LES GINGIVECTOMIES
Marc DANAN
Sophie-Myriam DRIDI
MOTS CLÉS
Gingivectomie à biseau interne
L a gingivectomie est probablement
la technique opératoire la plus
Gingivectomie à biseau externe ancienne en chirurgie parodontale.
Indications Dès 1912, Pickerill (6) employa ce
Protocole
terme pour définir l'excision de la
paroi molle des poches parodontales.
KEY WORDS Plus tard, Black en 1911 et Ward (8)
Gingivectomy with internal bevel
Gingivectomy with externe bevel en 1928, pour ne citer qu'eux, ajoutè-
Indications rent à la technique le remodelage des
Procedures procès alvéolaires (1, 8). La gingivec-
tomie représentait à cette époque le
traitement de choix pour éliminer chi-
rurgicalement les poches parodon-
tales qu'elles soient supra ou infra-
osseuses. L'évolution des techniques
chirurgicales plus conservatrices
REALITES CLINIQUES Vol. 11 n° 2, 2000 pp. 169-179
réduisit ensuite ses indications dans
le traitement des parodontites. Dans
les années 1980, la gingivectomie
n'était plus indiquée que pour suppri-
mer des poches parodontales supra-
osseuses inférieures à 5 mm (3,7).
Aujourd'hui, son objectif est d'éliminer
le tissu gingival en excès afin d'obte-
nir un contour gingival esthétique-
ment harmonieux et compatible avec
les manœuvres d'hygiène indivi-
duelles et professionnelles. Elle est
préconisée en présence d'un appro-
fondissement pathologique du sillon
gingival sans migration de l'attache
épithélio-conjonctive et avec une hau-
 A - Hyperplasie gingivale :
accroissement en direction GINGIVECTOMIES : INDICATIONS ET PROTOCOLES
coronaire du tissu gingival
et augmentation de son volume.
Il n'y a pas de migration apicale
de l'attache épithélio-conjonctive
B - Poche parodontale :
migration apicale de l'attache
épithélio-conjonctive, altération
des tissus de soutien de la dent.
Alvéolyse angulaire
C - Gingivectomie à biseau
externe : incision principale.
Situation : apicale par rapport
au point hémorragique.
Direction : oblique, apico- A B
coronaire et forme un angle
de 45° avec la surface dentaire
D - Gingivectomie à biseau
externe :
situation per-opératoire.
Le conjonctif est exposé.
L'angle que forme l'incision
principale avec la gencive
résiduelle doit être adouci
(gingivoplastie)
E - Gingivectomie à biseau
externe : cicatrisation.
La cicatrisation totale épithéliale
C D E
et conjonctive demande
cinq semaines
F - Gingivectomie à biseau
interne. Incision principale.
Situation : à distance
du bord gingival.
Direction : oblique, corono-
apicale en direction
du sillon gingival
G - Gingivectomie à biseau
interne :
situation per-opératoire.
Une compression est nécessaire
pour plaquer le tissu gingival F E G
contre la dent.
Des sutures peuvent également
être effectuées
H - Gingivectomie à biseau
interne : cicatrisation.
La cicatrisation totale épithéliale
et conjonctive teur de gencive kératinisée supérieu- INDICATIONS DES
demande trois semaines re à 5 mm, incluant 3 mm de gencive GINGIVECTOMIES
attachée (schéma A).
Hyperplasie gingivale non fibreuse
Deux techniques opératoires sont
L'hyperplasie gingivale non fibreuse
décrites, la gingivectomie à biseau
correspond à un accroissement en
externe (GBE) et la gingivectomie à volume de la gencive, provoqué par
biseau interne (GBI). Elles peuvent une augmentation de la composante
être complétées par une gingivoplas- cellulaire associée à la présence d'un
tie qui permet le remodelage du bord exsudat inflammatoire plus ou moins
et de la surface gingivale. marqué (5) (fig. 1a et 1b). D'origine

170 REALITES CLINIQUES Vol. 11 n° 2 2000

1a
bactérienne, elle peut être aggravée
par des caries cervicales, des restau-
rations dentaires ou prothétiques
débordantes ou par un appareillage
orthodontique. La gingivectomie sera
envisagée en cas de technique non
chirurgicale.
Hyperplasie gingivale fibreuse non
génétique
L'hyperplasie gingivale fibreuse cor-
respond à un accroissement en volu-
me de la gencive provoqué par une
augmentation de la composante
matricielle et en particulier des colla-
gènes avec peu ou pas d'exsudat
inflammatoire plus ou moins marqué
(5) (fig. 1c). D'origine médicamenteu-
se essentiellement (phénytoïne,
cyclosporine…) elle peut aussi être
en relation avec une respiration buc-
cale et être aggravée par une infec-
tion bactérienne (fig. 2a, b et c).
Hyperplasie gingivale fibreuse
génétique
Les caractéristiques histologiques
sont identiques à celles de l'hyperpla-
M. DANAN et S.M. DRIDI
1b
sie gingivale fibreuse non génétique.
La transmission est principalement de
nature autosomique dominante (fig. 3).
Pour ces trois situations cliniques,
l'accroissement tissulaire crée un
environnement favorable à la réten-
tion bactérienne et réduit la hauteur
coronaire visible.
En situation préprothétique, les gingi-
vectomies permettront de dégager
des limites dentaires devenues inac-
cessibles et de retrouver un contour
gingival physiologique ainsi qu'un ali-
gnement des collets anatomiques.
CONTRE-INDICATIONS
DES GINGIVECTOMIES
• Motif d'ordre médical.
• Hygiène individuelle non acquise.
• Hauteur de gencive attachée infé-
rieure à 3 mm.
• Correction osseuse nécessaire.
• Poches parodontales associées à
des lésions intra-osseuses (schéma
B).
1c
Fig. 1 - Coupes histologiques
d'une gencive saine et de gencives
hyperplasiées (épaisseur 6µm, Trichrome
de Masson variante Goldmer). Laboratoire
de Physiopathologie des Tissus non
Minéralisés, Paris V, Montrouge.
a) Gencive saine (grandissement
final x 26).
L'épithélium est pluristratifié avec des
cellules basales régulièrement positionnées.
Les digitations conjonctives gingivales
sont correctement individualisées.
Le parenchyme gingival superficiel
et moyen est occupé
par des trousseaux collagéniques (colorés
en vert) et par des cellules
mésenchymateuses
b) Hyperplasie gingivale non fibreuse
(grandissement final x 26).
Comparés à la coupe 1A, le nombre de
cellules (mésenchymateuses
et surtout inflammatoires)
est significativement augmenté.
Les trousseaux collagéniques (colorés
en vert) sont disloqués.
c) Hyperplasie gingivale fibreuse
(grandissement final x 52).
Comparé à la coupe 1A,
le nombre de cellules (mésenchymateuses
surtout, rarement inflammatoires)
est significativement diminué.
La composante collagénique
(colorée en vert) est dense.
171
2a 2b 2c

surer de la réduction significative de

l'inflammation afin d'envisager le
déroulement de la chirurgie dans de
bonnes conditions (tissus plus facile-
ment manipulables, hémorragie per-
opératoire diminuée, douleur post-
opératoire moins intense).

PROTOCOLE
CHIRURGICAL
Les gingivectomies peuvent être
ponctuelles ou concerner un groupe
de dents.

Etablissement de la table chirurgi-

3
Fig. 2
a) Hyperplasie gingivale fibreuse
non génétique
b) Hyperplasie gingivale fibreuse
non génétique corrigée par GBI
c) Cicatrisation après gingivectomie
à biseau interne
Fig. 3 - Hyperplasie gingivale
fibreuse génétique
PLACE DES
GINGIVECTOMIES DANS
LE PLAN DE TRAITEMENT
Comme pour toute chirurgie parodon-
tale, les gingivectomies sont réalisées
après une préparation tissulaire soi-
gneuse qui a pour objectif de réduire
ou d'éliminer l'inflammation. L'étape
de la réévaluation permettra ensuite
de vérifier l'efficacité des manœuvres
d'hygiène effectuées par le patient et
d'apprécier le potentiel de cicatrisa-
tion des tissus. Le praticien doit s'as-
cale (fig.4a et 4b) :
• miroir dentaire
• sonde parodontale graduée
• lame de bistouri n° 15 + manche
de bistouri correspondant
• bistouri gingival Kirkland 15/16
• curettes Crane-Kaplan n° 6 (CK6)
ou Goldman-Fox 3/4
• curettes de Gracey 7/8, 11/12,
13/14
• instruments ultrasoniques
• ciseaux à gencive
• pince porte-aiguille Crile Wood
• ciseaux à suture
• fil de suture Ethibond 3/0, aiguille
tapercut 17 mm
• compresses
• aspiration chirurgicale

172 REALITES CLINIQUES Vol. 11 n° 2 2000

4a 4b
Fig. 4 - Table chirurgicale. Instruments nécessaires pour les deux techniques opératoires de gingivectomie, GBE et GBI.
a) De droite à gauche : miroir, sonde parodontale graduée, lame 15 + manche de bistouri, bistouri gingival Kirkland 15/16, curette CK6,
curettes de Gracey 7/8, 11/12 et 13/14, ciseaux à gencive, compresses. En haut : aspiration chirurgicale
b) Pince porte aiguille Crilewood, fil de suture 3/0, aiguille Tapercut 17 mm.
Pour la GBI, la réalisation de sutures est parfois utile

5a 5b

5c 5d

Fig. 5 - Gingivectomie à biseaux externe. Correction d'une hyperplasie gingivale fibreuse.

a) Situation initiale
b) Incision principale à biseau externe
c) Situation 8 jours après l'intervention
d) Situation 5 semaines après l'intervention
(Documents Monique Brion)

M. DANAN et S.M. DRIDI 173

  Gingivectomie à biseau
externe (fig. 5a-d)
Anesthésie
L'anesthésie est locale, para-apicale
et effectuée avec une solution anes-
thésique contenant des vasoconstric-
teurs sauf en cas de contre-indication
d’ordre médical. Elle est en général
complétée par une infiltration des tis-
sus à exciser afin de diminuer l'hé-
morragie per-opératoire.
Marquage des points sanglants
La profondeur des sillons gingivaux
est matérialisée par des points san-
glants réalisés à l'aide d'une sonde
parodontale graduée. La sonde est
introduite le long de la dent jusqu'au
fond du sillon gingival. La distance,
enregistrée en millimètres, est repor-
tée sur le versant externe de la genci-
ve et, après rotation de 90° de la
sonde, celle-ci est enfoncée dans
l'épaisseur de la gencive. L'effraction
tissulaire se traduit par l'apparition de
points hémorragiques. Classique-
ment, deux à trois points par dent et
par face sont réalisés. Les points
reflèteront le contour final de la genci-
ve marginale et seront un repère pré-
cieux pour le tracé d'incision.
Incision principale à biseau externe
(schéma C)
Elle sera réalisée à l’aide d’un bistouri
lame n° 15 ou d’un bistouri de Kirkland
L'incision doit être franche et ne pas
aboutir à l'exposition de l'os. Son objec-
tif est de retrouver en fin d'intervention
un bord gingival fin et festonné.
Situation : le trait d'incision part apica-
lement par rapport aux points hémor-
ragiques, pour être sûr d'éliminer com-
plètement la gencive en excès.
Direction : l'incision est oblique,
apico-coronaire et forme un angle de
45° C avec la surface dentaire. Elle
traverse toute l'épaisseur des tissus
mous vers le tracé des points san-
glants jusqu'au contact dentaire.
Si l'angulation n'est pas respectée,
elle peut aboutir soit à la formation
174
d'un balcon gingival disgracieux favo-
risant la rétention de la plaque bacté-
rienne et des aliments, soit à l'exposi-
tion de l'os alvéolaire avec pour
conséquences une cicatrisation retar-
dée et une perte d'attache.
Trajectoire : l'incision est festonnée
et doit recréer un contour gingival en
harmonie avec le contour existant des
collets dentaires. L'incision se réalise
dent par dent.
En palatin du secteur antérieur, l'inci-
sion doit respecter la papille rétro-inci-
sive et ne pas la couper horizontale-
ment. Si les deux faces d'un secteur
sont concernées, les deux incisions
opposées (vestibulaire et palatine ou
linguale) se rejoignent en interdentaire.
Excision du tissu marginal
Instruments : curette CK6, Goldman-Fox
L'instrument est placé dans l'incision
principale jusqu'à rencontrer la surfa-
ce dentaire et par un mouvement de
traction en direction coronaire, le tissu
gingival est séparé de la surface den-
taire. Lorsque l'incision est parfaite-
ment réalisée, l'excision du tissu en
excès se fait d'un seul tenant.
Elimination du tissu de granulation
et du tartre résiduel
Instruments : curettes de Gracey,
ultrasons.
L'élimination du tissu de granulation
et du tartre résiduel doit être minutieu-
se pour éviter une récidive du proces-
sus pathologique.
Gingivoplastie (schéma D)
Instruments : bistouri lame 15,
ciseaux à gencive
L'incision principale aboutit à la for-
mation d'un angle ouvert avec la gen-
cive attachée résiduelle. Une deuxiè-
me incision est alors nécessaire pour
adoucir l'arête de cet angle et retrou-
ver ainsi une morphologie gingivale
physiologique.
Hémostase locale
La gencive étant un tissu richement
vascularisé, la gingivectomie à biseau
REALITES CLINIQUES Vol. 11 n° 2 2000
externe provoque l'ouverture d'une
multitude de capillaires, responsable
d'un saignement per-opératoire sou-
vent important. L'hémostase est, dans
la majorité des cas, obtenue par com-
pression du site opéré à l'aide d'une
compresse imbibée de sérum physio-
logique pendant 15 minutes. Ce laps
de temps est compatible avec la for-
mation d'un caillot fibrino-plaquettaire
suffisamment stable pour résister à la
pression sanguine. La compression
permet aussi de limiter le volume du
caillot sanguin, condition nécessaire
pour le déroulement d'une cicatrisa-
tion optimale. Si, après la compres-
sion, un suintement hémorragique est
décelable, la pose d'un pansement
parodontal permettra d'arrêter com-
plètement le phénomène.
Par contre, si malgré la compression
digitale prolongée un saignement en
nappe perdure, une mèche de Surgi-
cel® peut être placée sur le site en pre-
nant soin de l'insérer dans les espaces
interdentaires et une deuxième com-
pression sera à nouveau réalisée.
Pose d'un pansement chirurgical
L'hémostase assurée, un pansement
parodontal type Coe-Pack® est placé
sur la plaie pour la protéger des
agressions physiques. Pour assurer
sa rétention, il convient de sécher les
dents et de le faire pénétrer dans les
espaces interdentaires. L'absence
d'interférence avec les dents antago-
nistes et les mouvements de la
muqueuse alvéolaire doit être vérifiée.
Conseils postopératoires
Le patient est invité à ne pas masti-
quer du côté opéré. Il lui est conseillé
de se brosser les dents normalement
au niveau des secteurs non opérés et
d'appliquer 3 fois par jour une noiset-
te d'un gel à base d'antiseptique (type
digluconate de chlorhexidine) sur le
pansement parodontal et à sa péri-
phérie pour assurer une action anti-
bactérienne à son niveau.
M. DANAN et S.M. DRIDI
Pour pallier les douleurs postopéra-
toires, des antalgiques n'interférant
pas avec la physiologie de l'hémosta-
se seront prescrits.
Soins postopératoires
Le patient est revu 8 à 10 jours après l'in-
tervention. Le pansement est ôté et les
surfaces dentaires et gingivales sont
lavées délicatement avec des com-
presses imbibées d'une solution antisep-
tique (bain de bouche). Les tissus étant
en cours de cicatrisation, aucun sondage
ne devra être réalisé.
Si les douleurs persistent, un nou-
veau pansement parodontal est posé
pour 8 jours. Sinon, le patient est invi-
té à suivre les manœuvres d'hygiène
habituelles en utilisant provisoirement
une brosse à dents chirurgicale. Un
bain de bouche à base d'antiseptique
est prescrit pour 8 jours.
Enfin, pour éviter une complication
infectieuse, il est souhaitable de
revoir le patient toutes les semaines
pendant au moins cinq semaines afin
de vérifier l'efficacité du contrôle de
plaque et nettoyer les surfaces den-
taires supra-gingivales.
Bien souvent, les patients appréhen-
dent de brosser la zone opérée en
cours de cicatrisation.
Concernant le traitement prothétique
si des prothèses provisoires ont été
réalisées avant l'intervention, elles
doivent être rebasées le jours de la
dépose du pansement parodontal. La
prise d'empreinte ne pourra être envi-
sagée qu'à partir de la huitième
semaine postopératoire.
 Gingivectomie à biseau interne
(fig. 6a-e)
Anesthésie
Elle est identique à celle pratiquée
pour la GBE.
Mesure de la profondeur des
sillons gingivaux-dentaires
La mesure de la profondeur des
sillons gingivaux-dentaires, à l'aide
d'une sonde parodontale graduée, est
175
6a 6b
6d 6e
Fig. 6 - Gingivectomie un préalable nécessaire pour visuali-
à biseau interne.
Alignement des collets de 12 à 22. ser le futur tracé d'incision. Il est pos-
a) Incision principale à biseau sible de matérialiser les profondeurs
interne en vestibulaire. mesurées par la réalisation de points
La même incision
a été réalisée en palatin sanglants.
b) Suture interdentaire
(matelassier vertical) Incision principale à biseau interne
c) Situation en fin d'intervention. (schéma F)
Bridge provisoire remis en place. Elle est réalisée à l’aide d’un bistouri
d) Situation 4 semaines
après l'intervention à lame n° 15.
e) Situation 4 semaines L'incision principale doit être franche
après l'intervention.
et permettre l'obtention d'un rebord
Bridge provisoire rebasé
gingival fin et festonné.
Situation : l'incision se situe à distan-
ce du bord gingival en fonction de la
quantité de gencive à éliminer. Plus la
quantité est importante, plus l'incision
s'éloignera du bord gingival en restant
toutefois coronaire par rapport à la
base du sillon gingival.
176
6c
Direction : l'incision est oblique, corono-
apicale en direction du sillon gingivo-
dentaire.
En palatin et en présence d'une voûte
palatine basse, la GBI est plus facile-
ment réalisable que la GBE car l'incli-
naison du bistouri est techniquement
plus aisée.
Trajectoire : l'incision est festonnée.
Si la gingivectomie n'intéresse qu'une
face d'un secteur, vestibulaire, lingua-
le ou palatine, l'incision commence au
niveau de l'angle distal de la première
dent concernée, suit le trajet des
points hémorragiques et s'étend à
travers la gencive interdentaire jusqu'à
l'angle distal de la première dent adja-
cente. Elle repart au niveau de l'angle
mésial de la première dent et se pour-
suit jusqu'à l'angle mésial de la
deuxième dent adjacente. De cette
REALITES CLINIQUES Vol. 11 n° 2 2000
façon, l'incision forme une croix dans
l’espace interdentaire. Elle est ainsi
répétée dent par dent. Si la gingivec-
tomie intéresse les deux faces d'un
secteur, les incisions opposées (vesti-
bulaire et palatine ou linguale) se
rejoignent dans l’espace interdentaire.
Excision du tissu marginal
Instruments : curette CK6, Goldman-Fox
L'excision du tissu marginal se réalise
dent par dent en plaçant l'instrument
dans l'incision principale jusqu'au
fond du sillon gingivo-dentaire et en le
tractant en direction coronaire.
Elimination du tissu de granulation
et du tartre
Instruments : curettes de Gracey,
ultrasons
Hémostase locale
Un des avantages de la GBI est de ne
pas laisser de tissu conjonctif exposé.
Le saignement per-opératoire est
donc moins abondant comparé à celui
qui est observé au cours de la GBE.
Une compression du site opéré à l'ai-
de d'une compresse pendant 15
minutes suffit en général pour arrêter
l'hémorragie.
Sutures
Lorsque la gencive est épaisse, il
peut arriver, après excision du tissu
gingival en excès et malgré la com-
pression prolongée, qu'elle ne s'ap-
plique pas correctement sur les sur-
faces dentaires. Des sutures sont
alors nécessaires pour parfaire la fer-
meture du site et le plaquage des tis-
sus mous.
Une suture discontinue avec des
points interdentaires (en O ou de
matelassier) est adéquate si la gingi-
vectomie concerne les deux faces
d'un secteur.
Une suture continue en O suspendue
est préférable si une seule face d'un
secteur est opérée.
Dans tous les cas, un fil non résor-
bable de calibre 3/0 est utilisé car il
M. DANAN et S.M. DRIDI
offre une résistance suffisante et un
calibre compatible avec ce type de
chirurgie.
Pose du pansement parodontal
La pose d'un pansement parodontal
n'est pas obligatoire car le tissu
conjonctif n'est pas exposé. Toute-
fois, la plupart des auteurs le préconi-
sent pour protéger le site des agres-
sions du bol alimentaire et pour ras-
surer le patient.
Le pansement parodontal se place
sur des surfaces dentaires sèches et
doit pénétrer dans les espaces inter-
dentaires.
Soins postopératoires
Le pansement et les sutures sont
déposés entre le huitième et le dixiè-
me jour postopératoire.
Les surfaces dentaires et gingivales
sont nettoyées avec une compresse
imbibée d'une solution antiseptique.
Généralement, la pose d'un second
pansement parodontal n'est pas néces-
saire car les douleurs postopératoires
sont exceptionnelles avec la GBI.
Un bain de bouche à base d'antisep-
tique est prescrit pour 8 jours et le
patient est invité à suivre ses
manœuvres d'hygiène orale habi-
tuelles. Le patient peut utiliser provisoi-
rement une brosse à dents chirurgicale
si la gencive est sensible au brossage.
Les prothèses provisoires doivent être
rebasées dès la dépose du panse-
ment parodontal et la prise d'emprein-
te est possible dès la sixième semai-
ne postopératoire.
CICATRISATION
Des études chez l'animal ont permis
de décrire les différentes étapes de la
cicatrisation.
 Gingivectomie à biseau externe
(4)
La cicatrisation se réalise par secon-
de intention (non fermeture du site
opéré, conjonctif exposé).
177
 Immédiatement après l'intervention,
un caillot fibrino-plaquettaire protège
la plaie. Il sera progressivement rem-
placé par du tissu de granulation cica-
triciel. L'épithélialisation commence
dès la dixième heure à partir des
berges de la plaie en direction coro-
naire. A partir du deuxième jour post-
opératoire, la migration des cellules
épithéliales atteint un rythme de
0,5 mm par jour. Elle aboutit progres-
sivement à la formation d'un épithé-
lium de surface non kératinisé dans
un premier temps et à la formation
d'un début de sillon gingival dès le
septième jour. La kératinisation aura
lieu dans la deuxième semaine post-
opératoire et il faudra attendre quatre
à cinq semaines pour observer histo-
logiquement une guérison épithéliale
externe complète, et l'établissement
d'un sillon gingival et d'une nouvelle
attache épithéliale.
La cicatrisation conjonctive commen-
ce dès la formation du caillot par une
invasion de cellules inflammatoires
notamment de polynucléaires neutro-
philes. Une intense activité fibroblas-
tique prend ensuite le relais pour
atteindre un pic trois à quatre jours
après l'opération. La synthèse des
collagènes est marquée entre la
deuxième et la troisième semaine
postopératoire. Leur maturation, par
contre, tout comme l'orientation fonc-
tionnelle des fibres conjonctives sont
observées après la cinquième semai-
ne de cicatrisation.
Hormis les variations individuelles, il
faut donc en moyenne cinq semaines
pour observer histologiquement une
cicatrisation épithéliale et conjonctive
complète. Les mesures d'hygiène
postopératoire doivent être perfor-
mantes pendant toute la période de
cicatrisation pour ne pas perturber le
processus cicatriciel.
Un remodelage osseux est noté avec
une perte osseuse minime réversible.
178
 Gingivectomie à biseau
interne (4, 2)
La cicatrisation se réalise par premiè-
re intention (fermeture du site opéré,
conjonctif non exposé). Immédiate-
ment après l'intervention un caillot se
forme entre le tissu gingival et la dent.
Dès la deuxième heure postopératoi-
re, une nécrose superficielle aux
bords de la plaie est observée. La pro-
lifération des cellules épithéliales com-
mence dès le deuxième jour et une
nouvelle attache épithéliale est établie
au début de la deuxième semaine. La
cicatrisation conjonctive se caractérise
par une réaction inflammatoire dès les
premiers jours après l'intervention, un
début de synthèse des collagènes dès
le quatrième jour, une maturation et
une orientation fonctionnelles des
fibres de collagène entre la deuxième
et la troisième semaine postopératoi-
re. La cicatrisation totale, épithéliale et
conjonctive, demande 21 jours.
CONCLUSION
Aujourd'hui, la GBI est plus appréciée
que la GBE, en raison de la cicatrisa-
tion plus rapide qu'elle provoque, des
douleurs postopératoires quasi
absentes et du saignement per-opé-
ratoire plus facilement gérable. Elle
est préconisée pour toutes les situa-
tions d'hyperplasie gingivale même
en présence d'une gencive fine et
d'une voûte palatine basse. La GBE
présente plus d'inconvénients mais
elle reste indiquée lorsque la gencive
est épaisse et fibreuse. La planche
illustrée (schémas A à G) en résume
les indications et le protocole.
Les gingivectomies sont donc des
techniques simples qui permettent
d'obtenir des résultats satisfaisants si
elles sont bien maîtrisées. Elles res-
tent toujours d'actualité dans l'arsenal
thérapeutique de la chirurgie paro-
dontale, notamment en situation post-
orthodontique et préprothétique.
REALITES CLINIQUES Vol. 11 n° 2 2000
 BIBLIOGRAPHIE
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RÉSUMÉ
LES GINGIVECTOMIES
Au sens étymologique, la gingivectomie définit une suppression du tissu gingival. Elle peut être complétée par une
gingivoplastie qui permet un remodelage du bord et de la surface de la gencive. Deux techniques opératoires sont décrites,
la gingivectomie à biseau externe et la gingivectomie à biseau interne. Même si leurs indications sont aujourd'hui limitées
aux hyperplasies gingivales associées à au moins 3 mm de gencive attachée, la gingivectomie reste encore très utile en
situation préprothétique. Nous nous proposons d'en rappeler les indications, les contre-indications et de décrire les temps
opératoires et le processus de cicatrisation.

ABSTRACT
GINGIVECTOMIES
In an etymological sense, gingivectomy describes the removal of gingival tissue. It may be followed by a gingivoplasty,
which facilitates a remodeling of the gingival margin and the gingival surface. Two operative techniques are described : gin-
givectomy with external bevel and gingivectomy with internal bevel. Even though their indications are currently limited to
gingival hyperplasias associated with at least 3 millimeters of attached gingiva, the technique of gingivectomy remains very
useful in pre-prosthetic situations. We propose a review of the indications and contra-indications and a description of the
operation and healing processes.

RESUMEN
LAS GINGIVECTOMÍAS
Desde el punto de vista etimológico la gingivectomía es la eliminación del tejido gingival; puede completarse con una gingi-
voplastia que permite remodelar el borde y la superficie de la encía. En este artículo se describen dos técnicas operatorias,
la gingivectomía biselada externa y la gingivectomía biselada interna. Aunque su indicación se limita actualmente a las
hiperplasias gingivales asociadas a por lo menos 3 mm de encía adherida, la gingivectomía es aún muy útil en situación pre-
protésicas.Vamos, entonces, a citar las indicaciones, las contraindicaciones y a describir el tiempo operatorio y el proceso
de cicatrización.

M. DANAN et S.M. DRIDI 179