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Cirrhose alcoolique
R. Moirand, M. Latournerie, E. Bardou-Jacquet, C. Le Lan, P. Brissot

La cirrhose du foie se définit histologiquement comme une maladie diffuse du foie, avec présence d’une
fibrose arciforme enserrant des nodules de régénération. Elle correspond à l’évolution ultime de la plupart
des maladies chroniques du foie, et la consommation excessive d’alcool en est la cause la plus fréquente
en France. Cependant, seul un tiers des buveurs excessifs développent une cirrhose au cours de la vie. La
cirrhose alcoolique est longtemps asymptomatique, compensée. Elle peut être totalement inapparente ou
se traduire par un foie dur à bord inférieur tranchant, la présence d’angiomes stellaires, une baisse
modérée du taux de prothrombine ou une thrombopénie. Elle est diagnostiquée à l’occasion du bilan de la
consommation excessive d’alcool ou fortuitement. Il faut réaliser une fibroscopie digestive haute à la
recherche de varices œsophagiennes, une échographie abdominale avec Doppler, et éliminer une autre
étiologie (dysmétabolisme, hépatites virales B et C ou surcharge en fer principalement). Il faut tenter
d’obtenir l’arrêt de la consommation excessive grâce à la prise en charge addictologique et mettre en
place une surveillance régulière (dépistage du carcinome hépatocellulaire et des varices à risque
hémorragique). La cirrhose devient décompensée lorsqu’apparaît une complication, comme l’ascite,
l’hémorragie digestive ou une infection. La décompensation est grevée d’une lourde mortalité, mais si le
facteur déclenchant est traité et si le patient s’arrête de boire, le retour à une cirrhose compensée et à une
espérance de vie correcte est possible. Cependant, le risque de survenue d’un carcinome hépatocellulaire
persiste. La cirrhose alcoolique représente une des indications les plus fréquentes de transplantation
hépatique, en cas soit de décompensation persistante malgré le sevrage, soit de survenue d’un carcinome
hépatocellulaire de petite taille. Il faut insister sur la prévention de la cirrhose : repérage précoce du
mésusage d’alcool permettant une prise en charge addictologique avant la constitution de la cirrhose.
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Mots clés : Cirrhose ; Mésusage d’alcool ; Ascite ; Hypertension portale ; Insuffisance hépatocellulaire

Plan Surveillance 7
Affection de longue durée (ALD) et éducation thérapeutique 7
Transplantation hépatique 7
¶ Introduction 1
¶ Complications de la cirrhose 7
¶ Physiopathologie 2
Infections bactériennes 8
Insuffisance hépatocellulaire (IHC) 2 Décompensation œdémato-ascitique 8
Hypertension portale (HTP) 2 Hémorragie digestive 9
Ascite 2 Encéphalopathie hépatique 9
Encéphalopathie hépatique 2 Ictère 10
¶ Histoire naturelle de la cirrhose alcoolique et données Carcinome hépatocellulaire 10
épidémiologiques 2 Hépatite alcoolique grave 10
¶ Prise en charge diagnostique 3 ¶ Conclusion 10
Circonstances de découverte 3
Bilan d’une cirrhose compensée 3
Comment porter le diagnostic de cirrhose 3
Comment rapporter la cirrhose à l’alcool 4 ■ Introduction
¶ Prise en charge de la cirrhose en médecine ambulatoire 5
Prise en charge addictologique 5 La cirrhose du foie est une définition histologique. Elle
Médicaments au cours de la cirrhose 6 correspond à l’évolution ultime de la plupart des maladies
Vaccinations 7 chroniques du foie. En France, la consommation excessive
Chirurgie programmée 7 d’alcool en est la cause de loin la plus fréquente. Sa traduction
clinique est variable, car la plupart des signes témoignent en fait
de ses complications (insuffisance hépatocellulaire, hypertension
portale) ou de son étiologie.

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■ Physiopathologie risque évoluent jusqu’à la cirrhose. À quantité égale, le fait


d’être une femme, l’obésité [2] et bien sûr l’association à une
La fibrose hépatique (dont la forme la plus sévère est la hépatite virale, en particulier C [3] , augmente le risque de
cirrhose) est due au dépôt de matériel fibreux dans le paren- développer une cirrhose. Récemment, il a été démontré qu’un
chyme hépatique, par augmentation de la production et du variant du gène PNPLA3 était très significativement associé à la
dépôt des protéines de la matrice (fibrogénèse) et diminution de survenue d’une cirrhose chez un patient buveur excessif [4].
la dégradation de ces protéines (fibrolyse). Le premier stade de la MAF est la stéatose, accumulation de
Au stade de cirrhose, on observe les conséquences décrites vésicules de triglycérides dans les hépatocytes. Puis apparaît
ci-après. l’hépatite alcoolique, définie par l’apparition de lésions hépato-
cytaires (ballonisation, nécrose acidophile), d’un infiltrat
Insuffisance hépatocellulaire (IHC) inflammatoire caractérisé par la présence de polynucléaires et,
inconstamment, par des corps de Mallory [5] . Ces lésions
Due à la diminution de la masse fonctionnelle des hépatocy- anatomopathologiques, le plus souvent asymptomatiques, ont
tes (nécrose) et à la modification de la vascularisation qui gêne pour traduction biologique une augmentation des transamina-
les échanges entre hépatocytes et système vasculaire, elle se ses, modérée et prédominant sur les aspartates aminotransféra-
traduit par une baisse des fonctions hépatiques de synthèse, ses (ASAT), et une augmentation importante de la gamma-
parfois associée à une atteinte des fonctions d’épuration et de glutamyl transférase (cGT), contrastant avec des phosphatases
sécrétion biliaire (cholestase d’insuffisance hépatocellulaire). alcalines (PALC) quasi normales [6]. Stéatose et hépatite alcooli-
que peuvent ou non s’accompagner de l’apparition d’une
Hypertension portale (HTP) fibrose cicatricielle, qui évolue en quatre stades, le dernier
correspondant à la cirrhose. Une fois installée, la cirrhose est
Les changements de l’architecture hépatique et la compres-
classiquement irréversible. En fait, il a été décrit des cas de
sion des veines sus-hépatiques par les nodules de régénération
réversion, lorsque la cirrhose a été diagnostiquée précocement,
entraînent une gêne au passage du sang à travers le foie,
sur une biopsie hépatique, et que le facteur étiologique a été
responsable d’une augmentation de la pression dans le système
pris en charge de façon efficace, en particulier hépatite C [7] ou
de la veine porte. On observe l’apparition d’un gradient de
surcharge en fer [8].
pression entre la veine porte et la veine cave, qui a pour
conséquences possibles l’apparition d’une splénomégalie et la Il est important de différencier la cirrhose compensée,
formation de voies de dérivations anormales (shunts) entre les asymptomatique, de la cirrhose décompensée, qui est définie
systèmes porte et cave. Les varices œsophagiennes et gastriques par l’apparition de complications dont les plus fréquentes sont
sont les plus redoutables. Ces shunts permettent à une partie du l’ascite, l’hémorragie digestive, l’encéphalopathie ou le carci-
flux sanguin venant du tube digestif d’atteindre directement la nome hépatocellulaire. La cirrhose compensée s’installe pro-
circulation générale sans passer par le foie, avec comme gressivement et surtout insidieusement. Elle est découverte
conséquences le risque accru d’encéphalopathie hépatique et la fortuitement ou lors du bilan d’un mésusage d’alcool. Si le
diminution du métabolisme de certains médicaments. patient revient à une consommation sans risque, elle reste non
compliquée, compatible avec une espérance de vie prolongée, le
patient étant toutefois soumis au risque de carcinome hépato-
Ascite cellulaire (CHC).
L’association de l’HTP et de l’IHC entraîne une vasodilatation En cas de persistance de l’intoxication alcoolique, la cirrhose
artérielle splanchnique responsable d’une hypovolémie efficace se décompense de façon volontiers brutale, révélant souvent la
et, secondairement, de l’activation des systèmes rénine- maladie hépatique. Les tableaux classiques sont, autour de la
angiotensine-aldostérone, vasoconstricteurs du système nerveux cinquantaine, la décompensation œdématoascitique avec ou
sympathique et du système vasopressine-hormone antidiuréti- sans ictère, déclenchée par une hépatite alcoolique ou une
que. D’où une rétention hydrosodée qui vise à corriger l’hypo- infection, ainsi que l’hémorragie digestive par rupture de varices
volémie relative. œsophagiennes ; et à un âge plus tardif, la révélation d’une
Dans un premier temps, la volémie efficace est restaurée et la cirrhose auparavant méconnue par un CHC.
cirrhose reste compensée. Si l’IHC et l’HTP s’aggravent, il y a Le taux de survie à 5 ans des patients présentant une cirrhose
persistance de l’activation excessive des systèmes compensa- alcoolique compensée est de 50 %, il est meilleur en cas de
teurs : la rétention hydrosodée se majore et se localise préféren- sevrage [9]. Après une décompensation, le retour à une cirrhose
tiellement au péritoine ; la cirrhose se décompense. compensée est fréquent en cas d’abstinence prolongée. Mais
La physiopathologie de l’ascite cirrhotique permet de com- souvent, l’évolution se fait par poussées en fonction des
prendre la mauvaise tolérance et l’efficacité très limitée du rechutes alcooliques, avec évolution vers l’aggravation progres-
régime pauvre en sel et des diurétiques. Seule l’amélioration de sive et le décès (par coma hépatique, hémorragie ou CHC).
l’état hépatique, permise par le sevrage, est réellement efficace. Rarement, l’aggravation se fait d’un seul tenant vers le décès
malgré le sevrage. La survie après une première décompensation
Encéphalopathie hépatique sévère de la cirrhose alcoolique est de l’ordre de 30 % à 1 an, la
persistance ou non de la consommation d’alcool étant le facteur
C’est une encéphalopathie métabolique sans lésion cérébrale pronostique le plus important [10].
organique, dont les mécanismes sont mal connus. On suppose En France, la prévalence estimée de la cirrhose est de 150 000
une arrivée au niveau du cerveau de substances neurotoxiques cas, dont un tiers asymptomatiques et méconnus, et la mortalité
non épurées par le foie. annuelle de 10 000 à 17 000. La consommation excessive
d’alcool est responsable de 70 % à 75 % des cas, associée dans
10 % des cas à une hépatite virale C.
■ Histoire naturelle de la cirrhose
alcoolique et données
épidémiologiques
Le risque de survenue d’une maladie alcoolique du foie (MAF)
“ Point important
chez un consommateur excessif d’alcool est variable selon les
individus [1]. Globalement, il apparaît à partir de la consomma- La cirrhose est une complication inconstante de la
tion de 4 unités standard (40 g d’alcool) par jour chez l’homme consommation chronique excessive d’alcool, qui peut
et 3 chez la femme. Le risque relatif augmente de façon survenir à partir de 4 unités standard (40 g d’alcool pur)
exponentielle avec la quantité consommée, quel que soit le type chez l’homme et 3 chez la femme.
de boissons. Cependant, moins d’un tiers des consommateurs à

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■ Prise en charge diagnostique [11] L’hypertension portale entraîne une thrombopénie, voire une
neutropénie par hypersplénisme.
L’existence d’un bloc bêta-gamma sur l’électrophorèse des
Circonstances de découverte protéines, témoignant d’une augmentation polyclonale des
La cirrhose est souvent diagnostiquée lors du bilan de la immunoglobulines (Ig) touchant les IgG et les IgA est assez
maladie causale ou révélée par une complication. Plus rarement, caractéristique, à la fois de la cirrhose et de son étiologie
elle est découverte de façon fortuite lors d’un examen clinique, alcoolique.
biologique, endoscopique ou échographique, voire d’une Le reste du bilan hépatique est variable : quasi normal en cas
laparotomie. de cirrhose sevrée ; augmentation isolée des cGT en cas de
.
persistance de la consommation d’alcool ; cytolyse modérée
(entre deux et dix fois la normale) prédominant sur les ASAT
avec hyper-cGT importante du fait d’une hépatite alcoolique

“ Point important
.
surajoutée.
Le dosage de l’a-fœtoprotéine (AFP) est utile pour le diagnos-
tic et le dépistage du CHC.
La recherche d’une maladie alcoolique du foie et de son
évolution ultime, la cirrhose, est nécessaire chez tout .
Fibroscopie œso-gastro-duodénale
patient présentant une consommation d’alcool à risque. Il ne faut surtout pas l’oublier. Elle est indispensable, car elle
permet le diagnostic des varices (œsophagiennes et/ou gastri-
.
ques) et en apprécie le risque hémorragique. Elle peut visualiser
d’autres lésions en rapport avec l’HTP : gastropathie ou ectasies
Bilan d’une cirrhose compensée [12] vasculaires antrales, qui n’ont pas de valeur pour le diagnostic
.
de cirrhose en l’absence de varices. Elle permet la ligature des
Clinique varices œsophagiennes en cas d’hémorragie active ou en
L’examen clinique peut être strictement normal. Le foie est prophylaxie après une première hémorragie.
de taille variable, il est caractéristique du diagnostic s’il est de
consistance dure, de surface discrètement granuleuse, indolore Échographie abdominale avec Doppler
et à bord inférieur régulier et tranchant. Elle doit être réalisée par un examinateur expérimenté. Elle
Les signes d’insuffisance hépatocellulaire sont dominés par la .
peut faire le diagnostic positif de cirrhose avec une bonne
présence d’angiomes stellaires, très évocateurs s’il y en a plus de spécificité, mais une sensibilité moyenne sur les caractéristiques
cinq (Fig. 1). Il est aussi possible de constater une érythrose hépatiques (dysmorphie, hétérogénéité diffuse, contours bosse-
palmaire, des ongles blancs, une atrophie et une fragilité .
lés), ou des signes d’HTP (visualisation de shunts portocaves ou
cutanée et, classiquement, un hippocratisme digital. Les signes d’une splénomégalie) [13]. Elle fait surtout le bilan des compli-
endocriniens sont liés à l’hypogonadisme (gynécomastie, cations (ascite, CHC, thrombose porte).
dépilation et impuissance chez l’homme, aménorrhée et stérilité
chez la femme). Le syndrome hémorragique est tardif (ecchy- Examen tomodensitométrique du foie
moses, purpura, hémorragies gingivales et nasales). ou par résonance magnétique
Les signes d’hypertension portale sont la splénomégalie
(inconstante) et la circulation veineuse collatérale abdominale Examen non systématique, il est réalisé si le patient est peu
de type portocave, c’est-à-dire épigastrique et périombilicale. échogène ou pour un bilan de CHC. La technique est fonda-
Il est possible d’observer un syndrome d’hypercinésie circula- .
mentale : en mode spiralé, sans puis avec injection, avec temps
toire avec tachycardie, extrémités chaudes, témoins de la artériel puis temps portal. Il donne des renseignements identi-
vasodilatation généralisée compensée. ques à l’échographie et permet l’étude de la vascularisation des
.
nodules (CHC) et des vaisseaux. L’imagerie par résonance
Biologie magnétique (IRM) a des indications très limitées, dans des
situations de doute diagnostique sur des nodules.
Elle peut être (rarement) strictement normale.
L’insuffisance hépatocellulaire est responsable d’une diminu- Facteurs pronostiques
tion du taux de prothrombine (TP), non corrigé après injection
de vitamine K, d’une baisse du facteur V, d’une baisse de La gravité de la cirrhose est appréciée par le score de Child,
l’albumine sérique (avec fausse hypocalcémie en rapport), du en trois classes A, B et C. La classe A correspond à une cirrhose
cholestérol, de l’urée, et s’associe à une augmentation de la parfaitement compensée, la classe C à une cirrhose décompen-
bilirubine totale, à la fois libre et conjuguée. .
sée grave. Un patient peut passer de A à C rapidement, à
l’occasion d’une infection ou d’une hémorragie, mais également
revenir de C à A.
Le score de MELD est utilisé en transplantation hépatique
pour définir l’ordre des patients sur la liste nationale.
L’état nutritionnel du patient est apprécié par l’indice de
masse corporelle (difficile cependant à interpréter en cas d’ascite
et d’œdèmes) et par le périmètre brachial.

Comment porter le diagnostic de cirrhose


Histologie [14]
La cirrhose est définie par une atteinte diffuse du foie par un
processus associant une fibrose mutilante, entourant des
nodules de régénération, et responsable d’une désorganisation
de l’architecture vasculaire (Fig. 2, 3). L’histologie est donc
l’examen de référence pour le diagnostic de cirrhose. La biopsie
du foie est réalisée par voie percutanée sous anesthésie locale,
plus rarement par voie transjugulaire (en cas de troubles de la
coagulation ou ascite). Il s’agit d’un geste invasif qui nécessite
Figure 1. Angiome stellaire : 4 à 5 sur la partie supérieure du corps sont
une hospitalisation courte, avec un risque faible, surtout de
nécessaires pour faire le diagnostic d’insuffisance hépatocellulaire.
constitution d’un hématome sous-capsulaire du foie [15].

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une consommation excessive datant de plusieurs années et, ce,


même si le bilan s’améliore avec le sevrage. La biopsie est
particulièrement indiquée quand plusieurs étiologies possibles
coexistent, en particulier une infection par le virus de
l’hépatite C.

“ Point important
La définition de la cirrhose est histologique. Sont
distinguées :
• d’une part, la cirrhose compensée, asymptomatique au
plan fonctionnel ; l’examen clinique peut être normal ou
montrer des signes en sa faveur, de même que la biologie
et l’imagerie ;
Figure 2. Tranche de section macroscopique d’un foie cirrhotique • d’autre part, la cirrhose décompensée, se traduisant par
montrant l’aspect micronodulaire et les contours déformés. des complications comme l’ascite, l’hémorragie digestive,
l’encéphalopathie hépatique ou le carcinome hépato-
cellulaire.

Comment rapporter la cirrhose à l’alcool


La consommation excessive d’alcool est la première cause de
cirrhose en France. Cependant, il convient de ne pas passer à
côté d’une autre étiologie, car le traitement de la cause de la
maladie hépatique, s’il existe, est fondamental. Devant un
tableau de maladie hépatique, il faut rechercher des arguments
en faveur de son origine alcoolique et éliminer une autre
étiologie.

Arguments en faveur de l’origine alcoolique


• Une consommation à risque d’alcool : celle-ci est souvent
tout à fait déclarée par le patient. En cas de déni, il est
possible de s’appuyer sur le témoignage de l’entourage, sur
Figure 3. Coupe histologique d’un foie cirrhotique montrant des l’existence d’autres manifestations cliniques de la consomma-
nodules de régénération cerclés d’une fibrose concentrique. tion excessive d’alcool (signes de sevrage, érythrose faciale et
parotidomégalie, neuropathie, etc.), ainsi que sur des mani-
festations biologiques évocatrices. Il faut signaler l’intérêt de
certains marqueurs d’alcoolisation, comme la transferrine
Le caractère invasif et l’existence de 10 % à 15 % de faux
désialylée (CDT), très spécifique d’une consommation
négatifs pour le diagnostic de cirrhose en cas de biopsie
d’alcool à risque, ou l’alcoolémie [18]. Le volume globulaire
percutanée (surtout si la cirrhose est macronodulaire) expliquent
moyen (VGM) est plus difficile à interpréter, car pouvant être
la recherche constante de moyens diagnostiques ne passant pas
augmenté dans des hépatopathies non alcooliques. Mais il
par l’histologie.
faut également se rappeler que les deux tiers des buveurs
excessifs n’ont pas de cirrhose.
Diagnostic non invasif
• Le caractère modéré et prédominant en ASAT de la cytolyse,
Certains éléments ont une bonne valeur diagnostique car surtout si le rapport ASAT/ALAT est supérieur à 2 [19].
assez spécifiques, mais sont inconstants : • La discordance entre l’augmentation importante des cGT et
• les caractéristiques du foie, s’il est accessible à la palpation ; celle faible ou nulle des PALC.
• la présence de signes patents d’insuffisance hépatocellulaire • La régression de ces anomalies avec le sevrage et, lorsque
(angiomes stellaires, baisse du TP) et d’hypertension portale qu’un patient est suivi sur le long terme, les fluctuations
(splénomégalie, circulation collatérale, thrombopénie) ; importantes des enzymes hépatiques.
• des anomalies morphologiques évocatrices en échographie, .
• Le bloc bêta-gamma sur l’électrophorèse des protéines,
tomodensitométrie (TDM) ou IRM ; inconstant mais spécifique.
• des varices œsophagiennes (en l’absence de thrombose porte) • Si une biopsie est réalisée, le tableau histologique de stéatose
en endoscopie. .
et d’hépatite alcoolique (mais qui peut se voir également dans
Les tests non invasifs de diagnostic de la fibrose (scores les hépatopathies dysmétaboliques et avec certains médica-
biologiques tel le Fibrotest™ ou mesure de l’élasticité du foie) ments, comme l’amiodarone).
sont validés pour l’hépatite C, mais pas pour la fibrose
alcoolique [16]. Éliminer une autre étiologie
La liste des causes principales de cirrhose est donnée dans le
En pratique
Tableau 1. En pratique, tous les tests biologiques ne sont pas
Le diagnostic de cirrhose est important car il a des implica- réalisés. Dans la majorité des cas, les éléments en faveur de
tions pronostiques et thérapeutiques. Si le tableau clinique, l’origine alcoolique de la cirrhose sont rassemblés et si ceux-ci
biologique ou d’imagerie est suffisamment évocateur, l’histolo- sont cohérents, ils sont complétés par la recherche d’un
gie n’est pas nécessaire [17]. Le problème se pose donc dans la syndrome dysmétabolique (indice de masse corporelle, tour de
MAF compensée. Lorsque le patient ne présente qu’une aug- taille, prise de la tension artérielle, lipides et glycémie), des
mentation isolée des cGT, la biopsie n’est pas proposée. Elle est anticorps anti-HBc, virus de l’hépatite C (VHC) et le dosage du
fortement envisagée lorsqu’il existe une cytolyse chronique avec coefficient de saturation de la transferrine (après 8 jours de

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Tableau 1.
Principales étiologies des cirrhoses du foie.
Étiologie Éléments d’alerte Examens de confirmation
Hépatite virale B Cytolyse prédominant en ALAT Positivité de l’Ag-Hbs et surtout de l’ADN du VHB
Positivité de l’Ac anti-HBc Histologie : aspect d’hépatite chronique active

Hépatite virale C Cytolyse prédominant en ALAT Positivité de l’ARN du VHC


Positivité de l’Ac anti-VHC Histologie : aspect d’hépatite chronique active

Stéatohépatite Insulinorésistance avec obésité, hyperlipémie, diabète Histologie : hépatite stéatosique « pseudoalcoolique »
non alcoolique de type II
Cytolyse prédomine en ALAT
Absence de consommation d’alcool

Hépatites auto-immunes Cytolyse marquée, prédominant en ALAT Autoanticorps antimuscles lisses (de type antiactine),
Élévation importante et polyclonale des IgG sur électrophorèse antinucléaires, anti-LKM (enfant)
des protéines Histologie : aspect d’hépatite chronique très active
Réponse claire aux immunosuppresseurs

Hémochromatose génétique Augmentation du coefficient de saturation de la transferrine Homozygotie pour la mutation C282Y du gène HFE
et de la ferritine ou mutations rares d’autres gènes
Histologie : surcharge ferrique massive, diffuse,
hépatocytaire et périportale

Cirrhose biliaire primitive Femme, prurit marqué Anticorps antimitochondries de type M2


Cholestase enzymatique marquée (PALC très augmentées) Histologie : cholangite chronique destructrice

Cholangite sclérosante Association à une maladie inflammatoire chronique Lésions des voies biliaires en bili-IRM et en histologie
primitive intestinale
Cholestase enzymatique marquée

Syndrome de Budd-Chiari Échographie montrant l’obstruction des veines sus-hépatiques Autres données d’imagerie, affection prothrombotique

Maladie de Wilson Sujet jeune Anneau de Kayser-Fleischer


Atteintes extrapyramidales (dysarthrie), anémie hémolytique Diminution franche de la céruloplasminémie
Augmentation de la cuprurie
Histologie : augmentation franche du cuivre hépatique

Déficit en a1-antiprypsine Baisse des a1-globulines sur électrophorèse des protéines Taux d’ a1-antitrypsine effondré, anomalies pulmonaires
associés, phénotype ZZ
Ac : anticorps ; ALAT : alanine aminotransférase ; Ag : antigène ; ADN : acide désoxyribonucléique ; ARN : acide ribonucléique ; VHB : virus de l’hépatite B ; VHC : virus de
l’hépatite C ; Ig : immunoglobuline ; LKM : liver kidney microsomes ; PALC : phosphatases alcalines ; IRM : imagerie par résonance magnétique.

sevrage en boissons alcoolisés). Ce n’est que lorsque le premier • l’usage avec dépendance se caractérise par une perte de
bilan est négatif ou devant des atypies (cytolyse importante en contrôle de la consommation, le patient continuant à
ALAT, cholestase majeure, etc.) que le bilan est complété. Enfin, consommer malgré les conséquences négatives, une centra-
il faut se méfier de l’intrication de plusieurs causes possibles : tion sur la substance et, dans 30 % des cas, une dépendance
alcool et VHC chez un ancien toxicomane, hémochromatose physique.
« arrosée », dysmétabolisme et alcool. La biopsie prend alors La cirrhose peut donc tout à fait survenir chez un patient
beaucoup d’intérêt. ayant un simple usage nocif, qui n’aura pas de difficultés à
La Figure 4 présente un arbre décisionnel pour le diagnostic
arrêter sa consommation, à condition de lui en parler et de le
étiologique d’une cirrhose.
motiver. En fait, il est important de dépister le mésusage nocif
avant que la cirrhose ne soit constituée.
La prise en charge de l’usage nocif repose donc sur son
■ Prise en charge de la cirrhose repérage précoce, systématique ou orienté, et sur des interven-
en médecine ambulatoire tions brèves qui ont fait la preuve de leur efficacité, en soins
primaires en particulier [21]. L’abstinence n’est pas nécessaire,
mais la consommation sans risque lorsque la cirrhose est
Prise en charge addictologique constituée est probablement bien inférieure à celle d’un sujet
bien portant : il est recommandé de ne pas dépasser 1 unité
La prise en charge de la consommation excessive d’alcool est
standard par occasion de boire et, ce, pas plus d’une à deux fois
fondamentale, quel que soit le stade évolutif de la cirrhose. Seul
par semaine.
le retour à une consommation sans risque permet le retour ou
le maintien de l’état compensé de la cirrhose. De plus, une Lorsque la dépendance est installée, la prise en charge est
abstinence d’au moins 6 mois est requise avant transplantation beaucoup plus complexe, plus difficile, et repose sur la collabo-
hépatique. ration entre médecine générale et soins spécialisés avec suivi
Il est important de se souvenir que le mésusage d’alcool ambulatoire médicopsychologique, traitement psychiatrique
comprend plusieurs catégories bien distinctes [20] : éventuel, soutien social, groupes d’entraide, éventuellement
• la consommation nocive sans dépendance correspond à un hospitalisations pour sevrage simples ou complexes en hospita-
usage chronique ayant des conséquences négatives, somati- lisation complète ou de jour [22]. L’entretien motivationnel pour
ques (comme la cirrhose) ou sociales, mais sans critère de attirer le patient vers les soins s’avère un outil très précieux [23].
dépendance ; Même au stade de cirrhose très sévère, l’expérience montre que

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4-0325 ¶ Cirrhose alcoolique

Bilan de première intention


Interrogatoire (alcool, médicaments, virus, etc.)
Âge, sexe, indice de masse corporelle, tour de taille
Présentation clinique (alcool, hémochromatose)
NFS, plaquettes
Bilirubine, ASAT, ALAT, γGT, PALC - ADN VHB si Ag HBs +
Évolution avec l'arrêt de la consommation d'alcool++ - ARN VHC si Ac anti-VHC +
Électrophorèse des protéines - VIH si B ou C + ou FDR
Taux de prothrombine - Sérologie VHD si Ag HBs +
Glucose, triglycérides, cholestérol
Coefficient de saturation de la transferrine, ferritine, mais
augmenté aussi par la consommation alcoolique
Ag HBs, Ac anti-HBs, Ac anti-HBc
Ac anti-VHC

Orientation sur le bilan initial Bilan initial négatif et absence d'orientation


Alcool évident et virus/fer négatifs ADN VHB, ARN VHC
= cirrhose alcoolique : arrêt Auto-Ac (nucléaires, muscles lisses,
LKM, mitochondries)
Obésité, diabète : NASH ? Cuprémie, cuprurie, céruloplasmine
α1-antitrypsine, phénotype ZZ
Protoporphyrine érythrocytaire
Sérologie virale positive (± alcool) Examen ophtalmologique
Compléter le bilan virologique

Saturation de la transferrine > 45 %


Génotypage HFE

Cytolyse importante en ALAT : auto-immune ?


Histologie hépatique
Ac antimuscle lisse, nucléaires, LKM

Cholestase enzymatique ++ (PALC) : CBP ?


CSP ?
Ac antimitochondries
Bili-IRM, coloscopie

Âge < 40, signes neurologiques : Wilson ?


Examen ophtalmologique/tests sériques

Emphysème pulmonaire, α1-globulines basses


Déficit en α1-antitrypsine ?

Figure 4. Arbre décisionnel. Algorithme guidant la prescription des examens à visée étiologique en cas de cirrhose chez l’adulte. NASH : stéatohépatite non
alcoolique ; HFE : gène de l’hémochromatose génétique type I ; CBP : cirrhose biliaire primitive ; CSP : cholangite sclérosante primitive ; NFS : numération-
formule sanguine ; Ag : antigène ; Ac : anticorps ; ADN : acide désoxyribonucléique ; ARN : acide ribonucléique ; VHB : virus de l’hépatite B ; VHC : virus de
l’hépatite C ; VHD : virus de l’hépatite delta ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; FDR : facteurs de risque ; Ig : immunoglobuline ; LKM : liver kidney
microsomes ; PALC : phosphatases alcalines ; ASAT : aspartate aminotransférase ; ALAT : alanine aminotransférase ; cGT : gamma-glutamyl transférase ;
IRM : imagerie par résonance magnétique.

certains patients bénéficiant des soins addictologiques, associés Médicaments au cours de la cirrhose [24]
à la prise en charge médicale de la cirrhose, récupèrent une
santé et une qualité de vie satisfaisantes. Certains médicaments sont toujours contre-indiqués du fait
d’un risque accru d’effets secondaires, comme l’aspirine et les
anti-inflammatoires non stéroïdiens (risque hémorragique et
rénal – mieux vaut un traitement court par corticoïdes), les
aminosides et les dérivés ergotiques.
“ Point important D’autres sont contre-indiqués en cas de cirrhose décompensée
seulement, comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion,
les sédatifs et les morphiniques du fait du risque d’encéphalo-
Le contrôle de la consommation d’alcool est pathie, ainsi que les antidiabétiques oraux (sauf inhibiteurs des
fondamental : il permet d’éviter la constitution de la alpha-glucosidases).
cirrhose en cas de maladie alcoolique du foie, d’éviter la Le paracétamol est utilisable en respectant strictement les
décompensation d’une cirrhose constituée, et même le doses thérapeutiques.
retour à un stade de cirrhose compensée en cas de Chez un patient cirrhotique et alcoolodépendant, l’utilisation
complication. La prise en charge est adaptée à l’existence de médicaments psychotropes est donc difficile. Les carbamates
d’une alcoolodépendance et à la motivation du patient. Le et les barbituriques sont à exclure, de même que les hypnoti-
repérage précoce doit être généralisé à tous ceux qui ques ; les neuroleptiques sont à utiliser avec méfiance. Les
consultent un médecin généraliste. inhibiteurs de la recapture de la sérotonine peuvent être
prescrits prudemment. Les benzodiazépines ne doivent être

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utilisées que pour un sevrage chez un sujet ayant une dépen- de vie du patient et éviter tout accident iatrogène, prévenir si
dance physique, sur une semaine à doses dégressives. Le sevrage nécessaire les infections du liquide d’ascite et traiter une ascite
se fait préférentiellement en milieu hospitalier. réfractaire (cf. paragraphe Prise en charge des complications).

Vaccinations
Le patient cirrhotique est à risque de faire une hépatite aiguë
grave ou fulminante. Il est recommandé de le vacciner contre
“ Point important
l’hépatite B, l’hépatite A (en vérifiant l’absence d’IgG anti-
VHA), mais aussi contre la grippe et le pneumocoque. L’endoscopie digestive haute est fondamentale devant
toute cirrhose, car elle recherche des varices à risque de
saignement et permet d’indiquer un traitement
Chirurgie programmée prophylactique. Elle doit être répétée si elle est négative
Attention, il convient de prévenir anesthésiste et chirurgien. initialement. Le dépistage du CHC est recommandé.
Certains médicaments sont contre-indiqués formel-
lement.
Surveillance
On oppose la surveillance de la cirrhose compensée, dont le
but est d’éviter la survenue de complications et de dépister à un
stade précoce l’apparition d’un carcinome hépatocellulaire, à
Affection de longue durée (ALD)
celle de la cirrhose décompensée, dont la prise en charge est et éducation thérapeutique
bien souvent palliative, en dehors du traitement étiologique, si La cirrhose du foie est inscrite sur la liste des affections de
la transplantation n’est pas possible, et qui vise à retarder les longue durée (ALD 6) [27] ; la dépendance à l’alcool également
complications sans être iatrogène. (ALD 23 : affections psychiatriques de longue durée-troubles
addictifs graves). La Haute Autorité de santé (HAS) diffuse les
Cirrhose compensée référentiels de prise en charge de ces affections.
L’éducation du patient porte sur la vigilance vis-à-vis des
Il convient que le patient ait une consultation avec son
médicaments, sur la nécessité de réaliser les examens nécessaires
médecin traitant au minimum tous les 6 mois, avec un interro-
au dépistage du CHC et des varices œsophagiennes, sur le
gatoire sur sa consommation d’alcool, un examen clinique et
contrôle de la consommation d’alcool et sur la surveillance
bilan biologique contrôlant l’évolution de l’IHC et les mar-
régulière.
queurs d’alcoolisation (cGT, CDT). Il peut y avoir recours auprès
de l’addictologue ou du gastroentérologue.
Transplantation hépatique [28]
Prendre en charge les facteurs aggravants
Les cirrhoses représentent plus de 80 % des indications et,
Il convient de prendre en charge en particulier le surpoids, parmi elles, la cirrhose alcoolique est la plus fréquente. L’indi-
un diabète. cation de la transplantation hépatique (TH) est la persistance
Prévenir les hémorragies digestives par rupture de varices d’une décompensation de la cirrhose avec insuffisance hépato-
œsophagiennes [25] cellulaire sévère ne régressant pas avec le sevrage. Les patients
sont donc surtout transplantés pour des ascites réfractaires,
Il a été démontré que le traitement bêtabloquant (propranolol beaucoup plus rarement pour des hémorragies digestives
ou nadolol) est efficace pour prévenir la rupture en prophylaxie récidivantes ou une encéphalopathie hépatique invalidante.
primaire. Lors du bilan initial, l’endoscopie est indispensable. L’autre indication est le CHC sur cirrhose découvert à un stade
Selon les cas, le suivi est le suivant : précoce, donc de petite taille.
• varices œsophagiennes grade 2 ou 3 : traitement prophylacti- Le bilan prétransplantation s’assure de l’absence de patholo-
que par bêtabloquants ou ligatures si contre-indications aux gies extrahépatiques contre-indiquant la TH et que l’âge
bêtabloquants ; physiologique du patient reste compatible. En pratique, les
• varices œsophagiennes grade 1 : endoscopie tous les ans ; patients inscrits ont moins de 65 ans.
• pas de varices œsophagiennes : endoscopie tous les 3 ans. Une abstinence de 6 mois est requise avant TH. Cette période
La posologie du traitement est adaptée en fonction de la permet de s’assurer que la décompensation ne régresse pas avec
tolérance, avec pour but de diminuer la fréquence cardiaque de le sevrage, rendant la TH inutile. De plus, c’est le meilleur
départ de 25 %. critère pragmatique prédisant l’absence de retour à une
consommation d’alcool après la TH. Il faut se rappeler que la
Dépister le carcinome hépatocellulaire TH est une ressource limitée du fait du manque d’organes
Ce dépistage est recommandé chez les patients ayant une disponibles et que, chaque année, des patients meurent en
cirrhose compensée et un pronostic vital prolongé. Il repose sur attente de greffon ou sont retirés de la liste pour progression
la réalisation d’une échographie hépatique et d’un dosage de tumorale. Le choix a été fait de privilégier les patients pour qui
.
l’AFP rigoureusement tous les 6 mois ; cela pose le problème de la TH a le plus de chance d’entraîner un bénéfice durable.
la compliance du patient, qui passe par son information. La Les résultats après TH font état d’une survie de 90 % à 1 an
découverte d’un nodule impose un avis spécialisé. et 60 % à 5 ans. Le taux de récidive d’une consommation
d’alcool problématique, sur ces patients très sélectionnés par le
Cirrhose décompensée [26] critère de l’abstinence de 6 mois, est de 5 % à 10 % à 5 ans. La
prise en charge addictologique avant, mais aussi au décours de
La survenue d’une décompensation de la cirrhose, souvent la TH, est donc importante.
brutale et révélatrice de la maladie, impose une hospitalisation
en urgence, afin de rechercher et de traiter (si possible) la cause
de la décompensation et de démarrer le sevrage et la prise en ■ Complications de la cirrhose [26]

charge addictologique.
Si la cirrhose reste décompensée, il est discuté rapidement un La survenue d’une complication entraîne une décompensa-
traitement complémentaire : anastomose portocave par voie tion de la cirrhose, souvent brutale ou rapidement progressive.
transjugulaire (TIPS) ou transplantation hépatique. Si ce n’est pas Elle impose très souvent une hospitalisation en urgence,
possible et si le patient ne se sèvre pas, l’espérance de vie est permettant la recherche et le traitement d’un facteur déclen-
réduite et la prise en charge palliative. Il faut respecter la qualité chant, le sevrage de l’intoxication alcoolique et le bilan de la

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Tableau 2.
Traitement diurétique dans l’ascite cirrhotique.
Indiqué si Situation clinique stable
Natriurèse insuffisante, < 80 mmoles par 24 h

Contre-indiqué si Infection ou hémorragie non stabilisées


Encéphalopathie hépatique
Ictère (bilirubine > 80 µmole/l)
Hépatite alcoolique

Surveillance
Efficacité Poids (2 fois par semaine)
Diurèse des 24 h :
natriurèse sur échantillon ou par 24 h, 3 jours
après modification du traitement diurétique

Tolérance Tension artérielle, crampes, encéphalopathie,


Figure 5. Patient présentant une cirrhose décompensée. Noter l’ictère
gynécomastie
majeur, l’ascite importante avec hernie ombilicale contrastant avec
Fonction rénale (créatinine sérique)
l’amyotrophie des avant-bras.
Ionogramme sanguin (natrémie, kaliémie) :
- 2 fois par semaine en début de traitement
maladie. Il est parfois difficile, mais pourtant fondamental, de - élargissement progressif, minimum 1 fois
convaincre certains patients de se faire hospitaliser. La prise en par mois
charge ambulatoire, en particulier à la phase initiale de l’ascite,
est en effet périlleuse et souvent vouée à l’échec. Escalade thérapeutique progressive
Spironolactone 75, 1 cp en une prise le matin toujours en première
Infections bactériennes intention
Si inefficace, doubler la dose, puis rajouter furosémide 40 mg
Elles sont fréquentes et particulièrement sévères, pouvant Augmenter progressivement les doses, toujours en une prise le matin
entraîner une décompensation rapide de la cirrhose débouchant et en respectant un ratio 4/1 en mg, jusqu’à ce qu’apparaisse soit
sur une défaillance multiviscérale. La plus fréquente est l’infec- l’efficacité, soit une contre-indication à la poursuite du traitement
tion urinaire, souvent asymptomatique. Il peut s’agir d’infec-
tions spontanées du liquide d’ascite, de pneumopathies, Critères d’efficacité Perte de poids (attention : ne pas dépasser 500 g
d’atteintes cutanées, voire de septicémies. par jour ou 1 kg si œdèmes importants, diminuer
Toute complication d’une cirrhose fait rechercher une infec- les diurétiques si trop rapide)
tion, avec antibiothérapie probabiliste au moindre doute après Natriurèse > 80 mmoles par 24 h
prélèvements multiples.
Critères d’arrêt des diurétiques
Décompensation œdémato-ascitique [29] Apparition d’une encéphalopathie sans autre cause
Augmentation de la créatinine sérique de plus de 100 %
Il s’agit de la complication la plus fréquente de la cirrhose. ou > 140 µmole/l
Hyponatrémie < 125-130 mmoles
Tableau clinique
Le patient consulte devant une distension abdominale, Cas particulier
d’installation rapidement progressive sur quelques jours ou Hypo- Modifier le ratio spironolactone/furosémide
quelques semaines, et une prise de poids importante (Fig. 5). ou hyperkaliémie
Cliniquement, il est retrouvé une matité déclive des flancs, à Gynécomastie Remplacer spironolactone par amiloride
limite concave vers le haut, avec tympanisme périombilical en Crampes Essayer Hexaquine® et/ou sulfate de zinc
décubitus dorsal. Il peut y être associé des œdèmes des membres
inférieurs ou généralisés, en particulier au niveau des organes cp : comprimé.
génitaux externes. L’ascite est confirmée par la ponction
exploratrice, voire par l’échographie en cas de doute.
Un tel tableau doit faire hospitaliser le patient en urgence, et (Tableau 2). Ils sont en effet souvent mal tolérés et inefficaces
de façon impérative s’il existe un syndrome infectieux ou une dans la cirrhose. La surveillance clinique et biologique rappro-
hémorragie digestive. Il convient en effet d’éliminer une ascite chée est impérative. L’apparition d’une hyponatrémie ou d’une
d’autre origine (cardiaque en particulier, mais aussi par carcinose insuffisance rénale fonctionnelle contre-indiquent la poursuite
péritonéale ou autre), de faire immédiatement une ponction du traitement diurétique, car elles témoignent de l’intensité de
exploratrice à la recherche d’une infection du liquide d’ascite et l’hypovolémie relative et annoncent les complications.
d’autres prélèvements bactériologiques. L’hospitalisation permet Idéalement, le traitement permet la disparition lente de
également le sevrage et l’évaluation addictologique, le bilan de la l’ascite et des œdèmes en quelques semaines à quelques mois.
cirrhose et des complications et d’initier le traitement de l’ascite. Le traitement diurétique est alors allégé, voire arrêté, et le
régime pauvre en sel élargi.
Traitement
Il repose avant tout sur l’arrêt des boissons alcoolisées. Des Ascite réfractaire
ponctions évacuatrices de grand volume, associées à des
perfusions d’albumine, sont réalisées en cas d’ascite tendue. Les Dans un certain nombre de cas, la présence ou l’apparition
patients sont mis sous régime pauvre en sel (3 g, soit environ d’une encéphalopathie hépatique, d’une hyponatrémie ou d’une
50 mmoles par jour). Il leur est conseillé de limiter l’apport insuffisance rénale empêche l’utilisation des diurétiques ; plus
hydrique à 1,5 litre par jour. Une restriction plus sévère peut rarement ils sont inefficaces même à dose maximale. On parle
être proposée sur quelques jours devant une hyponatrémie par d’ascite réfractaire lorsqu’elle continue à se reconstituer malgré
dilution. Les diurétiques sont introduits prudemment, sans les ponctions et/ou les diurétiques après deux mois d’évolution.
urgence, après élimination d’autres complications et stabilisa- Il faut alors se poser rapidement la question d’un traitement
tion du patient et dans le respect des contre-indications complémentaire (TIPS ou TH). Bien souvent, ils ne sont pas

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possibles et la prise en charge repose sur des ponctions évacua- terlipressine et sur les ligatures élastiques par voie endoscopique
trices répétées (toutes les semaines parfois) en hôpital de jour, en urgence. Plusieurs séances de ligatures, séparées de quelques
en fonction de la tolérance clinique à la distension abdominale. semaines, sont nécessaires pour éradiquer les varices. Un
Le pronostic est alors réservé à 1 an. traitement bêtabloquant est habituellement associé en l’absence
de contre-indications. Après ligature, une surveillance endosco-
Hydrothorax pique tous les 6 mois à 1 an doit être maintenue.
Il s’agit d’une localisation de liquide d’ascite dans la plèvre à Le traitement préventif est primordial (cf. paragraphe Sur-
travers des brèches diaphragmatiques, avec rétention du fait veillance de la cirrhose compensée). Les AINS sont contre-indiqués
d’un phénomène de clapet. Il est situé à droite dans 90 % des chez un patient cirrhotique.
cas. Sa prise en charge est identique à celle de l’ascite, avec une
tolérance bien moindre du fait de la dyspnée et des complica- Encéphalopathie hépatique [31]
tions rapides des ponctions pleurales itératives, qui amènent à
Elle se définit comme un ensemble de complications neurop-
envisager rapidement TIPS ou TH.
sychiques en rapport avec l’insuffisance hépatocellulaire,
Infection spontanée du liquide d’ascite (ISLA) favorisées par les dérivations portocaves. C’est une encéphalo-
pathie métabolique se manifestant par des signes moteurs et
et prévention
une atteinte des fonctions supérieures.
L’ISLA est une complication redoutable, grevée d’une lourde Il peut s’agir d’une encéphalopathie aiguë à l’occasion d’une
mortalité car précipitant la défaillance multiviscérale chez le complication, évoluant favorablement avec le traitement de la
cirrhotique. Le tableau typique associe douleurs abdominales, complication ; plus rarement d’une encéphalopathie chronique
syndrome infectieux et ascite, mais elle doit être suspectée devant ou récidivante, sans cause autre que l’insuffisance hépatocellu-
toute nouvelle complication d’une cirrhose. Son diagnostic repose laire, présente à la phase terminale des cirrhoses, et de mauvais
sur la ponction d’ascite montrant une augmentation du nombre pronostic.
de polynucléaires et son traitement sur l’antibiothérapie adaptée
immédiate et le remplissage vasculaire massif. Clinique
Il a été démontré qu’un traitement par norfloxacine (un
comprimé de 400 mg par jour) diminuait le risque d’ISLA chez Les signes moteurs comportent :
le cirrhotique. Il est donc indiqué systématiquement en cas • astérixis ou flapping tremor : suspension brève, paroxystique,
d’antécédents d’ISLA ou de taux de protides inférieur à 15 g/l asynchrone, de fréquence lente, du tonus musculaire, qui se
dans le liquide d’ascite (en pratique pour toutes les ascites recherche bras tendus yeux fermés, au niveau des mains et
chroniques). Il doit être maintenu tant qu’il y a de l’ascite. des doigts. Pratiquement constant en cas d’encéphalopathie
clinique, il peut manquer au stade infraclinique et ne peut
Insuffisance rénale être apprécié chez un patient inconscient. Il peut être observé
au cours de toute encéphalopathie métabolique, en particulier
L’apparition d’une insuffisance rénale fonctionnelle est une respiratoire ;
complication fréquente du traitement diurétique et impose son • signes d’atteinte extrapyramidale : amimie ou dyskinésies
arrêt immédiat (y compris diurétiques de l’anse), voire un buccofaciales, hypertonie plastique prédominant aux mem-
remplissage vasculaire. Si elle ne régresse pas sous remplissage, bres supérieurs ;
il s’agit vraisemblablement d’un syndrome hépatorénal, qui • signes d’atteinte pyramidale prédominant aux membres
peut évoluer en moins de 2 semaines vers le décès du patient. inférieurs.
Il faut éliminer les autres causes d’insuffisance rénale, fonction- Les troubles des fonctions supérieures sont cotés en quatre
nelles ou organiques. grades, et variables dans le temps :
La prévention est donc importante : contre-indications aux • grade 1 : insomnie confusion ;
médicaments potentiellement néphrotoxiques, en particulier • grade 2 : abattement/comportement anormal ;
anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), aminosides, mais • grade 3 : somnolence/désorientation ;
aussi inhibiteurs de l’enzyme de conversion et apparentés ; il • grade 4 : coma.
faut une grande prudence et une surveillance avec les diuréti- Une hyperventilation avec alcalose gazeuse est souvent
ques, une méfiance avec les injections de produit de contraste associée aux grades 3 et 4, ainsi qu’un foetor hepaticus (odeur
iodé ; il faut veiller à ne pas induire de diarrhées importantes douceâtre, très particulière de l’haleine, mais inconstante).
avec le traitement par lactulose.
Diagnostic différentiel
Hernie ombilicale
Il est fondamental d’éliminer les autres étiologies des troubles
Elle apparaît fréquemment en cas d’ascite chronique et peut de conscience. Ceci nécessite un bon examen clinique (signes
se compliquer de torsion ou de rupture, nécessitant une prise en de localisations ? raideur méningée ?), un bilan biologique et
charge chirurgicale en urgence très à risque sur ce terrain. Après souvent une imagerie cérébrale, voire un électroencé-
disparition de l’ascite et retour à une cirrhose compensée, une phalogramme, le tout en urgence.
chirurgie programmée est en revanche recommandée, dépen-
dant de la gêne fonctionnelle. Recherche d’une cause déclenchante
Hémorragie digestive [30] Il faut rechercher une hémorragie digestive (toucher rectal
systématique), une infection, la prise d’un sédatif, une hypona-
Les hémorragies digestives chez les cirrhotiques peuvent être trémie ou une insuffisance rénale associée aux diurétiques, une
dues à des ruptures de varices œsophagiennes ou gastriques, à des constipation opiniâtre, une alimentation hyperprotidique et
ulcères gastroduodénaux ou plus rarement compliquer une toutes les autres causes habituelles d’aggravation de la cirrhose.
gastropathie d’hypertension portale. Elles se manifestent par un La survenue d’une encéphalopathie est favorisée par un gros
syndrome anémique aigu, avec parfois hypotension, voire état de shunt portocave, soit thérapeutique (TIPS, chirurgical), soit
choc, une hématémèse et/ou un méléna. Celui-ci a pu passer spontané (reperméabilisation de la veine ombilicale ou shunt
inaperçu et doit être recherché soigneusement par l’interrogatoire splénorénal).
et le toucher rectal chez tout patient cirrhotique qui décompense.
Une hémorragie digestive est une urgence qui impose un Traitement
transfert dans une unité de soins intensifs ou de réanimation
Prévention
par un transport médicalisé d’urgence, au cours duquel une voie
veineuse de bonne taille doit être posée. Outre la prise en Elle est essentielle. Les médicaments sédatifs sont interdits, y
charge symptomatique du syndrome hémorragique, le traite- compris les hypnotiques, dans la cirrhose décompensée. Il
ment repose sur les traitements vasoactifs par octréotide ou convient de respecter les contre-indications des diurétiques.

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Lactulose ou lactitol sont administrés per os ou en lavement [4] Tian C, Stokowski RP, Kershenobich D, Ballinger DG, Hinds DA.
en cas d’hémorragie digestive ou de constipation. Variant in PNPLA3 is associated with alcoholic liver disease. Nat Genet
2009;42:21-3.
Curatif [5] Naveau S. Hépatite alcoolique aigue. EMC (Elsevier Masson SAS,
Il s’agit surtout du traitement de la cause déclenchante. Le Paris), Hépatologie, 7-036-A-10, 2009.
traitement par lactulose ou lactitol est discuté : il doit être [6] Naveau S, Montembault S, Balian A, Giraud V, Aubert A, Abella A,
et al. Diagnostic biologique du type d’hepatopathie chez des malades
prescrit à une posologie permettant une à deux selles molles par
alcooliques ayant des tests biologiques hepatiques anormaux.
jour, en évitant toute diarrhée pouvant être cause de déshydra-
Gastroenterol Clin Biol 1999;23:1215-24.
tation. Il est administré en lavement trois fois par jour chez un
[7] Pol S, Carnot F, Nalpas B, Lagneau JL, Fontaine H, Serpaggi J, et al.
patient inconscient. Reversibility of hepatitis C virus-related cirrhosis. Hum Pathol 2004;
La transplantation hépatique peut être indiquée dans les 35:107-12.
formes chroniques ou récidivantes. [8] Falize L, Guillygomarc’h A, Perrin M, Laine F, Guyader D, Brissot P,
et al. Reversibility of hepatic fibrosis in treated genetic
hemochromatosis: a study of 36 cases. Hepatology 2006;44:472-7.
Ictère [9] Rueff B. Histoire naturelle des maladies alcooliques du foie. In:
La survenue d’un ictère peut révéler une infection, une Rueff B, editor. Alcoologie clinique. Paris: Médecine-Sciences-
poussée d’hépatite alcoolique ou une hémolyse liée à la cirrhose Flammarion; 1989. p. 88.
(bilirubine libre). Il témoigne de l’aggravation de l’insuffisance [10] Veldt B, Lainé F, Guillygomarc’h A, Lauvin L, Boudjema K,
Messner M, et al. Indication of liver transplantation in severe alcoholic
hépatique, mais doit faire éliminer un obstacle ou une infiltra-
liver cirrhosis: quantitative evaluation and optimal timing. J Hepatol
tion tumorale.
2002;36:93-8.
[11] Moirand R, Deugnier Y. Prise en charge et surveillance de la cirrhose.
Carcinome hépatocellulaire EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Hépatologie. 7-034-B-12, 2000 :
8p.
Cette complication survient chez 1 % à 5 % des patients, [12] HAS. critères diagnostiques et bilan initial de la cirrhose non compli-
même après sevrage prolongé. Il justifie le dépistage systémati- quée. 2009 [updated 2009; cited]; Available from: http://www.has-
que si l’espérance de vie est correcte, car la découverte de sante.fr/portail/jcms/c_476486/criteres-diagnostiques-et-bilan-initial-
nodules asymptomatiques peut permettre un traitement curatif. de-la-cirrhose-non-compliquee.
En revanche, il peut révéler la cirrhose, soit par sa découverte [13] Gaiani S, Gramantieri L, Venturoli N, Piscaglia F, Siringo S,
fortuite sur une échographie ou un scanner, soit par la décom- D’Errico A, et al. What is the criterion for differentiating chronic
pensation de celle-ci lorsqu’il est évolué. Dans ce dernier cas, la hepatitis from compensated cirrhosis? A prospective study comparing
prise en charge est purement symptomatique et le pronostic ultrasonography and percutaneous liver biopsy. J Hepatol 1997;27:
979-85 [see comments].
limité à quelques mois.
[14] Turlin B, Deugnier Y. Anatomopathologie des cirrhoses hépatiques et
des lésions prénéoplasiques. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Hépatite alcoolique grave [5] Hépatologie, 7-034-A-10, 1996 : 8p.
[15] Richecoeur M, Klotz F, Grippari J, Rey P. Ponction biopsie hépatique:
Il s’agit d’un tableau de décompensation ictérique d’une
technique, incidents, accidents. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
cirrhose, avec insuffisance hépatocellulaire importante, plus ou Hépatologie, 7-010-A-10, 2000 : 8p.
moins de l’ascite. Il s’y associe parfois une fièvre modérée. Le [16] HAS. Méthodes non invasives de mesure de la fibrose/cirrhose
tableau clinique, biologique et d’imagerie est donc celui d’une hépatique. 2008 [updated 2008; cited];Available from: http://www.has-
cirrhose évidente, avec en plus une cytolyse modérée prédomi- sante.fr/portail/jcms/c_476401/methodes-non-invasives-devaluation-
nant en ASAT et une hyper-cGT importante. L’évolution peut se de-la-fibrose/cirrhose-hepatique.
faire rapidement vers le décès par insuffisance hépatocellulaire [17] Hamberg KJ, Carstensen B, Sorensen TI, Eghoje K. Accuracy of
terminale. Elle impose donc l’hospitalisation en urgence pour clinical diagnosis of cirrhosis among alcohol-abusing men. J Clin
sevrage, voire corticothérapie en l’absence d’amélioration rapide. Epidemiol 1996;49:1295-301.
La mortalité à 2 mois est de 30 % à 80 % ; elle est divisée par [18] Moirand R, Le Gruyer A, Le Lan C, Brissot P, Loréal O. Marqueurs
deux par la corticothérapie. biologiques de l’alcoolisme. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Hépatologie, 7-007-B-60, 2010.
[19] Cohen JA, Kaplan MD. The SGOT/SGPT ratio: an indicator of

■ Conclusion
alcoholic liver disease. Dig Dis Sci 1979;24:835-8.
[20] Les mésusages d’alcool en dehors de la dépendance. Usage à risque -
usage nocif. Recommandations de la Société Française d’Alcoologie.
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dans la vie d’un patient ayant un mésusage d’alcool. Le mieux [21] Fleming MF, Mundt MP, French MT, Manwell LB, Stauffacher EA,
est de la prévenir par le repérage précoce et les interventions Barry KL. Brief physician advice for problem drinkers: long-term
brèves sur les problèmes d’alcool. Lorsque la cirrhose est efficacy and benefit-cost analysis. Alcoholism 2002;26:36-43.
constituée, l’arrêt de la consommation d’alcool peut permettre [22] Société Française d’Alcoologie. 2e conférence de consensus. Modali-
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10 Traité de Médecine Akos

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Cirrhose alcoolique ¶ 4-0325

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R. Moirand (romain.moirand@univ-rennes1.fr).
UF d’addictologie, Service des maladies du foie, Hôpital Pontchaillou, Centre hospitalier universitaire de Rennes, rue Henri-le-Guilloux, 35033 Rennes cedex,
France.
Centre hospitalier universitaire de Rennes, Service des maladies du foie, 35033 Rennes, France.
Inserm, UMR 991, 35000 Rennes, France.
Université de Rennes 1, 35000 Rennes, France.
M. Latournerie.
Centre hospitalier universitaire de Rennes, Service des maladies du foie, 35033 Rennes, France.
Université de Rennes 1, 35000 Rennes, France.
E. Bardou-Jacquet.
Centre hospitalier universitaire de Rennes, Service des maladies du foie, 35033 Rennes, France.
Inserm, UMR 991, 35000 Rennes, France.
Université de Rennes 1, 35000 Rennes, France.
C. Le Lan.
UF d’addictologie, Service des maladies du foie, Hôpital Pontchaillou, Centre hospitalier universitaire de Rennes, rue Henri-le-Guilloux, 35033 Rennes cedex,
France.
Centre hospitalier universitaire de Rennes, Service des maladies du foie, 35033 Rennes, France.
Inserm, UMR 991, 35000 Rennes, France.
P. Brissot.
Centre hospitalier universitaire de Rennes, Service des maladies du foie, 35033 Rennes, France.
Inserm, UMR 991, 35000 Rennes, France.
Université de Rennes 1, 35000 Rennes, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Moirand R., Latournerie M., Bardou-Jacquet E., Le Lan C., Brissot P. Cirrhose alcoolique. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Traité de Médecine Akos, 4-0325, 2011.

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Trois coupes de tomodensitométrie au même niveau, avant (a) injection de produit de contraste, puis en phase artérielle (b) et
veineuse (c). Les scanners spiralés permettent une acquisition de tout le foie en une seule apnée, ce qui permet à la phase
artérielle une concentration importante de produit de contraste dans l'aorte (b, flèche) et donc de visualiser les branches de l'artère
hépatique (b, tête de flèche) et à la phase veineuse d'étudier le retour porte (c, flèche) et sus-hépatique.
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Coupe histologique à fort grossissement montrant des hépatocytes clarifiés, ballonisés et un infiltrat inflammatoire à polynucléaires.
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Coupe histologique montrant une stéatose hépatocytaire massive sous forme de vacuoles optiquement vides.
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Mise en évidence au sein d'un foie de cirrhose d'un nodule hypervascularisé au temps artériel (a, flèche) de 2 cm. Noter la
splénomégalie (a, astérisque). Au temps veineux tardif (b), disparition du nodule. Le carcinome hépatocellulaire a été prouvé
histologiquement et traité par radiofréquence. La cicatrice de radiofréquence (c, flèche) et la branche droite du tronc porte (c, têtes
de flèche) sont visibles. Dans les suites, la surveillance a montré une thrombose cruorique partielle du tronc splénomésaraïque (d,
flèches) qui a régressé ultérieurement sous anticoagulant. Patient en rémission complète à 1 an et demi de suivi.
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Varices cardiotubérositaires vues en retournement en fibroscopie oeso-gastro-duodénale.
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Iconographie supplémentaire 7
Coupe échographique d'un foie cirrhotique montrant l'aspect hétérogène de façon diffuse du parenchyme et l'ascite périhépatique.
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Iconographie supplémentaire 8
Coupe échographique verticale du lobe gauche, passant dans l'axe de la veine sus-hépatique gauche, montrant le parenchyme
hétérogène de façon diffuse, les contours bosselés et la veine sus-hépatique irrégulière et déformée.
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Iconographie supplémentaire 9
Coupe tomodensitométrie d'un foie cirrhotique. Noter les contours bosselés (têtes de flèches), rendus bien visibles par l'ascite
périhépatique (flèche), et la splénomégalie (astérisque).

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Vidéo/Animation 1
Varices oesophagiennes de petite taille au cours d'une endoscopie digestive.
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Vidéo/Animation 2
Varices oesophagiennes se prolongeant dans le cardia. Endoscopie digestive.
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Vidéo/Animation 3
Endoscopie digestive. Réalisation d'une ligature endoscopique : mise en place du ligateur.
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Vidéo/Animation 4
Réalisation d'une ligature endoscopique de varices oesophagiennes : mise en place de l'élastique.
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