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Oto-rhino-laryngologie

B 202

Angines
Étiologie, diagnostic, évolution, traitement
PR Jean-Jacques PESSEY
Service ORL et chirurgie cervico-faciale, CHU de Rangueil, 31043 Toulouse Cedex.

Points Forts à comprendre senté (11 % de la totalité des angines de l’adulte jusqu’à
50 % en période épidémique chez l’enfant). Les autres
streptocoques hémolytiques des groupes B, C et G sont
• Infection ou inflammation des amygdales plus rares. Parmi les autres bactéries, on peut retenir
palatines, l’angine aiguë est extrêmement l’association fuso-spirillaire, Corynebacterium diphtérie,
fréquente (plus de 8 millions par an, en France) Mycoplasma pneumoniæ et Arcanobacterium hæmolyticum
et dominée par le problème du streptocoque sont exceptionnellement impliqués. En ce qui concerne
du groupe A et de ses complications. Staphylococcus aureus, Hæmophilus influenzæ et
• Sachant qu’il n’existe aucune corrélation Streptococcus pneumoniæ, leur fréquence de portage
bactério-clinique, il n’est pas possible, chez l’enfant est grande et leur rôle pathogène demeure
sur la symptomatologie ou les caractères douteux.
de l’angine, de différencier les angines virales,
les plus fréquentes, des angines streptococciques.
Il est donc licite, actuellement, de traiter toutes
les angines.
Diagnostic
• L’arrivée et surtout la fiabilité des tests rapides D’une manière générale, la symptomatologie d’une
d’identification du streptocoque A devraient angine aiguë associe : une fièvre, des douleurs pharyngées
permettre, dans les années à venir, de modifier avec otalgie réflexe, une dysphagie, des modifications
cette attitude. des amygdales et de la muqueuse pharyngée.
L’examen permet ainsi de distinguer différentes variétés :
les angines érythémateuses, de loin les plus fréquentes,
les angines érythémato-pultacées et, enfin, les angines
Étiologie pseudo-membraneuses ou ulcéreuses.
Il était classique de différencier l’angine virale avec
L’oropharynx est le siège d’une flore microbienne riche amygdales érythémateuses, toux, obstruction nasale,
et variée appartenant à la flore commensale, c’est-à-dire adénopathies multiples, de l’angine bactérienne asso-
une flore constituée d’espèces non pathogènes. Elle ciant une angine érythémato-pultacée, une fièvre élevée,
constitue un degré de protection contre l’infection à des vomissements et une adénopathie en position sous-
point de départ oropharyngé. Cette flore commensale digastrique. En fait, toutes les études ont parfaitement
subit des variations quantitatives et qualitatives. montré qu’il n’y avait aucune corrélation bactério-
clinique et qu’il n’était pas possible – en dehors de
certaines situations particulières – de différencier une
Origine virale angine virale d’une angine bactérienne, notamment
en ce qui concerne les données de l’examen de l’oro-
Quarante à 80 % des angines sont d’origine virale. Les pharynx.
virus les plus fréquemment en cause semblent être : Dans certains cas, l’aspect, la topographie, le contexte
rhinovirus, coronavirus, virus de la grippe, virus para- permettent tout de même d’orienter le diagnostic et la
influenza. Parmi les autres virus, certains comportent démarche pratique.
une sémiologie particulière qui a le mérite d’être évoca-
trice : herpes simplex, coxsackie A, adénovirus, virus
d’Epstein-Barr. Angines à fausses membranes
Elles se présentent avec un dépôt fibrineux blanc grisâtre,
Origine bactérienne s’étendant vers le voile. Deux diagnostics peuvent être
retenus.
Elles sont retrouvées dans une proportion qui varie de • La mononucléose infectieuse est la cause la plus
20 à 40 % des cas au maximum : le streptocoque du habituelle actuellement en France. Il faut l’envisager
groupe A (SGA) demeure le plus fréquemment repré- devant l’association d’un purpura pétéchial du voile, une

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haleine fétide, des adénopathies diffuses, une Angines à adénovirus ou virus APC
asthénie, une hépatosplénomégalie. Elle est rencontrée (adenoidal pharyngeal conjonctival)
essentiellement chez l’adolescent et l’adulte jeune.
Elles s’observent dans les collectivités d’enfants et se
• La diphtérie doit être évoquée malgré la vaccination
manifestent par une fièvre modérée, une pharyngite éry-
obligatoire, susceptible de provoquer des épidémies
thémateuse avec adénopathies bilatérales ; l’élément
comme dans l’ex-Union soviétique. La fausse membrane
important, mais inconstant, est l’existence d’une
est grisâtre, adhérente, se reproduit facilement après
conjonctivite bilatérale.
exérèse et tend à s’étendre au-delà de la loge amygda-
lienne ; des adénopathies cervicales et un coryza muco-
purulent sont souvent associés à une hyperthermie à Angines des maladies infectieuses
38 °C, un malaise général et des signes toxiques. Le
prélèvement de gorge est obligatoire et montre la L’angine de la scarlatine est une angine érythémateuse
présence d’un bacille de Klebs-Loeffler. L’absence de diffuse. Il faut citer les angines de la typhoïde, de la
vaccination et (ou) le séjour en pays d’endémie sont des rubéole, de la rougeole, de la varicelle.
arguments complémentaires déterminants.

Examens complémentaires
Angine ulcéreuse
ou ulcéro-nécrotique Diagnostic microbiologique
Deux formes de cette angine peuvent être évoquées. 1. Culture du prélèvement pharyngé
• Une angine fuso-spirillaire de Vincent est favorisée,
le plus souvent, par une mauvaise hygiène bucco-dentaire. Réalisé dans 3 % des cas par les praticiens français, le
Unilatérale, elle se rencontre essentiellement chez prélèvement de gorge reste l’examen fondamental pour
l’adolescent et se présente avec une fausse membrane préciser l’étiologie de l’angine. Il est effectué par grattage
blanc grisâtre, friable, évoluant vers l’ulcération, une appuyé des 2 loges amygdaliennes, en évitant de toucher
haleine fétide ; la douleur unilatérale est intense avec la langue ou la face interne de la joue. L’acheminement
du prélèvement au laboratoire doit être rapide et réalisé
une fièvre peu importante.
dans un milieu de transport. Si l’examen direct suffit
• Les angines ulcéreuses des hémopathies sont généra-
pour le diagnostic d’angine de Vincent, il n’est que pré-
lement bilatérales associées à d’autres symptômes
somptif pour le diagnostic de diphtérie. Pour l’identifi-
(adénopathies, pétéchies, hémorragies…).
cation de streptocoques à pyogènes, la culture est la
méthode de référence. Le résultat est obtenu dans un
délai de 1 à 2 jours.
Angine vésiculeuse
2. Tests rapides d’identification du streptocoque
Elle est caractérisée par la présence d’une ou plusieurs La paroi du streptocoque du groupe A contient un poly-
vésicules complètes ou rompues donnant alors des oside C responsable de la spécificité. Le principe de ces
exulcérations minimes recouvertes d’un enduit jaunâtre tests repose sur l’extraction de cet antigène A de la paroi
et cerclées d’un halo érythémateux. Habituellement, bactérienne directement à partir de l’écouvillonnage de
ces causes sont toujours virales mais, bien entendu, une gorge. Cette méthode permet un diagnostic en moins de
surinfection bactérienne est possible. On peut indivi- 10 min au cabinet du médecin. Ces tests ne sont pas
dualiser 2 formes. encore diffusés en France pour des raisons d’ordre régle-
• L’angine herpétique est due à herpès simplex, virus mentaire et de prise en charge. Les facteurs limitants sont
type I, avec un début brutal marqué par de la fièvre, une essentiellement une extraction mauvaise et surtout un
douleur pharyngée avec odynophagie. Au début, il écouvillonnage peu chargé ou mal adapté, ce qui
existe des vésicules sur les régions amygdaliennes qui souligne l’importance de la technique de prélèvement.
peuvent confluer en éléments plus vastes à contours La spécificité de ces tests est voisine de 95 % et la sensi-
polycycliques. On peut retrouver d’autres ulcérations bilité supérieure à 90%.
sur l’ensemble de la cavité buccale et notamment les
gencives.
• L’herpangine est due à des entérovirus (coxsackie Examens biologiques ou sérologies
du groupe A) et survient surtout chez l’enfant âgé
de moins de 7 ans, en période estivale et survenant Ces examens sont à discuter, cas par cas, et n’ont qu’une
par poussées épidémiques. Les lésions vésiculeuses place minime dans le diagnostic des angines aiguës. La
siègent uniquement au niveau de l’oropharynx qui, en première indication est l’angine pseudo-membraneuse avec
se rompant, laissent des exulcérations régulières, le test de la mononucléose infectieuse (MNI). La numéra-
arrondies. La guérison spontanée survient habituel- tion formule sanguine est souhaitable dans les angines
lement en une semaine. ulcéreuses et ulcéro-nécrotiques pour éliminer une hémo-

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pathie ; enfin, la recherche d’une protéinurie à la 3e semaine 2. Complications inflammatoires


après une angine présumée streptococcique, peut être post-streptococciques
indiquée car l’antibiothérapie ne prévient pas les gloméru-
lonéphrites aiguës post-streptococciques pharyngées. C’est l’ensemble des complications non suppurées et
non toxiques des infections streptococciques, à savoir
les complications immunologiques. On définit des syn-
Antistreptolysine (ASLO) dromes mineurs comme l’érythème noueux ou des
Les antistreptolysines ne sont pas les seuls anticorps manifestations articulaires isolées et des syndromes
anti-streptococciques. On peut aussi titrer les anti-strepto- majeurs comme le rhumatisme articulaire aigu, la glomé-
kinases (ASK), les anti-streptohyaluronidases (ASH), rulonéphrite aiguë ou la chorée.
les anti-désoxyribonucléases (DNASE). Après une • Le rhumatisme articulaire aigu n’a pas une physio-
infection, il se produit une élévation significative des pathologie clairement établie. La crise peut apparaître
taux de ces anticorps, mais on sait que le taux est normal dans 30 à 50 % des cas en l’absence d’antécédent
dans 20 % des angines à streptocoque A, qu’il est variable clinique d’amygdalite. Dans les pays en voie de déve-
d’un sujet à l’autre, et que ce taux peut s’élever de 1 à n loppement, on incrimine surtout les mauvaises condi-
années après une angine streptococcique. Il est ainsi tions d’hygiène, le niveau économique bas, la dénutrition.
important de souligner qu’un titre élevé d’antistreptolysine Quelques points paraissent cependant importants : l’angine
(> 200 U) témoigne seulement d’un antécédent strepto- à streptocoque du groupe A non traitée ne se complique
coccique. Associé à des signes cliniques évocateurs et à un de rhumatisme articulaire aigu que dans 1 à 3% des cas
syndrome inflammatoire, ce dosage peut contribuer à un suivant les années et plus sûrement suivant les sérotypes
diagnostic de syndrome inflammatoire post-strepto- en cause. Par ailleurs, le risque de rhumatisme articulaire
coccique, mais en aucun cas un taux élevé et isolé aigu est d’autant plus grand que les signes d’angine sont
d’antistreptolysine ne justifie à lui seul une antibio- discrets, car ils sont alors négligés. On a vu apparaître en
thérapie prolongée. 1985 aux États-Unis des épidémies frappant des enfants
blancs de classe socio-économique moyenne. Dans plus
de la moitié des cas, les enfants n’avaient pas eu d’épisode
Évolution pharyngé symptomatique dans les 3 mois précédant la
poussée. Ces résurgences ne semblent pas liées aux
Les angines évoluent le plus souvent favorablement en habitudes thérapeutiques de ce pays, mais plutôt à
3-4 jours, même en l’absence de traitement, mais elles l’existence de souches appartenant généralement à cer-
peuvent donner lieu à des complications. tains sérotypes M1, M3, M18, dont le caractère particu-
lièrement mucoïde pourrait être responsable d’une aug-
Complications mentation de la virulence et de la capacité à provoquer
un rhumatisme articulaire aigu. Il semble donc important
1. Complications locorégionales de surveiller l’apparition éventuelle de telles souches
dans notre pays. Les résultats d’une enquête nationale
• Le phlegmon périamygdalien est une suppuration de récente permettent de dire que le rhumatisme articulaire
l’atmosphère celluleuse extracapsulaire de la loge
aigu est devenu une maladie virtuelle avec environ
amygdalienne, à point de départ amygdalien. Dans 80%
10 nouveaux cas chaque année en France.
des cas, il est de localisation antéro-supérieure.
• La glomérulonéphrite aiguë est liée à la mise en
L’agent microbien habituel de ces phlegmons périamyg-
circulation de complexes immuns circulants apparais-
daliens est dans l’immense majorité des cas le strepto-
sant 10 à 20 jours après l’angine streptococcique et se
coque du groupe A, les bactéries anaérobies venant en
seconde position. révélant par une hématurie, une protéinurie et des
La symptomatologie associe une douleur pharyngée œdèmes.
unilatérale intense, une odynophagie, un état général • Les néphropathies se voient surtout entre 10 et 30 ans
altéré avec une fièvre élevée à 39-40 °C. et sont caractérisées par la succession de poussées
L’examen, souvent gêné par le trismus, retrouve une aiguës (purpura cutanéo-muqueux, hématurie) contem-
tuméfaction de la partie supérieure du pilier antérieur, poraines d’infection des voies aériennes supérieures.
une luette déviée du côté controlatéral, œdématiée,
translucide et une amygdale refoulée en dedans. 3. Choc toxinique
• L’adénophlegmon est l’apanage du petit nourrisson et Le tableau clinique associe une fièvre, une hypotension,
se manifeste par une tuméfaction ganglionnaire majeure, des troubles de la conscience, une éruption à type de
avec fièvre, fluctuation, rougeur de la peau. cellulite localisée avec des vésicules ou bien à type de
• Les suppurations profondes, phlegmons rétro- et rash scarlatiniforme suivi de desquamation et, enfin, une
latéro-pharyngés, sont rares et à partir d’éléments défaillance multiviscérale (respiratoire, rénale, hépa-
cliniques distinctifs, il est possible de différencier le tique et cardiaque). Les steptocoques A sont souvent de
phlegmon rétropharyngé, le phlegmon préstylien et le sérotype M1 et produisent la toxine érythrogène A, B ou
phlegmon rétrostylien. C. Le taux de mortalité se situe entre 20 et 30%.

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Angines récidivantes Attitude thérapeutique

Cette entité particulière résulte soit d’une récidive Du fait de l’absence de corrélation bactério-clinique,
précoce après un épisode traité, soit d’une fréquence 3 attitudes peuvent se concevoir.
anormalement élevée d’angine aiguë chez un patient
donné. On peut considérer que l’angine est récidivante à 1. Traitement antibiotique systématique
partir d’au moins 3 épisodes en 12 mois ou 5 épisodes de toutes les angines
en 2 ans. C’est l’attitude en France, puisque 90% des angines font
• L’étude du profil bactérien de ces angines récidi- l’objet d’une prescription. En fait, il est aléatoire de penser
vantes apparaît parfois difficile du fait des différences que cette attitude maximaliste a permis d’éradiquer le
entre la flore intra-amygdalienne et celle prélevée en rhumatisme articulaire aigu, puisque celui-ci avait
surface. Ces prélèvements montrent toujours un nombre régressé avant l’ère des antibiotiques et qu’il pourrait
particulièrement élevé d’espèces. Parmi ces espèces, on réapparaître si des modifications biologiques du strepto-
note la présence de streptocoque du groupe A représen- coque se produisaient. De plus, cette consommation
tant environ 20 % des causes bactériennes, mais aussi massive d’antibiotiques comporte un impact écologique
des streptocoques des groupes C et G. On peut égale- avec la possibilité de modification de flore, l’augmentation
ment retenir la présence d’Hæmophilus influenzæ, de des souches productrices de bêtalactamases, l’augmen-
Staphylococcus aureus ; la flore intra-amygdalienne se tation des résistances, sans oublier les éventuels effets
caractérisant essentiellement par la présence de indésirables et, bien sûr, le coût.
Moraxella catarrhalis, d’entérobactéries et des anaérobies
dont des fuso-bactéries. 2. Prélèvement de gorge systématique
• Les facteurs à l’origine de ces angines récidivantes pour culture et isolement
sont apparemment multiples. Les infections répétées Cette attitude, préconisée dans de nombreux pays,
engendrent des modifications anatomiques et histolo- implique un délai d’au moins 48 h pour débuter l’antibio-
giques induisant un phénomène de fibrose pouvant par- thérapie de l’angine streptococcique. Cela n’est absolu-
fois évoluer vers une amygdalite chronique. La pénétra- ment pas risqué par rapport aux complications inflam-
tion tissulaire de l’antibiotique dans l’amygdale se matoires post-streptococciques, puisqu’il a été prouvé
trouve de ce fait considérablement diminuée. Par que ce délai pouvait être de 7 à 8 jours sans majoration
ailleurs, un déséquilibre de la flore commensale apparaît du risque.
au niveau de l’amygdale. Un état bactériologique
instable, créé par la diminution de portage, notamment 3. Utilisation des tests de diagnostic rapide
de streptocoque alpha en rapport avec l’usage répété Ces tests permettraient de ne traiter que si la réponse est
d’antibiotiques, serait donc propice au développement positive.
de souches pathogènes dont le streptocoque A. Deux Compte tenu de l’implication du streptocoque du groupe
autres facteurs paraissent à l’origine de récidives : bacté- A dans 30% environ des angines aiguës, de la très faible
riologiques avec la théorie, bien que discutée, de la incidence du rhumatisme articulaire aigu en France, du
pathogénie indirecte qui résulte de l’activité lytique des caractère inconstant de l’angine et des incertitudes des
bêtalactamases sécrétée par les germes de la flore traitements reçus, il est légitime de remettre en question
commensale sur la pénicilline. On note par ailleurs le traitement systématique de toutes les angines aiguës à
depuis quelques années l’apparition de souches de condition d’utiliser les tests de diagnostic rapide.
streptocoques « tolérants » à la pénicilline ; l’inobser-
vance du traitement par la pénicilline. En effet, l’une Antibiothérapie de l’angine aiguë
des dernières hypothèses pouvant expliquer l’apparition
de réinfections après un traitement par la pénicilline • La pénicilline est l’antibiothérapie dite de « référence »,
tient à l’inobservance de l’antibiothérapie. En effet, la cible essentielle étant le streptocoque du groupe A
la posologie de cet antibiotique implique, pour assurer avec un schéma thérapeutique bien codifié :
l’éradication du streptocoque, 10 jours de traitement – pénicilline V (Oracilline) : 50 000 à 100 000 UI kg/j
à raison de 3 prises quotidiennes. Une telle posologie chez l’enfant, 1 à 3 millions chez l’adulte, 3 prises par
est rarement respectée, une fois les symptômes disparus. jour pendant 10 j;
– benzathine-pénicilline G (Extencilline), 600 000 UI
chez l’enfant de moins de 25 kg, 1,2 M au-delà,
Traitement 1 injection intramusculaire.
• L’alternative officielle en cas d’allergie aux amino-
Le problème essentiel des angines aiguës étant le strep- pénicillines est représentée par la classe des macrolides
tocoque du groupe A, l’antibiothérapie est dictée par (érythromycine-azithromycine-clarithromycine) avec
3 impératifs : prévenir le risque de complications immuno- une efficacité clinique et bactériologique identique. Le
logiques, suppurées ou toxiques ; réduire le risque de cotrimoxazole, les cyclines ne sont pas recommandées
transmission à l’entourage, améliorer plus rapidement du fait d’un taux de résistance trop élevé du strepto-
les symptômes. coque à leur égard.

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Oto-rhino-laryngologie

• Des études de traitement raccourci avec des céphalo-


sporines orales de 2e et 3e générations et des macrolides,
ont été réalisées sur une période de 5 j et moins avec une
activité comparable à celle de la pénicilline, dans la
mesure où un traitement de 10 j n’est pas toujours suivi.
• Les angines récidivantes font appel dans un 1er temps
au traitement de référence classique. En cas de nouvelle
récidive, il faut faire appel aux molécules diffusant suffi-
samment dans les amygdales fibrosées, c’est-à-dire essen-
tiellement les céphalosporines orales et la clindamycine.
• Le traitement du phlegmon périamygdalien associe
une antibiothérapie et un drainage chirurgical.

Amygdalectomie
Les indications de l’amygdalectomie sont actuellement
parfaitement bien codifiées : chez l’enfant, on peut retenir
la fréquence des épisodes d’angine aiguë et l’hyper-
trophie obstructive des amygdales palatines. En ce qui
concerne cette intervention chez l’enfant allergique, de
nombreuses études ont montré qu’il n’y avait aucun
argument immunologique de nature à contre-indiquer
l’amygdalectomie chez l’atopique. Il faut retenir
quelques précautions lorsqu’on porte ces indications
chez de tels sujets et notamment la nécessité d’une
confrontation entre oto-rhino-laryngologiste, pédiatre et
allergologue.
Chez l’adulte, l’amygdalectomie doit être proposée
devant des angines récidivantes, des antécédents de
phlegmon périamygdalien ou l’existence d’amygdalite
cryptique chronique. ■

POUR EN SAVOIR PLUS


Cohen R, Chaumette L, Bingen E et al. L’avenir dans l’angine : les tests
de diagnostic rapide. Med Mal Infect 1997 ; 27 (spécial) : 424-33.
Gehanno P, Portier H, Longuet P et al. Le point actuel sur l’épidémio-
logie des angines aiguës et des syndromes post-streptococciques.
Rev Prat 1992 ; 42 : 284-7.
Olivier C, Portier H, Cohen R et al. Rhumatisme articulaire aigu :
résultats d’une enquête nationale (1995-1997). BEH 1999 ; n° 12 : 45-7.
Robier A, Narcy P. Les angines. Pathologie cervico-maxillo-faciale.
Paris : Doin, 1992 : 51-6.

Points Forts à retenir

• L’angine aiguë associe une fièvre,


une douleur à la déglutition, des modifications
de l’aspect de l’oropharynx.
• Il n’existe pas de corrélation bactério-
clinique pour différencier les angines virales
et les angines bactériennes.
• L’antibiothérapie est réservée aux seules
angines streptococciques mais, dans l’attente de
l’utilisation des tests de diagnostic rapides, il est
raisonnable de traiter toutes les angines aiguës.

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Oto-rhino-laryngologie
B 207

Cancers de l’hypopharynx
et du larynx
Épidémiologie, diagnostic, complications à long terme du traitement
DR Xavier PASQUESOONE, PR Dominique CHEVALIER
Service ORL, hôpital Huriez, CHRU 59037 Lille Cedex

Points Forts à comprendre Facteurs prédisposants


L’association tabac alcool est quasi constante pour ces
• Les cancers du larynx et de l’hypopharynx patients ayant un cancer de l’hypopharynx. Le risque
concernent essentiellement l’homme ayant encouru est fortement potentialisé par l’action synergique
une intoxication mixte alcoolo-tabagique. du tabac et de l’alcool. La mauvaise hygiène bucco-
• Ce sont des cancers fréquents. Le diagnostic dentaire, certains facteurs alimentaires, la répartition
est encore trop souvent tardif. Le diagnostic socioprofessionnelle et certains facteurs génétiques
doit être évoqué et nécessiter une consultation semblent entrer en ligne de compte.
spécialisée pour un patient « à risque »
présentant une dysphonie persistante
ou des signes plus discrets comme une gêne Diagnostic
pharyngée, une dysphagie, une otalgie
ou une adénopathie cervicale suspecte. 1. Circonstances de découverte
• Le diagnostic est confirmé par l’endoscopie • La gêne pharyngée est discrète, caractérisée par un
avec biopsie. accrochage à l’alimentation ou par une sensation de
• La prise en charge thérapeutique est fonction corps étranger. À un stade plus tardif, une dysphagie
d’un bilan précis qui est systématiquement haute peut apparaître.
réalisé. Bilan qui permet de connaître • Une odynophagie peut être révélatrice (douleurs
la topographie exacte de la tumeur irradiant à l’oreille lors de la déglutition).
et de rechercher une 2e localisation associée. • La dysphonie et la dyspnée sont des signes tardifs.
• Au terme de ce bilan, une décision • Une adénopathie cervicale métastatique peut être
thérapeutique lors d’une consultation révélatrice d’un cancer de l’hypopharynx.
pluridisciplinaire sera prise. • Un amaigrissement, une hypersialorrhée et une
odeur nécrotique de l’haleine sont des signes plus tardifs.
2. Examen clinique
La laryngoscopie indirecte au miroir est souvent associée
à la fibroscopie nasolaryngée surtout pour les patients
Cancer de l’hypopharynx dont le réflexe nauséeux est important.
Cet examen permet de visualiser la lésion au niveau
Épidémiologie pharyngé et d’en apprécier son aspect macroscopique
(lésion bourgeonnante, ulcérée). Parfois les signes sont
Les cancers de l’hypopharynx représentent 10 à 15 % plus trompeurs, limités à un simple comblement du
des cancers des voies aérodigestives supérieures. sinus piriforme ou à une stase salivaire.
Parmi les cancers hypopharyngés, le cancer du sinus L’inspection de la cavité buccale et du pharyngolarynx
piriforme est le plus fréquent (85 à 89 % des cas). recherche une autre localisation associée et apprécie
Ces cancers s’observent essentiellement chez l’homme l’état buccodentaire du patient.
(95 % des cas). L’âge moyen de survenue est de 55 ans. La palpation cervicale recherche une déformation du
En revanche, les cancers rétro-crico-aryténoïdiens fût laryngé et étudie de manière méthodique les aires
surviennent surtout chez la femme avec une ganglionnaires bilatérales.
association fréquente avec une anémie sidéropénique Un schéma détaillé et daté est réalisé à l’issue de cet
(syndrome de Kelly-Paterson) essentiellement dans examen, ainsi que la classification TNM (tumor-node-
les pays anglo-saxons. metastasis) [voir : Pour approfondir 1].

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C A N C E R S D E L’ H Y P O P H A RY N X E T D U L A RY N X

Diagnostic différentiel

Il n’y a pas à proprement parler de diagnostic différentiel.


Il se pose avec des tumeurs bénignes (fibrome,
schwannome) ou une réaction inflammatoire de l’hypo-
pharynx à la suite d’un traumatisme par un corps
étranger alimentaire.

Complications à long terme


du traitement
Les principaux traitements sont : la radiothérapie
exclusive, la chirurgie suivie de radiothérapie. Des
essais de radiochimiothérapie sont en cours d’évaluation
1 Scanner cervical en coupes axiales avec injection : en vue d’une préservation laryngée.
patient présentant un carcinome épidermoïde du sinus piri- La décision thérapeutique se fait toujours lors d’une
forme gauche. L’imagerie scanographique retrouve une consultation pluridisciplinaire (voir : Pour approfondir 2).
volumineuse prise de contraste au niveau du sinus piriforme • Après radiothérapie, les principales complications
droit avec une extension extralaryngée . sont : l’asialie quasi constante, l’ostéoradionécrose si le
traitement par le fluor n’est pas suivi par le patient, la
sclérose cervicale.
Bilan d’extension • Après chimiothérapie, des complications auditives ou
rénales (sels de platine) et cardiaques (5 fluoro-uracile)
• La tomodensitométrie (fig. 1) permet d’évaluer l’ex- peuvent s’installer.
tension tumorale, l’infiltration du mur pharyngolaryngé • Après chirurgie large, incluant une laryngectomie
et de l’aile thyroïdienne, la présence d’adénopathie totale : une dysphagie par sténose de l’entonnoir
cervicale ou rétropharyngée. pharyngé est peu fréquente. La principale séquelle est la
• L’imagerie par résonance magnétique reste d’un mutilation vocale avec trachéotomie définitive. La
intérêt très limité. rééducation par voix œsophagienne permet de la
• La laryngoscopie directe complétée par une panendo- compenser. L’apparition des prothèses phonatoires a
scopie sous anesthésie générale est systématique. Elle notablement enrichi les possibilités de la rééducation
précise l’extension locale de la tumeur et sa topographie vocale. Les séquelles des curages sont essentiellement
exacte. Les éléments importants à contrôler sont la limite représentées par des troubles moteurs et sensitifs de
inférieure de la lésion par rapport à la bouche de l’œso- l’épaule et du membre supérieur par section nerveuse en
phage, la limite haute à la margelle laryngée ou la région particulier du nerf spinal.
sous-amygdalienne. Enfin, les limites internes au niveau • Séquelles thyroïdiennes : une hypothyroïdie doit tou-
de la paroi pharyngée postérieure et aussi au niveau de jours être recherchée biologiquement après résection
la région rétro-crico-aryténoïdienne. Cet examen endo- thyroïdienne partielle et (ou) après irradiation, et doit
scopique est complété par une panendoscopie permettant être corrigée.
de rechercher une 2e localisation au niveau pharyngo- • Le pronostic des cancers de l’hypopharynx est nette-
laryngé et au niveau de l’œsophage. ment moins favorable que celui des cancers du larynx.
Des biopsies à visée anatomopathologiques sont réalisées. Toutes localisations confondues, la survie est de 15 à
• Extension à distance : la radiographie pulmonaire est 20 % à 5 ans.
systématique. Au moindre doute, un scanner thoracique
est associé. La fibroscopie bronchique peut être demandée.
La fibroscopie digestive est réalisée si l’œsophagoscopie
au tube rigide n’a pas été possible. L’état buccodentaire Cancer du larynx
est contrôlé. L’appréciation de l’état général et la
recherche de tares associées sont systématiques. Épidémiologie

Forme topographique En France, 7,5 % de la mortalité par cancer est due au


cancer du larynx entre 40 et 59 ans. Les régions du Nord
• Le cancer du sinus piriforme est le plus fréquent. Il de la France sont les plus concernées. Ces cancers s’ob-
est rarement limité. Par contre, une infiltration du mur servent essentiellement chez l’homme (95 % des cas)
pharyngolaryngé est souvent présente. entre 45 et 70 ans. La répartition des cancers laryngés
• Les cancers de la paroi pharyngée postérieure et les selon le point de départ est de : 40 à 50% pour l’étage
cancers rétro-crico-aryténoïdiens sont plus rares avec une glottique, 40 à 50 % pour l’étage sus-glottique, 15 %
extension fréquente au niveau de la bouche œsophagienne. pour l’étage sous-glottique.

80 L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0
Oto-rhino-laryngologie

Facteurs prédisposants
• Le tabac reste la cause principale dans l’apparition
des cancers laryngés quel que soit l’étage considéré.
• Le rôle cancérigène direct de l’alcool reste flou.
• Un effet synergique entre le tabac et l’alcool est réel
pour les cancers sus-glottiques.
• D’autres facteurs sont évoqués : exposition prolongée
au nickel, au chrome, à l’arsenic, à l’amiante, à l’acide
sulfurique…
• Le surmenage vocal associé au tabagisme peut être
responsable de laryngite chronique, susceptible de
dégénérer. 2 Scanner cervical en coupes sagittales avec injection :
patient présentant une lésion de la face laryngée de l’épiglotte.
L’imagerie scanographique retrouve une prise de contraste
Diagnostic massive de toute la loge hyo-thyro-épiglottique.

1. Circonstances de découverte
• La dysphonie est le signe majeur de diagnostic puis- • L’imagerie par résonance magnétique est d’un intérêt
qu’elle est présente dans 95 % des cas. Toute dysphonie plus limité actuellement. Pour ne pas gêner l’interprétation
persistant plus de 3 semaines chez un patient tabagique des clichés, l’imagerie doit être, si possible, effectuée
nécessite un examen laryngé. avant l’endoscopie et les biopsies, surtout pour les
• La dyspnée traduit souvent un cancer laryngé évolué. petites tumeurs.
• La gêne pharyngée, la dysphagie, l’otalgie réflexe ou • La laryngoscopie directe complétée par une panendo-
une adénopathie cervicale métastatique sont plus rares scopie sous anesthésie générale est systématique. Elle
et plus tardives. Ces signes concernent surtout les précise l’extension locale de la tumeur en s’aidant éven-
lésions sus-glottiques et les cancers laryngés évolués. tuellement d’optique. Elle recherche une localisation
associée au niveau des voies aérodigestives supérieures.
2. Signes d’examen L’œsophagoscopie et une bronchoscopie sont souvent
• La laryngoscopie indirecte au miroir est souvent réalisées dans le même temps.
associée à la fibroscopie nasolaryngée, surtout pour les • La laryngoscopie directe permet d’effectuer les
patients dont le réflexe nauséeux est important. biopsies nécessaires au diagnostic anatomopathologique
Cet examen permet : de visualiser la topographie de la (le plus souvent ce sont des carcinomes épidermoïdes).
lésion (cordes vocales, épiglotte, sous-glotte…) ; d’appré- • Extension à distance : la radiographie pulmonaire est
cier l’aspect macroscopique de celle-ci (bourgeonnante, systématique. Au moindre doute, un scanner thoracique
ulcérante, infiltrante) ; d’étudier la mobilité laryngée de est associé. La fibroscopie bronchique peut être demandée.
la corde vocale et de l’aryténoïde. Une immobilité La fibroscopie digestive est réalisée si l’œsophagoscopie
aryténoïdienne à la toux et en phonation permet de porter au tube rigide n’a pas été possible. L’état buccodentaire
le diagnostic d’hémilarynx fixé contre-indiquant toute est toujours contrôlé. L’appréciation de l’état général et
chirurgie partielle. la recherche de tares associées sont systématiques.
• La laryngoscopie indirecte ainsi que l’examen à
l’abaisse-langue de la cavité buccale et de l’oropharynx Formes topographiques
recherchent une 2e localisation associée.
• La palpation cervicale des aires ganglionnaires est 1. Cancer glottique
méthodique. Son diagnostic est plus précoce que pour les autres
• Un schéma est réalisé au terme de cet examen préci- localisations et son pronostic meilleur.
sant la localisation tumorale, l’extension tumorale, la La tumeur concerne une ou les 2 cordes vocales. Une
mobilité laryngée bilatérale, la présence d’adénopathie extension à la commissure antérieure peut être associée.
associée. La présence d’adénopathie métastatique est rarement
La classification TNM (voir : Pour approfondir 1) est révélatrice d’un cancer glottique débutant. La mobilité
aussi utilisée. cordale et un bilan endoscopique précis sont des éléments
fondamentaux à apprécier afin de poser au mieux l’indi-
Bilan d’extension cation thérapeutique.

• La tomodensitométrie (fig. 2) permet d’apprécier 2. Cancer sus-glottique


l’extension tumorale au niveau de : la loge hyothyro- Les symptômes sont souvent tardifs, représentés par une
épiglottique ; l’espace paraglottique, la commissure gêne à la déglutition, une otalgie réflexe, une dysphonie.
antérieure, le cartilage, la région sous-glottique et de Plus tardivement, une dyspnée peut apparaître. Une
rechercher des adénopathies cervicales. adénopathie est révélatrice dans 30% des cas.

L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0 81
C A N C E R S D E L’ H Y P O P H A RY N X E T D U L A RY N X

3. Cancer sous-glottique surtout aux liquides, sans complication pulmonaire.


La symptomatologie est tardive : dyspnée progressive, Il en résulte un handicap variable mais difficilement
toux. La gravité de cette localisation est due au drainage prévisible lors du choix thérapeutique.
lymphatique qui se fait vers les chaînes récurrentielles et • Après laryngectomie totale, les séquelles alimentaires
médiastinales supérieures. sont rares car la majeure partie de la muqueuse pharyngée
est conservée. Les sténoses de l’entonnoir pharyngé
4. Cancer étendu à 2 ou 3 étages laryngés sont de ce fait peu fréquentes. Le problème respiratoire
Le point de départ est souvent impossible à préciser. La est réglé par une trachéostomie définitive. La principale
symptomatologie est souvent ancienne et polymorphe. séquelle est la mutilation vocale. Une rééducation post-
Les adénopathies cervicales sont présentes dans plus de opératoire par voie œsophagienne permet de la compenser
30% des cas. avec des résultats qui sont fonction d’un certain nombre
d’éléments : la motivation du patient, son âge, son
environnement familial et socioculturel, sa nervosité.
Diagnostic différentiel L’apparition des prothèses phonatoires a notablement
enrichi les possibilités de réhabilitation vocale ; elles
• La tuberculose laryngée reste rare et peut, dans sa permettent d’obtenir une voix de très bonne qualité dans
forme laryngée, présenter un aspect voisin du cancer du environ 60% des cas avec néanmoins des soins réguliers.
larynx. Elle s’associe toujours à une tuberculose pulmo- • Les séquelles des curages cervicaux sont essentielle-
naire évolutive. ment représentées par les troubles moteurs et sensitifs
• Les laryngocèles sont des diverticules situés dans de l’épaule et du membre supérieur par section nerveuse
l’épaisseur de la bande ventriculaire. L’association en particulier du nerf spinal.
laryngocèle-cancer est classique. • Séquelles thyroïdiennes : une hypothyroïdie doit tou-
• Une paralysie laryngée pose le problème de sa cause jours être recherchée biologiquement après résection
et nécessite un bilan précis. thyroïdienne partielle et (ou) après irradiation et doit
• Les tumeurs bénignes rares sont les schwannomes, être corrigée.
les angiomes et surtout la laryngite chronique qui néces- • Réinsertion des patients laryngectomisés : la laryn-
site une surveillance prolongée et un arrêt du tabac. gectomie totale bouleverse notablement la vie des
patients, au niveau de leur vie sociale et professionnelle.
Complications à long terme Globalement, 25 à 40 % des opérés reprennent une
du traitement activité professionnelle selon les cas.
• Le pronostic dépend du siège et de l’extension de la
La chirurgie et la radiothérapie, isolément ou en associa- tumeur lors de la prise en charge.
tion, sont les principaux traitements des cancers laryn- Les cancers de la corde vocale ont la meilleure survie :
gés. Des essais de radiochimiothérapie sont en cours de l’ordre de 70% à 5 ans pour l’ensemble des tumeurs
d’évaluation en vue d’une préservation laryngée. du plan glottique, jusqu’à plus de 90% à 5 ans pour les
La décision thérapeutique se fait lors d’une consultation cancers très limités des cordes vocales. Les cancers sus-
pluridiscipinaire regroupant au minimum chirurgien glottiques ont un pourcentage de survie de 50 à 60% à 5 ans.
ORL et radiothérapeute. Les cancers sous-glottiques ont un pronostic plus
• Après radiothérapie exclusive, les séquelles dépen- sombre : moins de 40 % de survie à 5 ans. ■
dront de l’importance du champ d’irradiation. Pour des
tumeurs limitées de l’étage glottique, les résultats
fonctionnels sont habituellement très satisfaisants.
A contrario, après radiothérapie par des grands champs Points Forts à retenir
pour des tumeurs étendues du larynx, les séquelles sont
plus fréquentes à type d’œdème, d’asialie par exemple.
Néanmoins les séquelles majeures sont peu fréquentes • Toute symptomatologie pharyngolaryngée
et représentées par la sclérose cervicale et plus rarement persistante chez un patient alcoolo-tabagique
par une nécrose thyroïdienne imposant à elle seule une nécessite une consultation ORL.
laryngectomie totale. • Le diagnostic repose sur l’endoscopie avec biop-
• Après chirurgie partielle, les résultats fonctionnels sie.
dépendent de l’importance de la résection chirurgicale. • Un bilan d’extension local, régional
Après cordectomie, les résultats sont satisfaisants pour et général est systématiquement réalisé avant
la phonation, excellents pour la déglutition et la respiration. de poser l’indication thérapeutique. Indication
Pour les autres laryngectomies partielles, la voix obtenue qui est d’autant plus « conservatrice »
n’est pas toujours suffisamment claire et intelligible pour la phonation que la lésion est limitée.
pour permettre une réinsertion professionnelle lorsque • Le pronostic des cancers laryngés est assez favo-
les exigences vocales sont importantes et ce, malgré une rable. A contrario, les cancers hypopharyngés sont
rééducation orthophonique. Peuvent persister aussi des de mauvais pronostic.
fausses routes alimentaires discrètes mais permanentes

82 L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0
Oto-rhino-laryngologie

POUR APPROFONDIR

1 / Classification TNM 2 / Principes thérapeutiques


pour les cancers de l’hypopharynx
T Tumeur primitive
N Adénopathies
Chirurgie
M Métastases
La chirurgie partielle (pharyngectomie externe, hémipharyngo-
Cancer de l’hypopharynx laryngectomie) est rarement indiquée compte tenu de l’extension
tumorale lors de la prise en charge initiale.
T1 Tumeur limitée à une sous-localisation
T2 Tumeur étendue à une sous-localisation ou à une région La pharyngolaryngectomie totale nécessite une trachéotomie définitive.
voisine, mais sans trouble de la mobilité laryngée
La chirurgie circulaire est indiquée pour les cancers hypopharyngés
T3 Tumeur avec trouble de la mobilité laryngée
avec envahissement de la bouche de l’œsophage ou pour les cancers
T4 Tumeur étendue à l’os, la peau, aux muscles, etc.
hypopharyngés étendus ne permettant pas de réaliser une pharyngo-
N0 Pas de signe d’envahissement ganglionnaire régional laryngectomie totale.
N1 Métastase ganglionnaire intéressant un seul ganglion homo La chirurgie des aires ganglionnaires est toujours associée compte
latéral de 3 cm au maximum dans sa plus grande dimension
tenu de la lymphophilie des structures.
N2 Métastase ganglionnaire intéressant soit :
N2a un seul ganglion homolatéral de 3 à 6 cm au maximum dans Radiothérapie
sa plus grande dimension
N2b plusieurs ganglions homolatéraux dont le diamètre ne Elle est rarement utilisée isolément mais le plus souvent en associa-
dépasse pas 6 cm dans sa plus grande dimension tion après traitement chirurgical.
N2c plusieurs ganglions bilatéraux ou controlatéraux, aucun ne
dépassant 6 cm de diamètre dans la plus grande dimension
N3 Métastase ganglionnaire de plus de 6 cm de diamètre
3 / Principes thérapeutiques
M0 Pas de métastase à distance pour les cancers du larynx
M1 Présence de métastases à distance
Chirurgie
Cancer du larynx
Deux types d’intervention s’opposent :
Glotte – la laryngectomie totale impose une trachéotomie définitive. Cette
Tis Carcinome in situ intervention est justifiée pour les cancers étendus avec immobilité
T1 Tumeur limitée à la corde vocale avec mobilité cordale laryngée;
normale et pouvant intéresser la commissure antérieure ou – la laryngectomie partielle nécessite le plus souvent une trachéoto-
la commissure postérieure mie qui n’est que transitoire. Plusieurs interventions sont décrites
T1a Tumeur limitée à une seule corde vocale (cordectomie, laryngectomie frontale antérieure, laryngectomie
T1b Tumeur intéressant les deux cordes vocales fronto-latérale, laryngectomie sus-glottique, laryngectomie sub-
T2 Tumeur s’étendant aux régions sus-glottiques et (ou) sous- totale…). Le type précis d’intervention est décidé en fonction de
glottiques, la mobilité cordale étant normale ou diminuée l’extension tumorale ;
T3 Tumeur limitée au larynx mais avec corde vocale fixée La chirurgie sera toujours associée au traitement des aires ganglion-
T4 Tumeur envahissant soit le cartilage thyroïde, soit les tissus naires cervicales uni- ou bilatérales compte tenu de la lymphophilie
mous en dehors des limites laryngées
des structures laryngées (à l’exception du cancer limité à la corde
Étage sus-glottique vocale).
T1 Tumeur limitée à une sous-localisation de l’étage sus-glottique,
avec mobilité normale Radiothérapie externe
T2 Tumeur envahissant plus d’une sous-localisation de l’étage Elle peut être utilisée d’emblée isolément ou en postopératoire.
sus-glottique, avec mobilité normale
T3 Tumeur limitée au larynx, mais avec une fixation et (ou) autre
indice d’infiltration profonde
T4 Tumeur envahissant le cartilage thyroïde et (ou) étendue aux
structures extralaryngées
POUR EN SAVOIR PLUS
Étage sous-glottique
T1 Tumeur limitée à la région Lefevre JL, Pignat JC, Chevalier D. Cancer du larynx. Encycl Med
T2 Tumeur limitée au larynx avec extension à une ou aux Chir (Paris : Elsevier), Oto-rhino-laryngologie, 20-7-10-A-10.
2 cordes vocales, la mobilité étant normale ou diminuée Cancérologie, 60-20-8 10-A-10, 1993, 24 pp.
T3 Tumeur limitée au larynx avec fixation à une ou aux
2 cordes vocales Marandas P, Julieron M, Sigal R, Wibault P. Cancers du sinus
T4 Tumeur avec destruction du cartilage thyroïde et (ou) avec piriforme. Encycl Med Chir (Paris : Elsevier). Oto-rhino-
extension extralaryngée laryngologie, 20-650-A-10, 1996, 14 pp.

N et M v. cancer de l’hypopharynx.

L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0 83
Oto-rhino-laryngologie

CANCERS DE L’OROPHARYNX

Points Forts à comprendre

Les cancers de l’oropharynx ont les mêmes


caractéristiques que les autres localisations
néoplasiques des voies aérodigestives supérieures
(VADS) à savoir :
– leur fréquence ;
– le rôle majeur de l’intoxation alcoolo-tabagique ;
– le terrain : prépondérance masculine ;
– l’histologie : épithélioma épidermoïde ;
– le risque ganglionnaire lié à leur lymphophilie ;
– la fréquence des localisations multiples qui
justifie le bilan polyendoscopique ;
– le pronostic qui reste sombre malgré
un traitement en règle radiochirurgical.

Il comprend 4 régions distinctes :


– la région latérale ou loge amygdalienne qui répond à la
face interne de l’angle mandibulaire (c’est le point de départ
de 55 % des tumeurs oropharyngées) ;
3
– la région supérieure ou face antérieure du voile où les Vue antérieure de l’oropharynx.
cancers sont rares (5 %) ; 1 - Amygdale ; 2 - Loge amygdalienne ; 3 - Pilier antérieur
– la région postérieure ou paroi postérieure du pharynx qui 4 - Pilier postérieur ; 5 - Voile ; 6 - Uvule ou luette ; 7 - Base de
repose sur le plan prévertébral (2 %) ; langue ; 8 - Commissure intermaxillaire ; 9 - Langue mobile
– la région antérieure ou base de langue qui correspond à 10 - Arcade dentaire supérieure ; 11 - Arcade dentaire inférieure
12 - V lingual.
20 % des localisations tumorales.
La muqueuse de l’oropharynx est malpighienne ; au sein des
loges amygdaliennes et au niveau de la base de langue, exis-
tent des ilôts lymphoïdes particuliers : les tonsilles pharyn-
gées et linguales. Enfin, un certain nombre de formations
glandulaires salivaires sont disséminées dans la muqueuse.

Épidémiologie
Le cancer de l’oropharynx est particulièrement fréquent en
France où il représente 26 à 30 % des cancers des VADS.
Les régions les plus touchées sont : la Normandie, la Bre-
tagne, le Nord-Pas-de-Calais, l’Alsace. Dans le Calvados,
l’incidence atteint 58,1 pour 100 000 habitants.
C’est une tumeur qui touche l’homme dans 90 à 92 % des
cas ; l’incidence est de 60,8/100 000 chez l’homme, de
2,9/100 000 chez la femme. Depuis quelques décennies, la
fréquence augmente chez la femme.
L’âge moyen de découverte est inférieur à 60 ans. Le dia-
gnostic est plus précoce que dans les localisations pharyn-
golaryngées : près de 50 % des tumeurs sont dépistées avant
55 ans.
Les facteurs de risque sont habituels.
Le tabac agit par brûlure chronique, par ses composants 4
Oropharynx. Vue postérolatérale.
toxiques, la nicotine et par ses facteurs carcinogènes que 1 - Amygdale ; 2 - Loge amygdalienne ; 3 - Pilier antérieur
sont les hydrocarbures. Le risque augmente avec la concen- 4 - Pilier postérieur ; 5 - Voile ; 6 - Luette ; 7 - Base de langue
tration en goudrons. Une prédisposition génétique à l’ef- 8 - Fosse sous-amygdalienne ; 9 - Vallécule ; 10 - Langue mobile.

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 671


CANCERS DU RHINOPHARYNX ET DE L’OROPHARYNX

fet carcinogène du tabac expliquerait la différence de vul- Particularités selon la localisation


nérabilité des sujets.
L’alcool est un facteur d’irritation locale, proportionnel à Tumeurs de la loge amygdalienne
la concentration en éthanol, et entraîne une dégradation de
l’état général donc une diminution des systèmes de défense Elles peuvent être révélées par une otalgie qui augmente à
de l’organisme. la déglutition, une odynophagie, une gêne pharyngée avec
sensation de corps étranger. Ces signes sont unilatéraux et
Alcool et tabac ont un rôle cumulatif : le risque est multiplié
doivent alerter par leur ténacité. Un trismus est parfois
par 1,5 en présence d’une intoxication tabagique ou éthy-
associé.
lique ; il est multiplié par 12 en cas d’intoxication double.
Une adénopathie peut être révélatrice, ses caractères sont
Le mauvais état dentaire est responsable d’infection chro- particuliers : de siège sous-digastrique dans 80 % des cas,
nique et de traumatisme répété de la muqueuse. Il est cor- la tuméfaction cervicale de taille variable est ferme voire
rélé à l’intoxication alcoolo-tabagique. dure, indolore, mobile ou fixée aux plans cutanés ou aux
Le régime alimentaire joue un rôle mal évalué : l’incidence plans profonds.
de ces cancers est moindre chez les sujets dont l’alimen-
tation est riche en légumes et en fruits.

Diagnostic Classification TNM-UICC, 1986


Les signes d’appel, les modalités d’extension varient en T1 Tumeur < 2 cm
fonction du point de départ de la tumeur. Le diagnostic T2 Tumeur comprise entre 2 et 4 cm
nécessite un examen clinique soigneux de la cavité buc- T3 Tumeur > 4 cm
cale, du voile du palais, des loges amygdaliennes, à l’aide T4 Extension à l’os, les muscles, la peau
de 2 abaisse-langue pour déplisser les reliefs muqueux. N0 Pas de ganglion palpable
L’examen soigneux des loges amygdaliennes nécessite en N1 Adénopathie unique homolatérale < 3 cm
outre d’écarter le pilier antérieur de l’amygdale pour N2 Ganglion unique de 3 à 6 cm
contrôler les cryptes amygdaliennes. L’examen de la base N2b Ganglions multiples < 6 cm
de l’angle est indirect à l’aide d’un miroir. La palpation N2c Ganglions controlatéraux ou bilatéraux < 6 cm
endobuccale est toujours indispensable. N3 Ganglions > 6 cm et (ou) fixés
La nasofibroscopie, réalisée en consultation, est d’un grand M0 Pas de métastase
apport pour l’étude clinique de la base de langue ou des M1 Métastase à distance
fosses sous-amygdaliennes ainsi que la face postérieure du
voile et la paroi latérale du rhinopharynx.
Le bilan lésionnel comporte, outre un examen clinique
ORL complet avec étude de la protraction linguale, une Le point de départ le plus fréquent est l’amygdale ; la lésion
palpation soigneuse des aires ganglionnaires bilatérales : est bourgeonnante ou infiltrante ; les formes peu différen-
les adénopathies sont présentes dans 75 % des cas au ciées sont retrouvées dans un quart des cas. Au niveau du
moment du diagnostic, fréquemment révélatrices. pilier antérieur, la lésion serpigineuse est mal limitée. Dans
La polyendoscopie des VADS est indispensable. Réalisée le sillon amygdaloglosse, la lésion est fissuraire, ulcérante
sous anesthésie générale, elle précise l’extension tumorale, et infiltre le versant lingual. Les formes infiltrantes prédo-
recherche une autre localisation néoplasique synchrone minent au niveau du pilier postérieur.
particulièrement fréquente (7 à 14 % selon les statistiques). Les modalités d’extension sont multiples.
Elle permet la réalisation de biopsies (voir : pour appro- Les adénopathies sont présentes dans 70 % des cas, en par-
fondir / 1). ticulier dans les formes peu différenciées ou les lym-
Le bilan complémentaire comprend : phomes. Elles sont bilatérales dans 15 % des cas.
– un examen stomatologique avec cliché panoramique den- L’adénopathie peut précéder la tumeur, elle peut alors revê-
taire ; tir un aspect particulier pseudo-kystique, nécrosée en son
– un bilan biologique et un examen général avec évalua- centre.
tion de l’indice de Karnofsky ; L’examen clinique et les biopsies permettent d’éliminer faci-
– une échographie hépatique et une radiologie pulmonaire lement une angine de Vincent, un phlegmon péri-amygda-
à la recherche de métastases. lien ou une ulcération trophique, une tuberculose, un chancre
La tomodensitométrie est indispensable pour préciser les syphilitique, un sarcome de Kaposi. Le diagnostic d’une
extensions profondes et l’envahissement musculaire en cas tumeur parapharyngée refoulant l’amygdale en dedans sera
de trismus. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) établi sur les données cliniques et tomodensitométriques.
est parfois indiquée pour définir l’extension parapharyn-
gée ou au sein des muscles de la langue. Au terme de ce Cancers du voile du palais
bilan, la classification TNM peut être établie. Ils ont une symptomatologie pauvre, faite d’une banale sen-

672 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48


Oto-rhino-laryngologie

dans 40 à 75 % des cas selon les auteurs.

Complications du traitement
Le traitement peut associer chirurgie-radiothérapie-
chimiothérapie (voir : pour approfondir / 2). La surveillance
régulière, trimestrielle les 2 premières années, est indis-
pensable. Elle est avant tout clinique. Une endoscopie doit
être proposée au moindre doute, complétée d’une tomo-
densitométrie qui est d’interprétation délicate compte tenu
des remaniements post-physiothérapiques et (ou) chirur-
gicaux. La radiographie pulmonaire est annuelle, de prin-
cipe. La surveillance doit être prolongée, tous les 6 mois
jusqu’à 5 ans, puis annuelle pour déceler une récidive tar-
dive, une deuxième localisation, ou l’apparition de méta-
stases (voir : pour approfondir / 3, 4). Elle a pour rôle éga-
5 lement de dépister les complications du traitement qui
Modalités d’extension des cancers de la loge amygdalienne.
1 - Vers la commissure intermaxillaire peuvent survenir à long terme.
2 - Vers le plancher buccal
3 - Vers la base de langue et la langue mobile Complications de l’irradiation
4 - Vers la fosse sous-amygdalienne et sillon glosso-épiglottique Les complications de l’irradiation sont de gravité variable.
5 - Vers la paroi postéro-latérale Le problème des caries dentaires doit bénéficier d’une pré-
6 - Vers le voile vention : soins et extractions dentaires avant l’irradiation,
7 - Vers le rhinopharynx protection fluorée à vie par gouttières après la radiothéra-
pie. Le cicatrisation gingivale doit être complète avant le
début des rayons ; les extractions dentaires post-irradiation
doivent être discutées et imposent une antibiothérapie pro-
longée.
sation de corps étranger. La douleur est plus tardive, liée à Le trismus post-radique, dû à une sclérose musculaire, est
l’extension latérale. La voix est parfois modifiée, nason- rare mais invalidant, et il rend la surveillance clinique dif-
née ; le reflux des liquides par le nez, lors de la déglutition, ficile.
est lié à une infiltration profonde ou à une vaste ulcération. Le risque de sténose carotidie n’est pas chiffré ; c’est une
La lésion peut être serpigineuse, faussement superficielle, complication tardive de l’irradiation sur un terrain prédis-
bourgeonnante ou ulcérante amputant le voile et la luette. posé athéromateux du patient alcoolo-tabagique.
L’extension est facile à apprécier vers les loges amygda- L’ostéoradionécrose mandibulaire est une complication
liennes ou le palais; l’extension à la face postérieure du redoutable qui peut survenir à tout moment de l’évolution,
voile et au rhinopharynx n’est mise en évidence qu’à l’en- même tardivement. Elle est associée à une nécrose
doscopie. muqueuse, voire cutanée. Son évolution est térébrante et
Les adénopathies sont plus rares, de 30 à 44 %, bilatérales son traitement est difficile, avant tout préventif. Elle néces-
dans 9 à 13 % des cas, de siège sous-digastrique. site un traitement médical par antibiothérapie prolongée,
associée à une oxygénation hyperbare. L’ablation d’un
Cancers de la base de langue séquestre osseux doit être prudente et parcimonieuse. Elle
peut imposer une résection osseuse plus ou moins étendue
Ils sont de révélation tardive. La sensation de gêne pha- nécessitant alors des reconstructions par des lambeaux bien
ryngée est peu évocatrice. L’odynophagie, les otalgies uni- vitalisés.
ou bilatérales, une dysphagie, une voix étouffée, associée
à une hypersialorrhée sont plus évocatrices. L’adénopathie Complications de la chirurgie
est révélatrice dans un tiers des cas. Elles sont plus fréquentes en chirurgie de rattrapage. Les
Le diagnostic échappe à l’examen clinique endobuccal surinfections bronchopulmonaires sont habituelles et jus-
simple et nécessite un examen spécialisé par l’ORL. tifient une trachéotomie temporaire, ce d’autant que la
La lésion revêt un aspect bourgeonnant infiltrant ou ulcé- reprise de la déglution est aléatoire, en fonction de l’im-
rant ; la palpation est indispensable pour évaluer l’infiltra- portance de la résection.
tion de même que l’étude de la protraction linguale. Les complications locales à type de désunion simple voire,
L’extension latérale vers les loges amygdaliennes sera aisé- d’orostome, plus fréquentes en terrain irradié doivent être
ment évaluée de même que l’extension basse vers l’épi- prévenues par une hémostase soigneuse et une décontami-
glotte. L’extension antérieure vers la langue mobile est fré- nation du lit d’exérèse avant fermeture chirurgicale. La
quemment sous-estimée et nécessite un scanner. désunion muqueuse expose l’axe vasculaire avec risque de
L’envahissement ganglionnaire est important (60 % dès le rupture carotidie. Les techniques de reconstruction par
premier examen). L’extension ganglionnaire est bilatérale lambeaux musculo-cutanés permettent de protéger les vais-

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 673


CANCERS DU RHINOPHARYNX ET DE L’OROPHARYNX

Points Forts à retenir tion cisplatine, 5-fluorouracile. Elle peut être proposée en néoadjuvant
ou associée à l’irradiation. Même s’il existe des régressions tumorales
spectaculaires, la preuve de son efficacité sur la survie n’est pas faite.
Dans les lymphomes, la chimiothérapie est le traitement approprié, asso-
• Les cancers de l’oropharynx sont fréquents ciée à une irradiation de modalité particulière.
(30 % des tumeurs malignes de la VADS) Les indications, difficiles, doivent être adaptées à chaque cas en fonc-
survenant électivement chez l’homme tion de la tumeur (stade TNM, siège, caractères histologiques, aspect
de 55 à 60 ans. macroscopique et extensions) du degré d’envahissement ganglionnaire et
du terrain (l’état général, les antécédents, la motivation du patient et les
• Alcool et tabac jouent un rôle majeur possibilités de suivi sont à prendre en compte). Les tumeurs peu diffé-
et cumulatif dans la genèse de ces cancers. renciées, radiosensibles relèvent d’une radiothérapie première ; les
• Le diagnostic devrait être plus précoce tumeurs bien différenciées, à l’exception des tumeurs volumineuses, sont
car ils sont accessibles à un examen clinique traitées par chirgurgie suivie d’irradiation.
Les formes exclusivement bourgeonnantes peuvent bénéficier d’une irra-
standard. diation exclusive ; les formes ulcérantes et (ou) infiltrantes relèvent d’un
traitement chirurgical.
La taille de la lésion et son extension peuvent contre-indiquer l’acte chi-
POUR APPROFONDIR rurgical. Les caractéristiques tumorales dominent l’indication thérapeu-
tique quel que soit le statut ganglionnaire ; toutefois, l’existence d’un volu-
mineux ganglion fixé en profondeur impose une irradiation première.
1 / Anatomopathologie Pour les tumeurs d’origine salivaire : le carcinome adénoïde kystique et
des cancers de l’oropharynx tumeurs muco-épidermoïdes développées essentiellement au niveau du
La tumeur peut se développer sur une lésion bénigne à risque telle une voile, relèvent d’une chirurgie d’exérèse suivie d’irradiation. L’évolution
leucoplasie, une érythroplasie, ou un lichen plan. de ces tumeurs est lente mais imprévisible ; elles sont classiquement de
La forme histologique habituelle est le carcinome épidermoïde bien dif- malignité atténuée ; le taux de survie varie de 50 à 75 % à 5 ans.
férencié, kératinisant dans 70 % des cas ; les formes peu différenciées Les plasmocytomes de l’amygdale sont traités par radiothérapie.
représentent 15 % et se développent plutôt au contact des formations lym- Les lymphomes malins non hodgkiniens bénéficient d’une chimiothéra-
phoïdes. Le carcinome in situ est une forme initiale qui respecte la mem- pie associée selon le stade à une radiothérapie à 40-45 Gy. Leur taux de
brane basale de l’épithélium. Deux formes particulières peuvent être survie est de l’ordre de 30 à 40 % à 5 ans.
retrouvées : le carcinome à cellules fusiformes ou sarcomatoïde, rare, et
le carcinome verruqueux exophytique, hyperkératinisé, peu infiltrant de
pronostic plus favorable. 3 / Pronostic
Les lymphomes représentent 15 % des tumeurs oropharyngées, dévelop- des cancers de l’oropharynx
pées aux dépens des amygdales pharyngées ou basi-linguales. Les carci- Le pronostic des tumeurs épidermoïdes de l’oropharynx est médiocre,
nomes indifférenciés de type nasopharyngé peuvent se développer aux variable selon la localisation, la taille de la tumeur. Les récidives locales
dépens du tissu amygdalien. D’autres formes histologiques peuvent être représentent la première cause d’échec : elles apparaissent dans les 2 ans
retrouvées : tumeurs malignes à point de départ salivaire (adénocarci- après le traitement. Les récidives ganglionnaires sont en règle associées
nome, tumeur muco-épidermoïde, carcinome adénoïde kystique), méla- à une récidive locale.
nome muqueux, plasmocytome, sarcome. D’une manière générale :
Les carcinomes peu différenciés et les lymphomes sont proportionnelle-
– les tumeurs végétantes ont un pronostic meilleur que les tumeurs ulcéro-
ment plus fréquents chez la femme.
infiltrantes ;
– les tumeurs peu différenciées sont plus radiosensibles ;
– la lyse osseuse est un facteur de mauvais pronostic ;
2 / Traitement des cancers – le pronostic est plus sombre dans certaines localisations telles que base
de l’oropharynx de langue, sillon amygdaloglosse, commissure intermaxillaire ;
– les récidives locales sont plus fréquentes dans les épithéliomas bien dif-
La radiothérapie transcutanée par télécobalt peut être utilisée seule pour férenciés ;
le traitement de la tumeur et des ganglions. L’électronthérapie peut être – le volume tumoral et la diffusion ganglionnaire exposent aux récidives
utilisée en complément pour obtenir un surdosage localisé. La dose déli- locorégionales ;
vrée est de l’ordre de 65 à 75 Gy sur la tumeur primitive et de 50 à 70 Gy – la fréquence des métastases est liée à la taille de la tumeur et à l’enva-
sur les aires ganglionnaires cervicales. La radiothérapie postopératoire hissement ganglionnaire ;
délivre des doses moindres adaptées à la qualité de l’exérèse histologique – les deuxièmes localisations sont fréquentes ;
ou le degré d’envahissement ganglionnaire. – les lymphomes ont un meilleur pronostic que les carcinomes épider-
La curiethérapie interstitielle, utilisée en complément de l’irradiation moïdes.
transcutanée, permet de diminuer la dose reçue par les tissus sains, man- Les métastases sont pulmonaires dans environ la moitié des cas ; elles
dibule, voûte palatine notamment. sont présentes dans 10 % dès le premier examen. Les métastases osseuses
La chirurgie peut être proposée en première intention ou en rattrapage (22 %) ou hépatiques (6 %) sont plus rares. Le risque métastatique est
après irradiation. Sur la lésion, la chirurgie par voie endobuccale a des fonction du siège de la tumeur, de sa taille et du degré d’envahissement
indications limitées. La buccopharyngectomie transmaxillaire, avec sacri- ganglionnaire.
fice osseux, effectuée par voie externe, permet de réaliser de vastes exé- La fréquence de deuxième cancer des VADS grève encore le pronostic :
rèses sous contrôle de la vue. Elle peut être élargie à la demande en fonc- 20 % pour les cancers de la loge amygdalienne.
tion des infiltrations. Elle implique le plus souvent une reconstruction par
lambeau musculo-cutané pour couvrir la perte de substance et assurer la 4 / Survie des cancers épidermoïdes
protection de l’axe vasculaire jugulo-carotidien.
Le déficit fonctionnel et esthétique lié à la résection mandibulaire est
de l’oropharynx
acceptable ; toutefois, on tend de plus en plus à réaliser cette intervention Survie globale quels que soient T et N
avec une simple mandibulotomie médiane ou para-médiane avec ostéo-
Loge amygdalienne 39 % à 3 ans
synthèse.
26 % à 5 ans
Sur les aires ganglionnaires, on réalise soit un curage partiel avec examen
histologique extemporané en l’absence de ganglion, soit un curage cervi- Voile du palais 30 à 40 % à 5 ans
cal complet fonctionnel ou radical en fonction de la taille ou des ganglions. Base de langue 12 % à 5 ans
La chimiothérapie pour les épithéliomas épidermoïdes utilise l’associa- Paroi postérieure 15 % à 5 ans

674 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48


Oto-rhino-laryngologie
B 207

Cancers du rhinopharynx
et de l’oropharynx
Épidémiologie, diagnostic, complications à long terme du traitement
Pr Danièle DEHESDIN, Dr Florence MOREAU-LENOIR
Service ORL et chirurgie cervico-faciale, CHU, hôpital Charles-Nicolle, 76031 Rouen cedex

CANCERS DU RHINOPHARYNX rieur du pharynx en bas. Elle est caractérisée par la présence
de l’orifice tubaire. Il faut souligner la proximité de la caro-
tide interne qui peut n’être qu’à 2 ou 3 mm du fond de la
Points Forts à comprendre fossette de Rosenmüller lorsque celle-ci est profonde.
Le drainage lymphatique s’effectue au départ d’un riche
plexus pré-tubaire vers les ganglions spinaux et jugulo-
Le cancer du cavum s’individualise des autres digastriques directement ou par l’intermédiaire des gan-
cancers de la voie aéro-digestive supérieure : glions rétro-pharyngiens et ce, de façon bilatérale.
• sur le plan histologique, il s’agit en règle
de carcinomes ;
• sur le plan épidémiologique, le cancer
du rhinopharynx a une répartition géographique
particulière : le sud de la Chine et l’Asie du Sud-
Est sont des régions véritablement endémiques ;
• sur le plan étiologique car il existe un lien étroit
entre cancer du cavum et virus lymphotrope
d’Epstein-Barr.

De la situation anatomique du rhinopharynx, profonde,


sous la base du crâne, il résulte que le cancer du rhino-
pharynx est de diagnostic tardif et difficile sur une symp-
tomatologie d’emprunt. Les progrès de l’endoscopie et de
l’imagerie permettent d’établir le diagnostic et d’effectuer
le bilan d’extension.

Rappel anatomique
Le nasopharynx s’ouvre en avant sur les fosses nasales,
surplombe l’oropharynx par l’intermédiaire du voile du
palais, entre en rapport avec l’oreille moyenne par les
trompes auditives, et répond au-dessus à la base du crâne. 1
Sa paroi postéro-supérieure, osseuse, est appelée toit du Schéma de profil du rhnopharynx.
cavum et mur postérieur. Elle est tapissée par la tonsille 1 - Sphénoïde
pharyngée et dessine une arche de courbure variable. Celle- 2 - Sinus sphénoïdal
3 - Fosse nasale
ci correspond à la base de l’occiput doublé des muscles 4 - Cornets
longs de la tête, au sphénoïde creusé des sinus sphénoï- 5 - Tonsille ou amygdale pharyngée
daux, à l’arc antérieur de l’atlas qui forme la limite infé- 6 - Torus ou bourrelet tubaire
rieure arbitraire du cavum et aux apex pétreux. 7 - Orifice pharyngien de la trompe auditive
La paroi latérale est musculo-aponévrotique : muscles élé- 8 - Voile
vateurs et releveur du voile en haut, muscle constricteur supé- 9 - Oropharynx

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 667


CANCERS DU RHINOPHARYNX ET DE L’OROPHARYNX

Épidémiologie Diagnostic
Le répartition géographique et ethnique est tout à fait par- Le cancer du rhinopharynx se développe en règle dans
ticulière pour les tumeurs du rhinopharynx (voir : pour l’angle postéro-latéral du cavum, au-dessus et en arrière de
approfondir / 1). L’incidence est variable selon la popula- l’orifice tubaire, zone d’accès difficile pour l’examen cli-
tion concernée. nique standard. L’extension locale aux structures osseuses
En Europe et en France en particulier, ces tumeurs sont voisines rend compte d’une symptomatologie d’appel
rares avec une incidence de 0,1 à 0,5 pour 100 000 habi- trompeuse. La dissémination ganglionnaire est souvent au
tants où elles concernent en règle une population maghré- premier plan ; les métastases à distance sont présentes dans
bine immigrée. Elles ne représentent que 1 à 3 % des can- 10 % des cas dès le premier examen.
cers de la voie aérodigestive supérieure (VADS).
Ce cancer affecte essentiellement l’homme : la répartition Clinique
est de 2 à 3 hommes pour une femme. La répartition selon
l’âge varie en fonction de la répartition géographique. L’association des signes rhinologiques, otologiques et gan-
glionnaires est rarement complète et ne permet d’établir le
diagnostic qu’après un délai de 8 à 10 mois.
Étiopathogénie Les adénopathies cervicales, dont la situation haute et pos-
Les études actuelles ne permettent pas de conclure sur térieure spinale est très évocatrice, sont volontiers bilaté-
l’existence d’un facteur génétique à l’heure actuelle. rales et représentent dans un tiers des cas le motif initial de
Aucun facteur environnemental ne peut être formellement consultation.
retenu. L’hypoacousie progressive de transmission unilatérale,
Tabac et alcool sont exclus. Les nitrosamines issues des associée à une autophonie, à une sensation de plénitude de
poissons séchés, les euphorbiacées tirées de la pharmaco- l’oreille et à des acouphènes, doit alerter avant d’envisager
pée chinoise (huile de ricin) sont deux facteurs plus parti- la pose d’un aérateur transtympanique.
culièrement incriminés, mais leur mode d’action n’est pas L’obstruction nasale uni- ou bilatérale avec rhinorrhée,
prouvé : action directe ou par réactivation d’une infection voire épistaxis, n’est guère caractéristique.
latente par le virus Epstein-Barr (EBV). L’extension de contiguïté exo- ou endocrânienne peut
Les facteurs immuno-virologiques sont encore incomplè- conduire à l’atteinte des nerfs crâniens ; une diplopie par
tement élucidés ; toutefois, il existe un lien étroit entre car- atteint du VI, des névralgies faciales atypiques dans le ter-
cinome naso-pharyngé de type indifférencié (UNCT) et ritoire du V ou du IX, un trismus par atteinte du V ou exten-
EBV sans influence de l’origine géographique des patients. sion aux muscles ptérygoïdiens.
Ce lien découvert de façon fortuite est prouvé sur l’exis- Ces atteintes neurologiques peuvent être uni- ou bilatérales
tence du génome EBV (ADN libre) dans les cellules épi- par compression ou envahissement.
théliales tumorales et sur un profil sérologique particulier Elles peuvent être isolées ou regroupées pour réaliser : un
des patients atteints du carcinome nasopharyngé. syndrome de la fente sphénoïdale avec atteinte des nerfs
L’élévation du taux d’anticorps immunoglobulines (Ig)G oculo-moteurs et du trijumeau ; le syndrome de l’apex orbi-
et IgA anti-EBV permet la distinction entre sujets sains ou taire est suspecté devant une amaurose ; un syndrome du
atteints d’un cancer de la VADS et les patients porteurs sinus caverneux entraîne une exophtalmie avec atteinte de
d’une tumeur du rhinopharynx. l’oculomotricité et du V1 ; l’atteinte des IX, X et XIe paires
Cette réactivité EBV est spécifique du cancer nasopharyngé crâniennes réalise un syndrome du trou déchiré postérieur ;
indifférencié. Elle permet en zone d’endémie un diagnos- l’envahissement sous-parotidien postérieur est révélé par
tic précoce de dépistage et pourrait contribuer de façon spé- l’atteinte des nerfs mixtes, du XII et du sympathique cer-
cifique au suivi post-thérapeutique. vical.
L’examen neurologique doit donc être complet et métho-
Anatomo-pathologie dique pour reconnaître l’extension tumorale périnerveuse
ou dépister une simple compression par une adénopathie
(voir : pour approfondir / 2) cervicale haute.
Les carcinomes malpighiens représentent 80 % des tumeurs L’examen clinique nécessite un examen soigneux du cavum
du rhinopharynx. devant tout symptôme ORL ou neurologique.
Les adénocarcinomes, cylindromes ou tumeurs muco-épi- Il comprend une rhinoscopie antérieure après rétraction de
dermoïdes sont rares et sans particularité au niveau du rhi- la muqueuse à l’aide de tampons imbibés de Xylocaïne-
nopharynx. naphazolinée. Cette rhinoscopie est actuellement au mieux
Les lymphomes développés aux dépens du tissu lymphoïde réalisée à l’aide d’optiques.
spécifique ou amygdale pharyngée représentent 10 à 15 % La rhinoscopie postérieure indirecte est effectuée à l’aide
des tumeurs du nasopharynx en Europe occidentale. Leur de miroir ; elle reste difficile et incomplète et rend la naso-
architecture est particulière, de forme diffuse, à grandes fibroscopie indispensable.
cellules. L’examen clinique doit être complété par un examen des
Chez l’enfant, le rhabdomyosarcome n’est pas exception- tympans sous microscope et insufflation. La tympanomé-
nel. trie apporte des arguments complémentaires pour une otite

668 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48


Oto-rhino-laryngologie

Classification TNM-UICC, 1986


T1 Tumeur limitée à une paroi
T2 Tumeur limitée à deux parois
T3 Tumeur étendue à la fosse nasale et (ou) à l’oropharynx
T4 Ostéolyse de la base du crâne et (ou) atteinte des nerfs crâniens
N0 Pas de ganglion palpable
N1 Un ganglion homolatéral o 30 mm
N2a Un ganglion homolatéral > 30 mm et o 60 mm
N2b Ganglions multiples homolatéraux o à 60 mm
N2c Ganglion controlatéral ou bilatéraux o à 60 mm
N3 Ganglion(s) O 60 mm et fixé(s)

Au terme de cet examen, la classification TNM peut être


établie.
L’examen ophtalmologique est justifié devant toute sym-
patomatologie fonctionnelle oculo-orbitaire.
2 Le bilan stomatologique clinique complété d’un cliché
Examen du rhinopharynx à l’optique 90°. panoramique dentaire est nécessaire avant d’instaurer le
1 - Toit du cavum traitement par irradiation.
2 - Orifices de la choane Le sérologie EBV comporte les dosages des anticorps IgG et
3 - Torus ou bourrelet tubaire
IgA dirigés contre l’antigène précoce EA, l’antigène de cap-
4 - Orifice pharyngien de la trompe auditive
5 - Récesssus supra-tubaire side VCA et l’antigène nucléaire EBNA. Des études récentes
ont mis en évidence l’intérêt des anticorps anti-Zebra (IgGZ)
qui serviraient de marqueur dans le suivi des patients ; de
séro-muqueuse ; l’audiométrie confirme l’hypoacousie de même la β2-microglobuline augmenterait avec le degré d’in-
transmission et permet de chiffrer la perte auditive. différenciation cellulaire et le stade de la maladie.
L’examen endobuccal peut être limité en raison d’un tris- La recherche de l’ADN viral au sein des cellules tumorales
mus ; il recherche une asymétrie du voile au repos ou lors ou ganglionnaires est le meilleur marqueur tumoral mais,
de la contraction. nécessite des techniques complexes de biologie moléculaire.
La palpation cervicale bilatérale complète précise siège et
taille d’une adénopathie qui sera consignée sur un schéma Complications du traitement
daté. Le traitement repose sur l’association radiothérapie-chimio-
L’examen général doit rechercher des manifestations à dis- thérapie (voir : pour approfondir / 3). Érythème et mucite sur-
tance osseuses, pulmonaires ou hépatiques ; l’état général viennent en cours de traitement ou au décours immédiat et
du patient doit être évalué selon l’indice de Karnofsky. seront passagers ; ils relèvent de soins locaux assidus.
L’endoscopie, réalisée au mieux sous anesthésie générale, La sclérose sous-cutanée, les télangiectasies, le lym-
avec rétraction du voile, permet d’établir le diagnostic à phœdème facio-cervical sont d’importance variable selon
l’aide de biopsies et évalue l’extension locorégionale de la les patients.
tumeur. L’examen anatomo-pathologique standard est com- La sclérose musculaire avec trismus permanent résiduel est
plété d’une étude sur empreintes et d’immunomarquages, retrouvée dans 15 % des cas.
indispensables au diagnostic différentiel. La rhinite croûteuse est habituelle et nécessite des soins
Les explorations radiologiques par tomodensitométrie et locaux appropriés et continus. Elle peut être associée à une
imagerie par résonance magnétique sont indispensables sténose narinaire ou pharyngée.
pour apprécier l’extension locorégionale : atteinte de la base L’asialie est constante à 60 Gy. Plus ou moins bien tolérée,
du crâne, des apex pétreux, envahissement parapharyngé, elle est majeure dans un tiers des cas, entravant l’alimen-
extension à l’orbite ou présence d’adénopathies cervicales tation. Elle génère des caries dentaires qui doivent être pré-
infracliniques ou rétropharyngées. venues par des soins ou extractions appropriés avant l’ir-
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet une radiation et par l’utilisation quotidienne de gel fluoré
étude plus précise des parties molles en différenciant les appliqué à l’aide de gouttières après l’irradiation.
phénomènes inflammatoires des extensions tumorales au L’hypoacousie transmissionnelle par catarrhe tubaire, les
niveau des cavités sinusiennes ; la prise de contraste après acouphènes, l’atteinte cochléaire résiduelles se voient dans
injection de gadolinium au niveau des structures nerveuses 35 à 40 % des cas.
confirme l’envahissement. L’ostéoradionécrose est un risque majeur au niveau des
La recherche de métastases, fréquentes, présentes dans cavités naso-sinusiennes du rocher ou de la base du crâne.
10 % des cas dès le premier examen, nécessite une radio- D’évolution térébrante, imprévisible, son traitement avant
graphie pulmonaire, une échographie hépatique. tout médical est difficile et décevant.
La scintigraphie osseuse n’est guère spécifique ; la suspi- La myélite radique est une complication grave. L’atteinte
cion de métastases osseuses peut nécessiter un bilan tomo- vasculaire en est à l’origine et explique la latence obser-
densitométrique. vée : de 5 à 70 mois après l’irradiation.

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 669


CANCERS DU RHINOPHARYNX ET DE L’OROPHARYNX

Chez l’enfant, selon le volume irradié et les doses utilisées, 2 / Classification OMS (1978) des cancers
peuvent être observées des séquelles sur la croissance du du rhinopharynx
massif facial ou des séquelles endocriniennes par insuffi- Type I : carcinome malpighien spinocellulaire bien différencié avec ponts
sance somatotrope (dose supérieure à 30 Gy sur l’hypo- intercellulaires et kératinisation.
physe). Son agressivité est surtout locale ; son profil sérologique est différent : le
Sur ce terrain, il faut encore souligner la possibilité de can- taux d’anticorps anti-EBV est bas.
cers radio-induits. Type II : carcinome non kératinisant. Il est en règle assimilé aux carci-
De ce fait, on tend à l’heure actuelle chez l’enfant à limi- nomes indifférenciés de type nasopharyngé.
ter les indications d’irradiation, à réduire les volumes irra- Type III : carcinome indifférencié de type nasopharyngé, caractérisé sur
diés, à diminuer les doses d’irradiation grâce à une chi- le plan histologique par un aspect syncytial et non pavimenteux consti-
tué d’amas tumoraux irréguliers au sein d’un stroma lymphoïde. Ses carac-
miothérapie préalable. téristiques cytologiques et histologiques sont particulières à la localisa-
En dehors de certaines localisations, les cancers de l’oro- tion nasopharyngée. Son profil sérologique EBV est spécifique. Le
pharynx sont accessibles à un examen simple : l’examen lympho-épithéliome lui est rattaché.
endobuccal à l’abaisse-langue. Les techniques immuno-histochimiques et la sérologie EBV sont des élé-
Les signes d’appel sont pauvres, banals, expliquant bien ments indispensables au diagnostic de ces tumeurs non ou peu différen-
souvent le diagnostic tardif d’une tumeur déjà évoluée. ciées.

3 / Traitement du cancer du rhinopharynx


Rappel anatomique
• La radiothérapie transcutanée par télécobalt est le traitement de choix
L’oropharynx est situé entre nasopharynx (ou cavum) en sur la tumeur et les aires ganglionnaires. Les doses habituelles sont de 65
haut et hypopharynx (ou pharyngolarynx) en bas. Il siège à 75 Gy sur la tumeur selon l’extension et le degré de différenciation tumo-
rale. Sur les chaînes ganglionnaires, une dose de 50 Gy est administrée
en arrière de la cavité buccale et correspond au carrefour avec une surimpression de 20 à 25 Gy sur les chaînes envahies.
des voies aérodigestives supérieures. Ses limites sont com- Cette irradiation est difficile en raison de la proximité d’organes nobles :
prises entre, en haut et en arrière, le voile du palais, cloi- cerveau, œil, moelle ; la tomodensitométrie permet d’effectuer le centrage
son musculo-aponévrotique qui le sépare du rhinopharynx ; des faisceaux d’irradiation avec une grande précision pour limiter les
en avant le V lingual, en bas et en avant l’épiglotte. séquelles.
• La chimiothérapie utilise certains médicaments tels que doxorubicine,
cisplatine, bléomycine, méthotrexate et 5-fluorouracile qui ont prouvé
leur efficacité immédiate. L’intérêt de la chimiothérapie serait d’aug-
Points Forts à retenir menter le taux de contrôle locorégional et de limiter le risque métasta-
tique.
• Résultats : le contrôle local immédiat est souvent important avec
• Le cancer du rhinopharynx est différent des disparition de la tumeur cliniquement et radiologiquement. La
autres cancers de la voie aérodigestive supérieure régression ganglionnaire est plus lente.
par son épidémiologie où alcool et tabac ne jouent Secondairement, le risque de récidive locale est élevé, 20 à 40 % surtout
dans les formes bien différenciées ou avec ostéolyse.
aucun rôle et par son histologie : tumeur L’échec ganglionnaire est faible mais l’échec métastatique dépend direc-
malpighienne indifférenciée, par sa pathologie tement de l’envahissement ganglionnaire (le taux de métastase à distance
où l’EBV semble jouer un rôle prépondérant. s’élève à 50 % pour les N2-N3). L’apparition de métastase est aussi plus
• La précocité du diagnostic initial basé sur la fréquente dans le cas où les ganglions sont de siège sus-claviculaire.
La survie globale est de l’ordre de 40 % à 3 ans et 30 % à 5 ans.
qualité de l’examen clinique, l’apport de La surveillance régulière tous les 3 mois est avant tout clinique avec une
l’endoscopie et des techniques d’imagerie doit nasofibroscopie.
permettre d’améliorer le pronostic de ces lésions Un scanner, une endoscopie sous anesthésie ainsi qu’un bilan d’exten-
radiocurables. sion (radiographie pulmonaire et échographie hépatique) seront à réali-
ser au moindre doute ou pour certaines équipes de principe tous les 6
mois.
En cas de récidive :
– une métastase isolée ou associée à une récidive locorégionale relève
POUR APPROFONDIR d’une chimiothérapie qui permet au mieux d’obtenir une rémission ;
– les échecs ganglionnaires isolés relèvent d’un curage ganglionnaire ;
– les échecs locaux peuvent justifier d’une nouvelle irradiation par télé-
1 / Répartition géographique particulière cobalt ou éventuelle curiethérapie.
Les zones à haut risque avec une incidence de 20 à 30/100 000 se situent Les lymphomes du cavum relèvent avant tout de protocoles de chimio-
en Asie du Sud-Est (Chine, Viêt-nam, province de Canton, en particu- thérapie associés ou non à une irradiation.
lier). Les populations chinoises de Hong-Kong et de Singapour sont par- Quant aux autres formes histologiques, telles que l’adénocarcinome, l’exé-
ticulièrement touchées de même que certaines zones d’émigration des rèse chirurgicale est rarement envisageable compte tenu de la localisa-
pays d’Asie tels que Groënland, Alaska et Nord Canada. tion, il faudra donc se résoudre à une irradiation seule ou associée à une
La fréquence du carcinome nasopharyngé augmente à partir de 20 ans chimiothérapie.
avec un risque maximal vers 50 ans.
Les zones à risque intermédiaire sont le pourtour méditerranéen et
l’Afrique de l’Est où l’incidence est de 5 à 9 pour 100 000 habitants. POUR EN SAVOIR PLUS
Les zones à faible risque dans le monde industrialisé sont : Europe, Amé- Cancers des voies aérodigestives supérieures. Encyclopédie des
rique du Nord, Japon, Australie où l’incidence est de 0,1 à 0,5/100 000, cancers. Paris : Flammarion Médecine-Sciences.
touchant en règle des populations émigrées.
Cancers des voies aérodigestives supérieures. Progrès en can-
L’incidence reste stable pendant au moins 1 à 2 générations après émi- cérologie 6. Paris : Doin.
gration dans une région à risque faible.

670 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48


Oto-rhino-laryngologie
B 206

Corps étrangers
des voies aériennes
Diagnostic et traitement
PR Laurent GILAIN, DR Christophe GUICHARD
Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital G.-Montpied, 63003 Clermont-Ferrand Cedex 01.

Points Forts à comprendre des cas). Le risque diminue ensuite pour de nouveau
augmenter vers 6-8 ans (petits jouets). Il existe une prédo-
minance masculine (2 garçons pour 1 fille). Chez l’adulte,
• L’inhalation accidentelle d’un corps la fréquence de l’accident augmente avec l’âge et sur-
étranger résulte de la mise en défaut du réflexe vient à partir de la 7e décennie. Un terrain prédisposé
protecteur des voies aériennes. (maladie neurologique) favorise ce type d’accidents.
• La majorité des corps étrangers sont observés
chez l’enfant entre 1 et 3 ans car celui-ci explore
l’environnement en portant plus facilement les Localisation
objets à sa bouche, il devient plus indépendant
et l’alimentation devient plus solide. La localisation du corps étranger est dans la majorité des
• L’inhalation est généralement provoquée cas bronchique mais elle peut être laryngée ou trachéale.
par une inspiration brusque et profonde Elle est fonction de la nature et de la taille du corps
ou lors du rire ou des sanglots. étranger mais également de la position du patient lors de
• La localisation bronchique des corps étrangers l’inhalation. La localisation laryngée est rapportée dans
est la plus fréquente (environ 90%). 1 à 5% des cas, trachéale dans 6 à 13% des cas et bron-
• Le cheminement dans les voies aériennes chique dans 86 à 91 % des cas. La localisation laryngée
d’un corps étranger est toujours marqué se voit chez l’enfant de moins de 1 an, principalement en
par un syndrome clinique de forte valeur raison du calibre du corps étranger ne pouvant franchir
diagnostique : le syndrome de pénétration. la sous-glotte. Cependant la rareté de cet accident avant
• Plusieurs situations cliniques résultent 1 an doit faire évoquer systématiquement un corps étran-
du niveau de blocage du corps étranger ger donné intentionnellement. En cas de localisation
et de son éventuelle mobilité dans l’axe aérien. bronchique, c’est la bronche souche droite qui serait la
• Le corps étranger laryngo-trachéo-bronchique plus exposée en raison de son plus grand calibre et de
avec son risque potentiel d’asphyxie aiguë est son angle plus ouvert avec la trachée.
une urgence vitale. Le corps étranger des fosses nasales touche essentielle-
ment l’enfant (voir : Pour approfondir).

Épidémiologie Nature du corps étranger


Prévalence La nature du corps étranger chez l’enfant est variable
Cette pathologie touche environ 1 000 à 1 500 enfants selon les pays et le type de population. On distingue les
par an en France. Il s’agit d’un accident grave devant corps étrangers alimentaires et non alimentaires. En
être considéré comme une urgence thérapeutique. La France et aux États-Unis, il s’agit le plus souvent de
mortalité liée à ce type d’accident est difficile à évaluer, corps étrangers organiques d’origine alimentaire. Dans
elle est d’environ 1 %. En fait le taux de décès d’enfants 90% des cas de corps étrangers organiques, il s’agit de
de moins de 4 ans imputable à l’inhalation d’un corps cacahuètes (environ 50 % des cas), de noisettes et
étranger, par asphyxie fatale, serait de 7 %. d’amandes. Les corps étrangers d’origine végétale sont
plus souvent rencontrés en Asie, en Afrique ou au
Moyen-Orient. Cela témoigne de pratiques alimentaires
Âge et sexe différentes. Les corps étrangers non organiques (pièces
Les corps étrangers des voies aériennes sont beaucoup de jouets en plastique, fragments de papier ou de ballon,
plus fréquents chez l’enfant que chez l’adulte. La majorité etc.) sont beaucoup plus rares. Chez l’adulte, il existe une
des corps étrangers sont observés entre 1 et 3 ans (75% prédominance de corps étrangers d’origine alimentaire.

L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0 433
CORPS ÉTRANGERS DES VOIES AÉRIENNES

Physiopathologie passage laryngé et trachéal du corps étranger quelle que


soit sa localisation ultérieure.
Facteurs favorisants • La forme typique associe un accès de suffocation
aiguë, brutal et spasmodique accompagné de quintes de
L’inhalation accidentelle d’un corps étranger est généra-
toux. L’enfant est cyanosé pendant l’accès de suffocation.
lement provoquée par une inspiration brusque et profonde
Un état de gêne respiratoire s’installe ; il est de durée
mettant en défaut le réflexe protecteur des voies
variable en fonction de la localisation du corps étranger.
aériennes. L’inhalation est favorisée par le rire ou les
• Les formes atypiques comprennent : un syndrome de
sanglots alors que l’enfant a un corps étranger dans la
pénétration limité à une toux quinteuse; un syndrome de
bouche. La situation la plus caractéristique est celle d’un
pénétration suivi d’un état asphyxique aigu; un syndrome
enfant qui, tout en jouant, va porter une cacahuète à sa
de pénétration passant totalement inaperçu.
bouche, l’aspirer puis l’inhaler. Plusieurs facteurs de
• Dans les formes frustes, c’est l’interrogatoire détaillé
risque apparaissent comme favorisants chez l’enfant de
de l’entourage qui permet de retrouver la notion de
1 à 3 ans comme sa manière d’explorer l’environnement
syndrome de pénétration.
(l’enfant porte plus facilement les objets à sa bouche),
• L’existence d’un syndrome de pénétration fait le
son indépendance s’associant à un relatif défaut de sur-
diagnostic de corps étranger des voies aériennes.
veillance, le changement d’alimentation qui devient plus
solide et, enfin, la position du larynx et la déglutition qui se
modifient avec un risque d’inhalation persistant lors du Formes cliniques
rire et des pleurs. Pour certains, il s’agit d’une véritable
« pathologie de l’apéritif ». 1. Diagnostic précoce de corps étranger
des voies aériennes
Migration et cheminement Il repose sur l’existence d’un syndrome de pénétration.
du corps étranger Ce diagnostic impose un geste de libération des voies
Après inhalation, le corps étranger entre en contact avec aériennes.
la muqueuse laryngée entraînant un spasme ou une • Soit le tableau est alarmant : l’enfant présente un état
contraction en fermeture responsable d’une courte de détresse respiratoire aiguë. Il est cyanosé, en position
cyanose. Ensuite, le corps étranger au contact de la assise. La dyspnée est obstructive associant bradypnée
muqueuse trachéale déclenche une toux quinteuse puis et tirage inspiratoire. L’extraction du corps étranger doit
gagne une des 2 bronches. Plusieurs situations patho- se faire en extrême urgence, au mieux en milieu spécia-
logiques liées à la taille, à la nature du corps étranger et lisé après transport médicalisé (SAMU) ou si l’état de
à l’âge de l’enfant découlent de ce cheminement. l’enfant se dégrade par la manœuvre de Heimlich.
• Blocage complet du corps étranger qui reste enclavé • Soit le tableau est moins alarmant : l’état général de
au niveau laryngé avec tirage inspiratoire associé à une l’enfant est conservé. La dyspnée est modérée voire
dysphonie voire une aphonie pouvant provoquer un état absente. Des accès de toux ou d’aggravation de la dyspnée
asphyxique aigu. peuvent apparaître en cas d’agitation de l’enfant. L’état
• Blocage partiel du corps étranger dans la trachée ventilatoire permet le transfert de l’enfant par SAMU
responsable d’une bradypnée inspiratoire et expiratoire vers un milieu spécialisé où l’extraction pourra s’effec-
variable, entrecoupée de quintes de toux. La dyspnée est tuer dans des conditions optimales par endoscopie.
plus ou moins bien tolérée. L’examen clinique doit être réduit au minimum.
• Migration du corps étranger dans une bronche provo- • Soit le tableau clinique s’est normalisé : l’état
quant une reprise inspiratoire difficile ou une régression ventilatoire est normal, la toux est modérée ou absente.
complète des symptômes avec normalisation clinique. L’examen clinique peut retrouver une diminution de
Dans ce dernier cas, si le syndrome d’inhalation dit « de l’ampliation d’un hémithorax associé à une abolition
pénétration » a été méconnu, l’accident peut totalement unilatérale du murmure vésiculaire ou être parfaitement
passer inaperçu. normal. La normalité clinique n’élimine pas le diagnostic
• Mobilité du corps étranger dans l’axe trachéo-bronchique qui est porté sur la notion d’un syndrome de pénétration
avec risque de blocage secondaire lors d’efforts de toux. survenue dans les heures précédentes. Un transfert en
• Expulsion spontanée du corps étranger et normali- milieu spécialisé pour extraction endoscopique du corps
sation clinique. étranger doit être effectué en urgence. En effet, le possible
déplacement secondaire du corps étranger impose le
caractère urgent de l’extraction.
Diagnostic • L’examen radiographique n’est généralement pas
pratiqué en cas de diagnostic précoce de corps étranger.
En effet, il présente le risque de retarder l’extraction
Diagnostic positif endoscopique, de mobiliser le corps étranger lors des
Le syndrome de pénétration est l’élément essentiel du manipulations de l’enfant et, enfin, il est souvent normal
diagnostic. Il traduit le cheminement du corps étranger en cas de réalisation précoce et dans tous les cas ne permet
le long des voies aériennes. Il représente la réponse au pas d’éliminer le diagnostic. S’il est pratiqué, il peut

434 L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0
Oto-rhino-laryngologie

mettre en évidence le corps étranger si celui-ci est radio- devenant intense, suivie d’une perte de connaissance
opaque (environ 10 % des cas). Des signes indirects reflétant l’anoxie cérébrale. Le risque de décès immé-
d’obstruction peuvent être retrouvés avec typiquement diat par asphyxie doit conduire à la réalisation de la
emphysème pulmonaire unilatéral et atélectasie localisée manœuvre de Heimlich qui est la seule dans cette situa-
d’un lobe ou de tout un champ pulmonaire. L’emphy- tion à pouvoir aboutir à l’expulsion du corps étranger. La
sème obstructif est bien mis en évidence par la compa- réalisation d’une trachéotomie en extrême urgence – si
raison des clichés de face du thorax en inspiration et en l’on dispose du matériel nécessaire et d’un praticien
expiration. La radiographie peut également montrer un capable techniquement de la réaliser sans délai – est une
pneumothorax localisé adjacent à un lobe collabé ce qui autre possibilité. Les autres manœuvres d’extraction
traduit un signe d’obstruction bronchique. (manuelle, mobilisation de l’enfant…) ne sont pas
conseillées. L’urgence est absolue et il faut d’emblée
2. Diagnostic tardif de corps étranger choisir les gestes ayant une chance d’être immédiate-
des voies aériennes ment les plus efficaces.
Le syndrome de pénétration est passé inaperçu ou n’est
pas signalé par l’entourage. Le tableau clinique est varié Diagnostic différentiel
et dominé par les signes bronchiques. C’est devant la
persistance ou les récidives d’un tableau bronchopulmo- Le corps étranger des voies aériennes est le premier
naire subaigu ou chronique chez l’enfant que le diagnostic diagnostic à envisager devant un trouble respiratoire
de corps étranger bronchique doit être évoqué. Un syn- d’installation brutale. On élimine :
drome de pénétration fruste dans les antécédents ou la • une laryngite aiguë sous-glottique marquée par le
notion d’une situation antérieure à risque (apéritif) doivent début nocturne, la toux rauque, la voix claire, une bra-
être systématiquement recherchés par l’interrogatoire de dypnée inspiratoire avec cornage;
l’entourage. Les formes cliniques sont variées. • une épiglottite marquée par un tableau infectieux, une
• Les bronchopneumopathies récidivantes sont latéra- hypersalivation avec dysphagie;
lisées à un seul côté. • une crise d’asthme avec sémiologie expiratoire, disten-
• La bronchite asthmatique rebelle est résistante au sion à la radiographie et antécédents;
traitement. • un corps étranger œsophagien pouvant par compression
• La toux rebelle, résiste au traitement et ne fait pas la donner une symptomatologie respiratoire chez le petit
preuve de son étiologie. enfant. En cas de bronchoscopie négative, l’examen
• D’autres cas sont l’hémoptysie par perforation bron- doit être complété par un contrôle œsophagien.
chique, l’abcès du poumon, la pleurésie au contact
d’une pneumopathie. Conduite à tenir et traitement
• Un cas particulièrement trompeur est représenté par
un corps étranger bronchique mobile obstruant alternati- Ils sont conditionnés par la gravité du tableau clinique et
vement les 2 bronches et provoquant une symptomatolo- la tolérance ventilatoire. Le traitement des corps étrangers
gie bronchopulmonaire à bascule. consiste en leur extraction, soit par des manœuvres
• L’examen radiographique peut visualiser le corps d’urgence, soit le plus souvent par la bronchoscopie en
étranger s’il est radio-opaque. Il montre principalement milieu spécialisé. Plusieurs situations sont à considérer.
des images de retentissement parenchymateux et pleural
du corps étranger. Les images sont variées à type d’até- Urgence vitale marquée
lectasie, de pneumothorax localisé ou de pleurésie. Elles par un syndrome asphyxique aigu
ne sont pas spécifiques d’un corps étranger. C’est leur
persistance ou leur récidive après traitement qui doit L’objectif prioritaire est la liberté des voies aériennes.
faire évoquer le diagnostic.
• Des séquelles ventilatoires peuvent être observées en 1. Avant l’arrivée des secours médicalisés
cas d’extraction tardive d’un corps étranger. Plusieurs La manœuvre de Heimlich représente un geste simple
facteurs favoriseraient les séquelles bronchiques dont la de réanimation ventilatoire. Elle permet la désobstruction
nature végétale du corps étranger, la localisation bronchique des voies aériennes supérieures obstruées par l’enclave-
gauche et surtout l’ancienneté de l’inhalation (durée > 15 j). ment d’un corps étranger. Cette manœuvre n’est réalisable
que si l’obstruction est totale. Elle est indiquée en cas de
3. Syndrome asphyxique aigu risque vital imminent et en l’absence d’autres moyens
Les signes d’asphyxie s’installent soit d’emblée et de réanimation ventilatoire immédiatement disponibles.
immédiatement après le syndrome de pénétration soit à • Mode d’action : cette manœuvre consiste à exercer
distance suite à un déplacement puis un enclavement une forte pression de bas en haut sur le diaphragme à
secondaire du corps étranger dans le larynx ou la trachée. travers la paroi abdominale provoquant une hyperpression
L’histoire est souvent évidente du fait de l’existence de l’air contenu dans les poumons et les bronches. La
d’un syndrome de pénétration et du caractère brutal de force pressionnelle permet l’éjection du corps obstruant.
l’installation de la détresse respiratoire aiguë. La gravité C’est l’augmentation de la pression d’air qui crée l’énergie
du tableau est marquée par l’apparition d’une cyanose cinétique nécessaire à l’expulsion du corps étranger.

L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0 435
CORPS ÉTRANGERS DES VOIES AÉRIENNES

• Réalisation : placé en arrière du sujet asphyxique (enfant • Après extraction du corps étranger par bronchoscopie,
assis sur les genoux, adulte debout ou assis) le sauveteur une vérification par fibroscopie souple de la totalité de l’ex-
pratique une compression brusque du creux épigastrique, traction est parfois réalisée, en particulier si l’extraction a
de bas en haut, main gauche posée à plat sur son poing nécessité une fragmentation du corps étranger (corps étran-
droit fermé. Il est parfois nécessaire de répéter plusieurs fois gers végétaux avec migration vers les petites bronches).
la manœuvre pour libérer la voie respiratoire. Chez l’enfant, L’hospitalisation postopératoire est courte, conditionnée
il faut diminuer la force du choc sous-diaphragmatique par le traitement éventuel de complications. La prescription
car le risque de traumatisme hépatique est important. d’une antibiothérapie et d’une corticothérapie brève est
• Contre-indications : elles sont représentées par toutes conditionnée par l’existence éventuelle de lésions muqueuses
les autres situations d’inhalation d’un corps étranger. En ou de sécrétions trachéobronchiques muco-purulentes.
particulier, la manœuvre de Heimlich pratiquée sur une
obstruction partielle risquerait de mobiliser le corps Corps étranger ancien
étranger et de l’enclaver dans l’espace sous-glottique
provoquant l’obstruction totale du passage aérien. L’extraction du corps étranger s’effectue par broncho-
• Après la manœuvre, il faut vérifier si l’enfant respire scopie rigide suivant une technique classique. Parfois,
ou non, dégager les voies aériennes en vérifiant si le une antibiothérapie et une corticothérapie peuvent être
corps étranger est extractible sous contrôle de la vue et prescrites 24 à 48 h avant l’examen endoscopique. ■
débuter si nécessaire une ventilation artificielle. En cas
d’échec, la manœuvre de Heimlich est renouvelée en POUR EN SAVOIR PLUS
attendant les secours médicalisés.
Grany JC, Monrigal JP, Dubin J, Preckel MP, Tesson B. Corps
2. À l’arrivée des secours médicalisés étrangers des voies aériennes. Société française d’anesthésie-
réanimation (SFAR). Rapport 1999 : 765-86.
La laryngoscopie est le 1er geste accompagné de l’oxygé- Le Pajolec C, Bobin S. Corps étrangers laryngo-trachéo-bronchiques.
nation. Elle peut visualiser le corps étranger et permettre In : Garabedian EN (ed). ORL de l’enfant. Paris : Flammarion, 1996 ;
son extraction par une pince de Magill de petite taille 29 : 229-32.
(corps étranger laryngé). Si le corps étranger est non Lescanne E, Soin C, Ployet MJ, Lesage V, Mercier C. Corps étrangers
visible ou inextirpable, une intubation est tentée pour le laryngo-trachéo-bronchiques. Encycl Med Chir (Paris : Elsevier).
Oto-rhino-laryngologie, 20-730-A-10, 1997, 10 p.
repousser dans une bronche souche et ventiler sélective-
ment la bronche non obstruée. En cas d’échec, l’abord tra-
chéal doit être envisagé soit par ponction trachéale directe, POUR APPROFONDIR
soit par cricothyroïdotomie ou trachéotomie. Au terme de
ces gestes de sauvetage, si la fonction cardiocirculatoire
est maintenue, l’enfant est transféré directement vers le Corps étranger des fosses nasales
bloc opératoire ORL le plus proche pour faire le bilan des L’extraction se fait à l’aide de micro-crochets sous contrôle endoscopique.
voies aériennes, compléter l’extraction du ou des corps Le diagnostic est parfois tardif et doit être évoqué devant une rhinorrhée
étrangers et faire le bilan d’éventuelles lésions associées. purulente unilatérale et récidivante.
Le risque d’inhalation est toujours possible en cas d’inspiration brutale
et profonde de l’enfant pendant ou en dehors de la période d’extraction.
Transfert en milieu spécialisé
Le corps étranger est diagnostiqué précocement et la
tolérance ventilatoire permet le transfert en milieu spé-
Points Forts à retenir
cialisé qui doit être assuré dans les meilleures conditions
possibles en proscrivant toutes les mobilisations inutiles • L’élément-clé du diagnostic d’un corps étranger
de l’enfant. Plusieurs situations sont envisageables. des voies aériennes est représenté par le syndrome
• Existence de signes cliniques de gravité : aucun de pénétration.
examen complémentaire ne doit être effectué et une • Le corps étranger des voies aériennes est
bronchoscopie au tube rigide sera immédiatement le 1er diagnostic à envisager devant un trouble
réalisée au bloc opératoire ORL. respiratoire d’installation brutale.
• Absence de signe clinique et radiographie pulmonaire • Un examen clinique normal après un syndrome
normale : une fibroscopie souple est réalisée en 1re intention de pénétration ne permet pas d’éliminer
sans ou avec une anesthésie générale brève. La fibroscopie la présence d’un corps étranger.
permet rapidement de faire un diagnostic topographique • La notion d’un syndrome de pénétration impo-
et étiologique. Si le diagnostic est confirmé, une broncho- se la réalisation d’une endoscopie des voies
scopie au tube rigide est réalisée pour extraction. aériennes en milieu spécialisé.
• Dans tous les autres cas où les signes orientent vers • La manœuvre de Heimlich est indiquée en cas
un corps étranger mais sans signes de gravité, une broncho- d’asphyxie aiguë.
scopie est réalisée éventuellement après une radiographie • Devant toute pathologie respiratoire chronique
pulmonaire. Dans ce cas, une éventuelle fibroscopie ou récidivante chez l’enfant un corps étranger
peut être réalisée juste avant la bronchoscopie pour pré- ancien doit être suspecté.
ciser la topographie et la nature du corps étranger.

436 L A R E V U E D U P R AT I C I E N 2 0 0 0 , 5 0
Oto-rhino-laryngologie
A 37

Dysphagie
Orientation diagnostique
PR Bernard GUERRIER, DR Cécile NICOLAS-PUEL
Service d’ORL A et chirurgie cervico-faciale 2, centre hospitalo-universitaire Gui-de-Chauliac, 34295 Montpellier.

Points Forts à comprendre 2. Préciser s’il existe des antécédents


Ils permettent d’orienter le diagnostic étiologique
• La dysphagie est une sensation anormale en précisant l’existence d’une pathologie néoplasique
ressentie par le patient lors de l’ingestion ORL ou œsophagienne, ou d’une maladie neuro-
d’aliments solides et (ou) liquides. En cas de logique.
dysphagie haute, la plainte se situe au niveau
du cou alors qu’elle est rétrosternale en cas 3. Rechercher des signes associés
de dysphagie basse. Cette gêne se manifeste • Une pathologie obstructive ORL est évoquée en cas
par une sensation de blocage des aliments, de dysphonie, otalgie, odynophagie, gêne respiratoire,
parfois douloureuse (odynophagie) isolée apparition d’une masse, d’une douleur, d’un hoquet).
ou accompagnée de fausses routes trachéales • Une pathologie neurologique est évoquée en cas de
ou nasales, d’une mastication prolongée maladresse linguale, ptôsis, fausses routes nasales ou
ou d’une obligation de déglutition répétée trachéales avec toux à la déglutition, nasonnement.
pour une même bouchée. Il y a aphagie lorsque
la déglutition est devenue impossible.
• Les difficultés diagnostiques sont plus 4. Rechercher des facteurs de risques
importantes quand la dysphagie est le révélateur On retiendra une intoxication alcoolo-tabagique ; un
d’une pathologie que lorsque ce symptôme reflux gastro-œsophagien.
apparaît dans l’évolution d’une pathologie
déjà connue. 5. Rechercher des signes de gravité
• La gravité clinique peut être majeure en cas
de dénutrition grave ou de pneumopathies Il s’agit d’un amaigrissement important, d’un antécédent
d’inhalation alors que, dans d’autres de pneumopathies d’inhalation.
circonstances, la plainte est uniquement
fonctionnelle entraînant un inconfort au quotidien.
Examen clinique

1. Appréciation du retentissement de la dysphagie


sur l’état général
La déglutition est un processus actif à la fois volontaire et C’est le premier temps de l’examen car il permet de
réflexe permettant le transfert des aliments de la bouche préciser la sévérité du trouble.
vers l’estomac tout en protégeant les voies respiratoires. • La perte de poids et la présence d’un pli cutané
Elle est classiquement divisée en trois phases : orale, caractérisent les dysphagies graves. À l’opposé, l’absence
pharyngienne et œsophagienne (voir : Pour approfondir). d’amaigrissement traduit la mise en place spontanée de
processus compensateurs.
• Des infections pulmonaires récidivantes orientent
Diagnostic positif vers des fausses routes trachéales. La pneumopathie
d’inhalation est le plus souvent à droite. Elle peut
Interrogatoire aboutir au décès du patient.

1. Caractériser le symptôme 2. Examen


Il précise le niveau de la gêne : dysphagie haute ou • L’inspection comprend l’analyse de la statique de la
basse, mode d’installation brutal ou progressif, mode tête et du cou, la recherche d’une amyotrophie muscu-
d’évolution (aggravation continue progressive, initiale laire au niveau du sterno-cléido-mastoïdien et (ou) du
pour les solides et progressive pour les liquides, para- trapèze, l’existence d’une cicatrice cervicale, la présence
doxale pour la salive et non pour l’alimentation solide). d’une masse cervicale.

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 529


DYSPHAGIE

• L’examen de la cavité buccale et de l’oropharynx, peptiques ou tumorales ; compressions extrinsèques ;


accessible à tout médecin, précise : la qualité de la spasmes étagés ou limités ; anomalies anatomiques). Il
fermeture labiale (bavages) ; l’état dentaire et éventuel- objective des fausses routes laryngées imposant l’arrêt de
lement la qualité de l’adaptation prothétique ; les mou- l’examen ou d’autres anomalies associées (hernie hiatale).
vements de l’articulation temporo-mandibulaire, de la Cet examen précède habituellement le bilan endosco-
langue, du voile du palais ; l’état de la muqueuse pique (fig. 2).
(trophicité, sécheresse, lésions de surfaces) ; l’existence
d’une masse ou d’une ulcération suspectes au niveau de
la langue, du plancher de la bouche, de la région amyg-
dalienne ou du voile. La palpation de cette lésion
note la dureté et le saignement au contact, signes
évocateurs de malignité.
• L’examen du cou, outre l’existence de cicatrice, doit
rechercher la présence de masses développées aux
dépens des ganglions et (ou) de la glande thyroïde. La
qualité de l’ascension laryngée est appréciée lors d’une
déglutition salivaire.
• L’examen ORL fait par un spécialiste à l’aide de
moyens optiques adaptés (fibroscopie, optiques grossis-
santes) recherche l’existence d’une tumeur maligne de
la cavité buccale ou de l’oropharynx ; évalue les praxies
oro-bucco-faciales (mouvements et sensibilité des
lèvres, des joues, de la langue et base de langue) et
recherche des mouvements anormaux (tremblements,
fasciculations) ; la dynamique du voile du palais et
de la paroi postérieure du pharynx ; l’état du larynx
et de l’hypopharynx tant dans leur morphologie (absence 1 Radiographie sans préparation cervico-thoracique.
ou présence d’une masse) que dans leur dynamique Corps étranger de l’œsophage chez un enfant. Pièce de monnaie
(paralysie ou non d’une corde vocale, fermeture ou bloquée au niveau de la bouche de l’œsophage.
ouverture d’un sinus piriforme) ; la voix (timbre et
intensité) ; l’importance d’une stase salivaire au niveau
de la bouche, des vallécules ou des sinus piriformes ; le
bon fonctionnement des différents muscles innervés par
les dernières paires crâniennes, la qualité du réflexe
nauséeux et du réflexe de toux ; la déglutition dans
ses phases orale et pharyngée avec la prise d’aliments
solides, pâteux et liquides contrôlée par nasofibroscopie.

Examens complémentaires
La demande de ces examens est orientée par les données
de l’interrogatoire et de l’examen clinique.
1. Radiographies simples
• Des parties molles du cou : recherche un corps
étranger radio-opaque (fig. 1), une déviation de l’axe
laryngotrachéal (gros goitre ou goitre plongeant), une
image hydro-aérique d’un laryngo-pyocèle ou, plus bas
situé, un diverticule volumineux.
• Du thorax de face et de profil : recherche d’un élar-
gissement du médiastin, d’un déplacement trachéal,
d’un gros hile ou d’une image de pneumopathie droite
en particulier.
2. Transit pharyngo-œsophagien
Examen fondamental pour les dysphagies dont la cause 2 Transit pharyngo-œsophagien. Volumineux diverticule
n’est pas accessible à l’examen ORL, il fait le diagnostic de l’œsophage avec opacification bronchique par fausses
(diverticule de Zenker) ou l’oriente précisément (sténoses routes laryngo-trachéales.

530 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

3. Vidéoradioscopie Diagnostic différentiel


C’est un examen radiologique, centré sur la cavité Au terme de ce bilan clinique et paraclinique, le dia-
buccale et le cou. Il est couplé à l’ingestion d’un gnostic s’oriente vers l’existence d’un dysfonction-
produit baryté liquide, pâteux puis solide. nement qui peut être de type organique ou fonctionnel.
C’est l’examen de référence pour étudier les dysphagies Sans aucune anomalie objectivée, le diagnostic de
hautes. Il est prescrit lorsqu’on suspecte un trouble paresthésie pharyngé est évoqué.
de la déglutition oropharyngée sans pouvoir le mettre La paresthésie pharyngée est une sensation de corps
en évidence par l’examen clinique ou la fibroscopie. étranger du pharynx décrite le plus souvent comme une
Il détermine le mécanisme de la dysphagie et oriente impression de « boule dans la gorge » lors de la
la rééducation par l’étude des manœuvres posturales déglutition salivaire. Elle est paradoxalement soulagée
(rotations et flexions cervicales). par la prise d’aliments et ne s’accompagne d’aucun
amaigrissement. C’est une plainte extrêmement
4. Tomodensitométrie et imagerie fréquente sans substratum anatomique où la somatisa-
tion d’une anxiété (cancérophobie) est souvent rencon-
par résonance magnétique nucléaire
trée. La recherche d’un reflux gastro-œsophagien est
Elles ne seront demandées qu’en fonction du contexte conduite en fonction de la symptomatologie clinique.
clinique.

5. Manométries Diagnostic étiologique


Une sonde souple introduite par voie nasale, munie de La symptomatologie d’un malade atteint de dysphagie
capteurs, enregistre les variations de pression au peut s’exprimer de façon différente selon que la cause
niveau du pharynx, du sphincter supérieur de l’œso- est organique ou dysfonctionnelle. Avant d’envisager les
phage (SSO) et de l’œsophage. Un analyseur différentes causes, il nous a semblé important de préciser
transforme les variations de pression en un signal comment l’analyse de la symptomatologie peut aider à
électrique. Ces mesures sont effectuées pour explorer la recherche de la cause.
les dysphagies d’origine neurologique, associées à
une maladie systémique ou à une pathologie motrice
de l’œsophage. Analyse de la symptomatologie
Le principal inconvénient de cette technique est
l’imprécision de mesure des pressions au niveau 1. Blocage des aliments
du sphincter supérieur de l’œsophage. Il est parfois
intéressant de coupler la manométrie à la vidéo • Causes organiques : si ce blocage évolue de façon
radioscopie. progressive et s’aggrave régulièrement, il oriente vers
une lésion tumorale. En cas de blocage aigu, il faut
penser à une cause infectieuse ou à un corps étranger.
6. Fibroscopie œsogastrique • Causes fonctionnelles : le plus souvent les blocages
Premier examen complémentaire à réaliser en cas dysfonctionnels sont liés à une atteinte neuromusculaire
de dysphagie basse, la fibroscopie œsogastrique entraînant au niveau du pharynx une diminution de la
permet de situer avec précision la hauteur d’une force de propulsion de la base de langue, des muscles
sténose, son importance, franchissable ou non, sa constricteurs, une mauvaise ascension laryngée respon-
nature en permettant la réalisation de biopsies. Cet sable d’une difficulté à l’ouverture du sphincter supé-
examen peut être couplé à une échoendoscopie, rieur de l’œsophage et de stases salivaires sus-jacentes à
examen particulièrement intéressant pour le bilan l’origine de fausses routes trachéales.
d’extension pariétale et ganglionnaire médiastinale
des cancers de l’œsophage. 2. Fausses routes
• Les fausses routes nasales (encore appelées régurgi-
7. Panendoscopie tations) sont liées à un défaut de fermeture du voile
Examen obligatoire en cas de dysphagie liée à un lors de la phase orale et entraînent la pénétration des
cancer des voies aérodigestives supérieures ou de aliments dans le rhinopharynx et parfois jusque dans les
l’œsophage car les différentes endoscopies – laryngo- fosses nasales. Elles sont souvent associées à des
scopie directe, pharyngoscopie directe, trachéo- fausses routes trachéales secondaires par vidange tardive
bronchoscopie et œophagoscopie aux tubes rigides – du contenu du rhinopharynx dans le pharynx sous-jacent
permettent un bilan complet du carrefour aérodigestif, après la déglutition, alors que les mécanismes de
de l’axe digestif pharyngo-œsophagien et de l’axe aérien protection des voies respiratoires sont levés.
laryngo-trachéo-bronchique. • Les fausses routes trachéales (encore dénommées
Ce bilan est obligatoire compte tenu du risque élevé de inhalations) correspondent au passage des aliments sous
doubles localisations cancéreuses simultanées. le plan glottique.

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 531


DYSPHAGIE

Plusieurs mécanismes sont possibles : avant la déglutition ailleurs, il est obligatoire, dans ce type de cancer, de
par mauvais contrôle du bolus dans la cavité buccale coupler à l’endoscopie lésionnelle une panendoscopie
lors de la phase préparatoire et cela est particulièrement afin de rechercher une deuxième localisation.
vrai pour les aliments liquides ; pendant la déglutition • Cancer de l’œsophage : il s’agit souvent d’un homme
par défaut de fermeture du larynx ou par trouble de la autour de la cinquantaine, alcoolo-tabagique, porteur
coordination des différents temps de la déglutition ; d’une dysphagie basse, d’aggravation progressive et res-
après la déglutition par défaut d’ouverture du sphincter ponsable d’un amaigrissement très important.
supérieur de l’œsophage responsable d’une accumu- L’endoscopie complétée par une échoendoscopie et un
lation alimentaire ou salivaire et pénétration laryngée examen tomodensitométrique du médiastin confirment
lors de la reprise inspiratoire (ou par vidange du contenu le diagnostic et font le bilan d’extension et d’opérabilité.
du rhinopharynx lors de fausses routes nasales comme La recherche d’une deuxième localisation est, là aussi,
précédemment décrit). indispensable avant toute décision thérapeutique.
Les tumeurs bénignes de l’œsophage sont rares, le
3. Déglutition répétée contexte clinique est différent. Il faut y penser en cas
d’intégrité de la muqueuse de recouvrement car ces
Mécanisme mis en place spontanément par le patient : il tumeurs ont un développement sous-muqueux (léio-
traduit un défaut de propulsion de la base de langue avec myomes, angio-fibro-lipomes, etc.) .
mauvaise vidange valléculaire et doit faire rechercher un
trouble neuromusculaire. 2. Diverticule de Zenker
• La mastication prolongée dont l’origine est double :
centrale, le temps masticatoire est allongé en cas de C’est une hernie de la muqueuse postérieure de la
trouble de l’initiation du mouvement ; périphérique, il bouche de l’œsophage, au niveau d’une zone de faiblesse
s’agit soit d’un trouble praxique oro-bucco-facial, soit musculaire juste au-dessus du sphincter supérieur de
d’un mécanisme compensateur mis en place par le l’œsophage, consécutive à un défaut de relaxation de
patient pour atténuer une dysphagie aux solides en relation celui-ci et à l’hyperpression pharyngée. Cette poche
avec une obstruction sous-jacente. muqueuse, souvent méconnue au début de son évolution,
• La dysphagie douloureuse (odynophagie) est peu grossit et comprime l’œsophage sous-jacent aggravant
caractéristique dans le cadre d’un syndrome infectieux. la dysphagie initiale liée à l’achalasie du sphincter
Par contre, elle prend toute sa valeur chez un sujet supérieur de l’œsophage.
éthylo-tabagique et doit faire rechercher l’existence Le pic de fréquence de survenue de cette pathologie se
d’un cancer ulcéré. situe autour de 60 ans. Le diagnostic est évoqué devant 2
signes spécifiques : la régurgitation d’aliments non digé-
rés à distance de leur ingestion, et l’émission de bruits
Causes obstructives hydro-aériques lors de la palpation de la base du cou à
gauche au contact de la trachée. Le diagnostic est fait
1. Causes tumorales par l’opacification barytée qui précise la taille du diver-
ticule et son degré de compression de l’œsophage. Sa
Ce sont les premières à éliminer, qu’elles soient situées cure est chirurgicale, soit par voie endoscopique au
au niveau des voies aérodigestives supérieures ou laser, soit par voie cervicale. Le risque de cancérisation
de l’œsophage. Les examens endoscopiques sont la clef est faible (1 %).
du diagnostic en visualisant la tumeur et en permettant
la biopsie. 3. Sténoses non tumorales
• Cancers des voies aérodigestives supérieures : ce
diagnostic doit être soupçonné chez un homme alcoolo- • Les sténoses peptiques sont parfois le mode de révéla-
tabagique qui se plaint de dysphagie haute, latéralisée, tion d’un reflux gastro-œsophagien non traité. La
souvent douloureuse et associée à une otalgie ipsilatérale, symptomatologie est progressive dans un contexte d’œ-
parfois à une dysphonie et à des crachats sanglants. La sophagite par reflux gastro-œsophagien. Le diagnostic
palpation du cou retrouve fréquemment des adénopathies est fait par le transit baryté qui montre une sténose
de siège sous-digastrique, dures, parfois douloureuses, régulière axiale en « queue de radis » du tiers inférieur
bilatérales et fixées aux tissus avoisinants. de l’œsophage. L’endoscopie confirme le diagnostic,
L’examen met en évidence une lésion le plus souvent apprécie son degré de gravité par la biopsie et permet
ulcéro-bourgeonnante ou infiltrante venant envahir les une première dilatation (fig. 3).
régions voisines. Il s’agit habituellement d’un cancer de • Les sténoses caustiques constituent une complication
l’oropharynx (région amygdalienne, base de langue) ou évolutive grave de cette pathologie et doivent êtres
de l’hypopharynx (sinus piriforme). explorées par endoscopie et biopsie car il y a risque
La biopsie de la lésion est faite sous endoscopie, après de cancérisation secondaire. Siégeant au niveau de la
bilan tomodensitométrique de l’axe viscéral et du cou bouche de l’œsophage ou sur l’œsophage thoracique,
pour préciser l’extension locale et régionale et classer la elles peuvent se révéler par un blocage total lors de
lésion en stades TNM (tumor node metastasis). Par l’alimentation.

532 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

hernie hiatale par glissement. Les anneaux serrés (< 12 mm)


sont rares, mais peuvent êtres responsables d’une dys-
phagie basse douloureuse et capricieuse.
• Le syndrome de Plummer-Vinson ou syndrome de
Kelly-Paterson, exceptionnel en France, s’observe chez
des femmes d’âge moyen. Il est provoqué par une bride
circulaire, repli membraneux de la face antérieure de
l’œsophage, sous le muscle crico-pharyngien. Ce syndrome
est parfois associé à une carence en fer, avec anémie
microcytaire et achalasie gastrique. L’endoscopie doit
être prudente. La rupture de la bride soulage la dysphagie.
Une surveillance prolongée s’impose. Un cancer de la
bouche de l’œsophage peut survenir à distance.
• La sclérodermie induit des obstacles œsophagiens
étagés associés à une œsophagite.

6. Sténoses ou obstacles fonctionnels


• Le méga-œsophage ou achalasie du sphincter
✶ inférieur de l’œsophage (SIO), également appelé
cardiospasme correspond à une dilatation de l’œsophage
secondaire à un défaut de relaxation du sphincter
inférieur de l’œsophage. La dysphagie est basse et
peu importante. Un niveau liquide est parfois visible
sur la radiographie simple du thorax. Le transit baryté
retrouve une volumineuse dilatation œsophagienne
au-dessus d’une sténose bas située, mise en évidence
sur un examen tomodensitométrique (fig. 4 ) .
3 Transit œso-gastrique. Sténose peptique du tiers infé- • L’achalasie du sphincter supérieur de l’œsophage
rieur de l’œsophage. est beaucoup plus rare et touche essentiellement les per-
sonnes âgées. Elle peut être à l’origine d’un diverticule
de la bouche de l’œsophage.

4. Corps étrangers
• Dysphagie haute : il s’agit d’une dysphagie aiguë,
douloureuse, incomplète (arête de poisson plantée dans
l’amygdale ou la base de langue). L’examen ORL
permet de voir le corps étranger et d’en faire l’exérèse.
• Dysphagie basse (bouche de l’œsophage) : la dys-
phagie est complète (aphagie) et s’accompagne d’une
hypersialorrhée. L’extraction ne peut se faire que sous
endoscopie.
En cas de blocage bas situé sur lœsophage, il faut penser
à un blocage sur sténose. ✶
L’interrogatoire précise la nature du corps étranger et
son heure d’ingestion. La radiographie des parties
molles du cou et du thorax prend toute son importance
en cas de corps étranger radio-opaque. Elle met en évi-
dence des épanchements gazeux, signe de perforation
muqueuse.

5. Sténoses organiques rares


• L’anneau de Schatzki est une sténose circonférentielle
du cardia par repli muqueux annulaire de la muqueuse 4 Tomodensitométrie thoracique. Méga-œsophage : dilatation de
œsophagienne, se développant juste au-dessus d’une l’œsophage et en rapport avec la rétention alimentaire.

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 533


DYSPHAGIE

troubles respiratoires révèlent la maladie sur le plan


clinique. L’examen clinique est évocateur quand il
met en évidence des fasciculations de la langue sans
atteinte sensitive associée et avec exacerbation du
réflexe nauséeux. Il faut rechercher une amyotrophie
des interosseux digitaux et demander un électro-
myogramme.
✶ • Dans la sclérose en plaques, toutes les étapes de la
déglutition peuvent être touchées de façon plus ou
moins réversible en fonction du stade de la maladie.
• Dans la maladie de Parkinson, 50 % des patients ont
des troubles de la déglutition. L’initiation du mouve-
ment est difficile, inadaptée et désynchronisée.
• Dans la poliomyélite antérieure aiguë, qui atteint les
motoneurones bulbaires, les troubles de la déglutition
sont inconstants et tardifs.

5 Tomodensitométrie cervicale. Ostéophytose rachidienne 2. Atteintes inflammatoires : la polyradiculoné-


vrite de Guillain et Barré
cervicale avec compression de l’hypopharynx gauche.
Il s’agit d’une démyélinisation périphérique aiguë d’origine
inflammatoire. Troubles de la déglutition et troubles
respiratoires mettent en jeu le pronostic vital. Lorsque la
phase aiguë est passée, la régression des signes se fait de
• La maladie des spasmes étagés de l’œsophage pro- façon spontanée dans un délai variable.
voque une dysphagie basse, douloureuse et capricieuse.
Elle peut simuler une crise d’angine de poitrine d’autant 3. Atteintes des nerfs crâniens
que la douleur est soulagée par les dérivés nitrés. La
manométrie démontre que la majorité des ondes de • Une lésion au niveau du tronc cérébral entraîne
contraction sont anarchiques et non propagées. Le dia- généralement une atteinte nucléaire multiple. Il peut
gnostic est fait sur le transit baryté qui montre l’aspect s’agir de lésions vasculaires de type hémorragique ou
classique en « piles d’assiettes ». ischémique, d’une tumeur ou d’une atteinte post-
traumatique. Les lésions neurologiques sont généralement
7. Compressions extrinsèques multiples. Le plus souvent sont associés un vertige et
des troubles majeurs de la déglutition. L’exemple le plus
Elles peuvent être d’origine ganglionnaire médiastinale typique est le syndrome de Wallenberg.
(cancer pulmonaire, lymphome), cardiovasculaires • Les nerfs crâniens sont atteints dans leur trajet avant
(anévrisme aortique, hypertrophie auriculaire, anomalie ou dans la traversée de la base du crâne ; plusieurs nerfs
d’origine de l’artère sous-clavière droite qui passe en sont souvent atteints simultanément et l’atteinte la plus
rétro-œsophagien « dysphagia a lusoria »), thyroïdiennes fréquente est constituée par le syndrome du trou déchiré
(goitre plongeant gauche, cancer indifférencié souvent postérieur (IX-X-XI) qui associe paralysie vélopharyngée
alors associé à des troubles respiratoires et à une paralysie et troubles sensitifs du carrefour aérodigestif. Les causes
récurrentielle gauche) ou rachidienne (ostéophytose sont essentiellement tumorales, souvent malignes et
volumineuse, fig. 5 ; chordome). parfois secondaires (tumeurs vasculaires glomiques,
nerveuses, du rocher ou du cavum, adénopathies
malignes cervicales haut situées, envahissement osseux
Causes neurologiques métastatique).
Le diagnostic est porté par l’exploration de la base du
Le diagnostic est d’autant plus difficile à faire que la crâne en tomodensitométrie et (ou) en imagerie par
dysphagie est révélatrice de la pathologie. résonance magnétique.
Ce type de syndrome est également décrit après fracture
1. Maladies dégénératives de la base du crâne ou dans l’évolution des malformations
de la charnière cranio-vertébrale (syndrome d’Arnold-
• La sclérose latérale amyotrophique, pathologie du Chiari) qui peuvent se révéler par des troubles de la
premier motoneurone au pronostic redoutable, débute déglutition. Souvent, l’atteinte neurologique est poly-
dans 20 % des cas par une atteinte bulbaire responsable morphe (syndrome associé), mais le trouble de la déglu-
d’un syndrome labio-glosso-pharyngo-laryngé. Les tition peut être isolé et inaugural (atteinte des IXe et
troubles de la déglutition avec fausses routes nasales par Xe paires crâniennes). Seule l’imagerie par résonance
atteinte vélaire, les troubles de l’élocution, et les magnétique apporte la preuve diagnostique (fig. 6).

534 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

(diminution de l’amplitude des potentiels musculaires


par stimulation répétée) font le diagnostic. Le thymus,
organe lymphoïde secondaire, peut être à l’origine de
cette pathologie. Hypertrophié, il sécrète des anticorps.
Le scanner, sur les coupes thoraciques hautes, visualise
l’hypertrophie de cet organe.
• Les myopathies (héréditaires) et les polymyosites
(acquises) touchent principalement le temps pharyngien
et le temps œsophagien de la déglutition.

Causes infectieuses

✶ 1. Oropharynx
• L’angine est la cause la plus fréquente des dysphagies
douloureuses et son diagnostic est des plus simples.
En cas de dysphagie totale (aphagie), l’hospitalisation
est indiquée pour mettre en place une antibiothérapie
6 Imagerie par résonance magnétique de la base du crâne et une réhydratation par voie intraveineuse.
en incidence de profil. Malformation type Arnold-Chiari. • Le phlegmon périamygdalien est une infection qui
s’étend à partir du parenchyme amygdalien au travers
de la « capsule » vers l’espace périamygdalien. Une
odynophagie fébrile, d’aggravation rapide, survenant
quelques jours après une amygdalite associée à une
• Les lésions nerveuses extracrâniennes/atteintes ner- otalgie, un trismus, une voix couverte, est très évocatrice.
veuses périphériques donnent des paralysies flasques et Le voile est très nettement asymétrique avec un
imposent de rechercher une compression de ce nerf tout bombement important du pilier antérieur, la luette
le long de son trajet. est œdémateuse et refoulée vers le côté sain. La présence
Ainsi l’atteinte unilatérale du nerf vague associe de pus lors de la ponction confirme le diagnostic et
atteintes motrice et sensitive du pharyngo-larynx l’évacuation de celui-ci améliore très rapidement la
homolatéral, responsable d’une dysphonie (hémilarynx symptomatologie.
en ouverture en laryngoscopie indirecte) et d’une
dysphagie avec fausses routes laryngées (stase 2. Larynx
salivaire dans le sinus piriforme en pharyngoscopie indi-
recte). • L’épiglottite est une infection bactérienne aiguë
La paralysie du voile par atteinte des IXe et Xe paires de l’épiglotte touchant principalement l’enfant avant
crâniennes se diagnostique cliniquement. La voix est 10 ans ; elle est d’installation brutale. La clinique est
nasonnée et le malade est dysphagique avec fausses évocatrice ; l’enfant est bouche ouverte, en position
routes nasales et trachéales ; à l’examen de la cavité assise (le décubitus aggrave la gêne respiratoire).
buccale, le voile est asymétrique et ne se contracte que La déglutition est impossible et l’enfant bave. La
du côté sain, de même que la paroi postérieure du respiration est bruyante, il s’agit d’une dyspnée
pharynx (signe du rideau). laryngée avec stridor. La voix est couverte et la
La cause principale est constituée par les adénopathies toux est claire. La fièvre est élevée à 39-40 ˚C et la
malignes de la partie haute du cou parfois révélatrices palpation du cou retrouve des adénopathies bilatérales
d’un cancer des voies aérodigestives supérieures. et douloureuses.
Il s’agit d’une urgence médicale dont le diagnostic est
4. Atteintes neuromusculaires clinique et impose l’hospitalisation.
• La pyolaryngocèle est une surinfection d’une
• Les dystonies sont des contractions musculaires sou- laryngocèle, c’est-à-dire une poche muqueuse située
tenues et involontaires. Dans les formes focales oro- dans le vestibule laryngé, développée aux dépens
mandibulaires, les troubles de la voix et de la déglutition du diverticule de Zuckerkandl. Le tableau clinique
sont au premier plan. associe dyspnée laryngée, dysphagie haute douloureuse
• La myasthénie est une pathologie auto-immune et fébrile, dysphonie avec voix couverte et souvent
induisant des troubles musculaires prédominant au tuméfaction cervicale haute parahyoïdienne. La
niveau oculaire (ptôsis, diplopie), facial (diminution des laryngoscopie indirecte met en évidence un œdème
mimiques) et pharyngo-laryngé (troubles de la voix et majeur du vestibule laryngé de façon unilatérale venant
de la déglutition). Absents au repos, les symptômes obstruer la filière respiratoire et imposer, dans certains
apparaissent à l’effort. La présence d’anticorps anti- cas, une trachéotomie en urgence car l’intubation
cholinestérasiques sanguins et l’électromyographie est, comme dans l’épiglottite, très difficile.

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 535


DYSPHAGIE

3. Œsophage 2. Dysphagies induites


• L’œsophagite candidosique survient sur des sujets • Conséquence d’un accident vasculaire cérébral : il
fragiles (immunodéprimés, corticothérapies, antibio- s’agit essentiellement des accidents ischémiques ou
thérapie, lésion locale préexistante). Elle n’est sympto- hémorragiques du tronc cérébral (atteinte nucléaire) ou
matique que dans 50 % des cas. Lorsqu’elle se manifeste, des hémisphères (atteinte supranucléaire). Le syndrome
c’est l’odynophagie qui domine le tableau. L’endo- de Wallenberg est un accident vasculaire du tronc céré-
scopie permet le prélèvement des exsudats blancs qui bral avec atteintes nucléaires multiples. Les troubles de
adhèrent à la muqueuse congestive. La culture met en la déglutition sont majeurs au début, liés principalement
évidence le Candida albicans. à une paralysie flasque et à des troubles de la sensibilité
• L’œsophagite herpétique souvent « de novo » peut du pharyngo-larynx.
survenir dans les suites d’une maladie générale ou d’un • Les traumatismes crâniens provoquent des troubles de
traitement immunosuppresseur. Brûlures et la déglutition complexes où sont souvent associés des
dysphagie prédominent. L’évolution est spontanément troubles centraux [lésions corticales et (ou) pseudo-
favorable. bulbaires] et des troubles périphériques [lésions nucléaires
et (ou) tronculaires]. La récupération ou l’adaptation
dépend de la cause et de la localisation de l’atteinte.
• Les maladies systémiques peuvent entraîner une dys-
Cas particuliers phagie : amylose, diabète, hypothyroïdie, lupus érythé-
1. En fonction de l’âge mateux aigu disséminé, polyarthrite rhumatoïde, sarcoï-
dose, sclérodermie, dermato-polymyosites, syndrome
Nous avons volontairement éliminé de la question les de Gougerot-Sjögren.
troubles de la déglutition du nouveau-né car ils survien- • La chirurgie carcinologique ORL est mutilante tant
nent dans des tableaux cliniques caractéristiques sur le sur le plan de la structure anatomique du pharyngo-
plan clinique, et la dysphagie, si elle constitue un facteur larynx que sur le plan neurologique (nerfs récurrents
aggravant, ne constitue jamais un symptôme révélateur pour la motricité laryngée, nerf laryngé supérieur pour
pouvant créer un problème diagnostique. la sensibilité laryngée et XIIe paire crânienne pour la
• La dysphagie du sujet âgé : très fréquente, elle touche motricité linguale). Les chirurgies partielles ou subtotales
entre 20 et 50 % des sujets après 75 ans observés en du pharyngolarynx conservant les fonctions phonatoire
milieu hospitalier. La presbyphagie est le terme utilisé et respiratoire sont toutes potentiellement dysphagiantes
pour qualifier les effets du vieillissement sur la déglutition et impliquent une prise en charge rééducative.
liés à la dégradation des différents mécanismes de la • La chirurgie de l’œsophage peut induire une dysphagie
déglutition et s’exprime par des fausses routes liqui- par sténose cicatricielle sur une anastomose.
diennes plus fréquentes, une lenteur de la mastication et Toute dysphagie d’apparition précoce ou tardive après
des efforts de déglutition répétés. Souvent infracliniques, chirurgie pour cancer des voies aérodigestives supérieures
ces troubles habituellement compensés spontanément ou de l’œsophage, suivie ou non de radiothérapie, doit
peuvent brutalement se décompenser à l’occasion d’une faire discuter sténose cicatricielle, récidive tumorale ou
affection générale. L’ostéophytose vertébrale peut pro- deuxième localisation.
voquer une compression extrinsèque postérieure étagée • Les interventions neurochirurgicales de la base du
du pharynx et de l’œsophage et entraîner une gêne à la crâne postérieure ou des espaces parapharyngés
déglutition. peuvent induire ou aggraver une dysphagie préexis-
La myopathie du crico-pharyngien ou achalasie du tante surtout si l’exérèse de la lésion expose à des
sphincter supérieur de l’œsophage est beaucoup plus traumatismes des dernières paires crâniennes. Là
rare. Il s’agit d’un blocage haut (dysphagie haute) encore, la récupération ou l’adaptation dépend de la
avec fausses routes trachéales secondaires par cause, de la localisation de l’atteinte et du nombre de
inhalation du contenu des sinus piriformes lors de paires crâniennes atteintes.
la reprise inspiratoire. La relaxation du sphincter • La radiothérapie du carrefour aérodigestif et du cou
supérieur œsophagien est faible et non synchrone du est dysphagiante initialement par les lésions inflamma-
pharynx. Le muscle crico-pharyngien se fibrose et toires et ensuite par différents mécanismes dont le plus
seule la myotomie du crico-pharyngien permet fréquent est l’absence de salive pour l’irradiation du car-
l’amélioration de la déglutition. refour des voies aérodigestives supérieures. Cependant,
• La dysphagie de l’enfant peut être en rapport avec : il peut y avoir d’autres mécanismes qui interviennent
les hypertrophies amygdaliennes majeures avec dyspha- plus tardivement (neuropathie post-radique responsable
gie haute aux solides ; les causes infectieuses avec les d’atteinte des dernières paires crâniennes – fibrose au
angines et surtout l’épiglottite ; les corps étrangers ; les niveau de la bouche de l’œsophage). Ce risque réel mais
tumeurs du tronc cérébral (rares) ; les troubles muscu- rare ne doit pas faire oublier que la plus grande cause de
laires avec les myopathies et la myasthénie (hyper- dysphagie chez un patient irradié pour cancer des voies
nasalité vespérale avec régurgitations nasales), les aérodigestives supérieures est la récidive ou la survenue
atteintes multiples des infirmes moteur et cérébraux. d’une deuxième localisation.

536 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

• Les œsophagites radiques, aiguës contemporaines POUR EN SAVOIR PLUS


de l’irradiation, cèdent à l’interruption du traitement.
Chroniques, elles surviennent des mois après l’irradia- Couturier D, Samama J. Diverticules de l’œsophage. Éditions
tion, sans relation directe avec une éventuelle œsophagite techniques. Encycl Méd Chir (Paris-France), Gastro-entérologie,
9-203-H-10, 1993, 8p.
aiguë, peuvent intéresser un œsophage sain (après irra-
diation de cancers bronchiques au niveau thoracique, Kotzki N, Pouderoux Ph, Jacquot JM. Les troubles de la dégluti-
tion. Paris : Masson, 1999.
d’adénopathies malignes médiastinales) ou un œsophage
péritumoral après irradiation d’un carcinome de cet organe. Lacau St-Guily J, Angelard B, Chaussade S, Ponsot P, El-Bez M,
Ayache D. Dysphagies fonctionnelles hautes. Ann Otolaryngol
Leur incidence paraît faible. Elles se manifestent par une (Paris) 1992 ; 109 : 61-5.
dysphagie. Elles sont souvent associées à des lésions
Lacau St-Guily J, Chaussade S. Troubles de la déglutition de l’adul-
radiques cutanées ou des organes de voisinage. Le dia- te. Les maladies motrices du pharynx et de l’œsophage. Les
gnostic est essentiellement endoscopique (sténose, ulcé- monographies du CCA. Wagram Édition, 1994.
ration) et biopsique car l’élimination d’une récidive Uziel A, Guerrier Y. Physiologie des voies aériennes supérieures.
locale est parfois difficile. ■ Paris : Masson, 1984.

POUR APPROFONDIR Points Forts à retenir

Rappel de la physiologie de la déglutition • La dysphagie est un symptôme complexe


car pour un même dysfonctionnement plusieurs
maladies peuvent être évoquées et, a contrario,
• La phase orale, volontaire, se divise en phase préparatoire – pour une même pathologie, plusieurs
préhension, mastication, insalivation et rassemblement des aliments mécanismes peuvent être intriqués,
(bolus) – dans la cavité buccale et phase propulsive permettant d’où une grande complexité dans la recherche
le passage du bolus vers l’isthme pharyngé par plaquage de la étiologique. On peut donc dire qu’il n’y a pas
langue sur le palais dur. Cette phase nécessite la mise en place de une dysphagie mais « des » dysphagies.
deux verrous, l’un antérieur (sphincter labial) et l’autre postérieur
• Dans les causes obstructives, le cancer est
(sphincter vélo-pharyngé) dont la fermeture obligatoire doit être
coordonnée.
la cause prédominante et le cancer de l’œsophage
ne doit pas faire méconnaître les cancers
• Le temps pharyngien, phase réflexe adaptée à la texture du bolus, des voies aérodigestives supérieures d’autant
débute dès que celui-ci atteint la base de langue. La contraction des que le terrain est le même et les associations
muscles pharyngés fait glisser le bolus vers la bouche œsophagienne, fréquentes.
dont l’ouverture est consécutive à l’ascension du larynx et au relâ- • Le diagnostic en particulier dans les causes
chement du muscle crico-pharyngien. La rétropulsion de la base de neurologiques nécessite souvent une confrontation
langue et la bascule concomitante de l’épiglotte assurent la protection interdisciplinaire et la prise en charge théra-
des voies respiratoires. peutique en dehors du traitement étiologique
impose une collaboration entre équipes médicales
• La phase œsophagienne est plus passive et traduit la progression de spécialités différentes – ORL, neurologie,
des aliments sous l’impulsion de l’onde péristaltique jusqu’au cardia.
gastro-entérologie, chirurgie digestive –
et équipes paramédicales, orthophonistes
• La déglutition est un phénomène complexe. À la fois volontaire
et réflexe, elle fait intervenir 26 muscles et 6 paires crâniennes
et kinésithérapeutes.
(V-VII-IX-X-XI et XII).

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 537


Oto-rhino-laryngologie
A 35

Dysphonie
Orientation diagnostique
Pr Daniel BRASNU
Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie de la face et du cou, hôpital Laennec, 75340 Paris cedex 07,
université Paris V, UFR Necker-Enfants Malades

Points Forts à comprendre rogatoire précise l’horaire et le caractère permanent ou tran-


sitoire de la dysphonie. On évalue à l’écoute si l’altération
de la voix porte sur le timbre, l’intensité ou la fréquence.
• Les fonctions physiologiques du larynx sont : Dans un deuxième temps, on recherche systématiquement
la phonation, la déglutition et la respiration. un contexte infectieux associé, et d’autres signes fonc-
• Une dysphonie est un trouble de la phonation tionnels pouvant orienter vers une cause précise : une otal-
d’origine laryngée. gie unilatérale évoquant un cancer pharyngo-laryngé, une
• La dysphonie est un signe fonctionnel dysphagie, une gêne pharyngée, une odynophagie, une
se manifestant par une modification de la voix ; expectoration sanglante, une douleur laryngée, une dys-
on la reconnaît par l’écoute de la voix du patient. pnée laryngée.
• La dysphonie est le symptôme le plus fréquent Dans un troisième temps, l’interrogatoire recherche des
de la pathologie laryngée ; elle est, soit antécédents laryngés et généraux : une intubation laryngo-
la conséquence d’une modification morphologique trachéale lors d’une anesthésie générale et une trachéo-
de la corde vocale, soit la conséquence tomie orientant vers une sténose laryngo-trachéale, une
d’un trouble de la mobilité de la corde vocale intervention chirurgicale cervicale (thyroïdectomie par
(paralysie ou fixité d’origine mécanique). exemple) ou thoracique orientant vers une paralysie laryn-
• La dysphonie est un symptôme d’apparition gée, un traumatisme cervical ou laryngé, un traitement anté-
précoce ; la moindre altération de la corde vocale rieur par radiothérapie cervicale évoquant un cancer de la
se traduit toujours par une dysphonie. glande thyroïde ou une ankylose crico-arytéroïdienne, un
reflux gastro-œsophagien, une maladie générale : sarcoï-
dose, polyarthrite rhumatoïde, tuberculose, syphilis, endo-
crinopathie, maladie de Wegener.
Sur le plan physiologique, la voix est produite par le larynx L’interrogatoire recherche des facteurs de risque : intoxi-
au niveau des cordes vocales. Le larynx possède aussi une cations tabagique et alcoolique évoquant un cancer du
fonction sphinctérienne lors de la déglutition ; il protège larynx, ou une laryngite précancéreuse. On définit enfin si
les voies aériennes inférieures. Enfin, il intervient dans la le patient appartient au groupe des professionnels de la
respiration et le réflexe de toux. L’émission de la voix est voix : acteur, chanteur, enseignant, profession avec contact
un phénomène neurophysiologique complexe. Le vibra- avec le public. Cet élément interviendra dans le choix du
teur laryngé produit un son fondamental au niveau des traitement.
cordes vocales par l’action de la soufflerie pulmonaire. Il
est ensuite modifié par les cavités de résonance situées au- Examen du larynx
dessus du larynx (les cavités pharyngées, buccales et naso- 1. Inspection cervicale
sinusiennes), et les articulateurs (le voile du palais, la
langue et les lèvres) pour acquérir les propriétés de la voix Elle recherche une déformation, une cicatrice de trachéo-
et de la parole. La voix se traduit schématiquement selon tomie, de thyroïdectomie, de cervicotomie ou d’abord du
3 paramètres : la fréquence, le timbre et l’intensité. Elle larynx.
peut être évaluée par un jury d’écoute, et surtout par des 2. Palpation cervicale
logiciels informatiques analysant le signal acoustique et La palpation cervicale avec mains protégées par des gants
les différents paramètres de la parole enregistrés. analyse : l’os hyoïde, les cartilages thyroïde et cricoïde, les
membranes thyro-hyoïdienne et crico-thyroïdienne à la
Diagnostic positif recherche d’une déformation et d’une douleur. La palpa-
tion cervicale se termine toujours par la palpation de toutes
Interrogatoire les aires ganglionnaires à la recherche d’une adénopathie
Il peut à lui seul orienter vers une étiologie. Il analyse dans pouvant évoquer un cancer du larynx ou de la glande thy-
un premier temps la dysphonie. Il recherche son ancienneté. roïde. La glande thyroïde est toujours palpée à la recherche
Toute dysphonie se prolongeant plus de trois semaines doit d’une augmentation globale de volume de la glande et de
être considérée comme une dysphonie chronique. L’inter- nodules intraglandulaires.

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 1151


DYSPHONIE

1 2 3
Paralysie récurrentielle gauche. Œdème de Reinke bilatéral prédomi- Kyste intracordal droit. Examen en
Examen en laryngoscopie directe en sus- nant du côté gauche. Examen en laryngo- laryngoscopie directe en suspension sous
pension sous anesthégie générale. La scopie directe en suspension sous anes- anesthésie générale.
corde vocale gauche est atrophique. thégie générale.

tématiquement : la cavité buccale, le pharynx, les fosses


nasales, les pavillons de l’oreille, les conduits auditifs
externes, les tympans, les paires crâniennes. Il est très rare
qu’il soit impossible de visualiser le larynx par les diffé-
rentes techniques de laryngoscopie en consultation. Chez
certains sujets pusillanimes ou au réflexe nauséeux impor-
tant, la laryngoscopie est impossible en consultation. En
présence d’une dysphonie chronique chez les sujets à risque
de cancer, il faut toujours réaliser une endoscopie (micro-
laryngoscopie directe en suspension) sous anesthésie géné-
rale pour visualiser l’ensemble du larynx et pratiquer une
biopsie au moindre doute.
Examens complémentaires
4 Ils sont demandés en fonction du caractère aigu ou chro-
Carcinome in situ de la corde vocale droite. Examen en
nique de la dysphonie et de l’étiologie. Une laryngoscopie
laryngoscopie directe en suspension sous anesthésie générale.
simple pratiquée en consultation est en règle suffisante dans
les dysphonies aiguës inflammatoires de l’adulte s’inté-
3. Laryngoscopie grant dans le cadre d’une laryngite aiguë virale. Un bilan
précis est par contre indispensable dans les dysphonies
La laryngoscopie peut être réalisée à l’aide d’un miroir
chroniques : vidéo-laryngo-stroboscopie analysant les
laryngé nécessitant un bon éclairage frontal. C’est la laryn-
vibrations et les ondulations de la muqueuse cordale, et
goscopie indirecte, pratiquée au besoin après une anesthé-
analyse acoustique informatisée du signal vocal. D’autres
sie locale chez les sujets au réflexe nauséeux intense. Elle
examens peuvent être demandés dans le cadre d’un bilan
peut aussi être réalisée avec un nasofibroscope introduit
préthérapeutique ou d’une recherche étiologique particu-
par la fosse nasale ou une optique rigide à 90° introduite
lière, ils ne sont pas systématiques : électroglottographie,
par la bouche, et couplé avec un générateur de lumière
électromyographie laryngée, mesures aérodynamiques
froide. Grâce à ces examens, il est toujours possible de
laryngées, tomodensitométrie laryngée et cervicale, bilan
visualiser le larynx. Ils permettent de réaliser un éventuel
pulmonaire.
enregistrement vidéo. On doit toujours réaliser un schéma,
et au mieux prendre des photographies du larynx. On étu-
die la morphologie laryngée à la recherche d’une anoma- Diagnostic différentiel
lie au niveau des trois étages du larynx : supraglottique, Une dysphonie doit être distinguée d’une rhinolalie ouverte
glottique et sous-glottique. On évalue la dynamique laryn- ou fermée, secondaire à une modification des cavités de
gée, et en particulier la mobilité des cordes vocales et des résonance (oropharynx, cavité buccale, cavités rhino-sinu-
cartilages aryténoïdes. siennes, voile du palais). La dysphonie doit être différen-
ciée des modifications de la voix secondaires à un trouble
Examen ORL des articulateurs (langue, voile du palais, lèvres). Les dys-
L’examen ORL est toujours complet. Il apporte des élé- arthries sont un trouble de la parole pouvant comporter une
ments orientant vers le diagnostic étiologique. Il étudie sys- dysphonie.

1152 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48


Oto-rhino-laryngologie

2. Dysphonies chroniques de l’adulte


Rappel anatomique Les causes des dysphonies de l’adulte appartiennent à 4
et physiologique du larynx groupes principaux : les atteintes morphologiques de la
Le larynx est l’élément anatomique principal du carrefour aérodigestif corde vocale, les immobilités laryngées secondaires à une
supérieur. Il est situé à la partie supérieure et médiane du cou, au-des- paralysie laryngée, les immobilités laryngées d’origine
sus de la trachée, en avant du pharynx et au-dessous de l’os hyoïde. mécanique, les dysphonies fonctionnelles en l’absence
Le larynx est formé par une charpente ostéo-cartilagineuse elle-même
formée par l’os hyoïde, le cartilage thyroïde et le cartilage cricoïde.
d’anomalie morphologique et de la mobilité laryngée.
Le cartilage thyroïde repose sur le cartilage cricoïde. Le premier Parmi ces causes, les laryngites chroniques précancéreuses,
anneau trachéal est situé au-dessous du cartilage cricoïde. Les deux le cancer du larynx, et les paralysies laryngées sont les
cartilages aryténoïdes reposent sur la partie postérieure du cartilage affections les plus importantes à connaître. Les différentes
cricoïde par l’intermédiaire d’une articulation. Ils sont les seuls car- causes des atteintes morphologiques de la corde vocale
tilages mobiles du larynx assurant la mobilité des cordes vocales lors
de la phonation, la déglutition, et la respiration. Le cartilage épiglot- figurent dans le tableau I.
tique est impair et médian, il est situé dans l’angle rentrant du carti- • Les laryngites précancéreuses leucoplasiques (dépôt
lage thyroïde. Différentes membranes relient les éléments de la char- blanc de kératine sur la corde vocale), et érythroplasiques
pente ostéo-cartilagineuse. Plusieurs ligaments et les muscles
extrinsèques suspendent et amarrent le larynx aux structures voisines : (aspect inflammatoire rouge de la muqueuse cordale) sur-
base du crâne, mandibule, sternum, clavicule. Les muscles intrin- viennent chez les sujets à risque (tabac). Elles imposent
sèques interviennent dans la mobilité cordale et arytéroïdienne. La une endoscopie sous anesthésie générale avec biopsie pour
cavité laryngée se compose de trois étages : supraglottique, glottique éliminer un cancer. L’arrêt du tabac doit être définitif et la
(cordes vocales), et sous-glottique. Le ventricule laryngé sépare la
bande ventriculaire de la corde vocale. Le drainage lymphatique du
surveillance régulière pour dépister précocement la surve-
larynx est divisé en régions supraglottique et sous-glottique. Le niveau nue d’un cancer.
glottique est peu vascularisé sur le plan lymphatique ; il représente Le carcinome épidermoïde est le plus fréquent des cancers
une barrière entre les réseaux lymphatiques supra- et sous-glottiques. du larynx. La dysphonie est le signal d’appel. Une endo-
Une muqueuse de type respiratoire tapisse la face interne du larynx.
La corde vocale est tendue entre l’angle rentrant du cartilage thyroïde scopie (micro-laryngoscopie en suspension) sous anesthé-
en avant, et le processus vocal du cartilage aryténoïde en arrière. Les sie générale est systématique. Elle permet de préciser le
deux cordes vocales se réunissent en avant au niveau de la commis- siège de la tumeur et ses extensions. Les biopsies sont sys-
sure antérieure. Chaque corde vocale mesure entre 18 et 22 mm. Elle tématiques.
est constituée par le ligament vocal et le muscle vocal. Elle est recou-
verte d’une fine muqueuse de type malpighien pavimenteux stratifié
parcourue de vaisseaux. Cette muqueuse laisse apparaître par trans- TABLEAU I
parence le ligament vocal et lui confère son aspect blanc nacré lors
de l’examen par laryngoscopie. Il existe un espace décollable, appelé Causes des dysphonies chroniques
espace de Reinke, situé entre la muqueuse de la corde vocale et le
ligament vocal, assurant les ondulations et le glissement de la par atteinte morphologique
muqueuse par rapport aux structures musculo-ligamentaires sous- de la corde vocale
jacentes.
Le larynx est innervé de chaque côté par deux branches de division
du nerf pneumogastrique : le nerf laryngé supérieur et le nerf laryngé Laryngites chroniques :
inférieur ou réccurent. Le nerf récurrent droit effectue une crosse sous – laryngites hypertrophiques
l’artère sous-clavière, et le récurrent gauche sous la crosse de l’aorte. – œdème de Reinke
Schématiquement, la mobilité de la corde vocale est assurée par le – éversion ventriculaire
nerf récurrent innervant les différents muscles constricteurs de la – laryngites précancéreuses : leucoplasies, érythroplasies
glotte, et un seul muscle dilatateur (muscle crico-ayténoïdien posté-
rieur). Le nerf laryngé supérieur assure l’innervation motrice du
– laryngites postérieures secondaires au reflux gastro-
muscle tenseur de la corde vocale (muscle crico-thyroïdien). La sen- œsophagien : ulcère de contact, granulome postérieur
sibilité du larynx supraglottique est assurée par le nerf laryngé supé- Lésions organiques secondaires à un malmenage vocal :
rieur, et la sensibilité du larynx sous-glottique par le nerf récurrent. – polypes, nodules, épaississement muqueux, cordite
vasomotrice
Tumeurs laryngées
– malignes : carcinome épidermoïde, carcinome adénoïde
Diagnostic étiologique kystique
– bénignes : papillomatose laryngée, chondrome, schwan-
nome, amylose
1. Dysphonies aiguës Laryngocèle
La laryngite aiguë est l’étiologie la plus fréquente des dys- Anomalies congénitales :
phonies. Elle est d’origine virale ou bactérienne. Il s’agit – sulcus glottitis, kyste intracordal, synéchie glottique
d’une inflammation des cordes vocales. La dysphonie per- antérieure
Lésions post-traumatiques :
siste quelques jours puis disparaît totalement. Les autres – granulome post-intubation, sténoses laryngées
dysphonies aiguës sont secondaires à un traumatisme du Causes infectieuses :
larynx, soit interne après une intubation laryngo-trachéale – tuberculose, syphilis, papillomatose
lors d’une anesthésie générale, soit externe par traumatisme Autres :
laryngé avec ou sans plaie cervicale (hématome laryngé, – sarcoïdose, polyarthrite rhumatoïde, maladie de
fracture des cartilages du larynx, luxation crico-aryténoï- Wegener, endocrinopathie
dienne).

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 1153


DYSPHONIE

• Parmi les paralysies laryngées, les paralysies récurren- TABLEAU III


tielles sont les plus fréquentes. Elles sont isolées ou s’in-
tègrent dans le cadre d’une paralysie complète du nerf Causes des immobilités laryngées
pneumogastrique. La dysphonie de la paralysie récurren- d’origine mécanique
tielle est la classique voix bitonale. La majorité des para-
lysies laryngées sont de cause périphérique. Les causes les Ankylose crico-aryténoïde :
plus fréquentes des paralysies récurentielles unilatérales – traumatique
sont : le traumatisme chirurgical du nerf récurrent (thyroï- – polyarthrite rhumatoïde
dectomies, parathyroïdectomies, chirurgie de l’œsophage Sténose glottique postérieure post-intubation
Lésions infiltratives :
cervical, chirurgie thoracique), et les traumatismes cervi-
– sarcoïdose
caux. Les causes endothoraciques sont à l’origine d’une – lupus érythémateux disséminé
paralysie récurrentielle gauche. Les paralysies récurren- – goutte
tielles idiopathiques représentent environ 30 % des causes ; – amylose
elles sont souvent spontanément résolutives. Les causes – fibrose post-radique
des paralysies récurrentielles unilatérales figurent dans le – maladie de Wegener
tableau II. Les paralysies récurrentielles bilatérales sont – idiopathique
plus rares (diplégie laryngée). Le signe fonctionnel prin-
cipal est une dyspnée laryngée dans les paralysies bilaté-
rales en adduction (fermeture). Le signe fonctionnel prin-
cipal est une dysphonie sans dyspnée dans les paralysies modique est une entité clinique à différencier des paraly-
bilatérales en adbuction (ouverture). Les causes des para- sies laryngées. Elle se caractérise par un trouble de la voix
lysies récurrentielles bilatérales sont périphériques : can- secondaire à un hyperfonctionnement des muscles adduc-
cer de la région cervicale (thyroïde, œsophage, trachée) ; teurs ou abducteurs.
chirurgicales (thyroïdectomie, parathyroïdectomie, chirur- • Les causes des immobilités laryngées d’origine méca-
gie de l’œsophage ou de la trachée) ou centrales : inflam- nique figurent dans le tableau III. Certaines modifient la
matoires (poliomyélite, syphilis, syndrome de Guillain et morphologie de la corde vocale expliquant que l’on
Barré, méningite) ; vasculaires ; tumorales ; dégénératives : retrouve des pathologies communes aux deux groupes. Les
syringobulbie et sclérose latérale amyotrophique malfor- dysphonies fonctionnelles sont un diagnostic d’élimina-
matives : syndrome d’Arnold-Chari. La dysphonie spas- tion, le traitement est la rééducation vocale. ■

TABLEAU II
Causes des paralysies récurrentielles Points Forts à retenir
unilatérales
Chirurgie cervicale : • Toute dysphonie persistant plus de 3 semaines
– thyroïde, parathyroïdes est une dysphonie chronique. Elle impose
– œsophage, trachée un examen des cordes vocales par laryngoscopie
Causes tumorales : en consultation.
Cervicales : • Les causes des dysphonies sont multiples,
– cancers de la thyroïde, de l’œsophage, de la trachée la dysphonie est le maître symptôme du cancer
– tumeur ou adénopathie de l’espace rétrostylien du larynx.
Thoraciques (paralysie récurrentielle gauche) :
– cancer bronchique, tumeur médiastinale
• Toute dysphonie chronique chez un sujet d’âge
Causes cardiaques (paralysie récurrentielle gauche) : moyen et fumeur doit toujours faire suspecter
– maladie mitrale, coarctation de l’aorte le diagnostic de cancer du larynx et conduire
– chirurgie cardiaque systématiquement à l’examen des cordes vocales
Causes neurologiques : et du larynx.
– accidents vasculaires du tronc cérébral • Le nerf récurrent est une branche du nerf
– sclérose en plaques pneumogastrique. Le nerf récurrent droit
– syringomyélie contourne l’artère sous-clavière, le nerf récurrent
– encéphalite gauche contourne la crosse de l’aorte.
– méningite • Une paralysie récurrentielle doit toujours en
– poliomyélite
– syndrome de Guillain et Barré
faire rechercher la cause par un bilan complet.
– syndrome d’Arnold-Chiari Il faut systématiquement rechercher un cancer
– neuropathie diabétique, toxique, inflammatoire de la thyroïde, de l’œsophage, de la trachée,
Idiopathiques un cancer bronchopulmonaire, une tumeur
médiastinale.

1154 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48


Oto-rhino-laryngologie
A 38

Dyspnée laryngée
de l’enfant
Orientation diagnostique et conduite à tenir en situation d’urgence
DR Philippe CONTENCIN
Service d’oto-rhino-laryngologie, chirurgie cervico-faciale de l’enfant, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 75674 Paris Cedex 14.

Points Forts à comprendre Orientation diagnostique


Diagnostic positif
• Le larynx de l’enfant est rétréci
et sa muqueuse sensible à l’œdème en regard La dyspnée laryngée est inspiratoire et lente. C’est une
de la sous-glotte (sous les cordes vocales) bradypnée, c’est-à-dire que la respiration est ralentie,
(voir : Pour approfondir 1). freinée en l’occurrence par le temps inspiratoire. Le
• Les processus inflammatoires d’origine virale rythme respiratoire s’abaisse par allongement de la
ou traumatique (intubation, endoscopie) durée de l’inspiration. Celle-ci s’accompagne d’un tirage.
se localisent préférentiellement dans ce territoire Il s’agit de la mise en jeu des muscles inspiratoires
et autour de l’épiglotte. accessoires, tels que les intercostaux et les sterno-cléido-
• Tout obstacle des voies aériennes extra- mastoïdiens, associée à une élévation de la dépression
thoraciques est majoré (donc surtout perceptible) endothoracique due à l’augmentation des résistances.
à l’inspiration (voir : Pour approfondir 2). Une dépression des parties molles apparaît donc aux
• Une dyspnée avec ralentissement creux sus-sternal, sus-claviculaire et épigastrique ainsi
de l’inspiration, tirage et stridor (ou cornage) que dans les espaces intercostaux.
signe l’origine laryngée de l’affection. L’expiration est normale en cas d’obstacle modéré. Elle
• Le diagnostic d’une dyspnée laryngée peut devenir active, avec contraction des muscles abdo-
est clinique. Les examens complémentaires sont minaux, et freinée également en cas d’obstacle très
inutiles ou dangereux en urgence. Ils ne doivent important. Chez le nouveau-né ou le petit nourrisson,
pas conduire à mobiliser l’enfant ni à retarder une polypnée peut être conservée mais c’est le ralentis-
la mise en œuvre du traitement. sement de l’inspiration qui permet le diagnostic.
Le tirage est généralement associé au bruit inspiratoire
que l’on appelle stridor. Ce terme est défini comme un
bruit respiratoire anormal. Survenant à l’inspiration, il
signe son origine extrathoracique, supratrachéale. De
tonalité aiguë, il évoque une vibration glottique ou
Ce dysfonctionnement de l’appareil respiratoire appar- supraglottique. Rauque ou grave, il correspond à une
tient au groupe des dyspnées obstructives hautes liées à lésion sous-glottique ou trachéale haute. En fait, on
une pathologie des voies aériennes supérieures. appelle plus volontiers « cornage » un bruit de tonalité
Situation fréquente chez l’enfant, elle comporte un grave, caverneux, proche de celui d’une corne de brume.
risque d’hypoxémie susceptible d’entraîner de lourdes Associé ou non à une toux rauque « aboyante », il signe
conséquences neurologiques, voire le décès. la présence d’un obstacle jouxtant le bord inférieur des
Ce peut être la plus urgente des détresses vitales chez un cordes vocales (glotte et sous-glotte), tel un œdème de
enfant mais, heureusement, il s’agit souvent d’une laryngite aiguë. A contrario, une toux de tonalité non
dyspnée modérée, simplement remarquable par son modifiée sera liée à un obstacle supraglottique.
bruit. Ce cornage ou ce stridor ne doit pas être pris pour La voix peut être grave et rauque également dans les
des sifflements de crise d’asthme encore trop souvent lésions sous-glottiques (laryngites) alors qu’elle est
confondue avec la dyspnée laryngée. Le traitement, lié à couverte mais de tonalité conservée dans les tumé-
un diagnostic étiologique difficile car souvent initiale- factions épiglottiques. Dans ces derniers cas, comme
ment imprécis, passe par le respect de principes qui ne dans une inflammation pharyngée, il existe aussi une
peuvent être maîtrisés que par une bonne connaissance dysphagie dont l’enfant peut se plaindre mais qui se
de l’anatomie des voies aériennes supérieures. manifeste uniquement par une hypersialorrhée (bave).

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 785


DYSPNÉE LARYNGÉE DE L’ENFANT

Diagnostic de gravité Si l’état de l’enfant l’autorise et que le diagnostic reste


hésitant d’après la clinique (ce qui est rare), des radio-
Chez un petit enfant, les autres signes de gravité sont à graphies du larynx de face et de profil, réalisées au
rechercher systématiquement. Sueurs, tachycardie, cours d’une inspiration et d’une expiration, permettent
hypertension artérielle, agitation sont des signes d’alerte parfois d’orienter le diagnostic tout en précisant les
qui précèdent l’épuisement de l’enfant en cas de indications d’une endoscopie. Rappelons qu’elles ne
persistance ou d’aggravation de l’obstacle. Après une doivent pas retarder la mise en œuvre du traitement et
amélioration trompeuse de la dyspnée et du tirage sont formellement contre-indiquées en cas de signe de
apparaît une prostration. Puis, la survenue d’irrégularités gravité.
du rythme respiratoire (pauses ou gasps) annonce l’im- Hormis les difficultés d’extubation en réanimation qui
minence de l’arrêt cardio-respiratoire. En présence d’un peuvent survenir à tout âge, le diagnostic étiologique se
de ces signes, il ne faut pas attendre, même pour réaliser pose différemment selon l’âge de l’enfant. En effet, si
un cliché. Il faut intervenir d’urgence : oxygénation au les laryngites sont de très loin les causes les plus
masque éventuellement suivie d’une intubation. fréquentes de dyspnée laryngée, elles ne surviennent
qu’exceptionnellement avant l’âge de 6 mois. On
envisagera donc l’origine d’une dyspnée laryngée
Diagnostic différentiel selon 3 groupes d’âge.

• Toute polypnée ou tachypnée (rythme rapide) permet


d’éliminer une dyspnée laryngée, sauf chez le Enfant de plus de 6 mois
nouveau-né. Elle correspond à une pathologie pulmo-
naire ou cardiaque. 1. Laryngite sous-glottique
• Une bradypnée (rythme lent) avec freinage expiratoire
signe un obstacle endothoracique (trachée, bronches ou C’est une inflammation de la sous-glotte le plus souvent
bronchioles). Le diagnostic peut être fait dès l’inspection, d’origine infectieuse. On l’appelle croup ou acute laryn-
par contraction visible des muscles abdominaux à l’ex- gotracheitis en anglais. Dans sa forme bénigne, elle
piration alors que l’inspiration est libre et brève, tandis survient plus fréquemment la nuit et l’hiver, par
que l’auscultation permet de retrouver les sifflements ou temps humide, ainsi que lors de la pollinisation ce
râles bronchiques, toujours à l’expiration. Une dyspnée qui fait évoquer un lien avec l’allergie. Elle survient
asthmatiforme est donc une bradypnée avec sifflement exceptionnellement avant 6 mois (il faut alors penser à
expiratoire caractéristique. une malformation laryngée) mais peut atteindre tous les
• Un tirage sous-mandibulaire, associé au tirage âges de l’enfance. Son origine est réputée virale car elle
cervico-thoracique, fait évoquer un obstacle sus-jacent est souvent contemporaine d’une rhinite et ne s’accom-
au larynx, généralement pharyngé, choanal ou nasal. pagne pas d’hyperleucocytose. Il a été retrouvé davantage
C’est le cas des hypertrophies amygdaliennes rencon- d’immunoglobuline E (IgE) dirigées contre un virus
trées au cours d’une amygdalite, d’une mononucléose para-influenza et un taux plus élevé d’histamine dans
infectieuse ou bien d’un phlegmon péripharyngé. Le cri les sécrétions pharyngées des enfants qui souffrent
est parfois nasonné, assourdi mais jamais rauque ni de laryngites ou de bronchopneumopathie sévère.
éteint. Surtout, la ventilation est améliorée par l’ouverture L’Influenzavirus, le virus respiratoire syncytial, l’her-
de la bouche ou la mise en place d’une sonde naso- pesvirus, le virus de la rougeole, les adénovirus et les
pharyngée. virus coxsackies ont également été retrouvés. La laryn-
• Une dyspnée en deux temps accompagnée d’un gite morbilleuse survenant au cours de l’évolution peut
stridor rauque, d’un sifflement et (ou) d’une toux être très grave, avec ulcérations profondes, nécrotiques,
« aboyante» (alors que la voix est normale) correspond dénudant le cartilage. Elles peuvent évoluer vers la
le plus souvent à un obstacle trachéal (corps étranger, sténose et, si nécessaire, l’enfant doit donc être intubé
granulome). avec beaucoup de précautions (petite sonde).
Les atteintes bactériennes sont exceptionnelles. La plus
dangereuse est la laryngite diphtérique (ou croup en
français) devenue rarissime grâce à la vaccination. On
Étiologie doit y penser en cas d’angine associée, à fausses
membranes, avec altération de l’état général et aspect
En l’absence de signe de gravité, l’examen clinique peut « toxique » de l’enfant. Mais elle peut être isolée et se
être approfondi et des radiographies réalisées mais il manifester par une dyspnée progressive, avec toux
faut s’entourer de quelques précautions. Le matériel rauque et voix éteinte. L’existence d’une rhinorrhée
d’intubation doit être prêt avant de manipuler l’enfant séropurulente ou sanguinolente est aussi évocatrice.
qui, s’il reste assis, ne doit pas être mis de force en Dans ces cas, il faut pratiquer une laryngo-fibroscopie
décubitus dorsal. Cela peut aggraver brutalement la prudente et essayer de ramener une fausse membrane à
dyspnée, de même que l’utilisation de l’abaisse-langue la recherche du bacille de Klebs-Loeffler avant d’entre-
qui sera proscrite. prendre immédiatement une sérothérapie.

786 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

Hormis la diphtérie, exceptionnelle, la gravité du décompenser l’état respiratoire. C’est la triade « dyspnée
tableau clinique de la laryngite sous-glottique ne semble laryngée-fièvre élevée-dysphagie » qui suffit à faire
pas dépendre du germe. évoquer le diagnostic. Les radiographies sont inutiles. Il
faut tout mettre en œuvre pour assurer au plus vite la
2. Laryngites striduleuses perméabilité des voies aériennes. En cas de doute, si une
Ce sont des laryngites « spasmodiques » réalisant laryngofibroscopie est jugée nécessaire, elle doit être
un accès brutal et bref de dyspnée laryngée avec tirage réalisée en structure de soins intensifs avec le matériel
et cornage, parfois associée à une toux rauque. La d’intubation prêt et à l’aide d’un mini-fibroscope. Le
dyspnée disparaît en quelques minutes ou quelques larynx apparaît globalement tuméfié, rougeâtre ou violacé ;
heures. L’accès peut se répéter mais de façon toujours l’épiglotte n’est souvent plus reconnaissable et il faut un
brève. Il s’agit très vraisemblablement d’un spasme réanimateur ou un oto-rhino-laryngologiste pédiatrique
glottique ou supraglottique du larynx. La laryngo- expérimenté pour intuber l’enfant, toujours en position
fibroscopie, le plus souvent réalisée après l’accès assise ou demi-assise. Ensuite, les prélèvements bactério-
dans cette forme d’évolution si rapide, ne montre qu’un logiques sont effectués par écouvillonnage et hémocul-
érythème laryngé diffus. On parle d’hyperréactivité tures, parfois même par ponction lombaire. Une antibio-
laryngée, d’allergie et de reflux gastro-œsophagien pour thérapie est entreprise.
expliquer partiellement cette affection encore un peu
mystérieuse. 5. Laryngotrachéobronchite bactérienne
3. Laryngites récidivantes On admet qu’il s’agit d’une forme sévère d’infection
trachéale par des staphylocoques ou des streptocoques
Il s’agit de laryngites dyspnéisantes répétées, tantôt (le plus souvent) qui s’étend aux bronches et au larynx,
rapidement résolutives, tantôt justiciables de corticoïdes pouvant entraîner une dyspnée inspiratoire prédominante.
per os et parfois même d’une hospitalisation. Chez Le tableau typique associe cependant une dyspnée aux
certains enfants, le coût social, psychologique et iatro- 2 temps avec encombrement trachéobronchique et alté-
génique de l’affection est considérable du fait de la ration de l’état général chez un enfant très fébrile.
répétition des crises. Le bilan étiologique de cette entité L’abondance des sécrétions purulentes avec nécrose
passe par l’élimination d’une malformation anatomique épithéliale et le risque d’obstruction laryngotrachéale
laryngée (sténose, hémangiome), d’un foyer infectieux
imposent l’intubation.
pharyngé ou sinusien. Une allergie a également été
souvent retrouvée de même que, surtout, un reflux 6. Corps étrangers
gastro-œsophagien pathologique. Il y a suffisamment
Chez un enfant en bonne santé, apyrétique, c’est la sur-
d’arguments pH-métriques pour affirmer l’existence
venue brutale d’une dyspnée laryngée en période diurne
d’une association entre reflux gastro-œsophagien et
qui doit faire évoquer le diagnostic. Alors que l’enfant
laryngites répétées mais cela ne permet pas de préjuger
d’une relation de cause à effet et les phénomènes était en train de jouer ou de manger, un « syndrome de
d’allergie alimentaire sont évoqués. pénétration » est survenu : accès brusque de suffocation
avec apnée, cyanose ou érythème intense et quintes
4. Épiglottite aiguë de toux avec reprises respiratoires bruyantes. Il est
C’est une infection bactérienne de la margelle et du ves- essentiel de retrouver cet élément clinique à l’interro-
tibule laryngé. Le germe en cause est un Hæmophilus gatoire de l’entourage présent au moment du début des
influenzæ de type B, retrouvé dans les hémocultures symptômes. Si le corps étranger reste bloqué au niveau
dans la quasi-totalité des cas. Cela explique que cette du larynx, il provoque le plus souvent une dyspnée
pathologie, rare jusque dans les années 1990, a pratique- modérée ou intense, parfois dramatique, avec dysphonie
ment disparu aujourd’hui grâce à la vaccination systé- voire même aphonie.
matique des nourrissons contre ce germe. Cependant, il À titre d’exemple, tout corps étranger végétal ou plas-
n’est pas exclu qu’elle puisse être à nouveau observée à tique plein, cylindrique ou arrondi, mais de surface irré-
la faveur d’une baisse de la vigilance vaccinale ou chez gulière, de taille proche des dimensions de l’endolarynx
un enfant étranger. de l’enfant (comprimés, cacahuète, bonbon, bille), peut
Cette laryngite exceptionnelle réalise une cellulite ou un provoquer une apnée obstructive catastrophique. À l’op-
abcès sous-muqueux qui peut obstruer complètement la posé, les corps étrangers fins acérés (plastiques, os ou
filière laryngée supraglottique. coquilles) entraînent une dyspnée modérée et une
Elle peut survenir à tout âge, sous la forme d’une rhino- aphonie s’ils sont fichés sagittalement dans la glotte et la
pharyngite très fébrile qui évolue rapidement vers la sous-glotte. Il faut y penser devant un tableau
dysphagie et la dyspnée d’intensité rapidement impres- de laryngite dont l’évolution n’est pas satisfaisante les
sionnante. On est frappé par l’attitude de l’enfant, pâle, premiers jours. La laryngoscopie est donc ici systéma-
qui reste assis, refuse de s’allonger et bave. La toux est tique. Enfin, un corps étranger trachéal, surtout s’il est
de tonalité normale mais la voix est étouffée. grossièrement sphérique, est généralement mobile et peut
L’examen doit être réduit au minimum : pas d’abaisse- entraîner, par intermittence, une dyspnée laryngée lors de
langue, pas de décubitus qui pourraient brutalement son positionnement dans la sous-glotte.

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 787


DYSPNÉE LARYNGÉE DE L’EN-
FANT

7. Œdèmes par brûlure dès les premières minutes de vie en


ou allergie cas de lésion sévère (atrésie laryngée) ;
Citons les brûlures thermiques • les malformations très rares
(liquides bouillants, gaz enflammés) comme les diastèmes (ou fentes
ou caustiques (liquides corrosifs laryngées) postérieurs, les kystes
d’entretien ménager), les piqûres laryngés ou pharyngolaryngés ;
d’insectes et les œdèmes allergiques • les exceptionnelles laryngites néo-
qui peuvent obstruer la margelle du natales pour lesquelles on incrimine
larynx. des virus et le reflux gastro-
œsophagien.
1 Kyste pharyngolaryngé (larynx Toutes ces affections ne peuvent être
Nourrisson de moins intubé). diagnostiquées que lors de la laryngo-
de 6 mois scopie, indispensable dans cette
Laryngites virales isolées et corps tranche d’âge. Le traitement repose
étrangers sont exceptionnels dans sur l’oxygénation au masque et sur
cette tranche d’âge. Toute dyspnée l’intubation si nécessaire.
laryngée, même si elle rétrocède sous
vasoconstricteurs et (ou) corticothé- À tout âge
rapie, impose un bilan radiologique et
endoscopique à la recherche d’une Les processus tumoraux endolaryn-
étiologie particulière. gés, exceptionnels, peuvent se voir
• L’hémangiome sous-glottique se quel que soit l’âge. La dyspnée est
manifeste après un intervalle libre de généralement précédée par une
plusieurs semaines, associé une fois dysphonie ou une aphonie prolongée.
sur deux à un angiome cutané cervico- Le nouveau-né comme le grand
facial. La radiographie de face est évo- enfant peuvent avoir ces symptômes
2 Sténose laryngée.
catrice si elle montre une voussure d’aggravation progressive et lente,
sous-glottique asymétrique. La laryngo- jusqu’au moment de la décom-
scopie met en évidence une tumé- pensation respiratoire. Rappelons
faction rougeâtre, dépressible, de la que, dans ce cadre, les patients sont
sous-glotte. encore souvent suivis pour asthme
• La sténose sous-glottique congénitale avant qu’une endoscopie ne mette
devenant symptomatique au premier en évidence l’obstacle glottique ou
épisode inflammatoire des voies supraglottique. La papillomatose
aériennes supérieures : là aussi, radio- laryngée est la cause la plus fré-
graphies et endoscopie permettent le quente, à côté de tumeurs muscu-
diagnostic en montrant un rétrécisse- laires ou nerveuses ou de carcinomes,
ment concentrique ou bilatéral de la exceptionnels.
sous-glotte.

Nouveau-né Conduite à tenir


3 Papillomatose laryngée. en situation d’urgence
Alors que le tableau est généralement
typique à cet âge, il faut penser à une Face à un enfant souffrant de dys-
obstruction laryngée devant des pnée, rappelons que le traitement
apnées sans prodromes, des accès de ne doit souffrir aucun retard, même
cyanose ou de bradycardie, des pour examen complémentaire. Bien
troubles de déglutition ou encore un entendu, il est en grande partie
arrêt cardiaque. Les causes princi- dépendant de la cause. Toute surve-
pales sont : nue brutale de la dyspnée, sans
• les formes sévères de laryngomala- fièvre, doit faire préparer une endo-
cie réalisant un repli obstructif de scopie à la recherche d’un corps
toutes les structures supraglottiques ; étranger (enfant laissé à jeun, bloc
• les paralysies laryngées, essentiel- opératoire, anesthésiste et oto-rhino-
lement bilatérales, réalisant une laryngologiste prévenus). Mais une
fermeture partielle de la glotte ; constante guide le thérapeute en
• les sténoses laryngées congénitales urgence : la prévention ou la dimi-
(ou acquises après intubation trau- nution de l’œdème du chorion,
matique et prolongée) se manifestant 4 Laryngomalacie. essentiellement sous-glottique.

788 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

Traitement de la laryngite aiguë Traitement des corps étrangers


sous-glottique laryngo-trachéaux

Nous détaillerons le traitement de la laryngite aiguë En cas d’extrême urgence, avec obstruction laryngée
sous-glottique, forme la plus classique mais aussi la complète (apnée), une manœuvre de Heimlich doit être
plus courante de dyspnée laryngée. Ce traitement est en tentée. Rappelons que celle-ci doit être faite par com-
effet applicable aux autres formes d’obstacle laryngé pression thoracique et épigastrique, à l’aide des bras et
dès lors qu’une inflammation tissulaire locale s’est des poings. Chez le nourrisson, on peut préférer la
installée (traumatisme d’intubation, d’endoscopie, de manœuvre de Mofenson (brutale tape dans le dos de
brûlure) ou risque de survenir (corps étrangers, l’enfant penché en avant). Cependant, ces manœuvres
processus expansifs). Ses principes sont : éviter le ont peu de chances d’être efficaces du fait du manque
stress, les changements de position, rassurer enfant et d’air dans les voies aériennes inférieures (l’inhalation a
parents, humidifier les voies aériennes, lutter contre souvent lieu en début d’inspiration). L’idéal est une
l’œdème. Sur ce dernier aspect, rappelons que les anti- ponction (aiguille ou cathéter court) à travers la mem-
inflammatoires, même en injection et en inhalation, brane crico-thyroïdienne afin de permettre d’admettre
n’agissent qu’en quelques dizaines de minutes. C’est la de l’air intrathoracique. Alors, la manœuvre de Heimlich
raison pour laquelle l’utilisation de vasoconstricteurs sera plus efficace. Il ne faut pas tenter une telle manœuvre
est fondamentale dans les premières minutes du traite- si l’enfant respire, même très difficilement.
ment. L’administration d’adrénaline en aérosol a été En cas de dyspnée modérée, il faut éviter de mobiliser
validée dans cette indication, sans effet secondaire l’enfant et envisager rapidement (dans les 2 à 5 h) une
connu aux posologies et rythme d’utilisation recom- laryngo-trachéo-bronchoscopie sous anesthésie générale.
mandés. Les corticoïdes viennent en complément et en Le traitement des kystes et des processus expansifs
relais de l’adrénaline pour éviter un éventuel effet endolaryngés repose sur l’exérèse endoscopique, plus
rebond lorsque l’effet de celle-ci est épuisé. Le tableau rarement par chirurgie cervicale externe.
résume le protocole à suivre pour ce traitement en
fonction du stade clinique de dyspnée (tableau, voir : Prévention
Pour approfondir 3).
L’antibiothérapie n’est nécessaire qu’en présence d’une La couverture vaccinale maximale contre Hæmophilus
fièvre élevée et (ou) de troubles de la déglutition de type B doit être maintenue ainsi que les campagnes
avec bave (risque théorique d’épiglottite ou, plus de prévention vis-à-vis des risques domestiques d’inha-
sûrement, de laryngotrachéite bactérienne). On choisit lation de corps étrangers.
une association active sur les cocci gram-positifs (y Enfin, la prise en charge visant à prévenir les récidives
compris les staphylocoques résistants à la méticilline) en cas d’épisodes identiques dans les antécédents (bilan
et sur Hæmophilus influenzæ, par exemple fosfomycine ou traitement du reflux gastro-œsophagien) doit être
et céfotaxime. poursuivie. ■

TABLEAU
Traitement en urgence d’une laryngite aiguë sous-glottique

Clinique Traitement principal Complément

Stade I Toux aboyante ± fièvre Célestène ou Solupred per os Humidification


Stade II Idem + dyspnée avec tirage Aérosol au masque (air) : Surveillance hospitalière 6 à 24 h
et cornage modérés adrénaline + Soludécadron
Célestène ou Solupred per os Corticothérapie à poursuivre
ou intraveineux per os 2 à 5 j
Stade III Tirage majeur, Idem mais adrénaline 5 mg Hospitalisation en réanimation
signes de lutte importants et oxygène
Corticothérapie intraveineuse Intubation en l’absence
d’amélioration
Aérosol à renouveler après 1 à 2 h
si nécessaire
Stade IV Détresse respiratoire- Oxygène et intubation Réanimation
épuisement-suffocation Appel réanimateur immédiat

Célestène (bétaméthasone) ; Solupred (prednisolone) ; Soludécadron (dexaméthasone).

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 789


DYSPNÉE LARYNGÉE DE L’ENFANT

POUR APPROFONDIR

1 / Rappel anatomique 3 / Modalités thérapeutiques


La compréhension des méca- • Stade I (toux aboyante avec ou sans fièvre, très légère dyspnée) :
nismes de survenue des humidification de l’air inspiré, position demi-assise, éviter de remplir
dyspnées laryngées et leur l’estomac, bétaméthasone (Célestène 8 à 16 gouttes/kg/j) ou predni-
sémiologie clinique rendent solone (Solupred 1 à 2 mg/kg/j) per os en 2 fois, pendant 1 à 3 j.
nécessaire une brève descrip- • Stade II (idem stade I + dyspnée avec tirage et cornage modérés) :
tion des structures anato- calme imposé à l’enfant et son entourage, aérosol propulsé par de
miques du larynx pédiatrique. l’air au masque avec, quel que soit le poids, dexaméthasone
Contrairement à celui de (Soludécadron) 4 mg + adrénaline 2 mg, sans dilution, à administrer
l’adulte, constitué d’un tube en 10 à 20 min et corticothérapie concomitante par voie générale
globalement cylindrique mar- (per os, intramusculaire ou intraveineuse), en relais de l’aérosol.
qué horizontalement par la Hospitalisation recommandée ou observation de plusieurs heures
saillie du pli des cordes vocales pour surveillance, dans l’attente d’un éventuel rebond.
(glotte), le larynx du nourris-
• Stade III (dyspnée avec tirage majeur, importants signes de lutte
5 Schémas comparatifs du larynx son et du petit enfant forme ou détresse respiratoire) : même traitement sauf oxygène et adréna-
un segment de cône rétréci
(adulte, enfant, à échelles différentes). line
sous le plan glottique. C’est
5 mg dans l’aérosol. Transfert en réanimation pour surveillance.
donc au niveau sous-glottique,
Intubation laryngotrachéale en l’absence d’amélioration. L’aérosol
juste avant la jonction avec la trachée, que se situe le segment le plus
peut être renouvelé après 1 à 2 h si la dyspnée reprend après une
étroit de la voie aérienne supérieure dans ces tranches d’âge.
phase d’amélioration.
En outre, la sous-glotte est entourée d’un anneau cartilagineux
inextensible (le cricoïde) qui rend les tissus sous-muqueux obstructifs • Stade IV (épuisement, suffocation) : oxygène pur au masque et
en cas de traumatisme (intubation, endoscopie, corps étranger) ou intubation laryngotrachéale (choisir une sonde d’un calibre inférieur à
d’inflammation. À ce niveau en effet, le chorion, lâche et propice à celui normalement utilisé pour le poids et l’âge de l’enfant). Transfert
l’œdème, peut entraîner un rétrécissement important de la voie en réanimation. Corticothérapie intraveineuse.
aérienne : on estime que 1 mm d’épaisseur supplémentaire de la paroi POUR EN SAVOIR PLUS
sous-glottique réduit la voie aérienne de 10 à 20 % chez l’adulte mais
de près de 50 % chez le nourrisson.
Lemaire V, Narcy Ph. Quel traitement recommandez-vous pour la
Enfin, la margelle (berge supérieure, circonférentielle, du larynx dyspnée laryngée de l’enfant ? Concours Med 1999 ; 121 : 8-9.
supraglottique comprenant l’épiglotte, cartilage fin et souple) est
recouverte de tissus également très extensibles par l’œdème. En cas Narcy Ph. Corticothérapie et laryngite aiguë sous-glottique. Arch
de processus inflammatoire (infection, brûlure, choc direct par le Fr Pediatr 1991 ; 48 : 389-90.
laryngoscope), elle devient tuméfiée et peut constituer une masse Weyd B, Bellouma P, Boidin L, Juvin D. Efficacité de l’adrénaline en
basculant dans le vestibule du larynx et obstruant brutalement la voie aérosol dans les laryngites sous-glottiques de l’enfant. Rev Off Soc
aérienne jusqu’à la glotte. Fr ORL 1997 ; 43 : 31-4.

2 / Physiopathologie Points Forts à retenir


Tout rétrécissement, tout obstacle endolaryngé partiel élève considé-
rablement la résistance à l’écoulement de l’air. En outre, le calibre des • L’étiologie est dominée par les laryngites
voies aériennes varie en fonction du temps respiratoire. Hormis la et les corps étrangers chez l’enfant
sous-glotte, indéformable, le calibre des voies respiratoires extra- de plus de 6 mois.
thoraciques se trouve diminué par la dépression relative qui règne à • Chez l’enfant de moins de 6 mois,
leur niveau à l’inspiration. À l’inverse, à l’expiration, la surpression à distance de toute détresse, une laryngoscopie,
relative (induite par la mécanique respiratoire) entraîne une dilatation éventuellement précédée de radiographies,
des voies extrathoraciques alors que les voies endothoraciques,
est nécessaire.
comprimées par la surpression endothoracique, se rétrécissent.
Contrairement aux phénomènes obstructifs bronchiques, c’est donc • Le traitement est essentiellement local
à l’inspiration que la dépression induite sur les voies aériennes extra- et symptomatique en urgence, par oxygénation
thoraciques malléables de l’enfant aggrave la perturbation aéro- et aérosols au masque comportant de l’adrénaline
dynamique. Tout obstacle haut situé se manifeste donc surtout au et un corticoïde, sans dilution, associés
temps inspiratoire. En se prolongeant, la dyspnée s’accompagne à une corticothérapie par voie générale.
d’hypoxie et d’hypercapnie, d’autant plus marquées que l’effort En outre, en cas de suspicion de corps
respiratoire est important. Elles s’accompagnent d’angoisse, étranger, une laryngotrachéoscopie conduite
d’agitation puis d’obnubilation, de sueurs et d’encombrement trachéo-
par un personnel entraîné doit être envisagée
bronchique. La cyanose est très tardive.
sans tarder. Sinon et en cas d’échec des aérosols,
Outre l’augmentation des résistances, l’obstacle laryngé génère une
perturbation du flux aérien qui devient turbulent et fait vibrer les
l’intubation à l’aide d’une petite sonde trachéale
structures pariétales souples. Cela provoque un bruit anormal (stridor) est nécessaire.
qui, là encore, se situe ou prédomine à l’inspiration.

790 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie
A 34

Écoulement d’oreille, otalgie


Orientation diagnostique
PR Philippe ROMANET, DR Sabine DARANTIÈRE
Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, CHU, 21033 Dijon Cedex.

Points Forts à comprendre – épaisse, visqueuse, séreuse, franchement purulente


parfois verdâtre (pouvant signer la présence d’un pyo-
cyanique), fétide (pouvant faire évoquer une origine
• Un écoulement anormal de liquide cholestéatomateuse) ;
par le conduit auditif externe peut être : • les signes d’accompagnement : otalgie, surdité, acou-
muqueux ou purulent, c’est une otorrhée ; phènes, vertiges ;
hémorragique, c’est une otorragie ; • les antécédents auriculaires : otite aiguë, écoulement
contenant du liquide céphalo-rachidien, antérieur, paracentèse, intervention otologique, mise
c’est une otoliquorrhée. en place d’aérateur transtympanique ;
• Un écoulement d’oreille est un signe d’appel • les signes associés généraux : rhino-pharyngite, trau-
pouvant être à l’origine de maladies matisme, fièvre, bronchite.
très graves et impose un examen complet
à la recherche d’une cause précise qui permettra 2. Examen clinique
un traitement adapté. Il comporte : une otoscopie, examen capital qui s’effectue
• Si l’otorrhée est un symptôme beaucoup avec un spéculum et un miroir de Clar mais généralement
plus fréquent et apparemment plus bénin avec un otoscope à lumière grossissante, avec une
qu’une otorragie ou une otoliquorrhée, tout optique ou un microscope. L’importance de l’otorrhée
écoulement d’oreille impose interrogatoire peut gêner l’examen et nécessite, en milieu spécialisé,
précis, otoscopie indispensable et examen une aspiration à l’aide d’une petite sonde raccordée à
radiographique spécialisé. une prise de vide, ce qui permet, sous contrôle de la vue,
de nettoyer entièrement le conduit et d’avoir une vision
satisfaisante sur le conduit auditif externe et la membrane
tympanique. En milieu non spécialisé, un nettoyage du
conduit peut parfaitement être fait à l’aide d’un lavage à
L’écoulement d’oreille est l’issue, par l’entrée du conduit la poire ou à la seringue avec de l’eau bouillie tiède ou
auditif externe, d’un liquide plus ou moins épais et plus du sérum physiologique stérile réchauffé. Cet examen
ou moins abondant. Ce liquide peut être : séreux, muqueux, otoscopique permet la visualisation du conduit auditif
purulent et l’on parle d’otorrhée, sanglant et l’on parle externe. Il doit noter l’aspect de l’épiderme, son inflam-
d’otorragie, fait de liquide céphalo-rachidien et l’on mation, son œdème, un aspect d’abcès, l’existence de
parle d’otoliquorrhée. filaments blanchâtres ou noirâtres, l’existence d’un
corps étranger. L’examen soigneux du tympan note son
aspect infiltré, l’existence ou non d’un bombement ou
Otorrhée d’une perforation dont il faut noter la localisation anté-
rieure, postérieure ou au niveau de la membrane de
Shrapnell. En cas de perforation tympanique, du pus
Critères d’orientation diagnostique dans la caisse du tympan ou des squames épidermiques
évoquant un cholestéatome sont présents.
1. Interrogatoire
Il est en général suffisant pour faire un diagnostic positif 3. Examens complémentaires
et apporte des éléments en faveur d’une étiologie et Il est recommandé, en particulier en cas d’otorrhée
précise : rebelle ou traînante, de faire un prélèvement d’oreille
• les caractères de l’otorrhée : soit à l’aide d’un coton-écouvillon, soit par aspiration
– unilatérale ou bilatérale survenant simultanément sur des sécrétions dans un tube stérile. Ce prélèvement est
les 2 oreilles ou à bascule, envoyé pour examen bactériologique et mycologique.
– apparition brutale au décours d’un épisode fébrile avec Un examen radiologique et en particulier un scanner ne
infection rhino-pharyngée, à la suite d’un accident, sont indiqués qu’en cas de cholestéatome ou de mastoïdite
– chronique s’exacerbant lors de poussées de réchauffe- majeure.
ment spontanées ou provoquées par des bains de Un examen audiométrique ne se conçoit qu’en cas d’otite
piscine ou des rhino-pharyngites, chronique.

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 2081


ÉCOULEMENT D’OREILLE, OTALGIE

Diagnostic différentiel montrant une nécrose du tympanal avec os à nu, sucre


mouillé. Il existe aussi des signes d’altération de l’état
1. Écoulement de cérumen général.
Dans certains cas, il existe une production de cérumen • L’otite externe virale donne des otalgies extrêmement
importante, parfois assez fluide et les patients viennent importantes, lancinantes. Elles sont volontiers épidé-
consulter parce que leurs oreilles « coulent ». miques ; l’aspect est celui d’une myringite bulleuse avec
des phlyctènes séreuses ou souvent séro-sanglantes,
2. Otorragie parfois très volumineuses nécessitant leur incision au
Certains otites purulentes peuvent s’accompagner, en cours de l’otoscopie.
particulier en cas de granulome de la membrane tympa-
nique, de quelques stries de sang ; le diagnostic d’otorragie 2. Otite moyenne
est évident en général (v. infra). C’est la cause la plus fréquente des otorrhées.
• L’otite moyenne aiguë survient essentiellement chez
3. Otoliquorrhée
l’enfant. Le tableau clinique peut être variable.
L’otoliquorrhée (v. infra) est généralement eau de L’otorrhée survient généralement au cours d’une rhino-
roche mais il peut exister des surinfections évoquant pharyngite après un épisode d’otalgie aiguë, fébrile.
une otorrhée purulente. Le diagnostic peut dans certains Parfois, l’otorrhée est le premier signe révélateur de
cas être difficile. Il est toutefois possible grâce à l’anam- l’otite et la fièvre est absente, parfois elle est peu impor-
nèse et l’examen otoscopique sous microscope avec tante survenant après un ou plusieurs traitements anti-
aspiration. biotiques. Les germes les plus fréquemment rencontrés
sont l’Hæmophilus para-influenzæ, le pneumocoque, le
streptocoque β-hémolytique, et le staphylocoque.
Diagnostic étiologique La paracentèse d’une otite moyenne aiguë purulente
bombante s’accompagne généralement d’une otorrhée
1. Otite externe pendant quelques jours.
Le diagnostic d’otite externe est en général facile. La surinfection peut survenir après mise en place
L’oreille est très douloureuse soit spontanément, soit à d’aérateurs transtympaniques généralement bien sup-
la mobilisation du pavillon du tragus et surtout lors de portés pendant de très nombreux mois par l’oreille
l’examen otoscopique. L’otorrhée est parfois pauvre moyenne. Toutefois, il peut exister un écoulement
mais souvent abondante. L’otite externe est volontiers mucopurulent par l’orifice de l’aérateur transtympanique
récidivante, survenant après la baignade et c’est souvent en cas de surinfection de l’oreille moyenne survenant
une pathologie estivale. Il existe une dermite eczémateu- après une rhino-pharyngite ou une baignade.
se préexistante du conduit et les lésions de grattage La mastoïdite aiguë ou subaiguë peut survenir d’emblée
extrêmement fréquentes, parfois sous la forme de tics, dès le début de l’otite moyenne aiguë ou secondairement,
sont à l’origine de surinfection. Le diagnostic est fait par spontanément ou après un traitement antibiotique mal
l’otoscopie qui trouve une atteinte de la peau du conduit ciblé. Classiquement, l’otorrhée devient plus abondante
auditif externe sans atteinte de l’oreille moyenne avec et s’accompagne d’otalgies majeures, de fièvre très
un tympan normal ou seulement légèrement inflamma- importante avec empâtement de la région mastoïdienne
toire. L’otoscopie peut être rendue très difficile par la rétro-auriculaire, œdème et décollement du pavillon.
douleur provoquée par l’examen et surtout par un • L’otite moyenne chronique à tympan ouvert est
œdème majeur du conduit qui rétrécit ce dernier, néces- caractérisée par une perforation tympanique simple
sitant l’emploi de très fins spéculums. L’examen otosco- parfaitement sèche qui peut se surinfecter soit spontané-
pique recherche des sécrétions mucopurulentes, des ment, soit à la suite d’une baignade. Cette perforation
croûtes, parfois un aspect de furoncle du conduit qui tympanique simple peut s’accompagner, lorsqu’elle est
siège essentiellement dans le tiers externe de celui-ci souvent antérieure, d’une otorrhée simplement muqueuse.
avec un aspect typique de surélévation à sommet puru- L’otite moyenne cholestéatomateuse s’accompagne
lent, avec des douleurs exquises au contact. Ces aspects volontiers dans sa forme classique d’une otorrhée déses-
sont typiques d’une otite externe d’origine bactérienne. pérément chronique, abondante, fétide. L’examen oto-
Parfois, il existe des filaments tout à fait caractéristiques scopique fait le diagnostic montrant une perforation
d’atteinte mycologique donnant un aspect cotonneux, postéro-supérieure, marginale ou au niveau de la mem-
blanchâtre ou parsemé de petits points noirs en cas de brane de Shrapnell avec la présence de squames épider-
présence d’Aspergillus niger. L’otorrhée mycosique est miques au sein parfois d’un tissu granulomateux lorsque
une otorrhée très abondante et grumeleuse. la surinfection est très importante. Le diagnostic de
• L’otite externe maligne est une forme redoutable certitude otoscopique peut être confirmé par un examen
d’otite externe qui est une entité clinique très particulière. radiologique, en général le scanner.
Il s’agit en fait d’une ostéite du tympanal survenant chez
des malades fragilisés, souvent diabétiques, s’accompa- 3. Chirurgie otologique
gnant de destruction osseuse, de paralysie faciale ou Une chirurgie otologique – en particulier une tympano-
d’autres nerfs crâniens. L’aspect otoscopique est spécifique plastie – peut s’accompagner dans les suites opératoires

2082 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

d’une otorrhée qui cédera en général rapidement avec un Diagnostic différentiel


traitement antibiotique local et général. D’anciennes
cavités d’évidement pétro-mastoïdien non épidermisées, 1. Hémorragie péri-auriculaire
ou mal réalisées car mal aérées peuvent s’accompagner Dans certains cas de plaie cranio-faciale, l’hémorragie
de surinfection fréquente. peut inonder la région auriculaire semblant venir du
conduit auditif externe mais celui-ci est intact.
4. Tumeurs de l’oreille moyenne
Les tumeurs de l’oreille moyenne (chémodectome, 2. L’otorrhée et l’otoliquorrhée
carcinome…) sont des entités cliniques relativement En cas d’otorrhée (v. supra) ou d’otoliquorrhée (v. infra),
rares. Lorsqu’elles sont volumineuses, elles peuvent il peut y avoir un saignement plus ou moins important
s’accompagner de surinfection entraînant, en cas de des- pouvant en imposer pour une otorragie vraie.
truction tympanique, une surinfection avec otorrhée.
Diagnostic étiologique
Otorragie 1. Causes traumatiques
Critères d’orientation diagnostique Ce sont :
• le traumatisme direct : plaie du conduit par grattage
Le diagnostic d’otorragie, c’est-à-dire d’issue de sang ou par instrument (Coton-Tige, aiguille…) ;
par le conduit auditif externe, est en général facile sauf • la plaie du tympan par instrument perforant ou éclate-
dans certains cas d’accident traumatique craniofacial ment de celui-ci au cours d’un barotraumatisme
où une plaie saignant abondamment vient inonder la (gifle, explosion) ;
région auriculaire. • les traumatismes cranio-faciaux ;
• la fracture du rocher ou de l’os temporal qui est
1. Interrogatoire une des grandes causes d’otorragie. Il faut toujours
L’interrogatoire cherche si l’otorragie est provoquée et rechercher une paralysie faciale ou une surdité
précise la notion de traumatisme, qu’il soit minime par associée ;
plaie du conduit ou grave dans le cadre d’un traumatisme • la fracture du tympanal, classique lors d’un trauma-
crânien ou cranio-facial, si l’otorragie est spontanée, tisme direct sur la mâchoire. L’otoscopie retrouve
unique ou récidivante et quelle a été son importance. l’enfoncement inférieur du conduit auditif externe.
Il est important de savoir s’il y a des signes fonctionnels • les grands traumatismes craniofaciaux complexes
associés comme une otalgie, des vertiges, une surdité et s’il avec fracture majeure.
y a eu des notions d’intervention chirurgicale antérieure.
2. Causes non traumatiques
2. Examen clinique • Otite moyenne aiguë essentiellement virale sous la
Il concerne essentiellement l’examen de l’oreille externe, forme de grosses phlyctènes hémorragiques se vidant
du conduit auditif externe et du tympan. Parfois, cet dans le conduit.
examen otologique ne vient qu’au second plan, l’otorragie • Cancer du conduit auditif externe, très rare.
n’étant qu’un symptôme d’un traumatisme craniofacial • Cancer de l’oreille moyenne, diagnostic d’exception.
majeur où le pronostic vital est en jeu. L’otoscopie • Chémodectomes tympaniques ou tympano-jugulaires
recherche une plaie du pavillon, l’intégrité ou non du où l’otoscopie retrouve une tumeur rougeâtre, rétro-
conduit auditif externe, précise l’aspect du tympan, sa tympanique mais pouvant envahir le tympan débordant
normalité, l’existence d’une perforation, d’un hématome, dans le conduit. L’examen otoscopique, le scanner et
d’une tumeur rétro-tympanique. L’otoscopie est parfois l’artériographie en cas de doute font le diagnostic.
difficile lorsque l’hémorragie est abondante, que le
conduit est rempli de caillots et de sang séché et le net-
toyage soigneux le plus aseptique possible doit précéder Otoliquorrhée
l’examen. On recherche des signes associés : paralysie
faciale qui peut passer inaperçue en cas de coma, surdité,
vertiges, atteinte d’autres nerfs crâniens… Critères d’orientation diagnostique
Le diagnostic est souvent facile, montrant un écoule-
3. Examens complémentaires ment d’oreille « eau de roche », mais cette otoliquorrhée
Ils sont indiqués en cas de traumatisme crânien avec sus- peut être masquée par du sang ou du pus. La certitude du
picion de fracture et dans certaines otorragies spontanées où diagnostic est apportée par l’étude biochimique du liquide
une pathologie tumorale est suspectée. Outre un audio- recueillie (taux de glucose).
gramme, un vidéo-nystagmogramme, l’examen capital Les examens complémentaires sont essentiellement des
est l’examen radiologique par scanner et, selon les cas, examens radiologiques de l’oreille moyenne et de la
imagerie par résonance magnétique (IRM) et angio- région temporale par le scanner et l’imagerie par réso-
IRM. nance magnétique.

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 2083


ÉCOULEMENT D’OREILLE, OTALGIE

Le diagnostic différentiel peut se poser avec l’otorrhée • Les examens complémentaires comprendront, selon
purulente et l’otorragie lorsque le liquide céphalo-rachidien les données de l’interrogatoire et de l’examen clinique :
est mélangé à du sang ou du pus. endoscopie, radiographie des sinus ou de la colonne
vertébrale, orthopantomographie, scanner.
Diagnostic étiologique
Diagnostic étiologique
1. Traumatisme crânien avec fracture du rocher
1. Otalgie symptomatique d’une atteinte
Il s’agit d’une fracture importante avec trait de fracture
unique ou multiple passant selon les cas par le tegmentum
de l’oreille
tympani ou le bloc labyrinthique. Le diagnostic est évi- • L’atteinte du pavillon est la conséquence d’une plaie,
dent par l’anamnèse, l’examen otoscopique, l’existence d’un othématome, de périchondrite, d’un nodule
d’une paralysie faciale associée et l’étude scanogra- douloureux de l’hélix, d’un cancer, d’eczéma ou d’un
phique. kyste sébacé surinfecté.
• L’otite externe est une dermite du conduit d’origine
2. Intervention chirurgicale otologique bactérienne ou mycosique donnant des douleurs
ou surtout oto-neuro-chirurgicale intenses, majorées par la traction du pavillon du tragus
• La chirurgie du cholestéatome ou de certaines tumeurs avec un aspect œdématié inflammatoire de la peau du
ayant dénudé la dure-mère peut entraîner des liquorrhées conduit associé à du pus et des filaments en cas de
postopératoires. mycose.
• La chirurgie du neurinome de l’acoustique et de la • L’otite externe maligne est une ostéite du tympanal
fosse cérébrale postérieure peut donner également des survenant chez des sujets fragilisés, âgés, diabétiques,
écoulements secondaires. qui va gagner la base du crâne avec des paralysies
• La chirurgie de malformation de l’oreille interne. crâniennes multiples.
• Une hernie méningée primitive ou secondaire. • Le bouchon épidermique du conduit peut être surin-
fecté.
• Une piqûre d’insecte, un abcès du conduit ou un
Otalgie corps étranger peut être responsable d’otalgie.
• Une atteinte de l’oreille moyenne, otite aiguë puru-
Les otalgies, symptômes fréquents, correspondent lente plus fréquente chez l’enfant que l’adulte, associe
souvent à une cause auriculaire ou jouxtant l’oreille, otalgies, fièvre et parfois otorrhée au décours d’une
comme la parotide ou l’articulation temporo-mandibu- rhino-pharyngite. Le diagnostic est fait par l’otoscopie
laire, mais elles peuvent être des douleurs réflexes et qui retrouve un tympan infiltré, bombant ou perforé.
rapportées relevant de causes très diverses qu’il faut • Une mastoïdite aiguë est une complication de l’otite
connaître. moyenne aiguë associant des otalgies extrêmement
importantes, des signes généraux associant fièvre et
Critères d’orientation diagnostique parfois signes digestifs, un empâtement de la région
auriculaire postérieure avec parfois décollement du
• L’interrogatoire précise : la date d’apparition de pavillon et, à l’otoscopie, un tympan infiltré ou bombant.
l’otalgie ; son caractère uni- ou bilatéral, permanent ou • Une complication infectieuse ou veineuse d’une otite
paroxystique ; les éléments déclenchants de la douleur : est caractérisée par des douleurs à l’émergence de l’hé-
traction du pavillon, pression sur le tragus, mastication, misphère mastoïdien, symptomatique d’une thrombophlé-
déglutition ; les signes d’accompagnement : otorrhée, bite du sinus latéral, une otalgie associée à une névralgie
surdité, vertiges, craquement lors de la mastication, dys- du trijumeau, symptomatique d’une thrombophlébite du
phagie, dysphonie, signes généraux ; les antécédents sinus pétreux (pétrosite).
chirurgicaux, locaux ou régionaux. • Un dysfonctionnement tubaire – catarrhe tubaire ou
• L’examen clinique comporte : un examen du pavillon otite séreuse – peut être à l’origine d’une otalgie généra-
de l’oreille et une otoscopie visualisant le conduit lement modérée. À l’inverse, un barotraumatisme au
auditif externe, le tympan ; un examen de la région cours d’une plongée ou d’un voyage en avion peut être à
péri-auriculaire : parotide, articulation temporo-mandi- l’origine d’une otalgie extrêmement violente s’accom-
bulaire, région mastoïdienne, région cervicale sous- pagnant parfois d’un syndrome cochléo-vestibulaire.
digastrique ; un examen de la cavité buccale : dents, • L’otite chronique est rarement douloureuse sauf en cas
gencive, plancher buccal et langue ; un examen de de réchauffement ou d’instillation de gouttes auriculaires.
l’oro-pharynx ; un examen du larynx et de l’hypo- • Le cancer de l’oreille moyenne est rare.
pharynx à l’aide d’une laryngoscopie indirecte au • Les atteintes nerveuses sont les suivantes :
miroir ; un examen du cavum à l’aide d’une optique ou – le zona du ganglion géniculé donnant une otalgie
d’un petit miroir placé derrière le voile du palais ; un intense à type de brûlure. Il existe une éruption cutanée
examen des aires ganglionnaires cervicales ; un examen dans la zone de Ramsay Hunt et une paralysie faciale
des paires crâniennes. secondaire ;

2084 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

– le zona du pneumogastrique (Xe paire crânienne) • Névralgie isolée du glosso-pharyngien où la douleur


comporte une éruption dans le conduit auditif externe siège au niveau de la région amygdalienne et de la base
et une atteinte sensitive et motrice du nerf du pneumo- de langue irradiant vers l’oreille.
gastrique sans paralysie faciale ; • Névralgie du trijumeau où la douleur irradie vers
– la paralysie faciale a frigore où les otalgies sont l’oreille parce que la névralgie intéresse la branche man-
inconstantes. dibulaire du trijumeau.
• Névralgie du pneumogastrique.
2. Otalgies par atteinte de la région péri-auriculaire
• Les parotidites sont de diagnostic évident avec tumé- 5. Algies neurovasculaires de la face
faction parotidienne sensible à la palpation. L’otalgie s’intègre dans une douleur violente, pulsatile
• L’atteinte de l’articulation temporo-mandibulaire : d’une partie plus ou moins importante de la face durant
soit arthrite, soit arthralgie à la mobilisation articulaire plusieurs minutes ou plus longtemps. La douleur s’accom-
souvent provoquée par un trouble de l’articulé dentaire. pagne volontiers de phénomènes vasomoteurs (douleurs
Il existe à l’examen clinique des craquements lors de la de la face, larmoiement, rhinorrhée).
mobilisation de la mandibule, une otalgie associée à une
sensation d’oreille bouchée, des vertiges, des acouphènes 6. Algies auriculaires typiques
déclenchés par la mastication réalisant le classique Nous ne citons que des syndromes où l’otalgie peut
syndrome de Costen. exister :
• Une atteinte cervicale par adénopathie inflammatoire • artérite temporale de Horton qui associe température,
de la région sous-digastrique entraîne souvent une otalgie. arthralgie, algie temporale à type de paresthésies, de
picotements et de brûlures, induration battante de
3. Otalgies réflexes l’artère temporale, vitesse de sédimentation très
Ici, l’examen de l’oreille et de la région péri-auriculaire augmentée. Le diagnostic est confirmé par la biopsie
est normal. Plusieurs causes devront être recherchées. artérielle ;
• Cavité buccale : angine, phlegmon, pharyngite, • syndrome de l’artère temporale superficielle de
tumeur infiltrante de l’amygdale, du voile du palais, de Chavany avec douleurs centrées sur le trajet de l’artère
la base de langue, du plancher buccal ou du carrefour temporale qui diminue lorsque l’on comprime la carotide
amygdalo-glosse donnent des otalgies majorées lors de ou lorsque le sujet se couche ;
la déglutition. • syndrome du nerf auriculo-temporal de Frey corres-
• Dents : une cause dentaire infectieuse – carie profonde pondant à des bouffées vasomotrices avec hypersudation
ou dent de sagesse incluse – peut donner une otalgie. de la région pré-auriculaire parotidienne survenant
• Larynx et pharynx : un cancer du larynx ou plus sou- après une parotidectomie ou lors des repas ;
vent du pharynx, du sinus piriforme ou de la bouche • otalgies par contraction prolongée des muscles du
œsophagienne peut entraîner une otalgie réflexe. Ce dia- cou ;
gnostic doit être évoqué en particulier chez l’homme de • équivalents migraineux de la région péri-auriculaire.
plus de 50 ans éthylo-tabagique, d’autant qu’existe une
adénopathie.
• L’apophyse styloïde : certaines apophyses styloïdes Points Forts à retenir
longues peuvent donner une douleur dans la région
péri-auriculaire. Ce diagnostic doit être retenu lorsque la • Une otorrhée, qu’elle soit muqueuse
styloïde est vraiment longue ; il est confirmé par un ou purulente, évoque en premier lieu une otite
toucher endobuccal, le palper déclenchant une douleur de l’oreille externe ou de l’oreille moyenne.
exquise, et par l’examen radiographique. • Une otorrhée chronique, surtout si elle est
• Le rachis cervical : certaines lésions rachidiennes fétide, impose la recherche d’une otite
(post-traumatique, l’uncodiscarthrose, syndrome d’in- chronique et en partie cholestéatomateuse
suffisance vertébro-basilaire, ostéo-arthrite infectieuse qui impose un traitement chirurgical
ou inflammatoire, métastases) peuvent être à l’origine pour éviter une complication.
d’otalgies. • L’otorragie s’intègre essentiellement
• L’exceptionnelle otalgie du reflux gastro-œsopha- dans un cadre de traumatologie et de fracture
gien. du rocher mais évoque une possible tumeur
vasculaire de l’oreille moyenne ou de la base
4. Névralgies de la région auriculaire du crâne.
par irritation d’un nerf à fibres sensitives • L’otoliquorrhée, de diagnostic parfois
L’otalgie s’intègre dans une névralgie caractérisée par difficile lorsqu’elle n’est pas abondante,
des douleurs violentes paroxystiques de brève durée, de doit impérativement être diagnostiquée
topographie en général précise avec l’existence de et son origine retrouvée pour que son traitement
période réfractaire entre les crises, absence de signe évite des complications graves à type
neurologique déficitaire et parfois le caractère provoqué de surinfection méningo-encéphalique.
par la douleur (zone gâchette).

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 2085


Oto-rhino-laryngologie
A 33

Épistaxis
Orientation diagnostique et conduite à tenir en situation d’urgence
PR Philippe HERMAN
Service ORL, hôpital Lariboisière, 75475 Paris Cedex 10.

Points Forts à comprendre

• Il s’agit de la plus fréquente des urgences


en ORL. Quoiqu’il s’agisse d’une affection
le plus souvent bénigne, ayant une étiologie
banale, elle peut mettre le pronostic vital
en jeu et être rebelle au traitement.
• Le diagnostic étiologique peut être difficile
à établir en urgence lorsque le saignement est
un tant soit peu abondant, à moins de disposer
d’un matériel d’endoscopie sophistiqué.
La cause la plus fréquente est une lésion 1 Vascularisation des fosses nasales.
de la tache vasculaire. A – Vue de la face externe des fosses nasales. Notez le calibre
• Le plus souvent, l’épistaxis est accessible habituellement grêle des artères ethmoïdales (E) qui descendent
à un geste local soit spécifique, consistant de la lame criblée à la partie haute des fosses nasales, alors
en la cautérisation du vaisseau en cause, soit que l’artère sphéno-palatine (SP), débouchant de son fora-
men sensiblement au niveau de la queue de cornet moyen,
non spécifique par tamponnement – le plus
est d’un calibre nettement supérieur et fournit l’essentiel de
souvent efficace sous réserve d’une technique la vascularisation des 2 tiers postérieurs des fosses nasales.
rigoureuse – ou en diminuant l’apport sanguin B – Vue de la face interne des fosses nasales ou septum.
vers les fosses nasales au prix d’une ligature Notez les anastomoses entre branches de l’artère sphéno-
ou d’une embolisation. palatine et artères ethmoïdales en particulier au niveau de la
• Les fosses nasales sont richement tache vasculaire (TV).
vascularisées par 2 réseaux artériels distincts :
celui de la carotide externe et celui de la carotide
interne, avec un important réseau
anastomotique situé au niveau de la cloison L’examen est effectué après un mouchage vigoureux
nasale : le plexus de Kiesselbach (fig. 1). évacuant les caillots. Ceux-ci entretiennent en effet une
fibrinolyse locale. Ce mouchage est ensuite suivi de la
En fonction du territoire artériel concerné,
mise en place de cotonoïdes imbibés de Xylocaïne à la
peuvent être pratiquées soit des embolisations,
naphazoline. Cette étape est essentielle et réalise une
soit des ligatures chirurgicales.
anesthésie de la fosse nasale. Elle contribue à l’arrêt du
saignement et surtout elle rétracte les corps caverneux
des cornets, qui sont de véritables éponges vasculaires,
permettant ainsi un examen dans de bonnes conditions
Diagnostic et un tamponnement efficace.
Les modalités de l’examen clinique dépendent de l’envi-
Reconnaître l’épistaxis est en règle facile devant un sai- ronnement technique. La rhinoscopie antérieure au
gnement nasal extériorisé. Cela est plus difficile lorsque miroir de Clar, examen le plus classique utilisant un
le saignement a été dégluti et qu’on se trouve confronté spéculum nasal, ne peut identifier que les lésions très
à un tableau de perte sanguine, sans saignement actif au antérieures. En cas de « saignement postérieur » (terrain
niveau des fosses nasales, éventuellement associé à une hypertendu, fracture, tumeur), elle ne permet pas
hématémèse. d’identifier, voire d’agir sur l’origine du saignement. Le
saignement postérieur n’est alors parfois visualisé qu’à
Étapes diagnostiques l’examen de l’oropharynx avec l’abaisse-langue. En
revanche, le nasofibroscope ou l’endoscope rigide de
L’anamnèse est faite par l’interrogatoire détaillé du patient, 2,7 ou 4 mm de diamètre, éventuellement couplés à une
tant du point de vue oto-rhino-laryngé (ORL) que du point vidéo, permettent un examen approfondi et localisent le
de vue général, précisant les prises médicamenteuses. plus souvent l’origine du saignement (fig. 2).

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1959


ÉPISTAXIS

3 Adénocarcinome de l’ethmoïde.
Le scanner (A) et surtout l’imagerie par résonance magné-
2 Rhinoscopie antérieure et endoscopie gauches. tique (B) révèlent l’existence d’une tumeur occupant la fosse
A – Notez la vision limitée vers la partie postérieure des nasale et les sinus ethmoïdaux, entraînant une rétention
fosses nasales lorsque seul le spéculum est utilisé. Ne sont dans le sinus maxillaire et refoulant la cloison.
visibles que la tête du cornet inférieur (CI), le septum (S), le
plancher des fosses nasales (P) et parfois la tête du cornet
moyen (CM).
B – L’endoscope permet un examen fin de la quasi-
totalité des fosses nasales après rétraction de la muqueuse.
Notez les queues de cornets inférieur (CI) et moyen (CM),
l’arche choanale (AC) et le cavum (C), enfin le récessus
sphéno-ethmoïdal (R).

Étiologie
4 Angiofibrome nasopharyngé.
1. Causes locales
A – Sur cette coupe coronale, notez la tumeur gauche,
Parmi les causes locales, on retrouve : centrée sur la choane avec un prolongement dans le foramen
• des causes idiopathiques : rupture capillaire au sphéno-palatin au voisinage immédiat de la fissure orbitaire
niveau de la tache vasculaire, spontanée, probable- inférieure (flèche).
ment liée à un étirement excessif de vaisseaux repo- B – Sur cette coupe sagittale, notez l’érosion osseuse du toit
du rhinopharynx réalisée par la tumeur qui pénètre ainsi
sant sur un support déformable – cartilage septal – ou
dans le sinus sphénoïdal.
consécutive à un grattage ;
• une rhinite atrophique – une perforation de cloison ;
• un traumatisme : fracture des os propres du nez, palatin. La découverte de cette tumeur violacée
fracture du squelette facial, fracture de l’étage antérieur parcourue par un lacis vasculaire évoque le diagnostic
de la base du crâne, voire exceptionnel traumatisme et proscrit toute biopsie en dehors d’un milieu spécia-
de la carotide interne ; lisé. Il s’agit en effet d’un angiofibrome, masse hyper-
• un corps étranger ; vascularisée dont l’effraction est très hémorragique.
• un polype saignant de la cloison ; Le diagnostic repose sur l’examen de la partie posté-
• une tumeur maligne du nez et des sinus : leurs types rieure de la fosse nasale à l’optique ou au fibroscope,
histologiques sont variés, qu’il s’agisse d’un adéno- et sur le scanner avec injection de produit de contras-
carcinome de l’ethmoïde (travailleur du bois), d’un te, qui met en évidence une lésion hypervascularisée
carcinome épidermoïde du sinus maxillaire, d’une dont il précise l’extension. Le traitement repose sur
tumeur de la placode olfactive, d’un mélanome, d’un l’exérèse chirurgicale précédée d’une embolisation
cylindrome ou carcinome adénoïde kystique… Quoi endovasculaire.
qu’il en soit, l’association de symptômes associés à
type d’obstruction nasale ou de rhinorrhée unilaté- 2. Causes secondaires
rales, d’hypo- ou d’anosmie doit faire rechercher cette Ces causes sont :
étiologie. Le bilan paraclinique repose alors sur la • une infection : banale rhinite, grippe, oreillons ;
biopsie avec examen anatomo-pathologique et sur • une maladie vasculaire : hypertension artérielle,
l’imagerie du massif facial (scanner avec injection et artériosclérose ;
imagerie par résonance magnétique [IRM] ; fig. 3) ; • des troubles de la coagulation ou de l’agrégation
• une tumeur du nasopharynx : angiofibrome naso- plaquettaire, congénitaux ou acquis ;
pharyngé (fig. 4). Surnommé « polype saignant de la • une prise médicamenteuse (antivitamine K, aspirine
puberté masculine », le fibrome nasopharyngien est et antiagrégeant plaquettaire) ;
une tumeur rare qui survient électivement chez les • la maladie de Rendu-Osler qui est une angiomatose
hommes, habituellement au stade pubertaire. Elle se familiale de transmission autosomique dominante. La
développe habituellement au pourtour du trou sphéno- maladie s’installe à l’âge adulte et se traduit par

1960 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

l’apparition de télangiectasies touchant en premier L’interrogatoire évalue l’importance du saignement, la


lieu les fosses nasales, responsables d’épistaxis très notion de répétition des épistaxis, le passé médical du
sévères, mais pouvant aussi se développer sur les patient, en particulier les facteurs susceptibles de géné-
téguments de la face et le long du tractus digestif. rer une intolérance à la déglobulisation (pathologie
Des localisations hépatiques, pulmonaires voire coronaire, etc.).
cérébrales sont possibles. L’aspect des télangiectasies Dans le cas des épistaxis importantes, 2 types de com-
est celui d’angiomes stellaires avec présence de plications doivent être recherchées, liées à la déglobuli-
fistules artérioveineuses dans le chorion. Le diagnostic sation et à son retentissement hémodynamique : pâleur,
est d’autant plus aisé qu’il existe des localisations sueurs, tachycardie, polypnée, hypotension ; plus rare
superficielles (langue, lèvres ; fig. 5). mais non moins sévère, survenant en cas d’hémorragie
importante chez un patient affaibli, la détresse respira-
toire liée à l’inhalation de sang : polypnée, encombre-
ment bronchique, désaturation, etc.
Ce bilan est éventuellement complété par une numéra-
tion formule sanguine (NFS) – pour évaluer la déperdi-
tion sanguine (en sachant qu’en cas de saignement
abondant la baisse de l’hémoglobine est retardée), l’hé-
mostase, le groupe Rhésus avec recherche d’aggluti-
nines irrégulières – et, enfin, exceptionnellement, un
bilan radiologique en cas de traumatisme ou de tumeur.
Ce bilan ne doit pas retarder le geste d’hémostase ; a
priori le geste local peut toujours assurer l’hémostase,
au moins temporairement.

5 Télangiectasies labiales et buccales d’une maladie de Mesures générales


Rendu-Osler. Le patient doit être installé en position demi-assise pour
éviter les fausses routes et l’inhalation de sang, rassuré
car l’épistaxis est par elle-même angoissante (prescrip-
tion d’anxiolytiques).
Diagnostic différentiel Le mouchage jusqu’à évacuation des caillots qui entre-
tiennent une fibrinolyse locale est effectué.
C’est bien sûr celui des saignements extériorisés par les Les anticoagulants et antiagrégeants sont interrompus.
narines et n’étant pas issus des fosses nasales, qu’il Il s’agit là d’une mesure essentielle à envisager en
s’agisse d’hémoptysie, d’hématémèse ou de saignement collaboration avec le médecin traitant ou le cardiologue
à partir de la base du crâne. suivant le cas. Lors de prise d’aspirine, il faut savoir
que l’effet antiagrégeant se maintient pendant une
dizaine de jours (il n’existe guère de solution de
Conduite à tenir remplacement). Dans le cas des antivitamines K, une
enquête précisera la justification de ce traitement et
Il est essentiel de ne pas méconnaître le retentissement si une anticoagulation doit impérativement être main-
de l’épistaxis : déglobulisation et exceptionnellement tenue. Il est pratiquement toujours possible d’arrêter
inhalation de sang. Les examens complémentaires à les antivitamines K sous couvert, le cas échéant,
visée diagnostique ne sont le plus souvent pas utiles d’héparine de bas poids moléculaire. En cas d’hémorragie
en urgence. En revanche, certains examens sont massive, ou encore s’il existe un surdosage, la pres-
nécessaires compte tenu du retentissement possible de cription de vitamine K, voire en urgence de PPSB
l’épistaxis (numération formule sanguine, électro- (facteurs vitamine K-dépendants : prothrombine, pro-
cardiogramme, groupe Rhésus avec recherche d’aggluti- convertine, facteur Stuart, facteur antihémophilique B)
nines irrégulières) ou encore des facteurs aggravants permet de restaurer une hémostase efficace en quelques
possibles (recherche de troubles de l’hémostase : pla- heures.
quettes, taux de prothrombine, temps de céphaline Une exceptionnelle détresse respiratoire liée à l’inhalation
kaolin, voire dosage de facteurs de la coagulation, temps de sang nécessitera une broncho-aspiration après contrôle
de saignement). de l’épistaxis ; une éventuelle hypovolémie sera corrigée.
Elle est en fait guidée par l’anamnèse et l’importance du
saignement. La plupart des épistaxis sont minimes et les Moyens
patients ont volontiers tendance à surestimer la perte
sanguine. Néanmoins, il ne faut jamais méconnaître Seule l’épistaxis minime issue de la tache vasculaire
l’éventuel retentissement hémodynamique du saigne- (cause la plus fréquente) peut être arrêtée par la compression
ment, en particulier lors de saignements répétitifs. locale : l’index appuie sur l’aile narinaire, juste sous les

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1961


ÉPISTAXIS

os propres du nez, afin d’appliquer celle-ci contre la cloi- un ruban de 2 à 3 cm de large. Si plusieurs mèches sont
son. Cette compression doit être maintenue 5 à 10 min. successivement mises en place dans la même fosse nasa-
Dans les autres cas, c’est le plus souvent une manœuvre le, cela doit être colligé dans l’observation en vue du
de tamponnement qui est utilisée, toujours après une déméchage.
anesthésie locale avec rétraction de la muqueuse. Les De nombreux matériels de tamponnement peuvent
techniques de coagulation sous vidéo-endoscopie ne être utilisés. À la mèche grasse peuvent ainsi être
sont pas détaillées ici. substitués certains produits ayant une activité hémo-
statique (Algosteril), un pouvoir d’expansion (Mérocel),
1. Technique d’anesthésie locale et de rétraction etc. Le méchage est ensuite retiré 48 h plus tard en
Le principe est le suivant : l’hémostase est obtenue par consultation. Son retrait est souvent un peu traumatique.
compression, laquelle est maintenue plus de 24 h pour Aussi, lorsqu’il existe des troubles de l’hémostase
obtenir une thrombose du ou des vaisseaux en cause. connus, les mèches de type non résorbable sont pros-
Elle est toujours effectuée après une anesthésie locale crites au profit de matériaux pouvant être laissés en
avec vasoconstricteurs aussi prolongée que possible place et qui se déliteront avec quelques irrigations des
(supérieure à 10 min). En effet, celle-ci permet de fosses nasales au sérum physiologique (produits de type
rétracter la muqueuse des cornets ; on peut alors mettre Surgicel).
en place un méchage efficace sans lésion muqueuse
(nombre de tamponnements entraînent des lésions iatro- 4. Tamponnement postérieur
géniques importantes), réaliser le geste sans douleur, ce Réalisé selon la technique princeps, il s’agit d’une
qui est indispensable pour le confort du patient et aussi manœuvre délicate et douloureuse requérant un
parce que la douleur entraîne une augmentation réflexe opérateur expérimenté. Elle est au mieux réalisée après
de la pression artérielle, et enfin souvent arrêter le une très bonne anesthésie locale ou sous anesthésie
saignement. générale en sachant que l’induction anesthésique à
En pratique, on utilise un mélange de Xylocaïne et de estomac plein (épistaxis déglutie) ou en présence d’un
vasoconstricteurs (Xylocaïne à la naphazoline). saignement actif comporte un risque non négligeable
D’étroites bandes de coton d’environ 6 cm de long sont d’inhalation.
trempées dans le mélange puis introduites de façon Dans chaque narine est introduite une sonde de Foley ou
atraumatique le long du plancher de la fosse nasale, d’aspiration bronchique jusqu’à ce qu’elle soit visible
selon un plan parallèle au palais, à l’aide d’une pince de dans l’oropharynx. Elle est alors récupérée par la
Politzer dont la forme angulée permet d’éviter de blesser bouche et un tampon de mèche grasse de 2 x 2 x 2 cm,
le rhinopharynx en arrière. Deux, voire trois mèches solidarisé par 2 fils de 20 cm, est amarré à son extrémité.
sont ainsi introduites de chaque côté, de bas en haut, la Le second fil de rappel sort par la bouche à la fin de la
suivante repoussant la précédente vers le haut. manœuvre. Par une traction douce sur la sonde à partir
de l’orifice nasal, les tampons sont alors introduits dans
2. Cautérisation – Coagulation la bouche puis glissés derrière le voile pour bloquer
Les saignements dont l’origine est visible peuvent, l’isthme nasopharyngé. Le doigt vient alors bloquer les
lorsqu’ils sont peu abondants, être traités après anes- tampons dans le rhinopharynx. Puis, tandis que l’aide
thésie locale par cautérisation chimique ou thermique, exerce une traction douce mais ferme sur les fils, un
voire coagulation à l’aide d’une pince bipolaire. Cette tamponnement antérieur est réalisé. Les fils sont ensuite
manœuvre est relativement aisée sur la partie antérieure noués en tension en évitant une pression excessive sur la
de la cloison. Dans le cas des saignements postérieurs, columelle.
elle requiert en revanche un matériel sophistiqué. La durée maximale d’un tamponnement postérieur est
Les deux faces du septum ne doivent pas être cautérisées de 5 jours.
simultanément pour éviter une perforation. La surface En pratique, cette manœuvre est exceptionnellement
cautérisée doit être petite. réalisée. On lui préfère au mieux la mise en place de
sondes à double ballonnet (fig. 6), ou à défaut l’intro-
3. Tamponnement antérieur duction dans la fosse nasale d’une sonde de Foley glissée
C’est la qualité de l’anesthésie locale et de la rétraction jusqu’au cavum. Le ballonnet est ensuite gonflé à l’eau
qui fait l’efficacité du tamponnement. pour bloquer le rhinopharynx et empêcher tout saigne-
Pour être compressif et donc efficace, le tamponnement ment postérieur. Un tamponnement antérieur est alors
est le plus souvent réalisé de façon bilatérale en raison réalisé et la sonde de Foley maintenue en place.
de la compliance de la cloison qui se déforme aisément Ni la sonde de Foley, ni les fils de traction ne doivent
et diminue d’autant la pression exercée par le tampon- comprimer la columelle ou les cartilages alaires car une
nement. nécrose peut alors survenir rapidement et entraîner des
Après ablation des cotonnets, on introduit une mèche séquelles esthétiques.
grasse qui est tassée d’arrière en avant dans la fosse Une déviation septale majeure peut empêcher la
nasale. De grandes feuilles de Vitagaze ou Tulle gras réalisation d’un tamponnement efficace. Ce peut être
(20 x 20) sont utilisées. Afin d’éviter de traumatiser la l’indication d’une septoplastie afin de pouvoir réaliser
muqueuse, la gaze est découpée en serpentin pour obtenir l’hémostase.

1962 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

palatine en arrière et l’artère faciale en avant. Il existe


également une participation vasculaire de l’artère carotide
interne par les artères ethmoïdales issues de l’artère
ophtalmique.
• La ligature artérielle diminue brutalement le flux
sanguin et peut être salvatrice. Cependant, elle n’a
qu’une action transitoire puisqu’une circulation colla-
térale se développe ; de plus, elle empêche tout geste
ultérieur d’embolisation puisqu’elle interrompt la
continuité vasculaire.
En cas de saignement postérieur rebelle, l’artère maxil-
laire interne peut être liée derrière le sinus maxillaire
par un abord de la fosse canine, ou encore entre les
mains d’opérateurs entraînés, en abordant et clipant
6 par voie nasale sous guidage endoscopique, sa branche
Techniques de tamponnement. terminale, l’artère sphéno-palatine (fig. 7).
A – Matériel utile : spéculum de Vacher, pince de Politzer, En cas de saignement antérieur rebelle, les artères
cotonoïdes, Xylocaïne à la naphazoline, Surgicel ou mèche
grasse.
ethmoïdales peuvent être liées entre l’orbite et l’eth-
B – Schéma de tamponnement antérieur. moïde, au prix d’un abord paracanthal, c’est-à-dire
C – Schéma de tamponnement postérieur. d’une incision juste en dedans de l’angle interne de
D – Sonde à ballonnet qui permet de réaliser aisément l’orbite.
l’équivalent d’un tamponnement postérieur. • L’embolisation ne concerne jamais les artères ethmoï-
dales du fait des risques oculaires. En revanche, les
branches de l’artère carotide externe, en particulier la
5. Gestes vasculaires sphéno-palatine et la faciale, sont accessibles à l’embo-
lisation supersélective.
Il existe 2 façons de diminuer l’afflux de sang vers les En pratique, des particules ou des matériaux résorbables
fosses nasales : la ligature artérielle et l’embolisation. sont administrés par un microcathéter. L’effet de cette
Les fosses nasales sont richement vascularisées à partir embolisation étant transitoire, un éventuel déméchage
des branches de l’artère carotide externe : l’artère sphéno- doit être réalisé rapidement après l’embolisation.

7 Modalités d’embolisation et de
ligatures chirurgicales.
L’artère sphéno-palatine (A) et l’artère
faciale peuvent être contrôlées soit
par une embolisation par voie endo-
vasculaire, soit pour la première par
voie endonasale sous guidage endo-
scopique (B : en insert vue de l’artère
à son émergence du foramen sphéno-
palatin). Quant aux artères ethmoï-
dales (C), elles ne sont accessibles
qu’à un geste chirurgical mené par
une courte incision au-dessus de
l’angle interne de l’œil (D : en insert
vue de l’artère ethmoïdale tendue
entre la paroi interne d’orbite et la
périorbite refoulée en dehors).

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1963


ÉPISTAXIS

Indications Traitements étiologiques


Les saignements minimes et antérieurs sont accessibles • Traumatisme et chirurgie maxillo-faciale: embolisation
soit à la simple compression, soit à une cautérisation ou ou ligature des artères ethmoïdales sont souvent en cause.
coagulation. À part, la rupture carotidienne dont le pronostic est sombre.
La plupart des saignements, même abondants, sont • Tumeur : l’embolisation peut permettre de compléter
contrôlés par un tamponnement antérieur correctement le bilan avant d’envisager un traitement spécifique, le
mis en place. Cette technique pourrait être supplantée en plus souvent chirurgical.
l’absence de troubles de l’hémostase par une exploration • Fibrome naso-pharyngien : le traitement repose sur
des fosses nasales sous anesthésie locale à l’aide d’un l’exérèse chirurgicale, précédée par l’embolisation des
endoscope avec coagulation élective de l’origine du pédicules artériels nourriciers par voie endovasculaire.
saignement. • Maladie de Rendu-Osler : le traitement est difficile,
En cas d’échec, en particulier dans le cadre des saigne- ce qui explique la diversité des traitements employés :
ments postérieurs, on recourt aux tamponnements posté- coagulation, tamponnement au pansement résorbable,
rieurs ou aux sondes à double ballonnet. dermoplastie, embolisations répétées, ligature des
Ce n’est qu’en cas de récidive importante de l’épistaxis, artères ethmoïdales, curithérapie (abandonnée), embo-
après ablation du tamponnement, qu’un geste complé- lisations par ponction directe… ■
mentaire est envisagé. En fonction de la déglobulisation
et d’une éventuelle origine spécifique, seront pratiqués, POUR EN SAVOIR PLUS
selon les cas et en fonction des compétences et dispo- Gicquel P, Fontanel JP. Épistaxis. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris),
nibilités techniques : Oto-rhino-laryngologie, 20-310-A-10, 1995, 8 p.
• un examen endoscopique des fosses nasales sous
anesthésie locale ou, mieux, générale, avec coagu- Points Forts à retenir
lation sélective, voire clipage de l’artère sphéno-
palatine (matériel de chirurgie naso-sinusienne endo- • Le diagnostic d’épistaxis est aisé, quoiqu’il
scopique) ; ne soit pas toujours possible d’identifier l’origine
• une embolisation des branches de la carotide externe ; et l’étiologie du saignement.
• voire une ligature des artères ethmoïdales, en cas • La tache vasculaire est le plus souvent l’origine
d’échec des mesures précédentes, ou lorsque l’origine des épistaxis. Néanmoins les causes d’épistaxis
antérieure du saignement est évidente. sont très polymorphes. C’est pourquoi il est
Les indications de l’hospitalisation sont assez larges. important de réexaminer les patients à distance
Elle est nécessaire en cas de trouble de l’hémostase de l’épistaxis quand l’absence de saignement
et donc de risque accru de récidive, chez un patient permet un examen précis des fosses nasales.
isolé, en cas de notion de récidive, si le terrain est • L’épistaxis peut le plus souvent être contrôlée
fragile et, enfin, s’il existe une déglobulisation impor- par un geste local toujours réalisé après une
tante. anesthésie locale avec rétraction de la muqueuse.
Une antibiothérapie type amoxicilline, en l’absence Selon les cas, seront réalisés une coagulation ou
d’allergie à la pénicilline, est classiquement prescrite cautérisation, un tamponnement antérieur avec
pendant la durée du méchage du fait de l’obstruction des matériaux résorbables ou non, un tampon-
des ostiums des sinus et de la trompe d’Eustache. nement postérieur ou, mieux, la mise en place
Enfin, des transfusions sont pratiquées si nécessaire, de sonde à double ballonnet.
avec les précautions habituelles (hémovigilance).

1964 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie
B 204

Infections aiguës naso-sinusiennes


et pharyngées de l’enfant
Étiologie, diagnostic, traitement
Pr Laurent GILAIN
Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital G. Montpied, 63003 Clermont-Ferrand cedex 01

Points Forts à comprendre muqueuses nasale et rhinopharyngée se trouvent donc en


première ligne. Les rhinopharyngites sont l’expression cli-
nique habituelle de ces premiers conflits avec l’environ-
• La rhinopharyngite aiguë de l’enfant nement et constituent une véritable maladie d’adaptation.
est l’expression clinique habituelle du conflit entre Chez certains enfants, le conflit prend des caractéristiques
un système immunitaire en maturation et les virus plus importantes sous forme de rhinopharyngites récidi-
et germes de l’environnement. C’est une véritable vantes, compliquées ou chroniques. Des facteurs favori-
maladie d’adaptation, qui dans sa forme simple sants doivent alors être recherchés :
ne nécessite qu’un traitement symptomatique. – une carence martiale est retrouvée dans 35 % des cas ;
• La gravité est liée aux complications. Elle entraîne une altération des fonctions du polynucléaire
La diffusion de l’infection aux muqueuses neutrophile (chimiotactisme, bactéricide) et une diminu-
et organes adjacents peut entraîner diverses tion de l’immunité cellulaire (réponse des lymphocytes T
complications. en présence d’un antigène).
• La plus fréquente est représentée par l’otite
moyenne aiguë, la plus grave est représentée
par l’ethmoïdite aiguë. L’ethmoïdite aiguë, du fait
des risques de diffusion du processus infectieux
Immunité des voies aériennes
vers l’œil, est une véritable urgence thérapeutique. chez l’enfant
• La répétition des épisodes aigus entraîne Deux éléments physiologiques concourent à la survenue des rhino-
le passage à la chronicité qui impose la recherche pharyngites de l’enfant : l’immaturité immunologique de la muqueuse
nasopharyngée et l’hypertrophie lymphoïde rhinopharyngée (hyper-
de facteurs favorisants. trophie des végétations adénoïdiennes).
Immaturité immunologique : de la naissance à 6 mois, l’enfant est
protégé par les IgG maternelles acquises par voie transplacentaire.
Cette protection est complétée par les IgA maternelles provenant de
Rhinopharyngites de l’enfant l’allaitement au sein. À partir de 6 mois, la maturation des systèmes
lymphocytaires B et T est achevée et l’enfant doit élaborer ses propres
Définition défenses immunitaires vis-à-vis des antigènes viraux et bactériens
(maladie d’adaptation). Vers 7 ans, on observe une diminution spec-
Les rhinopharyngites de l’enfant réalisent une maladie taculaire des infections ORL.
d’adaptation à un environnement donné. Elles se caracté- L’hypertrophie lymphoïde est considérée comme physiologique de
risent par une atteinte inflammatoire du nez et du rhino- 6 mois à 7 ans. Elle témoigne du travail de synthèse immunitaire. Le
rhinopharynx, siège des végétations, est le premier site d’interaction
pharynx. Elles peuvent être aiguës, récidivantes ou chro- entre les antigènes inhalés et le système immuno-compétent.
niques. Leur fréquence est particulièrement élevée entre
6 mois et 7 ans. Le terme rhinopharyngite est souvent
confondu avec les appellations « rhume », « rhinite » ou
« adénoïdite ». – l’élévation des IgE sériques totales (retrouvée dans envi-
ron 50 % des cas). Deux mécanismes sont à l’origine de
Étiologie cette élévation : d’une part, le terrain allergique imposant
À la naissance, l’enfant est protégé contre les germes de un bilan allergologique avec tests cutanés et dosages d’IgE
l’environnement par les anticorps maternels. Ces anticorps spécifiques au lait de vache, acariens et graminés et d’autre
vont progressivement disparaître alors que parallèlement part, certaines infections virales (virus respiratoire syncy-
l’enfant va développer ses propres défenses immunitaires. tial, para-influenzæ, rougeole). L’hyper IgE sérique est
Celles-ci s’élaborent au fur et à mesure des contacts avec ainsi à la fois cause et conséquence des rhinopharyngites.
les virus et les bactéries de l’environnement. La voie de Elle entraîne une dégranulation neutrocytaire avec hyper-
pénétration de ces germes est avant tout respiratoire. Les hémie, œdème, brèches muqueuses et une inhibition de la

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 457


INFECTIONS AIGUËS NASO-SINUSIENNES ET PHARYNGÉES DE L’ENFANT

sécrétion des lymphokines avec diminution de la réponse tionnelle bilatérale entrant dans le tableau de la rhinopha-
lymphocytaire ; ryngite.
– l’hypertrophie des végétations adénoïdiennes est consi- – Les formes ganglionnaires sont représentées par l’exa-
dérée comme pathologique si elle est obstructive (obs- cerbation des signes ganglionnaires cervicaux de la rhino-
truction nasale) ou si elle constitue un foyer infectieux chro- pharyngite banale. Il peut s’agir d’une adénite, d’un adéno-
nique ; phlegmon voire d’un abcès rétropharyngé par diffusion de
– modifications de l’écologie ambiante par le tabagisme l’inflammation dans l’espace cellulo-graisseux rétro-pha-
parental, altération de l’hygrométrie et de la température ryngé. L’augmentation de la fièvre et l’apparition d’un tor-
de l’air ambiant, pollution ; ticolis témoignent de l’atteinte de cet espace réalisant le
– la vie en collectivité (crèche, maternelle) favorise le syndrome de Grisel.
contact avec les virus et les bactéries portés par les autres – Les formes hyperthermiques amènent à rechercher des
enfants ; complications comme les convulsions ou la déshydratation.
– enfin, le reflux gastro-œsophagien par l’inflammation – Les formes trachéo-bronchiques avec toux productive
rhinopharyngée entretenue doit être recherché en cas de témoignent de la diffusion du processus inflammatoire à
récidive ou si une carence martiale est associée. l’arbre respiratoire inférieur. L’association des deux
atteintes respiratoires supérieures et inférieures sous sa
Diagnostic forme chronique et récidivante doit conduire à rechercher
1. Forme typique : rhinopharyngite aiguë simple une mucoviscidose, une maladie des cils immobiles (Kar-
tagener) ou un déficit immunitaire congénital.
Les signes cliniques associent une obstruction nasale bila- – Le faciès adénoïdien représente une complication évo-
térale avec respiration buccale et une fièvre à 38,5 °C. En lutive des rhinopharyngites récidivantes avec développe-
l’absence de complication, la fièvre est rarement plus éle- ment d’un visage droit, allongé et respiration buccale. À
vée. L’examen clinique permet de retrouver une rhinorrhée plus long terme, l’apparition d’une dysmorphose dento-
antérieure muqueuse ou mucopurulente bilatérale, une rhi- maxillaire est possible avec béance incisive supérieure et
norrhée postérieure inconstante avec écoulement muco- incompétence labiale.
purulent sur la paroi postérieure du pharynx, sous le voile, – L’obstruction nasale prolongée entraîne une élévation des
entre les amygdales. Le pharynx est discrètement inflam- résistances pharyngées avec développement possible d’un
matoire. Il existe des adénopathies cervicales bilatérales et véritable syndrome d’apnée-hypopnée du sommeil.
sensibles. L’otoscopie est systématique et retrouve des
tympans inflammatoires, roses sans otite. La résolution
spontanée est habituelle en 4 à 5 jours, en l’absence de com-
Bilan
plication. • Aucun bilan spécifique n’est nécessaire en cas de rhino-
pharyngite aiguë simple.
2. Formes cliniques • Dans les formes récidivantes et chroniques, le bilan com-
• Forme récidivante et chronique : l’évolution est marquée prend :
par la répétition des épisodes aigus. L’intervalle entre – une numération formule sanguine avec dosage du fer
chaque épisode est marqué soit par un retour à la normale sérique et de la ferritine plasmatique ;
avec un nez sec et perméable, soit par la persistance d’une – un dosage des IgE totales éventuellement complété par
rhinorrhée mucopurulente avec respiration buccale. On un bilan allergologique ;
considère le passage à la chronicité à partir d’une fréquence – la recherche d’une hypertrophie des végétations adé-
d’au moins 6 épisodes aigus par hiver. C’est dans ces noïdes par une fibroscopie nasopharyngée et un cliché de
formes récidivantes et chroniques que s’observent les prin- cavum de profil. La radiographie de cavum devra objecti-
cipales complications. ver la distance comprise entre l’orifice choanal (corres-
• Formes compliquées pondant à la face postérieure du sinus maxillaire) et l’hy-
– Les formes otitiques sont représentées par les otites pertrophie des végétations. La distance entre les végétations
moyennes aiguës et les otites séromuqueuses à tympan et le voile du palais est moins fiable car le voile est une
fermé. L’otite moyenne aiguë est suspecte sur l’élévation structure mobile. L’hypertrophie est considérée comme
de la fièvre (supérieure à 38,5 °C), l’otalgie et confirmée pathologique et obstructive si les végétations adénoïdes se
par l’otoscopie. L’otite séromuqueuse est suspectée sur une projettent sur la face postérieure du sinus maxillaire.
gêne auriculaire, une éventuelle baisse de l’audition et • Dans les formes compliquées, le bilan sera orienté selon
confirmée par l’otoscopie et la tympanométrie. le type de complications (recherche d’un reflux gastro-œso-
– Les formes laryngées sont représentées par les formes phagien, d’une mucoviscidose…).
sous-glottiques avec dyspnée inspiratoire caractéristique.
La laryngite sous-glottique se révèle le plus souvent la nuit Traitement
dans un contexte de rhinopharyngite fébrile (38,5 °C).
– Les formes sinusiennes sont rares. L’ethmoïdite aiguë est 1. Rhinopharyngite aiguë simple
une complication grave, atteignant le plus souvent l’enfant Le traitement essentiellement symptomatique poursuit
avant 6 ans. La sinusite maxillaire aiguë est rare ; il s’agit 3 objectifs : la lutte contre la fièvre, le drainage des sécré-
habituellement d’une sinusite maxillaire œdémateuse réac- tions nasales et la lutte contre l’obstruction nasale.

458 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48


Oto-rhino-laryngologie

• La lutte contre la fièvre fait appel aux antipyrétiques, Ethymoïdite aiguë de l’enfant
anti-inflammatoires (salicylates et paracétamol).
• Le drainage des sécrétions associe la désinfection rhyno- C’est la complication sinusienne des rhinopharyngites
pharyngée et locale et la prescription de mucorégulateurs aiguës chez l’enfant de 2 à 3 ans. On distingue 3 formes
généraux. L’irrigation répétée des fosses nasales par du évolutives : l’ethmoïdite aiguë non extériorisée, l’ethmoï-
sérum physiologique ou par des dérivés de l’eau de mer dite aiguë extériorisée et les formes compliquées.
constitue la base du traitement. Les ampoules de sérum doi-
vent être préférées aux flacons et la solution doit être uti- 1. Ethmoïdite aiguë non extériorisée
lisée tiédie (le froid augmente l’obstruction nasale). On Elle se caractérise par une rhinopharyngite aiguë avec fièvre
peut adjoindre à ce traitement des pulvérisations locales élevée (39 °C) chez un enfant asthénique. L’examen met par-
d’un antiseptique ou d’un antibiotique. fois en évidence un œdème modéré de l’angle interne de
• La lutte contre l’obstruction nasale n’est nécessaire l’œil associé à une
qu’en cas de retentissement grave (apnées du sommeil) ou rhinorrhée puru-
chez un enfant chez qui la respiration buccale n’est pas lente du même
acquise. L’utilisation des vasoconstricteurs locaux com- côté. La fibrosco-
mercialisés est contre-indiquée chez l’enfant. Le traitement pie peut retrouver
fera appel à une solution d’adrénaline diluée (1 ampoule du pus au niveau
d’adrénaline diluée dans 1 ampoule de sérum physiolo- des orifices de drai-
gique à 10 mL) prescrite à la dose de IV à V gouttes par nage des sinus eth-
jour pendant 3 à 4 jours. moïdaux (méat
• Les anti-inflammatoires et les antibiotiques par voie moyen). L’examen
générale ne sont pas utiles dans la rhinopharyngite aiguë de l’œil est à ce
simple. L’antibiothérapie à ce stade présente le risque de stade normal. Le
sélectionner un germe pathogène et n’est indiquée qu’en traitement est celui
cas de suppuration nasale ou de complication suppurée. de la rhinopharyn-
2. Rhinopharyngites récidivantes ou chroniques gite associé à une
antibiothérapie
Le traitement poursuit 2 objectifs : l’éradication des fac-
générale.
teurs favorisants ou étiologiques identifiés et la prévention
des récidives. 2. Ethmoïdite
• L’ablation des végétations adénoïdes (adénoïdectomie) aiguë
est indiquée en cas d’hypertrophie pathologique avec obs-
truction nasopharyngée. Son indication se justifie devant
extériorisée
la répétition des épisodes rhinopharyngés aigus (plus de 6 Elle associe une
par hiver) surtout s’ils se compliquent d’otites aiguës ou fièvre à 39 °C et
des signes locaux 1
d’otites séro-muqueuses. Ethmoïdite aiguë extériorisée.
• Le traitement des carences martiales fait appel au trai- évocateurs. L’œ- Œdème palpébral inflammatoire attei-
tement per os, en 3 prises quotidiennes, pour au moins 2 dème palpébral gnant les deux paupières, prédomi-
mois. Le traitement d’une éventuelle allergie fait appel aux inflammatoire et nant au niveau de la paupière supé-
antihistaminiques et aux mesures d’éviction de l’allergène douloureux atteint rieure.
incriminé (lait de vache, poils d’animaux). La prise en les paupières supé-
charge d’un reflux gastro-œsophagien et le contrôle des rieure et inférieure mais pas systématiquement de façon
autres facteurs favorisants (tabagisme parental…) est par- symétrique. Il s’y associe selon le stade de l’atteinte un
fois nécessaire. Le traitement préventif des récidives fait œdème conjonctival ou chémosis. Il existe une rhinorrhée
appel à la prescription d’immuno-stimulants ou immuno- purulente homolatérale. La conduite à tenir implique :
modulateurs (fraction ribosomale ou antigénique), à l’oli- • la recherche d’un germe par prélèvement de tous les sites
gothérapie et à la réalisation de cures thermales au moyen (fosses nasales, méat sinusien, angle interne de l’œil) afin
d’eaux sulfurées. d’adapter le plus efficacement possible le traitement anti-
biotique. Les germes retrouvés sont des Hæmophilus
influenzæ, pneumocoques et staphylocoques ;
• la recherche par un examen ophtalmologique, d’une
exophtalmie et des signes de suppuration intra-orbitaire
Adénoïdectomie (anesthésie cornéenne, mydriase, paralysie oculomotrice)
Elle consiste à l’aide d’une curette à réaliser une exérèse des végéta- signant l’existence de complications ophtalmologiques ;
tions adénoïdes du rhinophraynx. Il s’agit d’un geste rapide, peu • le scanner des sinus est systématiquement demandé en
hémorragique, ne nécessitant qu’une légère et très brève anesthésie
générale, pratiquée en ambulatoire. L’âge de l’adénoïdectomie est
présence d’un œdème conjonctival ou s’il existe des signes
fonction de son indication. Elle est rarement réalisée avant 1 an. Les de souffrance oculaire. Il permet de poser l’indication chi-
récidives d’hypertrophie adénoïdienne sont d’autant plus fréquentes rurgicale ;
que l’adénoïdectomie a été effectuée plus tôt. • la mise en route en urgence du traitement, en milieu
hospitalier.

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 459


INFECTIONS AIGUËS NASO-SINUSIENNES ET PHARYNGÉES DE L’ENFANT

Traitement de l’ethmoïdite aiguë


Le traitement est essentiellement médical et repose sur l’antibiothé-
rapie mise en route sans attendre le résultat des prélèvements bacté-
riologiques. L’antibiothérapie est administrée par voie parentérale et
associe le plus souvent une céphalosporine de 3e génération, la fos-
fomycine et soit un anti-anaérobie soit un aminoside. La durée du trai-
tement est de 10 à 15 jours. Le relais est pris par une mono-antibio-
thérapie orale adaptée aux données de l’antibiogramme. Le drainage
chirurgical réalisé soit par orbitotomie externe soit par orbitotomie
interne sous contrôle endoscopique (voie endonasale) est indiqué en
cas de collection suppurée intra-orbitaire objectivée sur le scanner.

3. Ethmoïdite aiguë compliquée


• Les complications ophtalmologiques sont les plus fré-
quentes et peuvent atteindre tous les constituants de l’œil : 2
– la cellulite orbitaire se traduit par un œdème diffus dans Ethmoïdite aiguë extériorisée. Stade de pré-abcédation avec
le tissu adipeux de l’orbite sans abcédation ; aspect de cellulite orbitaire marquée par un œdème diffus dans
– l’abcès sous-périosté se caractérise par une collection le tissu adipeux de l’orbite et un déplacement du globe vers le
purulente située entre le périoste et l’os ; l’abcès déplace bas et le dehors.
le globe vers le bas et en dehors ;
– l’abcès orbitaire est situé au niveau de la graisse orbi- par voie générale actif sur l’Hæmophilus et le pneumo-
taire. Il est responsable d’une exophtalmie sévère, immo- coque.
bilité du globe oculaire et altération de l’acuité visuelle.
• Les complications neurologiques sont essentiellement 2. Après 6 ans
représentées par la thrombophlébite du sinus caverneux, se
manifestant par des crises convulsives, un syndrome L’atteinte sinusienne est plus franche et individualisée, elle
méningé avec troubles de la conscience pouvant évoluer associe une fièvre à 38-39 °C, une obstruction nasale, une
vers un coma profond. rhinorrhée purulente et des douleurs maxillaires augmen-
tées, par l’effort, la toux et l’antéflexion de la tête. Les
Sinusite de l’enfant radiographies standard (Blondeau) ne sont pas utiles au
diagnostic, les images les plus caractéristiques sont repré-
sentées par l’opacité complète ou le niveau liquide.
Développement des sinus Sinusite maxillaire
La pathologie sinusienne de l’enfant est directement liée au dévelop- et pansinusite récidivante et chronique
pement des sinus. Le sinus ethmoïdal est présent dès la naissance ; il
est le seul véritablement individualisé jusqu’à l’âge de 6 ans. En de l’enfant
conséquence, la seule sinusite vraie que l’on peut observer avant l’âge Les signes cliniques sont non spécifiques et associent une
de 6 ans est l’ethmoïdite aiguë. Avant 6 ans, les autres tissus sont en
cours d’individualisation. Le sinus maxillaire est présent à la nais-
obstruction nasale, une rhinorrhée purulente et une toux
sance sous forme d’une invagination de la muqueuse nasale qui va productive. L’examen des fosses nasales retrouve des sécré-
progressivement se développer dans l’épaisseur du maxillaire supé- tions purulentes provenant des méats sinusiens. Le carac-
rieur. Jusqu’à 6 ans, le sinus maxillaire n’est pas strictement indivi- tère chronique est affirmé sur la durée de l’évolution de
dualisé. On parlera de rhino-sinusite maxillaire. Après 6 ans, le sinus plus de 3 mois. Un bilan endoscopique et radiologique est
maxillaire est individualisé et on peut alors observer des sinusites
maxillaires aiguës vraies. Plus tard, vers l’âge de 8 ans et jusqu’à 12 nécessaire. Le bilan endoscopique des fosses nasales
ans, les sinus sphénoïdaux et frontaux vont s’individualiser et des recherche un obstacle anatomique ou fonctionnel des méats
sinusites frontales ou sphénoïdales pourront s’observer. En fait, ces sinusiens. La découverte de polypes doit faire suspecter
atteintes s’intègrent le plus souvent dans des tableaux de pansinusites. une mucoviscidose et demander un test de la sueur. Les cli-
chés standard (Blondeau) sont peu spécifiques. Des opa-
cités incomplètes des sinus comme un épaississement
muqueux en cadre ou une opacité polypoïde du bas-fond
Sinusite maxillaire aiguë de l’enfant sinusien n’ont aucune spécificité et témoignent simplement
du retentissement sinusien d’une atteinte nasopharyngée.
Elle s’observe chez l’enfant à partir de 6 ans. Plus caractéristique est l’opacité complète d’un ou plu-
sieurs sinus pouvant signer l’évolutivité actuelle d’une sinu-
1. Avant cet âge site. Un scanner des sinus permettra de préciser l’exten-
L’atteinte sinusienne s’intègre au tableau de rhinopharyn- sion de l’atteinte sinusienne mais n’apporte que peu de
gite. Elle associe, en plus des signes habituels des rhino- contribution au diagnostic. Le traitement est long et diffi-
pharyngites, une rhinorrhée purulente et une toux grasse cile. Il est identique, en dehors des causes spécifiques, à
productive nocturne et matinale. Son traitement est celui celui des rhinopharyngites récidivantes et chroniques. Le
de la rhinopharyngite auquel on ajoute une antibiothérapie drainage chirurgical ou la réalisation de méatotomies sous

460 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48


Oto-rhino-laryngologie

contrôle endoscopique sont exceptionnellement indiqués.


Les indications sont représentées par les échecs du traite- des végétations adénoïdes, un reflux gastro-
ment médical, la survenue de complications bronchopul- œsophagien, une exposition au tabagisme passif
monaires secondaires, la fréquence et la gravité des pous- et à la vie en collectivité (crèche).
sées aiguës. Ce traitement chirurgical est toujours suivi • L’ethmoïdite aiguë est une complication grave
d’un traitement médical prolongé. ■ de la rhinopharyngite aiguë. C’est une véritable
urgence thérapeutique. Le risque majeur est
représenté par les complications ophtalmologiques
Points Forts à retenir et neurologiques.
• Un scanner sinusien est indispensable en cas
d’œdème conjonctival. Le traitement se fait
• La rhinopharyngite aiguë de l’enfant, en milieu hospitalier et repose sur une triple
de fréquence élevée entre 6 mois et 6 ans, est antibiothérapie par voie parentérale.
une maladie d’adaptation à l’environnement.
Son diagnostic repose sur l’association d’une
obstruction nasale bilatérale, d’une fièvre
à 38,5 °C et d’une rhinorrhée muqueuse
ou mucopurulente.
• Ses complications sont liées à la fièvre
(convulsions), à la surinfection bactérienne (otites,
sinusites, adénites cervicales), à la diffusion POUR EN SAVOIR PLUS
laryngée (laryngites, trachéobronchites). François M, Soussi Th. Pathologie inflammatoire et infectieuse de
l’enfant. In : Tran Ba Huy P (ed). ORL. Universités Francophones.
Son traitement est symptomatique en dehors Paris : Ellipses, 1996 ; E1 : 438-45.
des complications et repose sur les antipyrétiques Bonfils P. Conduite à tenir devant une ethmoïdite de l’enfant.
et la désinfection rhinopharyngée. Pathologie ORL et cervico-faciale. Paris : Ellipses, 1996 : 45-7.
Garabédian. Maladies inflammatoires et infectieuses. ORL de l’en-
• La rhinopharyngite chronique et récidivante fant. Paris : Flammarion Médecine-Sciences, 1996 : 89-103.
impose de rechercher un déficit en fer sérique, Romanet Ph, Morizot B. Rhinopharyngites. Encycl Med Chir
une élévation des IgE totales, une hypertrophie (Paris-France), Oto-rhino-laryngolorie, 20-510A-10, 1994 : 8 pp.

Complément du texte « Infections naso-sinusiennes aiguës de l’adulte »


de C. Parietti, R. Jankowski [Rev Prat (Paris) 1998 ; 48 : 199-204]

Sinusite de l’immunodéprimé
• Causes fréquentes d’hyperthermie isolée, les foyers infectieux chez l’immunodéprimé évoluent le plus souvent sur
un mode chronique. L’évolution chronique est émaillée d’accidents aigus à type de réchauffements et de complica-
tions (extériorisation essentiellement) qui peuvent démasquer le diagnostic.
Qu’il s’agisse d’immunodépression acquise ou congénitale, humorale ou cellulaire, les agents pathogènes en cause
sont parfois atypiques : bacilles gram-négatifs (Escherichia coli, Klebsiella, bacille pyocyanique...), mycobactéries
atypiques, mycose.
• Cas particulier : sinusite et SIDA
Les atteintes des voies aérodigestives supérieures sont fréquentes chez le sujet atteint du SIDA. Les sinusites évoluent
sur un mode chronique le plus souvent.
Quelques particularités sont à noter :
– les localisations ethmoïdales et sphénoïdales sont fréquentes d’où des risques importants de complications et la néces-
sité d’un examen scanographique pour le diagnostic ;
– les foyers sinusiens sont fréquemment associés à une atteinte pulmonaire ;
– les germes en cause sont les mêmes que ceux rencontrés chez le sujet normal. Cependant, certains agents agressifs
peuvent être retrouvés (essentiellement : Klebsiella, bacille pyocyanique) ;
– d’un point de vue évolutif et thérapeutique :
• les récidives sont fréquentes après le traitement utilisé dans les sinusites aiguës communes ;

• certains auteurs préconisent un prélèvement bactériologique systématique et un drainage chirurgical par méatotomie

moyenne comme traitement curatif, dès les premières récidives, plutôt que des antibiothérapies itératives. Le rôle de
ce traitement chirurgical dans la prévention des récidives n’est pas démontré.

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 461


Oto-rhino-laryngologie
B 203

Infections naso-sinusiennes aiguës


de l’adulte
Étiologie, diagnostic, traitement
Dr Cécile PARIETTI, Pr Roger JANKOWSKI
Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, CHU, hôpital central, université H.-Poincaré, 54000 Nancy

Points Forts à comprendre abondante, fluide puis qui s’épaissit et se colore (d’aqueuse,
elle devient muqueuse, puis mucopurulente).

• Les infections naso-sinusiennes aiguës sont 3. Signes physiques


fréquentes en pratique médicale courante. Elles La rhinoscopie retrouve une muqueuse nasale inflamma-
correspondent à un envahissement par des agents toire, rouge vif ou œdémateuse, blanchâtre, recouverte de
pathogènes (virus, germes banals), de la muqueuse sécrétions d’aspect variable en fonction de l’évolution. Le
naso-sinusienne dont la première ligne de défense reste de l’examen doit être complété par une otoscopie et
est dépassée. La muqueuse naso-sinusienne est une auscultation pulmonaire à la recherche de complica-
une muqueuse de type respiratoire, ciliée, riche tions. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire pour
en glandes séromuqueuses. Elle tapisse l’ensemble le diagnostic.
des fosses nasales et des sinus, cavités aériques
s’ouvrant sur les fosses nasales par l’ostium. Diagnostic étiologique
• Une rhinite infectieuse aiguë est le plus souvent 1. Origine virale
d’origine virale. Elle réalise le tableau clinique C’est la cause la plus fréquente. Six grandes familles de
banal de « rhume de cerveau » ou coryza. virus sont en cause, avec pour chacune d’elles de nombreux
Une sinusite aiguë est une complication fréquente types antigéniques différents, ce qui rend le dépistage coû-
des rhinites, généralement due à une surinfection teux et difficile : rhinovirus (30-50 % des cas) ; coronavi-
bactérienne. La symptomatologie varie en fonction rus (10-20 % des cas) ; autres : entérovirus (coxsachie,
de la localisation sinusienne. échovirus), adénovirus, virus respiratoire syncytial, myxo-
• Les complications des sinusites sont rares virus influenzæ (virus de la grippe) et para-influenzæ.
mais graves, en particulier sur un terrain débilité La transmission est interhumaine directe (voie aérienne ou
(surtout chez l’immunodéprimé). contact comme main à main). Il existe certains facteurs
favorisants comme la carence en vitamine C, la pollution
atmosphérique ou les variations climatiques (fragilisent la
muqueuse).
Rhinites aiguës de l’adulte
2. Origine bactérienne
La rhinite infectieuse aiguë est l’agression par un agent Les germes les plus fréquemment retrouvés sont les mêmes
pathogène de la muqueuse des fosses nasales. Générale- que dans les sinusites aiguës : Hæmophilus influenzæ, pneu-
ment d’origine virale, évoluant dans un contexte épidé- mocoque, streptocoque, staphylocoque. Il s’agit d’une sur-
mique, c’est l’affection rhinologique la plus fréquente. infection de la rhinite virale, après 3-4 jours d’évolution.
Diagnostic positif Diagnostic différentiel
1. Signes généraux Le diagnostic différentiel principal est un dysfonctionne-
Dans un contexte épidémique, après quelques jours d’in- ment nasal chronique méconnu. L’organe nasal a en effet
cubation (2 à 6), apparaît un syndrome pseudogrippal avec pour fonction de conditionner l’air inspiré (régulation de la
asthénie, céphalées, myalgies. Ces signes généraux précè- température, de l’hygrométrie, du débit aérien) et de proté-
dent la symptomatologie rhinologique. ger les voies respiratoires inférieures contre les agressions
aéro-véhiculées (voir : pour approfondir / 1). Une pertur-
2. Signes fonctionnels bation de ces fonctions essentielles entraîne une sympto-
Le patient se plaint tout d’abord de brûlures endonasales matologie chronique, souvent peu gênante pour le malade,
avec sensation de picotements pharyngés, toux. Puis appa- qui associe, en ordre variable, obstruction nasale intermit-
raissent, en 48 heures : obstruction nasale bilatérale ; éter- tente, rhinorrhée claire paroxystique, éternuements en salves,
nuements en salves ; rhinorrhée bilatérale d’abord claire, prurit nasal et parfois céphalées. Sur ce fond chronique bien

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 199


INFECTIONS NASO-SINUSIENNES AIGUËS DE L’ADULLE

toléré viennent se greffer des poussées aiguës qui peuvent systémiques plus nombreux avec ces derniers. Les anti-
être faussement attribuées à des épisodes de rhinites infec- biotiques sont à réserver aux surinfections bactériennes
tieuses aiguës. C’est le caractère apyrétique des poussées traînantes (au-delà de 15 jours) ou aux complications.
évolutives et la fréquence des récidives qui doivent faire évo-
quer un dysfonctionnement nasal chronique. Les épisodes Sinusites aiguës de l’adulte
de surinfection aiguë vraie, virale ou bactérienne, viennent Diagnostic positif
parfois compliquer l’évolution et c’est alors uniquement le
de la sinusite maxillaire aiguë
caractère récidivant de l’infection qui doit faire évoquer le
dysfonctionnement nasal chronique. 1. Signes fonctionnels
Ce syndrome peut être rapporté à : une rhinite allergique Au cours de l’évolution d’une rhinite infectieuse aiguë, au
(perannuelle ou saisonnière) ; l’interrogatoire recherche un lieu d’une disparition de la symptomatologie évoquant la
terrain atopique familial ou personnel, des antécédents guérison, apparaissent :
allergiques connus, des intolérances médicamenteuses • une douleur : sous-orbitaire, à irradiation orbitaire ou den-
(aspirine)… ; une récidive de la symptomatologie ou sa taire ; le plus souvent unilatérale ; de type pulsatile ; favori-
chronicisation nécessite la réalisation d’un bilan allergo- sée par l’effort, la déclivité de la tête ; améliorée par un mou-
logique ; une rhinite non allergique à éosinophiles. Le bilan chage productif ; d’évolution variable : généralement
allergologique est négatif. Le diagnostic est posé devant continue, elle peut évoluer par paroxysme (survenant à heures
une hyperéosinophilie sur la cytologie des sécrétions fixes pour un même patient) ou par cycle (exacerbation pro-
nasales, réalisée en dehors de tout épisode infectieux ; une gressive de la douleur au cours de la nuit, diminution pen-
rhinite vasomotrice. Il s’agit d’un dysfonctionnement nasal dant la matinée après le lever, recrudescence en soirée) ;
chronique dont les mécanismes pathologiques sont encore • un mouchage : initialement mucopurulent, bilatéral, il a
mal connus. C’est un diagnostic d’élimination (bilan aller- tendance à devenir unilatéral avec un caractère purulent
gologique négatif, pas d’hyperéosinophilie). franc (jaune, vert), éventuellement sanglant, homolatéral à
Évolution la sinusalgie ;
• une obstruction nasale : fréquente, elle persiste à un degré
Une évolution favorable est de règle en 8-10 jours, souvent variable après la rhinite aiguë mais devient unilatérale,
spontanément. Il n’est pas rare de voir survenir une petite homolatérale à la douleur et au mouchage.
touche laryngée, trachéale ou bronchique qui témoigne de
la tendance des infections virales à diffuser à l’ensemble 2. Signes généraux
de la muqueuse respiratoire. La surinfection bactérienne On note une réapparition du syndrome infectieux ayant
est possible mais non obligatoire car l’agression virale accompagné la rhinite aiguë, avec une hyperthermie à 38-
« prépare le terrain » de l’attaque bactérienne. Une moyenne 38,5 °C. L'état général reste conservé.
de 2 à 4 épisodes par an est banale chez un adulte en rai- 3. Signes physiques
son du grand nombre de types antigéniques viraux en cause. • L’inspection de la face est normale.
Complications • La palpation peut retrouver une douleur exquise à la pres-
La surinfection bactérienne peut être à l’origine d’infec- sion de la zone d’émergence du nerf sous-orbitaire, du côté
tions de voisinage : otite moyenne aiguë, sinusite aiguë, de la symptomatologie rhinologique.
laryngite ou infection bronchopulmonaire aiguë, voire • La rhinoscopie antérieure et postérieure permet d’étudier
aggravation d’un asthme préexistant. la muqueuse pituitaire et ses caractéristiques. Elle retrouve
Une récidive trop fréquente ou une chronicisation des une muqueuse inflammatoire, congestive, couverte de sécré-
troubles doit faire pratiquer un bilan à la recherche d’une tions sales. Elle est cependant actuellement supplantée par
pathologie sous-jacente ou plus exceptionnellement d’un l’endoscopie des fosses nasales à l’optique rigide (0°-25°).
terrain pathologique (déficit immunitaire, diabète…). L’endoscopie est à réaliser après mouchage et anesthésie
locale. Les anesthésiques locaux sont associés à des vaso-
Traitement constricteurs (Xylocaïne, naphazoline) qui entraînent une
Il est purement symptomatique et doit être adapté à l’im- rétraction de la muqueuse et facilitent l’examen.
portance de la gêne fonctionnelle. L’aspirine ou le paracé- Non nécessaire en cas de rhinite simple, elle apporte de
tamol peuvent être utilisés pour lutter contre la fièvre et le précieux renseignements au diagnostic de sinusite. Elle
syndrome pseudogrippal. La vitamine C peut être prescrite apprécie l’état de la muqueuse nasale : œdème, degré de
pour des vertus anti-asthéniques et anti-infectieuses. congestion, présence de sécrétions, capacité de rétraction
En cas d’obstruction nasale, les vasoconstricteurs locaux sous l’effet des vasoconstricteurs ; l’architecture locale :
permettent un soulagement rapide, mais leur durée d’uti- anomalies anatomiques favorisant l’atteinte sinusienne
lisation doit être limitée à 8 jours au maximum. La poso- après rhinite aiguë risquant d’être à l’origine de sinusites
logie doit également être respectée et l’augmentation rapide aiguës récidivantes, voire de sinusites chroniques par obs-
des prises quotidiennes par un patient doit faire craindre tacle à la ventilation et au drainage sinusien (concha bul-
l’installation d’une pharmacodépendance et faire inter- losa, cornet moyen inversé, déviation septale) ; visualisa-
rompre le traitement (ne pas renouveler la prescription dans tion du méat moyen, congestif, inflammatoire. La présence
ce cas). Les vasoconstricteurs locaux sont préférables aux de pus à ce niveau signe le diagnostic.
vasoconstricteurs généraux, en raison des effets secondaires • Le reste de l’examen clinique doit être complété par un

200 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48


Oto-rhino-laryngologie

examen oropharyngé (rougeur diffuse, surtout rhinorrhée paroxysmes peuvent s’associer à des vertiges, une tension
postérieure : traînée purulente de la paroi postérieure du des globes oculaires et avoir un retentissement psychique
pharynx ; par un examen dentaire, indispensable au dia- important. Les douleurs peuvent cependant mimer des dou-
gnostic étiologique ; par un examen des tympans, à la leurs de type névralgique : névralgie atypique du trijumeau,
recherche d’une otite séromuqueuse en particulier ; par un de territoire V1 et V2, ou de type algie vasculaire de la face ;
examen pulmonaire à la recherche d’un encombrement • des troubles ophtalmologiques sont fréquemment asso-
bronchique avec toux productive. L’association de l’atteinte ciés. Il peut s’agir d’une baisse de l’acuité visuelle, d’ano-
sinusienne à des anomalies tympaniques et bronchiques malie du champ visuel (scotome paracentral, puis central)
doit faire évoquer une atteinte de l’ensemble de la ou du fond d’œil (œdème papillaire avec possibilité d’abou-
muqueuse respiratoire (naso-sinuso-tympano-bronchique) tir à une atrophie du nerf optique), d’une paralysie des nerfs
et modifie le pronostic évolutif de l’épisode aigu ; par un oculomoteurs ;
examen ophtalmologique à la recherche de complications ; • la symptomatologie rhinologique est pour sa part totale-
par un examen neurologique, au moindre doute quant à une ment aspécifique et inconstante. L’endoscopie retrouve des
possible complication cérébroméningée. sécrétions purulentes postérieures (arc choanal, queue du
cornet inférieur) sur une muqueuse inflammatoire.
4. Examens complémentaires Le bilan radiologique est indispensable au diagnostic. Des
Aucun examen complémentaire n’est nécessaire devant ce radiographies standard en incidence de Hirtz (occiput-
tableau typique dont le diagnostic est avant tout clinique. plaque) ou crâne de profil montrent une opacité du sinus
Une thérapeutique peut être d’emblée mise en route. Cer- sphénoïdal. Le scanner permet, au mieux, de poser le dia-
tains auteurs préconisent un bilan radiologique, qui permet, gnostic positif et d’apprécier le retentissement de la col-
en plus d’apporter une preuve radiologique au diagnostic, lection intrasinusienne sur les structures de voisinage
de faire un bilan des lésions (atteinte des autres cavités sinu- (orbite, vaisseaux).
siennes, anomalie architecturale) et de servir de référence
pour les contrôles ultérieurs. Les clichés radiographiques 3. Sinusite ethmoïdale
standard comportent 4 incidences : nez-menton-plaque (inci- Une sinusite ethmoïdale aiguë isolée est rare chez l’adulte,
dence de Blondeau), nez-front-plaque (incidence face haute), contrairement à l’enfant chez qui le classique tableau d’eth-
occiput-plaque (incidence de Hirtz) et profil. Le sinus maxil- moïdite aiguë est de loin le plus fréquent. Une participa-
laire s’étudie sur le Blondeau et le profil, les autres clichés tion ethmoïdale est cependant constante dans les infections
servant dans le cas décrit à étudier l’état éventuel des autres aiguës des grands sinus, puisque leurs voies de drainage
sinus. On recherche une opacité complète d’un sinus maxil- traversent le labyrinthe ethmoïdal. L’ethmoïde antérieur est
laire, franche, homogène, homolatérale à la douleur ou par- touché dans les sinusites aiguës maxillaires et frontales,
fois une opacité partielle avec niveau liquidien ; une partici- l’ethmoïde postérieur dans les sphénoïdites. L’atteinte eth-
pation éventuelle des autres cavités sinusiennes ; des moïdale est souvent asymptomatique d’un point de vue cli-
anomalies anatomiques coexistantes. nique, alors qu’elle est la cause principale de l’obstruction
ostiale d’un grand sinus. L’atteinte ethmoïdale peut cepen-
Formes cliniques dant être cliniquement perceptible et devra être évoquée
devant des céphalées fronto-orbitaires pulsatiles ; une pho-
1. Sinusite frontale aiguë tophobie ; une douleur à la pression de l’unguis ; une dou-
Au décours d’une rhinite aiguë banale, apparaît une dou- leur à la mobilité des globes oculaires.
leur sus-orbitaire, pulsatile, ou à type de pesanteur, per- Ces signes sont caractéristiques mais non isolés, noyés dans
manente ou qui évolue selon un cycle caractéristique avec le reste de la symptomatologie.
deux acmés, l’un en fin de matinée, l’autre en fin d’après-
midi ; l’intensité de la douleur peut devenir intolérable et 4. Pansinusite
nécessiter un drainage en urgence (clou de Lemoine). La Le plus souvent, plusieurs cavités sinusiennes sont concer-
douleur peut aussi avoir un siège plus atypique, dans l’angle nées, réalisant un tableau de pansinusite aiguë (ethmoïdo-
interne de l’œil avec irradiation dans les tempes. Les autres fronto-maxillaire). Les manifestations cliniques corres-
signes sont identiques à ceux de la sinusite maxillaire. pondent à un amalgame des différents tableaux
précédemment décrits.
2. Sinusite sphénoïdale
Diagnostic étiologique
Rarement isolée, elle est de diagnostic clinique difficile car
Les origines les plus fréquentes des sinusites aiguës résul-
la symptomatologie est fréquemment atypique. Dans la
tent de la dépendance des cavités sinusiennes par rapport
forme classique, on décrit :
aux fosses nasales et du contact étroit de ces cavités avec
• des céphalées : les céphalées sphénoïdales sont des dou-
le complexe alvéolo-dentaire prémolo-molaire.
leurs profondes rétro-orbitaires. Elles peuvent aussi être
localisées à l’occiput, au vertex ou à la région temporo- 1. Sinusite rhinogène
pariétale. Des irradiations sont possibles vers la nuque, le On distingue en fonction de l’évolution :
cou, le bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien. • Sinusite accident
Il peut s’agir d’une simple pesanteur ou de violentes dou- Elle fait suite à une rhinite ou rhinopharyngite aiguë infec-
leurs pulsatiles. Elles sont permanentes, avec exacerbation tieuse. Les germes les plus fréquemment retrouvés sont :
le matin au réveil, ou à heure fixe pour chaque malade. Les Hæmophilus influenzae, pneumocoque et autres strepto-

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 201


INFECTIONS NASO-SINUSIENNES AIGUËS DE L’ADULLE

coques pyogènes, staphylocoques, Moraxella catarrhalis. objective une dent mobile, douloureuse, dont la percussion
Dans la plupart des cas, grâce à un traitement adapté, la gué- est vivement ressentie, et entourée par un érythème gingi-
rison est obtenu en 8-10 jours. Elle est définie par la dispa- val. On note, sur les clichés radiographiques, un élargisse-
rition de toute la symptomatologie clinique qui traduit un ment desmodontal au niveau de la dent en cause. Cet épi-
retour à l’état antérieur de l’intégrité de la muqueuse et des sode peut évoluer vers une autonomisation du foyer
fonctions d’aération et du drainage des cavités sinusiennes. sinusien, en cas d’absence de traitement ou de traitement
Un contrôle radiologique n’est souhaitable que devant la per- dentaire insuffisant. Un foyer infectieux dentaire est à évo-
sistance de signes fonctionnels. Il existe cependant un déca- quer systématiquement en cas de sinusite maxillaire réci-
lage entre la disparition des signes cliniques et la normali- divante ou chronique.
sation radiologique qui survient après 30 jours (restauration
d’une cavité sinusienne aérique, aux parois fines). 3. Sinusite aiguë sur hémosinus
• Sinusite aiguë récidivante Les risques de surinfection d’un hémosinus sont grands, le
Les épisodes sinusiens aigus se répètent, séparés par une sang constituant un excellent milieu de culture, d’autant
normalisation de l’aspect endoscopique, radiologique et plus qu’une dysperméabilité ostiale par œdème ou lésions
une disparition complète de toute symptomatologie. Un muqueuses, empêchant le drainage et l’aération de la cavité
bilan à la recherche de facteurs généraux ou locaux favo- sinusienne, se surajoute souvent. Un hémosinus peut être
risants est indispensable : consécutif à une épistaxis sévère, maîtrisée par un tam-
– facteurs exogènes les plus fréquents : pollution (milieu ponnement antéro-postérieur prolongé (plus de 48 heures) ;
citadin, milieu professionnel), tabac ; un traumatisme mécanique direct avec risque de sinusite
extériorisée d’emblée en cas de solution de continuité de
– facteurs endogènes : allergie, déficit immunitaire, dia-
la paroi des sinus. Le risque de surinfection est majoré par
bète, anomalies anatomiques (concha bullosa, déviation
un éventuel corps étranger intrasinusien (éclat de verre,
septale…).
lambeau de muqueuse incarcéré), par l’iatrogénicité d’une
Les facteurs favorisants sont souvent multiples, intriqués. réanimation lourde, par l’existence de tares préexistantes
La prise en charge thérapeutique du terrain est indispen- (diabète, immunodépression…) ou coexistantes (polytrau-
sable, au même titre que le traitement de l’épisode aigu. matisé…) ; un barotraumatisme (survenu au cours d’un vol
• Sinusite chronique en attitude ou lors de plongée sous-marine). Les barotrau-
Elle ne sera pas développée ici. Il faut cependant savoir matismes sont favorisés par une obstruction de l’ostium
qu’elle est caractérisée par un syndrome sinusien a minima, sinusien (anomalie architecturale, rhinite simple) qui
continu, émaillé de poussées aiguës de réchauffement, ren- empêche une équilibration de la pression entre les fosses
dant le diagnostic différentiel difficile entre des sinusites nasales et les cavités sinusiennes. Le contexte est évoca-
aiguës récidivantes et une forme chronique. Il n’existe pas teur : la clinique est caractérisée par une douleur brutale,
de rémission franche clinique, endoscopique ou radiolo- violente en regard du sinus atteint (frontal) avec épistaxis
gique entre les épisodes aigus. (par suffusion ou décollement de la muqueuse). Le bilan
2. Sinusite dentaire radiologique montre un épaississement des parois par
œdème muqueux et un hémosinus avec niveau liquidien.
Les sinusites dentaires sont le plus souvent chroniques.
Cependant, il existe des formes aiguës de sinusites maxil- Quelle que soit l’origine de l’hémosinus, il semble préfé-
laires d’origine dentaire secondaires à une desmodontite rable d’instaurer une antibiothérapie de couverture jusqu’à
ou une pulpite aiguës. Les dents en cause sont les molaires la vidange de l’hémosinus et d’écourter le méchage nasal
et prémolaires, avec atteinte par continuité ou contiguïté afin de restaurer la perméabilité naso-sinusienne.
du sinus maxillaire. Le processus infectieux peut ensuite 4. Sinusite nosocomiale (sinusite de réanimation)
diffuser vers les sinus ethmoïdaux et frontaux.
Les signes cliniques passent souvent au second plan par Les facteurs en cause sont multiples :
rapport au tableau de pulpite aiguë qui motive une consul- • iatrogénicité : corps étrangers endonasaux (sonde d’in-
tation odontologique. Cependant cette étiologie impose un tubation nasotrachéale, sonde nasogastrique), médicaments
bilan dentaire clinique devant toute sinusite maxillaire immunosuppresseurs (corticothérapie) ;
aiguë, à la recherche des signes de pulpite ou de desmo- • terrain débilité (défaillance multiviscérale, transplantés)
dontite aiguë. Une pulpite aiguë est à évoquer devant l’exis- auquel s’ajoutent des tares préexistantes (diabète) ;
tence de douleurs dentaires violentes, intenses, provoquées • agressivité des germes rencontrés : atteinte multimicro-
par le contact mécanique, le contact avec les aliments sucrés bienne dans 70 % des cas avec prédominance du bacille
ou acides, avec le chaud ou le froid. Ces douleurs sont spon- pyocyanique résistant (hospitalisme microbien).
tanées, lancinantes et localisées au début, puis pulsatiles,
insomniantes (exacerbées par le décubitus) et irradient à 5. Sinusite sur tumeur intrasinusienne
l’ensemble de la zone trigéminale homolatérale. L’examen (maligne, bénigne)
dentaire retrouve, au niveau de la dent en cause, une cavité Après l’épisode aigu de surinfection, une absence de rémis-
profonde dont le fond est tapissé par la dentine ramollie, sion au contrôle radiologique à un mois, parfois associée
recouvrant la pulpe sous-jacente. Une desmodontite aiguë à une persistance a minima de la symptomatologie clinique,
fait généralement suite à l’atteinte pulpaire. L’interroga- motive un bilan plus approfondi qui permettra de poser le
toire retrouve une douleur de type pulpaire et l’examen diagnostic étiologique.

202 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48


Oto-rhino-laryngologie

Diagnostic différentiel les complications méningo-encéphaliques otogènes, elles


Contrairement aux formes chroniques, le diagnostic diffé- sont le plus souvent liées à un foyer maxillaire ou frontal.
rentiel des sinusites aiguës est facile après un examen cli- On trouve :
nique et endoscopique, aidé si besoin de clichés radiogra- – méningite ; germe le plus souvent en cause : le pneumo-
phiques. coque ; localisation préférentielle : sinusite frontale ;
Les signes infectieux locaux associés aux signes généraux – autres atteintes méningées : empyème sous-dural (entre
et aux signes radiologiques de rétention sinusienne per- dure-mère et arachnoïde) ; abcès extradural (complication
mettent d’éliminer les douleurs d’origine oculaires : glau- directe de l’ostéite de la voûte du crâne) ;
come… ; les douleurs de type névralgie (névralgie du tri- – thrombophlébite ; germe le plus souvent en cause : le sta-
jumeau) ainsi que des algies vasculaires de la face ou des phylocoque. Elle est localisée au sinus caverneux (en cas
migraines ; les douleurs d’origine ostéo-articulaire : dys- d’atteinte maxillaire), au sinus longitudinal supérieur (en
fonctionnement de l’articulation temporo-mandibulaire, cas d’atteinte ethmoïdo-frontale) ou aux veines cérébrales ;
algies cervicales postérieures… – abcès cérébral ; germe le plus souvent en cause : le strep-
tocoque. C’est la complication la plus grave, généralement
Complications liée à une localisation infectieuse dans le sinus frontal avec
Elles sont devenues rares depuis la prise en charge précoce atteinte des lobes frontaux.
et adaptée des sinusites aiguës (antibiothérapie). Elles sont
plus fréquentes lors de sinusites chroniques en cours de Traitement
réchauffement dont elles peuvent être le mode de révéla-
tion. 1. Traitement médical
Les mécanismes en cause sont multiples et controversés. À utiliser en premier recours, le traitement médical asso-
On évoque une propagation par continuité (avec thrombo- cie un traitement médicamenteux par voie générale et un
phlébite des réseaux veineux), par contiguïté (atteinte de traitement local. Ce traitement local, trop souvent oublié
proche en proche). Les autres mécanismes sont les propa- ou négligé, doit être énergique et peut suffire dans la majo-
gations lymphatiques et surtout hématogènes. Les cavités rité des cas peu fébriles et peu douloureux.
sinusiennes les plus concernées sont les sinus frontaux. • L’antibiothérapie doit répondre aux impératifs suivants :
1. Complications locorégionales durée de 10 jours ; bonne diffusion dans la sphère ORL ;
• Sinusites bloquées : elles sont le plus souvent frontales en l’absence d’allergie et de contre-indication ; per os, en
ou maxillaires et caractérisées par un syndrome hyperal- dehors des complications ; de type probabiliste : active sur
gique majeure, contrastant avec une disparition du mou- les germes présumés, en tenant compte des résistances
chage et résistant à un traitement médical bien conduit. Les croissantes du pneumocoque aux β-lactamines et de la fré-
clichés radiographiques montrent une opacité complète de quence accrue de sécrétions de β-lactamases par l’Haemo-
la cavité sinusienne concernée. Ce tableau impose la réa- philus influenzae.
lisation d’une ponction évacuatrice avec mise en place d’un On utilise au choix : association amoxicilline-acide clavu-
drain pour la réalisation de lavages sinusiens. Elle amène lanique (Ciblor) en 3 prises par jour ; céphalosporines de
rapidement à la sédation de la douleur. 1re (céfatrizine, Céfaperos) ou 2e génération (céfuroxime,
• Extériorisation : ostéite du maxillaire supérieur. Cépazine), la 3e génération étant à réserver aux sinusites
L’extériorisation d’une sinusite maxillaire aiguë est excep- récidivantes ou chroniques (cefpodoxime, Orelox) ; en cas
tionnelle (immunodéprimé essentiellement). Au niveau de d’allergie aux β-lactamines : synergistine, Pyostacine ou
l’ethmoïde, elle peut survenir chez l’enfant, dont c’est la macrolides de nouvelle génération : clarithromycine, Zeclar
complication classique. (les macrolides classiques présentant une efficacité incons-
Le cas le plus fréquent est l’extériorisation d’une sinusite tante sur Haemophilus influenzae.
frontale chez l’adulte jeune. Le contexte clinique est celui • Les anti-inflammatoires ne sont pas prescrits systémati-
d’une sinusite frontale aiguë dont les signes fonctionnels quement dans les sinusites aiguës banales. Ils doivent être
et généraux sont majorés. L’examen retrouve, en plus des réservés aux formes sévères. Les anti-inflammatoires stéroï-
signes habituels, un œdème cutané frontal et canthal diens en particulier, une corticothérapie courte (5 jours), en
interne. S’y ajoutent rapidement des signes d’inflamma- une prise per os, le matin à jeun, en absence de contre-indi-
tion locale. L’évolution, favorable avec une prise en charge cation, à la dose de 1 mg/kg/j (prednisolone, Solupred) per-
thérapeutique adaptée peut néanmoins se faire vers une met une réduction rapide et importante de l’inflammation et
extension du processus infectieux à l’orbite et son contenu, de l’œdème muqueux empêchant le drainage sinusien.
aux parties molles de la face (cellulite) voire même vers Les anti-inflammatoires non stéroïdiens peuvent être pres-
des complications à distance. crits en particulier quand la corticothérapie est contre-indi-
• Complications ophtalmologiques (voir : pour approfon- quée.
dir / 2). • Les antalgiques antipyrétiques restent souvent utiles
(paracétamol).
2. Complications générales à distance • Le traitement local accélère l’efficacité du traitement
• Septicémie avec risque de métastases septiques à distance, antibiotique et apporte confort au patient : mouchage régu-
choc septique, décompensations de tares préexistantes. lier ; lavages de nez (sérum physiologique, Prorhinel).
• Atteintes méningo-encéphaliques : moins fréquentes que Les vasoconstricteurs locaux permettent la rétraction de la

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 203


INFECTIONS NASO-SINUSIENNES AIGUËS DE L’ADULLE

muqueuse nasale et parfois de reperméabiliser l’ostium,


favorisant ainsi le drainage et l’aération sinusienne. Les POUR APPROFONDIR
vasoconstricteurs sont utilisés sur des fosses nasales
propres, pour une durée maximale de 10 jours (risque de 1 / Lignes de défenses de la muqueuse
rhinite iatrogénique en cas d’utilisation prolongée) : vaso- naso-sinusienne
constricteurs seuls (Aturgyl) ; associés à des anti-inflam-
matoires (Deturglycone). • Première ligne de défense : la barrière mucociliaire.
La première ligne de défense associe une barrière dynamique et une bar-
Les inhalations mentholées chaudes (après les vasocons- rière statique.
tricteurs, Balsofumine mentholée) stimulent la production – La barrière dynamique correspond au système mucociliaire. Le mucus
empêche la pénétration des particules de grande taille dans la muqueuse.
et le drainage des sécrétions. Le tapis ciliaire assure le drainage des cavités sinusiennes vers les fosses
nasales, puis des fosses nasales vers le rhinopharynx. Les particules ainsi
2. Ponction de sinus transportées sont alors dégluties avec la salive ou rejetées à l’extérieur
par le mouchage.
Elle est réservée aux sinusites bloquées, résistantes à un – La barrière statique est une barrière épithéliale. L’épithélium est de type
traitement médical bien conduit, aux sinusites compliquées respiratoire, prismatique, cilié, riche en glandes séromuqueuses. Il peut
ou survenant sur terrain particulier (immunodéprimé, être altéré par certains micro-organismes qui accèdent ainsi aux deuxième
et troisième lignes de défense.
patient de réanimation). Elle permet un prélèvement bac- • Deuxième ligne de défense : système de défense non spécifique.
tériologique et donc une adaptation de l’antibiothérapie Ce système est responsable d’une inflammation non spécifique de la
après antibiogramme. muqueuse, en réponse à une agression quelle qu’elle soit. Il met en jeu
des éléments cellulaires comme les macrophages, les polynucléaires…
La ponction du sinus maxillaire est réalisée en consulta- • Troisième ligne de défense : système immunitaire annexé à la
tion, après rétraction muqueuse et anesthésie locale ; le muqueuse nasale.
Il assure une défense immunitaire locale grâce à de nombreuses cellules
point de ponction est situé sous le cornet inférieur. Après immunocompétentes, en particulier les lymphocytes T et les lymphocytes
aspiration du pus qui est conservé pour antibiogramme, et B sécrétant des anticorps (IgA sécrétoires présentes dans le mucus essen-
lavages de la cavité, un drain d’Albertini peut être laissé tiellement). C’est ce niveau de défense qui permet une acquisition de l’im-
munité chez l’enfant, par synthèse d’anticorps en réponse à la stimula-
en place pendant quelques jours, permettant le renouvel- tion antigénique répétée. Cette mise en place des mécanismes de défense
lement des lavages sinusiens. locorégionale s’accompagne souvent d’une hypertrophie du tissu lym-
La ponction du sinus frontal est réalisée par clou de phoïde immunocompétent (amygdales palatines, végétations adénoïdes).
Lemoine.
La ponction sphénoïdale est réalisée sous contrôle endo- 2 / Complications ophtalmologiques
scopique. ■ des sinusites aiguës
Un examen tomodensitométrique est indispensable au bilan des lésions.
Suivant un degré croissant de gravité, on retrouve :
• fluxion palpébrale et (ou) orbitaire (en fonction de la topographie de
l’extériorisation : ethmoïde antérieur et (ou) postérieur) : il existe un
Points Forts à retenir œdème palpébral (quand l’atteinte est antérieure), une exophtalmie (quand
l’atteinte est postérieure), un chémosis. À ce stade, acuité visuelle et fond
d’œil sont normaux. On ne note pas de mydriase, d’anesthésie cornéenne
ou d’immobilité du globe oculaire. Le scanner permet d’éliminer un abcès
• Une rhinite infectieuse aiguë est généralement ou un phelgmon débutant ;
d’origine virale. Une sinusite infectieuse aiguë • abcès sous-périosté : les signes généraux et les signes précédents sont
majorés. Apparaît de plus une diminution de la mobilité oculaire. Le scan-
correspond le plus souvent à la surinfection ner est à réaliser en urgence et permet de confirmer l’abcès sous-périosté.
bactérienne d’une rhinite. L’origine rhinogène Celui-ci se traduit directement par un élargissement hyperdense de l’es-
pace extraconal interne (aspect de lentille biconvexe). Il met aussi en évi-
d’une sinusite aiguë est de loin la plus fréquente ; dence un refoulement latéral du muscle droit interne qui présente un épais-
il ne faut cependant pas omettre les autres causes, sissement inflammatoire, se rehaussant lors de l’injection du produit de
en particulier l’origine dentaire. contraste. Cet aspect scanographique impose un drainage en urgence ;
• phlegmon orbitaire : cette forme évoluée associe aux signes précédem-
• Le tableau clinique d’une sinusite aiguë ment décrits, une ophtalmologie, une anesthésie cornéenne et une
est polymorphe, associant à des degrés variables mydriase paralytique. L’existence de l’un de ces signes cardinaux impose
une symptomatologie rhinologique et des douleurs un drainage chirurgical en urgence. Le scanner objective, en plus de
l’exophtalmie, une infiltration hyperdense, hétérogène de la graisse intra-
dont la topographie dépend du sinus atteint. conale, se rehaussant à l’injection du produit de contraste. Il permet de
L’examen clinique doit s’efforcer de rechercher rechercher une thrombose des veines ophtalmiques et peut retrouver des
images aériques traduisant l’évolution anaérobique du processus infec-
la présence de pus au méat moyen, ce qui signe tieux orbitaire. Le phlegmon peut évoluer vers la fonte purulente de l’œil ;
le diagnostic, ainsi que la survenue • autres : uvéite (antérieure et postérieure), kératite, névrite optique. De
de complications, en particulier ophtalmologiques mécanisme mal connu (perturbation immunitaire, allergie microbienne ?),
elles sont rares ici et surviennent généralement au cours des sinusites
et méningo-encéphaliques. chroniques.
• Le traitement d’une sinusite aiguë est avant
tout médical, associant un traitement général
par antibiotiques, antalgiques, anti-inflammatoires
(non systématiques) et un traitement local POUR EN SAVOIR PLUS
comprenant une désinfection rhinopharyngée Jankowski R, Wayoff M. Physiopathologie des sinus. Éditions tech-
et l’instillation de vasoconstricteurs. niques. Encycl Med Chir (Paris, France), Oto-rhino-laryngologie,
20416 A10, 1992 : 6.
Ce dernier suffit le plus souvent dans le cas d’une Rouvier P, Garcia Cl. Sinusite maxillaire. Encycl Med Chir (Paris,
rhinite aiguë simple. France), Oto-rhino-laryngologie, 20430 A10, 1983 : 11.

204 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48


Oto-rhino-laryngologie
B 205

Otites aiguës
Étiologie, diagnostic, traitement
PR Christian DUBREUIL
Centre Hospitalier Lyon Sud, 69495 Pierre-Bénite Cedex.

Points Forts à comprendre Étiologie


• L’otite moyenne aiguë concerne surtout les enfants
• L’otite moyenne aiguë est l’infection entre 3 mois et 3 ans. Elle est observée dans 90 % des
bactérienne la plus fréquente chez l’enfant cas chez des enfants de moins de 5 ans. Deux tiers des
de moins de 3 ans. Les infections virales enfants âgés de moins de 3 ans ont déjà présenté un épi-
rhinopharyngées jouent un rôle prédominant sode d’otite moyenne aiguë.
en favorisant l'inflammation de l'épithélium
• L’otite moyenne aiguë est une colonisation des cavités
de l’oreille moyenne, puis l’adhésion,
de l’oreille moyenne (dont la muqueuse a été préalable-
la colonisation et la multiplication bactérienne
ment altérée par une infection virale), par des germes du
à ce niveau.
rhino-pharynx, via la trompe d’Eustache. (Les germes
• Le diagnostic impose un apprentissage
de l’otoscopie, favorisé ces dernières années pathogènes sont identiques dans le rhino-pharynx et
par la publication dans différents supports l’oreille moyenne).
médiatiques (journaux, cédéroms) L’oreille moyenne sécrète des immunoglobulines (Ig)
de documents photographiques d’excellente G, M et particulièrement A, et tout déficit transitoire,
qualité et surtout par l'utilisation de matériels ou toute immaturité portant sur les IgG1 et 2 favoriserait
adaptés (otoscope à lumière froide, optique la colonisation bactérienne de l’oreille moyenne, à partir
à lumière froide). du rhino-pharynx. De la même façon, les otites aiguës
• Le traitement antibiotique est justifié favorisent l’augmentation d’anticorps sériques IgG ou
par le risque de complications locorégionales IgM surtout après l’âge de 2 ans et s’il s’agit de pneumo-
et méningo-encéphalitiques, même si celles-ci coque.
sont devenues rares en pays développés, • Les facteurs favorisant l’otite moyenne aiguë sont
et même si l’otite évolue spontanément retrouvés de façon variable :
vers la guérison dans 70 % des cas. – la vie en collectivité (crèche ou garderie) favorise la
• Si l’antibiothérapie reste probabiliste, contamination interindividuelle virale et bactérienne
sans donnée bactériologique avant (en particulier de germes ayant acquis des résistances
le traitement, elle doit actuellement être aux antibiotiques) ;
orientée par des données épidémiologiques, – l’habitat en grande agglomération (pollution, mode de
bactériennes, largement diffusées dans vie) ;
la littérature, et doit prendre en compte – les antécédents familiaux d’otite moyenne aiguë ;
la fréquence des germes résistants – le tabagisme ou l’allergie respiratoire sont des
aux antibiotiques, en particulier Hæmophilus facteurs fréquemment retrouvés comme favorisant la
influenzæ et Moraxella catarrhalis sécréteurs persistance d’épanchement résiduel ;
de bêtalactamases, Streptococcus pneumoniæ – les otites moyennes aiguës sont volontiers saison-
ou pneumocoque de sensibilité diminuée nières (automno-hivernales) suivant les épidémies
à la pénicilline. d’infections virales ;
• Les indications actuelles de la paracentèse – les garçons sont plus souvent atteints que les filles ;
doivent être parfaitement connues, compte tenu – l’allaitement maternel aurait un rôle protecteur dans la
de l’impact thérapeutique qui peut en découler, survenue des otites moyennes aiguës (protection
en particulier dans les échecs du traitement immune ?) ;
par antibiotique et dans les otites récidivantes. – la carence martiale, le reflux gastro-œsophagien sont
• L’otite moyenne peut, enfin, être le premier des facteurs souvent incriminés et recherchés chez le
stade, par l’exsudat qui persiste chez la moitié nourrisson ;
des enfants au-delà du 15e jour, d’une otite – les facteurs socio-économiques entrent en jeu dans
séromuqueuse ou d’une otite à répétition. la fréquence et la gravité des otites (malnutrition,
hygiène de vie).

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1025


OTITES AIGUËS

Diagnostic positif En cas d’otorrhée, celle-ci doit être aspirée ou « tampon-


née » afin d’apercevoir la perforation qui peut être dans
la partie inférieure du tympan (déclive), ou supérieure
Signes fonctionnels du tympan (non déclive, pas de drainage spontané).
Ils associent une otalgie, une hyperthermie inconstante,
dans le sillage d’une infection respiratoire virale. Diagnostic bactériologique
• L’otalgie se manifeste chez le nourrisson par des cris,
des pleurs, une irritabilité. Il repose sur la paracentèse et non pas sur le prélève-
• Une otorrhée peut aussi révéler une otite moyenne ment pharyngé (dont l’intérêt est cependant épidémio-
aiguë entraînant généralement une sédation rapide des logique).
symptômes. • Les indications de la paracentèse sont :
– enfant de moins de 3 mois ;
Signes généraux – enfant immunodéprimé ;
– en cas de complication (mastoïdite, méningite) ;
• La fièvre (observée chez 50 à 70 % des cas) oscille – en cas d’échec thérapeutique ou de résistance au trai-
entre 38,5 et 40 ˚C. tement après un traitement probabiliste.
• Souvent, c’est une symptomatologie extra-auriculaire • Avant l’âge de 18 mois, s’il s’agit de premières otites,
qui attire l’attention des parents, du médecin : anorexie la paracentèse est réalisée sans anesthésie ou après
récente, irritabilité, insomnie, troubles digestifs application locale de pommade anesthésiante (EMLA).
(diarrhée, vomissement) où l’examen clinique doit • Au-delà de cet âge et chez un enfant qui a subi plusieurs
obligatoirement comporter une otoscopie. paracentèses, l’anesthésie générale peut être nécessaire
• Certains tableaux cliniques peuvent être évocateurs : car irréalisable dans des conditions habituelles. Le pus
– d’une otite à Hæmophilus influenzæ quand existe de l’otorrhée est aspiré dans un cathéter, introduit dans
simultanément une conjonctivite (rencontrée dans un portagerme pour examen bactériologique et antibio-
15 % des cas), et quand Hæmophilus est isolé dans gramme. On retrouve des germes dans 70 % des cas,
75 % des cas ; cela signifie que dans 25 à 30 % des cas, les prélèvements
– d’une otite à pneumocoque (en cas d’otite hyper- sont stériles.
algique) avec hyperthermie (rencontrée dans 50 % des • Les principaux germes responsables sont :
cas d’infection à pneumocoque) ; – Hæmophilus influenzæ (40 % des otites), dont 40 %
– chez les nouveau-nés et le nourrisson de moins de des souches sont sécrétrices de bêtalactamases ;
3 mois, Streptococcus pneumoniæ, Hæmophilus sont – Streptococcus pneumoniæ ou pneumocoque (30 % des
le plus souvent isolés, mais le Staphylococcus aureus, otites). La résistance aux bêtalactamines correspond à
Pseudomonas æruginosa, le streptocoque B, des entéro- des modifications des protéines de liaison à la péni-
bactéries (Proteus æruginosa, Escherichia coli, cilline. On parle de pneumocoques de sensibilité
Enterobacter) sont isolés dans 25 % des cas justifiant diminuée à la pénicilline Sp RP qui sont généralement
une paracentèse systématique à cet âge avec antibio- des souches de portage de sérotypes dits non invasifs.
gramme. La fréquence de ces souches est passée en France à
60 %, 70 % en Île-de-France. Les souches résistantes
Otoscopie (dont la concentration minimale inhibitrice [CMI] est
supérieure à 1 mg/L) sont devenues plus nombreuses
C’est probablement l’un des examens les plus difficiles que les souches intermédiaires (CMI comprise entre
à réaliser et à interpréter : l’enfant bouge, est mal mainte- 0,1 et 1 mg/L) avec comme corollaire une différence
nu, le conduit auditif externe est encombré de débris céru- significative quant au taux de guérison par les bêta-
mino-épidermiques, le matériel d’otoscopie est inadapté. lactamines.
L’enfant est assis sur les genoux de sa mère qui maintient – Moraxella catarrhalis (10 à 15 % des otites) est pro-
les bras et le front (otoscopie, miroir de Clar, optique), ducteur de bêtalactamases dans 85 % des cas.
ou est couché sur une table d’examen maintenu de la
même façon (microscope). Diagnostic évolutif
Il faut disposer d’un jeu de spéculums de tailles diffé-
rentes, d’une micropince, voire d’un microcrochet pour • L’efficacité du traitement est évaluée sur l’améliora-
ôter les débris qui masquent éventuellement le tympan. tion des symptômes : fièvre, douleur.
Normalement le tympan est gris rosé, avec le manche du En cas de suspicion d’otite à pneumocoque (vie en
marteau blanc nacré et le triangle lumineux. collectivité, antécédents d’otite moyenne aiguë traitée
Au tout début de l’otite, le tympan est rosé, le manche par aminopénicilline dans les 3 derniers mois, âge
du marteau est rouge, par dilatation des capillaires l’en- inférieur à 18 mois), une évaluation à la 48e heure est
tourant. indispensable.
Au stade collecté, le tympan est bombé, rouge ou lie- Malgré une antibiothérapie de plus en plus adaptée à
de-vin, d’aspect pseudo-polypoïde, le manche du mar- l’épidémiologie, on retrouve 10 % d’échecs cliniques
teau n’est plus visible. qui concernent particulièrement le pneumocoque,

1026 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

lorsque l’otite survient en dessous de 18 mois et qu’il Le cotrimoxazole n’est plus utilisé compte tenu de la
existe d’une façon concomitante une infection virale. résistance du streptocoque de sensibilité diminuée à la
Les défauts d’observance du traitement sont aussi fré- pénicilline. L’association érythromycine sulfisoxazole
quemment retrouvés (arrêt prématuré du traitement, active in vitro sur le streptocoque, de sensibilité dimi-
dose insuffisante). nuée à la pénicilline, montre un taux d’échec clinique
• L’échec clinique se manifeste dans les 48 à 72 h qui important vis-à-vis de ce germe.
suivent le début du traitement antibiotique par l’absence
d’amélioration ou par l’aggravation de la symptomato- 2. Aspirine et paracétamol
logie. La paracentèse est obligatoire, avec examen Ils sont utilisés systématiquement pour traiter la fièvre et
bactériologique et recherche de germes résistant au les douleurs.
traitement initial (pneumocoque de sensibilité diminuée
à la pénicilline). 3. Corticoïdes et anti-inflammatoires
• Un exsudat stérile ou une otite séreuse persiste chez non stéroïdiens
50 % des enfants au 15e jour, chez 30 % des enfants au Il n’y a pas assez d’études cliniques pour démontrer
30e jour, même avec un traitement antibiotique efficace. l’efficacité en termes de rapidité de disparition de
Cette otite séreuse peut faire le lit : symptômes, de prévention de l’otite séreuse résiduelle
– de l’otite séromuqueuse (avec épanchement en utilisant des corticoïdes et des anti-inflammatoires
muqueux) ; ses conséquences sur l’audition, la parole, non stéroïdiens.
sont d’autant plus importante que l’enfant est jeune ;
– de l’otite moyenne aiguë à répétition, le liquide de 4. Soins locaux
l’oreille moyenne servant de milieu de culture pour le Les lavages de nez au sérum physiologique, le mouchage
développement des germes issus du rhino-pharynx. Il avec ou sans utilisation d’une mouchette, les anesthé-
se peut que la paracentèse puisse diminuer la fréquence siques locaux dans le conduit auditif externe repré-
de ses otites séromuqueuses résiduelles. sentent les soins locaux les plus efficaces.
• Les complications telles que la mastoïdite, les infec-
tions labyrinthiques (surdité d’oreille interne, vertiges, 5. Paracentèse
acouphènes), la paralysie faciale, les méningites, les Une paracentèse est pratiquée en cas d’échec du traitement
abcès extraduraux et cérébraux, la thrombophlébite du antibiotique évalué à la 48e ou 72e h, nécessitant une
sinus latéral, sont devenues exceptionnelles en France, aspiration pour examen bactériologique et un antibiogramme
depuis l’utilisation systématique des antibiotiques dans spécialement s’il s’agit d’un pneumocoque résistant.
le traitement de l’otite moyenne aiguë.

Indications
Traitement
L’attitude thérapeutique a été définie lors du consensus
sur le traitement de l’otite moyenne aiguë en 1996 et
Moyens tient compte de l’évolution des résistances des germes.
• Il existe un syndrome otite-conjonctivite : l’infection
1. Antibiotiques à Hæmophilus influenzæ est probable.
Les macrolides ne sont pas recommandés du fait de la Il faut prescrire soit amoxicilline-acide clavulanique
résistance habituelle d’Hæmophilus influenzæ, et acquise 80 mg/kg/j soit une céphalosporine de 2e ou 3e génération.
du pneumocoque, y compris pour les nouveaux macro- • Il n’y a pas de facteur de risque d’infection à pneu-
lides actuellement commercialisés. mocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline
L’amoxicilline ne peut être utilisée en raison de l’émer- (enfant de plus de 2 ans, pas de vie en collectivité, pas
gence des souches d’Hæmophilus influenzæ sécrétrices de traitement dans les 3 derniers mois par des amino-
de bêtalactamase. pénicillines) :
En revanche, la posologie élevée, 150 à 200 mg/kg/j est – utilisation des 3 classes de céphalosporines ;
utilisée dans le traitement des otites à Streptococcus – utilisation de l’association érythromycine-sulfisoxazole.
pneumoniæ de sensibilité diminuée à la pénicilline. • Il existe des facteurs de risque d’infection à pneumo-
Compte tenu de la fréquence des souches d’Hæmophilus coque de sensibilité diminuée à la pénicilline (v. supra),
influenzæ, de Moraxella catarrhalis et de staphylocoque il faut utiliser :
productrices de bêtalactamases, il faut donc utiliser des – amoxicilline acide clavulanique 80 mg/kg/j en 3 prises ;
céphalosporines orales, l’association amoxicilline-acide – cefpodoxime Proxétil 8 mg/kg/j en 2 prises ;
clavulanique, stables aux bêtalactamases. – céfuroxime Axétil 30 mg/kg/j en 3 prises.
En ce qui concerne le streptocoque de sensibilité diminuée La durée de l’antibiothérapie est de 8 jours ; le nombre
à la pénicilline, l’activité des céphalosporines de de prises quotidiennes doit être respecté.
1re génération est modérée, meilleure pour celles de 2e et • La durée du traitement antibiotique peut être réduite à
3e générations (sauf exception), l’amoxicilline acide 5 jours s’il n’existe pas de facteurs de risque d’infection
clavulanique. à pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline.

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1027


OTITES AIGUËS

• En cas d’échec du traitement à la 48e-72e heure : la Points Forts à retenir


paracentèse avec étude bactériologique-antibiogramme
est indispensable à la recherche d’un pneumocoque • Ne pas méconnaître l’épidémiologie
résistant. et l’évolution des résistances des germes
Si la concentration minimale inhibitrice de ce germe est de l’otite moyenne aiguë aux antibiotiques.
inférieure à 2 mg/L : amoxicilline 150 mg/kg/j en • Ne pas utiliser les antibiotiques dans l’otite
2 prises par jour ; si elle est supérieure à 2 mg/L : moyenne aiguë sous forme de « recette »,
céphalosporine de 3e génération injectable (ceftriaxone, chaque enfant est un cas particulier
céfotaxime), à raison de 50 mg/kg/j une injection intra- et l’antibiothérapie doit être, si possible,
musculaire par jour pendant 3 jours. ■ adaptée au germe présumé.
• Connaître les critères de gravité de l’otite
moyenne aiguë et les risques d’infection
à pneumocoque de sensibilité diminuée
POUR EN SAVOIR PLUS à la pénicilline.
• Connaître les indications et les modalités
Gehanno P, Barry B. Les otites moyennes aiguës. Encycl Med Chir.
pratiques de réalisation de la paracentèse.
Paris : Elsevier, ORL, 1997, 20 085 A 10 : 5 p. • Savoir que dans les 2 ans à venir, des vaccins
conjugués pneumococciques seront disponibles
Xe Conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse. sur le marché et permettront de diminuer
Les Infections ORL. Revue de la Société de pathologie infectieuse d’une façon très importante les otites
de langue française 1996, tome 26, supplément juin.
à pneumocoques.

1028 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie
A 39

Surdité d’apparition brutale


Orientation diagnostique
PR Olivier DEGUINE, DR Bernard GARDINI
Service d’ORL, hôpital Purpan, 31059 Toulouse Cedex.

Points Forts à comprendre – le spasme de l’artère labyrinthique ;


– la thrombose ou l’embole au niveau de l’artère labyrin-
thique dans les cardiopathies ou chez les patients
• Les surdités d’apparition brutale correspondent porteurs de facteurs de risque cardiovasculaires
à la survenue ou à l’aggravation d’une surdité (dyslipidémie, diabète, hypertension artérielle…) ;
neurosensorielle se présentant brutalement – l’hyperviscosité sanguine avec formation de sludge,
ou rapidement progressive (3 j). notamment lors des macroglobulinémies.
• Bien qu’il existe des récupérations spontanées,
il s’agit d’une urgence thérapeutique.
• On distingue les surdités d’apparition brutale Hypothèse pressionnelle
symptomatiques, dont il faut rechercher La formation d’un hydrops labyrinthique (augmentation
la cause, et la forme idiopathique, appelée « sur- de la pression d’endolymphe) serait à l’origine de
dité brusque » pour laquelle il existe microperforations de la membrane de Reissner, provo-
plusieurs hypothèses étiopathogéniques. quant un mélange de périlymphe et d’endolymphe, qui
La surdité fluctuante correspond à l’apparition entraînerait un dysfonctionnement de l’organe cochléaire.
d’au moins 2 épisodes de surdité neurosensorielle Ce diagnostic est surtout évoqué lors des surdités
alternant avec des phases de récupération ; fluctuantes.
ses causes sont spécifiques.
• Toute surdité d’apparition brutale doit faire
rechercher un neurinome de l’acoustique. Hypothèse auto-immune
Chez certains patients cette hypothèse est évoquée
quand une surdité brusque survient dans un contexte de
maladie générale ou que le bilan retrouve des anticorps
Étiopathogénie des surdités anti-cochlée dirigés contre le collagène de types II et IX
brusques (voir : Pour approfondir 1).

Mécanisme des surdités brusques


Hypothèse virale
Le mécanisme majeur à retenir dans les surdités
Les virus les plus fréquemment évoqués sont le virus brusques en dehors de l’atteinte virale directe par
ourlien, l’herpesvirus, le virus de la rubéole, le virus de névrite ou labyrinthite est l’atteinte de la microvascula-
la rougeole et les virus grippaux. risation cochléaire.
Deux types de lésions sont évoqués :
– une atteinte directe du labyrinthe membraneux et (ou) Clinique
du nerf cochléaire par un processus inflammatoire
(névrite) ; Les surdités d’apparition brutale ont une incidence de
– une atteinte de la microvascularisation cochléaire par 5 à 20 pour 100 000 par an.
œdème endothélial et augmentation de la viscosité
sanguine par hémagglutination. Interrogatoire

Hypothèse vasculaire Il recherche :


– les circonstances de survenue de la surdité : son
La vascularisation de l’oreille interne est de type terminal. caractère brutal, la notion de récidive, le contexte
Toute diminution de flux entraîne une hypoxie voire une infectieux éventuel, les circonstances déclenchantes ;
anoxie cellulaire. – les signes accompagnateurs : acouphènes, troubles de
Il existe 4 types de mécanismes : l’équilibre, sensation de plénitude auriculaire, otorrhée ;
– l’hémorragie intracochléaire notamment chez les – les antécédents de dyslipidémie, de diabète, de trau-
patients sous anticoagulants ou souffrant d’une leucémie matisme sonore, de traumatisme crânien, de maladie
ou d’une aplasie ; générale ;

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1695


SURDITÉ D’APPARITION BRUTALE

– les traitements en cours ou antérieurement suivis : Audiométrie vocale


œstroprogestatifs, ototoxiques ;
L’existence d’une discordance entre les seuils de l’au-
– les antécédents familiaux de surdité.
diométrie tonale et vocale est en faveur d’une atteinte
rétrocochléaire (neurinome de l’acoustique).
Examens
1. Otoscopie Vidéo-nystagmographie
Elle n’est pas indispensable, mais doit être réalisée
Elle est normale dans les surdités neurosensorielles
lorsqu’il existe un trouble de l’équilibre associé. En cas
pures, mais peut retrouver un facteur étiologique dans
d’anomalie, une imagerie par résonance magnétique de
les circonstances suivantes :
la fosse postérieure doit être envisagée.
– une otite moyenne aiguë compliquée ;
– un cholestéatome ou une poche de rétraction à l’origine
d’une atteinte labyrinthique ; Potentiels évoqués auditifs (PEA)
– un hémotympan ; C’est l’examen clé à réaliser dans les surdités d’apparition
– une perforation tympanique. brutale.
Dans ces cas, la surdité d’apparition brutale correspond Les potentiels évoqués auditifs objectivent et quantifient
à une labyrinthite d’origine infectieuse ou traumatique. la surdité de perception. Ils permettent de différencier
3. Examen vestibulaire l’atteinte endocochléaire d’une atteinte rétro-cochléaire.
Toute suspicion d’atteinte rétrocochléaire est une indication
Il recherche un syndrome vestibulaire périphérique formelle d’une imagerie par résonance magnétique de la
associé. fosse postérieure (voir : Pour approfondir 2).
4. Examen neurologique
Il recherche une atteinte des autres paires crâniennes et
un syndrome cérébelleux.
V
5. Acoumétrie
II I
La réalisation des manœuvres de Weber et de Rinne au
diapason confirment le caractère neurosensoriel de la I
surdité : Weber latéralisé du côté sain, Rinne positif.

Examens paracliniques PEA normal


Leur but est triple : confirmer l’origine neurosensorielle
de la surdité ; quantifier la perte auditive ; rechercher une V
étiologie, dont le neurinome de l’acoustique. I

Audiométrie tonale
PEA d'un neurinome de grade I
Elle confirme l’atteinte neurosensorielle. Les courbes
peuvent prendre plusieurs formes : en plateau ; en cupule
(évocatrice d’hydrops labyrinthique) ; descendante
(prédominante sur les fréquences aiguës) ; ascendante 2 Potentiels évoqués auditifs normal et rétrocochléaire
(prédominante sur les graves). (neurinome).

Imagerie par résonance magnétique


de la fosse postérieure
Devant une surdité d’apparition brutale, les indications
de l’imagerie par résonance magnétique de la fosse
postérieure sont les suivantes :
– potentiels évoqués auditifs rétro-cochléaires ou plats ;
– fluctuation ou récidive d’une surdité de perception ;
– aggravation d’une surdité de perception existante ;
– association à un autre signe cochléovestibulaire
(acouphène, trouble de l’équilibre) ;
– cophose ;
1 Audiométrie tonale. Surdité de perception en plateau. – sujet jeune.

1696 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

Bilan biologique et préthérapeutique


Les examens à réaliser sont les suivants :
– sérologies virales : herpesvirus, rougeole, oreillons,
rubéole, hépatites B et C ;
– bilan biologique inflammatoire ;
– recherche des facteurs de risque : triglycéridémie,
cholestérolémie, glycémie, bilan de coagulation,
numération de formule sanguine ;
– bilan préthérapeutique (radiographie de thorax, électro-
cardiogramme).
3 Imagerie par résonance magnétique d’un neurinome de
l’angle ponto-cérébelleux. Étiologie
Causes tumorales

Tomodensitométrie haute résolution Le 1er diagnostic à éliminer devant une surdité d’appa-
des rochers rition brutale est le neurinome de l’acoustique : 10 % des
neurinomes de l’acoustique se révèlent par ce symptôme.
Cet examen doit être réalisé en cas de suspicion d’une Ce diagnostic doit toujours être évoqué et recherché
malformation de l’oreille interne, notamment chez (potentiels évoqués auditifs, imagerie par résonance
l’enfant, ou en cas d’atteinte associée de l’oreille magnétique).
moyenne (otite moyenne aiguë, otite chronique, trau- Les autres tumeurs de l’angle ponto-cérébelleux sont
matisme). plus rares.

Surdité brutale

PEA anomalie paire crânienne cophose


troubles de l’équilibre
acouphènes
céphalées
fluctuation ou récidive

endocochléaires rétrocochléaires

sujet jeune

PEA à 6 mois IRM de la fosse


suivi audiométrique postérieure

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1697


SURDITÉ D’APPARITION BRUTALE

Causes vasculaires Surdités ototoxiques

Étiologie la plus fréquente, elle doit être évoquée chez Elles sont évoquées sur la prise de traitements oto-
tout patient présentant des facteurs de risque cardio- toxiques dont les plus fréquents sont les aminosides,
vasculaires, des hémopathies ou un traitement par le furosémide (Lasilix), le cisplatine, le 5-fluoro-uracile,
œstroprogestatif. la quinine et l’aspirine à forte dose.
Ces surdités sont bilatérales, symétriques et progres-
sives (voir : Pour approfondir 3).
Causes virales
Les virus les plus fréquemment retrouvés sont le virus
ourlien, l’herpesvirus, la rougeole, la rubéole. Surdités traumatiques
Le diagnostic de certitude d’infection virale est difficile. La fistule périlymphatique doit être évoquée devant
Il est évoqué devant un contexte épidémiologique asso- une fluctuation de l’audition, notamment après un
cié à une séroconversion affirmée sur 2 prélèvements traumatisme crânien ou pressionnel. Elle est souvent
réalisés à 15 jours d’intervalle et dosés dans le même associée à un trouble de l’équilibre. Elle est due à une
laboratoire. fuite de liquide périlymphatique au niveau des fenêtres
ronde et (ou) ovale. Son traitement est chirurgical.
Causes bactériennes Les fractures du rocher, les traumatismes directs par
éléments contondants, les surdités après chirurgie de
Les otites moyennes aiguës et l’otite chronique évolutive l’oreille, l’électrocution et la fulguration ne posent pas
peuvent provoquer une atteinte neurosensorielle de difficulté diagnostique.
d’aggravation rapide en cas de labyrinthite soit par
contiguïté, soit par fistule labyrinthique. L’atteinte
labyrinthique peut être inflammatoire, permettant Maladie de Ménière
d’espérer une récupération auditive, ou suppurée, la
récupération étant rare. La triade symptomatique est caractéristique : surdité,
vertiges et acouphènes évoluant par crises. L’aspect de
La syphilis est un diagnostic classique mais rare.
la courbe audiométrique en cupule est évocateur.

Surdités auto-immunes
Surdités idiopathiques (brusques)
Ce diagnostic est à évoquer dans le cadre de maladie
générale connue ou en cas de surdités de perception Il s’agit d’un diagnostic d’élimination, lorsque les autres
fluctuante ou bilatérale. causes n’ont pas fait leurs preuves. C’est la forme la
Les diagnostics les plus fréquents sont la périartérite plus fréquente.
noueuse, la maladie de Wegener, le syndrome de Cogan.

Surdités d’origine allergique Formes cliniques


Ce diagnostic est rarement évoqué dans un contexte très
spécifique et serait consécutif à une atteinte de la micro-
vascularisation cochléaire. Chez l’enfant

Les causes malformatives et ourliennes sont les plus


Affections neurologiques fréquentes.
La sclérose en plaques peut donner des épisodes initiaux
de surdités d’apparition brutale. Cette cause est rare. Le
diagnostic est évoqué sur l’histoire de la maladie et la Formes bilatérales
présence de potentiels évoqués auditifs rétrocochléaires Les causes auto-immunes, ototoxiques, malformatives,
ou désynchronisés nécessitant la réalisation d’une ima- vasculaires doivent être évoquées en priorité.
gerie par résonance magnétique cérébrale.

Malformations de l’oreille interne Formes fluctuantes


Elles doivent être systématiquement recherchées chez Les causes les plus fréquentes sont le neurinome de
l’enfant. Les plus fréquentes sont le syndrome de l’acoustique, la maladie de Ménière et la fistule péri-
Mondini. lymphatique.

1698 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

Moyens thérapeutiques drofuryl : Praxilène) et systémique. Ils sont utilisés à


forte dose les premiers jours puis per os pour des durées
Il s’agit d’une urgence thérapeutique. variables.
Dans la grande majorité des cas une hospitalisation est
souhaitable, associant le traitement étiologique lorsqu’il Diurétiques
existe, le repos et différentes thérapeutiques. Il n’existe
pas de consensus thérapeutique pour les surdités Ils sont principalement prescrits en cas d’hydrops. Le
brusques. Diamox (acétazolamide) est le plus utilisé.

Autres
Traitement étiologique
Les antiviraux, les antiagrégeants, les anticoagulants
Traitement chirurgical d’une fistule périlymphatique, sont prescrits en fonction de l’étiologie. ■
antibiothérapie et corticothérapie dans le cadre d’une
labyrinthite bactérienne…

Repos POUR EN SAVOIR PLUS


Il fait partie intégrante du traitement. Estève Fraysse MJ, Vincent M, Rugui MG, Bounaix MJ, Fraysse B.
Valeurs des potentiels évoqués auditifs et ECoG dans le diagnostic
des petits neurinomes de l’acoustique. Notre expérience sur 131 cas.
Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1993 ; 110: 203-10.
Hémodilution normovolémique
Lienhart H, Gouteyron JF, Faugère JM. Surdités brusques et
fluctuantes. Éditions techniques. Encycl Med Chir (Paris France),
Le but de ce traitement est la diminution de la viscosité Oto-rhino-laryngologie, 20 183 A10, 1991, 12 p.
sanguine. Une partie du volume sanguin est remplacée
par des macromolécules afin d’obtenir une hématocrite Mosnier I, Bouccara D, Sterkers O. Les surdités brusques en
1997 : hypothèses éthiopathogéniques, conduite à tenir, facteurs
aux alentours de 30 % en gardant une normovolémie. pronostiques, traitements. Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 1997 ;
Il existe des contre-indications absolues : l’angor 114 : 251-66.
instable et l’insuffisance cardiaque. Zennaro O, Dauman R, Poisot A. Intérêt de l’association hémodilution
normovolémique-oxygénothérapie hyperbare dans le traitement
des surdités brusques à partir d’une étude rétrospective. Ann
Oxygénothérapie hyperbare Oto Laryngol 1993 ; 110 : 162-9.

Appelé aussi caisson hyperbare, son but est d’augmenter


la pression partielle artérielle en O2. Ce traitement
présente des risque de pneumotoxicité, d’angor et de
barotraumatisme auriculaire et sinusien. Points Forts à retenir

Corticothérapie • La surdité d’apparition brutale est une pathologie


fréquente, dont les causes sont multiples.
Elle est utilisée dans un but anti-inflammatoire. • L’examen clinique est essentiel et doit être
Généralement, elle est prescrite à forte dose et en intra- complété par une audiométrie tonale
veineux pendant plusieurs jours ou un relais per os sur et des potentiels évoqués auditifs, pièce angulaire
plusieurs mois est instauré si l’on suspecte une origine de la stratégie diagnostique. L’imagerie
auto-immune. par résonance magnétique de la fosse postérieure
doit être pratiquée au moindre doute, afin
d’éliminer un neurinome de l’acoustique.
Vasodilatateurs • Il s’agit d’une urgence thérapeutique.
• Le traitement repose sur la corticothérapie
Ils n’ont pas fait la preuve de leur utilité mais sont très et l’amélioration de la vascularisation cochléaire
employés. Le plus utilisé est le carbogène : c’est un (oxygénothérapie hyperbare, hémodilution
vasodilatateur puissant entraînant une amélioration de la normovolémique, vasodilatateurs).
perfusion cochléaire. Il est administré en aérosol mélangé • Le pronostic est lié à l’importance de la perte
à de l’oxygène. initiale et au délai de prise en charge.
D’autres produits sont utilisés : les vasodilatateurs Un grand nombre de surdités d’apparition
neurotropes (dihydroergotoxine, trimétazidine : Vastarel), brutale récupère spontanément.
musculotropes (dérivés de l’acide nicotinique, nafti-

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1699


SURDITÉ D’APPARITION BRUTALE

POUR APPROFONDIR

1 / Physiopathogénie des surdités brusques 2/ Potentiels évoqués auditifs rétrocochléaires

Ischémie Délai I-V = 4,5 ms


Délai I-III = 2,5 ms
Baisse production ATP Différence interaurale = 0,3 ms
Désynchronisation des ondes
Acidose intracellulaire

Radicaux libres intracellulaires


3 / Médicaments ototoxiques

Lésions membranaires Aminosides


Furosémide
Blocage des ions Ca 2+ intracellulaires
5-fluoro-uracile
Cisplatine
Blocage de la chaîne
Quinine
Mort cellulaire Aspirine à forte dose

1700 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

Tuméfaction parotidienne
Orientation diagnostique
Pr Jean-Jacques PESSEY, Dr Josiane PERCODANI
Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale, hôpital de Rangueil, 31403 Toulouse cedex 4

Points Forts à comprendre Diagnostic clinique


1. L’interrogatoire
• Une tuméfaction parotidienne se définit comme Il doit préciser :
une augmentation de volume de la région
– l’âge du patient ;
parotidienne. Celle-ci est limitée :
– sa profession ;
– en avant par la branche montante
de la mandibule ; – ses habitudes alimentaires, la notion d’une intoxication
– en arrière par l’apophyse mastoïde et le muscle alcoolique ;
sterno-cléido-mastoïdien ; – l’existence d’une pathologie rhumatismale, pulmonaire
– en haut par le conduit auditif externe ou hématologique connue ;
et la portion postérieure de l’arcade zygomatique ; – la notion d’une radiothérapie cervicale ;
– en bas par une ligne horizontale allant – les antécédents chirurgicaux ;
de la mastoïde à l’angle de la mandibule ; – la notion d’un traumatisme sur la région parotidienne ;
– en profondeur par l’apophyse styloïde et l’espace – la date de début et le mode évolutif de la tuméfaction, les
latéro-pharyngien. variations du volume de la tuméfaction avec l’alimenta-
• La région parotidienne contient la glande tion ;
parotide. Celle-ci est traversée par le canal – l’existence de signes associés : douleur de la région paro-
salivaire excréteur de Sténon, l’artère carotide tidienne et rapport de la douleur avec l’alimentation, séche-
externe, le confluent veineux parotidien, le nerf resse buccale ou oculaire, asymétrie faciale.
facial et ses différentes branches.
• La pathologie parotidienne est le plus souvent 2. Examen clinique
unilatérale dominée par la pathologie tumorale • Inspection : une tuméfaction parotidienne comble le
bénigne ou maligne. La pathologie infectieuse : sillon rétromandibulaire puis soulève en dehors le lobule
parotidites aiguës virales, bactériennes de l’oreille. L’inspection doit préciser l’état de la peau en
ou lithiasiques, parotidites chroniques, est plus rare. regard de la tuméfaction, elle doit aussi rechercher l’exis-
De même, la lithiase parotidienne est beaucoup tence d’une paralysie faciale associée. La réalisation d’une
moins fréquente que la lithiase sous-mandibulaire. otoscopie doit être systématique. De même, l’examen endo-
• Les tuméfactions parotidiennes bilatérales buccal et dentaire est indispensable : aspect de l’ostium du
peuvent s’intégrer dans le cadre d’une maladie canal de Sténon et de la salive, abondante ou rare, claire
de système ou d’une calcinose salivaire. Les autres ou purulente.
causes sont nutritionnelles ou toxiques. • Palpation : elle permet de confirmer le siège parotidien
de la tuméfaction, en précisant sa situation par rapport aux
repères osseux (branche montante et angle de la mandi-
bule, articulation temporo-mandibulaire, apophyse mas-
toïde).
Circonstances de découverte Elle doit préciser les caractères de la tuméfaction : volume,
surface lisse ou irrégulière, limites, consistance, sensibi-
Les tuméfactions parotidiennes, uni- ou bilatérales, peu- lité, douleur provoquée, mobilité par rapport à la peau et
vent être diagnostiquées schématiquement devant trois aux plans profonds.
types de tableaux cliniques : Elle doit rechercher :
– découverte fortuite par le patient ou le médecin d’une – un écoulement à l’orifice endobuccal du canal de Sténon,
tuméfaction parotidienne ; lors de la pression de la glande parotide ;
– tuméfaction parotidienne douloureuse déclenchée par – une tuméfaction sur le trajet du canal de Sténon (palpa-
l’alimentation ; tion bimanuelle avec un doigt endobuccal).
– tuméfaction parotidienne douloureuse dans un tableau Elle s’accompagne de la palpation de toutes les aires cer-
infectieux, parfois au-devant de la scène. vicales à la recherche d’adénopathies associées.

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 533


TUMÉFACTION PAROTIDIENNE

Diagnostic différentiel accessible à l’examen échographique, le lobe profond étant


masqué par les structures osseuses. Cet examen présente
1. Kystes dermoïdes et kystes sébacés surtout un intérêt dans la pathologie tumorale. Elle diffé-
prétragiens rencie les tumeurs intraglandulaires des tumeurs juxta-
glandulaires et permettrait à 80 % de différencier une
Ils sont mobiles sur le plan parotidien profond. La cyto-
tumeur bénigne d’une tumeur maligne. Lors des lithiases
ponction et l’échographie cervicale aident au diagnostic
salivaires, elle peut visualiser des calculs suffisamment
différentiel. Le diagnostic est parfois chirurgical.
volumineux. Elle ne présente aucun intérêt dans les patho-
2. Adénopathies sous-digastriques logies inflammatoires ou dans les maladies de système inté-
ressant la parotide.
Une adénopathie sous-digastrique peut parfois être confon-
due avec une tumeur du pôle inférieur de la parotide. • Examen tomodensitométrique : il est indiqué dans la
L’examen, tête en hyperextension, permet en général de pathologie tumorale, en cas d’incertitude à l’échographie
localiser le siège sous-angulomandibulaire de la tumé- sur l’extension tumorale. Il permet l’exploration du lobe
faction. profond de la parotide et l’analyse de l’extension aux struc-
La découverte d’une tuméfaction parotidienne impose la tures avoisinantes, surtout en cas de tumeur développée en
réalisation d’un examen ORL. La localisation superficielle profondeur. Il présente peu d’intérêt en cas de pathologie
de la parotide fait que l’examen clinique est souvent suffi- non tumorale.
sant pour poser le diagnostic. Dans certains cas, des exa- • Imagerie par résonance magnétique : elle est intéres-
mens complémentaires sont nécessaires. sante dans la pathologie tumorale, avec une résolution tis-
sulaire supérieure à celle du scanner.

Examens complémentaires
1. Ponction cytologique
Diagnostic d’une tuméfaction
parotidienne
C’est un moyen de diagnostic simple, rapide, peu trauma-
tisant, sensible et peu coûteux, surtout intéressant dans la Diagnostic clinique +++
pathologie tumorale. Elle n’a de valeur que si elle est posi- Tuméfaction comblant le sillon rétromandibulaire et soulevant en
dehors le lobule de l’oreille.
tive ; elle nécessite, dans l’interprétation des résultats, un
cytologiste expérimenté. Elle n’exclut jamais un contrôle Examens complémentaires :
anatomopathologique, lorsqu’une exérèse est pratiquée. – ponction cytologique R tumeurs
Elle ne présente aucun risque de dissémination cellulaire – radiographie standard R lithiase
– sialographie R lithiase
tumorale ou de lésion du nerf facial, contrairement à la parotidites
biopsie qui est formellement contre-indiquée. maladies
de système
2. Radiographies standard – scintigraphie R cystadénolymphome
maladies
Leur intérêt est limité à la lithiase salivaire, peu fréquente de système
au niveau de la parotide. – échographie R tumeurs volumineuses
lithiases
3. Sialographie – TDM R tumeurs
– IRM R tumeurs
Son principe est l’opacification du système canalaire par
un produit de contraste, injecté par le canal de Sténon. Son
intérêt est limité dans la pathologie tumorale car elle ne
visualise la tumeur que par des signes indirects de dépla- Orientations diagnostiques devant
cement des canaux salivaires. En cas de lithiase paroti- une tuméfaction parotidienne
dienne, de parotidite infectieuse ou inflammatoire, d’hy-
pertrophie salivaire, les modifications canalaires ou
unilatérale
parenchymateuses sont suffisamment caractéristiques pour
que le clinicien puisse faire le diagnostic. Tumeurs
• Scintigraphie au technétium 99m : son principe est la 1. Classification histologique
fixation sur les glandes salivaires du 99mTc, après admi-
nistration intraveineuse. Seules les tumeurs dont la taille • Elles sont le plus souvent bénignes. L’adénome pléo-
est supérieure à 1,5 cm sont visualisées. Le cystadéno- morphe est la plus fréquente (60 à 70 % des tumeurs paro-
lymphome papillaire est la seule tumeur capable de fixer tidiennes). Les autres tumeurs bénignes sont plus rares,
le 99mTc de façon précoce, intense et durable. Cet examen dominées par le cystadénolymphome, ou tumeur de War-
permet, en outre, d’analyser simultanément et pendant une thin (5 à 14 % des tumeurs parotidiennes). Parmi les autres
période donnée le fonctionnement des différentes glandes tumeurs bénignes, il faut citer :
salivaires (intérêt dans le syndrome de Gougerot-Sjögren). – l’adénome oncocytaire ;
• Échographie : seul le lobe superficiel de la parotide est – l’adénome à cellules basales ;

534 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48


Oto-rhino-laryngologie

– l’adénome sébacé ; de volume et est grevée du risque de dégénérescence


– l’adénome à cellules myoépithéliales ; maligne.
– les adénomes monomorphes (adénome canaliculaire, tra- • Cystadénolymphomes qui se rencontrent surtout chez
béculaire, tubulaire, papillome intracanalaire, cystadénome l’homme, entre 60 et 70 ans. Il s’agit d’une tumeur bien
papillaire) ; limitée, superficielle, postéro-inférieure, d’évolution lente
– les tumeurs non épithéliales bénignes. avec parfois des poussées inflammatoires.
• Les tumeurs malignes sont plus rares : • Adénomes oncocytaires surtout après 50 ans et chez la
– les carcinomes muco-épidermoïdes représentent 5 à 20 % femme, ils sont proches cliniquement de l’adénome pléo-
des tumeurs parotidiennes ; morphe.
– les carcinomes adénoïdes kystiques représentent 2 à 4 % Aucun examen complémentaire ne permet d’affirmer la
des tumeurs parotidiennes ; bénignité. La ponction à l’aiguille fine avec étude cytolo-
– les carcinomes à cellules acineuses (2 à 5 %) ; gique est un examen sensible et spécifique pour le dia-
gnostic des tumeurs parotidiennes mais n’a de valeur que
– les carcinomes sur adénome pléomorphe peuvent surve-
lorsqu’elle est positive. L’échographie montre une tumeur
nir dans 3 à 4 % des adénomes pléomorphes ;
solide, généralement homogène, à contours nets. Elle per-
– les carcinomes divers (épithélio-myoépithélial, à cellules mettrait à 80 % de différencier une tumeur bénigne d’une
basales, sébacé, oncocytaire, cystadénocarcinome papil- tumeur maligne. Le scanner est indiqué en cas d’incerti-
laire, à petites cellules) ; tude à l’échographie sur l’extension tumorale ou sur la
– les carcinomes épidermoïdes ; dégénérescence. En cas d’adénome pléomorphe, il met en
– les carcinomes indifférenciés ; évidence une masse limitée, hypodense, se rehaussant après
– les adénocarcinomes mucineux ; injection de produit de contraste.
– les lymphomes malins ;
– les tumeurs non épithéliales malignes : histiocytofibrome 3. Tumeurs malignes
malin, schwannome malin, rhabdomyosarcome ; Elles se présentent en général sous la forme d’une tumé-
– les localisations secondaires intraparotidiennes. faction parotidienne unilatérale d’évolution plus rapide, de
consistance dure, parfois accompagnée de douleur, parfois
adhérente à la peau et au plan profond ou associée à une
Principales tumeurs de la parotide paralysie faciale. L’existence d’une adénopathie cervicale
associée est évocatrice mais inconstante. En fait, les signes
Tumeurs bénignes : associés évocateurs de malignité sont souvent absents.
– adénome pléomorphe • Carcinomes adénoïdes kystiques surtout chez la femme,
– cystadénolymphome
– adénome oncocytaire entre 50 et 60 ans. Ces tumeurs ont tendance à suivre les
nerfs en les infiltrant. L’existence de douleurs associées à
Tumeurs malignes : la tuméfaction est inconstante mais évocatrice. Typique-
– carcinome muco-épidermoïde ment, il s’agit de douleurs à type de décharge électrique
– carcinome adénoïde-kystique
– carcinome à cellules acineuses
lors de la palpation tumorale. L’évolution, lente, peut se
– adénocarcinome et carcinome sur adénome pléomorphe faire vers la récidive locale, ganglionnaire ou la survenue
– carcinome épidermoïde de métastases, en particulier pulmonaires. Leur pronostic
– carcinome indifférencié est péjoratif (70 % de survie à 5 ans, 20 % à 20 ans).
– tumeurs non épithéliales
– lymphomes
• Tumeurs muco-épidermoïdes parfois associées à des
– métastases intraparotidiennes douleurs ou une sensation de goût sucré. Leur risque, sur-
tout local, est la récidive après exérèse. Le pronostic dépend
du grade histologique.
2. Tumeurs bénignes
Elles sont le plus souvent découvertes devant une tumé-
faction parotidienne unilatérale et isolée, lisse ou parfois Arguments cliniques
bosselée, ferme ou dure, indolore, mobile par rapport à la en faveur de la nature d’une tumeur
peau et au plan profond, sans paralysie faciale associée. Il parotidienne
n’y a pas d’adénopathie cervicale satellite. Ce tableau cli-
nique est évocateur d’une tumeur bénigne, cependant, Tumeur bénigne : Tumeur maligne :
toutes les tumeurs parotidiennes peuvent revêtir cet aspect. – évolution lente – évolution plus rapide
– ferme ou dure – dure
• Adénomes pléomorphes qui surviennent à tout âge, dans – bosselée R adénome pléomorphe – irrégulière
les deux sexes mais surtout chez la femme, aux alentours – indolore – douloureuse R carcinome
de la 5e décennie. Les caractères bosselé et dur de la tumeur – mobile adénoïde kystique
– pas de paralysie faciale – fixée
sont en faveur du diagnostic. Sur le plan histologique, on – pas d’adénopathie – paralysie faciale
note la coexistence d’éléments épithéliaux et mésenchy- cervicale – adénopathie cervicale
mateux. L’évolution spontanée se fait vers l’augmentation

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 535


TUMÉFACTION PAROTIDIENNE

• Carcinomes à cellules acineuses qui se voient à tout âge, – l’orifice du canal de Sténon rouge avec salive rare mais
surtout chez la femme. Leur évolution est lente, il n’y a pas claire.
de critère pronostique histologique. Des récidives locales Sur le plan biologique, il existe une lymphocytose avec
ou ganglionnaires peuvent survenir tardivement. Les méta- mononucléose, l’amylasémie est élevée.
stases sont rares. La sérologie retrouve une élévation du taux des anticorps
La fréquence de survenue d’un carcinome sur un adénome à deux dosages.
pléomorphe dépend de la durée d’évolution de l’adénome D’autres virus peuvent plus rarement entraîner des paroti-
pléomorphe (1,5 % s’il évolue depuis moins de 5 ans, 9,5 % dites : coxsackie A, Échovirus, grippe, mononucléose
s’il évolue depuis plus de 15 ans). Le pronostic dépend de infectieuse.
la taille de la tumeur.
2. Parotidites aiguës bactériennes
4. Conduite à tenir devant une tuméfaction Les signes fonctionnels sont représentés par une douleur
parotidienne unilatérale vive et un léger trismus. Les signes généraux sont marqués
avec fièvre et asthénie intense.
Le but est d’obtenir un diagnostic de nature de la tumeur.
Pour cela, l’attitude est univoque : il faut réaliser une paro- À l’examen on retrouve :
tidectomie exploratrice sous anesthésie générale, avec exa- – une tuméfaction parotidienne inflammatoire ;
men anatomopathologique extemporané. – une douleur provoquée intense ;
Toute tumeur parotidienne impose soit une parotidectomie – un œdème prenant le godet ;
totale, soit une parotidectomie exofaciale. Il ne faut pas – l’orifice du canal de Sténon turgescent avec issue de salive
réaliser de tumorectomie ou d’énucléation, en raison du purulente.
risque de récidive. Sur le plan biologique, il existe une hyperleucocytose avec
Dans tous les cas, il est impératif de prévenir le patient des polynucléose.
modalités de l’intervention chirurgicale et des risques de Le traitement antibiotique doit rapidement être instauré.
complications : Ces formes, lorsqu’elles surviennent chez le sujet âgé,
déshydraté, en mauvais état général, sont de mauvais pro-
– une paralysie ou une parésie faciale sont en général tran-
nostic.
sitoires, sauf en cas de section du nerf facial accidentelle
ou de nécessité ; 3. Parotidites bactériennes chroniques non
– le syndrome de Frey est représenté par une sudation tem- spécifiques
porale lors des repas ou d’une stimulation salivaire. Il est Elles sont plus fréquentes chez l’enfant (elles peuvent sur-
de survenue inconstante et imprévisible ; venir chez l’adulte mais sont alors en général bilatérales).
– la dépression résiduelle de la région parotidienne est quasi Elles se manifestent sous la forme de poussées de paroti-
constante ; dites aiguës récidivantes. La sialographie est évocatrice et
– l’insensibilité de la région auriculaire est de récupération retrouve des images arrondies, en « plomb de chasse », qui
aléatoire et tardive. persistent aux clichés en évacuation, les canaux salivaires
sont normaux.

Conduite à tenir devant toute 4. Parotidites chroniques spécifiques


suspicion de tumeur parotidienne La parotidite tuberculeuse se présente sous la forme d’un
• Parotidectomie exploratrice sous anesthésie générale, avec repérage
nodule froid intraparotidien, parfois sensible, avec ramol-
du nerf facial et examen anatomopathologique extemporané. lissement en son centre et adhérence à la peau. L’intrader-
• Si confirmation du diagnostic de tumeur de la parotide : parotidec- moréaction, la radiographie pulmonaire, la ponction pour
tomie totale avec conservation du nerf facial. culture sur milieu spécifique aident au diagnostic, qui n’est
parfois posé que sur l’examen anatomopathologique.
Parotidites 5. Lithiases de la parotide
1. Parotidites aiguës virales La lithiase est moins fréquente au niveau de la glande paro-
tide que de la glande sous-mandibulaire. Ses manifesta-
Elles sont dominées par la parotidite ourlienne, le plus sou- tions sont plus souvent infectieuses que mécaniques.
vent chez l’enfant ou l’adulte jeune. Au point de vue fonctionnel, les manifestations mécaniques
Les signes fonctionnels sont représentés par une douleur sont de deux ordres :
de la région parotidienne irradiée à l’oreille, augmentée par – la hernie parotidienne : c’est la survenue brutale, lors d’un
la mastication associée à une hyperthermie. repas, d’une tuméfaction parotidienne qui disparaît rapi-
À l’examen on note : dement après un bref écoulement de salive ;
– une tuméfaction parotidienne inflammatoire, rénitente, – la colique salivaire : c’est le même tableau clinique avec
sensible à la palpation, avec peau en regard luisante. Uni- l’association à la tuméfaction parotidienne d’une douleur
latérale au début, elle se bilatéralise en 2 à 3 jours ; intense.
– une adénopathie parotidienne ou sous-maxillaire parfois Les manifestations infectieuses sont représentées par la
associée ; parotidite suppurée ou non, parfois récidivante.

536 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48


Oto-rhino-laryngologie

À l’examen, la glande parotide est parfois encore tuméfiée. Parotidites chroniques d’origine toxique
La palpation du canal de Sténon recherche la présence d’un Certaines intoxications chroniques sont responsables d’une
calcul. L’ostium du canal de Sténon est rouge, tuméfié, non tuméfaction parotidienne sensible : plomb, pesticides,
purulent. insecticides, iodures.
Les radiographies sans préparation recherchent le calcul.
La sialographie retrouve parfois la lacune due au calcul, et Calcinose salivaire
surtout une dilatation du canal en amont de l’obstacle. Sur
Elle se présente sous la forme d’une parotidite chronique
les clichés en évacuation, l’arrêt du produit de contraste
bilatérale ou à bascule, avec tuméfaction parotidienne dou-
avec rétention en amont est évocateur.
loureuse intermittente, salive séropurulente. Elle survient
préférentiellement chez les femmes de la cinquantaine, et
se caractérise par la présence de multiples calcifications
Orientations diagnostiques devant intracanalaires. Les radiographies sans préparation visua-
une tuméfaction parotidienne lisent les calcifications au niveau des deux parotides. La
bilatérale sialographie met en évidence des images arrondies, lipio-
dolées dans le parenchyme et des canaux légèrement dila-
Tuméfactions parotidiennes au cours des tés. ■
maladies de système
1. Sarcoïdose
Points Forts à retenir
La tuméfaction parotidienne est indolore, bilatérale, d’ins-
tallation rapide et de régression spontanée. L’association
parotidite, paralysie faciale et uvéite réalise le classique • Une tuméfaction parotidienne unilatérale
syndrome de Heerfordt. L’association d’une atteinte paro- doit faire évoquer en premier lieu une tumeur.
tidienne, sous-mandibulaire et lacrymale réalise le syn- • Une tuméfaction parotidienne bilatérale
drome de Mikulicz. doit faire évoquer en premier lieu une maladie
de système.
2. Syndrome de Gougerot-Sjögren • Une tuméfaction parotidienne unilatérale
La tuméfaction parotidienne est indolore, d’installation doit être opérée, les tuméfactions parotidiennes
lente, en général inhomogène et indurée au stade de sclé- bilatérales ne sont, en général, pas chirurgicales.
rose glandulaire. Elle doit faire rechercher une sécheresse En cas de pathologie tumorale, il ne faut jamais
buccale et oculaire. réaliser de tumorectomie ou d’énucléation, mais
toujours une parotidectomie totale ou subtotale.
3. Leucémies
• Il ne faut pas multiplier inutilement les examens
Au cours des leucémies lymphoïdes chroniques, une tumé- complémentaires.
faction parotidienne indolore et bilatérale peut être isolée
ou s’intégrer dans le cadre d’un syndrome de Mikulicz.
Au cours des leucémies aiguës, une tuméfaction paroti-
dienne peut être en rapport avec une infiltration leucémique
ou une infection virale dans le cadre d’une immuno-
dépression. POUR EN SAVOIR PLUS
Fiere A, Cartier E, Breton P, Faucon M, Freidel M. Intérêt de la cyto-
Parotidomégalies nutritionnelles ponction à l’aiguille fine dans le diagnostic des tuméfactions des
glandes salivaires. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1990 ; 91 : 291-4.
1. Par excès
Lacomme Y, Dhermain F, Serrano E. Cylindromes de la parotide. À
Excès de consommation d’hydrates de carbone, diabète, propos de 11 cas. Ann Otolaryngol 1989 ; 106 : 27-34.
obésité, éthylisme chronique. Serrano E, Lemoine C, Boutault F, Pessey JJ, Lacomme Y. Les exa-
mens complémentaires dans la pathologie parotidienne. Revue offi-
2. Par carence cielle de la Société française d’ORL 1991 ; 8 : 21-5.
Grandes malnutritions, anorexie mentale.

LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 537


Oto-rhino-laryngologie
A 40

Vertige
Orientation diagnostique
PR Jean-Pierre SAUVAGE
Service ORL, CHU Dupuytren, 87000 Limoges.

Points Forts à comprendre 1. Caractères du vertige


C’est l’illusion de déplacement du corps ou d’objets
• Le vertige est une illusion de mouvement. environnants en un sens donné, le plus souvent de forme
C’est la manifestation caractéristique rotatoire. Beaucoup plus rarement, c’est l’impression de
des lésions de l’appareil vestibulaire, constitué déplacement rectiligne. Parfois s’y ajoutent de fausses
par les canaux semi-circulaires et les macules sensations de position telle l’impression que le corps est
otolithiques, et de leurs connexions avec incliné d’un côté. Il convient de noter si le vertige est
les centres (voir : Pour approfondir 1). exagéré par les changements de position de la tête
• Les causes les plus fréquentes de vertige (argument en faveur de l’origine vestibulaire péri-
correspondent à des excitations anormales phérique), s’il existe un mouvement qui déclenche le
générées le plus souvent au sein de l’oreille vertige (désignant généralement le côté atteint) ou
interne : canalolithiase et maladie de Menière encore s’il existe une position de confort (généralement,
(voir : Pour approfondir 2). Plus rarement, en position couchée sur l’oreille saine).
le vertige est lié à la destruction partielle ou
totale de l’appareil vestibulaire en rapport avec
2. Signes associés
une lésion traumatique, infectieuse ou vasculaire. Trois ordres de signes peuvent s’associer au vertige : des
• Les connexions entre les noyaux vestibulaires signes de déséquilibre, des signes neurovégétatifs et un
et les noyaux oculomoteurs d’une part retentissement psychique. Les signes de déséquilibre
et les motoneurones médullaires d’autre part résultent du retentissement sur les voies motrices de
expliquent qu’en cas de lésion vestibulaire l’excitation vestibulaire. Ce sont des mouvements
unilatérale apparaissent un nystagmus brusques donnant l’impression de corriger l’équilibre
et une hypotonie homolatérale à la lésion. que le sujet croit avoir perdu. Les signes neurovégétatifs
Le vertige est ainsi la manifestation cardinale correspondent à l’excitation vestibulaire sur les noyaux
du syndrome vestibulaire. En cas de lésion bulbaires du X marqués par des nausées et vomissements,
unilatérale irréversible, les symptômes une pâleur, une bradycardie et des douleurs abdominales
vestibulaires disparaissent par un mécanisme pouvant en imposer pour une affection digestive. Le
de compensation centrale. retentissement psychique est souvent intense avec
angoisse et réactions émotives parfois spectaculaires.

Examen clinique
L’examen clinique effectué au cours de la crise est
d’une importance capitale car il recueille des signes ves-
1. Nystagmus vestibulaires
tibulaires et neurologiques qui peuvent disparaître par la • Le nystagmus vestibulaire spontané est un déplace-
suite. À distance de la crise, le diagnostic repose ment rythmique des globes oculaires constitué d’une
essentiellement sur l’interrogatoire et l’examen clinique. secousse lente d’origine vestibulaire et d’une secousse
Les examens instrumentaux aident à poser l’indication rapide qui ramène l’œil à sa position de départ. Par
d’une imagerie en cas d’examen neurologique normal. définition, c’est le sens de la secousse rapide qui définit
le sens du nystagmus. Le nystagmus horizontal rotatoire
Diagnostic positif est en faveur d’une d’origine périphérique. Les nystagmus
purs, vertical, horizontal ou rotatoire, sont en faveur
Il repose sur la mise en évidence des éléments du d’une origine centrale.
syndrome vestibulaire, sur l’examen neurologique et • Le nystagmus vestibulaire provoqué de positionne-
sur l’étude de la fonction auditive et vestibulaire. ment est recherché par la manœuvre de Dix et Hallpike
(fig. 1) qui consiste à allonger brutalement le patient, la
Interrogatoire tête tournée soit à droite, soit à gauche, dans le plan du
canal postérieur jusqu’à atteindre une position tête
Le vertige est le symptôme majeur. pendante au bord de la table d’examen. On observe alors

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1847


VERTIGE

1 Manœuvre de Dix et Hallpike.

parfois, soit immédiatement, soit après un temps de moins un audiogramme tonal à la recherche d’une surdité
latence l’apparition d’un nystagmus dont il convient de de transmission (en faveur d’une atteinte de l’oreille
noter le sens, la durée et s’il s’accompagne ou non d’un moyenne), d’une surdité de perception unilatérale sur
vertige. les fréquences graves (en faveur d’un hydrops endo-
labyrinthique) ou d’une surdité de perception unilatérale
2. Ataxie vestibulaire avec amputation des fréquences aiguës (en faveur d’un
Elle résulte de la présence d’une hypotonie homolatérale neurinome de l’acoustique). L’étude des potentiels
à la lésion. Elle est surtout nette au cours de la crise évoqués auditifs est indispensable en cas de surdité
vertigineuse. Dans la station debout les yeux fermés, de perception unilatérale pour préciser son caractère
il existe un signe de Romberg vestibulaire caractérisé endocochléaire ou rétrocochléaire. En cas de surdité
par une déviation latérale du corps, lente et progressive, de type rétrocochléaire, une imagerie par résonance
survenant après un temps de latence, avec une tendance magnétique (IRM) avec injection de gadolinium est
à la chute. À la marche, il y a une tendance à la déviation demandée directement à la recherche d’un neurinome
latérale, les pieds se croisant : c’est la marche en ciseau. de l’acoustique.
Si l’on demande au sujet de tendre les bras en avant et de
placer ses index face à ceux de l’opérateur, on constate, 6. Examen vestibulaire instrumental
après fermeture des yeux, une déviation des index dont Il comporte un enregistrement par électro- ou vidéo-
on doit noter le côté. nystagmographie (fig. 2) des nystagmus spontanés et
provoqués et une étude de la réflectivité vestibulaire par
3. Signes otologiques les épreuves rotatoire et calorique. Ces examens recher-
La recherche de symptômes auditifs (surdité et acouphènes chent des éléments topographiques essentiels.
unilatéraux) et l’otoscopie (découverte d’une otorrhée • Les nystagmus spontanés d’origine périphérique
purulente) apportent des éléments en faveur d’une origine sont exagérés dans l’obscurité et lorsque le regard se
périphérique. dirige du côté de la secousse rapide. Au contraire, les
nystagmus spontanés d’origine centrale changent de
4. Signes neurologiques sens avec la direction du regard et sont exagérés dans la
Des signes cérébelleux, des troubles moteurs et sensitifs, lumière et par la fixation oculaire.
une paralysie d’un nerf crânien sont surtout recherchés. • Les nystagmus positionnels d’origine périphérique
sont transitoires et s’accompagnent de violents vertiges.
5. Examen cochléaire instrumental Les nystagmus positionnels d’origine centrale sont
Il donne des arguments topographiques en faveur d’une prolongés et il n’y a pas de vertiges associés. En cas de
atteinte de l’oreille moyenne, de l’oreille interne ou compression dans la fosse postérieure, ils s’accompagnent
d’une lésion rétrocochléaire ou centrale. Il comporte au de malaises et de vomissements en jet.

1848 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

Imagerie
Exemple de nystagmus horizontal L’indication dépend de l’étiologie recherchée. Si l’on
enregistré au cours d’une épreuve cherche une lésion osseuse de l’os temporal (fracture,
otite chronique, processus occupant de l’os temporal,
rotatoire pendulaire
etc.), on demande un examen tomodensitométrique du
rocher. S’il existe des signes neurologiques, un syndrome
vestibulaire central ou une surdité de type rétrocochléaire,
on demande plutôt une imagerie par résonance magné-
tique avec injection de gadolinium. En urgence, si l’on
recherche un hématome cérébelleux et que l’on ne peut
obtenir une imagerie par résonance magnétique, un
examen tomodensitométrique montre l’hématome.
2 L’électronystagmographie utilise le fait que l’œil est un
dipôle et que ses mouvements engendrent des champs Diagnostic différentiel
magnétiques qui peuvent être enregistrés. Il est ainsi possible
de mettre en évidence des nystagmus les yeux fermés ou dans Pour le malade, le vertige est un symptôme difficile à
l’obscurité et de calculer leurs paramètres. La vidéonystag- identifier. La notion d’illusion de déplacement n’est
mographie utilise un système sophistiqué de reconnaissance nette que lorsqu’il s’agit d’illusions rotatoires générées
d’images aux infrarouges pour enregistrer les mouvements par le système des canaux semi-circulaires. Les illusions
oculaires et leurs paramètres. Ces examens peuvent être
remplacés en urgence par une simple vidéonystagmoscopie
engendrées par le système otolithique s’apparentent à un
aux infrarouges qui permet de mieux observer les nystagmus déséquilibre ou à des chutes brutales et n’ont rien de
d’origine vestibulaire. caractéristique. Seul le contexte clinique permet de les
rattacher à l’appareil vestibulaire.
Le diagnostic différentiel est encore compliqué par
le fait que l’anxiété procure des sensations pseudo-
• L’épreuve calorique de Barany teste séparément vertigineuses et qu’à l’inverse les vertiges sont très
chaque labyrinthe postérieur en irriguant successivement anxiogènes. Ainsi, certains patients ont au début une
le tympan avec de l’eau chaude et de l’eau froide à une réelle pathologie vestibulaire qui génère des vertiges.
température de 7 ˚C au-dessus et au-dessous de la tempé- Dans un 2e temps, même si la pathologie a disparu, la
rature du corps. Normalement, sont obtenus pour chaque peur d’avoir un vertige engendre des crises de panique
oreille des nystagmus de sens inverse en fonction de la qui comportent des sensations vertigineuses et font
température de l’irrigation. L’hyporéflexie calorique, croire que le patient n’est pas guéri. De même, l’appré-
voire l’aréflexie, témoigne d’un syndrome destructif ciation d’un résultat thérapeutique est difficile chez ces
vestibulaire unilatéral siégeant au niveau du canal semi- patients car l’angoisse de présenter une nouvelle crise
circulaire latéral ou du nerf vestibulaire, y compris sa entraîne des comportements d’évitement. Par exemple,
portion intra-axiale. le patient n’ose plus sortir de chez lui alors que le
• L’épreuve rotatoire sur un fauteuil selon des accéléra- symptôme n’existe plus.
tions sinusoïdales autour d’un axe vertical, provoque des Pour distinguer le vertige d’une lipothymie, d’un malaise
nystagmus de sens opposé, en fonction du sens de gira- vagal, d’une hypotension orthostatique ou d’une crise de
tion. Une épreuve rotatoire symétrique en cas d’épreuve panique, l’idéal est d’assister à la crise. La découverte
calorique asymétrique témoigne d’une bonne compen- d’un nystagmus spontané ou provoqué identifie le vertige.
sation centrale après une lésion vestibulaire périphé- Si l’on n’assiste pas à la crise, un bon moyen pour
rique. authentifier le vertige est de demander au patient après
• L’étude du réflexe vestibulo-oculaire obtenu lors de les épreuves caloriques d’indiquer si le vertige provoqué
l’épreuve calorique et lors de l’épreuve rotatoire est par cette épreuve est analogue au vertige qu’il a présenté
en faveur d’une lésion cérébelleuse en cas de défaut au cours de la crise.
d’inhibition à la fixation oculaire.
7. Étude des mouvements oculaires
non vestibulaires Diagnostic étiologique
Il s’agit de l’étude de la poursuite oculaire, des Classiquement, on opposait le syndrome périphérique
mouvements saccadés de l’œil et du nystagmus opto- (lésions du labyrinthe ou des voies périphériques) au
cinétique. Ces différents réflexes utilisent des circuits syndrome vestibulaire central (lésions des voies centrales).
encéphaliques dont certaines parties sont communes Le syndrome vestibulaire périphérique est complet
aux réflexes vestibulo-oculaires. Par comparaison, (associant vertiges, nystagmus horizontal rotatoire et
on peut en déduire différents niveaux lésionnels, troubles de l’équilibre) et harmonieux (secousse lente
en particulier des atteintes pédonculaires ou protu- du nystagmus, déviation des index et tendance à la chute
bérantielles. dans le même sens).

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1849


VERTIGE

À l’inverse, le syndrome vestibulaire central est qualifié


d’incomplet (avec vertige faible, déséquilibre important
et nystagmus pur : rotatoire, horizontal ou vertical).
Toutefois, cette classification est souvent prise en défaut
car le syndrome vestibulaire complet et harmonieux est
plus en rapport avec la brutalité et l’étendue de la lésion
qu’avec sa topographie.

Classification
Mieux vaut classer les causes en fonction du caractère et
du type évolutif du vertige. On distingue ainsi trois
types de causes.
• La crise unique est d’apparition brutale, évoluant sur 3 Fracture transversale du rocher (examen tomodensito-
plusieurs jours et régressant progressivement en métrique).
quelques jours à quelques semaines. Elle résulte d’une
lésion brutale parfois réversible récupérant progressive-
ment ou d’une lésion irréversible disparaissant grâce à faciale, surdité de perception brutale et éruption dans la
la compensation centrale. zone de Ramsay Hunt. D’autres virus peuvent être en
• Le vertige paroxystique est un vertige survenant par cause : ourlien, adénovirus, cytomégalovirus, herpès
crises. Les crises résultent d’un dysfonctionnement simple ou simple notion d’épidémie. Les réactions séro-
intermittent de l’appareil vestibulaire. Il en existe 2 variétés. logiques sont peu contributives. Une maladie de Lyme a
La première est constituée de crises continues durant de pu être parfois être incriminée même en l’absence de
20 min à plusieurs heures, séparées par des intervalles neuroborréliose patente. Cliniquement, le diagnostic
sains ou paucisymptomatiques. On parle alors de vertige repose sur l’apparition brutale d’un syndrome vestibulaire
itératif ou récurrent. La deuxième est constituée de vertiges harmonieux typique durant plusieurs jours. Les épreuves
brefs, positionnels ne durant que quelques secondes à caloriques mettent en évidence une aréflexie calorique
quelques minutes du côté opposé au nystagmus spontané. Il n’y a ni symp-
• Les situations vertigineuses chroniques sont faites tômes auditifs, ni signes cérébelleux. La régression des
de manifestations vertigineuses stéréotypées, souvent symptômes se fait soit par la récupération de la fonction
positionnelles, entrecoupées d’accès d’instabilité de vestibulaire soit par compensation centrale. Elle est
durée variable. Elles correspondent à des lésions progres- accélérée par la rééducation vestibulaire et retardée par
sivement destructrices d’un des éléments de l’appareil les thérapeutiques sédatives.
vestibulaire.
4. Thrombose dans le territoire vertébro-basilaire
Crise unique de plusieurs jours • La thrombose peut se situer dans le territoire de
l’artère cérébelleuse postérieure et inférieure (PICA).
Le vertige est continu, « d’une seule tenue », ne laissant Le vertige est très fréquent dans les infarctus cérébelleux.
aucun repos au patient qui doit rester strictement immo- Il existe une ataxie cérébelleuse avec syndrome statique
bile pour éviter d’aggraver le vertige. et cinétique. Les épreuves caloriques sont normales ou
donnent des réponses exagérées. Typiquement, il existe
1. Causes traumatiques à la vidéonystagmographie des anomalies de la poursui-
Le cas le plus fréquent est celui de la fracture transversale te oculaire et des anomalies d’inhibition du réflexe ves-
du rocher où le trait de fracture passe à travers l’oreille tibulo-oculaire par la fixation oculaire. Il faut se méfier
interne, souvent associé à une surdité totale (cophose) et d’une évolution en 2 temps avec constitution d’un
une paralysie faciale (fig. 3). hématome cérébelleux annoncé par des troubles de la
conscience.
2. Otite chronique • La thrombose peut se situer dans le territoire des
Au cours d’une poussée d’otite chronique, le plus souvent branches de l’artère vertébrale. Le syndrome de
cholestéatomateuse, la survenue d’un grand vertige Wallenberg (thrombose de l’artère de la fossette latérale
évoque une labyrinthite infectieuse liée à la propagation du bulbe), avec infarctus de la région latérale du bulbe,
de l’infection au labyrinthe postérieur au travers de la comporte fréquemment un grand vertige avec souvent
membrane de la fenêtre ronde ou par l’intermédiaire aréflexie calorique. D’autres atteintes neurologiques
d’une fistule labyrinthique. coexistent typiquement du côté de l’aréflexie (un syn-
drome cérébelleux, une hémianesthésie de la face avec
3. Névrite du nerf vestibulaire (parfois appelée anesthésie cornéenne, une paralysie vélo-pharyngo-
neuronite vestibulaire) laryngée, un syndrome de Claude Bernard-Horner) ;
Elle peut être d’origine virale dans le cadre d’un zona du côté opposé à l’aréflexie (hémianesthésie thermo-
auriculaire ou d’un syndrome de Sicard avec paralysie algésique dissociée).

1850 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Oto-rhino-laryngologie

• Lors de la thrombose isolée de l’artère auditive interne, • Les déficits visuels se traduisent par une perte de
l’association d’un syndrome vestibulaire harmonieux vision complète ou partielle, en particulier par une
et d’une cophose (surdité totale) est évocatrice d’un hémianopsie bilatérale homonyme.
accident labyrinthique constitué. • Les manifestations fonctionnelles sont une diplopie,
une dysphagie et une dysarthrie.
Vertige itératif ou récurrent 3. Neurinome de l’acoustique
Ce sont des épisodes de vertige continu d’une durée Au début, le neurinome de l’acoustique peut simuler une
comprise entre 20 min et quelques heures sans dépasser maladie de Menière par compression de l’artère labyrin-
24 h. Les périodes entre les crises sont souvent complè- thique. L’étude des potentiels évoqués auditifs montre
tement « silencieuses » ou bien les symptômes y sont une surdité typiquement rétrocochléaire dans le neurinome
mineurs : sensation d’instabilité ou vertiges positionnels et une surdité typiquement endocochléaire dans la maladie
intermittents. de Menière.
1. Maladie de Menière
Vertige paroxystique positionnel
La maladie de Menière (5 % des vertiges) est une maladie
de l’oreille interne de cause inconnue caractérisée par Ce sont des vertiges très brefs qui n’existent pas lorsque
une triade symptomatique, survenant par crises, et une le patient est immobile mais qui apparaissent lorsqu’il
évolution chronique. La triade symptomatique comporte : adopte certaines positions ou éxécute certains mouvements.
un vertige itératif, une surdité unilatérale fluctuante
au début de la maladie et des acouphènes également 1. Vertige positionnel paroxystique bénin
fluctuants du même côté que la surdité. L’évolution s’étale C’est la cause la plus fréquente de vertiges (1 tiers des cas).
sur de nombreuses années et comporte 2 stades successifs : • Description : le plus souvent, il apparaît brutalement
le stade de vertige itératif et le stade chronique. La maladie au cours de la nuit ou au lever. C’est un vertige violent et
de Menière est liée à un hydrops endolymphatique et bref déclenché par le fait de regarder en l’air, de
serait provoquée par un défaut de réabsorption de l’endo- s’allonger sur le côté ou de se retourner dans son lit. Il
lymphe au niveau du sac endolymphatique. est possible de le reproduire par la manœuvre de Hallpike
Les crises sont spectaculaires, elles sont annoncées par (v. supra) : le vertige apparaît après un temps de latence
une sensation de plénitude dans une oreille, avec un (2 à 15 s après que la position tête pendante est atteinte).
ronflement grave souvent comparé au bruit de la mer dans Simultanément, apparaît un nystagmus rotatoire roulant
un coquillage. Une baisse de l’audition survient, avec par- énergiquement vers le côté déclive. Si l’on maintient la
fois quelques otalgies. En quelques heures, le vertige se position, vertige et nystagmus se calment en 20 s et se
déclenche, de type giratoire, accompagné d’importants reproduisent lorsque le patient se relève. Le nystagmus
troubles de l’équilibre. Il s’accompagne de signes neuro- bat alors en sens inverse de la première fois. Si l’on
végétatifs. Le patient garde sa conscience pendant toute la répète la manœuvre au complet, vertige et nystagmus se
durée de la crise. Ensuite, il reste en proie à un malaise et à reproduisent, mais moins fort (fatigue). Lorsque vertiges
une angoisse pouvant durer plusieurs jours. Il n’y a aucun et nystagmus provoqués ont tous ces caractères, aucun
signe neurologique. L’examen montre un nystagmus examen supplémentaire n’est nécessaire.
horizontal rotatoire dont le sens varie au cours de la crise. • Étiopathogénie : le vertige positionnel paroxystique
Le stade chronique est rencontré après plusieurs années bénin serait lié à une canalolithiase. Après une lésion de
d’évolution. Les crises vertigineuses font la place à des l’oreille interne entraînant un essaimage d’otolithes, un
sensations de bascule, de flottement ou encore des accès dépôt lithiasique se constitue dans le canal postérieur.
de pseudo-ébriété, tandis que la surdité devient perma- Un vertige apparaît alors chaque fois que le patient
nente, s’accentue et que les acouphènes se pérennisent. effectue un mouvement dans le plan du canal postérieur.
Le temps de latence nécessaire à son apparition rend
2. Accidents ischémiques transitoires compte de l’inertie de la masse amorphe qui se déplace
La durée d’un accident ischémique transitoire (AIT) dans le labyrinthe. De nombreuses maladies de l’oreille
dans le territoire vertébro-basilaire est courte : 2 à 15 min, interne sont susceptibles de provoquer un vertige posi-
toujours moins de 24 h. Un tel vertige itératif ne peut tionnel paroxystique en provoquant une dégénérescence
donner lieu à un diagnostic d’accident ischémique tran- des otolithes. Les plus fréquentes sont les causes virales,
sitoire que s’il est associé à des symptômes ou des ischémiques ou dégénératives. Les traumatismes crâniens
signes neurologiques évoluant parallèlement à la crise. sont à l’origine des formes les plus rebelles. Le vertige
• Des déficits moteurs apparaissent dans un ou plusieurs positionnel paroxystique peut survenir au cours de
membres. Ils sont variables d’un épisode à l’autre dans l’évolution d’une otite chronique et de l’otospongiose.
le côté atteint ou dans la gravité : de la simple perte des • Évolution : la régression spontanée se fait en 1 à
mouvements volontaires d’un membre à la quadriplégie. 3 semaines par dispersion et réabsorption de la lithiase au
• Les déficits sensitifs se traduisent par des fourmille- niveau du sac du canal endolymphatique. On peut hâter
ments, des engourdissements dans une hémiface, dans cette guérison par la manœuvre libératoire de Semont qui
un membre ou dans un hémicorps. consiste à propulser le patient en sens inverse de la

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VERTIGE

manœuvre provocatrice, pour tenter de décoller la cupulo- ressemblent plutôt à des troubles de l’équilibre intermittents
lithiase de la cupule ou de faire sortir la lithiase du canal qu’à des vertiges proprement dits.
semi-circulaire postérieur. Les récidives sont fréquentes.
2. Fistules périlymphatiques
2. Vertiges de position d’origine centrale Après une blessure par coton-tige, un traumatisme crânien
Il sont provoqués par certaines lésions neurologiques : ou un accident de plongée, une fracture de l’étrier ou
tumeur du vermis, du plancher du 4e ventricule, com- une rupture de la fenêtre ronde, qui laissent sourdre la
pression au niveau de la charnière cervico-occipitale périlymphe par intermittence, peut survenir. Cette lésion
lorsque le patient prend certaines positions. À la est responsable d’une surdité de perception fluctuante et
manœuvre de Dix et Hallpike, on déclenche alors un de manifestations vertigineuses plus ou moins typiques
malaise et un nystagmus qui n’ont pas les caractères pouvant durer des mois. Ces symptômes sont souvent
typiques du vertige positionnel paroxystique bénin : confondus avec ceux du syndrome post-commotionnel.
aucun temps de latence, durée de plusieurs minutes, Le diagnostic ne peut être fait que par l’exploration chi-
faible vertige concomitant, vomissements en jet, etc. rurgicale. Elle met en évidence la fracture de la platine
de l’étrier.
3. Vertiges d’origine cervicale
Ils ne sont pas liés à l’arthrose mais à des malformations 3. Fistules labyrinthiques
de la charnière cervico-occipitale (impressions basi- Le labyrinthe osseux peut être érodé par tous les processus
laires) qui peuvent s’accompagner d’une malformation occupant le rocher. La cause la plus fréquente est l’érosion
d’Arnold-Chiari. La présence d’un nystagmus provoqué progressive du canal semi-circulaire latéral par un choles-
de type vertical inférieur est caractéristique. Le port téatome. Le patient éprouve alors des sensations verti-
prolongé d’une minerve ou des contractures cervicales gineuses intermittentes pendant des mois. Le diagnostic
peuvent aussi donner des sensations vertigineuses. repose sur la mise en évidence d’un nystagmus et d’un
vertige déclenché par la pression digitale sur le tragus
obturant le conduit auditif externe (signe de la fistule).
Situations vertigineuses chroniques
4. Maladies neurologiques
Elles correspondent à une lente dégradation de la fonction
vestibulaire, souvent associée à une dégradation progressive Il s’agit le plus souvent de lésions du tronc cérébral
ipsilatérale de la fonction cochléaire. Une surdité de per- (sclérose en plaques, syringobulbie, tumeurs intra-axiales)
ception se développe progressivement tandis que s’ins- ou comprimant le tronc cérébral (lésions vasculaires), etc.
talle une hyporéflexie calorique ipsilatérale. Deux causes On trouve des signes neurologiques en rapport avec ces
peuvent être reconnues : le neurinome de l’acoustique et affections car les vertiges y sont exceptionnellement isolés.
les fistules périlymphatiques. L’otite chronique et les 5. Causes inconnues
tumeurs du rocher sont habituellement détectées par
l’otoscopie. Souvent, la cause exacte reste inconnue. Parfois, on assiste à la destruction progressive de la
fonction cochléo-vestibulaire sans qu’aucune cause ne
1. Neurinome de l’acoustique soit découverte, y compris à l’imagerie par résonance
Dans sa forme habituelle, le neurinome de l’acoustique magnétique. On invoque alors la responsabilité d’une
donne peu de symptômes vestibulaires. Pourtant, il est boucle vasculaire développée à partir de l’artère cérébel-
pratiquement constant de découvrir une aréflexie calorique leuse antéro-inférieure et située dans le conduit auditif
ipsilatérale, même au début. En effet, la compensation où elle comprimerait le pédicule acoustique.
centrale s’effectue au fur et à mesure de la lente destruction
du nerf vestibulaire (fig. 4). Les manifestations présentées Situations inclassables
De nombreux vertiges ne rentrent pas dans les entités
précédentes et sont difficiles à définir car ils constituent
un mélange de vertiges positionnels, de crises d’instabilité
et de crises giratoires.
1. Exploration instrumentale cochléo-vestibulaire
• Une surdité de transmission ou une surdité mixte
apparaît au bilan audiométrique. Une otospongiose, un
cholestéatome, une dysplasie de l’os temporal (maladie
de Paget), une tumeur de l’os temporal, etc. peuvent être
en cause. Un examen tomodensitométrique de l’os tem-
poral en fenêtre osseuse est demandé.
• Une surdité de perception unilatérale apparaît au
bilan audiométrique. Si les potentiels évoqués auditifs
4 Neurinome de l’acoustique (imagerie par résonance orientent vers une surdité de perception de type rétro-
magnétique avec injection de gadolinium). cochléaire, une imagerie par résonance magnétique avec

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Oto-rhino-laryngologie

injection de gadolinium doit être réalisée à la recherche POUR APPROFONDIR


d’une tumeur de la fosse postérieure et en particulier
d’un neurinome de l’acoustique. La découverte d’une
aréflexie calorique unilatérale développée à bas bruit 1 / Appareil vestibulaire
renforce cette hypothèse.
Le rôle de l’appareil vestibulaire est d’enregistrer les mouvements et
• La mise en évidence de signes centraux à la nystagmo- les positions de la tête.
graphie peut amener à réaliser une imagerie par résonance
Il comprend les éléments suivants.
magnétique à la recherche d’anomalies de la charnière
cervico-occipitale d’origine congénitale, de lésions du • Les capteurs périphériques sont des canaux semi-circulaires
sensibles aux accélérations angulaires et les macules otolithiques sont
tronc cérébral et cérébelleuses diverses (hémangiomes sensibles aux accélérations linéaires dont la « gravité ».
caverneux, atrophie, sclérose en plaques, etc.).
• Les voies périphériques sont constituées par le nerf vestibulaire
2. Affections générales (VIII) se terminant dans les noyaux vestibulaires.
• Les noyaux vestibulaires (plancher du 4e ventricule) n’appartiennent
• Les effets secondaires de certains médicaments pas exclusivement à l’appareil vestibulaire car ils reçoivent également
peuvent être en cause : anti-inflammatoires non stéroïdiens, des informations visuelles et proprioceptives soit directement, soit
anti-angoreux, barbituriques, antiépileptiques, anti- par l’intermédiaire du cervelet.
parkinsoniens, tranquillisants (souvent en décompensant • Les voies vestibulaires centrales sont constituées par les connexions
un syndrome vestibulaire jusque-là compensé). des noyaux vestibulaires avec :
• Les causes hématologiques et endocriniennes doivent – les noyaux oculomoteurs et le noyau du XI moteur par le faisceau
être recherchées telles que l’anémie, la polyglobulie du longitudinal médian (FLM ou faisceau vestibulo-oculo-céphalogyre) ;
patient alcoolo-tabagique, la maladie de Waldenström, – les cornes antérieures de la moelle épinière par le faisceau vestibulo-
spinal ;
le syndrome prémenstruel, la ménopause, l’hypothyroïdie. – le cortex cérébral par l’intermédiaire de relais thalamiques pour les
• L’insuffisance vertébro-basilaire posturale est un impressions conscientes ;
diagnostic incertain proposé chez des patients ayant des – le cortex cérébelleux pour les impressions inconscientes. Il existe
antécédents vasculaires. d’abord une projection vers l’archéo-cervelet puis un retour vers le
• La sénescence est suspectée lorsqu’existent des déficits noyau vestibulaire après contrôle et coordination.
sensoriels multiples.
• Le vertige « orphelin » est caractérisée par une 2 / Lésions intéressant l’organe vestibulaire
absence de cause et le patient doit rester sous surveil- périphérique
lance audiométrique et neurologique en attendant que
l’on puisse attribuer une paternité à son symptôme s’il • Les canalolithiases sont des concrétions provenant probablement
y a récidive. ■ d’otolithes dégénérés, formant des amas dans les canaux semi-circu-
laires mobiles avec les mouvements de la tête.
• L’hydrops labyrinthique est un trouble de la régulation du volume
de l’endolymphe contenue dans le labyrinthe membraneux le plus
Points Forts à retenir souvent d’origine inconnue (maladie de Menière).
• Les labyrinthites infectieuses peuvent être d’origine bactérienne
• La crise vertigineuse est un instant privilégié (secondaire à une otite chronique cholestéatomateuse) ou virale
où l’on peut recueillir des signes vestibulaires (oreillons).
(nystagmus) ou des signes neurologiques • Les fistules périlymphatiques sont le plus souvent d’origine
(en faveur d’un accident ischémique transitoire) traumatique. La fuite de périlymphe dans l’oreille moyenne se fait par
qui disparaissent par la suite. l’intermédiaire d’une fracture de la platine de l’étrier ou par une
• Le diagnostic repose sur l’interrogatoire rupture de la fenêtre ronde.
pour déterminer le type du vertige et son aspect • Les fistules labyrinthiques correspondent à l’érosion de la capsule
évolutif. labyrinthique au cours de l’otite chronique cholestéatomateuse.
• L’otoscopie et l’audiométrie sont indispensables • Les accidents vasculaires labyrinthiques constitués : la thrombose
pour le diagnostic étiologique des vertiges. peut siéger dans l’artère labyrinthique ou l’une de ses branches (artère
cochléaire propre, artère vestibulaire antérieure ou artère vestibulo-
• La maladie de Menière n’est pas caractéristique cochléaire).
par son vertige mais par l’association
• L’otospongiose est une dystrophie osseuse de la capsule de
à des symptômes auditifs. l’oreille interne caractérisée par une surdité de transmission.
• Le diagnostic du vertige positionnel paroxystique
• Lors des atteintes ototoxiques liées aux aminosides, les vertiges
bénin est clinique : vertige et nystagmus sont rares car l’atteinte vestibulaire est bilatérale et symétrique. La
caractéristique obtenu par la manœuvre de Dix symptomatologie est marquée par une instabilité dans l’obscurité.
et Hallpike.
• Le vertige peut être le premier symptôme
d’une affection de la fosse postérieure. POUR EN SAVOIR PLUS
• Dans de nombreux cas, la cause du vertige
reste inconnue. Vertiges. Rev Prat 1994 ; 3.

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