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i n f o a r t i c l e
Historique de l’article :
Disponible sur Internet le 11 avril 2012
Mots clés :
Surcharge hépatique en fer
Hémochromatoses
Syndrome métabolique
Keywords:
Hepatic iron overload
Hemochromatosis
Metabolic syndrome
∗ Auteur correspondant.
1
Adresse e-mail : yves.deugnier@univ-rennes1.fr (Y. Deugnier). LSN : limite supérieure de la normale.
0248-8663/$ – see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
doi:10.1016/j.revmed.2012.03.007
Y. Deugnier et al. / La Revue de médecine interne 33S (2012) S10–S14 S11
• et bien évidemment, d’une anomalie du bilan martial. . . souvent 3.2.5. Autres causes
prescrit dans le cadre du diagnostic d’une asthénie avec la crainte D’autres causes plus rares d’hyperferritinémie sans réelle sur-
d’une carence en fer sous-jacente. charge en fer existent qui ne résistent pas, en règle, à un bon
examen clinique : hyperthyroïdie, maladie de Gaucher, pathologie
3. Comment affirmer une surcharge en fer ? cancéreuse, hyperferritinémie génétique avec ou sans cataracte par
mutation sur le gène de la l ferritine. . .
Cette étape repose sur la détermination de la ferritinémie. . . et
sa bonne interprétation (Tableau 1). 3.3. Troisième situation : la ferritinémie est augmentée en
l’absence ou après correction des facteurs confondants sus-cités
3.1. Première situation : la ferritinémie est normale
Si la saturation est très élevée (> 60 %) et vérifiée comme telle,
l’enquête étiologique peut être débutée dès ce stade. Dans les autres
Une surcharge en fer peut alors être écartée.
cas, il est souhaitable de disposer d’une évaluation du stock en fer :
Tableau 1
Principales causes d’hyperferritinémie avec et sans surcharge en fer.
Hyperferritinémies
Autres
Ferroportine (type B)
Céruloplasmine
Transferrine
a
Les causes les plus fréquentes de l’hyperferritinémie.
4.1.2. En présence d’une maladie hépatique évoluée s’il existe une ambiance familiale de surcharge en fer. Il est
Il s’agit vraisemblablement d’une surcharge en fer secondaire [5] souhaitable qu’une telle enquête soit pilotée par un centre de
liée à une hypotransferrinémie et à une diminution de la production référence ou de compétence (http://www.centre-reference-fer-
d’hepcidine par insuffisance hépatocellulaire chronique [6]. Cette rennes.fr). Elle est susceptible de déboucher :
situation est fréquente, notamment dans les services d’hépatologie
et en condition de bilan pré-transplantation hépatique. Elle ne doit ◦ chez un sujet jeune, sur le diagnostic d’hémochromatose juvé-
pas conduire à une recherche systématique d’une hémochromatose nile laquelle est transmise sur un mode autosomique récessif,
génétique lorsque la cause de la cirrhose est connue. implique le gène de l’hepcidine [11] ou celui de l’hémojuvéline
[12] et s’exprime, parfois bruyamment, par une insuffisance
4.1.3. En l’absence d’anémie et de maladie hépatique évoluée gonadotrope, une insuffisance cardiaque et une cirrhose qui, en
Le diagnostic d’hémochromatose génétique est recevable et la règle, répondent bien à un vigoureux traitement par phléboto-
recherche de la mutation C282Y est justifiée : mies éventuellement associé à une chélation,
◦ chez un sujet adulte, sur l’identification d’une surcharge par
• l’homozygotie C282Y signe le diagnostic d’hémochromatose HFE. atteinte du gène du récepteur de la transferrine 2 [13], de
Dans les populations d’origine européenne, la fréquence allélique transmission autosomique récessive, qui réalise un tableau
moyenne de C282Y est de 6,2 % avec de grandes disparités selon superposable à celui d’une hémochromatose HFE ou, exception-
un gradient décroissant nord → sud et ouest → est (12,5 % en nellement, un tableau de type juvénile et, de façon encore plus
Irlande → 0 % en Europe du sud). La prévalence de l’homozygotie exceptionnelle, par mutation du gène de la ferroportine (type B).
C282Y qui en est déduite (0,38 %, soit 1 : 260 individus) est
nettement supérieure à celle de la maladie hémochromato- 4.2. Si la saturation de la transferrine est normale, voire abaissée
sique, quel que soit le critère de définition phénotypique retenu.
Une telle discordance témoigne de la faible pénétrance clinique Le diagnostic d’hémochromatose génétique n’est pas recevable
de ce génotype. Cette dernière a été évaluée à 1 % chez les (sauf dans le cas où coexiste un syndrome inflammatoire ou un
femmes et 28 % chez les hommes dans une large cohorte austra- syndrome métabolique sévère qui sont susceptibles d’abaisser la
lienne. L’homozygotie C282Y apparaît donc comme une condition saturation de la transferrine par augmentation de la synthèse
nécessaire mais non suffisante au développement d’une hémo- d’hepcidine). Il n’y a donc pas lieu de demander un génotypage
chromatose HFE [7], ce qui suggère l’existence de cofacteurs, HFE.
génétiques ou acquis, susceptibles d’en moduler l’expressivité. Le plus souvent, il s’agit d’une hépatosidérose dysmétabolique
De tels cofacteurs peuvent impacter : (HSD). Décrite chez des sujets non alcooliques d’âge mûr, essentiel-
◦ l’excès de fer lui-même en agissant sur la synthèse d’hepcidine lement masculins, l’HSD est définie par l’association :
comme certains polymorphismes géniques [8], la consomma-
tion d’alcool ou le syndrome métabolique et/ou, • d’une surcharge hépatique en fer inexpliquée ;
◦ l’expression hépatique de la maladie comme les polymor- • d’un contexte dysmétabolique associant surpoids (avec répar-
phismes sur les gènes du transforming growth factor b 1, du tition androïde des graisses) et/ou hypertension artérielle
Toll-like réceptor 4, de la manganèse superoxide dismutase et et/ou dyslipidémie (hypertriglycéridémie, essentiellement) et/ou
de la myélopéroxydase, l’alcool et le syndrome métabolique ; intolérance aux hydrates de carbone, voire diabète non insulino-
• l’hétérozygotie C282Y ne peut pas rendre compte, à elle seule, dépendant [14].
d’un trouble significatif du métabolisme du fer. Elle est toute-
fois susceptible d’expliquer, banalement, de discrètes anomalies La biologie fonctionnelle hépatique est normale ou peu per-
biologiques sans traduction clinique s’il elle s’associe à une hété- turbée (hyper gamma GT isolée ou associée à un discret courant
rozygotie pour une mutation mineure comme H63D [9] ou S65 C cytolytique en ALAT). L’hyperferritinémie est souvent plus impor-
ou, très exceptionnellement, un tableau phénotypique complet tante que ne le voudrait la seule surcharge, laquelle est, en règle,
si coexiste une hétérozygotie pour une autre mutation privée discrète (de l’ordre de 100 mol/g). Histologiquement [15], il s’agit
majeure [10] ; d’une surcharge mixte, hépatocytaire et mésenchymateuse, avec
• en l’absence de mutation C282Y, l’enquête étiologique doit être prédominance périportale de sa composante parenchymateuse.
poursuivie si la présentation phénotypique est évocatrice et/ou Dans la moitié des cas, coexiste une stéatose, voire une hépatite
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stéatosique et, dans 10 à 15 % des cas, une fibrose en pont ou une cir- biopsie hépatique est donc réservée à ceux qui ne réunissent pas ces
rhose. La physiopathologie de l’HSD demeure incertaine. Un trouble trois critères et dont la moitié s’avèrent présenter une cirrhose (ou
primitif de la synthèse de l’hepcidine apparaît peu vraisemblable une fibrose en pont). Il est vraisemblable que, dans un proche ave-
[16]. nir, la validation de marqueurs biochimiques, tel le dosage sérique
Exceptionnellement, il s’agit d’une surcharge génétique par de l’acide hyaluronique [20] ou physiques, telle l’élastométrie,
mutation du gène de la ferroportine (type A) ou de la céruloplas- conduira à réduire davantage l’indication de la biopsie hépatique
mine : chez l’hémochromatosique.
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