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 21-200-D-15

Kératites interstitielles
Interstitial keratitis
A.-S. Gauthier, B. Delbosc

La kératite interstitielle est une inflammation non ulcérante et non suppurative plus ou moins vascularisée du
stroma cornéen. Les lésions cornéennes résultent d’une réponse de l’hôte à des antigènes bactériens, viraux,
parasitaires ou auto-immuns sans infection active cornéenne. L’évolution de la maladie se fait en deux phases.
Mots-clés : Ces kératites beaucoup moins fréquentes que les kératites bactériennes ulcérantes constituent cependant une
Kératite interstitielle cause non négligeable de baisse de l’acuité visuelle. Elles apparaissent dans un contexte de maladie infectieuse
Maladies infectieuses ou systémique. Elles nécessitent donc un diagnostic précoce avec bilan étiologique et un traitement adéquat
Herpes simplex pour optimiser le pronostic visuel et éviter les autres complications. Parmi les principales étiologies, on retrouve
Syphilis les infections bactériennes (syphilis), les viroses (40 % des cas), les infections idiopathiques (33 %). Le syndrome
Cogan de Cogan représente moins de 1 % des cas, mais son étude, d’un grand intérêt historique, a ouvert la voie à
LASIK une meilleure compréhension physiopathologique.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Interstitial keratitis is an inflammation of non-ulcerative and non-suppurative more or less vascularized corneal
Keywords: stroma. The corneal lesions result from host response to bacterial antigens, viral, parasitic or autoimmune
Interstitial keratitis without active corneal infection. The evolution of the disease is divided in two phases. These keratitis are
Infectious diseases less common than bacterial ulcerative keratitis but they are a significant cause of reduced visual acuity. They
Herpes simplex are associated with systemic or infectious disease. They require an etiological diagnosis and an appropriate
Syphilis treatment to maximize the visual prognosis and avoid complications. The main causes are bacterial infections
Cogan (syphilis), viruses (40 % of cases), or idiopathic (33 %). Cogan’s syndrome is less than 1 % of cases, but his
LASIK study has allowed to understand physiopathology.
© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Plan Tableau 1.
Bilan à pratiquer devant une kératite interstitielle.
■ Introduction 1 Clinique Antécédents : herpès oculaire, zona ophtalmique,
Aspects cliniques 1 rougeole, contages infectieux, maladies
Phase aiguë 1 infectieuses, maladies systémiques
Phase cicatricielle (après quelques mois ou années d’évolution) : Voyages en régions exposées
phase de régression 2 Examen clinique systémique
Pathogénie 2 Radiologique Radiographie pulmonaire
■ Étiologies 2
Biologique NFS, VS
Infectieuses bactériennes 2
VDRL, TPHA, FTA-ABS
Infections virales 4 IDR à la tuberculine, recherche de BK
Infections parasitaires 5 Sérologie maladie de Lyme (Elisa, western blot)
Maladies systémiques 6 MNI test, sérologie EBV (AC anti-VCA ou
Causes diverses 7 anti-EBNA)
■ Conclusion 7 AC antinucléaires, facteur rhumatoïde

NFS : numération formule sanguine ; VS : vitesse de sédmentation ; VDRL : Vene-


ral Disease Research Laboratory ; TPHA : Treponema pallidum haemagglutination
assay ; FTA-ABS : fluorescent Treponema antibody ; IDR : intradermoréaction ; BK :
bacille de Koch ; MNI : mononucélose infectieuse ; EBV : virus d’Epstein-Barr ;
AC : anticorps ; VCA : antiviral capside antigen ; EBNA : Epstein-Barr nuclear antigen.
 Introduction
Les kératites interstitielles (kératites stromales) constituent
Aspects cliniques
une entité clinique définie par une inflammation non ulcé- On peut décrire un aspect général ubiquitaire et des caracté-
rante et non suppurative plus ou moins vascularisée du stroma ristiques spécifiques de chacune des étiologies en particulier au
cornéen [1, 2] . regard de l’uni- ou bilatéralité, de l’importance de la néovascu-
Cliniquement, elles sont caractérisées par une infiltration cel- larisation, du mode de début, des modalités d’évolution et de
lulaire et une néovascularisation du stroma sans atteinte franche cicatrisation et des éventuels signes systémiques associés.
de l’épithélium et de l’endothélium cornéen qui sont presque
toujours intacts. Ces kératites, beaucoup moins fréquentes que
les kératites bactériennes ulcérantes, constituent cependant une Phase aiguë
cause non négligeable de baisse de l’acuité visuelle. Elles appa-
raissent dans un contexte de maladie infectieuse ou systémique. Les patients sont symptomatiques : douleur, larmoiement, pho-
Elles nécessitent un diagnostic précoce avec bilan étiologique tophobie, blépharospasme, baisse d’acuité visuelle d’intensité
(Tableau 1) et un traitement adéquat pour optimiser le pronos- variable. L’atteinte est uni- ou bilatérale selon l’étiologie.
tic visuel. Classiquement, on opposait les kératites interstitielles À l’examen biomicroscopique, on retrouve :
syphilitiques aux kératites interstitielles non syphilitiques. Actuel- • un épithélium cornéen intact (avec ou sans œdème) ;
lement, il faut envisager avant tout une étiologie virale et en • une infiltration stromale, sectorielle périphérique ou diffuse,
particulier herpétique (Tableau 2). peu marquée ;
L’évolution de l’atteinte se fait en deux phases : une phase aiguë • des précipités endothéliaux ;
inflammatoire et une phase tardive cicatricielle. • une réaction inflammatoire de la chambre antérieure.

EMC - Ophtalmologie 1
Volume 9 > n◦ 4 > décembre 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0343(12)60143-9
21-200-D-15  Kératites interstitielles

 Étiologies
Tableau 2.
Étiologies des kératites interstitielles.
Virales Infectieuses bactériennes
Herpes simplex type I ou II
EBV
Syphilis
Autres : VZV, rubéole, grippe, rougeole, variole, HTLV-1, adénovirus La syphilis est une infection systémique chronique à Trepo-
nema pallidum, strictement humaine à transmission vénérienne
Bactériennes ou congénitale (contamination transplacentaire) et, exception-
Syphilis nellement transfusionnelle. Elle est la première cause de kératites
Maladie de Lyme interstitielles dans le monde (90 % des kératites interstitielles dont
Tuberculose 87 % de forme congénitale et 3 % de forme acquises). Dans les pays
développés elle compte pour 50 % des étiologies dans les formes
Lèpre
bilatérales inactives, 5 % dans les formes bilatérales actives, 3 %
Parasitaires dans les formes unilatérales actives et 0 % dans les formes unilaté-
Leishmaniose rales inactives [4] . Une recrudescence est observée depuis les années
Trypanosomiase 2000 essentiellement en milieu urbain chez les homosexuels mas-
culins contaminés par le virus de l’immunodéficience humaine
Onchocercose
(VIH) [6] .
Cysticercose La kératite interstitielle syphilitique est une réponse de type
Paludisme immunitaire mais sans prolifération bactérienne active dans le
Amibes stroma cornéen. En effet elle ne répond pas au traitement par
pénicilline et est améliorée par la corticothérapie locale.
Maladies systémiques
La kératite interstitielle de la syphilis congénitale atteint de
Syndrome de Cogan façon préférentielle les femmes jeunes (avant 30 ans) [7] . Elle est
Sarcoïdose bilatérale dans 80 % des cas, simultanée ou séparée de quelques
Maladie de Hodgkin semaines à quelques mois, parfois unilatérale [8] . Elle survient sou-
Hypoparathyroïdie vent dans un contexte dysmorphique évocateur.
La kératite interstitielle de la syphilis acquise tertiaire sur-
Sarcome de Kaposi
vient plusieurs années après le chancre d’inoculation. Elle est
Mycosis fongoïde unilatérale ou sectorielle (souvent en supérieur) sous forme
Divers d’infiltrat cellulaire, d’œdème stromal, et de fins précipités rétro-
Post-LASIK
descémétiques. D’autres aspects sont décrits : opacités ponctuées
superficielles, kératites ulcérantes marginales [9] , infiltrats multi-
EBV : virus d’Epstein-Barr ; VZV : varicelle-zona virus ; HTLV-1 : human T-cell focaux profonds [10] . Une uvéite antérieure modérée peut être
lymphoma virus 1 ; LASIK : laser in situ kératomileusis. associée.

L’évolution de cette phase est marquée par une progression Classification


de l’inflammation associée à une augmentation de l’œdème de On décrit trois stades évolutifs successifs : progressif, floride et
l’épithélium et du stroma cornéen qui prennent un aspect carac- régressif.
téristique en « verre dépoli » et à la survenue d’une infiltration Stade progressif (1 à 2 semaines). Il commence par des dou-
néovasculaire périphérique. leurs, un larmoiement, une photophobie et un blépharospasme.
Selon la sévérité de l’atteinte, le processus peut rester périphé- La cornée devient rapidement trouble en quelques jours. Des vais-
rique ou s’étendre à l’ensemble de la cornée et atteindre l’axe seaux envahissent la périphérie cornéenne.
visuel. Stade floride. Les troubles précédents s’aggravent.
L’inflammation aiguë et la vascularisation profonde de la
cornée persistent 2 à 3 mois. Toutes les couches de la cor-
Phase cicatricielle (après quelques mois née sont altérées. L’infiltration cornéenne apparaît grise, sous
ou années d’évolution) : phase de régression forme d’opacités mal délimitées qui augmentent en nombre
et deviennent coalescentes. Quelquefois, le processus est géné-
• Éclaircissement stromal débutant en périphérie. ralisé d’emblée, et les opacités apparaissent au centre de la
• Déshabitation progressive des néovaisseaux à l’origine de vais- cornée.
seaux « fantômes » (ghost vessels). Une dysfonction endothéliale accompagne typiquement
• Persistance d’une taie cornéenne d’intensité et de localisation l’inflammation du stroma responsable d’un œdème microkys-
variables associée à de fins néovaisseaux fantômes et à un amin- tique épithélial avec formation de bulles, de pseudogouttes endo-
cissement stromal. théliales, de précipités kératiques et augmentation d’épaisseur du
• Astigmatisme. stroma. Des plis du stroma profond et de la membrane de Des-
cemet peuvent donner des aspects stellaires, striés, grillagés ou
circinés.
L’acuité visuelle est réduite à des perceptions lumineuses. La
Pathogénie néovascularisation, superficielle, pénètre de quelques millimètres
dans la cornée et produit une élévation du limbe. Cependant, elle
La kératite interstitielle résulte d’une réponse immunitaire est surtout profonde au niveau du stroma postérieur. L’extension
à des antigènes étrangers (bactériens, parasitaires, viraux ou des néovaisseaux est variable en fonction de la localisation de
auto-immuns) sans infection active de la cornée. l’infiltration et dure 4 à 5 semaines. Une invasion intensive de
L’examen microscopique retrouve une infiltration lymphocy- la cornée profonde par les vaisseaux lui donne un aspect rouge
taire localisée ou diffuse avec un œdème stromal [3, 4] . cerise.
Le degré de l’infiltration est le facteur essentiel de la Stade régressif (1 à 2 ans). L’inflammation diminue, la cornée
pénétration néovasculaire et des changements métaboliques à s’éclaircit de la périphérie vers le centre et retrouve progressive-
l’origine de l’altération de l’endothélium et de la membrane de ment une épaisseur normale. Le degré de transparence récupéré
Descemet. par la cornée est remarquable particulièrement chez le sujet jeune.
Parfois, l’inflammation peut être une réponse directe de l’hôte Il persiste des opacités au niveau du stroma postérieur et des
contre un organisme (bactérien, viral, ou parasitaire), infectant la néovaisseaux sous forme de fines lignes opaques (vaisseaux fan-
cornée [5] . tômes) [11] (Fig. 1).

2 EMC - Ophtalmologie
Kératites interstitielles  21-200-D-15

L’examen clinique général recherche d’autres signes de syphilis


congénitale ou tertiaire : triade de Hutchinson (anomalie den-
taire, surdité, kératite interstitielle), retard mental, tabès, paralysie
générale.
Le diagnostic biologique de syphilis tertiaire repose sur la
positivité des réactions TPHA-VDRL (Treponema pallidum haemag-
glutination assay-veneral disease research laboratory) et du FTA abs
(fluorescent Treponema antibody) ou encore sur le test de Nelson
(plus spécifique).
Traitement
À la phase aiguë, le traitement de la kératite interstitielle repose
sur une corticothérapie topique à fortes doses, dégressive sur 18
à 24 mois associée à une cycloplégie. Sous traitement l’évolution
est en général favorable et 85 à 90 % des patients récupèrent une
acuité visuelle d’au moins six dixièmes.
La récidive (5 à 15 % des cas non traités) est habituellement uni-
latérale, sur le même œil, moins importante que l’atteinte initiale,
Figure 1. Kératites interstitielles cicatricielles de syphilis congénitale. juste à la fin du premier épisode ou à la diminution des corticoïdes
topiques [20] parfois dans un contexte traumatique ou d’altération
de l’état général.
Au stade cicatriciel, selon le bilan fonctionnel, les greffes de
cornée sont indiquées (kératoplasties transfixiantes) [15, 21] .
Le traitement antibiotique systémique (sans effet sur la kératite
interstitielle) est indiqué en cas d’infection syphilitique active,
d’absence de traitement antérieur ou de la présence de signes cli-
niques de neurosyphilis. De même le traitement de la syphilis
congénitale ne prévient pas la survenue de la kératite interstitielle
et le traitement au cours de l’atteinte d’un œil ne prévient pas
l’atteinte controlatérale.
Tuberculose
La kératite interstitielle d’origine tuberculeuse s’intègre aux
rares manifestations ophtalmologiques (1 à 2 % des cas) de
la tuberculose. L’atteinte stromale relève de processus dysim-
munitaires déclenchés par les constituants membranaires de
Mycobacterium et peut être associée à une sclérite ou à une uvéite.
M. tuberculosis peut infecter tous les tissus oculaires par voie héma-
togène, par extension à partir d’un foyer de voisinage ou plus
Figure 2. Enroulement de la membrane de Descemet. rarement par atteinte directe. Les manifestations oculaires sont
donc variées [22–24] .
Le plus souvent, la kératite est unilatérale, sectorielle, péri-
Les séquelles occasionnelles des kératites interstitielles de la phérique, inférieure, fréquemment associée à une sclérokératite
syphilis sont une dégénérescence sphéroïde, une dégénérescence sectorielle. L’infiltration est plus importante dans les couches
nodulaire de Salzmann, une chéloïde cornéenne, une dégéné- moyennes et profondes du stroma et peut prendre la forme d’une
rescence amyloïde secondaire, une kératopathie lipidique et une opacité nodulaire, dense, inférieure évoquant un abcès. La néovas-
kératopathie en bandelette [12, 13] . cularisation minime et tardive apparaît superficielle dans la zone
Il peut exister des modifications cornéennes endothéliales qui atteinte. L’évolution est traînante et torpide. La régression lente
associent membrane rétrodescemétique, gouttes focales, bandes et incomplète laisse une cicatrice sectorielle dense avec ou sans
ou enroulements de la membrane de Descemet (Fig. 2) parfois amincissement.
détachés et saillants en chambre antérieure, diminution de densité Les manifestations oculaires de la tuberculose peuvent appa-
et pléiomorphisme des cellules endothéliales [14] . Au fond d’œil, raître en l’absence de signes pulmonaires ou extrapulmonaires.
peut apparaître un aspect de choriorétinite pigmentaire séquel- Le diagnostic positif repose sur des éléments cliniques (comp-
laire. tage tuberculeux, contexte social, conditions socioéconomiques,
Anatomopathologie terrains favorisants, VIH), des éléments radiologiques (anoma-
Dans la kératite interstitielle syphilitique [15] , il existe une infil- lies parenchymateuses et adénopathies médiastinales au scanner
tration diffuse et périvasculaire de lymphocytes et de cellules thoracique), et des prélèvements biologiques (positivité de
plasmatiques. Les vaisseaux fantômes (structures vasculaires sclé- l’intradermoréaction [IDR] à la tuberculine et dosage du Quan-
rosées) sont situés dans le stroma profond, juste en avant de la tiféron).
membrane de Descemet. Les lésions de la membrane de Desce- Le traitement repose sur l’association des antituberculeux et leur
met apparaissent sous forme d’un réseau de stries hyalines [16–18] surveillance, adaptés à la situation clinique du patient. Ils reposent
et correspondent à un épaississement multilamellaire, une cornea sur une trithérapie pendant deux mois (Rifampicine, Isoniazide,
guttata secondaire et des stries rétrocornéennes, avec extension Pyrazinamide) et une bithérapie pendant quatre mois (Rifampi-
dans la chambre antérieure [19] . La pathogénie de ces lésions est la cine, Isoniazide). Les médicaments associant plusieurs molécules
production par l’endothélium d’un matériel membranaire anor- (Rifater® , Rifinah® ) facilitent l’observance. Le traitement est consi-
mal. déré comme sans effet sur la kératite interstitielle pour laquelle
une corticothérapie locale prolongée est prescrite [25] .
Diagnostic positif
La plupart des cas rencontrés portent actuellement sur des sujets
Lèpre
âgés présentant des séquelles de la maladie : cicatrices cornéennes, La lèpre due à Mycobacterium leprae (bacille de Hansen) est endé-
vaisseaux fantômes, séquelles d’iridocyclite, de sclérokératite, mique dans les régions intertropicales. La prévalence mondiale est
atrophie du stroma irien, synéchies postérieures, anomalie de la estimée de 10 à 12 millions. En France, quelques cas d’importation
pigmentation rétinienne au fond d’œil, image évoquant une réti- sont rencontrés : antillais, africains, asiatiques et aussi portugais
nopathie pigmentaire avec un aspect grêle des vaisseaux. (foyer autochtone).

EMC - Ophtalmologie 3
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Il s’agit d’une infection chronique touchant la peau et les nerfs et diverses atteintes viscérales ; un stade III d’infection tardive
périphériques. Elle débute après une incubation de 2 à 10 ans persistante avec des manifestations chroniques telles qu’une acro-
(contamination infantile se révélant à l’âge adulte). La forme de dermie, une polynévrite, une encéphalite chronique, des arthrites
début (lèpre indéterminée) évolue soit vers la guérison sponta- et/ou plus rarement des manifestations oculaires dont la kératite
née soit vers la forme lépromateuse (grave, bacillifère, contagieuse interstitielle [32, 33] .
avec IDR à la lépromine négative et accompagnée de signes géné- La kératite interstitielle de la maladie de Lyme est habituelle-
raux, cutanéomuqueux et viscéraux), la forme tuberculoïde (plus ment bilatérale, focale et avasculaire [34] caractérisée par de petits
fréquente, moins grave, non bacillifère avec IDR à la lépromine nodules à contours flous intéressant toute l’épaisseur du stroma.
positive et signes neurologiques), ou les formes intermédiaires En surface, les opacités peuvent s’étendre du limbe au limbe en
dites « borderline » [26] . passant par l’axe optique, s’accompagner d’un œdème et plus
Les manifestations oculaires sont fréquentes (3,2 % de rarement d’une néovascularisation qui reste toujours limitée à
l’ensemble des lépreux deviendront aveugles) et surviennent l’extrême périphérie de la cornée. Il peut exister une kératite ponc-
dans les formes lépromateuses et intermédiaires [27] . Les atteintes tuée ou une injection sous-conjonctivale associée. La chambre
oculaires sont localisées au niveau du segment antérieur, chro- antérieure est indemne [35] .
niques et progressives, secondaires soit au bacille de Hansen, Le diagnostic étiologique repose sur le séjour en zone
soit à la réponse inflammatoire induite, soit à des surinfections, d’endémie, les manifestations anamnestiques des stades I et II,
notamment fongiques [28–30] . Les atteintes les plus fréquentes les atteintes cutanées, neurologiques ou articulaires du stade III
comprennent atteinte palpébrale (lagophtalmie, ectropion, tri- et sur la sérologie des borrélioses (test Elisa indirect de dépistage
chiasis, madarosis), hypoesthésie cornéenne bilatérale, atteinte du et western blot de confirmation).
nerf optique, atrophie irienne, cataracte, ptérygion, sténoses des Il existe néanmoins de nombreux sujets à sérologie positive
canaux lacrymaux. asymptomatiques et des sujets manifestement atteints à sérologie
La kératite interstitielle résulte de l’infestation de la cornée par négative [36–38] . Dans les cas difficiles, une recherche génomique
M. leprae à partir des nerfs cornéens, des vaisseaux limbiques ou par polymerase chain reaction (PCR) ou une mise en culture sur
par extension directe à partir d’une lésion lépreuse de voisinage. milieu de Barbour-Stoenner-Kelly sur prélèvements d’humeur
L’inflammation granulomateuse apparaît sous forme de cellules aqueuse ou de vitré peuvent être envisagées.
géantes contenant le germe phagocyté, de macrophages et de Les schémas thérapeutiques reposent sur les céphalosporines et
lymphocytes. les cyclines. Sur le plan ophtalmologique, l’antibiothérapie systé-
La kératite interstitielle lépromateuse est classiquement bila- mique ne se justifie que dans les atteintes sévères.
térale, débutant dans le quadrant supérotemporal sous forme La corticothérapie topique à doses progressivement dégressives
d’opacités punctiformes blanchâtres sous-épithéliales limbiques. constitue le traitement de choix de l’atteinte cornéenne.
Ces opacités deviennent confluentes atteignent le stroma supé-
rieur et progressent superficiellement en bordure vers l’axe Chlamydiase
pupillaire. La néovascularisation est absente ou très tardive. Elle
est accompagnée d’une iridocyclite aiguë ou chronique, avec une Une kératite interstitielle peut survenir lors de la lymphogra-
pupille synéchiée ou en myosis [31] . nulomatose vénérienne (LGV) ou maladie de Nicolas Favre due
La pathologie cornéenne est aggravée par l’hypoesthésie voire à Chlamydia trachomatis (sérotype L1, L2, L3) [39, 40] . Après une
l’anesthésie cornéenne (atteinte de la cinquième paire crânienne) période d’incubation de 3 à 30 jours, l’évolution se déroule en
et les modifications palpébrales (atteinte de la septième paire trois stades successifs : primaire cutanéomuqueux génital tran-
crânienne). D’autres lésions peuvent être associées : épaississe- sitoire, secondaire ganglionnaire et tertiaire lymphatique. Le
ment des nerfs cornéens, perles iriennes, pertes des cils et des tableau clinique ophtalmologique est celui d’une conjonctivite
sourcils, nodules lépromateux (granulomes cornéens ou sous- aiguë folliculaire souvent accompagnée d’une kératite ponctuée
conjonctivaux). superficielle qui peut progresser en kératite interstitielle limitée
Le diagnostic repose sur le contexte clinique, l’identification au quadrant supérieur, ou étendue à toute la surface cornéenne
du germe (coloration de Ziehl-Nielsen) sur frottis des muqueuses et associée à une néovascularisation sévère. Des vaisseaux pro-
nasales (forme lépromateuse) ou suc dermique des lobules des fonds et un pannus dense séquellaire sont fréquents. Elle est due
oreilles et les études anatomopathologiques sur biopsie conjonc- aux sérotypes D à K, et s’observe essentiellement dans les pays
tivale, cutanée ou nerveuse (lésion tuberculoïde caractéristique). en voie de développement. Il existe souvent une atteinte génitale
Le traitement repose sur une polychimiothérapie associant concomitante, parfois asymptomatique, à Chlamydia.
dapsone, rifampicine et clofazimine selon des schémas thérapeu- Le traitement antibiotique systémique repose essentiellement
tiques préconisés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sur les cyclines (doxycycline 200 mg/j pendant 3 semaines) [6] .
adaptés à la forme clinique et aux niveaux d’endémie et de médi-
calisation du pays [6] .
Infections virales
Maladie de Lyme Plus de 40 % des cas de kératites interstitielles documentées et
répertoriées par Schwartz, aux États-Unis, pendant 10 ans, sont
La borréliose de Lyme est une maladie bactérienne due à un d’origine virale ; 33 % des cas de kératites interstitielles sont qua-
spirochète du genre Borrelia. C’est une affection relativement fré- lifiés d’idiopathiques. Cependant il est probable qu’un certain
quente en Amérique du Nord, en Europe excepté le pourtour nombre d’entre elles relèvent d’une étiologie virale non diagnos-
méditerranéen, dans les régions tempérées et chaudes de l’Asie tiquée (Tableau 2).
et en Australie. En France, la maladie de Lyme est surtout pré- Les virus le plus souvent mis en cause sont l’herpes simplex
sente en Alsace avec une incidence de 10 à 20 fois la moyenne virus (HSV) dans 71,4 % des cas, le varicelle-zona virus (VZV) dans
nationale. Elle est due à Borrelia burgdorferi transmis par une tique 8,6 % des cas, puis le virus d’Epstein-Barr (mononucléose infec-
du genre Ixodes. Les tiques qui sont réservoir et vecteur peuvent tieuse), le paramyxovirus influenzae (rougeole), le paramyxovirus
transmettre la maladie à tous les stades de leur développement des oreillons, l’human T-cell lymphoma virus (HTLV) de type 1 [4] .
et, sous nos climats, l’inoculation survient soit de mai à juillet Le diagnostic repose sur les arguments cliniques et biologiques
pour les nymphes (inoculation alors inapparente) soit en automne (sérologies herpès).
pour la tique adulte dont la morsure provoque une lésion cutanée
érythémateuse d’évolution centrifuge (érythème migrans).
La maladie de Lyme évolue en trois stades successifs sur
Herpes simplex virus
plusieurs semaines ou mois. Le dernier stade pouvant appa- Le lecteur se reportera au chapitre correspondant de l’EMC [41]
raître plusieurs années après l’inoculation. On décrit un stade I pour de plus amples détails, et pour une étude exhaustive des
d’infection précoce avec l’érythème migrans accompagné de complications oculaires de cette affection. Néanmoins, cette étio-
fièvre, de céphalées et d’une adénopathie satellite ; un stade II logie reste la première cause de kératites interstitielles dans les
d’infection disséminée précoce avec asthénie, céphalées, myalgies pays occidentaux : 71 % des formes unilatérales actives, 50 %

4 EMC - Ophtalmologie
Kératites interstitielles  21-200-D-15

des formes unilatérales inactives et 10 % des formes bilatérales blanchâtres ou grisâtres plus ou moins confluentes. Indolores,
actives [4] . La kératite interstitielle du HSV se présente comme une elles ne provoquent aucun signe fonctionnel et sont de découverte
atteinte unilatérale, diffuse à toute la cornée ou sectorisée, vascu- fortuite. Une kératite ponctuée superficielle et une kératocon-
laire et la plupart du temps associée à une iritis. Les signes associés jonctivite sèche sont souvent associées. D’évolution chronique, la
sont une hypoesthésie cornéenne, une atrophie irienne et le carac- kératite interstitielle ne répond pas à la corticothérapie topique.
tère récidivant. Le traitement implique l’utilisation d’antiviraux Le diagnostic positif repose sur des arguments anamnestiques (ori-
(aciclovir) par voie générale et locale et une grande prudence dans gine ou séjour en zone d’endémie), cliniques et sérologiques (test
l’emploi de corticoïdes topiques. Elisa de dépistage et test western blot de confirmation).

Herpes zoster virus Divers virus


Une kératite interstitielle peut se développer 2 à 3 semaines Quelques cas de rares kératites ont été décrits lors de pathologies
après le début de la kératite épithéliale aiguë. Un cas a été décrit au virales diverses, comme la rougeole, la rubéole, la grippe ou des
cours d’une varicelle et un autre après vaccination [42, 43] . L’atteinte adénoviroses.
stromale est constituée d’infiltrats granuleux isolés ou multiples,
antérieurs, sous la membrane de Bowman et très fréquemment
sous-jacents aux lésions épithéliales primitives. Ces infiltrations Infections parasitaires
stromales peuvent être masquées en présence d’un œdème et les Leishmanioses
cicatrices nummulaires résiduelles formeront les marqueurs de
l’atteinte virale. Sont associées une hypoesthésie cornéenne, une C’est une maladie due à des parasites flagellés de type Leishma-
atrophie sectorielle de l’iris. nia. Plusieurs espèces existent dont Leishmania donovani, tropica
Les atteintes cornéennes liées à l’infection VZV sont fréquentes et brasiliensis (forme américaine). L. tropica provoque plutôt des
et chronologiquement on décrit une kératite ponctuée épithéliale, lésions dermiques (bouton d’Orient), L. brasiliensis des lésions
des pseudodendrites précoces, des infiltrats du stroma antérieur, cutanéomuqueuses qui affectent le nez, la bouche et les yeux et
une sclérokératite, une kérato-uvéite et endothélite, une ulcéra- L. donovani des lésions viscérales appelées kala-azar. Les atteintes
tion serpigineuse, une kératite neurotrophique et une kératite oculaires surviennent plus souvent au cours de la forme améri-
d’exposition. caine et apparaissent dans 10 à 30 % des cas [53] . L’œil peut être
Le traitement repose sur les antiviraux topiques et systémiques atteint directement à partir d’une lésion cutanée voisine ou par
et l’utilisation de corticoïdes topiques. voie hématique. Les lésions oculaires comprennent des œdèmes
palpébraux et orbitaires, des cicatrices du tarse, des ulcérations
de la conjonctive et de la cornée et des kératites interstitielles.
Virus d’Epstein-Barr (mononucléose infectieuse
Douleur, photophobie, larmoiement sont les signes d’appel d’une
[MNI]) atteinte cornéenne et conjonctivale. La conjonctive très hyper-
Les manifestations ophtalmologiques de la mononucléose hémiée peut être atteinte par une extension directe d’une lésion
infectieuse se composent de paralysies oculomotrices, d’œdèmes cutanée des paupières sous forme de large granulome ulcéré.
papillaires, de névrites optiques, de conjonctivites folliculaires, Les follicules ressemblent à ceux du trachome et des nodules
d’uvéites et de kératites dendritiques [44–46] . La kératite interstitielle avasculaires bien délimités peuvent siéger sur la conjonctive pal-
de l’infection à EBV est rare. Uni- ou bilatérale, elle apparaît 1 à pébrale. La cornée est rarement le siège d’une kératite interstitielle.
4 semaines après le début de la maladie sous la forme d’opacités L’infiltration peut être diffuse, sectorielle ou nodulaire et des vais-
cornéennes de 1 à 2 mm de diamètre, multifocales, situées dans le seaux peuvent envahir le stroma superficiel et moyen. Les lésions
stroma superficiel et profond et d’aspect granuleux, circulaire ou cornéennes peuvent régresser si un traitement systémique est
annulaire, parfois nummulaire. Elles sont associées à une néovas- institué le plus précocement possible, sinon la cornée devient
cularisation superficielle ou profonde [47, 48] . scléreuse et opaque. Les études anatomopathologiques montrent
Le diagnostic positif repose sur le contexte clinique et les exa- la présence de micro-organismes et d’un granulome inflamma-
mens biologiques : hyperleucocytose à dominance mononuclée, toire [53] .
sérologie du virus d’Epstein-Barr, réaction de Paul-Bunnell- Dans les formes viscérales de leishmaniose, la périphérie cor-
Davidsohn, MNI test et recherche d’anticorps anti-VCA (antiviral néenne est rarement atteinte sous la forme d’une cicatrice
capside antigen) ou anti-EBNA (Epstein-Barr nuclear antigen). sectorielle adjacente à des nodules limbiques.
Le traitement consiste en une corticothérapie topique. La Le diagnostic repose sur l’identification directe du parasite, sa
régression des lésions obtenue en 4 à 5 jours. mise en culture sur milieu spécifique à partir de prélèvements
d’une lésion pour les leishmanioses cutanées et muqueuses et de
Paramyxovirus des oreillons sang, moelle osseuse, biopsie ganglionnaire pour les formes vis-
cérales. Une détection de l’acide désoxyribonucléique (ADN) du
La kératite interstitielle est rare, unilatérale, focale, peu dense parasite par PCR peut être utilisée.
sans hypervascularisation. Elle apparaît 5 jours après le début de Le traitement repose sur des thérapeutiques spécifiques : anti-
la parotidite et disparaît spontanément en 3 à 4 semaines [49, 50] . moniés pentavalents (antimoniate de méglumine), pentamidine,
D’autres formes cliniques sont décrites : glandulaires, extrasali- amphotéricine B, miltéfosine [6, 54] .
vaires, neuroméningées. Le diagnostic est clinique. La sérologie
avec présence d’immunoglobulines M (IgM) ou élévation des Onchocercose (cécité des rivières)
immunoglobulines G (IgG) sur deux prélèvements à 10 jours
d’intervalle ou isolement du virus (salive, liquide cérébrospinal Cette affection est causée par un nématode, Onchocerca volvu-
[LCS], urines) vont confirmer le diagnostic. lus, et transmise par une simulie (mouche tsé-tsé). L’onchocercose
Le traitement curatif est symptomatique. Le traitement préven- sévit en Afrique tropicale, en Amérique centrale et du Sud, dans
tif repose sur la vaccination et l’éviction scolaire. le Mexique méridional où elle constitue la cause essentielle de
cécité. La kératite interstitielle résulte d’une réponse immuni-
HTLV-1 dans l’expression de la myélopathie taire cellulaire forte aux antigènes libérés des microfilaires mortes
dans la cornée [55, 56] . L’infestation chronique est responsable d’une
tropicale inflammation sous forme d’opacités autour des organismes morts
Les manifestations oculaires sont soit associées aux atteintes qui progressent sous forme de disques de 0,5 millimètres. Ces
neurologiques ou hématologiques soit surviennent chez des lésions de type nummulaires ou nuageuses, périlimbiques sont
patients asymptomatiques [51] . Chez 119 patients atteints de myé- situées dans le stroma antérieur de la fente interpalpébrale et vont
lopathie tropicale ou asymptomatiques infectés par le virus progresser vers le centre. Des microfilaires vivantes bien tolérées,
HTLV-1, Merle et al. [52] ont en 2001 mis en évidence 20 cas de kéra- peu mobiles, sont visibles dans le stroma antérieur ou dans la
tites interstitielles. L’atteinte est bilatérale, périphérique, localisée chambre antérieure. Les lésions évoluent vers une kératite scléro-
au stroma antérieur, constituée d’opacités arrondies ou nuageuses, sante définitive avec perte de la vision.

EMC - Ophtalmologie 5
21-200-D-15  Kératites interstitielles

Le diagnostic positif repose sur des arguments anamnestiques de l’acuité auditive rapidement évolutive vers la surdité. Les symp-
(séjour en zone d’endémie), cliniques (syndrome cutané : pru- tômes oculaires et audiovestibulaires peuvent apparaître de façon
rit, lésions de grattage, gale filarienne, lymphœdème, lésions de concomitante ou bien être séparés par un intervalle de temps de
dépigmentation et nodules sous-cutanés), biologiques (hyperéo- 1 à 6 mois le plus souvent mais pouvant atteindre 2 ans [71] .
sinophilie sanguine, réactions immunologiques) et la présence de Le syndrome de Cogan « atypique » correspond soit à une
microfilaires (humeur aqueuse, biopsie cutanée exsangue) ou de kératite avec une atteinte cochléovestibulaire sans syndrome
vers adultes (nodule onchocerquien) chez le patient. méniériforme, soit à des troubles audiovestibulaires caractéris-
Le traitement associe exérèse chirurgicale des nodules sous- tiques associés à d’autres lésions oculaires que la kératite telles
cutanés pour réduire la charge parasitaire et chimiothérapie à qu’une uvéite ou des hémorragies sous-conjonctivales [72, 73] .
l’ivermectine en dose unique à répéter tous les ans pendant Le premier symptôme intéresse l’œil (41 % des cas) ou l’oreille
10 ans [54] . Le traitement topique est symptomatique sauf atteinte (43 %) de façon isolée ou de façon simultanée (16 %), parfois la
inflammatoire forte. maladie débute par des manifestations d’allure systémique avec
amaigrissement et fièvre. Un cas associé au VIH et amélioré après
Trypanosomiase traitement antirétroviral été décrit [74] .
La maladie du sommeil est causée par un protozoaire fusiforme Atteinte oculaire
et flagellé, Trypanosoma rhodesiense, transmis par une glossine
La sémiologie oculaire est bilatérale ou parfois unilatérale mais
(mouche tsé-tsé) et sévissant dans l’Est africain. Elle associe des
se bilatéralisant rapidement. Elle associe de façon variable : une
manifestations générales, adénopathies et troubles neurologiques.
rougeur oculaire (74 %), une photophobie (50 %) avec larmoie-
L’évolution spontanée est toujours mortelle. Son évolution appa-
ment, des douleurs oculaires (50 %), une diminution de l’acuité
raît plus favorable sous traitement par benznidazole (Radanil® ),
visuelle (42 %), et ce le plus souvent transitoire. Parfois, cepen-
non commercialisé en France (obtention via l’Agence nationale
dant, la kératite interstitielle est asymptomatique et n’est mise
de sécurité du médicament [ANSM]).
en évidence que lors de l’examen ophtalmologique prescrit dans
La kératite interstitielle est une complication rare de cette affec-
le bilan d’un syndrome audiovestibulaire. L’atteinte cornéenne
tion. Elle réalise une atteinte stromale avec opacité sévère de
réalise une kératite interstitielle avec aspect d’infiltrats granuleux
toutes les couches de la cornée et importante vascularisation.
et irréguliers à prédominance postérieure s’accompagnant rapi-
L’évolution peut se faire vers la perforation.
dement d’une néovascularisation. La baisse de l’acuité visuelle
La maladie de Chagas, affection voisine, causée par Trypanosoma
est modérée et le plus souvent régressive mais une amaurose ou
cruzi, sévit en Amérique centrale et du Sud, elle est transmise par
une punaise (réduve), elle est caractérisée par des manifestations même une cécité peuvent survenir dans l’évolution. À ce tableau
neurologiques moins importantes que dans la forme africaine et typique, des lésions oculaires variées peuvent s’associer : conjonc-
par la survenue plus fréquente de kératites interstitielles. tivite (26 %), uvéite (26 %), épisclérite ou sclérite (25 %) ou encore
plus rarement une scléromalacie avec perforation, ou un ulcère de
Kératites amibiennes cornée (11 %). Les autres types d’atteintes oculaires sont excep-
Le lecteur se reportera au chapitre correspondant de l’EMC [57] tionnels [75, 76] .
pour de plus amples détails. Les kératites amibiennes posent au Atteinte audiovestibulaire
stade de kératite interstitielle essentiellement un problème de La sémiologie audiovestibulaire est dominée par un syndrome
diagnostics positif et différentiel d’autant plus difficiles que le méniériforme avec grand vertige rotatoire accompagné de nausées
patient est examiné à un stade tardif et a bénéficié de nombreux et de vomissements, avec acouphènes, rapidement suivi d’un défi-
traitements topiques. Il est donc important d’évoquer cette étio- cit auditif s’accentuant rapidement pour provoquer une surdité
logie devant toute kératite stromale à microbiologie négative aux définitive.
prélèvements ou en échec thérapeutique.
Diagnostic
Le caractère unilatéral de l’atteinte, la forte composante
algique [58] , le contexte de survenue (lentilles de contact, trau- L’association de troubles oculaires et de troubles audiovestibu-
matismes, souillures, etc.) [59] , l’aspect annulaire de l’atteinte laires est indispensable au diagnostic puisqu’elle fait partie de la
stromale [60, 61] , l’épithéliopathie, un tyndall de la chambre anté- définition du syndrome de Cogan. Cependant on constate dans
rieure et les échecs des traitements topiques antérieurs sont autant deux tiers des cas l’atteinte d’un ou plusieurs autres organes et
d’éléments cliniques du diagnostic positif. dans un tiers des cas une altération de l’état général. Le caractère
Le diagnostic de certitude repose sur la mise en évidence de systémique est évoqué devant les atteintes viscérales multiples,
l’amibe au niveau de la cornée (grattage cornéen profond et péri- artérielles, musculosquelettiques, neurologiques, digestives, cuta-
phérique ou biopsie ou pièce de kératoplastie) [36] , au niveau des néomuqueuses, pulmonaires et une altération de l’état général.
lentilles de contact, des boîtiers et des solutions d’entretien par L’évolution se fait par poussées successives avec rémissions plus
examen direct, mise en culture ou PCR [62, 63] . Quand on en dis- ou moins complètes. Les manifestations audiovestibulaires ne
pose, la microscopie confocale constitue un moyen diagnostic régressent qu’imparfaitement, au contraire de la kératite.
non invasif, précoce et fiable [64] . Le traitement topique associe Biologie
selon des protocoles définis des collyres antiamibiens actifs sur Les examens complémentaires ne sont pas spécifiques.
les kystes et les trophozoïtes et des collyres anti-inflammatoires. Lors des phases évolutives, il existe une hyperleucocytose
Dans les cas les plus avancés, après échec du traitement médical avec anémie, thrombocytose, augmentation de la vitesse de
une kératoplastie transfixiante peut être envisagée. Une récidive sédimentaion/protéine C réactive (VS/CRP)et des protéines de
sur greffon reste cependant toujours possible [65] . l’inflammation, fréquente hématurie microscopique, protéinurie.
On peut retrouver divers anticorps (antinucléaires, antimi-
Maladies systémiques crosome, antimitochondrie, antimuscle lisse, antipérinucléaire,
antiphospholipide, facteur anticoagulant anti-VIII ou lupique),
Syndrome de Cogan facteur rhumatoïde, cryoglobuline, ainsi qu’une baisse des frac-
Le syndrome de Cogan [66–69] est rare (200 cas) [70] , le sex-ratio est tions C3 et C4 du complément et une positivité du VDRL.
proche de 1. Il touche les adultes jeunes et débute huit fois sur dix La recherche d’anomalies immunologiques spécifiques des tis-
entre 10 et 40 ans (30 ans en moyenne) sus oculaires décèle quand elle est possible, une inhibition de
Il se définit par l’association d’une kératite interstitielle non la migration lymphocytaire en présence d’antigènes de cornée
syphilitique et d’une atteinte cochléovestibulaire avec de façon et la présence d’anticorps anticornée en immunofluorescence. Le
variable des manifestations viscérales pouvant ainsi réaliser le typage human leukocyte antigen (HLA) des sujets atteints du syn-
tableau d’une maladie systémique. On décrit un syndrome de drome de Cogan montre une fréquence accrue des groupes A9,
Cogan « typique » et un syndrome de Cogan « atypique ». BW35 et CW4. L’anatomopathologie de l’œil, met en évidence un
Le syndrome de Cogan « typique » se définit par des lésions infiltrat inflammatoire lymphoplasmocytaire du stroma cornéen
oculaires de kératite interstitielle associées à des troubles audioves- et une néovascularisation prédominant à la périphérie et dans les
tibulaires représentés par un syndrome méniériforme avec baisse couches profondes. Un cas de nécrose focale a été rapporté.

6 EMC - Ophtalmologie
Kératites interstitielles  21-200-D-15

Physiopathologie du temps d’origine héréditaire, qualifiée d’orphelines en raison


La physiopathologie évoquée fait intervenir un mécanisme de leur rareté. L’anomalie génique est de plus en plus inven-
dysimmunitaire avec une réaction d’immunité cellulaire diri- toriée. On peut citer : l’hidrosadénite suppurée, le syndrome
gée contre des constituants de la cornée, mais l’intervention de de kératite-ichthyose-surdité avec hypercarotinémie (KID syn-
l’immunité humorale est évidente lorsque les atteintes viscérales drom) [85] , l’hypomélanose de Ito, le pityriasis rubra pilaire [86]
sont multiples et que l’on trouve des stigmates biologiques de l’incontinentia pigmenti [87] , la neuropathie sensorielle congéni-
dysimmunité. Le cadre nosologique de cette affection n’est pas tale, l’aniridie, etc. Cette liste n’est pas limitative.
parfaitement défini et des similitudes existent entre le syndrome
de Cogan typique ou atypique et les vascularites, le purpura vascu- Kératites post-« laser in situ kératomileusis »
laire, la polychondrite atrophiante, la périartérite noueuse. Dans (LASIK)
certains cas, on a pu constater des associations à d’autres maladies
immunitaires (sarcoïdose, polyarthrite rhumatoïde, polyarthrite Les kératites après LASIK compromettent redoutablement la
juvénile, syndrome de Sjögren, maladie de Basedow, maladie de fonction visuelle. L’incidence des infections après LASIK reste
Crohn, rectocolite ulcérohémorragique). heureusement très faible entre 1 pour 1000 et 1 pour 5000 pro-
cédures [88] . La technique chirurgicale du LASIK porte atteinte à
Traitement
l’intégrité de la cornée et expose le stroma aux agents infec-
Il n’existe pas de traitement spécifique du syndrome de Cogan. tieux potentiels. De plus, les protocoles sont aseptiques mais
La corticothérapie est le plus souvent proposée. Elle agit très favo- non stériles. Si de nombreux instruments utilisés sont stérili-
rablement sur les manifestations oculaires alors qu’elle est peu sés, certains composants du microkératome ne peuvent l’être par
efficace sur les troubles audiovestibulaires. La posologie dépend du autoclave [89] . Les organismes responsables des kératites stromales
contexte clinique et de la présence de signes viscéraux de l’atteinte infectieuses après LASIK sont le plus souvent des bactéries, Staphy-
de l’état général. La dose habituelle est de 1 mg/kg/j de prednisone lococcus aureus, Streptococcus viridans, staphylocoques coagulase
pendant un mois puis à doses dégressives en maintenant une dose négatifs, Streptococcus pneumoniae et des mycobactéries atypiques.
d’entretien afin d’éviter les récidives. Le recours à des bolus de Des infections mycotiques, parasitaires (amibes) et par Nocar-
dexaméthasone ou aux immunosuppresseurs n’a pas d’indication dia ont également été décrites [90] . Les manifestations cliniques
ophtalmologique. Elle est réservée aux formes sévères et pour sont variables en fonction de l’agent infectieux en cause. Une
traiter les surdités précoces. La symptomatologie oculaire peut baisse de l’acuité visuelle est cependant constamment retrouvée.
bénéficier d’un traitement local par atropine et corticoïdes. De La pathogénie de la kératite interstitielle post-LASIK relève d’un
nouvelles thérapeutiques telles que les anti-tumor necrosis factor-␣ envahissement de l’interface entre le volet et le lit stromal cor-
[anti-TNF-␣] ou les biothérapies (rituximab) se présentent comme néen par des organismes infectieux sans atteinte de l’épithélium.
des possibilités thérapeutiques prometteuses [77–79] . Les traitements sont souvent longs et doivent être adaptés à
l’organisme responsable. Quelques cas de kératites interstitielles
Autres maladies systémiques
post-LASIK non infectieuses ont été décrits, lors d’une hyperto-
On a décrit des kératites interstitielles au cours de diverses affec- nie postopératoire mal contrôlée, provoquée par un traitement
tions systémiques, associées à d’autres lésions tissulaires oculaires corticoïde prolongé [91–93] .
ou secondaires à des kératoconjonctivites ou à des kératites ulcé-
reuses, ponctuées ou bulleuses. L’atteinte stromale peut s’étendre
à toute la cornée ou être localisée notamment dans sa partie
inférieure. La néovascularisation est toujours très importante. Les
 Conclusion
principales affections systémiques pouvant être génératrices de
Les kératites interstitielles représentent une entité clinique
kératites interstitielles isolées ou associées à d’autres pathologies
définie comme une inflammation stromale immunitaire, non
oculaires sont : la sarcoïdose, la maladie de Hodgkin, le sarcome
suppurative, non nécrosante, avec ou sans néovascularisation,
de Kaposi, le mycosis fongoïde.
évolutive en une phase aiguë, précoce et une phase cicatricielle
Sarcoïdose tardive. C’est sous cette dernière forme qu’elles sont le plus sou-
Au décours d’une sarcoïdose ou maladie de Besnier-Boeck- vent rencontrées dans nos régions. Si le diagnostic positif apparaît
Schaumann, on peut retrouver des nodules jaunâtres ou simple à l’examen biomicroscopique, le diagnostic étiologique est
rougeâtres sur la conjonctive, une parotidite (syndrome de Heer- plus difficile. Il convient cependant, de noter que le dogme de
fordt lorsqu’il s’y associe une paralysie faciale), une uvéite kératite interstitielle synonyme de syphilis n’est plus d’actualité
bilatérale, plus rarement une kératite interstitielle [80–83] . et que l’origine virale herpétique est prépondérante.
Le diagnostic étiologique repose sur l’interrogatoire (voyages
Mycosis fongoïdes (lymphome à cellules T) récents, morsure de tiques, herpès labial, risque tuberculeux,
Le mycosis fongoïde, dermatose chronique, avec altération de troubles respiratoires ou audiovestibulaires), un examen bio-
l’état général est d’évolution mortelle à plus ou moins long terme. microscopique minutieux (esthésie cornéenne, localisation de
Il s’agit d’une érythrodermie due à un lymphosarcome généralisé l’inflammation, aspect de la cicatrice, présence de néovaisseaux,
à lymphocytes T. La survenue d’une kératite interstitielle est très aspect des nerfs cornéens, atrophie irienne, sclérite, examen
rare [84] . rétinien, etc.), un examen systémique général (signes de paroti-
dite, stigmates de syphilis congénitale ou de lèpre, etc.) et des
Sarcomatose multiple hémorragique (sarcome de Kaposi)
examens complémentaires (IDR à tuberculine, radio pulmonaire,
Le sarcome de Kaposi est associé à un déficit de l’immunité biologie de la syphilis et sérologies virales).
générale. Il en existe deux variétés, l’une sporadique, qualifiée
de méditerranéenne, l’autre survenant avec une grande fréquence
dans le sida. L’atteinte oculaire se situe essentiellement au niveau
des paupières et de la conjonctive. Les lésions cornéennes sont
hypervascularisées. Le traitement relève d’une chimiothérapie
anticancéreuse associée ou non à une cobaltothérapie localisée.
“ Points essentiels
Maladie de Hodgkin et lymphome non hodgkinien La kératite interstitielle est une inflammation non ulcérante
La kératite interstitielle est exceptionnelle dans ces pathologies. et non suppurative plus ou moins vascularisée du stroma
cornéen évoluant en deux phases aiguë et cicatricielle.
Causes diverses Les étiologies sont nombreuses, d’origine infectieuse ou
systémique, dominée par les viroses (HSV).
Maladies dites « orphelines » Sa prise en charge nécessite un bilan étiologique pour une
Une kératite interstitielle peut survenir ou même peut faire par- adaptation thérapeutique adéquate.
tie de la définition d’un certain nombre de maladies, la plupart

EMC - Ophtalmologie 7
21-200-D-15  Kératites interstitielles

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A.-S. Gauthier (asophiegauthier@yahoo.fr).


Service d’ophtalmologie, CHU Jean Minjoz, 2, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France.
B. Delbosc.
Service d’ophtalmologie, CHU Jean Minjoz, 2, boulevard Fleming, 25030 Besançon cedex, France.
Faculté de médecine et de pharmacie, Université de Franche-Comté, 20, rue Ambroise-Paré, 25000 Besançon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gauthier AS, Delbosc B. Kératites interstitielles. EMC - Ophtalmologie 2012;9(4):1-9 [Article 21-200-D-15].

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