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i n f o a r t i c l e
Historique de l’article :
Disponible sur Internet le 3 avril 2012
Mots clés :
Surcharge en fer
Transfusion
Hémochromatose
Imagerie par résonance magnétique
nucléaire
Chélation
Déférasirox
Défériprone
Keywords:
Post-transfusional iron overload
Transfusion
Iron loading anemia
Deferasirox
Deferiprone
0248-8663/$ – see front matter © 2012 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.revmed.2012.03.001
S16 C. Rose / La Revue de médecine interne 33S (2012) S15–S18
Facteur erythroide
GDF15? ?
Recyclage du fer
Augmentation de par le système
l’absorption intestinale Réticulo-endothélial
du fer
Surcharge
Parenchymateuse Délai?
Délai ?
Consequences
Cliniques
L’intensité de la dysérythropoïèse et l’impact clinique de la sur- Le foie est le principal lieu de stockage du fer de l’organisme
charge en fer varient selon les pathologies hématologiques [2]. (70 à 80 %). L’évaluation quantitative de la surcharge en fer
La surcharge en fer est le principal facteur pronostique au cours par ponction biopsie hépatique est abandonnée en dehors
de la thalassémies majeures [4], des anémies de Blackfan Dia- d’indications purement hépatologiques surajoutées, au profit
mond, des dysérythropoïèses congénitales [5] où il n’y a pas ou des techniques d’imagerie par résonance magnétique nucléaire.
peu d’autres facteurs influençant l’évolution naturelle de la maladie La mesure de la concentration intrahépatique en fer par l’IRM
[1]. Dans d’autres affections : la drépanocytose [6], les syndromes hépatique est bien corrélée aux valeurs obtenues par la biopsie.
myélodysplasiques [7], les longs survivants après allogreffe [8] ; Il est cependant indispensable de respecter une méthodologie
l’impact de la surcharge en fer est clairement admis mais son développée par l’équipe de Rennes qui permet une évalua-
importance est plus difficilement évaluable car associé à d’autres tion jusque 300 micromoles par gramme de tissu hépatique
facteurs liés à l’affection hématologique sous-jacente et/ou à des (http://www.radio.univ-rennes1.fr/Sources/FR/HemoCalc15.html)
co-morbidités. La liste non exhaustive des pathologies est résumée [9]. Au cours des maladies hématologiques la surcharge est
dans le Tableau 1. parfois extrêmement sévères (> 300 moL, niveau de saturation
de la méthode Rennaise). Une adaptation de cette méthode
avec un temps d’écho plus court permet une évaluation jusqu’à
4. Évaluation de la surcharge en fer 800 moL/tissu hépatique dans les maladies hématologiques. La
principale cause de mortalité des surcharges en fer d’origine héma-
4.1. Évaluation biologique tologique est d’origine cardiaque. Il est indispensable d’apprécier
la surcharge cardiaque par IRM. Il n’existe pas de corrélation avec
Le dosage sérique de la ferritine reste l’examen le moins cher une concentration intracardiaque en fer et l’IRM mais plusieurs
et plus fréquemment utilisé pour évaluer de manière indirecte la études ont démontré que seuls les patients ayant un T2* inférieur
surcharge en fer. Certaines conditions pouvant faussement élever à la normale (20 ms) sont susceptibles de présenter des manifes-
le niveau de ferritine, et pouvant être rencontrées au cours de ces tations cardiaques [10]. Celles-ci sont d’autant plus fréquentes
maladies hématologiques (hépatites, hémolyse, cancer, inflamma- que le T2* est inférieur à 10 ms. Une standardisation par les
tion, déficit en vitamine C) doivent être prises en compte. Seules, équipes de radiologie a été réalisée en France pour réaliser en un
des variations sur longue période peuvent entraîner des modifi- seul temps dans ces indications hématologiques une évaluation
cations thérapeutiques. La sous évaluation de la surcharge en fer quantitative hépatique et cardiaque en un seul temps sur des
par la mesure de la ferritine est bien reconnue au cours des thalas- machines IRM 1.5 Tesla est également disponible gratuitement
sémies intermédiaires et des dysérythropoïèses congénitales [2,5]. sur Internet (http://oernst.f5lvg.free.fr/liver/iron.html) [11]. Cette
La mesure du coefficient de saturation de la sidérophilline (CSS) est évaluation quantitative cardiaque régulière par IRM (annuelle
également utilisée. Le CSS est habituellement extrêmement élevé dès l’âge de dix ans) est très importante. La cardiomyopathie
chez les malades régulièrement transfusés. Son élévation au-delà avec altération de la fraction d’éjection systolique et dilatation
de 70 % suggère la présence de fer libre toxique non lié à la trans- ventriculaire est l’atteinte la plus fréquente peut devenir bru-
ferrine (Non transferrin bound iron [NTBI]) qui est un assortiment talement symptomatique. Lorsque les manifestations cliniques
hétérogène de complexes de fer très toxique pour les membranes et/ou échocardiographiques apparaissent, elles témoignent d’une
cellulaires. Leur dosage (NTBI, labile plasma iron [LPI]) et d’autres cardiopathie très évoluée.
formes de fer libre n’est pas encore standardisé de même que le L’atteinte cardiaque liée à la surcharge en fer domine le pro-
dosage de l’hepcidine sérique ou urinaire et ne sont pas utilisés en nostic vital, causant deux tiers des décès chez les patients TM
routine [1]. par insuffisance cardiaque congestive, troubles du rythme ou mort
C. Rose / La Revue de médecine interne 33S (2012) S15–S18 S17
Tableau 1
Liste non exhaustive des principales pathologies hématologiques avec surcharge en fer. Classification selon l’incidence, l’importance de la dysérythropoïèse et l’impact
clinique de la surcharge.
Congénitales
Thalassémie majeure ++++ ++ Majeur
Érythroblastopénie (Blackfan Diamond) + + +++
Dysérythropoïèse congénitale ++++ + +++
Déficit G6PD et PK et autres anémies régulièrement transfusés + +++ +
(drépanocytose sous échanges transfusionnels)
Acquises
Syndromes myélodysplasiques + à +++ ++++ +
Aplasies médullaires 0 + +?
Leucémies aiguës guéries et post-allogreffe médullaire 0 ++ +?
subite. La cardiomyopathie avec altération de la fraction d’éjection complications post-allogreffe. En pratique, il faut envisager une
systolique et dilatation ventriculaire est l’atteinte la plus fréquente intervention thérapeutique sur la surcharge en fer avant greffe par
peut devenir brutalement symptomatique. les chélateurs car une hyper ferritinémie prégreffe a une valeur pro-
nostique péjorative sur la survie [12]. Environ un à deux ans après
la procédure d’intensification, un programme de saignées peut être
4.3. Évaluation des quantités transfusées
décidé chez les patients ayant une surcharge confirmée par l’IRM,
la ferritine et le nombre de CE reçus [8].
La surcharge martiale est bien corrélée du nombre total de
concentrés érythrocytaires (CE) reçus. Après 20 CE, une surcharge
apparaît et au-delà de 20 g de fer (soit environ 100 CE) l’excès de 4.5. Traitement chélateur
mortalité est décrit. L’informatisation croissante des dossiers trans-
fusionnels facilite la quantification et l’appréciation objective du fer Le but du traitement chélateur est de prévenir les compli-
apporté. Le nombre total de CE permet dans certaines pathologies cations cardiaques, hépatiques endocriniennes [13]. Des années
d’initier le traitement chélateur. 1960 jusqu’aux années 1990–2000, le traitement chélateur se résu-
mait à la déféroxamine (Desferal® ). L’efficacité sur l’obtention d’une
balance négative du fer et sur l’amélioration de la survie a été très
4.4. Traitement de la surcharge en fer
largement démontrée. Le traitement pose cependant de sérieux
problèmes d’observance en raison du mode d’administration (sous-
Les phlébotomies sont les traitements de référence de
cutanée nocturne huit à dix heures en continu à la posologie de 40 à
l’hémochromatose génétique mais ne peuvent pas être effectuées
50 mg/kilo par jour quatre à cinq jours/sept par semaine). Dans les
dans les maladies hématologiques en raison de l’anémie. La seule
années 1990 puis 2000, des nouveaux chélateurs oraux ont facilité
exception est la surcharge en fer rencontrée chez les patients
la prise en charge de l’hémochromatose post-transfusionnelle. Les
multitransfusés et guéris après leucémie aiguë et/ou après allo-
principales caractéristiques et effets secondaires de ces différents
greffe de moelle osseuse. Les saignées doivent cependant être
chélateurs sont résumés dans le Tableau 2.
effectuées à distance de la guérison pour deux raisons. La pre-
mière est relative à l’appréciation de la surcharge en fer en
post-greffe ou post-traitement intensif. De nombreux facteurs sont 4.6. Indication du traitement chélateur
susceptibles de fausser et de majorer l’interprétation de la fer-
ritine ; en particulier la réaction du greffon contre l’hôte (GVH), Le traitement chélateur est indiqué dès qu’il y a transfusions
la maladie veino-occlusive, hépatotoxicité, traitements immuno- de concentrés érythrocytaires au long cours. Chez les patients
suppresseurs. La deuxième est d’ordre psychologique, il est assez thalassémiques, le traitement est habituellement initié précoce-
difficile d’envisager des saignées rapidement au décours d’un trai- ment dès 10 à 20 concentrés érythrocytaires et dès que le patient
tement intensif ayant nécessité des transfusions de concentrés a une ferritine supérieure à1000 g/L. Dans la drépanocytose, le
érythrocytaires, de plus le problème de la surcharge en fer n’est traitement est indiqué chez les patients bénéficiant d’un
pas en première ligne au regard du risque de rechute et des programme d’échanges transfusionnels (prévention de la
Tableau 2
Principales caractéristiques comparatives des traitements chélateurs.