Met 303777 27190 Fievres - Persistantes - de - Ladulte G

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Comment j’explore ?

mt 2015 ; 21 (1) : 40-7

Fièvres persistantes
de l’adulte
Anne Bourgarit
Service de Médecine Interne, CHU Jean Verdier, AP-HP Université Paris 13, avenue du 14
Juillet, 93143 Bondy Cedex, France
<anne.bourgaritdurand@jvr.aphp.fr>

L a fièvre est définie par une tem-


pérature corporelle (mesurée en
rectale ou buccale) supérieure à
de ces causes, selon les études, sont
très dépendantes de facteurs géogra-
phiques locaux et de l’évolution des
38◦ 3C. moyens diagnostiques. Par exemple,
La fièvre prolongée ou persis- du fait du développement et de
tante est une fièvre supérieure à l’augmentation de l’accessibilité de
38◦ 3C de durée supérieure à 21 jours. l’imagerie au cours des 50 dernières
La fièvre prolongée d’origine années, la proportion des fièvres
indéterminée est une fièvre pro- d’origine néoplasique a beaucoup
longée sans diagnostic étiologique diminué aux dépens des causes
après 3 jours d’hospitalisation ou inflammatoires et des causes incon-
3 consultations [4] et la réalisa- nues. Ces dernières représentent
tion d’un bilan diagnostique stan- 23 % (7-51 %) des FUO (fever of unk-
dardisé comportant : interrogatoire nown origin) dans les études les plus
détaillé, examen clinique complet, récentes [3, 5, 10]. Dans les pays à
NFS, frottis sanguin, VS, CRP, créati- ressources limitées, les causes infec-
nine, ionogramme sanguin, protides, tieuses restent majoritaires [11]. Dans
électrophorèse des protéines, bilan nos pays développés, ces dernières
hépatique, LDH, CPK, anticorps sont de moins en moins fréquentes
antinucléaires, facteur rhumatoïde, en raison de l’accessibilité impor-
ECBU, 3 hémocultures, radiographie tante et croissante à des techniques
de thorax, échographie abdominale de plus en plus performantes de
ou TDM, IDR à la tuberculine microbiologie (PCR universelle. . .).
et l’arrêt des médicaments pouvant La mortalité liée aux fièvres
induire une fièvre [3] (cf. tableau 1). prolongées est dépendante de
Sont exclues les fièvres survenant l’étiologie : 50 à 100 % dans les
chez le patient neutropénique et chez causes néoplasiques, 15 % pour les
le patient infecté par le VIH et les causes infectieuses [5, 10]. La mor-
infections nosocomiales. talité est en revanche très faible dans
Les fièvres périodiques sont défi- les FUO restant sans cause (3,2 %
nies par au moins 2 épisodes fébriles à 5 ans), ce d’autant que beaucoup
avec un intervalle libre d’au moins 2 voient une résolution spontanée de la
semaines et une apparente rémission fièvre (surtout vraie en l’absence de
dans ces intervalles. perte de poids lors du suivi) [5, 10].

Données Physiopathologie de la
épidémiologiques fièvre (figure 1)
doi:10.1684/met.2014.0464

Les 4 grandes causes des fièvres Thermorégulation et


persistantes sont les infections, les physiopathologie
pathologies néoplasiques, les patho- de la fièvre
Tirés à part : A. Bourgarit logies inflammatoires et les causes La température corporelle
inconnues. Les proportions relatives humaine est maintenue constante

Pour citer cet article : Bourgarit A. Fièvres persistantes de l’adulte. mt 2015 ; 21 (1) : 40-7 doi:10.1684/met.2014.0464

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Diminution de la multiplication
des bactéries, virus

Pyrogènes exogènes FIÈVRE


(LPS, peptidoglycanes, toxines) Augmentation de la prolifération
des LT, LB

Diminution + Augmentation
de I’élimination de la chaleur de la production de la chaleur

TLR, PAMPS, macrophages...

Réponse
inflammatoire Augmentation
aiguë Noyau 37 ˚C de la température
préoptique 41 ˚C de consigne
du thalamus du thermostat

PGE2

IL-1, IL-6, TNF-α

Antipyrétiques :
Protéines de I’inflammation Endothélium AINS, acétoaminophène
Réponse immune : LB, LT, NK périphérique
Endothélium : extravasation, inflammation hypothalamique

Inhibiteurs spécifiques

Figure 1. Physiopathologie de la fièvre.

(homéothermie) par le centre thermorégulateur situé dans endogènes composés essentiellement des cytokines pro
l’hypothalamus (noyau préoptique antérieur). Celui-ci inflammatoire de la phase précoce : IL (interleukine) -1,
gère l’équilibre entre production de chaleur (catabolisme IL-6 et TNF-␣, puis la production de prostaglandines PGE2
du foie, cerveau, activité musculaire, etc.) et élimination par l’endothélium périphérique et hypothalamique.
par radiation, convection et surtout évaporation.
La fièvre correspond donc à l’augmentation du ther- Antipyrétiques
mostat central autorisant l’augmentation de la température
Les principaux antipyrétiques sont les inhibiteurs de
corporelle. C’est une réponse adaptative à l’inflammation
la cyclooxygénase 2 (AINS), l’acétoaminophène, les cor-
systémique quasiment universelle chez les vertébrés, et sa
ticoïdes et l’aspirine. Ils sont tous inhibiteurs de la
conservation dans l’évolution de l’espèce rend très vrai-
production de PGE2, uniquement au niveau central pour
semblable son rôle protecteur dans la défense de l’hôte
l’acétoaminophène, central et périphérique pour les autres
contre les agents pathogènes : diminution de la réplication
ce qui explique leur action anti-inflammatoire associée.
virale, augmentation de la prolifération lymphocytaire.
Les fièvres infectieuses font intervenir l’ensemble des
Elle est surtout un des « marqueurs » de la réponse inflam-
mécanismes pyrogènes, alors que les fièvres inflamma-
matoire qui constitue la phase aiguë de la réponse immune
toires sont dépendantes des cytokines pro-inflammatoires.
anti-agression [7].
Ceci explique la différence de réponse aux inhibiteurs
spécifiques (anti-IL-1, IL-6. . .).
Mécanismes de la fièvre
L’augmentation de la température, est permise par
le décalage du thermostat central et l’accumulation de Prise en charge
chaleur. Les deux mécanismes sont liés et dus à des sub- d’une fièvre persistante inexpliquée
stances dites pyrogènes. À point de départ exogène dans
la réponse anti-infectieuse (LPS, toxines bactériennes, La stratégie diagnostique à développer devant une
peptidoglycane. . .), elles font intervenir des pyrogènes fièvre persistante est basée sur la prévalence locale des

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Tableau 1. Conduite à tenir devant une fièvre persistante

Bilan initial standardisé (3 jours d’hospitalisations Authentification de la fièvre


ou 3 consultations) interrogatoire détaillé,
examen clinique complet,
NFS, frottis sanguin, VS, CRP, créatinine, ionogramme sanguin, protides,
électrophorèse des protéines, bilan hépatique, LDH, CPK, ferritine
Anticorps antinucléaires, facteur rhumatoïde, ECBU, 3 hémocultures,
radiographie de thorax,
échographie ou TDM abdominal,
arrêt des médicaments pouvant induire une fièvre

Bilan 2e intention - définition de cibles cliniques par : interrogatoire détaillé, histoire de la


fièvre, antécédents familiaux, examen clinique complet
- sérologies virales VIH, CMV, EBV, hépatites virales A, B, C, E, Parvo B19,
Chikungunya
- IDR et/ou IGRA, BK crachats
-hémocultures fongiques, mycobactéries, germes à croissance lente,
- sérologies : brucellose, salmonelle, borrélioses, bartonelloses,
rickettsioses, tréponème, coxiella, mycoplasme, yersinia, candida,
aspergilloses,
-bilan immunologique de 2e ligne : ANCA, cryoglobuline, complément
sérique, IgD en cas de suspicion de syndrome auto-inflammatoire, enzyme
de conversion de l’angiotensine, TSH,
- complément morphologique : TDM thoraco-abdomino-pelvien,
échographie cardiaque, TDM sinus, panoramique dentaire
- 18-FDG TEP-TDM
- fond d’œil
- biopsie de l’artère temporale si âge > 65 ans (voire 55 ans),
- biopsie ganglionnaire (plus qu’une cytologie par aspiration)
- endoscopies, écho-doppler veineux, biopsies hépatiques et médullaires
selon éléments d’orientation

Bilan 3e intention Reprendre interrogatoire et examen clinique


Attendre

étiologies, les performances diagnostiques des tests, leur • Caractérisera la fièvre : date des premiers
coût/risque et surtout sur l’existence de pistes (clinical symptômes, mode d’apparition, courbe de tem-
clues) à l’issue d’un interrogatoire poussé, d’un examen pérature, signes associés, frissons, sueurs, signes
clinique complet et de premières analyses biologiques et fonctionnels d’orientation (urinaire, pulmonaire,
morphologiques de « débrouillage » (tableau 1). digestif, ORL, cutané, neurologique, articulaire),
autres signes généraux (asthénie, perte de poids) ;
âge de début des symptômes pour une fièvre récur-
rente, durée des épisodes, symptômes associés
Bilan diagnostique (éruption cutanée, œdèmes, douleurs abdomi-
nales, arthralgies, sérites, adénopathies, troubles
Le bilan diagnostique, quoique non standardisé, com- neurologiques, conjonctivite), durée de l’intervalle
porte classiquement plusieurs phases : débrouillage et libre, facteurs déclenchant ou calmant, évolu-
premier bilan systématique, bilan orienté sur les pistes tion des symptômes au cours du temps, réponse
clinico-biologiques ou bilan plus large. aux traitements, antécédents/histoire familiale de
fièvre.
• Reprendra les éléments d’habitus : pays
Le bilan de débrouillage 1 débute par : de naissance, profession (fièvre des métaux), loi-
– L’authentification de la fièvre, par une mesure plu- sirs (hobby), voyages, animaux de compagnie,
riquotidienne dont le matin au réveil, avant toute activité comportements à risques (sexuels, toxicomanie. . .),
physique, de la température centrale, par le patient ou alimentation (lait cru et brucellose, intoxication ali-
par le personnel paramédical en cas de doute sur son mentaire), contage, vaccin, transfusion, chirurgie
authenticité. et matériel étranger, immunodépression, néoplasies
– Un interrogatoire exhaustif et poussé qui : traitées.

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– Une analyse détaillée de l’ordonnance du patient diagnostic varie de 67 à 100 % selon le recrutement des
à la recherche de fièvre induite par les médicaments, patients. Elle est de l’ordre de 100 % dans la détection
sans oublier les traitements de médecine alternative : infu- de néoplasie et de 90 % pour le diagnostic d’infection de
sions, etc. L’anamnèse précisera la prise d’antibiotiques ou prothèse vasculaire [6], sa négativité orientant donc plus
d’autres médicaments de type AINS, corticoïdes, paracé- vers les pathologies inflammatoires systémiques [5, 8].
tamol, susceptibles d’avoir modifié la symptomatologie. Elle permet surtout, en pratique, d’orienter les prélè-
– Les antécédents familiaux peuvent orienter vers une vements microbiologiques et ou histologiques en cas
pathologie congénitale ou un contage familial. d’hyperfixation pathologique.
– L’examen clinique complet recherchera adéno- – Une biopsie de l’artère temporale systématique si
pathies, une organomégalie, un souffle cardiaque, une âge > 65 ans (voire 55 ans).
éruption cutanée, une piqûre d’insecte, des arthralgies, – Une biopsie ganglionnaire (plus qu’une cytologie
une porte d’entrée infectieuse méconnue. Seront réali- par aspiration) recherchera un granulome, une hémo-
sés systématiquement : un examen de la gorge, de la pathie lymphoïde (maladie de Hodgkin. . . lymphome
thyroïde ; la palpation des pouls temporaux ; un exa- angio-immunoblastique), une histiocytose (maladie de
men ophtalmologique, cutané complet, et l’examen des Rosai-Dorfman. . .), une maladie de Kikuchi-Fujimoto. . .
organes génitaux externes à la recherche de MST. Cet exa- – La place des endoscopies, écho-doppler veineux,
men clinique complet sera répété pour noter l’apparition des biopsies hépatiques et médullaires systématiques est
de signes initialement absents ou fugaces. discutée. Il ne semble pas y avoir de corrélation entre la
Ceci permettra notamment d’exclure : une fièvre fac- positivité de la biopsie hépatique et les perturbations du
tice, une fièvre liée aux médicaments. bilan hépatique biologique ou l’existence d’une hépato-
Le bilan biologique et morphologique de base (tableau mégalie. La biopsie médullaire est intéressante sur le plan
1), corrélé à l’examen clinique, permettra d’authentifier diagnostic en présence d’une cytopénie ou chez le patient
l’existence d’un syndrome inflammatoire plus ou moins VIH si il y a une mise en culture [9].
chronique (CRP, VS, fibrinogène, anémie et thrombocy-
tose inflammatoire, voire PCT [procalcitonine]) associé et
En l’absence de diagnostic et en 3e ligne :
le plus souvent de définir des pistes qui orienteront la
suite des investigations : en particulier les prélèvements Il est recommandé de reprendre l’interrogatoire et
histologiques. l’examen clinique à la recherche d’un point d’appel et
En cas d’absence de piste, le bilan systématique de d’attendre car 50 à 100 % des fièvres sans cause retrouvée
débrouillage 2 comportera : disparaîtront spontanément.
– Des sérologies virales : VIH, CMV, EBV, hépatites
virales A, B, C, E, parvovirus B19.
– IDR et/ou IGRA (cf. ci-dessous). Traitements
– Hémocultures fongiques ; mycobactéries, à germes
à croissance lente ; sérologies : brucellose, Coxielle bur- Les traitements dits « d’épreuve » sont à éviter autant
netti (fièvre Q), salmonelle, borrélioses, bartonelloses, que possible et ne sont justifiés que devant une évolution
rickettsioses, tréponématoses, légionelloses, leptospi- rapide et/ou un retentissement majeur sur l’état général
roses, mycoplasmes, chlamydiae, candidoses, aspergil- du patient. Selon les caractéristiques et les hypothèses les
loses, toxoplasmose, histoplasmose. plus probables on pourra débuter :
– Un bilan immunologique de 2e ligne : ANCA, cryo- – une quadrithérapie antituberculeuse dont l’efficacité
globuline, dosage du complément, dosage des IgD en cas spectaculaire en quelques jours sur la fièvre peut être diag-
de suspicion de syndrome auto-inflammatoire, dosage des nostique ;
IgG4. – des anti-inflammatoires non stéroïdiens (indo-
– Un complément morphologique : TDM thoraco- métacine, naproxène) en cas de suspicion de fièvre
abdomino-pelvien à la recherche : d’un foyer profond ; néoplasique ;
d’organomégalies et d’adénopathies ; d’une atteinte de – une corticothérapie systémique en cas de suspicion
l’aorte (vascularite, aorte engainée [syndrome hyper de pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR), de maladie de
IgG4]. . .) ; de lésions de fibrose rétropéritonéale ; de reins Horton ou d’une autre vascularite, mais l’importance de
chevelus (maladie d’Erdheim-Chester). . . l’obtention d’une preuve diagnostique histologique doit
– La place du 18-FDG TEP-TDM dans l’exploration faire réserver cette attitude uniquement aux situations où
systématique d’une fièvre persistante est encore en évalua- le pronostic vital ou fonctionnel (par exemple, vision dans
tion : en 1re ligne pour orienter la suite des explorations et la maladie de Horton) est en immédiatement en jeu ; ceci
réduire ainsi coût et morbidité de cette prise en charge doit rester exceptionnel ;
[1] ou en 2e ligne après une 1re série d’examens mor- – des antibiotiques à efficacité intracellulaire (tétracy-
phologiques ? La sensibilité du TEP-TDM dans l’aide au clines).

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Tableau 2. Principales étiologies des fièvres persistantes.

Principales étiologies des fièvres prolongées

Infectieuses (32 %*) Bactériennes :


- infections localisées : abcès profonds (os, canaux, ORL, stomatologie), infections de
prothèses, matériel étranger ;
- infections « systémiques » : endocardite, tuberculose, bartonelloses, borrélioses, brucellose,
yersinia, Whipple, salmonelle, syphillis, légionnelle, leptospirose, mycoplasme, chlamydiae,
coxiella (fièvre Q)
Virales : primo-infections CMV, EBV, VIH infections à parvovirus B19, Chikungunya
Parasitaires et mycosiques : paludisme, amibiases, toxoplasmose, candidoses systémiques,
aspergillome, histoplasmose

Néoplasiques (13 %) - Tumeurs solides : rein, ovaire, estomac, côlon, pancréas, myxome de l’oreillette
- Hémopathies : maladie de Hodgkin, LMNH, maladie de Castleman, histiocytoses,
myélodysplasies

Inflammatoires (24 %) - Maladies systémiques : vascularites (Horton, periartérite noueuse, vascularites à ANCA,
Behcet, maladies auto-immunes (lupus, myosites et dermatomyosites), rhumatismes
inflammatoires, granulomatoses (sarcoïdose, maladie de Crohn) ; fibroses (hyper IgG4), fibrose
rétropéritonéale, Erdheim Chester, goutte), maladie de Still de l’adulte,
- Fièvres périodiques : fièvre méditerranéenne, Hyper IgD, TRAPS, CAPS

Diverses (6 %) - Thromboses, hématomes, dissections aortiques


- Fièvres médicamenteuses
- Fièvre des métaux
- Fièvres endocriniennes (thyroïdite de De Quervain, insuffisance surrénalienne,
phéochromocytome)
- Fièvres centrales (hyperthermies, coup de chaleur, syndrome malin des neuroleptiques),
- Fièvres factices

Inconnues (> 25 %)

*Hayakawa 2012

Principales causes Mycobacterium tuberculosis et dont la sensibilité reste très


imparfaite, n’est pas clairement établie. Ils sont toutefois
Les principales causes sont reprises dans le tableau 2. indispensables avant de débuter un traitement immuno-
dépresseur (corticoïdes, anti-TNF). Pour le diagnostic de
Causes infectieuses tuberculose maladie, ils ne doivent rester qu’un élément
du diagnostic.
Les causes infectieuses représentent entre 15 et 60 % Les infections bactériennes profondes : endocardites,
des étiologies selon la localisation géographique de vie abcès profonds, ostéomyélites et surtout infections de
ou d’origine du patient. Elles restent une urgence diagnos- matériel étranger seront à rechercher par des prélèvements
tique car le plus souvent curables et avec une mortalité de microbiologiques systématiques. L’intérêt du 18FDG TEP-
8 à 22 %. TDM pour la mise en évidence de ces étiologies est
clairement prouvé [2]. Les critères de Duke, avec une
Infections bactériennes spécificité de 99 % 95CI (97 ; 100) et une sensibilité
On différencie les infections : 1) localisées abcès pro- proche de 82 %, permettent d’évoquer une endocardite
fonds, infections de matériel étranger ou de prothèse, infectieuse, éventuellement dite « à hémocultures néga-
spondylodiscites, ostéomyélites ; et 2) générales ou « sys- tives » et ainsi sensibiliser le laboratoire de bactériologie
témiques » à germes atypiques. pour des mises en culture prolongées sur milieux spécia-
La tuberculose reste une cause majeure de fièvre pro- lisés.
longée en particulier dans les pays à ressources limitées ou D’autres infections bactériennes systémiques sont à
chez les patients qui en sont originaires. Les prélèvements rechercher tant à l’interrogatoire que par des sérolo-
pulmonaires et/ou localisés à visée bactériologique res- gies : brucellose, rickettsioses, fièvre typhoïde, borréliose,
tent le gold standard. La place des tests indirects, comme syphilis, fièvre Q, etc., voire des prélèvements orien-
les tests immunologiques IGRA (Interferon Gamma Relea- tés (duodénum) comme pour Trophyrema whipple
sing Assay), qui ne détectent que la trace d’une infection à (tableau 1).

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Infections virales Le problème le plus fréquent est celui de la maladie de
Les infections virales chroniques VIH, CMV, EBV sont Horton, parfois peu symptomatique en dehors d’un syn-
à rechercher systématiquement sous la forme de primo- drome inflammatoire et d’une altération de l’état général.
infections. Les réactivations surviennent le plus souvent Sa fréquence justifie la réalisation très facile d’une biop-
dans un contexte d’immunodépression qui sort de ce cha- sie de l’artère temporale systématique chez le patient de
pitre. Les hépatites virales B, C et E sont à rechercher en cas plus de 65, voire 55 ans. Par ailleurs, dans ces vascularites
d’anomalies du bilan hépatique. Le parvovirus B19 et le de gros vaisseaux, le TEP-TDM peut s’avérer d’une grande
Chikungunya en cas de manifestations rhumatologiques. aide diagnostique pour une artérite et/ou pour une PPR.
Comme nous l’avons vu précédemment, la réalisation
d’un TDM thoraco abdominal peut être d’une grande uti-
Infections parasitaires et champignons. lité et révéler d’emblée des maladies inflammatoires avec
Les toxocaroses, toxoplasmoses, histoplasmoses et des lésions de périaortite (syndrome hyper IgG4, mala-
anaplasmoses, et infection à leishmanies seront évoquées die d’Erdheim-Chester, polychondrite, etc ;), une fibrose
en fonction du contexte épidémiologique. Le paludisme (y rétropéritonéale. . . des adénopathies médiastinales révé-
compris autochtone) aura été éliminé par un frottis goutte lant une sarcoïdose.
épaisse.
Les candidoses systémiques et profondes sur matériel
ou chez le patient immunodéprimé voire des aspergilloses Fièvres récurrentes
seront recherchées dans ce contexte par hémocultures
spécifiques et sérologies. Il n’existe pas de définition validée de fièvre récur-
rente, toutefois celle de Knockaert est admise par tous : 2
épisodes séparés par au moins deux semaines d’intervalle
libre. Outre les infections insuffisamment traitées et les
Causes néoplasiques fièvres paranéoplasiques, les fièvres récurrentes doivent
faire évoquer les maladies auto-inflammatoires monogé-
Les causes néoplasiques représentent 10 à 20 % des niques comme la fièvre méditerranéenne familiale ou
fièvres prolongées [5], leur fréquence ayant beaucoup maladie périodique.
diminué ces dernières années avec le développement et Ces pathologies sont caractérisées par une réaction
l’accessibilité des techniques d’imageries. Le 18 FDG-TEP inflammatoire récurrente, médiée par les cytokines, sans
TDM permet une orientation rapide de la région ou lésion facteur déclenchant. L’interrogatoire recherchera des anté-
à prélever pour obtenir un prélèvement histologique indis- cédents familiaux, l’âge et le mode de début, l’existence de
pensable au diagnostic. La réalisation systématique de signes d’accompagnement (urticaire au froid, exanthème,
marqueurs tumoraux de dépistage n’a d’intérêt que pour douleurs abdominales, arthralgies, adénopathies. . .) ainsi
les marqueurs extrêmement spécifiques et ne remplacera que l’âge de début et la durée des crises. L’ensemble de
pas la preuve histologique. ces éléments permettra d’orienter entre : la fièvre méditer-
Les tumeurs solides avec syndrome paranéoplasique ranéenne familiale, le TRAPS, le syndrome d’hyper IgD,
fébrile sont le plus souvent des tumeurs profondes (rein, les CAPS (CINCA, Muckle Wells. . .) et ainsi orienter la
pancréas, estomac) ou des tumeurs bénignes (myxome de recherche des anomalies génétiques.
l’oreillette) dont le diagnostic se fera sur l’échographie Outre ces maladies monogéniques, on y rapproche
cardiaque systématique. la maladie de Still de l’adulte (arthralgies, odynophagie,
Les hémopathies (myéloïdes ou lymphoïdes, myélo- éruption urticarienne, neutrophilie, hyperférritinémie), le
dysplasies, proliférations) sont à rechercher sur une biopsie syndrome de Schnitzler (pic IgM), la goutte, etc.
ganglionnaire et/médullaire, dont la positivité est corrélée
à l’existence d’une cytopénie.
Causes diverses

Causes inflammatoires non infectieuses Hyperthermies non inflammatoires


On distingue :
Toutes les pathologies inflammatoires systémiques – hyperthermies centrales par déficit du contrôle du
peuvent se révéler par une fièvre toutefois le plus sou- thermostat : accident vasculaire cérébral, hypertension
vent les éléments de l’examen clinique et des premiers intracrânienne, traumatismes cérébraux ;
bilans biologiques conduiront au diagnostic (par ex., sen- – hyperthermies périphériques par une thermogenèse
sibilité > 80 % des anticorps antinucléaires). Une cause excédant les capacités de thermolyse : hyperthyroïdie,
inflammatoire systémique sera évoquée devant une fièvre coup de chaleur, hyperthermie aux anesthésiques, syn-
prolongée avec un examen 18 FDG TEP-TDM négatif. drome malin des neuroleptiques

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Comment j’explore ?

Causes médicamenteuses Fièvre prolongée idiopathique


Les fièvres associées aux médicaments sont le plus sou-
vent des fièvres bien tolérées, en plateau. Elles peuvent En cas de négativité de l’ensemble de la procédure
être associées à d’autres signes d’hypersensibilité (rash, décrite plus haut, on est en présence d’une « fièvre pro-
prurit, hyperéosinophilie. . .) mais sont « nues » dans 50 % longée inexpliquée » dont la proportion au sein des fièvres
des cas. Elles disparaissent après l’arrêt du médicament. prolongées augmente paradoxalement au fur et à mesure
Les médicaments les plus fréquemment associés à une de l’amélioration des techniques diagnostiques.
fièvre médicamenteuse sont : les bêtalactamines, les déri- Les facteurs significativement associés à la découverte
vés des quinines, les chimiothérapies, les antiépileptiques, d’une étiologie à une fièvre sont : le caractère continu de
l’allopurinol. la fièvre, une durée inférieure à 180 jours, une CRP ou
une VS anormale, et une anomalie au TDM thoracique ou
au 18FDG TEP scanner [3].
Fièvre des métaux Le pronostic d’une fièvre prolongée est bon car dans la
Un certain nombre de métaux (cadmium, grande majorité d’entre elles, ces dernières auront disparu
béryllium. . .) sont susceptibles de s’accompagner de spontanément à 6 mois avec une mortalité extrêmement
fièvre au long cours. Ici le contexte professionnel prend faible (3,3 % à 5 ans). De ce fait, en cas de bilans de
toute son importance. 1re et 2e lignes négatifs, il est recommandé d’attendre
l’évolution spontanée. En cas de persistance de la fièvre
après plusieurs mois, il convient de reprendre la procé-
Thromboses et hématomes profonds, dure diagnostique à zéro avec un œil neuf (interrogatoire
dissection aortique et examen clinique compris). Comme nous l’avons précisé
Les pathologies « vasculaires » thrombotiques, héma- plus haut, les « traitements d’épreuve » étant à réserver
tomes ou dissection artérielles peuvent être responsables aux formes d’emblée sévères et/ou avec un retentissement
d’une fièvre ou syndrome inflammatoire persistants. Elles majeur sur l’état général du patient.
seront le plus souvent mises en évidence par l’examen
clinique, l’imagerie systématique et éventuellement un
échodoppler orienté. Conclusions
Avoir une approche clinique et paraclinique standar-
Fièvres endocriniennes
disée, exhaustive et rigoureuse, aboutit à ce que la fièvre
L’hyperthyroïdie et plus particulièrement la thyroïdite prolongée n’est le plus souvent plus inexpliquée et que
subaiguë de De Quervain peuvent se révéler par une les grandes causes menaçant le pronostic vital ont été éli-
fièvre isolée. L’association à des cervicalgies et un goître minées ou au contraire mises en évidence. Dans le cas
douloureux ont orienté le diagnostic. L’insuffisance sur- contraire, il s’agit le plus souvent de causes bénignes, ou
rénalienne peut aussi se manifester par une fièvre isolée spontanément résolutives, qui ne nécessitent en tout cas
sans syndrome inflammatoire mais les anomalies du bilan pas d’explorations plus invasives et coûteuses.
hydrosodé et l’asthénie seront évocatrices. Les flushes
de catécholamines au cours d’un phéochromocytome Liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en
devront faire rechercher les autres éléments de cette sécré- rapport avec cet article.
tion inappropriée : tachycardie, sueurs, céphalées.

Fièvres factices
Références
Les fièvres factices ou simulées auront été le plus
souvent éliminées lors de la phase initiale par une authen- 1. Balink H, Verberne HJ, Bennink RJ, van Eck-Smit BL. A Ratio-
tification de la courbe de température par prises de nale for the Use of F18-FDG PET/CT in Fever and Inflammation of
Unknown Origin. Int J Mol Imaging 2012 : 165080.
température objectives (personnel médical ou paramédi-
cal). Elles se rapportent le plus souvent au syndrome de 2. Bleeker-Rovers CP, Vos FJ, Corstens FH, Oyen WJ. Imaging of
Münchhausen pouvant aller jusqu’à l’auto-injection de infectious diseases using [18F] fluorodeoxyglucose PET. Q J Nucl
Med Mol Imaging 2008 ; 52 : 17-29.
produits pyrogènes : matériel septique. . . L’appartenance
au milieu médical est souvent retrouvée, les multiples hos- 3. Bleeker-Rovers CP, Vos FJ, de Kleijn EM, et al. A prospective mul-
pitalisations et nomadisme médical contrastant avec un ticenter study on fever of unknown origin: the yield of a structured
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