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2011; 40: 470–485


www.em-consulte.com/revue/lpm ß 2011 Publié par Elsevier Masson SAS.
Hématologie – Transfusion www.sciencedirect.com
Mise au point

Anémie hémolytique chez l’adulte :


principales causes et démarche diagnostique

Valentine Loustau1, Constance Guillaud1, Loïc Garcon2,3, Bertrand Godeau1, Marc Michel1

1. CHU Henri-Mondor, centre de référence pour les cytopénies auto-immunes de


l’adulte, service de médecine interne, 94010 Créteil cedex, France
2. CHU Hôtel-Dieu, centre de diagnostic et de thérapeutique, 75004 Paris, France
3. Hôpital Saint-Antoine, laboratoire d’hématologie, 75012 Paris, France

Correspondance :
Marc Michel, CHU Henri-Mondor, centre de référence pour les cytopénies auto-
immunes de l’adulte, service de médecine interne, 52, avenue du Mal-de-Lattre-de-
Disponible sur internet le : Tassigny, 94010 Créteil cedex, France.
4 février 2011 marc.michel@hmn.ap-hop-paris.fr

Key points Points essentiels

Hemolytic anemia in adults: Main causes and diagnostic La survenue d’une anémie hémolytique (AH) est une éven-
procedure tualité non exceptionnelle chez l’adulte qui implique une
démarche diagnostique hiérarchisée.
Hemolytic anemia (HA) is not an exceptional situation in Si la reconnaissance de la nature hémolytique de l’anémie est
adults. relativement aisée, le diagnostic étiologique peut s’avérer
While establishing the hemolytic mechanism of an anemia is nettement plus difficile.
usually rather easy, finding the etiology may be quite difficult La démarche diagnostique repose en priorité sur les données
as both some hereditary (corpuscular) and acquired causes of de l’interrogatoire, le frottis sanguin et le test direct à l’anti-
HA may occur during adulthood. globuline (ou test de Coombs direct).
The diagnosis of HA therefore requires a multiple step proce- En fonction de cette première analyse, le recours à des exa-
dure taking into account both patient’s and family history, a mens plus spécialisés peut s’avérer nécessaire.
careful analysis of the blood smear and a direct antiglobulin
test.
Based on these first data, the diagnosis procedure may then
require more specific tests whose indications are discussed in
this review.

B ien que la plupart des anémies hémolytiques (AH) soient


constitutionnelles et liées à des anomalies corpusculaires
reconnaissance du mécanisme hémolytique de l’anémie est
généralement aisée, l’identification de sa cause, quelle soit
constitutionnelle ou acquise, peut être difficile et nécessite
révélées majoritairement dans l’enfance, la survenue d’une une démarche diagnostique hiérarchisée. Cette démarche doit
AH est une éventualité non exceptionnelle chez l’adulte. Si la être initialement orientée par l’interrogatoire du patient et
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doi: 10.1016/j.lpm.2010.11.013
Anémie hémolytique chez l’adulte : principales causes et démarche diagnostique
Hématologie – Transfusion

Mise au point
l’analyse précise d’examens biologiques simples et facilement Encadré 1
accessibles. Dans un deuxième temps, le recours à des Signes cliniques évocateurs d’anémie hémolytique (AH)
examens plus spécialisés et orientés par les premiers résultats
peut s’avérer nécessaire. Le but pour le clinicien est d’une part Syndrome anémique :
de pouvoir confirmer ou infirmer rapidement certaines causes  Pâleur cutanéo-muqueuse
d’AH acquises pouvant mettre en jeu le pronostic vital et  Asthénie
d’autre part, de ne pas méconnaître une AH constitutionnelle  Dyspnée d’effort d’intensité variable
à révélation tardive.  Tachycardie / palpitations
Les objectifs de cette mise au point sont donc les suivants : Hypoxie cérébrale : céphalées, acouphènes, myodésopsies. . .
 rappeler les différentes causes d’AH pouvant survenir à l’âge Hémolyse aiguë, intra-vasculaire :
adulte et leurs critères diagnostiques ;  Syndrome anémique bruyant
 proposer une démarche diagnostique hiérarchisée qui puisse
 Installation aiguë et brutale
être utile au clinicien dans la pratique courante.  +/- Fièvre / frissons
 État de choc / hypotension
Définition et diagnostic positif d’une  Hémoglobinurie* (urine rouge « porto »)
anémie hémolytique
 Douleurs lombaires
La durée de vie normale d’un globule rouge (GR) mature  Ictère souvent retardé
est d’environ 120 jours ; la perte physiologique quotidienne *Une hémoglobinurie peut mimer une hématurie macroscopique
(1/120ème de la masse globulaire totale) a lieu principalement avec laquelle elle ne doit pas être confondue [y compris sur une
dans la moelle osseuse, le foie et la rate. Les mécanismes bandelette urinaire => intérêt de l’ examen cytobactériologique
physiologiques de sénescence et d’apoptose des GR sont des urines (ECBU)].
encore partiellement méconnus et dépassent l’objectif de Hémolyse chronique, intra-tissulaire :
cette mise au point [1]. L’hémolyse est définie par la diminu-  Syndrome anémique d’intensité variable
tion de la durée de vie des GR ; elle peut être intra-vasculaire  Installation subaiguë voire chronique
ou intra-tissulaire (extravasculaire). Le diagnostic positif  Triade : Pâleur / Splénomégalie / Ictère
d’une AH, suspecté cliniquement à partir de signes fonction-  Lithiase biliaire  ulcères de jambe (AH corpusculaire
nels non spécifiques, repose sur des examens biologiques
constitutionnelle)
simples.
 Urines foncées, selles non décolorées (sauf complication biliaire
intercurrente)
 Douleurs osseuses

Glossaire
AF agglutinine froide en première
AH anémie hémolytique
AHAI anémie hémolytique auto-immune
DHSt stomatocytose héréditaire à cellules
deshydratées Signes cliniques
EH elliptocytose héréditaire
EPH électrophorèse de l’hémoglobine Les patients souffrant d’une AH ont un syndrome anémique
EMA éosine-5-maleimide d’intensité variable, évocateur d’AH lorsqu’il survient brutale-
GR globule rouge ment en l’absence de saignement extériorisé et lorsqu’il s’as-
HPN hémoglobinurie paroxystique nocturne socie à un ictère (encadré 1).
LDH lactate déshydrogénase
MAT micro-angiopathie thrombotique Signes biologiques
OHSt stomatocytose héréditaire à cellules
hyperhydratées L’hémoglobine libérée dans le plasma suite à l’hémolyse se lie
PPH pyropoïkylocytose héréditaire à l’haptoglobine, sa protéine de transport, dont le taux diminue.
PTT purpura thrombotique thrombocytopé- La diminution de l’haptoglobine est le signe biologique
nique
SH sphérocytose héréditaire d’hémolyse le plus sensible (sensibilité  95 % en l’absence
SDS-Page électrophorèse sur gel de polyacryla- de syndrome inflammatoire associé). Les autres marqueurs
mide-SDS d’hémolyse sont l’augmentation de la bilirubine non conjuguée
SHU syndrome hémolytique et urémique
et/ou du taux de lactate déshydrogénase LDH (sensibilité
TDA test direct à l’antiglobuline
TIA test indirect à l’antiglobuline 80 %) [2]. En cas d’AH intra-vasculaire, et plus rarement
d’AH extravasculaire sévère, une hémoglobinurie et une hémo-
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V Loustau, C Guillaud, L Garcon, B Godeau, M Michel

Encadré 2 Encadré 3
Signes biologiques évocateurs d’anémie hémolytique (AH) Autres causes de modifications des paramètres d’hémolyse et
présentations biologiques inhabituelles, source potentielle
Anémie Hémolytique : de « pièges diagnostiques »
 Anémie Normochrome, Normocytaire, Régénérative
 Réticulocytes >120 000/mm3 Autres causes de modifications des paramètres d’hémolyse
Autres causes de baisse de l’haptoglobine
 Haptoglobine abaissée voir effondrée (< 0,5 g/L)
 Insuffisance hépato-cellulaire
 LDH élevées
 Déficit congénital ( 3 % des sujets de race noire)
Bilirubine libre augmentée
Bilirubine libre augmentée
Hémolyse aiguë, intra-vasculaire :
 Maladie de Gilbert (déficit en glucuronyl-transférase hépatique)
 Macrocytose (secondaire à la réticulocytose)  Thrombocytose, Élévation des lactates déshydrogénases (LDH)
hyperleucocytose, myélémie secondairement si régénération  Lyse cellulaire (foie, muscle, poumon, tumeur. . .)

massive « Pièges diagnostiques »


  Insuffisance rénale aiguë Anémie hémolytique (AH) avec haptoglobine normale
  Hémoglobinémie, Hémoglobinurie, Hémosidérinurie  Inflammation sous-jacente (intérêt du rapport haptoglobine /
Hémolyse chronique, intra-tissulaire : orosomucoide)
 Microcytaire, si hémoglobinopathie AH avec réticulocytes normaux (< 120 G/L) voire
 Normocytaire (drépanocytose) réticulocytopénie* (< 20 G/L)
  Thrombopénie modérée (hypersplénisme)  Carence en folates secondaire à l’hémolyse chronique
 Parfois hémolyse compensée : pas d’anémie ! (macrocytose)
  Hypocholestérolémie  Hémolyse intra-médullaire par carence en vit. B12
(macrocytose, maladie de Biermer) ou B9
 Carence martiale associée (microcytose)
 AH au tout début (avant régénération)
Anticorps anti-réticulocytes ( 10 % des AHAI)
sidérinurie sont également présentes. Les AH sont le plus Primo-infection à Parvovirus B19
souvent régénératives (réticulocytose >120 G/L  érythro- AH régénérative microcytaire
blastose), et donc macrocytaires et normochromes. Une hy-
Thalassémies (alpha++)
perleucocytose, une thrombocytose voire une myélémie «
AH régénérative normocytaire
d’entraînement » liées à la forte régénération médullaire
peuvent également s’observer. Aucun des paramètres  Drépanocytose
précédents n’est toutefois spécifique d’hémolyse. Les signes
biologiques évocateurs d’anémie hémolytique sont consulta-
bles dans l’encadré 2. L’encadré 3 résume les différentes
données de la NFS selon la cause de l’AH et les pièges
diagnostiques à éviter. Anémies hémolytiques corpusculaires
Anomalies de membrane
Principales causes et mécanismes des Constitutionnelles
anémies hémolytiques révélées à l’âge La membrane du GR, outre ses propriétés d’échange et de
adulte transport, confère au GR ses propriétés de plasticité et de
On distingue classiquement les hémolyses « corpusculaires », déformabilité incomparables, essentielles à sa survie dans le
liées à une anomalie d’un des constituants du GR (hémoglo- secteur intra-vasculaire, notamment lors des passages répétés
bine, enzyme du métabolisme énergétique du GR ou protéine (15 000) au sein des sinus spléniques. Elle est constituée
constitutive de la membrane), des AH « extra-corpusculaires », d’une bicouche lipidique et d’un réseau protéique situé à la face
où l’hémolyse du GR est secondaire à un facteur extrinsèque interne de cette bicouche, appelé « squelette » protéique
(anticorps, agent infectieux, facteur mécanique, toxique...). Les membranaire. Celui-ci est relié à la membrane lipidique par
causes d’AH sont également classées en « constitutionnelles » des protéines de liaison : l’ensemble est à l’origine des carac-
ou « acquises » en sachant que, hormis l’hémoglobinurie téristiques de la membrane du GR que sont sa déformabilité et
paroxystique nocturne (HPN), les AH corpusculaires sont toutes sa résistance.
d’origine constitutionnelle alors que les AH extra-corpusculaires Les anomalies de la membrane sont de deux sortes, il peut
sont acquises (figure 1). s’agir :
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Anémie hémolytique chez l’adulte : principales causes et démarche diagnostique
Hématologie – Transfusion
[()TD$FIG]

Mise au point
Figure 1
Principales causes d’anémies hémolytiques
(HPN : hémoglobinurie paroxystique nocturne, MAT micro-angiopathie thrombotique).

 d’une perte de déformabilité : sphérocytose héréditaire (SH) L’ektacytométrie en gradient osmotique est une technique
ou elliptocytose héréditaire (EH) ; particulièrement performante évaluant l’index de défor-
 d’anomalies de perméabilité entraı̂nant une fragilité accrue du mabilité des GR à des osmolarités variables. Il s’agit du test
GR par modification de son état d’hydratation : stomatocytoses le plus sensible pour diagnostiquer les maladies membra-
héréditaires [stomatocytose héréditaire à cellules deshydra- naires, mais son utilisation est limitée par le fait que seuls
tées (DHSt) et stomatocytose héréditaire à cellules hyperhy- 2 appareils sont actuellement disponibles en France [6].
dratées (OHSt)] [3]. Le test d’auto-hémolyse en milieu glycérolé et acidifié, le Pink
Le (tableau I) résume les caractéristiques des principales ma- test, la cryohémolyse étudient la lyse des GR dans différentes
ladies constitutionnelles de la membrane. conditions ; ils sont plus sensibles que le test de fragilité
Le diagnostic d’une AH constitutionnelle d’origine membranaire osmotique [7,8].
doit être évoqué devant une AH chronique à test de Coombs La mesure de la fixation d’éosine-5-maleimide (EMA) en
direct [ou test direct à l’antiglobuline (TDA)] négatif et repose cytométrie de flux permet de différencier, dans les cas graves,
sur un faisceau d’arguments centrés sur la notion d’antécédents la SH de la pyropoïkylocytose héréditaire (PPH), forme sévère
familiaux. Une splénomégalie, une splénectomie, un ictère d’EH. Il s’agit d’une alternative performante au test de fragilité
chronique ou des lithiases vésiculaires survenues à un âge « osmotique pour le dépistage des SH.
précoce » chez des apparentés sont notamment évocateurs. L’électrophorèse sur gel de polyacrylamide-SDS (SDS-Page) per-
Plus rarement, le diagnostic est révélé par un épisode d’éry- met l’analyse des protéines constituant la membrane et doit être
throblastopénie secondaire à une primo-infection par le par- utilisée dans les cas douteux. Elle est anormale en cas d’OHSt
vovirus B19 [4]. (perte de stomatine) mais en revanche normale en cas de DHSt.
L’analyse des indices érythrocytaires et du frottis sanguin Le diagnostic génétique par biologie moléculaire est excep-
permet le plus souvent d’orienter fortement le diagnostic, mais tionnellement utilisé car particulièrement lourd (conseil
certains tests plus spécialisés peuvent s’avérer utiles dans les génétique des formes sévères de SH et EH).
formes atypiques (voir ci-dessous) :
Le test de fragilité osmotique peut être utilisé pour explorer Acquises
une AH à TDA négatif mais sa sensibilité et sa spécificité Hémoglobinurie paroxystique nocturne
sont relativement médiocres. La fragilité osmotique est L’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) est liée à l’ex-
augmentée dans la SH, l’EH, et l’OHSt, diminuée dans la pansion clonale de cellules hématopoïétiques non malignes
DHSt. Sa normalité ne permet toutefois pas d’exclure ayant une mutation somatique du gène PIG-A. Il en résulte un
une anomalie de membrane [5] et il ne permet pas de défaut de synthèse des molécules d’ancrage glycosyl-phospha-
distinguer une sphérocytose acquise d’une forme constitu- tidylinositol (GPI) [9], responsables de la fixation de nom-
tionnelle. breuses protéines à la surface membranaire, notamment des
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V Loustau, C Guillaud, L Garcon, B Godeau, M Michel

Tableau I
Principales caractéristiques des anomalies constitutionnelles de membrane pouvant se révéler à l’âge adulte.

Sphérocytose Elliptocytose Stomatocytoses


héréditaire [53] héréditaire [54] héréditaires [55]
Transmission Autosomique Autosomique Autosomique
dominante : 75 % dominante dominante
Récessive ou de novo : 25 %

Protéine mutée Ankyrine, Bande 3, Spectrine alpha, (95 %) ?


spectrine, protéine 4,2 protéine 4,1R (5 %)

Prévalence Ubiquitaire Europe : 2-5/10 000 [56] DHSt OHSt


et répartition Prédomine en Europe Afrique de l’Ouest 2 % 1/50000 [57] 1-9/ 1 000 000 [56]
géographique du Nord : 1/3000 [53]

Particularités Antécédents familiaux Asymptomatique DHSt OHSt


anamnestiques dans 75 % des cas. dans 90 % des cas. Thromboses veineuses Thromboses veineuses
et cliniques Hémolyse compensée Pyropoïkylocytose : post-splénectomie post-splenectomie
dans 20 % des cas forme sévère bruyante Hémochromatose Hémochromatose
Parfois associé au syndrome
Pseudohyperkaliémie,-oedème
périnatal transitoire

Indices Sphérocytes mais normal Elliptocytes : 20 à 100 % DHS OHS


érythrocytaires dans 10 % des cas [23] PPH : Poïkylocytes, VGM augmenté. VGM augmenté ++
et frottis sanguin Sphérocytes en « champignon » sphérocytes CCMH élevée CCMH basse
(déficit en Bande 3). Stomatocytes : <10 % Stomatocytes++
Acanthocytes (b spectrine).
CCMH élevée, excès de cellules hyperdenses

Diagnostic [6] FO augmentée, suffit si frottis Frottis suffisant dans DHSt : OHSt :
et contexte typiques. les formes simples FO abaissée Ekcatcytométrie +++
Test d’auto-hémolyse en milieu acidifié FO augmentée : Ektacytométrie : index SDS-Page
et glycérolé, Pink test, Cryohémolyse Ektacytométrie si forme de déformabilité max.
EMA sévère : diminution normal mais déformabilité
Ektacytométrie : le plus de l’index de déformabilité au point isotonique
sensible (éliminer DHS). max des GR diminuée, augmentation
SDS-PAGE : formes atypiques Biologie moléculaire : de la résistance osmotique
formes sévère (PPH) en milieu hypotonique

DHS : stomatocytose à cellules déshydratées, FO : fragilité osmotique, OHS : stomatocytose à cellules hyperhydratées, PPH : pyropoı̈kylocytose héréditaire, SDS-Page :
électrophorèse sur gel de polyacrylamide-SDS, VGM : volume globulaire moyen, CCMH : concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine, EMA : cytométrie de flux après
marquage à l’éosine-5’-maléimide.

protéines inhibitrices du complément telles que CD59 ou CD55. aplasie médullaire et/ou de manifestations thrombo-emboli-
C’est une maladie rare dont le sexe ratio est de 1, et l’âge médian ques veineuses dans des sites inhabituels qui font toute la gravité
de survenue d’environ 35 ans [10]. L’hémolyse intra-vasculaire de la maladie. Une dysphagie, des douleurs abdominales et/ou
liée à l’activation non régulée du complément est l’une des une dysfonction érectile chez l’homme doivent également faire
principales manifestations de la maladie. Elle est chronique, évoquer le diagnostic en présence d’une AH. Biologiquement
entrecoupée de poussées favorisées par des circonstances en- l’AH peut s’associer à une carence martiale, à une autre cytopénie
traînant une activation du complément (fièvre, acidose, hypo- voire à une pancytopénie marquée en cas d’aplasie médullaire.
xie). La répétition de ces épisodes et de l’hémoglobinurie qui en Le frottis sanguin est classiquement normal. Le diagnostic repose
découle entraîne souvent une carence martiale : une hémolyse à sur la cytométrie en flux [11], qui met en évidence le déficit
TDA négatif associée à une carence en fer est donc évocatrice du d’expression en CD55 et CD59, liées au GPI, au niveau des GR et
diagnostic. Parallèlement à l’AH, l’HPN peut se compliquer d’une des leucocytes.
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Anémie hémolytique chez l’adulte : principales causes et démarche diagnostique
Hématologie – Transfusion

Mise au point
Acanthocytose au cours des cirrhoses Syndromes thalassémiques
L’hémolyse est une des causes principales d’anémie au cours Seules les thalassémies intermédiaires (hémoglobinose H ou
des cirrhoses, le plus souvent due à une acanthocytose [12]. certaines b-thalassémies intermédiaires) peuvent être re-
Celle-ci correspond à une déformation des GR, qui deviennent sponsables d’une AH révélée à l’âge l’adulte. Les patients ont
spiculés suite à la modification de la composition lipidique de un tableau d’AH chronique microcytaire avec une splénomé-
leur membrane [13], et sont ainsi détruits après séquestration galie, des discrètes déformations osseuses, parfois des
splénique. Le diagnostic repose sur la mise en évidence lithiases pigmentaires. La maladie peut être révélée par
d’acanthocytes sur le frottis (>20 %) [14]. L’acanthocytose une exacerbation de l’anémie à l’occasion d’une érythro-
survient habituellement à un stade avancé de la cirrhose et en blastopénie induite par le parvovirus B19, ou d’une prise de
est un des signes de gravité. médicaments oxydants ou encore d’un syndrome infectieux.
Le diagnostic de thalassémie est évoqué devant l’origine
Anomalies de l’hémoglobine ethnique (Afrique, Bassin Méditerranéen et/ou Asie selon les
L’hémoglobine (Hb) est le principal constituant des GR ; elle est formes de thalassémie), les signes d’hémolyse chronique et
constituée de 4 sous-unités comportant chacune une chaine de les anomalies du frottis et des indices érythrocytaires :
globine et un hème formé lui-même d’une protoporphyrine et microcytose, corps de Heinz (hémoglobinose H : « balles
d’un atome de fer. On distingue 2 catégories principales d’AH de Golf ») mis en évidence à l’aide d’une coloration spéciale
par anomalie de l’hémoglobine : de type bleu de Crésyl, ou encore présence d’hématies en
 les syndromes thalassémiques liés à un défaut quantitatif de cibles. Le diagnostic de certitude repose sur l’électrophorèse
synthèse d’une chaine de globine ; de l’hémoglobine (EPH).
 les anomalies structurales de l’hémoglobine, dont la drépa-
Anomalies structurales de l’hémoglobine
nocytose. La drépanocytose est la plus fréquente des anomalies structu-
Les anomalies de la protoporphyrine (porphyrie érythropoïé- rales de l’hémoglobine, et son incidence est croissante dans les
tique congénitale) sont révélées dans l’enfance [15]. pays occidentaux (1ère maladie génétique en Ile de France). Elle

Tableau II
Caractéristiques principales des anomalies structurales de l’hémoglobine.

Hémoglobine S Hémoglobine C Hémoglobine E Hémoglobines instables


Génétique Mutations de la b globine.
Transmission autosomique récessive

Épidémiologie Afrique, Antilles, Afrique de l’Ouest Asie du Sud Est Ubiquitaire


Moyen-Orient,
bassin méditerranéen

Clinique Syndrome drépanocytaire Asymptomatique Asymptomatique chez HEZ Variable selon le sous-type
majeur chez homozygote ou chez hétérozygote Tableau de thalassémie Pigmenturie.
hétérozygote composite Asymptomatique ou hémolyse mineure chez homozygote Hémolyse
S/C ou S/bthal modérée chez homozygote aggravée ou déclenchée
par prise de médicaments
oxydants, par les infections

Frottis Drépanocytes Drépanocytes si forme S/C Microcytose Corps de Heinz (coloration au


Corps de Jolly Cristaux d’hémoglobine cellules cibles++ bleu de Crésyl), hematies
« mordues »

Diagnostic EPH+HPLC EPH +HPLC EPH +HPLC Étude de la stabilité thermique


de l’hémoglobine
Biologie moléculaire

EPH : électrophorèse de l’hémoglobine, HPLC : chromatographie en phase liquide à haute performance, HEZ : hétérozygote.
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V Loustau, C Guillaud, L Garcon, B Godeau, M Michel

se transmet sur un mode autosomique récessif et dans 10 % Anémies hémolytiques extra-corpusculaires


des cas environ elle n’est diagnostiquée qu’à l’âge adulte, Immunologiques
notamment en cas de forme hétérozygote composite (S/C Allo-immunes
ou S/bthal.). Outre l’AH, la drépanocytose peut être révélée L’hémolyse par allo-immunisation ne se rencontre chez l’adulte
chez l’adulte par diverses manifestations vaso-occlusives : qu’en cas d’incompatibilité transfusionnelle. Les anticorps anti-
syndrome thoracique aigu, accident vasculaire cérébral, os- érythrocytaires en cause sont de deux types.
téonécrose aseptique de hanche, rétinopathie ou encore épi- Les anticorps naturels, ou anticorps « d’hétéro-immunisation »,
sode de priapisme chez l’homme. La numération et le frottis préexistants à toute exposition à des GR hétérologues, sont
sanguin montrent une anémie normocytaire régénérative et la dirigés contre les sucres du système ABO et provoquent un
présence d’hématies en « faux » ainsi que la présence très accident hémolytique immédiat et sévère dès la première
fréquente de corps de Jolly reflet de l’asplénie fonctionnelle transfusion ABO-incompatible.
sous-jacente. La confirmation diagnostique repose avant tout Les agglutinines irrégulières, ou anticorps d’allo-immunisation,
sur l’EPH. nécessitent une première exposition à des GR hétérologues. Ils
Les hémoglobines instables (Zürich, Köln) constituent un sont dirigés contre des protéines des systèmes Rhesus, Kell,
groupe d’anomalies particulièrement rares, dont on recense Duffy, Kidd et MNS pour la plupart et provoquent un accident
plus de 90 variants. Elles sont dues à des mutations de hémolytique immédiat ou retardé uniquement après la deu-
l’hémoglobine affectant soit les sites de liaison entre les xième transfusion incompatible.
chaînes de globine, soit la conformation de la molécule en- Le diagnostic est confirmé par la positivité des agglutinines
traînant une instabilité. La précipitation de l’hémoglobine in- irrégulières [ou test indirect à l’antiglobuline (TIA)]. L’hémo-
stable entraine la formation de corps de Heinz et la destruction lyse par allo-immunisation est intra-vasculaire dans les for-
du GR : l’hémolyse peut être à la fois intra-tissulaire et intra- mes graves et précoces, avec parfois un risque vital. Elle est
vasculaire, parfois associée à une méthémoglobinémie. La prise intra-tissulaire dans les formes retardées mineures
de médicaments oxydants ou un épisode infectieux sont des (fréquence des réactions fébriles) avec comme principale
facteurs favorisant la précipitation de l’hémoglobine [16]. Le conséquence une absence de rendement transfusionnel
tableau II résume les principales caractéristiques des anomalies [21–23].
structurales de l’hémoglobine. Auto-immunes
Anomalies enzymatiques Les anémies hémolytiques auto-immunes (AHAI) se caractéri-
Le métabolisme du GR est caractérisé par l’absence de noyau et sent par une hémolyse liée à la présence d’auto-anticorps
de mitochondrie. La survie du GR dépend donc d’un équipe- dirigés contre des antigènes de la membrane érythrocytaire.
ment enzymatique non renouvelable et fait appel à la voie L’incidence annuelle des AHAI est estimée entre 1 et 4 nou-
anaérobie de la glycolyse, dite d’Embden-Meyerhof. Cette voie veaux cas /100 000 habitants ; elles peuvent survenir à tout
qui implique une dizaine d’enzymes, fournit sous forme d’ATP âge de la vie avec une discrète prédominance féminine [24,25].
toute l’énergie nécessaire au maintien de la forme biconcave et La classification des AHAI dépend essentiellement des carac-
aux activités de transport ionique de la membrane (fonction- téristiques immuno-chimiques et de l’isotype des auto-antic-
nement de la pompe à sodium, renouvellement des lipides orps en cause (tableau IV). Les AHAI sont caractérisées au frottis
membranaires. . .). Par ailleurs, le système enzymatique réduc- sanguin par l’absence classique de schizocytes, par une poly-
teur protège contre les agressions oxydantes. Cette fonction fait chromasie (par augmentation du nombre de réticulocytes) et
intervenir la voie des pentoses phosphates, où la première par la présence fréquente d’assez nombreux sphérocytes liée à
étape est catalysée par la G6PD, permettant la production de une phagocytose incomplète des GR sensibilisés. En présence
NADPH [17,18]. d’agglutinines froides, l’auto-agglutination des hématies est
Les 3 principaux déficits enzymatiques responsables d’une AH régulièrement observée à température ambiante [2]. Le TDA
sont : est l’examen clé du diagnostic ; il est positif dans plus de 95 %
 le déficit en G6PD, de loin le plus fréquent [17] ; des cas d’AHAI. Il peut toutefois être faussement négatif
 le déficit en pyruvate kinase [19] ; lorsque l’auto-anticorps est présent en trop faible quantité
 le déficit en 5’ pyrimidine nucléotidase [20]. ou faible affinité, ou en présence d’un anticorps de type IgA
Ces déficits, et en particulier le déficit en G6PD, peuvent ou IgM non recherchés systématiquement [26]. En pratique
passer longtemps inaperçus et n’être découverts qu’à l’occa- courante, le TDA est nécessaire et suffisant pour affirmer la
sion d’un stress oxydatif, généré notamment par une prise nature auto-immune d’un AH ; le TIA et le test d’élution peuvent
médicamenteuse ou une infection entraînant une AH dans certains cas particuliers permettre de préciser l’optimum
de révélation aiguë. Les caractéristiques génétiques, clini- thermique et la spécificité de l’auto-anticorps ou encore aider à
ques et biologiques de ces déficits sont rappelées dans le distinguer un auto d’un allo-anticorps chez des patients poly-
tableau III. transfusés.
476

tome 40 > n85 > mai 2011


Anémie hémolytique chez l’adulte : principales causes et démarche diagnostique
Hématologie – Transfusion

Mise au point
Tableau III
Caractéristiques principales des anémies hémolytiques (AH) par déficit enzymatique.

Déficit en G6PD [17] Déficit en pyruvate Déficit en 5’ pyrimidine


kinase [19] nucléotidase [21]
Transmission Liée à l’X Autosomique récessif Autosomique récessif

Mutation Locus Xq28 Locus 1q21 Locus 7p15-p14


=> 150 variantes => 150 mutations => 14 mutations
de G6PD

Fréquence Fréquent,  400 Millions Rare, non connue avec précision. Très rare : 40 patients décrits
de personnes dans monde Prévalence des (sous-diagnostiqué)
hétérozygotes : 0,1 à 6 %

Répartition Ubiquitaire Ubiquitaire Ubiquitaire


géographique -prédominant dans les pays impaludés

Clinique Surtout chez l’homme, rarement Que chez les homozygotes Ictère néo-natal
symptomatique chez la femme ou hétérozygotes composites Anémie hémolytique chronique avec
(lyonisation ou hétérozygotes composites) Anémie hémolytique variable splénomégalie et épisodes ictériques
Symptomatologie fonction du Grave si associé à une HbS Sensibilité aux métaux lourds
type biologico-clinique (saturnisme)
Ictère néo-natal => crise hémolytique
sévère après stress oxydant (classe II et III)
Anémie hémolytique chronique non
sphérocytaire (classe I)

Frottis Normal en dehors des crises hémolytiques Normal +/- Ecchinocytes Ponctuations basophiles
En phase hémolytique aiguë : (accumulation de pyrimidine
Corps de Heinz (non spécifiques) nucléotides)
« Blister cells », « hemi-ghosts »
Keratocyte

Diagnostic A distance d’un épisode hémolytique Dosage enzymatique Dosage enzymatique


Spot test de Beutler (test biochimique, +/- biologie moléculaire +/- biologie moléculaire
utile au diagnostic néo-natal) (recherche) (recherche)
Dosage enzymatique par
spectrophotométrie (Nle >8UI)
+/- Biologie moléculaire pour
caractériser les mutations

G6PD : glucose-6-phosphate deshydrogénase.

Médicamenteuses et/ou immuno-allergiques En pratique, seules quelques classes médicamenteuses doivent


Les hémolyses immuno-allergiques sont liées à la destruction être retenues : céphalosporines de 38 génération, pénicillines et
de GR par des anticorps dirigés contre un médicament ou un anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) [27,28]. L’hémolyse
complexe médicament-GR. Ce diagnostic est donc à évoquer apparaît en moyenne après 6 jours de traitement lors d’une
dans un contexte d’introduction médicamenteuse ou de réin- première administration et peut survenir à tout moment lors
troduction récente. Même si une centaine de médicaments a d’une réintroduction. Le TDA est le plus souvent positif, de type
été incriminée comme potentiellement responsables d’AH, il IgG, plus rarement de type IgG+C3d [27,29]. Les différents
s’agit d’une éventualité devenue exceptionnelle (1 pour 1 à mécanismes présumés et les principaux médicaments respon-
2 millions d’individus). sables sont repris dans l’encadré 4.
477

tome 40 > n85 > mai 2011


V Loustau, C Guillaud, L Garcon, B Godeau, M Michel

Tableau IV
Principales caractéristiques des anémies hémolytiques auto-immunes (AHAI) [45].

AHAI à Ac « chauds » MAF AHAI à Ac Hémoglobinurie AHAI


« froids » paroxystique « mixte »
transitoires « a frigore »
Terrain / Clinique Adulte > Enfant > 50ans Enfant, adulte Exceptionnelle Adulte
jeune chez l’adulte
Hémolyse Hémolyse Hémolyse Hémolyse aiguë
extravasculaire extravasculaire intravasculaire intravasculaire
Installation Subaiguë +/- acrosyndrome

Fréquence au 63 % 29 % 1% 7%
sein des AHAI [26]
Formes secondaires  50 % des cas IgM kappa Infections Infections LMNH
monoclonale : (mycoplasme, (mycoplasme,
90 %cas EBV. . . ) syphilis, virus)
+/- lymphome
lymphoplasmocytaire
Classe d’Ig IgG>>IgA, IgM IgM>>IgA ou IgG IgM polyclonale IgG (hémolysine IgG, IgM +/-
biphasique
de Donath-Landsteiner)
AF  1/500 AF1/64 AF1/500

Optimum thermique 37 -C 4 -C 4 -C >30 -C Large


de l’Ac amplitude
4-37 -C

Spécificité TDA IgG +/- C3d C3 C3 C3 IgG +/- C3


Eluat IgG Négatif Négatif Négatif IgG
Spécificité Pan-spécifique I>i>>Pr I>i P+c Pan-spécifique
de l’anticorps (anti-rhésus)

EBV : Ebstein Barr Virus, LMNH : lymphome malin non hodgkinien ; MAF : Maladie des agglutinines froides ; TDA : test direct à l’antiglobuline

Mécaniques (SHU surtout) et/ou une cytolyse hépatique (HELLP syndrome).


L’hémolyse mécanique se caractérise par la présence de nom- La reconnaissance rapide du diagnostic de MAT est capitale
breux schizocytes sur le frottis sanguin. Elle se rencontre dans devant une AH de l’adulte car elle conditionne la prise en charge
deux situations principales : et le pronostic vital du patient à court terme. Les différentes
 la désinsertion de valve cardiaque mécanique ; causes de MAT et leur classification sont résumées dans la figure
 le syndrome de micro-angiopathie thrombotique (MAT) 2. [30–32]. Une anémie par carence martiale associée à un
pouvant relever de différentes causes ou mécanismes : tableau de « pseudo MAT » peut révéler un syndrome de Heyde
purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT), syndrome défini par l’association d’un rétrécissement aortique et d’une
hémolytique et urémique (SHU). angiodysplasie à l’origine de saignements digestifs
Dans le premier cas le contexte (présence d’une valve mécani- Infectieuses
que) est évident mais il faut savoir répéter les examens mor- Certains pathogènes peuvent déclencher des hémolyses par
phologiques (échographie cardiaque trans-oesophagienne) afin une action directe sur les GR [33,34]. L’agent infectieux le plus
d’authentifier la désinsertion et/ou le dysfonctionnement de fréquemment responsable d’AH est de loin le Plasmodium
valve parfois uniquement confirmé en peropératoire. Le diag- (type Falciparum, Vivax ou Ovalae), à évoquer systématique-
nostic de MAT repose sur la mise en évidence d’une AH méca- ment en contexte fébrile au retour d’une zone d’endémie.
nique avec TDA négatif, classiquement associée à une D’autres parasitoses (trypanosomiase africaine [35], babésiose
thrombopénie d’intensité variable et/ou une insuffisance rénale chez le sujet splénectomisé. . .) peuvent beaucoup plus rare-
478

tome 40 > n85 > mai 2011


Anémie hémolytique chez l’adulte : principales causes et démarche diagnostique
Hématologie – Transfusion

Mise au point
Encadré 4 Toxiques
Anémies hémolytiques d’origine médicamenteuse : mécanismes Les AH provoquées par des toxiques sont rares. Leur mécanisme
de destruction évoqués et principaux médicaments impliqués implique une agression directe de la membrane ou une altéra-
[27,29]. tion du métabolisme globulaire et exclut les mécanismes
Toxicité directe : allergiques, d’auto-immunisation ou d’altération du métabo-

W
Ribavirine, Disulone , fludarabine. . .
lisme lors d’enzymopathies.
Mécanisme immuno-allergique : « Ac anti-médicament ou anti- Les toxiques industriels responsables d’AH aiguës parfois
GR/médicament » sévères doivent être évoqués dans un contexte d’exposition
 Liaison forte covalente / adsorption, Ac anti-haptène => évident [23]. Les intoxications au sulfate de cuivre sont à
hémolyse extra-vasculaire, TDA + IgG rapprocher de l’hémolyse observée au cours de la maladie
 Céphalosporines de 38 génération (ceftriaxone, cefotetan),
de Wilson [37,38]. Le saturnisme est désormais devenu très
rare chez l’adulte en France. Le diagnostic de certitude repose
Pénicillines. . . [28]
sur l’augmentation de la plombémie et de la plomburie. Les
 Liaison faible, complexe médicament/Ac => hémolyse intra-
autres causes, plus rares, s’observent dans des contextes
vasculaire, TDA + C3
souvent évidents : piqûres de guêpes [39] ou d’araignées
 AINS, quinine, oxaliplatine, pénicilline, céphalosporines de 38 [40], morsures de serpents [41] ou ingestion de champignons
génération, lévofloxacine. . . toxiques.
Mécanisme auto-immun : « Ac anti-GR »
Autres
 a-méthyldopa : >10 % des patients traités pendant >3mois ont
Il existe d’autres causes rares d’AH révélées à l’âge adulte,
un TDA+, et 0,3 à 1 % => AHAI (IgG anti-Rh) [26]
survenant dans des contextes particuliers.
 pénicillines fortes doses IV : 3 % des patients ont un TDA+, AHAI Une carence en vitamine B12 notamment dans le cadre d’une
rarissime maladie de Biermer (et beaucoup rarement un déficit
 fludarabine, ciclosporine, IFN a. . . en vitamine B9) peut se révéler parfois sous la forme
Induction de stress oxydatif dans le cadre des déficits d’une anémie macrocytaire d’allure hémolytique avec
enzymatiques (déficit en G6PD) ou hémoglobinopathies : notamment un taux de LDH particulièrement élevé et parfois
 Sulfamides, fluoroquinolones, anthracyclines. . .
la présence d’assez nombreux schizocytes sur le frottis san-
Induction de micro-angiopathie :
guin. La constatation d’un nombre de réticulocytes normal
 Quinine, ciclosporine, anti-aggrégants (ticlopidine >>
ou bas dans ce contexte d’hémolyse (intra-médullaire)
clopidogrel) et la présence sur le frottis de polynucléaires
Ac. : anticorps ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens, TDA test
hypersegmentés sont autant d’éléments d’orientation. Ce
direct à l’antiglobuline.
tableau est parfois qualifié de pseudo micro-angiopathie
thrombotique (tableau V).
Une grande hypophosphatémie (nutrition parentérale, alcoo-
lisme), entraîne une perte de déformabilité des GR avec
sphérocytose, responsable d’une hémolyse aiguë [42].
Le syndrome de Zieve [13] est une complication rare et tran-
sitoire de l’alcoolisme chronique, déclenchée par une alcoolisa-
ment être responsables d’AH. Le diagnostic repose sur le frottis
tion aiguë, associant AH, hypertriglycéridémie et douleurs
sanguin et la goutte épaisse. Bartonella bacilliformis, bactérie
abdominales.
intracellulaire rencontrée en Amérique du Sud, est responsable
d’un tableau associant fièvre, arthralgies, polyadénopathies et
AH sévère. Les bactériémies à Clostridium Perfringens deve- Démarche pour le diagnostic étiologique
nues très rares sont classiquement sources d’hémolyses intra- d’une anémie hémolytique révélée à l’âge
vasculaires sévères liées à l’action d’une toxine, mais d’autres adulte
bactéries peuvent épisodiquement causer des toxi-infections Compte tenu de la diversité des causes possibles d’AH, et du
responsables d’AH : Escherichia Coli, Streptocoque, Staphylo- pronostic potentiellement grave à court terme de certaines
coque, Entérocoque, Salmonelle, Leptospire [36]. Enfin, cer- d’entre elles, la démarche diagnostique doit être suffisam-
tains agents infectieux peuvent déclencher d’authentiques ment simple et rapide pour être applicable en pratique cli-
AHAI (EBV, mycoplasme. . .) voire une MAT (SHU induit par la nique. Elle repose avant tout sur les données de
vérotoxine de E. Coli) ou encore révéler ou aggraver des AH l’interrogatoire et de l’examen clinique (contexte) et sur les
corpusculaires sous-jacentes (déficit en G6PD, thalassémies, résultats de deux examens simples et facilement accessibles
drépanocytose. . .). en milieu hospitalier : le frottis sanguin et le TDA. En l’absence
479

tome 40 > n85 > mai 2011


V Loustau, C Guillaud, L Garcon, B Godeau, M Michel
[()TD$FIG]

Micro-angiopathie thrombotique

SHU PTT
Atypique
Déficit en
Typique ADAMTS 13
- HTA maligne -acquis
-VIH, Neuraminidase (S.Pneumoniae) -congénital
Verotoxine (E.Coli, S. - Grossesse (HELLP syndrome, éclampsie)
Dysenteriae)
- Lupus systémique, APL (syndrome
catastrophique)
-Anomalies du système du complément
- Médicaments (mitomycine C,
ciclosporine, tacrolimus, quinine)
- Néoplasies, radiothérapie, chimiothérapie
- Greffe moelle osseuse

Figure 2
Classification des micro-angiopathies thrombotiques (MAT)
PTT purpura thrombotique thrombocytopénique, SHU syndrome hémolytique et urémique.

d’orientation diagnostique évidente, ce n’est que dans un tose), du bassin méditerranéen (b thalassémies) et/ou du Sud
deuxième temps que le recours à tests ciblés, moins acces- Est asiatique (a thalassémies).
sibles, doit être envisagé.
Examens biologiques d’orientation.
Intérêt de l’interrogatoire, du contexte et de
Indices érythrocytaires et frottis sanguin.
l’examen clinique
Les automates actuellement sur le marché fournissent un
Contexte aigu
grand nombre d’informations utiles au diagnostic d’AH. Outre
Certains contextes orientent immédiatement le diagnostic :
les indices érythrocytaires (VGM, CCMH, TCMH) utiles à
exposition à certains toxiques, morsure de serpents, association
l’orientation diagnostique devant une anémie, ils représen-
AH + thrombopénie + fièvre chez un patient de retour d’une
tent les populations érythrocytaires et réticulocytaires en
zone d’endémie évoquant en priorité un accès palustre. La prise
fonction de leur volume ou de leur CCMH sous la forme
récente d’un médicament oxydant oriente vers un possible
d’histogrammes. Ainsi il est possible de visualiser des sous-
déficit enzymatique. Une grossesse au 3ème trimestre
populations érythrocytaires hypochromes et microcytaires
(prééclampsie et/ou HELLP) ou encore une transfusion récente
sans que les valeurs globales de VGM et de CCMH ne soient
(allo-immunisation) sont autant de circonstances susceptibles
modifiées. À l’inverse, une proportion anormalement élevée
d’orienter le diagnostic.
de GR hyperchromes (CCMH augmentée) doit faire d’emblée
Contexte chronique ou évolution par poussées évoquer une micro-sphérocytose ou encore une maladie des
La réalisation d’un arbre généalogique détaillé est une étape agglutinines froides selon le contexte. L’analyse informatisée
importante de l’interrogatoire. Des antécédents familiaux d’ané- des données permet également le calcul de la répartition
mie, de splénectomie ou des antécédents personnels évoquant érythrocytaire qui correspond au coefficient de variation
des crises hémolytiques (ictère, pâleur, anémie, hémoglobinu- d’une population érythrocytaire : elle est normale pour
rie) ou des lithiases biliaires orientent le diagnostic vers des une population cellulaire homogène, augmentée en cas de
anomalies constitutionnelles du GR. L’origine ethnique est éga- variation de taille, c’est à dire d’anisocytose pouvant
lement un élément d’orientation puisque certaines AH corpus- témoigner d’une régénération. Les réticulocytes sont notam-
culaires se rencontrent préférentiellement voire exclusivement ment facilement identifiés par leur taille et leur contenu en
chez les patients originaires selon les cas d’Afrique (drépanocy- ARN. Même si ces outils diagnostiques sont insuffisamment
480

tome 40 > n85 > mai 2011


Anémie hémolytique chez l’adulte : principales causes et démarche diagnostique
Hématologie – Transfusion

Mise au point
Tableau V
Exemples d’anomalies du frottis au cours d’une anémie hémolytique (AH) de l’adulte et orientation diagnostique [43].

Type anomalie du GR Définition/Description Orientation diagnostique Examens complémentaires


de confirmation
Schizocytes Fragment de GR ou MAT, valve cardiaque mécanique, Aucun si contexte évident
GR endommagés brûlures étendues, « pseudo MAT » Dosage activité ADAMTS
sur carence en vit B12 voir B9 13 si suspicion PTT
Fibrose médullaire

Poïkilocytose GR de formes différentes Hémolyse (non spécifique)


Dysérythropoïèse

Sphérocytes GR de forme sphérique Sphérocytose héréditaire Aucun si TDA +


ou microsphérocytes (fréquent), allo-immunisation EMA, Test d’autohémolyse,
Agression chimique ou thermique ektacytométrie

Drépanocyte GR en faux Drépanocytose SS ou SC EPH - HPLC.

Elliptocytes GR de forme ovale Elliptocytose héréditaire Aucun ou ektacytométrie


en cas de doute diagnostique.

Stomatocytes GR en forme de bouche Stomatocytose héréditaire Ektacytométrie


Alcool

Acanthocytes GR irrégulièrement crénelés, Cirrhose Bilan hépatique.


spiculés irréguliers, renflés hémolyse Dosage lipoprotéines
abétalipoprotéinémie

Echinocytose GR chevelus Artefact Rien si contexte.


Urémie Dosage pyruvate kinase
Déficit en pyruvate kinase

Kératocytes GR en forme Déficit enzymatiques Dosages des enzymes


de demi-lune Même contexte que schizocytes érythrocytaires

« Blister cells » GR en ampoule Déficits enzymatiques Dosages des enzymes


érythrocytaires

Hématies GR « entassés » Hypergammaglobulinémie ++ TDA + recherche agglu.


en « piles froides dans le sérum
d’assiettes »

Corps de Heinz Précipitation d’hémoglobine, Déficit G6PD, autres Dosages enzymatiques.


visibles uniquement déficits enzymatiques EPH.
après coloration au bleu Crésyl Thalassémies Test de stabilité de l’Hb.
Hémoglobine instable Dosages de toxiques.
Biologie moléculaire

Ponctuations Granulations fines et bleutés Saturnisme EPH


basophiles dans le cytoplasme, Dysérythropoïèse Test de stabilité de l’Hb.
taille et formes hétérogènes Thalassémie mineure Plombémie, plomburie
Hb instable ceruléoplasmine.
Déficit en 5’ pyrimidine Dosages enzymatiques
nucléotidase
Maladie de Wilson
481

tome 40 > n85 > mai 2011


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Tableau V (Suite)
Type anomalie du GR Définition/Description Orientation diagnostique Examens complémentaires
de confirmation
Hématies en cibles GR clair à centre foncé Hémoglobinopathies EPH

Corps de Jolly Granules sphériques Splénectomie selon le contexte


de grande taille Asplénie fonctionnelle

Corps de Granules en grappe Thalassémies, EPH


Pappenheimer drépanocytose. . .

AHAI anémie hémolytique auto-immune EMA : cytométrie de flux après marquage à l’éosine-5’-maléimide ; EPH : électrophorèse de l’hémoglobine ; GR : globule rouge ; PTT
purpura thrombotique thrombocytopénique TDA test direct à l’antiglobuline

utilisés en regard du nombre important d’informations qu’ils (tableau V) résume les principales anomalies du frottis
apportent, ils ne peuvent se substituer à l’analyse du frottis rencontrées lors d’une AH, les diagnostics associés et les
sanguin qui permet d’apprécier la morphologie des GR et des examens complémentaires nécessaires.
autres éléments figurés du sang. Si certains automates
permettent désormais la coloration et l’étalement automa- Le test direct à l’antiglobuline
tique d’un échantillon, le frottis sanguin est encore le plus Le TDA est une méthode semi-quantitative d’agglutination des
souvent fait manuellement par étalement sur lame hématies permettant de révéler la présence d’anticorps +/- de
avec coloration au May Grunwald Giemsa. Il doit être systé- complément (C3d) fixés à membrane des GR. Il consiste à
matiquement demandé dans un contexte d’AH [43]. Le mettre en contact les GR du patient avec une antiglobuline

[()TD$FIG]

Figure 3
Principe du test direct à l’anti-
globuline (TDA) [37]
482

tome 40 > n85 > mai 2011


Anémie hémolytique chez l’adulte : principales causes et démarche diagnostique
Hématologie – Transfusion
[()TD$FIG]

Mise au point
Anémie hémolytique de
Contexte évident (interrogatoire): l’adulte
- Paludisme
- Autres infections
- Toxiques
TDA
+ Frottis sanguin

TDA négatif TDA positif


(+/- sphérocytes, polychromasie)

Frottis anormal Frottis normal


(+/- corps de Heinz)
Anomalies
morphologiques des GR Contexte AHAI
Schizocytes Paludisme Déficit particulier
(AH corpusculaires) enzymatique - Dosages
(Babésiose)
G6PD, PK… enzymatiques
- Bio mol.
Valve
cardiaque Membrane Hb HPN - TIA, optimum
CD 55/CD 59 Allo-immune
Transfusion thermique
-Bilan
MAT étiologique
(figure 2) Sphérocytose Drépanocytose
AHAI à TDA - - Elution
- test aux Immuno-
corticoïdes allergique
Elliptocytose Thalassémies
médicament

Stomatocytose Test de stabilité


Hb instable
EPH, étude de l’Hb
de l’Hb
- résistance osmotique
- ektacytométrie Toxique Dosage Plomb,
(fonction du contexte) Cuivre (Wilson)

Figure 4
Démarche diagnostique devant une anémie hémolytique de l’adulte

anti-IgG (dirigée contre le fragment Fc des IgG) ou anti-C3d : le ment de 98,4 à 100 % et de 83 à 95,2 % sur des études
test est positif si une agglutination des GR se produit, témoin de récentes [46,47] ;
la présence d’anticorps et/ou de C3 fixés à la membrane des GR  le TDA par cytométrie en flux peut également représenter un

(figure 3, (2)). Antérieurement réalisé sur tube, ce test avait complément d’investigation pour sensibiliser la détection des
très bonne sensibilité ( 95 %) pour le diagnostic d’AHAI [44] auto-anticorps fixés aux GR [48,49].
et une spécificité variable selon le contexte. Chez des sujets Interprétation du test direct à l’antiglobuline et tests
sains donneurs de sang, le TDA n’est positif que dans 1 cas sur complémentaires :
14 à 35 000 [45]. En revanche, jusqu’à près de 10 % des Test direct à l’antiglobuline positif
patients hospitalisés ont un TDA positif en l’absence d’AH et ce La spécificité du TDA, essentiellement de type IgG et/ou C3d,
du fait de différents facteurs non mutuellement exclusifs : détermine le type d’AHAI : un TDA de type IgG isolé ou IgG +
hypergammaglobulinémie polyclonale, leucémie lymphoide C3 traduit habituellement la présence d’auto-anticorps « chauds
chronique, transfusions répétées, traitement par immunoglo- », alors qu’une spécificité C3d isolée traduit généralement la
bulines polyvalentes, prise de certains médicaments présence d’un auto-anticorps « froid » de type IgM (cf. tableau
[24,26,44,46]. Chez les sujets ayant une AH, la valeur prédictive IV). La présence d’IgM à la surface des GR est en effet difficile à
positive du TDA pour le diagnostic d’AHAI est de 83 %, alors mettre en évidence, les IgM étant le plus souvent éluées de la
qu’elle n’est que de 1,4 % chez le sujet sain [44]. La positivité membrane érythrocytaire in vitro [45]. Lorsque le TDA est
du TDA est donc une condition nécessaire mais non suffisante positif, il peut être complété par un TIA à la recherche
pour poser le diagnostic d’AHAI. Afin d’améliorer la spécificité d’auto-anticorps dans le sérum. Ce dernier est mis en contact
du test, de nouvelles techniques ont donc été développées, avec un panel d’hématies tests au phénotype connu (antigènes
notamment le TDA sur gel et le TDA par cytométrie de flux : de membrane) associé dans un deuxième temps à des anti-
 le TDA sur micro-colonnes de gel, actuellement largement globulines (anti-IgG, anti-C3. . .). Si une agglutination est ob-
utilisé, a de meilleures sensibilité et spécificité (respective- servée, elle signe la présence d’anticorps anti-GR dans le sérum
483

tome 40 > n85 > mai 2011


V Loustau, C Guillaud, L Garcon, B Godeau, M Michel

du patient. En cas de TIA positif chez des patients préalable- même en faible quantité : test IRMA (immuno-radiometric
ment transfusés, un test d’adsorption du sérum sur GR auto- assay) ou ELAT (enzyme liked antiglobulin test), ou encore
logues est habituellement nécessaire pour s’assurer de par technique ELISA [52].
l’absence d’allo-anticorps associés [45]. Le TIA peut également Les principes de la démarche diagnostique basée sur l’inter-
être réalisé sur gel avec une sensibilité, une spécificité, une rogatoire, le contexte clinique, et le « couple d’examens »
valeur prédictive positive et une valeur prédictive négative frottis sanguin + TDA sont résumés dans la figure 4.
estimées respectivement à 100 % / 97,7 % / 81,4 % et 100 %
pour le diagnostic d’AHAI [50]. Conclusion
Le TIA permet également de préciser la spécificité de Afin d’éviter une errance diagnostique potentiellement préju-
l’anticorps : anti-I, anti-i, anti-Rhésus. Par ailleurs, il peut diciable au patient et/ou la réalisation d’examens complémen-
être réalisé à différentes températures (4 8C, 22 8C et 37 8C) taires inadaptés et/ou coûteux, la démarche diagnostique
permettant ainsi de préciser l’optimum thermique et/ou l’am- devant une AH de l’adulte se doit d’être à la fois simple et
plitude thermique de l’anticorps. La même technique est ap- hiérarchisée. Des lors que le caractère hémolytique de l’anémie
pliquée à la recherche d’agglutinines froides, présentes à taux est confirmé, un interrogatoire complet couplé au binôme
faible dans environ 1/3 des AHAI « chaudes » et d’en préciser le d’examens biologiques simples que constitue le frottis sanguin
titre [46]. Inversement, de rares cas d’AHAI peuvent être et le TDA nous paraît être l’étape essentielle pour orienter
associés à une IgM à large amplitude thermique voire avec rapidement vers la cause de l’AH. L’analyse soigneuse et rapide
un optimum thermique entre 30 et 37 8C [51]. de ces éléments clinico-biologiques simples assortie de l’ana-
Le test d’élution (à la chaleur, avec solvant ou acide) permet lyse des indices érythrocytaires en collaboration directe avec
de préciser la spécificité des auto-anticorps fixés sur les GR à les médecins biologistes permet dans la majorité des cas
l’aide d’un panel de GR tests de phénotype connu. Il est d’orienter sinon de préciser la cause de l’AH et de mettre en
surtout utile dans un contexte d’hémolyse post-transfusion- place le cas échéant un traitement « spécifique » adapté
nelle pour distinguer des auto-anticorps d’allo-anticorps ou (plasmaphérèses en cas de PTT par exemple). Dans les cas
en cas d’hémolyse immuno-allergique, circonstance au cours plus complexes (absence d’élément d’orientation initial, pa-
de laquelle le TDA est fréquemment positif et l’éluat souvent tient poly-pathologique et/ou polytransfusé), le recours à des
négatif [29]. tests plus spécifiques peut s’avérer nécessaire. Dans ces cas
Test direct à l’antiglobuline négatif particuliers, la collaboration entre cliniciens et biologistes est
Compte tenu de la très bonne sensibilité du TDA avec les plus importante encore, afin de juger au cas par cas de la
techniques actuelles, sa négativité permet d’éliminer quasi pertinence et/ou de la rentabilité attendue des différents tests
formellement le diagnostic d’AHAI. Toutefois, en l’absence et de garantir une bonne interprétation des résultats notam-
de diagnostic alternatif pouvant expliquer l’AH, un TDA négatif ment chez les patients récemment transfusés. En dehors de cas
doit être complété par un TDA à l’aide d’une anti-globuline anti- particuliers comme le PTT, les accidents d’hémolyse post-
IgA et/ou une anti-IgM et par une élution [2]. En théorie transfusionnelle ou à un degré moindre les AHAI, la démarche
cependant, dans une infime minorité de cas, on ne peut exclure diagnostique ne doit toutefois pas retarder/empêcher le re-
complètement une authentique AHAI à TDA négatif. De nou- cours éventuel à un support transfusionnel.
velles techniques sont à l’étude pour encore améliorer la
sensibilité et détecter la présence d’auto-anticorps présents Conflits d’intérêts : aucun.

Références
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