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PATHOLOGIES

DE LA MUQUEUSE BUCCALE
COMMUNÉMENT
RENCONTRÉES

Marie-Cécile MANIÈRE
Roger HALL

D es plus bénignes des gingivo-


stomatites aux plus sévères, toutes les
elles sont le plus souvent aiguës, lors
des maladies contagieuses de l’enfan-
formes de lésions muqueuses - érythè- ce, ou lors d’une primo-infection herpé-
me, vésicules, bulles, érosions, ulcéra- tique, et l’étiologie est essentiellement
tions... - peuvent être observées chez virale : herpès, herpangine, syndrome
l’enfant (tableau I). Nous nous limiterons, pieds-mains-bouche, mononucléose,
dans cet exposé, aux formes les plus
MOTS CLEFS fréquemment rencontrées, en mention-
varicelle..., ou fongique : candidoses...
Nourrisson
Dans les candidoses, les ulcérations
nant les éléments essentiels qui pourront peuvent apparaître secondairement,
Enfants
Stomatite
guider le praticien dans sa démarche surtout quand les conditions d’hygiène
Muqueuse buccale diagnostique et thérapeutique.
sont mauvaises, ou en cas de déficien-
Herpès
ce immunitaire.
LES STOMATITES
Il faut remarquer que la généralisation
KEY WORDS VÉSICULEUSES OU des vaccinations ayant amené la dispa-
Infant ULCÉREUSES D’ORIGINE rition de la plupart des fièvres éruptives
Child INFECTIEUSE de l’enfance, leurs manifestations buc-
Stomatis
Herpes Ellesconstituent fréquemment une cales ne se rencontrent plus qu’excep-
Oral mucosa manifestation d’une maladie générale ; tionnellement.

REALITES CLINIQUES Vol. 12 n° 1, 2001 pp. 83-91


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Fig. 1 - Primo-infection herpétique LES INFECTIONS VIRALES muette, la primo-infection ne s’expri-


chez une enfant de 12 mois, mant que dans 1 à 20% des cas. Sa fré-
survenue au moment de l’éruption • La primo-infection herpétique est quence est la plus élevée entre 1 et
de 51, et surinfectée une pathologie courante qu’il faut
Fig. 2 - Stomatite herpétique
4 ans, avec un pic entre 14 et 24 mois.
savoir identifier. Très souvent, la primo-infection survient
au stade initial
Les infections herpétiques buccales au moment de l’éruption des dents tem-
Fig. 3 - Aspect rouge et oedématié
sont parmi les maladies infectieuses les
de la gencive caractéristique poraires (1) (fig.1).
d’une primo-infection herpétique plus communes à l’Homme. On observe
Les infections néonatales sont pos-
Fig. 4 et 5 - Primo-infection actuellement une certaine recrudescen-
sibles et peuvent être dévastatrices car
herpétique chez un enfant de 3 ans. ce de cette pathologie, qui touche de 90
le plus souvent de forme disséminée, et
Présence de vésicules à 100% de la population de plus de 15
et d’érosions sur la langue pouvant se compliquer d’une encéphali-
ans. Un enfant sur 2 est déjà infecté par
te herpétique.
le HSV1 à l’âge de 4 ans.
Lorsqu’elle est symptomatique, la
L’infection peut être contractée à partir
primo-infection est caractérisée par une
des lésions ou de la salive infectée. Le
éruption cutanéo-muqueuse vésiculeu-
virus de type Herpès simplex, peut sur-
se associée à un syndrome infectieux.
vivre plusieurs heures dans les fluides
Le temps d’incubation est de 3 à 5
ou sur des surfaces. Cette infection
jours, avec une période prodromale de
peut être primaire (premier contact avec
le virus) ou récurrente (réactivation 48 heures pendant laquelle l’enfant est
d’une infection latente chez un hôte irritable, fatigué et fiévreux. Le début de
possédant des anticorps circulants). l’éruption se manifeste par l’apparition
de douleurs gingivales, puis par une
 Quelles sont gingivo-stomatite érythémateuse avec
les caractéristiques un œdème, accompagnée de sialor-
de la primo-infection ? rhée, de dysphagie et d’anorexie (fig.
La pénétration du virus dans l’organis- 2). L’enfant est fébrile, la température
me est, en règle générale, cliniquement pouvant monter à 39°- 40°, et il présen-

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te des adénopathies sous-maxillaires et Le diagnostic différentiel : cette infec-
cervicales satellites, souvent doulou- tion peut être confondue cliniquement
reuses. La gencive est très enflammée, avec une gingivite aiguë ulcéreuse,
rouge vif et saigne facilement (fig. 3 et mais on observe dans ce cas une des-
4). Les ulcérations sont en général de truction de la gencive et, de plus, la gin-
petite taille, jaunâtres avec un bord givite nécrotique est très rare chez le
rouge, se situant à n’importe quel jeune enfant.
endroit de la muqueuse buccale (fig. 5). Dans le cas de l’herpangine, le siège
L’éruption peut déborder sur le pourtour des lésions est différent, prédominant au
des lèvres, sur le menton et les joues, niveau postérieur de la cavité buccale.
avec des lésions regroupées en bou- Cette infection ne peut non plus être
quet, recouvertes par endroits de confondue avec une leucose aiguë,
le tableau clinique étant très différent.
croûtes brunâtres ou sanguinolentes au
niveau des lèvres, facilitant ainsi le dia-
gnostic (fig. 6). Les lésions cicatrisent
sans séquelles en 5 à 10 jours.
TABLEAU I - CLASSIFICATION DES LÉSIONS DE LA MUQUEUSE BUCCALE
 D’où proviennent CHEZ L’ENFANT (3)
les difficultés 1. FORMES SANS ULCÉRATION
du diagnostic clinique ? • Langue géographique
Devant le tableau d’un enfant fébrile, • Granulome infecté
présentant une gingivo-stomatite, le • Granulomatose de Wegener
praticien doit envisager en premier lieu • Papillomes et verrues vulgaires
une primo-infection herpétique. Mais si,
lors de l’examen clinique, il ne retrouve 2. FORMES ULCÉREUSES
pas de vésicules, il va mettre en doute • Localisées
son diagnostic. Or la forme vésiculeuse Traumatiques (Riga Fédé)
dans la cavité buccale est toujours Chimiques ou médicamenteuses
éphémère car, en raison de la macéra- Néoplasiques (Histiocytose à cellules Langerhans, leucémie aiguë
tion et des mouvements de la langue, myéloblastique)
les vésicules se rompent en quelques
heures, perdent leur toit épithélial, fai- • Généralisées
sant place au stade d’érosion ou d’ulcé- Infections virales :
ration. Ces érosions sont superficielles Gingivostomatite herpétique
et de coloration rose. Les signes cli- Herpangine
niques des ulcérations sont la couleur Maladie Pieds-Mains-Bouche
jaunâtre, les gingivorragies, les dou- Mononucléose infectieuse
leurs importantes, l’halitose. Elles Varicelle
s’accompagnent de signes généraux Ulcérations aphteuses (aphtes mineurs et majeurs récurrents)
comme la température, et témoignent Candidoses
souvent d’une surinfection. Syndrome de Behçet
Par conséquent, le diagnostic d’une gin- Immuno-suppression (leucoses, HIV, transplantation)
givo-stomatite herpétique ne doit pas Maladies hématologiques
reposer uniquement sur la découverte Autres infections (syphilis...)
de vésicules, mais doit prendre en 3. GRANULOMATOSES ORO-FACIALES
compte l’ensemble des symptômes (cir- • Maladie de Crohn
constances d’apparition, douleurs, • Syndrome de Melkersson-Rosenthal
fièvre...) et des aspects cliniques • Colite ulcéreuse
variables en fonction du stade (initial ou
plus tardif) tels que l’érythème, les éro- 4. FORMES VÉSICULO-BULLEUSES
sions, les ulcérations, la présence de • Phemphigus buccal
saignements... • Erythème multiforme (Syndrome de Stevens-Johnson)
• Dyskeratosis congenita

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Fig. 6 - Extension cutanée Dans la stomatite herpétique, les dou- recommandée chez l’enfant de plus de
des lésions herpétiques, leurs, intenses, prédominent au niveau 1 an est de 3mg/kg/j à répartir en 4 à 6
avec croûtes brunâtres sur les lèvres de la bouche. En cas de leucose aiguë, prises. En France, le seul antalgique
Fig. 7 - Stomatite herpétique sévère il existe des douleurs diffuses dans le oral de palier II pour l’enfant à partir de
chez un enfant sous chimiothérapie dos, les membres, mais pas particuliè- 1 an est le Codenfan® (Phosphate de
rement dans la cavité buccale. On pour- codéine). La posologie doit être adaptée
ra éventuellement observer un infiltrat à l’intensité de la douleur et à la répon-
gingival érythémateux, mais sans vési- se clinique, la dose préconisée étant de
cule ni ulcération. Par ailleurs, il existe 1ml de sirop par kg de poids corporel et
une pâleur et une asthénie intenses. A par prise. La stomatite herpétique fait
un stade plus tardif, une stomatite leu- partie des rares cas où la prescription
cémique par agranulocytose peut surve- d’un antalgique de palier II est indiquée
nir, mais toujours accompagnée chez l’enfant en odontologie.
d’autres symptômes généraux caracté- Chez l’enfant plus grand, l’application
ristiques, tels que la splénomégalie... d’anesthésique de contact sur les
Le diagnostic biologique lèvera les lésions peut le soulager (xylocaïne en
doutes éventuels ; il comportera un gel à 2%).
cytodiagnostic (frottis), et éventuelle- Encourager la prise de liquides : les
ment un test Elisa. Compte tenu du boissons, desserts lactés, ou soupes
délai nécessaire pour l’obtention des froides seront recommandés. Dans les
résultats, le diagnostic ne sera confirmé cas où l’enfant n’arrive plus à avaler,
qu’a posteriori. l’hydratation se fera par voie intravei-
 Quels sont les règles de la prise neuse.
en charge thérapeutique ? Traiter l’infection :
Elle est symptomatique et ses objectifs • l’administration d’une chimiothérapie
sont de traiter la douleur (ce qui va per- antivirale, telle que l’aciclovir est contro-
mettre à l’enfant de s’alimenter) et versée ; cependant elle donne de bons
l’infection, et d’éviter les surinfections. résultats dans la phase initiale de la
Elle comporte également des mesures primo-infection, c’est à dire dans les 72
de prévention. premières heures, avant l’apparition des
Traiter la douleur : celle-ci ne doit sur- vésicules. Dans ce cas, elle permet
tout pas être négligée car elle est impor- d’écourter les signes cliniques, de limi-
tante, y compris chez le tout petit. On ter la durée de la contagiosité, mais ne
prescrira des analgésiques de palier I, prévient pas les récurrences ultérieures.
par exemple du paracétamol, à la dose La posologie pour la suspension
de 20mg/kg toutes les 4 heures. En buvable est de 3 fois 5mg/kg par jour.
l’absence de réponse aux antalgiques Toutefois, dans les tableaux sévères et
périphériques, ou bien en 1ère inten- chez l’enfant immunodéprimé, l’aciclovir
tion, quand la douleur est d’emblée très doit être administré à la dose de 3 fois
forte, on passera au palier II et prescrira 10mg/kg/24h par voie intra-veineuse, ou
de la codéine. La dose de codéine de 80mg/kg/24h per os (fig. 7).

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• Une antibiothérapie n’est pas indi- sévère avec diffusion de l’infection,
quée, sauf s’il existe déjà une surinfec- s’accompagnant de fièvre élevée et
tion et que le terrain le nécessite. d’une altération de l’état général, dans
Eviter les surinfections : la surinfec- le cas d’une stomatite herpétique, le
tion bactérienne des ulcérations sera premier critère est le risque de déshy-
prévenue par des bains de bouche à la dratation. En effet, cette affection
chlorhexidine ou des tamponnements concernant essentiellement les tout
des lésions avec des solutions diluées petits, les douleurs importantes engen-
sans alcool à 0,05 % chez le plus petit. drent immédiatement des difficultés
Mesures de prévention : lors de la d’alimentation liquide et solide, aussi la
prise en charge d’un patient présentant déshydratation peut-elle survenir très
des lésions herpétiques, le praticien rapidement. En conséquence, si l’enfant
prendra évidemment les précautions est resté 24 heures sans boire et sans
d’hygiène habituelles de façon à éviter manger, l’hospitalisation est pleinement
les contaminations croisées. Le caractè- justifiée car elle va permettre une hydra-
re contagieux de cette affection est bien tation parentérale. Le deuxième critère
souvent ignoré des parents. Il faut donc est la sévérité de l’infection et la tempé-
leur recommander d’éviter les contacts rature.
de l’enfant atteint avec les autres
enfants, tout particulièrement les nou- • Le syndrome pieds-mains-bouche
veaux-nés et les nourrissons. L’informa- est dû au virus Coxsachie A 16. C’est
tion doit être diffusée dans les crèches, une stomatite ulcéreuse. La période
d’invasion, qui dure plusieurs jours, est Fig. 8 - Maladie pieds-mains-bouche.
les échanges de tétines étant un des Lésions des mains
vecteurs essentiels des épidémies en caractérisée par un léger malaise, de la
Fig. 9 - Maladie pieds-mains-bouche.
milieu collectif. fièvre et des sensations de brûlures.
Plante des pieds
L’éruption est vésiculeuse, atteignant la Fig. 10 - Maladie pieds-mains-
 Quand doit-on hospitaliser paume des mains (fig.8), la plante des bouche.
l’enfant ? pieds (fig. 9), les espaces interdigitaux Lésions buccales
En odontologie pédiatrique, les cas qui et la bouche. Les vésicules sont entou- chez le même patient
nécessitent impérativement une hospi- rées d’un liseré rouge.
talisation ne sont pas fréquents, mais Dans la cavité bucca-
les critères en sont simples et rigou- le, survient une gingi-
reux. Alors que dans un cas de cellulite, vo-stomatite, dont les
l’hospitalisation de l’enfant doit être pré- vésicules se transfor-
conisée si celui-ci présente une forme ment rapidement en

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Fig. 11 - Varicelle érosions. Elles siègent sur les gencives, • La varicelle. Fréquente entre l’âge de
Fig. 12 - Lésions buccales les lèvres, la langue, le pharynx, les 2 et 10 ans, elle est très contagieuse.
de la varicelle chez le même enfant, amygdales, le voile du palais (fig. 10). Après une période d’incubation de 10 à
localisées à la langue et à la gencive Elles entraînent une dysphagie, et 20 jours et une phase prodromale de 24
s’accompagnent d’adénopathies. Cette heures avec malaise et fièvre, une érup-
affection évolue spontanément vers la tion cutanée caractéristique de vési-
guérison en 6 à 15 jours. Le diagnostic cules permet le diagnostic (fig. 11). Les
différentiel se pose avec l’herpangine, la lésions buccales sont retrouvées dans
stomatite herpétique, les aphtes mul- la moitié des cas, avec la présence de
tiples. quelques vésicules colorées en jaune
qui s’ulcèrent rapidement et qui sont
• L’herpangine, maladie bénigne, est localisées au voile du palais, à la
aussi une stomatite à entérovirus. Elle langue, à la muqueuse jugale ou gingi-
se caractérise par un énanthème, vale (fig. 12).
d’abord érythémateux, puis par l’appari-
tion d’une dizaine de microvésicules
LES CANDIDOSES
douloureuses entourées d’un halo
inflammatoire sur les amygdales, la Le muguet, dont la terminologie exacte
luette et le voile du palais. Il n’y a ni gin- est candidose pseudo-membraneuse,
givite ni éruption cutanée et l’évolution est la plus répandue des mycoses buc-
est spontanément favorable en cales aiguës du nourrisson et du jeune
quelques jours. En général, il existe des enfant. On observe sur la langue, les
épidémies saisonnières chez le petit joues, les lèvres, le palais, des plaques
enfant. Comme dans d’autres infections blanc crayeux, bordées de rouge, qui,
virales, le traitement doit être sympto- lorsqu’on enlève le dépôt blanc, laissent
matique. apparaître une base érythémateuse (4).
Le Candida albicans fait partie de la
• La mononucléose infectieuse. Due flore commensale chez plus de la moitié
au virus d’Epstein-Barr, elle est excep- des enfants. Aussi, chez l’enfant plus
tionnelle avant l’âge de 3 ans. Elle est âgé, les candidoses s’observent-elles
plus fréquente à la fin de l’adolescence essentiellement chez l’enfant immuno-
et chez le jeune adulte. La contagiosité déprimé, dans le cadre d’une infection à
est faible, avec une transmission essen- VIH, ou chez l’enfant cancéreux pen-
tiellement salivaire. Elle se manifeste le dant les cures de chimiothérapie ou de
plus souvent par une fatigue, de la radiothérapie.
fièvre et une inflammation aiguë du pha- La prise en charge thérapeutique repo-
rynx avec des adénopathies. Lorsqu’elle se sur la prescription de médication
atteint le jeune enfant, ses manifesta- antifongique, pendant une durée suffi-
tions sont le plus souvent atypiques, et sante, en bains de bouche, et per os
on peut retrouver au niveau du pharynx quand il existe une possibilité d’atteinte
et du palais mou des pétéchies et des digestive. La Fungizone® en suspension
ulcérations. buvable pour nourrissons et enfants

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s’utilise en bains de bouche à raison • La maladie de Crohn est une affection Fig. 13 - Granulomatose gingivale
d’une cuillère à café 3 ou 4 fois par jour. inflammatoire du tube digestif, d’étiologie chez un enfant âgé de 8 ans
atteint de maladie de Crohn
Des badigeonnages locaux à la Myco- inconnue, qui touche surtout la partie dis- Fig. 14 - Aspect caractéristique
statine® (suspension buvable) sont éga- tale de l’iléon et le colon. Le symptômes de la gencive dans la granulomatose
lement indiqués en cas de muguet chez en sont extrêmement variables, mais oro-faciale, chez un enfant de 12 ans
le tout petit. comportent le plus souvent une diarrhée
chronique, une anorexie, des douleurs
abdominales et un ralentissement de la
AUTRES PATHOLOGIES croissance (6). Certains patients présen-
COMPORTANT tent des ulcérations anales, génitales, ou
DES ULCÉRATIONS cutanées, qualifiées par certains auteurs
de manifestations métastatiques de la
Les ulcérations buccales, lorsqu’elles ne maladie. Le diagnostic est confirmé par
sont pas d’origine infectieuse, traumatique, l’endoscopie digestive et la biopsie. Sur
chimique ou médicamenteuse, se retrou- le plan histopathologique, on observe
vent dans la stomatite aphteuse, le syn- une inflammation granulomateuse épi-
drome de Behçet et la maladie de Crohn. thélioïde gigantocellulaire non nécrosan-
te. La prise en charge thérapeutique
• La stomatite aphteuse est très com- comporte des conseils alimentaires, une
mune chez l’adulte, mais plus rare chez corticothérapie, mise en œuvre de préfé-
l’enfant, ne survenant généralement pas rence après la fin de la croissance.
avant l’éruption des dents permanentes. Les lésions buccales, regroupées sous
Dans cette affection, dont l’étiologie le terme de “granulomatose orofaciale“
immunologique est supposée, il existe (fig. 13), sont retrouvées chez 10 à 25%
des ulcérations multiples qui reviennent des patients ; elles constituent parfois
les seuls signes de la maladie et peu-
à intervalle régulier. Les aphtes sont de
vent précéder de plusieurs années
petite taille (2-6mm), de forme arrondie,
l’atteinte intestinale (2).
avec une base jaune et des bords
Les manifestations buccales peuvent
rouges, se situant plutôt sur la muqueu-
comprendre :
se vestibulaire. Les éventuelles surin-
• une ulcération linéaire de la muqueuse
fections peuvent être prévenues par des vestibulaire,
bains de bouche à la chlorhexidine. • une tuméfaction diffuse des lèvres et
des joues,
• Le syndrome de Behçet est caracté- • une cheilite granulomateuse,
risé par des ulcérations multiples et • une granulomatose gingivale caracté-
récurrentes des zones génitales, ocu- ristique : tuméfaction diffuse et érythé-
laires et buccales, qui ne différent pas mateuse des gencives (fig. 14,)
des aphtes. Le tableau clinique est • parfois des aphtes.
variable, et de multiples organes sont
atteints. Cependant cette affection Face à un tableau de granulomatose
débute rarement avant l’âge de 20 ans. orofaciale, même si l’enfant ne présente

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Fig. 15 - Verrues digitales aucun symptôme digestif, le chirurgien- localisées n’importe où sur la muqueu-
Fig. 16 - Verrues au niveau dentiste doit envisager le diagnostic de se, mais les lèvres, le palais et la genci-
de la muqueuse des lèvres maladie de Crohn. Une biopsie gingiva- ve sont des sites préférentiels, proba-
chez le même enfant
le permettra, dans la plupart des cas, de blement parce qu’ils sont plus souvent
contribuer au diagnostic de cette affec- exposés lors de la morsure des verrues
tion très grave. (fig. 16). Il existe des similitudes cli-
niques et histologiques avec le papillo-
LÉSIONS NON me. Le traitement consiste en une exci-
ULCÉREUSES : sion chirurgicale des lésions isolées,
mais lorsque de multiples verrues buc-
LES VERRUES VULGAIRES
cales sont associées à des verrues
La plupart des verrues buccales sont cutanées, une consultation de dermato-
observées chez les enfants qui ont des logie pédiatrique s’impose.
verrues digitales (fig. 15). Quand
l’enfant mordille ses doigts, le virus Remerciements : les auteurs remercient
(papillomavirus humain -HPV) est trans- le Docteur Annie Babin, du service de
mis à la muqueuse buccale (5). Ces Pédiatrie III,HUS de Strasbourg,
verrues d’origine virale peuvent être pour sa précieuse collaboration.

Correspondance :
Marie-Cécile Manière BIBLIOGRAPHIE
Département d’Odontologie
Pédiatrique,
Faculté de Chirurgie Dentaire 1. ALDRED M., HALL R. et CAMERON A.- 4 LASKARIS G. - Atlas des maladies buccales.
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Roger Hall
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RÉSUMÉ
PATHOLOGIES DE LA MUQUEUSE BUCCALE COMMUNÉMENT RENCONTRÉES La
primo-infection herpétique constitue l’une des plus fréquentes des stomatites de forme vésiculeuse ou ulcéreuse chez
l’enfant. Son diagnostic se fera à partir de l’ensemble des symptômes et sur des aspects cliniques variables en fonction du
stade. Le diagnostic différentiel se pose avec l’herpangine, le syndrome pieds-mains-bouche, la varicelle et la mononucléose
infectieuse. Le traitement de la douleur est un volet essentiel de la prise en charge de la stomatite herpétique. La prise de
liquides est également recommandée pour prévenir la déshydratation, les surinfections bactériennes ou fongiques étant pré-
venues par des soins de bouche appropriés. Lorsqu’elles ne sont pas d’origine infectieuse, traumatique, chimique ou médica-
menteuse, les ulcérations buccales se rencontrent notamment dans certaines pathologies digestives comme le syndrome de
Behçet ou la maladie de Crohn. La granulomatose oro-faciale constitue une des manifestations caractéristiques de la maladie
de Crohn, et peut contribuer au diagnostic de cette affection.

ABSTRACT
SOME OF THE MOST COMMON ORAL MUCOSAL DISORDERS
The primary herpetic gingivostomatitis is the most common cause of oral ulceration in children. The diagnosis is based on the
history, the symptoms and on various clinical appearance. Differential diagnosis includes herpangina, hand-foot-and-mouth
disease, varicella, infectious mononucleosis. The treatment is symptomatic, focused on pain control. When oral ulcerations
are not infectious, traumatic, chemical or linked with medication, they could be present in recurrent aphthous ulceration,
Behçet syndrome or Crohn disease. The orofacial granulomatosis is one of the characteristic symptoms of the Crohn disease,
and its recognition could contribute to the diagnosis of the disease.

RESUMEN
PATOLOGÍAS DE LA MUCOSA BUCAL COMÚNMENTE ENCONTRADAS
La primoinfección herpética es una de las estomatitis de forma vesiculosa o ulcerosa que más frecuentemente se encuentra
en el niño. Su diagnóstico se hará a partir del conjunto de síntomas y sobre los aspectos clínicos variables según su estadio.
El diagnóstico diferencial se plantea con la herpangina, el síndrome pies-manos-boca, la varicela y la mononucleosis
infecciosa. El dolor es un aspecto esencial del tratamiento sintomático de la estomatitis herpética. Cuando no son de origen
infeccioso, traumático, químico o medicamentoso, las ulceraciones bucales se encuentran especialmente en ciertas
patologías digestivas como el síndrome de Behçet o la enfermedad de Crohn. La granulomatosis orofacial constituye una
manifestación bucal característica de la enfermedad de Crohn y puede contribuir en el diagnóstico de esta afección.

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