chirurgicales après intervention
des érythèmes maculeux, maculopapuleux, ou brûlures ont laissé la place aux scarlatines
scarlatiniformes ou urticariens [12]. La seule compliquant une infection staphyloccique
affection reconnaissable cliniquement est le cutanée.
syndrome pieds-mains-bouche qui est décrit
Par analogie avec les toxines exfoliantes en
avec les éruptions vésiculeuses (cf infra).
c a u s e d a n s l e s é ru p t i o n s b u l l e u s e s
staphylococciques, on a longtemps pensé
ÉRYTHÈMES SCARLATINIFORMES
que la toxine en cause était l’exfoliatine de
Ils sont ainsi désignés car ils ont le caractère Staphylococcus aureus . Les méthodes
définissant l’érythème de la fièvre scarlatine : modernes d’investigation ont démontré,
éruption rouge violacé, en nappe sans dans la plupart des cas, la responsabilité de
intervalle de peau saine. Les causes, en la toxine TSST 1, agent du choc
dehors de la fièvre scarlatine, sont staphylococcique, voire d’une entéro-
nombreuses et l’érythème n’a pas de toxine [40]. Dans cette conception moderne, la 4 Urticaire.
spécificité. Il convient de s’assurer de s c a r l a t i n e s t a p h y l o c c i q u e p e u t ê t re
l’existence ou non d’un énanthème buccal interprétée comme une forme mineure ou Tous deux débutent à l’aisselle ou à l’aine,
ou pharyngé qui a une très grande valeur abortive du choc toxique staphylococcique, s’étendent et peuvent se bilatéraliser en
diagnostique [13]. ce qui implique une surveillance évoluant vers un aspect eczémateux ou
¶ Fièvre scarlatine particulièrement rigoureuse des malades [49]. desquamant.
Il s’agit vraisemblablement d’un aspect
Il s’agit en fait d’une angine à streptocoque ¶ Syndromes de choc toxique réactionnel non spécifique à un ou plusieurs
A (streptocoque pyogène) sécrétant une
streptococcique et staphylococcique agents viraux non encore identifiés.
toxine érythrogène. L’angine érythémateuse
ou érythématopultacée, d’allure Rares chez l’enfant [35, 53, 55], ils s’accompa-
apparemment banale si ce n’est la présence gnent l’un et l’autre d’une éruption ÉRUPTIONS URTICARIENNES
de vomissements fréquents, se complique scarlatiniforme typique, y compris jusqu’à la
E l l e s s o n t f a i t e s d e l a rg e s p l a q u e s
brusquement d’une éruption commençant desquamation terminale.
érythémateuses, souvent polylobées,
ou prédominant aux plis de flexion et L’érythème est toujours présent, accompagné disséminées, extensives et souvent
s’étendant rapidement à tous les téguments, d’une tendance à l’hypotension pouvant migratrices, avec des localisations variant
en respectant souvent le tour de la bouche confiner au choc et d’un syndrome de d’un jour à l’autre. L’aspect un peu surélevé
et des narines. Vers le cinquième ou sixième défaillance multiviscérale atteignant au et œdémateux et le caractère prurigineux
j o u r, c o m m e n c e à s e p r o d u i r e l a moins trois organes (poumons, foie, rein, très fréquent sont deux éléments importants
desquamation, très fine sur l’ensemble des myocarde, etc). du diagnostic.
téguments mais en lambeaux plus
Le foyer d’infection primitif peut être cutané Survenant en apyrexie, l’urticaire évoque au
importants sur les doigts, les paumes et les
ou muqueux (classique syndrome des premier chef une pathogénie immunoaller-
plantes.
tampons vaginaux dans le choc gique, surtout si le prurit est important
À l’exanthème s’associe, outre la staphylococcique). Chez l’enfant, le choc
constatation d’une pharyngoamygdalite, un (fig 4). L’évolution est favorable en quelques
streptococcique, dont le pronostic paraît plus heures ou quelques jours dans les cas
énanthème buccopharyngé caractéristique sévère, peut être redouté en cas de cellulite
sur la langue qui se dépapille de la sévères, la régression étant facilitée par un
ou de fasciite nécrosante, en particulier traitement corticoïde et/ou antihistaminique.
périphérie vers le centre pour prendre un postvaricelleuse [8]. Le diagnostic peut être
aspect framboisé très évocateur. L’urticaire récidivante pose de difficiles
fait en isolant un germe producteur de
L e s formes atténuées so nt les p lus problèmes de diagnostic étiologique, car
toxine ou par la mise en évidence dans le
fréquentes, avec une éruption beaucoup plus même les explorations allergologiques les
sérum d’anticorps antitoxiques
discrète, quelquefois uniquement apparente plus poussées ne permettent pas toujours de
spécifiques [43].
aux plis de flexion. Depuis le traitement définir l’allergène responsable [39].
antibiotique à peu près systématique des ¶ Exanthème latérothoracique Une éruption urticarienne est assez peu
angines, les formes complètes de fièvre fréquente au cours des maladies
unilatéral
scarlatine ont beaucoup diminué et les infectieuses [12], bien que faisant
formes atténuées semblent maintenant plus C’est une entité de description relativement classiquement partie de la phase de début
nombreuses. Le diagnostic est essentiel- récente [6, 41], survenant vers l’âge de 2 ans, des hépatites. Une infection à Mycoplasma
lement clinique, éventuellement complété quelquefois dans un contexte de fièvre avec pneumoniae peut être recherchée en cas
par le prélèvement de gorge et la sérologie pharyngite et/ou conjonctivite. L’éruption d’association à une pneumopathie ou à une
(qui ne se positive cependant qu’après un débute à l’aisselle. Elle est de type toux fébrile [11]. En revanche, une éruption
délai de 8 à 15 jours). scarlatiniforme ou papuleux, s’étend urticarienne à petits éléments, survenant en
concentriquement en 1 semaine pour durer atmosphère de fièvre élevée chez le tout
¶ Scarlatines staphylococciques de 4 à 6 semaines. On en rapproche ou on y jeune enfant, doit faire évoquer la possibilité
Elles sont aussi fréquentes que les scarlatines assimile l’exanthème asymétrique d’une forme systémique de rhumatisme
streptococciques et sont connues depuis périflexural de l’enfant décrit en 1993 [24, 51]. inflammatoire de l’enfant (maladie de Still),
4
Pédiatrie Diagnostic des éruptions courantes de l’enfant et du nourrisson 4-108-A-10
6 Varicelle.
5
4-108-A-10 Diagnostic des éruptions courantes de l’enfant et du nourrisson Pédiatrie
ÉRUPTIONS BULLEUSES
La bulle peut être définie comme un
soulèvement épidermique, liquidien, d’une
taille supérieure à 5 mm. Les éruptions
bulleuses ne présentent en général que peu
6
Pédiatrie Diagnostic des éruptions courantes de l’enfant et du nourrisson 4-108-A-10
7
4-108-A-10 Diagnostic des éruptions courantes de l’enfant et du nourrisson Pédiatrie
8
Pédiatrie Diagnostic des éruptions courantes de l’enfant et du nourrisson 4-108-A-10
Références
[1] Anderson MJ, Jones SE, Fisher-Hoch SP et al. Human par- [20] Florman A, Holzman RS. Nosocomial scalded skin syn- [40] Lina G, Gillet Y, Vandenesch F, Jones ME, Floret D, Etienne J.
vovirus, the cause of erythema infectiosum (fifth disease)? drome. Am J Dis Child 1980 ; 134 : 1043-1047 Toxin involvement in staphylococcal scalded skin syn-
Lancet 1975 ; 1 : 1378-1375 [21] Frieden IJ. Childhood exanthems. Curr Opin Pediatr 1995 ; drome. Clin Infect Dis 1997 ; 25 : 1369-1373
[2] Baldari U, Monti A, Righini MG. An epidemic of infantile 7 : 411-414 [41] McCuaig CC, Russo P, Powell J, Pedneault L, Lebel P,
papular acrodermatitis (Gianotti-Crosti syndrome) due to Marcoux D. Unilateral laterothoracic exanthem. A clinico-
[22] Frieden IJ, Resnick SD. Childhood exanthems: old and new.
Epstein-Barr virus. Dermatology 1994 ; 188 : 203-204 pathologic study of forty eight patients. J Am Acad Dermatol
Pediatr Clin North Am 1991 ; 38 : 859-887
[3] Bastugi-Garin S, Rzany B, Stern RS, Shear NH, Naldi L, 1996 ; 34 : 979-984
Roujeau JC. A clinical classification of cases of toxic epider- [23] Friter BS, Lucky AW. The perineal eruption of Kawasaki’s
syndrome. Arch Dermatol 1988 ; 124 : 1805-1810 [42] Miller GD, Tindall JP. Hand-foot-and-mouth disease. JAMA
mal necrolysis, Stevens-Johnson’s syndrome and erythema 1968 ; 203 : 107
multiforme. Arch Dermatol 1993 ; 129 : 92-96 [24] Gelmetti C, Grimalt R, Cambiaghi S, Caputo R. Asymmetric
[4] Bialecki C, Feder HM, Grant-Kels JM. The six classic child- periflexural exanthem of childhood: report of two new [43] Murono K, Fujita K, Yoshioka H. Microbiologic characteris-
hood exanthems: a review and update. J Am Acad Dermatol cases. Pediatr Dermatol 1994 ; 11 : 42-45 tics of exfoliative toxin-producing Staphylococcus aureus.
1989 ; 21 : 891 Pediatr Infect Dis J 1988 ; 7 : 313-315
[25] Gianotti F. Papular acrodermatitis of childhood: an Austra-
[5] Bligard CA, Millikan LE. Acute exanthems in children: clues lia antigen disease. Arch Dis Child 1973 ; 48 : 794 [44] Olivier C, Radal M, Mazaud S, Jonville-Bera AP, Martel C,
to differential diagnosis of viral disease. Postgrad Med [26] Gianotti F. Papular acrodermatitis of childhood and other Autret E. Éruption après une première prise d’une quadri-
1986 ; 79 : 150-167 papulo-vesicular acro-located syndromes. Br J Dermatol thérapie antituberculeuse: penser au pyrazinamide. Arch
1979 ; 100 : 49 Pédiatr 1998 ; 5 : 289-290
[6] Bodemer C, DeProst Y. Unilateral thoracic exanthem in
children: a new disease? J Am Acad Dermatol 1992 ; 27 : 693 [27] Goodyear HM, Laidler PW, Price EH, Kenny PA, Harper JI. [45] Parha S, Garoufi A, Yiallouros P, Theodoridis C, Karpathios
[7] Bonnetblanc JM. Réactions cutanées aux médicaments Acute infectious erythemas in children: a clinico- T. Carbamazepine hypersensitivity and rickettsiosis mim-
chez l’enfant. Ann Dermatol Vénéréol 1997 ; 124 : 339-345 microbiological study. Br J Dermatol 1991 ; 124 : 433-438 icking Kawasaki’s disease. Eur J Pediatr 1993 ; 152 :
1040-1041
[8] Bradley JS, Schlievert PM, Sample TG Jr. Streptococcal toxic [28] Grossman KL, Rasmussen JE. Recent advances in pediatric
shock-like syndrome as a complication of varicella. Pediatr infectious diseases and their impact on dermatology. J Am [46] Patel BM. Skin rash with infectious mononucleosis and
Infect Dis J 1991 ; 10 : 77-79 Acad Dermatol 1991 ; 24 : 379-389 ampicillin. Pediatrics 1967 ; 40 : 910
[9] Caputo R, Gelmetti C, Ermacora E, Gianni E, Silvestri A. [29] Hall CB, Long CE, Schnabel KC, Caserta MT, McIntyre KM, [47] Raoult D. Fièvre boutonneuse méditerranéenne. Rev Prat
Gianotti-Crosti’s syndrome: a retrospective analysis of 308 Costanzo MA et al. Human herpesvirus-6 infection in chil- 1997 ; 47 : 1419
cases. J Am Acad Dermatol 1992 ; 26 (2 Pt 1) : 207-210 dren: a prospective study of complications and reactiva- [48] Resnick SD. New aspects of exanthematous diseases of
[10] Cherry JD. Contemporary infectious exanthems. Clin Infect tion. N Engl J Med 1994 ; 331 : 432-438 childhood. Dermatol Clin 1997 ; 15 : 257-266
Dis 1993 ; 16 : 199-207 [30] Hamel-Teillac D, Bodemer C. Éruptions fébriles des mala-
dies systémiques de l’enfant. Rev Prat 1997 ; 47 : [49] Resnick SD. Staphylococcal toxin-mediated syndromes in
[11] Cherry JD, Hurwitz ES, Welliver RC. Mycoplasma pneumo- childhood. Semin Dermatol 1992 ; 11 : 11-18
niae infections and exanthems. J Pediatr 1975 ; 87 : 369-373 1458-1462
[12] Cherry JD, Lerner AM, Klein JO et al. Coxsackie A9 infec- [31] Hidaka Y, Okada K, Kusuhara K, Miyazaki C, Tokugawa K, [50] Stone MS, Murph JR. Papular-purpuric gloves and socks
tions with exanthems with particular reference to urticaria. Ueda K. Exanthem subitum and human herpesvirus-7 syndrome: a characteristic viral exanthem. Pediatrics 1993 ;
Pediatrics 1963 ; 31 : 819 infection. Pediatr Infect Dis J 1994 ; 13 : 1010-1011 92 : 864-865
[13] Cribier B. Éruptions cutanées d’origine streptococcique et [32] Hoeger PH, Elsner P. Staphylococcal scalded skin syn- [51] Taieb A, Megraud F, Legrain V, Mortureux P, Maleville J.
staphylococcique. Rev Prat 1997 ; 47 : 1438-1441 drome: transmission of exfoliatin-producin Staphylococcus Asymmetric periflexural exanthem of childhood. J Am Acad
aureus by an asymptomatic carrier. Pediatr Infect Dis J 1988 ; Dermatol 1993 ; 29 : 391-393
[14] Cutaneous reactions to analgesic-antipyretics and nonste-
roidal anti-inflammatory drugs. Analysis of reports to the 7 : 340-342 [52] Teillac D, Marsol P, Richard P, Hubert P, Roujeau JC, Cloup
spontaneous reporting system of the gruppo italiano studi [33] Hogan PA. Viral exanthems in childhood. Australas J Der- M et al. Nécrolyse épidermique toxique de l’enfant (syn-
epidemiologici in dermatologia. Dermatology 1993 ; 186 : matol 1996 ; 37 : S14-S16 drome de Lyell). Arch Fr Pédiatr 1987 ; 44 : 583-587
164-169
[34] Hogan PA, Morelli JG, Weston WL. Viral exanthems. Curr [53] Tyson W, Wensley DF, Anderson JD et al. Atypical staphy-
[15] Dancer SJ, Simmons NA, Poston SM et al. Outbreak of Probl Dermatol 1992 ; 4 : 35-94 lococcal toxic shock syndrome: two fatal pediatric cases.
staphylococcal scalded skin syndrome among neonates. Pediatr Infect Dis J 1989 ; 8 : 642-645
J Infect 1988 ; 16 : 87-103 [35] Jacobson JA, Kasworm EM, Reiser RF et al. Low incidence of
toxic shock syndrome in children with staphylococcal [54] Weston WL, Brice SL, Jester JD, Lane AT, Stockert S, Huff JC.
[16] Draelos ZK, Hansen RC, James WD. Gianotti-Crosti’s syn- infection. Am J Med Sci 1987 ; 294 ; 403-407 Herpes simplex virus in childhood erythema multiforme.
drome associated with infections other than hepatitis B. Pediatrics 1992 ; 89 : 32-34
JAMA 1986 ; 255 : 216-218 [36] Kwon SJ, Lee CW. Figurate purpuric eruptions on the trunk:
acetaminophen-induced rashes. J Dermatol 1998 ; 25 : [55] Wiesenthal AM, Todd JK. Toxic shock syndrome in scalded
[17] Drago F, Ranieri E, Malaguti F, Losi EE, Rebora A. Human 756-758
herpesvirus 7 in pityriasis rosea. Lancet 1997 ; 349 : children aged ten years or less. Pediatrics 1984 ; 74 :
1367-1368 [37] Larrègue M. Aspects cliniques des toxidermies en pédia- 112-117
trie. Rev Méd 1974 ; 15 : 1223-1229 [56] Yamanishi K, Shiraki K, Kondo T et al. Identification of
[18] Epelbaum S, Benhamou PH, Lok C, Rossi D, Labeille B,
Denoeux J. Pustulose exanthématique aiguë généralisée. [38] Legrain V, Lejean S, Taieb A, Guillard JM, Battin J, Maleville human herpesvirus-6 as a causal agent for exanthem
Pédiatrie 1989 ; 44 : 387-389 J. Infantile acute hemorragic edema of the skin: study of ten subitum. Lancet 1988 ; 1 : 1065
[19] Feldmann R, Harms M, Saurat JH. Papular-purpuric « glove cases. J Am Acad Dermatol 1991 ; 24 : 17-22 [57] Yasumoto S, Tsujita J, Imayama S, Hori Y. Case report:
and socks » syndrome: not only parvovirus B 19. Dermato- [39] Legrain V, Taieb A, Maleville J. Épidémiologie de l’urticaire Gianotti-Crosti’s syndrome associated with human
logy 1994 ; 188 : 85-87 chez l’enfant. Allergol Immunol 1993 ; 25 : 324-326 herpesvirus-6 infection. J Dermatol 1996 ; 23 : 499-450