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¶ 21-130-D-10

Conduite à tenir
devant une conjonctivite infectieuse
P.-Y. Robert, A. Sabatier

Les conjonctivites infectieuses recouvrent des affections virales, bactériennes, mycosiques et parasitaires.
Parmi les conjonctivites virales, les kératoconjonctivites à adénovirus doivent être dépistées en cabinet
d’ophtalmologie en raison de leur grande contagiosité, et de la baisse visuelle qu’elles peuvent entraîner
en cas d’infiltrats sous-épithéliaux cornéens séquellaires. Dans les conjonctivites des virus du groupe
Herpes, herpes simplex virus (HSV) et varicelle-zona virus (VZV), un prélèvement permet de ne pas passer
à côté d’une maladie herpétique. Une conjonctivite bactérienne se caractérise par des sécrétions
purulentes. Certains éléments cliniques peuvent orienter vers certains germes (nouveau-né, enfant,
association à une urétrite, adénopathie prétragienne, conjonctivite membraneuse ou ligneuse). Selon les
recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments et produits de santé en 2004,
en l’absence de signes de gravité, seul un lavage au sérum physiologique associé à un collyre antiseptique
est suffisant. En cas de signe de gravité ou de terrain à risque, l’antibiothérapie dépend du terrain et du
germe suspecté. Les conjonctivites à Chlamydiae se traitent par des antibiotiques intracellulaires, assortis
pour le trachome de mesures d’hygiène de la face et d’amélioration sanitaire à l’échelle collective.
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Mots clés : Conjonctivite ; Adénovirus ; Chlamydiae ; Trachome

Plan Considérées comme une pathologie ophtalmologique


mineure, elles ne doivent pas être négligées par leur potentiel
¶ Introduction 1 épidémique et les risques de séquelles visuelles. Leur impact
socioéconomique est particulièrement important dans les pays
¶ Conjonctivites virales 1 à niveau de vie élevé ; dans les pays aux conditions de vie
Kératoconjonctivites à adénovirus 2 précaires, leur diffusion épidémique peut faire des ravages,
Conjonctivites herpétiques 4
notamment sur des terrains immunodéprimés et chez les
Conjonctivites à virus varicelle-zona (VZV) 4
nouveau-nés.
Conjonctivites à autres virus du groupe Herpes 5
Les signes fonctionnels sont très évocateurs. L’apparition de
Molluscum contagiosum 5
démangeaison, de sensation d’irritation (de grains de sable dans
Conjonctivites à entérovirus 5
les yeux), de chaleur, de lourdeur, d’œil collé le matin sont
Autres conjonctivites virales 5
souvent les premiers signes. La photophobie, le larmoiement et
¶ Conjonctivites bactériennes 5 le blépharospasme apparaissent ensuite. L’entourage aussi se
Signes cliniques 5 frotte souvent les yeux, à l’origine de la propagation de
Conjonctivites purulentes du nouveau-né 6 l’infection.
Orientations étiologiques 7 Les signes d’examen associent un œdème palpébral avec
Diagnostic biologique 7 des débris de mucus sur les bords libres érythémateux, une
Traitement 7 hypersécrétion conjonctivale, un chémosis, une hyperhémie
¶ Conjonctivites à « Chlamydiae » 9 conjonctivale, des follicules, parfois des papilles.
Conjonctivites à inclusions de l’adulte 9 Les follicules correspondent à une exsudation localisée et
Conjonctivites à inclusions du nouveau-né 9 réalisent des nodules hémisphériques, translucides ou opales-
Maladie de Nicolas-Favre 9 cents, saillants sous l’épithélium conjonctival et séparés les uns
Trachome 9 des autres. Ils sont en général plus nombreux dans les culs-de-
Diagnostic microbiologique 10 sac. À la différence, les papilles correspondent à une hyperplasie
¶ Conclusion 10 tissulaire centrée sur un axe vasculaire. Elles réalisent de petits
bougeons charnus qui, s’ils sont nombreux, épaississent la
paupière et forment une véritable mosaïque de pavés au
sommet aplati.
■ Introduction
■ Conjonctivites virales
Le terme de conjonctivite recouvre toutes les inflammations
de la conjonctive quelle qu’en soit leur cause, et leur grande Elles apparaissent par épidémies de par la rapidité et la facilité
variété impose une classification par la clinique ou les de la contagion. Elles touchent ainsi les collectivités, et obligent
étiologies. à prendre des mesures d’hygiène strictes.

Ophtalmologie 1
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Il s’agit le plus souvent de conjonctivites folliculaires aiguës,


plus rarement folliculopapillaires. Le chémosis palpébral est
fréquent, les sécrétions souvent peu abondantes. Les hémorra-
gies, fréquentes, ne sont pas systématiques mais peuvent
orienter vers certaines étiologies.
Leur principale complication est l’atteinte cornéenne, pou-
vant avoir des répercussions sur l’acuité visuelle. Enfin, la
présence éventuelle de signes d’accompagnement régionaux ou
généraux permet parfois d’identifier le virus responsable.

Kératoconjonctivites à adénovirus
Les adénovirus représentent la cause la plus fréquente de
conjonctivites virales. L’adénovirus a été isolé pour la première A
fois par Rowe [1], et l’on dénombre actuellement 41 sérotypes
selon de Jong [2], subdivisés en six sous-types (A, B, C, D, E, F),
variables dans leur clinique et leur épidémiologie. La kératocon-
jonctivite épidémique est associée aux sérotypes 8, 19 et 37.
Cette forme clinique peut être sévère et est extrêmement
contagieuse, ce qui en fait une entité redoutée de l’ophtalmo-
logiste. Les sérotypes 3, 4 et 7 sont associés à la fièvre adéno-
pharyngo-conjonctivale, qui survient elle aussi sous forme
d’épidémies. La kératoconjonctivite chronique à adénovirus,
quant à elle, est associée au sérotype 2 essentiellement. Les
autres sérotypes, 1, 5, 6, 11, 13, 14, 15, 20, 21, 23, 24 et 29,
sont associés à des formes sporadiques.
Pour Van Bijsterveld [3], sur une statistique de 216 patients B
atteints d’infections à adénovirus, l’atteinte cornéenne est
présente dans 49,5 % des cas, et dans 79,5 % des cas si la Figure 1. Exemple de conjonctivite folliculaire (A, B).
conjonctivite est bilatérale. Dans les cas avec atteinte cornéenne
grave (opacités nummulaires), les sérotypes 8 et 19 sont les plus
retrouvés ; on retrouve les sérotypes 3, 4 et 7 dans les formes
plus atypiques.

Formes cliniques
Kératoconjonctivite épidémique
Les enfants et les adultes jeunes (20-60 ans) sont les plus
touchés.
La maladie est hautement contagieuse et survient en petites
épidémies partout dans le monde, l’Asie (en particulier le Japon)
et le Moyen-Orient étant plus touchés. Ces épidémies survien-
nent surtout en été et en hiver, se répandant au sein des
collectivités.
De façon précoce, on retrouve un œdème palpébral et une
inflammation conjonctivale unilatéraux ou asymétriques, avec Figure 2. Symblépharon.
des sécrétions abondantes et aqueuses responsables d’un
larmoiement. L’hyperhémie de la conjonctive bulbaire peut être
associée à de petites hémorragies dans les formes sévères. un inconfort durable avec parfois des ulcères cornéens mécani-
L’atteinte est rapidement bilatérale (seules 25 % des formes ques induits.
restent strictement unilatérales). Une des formes les plus sévères est la kératite à adénovirus,
De façon inconstante, on peut observer des signes généraux particulièrement associée aux sérotypes 8, 19 et 37. Elle apparaît
de l’infection : une adénopathie prétragienne (souvent volumi- pendant la première semaine sous la forme d’une kératite
neuse si elle existe), une atteinte récente du tractus respiratoire ponctuée superficielle responsable d’une photophobie. Dans la
supérieur, une fièvre et/ou des troubles gastro-intestinaux. plupart des cas, la kératite superficielle régresse spontanément,
Lorsqu’on étudie plus précisément l’histoire naturelle, durant mais dans les cas plus sévères, les lésions fusionnent en fin de
les premiers jours, la conjonctive est hyperhémiée, associée à un première semaine : c’est la phase immunologique, qui fait toute
œdème des paupières avec ptosis et/ou pétéchies. Des sécrétions la gravité de la maladie (lésions : infiltrats de lymphocytes). On
sont retrouvées dans les culs-de-sac, et dans les formes sévères, retrouve alors des opacités nummulaires sous-épithéliales
elles peuvent prendre un aspect pseudomembraneux car l’exsu- blanchâtres, siégeant dans le stroma antérieur, plus denses, qui
dation de la fibrine peut se mélanger au mucus. peuvent accrocher la fluorescéine, et dont le nombre est
Pendant la première semaine, des follicules apparaissent dans variable (à 50). Leur localisation typiquement centrale sur l’axe
le cul-de-sac conjonctival inférieur, s’étendant ensuite à la optique peut avoir un impact visuel, ou par astigmatisme
conjonctive tarsale (Fig. 1) : ces follicules sont gris-blanc, avec irrégulier, et chez l’enfant, laisser des séquelles responsables
des zones légèrement surélevées dans les couches sous- d’amblyopie. Lorsque l’inflammation disparaît, les lésions
épithéliales de la conjonctive inflammatoire. épithéliales disparaissent, mais les bords des infiltrats sous-
Durant la deuxième semaine, les follicules persistent mais épithéliaux persistent, laissant des opacités circulaires séquellai-
sont plus discrets. De façon concomitante, l’atteinte conjoncti- res relativement discrètes. Ces dernières peuvent persister
vale régresse, mais une gêne peut persister du fait de la modifi- plusieurs mois, voire des années. Il est intéressant de noter que
cation du film lacrymal secondaire à la cicatrisation dans le premier mois, seulement 34 % des patients ont vu
conjonctivale. De plus, dans les formes sévères de conjonctivite disparaître la conjonctivite folliculaire et l’atteinte cornéenne
pseudomembraneuse, on peut retrouver la formation de sym- inflammatoire, 75 % à 2 mois et 95 % à 1 an [4]. L’affection
blépharons (Fig. 2) entraînant un comblement des culs-de-sac et inflammatoire peut donc durer des mois.

2 Ophtalmologie

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Plus rarement ont été rapportés des cas d’uvéite antérieure, de Prévention
sclérite antérieure diffuse, de névrite optique, ou d’obstructions
canaliculaires à suspecter en cas de larmoiement chronique. Il s’agit notamment de l’information du patient, des règles
La phase infectieuse dure 10 à 21 jours, et la contagiosité d’hygiène (lavage des mains, non-partage des serviettes, distri-
dure de 3 jours avant à 14 jours après le début des symptômes. buteur de savon, etc.), des arrêts de travail ou de l’éviction
L’incubation dure en moyenne 8 jours. Le virus est extrême- scolaire de 2 semaines, des mesures de désinfection du cabinet
ment résistant et peut survivre sur une surface inerte pendant (gants jetables, tonomètres à usage unique, décontamination
4 semaines. Notons que le portage sain du virus est fréquent, au des instruments, etc.). Le problème est que l’adénovirus peut
niveau de la conjonctive ou dans les amygdales, véritables survivre 35 jours sur un matériel inerte.
réservoirs au sein de la population. Pour le matériel thermosensible, la décontamination se fait
par immersion dans un bain associant un ammonium quater-
Fièvre adéno-pharyngo-conjonctivale naire et un détergent, au moins 15 minutes, puis les instru-
Elle débute par une conjonctivite aiguë folliculaire souvent ments sont rincés à l’eau courante et séchés. Pour le matériel
hémorragique, associée à des sécrétions muqueuses, un œdème thermostable, la stérilisation peut être effectuée par la vapeur
des paupières, une adénopathie prétragienne. Des signes d’eau, ou par l’oxyde d’éthylène.
généraux sont présents (pharyngite, céphalées, malaise, myal-
gies, douleurs abdominales, diarrhée, fièvre). Une kératite Traitement
épithéliale diffuse peut survenir, mais les patients ne dévelop-
pent pas de kératite sévère. La contagiosité est très importante, À la phase aiguë, les symptômes sont en général soulagés par
surtout par les sécrétions respiratoires. des agents mouillants et des lavages oculaires au sérum physio-
logique : en effet, la guérison est spontanée, le pronostic
Kératoconjonctivite chronique excellent, mais l’évolution peut être longue et fluctuante. Un
anti-inflammatoire non stéroïdien topique peut éventuellement
Il s’agit là encore d’une conjonctivite folliculaire aiguë puis
être introduit dans les formes très inflammatoires. Les antibio-
d’une conjonctivite papillaire chronique associée à des infiltrats
tiques ne sont pas conseillés en l’absence de surinfection
sous-épithéliaux. Le diagnostic est difficile en l’absence de
bactérienne qui est, en pratique, rare. Pour les collyres cortiso-
signes typiques. Le diagnostic biologique apporte ici tout son
nés, les modèles animaux montrent que ces derniers favorise-
intérêt.
raient le portage chronique du virus [7] . Leur seule réelle
indication en phase aiguë est la présence de pseudomembranes
Examens complémentaires et/ou de symblépharons. Cependant, il ne faut pas les intro-
duire trop précocement (pas avant 15 jours) en raison du risque
Le diagnostic biologique [5] peut être nécessaire dans les cas
de dissémination virale.
atypiques (pour éliminer un herpès ou Chlamydiae), ou bien
à visée épidémiologique. Il est réalisé sur frottis conjonctival Dans tous les cas, les collyres en unidoses sont à privilégier.
(ou un prélèvement de gorge en cas de fièvre adéno- Notons qu’il n’existe pas de substance spécifique antiadénovi-
pharyngo-conjonctivale). rus. Certains anti-inflammatoires non stéroïdiens topiques
La culture d’adénovirus par technique rapide sur cellules (diclofénac sodium : Voltarène®, collyre et kétorolac trométa-
MRC5 avec immunomarquage des virions est la méthode de mol : Acular®) ont été testés in vitro et chez l’animal (lapin New
référence. L’isolement ne peut toutefois se faire que lors des Zealand) ; l’étude suggère que malgré l’absence d’activité
deux premières semaines d’évolution, soit au cours du processus inhibitrice sur l’adénovirus, ils semblent être une alternative
infectieux. Le délai de réponse habituel est de 48 heures. plus sécuritaire que les stéroïdes topiques [8].
L’isolement est parfois plus long (2-3 semaines) et peut néces- Pour les formes sévères de kératoconjonctivites, les corticoïdes
siter des repiquages. Le diagnostic de sérotype a un intérêt en topique permettent la réduction de la conjonctivite et la
épidémiologique. Le typage précis est réalisé par endonucléases disparition transitoire des lésions cornéennes, mais ce traite-
de restriction. ment est limité par la tendance à augmenter la réplication virale
La polymerase chain reaction (PCR) permet un typage et la durée de contamination [7, 9], ainsi qu’une tendance à la
génétique. récidive après l’arrêt du traitement. Par ailleurs, les cicatrices
Le rapid pathogen screening (RPS Adeno Detector™) semble être finissent pour la plupart à disparaître avec le temps. Il convient
une technique rapide, réalisable au cabinet, et dont la sensibilité donc de discuter du traitement avec le patient. En pratique, la
et la spécificité sont respectivement de 88 % et 91 % par corticothérapie est proposée après 3 semaines d’évolution en cas
rapport à la culture et 89 % et 94 % par rapport à la PCR. Il d’atteinte de l’axe optique avec baisse d’acuité visuelle. Une
permet donc un diagnostic rapide pour les centres qui en sont durée de traitement de 1 mois est raisonnable avec une décrois-
équipés [5]. sance très progressive.
La microscopie confocale appliquée aux kératoconjonctivites En cas de corticodépendance, on peut avoir recours à un
à adénovirus permet l’étude in vivo de toute l’épaisseur de la traitement par collyres à la ciclosporine A 0,5 % à 2 %, mais les
cornée. La première semaine, elle permet de révéler des groupes rechutes à l’arrêt restent possibles [10] et la durée du traitement
de cellules hyperréflectives au niveau de la couche des cellules n’est pas codifiée [11] . Néanmoins, l’indication semble être
basales épithéliales. De plus, il existe une accumulation de donnée quand il existe une baisse d’acuité visuelle due aux
cellules dendritiques sous-épithéliales au niveau de la membrane opacités nummulaires, en l’absence d’amélioration 6 semaines
de Bowman, témoin de la réponse précoce du système immu- après la phase aiguë inflammatoire [12].
nitaire aux antigènes viraux présents dans le stroma cornéen.
Lors de la seconde semaine, chez des patients présentant une Prise en charge des séquelles
conjonctivite folliculaire, une kératite focale et des infiltrats
sous-épithéliaux, la microscopie confocale révèle la persistance Aux stades séquellaires, les lentilles rigides améliorent les
des groupes de cellules hyperréflectives de la couche des cellules astigmatismes irréguliers.
basales épithéliales entremêlées de cellules arrondies, probable- La photokératectomie thérapeutique au laser excimère peut
ment des leucocytes. Plus en profondeur, les cellules dendriti- être proposée en traitement des opacités nummulaires séquel-
ques sont intriquées et on retrouve des plaques de cellules laires persistantes. Quentin montre que sur les opacités séquel-
hyperréflectives dans le stroma antérieur, correspondant aux laires observées plus de 36 mois en moyenne après la période
infiltrats sous-épithéliaux. Après 24 semaines de suivi, on aiguë, la photokératectomie permet une augmentation de
retrouve toujours un stroma médian hyperréflectif, ce qui l’acuité visuelle sur 11 des 13 yeux traités ; un patient a eu une
souligne l’importance de la composante inflammatoire dans le récidive bilatérale de ses opacités à 6 semaines postphotokéra-
temps également [6]. tectomie [13].

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L’immunité acquise vis-à-vis de l’adénovirus n’est pas totale mais de durée habituellement plus courte. Les ulcérations de la
et définitive car des réinfections sont possibles. De plus, jonction cutanéomuqueuse du bord libre sont fréquentes et elles
l’immunité conférée par un type d’adénovirus ne protège pas prennent la fluorescéine. Les lésions cutanées sont souvent
vis-à vis des autres. absentes. La conjonctivite est de type folliculaire et n’est pas
toujours associée à une kératite.

Diagnostic biologique

“ À retenir
La réalisation d’un diagnostic virologique lors de la survenue
d’une conjonctivite chez un patient herpétique connu peut
avoir deux utilités :
Conjonctivites virales • d’une part, elle peut apporter une confirmation virologique
• Notion de contage lorsque celle-ci fait défaut en dépit d’une histoire cornéenne
• Conjonctivite folliculaire complexe ;
• Kératite nummulaire • d’autre part, elle peut permettre d’avoir des renseignements
sur la souche virale en cause, et on sait aujourd’hui que
• Infiltrats cornéens sous-épithéliaux
plusieurs souches virales peuvent coexister chez un même
• Symblépharons
patient.
• Mesures préventives Au cours de la primo-infection, on retrouve une augmenta-
tion du taux des anticorps spécifiques, avec une production
initiale d’immunoglobulines M (IgM), puis une augmentation
durable du taux d’IgG. Le taux d’IgG est ensuite élevé chez tous
Conjonctivites herpétiques les patients qui ont été un jour en contact avec le virus, soit
plus de 80 % de la population adulte. La sérologie spécifique
L’atteinte oculaire est habituellement causée par le virus HSV n’est donc d’aucun secours pour le diagnostic des
herpes simplex de type 1 (HSV 1). Les lésions sont typiquement récurrences.
unilatérales, mais des cas bilatéraux existent, touchant plus On peut retrouver la présence du virus au niveau des vésicu-
particulièrement les sujets ayant un terrain atopique ou auto- les muqueuses, par exemple par frottis conjonctival.
immun. Cela représenterait 1,3 %, selon une étude rétrospective L’examen en immunofluorescence directe ou indirecte ou
américaine de 544 patients avec une symptomatologie oculaire technique immunohistochimique confirme la présence de
herpétique [14]. l’antigène viral à l’aide d’un anticorps anti-HSV couplé à un
marqueur. Les résultats sont rendus en moins de 24 heures.
Formes cliniques L’infection est prouvée mais des faux négatifs sont possibles
pour les prélèvements pauvres en cellules et en virions.
Primo-infection L’isolement de la souche sur culture cellulaire par mise en
La primo-infection affecte les individus vierges de toute évidence de l’effet cytopathogène est possible avec des résultats
infection, n’ayant pas d’immunité contre le virus. L’inoculation en 2 à 5 jours.
se fait à partir d’un foyer infectieux. Elle survient typiquement La PCR permet de détecter la présence de l’acide désoxyribo-
chez l’enfant et l’adulte jeune. Lors de cette primo-infection nucléique (ADN) viral. Elle est plus spécifique mais moins
herpétique, on retrouve des lésions cutanées autour des jonc- sensible que la culture. La réalisation d’une PCR en routine se
tions cutanéomuqueuses. Au niveau oculaire, il s’agit d’une heurte aux problèmes de coût.
blépharoconjonctivite : éruption vésiculaire et érythème périlé-
sionnel de la peau des paupières, associés à une conjonctivite Traitement
folliculaire. Des sécrétions volontiers purulentes sont fréquem- Il repose sur les antiviraux topiques, en collyre huit fois par
ment retrouvées. De petites zones d’ulcérations conjonctivales jour, ou en pommade cinq fois par jour. Le traitement doit être
au niveau du tarse supérieur, près du bord libre palpébral, instauré le plus précocement possible. Il s’agit des analogues
peuvent passer inaperçues en présence d’une hyperhémie nucléosidiques comme la trifluorothymidine (Virophta ® ),
conjonctivale marquée. Rarement, on retrouve une kératite, l’aciclovir (Zovirax®) ou le ganciclovir (Virgan®).
communément de type ponctué superficiel, mais qui peut Les corticoïdes sont contre-indiqués à la phase aiguë car ils
prendre l’aspect de petites ulcérations dendritiques, uniques ou favorisent la réplication virale, inhibent la cicatrisation et
multiples. L’évolution des lésions cutanées se fait vers des accentuent la toxicité épithéliale des antiviraux. De même,
pustules, qui forment ensuite des croûtes et s’ulcèrent. Typique- l’association à des cicatrisants n’est pas recommandée, car ils
ment, une adénopathie prétragienne sensible est associée à ce entrent en compétition avec les antiviraux.
tableau. La surveillance est essentielle et l’efficacité peut être constatée
Chez les patients immunocompétents, la primo-infection dès le premier jour.
guérit en 3 semaines sans séquelle, mais le virus persiste ensuite Il n’y a pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour
sous forme latente. La conjonctivite répond aux traitements un traitement prophylactique des récidives de conjonctivites
topiques antiviraux. Chez les patients immunodéprimés, herpétiques par voie générale.
l’infection peut se généraliser et nécessiter des antiviraux par
voie systémique.
Conjonctivites à virus varicelle-zona (VZV)
Infections récurrentes
Conjonctivite de la varicelle
Après une primo-infection, symptomatique ou non, l’HSV
1 ou l’HSV 2 reste à l’état latent dans plusieurs éléments du Au cours de la varicelle, une conjonctivite folliculaire discrète
système nerveux central, notamment les ganglions sensitifs. Le est fréquente. On peut également retrouver des vésicules
virus est ensuite susceptible de se réactiver à la faveur de conjonctivales hémorragiques ou cornéennes avec des ulcéra-
nombreux facteurs. Les principaux stimuli de réactivation sont tions focales. Les lésions conjonctivales et cornéennes disparais-
l’inflammation (maladie systémique associée), l’irritation des sent spontanément en 1 à 2 semaines, mais peuvent laisser des
terminaisons nerveuses (en particulier le stress, le froid, les séquelles (cicatrices cornéennes, néovascularisation).
ultraviolets) et l’immunodépression. Les réactivations herpéti-
ques conjonctivales sont souvent méconnues ; elles seraient en
Atteinte conjonctivale dans le zona ophtalmique
fait les plus fréquentes. Elles peuvent prendre la forme d’une Le zona ophtalmique résulte de la réactivation d’un VZV
blépharoconjonctivite similaire à celle de la primo-infection, présent à l’état latent dans le ganglion trigéminé. L’atteinte de

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la branche nasociliaire du nerf trijumeau est fréquemment souvent bilatérales. On retrouve une adénopathie prétragienne
associée à des complications oculaires. Au cours des stades dans 65 % des cas. Les sécrétions et les contacts directs facilitent
précoces de la maladie, on peut retrouver une conjonctivite la propagation. De plus, des manifestations respiratoires peuvent
folliculaire, associée à des vésicules et/ou des fausses membranes être concomitantes ; le virus pouvant alors aussi bien être isolé
et une kératite d’aspect « pseudodendritique ». En effet, il s’agit dans les frottis conjonctivaux que dans les prélèvements de
de dépôts de mucus qui peuvent être différenciés des dendrites gorge [21].
de l’infection herpétique par leur aspect surélevé, périphérique, Les diagnostics virologiques réalisés en cours d’épidémie
ne prenant que faiblement la fluorescéine, et disparaissant permettent de typer les souches. Après inoculation des prélève-
lorsqu’on nettoie la surface cornéenne. ments à des lignées cellulaires, l’isolement du virus est confirmé
Le traitement antiviral systémique donné précocement par PCR reverse transcriptase et immunofluorescence indirecte [22].
(valaciclovir 3 g/j pendant 7 jours) raccourcit la durée d’évolu- Il semblerait qu’au cours même d’une épidémie, il puisse y avoir
tion, limite l’extension de l’éruption et diminue la fréquence des changements antigéniques au sein du virus [17].
des complications oculaires au long cours et des névralgies L’évolution est en général favorable en 1 semaine ; le traite-
postzostériennes invalidantes. ment est donc essentiellement préventif. Néanmoins, des
complications ont été décrites : iridocyclite, névrite optique,
ainsi que des signes généraux : radiculomyélites, signes digestifs,
Conjonctivites à autres virus du groupe syndrome fébrile.
Herpes
L’Epstein-Barr virus (EBV) est responsable de la mononucléose Autres conjonctivites virales
infectieuse et fait partie de la famille Herpesviridae. L’infection
est généralement infraclinique, mais on peut retrouver une Rougeole
conjonctivite folliculaire aiguë avec chémosis, hémorragie,
infiltrats et membranes. On peut parfois mettre en évidence des Elle s’accompagne d’une conjonctivite catarrhale, souvent
granulomes conjonctivaux et une adénopathie prétragienne. Au compliquée d’une kératite ponctuée superficielle responsable
niveau cornéen, on peut retrouver une kératite ponctuée d’une photophobie. L’atteinte cornéenne peut être plus sévère
superficielle, une kératite nummulaire ou interstitielle. avec kératomalacie, ulcérations, perforations responsables de
L’herpesvirus humain (HHV-6) est le virus responsable de cécité par surinfection bactérienne, ou survenue de leucomes. La
l’exanthème subit de l’enfant. Il est susceptible d’entraîner des vaccination est recommandée.
conjonctivites papillaires.
La présence d’ADN, d’EBV et d’HHV-6 est plus fréquente dans Oreillons
les larmes des patients présentant une conjonctivite papil-
laire [15], mais on ne sait pas si cette augmentation montre une Ils s’accompagnent d’une conjonctivite avec ou sans atteinte
responsabilité de ces virus dans la conjonctivite, ou une cornéenne, souvent plus modérée que dans la rougeole. Le
réactivation virale contemporaine d’une conjonctivite d’une traitement est symptomatique et la vaccination recommandée.
autre origine.
Papillomavirus
Molluscum contagiosum Ils sont responsables de verrues cutanées et peuvent entraîner
des conjonctivites papillaires chroniques avec kératites ponc-
L’agent responsable est le poxvirus, transmis par les contacts tuées superficielles. Le traitement repose sur l’excision chirurgi-
directs rapprochés. L’incubation est de 2 à 7 semaines. La cale des lésions. Le développement de la vaccination devrait
maladie touche plus les enfants et les sujets immunodéprimés. voir l’incidence diminuer.
Les lésions cutanées correspondent à une surélévation
épidermique à centre ombiliqué, pouvant être uniques ou Maladie de Newcastle
multiples, de 3 à 5 mm de diamètre. Lorsqu’il existe une lésion
proche du bord libre palpébral, des particules virales peuvent se Il s’agit d’un paramyxovirus responsable de pneumoencépha-
répandre dans les culs-de-sac conjonctivaux et entraîner une lites létales chez les volailles et de conjonctivites chez les
conjonctivite folliculaire secondaire [16]. Le mécanisme semble éleveurs de volailles et les vétérinaires exposés. Les patients
être celui d’une réaction immunitaire sans invasion conjoncti- présentent une conjonctivite folliculaire unilatérale avec
vale directe par le virus. En effet, sur le plan anatomopatholo- adénopathie prétragienne. Les complications sont rares ; la
gique, cet épiderme épaissi contient un grand nombre guérison se fait en général spontanément et sans séquelle.
d’inclusions éosinophiles intracytoplasmiques au centre de la
lésion ombiliquée. Dans les formes évoluées, on peut retrouver Grippe, fièvre jaune, dengue, rubéole,
une kératite ponctuée, puis un pannus néovasculaire de locali- virus de l’immunodéficience humaine (VIH)
sation supérieure préférentielle.
Le traitement de la conjonctivite consiste à enlever la lésion Ils peuvent s’accompagner de conjonctivites, souvent peu
palpébrale responsable (excision, laser argon). sévères, aux caractéristiques variables, avec ou sans atteinte
cornéenne.
Conjonctivites à entérovirus
Elles se manifestent sous forme d’épidémies de conjonctivites ■ Conjonctivites bactériennes
aiguës hémorragiques à début brutal.
Deux entérovirus (Picornavirus) à acide ribonucléique (ARN) Elles sont caractérisées par un début brutal, des sécrétions
ont été identifiés comme étant responsables de ces épidémies de profuses, épaisses et purulentes, et une réponse rapide au
conjonctivites aiguës hémorragiques, en Afrique et en Asie traitement local par antibiotiques.
essentiellement : entérovirus type 70 et coxsackie virus
A24 variant [17-20]. Signes cliniques
La période d’incubation est très courte, environ 1 jour, ce qui
rend cette infection très contagieuse. Associés à l’hyperhémie conjonctivale, on retrouve un œdème
Les caractéristiques de l’infection sont un œdème palpébral conjonctival et palpébral. Les sécrétions mucopurulentes (Fig. 3)
aigu, une inflammation conjonctivale hémorragique doulou- font suite à une exsudation cellulaire fibrineuse. Le malade se
reuse, avec une hypertrophie folliculaire, associés à des hémor- frottant les yeux, ce geste est responsable de la contamination
ragies sous-conjonctivales et à une kératite superficielle, le plus du deuxième œil d’une part et de l’entourage également.

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21-130-D-10 ¶ Conduite à tenir devant une conjonctivite infectieuse

A B C
Figure 3. Exemples de conjonctivite purulente (A à C).

Figure 4. Conjonctivite papillaire.


A, C. Tarse supérieur.
B, D. Cul-de-sac inférieur.

A B

C D

Figure 5. Conjonctivite membraneuse.


A. Tarse supérieur.
B. Cul-de-sac inférieur.

A B

L’examen fait état de papilles (Fig. 4), plus rarement follicules L’atteinte ophtalmologique néonatale peut être due à une
(Fig. 1), parfois de fausses membranes (Fig. 5) ; l’adénopathie infection bactérienne acquise à la naissance, une infection
prétragienne est le plus souvent absente, à l’inverse des . à gonocoque, ou à Chlamydiae (cf. infra). Elles peuvent
conjonctivites virales. se compliquer d’une infection des voies lacrymales
(dacryocystite).
Conjonctivites purulentes du nouveau-né Les infections à staphylocoques sont les plus fréquentes, elles
guérissent avec une bonne hygiène locale et un collyre antibio-
Elles sont définies par une conjonctivite avec écoulement tique. La récidive doit faire évoquer une imperforation de canal
purulent survenant dans les 28 jours après la naissance. lacrymonasal.

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Conduite à tenir devant une conjonctivite infectieuse ¶ 21-130-D-10

tularémie, transmise par les lièvres, et plus rarement Chlamydia


trachomatis (lymphogranulome de Nicolas-Favre), tuberculose,
syphilis.
La conjonctivite ligneuse (Fig. 5) est une conjonctivite
chronique membraneuse rare, touchant surtout les enfants. Elle
débute dans la petite enfance par une conjonctivite aiguë
membraneuse, avec des signes systémiques satellites (fièvre,
atteinte des voies aériennes et de la sphère urogénitale). La
phase chronique peut durer plusieurs années, avec une infiltra-
tion palpébrale dure comme du bois, d’où le terme de ligneuse.
Les lésions peuvent toucher la cornée. Le diagnostic différentiel
Figure 6. Conjonctivite du nourrisson. avec l’amylose se fait sur la biopsie. L’étiologie reste inconnue.
Le cas d’un patient originaire des pays de l’est avec une
conjonctivite membraneuse doit faire suspecter une origine
diphtérique.
Les infections à gonocoque (Neisseria gonorrhoeae) ont posé de
Les conjonctivites chroniques doivent faire pratiquer un
sérieux problèmes dans le passé. Elles sont responsables d’une
prélèvement bactériologique après une fenêtre thérapeutique de
conjonctivite purulente floride pouvant entraîner la cécité par
24 heures au minimum avec réalisation d’un antibiogramme.
atteinte cornéenne (opacification ou perforation). Selon la
Les germes retrouvés sont souvent des germes saprophytes.
méthode de Crédé, les bébés recevaient un traitement pro-
phylactique par un collyre au nitrate d’argent à 1 % après
l’accouchement. Ce dernier était responsable d’une réaction Diagnostic biologique
inflammatoire présente chez 90 % des nouveau-nés, dans les 3
à 6 heures après l’application et qui rétrocède en 24 heures. Les prélèvements ne sont utiles qu’en cas d’échec thérapeuti-
Désormais, la nature du collyre appliqué est très variable d’une que (suspicion de résistance, récidive précoce), de terrain
maternité à l’autre. La rifamycine fait partie des antibiotiques particulier (nouveau-né, retour de zone d’endémie, immunodé-
les plus utilisés. La conjonctivite à gonocoque débute avant le primé) et de signes de gravité.
5e jour postnatal et est rapidement très inflammatoire et très Le prélèvement conjonctival est réalisé de préférence dans le
purulente, avec parfois des membranes sanguinolentes. En cul-de-sac inférieur par écouvillonnage de l’angle externe à
15 jours, la cornée devient grisâtre, l’application de stéroïdes l’angle interne, sans instillation préalable d’anesthésique local.
accroissant le risque de perforation. Il permet un examen direct (qui, s’il est positif, permet de
Le traitement repose sur l’association d’un traitement local et préciser les affinités tinctoriales des bactéries et d’apporter des
général. En local, un antibiotique efficace (macrolide, rifamycine informations sur la réaction cellulaire associée, à polynucléaires
ou aminoside) toutes les heures pendant 24 heures puis huit neutrophiles classiquement), une mise en culture et la réalisa-
fois par jour pendant 10 jours est efficace. En général est utilisée tion éventuelle d’un antibiogramme.
la céfotaxime à 100 mg/kg/j. La culture peut mettre en évidence la présence en quantité
modérée des germes saprophytes de la conjonctive, comme les
staphylocoques à coagulase négative (dont Staphylococcus
Orientations étiologiques epidermidis), Propionibacterium et Corynebacterium. Leur présence
de façon importante peut être considérée comme pathogène.
Le diagnostic de la conjonctivite bactérienne est clinique, et
Les techniques de biologie moléculaire (PCR spécifique
les examens complémentaires sont la plupart de temps inutiles.
méningocoque ou staphylocoque, PCR universelle ARN 16S, ou
À partir de quelques signes cliniques, on peut suspecter certains
techniques de comparaison : random amplified polymorphic DNA
diagnostics étiologiques et donc adapter l’antibiothérapie
[RAPD], pulsed field gel electrophoresis [PFGE]) sont rarement
probabiliste.
utiles en cas de conjonctivite infectieuse. Elles peuvent être
La présence d’une kératite ponctuée superficielle, associée à
utilisées en cas de recherche médicolégale, lorsqu’il est néces-
une conjonctivite purulente, doit faire évoquer un staphyloco-
saire de mettre en évidence un germe précis.
que doré, d’autant plus que l’on retrouve une blépharite, des
Les germes les plus souvent retrouvés par culture dans les
ulcères cornéens marginaux (séparés du limbe par une zone de
conjonctivites bactériennes sont présentés dans une étude de
tissu sain) et des phlyctènes conjonctivales. Ces signes sont en
2004 [23]. Notons que les bacilles à Gram négatif sont plus
fait la manifestation d’une réaction immunitaire contre l’exo-
fréquents chez les porteurs de lentilles de contact.
toxine produite par le micro-organisme.
On peut être amené à demander des prélèvements extraoph-
Une conjonctivite prédominant aux angles externes, associée
talmologiques (oto-rhino-laryngologiques, peau, etc.) surtout s’il
à des lésions érythémateuses cutanées, évoque un Moraxella.
s’agit de terrain à risque (immunodépression).
Chez l’enfant, l’association otite-conjonctivite doit faire
penser à un Haemophilus ou à un pneumocoque. Plus générale-
ment, les conjonctivites à répétition de l’enfant doivent faire Traitement
rechercher une imperforation des voies lacrymales (Fig. 6).
Le cas des enfants habitant le pourtour méditerranéen et Le traitement des conjonctivites infectieuses a récemment fait
présentant une conjonctivite aiguë hémorragique doit faire l’objet de recommandations par l’Agence française de sécurité
évoquer le diagnostic d’Haemophilus aegyptus (ou bacille de sanitaire des aliments et produits de santé (Afssaps) devant
Weeks). l’évolution des résistances des bactéries aux antibiotiques.
L’association d’une conjonctivite à un écoulement urétral L’antibiothérapie locale n’est indiquée qu’en cas de facteur de
purulent doit faire penser à un gonocoque. risque ou de signe de gravité. Elle ne fait qu’accélérer la
Le syndrome oculoglandulaire de Parinaud associe une guérison de la conjonctivite et diminuer la contagiosité, mais ne
conjonctivite purulente unilatérale avec follicules et granulomes serait pas plus efficace que des soins au sérum physiologique
conjonctivaux à une volumineuse adénopathie prétragienne associés aux règles d’hygiène élémentaires (lavages des mains,
dont la suppuration est possible. La cause la plus fréquente est effets de toilette à usage personnel, limiter le maquillage, etc.)
la maladie des griffes du chat ou lymphoréticulose bénigne à 8 jours.
d’inoculation (Bartonella henselae). Les enfants sont particulière- En l’absence de signe de gravité, chez l’adulte, un lavage au
ment touchés et l’on retrouve la notion de griffure 2 semaines sérum physiologique associé à un collyre antiseptique est
auparavant dans 80 % des cas. Le traitement repose sur suffisant. En cas de signe de gravité ou de terrain à risque,
l’azithromycine ou la doxycycline par voie orale. Les autres l’antibiothérapie dépend des données de l’examen et du germe
germes en cause sont Francisella tularensis impliqué dans la s’il a été recherché.

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21-130-D-10 ¶ Conduite à tenir devant une conjonctivite infectieuse

• Les aminosides ont un large spectre également, en particulier

“ Point fort
sur les aérobies à Gram négatif et les cocci à Gram positif, à
l’exception des streptocoques. Leur inconvénient est leur
mauvaise biodisponibilité.
Facteurs de risque • La bacitracine est bactériostatique, efficace sur les bactéries à
Favorisant la survenue d’infections graves Gram positif.
• Immunodépression • Le chloramphénicol a un large spectre avec une pénétration
• Diabète mal équilibré intraoculaire, donnant peu de résistances, et de plus très bon
marché. Le chloramphénicol entraîne, par voie générale, un
• Pathologie locale sous-jacente (syndrome sec,
risque d’aplasie médullaire qui n’a jamais été confirmé après
dystrophie cornéenne, greffe de cornée, obstruction des
administration en collyre. Pour cette raison, sa prescription a
voies lacrymales, trouble de la statique palpébrale) été arrêtée dans quelques pays, mais cet antibiotique reste
• Corticothérapie locale prescrit à grande échelle, dans beaucoup de pays d’Europe du
• Port de lentilles de contact Nord notamment.
Liés à des situations particulières • Les tétracyclines sont bactériostatiques et ont la particularité
• Monophtalme d’être efficaces en intracellulaire. Leur spectre est large à
• Nouveau-né l’exception des entérobactéries et de quelques streptocoques.
• L’acide fusidique est bactériostatique, antistaphylococcique,
efficace uniquement sur les cocci à Gram positif. Il sélec-
tionne volontiers des mutants résistants.
• La polymyxine B est bactéricide. Elle n’est efficace que sur les
“ Point fort bactéries à Gram négatif. Elle est présente dans plusieurs
associations d’antibiotiques en collyre.
• Les macrolides sont bactériostatiques, efficaces sur les
Critères de gravité bactéries à Gram positif. Leur pénétration tissulaire est
• Sécrétions purulentes importantes excellente ; de ce fait, leur traitement est plus court (3 jours
• Chémosis suffisent de par leur accumulation cellulaire) [24].
• Œdème palpébral Le clinicien doit tenter d’adapter son antibiothérapie au
• Larmoiement important germe (suspecté le plus souvent) et au patient (porteur de
• Baisse de l’acuité visuelle lentilles), tout en tenant compte du rapport bénéfice-risque
• Photophobie pour la société (utilisation abusive des antibiotiques, coût,
risque de résistances versus confort, guérison rapide, diminution
de la contagiosité).
Le patient doit être prévenu que la durée du traitement doit
Antiseptiques être respectée (7 jours en général). Le collyre peut être prescrit
toutes les 2 heures au début, puis trois à quatre fois par jour
Il en existe six classes : ensuite, éventuellement associé à une pommade pour la nuit
• les métalliques : il s’agit du nitrate d’argent utilisé dans la afin d’augmenter le temps de contact et l’effet pansement. Les
prévention de l’ophtalmie néonatale, les organomercuriels corticoïdes sont rarement indiqués dans les conjonctivites
pour la désinfection des lentilles de contact et les sels de bactériennes. L’antibiotique doit être changé en l’absence
cuivre, utilisés dans les conjonctivites à Chlamydiae ; d’efficacité après quelques jours, avec éventuellement la
• le bleu de méthylène (Collyre Bleu®) ; réalisation d’un prélèvement après une fenêtre thérapeutique de
• l’acide borique (Dacryosérum®, Dacudoses®) ; 24 heures au minimum. La monothérapie reste la plus
• les ammoniums quaternaires : ils sont de spectre large sauf conseillée dans ces conjonctivites bactériennes. On peut être
pour Pseudomonas. Il s’agit du chlorure de benzalkonium, du amené à réaliser des associations afin d’augmenter l’activité ou
bromure de benzododécinium et du céthexonium (Bioci- d’élargir le spectre, notamment chez l’immunodéprimé ou en
dan®) ; cas d’infection nosocomiale.
• les amidines (picloxydine : Vitabact®) : ils sont bactériostati-
ques, et certains sont également bactéricides, et parfois même Cas de la femme enceinte ou allaitante
antifongiques et antiamibiens ;
• la povidone iodée à 5 % (Bétadine® 5 %) : son spectre est Les recommandations de l’Afssaps se basent sur les risques de
large ; elle élimine 90 % des colonies microbiennes en toxicité et de tératogénicité des molécules par voie orale.
3 minutes. • Sont ainsi déconseillés : kanamycine, chloramphénicol.
Certains antiseptiques présentent un effet vasoconstricteur • Sont à éviter par prudence : tripethoprime, kanamycine et
par activité sympathomimétique pouvant provoquer une autres aminosides.
poussée de glaucome aiguë, une mydriase, et certains effets • Peuvent être prescrits : tétracyclines (au cours du premier
systémiques (tachycardie, céphalées, poussée tensionnelle). trimestre), rifamycine, fluoroquinolones (ciprofloxacine,
Comme pour les antibiotiques, leur utilisation prolongée, ofloxacine et norfloxacine).
au-delà de 15 jours, expose au risque de résistance bactérienne.
Cas des enfants
Antibiotiques
Les conjonctivites bactériennes sont le plus souvent à Haemo-
Comme nous l’avons vu, les antibiotiques abrègent la durée philus influenzae ou à streptocoque. Il s’agit de conjonctivites
des symptômes des conjonctivites bactériennes mais leur effet à aiguës mucopurulentes, avec une inflammation prédominant
8 jours n’est pas significativement supérieur à celui du placebo. sur la conjonctive bulbaire, et des papilles sur la conjonctive
• La rifamycine (collyre ou pommade) est un antistaphylococ- palpébrale. La contamination de la conjonctive se fait à partir
cique de référence, également actif sur les streptocoques, des mains sales ou du nasopharynx. L’évolution de cette
Haemophilus et les mycobactéries. Il est très bien toléré. affection est en général favorable, la guérison complète. Le
• Les quinolones ont un large spectre, à l’exception des problème se pose devant sa fréquence chez l’enfant d’âge
staphylocoques résistants, des streptocoques et des entéroco- scolaire et l’éviction scolaire qu’elle impose, désorganisant
ques, et de certains bacilles (Acinetobacter, Bacteroides fragilis, l’équilibre familial. La rifamycine présente l’avantage d’un
Clostridium). Bien tolérées, elles pénètrent bien dans l’œil, spectre large, peu de résistance et une présentation colorée, gage
mais posent le problème de l’émergence de résistances. de l’observance. L’azithromycine (macrolide) semble être une

8 Ophtalmologie

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Conduite à tenir devant une conjonctivite infectieuse ¶ 21-130-D-10

alternative intéressante. Les règles d’hygiène sont les mêmes que seconde intention). Le traitement doit durer 6-8 semaines. En
pour les adultes. En cas de signes systémiques (syndrome otite- cas d’atteinte extraoculaire associée, le traitement est oral,
conjonctivite), une antibiothérapie orale doit être associée permettant de traiter en même temps l’infection génitale. Il
(amoxicilline + acide clavulanique, pendant 10 jours). s’agit d’un traitement minute par azithromycine orale (quatre
En cas de conjonctivite récidivante, il faut rechercher une comprimés à 250 mg en une prise pour l’adulte) ou des cyclines
imperforation des voies lacrymales. orales sur 3 semaines (doxycycline 100 mg × 2/jours). Sous
traitement, tous les signes régressent sans séquelle ; en l’absence
de traitement, l’évolution naturelle se fait vers la guérison
spontanée en 1 à 2 ans.

“ À retenir Conjonctivites à inclusions du nouveau-né


Chez le nouveau-né, la conjonctivite peut être acquise
Conjonctivites bactériennes
pendant l’accouchement, lors de la traversée de la filière
• Nombreuses sécrétions génitale. Son incidence est estimée entre 0,4 % et 5 % des
• Début brutal naissances, et les conjonctivites à Chlamydiae du nouveau-né
• Réponse aux antibiotiques représentent 40 % des conjonctivites néonatales. La période
• Adénopathie rare d’incubation est habituellement de 5 à 14 jours, mais peut
• Papilles varier de 1 à 40 jours. Comme le système immunitaire du
nouveau-né est immature, l’inflammation conjonctivale ne
comporte pas de follicules, à la différence de celle de l’adulte.
On retrouve une inflammation palpébrale, une hyperhémie
■ Conjonctivites à « Chlamydiae » conjonctivale, des papilles, des sécrétions mucopurulentes.
Peuvent être associées des ulcérations cornéennes. L’atteinte est
unilatérale, puis bilatérale dans 50 % des cas.
Les Chlamydiae sont des parasites intracellulaires obligatoires,
Le traitement doit être systémique, car les bébés peuvent
de ce fait considérées auparavant comme des virus. Il s’agit en
développer une infection systémique (atteinte pulmonaire,
fait d’un groupe unique de petites bactéries à Gram négatif
nasopharyngée, rectale, vaginale, otites). Il s’agit de l’érythro-
comprenant un ordre unique et un seul genre, les Chlamydiae,
mycine (10-15 mg/kg × 4/jours) pendant 2 semaines. La pro-
avec trois espèces pathogènes pour l’homme : Chlamydia
phylaxie par collyre au nitrate d’argent, macrolide ou
trachomatis, Chlamydia psittaci et Chlamydia pneumoniae.
tétracycline réduit la prévalence de la conjonctivite à inclusions
Les différents sous-groupes de Chlamydia trachomatis sont
du nouveau-né sans l’éradiquer complètement. Il convient de
responsables de diverses pathologies comme la pneumopathie
traiter également les parents.
néonatale, le lymphogranulome vénérien et des infections
Le diagnostic différentiel essentiel est la conjonctivite à
oculogénitales.
Neisseria gonorrhoeae, qui survient plus précocement après la
La contamination se fait par contact direct (infections
naissance. Il est impératif de prélever les sécrétions conjoncti-
sexuellement transmissibles, mains sales) ou de façon indirecte
vales dans ce contexte et d’avoir recours aux examens
(par les mouches, aéroportée).
biologiques.
Possédant à la fois de l’ADN et de l’ARN, les Chlamydiae ont
une structure complexe et se multiplient à l’intérieur de la
cellule hôte, formant des inclusions caractéristiques. Maladie de Nicolas-Favre
Également appelée lymphogranulomatose vénérienne, elle se
Conjonctivites à inclusions de l’adulte traduit par des manifestations génitales et un syndrome oculo-
glandulaire. Ce dernier associe une conjonctivite macrofollicu-
Cette forme de conjonctivite débute le plus souvent progres- laire et papillaire, de volumineuses adénopathies prétragiennes
sivement sur plusieurs semaines. Le patient présente un œil et sous-maxillaires inflammatoires, une néovascularisation
inflammatoire, larmoyant, collé le matin, avec un ptosis modéré superficielle limbique supérieure et parfois une iridocyclite.
et une adénopathie prétragienne. Les signes sont en général
unilatéraux. Cette maladie ne fait pas de différence entre pays Trachome
riches ou pauvres.
L’examen retrouve une conjonctivite folliculaire débutant En 1995, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publie
dans les culs-de-sac, puis s’étendant à la conjonctive tarsale. Les que le trachome est la deuxième cause de cécité dans le monde
follicules ont tendance à confluer au niveau des culs-de-sac et et constitue la première cause de cécité curable, d’origine
sont plus petits au niveau du tarse, où peuvent s’associer des infectieuse. Cette maladie est la conséquence d’infections
papilles. Deux à 3 semaines après le début de la conjonctivite, répétées à Chlamydia trachomatis de sérotypes A-C, qui peuvent
une kératite superficielle peut se développer, sous forme de être aggravées par des surinfections bactériennes. La maladie
petits infiltrats épithéliaux et sous-épithéliaux gris-blanc. À la sévit à l’état endémique dans 48 pays, notamment en Afrique
différence de ceux retrouvés dans les kératoconjonctivites à du Nord, au Moyen-Orient, en Inde, en Extrême-Orient et
adénovirus, ces infiltrats ont tendance à se disposer en périphé- également de façon moins fréquente en Australie, dans certaines
rie de la cornée et sont donc associés à un pannus précoce. Ils régions d’Amérique latine et d’Amérique centrale. La transmis-
peuvent persister plusieurs mois. sion se fait d’œil à œil par les sécrétions, les contacts divers et
Il s’agit d’une infection sexuellement transmissible, acquise un vecteur : la mouche (Musca sorbens, Musca domestica). Les
après un contact oculogénital direct ou indirect. Il est donc contaminations sont facilitées par la surpopulation, les mauvai-
particulièrement recommandé de rechercher un partenaire ses conditions d’hygiène, et surtout les difficultés d’accès à l’eau.
infecté (cervicite chez la femme, urétrite chez l’homme, parfois Le pic d’incidence de la maladie se situe entre 1 et 5 ans ; les
rectite), ainsi que l’association à d’autres infections sexuellement premières cicatrices conjonctivales apparaissent vers 7-8 ans et
transmissibles éventuelles (VIH, hépatite B, syphilis, HSV 2, les complications cécitantes vers 40 ans. Les cas de cécité sont
gonococcie). Remarque : on recherchait auparavant une conta- trois fois plus fréquents chez les femmes que chez les hommes
mination à la piscine, par la contamination de l’eau par les car elles sont en contact pluriquotidien avec les enfants,
sécrétions génitales infectées, désormais éliminée par la chlora- réservoirs de la maladie.
tion de l’eau. L’atteinte est bilatérale et comprend plusieurs stades évolutifs.
En l’absence d’atteinte extraoculaire, un traitement topique • Stade 1 : il survient 5-7 jours après le contage ; son début est
est possible par azithromycine collyre, ou rifamycine (en insidieux, les symptômes peu prononcés. On retrouve une

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21-130-D-10 ¶ Conduite à tenir devant une conjonctivite infectieuse

Tableau 1. trichiasis et kératinisation marginale [25] . La technique de


Classification de l’Organisation mondiale de la santé des lésions Cuenod et Nataf, intéressante lorsque le tarse est épaissi, est
trachomateuses. abandonnée en raison du nombre important de glandes de
TF Follicules trachomateux Cinq follicules ou plus sur le tarse Meibomius sacrifiées, aggravant les syndromes secs déjà
supérieur central redoutables.
Pour ce qui est de l’antibiothérapie, elle peut être orale
TI Inflammation trachomateuse Inflammation diffuse de (sulfamides, érythromycine ou tétracyclines) pendant 3 semaines
la conjonctive tarsale supérieure, ou locale par tétracycline pommade (Posicycline® 1 % × 2/jours)
épaissie, faisant disparaître plus pendant 6 semaines, ou macrolide (Azyter® 2/jours pendant
de 50 % des vaisseaux tarsaux 3 jours) [26]. Devant la difficulté d’administrer les traitements et
normaux le manque d’observance, il a été proposé un traitement biannuel
d’azithromycine (Zithromax® 20 mg/kg pour les enfants, 1 g
TS Fibrose trachomateuse Cicatrices conjonctivales tarsales
pour les adultes) en monoprise [27]. Dans les pays où le trachome
(trachomatous scarring) supérieures stellaires ou linéaires
est hyperendémique, le traitement antibiotique de masse permet
TT Trichiasis ou entropion Déviation des cils qui touchent de diminuer le nombre des sujets infectés dans la communauté,
la cornée mais un traitement systémique par azithromycine, en diminuant
la durée de l’infection, interfère avec la réponse immunitaire,
CO Opacité cornéenne Une ou plusieurs, rendant augmentant le risque de réinfections [28].
au moins une partie du bord Les mesures préventives restent le véritable moyen de contrô-
pupillaire trouble ler la maladie : approvisionnement en réserves d’eau, améliora-
tion des conditions d’hygiène, éducation sanitaire.

kératoconjonctivite avec de petits follicules conjonctivaux


prédominant au bord supérieur du tarse supérieur, une
Diagnostic microbiologique
adénopathie prétragienne, une kératite ponctuée superficielle Dans les pays d’endémie, le diagnostic demeure clinique ; les
et un fin pannus cornéen. examens complémentaires sont donc inutiles pour le trachome.
• Stade 2 : il s’agit du trachome floride, beaucoup plus symp- En revanche, il est indispensable dans les formes chroniques, ou
tomatique avec sensation de corps étranger, photophobie et lorsqu’il existe un doute, et chez le nourrisson.
larmoiement. On retrouve un rétrécissement de la fente Il se fait à partir d’un frottis conjonctival, de préférence au
palpébrale (air endormi), des follicules matures avec une niveau de la conjonctive tarsale supérieure, soit par :
infiltration diffuse et une hypertrophie papillaire au niveau • culture cellulaire, où peuvent être utilisés différents types de
de la conjonctive tarsale supérieure et au niveau du limbe. cellules traitées pour bloquer la prolifération des Chlamydiae ;
Une kératite superficielle associée à des infiltrats sous- le diagnostic est fait par la recherche d’inclusions après une
épithéliaux se développe en supérieur avec un pannus ayant incubation de 2-3 jours ;
tendance à progresser vers le centre de la cornée. • immunofluorescence, en utilisant des anticorps monoclonaux
• Stade 3 : les cicatrices s’installent à partir du 2e mois, avec qui révéleront la présence de corps élémentaires ;
une fibrose conjonctivale. On retrouve des cicatrices stellaires, • technique immunoenzymatique, recherchant des antigènes
des lignes d’Arlt (linéaires, à 2-3 mm du bord libre). Des de Chlamydia trachomatis ;
calcifications remplacent parfois les follicules. Au niveau • PCR ;
cornéen, on peut observer des fossettes d’Herbert, dépressions • amplification de l’ARN ribosomal [29].
peu profondes, sites d’anciens follicules ayant involué, et
laissant un amincissement cornéen résiduel. À ce stade, il
persiste une inflammation active avec la coexistence d’élé-
ments cicatriciels et frais.
• Stade 4 : l’infection est inactive et on retrouve une fibrose
cicatricielle sans follicule. La conjonctive est parcourue de
“ À retenir
concrétions calcaires ; il existe un syndrome sec sévère, une Conjonctivites à Chlamydiae
atrésie des culs-de-sac, le tarse est déformé (trichiasis-
• Conjonctivites à inclusion
entropion). Les cils frottent la cornée conduisant à une
• Infections sexuellement transmissibles
opacification progressive en « lunule » limbique, opacification
aggravée par la malocclusion, siège des surinfections. Les taies • Risque nouveau-né
multiples créent un aspect de cornée à facettes, puis l’épider- • Trachome
misation conduit au xérosis (aspect d’œil de statue typique). • Entropion-trichiasis
Cette classification n’a qu’une valeur limitée pour déterminer • Maladie cécitante
le pronostic visuel d’un patient, et ne tient pas compte des
modifications entraînées par les réinfections.
L’OMS a introduit une classification qui peut être utilisée sur
le terrain, avec une lampe de poche et une loupe grossissante ■ Conclusion
(× 2,5) (Tableau 1).
Les complications cécitantes sont liées aux nombreuses Les conjonctivites infectieuses doivent être avant tout
réinfections associées aux surinfections bactériennes, favorisant différenciées des autres types de conjonctivites : conjonctivites
l’installation d’une fibrose cicatricielle palpébrale et conjoncti- allergiques, toxiques, conjonctivites sèches, conjonctivites liées
vale conduisant à l’opacification cornéenne, mais également à aux maladies auto-immunes, conjonctivites d’irritation. Le
des occlusions lacrymales, des dacryocystites. caractère unilatéral qui se bilatéralise secondairement est un
Le traitement des sujets infectés repose sur la stratégie surgery, bon argument en faveur d’une origine infectieuse. La présence
antibiotics, facial cleanliness, environmental improvement (SAFE), ou de sécrétions purulentes oriente vers une origine bactérienne. La
chirurgie, antibiothérapie, nettoyage du visage, changement présence de follicules oriente vers une infection virale ou à
d’environnement (CHANCE). Chlamydiae.
Le traitement chirurgical du trichiasis est efficace pour Une conjonctivite purulente ne justifie un traitement anti-
prévenir la cécité. Il existe différentes techniques de tarsotomie biotique qu’en présence de facteurs de risque ou de gravité.
et tarsoplastie ; cependant, toutes ont environ un tiers d’échecs Lorsqu’il est indiqué, un traitement antibiotique doit être choisi
par récidive. On retient surtout la technique de Trabut, indiquée en fonction du germe suspecté et du terrain (enfant, adulte,
dans les rétractions importantes de la lamelle postérieure avec femme enceinte, immunodéprimé) (Fig. 7).

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Conduite à tenir devant une conjonctivite infectieuse ¶ 21-130-D-10

Conjonctivite
Sécrétions purulentes

Facteurs de risque Terrain particulier Critères de gravité


Immunodépression Monophtalme Sécrétions importantes
Diabète mal équilibré Nouveau-né Chémosis
Pathologie locale sous-jacente : Œdème palpébral
- syndrome sec Larmoiement important
- dystrophie cornéenne Baisse de l’acuité visuelle
- greffe de cornée Photophobie
- obstruction lacrymale
- trouble de la statique palpébrale
Corticothérapie locale
Port de lentilles de contact

Antibiotique Lavage au sérum physiologique


Collyre adapté au germe présumé + collyres antiseptiques

Femme enceinte Suspicion de


Nouveau-né Trachome Cas général
ou allaitante Chlamydiae

Collyres : Collyres : Collyres : Stratégie Tout


- cyclines - rifamycine - cyclines CHANCE antibiotique
- macrolides - quinolones - macrolides adapté au
- rifamycine - rifamycine germe présumé
Céfotaxime - quinolones
per os Macrolide
per os

Échec

Fenêtre thérapeutique d’au moins 24 heures

Prélèvement

Antibiotique
Collyre adapté à l’antibiogramme

Figure 7. Arbre décisionnel. Stratégie thérapeutique devant des sécrétions purulentes de conjonctivite. CHANCE : chirurgie, antibiothérapie, nettoyage
du visage, changement d’environnement.

Le trachome, première cause de cécité infectieuse dans le [3] Van Bijsterveld OP, Van Hemel OL. Inflammatory sequelae after
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21-130-D-10 ¶ Conduite à tenir devant une conjonctivite infectieuse

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P.-Y. Robert (pierre-yves.robert@unilim.fr).


A. Sabatier.
Service d’ophtalmologie, Centre hospitalier universitaire Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King, 87042 Limoges cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Robert P.-Y., Sabatier A. Conduite à tenir devant une conjonctivite infectieuse. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Ophtalmologie, 21-130-D-10, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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