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La Revue de médecine interne 28 (2007) 756–765

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Mise au point

Diagnostic des anémies au cours des cirrhoses alcooliques

Diagnosis of anemia in alcoholic cirrhosis


J.-S. Bladé*, J. Desramé, D. Corberand, S. Lecoules, H. Blondon, T. Carmoi, M. Zyani,
D. Béchade, J.-P. Algayres
Clinique médicale, hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce, 74, boulevard de Port-Royal, 75230 Paris cedex 05, France

Reçu et accepté le 3 mai 2007


Disponible sur internet le 25 mai 2007

Résumé

Propos. – Les anémies du patient cirrhotique alcoolique sont un problème fréquent. Le diagnostic étiologique en est difficile en raison d’une
physiopathologie complexe, les causes d’anémie étant multiples et volontiers associées, et de spécificités propres à la cirrhose alcoolique. Ce
sujet n’a pas fait l’objet d’une étude générale depuis près de deux décennies. Nous proposons un travail s’appuyant sur une revue actualisée de la
littérature et notre expérience clinique.
Actualités et points forts. – Les outils biologiques du diagnostic, et particulièrement le volume globulaire moyen, doivent être interprétés en
tenant compte de la consommation excessive d’alcool et des conséquences biologiques de l’hépatopathie pour être judicieusement utilisés dans la
démarche diagnostique. Malgré ces réserves, le diagnostic des anémies est détaillé selon le plan habituel : anémies normocytaires, macrocytaires
et microcytaires. Enfin, nous proposons une conduite à tenir pratique.
Perspectives et projets. – Une étude prospective mesurant l’importance réelle des facteurs carentiels, accessibles à des propositions thérapeu-
tiques simples, apparaît souhaitable. La signification pronostique des anémies hémolytiques au cours des cirrhoses alcooliques doit être précisée.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract

Purpose. – Anemia in patients with alcoholic liver cirrhosis is a common issue. The diagnosis could be difficult because of the multiplicity of
causes, usually associated, and specificities in the diagnostic approach. This subject has not been reviewed for almost two decades. We propose a
review based upon analysis of the literature and our clinical experience.
Current knowledge and key points. – Because of the alcoholism and the biological consequences of the liver disease, laboratory findings,
especially the mean corpuscular volume, should be interpreted with caution in the diagnostic approach. Despite these drawbacks, the diagnosis of
anemia is detailed according to the usual plan: normocytic, macrocytic and microcytic anemias. Finally, we propose practical guidelines.
Future prospects and projects. – Further prospective studies should assess the real burden of nutritional deficiencies, easily treatable. The
prognostic significance of hemolytic anemias in patients with alcoholic liver cirrhosis should be studied.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Anémie ; Cirrhose alcoolique ; Alcoolisme ; Diagnostic

Keywords: Anemia; Liver cirrhosis; Alcoholic; Alcoholism; Diagnosis

* Auteurcorrespondant.
Adresse e-mail : jsblade@wanadoo.fr (J.-S. Bladé).

0248-8663/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.revmed.2007.05.005
J.-S. Bladé et al. / La Revue de médecine interne 28 (2007) 756–765 757

1. Introduction 3. Outils du diagnostic

Les anémies sont fréquentes au cours des cirrhoses alcooli- 3.1. Arguments du diagnostic des anémies
ques. Les étiologies en sont multiples : hémorragie aiguë, dilu-
tion, hémolyse, insuffisance médullaire par toxicité de l’alcool, Les arguments du diagnostic des anémies au cours des cir-
carences nutritionnelles vitaminiques, carence martiale, inflam- rhoses alcooliques sont en théorie les mêmes que ceux utilisés
mation chronique. Elles sont non seulement multiples, mais pour le diagnostic des anémies en général. Cependant, en
également très fréquemment associées. Les anémies au cours dehors de la multiplicité et de l’intrication fréquente des étio-
des cirrhoses éthyliques peuvent être la conséquence de la cir- logies, le raisonnement diagnostique est rendu plus difficile car
rhose ou de la consommation excessive d’alcool, et de leur la signification des outils biologiques sur lesquels il se fonde
retentissement hématologique. habituellement est modifiée par la cirrhose (insuffisance hépa-
tocellulaire) ou par les conséquences hématologiques de la
Leur signification pronostique est très variable, et va du consommation excessive d’alcool.
simple épiphénomène à l’anémie profonde pouvant menacer
le pronostic vital, en particulier lorsqu’elle est due à une
hémorragie digestive massive. Il y a par ailleurs une corrélation 3.1.1. Volume globulaire moyen (VGM)
entre la sévérité de l’hépatopathie, appréciée par le score de Il est le premier « pilier » du diagnostic du mécanisme
Child-Pugh, et la profondeur de l’anémie [1,2]. d’une anémie, permettant de définir son caractère normocy-
taire, macrocytaire ou microcytaire. Chez l’alcoolique, la
La conduite du diagnostic étiologique n’est pas différente de « macrocytose simple des alcooliques » vient bousculer la per-
celle du diagnostic général des anémies. Elle est cependant ren- tinence des bornes habituelles. Cette macrocytose que l’on peut
due difficile par deux points particuliers : d’une part, les outils situer dans la plage des 95–105 fl, est un marqueur classique
usuels du diagnostic sont peu spécifiques au cours des cirrho- de l’intoxication alcoolique, connu depuis les travaux de Wu et
ses alcooliques ; d’autre part, les mécanismes responsables de al. [7] ; elle survient en dehors de toute carence et sa physiopa-
l’anémie sont fréquemment intriqués, comme nous l’avons déjà thologie repose sur la toxicité directe de l’alcool sur les éry-
souligné. throblastes. Chez l’alcoolique en général, et le cirrhotique éthy-
lique en particulier, une anémie discrètement macrocytaire doit
donc souvent, pour la démarche diagnostique, être considérée
2. Données épidémiologiques
comme normocytaire.

Si les anémies sont fréquentes au cours des cirrhoses alcoo- 3.1.2. Taux de réticulocytes
liques, leur prévalence est, dans les différentes séries de la lit- Il permet en théorie de distinguer les anémies régénératives
térature, variable et difficilement comparable car les critères du et les anémies arégénératives : cet élément important du diag-
diagnostic sont différents. Les anémies sont définies par une nostic est moins sensible chez l’alcoolique car la toxicité
diminution du volume globulaire total dont l’appréciation for- médullaire de l’alcool est responsable d’une insuffisance
melle nécessite la mesure du volume globulaire isotopique ; en médullaire. Ainsi, les anémies en théorie régénératives (ané-
pratique, le diagnostic est porté par la diminution du taux mies hémolytiques et anémies après hémorragie aiguë) peuvent
d’hémoglobine (exprimé en gramme d’hémoglobine par décili- ne pas l’être. Il n’y a à ce sujet que très peu de données dans la
tre). Ce calcul indirect est discutable pour les anémies au cours littérature, mais la réticulocytose n’est effectivement pas élevée
des cirrhoses : il existe en effet au cours de ces dernières une dans le seul travail où il en est fait mention [8].
augmentation fréquente, précoce et d’autant plus importante
que l’hépatopathie est avancée [3] du volume plasmatique 3.1.3. Paramètres du bilan martial
total. Cette augmentation peut être responsable d’une (fausse) Ils sont modifiés au cours des cirrhoses [9], en particulier
anémie par dilution ou de l’aggravation d’une authentique ané- alcooliques [10]. La ferritinémie est augmentée au cours des
mie [4,5]. Les différences de prévalence de l’anémie dans les cirrhoses [10] et une ferritinémie dans les valeurs basses de la
différentes études, en fonction du critère diagnostique utilisé, normale chez un patient cirrhotique doit ainsi faire suspecter
illustrent ce point. Ainsi, pour Sheehy et Berman [4], la fré- une carence martiale [11]. La ferritine érythrocytaire a l’intérêt
quence de l’anémie au cours des cirrhoses est de 40 % en pre- de ne pas s’élever au cours des hépatopathies et a déjà été
nant comme critère la mesure isotopique du volume globulaire utilisée dans l’étude de la carence martiale chez le cirrhotique
total, mais serait proche de 70 % si un taux d’hématocrite infé- alcoolique [12] ; cependant cet examen techniquement
rieur à 40 % avait été retenu. La fréquence de l’anémie est de complexe est tombé en désuétude. La transferrine est synthéti-
50 % pour Boivin et al. [5] (mesure isotopique du volume glo- sée par le foie et est volontiers basse chez le cirrhotique,
bulaire total), proche de 60 % pour Eichner et Hillman [6] ce qui élève le coefficient de saturation de la transferrine
(taux d’hématocrite inférieur à 38 %), de 70 % enfin pour (CST) [8,10] : ainsi, chez le cirrhotique avec une transferriné-
Maruyama et al. [2] (taux d’hémoglobine inférieur à 13 g/dl mie basse, un CST dans des valeurs basses de la normale
chez les hommes et à 12 g/dl chez les femmes). plaide pour une carence martiale. Le profil protéique, avec la
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dissociation du couple albumine–transferrine, peut être un outil À l’issue de ce chapitre sur les outils du diagnostic, nous
supplémentaire pour le diagnostic de carence martiale, y com- envisagerons dans un premier temps le problème de l’hémorra-
pris au cours des hépatopathies [13]. Le taux du récepteur gie digestive aiguë. Dans un second temps, nous détaillerons le
soluble de la transferrine (RST) n’est pas modifié au cours diagnostic des anémies chez le cirrhotique alcoolique en dehors
des hépatopathies et son dosage peut donc être utilisé au de cette situation d’urgence en étudiant successivement les ané-
cours des cirrhoses alcooliques [14]. Enfin, la mesure des mies normocytaires, macrocytaires et enfin microcytaires.
réserves médullaires en fer sur les frottis d’un myélogramme
avec coloration de Perls, qui quantifie le fer disponible pour 4. Urgence de l’hémorragie digestive aiguë
l’érythropoïèse, n’est pas réalisée en pratique clinique.
L’hémorragie digestive reste la principale cause de décès
3.1.4. Chute du taux plasmatique de l’haptoglobine chez le cirrhotique alcoolique [21]. Elle est le plus souvent la
La chute du taux plasmatique de l’haptoglobine est un mar- conséquence de l’hypertension portale : la rupture de varices
queur de haute sensibilité et spécificité de l’hémolyse patholo- œsophagiennes (70 %) ou gastriques (10 %) est la cause la
gique. Elle trouve pourtant chez le patient cirrhotique une de plus fréquente et sévère d’hémorragie digestive chez ces
ses limites [15], car le taux plasmatique de l’haptoglobine est patients [22] ; l’hémorragie par gastropathie d’hypertension
abaissé par défaut de synthèse hépatique. Sa spécificité pour le portale est beaucoup moins fréquente [22] ; les ruptures de
diagnostic d’anémie hémolytique est donc médiocre chez le varices ectopiques (de l’intestin grêle ou du côlon) sont une
cirrhotique alcoolique. La dissociation du couple orosomu- cause exceptionnelle. Toutes les hémorragies digestives du cir-
coïde–haptoglobine n’a, à notre connaissance, pas été évaluée rhotique ne sont pas dues à l’hypertension portale : il peut aussi
comme outil du diagnostic d’hémolyse au cours de la cirrhose. s’agir d’un ulcère gastroduodénal (dont la fréquence est aug-
Elle pourrait être contributive car le taux d’orosomucoïde mentée au cours des cirrhoses), d’une œsophagite ou d’un syn-
baisse, tout comme celui de l’haptoglobine, en cas d’insuffi- drome de Mallory-Weiss.
sance hépatique [16] ; la dissociation du couple orosomu- En pratique, deux situations cliniques bien différentes sont
coïde–haptoglobine avec un taux d’haptoglobine relativement possibles :
plus abaissé pourrait témoigner d’une hémolyse. Notons que
l’élévation de la bilirubine libre chez un patient présentant
● La première est celle de l’hémorragie digestive aiguë exté-
une cirrhose alcoolique n’est pas de signification univoque,
riorisée qui, si elle ne pose pas le problème du diagnostic de
cette dernière pouvant se voir au cours des ictères cholestati-
l’anémie, pose celui de sa prise en charge et de ses consé-
ques « ictères à bilirubine mixte » ou être la conséquence d’une
quences, en particulier hémodynamiques. L’estimation cli-
hémolyse pathologique.
nique de la gravité de l’hémorragie digestive repose sur la
fréquence cardiaque, la pression artérielle, la fréquence res-
3.2. Autres outils biologiques piratoire, la recoloration capillaire, l’agitation et les troubles
de conscience [23]. La fréquence cardiaque serait un très
À l’inverse, d’autres outils biologiques apportent des infor- bon témoin de l’état hémodynamique, mais la prise fré-
mations pertinentes pour le diagnostic des anémies au cours quente chez ces patients d’un traitement par bêtabloquants
des cirrhoses éthyliques : relativise sa valeur. La pression artérielle est quant à elle
abaissée chez le cirrhotique par la vasodilatation
● L’analyse du frottis sanguin peut être riche en informations. périphérique ; l’évaluation de l’état hémodynamique doit
La présence d’une double population érythrocytaire « frottis en tenir compte. Il faut noter que l’hématocrite et le taux
dimorphique », l’une microcytaire hypochrome et l’autre d’hémoglobine ne sont pas à la phase initiale de la prise
macrocytaire, témoigne soit de l’association d’une carence en charge un bon témoin de l’importance du saignement
martiale et d’une carence en folates [17], soit d’une anémie qu’ils sous-estiment.
sidéroblastique [18]. La présence de macro-ovalocytes et/ou ● La seconde est bien différente : le patient présente un
de polynucléaires neutrophiles hypersegmentés, stigmates tableau sévère avec lipothymie, voire syncope, tachycardie,
de mégaloblastose médullaire, est un argument fort pour chute de la pression artérielle et pâleur ; ce tableau doit faire
une carence en folates [8]. La morphologie des érythrocytes, évoquer et rechercher une hémorragie digestive aiguë non
avec l’identification de schizocytes, d’acanthocytes, d’échi- extériorisée ou la rare possibilité d’une hémorragie extralu-
nocytes ou de stomatocytes, est d’une grande importance minale. La démarche diagnostique est dans un premier
diagnostique dans les anémies hémolytiques au cours des temps clinique avec la recherche par le toucher rectal d’un
cirrhoses alcooliques. méléna ou de rectorragies non extériorisés. La mise en place
● Les automates de laboratoire mesurent également des para- d’une sonde nasogastrique avec lavage à l’eau reste propo-
mètres peu familiers pour le clinicien. L’augmentation de sée par certaines équipes : un liquide de lavage hémorra-
l’intervalle de distribution des érythrocytes témoigne d’une gique affirme l’hémorragie digestive haute mais un liquide
anisocytose [19] qui peut aiguiller vers une cause caren- clair ne l’élimine pas. Une ascite d’apparition récente ou
tielle, martiale ou vitaminique, mais peut aussi ne témoigner ayant augmenté de volume doit être ponctionnée à la recher-
que de la consommation excessive d’alcool [20]. che d’un hémopéritoine qui peut survenir soit par rupture
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d’une varice ectopique [24] ou surtout par rupture d’un car- 5]. En cas de sevrage alcoolique, le phénomène de dilution
cinome hépatocellulaire, complication redoutable [24–26]. peut être aggravé par une hydratation trop importante. Cette
La ponction se limitera à être exploratrice afin de ne pas anémie par dilution est d’autant plus fréquente et importante
favoriser le saignement. Dans un contexte de choc et en que la cirrhose est sévère (Child B ou C) ou s’accompagne
l’absence d’hémorragie extériorisée, la fibroscopie œsogas- d’une l’hypertension portale importante. Cette fausse anémie
troduodénale réalisée en urgence après rétablissement d’une par dilution et séquestration participe en partie à ce que l’on
hémodynamique satisfaisante est un examen essentiel. peut appeler l’« anémie simple et commune du cirrhotique »
L’examen tomodensitométrique abdominal est formellement [27]. En l’absence d’hémorragie digestive, d’anomalies mor-
indiqué dans les situations d’hémopéritoine dont il précisera phologiques des hématies, de signes d’hémolyse ou de carence
le diagnostic étiologique et guidera les indications d’un martiale ou vitaminique, ce diagnostic peut être retenu pour
geste chirurgical ou d’une embolisation artérielle [24–26]. une anémie modérée dont le taux d’hémoglobine est supérieur
à 10 g/dl chez la femme et 11 g/dl chez l’homme. L’anémie par
Cette situation d’urgence impose des mesures non dilution ne nécessite aucune exploration complémentaire ; un
spécifiques : hospitalisation en unité de soins intensifs, obten- contrôle semestriel de l’hémogramme est suffisant en l’absence
tion d’un abord veineux de bon calibre, contrôle du retentisse- de signes cliniques.
ment hémodynamique et anémique de l’hémorragie. La fibros-
copie œsogastroduodénale en urgence permet de préciser le 5.3. Anémie hémolytique
siège et la nature de l’hémorragie, de réaliser un traitement
endoscopique de celle-ci (ligature de varices œsophagiennes L’hémolyse est un déterminant majeur de l’anémie au cours
ou sclérose d’un ulcère hémorragique par exemple). Le traite- de la cirrhose alcoolique ; cela a été montré par la mesure iso-
ment général comporte le traitement vasoactif (terlipressine® topique de la demi-vie des érythrocytes : 62 % des patients cir-
ou somatostatine) en cas de rupture de varices œsophagiennes rhotiques alcooliques pour Sheehy et Berman [4], 55 % pour
ou gastrotubérositaires, la prévention de l’encéphalopathie Boivin et al. [5] ont des hématies dont la demi-vie est raccour-
hépatique, de la décompensation de la cirrhose et du syndrome cie, ce qui signe une hémolyse pathologique.
hépatorénal ; une antibioprophylaxie par fluoroquinolone L’hémolyse peut revêtir un spectre de gravité très variable,
administrée par voie orale est désormais consensuelle [23]. allant des hémolyses latentes ou chroniques parfois multifacto-
rielles aux hémolyses majeures associées à un pronostic réservé
5. Anémies normocytaires et relevant de plusieurs étiologies : accident transfusionnel,
acanthocytose en phase terminale, coagulation intravasculaire
Les anémies normocytaires du cirrhotique alcoolique for- disséminée compliquant parfois une sepsis sévère, syndrome
ment un groupe hétérogène comportant les anémies par hémor- de Zieve.
ragie non extériorisée, les (fausses) anémies par dilution, les
anémies hémolytiques, et enfin les anémies par insuffisance 5.3.1. Hypersplénisme
médullaire. Le terme « normocytaire » doit être considéré L’anémie hémolytique est dans sa plus simple expression le
dans son acception large définie dans le premier chapitre : il prolongement de l’hypersplénisme. La séquestration splénique
englobe, après s’être assuré de l’absence de carence vitami- et le rôle propre de la splénomégalie sont responsables de cette
nique, les anémies discrètement macrocytaires dont la macro- hémolyse souvent latente. Au point de vue cytologique, il faut
cytose n’est que l’expression de la macrocytose simple des distinguer les hématies « en cible » des sphérocytes. Les héma-
alcooliques. ties « en cible » [28] sont classiques au cours des maladies
hépatiques en général et ne sont pas des témoins d’hémolyse,
5.1. Hémorragie digestive non extériorisée mais la conséquence d’une adaptation des hématies leur per-
mettant d’échapper partiellement à la séquestration splénique
Chez le cirrhotique alcoolique, une anémie normocytaire, en et à l’hémolyse (augmentation du rapport surface sur volume,
particulier si la cinétique d’installation est rapide ou si la tolé- leur conférant une meilleure résistance à la lyse osmotique).
rance clinique est mauvaise, doit faire évoquer même en Les sphérocytes [28] témoignent au contraire de la séquestra-
l’absence d’une réticulocytose élevée une hémorragie digestive tion splénique (érosion de la membrane cellulaire, diminution
non extériorisée : cette situation a été envisagée dans le chapi- du rapport surface sur volume).
tre précédent.
5.3.2. Pathologies corpusculaires acquises
5.2. Fausse anémie L’anémie hémolytique peut être la conséquence d’une
pathologie corpusculaire acquise [28] et plusieurs entités ont
L’anémie normocytaire chez le cirrhotique alcoolique est été décrites.
souvent une fausse anémie par hémodilution par augmentation
du volume plasmatique ou par séquestration splénique secon- 5.3.2.1. Acanthocytose [28,29]. Les acanthocytes (du grec
daires à un hypersplénisme associé à l’hypertension portale [4, akantha, épine ; le terme anglais est spur cell, globule en épe-
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ron) sont des érythrocytes spiculés. Ils seraient dus à une modi- droit, pouvant simuler un abdomen chirurgical [42,44] ; il
fication de la composition lipidique de la membrane érythrocy- peut exister une fièvre ou plutôt un fébricule ; une hépatomé-
taire avec un ratio cholestérol libre sur phospholipides augmen- galie est le plus souvent retrouvée. Dans la conception physio-
tés, conséquence d’une inhibition de la biosynthèse des pathologique classique du syndrome de Zieve, l’hyperlipidémie
phospholipides [30] ; l’acanthocytose n’est pas une complica- est responsable de l’hémolyse [41] ; plusieurs autres théories
tion spécifique de la cirrhose et peut se rencontrer par exemple ont été proposées : rôle de la stéatohépatite avec hypertension
au cours des abêtalipoprotidémies. L’anémie hémolytique, portale aiguë et splénomégalie congestive [28,43], stress oxy-
volontiers sévère, est due à la séquestration et destruction splé- datif subi par les érythrocytes [9], déficit acquis et transitoire
niques des acanthocytes. Le diagnostic repose sur la mise en en pyruvate-kinase érythrocytaire [44].
évidence d’acanthocytes (habituellement plus de 20 %) sur le
frottis sanguin [31,32] ; le diagnostic cytologique est difficile 5.3.4. L’anémie hémolytique peut être la conséquence d’autres
en microscopie optique, même en contraste de phase [32]. Au étiologies
cours de la cirrhose, l’acanthocytose survient à un stade
avancé, voire terminal de la maladie et représente un facteur
● Hémolyse intravasculaire après dérivation portosystémique
de gravité de la cirrhose, les patients décédant le plus souvent
intrahépatique par voie transjugulaire (TIPS) : elle survient
dans l’année [31–33]. Le traitement en est discuté : en cas de
chez 10 à 30 % des sujets et disparaît spontanément en deux
cirrhose sévère, la transplantation hépatique a été proposée
semaines [45].
[34], en concurrence avec la splénectomie [35] ; l’efficacité
● Microangiopathie thrombotique [46] : la présence de schizo-
d’un traitement associant flunarizine, pentoxifylline et choles-
cytes, en pourcentage supérieur à 5 %, permet d’évoquer le
tyramine a été rapportée [36]. Une coagulopathie de consom-
diagnostic.
mation, également de signification pronostique défavorable,
peut être associée à l’acanthocytose, sans relation causale cer- ● Anémie hémolytique causée par une hypophosphorémie
taine entre les deux entités [37,38]. profonde chez un patient cirrhotique éthylique au cours
d’une acidocétose alcoolique [47].
● Agglutination et hémolyse des érythrocytes du groupe A
5.3.2.2. Échinocytose [9]. Les échinocytes (le terme anglais est
(ceux du groupe B sont très peu touchés et ceux du groupe
burr cell, globule doté de crochets) sont une autre anomalie
O sont épargnés) en présence du récepteur soluble de l’asia-
morphologique des érythrocytes rencontrée au cours des mala-
loglycoprotéine, lequel est fréquemment retrouvé chez les
dies hépatiques. Les échinocytes sont aussi des érythrocytes
cirrhotiques éthyliques. Une série récemment rapportée de
spiculés parfois difficiles à différencier des acanthocytes [9,
trois patients décrit ce nouveau mécanisme [48].
32] d’autant qu’échinocytes et acanthocytes peuvent coexister
[32,33,39]. La physiopathologie de l’échinocytose reste assez
obscure, mais les lipoprotéines de haute densité y joueraient un Il faut enfin noter deux points :
rôle central [9]. L’échinocytose est plus fréquente et de signi-
fication plus banale que l’acanthocytose [9,32] ; la relation ● L’absence des anémies hémolytiques auto-immunes chez le
entre anémie et échinocytose est même réfutée pour certains cirrhotique alcoolique ; la corticothérapie n’a donc pas de
auteurs [9], admise par d’autres mais dans ce cas une acantho- place chez ces patients.
cytose associée est peut être plus en cause [39]. ● Les anémies hémolytiques peuvent entraîner secondaire-
ment une surcharge martiale hépatique ; cela a été rapporté
5.3.2.3. Stomatocytose [40]. Les stomatocytes sont une troi- chez le cirrhotique alcoolique au cours d’une acanthocytose
sième anomalie morphologique des hématies : ils apparaissent [49] comme au cours d’une échinocytose [50].
dotés d’une fente claire évoquant une bouche sur le frottis san-
guin. La stomatocytose paraît être liée à l’alcoolisme et non pas 5.4. Insuffisance médullaire au cours de la cirrhose alcoolique
à l’hépatopathie. Elle est citée ici pour mémoire, car si elle peut
rarement s’accompagner de signes d’hémolyse, elle n’apparaît
En dehors des anémies carentielles qui seront développées
pas pouvoir être une cause d’anémie.
dans le chapitre consacré aux anémies macrocytaires, la toxi-
cité médullaire de l’alcool et de l’acétaldéhyde, son métabolite,
5.3.3. Syndrome de Zieve est responsable d’une insuffisance médullaire chez l’alcoo-
Décrit par l’auteur éponyme en 1957 [41], c’est une com- lique. L’alcool induit une vacuolisation des précurseurs éry-
plication rare [9,42] de l’alcoolisme chronique et non de la thropoïétiques [6,43], mais il est douteux que cette vacuolisa-
cirrhose. Ce syndrome rare [9,28,41–43] associe dans sa tion entraîne des altérations fonctionnelles [11]. Il est en
forme complète un ictère, une anémie hémolytique transitoire, revanche démontré sur des cultures médullaires que l’alcool,
une hyperlipidémie avec hypertriglycéridémie également tran- à des concentrations compatibles avec celles rencontrées in
sitoire et une stéatohépatite alcoolique avec ou sans cirrhose. Il vivo, réprime l’érythropoïèse particulièrement au stade des pro-
est volontiers déclenché par une alcoolisation aiguë [43,44]. géniteurs érythropoïétiques précoces ; le même effet est
Outre l’ictère, la symptomatologie comporte le plus souvent retrouvé avec l’acétaldéhyde, mais à des concentrations dont
des douleurs abdominales épigastriques ou de l’hypochondre il est plus douteux qu’elles soient atteintes in vivo [51].
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L’insuffisance médullaire occupe en réalité la « toile de en faire rechercher une autre cause, ou bien est associé à une
fond » des anémies du cirrhotique ; à côté de la toxicité directe carence en folates [17,18].
de l’alcool ou de ses métabolites elle peut également être la La carence en folates procède de plusieurs mécanismes sou-
conséquence d’une carence partielle en fer ou vitamines (ané- vent associés [11]. La carence de l’apport alimentaire en folates
mies nutritionnelles de l’alcoolique selon Lindenbaum et est importante [17,18] et rend compte de grandes disparités
Roman [18]). Cette insuffisance médullaire plus souvent rela- individuelles : les buveurs de vin et de whisky, boissons pau-
tive qu’absolue apparaît comme un cofacteur d’anémie en cas vres en folates, sont plus exposés que les buveurs de bière,
d’hémolyse ou d’hémorragie modérée [4,5] : l’anémie apparaît boisson riche en folates [11,17,55]. Il existe également un
car l’érythropoïèse inefficace ne parvient pas à compenser les défaut d’absorption jéjunale des folates [17]. L’éthanol inter-
pertes. fère également à plusieurs niveaux dans le métabolisme des
Enfin, depuis maintenant plus de dix ans, la sécrétion folates [17]. Il faut insister sur le rôle de médicaments antifo-
d’érythropoïétine (EPO) chez les cirrhotiques fait l’objet de liques inhibiteurs de la dihydrofolate réductase, en particulier
nombreux travaux. La controverse n’est pas close [52] : cer- ceux utilisés chez le cirrhotique alcoolique : triméthoprime,
tains auteurs trouvent des taux d’EPO plus élevés chez les cir- triamtérène, phénytoïne. Enfin, la toxicité directe de l’éthanol
rhotiques comparés à des témoins non anémiques [53] et sur l’hématopoïèse est synergique avec la carence en folates
d’autres des taux d’EPO abaissés chez les cirrhotiques par rap- dans la genèse de la mégaloblastose [11].
port à des témoins anémiques [52]. En pratique, il n’y a pas Ces anémies par carence en folates sont arégénératives, nor-
d’indication consensuelle à traiter par l’EPO les anémies par mochromes et classiquement franchement macrocytaires, avec
insuffisance médullaire des cirrhoses alcooliques. un VGM supérieur à 120 fl [27] : en pratique le VGM n’est
que rarement aussi élevé [11]. La meilleure valeur seuil prédic-
6. Anémies macrocytaires tive d’une anémie par carence en folates est de 110 fl pour
Savage et Lindenbaum [8] avec une valeur prédictive positive
Les anémies du cirrhotique alcoolique sont le plus souvent (VPP) de 85 %, une spécificité de plus de 95 %, au prix cepen-
macrocytaires : dans une série récente de 50 cirrhotiques alcoo- dant d’une faible sensibilité de moins de 30 %.
liques, le VGM médian est à près de 104 fl [2] ; il est supérieur Le diagnostic est parfois aisé lorsque tous les éléments du
à 100 fl pour 24 d’entre eux (80 %) dans une série un peu plus diagnostic sont présents : un VGM augmenté, supérieur à
ancienne de 30 cirrhotiques alcooliques [1]. Comme nous 110 fl ; des arguments cytologiques sur le frottis sanguin
l’avons cependant déjà souligné, la signification de la macro- (macro-ovalocytes et polynucléaires neutrophiles hyperseg-
cytose dans le diagnostic d’une anémie chez le patient cirrho- mentés), des stigmates d’hémolyse et d’avortement intramédul-
tique éthylique est incertaine car elle est souvent la consé- laire (LDH et bilirubine libre élevées) et enfin, un taux des
quence de la « macrocytose simple des alcooliques », dont la folates sériques et érythrocytaires bas. Le frottis sanguin [8]
régression à la faveur d’un sevrage en alcool permet de retenir peut apporter des arguments de poids en faveur d’une mégalo-
le diagnostic. blastose médullaire : la macro-ovalocytose a une sensibilité de
Deux causes d’anémies souvent macrocytaires occupent une près de 90 %, mais n’a qu’une spécificité et une VPP faibles ;
place importante sans pouvoir pour autant expliquer toutes les les polynucléaires neutrophiles hypersegmentés ont une spéci-
anémies macrocytaires, surtout si la macrocytose est modérée, ficité de 95 %, une VPP de près de 90 % et une sensibilité de
comprise entre 95 et 105 fl : les anémies par carence en folates près de 80 %.
et les anémies sidéroblastiques. Ces deux étiologies ne sont pas Bien souvent, le diagnostic d’anémie par carence en folates
exclusives l’une de l’autre, l’anémie sidéroblastique étant est plus difficile devant des formes frustes. Le VGM peut fré-
volontiers associée à l’anémie mégaloblastique [6,8,11,18]. quemment, jusqu’à plus d’un tiers des cas [8], rester dans les
valeurs normales car la macrocytose peut être masquée par une
6.1. Anémies mégaloblastiques par carence en folates carence martiale ou un syndrome inflammatoire chronique
associés. Le dosage des folates sériques est d’un apport diag-
Elles occupent une place importante et sont la conséquence nostique limité : la baisse des folates sériques manque en effet
de l’alcoolisme chronique et non de la cirrhose. Pour Eichner et de sensibilité (45 %) et de spécificité (76 %). En d’autres ter-
Hillman [6], 40 % des patients admis pour une complication de mes, chez des patients ayant pourtant une mégaloblastose, le
l’alcoolisme chronique ont, sur un myélogramme systématique, taux des folates sériques peut être dans des valeurs normales
une érythropoïèse mégaloblastique ; pour Savage et Linden- entre 40 % [50] et 55 % [8] des cas, mais ces patients répon-
baum [8], un tiers des patients alcooliques anémiques ont des dent favorablement à l’administration de folates [11]. Le
signes de mégaloblastose médullaire. dosage des folates érythrocytaires est plus performant avec
Chez l’alcoolique, ces anémies sont dues à une carence en une sensibilité et une spécificité proches de 70 % pour Savage
folates et non en cobalamine (vitamine B12). En effet, les taux et Lindenbaum [8]. Enfin, la carence en folates peut être res-
sériques de vitamine B12 sont le plus souvent normaux ou éle- ponsable chez l’alcoolique d’une pancytopénie trompeuse [56].
vés chez l’alcoolique [2,8,17] et les taux les plus élevés sont En pratique, une carence en folates doit être souvent suspec-
retrouvés chez les cirrhotiques [54]. Ainsi, le déficit en coba- tée chez les alcooliques anémiques : les difficultés à interpréter
lamine est exceptionnel chez l’alcoolique ; s’il survient, il doit avec certitude les données de l’hémogramme chez l’alcoolique
762 J.-S. Bladé et al. / La Revue de médecine interne 28 (2007) 756–765

justifient au moindre doute de doser les folates, en particulier 7.1. Carence martiale
érythrocytaires. En revanche, le myélogramme, qui seul permet
en théorie le diagnostic d’anémie mégaloblastique, occupe une La carence martiale n’est pas rare chez le cirrhotique éthy-
place plus restreinte. lique [4,18]. En évaluant le stock martial par la présence de fer
dans les macrophages médullaires chez 121 patients alcooli-
6.2. Anémies sidéroblastiques ques et anémiques, Savage et Lindenbaum [8] trouvent un défi-
cit martial chez 16 d’entre eux (13 %) ; dans cette étude,
l’anémie est normocytaire chez 11 patients sur 16, elle n’est
Classer les anémies sidéroblastiques parmi les anémies
microcytaire que chez quatre patients seulement : la
macrocytaires relève d’un choix arbitraire car elles sont en
« macrocytose simple des alcooliques » joue ainsi un « effet de
vérité aussi souvent normocytaires que macrocytaires [8,18].
masque » en déplaçant la microcytose de l’anémie ferriprive
Les anémies sidéroblastiques acquises sont soit primitives
vers une normocytose [11]. Avec la même méthodologie
(anémies réfractaires sidéroblastiques idiopathiques qui appar-
d’évaluation du stock martial médullaire, une étude plus
tiennent au groupe des myélodysplasies), soit secondaires à un
récente chez des cirrhotiques anémiques (sans préjuger de
facteur toxique, un médicament ou un déficit nutritionnel ;
l’étiologie de la cirrhose et réalisée dans une population thaï-
parmi ces formes secondaires, l’alcoolisme est une des premiè-
landaise) trouve une carence martiale chez près de 40 %
res causes, si ce n’est la première [43,57,58]. Les anémies sidé-
d’entre eux [59]. En utilisant le dosage de la ferritine érythro-
roblastiques sont caractérisées par la présence dans la moelle
cytaire, marqueur non influencé par l’hépatopathie, Isa et al.
d’un précurseur érythroblastique anormal, le sidéroblaste en
[12] ont montré que près de 20 % des patients affectés d’une
couronne (ring sideroblast) et par l’altération de la synthèse
hépatopathie alcoolique ont une carence martiale. La carence
de l’hème [58] ; le sidéroblaste en couronne est caractérisé
martiale occupe ainsi une place réelle et non négligeable dans
par des dépôts de fer (mis en évidence par la coloration de
les anémies du cirrhotique éthylique, posant les problèmes de
Perls) dans les mitochondries disposées en couronne autour
la responsabilité de l’hypertension portale.
du noyau.
Les travaux de Calès et al. [60] retrouvent certes une rela-
La place de l’anémie sidéroblastique dans les anémies du
tion significative entre la présence de grosses varices œsopha-
cirrhotique éthylique n’est pas bien évaluée. Elle est mieux
giennes et la baisse du taux d’hémoglobine, mais cette relation
connue dans les anémies de l’alcoolique en général (sans réfé-
disparaît après ajustement sur le score de Child-Pugh. Il n’y a
rence au degré d’hépatopathie) où elle est importante : dans la
pas par ailleurs de relation significative entre la sidérémie et la
série de Savage et Lindenbaum [8], près d’un quart des patients
présence de ces signes endoscopiques [60]. L’ectasie vasculaire
admis pour alcoolisme et qui sont anémiques ont un myélo-
antrale, « estomac pastèque » dans sa forme la plus aboutie, fait
gramme compatible avec ce diagnostic ; des chiffres compara-
l’objet de moins de débats et est bien reconnue comme cause
bles, voire un peu plus élevés sont retrouvés dans d’autres
d’anémie ferriprive [61–64]. Il s’agit d’une entité maintenant
séries [18].
différenciée de la gastropathie congestive de l’hypertension
Chez l’alcoolique, l’anémie sidéroblastique est la consé- portale, avec laquelle elle garde néanmoins des liens nosologi-
quence de mécanismes encore obscurs, qui passent au moins ques étroits [61]. Enfin, la colopathie d’hypertension portale
en partie par une carence en pyridoxal phosphate ou par un (télangiectasies, lésions comparables aux angiodysplasies et
antagonisme direct de celui-ci par l’éthanol. Le pyridoxal phos- varices coliques) est fréquente chez les cirrhotiques et peut
phate est le principal métabolite actif de la pyridoxine (vita- être une cause d’hémorragie digestive distillante [65].
mine B6) : il est le coenzyme de l’ALA-synthétase, responsable En pratique, même en présence de signes patents d’hyper-
de la synthèse de l’acide δ-aminolévulinique, première étape et tension portale, toute carence martiale chez un cirrhotique
étape limitante de la biosynthèse de l’hème. D’autres mécanis- impose de discuter la réalisation d’une coloscopie, en analysant
mes participent certainement à l’anémie sidéroblastique de le rapport bénéfice/risque en cas de cirrhose sévère, pour éli-
l’alcoolique comme l’inhibition de la synthèse de l’hème par miner une cause colique et en particulier un cancer.
toxicité directe de l’éthanol ou bien le rôle d’autres déficits
nutritionnels, notamment en folates [11,18].
7.2. Anémie inflammatoire
Le traitement de l’anémie sidéroblastique, outre l’arrêt de
l’intoxication éthylique, comporte une supplémentation en
pyridoxine (100 mg/j) et en folates du fait d’une carence sou- L’anémie inflammatoire est plus rarement discutée au cours
vent associée [58]. de la cirrhose alcoolique [8,11]. Sa place au sein des anémies
microcytaires est conventionnelle ; elle est en pratique le plus
souvent normocytaire chez l’alcoolique pour les raisons déjà
7. Anémies microcytaires évoquées. Elle contribue en partie à « l’anémie simple et com-
mune du cirrhotique ». Sa responsabilité est certainement sous-
Les anémies microcytaires sont les moins fréquentes des estimée et mériterait d’être plus justement évaluée à l’heure où
anémies chez le cirrhotique éthylique (moins de 10 % dans la la place des phénomènes inflammatoires dans la cirrhose alcoo-
série de Sztern et al. [1]). Elles sont en théorie la conséquence lique est d’actualité [66]. La connaissance des mécanismes
soit d’une carence martiale, soit d’un syndrome inflammatoire. physiopathologiques de l’anémie inflammatoire a considérable-
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ment progressé ces dernières années avec la découverte de Tableau 1


l’hepcidine. Ce petit peptide de synthèse hépatique est une hor- Stratégie diagnostique des anémies au cours des cirrhoses alcooliques
mone clé de l’homéostasie martiale, limitant l’absorption du fer 10 g/dl < Hb < 12 g/dl (femme)
11 g/dl < Hb < 13 g/dl (homme)
au niveau intestinal et la libération du fer par les macrophages.
Mais c’est aussi un peptide antimicrobien, acteur de l’immunité Frottis sanguin
Anémie hémolytique (anomalies corpusculaires des globules rouges)
innée, induit dans un contexte infectieux ou inflammatoire,
Folates érythrocytaires
notamment sous l’influence de l’interleukine 6 [67]. Il est ten- Carence en folates
tant de vouloir voir l’hepcidine jouer un rôle dans l’anémie du Récepteur soluble de la transferrine (RST)
cirrhotique alcoolique, mais il n’y a cependant, à notre connais- Carence martiale
sance et à ce jour, pas d’argument en ce sens dans la littérature. Si normal
Au contraire, l’expression de l’hepcidine est réprimée en cas de Anémie simple et commune du cirrhotique
dysfonction hépatique sévère [68] et par la consommation Hb < 10 g/dl (femme)
d’alcool [69]. Hb < 11 g/dl (homme)
Toucher rectal et fibroscopie œsogastroduodénale
Hémorragie digestive aiguë non extériorisée
8. En pratique
VGM > 105–110 fl
Carence en folates
Le diagnostic d’une anémie chez le cirrhotique alcoolique 105–110 fl > VGM > 80–85 fl
est donc parfois un exercice difficile, compte tenu de l’absence Frottis sanguin, réticulocytes, LDH, haptoglobine
de spécificité des outils biologiques simples habituels et de la Anémie hémolytique
multiplicité, et de la complexité des mécanismes physiopatho- Dosage systématique des folates et du RST
Anémies carentielles (tout ou partie)
logiques intriqués. En pratique, nous proposons la stratégie
En deuxième intention, si le diagnostic n'est pas obtenu par les examens
diagnostique suivante. précédents : myélogramme
Anémie sidéroblastique pyridoxinosensible
8.1. Pour un taux d’hémoglobine entre 10 et 12 g/dl VGM < 80–85 fl
chez la femme, 11 et 13 g/dl chez l’homme RST
Anémie ferriprive
Syndrome inflammatoire
Après analyse du frottis sanguin, nous proposons un dosage Anémie inflammatoire
systématique des folates érythrocytaires et une évaluation du
stock martial (ferritinémie, en dépit des réserves de ce dosage d’hémolyse. Il faut systématiquement rechercher une
chez le cirrhotique alcoolique, et mesure du récepteur soluble carence en folates et une carence martiale : même si celles-
de la transferrine). Si ces examens ne sont pas contributifs, le ci ne sont pas seules en cause, elles sont accessibles à un
diagnostic d’« anémie simple et commune du cirrhotique » traitement substitutif qui permet sinon de corriger totale-
peut être retenu. Ce concept popularisé par Boivin [27] est ment l’anémie, du moins de l’atténuer et de rejoindre le
utile pour trouver une place nosologique à cette anémie modé- cadre de « l’anémie simple et commune ». Le myélogramme
rée qui n’entre pas dans un des cadres que nous avons décrits. est à réserver aux anémies non expliquées par la démarche
Cette anémie simple et commune du cirrhotique ne procède pas proposée : il permettra, rarement, le diagnostic d’anémie
d’un mécanisme univoque : elle est à la fois fausse anémie par sidéroblastique justiciable d’un traitement par la
hémodilution, anémie par séquestration splénique, anémie pyridoxine ;
hémolytique latente, anémie par insuffisance médullaire, voire ● si l’anémie est microcytaire (VGM inférieur à 80–85 fl), il
anémie inflammatoire. faut confirmer la carence martiale par le dosage du RST (la
coloscopie est le plus souvent nécessaire si ce dernier est
8.2. Pour un taux d’hémoglobine inférieur, élevé) et rechercher un syndrome inflammatoire biologique
ou pour une anémie récente et évolutive ou mal tolérée majeur.

La priorité est à la recherche d’une hémorragie digestive Le Tableau 1 résume ces propositions non consensuelles
non extériorisée, en réalisant un toucher rectal et souvent une basées sur notre expérience et les données de la littérature.
fibroscopie œsogastroduodénale.
En l’absence d’hémorragie aiguë : 9. Conclusion

● si l’anémie est nettement macrocytaire (VGM supérieur à L’étude de l’anémie au cours de la cirrhose éthylique a
105, voire 110 fl), la carence en folates est la première connu ses « 30 glorieuses » des années 1950 au début des
hypothèse ; années 1980. Au cours de ces années, les grandes bases de la
● si l’anémie est normocytaire ou plus discrètement macrocy- compréhension du sujet ont été lancées puis approfondies, en
taire, il faut réaliser une étude morphologique des hématies particulier par Sheehy et Berman [4], Eichner et Hillman [6],
sur frottis sanguin et rechercher des signes biologiques Wu et al. [7], Lindenbaum [11] et, dans la littérature française,
764 J.-S. Bladé et al. / La Revue de médecine interne 28 (2007) 756–765

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