Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
2003/4 no 32 | pages 5 à 8
ISSN 1266-5371
ISBN 2847950222
DOI 10.3917/cpsy.032.0005
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-champ-psychosomatique-2003-4-page-5.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
© L?Esprit du temps | Téléchargé le 18/01/2023 sur www.cairn.info (IP: 177.98.242.69)
C
omment survivre ? Comment rester vivant ? Comment
rester vivant devant le gouffre qu’a ouvert la dispari-
tion de l’autre ou la terreur de l’angoisse de mort ?
Telle est la question que peut se poser tout homme face à la
mort, face au mort, face à sa propre mort ? Les hommes ont
sans cesse cherché des stratégies pour vivre avec les morts,
vivre avec la perte et non dans la perte. Les civilisations
comme les individus créent des formes de survivance pour
lutter contre l’angoisse de séparation et l’angoisse de mort : ils
transforment le sens même de la vie en concevant la transmis-
sion aux vivants de ce qui leur vient des morts et en se repré-
sentant une vie après la mort.
1. L.V. THOMAS, Vincent Thomas 1 rapporte que dans les sociétés tradition-
Anthropologie de la
mort, Paris : Payot, 1975.
nelles, dites primitives, la mort ne suscite pas de sentiment
d’absence ni même d’« irremplacement » ; le circuit n’est pas
interrompu. Ainsi, dans certaines sociétés africaines il est
possible d’adopter le criminel qui prend alors la place de sa
victime ; dans d’autres sociétés, les systèmes de lévirat (la
veuve devient la femme du frère du mort) ou de sororat (la
morte est remplacée par sa sœur auprès du veuf), la réincarna-
tion, le rôle de la famille élargie s’inscrivent dans une sociali-
sation, une fonctionnalité du deuil, une institutionnalisation
même. Si la mort est rupture et renvoie aux terreurs primitives
de l’inconscient, face au surgissement de l’angoisse, la
communauté a pour fonction de régler, de ritualiser, afin de
donner des contours à l’informe qu’est la mort. La rupture, la
discontinuité générée par l’événement traumatique envahit
autant l’espace social que l’espace psychique et ce que
l’anthropologue invite à penser est le tressage nécessaire de
l’espace psychique et de l’espace social.