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Christophe Dejours
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CHRISTOPHE DEJOURS
«
S I[…] NOUS ABORDONS PAR LE CÔTÉ BIOLOGIQUE l’examen de la
vie d’âme, la pulsion nous apparaît comme un concept-frontière
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qu’il s’agit, elle ne serait pas entre deux territoires ni entre deux
substances – l’âme et le corps – mais entre deux concepts : l’animique
et le somatique.
Pourtant la pulsion n’est pas qu’un concept. Elle est aussi un être :
« représentant » psychique. « La pulsion nous apparaît comme […]
représentant psychique des stimuli issus de l’intérieur du corps et parve-
nant à l’âme2. » Ici Freud utilise bien les termes corps et âme, et le
représentant psychique a même statut ontologique que ces deux derniers.
La pulsion, de surcroît, est un être psychique et non physique, chargé
de représenter dans l’âme ce qui, du corps, est capable d’arriver jusqu’à
elle. « La pulsion nous apparaît […] comme une mesure de l’exigence
de travail qui est imposée à l’animique par suite de sa corrélation avec
le corporel3. » Le dernier terme, travail4, est finalement celui qui reste
le plus étonnant dans cette définition donnée par Freud et aussi celui qui
est le moins commenté.
Comment faut-il entendre l’introduction de l’action sans doute la
plus réglée et maîtrisée qui soit – le travail – au cœur même de ce qui
est le plus grand générateur de désordre dans la vie d’âme : la pulsion ?
La contradiction entre les deux termes est flagrante. Cette définition, à
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2. Ibid., p. 169.
3. Ibid., p. 169.
4. L’apparition du terme de « mesure » (Mass) est un peu insolite. Un peu plus loin, Freud
précise: « La somme de force ou la mesure d’exigence de travail […] », ce qui suggère que
« mesure » puisse être entendue comme « quantité » (moins mesurable qu’incommensu-
rable, à la vérité, d’où l’effet étrange produit par l’apparition du terme dans ce contexte).
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8. Ibid., p. 170.
9. S. Freud (1905), Drei Abhandlungen zur Sexualtheorie, traduction dirigée par
J. Laplanche, in OCF, Puf, IV, pp. 59-181.
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Christophe Dejours