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2012-2013

CERCLE LYRIQUE
DE METZ

L'Elisir d'Amore
L'Elixir d'Amour
de Gaetano DONIZETTI

N° 207 Par Yonel BULDRINI


Portrait de Gaetano Donizetti, 31 ans, à l'époque de « L'Elisir d'Amore ».
L’Elisir d’Amore
L'Elixir d'Amour
de Gaetano DONIZETTI

par
Yonel BULDRINI

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SOMMAIRE

Introduction : asti spumante ! page 5


L'incroyable « Distillerie Donizetti » page 7
Comment fut...distillé « L’Elisir d’Amore » ? page 12
Quel est le secret du Dottor Donizetti ? page 17
D'un breuvage à l'autre : « Le Philtre » de Scribe-Auber
et « L'Elisir » de Romani- Donizetti page 17
Un élixir qui se distille et se déguste goutte à goutte :
son histoire et sa musique page 20
Insolite : l'interminable aigu final de « L'Elisir » de
Metz 2000 ! page 37
Dilemme : la nouvelle Scena e Aria di Adina ou les
exécutions actuelles, iraient-elles contre la volonté du
compositeur ? page 38
À part entière : une autre variante pour l'air d'Adina... page 39
Les incontournables de la discographie page 40
Les artistes de la distribution page 43
La conférence de Danielle Pister page 46
Les actualités du CLM page 47
Focus : concert de Sophie Koch page 48
L'élixir d’amour de Gaetano Donizetti : livret de
Felice Romani page 49

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L'expression inspirée du maître de Bergame, dont la statue orne les jardins du
Teatro Donizetti de la ville lombarde.

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EN GUISE D’INTRODUCTION
Asti spumante !

Champagne et asti spumante !


Si la musique des opéras bouffes de Rossini peut être comparée à du
champagne sec et pétillant, celle de Donizetti est délicieusement semblable
à ce célèbre vin mousseux du Piémont, tenant son nom de la ville d’Asti, et
dont le goût de raisin prononcé ravit le palais... et donc tout à fait digne de
constituer un élixir d’amour ! Alors, Maestro Donizetti, quels sont vos
secrets de distillation ?...

« (È Bordò, non elisir.) »


Aveu du sympathique docteur-charlatan,
révélant, à part, la composition de son pré.

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L’INCROYABLE « DISTILLERIE
DONIZETTI »
Distillerie n’est pas un mot trop fort si l’on connaît l’extraordinaire capa-
cité de création de Donizetti, qui, non seulement, produisait beaucoup mais
conservait une qualité d’inspiration incroyable dans la mélodie. Ainsi, avec
L’Elisir d’Amore il en arrive à son... quarantième opéra ! (sur les soixante-
dix qu’il composa) et il a à peine trente-quatre ans ! Comment arrive-t-on
à un tel chiffre ?... à une telle capacité de composition lui permettant de
livrer plusieurs opéras en l’espace d’une année, et pouvant arriver à la
somme de quatre ! Prenons un exemple : l’année 1827, il va réussir le tour
de force de donner à la scène italienne quatre opéras fortunés au point
d’entrer immédiatement dans le répertoire et d’être montés un peu partout
dans la Péninsule et même ailleurs :
Le 7 janvier : Olivo e Pasquale, charmant opéra bouffe montrant les
caractères opposés de deux frères tenant commerce, l’un étant aussi bon et
posé, que l’autre est coléreux et autoritaire.
Le 13 mai : Otto Mesi in due ore (Huit mois en deux heures) - opéra
sérieux, au titre original jouant sur fiction et réalité, puisque l’histoire narre
le long voyage de « huit mois », réalisé en « deux heures » d’exécution de
l’opéra, par la jeune héroïne venue de Sibérie implorer le tzar, afin de
réviser la condamnation de son père injustement accusé.
Le 19 août : Il Borgomastro di Saardam montre avec un piquant humour
(paraissant aussi dans la musique) le tzar Pierre Ier, travaillant incognito en
tant qu’ouvrier de chantier naval, quand survient le soupçonneux bourg-
mestre de la ville hollandaise aujourd’hui nommée Zaandam, personnage
gonflé de son importance mais plus magnanime qu’il n’y paraît.
Le 21 novembre, la farce Le Convenienze e le inconvenienze teatrali, décri-
vant avec ironie ce qui « convenait » ou non, aux interprètes du monde de
l’opéra de l’époque. On donne l’oeuvre aujourd’hui encore, et souvent sous
le titre abusif de Viva la mamma, plus convenant (!) et s’appuyant sur
l’irrésistible trouvaille donizettienne : l’exigente et irascible mère de la
prétentieuse prima donna, est un rôle conçu pour un baryton en travesti (!)
venant réclamer aux compositeur et librettiste, les convenances pour
madame sa fille, se querellant avec les chanteurs...
Ces quatre opéras s’inscrivent donc au répertoire et "tournent", selon le
terme que l’on emploie de nos jours, s’ajoutant à un beau succès antérieur,

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L’Ajo nell’imbarazzo (1824), amusante description de l’embarras du
Précepteur du titre, qui tente de cacher au digne marquis qui l’emploie, les
frasques de ses fils... Il faut savoir que cet opéra, pourtant de jeunesse,
porte tout de même le nom du compositeur à Vienne, Dresde, Barcelone et
à Rio de Janeiro... et plus tard, alors que bien d’autres chefs-d’œuvre
seraient disponibles, c’est L’Ajo nell’imbarazzo que montent Lisbonne,
Nice, Berlin, Corfou, Copenhague, Constantinople et Londres.

Concurrence et prolixité

Ce succès s’explique par la qualité de la musique, car la prolixité ne suffit


pas à faire représenter une œuvre, et l’on est loin d’imaginer aujourd’hui le
nombre de concurrents existant à l’époque romantique, et l’incroyable
production-consommation d’opéras dont se repaissait cet âge d’or. Il fallait
en effet compter avec la concurrence virtuelle de Rossini, qui ne livrait plus
de nouvel opéra, mais dont il fallait suivre le style pétillant et novateur si
l’on voulait être reconnu. Concurrents véritables, ceux-là, étaient des com-
positeurs reconnus et actifs comme Nicola Vaccai, Carlo Coccia, Valentino
Fioravanti, Stefano Pavesi, Pietro Raimondi... et, vraiment contemporains
de Donizetti, les astres naissants de Saverio Mercadante, Giovanni Pacini
et Vincenzo Bellini qui allaient impérieusement occuper les affiches des
théâtres en ces années 1830.
Cela peut paraître incroyable, mais le succès est tel, pour les trois opéras
donnés par Donizetti en 1828, qu’ils ont tôt fait d’entrer au répertoire...
tous les trois. Dans L’Esule di Roma, un soldat romain est exilé à cause du
témoignage mensonger d’un perfide sénateur qui, repenti, devient fou de
douleur. La charmante Alina regina di Golconda, oscillant entre bouffe et
semiserio1, dérive du délicieux conte d’un écrivain nancéien estimé de
Voltaire, le Chevalier de Boufflers. Enfin, le sympathique Gianni da
Calais, complètement semiserio celui-là, et représentant aujourd’hui l’un
des rares opéras de jeunesse de Donizetti encore non redécouverts à notre
époque.
L’inspiration lui dicte alors plus d’opéras sérieux, et la curieuse phrase
d’une lettre écrite par le compositeur nous montre le sévère recul concer-
nant sa production. En effet, précisément en cette année 1829, il donne
deux opéras sérieux (encadrant le bouffe et aimable Il Giovedì grasso, célé-
brant le carnaval), Il Paria et Elisabetta al castello di Kenilworth. Le

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Genre d’opéra vraiment particulier, avec ses trois caractéristiques immuables : une intrigue sérieuse, un personna-
ge bouffe et une fin heureuse. Les plus connus aujourd’hui encore, parmi les opéras relevant de ce genre, sont La
Gazza ladra et Matilde di Shabran de Rossini et Il Furioso all’isola di San Domingo et Linda di Chamounix de
Donizetti, tous quatre fort intéressants et offrant des beautés étonnantes et passionnantes à découvrir.
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connaisseur qui, pourtant, trouve tout à fait aimable la musique de ce
dernier opéra (aujourd’hui repris et disponible en enregistrement) lit avec
stupeur, de la main de Donizetti lui-même, se confiant à son professeur
affectionné Simone Mayr : « (Entre nous). Je ne donnerais pas un morceau
du Paria pour tout le Castello di Kenilworth ».
Nous nous sommes immergés dans la continuité de composition de
Donizetti afin d’aborder le tournant le plus fameux de sa carrière, qui sur-
vint précisément peu avant L’Elisir d’Amore qui nous occupe présente-
ment. Et ce tournant spectaculaire est un chef-d’œuvre d’opéra roman-
tique, Anna Bolena créée à Milan le 26 décembre 1830, lors de la même
saison qui verra éclore, le 6 mars suivant, un autre chef-d’œuvre, La
Sonnambula de Vincenzo Bellini ! Que s’est-il passé ? La maturation
peut-elle survenir aussi brusquement ?... Oui et non en fait. Non, car elle
est évidemment le fruit d’un processus étalé dans le temps... mais on peut
répondre également oui ! pour cette curieuse année 1830.

L’évolution vers l’opéra sérieux et romantique

Il se passe déjà quelque chose dans l’opéra qui suit Elisabetta al castello
di Kenilworth... pourtant une farce. Si l’on considère en effet I Pazzi per
progetto, l’opéra créé au début de la fatidique année 1830 que termine
Anna Bolena, on découvre combien les « fous à dessein » du titre, se voient
dotés d’une musique plus “sucrée” et moins scintillante à la Rossini, que
Il Giovedì grasso, par exemple, et s’approchant de cette couleur sentimen-
tale si particulière aux opéras bouffes de la maturité de Donizetti, L’Elisir
d’Amore compris. Quant au premier opéra sérieux à survenir ensuite, le 28
du même mois de février 1830, il s’éloigne des mélodies immédiatement
plaisantes à l’oreille du style Castello di Kenilworth. Il Diluvio universale
est en effet impressionnant par la profondeur d’une musique, certes tou-
jours rêveuse et romantique, mais également magistrale de noblesse et
franchement émouvante. Le personnage principal de Noé y est pour
quelque chose et il faut connaître son aria finale du deuxième acte avec,
première partie de l’aria, une cavatine-prière, suivie d’une cabalette-
malédiction menaçant les infidèles du Déluge qui ne se fera d’ailleurs pas
trop attendre, terminant l’opéra par un morceau symphonique (faute de
personnages !) vraiment saisissant.
Le 23 août 1830, Imelda de’ Lambertazzi nous surprend également, par une
étonnante sobriété dans l’écriture vocale, moins ornée que par le passé, et
un sens du drame surprenant, avec un finale donnant le frisson. On y voit
une jeune fille amoureuse d’un ennemi des siens, suçant la plaie que son

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frère inflige au jeune homme ; elle ne le sauve pas et meurt, implorant le
pardon de son père en une saisissante cabalette lente, sans ornementation
et sans da capo (fait complètement inhabituel à l’époque). Une maturité
donc sensible mais qui éclate pourtant d’un seul coup car Anna Bolena
comporte une spontanéité d’inspiration, une séduction immédiate dans la
mélodie, dont était dépourvue la pourtant valide Imelda de’ Lambertazzi.

Un retour vers l’esprit bouffe à mi-carrière ?...

Donizetti se trouve ici à la moitié de sa carrière, car Anna Bolena est le


trente-quatrième de ses soixante-dix opéras ! L’après Anna Bolena confir-
me les choses de manière spectaculaire car les trois opéras d’esprit bouffe
qui suivent sont délicieusement empreints de cette sentimentalité, voire de
cette touche de mélancolie romantique faisant le charme de L’Elisir
d’Amore ! Ainsi deux charmants opéras en un acte, Francesca di Foix,
narrant le tour joué par les courtisans de François Ier au comte de Foix qui
garde jalousement son épouse cachée de tous, en racontant qu’elle est
contrefaite et affligée de défauts terribles. Ensuite La Romanziera e
l’Uomo Nero au titre qui nous intrigue, et qui mérite qu’on s’y arrête, car
cette romancière du titre n’écrit pas, mais dévore les romans et se nourrit
des clichés mis à la mode par le Romantisme : sombres forêts, paysages
de brume, ciels tourmentés... et rêve d’un mystérieux homme noir, amant
idéal autant qu’irréel... Ineffable opéra, car en opérant la critique de la
thématique romantique -dans laquelle il se trouve plongé jusqu’au cou !-
Donizetti compose une musique on ne peut plus sentimentale et délicieuse
au possible, se caricaturant lui-même ! Ensuite c’est le gracieux et char-
mant Gianni di Parigi, composé sans commande précise mais en l’honneur
du grand ténor Giovanni Battista Rubini.
Quant à l’année 1832 de L’Elisir, elle commence par la belle Fausta qui va
tant inspirer Donizetti qu’il composera des morceaux nouveaux pratique-
ment pour chaque reprise de cette Phèdre romaine s’empoisonnant pour
expier son crime d’avoir accusé et fait exécuter son beau-fils qui la repous-
sait. Le 13 mars, la Scala accueille froidement le pourtant valeureux Ugo
conte di Parigi, massacré par les modifications exigées de la censure, à un
point tel que le célèbre librettiste Felice Romani (auteur de Anna Bolena,
La Sonnambula, Norma et L’Elisir) refuse de voir son nom figurer ! Une
œuvre intéressante que ce Comte de Paris, montrant un Hugues Capet bien
caractérisé sans même avoir un air de soliste. Mais ce tour de force avait
déjà été réussi par Donizetti dans Anna Bolena car le personnage central du
roi Enrico Ottavo n’avait pas non plus d’"air à lui" !

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Le 12 mai 1832 un succès étourdissant accueille le nouveau chef-d’œuvre
et premier chef-d’œuvre bouffe de Donizetti, intitulé L’Elisir d’Amore.
L’année s’achève sur le succès napolitain de Sancia di Castiglia. Et voilà
la réputation de Donizetti bien établie et cimentée encore par des chefs-
d’œuvre où la mélodie touchante va régner, et régner sur toute place dans
le monde où l’on donne de l’opéra. Ainsi la douce Parisina -dont Donizetti
s’enorgueillissait d’avoir, avec elle, fait pleurer les spectatrices !- Parisina,
l’opéra préféré du compositeur, connaîtra un vertigineux envol pour
Madrid, Lisbonne, La Havane, Londres, Dresde, Vienne, Berlin, Lima,
Mexico, Budapest, Rio de Janeiro, New-York et Buenos Aires... ajoutera la
conquête des nouvelles terres donizettiennes de Palma de Majorque,
Odessa, Budapest, Lima, et sera le premier opéra du compositeur représen-
té aux Etats-Unis !
Il faudrait parler des autres œuvres passionnantes, rien que de cette fabu-
leuse année 1833, ouverte par ce curieux opéra semiserio qu’est Il Furioso
all’isola di San Domingo, dans laquelle le baryton, devenu fou de douleur
après avoir été abandonné par son épouse, erre dans l’île du titre, prenant
comme souffre-douleur un pauvre garçon de ferme noir ! Juste après
Parisina, Torquato Tasso est dédié au grand poète italien de la Jérusalem
délivrée qui, devenu baryton, chante son délire dans un air final occupant
quasiment le troisième acte.
... Nous ne pouvons ici examiner tous les joyaux qui brillent à la couronne
de l’illustre fils de Bergame, mais seulement retrouver, peut-être, quelques
titres maintenus ou revenus au répertoire comme l’envoûtante Lucrezia
Borgia terminant cette année1833, la poignante Maria Stuarda (1834),
Lucia di Lammermoor (1835) fameuse entre toutes, le dramatique Roberto
Devereux (1837), le sublime Poliuto (1838), La Fille du régiment et La
Favorite (1840), Linda di Chamounix et Caterina Cornaro (1842), Don
Pasquale et la captivante Maria di Rohan...

Quatre opéras de Donizetti simultanément joués à Paris !

La disparition de celui qui promettait tant, Vincenzo Bellini, le silence de


celui qui reste mais (ô destinée !) ne compose plus, Gioachino Rossini,
laissent la place libre à Donizetti, dont l’Art et le grand cœur magnanime
le font aimer du public. L’enthousiasme réservé à ses opéras est tel, que
sont allégrement dépassés même les plus estimés de ses concurrents,
Giovanni Pacini et Saverio Mercadante. Il est alors le compositeur
d’opéra le plus joué au monde ! Titre qui durera malgré l’éclosion, de cet
astre naissant en 1842 avec un certain Nabucodonosor dont l’immense

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popularité abgrégerait bientôt affectueusement le titre en Nabucco...
1830-1846 : treize années qui verront fleurir trente-six opéras, parmi les-
quels ses plus beaux chefs-d’œuvre. Les honneurs, avec des présents
somptueux et des distinctions offerts par des têtes couronnées d’Europe,
pleuvent sur Donizetti, mais les honneurs ne tournent pas la tête au com-
positeur qui, bien que romantique, conserve toujours un recul ironique sur
la vie et sur lui-même. Enfin, la reconnaissance maximale à Vienne, en tant
que « Hofkapellmeister » (Directeur de la Musique de la Cour) estimé par
l’empereur, qui revient avec sa cour expressément de la campagne pour
assister à ses opéras ! Les tracas des intrigues à l’Opéra de Paris, de la
mesquinerie des journaux et de la jalousie des compositeurs français, car il
arrive que quatre théâtres parisiens donnent, en même temps un opéra de
lui ! Enfin, épuisé par une composition sans relâche, qui lui rendait la vie
supportable après les disparitions prématurées de ses enfants et de son
épouse bien-aimée, la folie -inspiratrice de tant de ses opéras- s’insinue peu
à peu en lui ! On l’enferme par tromperie dans la clinique fameuse du
docteur Blanche, il s’en rend compte, ne comprend pas, et laisse des
lettres suppliantes à ses amis de la noblesse parisienne. La Préfecture de
Police de Paris refuse de le laisser partir pour sa chère Bergame, où tout est
pourtant préparé par une famille noble qui se propose de l’accueillir dans
sa demeure. Frôlant l’incident diplomatique, il faudra l’intervention de
l’ambassadeur d’Autriche à Paris, se faisant l’interprète de l’Empereur,
pour que les jalouses autorités françaises laissent enfin repartir celui qui
enchanta le monde, monde qui ne semblait plus exister pour lui... un éclair,
paraît-il, semblait passer dans ses yeux quand la fille de la noble famille
bergamasque jouait l’une de ses mélodies...

COMMENT FUT... DISTILLÉ


« L’ELISIR D’AMORE » ?
Autour de la création

A l’image de Rome, Venise ou Naples, Milan possédait plusieurs théâtres,


gérés par une direction différente. Le Teatro alla Scala, commençait à
acquérir un certain prestige mais, il faut le savoir, qui ne dépassait pas la
notoriété du Teatro San Carlo de Naples, ou du Gran Teatro La Fenice de
Venise. A Milan, les deux autres théâtres importants étaient le Teatro
Carcano, qui verra les créations majeures de Anna Bolena de Donizetti et

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de La Sonnambula de
Bellini, et le Teatro
della Canobbiana, ainsi
nommé car édifié sur
l’emplacement autrefois
occupé par les « Scuole
Canobbiane », écoles
fondées par Paolo da
Canobbio. Conçu par
Giuseppe Piermarini,
l’architecte-même de la
Scala, il fut inauguré un
an après elle, en 1779,
Le Teatro della Canobbiana de Milan où fut créé
« L'Elisir d'Amore » le 12 mai 1832. et également sur la
musique d’Antonio
Salieri. Comme opéra appelé à devenir célèbre, la Canobbiana avait déjà
accueilli la création du Giulietta e Romeo de Nicola Vaccaj (1825), dont
certaines cantatrices en vue, comme notamment Maria Malibran, se permi-
rent de substituer le finale à celui de I Capuleti e i Montecchi du pauvre
Bellini. Les compositeurs les plus estimés de l’époque composèrent pour
ce théâtre, comme Stefano Pavesi qui y donne en 1830 La Donna Bianca
d'Avenello, titre qui suinte son Eugène Scribe. L’année suivante, Luigi
Ricci y fait créer La Neve (La Neige, encore d’après Eugène Scribe).
Toujours en 1831, Donizetti lui-même y produisait son important remanie-
ment de Le Convenienze e le inconvenienze teatrali. Ce théâtre devait
encore connaître plus tard les créations d’importants et brillants opéras de
la "Giovane Scuola", comme L’Arlesiana de Francesco Cilea (1897) et la
superbe Fedora de Umberto Giordano (1898), la curieuse Zazà (1900) de
Ruggero Leoncavallo, la belle et poignante Adriana Lecouvreur de
Francesco Cilea (1902) et la plus discrète et moins connue Marcella de
Umberto Giordano (1907). Remanié en 1894, il perdit malheureusement sa
belle salle Piermarini au profit d’une luxueuse salle moderne et prit le nom
de Teatro Lirico Internazionale. Deux incendies le ravagent dans les
années 1930, puis il accueille la saison de la Scala, fortement endommagée
par les bombardements alliés. Le Teatro Lirico demeure aujourd'hui, sous
l’aspect d’une vaste salle moderne, recevant des spectacles d’opérette et de
music-hall.

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Il y eut le « Napoléon des impresari »...

A l’époque romantique de Donizetti, les théâtres, souvent privés ou appar-


tenant à un groupe de sociétaires, étaient obtenus en adjudication par un
« impresario », pas du tout agent d’un artiste, selon le sens connu en fran-
çais. L’impresario, mot encore employé en italien pour "entrepreneur",
entreprenait, précisément, une saison lyrique, engageant les chanteurs,
commandant de nouveaux opéras aux compositeurs... Il payait par avance
ces derniers, les librettistes, avançait les salaires des chanteurs et des
danseurs en répétition, et se remboursait sur les encaissements résultant de
la vente des billets. Parmi les impresari passés à la postérité, Alessandro
Lanari, fut surnommé « le Napoléon des impresari », pour son habileté et
le faste de ses productions. Le fameux ténor français, Gilbert Louis
Duprez, lui vaudra notamment sa réputation, alors qu’il n’était pas
reconnu en France, Lanari lui confia le rôle d’Arnoldo dans la première
italienne du Guglielmo Tell de Rossini, production florentine dans laquelle
Duprez aurait mis au point le fameux « do di petto » ou ut de poitrine,
c’est-à-dire le do aigu émis en force. Duprez devait, grâce à Lanari, faire
la connaissance de Donizetti et devenir ami avec le compositeur qui lui
tailla sur mesure les rôles de jeune premier dans Parisina (1833) et
Rosmonda d’Inghilterra (1834) -commandes de Lanari !- et plus tard celui
de Fernand dans La Favorite (1840). Lanari avait donc obtenu la saison
printanière de la Canobbiana, commençant par L’Ofanella di Ginevra, titre
bien romantique (La Jeune Orpheline de Genève) de Luigi Ricci, le 23
avril. Parmi le nombre aussi important qu’il est méconnu aujourd’hui des
compositeurs en activité en ces années 1820-40 en Italie, certains "sur-
nagèrent" et se firent une réputation qui, sans atteindre le prestige d’un
Bellini ou d’un Donizetti, se coloraient d’une estime certaine. Le cas de
Luigi Ricci (1805-59) est particulier car son frère Federico (1809-77) était
également compositeur ! Et ils laissèrent non seulement chacun des opéras,
mais en composèrent même en commun, à l’exemple de ce Crispino e la
Comare (1850), leur plus grand succès du reste. Après L’Elisir d’Amore, la
saison se poursuivait avec un opéra nouvellement mis en musique sur un
vieux livret de Felice Romani, L'Incognito (L’Inconnu), par le compositeur
Pietro Campiuti, non loin d’être lui-même un incognito... si l’on en juge
par le peu de renseignements qui demeurent sur lui. Du reste, il faut avoir
une pensée pour le pauvre maestro Campiuti, loin de se douter de l’ombre
gigantesque que l’opéra de Donizetti jetterait sur le sien !

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Une prima donna allemande à la création de « L’Elisir »

Les chanteurs, engagés pour une saison, étaient plus ou moins valables,
selon leurs disponibilités... et celles de l’impresario ! Des lettres de
Donizetti nous restent à propos de ceux destinés à créer L’Elisir d’Amore...
et à vrai dire, les termes qu’il écrivait à son cher maître Simone Mayr, ne
laissaient présager rien de bon : « Nous avons une prima donna alleman-
de, la Heinefetter ; un ténor qui balbutie, Genero ; une basse bouffe qui a
une voix de chevrette, Frezzolini ; une basse française et qui vaut peu de
chose, Débadie (sic : Dabadie) ». Il avait pu en juger bien avant les répéti-
tions de son propre opéra, notamment par L’Ofanella di Ginevra de Luigi
Ricci, qui fit dire avec humour à Donizetti : « ha bella voce ma ciò che dice
lo sa lei », savoureuse expression italienne qu’on peut rendre, mais avec
une syntaxe alourdie, par : « elle a une belle voix mais ce qu’elle dit, c’est
elle qui le sait » !

La soprano Sabine HEINEFETTER, (1809-1872), Le baryton Henri Bernard DABADIE (1797-1853)


créatrice du rôle d'Adina à la "première" de 1832 de créateur du rôle du sergent Belcore et
« L'Elisir d'Amore » et des représentations suivantes. du premier joli cœur.
(lithographie d'après un dessin de Valentini)

Pourtant, c’est un triomphe qui accueille L’Elisir d’Amore, faisant crouler


la Canobbiana sous trente-trois représentations ! C’est dire, eu égard au

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peu de mérite des interprètes, combien la valeur de la musique sut trans-
cender l’interprétation. Les spectateurs réclament le compositeur après
chaque morceau, la Gazzetta Privilegiata di Milano ne tarit pas d’éloges et
passe en revue les mérites de l’opéra... Donizetti lui-même, à qui un
succès n’a jamais tourné la tête, est dépassé par les événements : « La
"Gazzetta" juge L’Elisir d’Amore et dit trop de bien, trop, croyez-moi...
trop ! », écrit-il à son professeur affectionné Simone Mayr.
On a écrit que quinze jours ont suffi à Donizetti pour composer la partition
de L’Elisir d’Amore ! Guglielmo Barblan, l’un des deux plus importants
biographes de Donizetti, attribue cette rapidité de composition à la mysté-
rieuse combinaison d’un métier sûr, de l’instinct et de l’« illumination du
génie », plus qu’à une lente maturation des idées musicales surgissant à
flots au moment de la composition. Une explication plus simple, mais
sortie de la plume du Maestro lui-même, dit ceci : « Vite, vite, c’est ma
devise ; ce que j’ai fait de mieux a toujours été fait vite ». Bien démontée
est l’idée reçue établissant une réputation de "facilité" à l’inspiration créa-
trice du Maestro : du moment qu’ils sont nombreux, ses opéras ne peuvent
prétendre à la qualité... Jugement à l’emporte-pièce, asséné précisément
sans les connaître, ces nombreux opéras !

En danois, suédois, finnois, hongrois, bulgare, etc...

Or, c’est justement cette facilité, prise au sens propre et non péjoratif, qui
caractérise l’incroyable capacité créatrice de Donizetti. Il composait vite et
beaucoup, et si certaines mélodies nous parlent moins que d’autres, elles
accrochent toujours l’oreille, retiennent l’attention par leur charme quasi
mystérieux, et leur adaptation aux paroles et à la situation dramatique,
condition chère aux Romantiques et particulièrement observée par
Donizetti.
En attendant, les biographes n’exagèrent pas en écrivant que L’Elisir a été
représenté « partout »... et dans les langues les plus inattendues en matière
d’opéra, puisque ce miraculeux Elisir fut distillé en danois, suédois,
finnois, mais aussi en hongrois, bulgare, polonais, tchèque, slovène,
croate, roumain, portugais et même en dialecte piémontais !

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QUEL EST LE SECRET DU
DOTTOR DONIZETTI ?
La recette de la distillation donizettienne en matière d’opéra bouffe est
simple mais aucun compositeur ne l’avait mise en pratique avant lui : intro-
duire dans le comique, l’élément sentimental, mélancolique, voire sérieux,
avec non seulement un type de mélodie délicatement colorée de nostalgie
romantique, mais également une instrumentation faisant fleurir hautbois,
clarinette et flûte qui doublent souvent la voix du chanteur, dans un effet
des plus charmants. Là on touche au secret de Donizetti, qui assume la libé-
ration de l’élan des passions voulu par le romantisme dans l’art, mais son
élan passionné demeure toujours élégant, chaleureux mais gracieux. Cela,
on le sentit dès la création, car voici ce qu’on écrivait, deux jours après la
première, dans la Gazzetta Privilegiata di Milano : « le style musical de
cette partition est vif, brillant, du véritable genre bouffe. Le passage
du bouffe au sérieux se laisse percevoir, exécuté avec une graduation
surprenante, et l’affectueux est traité avec cette passion musicale en
laquelle est fameux l’auteur de Anna Bolena. »

Et même si après L’Elisir Donizetti produisit moins d’opéras bouffes, il


continuera d’introduire au cœur du comique, sa touche si personnelle de
sentimentalité chaleureuse et gracieuse. On trouvera cette caractéristique
aussi bien dans les charmants opéras d’esprit bouffe comme Il Campanello
et Betly de 1836, comme la refonte La Figlia del Reggimento (1840),
comme Rita (1841) et bien sûr Don Pasquale (1843), mais également dans
les opéras relevant de l’esprit « semiserio », où le comique est plus délicat
à introduire. C’est le cas de Il Furioso all’isola di San Domingo, Torquato
Tasso et Linda di Chamounix.

D’UN BREUVAGE A L’AUTRE :


« LE PHILTRE » DE SCRIBE-AUBER ET
« L’ELISIR » DE ROMANI-DONIZETTI
Le Philtre, opéra de Daniel-François-Esprit Auber sur un livret de Eugène
Scribe, fut créé à l’Opéra de Paris le 15 juin 1831. On a longtemps cru que

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Scribe s’était inspiré d’une pièce italienne Il Filtro de Silvio Malaperta,
mais il semblerait que cette opinion couramment admise soit aujourd’hui
démentie. Quoi qu’il en soit, ce serait un juste retour des choses, alors que
le livret de Scribe inspire à son tour Felice Romani, le plus prestigieux
librettiste italien de ces années 1820-30, et le non moins prestigieux com-
positeur Gaetano Donizetti.

Voici la liste des morceaux du Philtre, proposant ceux que Donizetti et son
« poeta » Felice Romani (comme on disait à l’époque, pour désigner le
librettiste) n’ont pas conservé.

Correspondance des personnages


Guillaume - Nemorino
Térézine - Adina
Le Docteur Fontanarose - Il Dottor Dulcamara
Le Sergent Joli-Cœur - Il Sargente Belcore
Jeannette - Giannetta

Ouverture
ACTE PREMIER
1. Introduction ("Amis sous cet épais feuillage")
Ballade ("La Reine Yseult aux blanches mains")
2. Marche et Air ("Je suis sergent, brave et galant")
3. Air Térézine ("La coquetterie fait mon seul bonheur")
4. Choeur et ensemble Jeannette, chœur de jeunes filles Guillaume
("Est il possible d’être insensible")
5. Air Docteur Fontanarose ("Quel brillant équipage")
6. Air Guillaume ("Philtre divin, liqueur enchanteresse")
7. Duo Guillaume-Térézine ("C’est Guillaume, allons du courage")
8. Trio [les mêmes + Joli-Cœur] et Finale [Ensemble 1 & Ensemble 2]
("Que vois-je et pour moi quelle joie")

ACTE SECOND
9. Entracte et Choeur ("Chantons ce mariage") avec Couplets Jeannette
Barcarole ("Je suis riche, vous êtes belle")
10. Récitatif et Choeur ("Ô doux aspect, c’est monsieur le notaire")
11. Duo Guillaume - Joli-Cœur ("De désespoir je reste anéanti")
12. Morceau d’ensemble Jeannette-Joli-Cœur-jeunes filles ("Grands
dieux quelle nouvelle") comprenant un Quatuor Jeannette-
Guillaume-Térézine-le Docteur Fontanarose-le choeur des jeunes
filles
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13. Duo Guillaume-Térézine ("Effet miraculeux, tout le monde
m’adore")
14. Finale [en vaudeville : couplets Guillaume, Térézine, Joli-Cœur,
repris par le choeur] ("Je lui dois ma maîtresse")

LES COMPARATIFS
Les grandes différences ressortent facilement, un bref prélude nous mettant
d’emblée dans une joyeuse atmosphère, remplace la régulière ouverture.
Ensuite, Térézine possède un air au premier acte où elle définit sa coquet-
terie. Donizetti ne le conserve pas mais lui en donne un autre, bien plus
sentimental et émouvant, quand à la fin de l’opéra (juste après la célèbre
romance de Nemorino « Una furtiva lacrima »), Adina lui restitue son
engagement militaire, afin qu’il vive libre, au pays natal où tous l’aiment.
L’ensemble N°4 dans lequel Guillaume confie son désespoir à l’espiègle
Jeannette et au choeur de jeunes filles compatissantes n’est pas conservé
par Donizetti.
Guillaume-Nemorino possède un air chez Scribe-Auber dans lequel il
chante sa satisfaction d’avoir acheté le philtre et l’espoir qu’il place en lui.
Décidément plus sentimental, Donizetti lui réserve -dès le début de
l’opéra !- l’air fort touchant « Quanto è bella », dans lequel il chante sa
fascination pour Adina.
La nouveauté la plus spectaculaire demeure évidemment la mélancolique
romance du ténor « Una furtiva lacrima », n’existant pas chez Scribe-
Auber. C’est du reste l’occasion de souligner combien le sens artistique de
Donizetti le conduisait à des décisions sûres, car le lettré Felice Romani
déconseillait énergiquement au compositeur d’ajouter cette romance, lui
déclarant : « Crois-le, une romance en ce lieu refroidit la situation ! Que
vient faire ici ce grand simplet rustique qui se pose là avec sa pleurniche-
rie pathétique, quand tout doit être festivité et gaîté ? ». Personne n’aurait
aujourd’hui l’idée de trouver incongrue cette romance, véritable joyau du
Romantisme en opéra. Donizetti sentait probablement son génie qui lui
dictait cette musique sublime... et sa ténacité l’imposa, malgré la nette dés-
approbation de Felice Romani. On a ainsi failli ne jamais connaître ce qui
constitue l’un des plus beaux et des plus célèbres airs d’opéra, tous styles
et écoles confondus !

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UN ELIXIR QUI SE DISTILLE ET SE
DÉGUSTE GOUTTE À GOUTTE :
SON HISTOIRE ET SA MUSIQUE
ACTE PREMIER
(Les indications de décor sont celles du livret original)

Premier tableau - L’entrée d’une ferme au pays basque2 ; au fond, la


campagne avec un ruisseau et quelques blanchisseuses préparant la
lessive. Au milieu, un grand arbre sous lequel se reposent les moissonneurs
et Adina qui lit. Nemorino l’observe de loin.
Preludio e Introduzione. Après quelques accords joyeux, le prélude se fait
plus sentimental mais flûte et bois le laissent souriant et ensoleillé comme
le choeur qui suit bientôt. Giannetta, une jeune villageoise (soprano) et les
moissonneurs chantent le bonheur de se reposer à l’ombre, au moment où
le soleil est le plus chaud.

Cavatina.
Sans récitatif ni "Scena"3, la flûte expose le tendre et délicieux motif de
l’air de Nemorino (ténor). D’après la liste des personnages du livret italien,
il est « cultivateur » et « amoureux de Adina », mais c’est aussi un
« giovine semplice » qu’il ne faut pas se hâter de traduire par « jeune
simple » ! Nemorino n’est ni un imbécile ni un attardé, c’est un jeune
homme pur et ingénu... et c’est ainsi que les mises en scène devraient le
montrer. Sa Cavatina de présentation nous révèle son admiration pour
Adina mais il ne sait hélas pas lui inspirer le plus petit sentiment ! « Elle
lit, étudie, apprend... / je ne suis toujours qu’un idiot, / je ne sais que
soupirer. », précise-t-il avec un recul intéressant, et la mélancolie de la
mélodie souligne sa déception.
Nemorino se demande ensuite qui lui enseignera à se faire aimer, tandis
que le choeur répète son joyeux chant du début.
2
Plusieurs études, à commencer par celle du chef d’orchestre musicologue Gianandrea Gavazzeni, ont montré que
cette précision est la simple traduction "automatique" de l’indication contenue dans le livret de Scribe. 2 2 2 Philtre.
Pour illustrer ce soi-disant "Pays basque", Donizetti aurait en fait composé-recueilli une musique agreste typiquement
lombarde et même bergamasque, selon le Maestro Gavazzeni qui y retrouve un parfum champêtre connu dans son
enfance, aussi bergamasque que celle de son concitoyen Gaetano Donizetti !

3
Une scena est un récitatif élaboré, avec un orchestre ne se contentant plus de ponctuer le chant, mais pouvant jouer
un motif autonome "derrière" le chant qu’il soutient ainsi de manière bien plus expressive.

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Scena e Cavatina.
Adina (soprano), « riche et capricieuse fermière », nous dit le livret, part
d’un grand éclat de rire, et Giannetta veut savoir ce que contient sa
lecture. Adina trouve « l’aventure bizarre » et se décide à la raconter,
tandis que Nemorino se rapproche : « Pour la cruelle Isotta (Iseult) / le
beau Tristano brûlait »... jusqu’au moment où un « sage enchanteur » lui
donna un flacon d’un « certain élixir d’amour » (le mot magique est
lâché !). Dès lors, Isotta ne quitta plus Tristano ! L’insinuante valse du récit
devient une mazurka enlevée lorsque Adina invoque cet Elixir d’une « si
parfaite qualité » : que n’en connaît-elle la recette ! Le choeur répète le
joyeux refrain :
Elisir di sì perfetta di sì rara qualità,
Ne sapessi la ricetta, conoscessi chi ti fa !
(Elixir d’une qualité si rare et si parfaite,
Puissé-je en connaître la recette, savoir qui te fait !)

Second couplet :
A peine Tristano but-il une gorgée du philtre que Isotta aima Tristano et lui
resta fidèle. Il bénit pour toujours cette première gorgée. (Reprise du
refrain). La conclusion de l’air ne se termine pas sur les habituels accords
mais se prolonge vers le morceau suivant, innovation précoce relevée par
tous les commentateurs de l’œuvre, car il faut attendre bien plus tard pour
trouver dans l’opéra italien de telles tentatives de gommer les coupures
entre les morceaux musicaux.
Marcia e Cavatina.
La transition est ici un roulement de tambour, coupant donc la conclusion
de l’air d’Adina et introduisant une sympathique marche. Des soldats
entrent et restent au fond, un sergent (baryton) s’avance, joli-coeur comme
son nom « Belcore » l’indique et, tendant un bouquet à Adina, il entonne
d’emblée sa Cavatina. Felice Romani en fait un lettré, inexistant chez
Scribe, car Belcore se compare à Pâris tendant la pomme à la plus belle, la
Belle Hélène ! Adina remarque avec ironie la « modestie » du monsieur...
qui insiste dans une seconde strophe, car il voit bien qu’Adina n’est pas
insensible à sa personne... Quoi de plus naturel face à un galant sergent :
Mars, le dieu guerrier, ne cède-t-il pas à Vénus, la mère de l’amour ?
Scena e Stretta dell’Introduzione.
Persuadé de l’existence d’un sentiment réciproque, il presse Adina de
choisir le jour de leurs noces (au grand désespoir de Nemorino). Belcore
attaque la Stretta4 avec la métaphore du combat : à la guerre comme en
amour, l’attente est une faute, qu’ Adina se rende au vainqueur ! Mais la

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belle n’est pas pressée : « Voyez donc de ces hommes, / voyez un peu la
morgue, l’orgueil ! / Ils chantent déjà victoire / avant de combattre. »
Nemorino envie le courage du militaire, il est si timide et ne peut parler.
Giannetta et le choeur remarquent qu’il serait amusant de voir Adina céder
et ce militaire venger tous les autres ! mais Adina est «un trop vieux
renard ».
Recitativo secco5. Belcore demande la permission « d’occuper la place »
afin de faire reposer ses hommes et comme Adina propose aimablement
une bouteille, il se déclare à part « déjà de la famille ». Elle donne aux
autres le signal de la reprise du travail et tous sortent, sauf elle et
Nemorino. Prenant probablement son courage à deux mains, il veut lui dire
un mot.
Scena e Duetto.
« L’habituel ennui / les soupirs consacrés ! », pense immédiatement Adina
qui lui conseille d’aller plutôt voir son oncle en ville, avant qu’il ne laisse
son héritage à un autre, car on le dit gravement malade. Voyant l’indiffé-
rence de Nemorino pour les choses matérielles, elle décide de lui parler
franchement, car il est bon, et ne s’affirme pas comme ce sergent présomp-
tueux, persuadé de lui inspirer de l’amour. Il est inutile qu’il espère, elle est
capricieuse et il n’est aucun désir à peine né en elle qui ne meure aussitôt !
(Larghetto du duo). Pour se définir, Adina choisit la fort poétique méta-
phore du zéphire : si on lui demande pourquoi il vole du lys à la rose, du
pré au ruisseau, il répondra que c’est sa nature d’être infidèle ! La musique
accompagnant cette image crée, avec l’aide de la clarinette, une fascinante
atmosphère lunaire, romantique à souhait... Nemorino doit donc renoncer
à son amour et la fuir mais il répond spontanément qu’il ne le peut pas !
Intriguée, Adina lui en demande la raison et se voit répondre également par
une métaphore, prouvant bien que Nemorino est loin d’être niais. Qu’elle
demande au ruisseau pourquoi il court en gémissant depuis le rocher de sa
naissance jusqu’à la mer et va y mourir. Il lui dira qu’il est entraîné par un
pouvoir qu’il ne sait définir. Nemorino veut donc mourir comme le
ruisseau mais en suivant Adina ! (Stretta finale du duo). Celle-ci pense que
« l’amour constant est folie », que Nemorino suive donc sa manière de
vivre : un amour par jour, le coeur libre. La réponse est passionnée : il ne
voit que Adina dans tout ce qui l’entoure et si elle peut changer un quel-
conque amour pour un autre, jamais le premier amour ne se chasse du
4
Mouvement animé venant conclure un morceau : ensemble concertant, duo, trio... un peu comme la cabalette suit
la cavatine et termine ainsi l’aria.
5
Abandonné dans l’ ”opera seria”, ce récitatif dépouillé accompagné par le seul pianoforte, est encore en usage dans
les opéras bouffes, mais tendra à disparaître vers le milieu du XIXe siècle. Donizetti l’emploie pour la dernière fois
en 1840, lorsqu’il adaptera son opéra comique français La Fille du régiment pour le Teatro alla Scala, en l’opera buffa
La Figlia del Reggimento.

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coeur ! Ils se quittent sur cette incompréhension mutuelle et sortent ; le
rideau tombe.

Second tableau - Une place du village ; sur le côté se trouve l’« Osteria
della Pernice » : l’ Auberge-de-la-Perdrix.
Scena ed Aria. On entend une sonnerie de trompette au loin, puis l’orches-
tre attaque une phrase montante annonçant quelque chose... les villageois
curieux et étonnés commentent avec émerveillement le train luxueux du
noble étranger qui arrive... Paraît alors, splendide dans son carrosse doré,
le fameux Dottor Dulcamara (basse-bouffe). Il se présente comme le grand
médecin, « dottore enciclopedico » dont « les prodiges infinis sont connus
dans tout l’univers... » (ici il marque une hésitation avant la sympathique
énormité que Felice Romani lui fait dire ensuite :) « ...et en d’autres
lieux ! » En fait, il parcourt le monde pour « vendre la santé », tel un bien-
faiteur de l’humanité, d’autant qu’il la vend à bas prix... Le Dottore au nom
de plante (la douce-amère) attaque alors sa longue et géniale Cavatine-
catalogue soutenue par une joyeuse phrase orchestrale et qui énumère les
innombrables bienfaits de « cette ondontalgique / admirable liqueur ». Il
faut tout de même donner une idée de ce miraculeux remède, d’autant que
Felice Romani s’amuse à faire rimer force malades facilement guéris :
« paralytiques, apoplectiques, asthmatiques, hystériques, diabétiques... ».
Au passage, le remède permet à un vieillard valétudinaire de devenir
grand-père de dix bambins et aux « jeunes galants / d’avoir des amou-
reuses pour toujours ». Seule vertu ayant de quoi laisser perplexes ces
bonnes gens, en tant qu’associée aux autres déjà mentionnées, c’est que cet
élixir est : « des rats et des punaises / puissant destructeur » ! Cet amour de
docteur veut même les remercier de leur accueil en leur faisant cadeau d’un
écu... et, puisqu’il est né dans les environs, il est même prêt à leur faire
un autre rabais ! Cela fait l’objet de sa Cabalette, incomparablement
donizettienne de chaleur, de charme et de séduction... mais si fragile entre
les mains d’un chef d’orchestre qui précipiterait cette valse débonnaire et
campagnarde ! Le choeur commente la bonté du brave -et surtout habile-
homme.
Recitativo secco. Resté seul avec lui, Nemorino rassemble son courage
pour utiliser « la science » et il demande au « Dottore » s’il possède « le
breuvage d’amour / de la regina Isotta ». Perplexité de Dulcamara (pour-
tant non inculte puisqu’il vient de dire que sa « sacoche est le vase de
Pandore »)...
Duetto. Il débute lorsque Nemorino précise « le stupéfiant / élixir qui
provoque l’amour... », et s’en déclare « distillateur » ! Prenant bien soin de

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ne pas en préciser le prix, il attend que Nemorino révèle la somme qu’il
possède sur lui et celle-ci se trouve être le juste prix de l’élixir ! L’orchestre
traduit avec une grande fraîcheur l’exultation du jeune naïf qui ne se tient
plus de joie, tandis que le docteur remarque à part en « sillabato » ou chant
syllabique, typique de l’opéra bouffe, qu’il n’a jamais vu un tel nigaud.
Inventant une fumeuse posologie quant à l’attente de l’effet, Dulcamara se
laisse le temps de déguerpir, puis ajoute, dans un savoureux a parte :
« (È Bordò, non elisir.) » Dans le livret de Scribe pour Auber, il est curieu-
sement question de Lacrima-Christi, délicieux vin du Vésume, mais en
Italie, la vigilante censure n’aurait probablement pas permis que l’on
prononçât sur scène le Saint Nom du Christ, on s’est alors tourné vers le
populaire vin français !
Ultime précaution du vieux renard, il demande à Nemorino de ne rien révé-
ler car « écouler et vendre l’amour / est une affaire très délicate : / les auto-
rités pourraient / s’en mêler quelque peu. » Dans la Stretta finale, Donizetti
oppose génialement deux musiques : la réplique syllabique du docteur « Le
sexe féminin tout entier / soupirera demain pour toi. », et la belle envolée
passionnée de Nemorino, touchant de sincérité avec sa précision « Ah !
docteur, je vous donne ma parole / que je boirai pour une seule ».

Finale Primo. a) Scena e Duetto nel Finale I°. Nemorino boit et trouve déli-
cieux l’élixir qui lui redonne même l’appétit. Il s’asseoit sur un banc de
l’auberge, tire de sa poche pain et fruits et se met à manger tout en chan-
tant à gorge déployée. Apercevant Adina, il s’arrête de chanter puis se
résout à ne pas l’importuner de ses soupirs -que reflète merveilleusement
l’orchestre- car demain elle l’adorera ! Il reprend sa chanson, faisant
l’indifférent. Un éclat de rire d’Adina provoque une tirade passionnée en
rythme de valse : qu’elle exulte à présent, demain elle l’aimera ! Elle pense
qu’il veut briser ses chaînes, mais elles lui pèseront d’autant plus, pense
l’orgueilleuse Adina. Elle le félicite d’avoir si bien appliqué la leçon, oh !
un seul jour encore et il se dira guéri ! La stretta finale du duo reprend les
paroles du passage précédent mais sur un rythme enjoué, et dans une belle
alternance des deux voix. Les cadences finales du Duo sont interrompues
par Belcore qui entre en chantonnant lui-aussi...

b) Terzetto nel Finale I°. Adina trouve qu’il vient à point nommé, ce qui
montre que l’indifférence affichée par Nemorino n’est pas de son goût...
Elle accueille le sergent avec coquetterie au son d‘un délicieux arioso6 à la
chaleur toute donizettienne. Le soldat parle de la date du mariage et Adina
répond en regardant Nemorino : « Dans six jours. » Ce dernier éclate alors
6
Un arioso possède une véritable mélodie, et approche ainsi l’aria proprement dite.

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d’un rire intégré à sa partition musicale. L’unique mouvement du Trio
assemble l’espoir amusé de Nemorino et les deux réactions qu’il
provoque : l’agacement du soldat et le dépit d’Adina. Un roulement de
tambours interrompt le Terzetto : Giannetta, les paysannes et les soldats
entrent ; on a apporté un message pour le sergent : ils doivent lever le camp
le lendemain ! Déception générale du choeur : « Changer si souvent de
garnison ! / devoir abandonner les amoureux(-euses) » !
Belcore propose d’avancer le mariage à... aujourd’hui (!). Pour répondre,
Adina regarde Nemorino et voyant qu’il change probablement de couleur,
accepte. Confiant dans les promesses du brigand de Dulcamara, le jeune
homme la supplie d’attendre au moins le lendemain matin ! [c) Quartetto
nel Finale I°] Sa grande phrase mélancolique lance le grandiose ensemble
concertant, qu’un Donizetti certainement aux anges dut composer.

Adina, credimi, te ne scongiuro... - Adina crois-moi, je t’en conjure


non puoi sposarlo... te ne assicuro... - tu ne peux l’épouser... je t’en assure
aspetta ancora... un giorno appena... - Attends encore... un jour à peine...
un breve giorno... io so perché. - un bref jour... je sais pourquoi.
Domani, o cara, ne avresti pena ; - Demain, ô ma chère, tu en aurais de la
peine ; te ne dorresti al par di me. - tu en souffrirais autant que moi.
Lui répond une phrase plus hachée et soutenue par des pizzicati exprimant
la colère contenue de Belcore : Nemorino peut remercier le ciel d’être fou
ou ivre. L’orchestre soupire à nouveau : Adina reprend la phrase de
Nemorino et prie le sergent de pardonner à cet inconscient s’imaginant
qu’elle doit l’aimer, parce qu’il délire d’amour pour elle... Elle ajoute à part
qu’elle veut se venger et le faire tomber à ses pieds ! Giannetta et le choeur
se moquent du pauvre garçon qui veut entrer en compétition avec « un
sergent, / un homme du monde » . L’ensemble prend son envol et atteint
peu à peu un sublime point culminant, merveilleusement ciselé par
Donizetti, véritable "Dottore" en la matière. Adina veut avertir le notaire,
Belcore invite Giannetta et les autres filles du village. Nemorino est
désespéré : Adina se moque de lui et en fait la risée de tous, le sergent le
méprise... Implacable et cruelle, elle glisse à part « (Tu vas me le payer.) »,
juste avant l’attaque de la joyeuse Stretta finale (d) qui emporte tout sur son
passage, mais le moment reste dramatique car le pauvre Nemorino appelle
éperdument « Dottore, pietà ! » . Un chaleureux et typiquement donizettien
crescendo de l’orchestre sert de liaison avant la reprise de la Stretta, puis
revient forte en conclusion de ce finale génialement bouffe et dramatique
à la fois.

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ACTE SECOND

Premier tableau - « Intérieur de la ferme d’Adina. D’un côté, une table


dressée à laquelle sont assis Adina, Belcore, Dulcamara et Giannetta. Les
villageois, debout, boivent et chantent tandis que les musiciens du
régiment, montés sur une sorte d’estrade, font retentir leurs cuivres. »

Marcia e Coro. Une joyeuse


marche paysanne commence
d’emblée le second acte mais
un tempo trop rapide ou sec et
cassant (comme le veut la
mode actuelle de notre fin de
siècle) en briserait le « char-
me-couleur locale », comme
l’expliquait le Maestro
Gavazzeni. Le choeur porte
un toast aux fiancés, Belcore
déclare que « la femme et le
verre » sont la compensation
de tous les maux, mais Adina
Décor de l'intérieur de la ferme d'Adina, à la création de
l'opéra (décor de A. Vigano) regrette de ne pas jouir de la
présence de Nemorino.
Scena e Barcaruola. Le Dottor Dulcamara propose à l’assemblée une
« canzonetta » toute récente ; il tire quelques livrets de sa poche et en
donne un à Adina. L’air s’intitule : La Nina gondoliera e il senator Tredenti
et raconte l’offre de mariage que le riche sénateur « Trois-Dents » propose
à la jeune et belle batelière Nina. Elle se dit honorée mais ne peut accepter
à cause de la différence sociale et d’un certain Zanetto qu’elle aime. Le
sénateur lui conseille de prendre l’or plutôt que l’amour car « l’un est léger
et s’envole ; / tandis que l’autre pèse et demeure toujours ». Le choeur rep-
rend le thème en félicitant le docteur de son choix. La musique de cette bar-
carolle est irrésistible de charme piquant, avec son rythme à deux temps
bien marqués, mais comme pour la marche précédente, souffre mal une
précipitation de tempo lui retirant toute bonhomie et naïveté. Elle devait du
reste agréablement résonner aux oreilles de Donizetti, puisqu’il la choisit
pour conclure son opéra, comme on le verra alors.
Recitativo secco e Coro generale. Belcore interrompt le chant car le
notaire vient d’arriver, mais au moment d’aller signer l’acte de mariage, le
sergent voit passer un « nuvoletto » , un petit nuage dans le regard de sa

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« Belle Vénus »... C’est que Nemorino n’a toujours pas paru, rendant ainsi
sa vengeance incomplète. Belcore affirme que le temps presse et tout le
monde sort en reprenant la fort sympathique marche-brindisi qui ouvrait
l’acte.
Recitativo secco. Resté seul, le docteur se remet à table, méditant sur le
plaisir des fêtes nuptiales dont la satisfaction majeure est constituée par
« l’aimable vue du banquet. »
Nemorino a vu le notaire et c’est ce qui le désespère. Dulcamara résume la
solution en un mot : l’élixir ! L’espoir renaît en Nemorino mais il s’aper-
çoit qu’il n’a plus le sou. Imperturbable, le charlatan ne sait que lui
conseiller de revenir... dès qu’il en aura. Il est à la « Pernice »... pour un
quart d’heure encore.

Scena e Duetto. Alors que Nemorino s’est jeté sur un banc, Belcore entre
en méditant une sorte de vérité première : « La femme est un animal vrai-
ment extravagant », car si Adina l’aime et se montre heureuse de l’épouser,
elle n’en a pas moins différé la cérémonie jusqu’au soir ! Nemorino se
désespère encore plus en voyant entrer son rival, et ce dernier, remarquant
son accablement, lui en demande la cause. Apprenant qu’il s’agit d’argent,
il lui conseille de devenir soldat et il recevra vingt écus. Ces mots de
« Venti scudi ! » répètés par un Nemorino émerveillé, marquent le début
d’un duo sympathique au point d’être parfois choisi au concert et pour des
récitals enregistrés sur disques. Belcore parle de gloire ou d’amour mais
Nemorino se lance à part, dans une tirade passionnée mettant en balance ce
qu’il doit quitter, et le moyen d’obtenir l’amour d’Adina. En contrepoint de
cette superbe phrase musicale, Belcore détaille en chant syllabique les
attraits de la piquante vie militaire et Donizetti unit ainsi à merveille le
chant de deux personnages qui ne se comprennent pas. Nemorino se hâte
de signer le papier que lui présente le sergent et s’apprête à voler vers le
docteur Dulcamara. Belcore lance la Stretta en félicitant la recrue sur un
rythme martial qui s’accélère lorsqu’il se félicite, à part, d’avoir fait enga-
ger son propre rival. La phrase de Nemorino, plus tourmentée et touchan-
te, reflète son inquiétude et son espérance : Belcore ne saurait imaginer ce
que cette somme devrait lui permettre. Aucun trésor ne lui sera supérieur
s’il réussit à se faire aimer !

Second tableau - « Une cour rustique ouverte au fond. »


Coro. Une musique à la fois mystérieuse et malicieuse introduit Giannetta
et les paysannes. Elle leur révèle avec prudence une nouvelle qui ne peut
pas encore être répandue et qu’elle tient, en toute confidence, du colpor-

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teur... L’oncle de Nemorino est décédé et lui a laissé un considérable héri-
tage mais il ne faut pas le dire. Les paysannes acquiescent avec sérieux
mais, comme pour les démentir gentiment, Donizetti fait jouer forte la
conclusion orchestrale de ce charmant morceau.
Quartetto. Nemorino entre, et sa phrase musicale évoquant avec une
pointe d’ironie une démarche peu sûre nous renseigne avant ses paroles. Il
a « bu abondamment » de « l’admirable élixir », ce qui signifie que ce
brigand de Dulcamara a donc réussi à placer une dernière bouteille de
bordeaux. Les violons traînent sur leurs phrases comme Nemorino qui
appuie trop sur les mots. Voici que ces demoiselles qui s’étaient retirées à
part se rapprochent et le saluent avec déférence... lui trouvant l’air d’un
monsieur. Ignorant l’affaire de l’héritage, la conclusion logique s’imposant
à son esprit est facile à déduire : « c’est l’oeuvre / de la magique liqueur. »
Surviennent Adina et Dulcamara « étonnés de voir Nemorino courtisé par
les villageoises », et vont même jusqu’à préciser une didas-calie du livret
original. La musique s’accélère, Nemorino jubile tandis que Dulcamara
avoue tomber des nues, et qu’Adina se révèle, piquée au vif. Les jeunes
paysannes se font plus pressantes et commencent même à se chamailler
pour danser avec Nemorino au bal qui vient d’être ouvert, à l’ombre. Au
docteur de se demander naïvement : « Serais-je vraiment le possesseur /
d’un philtre magique ? ». C’est qu’il lui faut bien constater la situation de
Nemorino : « Misericordia ! con tutto il sesso ! (avec toutes les femmes !).
Lorsqu’enfin Adina, elle-aussi, interpelle Nemorino, le docteur lâche un
stupéfait « Ma tutte, tutte ».
Elle commence à lui dire que son engagement est une erreur mais ce
Quatuor contrasté en arrive à la Stretta, lancée par Nemorino qui dit
savoir ce que lui veut Adina... laquelle éprouve un instant les palpitations
d’un coeur qui aime ! Désorientée et dépitée, elle se sent punie de sa
« froideur », obligée d’aimer celui qui la méprise. Dulcamara se persuade
de plus en plus de la valeur de son produit et voit pleuvoir les sequins.
Giannetta et le coeur remarquent qu’Adina s’imagine recevoir l’hommage
de tous les hommes du village, mais Nemorino sera « un os dur à ronger » !
Elles l’entraînent vers le bal.
Recitativo secco e Duetto. « Comme il s’en va content ! », remarque
Adina. Le docteur s’en attribue tout le mérite : « Io distillo il piacer, l’amor
lambicco / come l’acqua di rose » (Je distille le plaisir, je distille l’amour /
comme l’eau de rose). Pour traduire cette jolie formule, il nous faut utili-
ser deux fois le verbe « distiller » car le verbe « lambiccare », pourtant
avec la même racine qui donnera notre « alambic », n’a pas d’équivalent
en français. L’incrédule Adina repousse les certitudes du vieux charlatan

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La basse Giuseppe FREZZOLINI qui créa en 1832 à Milan En costume d'Adina, la soprano Fanny
le rôle de Dulcamara TACCHINARDI PERSIANI (1812-1867)

La réputée soprano Fanny TACCHINARDI


PERSIANI (1812-1876) dans le rôle d'Adina
avec le baryton non moins connu Antonio
TAMBURINI, (1800-1876), dans celui du
sergent Belcore, deux fidèles interprètes de
« L'Elisir d'Amore ».

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Un « Elixir »... comme on n'en distille plus aujourd'hui, sauf au Métropolitan Opera de New-York dans sa nouvelle
production d'octobre 2012 avec Anna Netrebko dans le fameux rôle d'Adina !

Le jeune PAVAROTTI au Met de New-York en Nemorino

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Sur l'affiche du film d'Amleto PALERMI de 1941, sur
l'œuvre de DONIZETTI accompagné de la musique
de « L'Elisir d'Amore », on voit, dans l'encadré, la
colorature Margherita CARIOSO (1908-2005) avec
l'acteur de cinéma Armando FALCONI (1871-1954).

Ci-dessus : Margherita CARIOSO


(affiche - film de PALERMI)

À gauche :
Sur cette autre affiche d'un film réalisé en 1947 par
Mario COSTA, on distingue le glorieux baryton-basse
Tito GOBBI (1913-1984), qui tient le rôle du sergent
Belcore.
En exergue, sur le haut de l'affiche, on peut lire : « Da
un' opera deliziosa, un delizioso film » ce qui se traduit
par « Tiré d'un opéra délicieux, un film délicieux ».

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Le décor de l'Acte 1 de « L'Elisir », réalisé par Alessandro SANQUIRICO,
représente la façade de la ferme de la riche Adina.

Maquettes
Costumes
Dominique BURTÉ

Adina

Belcore

Dulcamara

Nemorino

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mais reste tout de même frappée lorsqu’elle entend nommer l’élixir de
« la regina Isotta ». Il explique ensuite que Nemorino lui en fit la requête
pour obtenir l’amour « de je ne sais quelle cruelle... ». Ces mots semblent
frapper la coquette : « Il aimait donc, lui ? ». Retournant à juste titre le
couteau dans la plaie, Dulcamara poursuit : « Il languissait, soupirait / sans
une ombre d’espérance ; et, pour avoir / une goutte du remède magique, /
il vendit sa liberté, se fit soldat. » Adina réalise enfin, avoir tourmenté « un
si noble coeur » et [a)] commence le duo par une phrase d’une grande
mélancolie, se demandant quelle femme va-t-il choisir. En contrepoint,
Dulcamara glisse en chant syllabique ses répliques malicieuses sur les
éventuelles conquêtes de Nemorino et le fait qu’Adina aussi a besoin
de l’élixir.
b) Sur un délicieux arioso, Dulcamara remarque qu’Adina est « cotta »,
sympathique expression signifiant « cuite », c’est-à-dire amoureuse au
premier degré, et il lui propose un remède qui amènera mille soupirants à
ses pieds... Mais elle n’en veut qu’un. Nierait-elle la valeur de son fameux
produit ?, s’enquiert-il avec hauteur. Elle affirme respecter l’élixir mais en
posséder un supérieur qui lui ramènera Nemorino... Force est au docteur de
reconnaître, à part bien sûr, qu’elle est trop rusée pour lui.
c) La charmante stretta qui commence alors, place encore génialement
deux réactions en parallèle : la malice d’Adina et la résignation amusée du
docteur, reconnaissant la puissance de la séduction féminine.
Adina détaille donc, sur un piquant rythme de 2/4 : « un sourire », « une
tendre oeillade », bref :
« La ricetta è il mio visino, -la recette est mon minois
in quest’occhi è l’elisir.- en ces yeux est l’élixir. »

Le mot « ricetta » est fort bien choisi car il ne signifie pas seulement, en
italien, la « recette » ou le « procédé », mais aussi la prescription médi-
cale, l’ordonnance ! En chant syllabique, le docteur, filant la métaphore
d’Adina, admet :
« cette bouche aussi belle
est de l’amour, l’épicerie :
tu as alambic et fourneau »

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Le charme n’opère plus dans une version plus grave (sol mineur) et paraît-il autographe de 1846. La seconde strophe
comporte des variations et des cadences nouvelles qui s’éloignent de la sublime mélodie, d’autre part, dans l’enregis-
trement réalisé par Roberto Alagna [http://www.youtube.com/watch?v=3yEr8NYxN98], le chef Pidò adopte un
tempo rapide retirant toute atmosphère lunaire et d’abandon, et qui "bâcle" l’air en fait !
C’est le cas dans l’enregistrement du Teatro Donizetti de Bergame, réalisé le 14 octobre 1961 avec le grand « Pippo »,
surnom affectueux de Giuseppe Di Stefano, et l’estimable Renata Scotto.
Dans son texte d’accompagnement de l’enregistrement intégral Deutsche Grammophon de 1986.

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... Il ne lui reste plus qu’à reconnaître la supériorité de la « briconcella »,
charmant terme signifiant petite coquine espiègle ; puis il soupire :
« Ah ! Je voudrais changer pour les tiens / mes flacons d’Elixir. »
Ce délicieux Duetto, piquant mais tendre et "sucré" -n’avons-nous pas
démontré que le "Dottor Donizetti" distillait, lui, une sorte d’asti spuman-
te ?- est suivi, sans besoin de scena ou de récitatif, de la célébrissime
Romanza ?
Romanza. L’admirable thème, si mélancolique mais si simple et touchant,
est introduit par le basson, et les commentateurs s’accordent à dire que
c’est la première fois que l’introduction d’une importante mélodie était
confiée à cet instrument. Cette « furtiva lagrima », non tarie depuis 1832,
n’est pas versée par Nemorino, mais c’est lui qui l’a vue poindre aux yeux
d’Adina. Comme elle semblait envier les joyeuses paysannes ! Nemorino
termine la première strophe en constatant : « Que vais-je chercher de
plus ? / Elle m’aime, je le vois ».
La seconde strophe est un doux rêve de bonheur : « confondre un instant /
mes soupirs avec ses soupirs » ... (Et Donizetti précise ici sur la partition :
« PP smorzando », c’est-à-dire : pianissimo-diminuer). A ce point : « Ciel,
on peut mourir ; / Je ne demande rien de plus. » Et les violons éthérés
reprennent le point culminant de la romance pour les dernières cadences :
« On peut mourir d’amour ». Le basson revient pour sertir délicatement ce
merveilleux joyau, essence du romantisme en musique.

Plus qu’une mélancolique mélodie soupirant après ce que le personnage


n’a pas, cette Romance est un soupir de bonheur. On ne peut, à ce propos,
qu’être frappé par la profonde réflexion de William Ashbrook, l’autre
second plus important biographe de Donizetti, remarquant que dans le
Concertato du Finale I° et dans cette Romanza, « Donizetti, plutôt que
d’illustrer objectivement les émotions de son personnage, présente l’essen-
ce même de ces émotions. »
L’abandon et la suavité inégalés de Beniamino Gigli ou de Carlo Bergonzi
furent suivis de l’incomparable soleil de Luciano Pavarotti : voilà ce que
notre époque put offrir de meilleur.
Il peut paraître difficile de revenir sur terre pour achever l’opéra, d’autant
qu’une belle marée d’applaudissements et de requêtes de bis viennent
souvent interrompre la représentation !
Recitativo secco. On pratique parfois la coupure de ce bref récitatif et il
incombe alors à la pauvre interprète d’Adina de « raccrocher » : le chef
prolonge l’accord sur lequel elle doit chanter... avec une hésitation accrue
lorsque le public réclame un bis qui ne sera pas accordé.

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Nemorino est déterminé à « faire l’indifférent » tant qu’elle ne s’explique-
ra pas (l’elisir ou le bordeaux semble lui avoir donné un peu plus de juge-
ment). Il déclare ne plus savoir où il en est tant les femmes, « jeunes et
vieilles, / belles et laides », le désirent pour mari. « Et toi ? », interroge
Adina, mais il déclare ne pas vouloir se décider pour l’instant. Lorsqu’elle
lui demande de lui prêter attention, il glisse, à part, un éloquent : « Ah !
Ah ! nous y sommes ».
Scena ed Aria. La rusée Adina ne se dévoile pas encore et lui demande
pourquoi voulait-il partir ; poursuivant le marivaudage, Nemorino
prétexte le désir d’améliorer son sort. Adina lui déclare avoir racheté à
Belcore le « fatal contrat » car « ta personne... / ta vie nous sont chères... »
On appréciera les points de suspension et le « nous » ! D’abord étonné,
Nemorino met tout cela sur le compte de l’amour qui fait son oeuvre.
Commence alors la délicieuse cavatina d’Adina qui lui tend le papier :
« Prendi : per me sei libero » , avec l’ambiguïté du mot « per » signifiant
« par » aussi bien que « pour » : prends, par / pour moi tu es libre.
Ambiguité car Adina ne lui saute pas au cou mais lui demande tendrement
de rester dans son pays natal, où « tous » (!) l’aiment.
Il n’est pas de destin si négatif qui ne change un jour, lui qui est « saggio,
amoroso, onesto » ne sera pas toujours malheureux ; avec encore une ambi-
guïté commode pour Adina, car « amoroso » signifie certes « amoureux »,
« jeune premier », mais ici plutôt « aimable ». Ce qu’il y a de sublime dans
ce passage, c’est que toutes les précautions oratoires d’Adina sont démen-
ties par Donizetti qui, lui, distille une mélodie éthérée au possible et impré-
gnée d’amour ! La flûte introduit le thème puis se tait et la mélodie est à
peine soutenue par les pizzicati des violons et quelques accords légers des
cordes. Dans ce murmure d’amour contenu et si délicatement avoué,
Donizetti-Dulcamara réussit à placer une phrase descendante passionnée à
la flûte sur les paroles « Non, non, tu ne seras pas toujours ainsi », un
sommet irrésistible de la cavatine.
Il faut entendre une Renata Scotto interpréter cette mélodie, avec sa fabu-
leuse maîtrise du souffle et son phrasé exemplaire, et lorsque l’orchestre est
tenu par le Maestro Gavazzeni, on touche l’état de grâce !
La fin de la cavatina est liée à la scena successive : Adina dit adieu à un
Nemorino interloqué qui réussit à demander si elle n’a rien d’autre à lui
dire. Face à la réponse négative de Adina, il s’exclame : « Puisque je ne
suis pas aimé, / je veux mourir soldat ». Touchée, Adina finit par lui avouer
qu’elle l’aime, accompagnée par un long crescendo orchestral conduisant
à sa cabaletta : « Oublie ma rigueur ; je te jure un amour éternel ». Se libé-
rant enfin de mille contraintes de principe et de (mauvais) caractère, Adina

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défoule sa déclaration avec force vocalises, certes justifiées mais un peu
répétitives, et il en va de même pour les cadences finales. L’auditeur
critique pourrait émettre ici l’unique réserve quant à une partition en tout
point magnifique, sans paraître injuste envers son créateur, car Donizetti
lui-même devait être insatisfait de cette cabalette, comme le montrera le
petit feuilleton que nous rapportons après le finale de l’opéra.
Finale II°. La marche de Belcore retentit en raccourci. Il entre avec ses
soldats, stupéfait de présenter les armes... à son rival ! Adina lui désigne
son époux et le sargente Belcore fait contre mauvaise fortune (assez) bon
coeur. D’ailleurs, il a cette consolation destinée à ne pas lui faire perdre la
face : « Le monde est plein de femmes / et mille et mille en obtiendra
Belcore. -Que vous donnera cet elisir d’amore. », termine Dulcamara, qui,
lui, ne perd pas une occasion de vendre ! (il entre avec tout le village). Une
coupure lui fait parfois attaquer là sa romance finale mais la scena se pour-
suit par la révélation (par Dulcamara, ô malheureux secret !) du fabuleux
héritage de Nemorino. Il s’en attribue tout le mérite car cet « élixir surhu-
main peut en un moment, / non seulement remédier au mal d’amour / mais
enrichir les "fauchés". » Exclamation générale d’admiration et le Dottor
Dulcamara attaque le premier de ses trois couplets finaux. Donizetti
choisit curieusement, mais à juste titre, de lui faire reprendre la musique si
fraîche et piquante de la Barcaruola du début de l’acte II. Le texte est éga-
lement plein de malice et d’esprit car l’on assiste à un nouveau catalogue
des bienfaits de L’ Elisir.
« Ei corregge ogni difetto / ogni vizio di natura. »
Il corrige chaque défaut, chaque vice de la nature, embellit la plus laide
créature, « C’est un somnifère excellent pour les vieilles et les jaloux ».
Autre attribut, plus piquant : « Svegliarino è per l’amore / più potente del
caffè » : le verbe « svegliare » signifiant « éveiller », on y ajoute le gentil
diminutif « -ino » qui en fait un nom et on obtient quelque chose comme :
« Il est pour l’amour, "un gentil petit stimulant" plus puissant que le
café » ! Pendant ce temps, le choeur s’arrache les flacons, bien entendu.
Le carrosse du docteur est arrivé sur la scène, il y monte pour chanter
l’ultime couplet :
« Chéris et favorisés par les étoiles,
Je vous laisse un grand trésor :
Tout est en lui, santé et belles femmes,
Allégresse, chance et or.
De l’ami Dulcamara
Qu’il vous fasse vous souvenir ».

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Tous reprennent la joyeuse mélodie mais si Nemorino dit naïvement : « Je
lui dois ma chère aimée. », Adina ajoute : « Par lui seul je suis heureuse »,
et comme elle est loin d’être ingénue, force est de reconnaître nous aussi,
pour cette histoire, le pouvoir du « Gran Dottore Dulcamara » !
On entend à peine les imprécations dépitées de Belcore qui souhaite verser
à la voiture du « Ciarlatano maledetto ».
La liesse est générale, bon enfant mais pure comme l’air de la campagne et
tendrement sentimentale :
« Viva il grande Dulcamara,
La perle des docteurs !
Avec la santé, avec des trésors
Puisse-t-il bientôt nous revenir ! »
Le serviteur de Dulcamara sonne de sa trompette, le carrosse s’ébranle,
tous secouent leur chapeau et le saluent. L’apothéose monte plus encore
grâce à la direction "bergamasque" du Bergamasco Maestro Gavazzeni qui,
sans trahir l’allegretto inscrit par son concitoyen Donizetti sur la partition,
ralentit le tempo pour le troisième couplet, le conduit d’une manière plus
souple et plus élastique, tandis que les violons jouant un peu plus staccato,
se font plus incisifs. Le maximum d’expressivité semble alors atteint, alors
que l’ironie, l’esprit et le bonheur se marient dans un souffle on ne peut
plus romantique.

INSOLITE
L’interminable aigu final de « L’Elisir »
de Metz 2000 !
On assiste parfois à de petites variantes spectaculaires, selon les
possibilités des chanteurs, qui veulent particulièrement briller ou qui
participent au bonheur d’exécuter une telle musique, bonheur qu’ils trans-
mettent du reste au spectateur ravi. C’est rare dans L’Elisir d’Amore et
l’imposante discographie de l’opéra ne semble rien révéler de particulier...
Mais à Metz, en ce lointain vendredi 31 mars 2000, l’insolite devait cou-
ronner le finale que nous venons de décrire. La soprano Sharon Coste et le
ténor Laurent Koehl, comme pour se consoler de n’avoir ni l’un ni l’autre
à chanter l’air final -chose curieuse et tout à fait inhabituelle dans l’opéra
italien de l’époque- se lancent à l’unisson dans un interminable suraigu
final, nulle part ailleurs entendu, et pour la plus grande joie du public.

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DILEMME
La nouvelle Scena e Aria di Adina ou les
exécutions actuelles, iraient-elles contre la
volonté du compositeur ?
Auteur de l’édition critique de l’opéra, le Maestro Alberto Zedda rappelle
que le manuscrit autographe du premier acte se trouve au Conservatoire de
Naples, tandis que celui du second acte est curieusement séparé, et conser-
vé au Museo Donizettiano de Bergame. D’autre part, ce manuscrit de
Bergame se révèle incomplet, des pages ayant été arrachées après la célè-
bre Romanza « Una furtiva lagrima » et donc au moment de l’air d’Adina.
Parallèlement à ces manuscrits, la Bibliothèque nationale de Paris possède
l’autographe d’un autre air pour Adina (!) suivi de l’indication de se repor-
ter au « spartito vecchio », à la « partition vieille » ou originale, pour la fin
de l’opéra. Le Maestro Zedda en déduit que Donizetti avait emporté le
second acte autographe avec lui à Paris, puisque par cette indication il y
renvoyait le copiste. Il s’y trouvait en effet, en 1838-39, pour superviser
une production de son Roberto Devereux révisé (!), ainsi que la première
française de L’Elisir (également révisé) au Théâtre-Italien. Il entendait
donc, non pas écrire un air alternatif, mais opérer une substitution, retirant
purement et simplement la version originale de la partition.
Le Maestro Zedda précise enfin que de l’Aria originale d’Adina, seule la
cabaletta fut arrachée et il en déduit que Donizetti, en maintenant la
cavatine originale « Prendi, per me sei libero » dans la partition, ne devait
pas être convaincu qu’elle devait être supplantée par la nouvelle.
Le texte est le même (« Prendi, per me sei libero ») mais c’est à la
clarinette, à l’irrésistible clarinette romantique qu’incombe la tâche de
présenter le thème de la nouvelle cavatine... qui se trouve être une
magnifique déclaration empreinte de mélancolie romantique, autant que la
cavatine originale était rêverie éthérée, tout aussi romantique d’ailleurs...
c’est dire la difficulté du choix du morceau !
La cabalette est vraiment comme le dit Alberto Zedda, « délicieuse et
fraîche », et ses vocalises plus rares et naturellement distribuées que celles,
plus systématqiues, de la cabalette originale. Le texte insiste sur le fait
que le trop grand bonheur : l’« eccesso di contento » est difficilement
exprimable avec des paroles.

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Cette version nouvelle et superbe de l’air fut interprétée pour la première
fois à notre époque (septembre 1987) au Teatro Donizetti de Bergame, par
le soprano Denia Mazzola.
La question demeure : le Destin ayant empêché Donizetti, infatigable
réviseur de ses œuvres, de clairement établir qu’il voulait remplacer l’an-
cienne aria par la nouvelle, que doit-on exécuter aujourd’hui ?

À PART ENTIÈRE
Une autre variante pour l’air d’Adina...

Le musicologue américain Philip Gossett signale d’autre part, qu’au cours


de l’été 1842, Donizetti avait également remplacé cette cabaletta de Adina
pour Eugenia Tadolini devant chanter le rôle à Naples. On connaît, et
même trop bien selon Gossett, la nouvelle cabaletta « Oblia le tue pene »
car elle est devenue la partie de Norina (« Via, caro sposino ») dans la
stretta de son duo avec Don Pasquale ! Peu importe, cette substitution
agrée par l’auteur, et réalisée comme toujours à juste titre, peut encore être
effectuée de nos jours car cette fraîche et piquante valse délicieuse, non
seulement convient à merveille pour traduire l’aboutissement d’un bon-
heur, en l’occurrence celui d’Adina, mais mérite en plus de devenir un air
à part entière !

... et un nouvel avatar pour ce même air...


Cette fois l’opération n’est pas de la main du Maître de Bergame mais
seulement de celle d’un mari désireux de faire plaisir à sa femme. Charles
de Bériot, époux de Maria Malibran, se permit de substituer à la cabalette
d’Adina, la valse "Nel dolce incanto" de sa composition. Le morceau,
certes agréable, ressemble de loin au style chaleureux et caressant de
Donizetti. En fait, il ne se trouve pas vraiment en harmonie avec
l’atmosphère donizettienne, précisément, en ce qu’il présente une
ostentation et une "immédiateté sucrée", pour ainsi dire, bien moins
raffinées et plus dans la manière des frères Ricci. La musique du morceau
demeure un peu extérieure à tout sentiment (même à « l’extase du plaisir »
dont parle le texte !) et transpire trop la volonté de mettre en valeur les dons
de l’interprète... en l’occurrence la Señora Malibran ! ... ou encore la
Signora Sutherland, dont l’époux-chef d’orchestre renouvela l’opération
dans son enregistrement intégral de 1970 avec Luciano Pavarotti !

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LES INCONTOURNABLES DE LA
DISCOGRAPHIE
Parmi plus de cinquante enregistrements (studios, "pirates" et bandes video
confondus), il faut s’y retrouver, et surtout pour le non-spécialiste, désireux
en premier lieu d’accéder à une distribution non seulement homogène mais
rendant justice au chef-d’œuvre.
Il est inutile de répéter ici la longue -et d’ailleurs peut-être pas exhaustive-
liste du "site Internet" Operone :
http://www.operone.de/opern/elisirdamore.html
En revanche, quelques noms demeurent garants d’une interprétation au
service de l’œuvre et du compositeur.
D’abord les plus grands chefs-d’orchestre pour L’Elisir :
Gianandrea Gavazzeni, la souplesse, la bonhomie et la poésie incarnées.
Francesco Molinari Pradelli : le théâtre avant tout.
Du côté des deux interprètes principaux :
- Nemorino :
ou une fraîcheur de timbre unique, doublée d’une fougue spontanée d’in-
terprétation.
Le velours d’un timbre sans égal : Beniamino Gigli, un peu rejoint par
Carlo Bergonzi par la suite.
En l’absence d’intégrale, on doit se contenter de la romance du plus élé-
gant et impeccable des ténors : Tito Schipa.
Enfin, Luciano Pavarotti, le soleil limpide et la sobriété d’un timbre incom-
parable, le chant à l’état pur.
- Adina :
Le choix est possible entre le soprano colorature à la voix ronde, magnifié
par Joan Sutherland, ou le soprano lyrique à la voix plus "accrocheuse",
comme Renata Scotto, au timbre incisif. Entre les deux, la pulpeuse voix
de Mirella Freni comble l’oreille, délicieuse comme la musique qu’elle
interprète.
Quel que soit le choix, l’élixir ainsi distillé ne saurait être affadi !

« Da un’ opera deliziosa, un delizioso film... »

Sait-on encore aujourd’hui que le cinéma a voulu lui-aussi s’enivrer


d’Elisir d’Amore ?

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Le ténor Giuseppe di Stefano (1921-2008), avait un
Benjamino GIGLI (1890-1957), au ténor puissant et timbre d'une fraîcheur incomparable et fut un des plus
velouté, fut un des plus suaves Nemorino. fougueux et spontané Nemorino de son époque

La fameuse soprano colorature des années 1930-1950,


Margherita CARIOSO (1908-2005), qui fut Adina aux
Le jeune Luciano Pavarotti en Nemorino : côtés du ténor Tito SCHIPA (1888-1965), dans le rôle
le soleil limpide d'une voix inégalée… principal de Nemorino.

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On relève ainsi la production de deux films respectivement tournés en 1941
et 1946. Le premier, réalisé par Amleto Palermo, comporte l’Adina du
célèbre soprano colorature Margherita Carosio. Le second, tourné par
Mario Costa, a, comme interprètes, le soprano Nelly Corradi, le ténor Gino
Sinimberghi, le baryton Tito Gobbi et la basse Italo Tajo, l’orchestre et les
choeurs du « Teatro dell’Opera di Roma » étant dirigés par Giuseppe
Morelli. Parmi les jeunes paysannes amies de Giannetta et d’Adina, figu-
rent rien moins que de futures grandes vedettes nommées Silvana Mangano
et Gina Lollobrigida ! Et les jolies affiches colorées du film, comportaient
en exergue cette phrase charmante : « Da un’opera deliziosa un delizioso
film... » : tiré d’un opéra délicieux, un film délicieux...

Enfin, à l’occasion de la production de L’Elisir au Teatro Regio de Turin,


on a rappelé8 comment, « en 1951, dans son film Bellissima, Luchino
Visconti utilisa comme colonne sonore, précisément des motifs de L’Elisir
et, avec une grande ironie, affubla le metteur en scène-charlatan qui trom-
pe la Magnani précisément, du thème musical de Dulcamara. » Le metteur
en scène en question fait croire à une pauvre Romaine, idéalement incar-
née par la grande Anna Magnani, que sa fille « bellissima », précisément,
peut être artiste...

Yonel BULDRINI
Médaille d’honneur Gaetano Donizetti de la
Ville de Bergame
Membre et Correspondant pour la France de la
Fondazione Donizetti de Bergame

8
http://www.teatroregio.torino.it/stagione/opera-balletto/l%E2%80%99elisir-d%E2%80%99amore

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LES ARTISTES
Dans les coulisses de la distribution...

L’Elisir d’Amore, opera-comica en deux actes est donné dans une nou-
velle production de l’Opéra-Théâtrte de Metz Métropole en coproduction
avec l’Académie de Scénographie de Venise.

DIRECTION MUSICALE ET MISE EN SCÈNE

Aux manettes de l’Orchestre National de Lorraine, Benjamin Pionnier,


directeur artistique et directeur général de la musique à l’Opéra national de
Slovénie à Maribor depuis un an, a étudié le chant, la direction chorale, la
contrebasse, le piano où il se perfectionna auprès de Brigitte Engerer, et la
direction d’orchestre où il eut notamment comme professeur, Robert
Houlihan (qui fut, à Metz, directeur de l’Harmonie municipale et qui
conduisit l’Ensemble instrumental à la fosse de l’Opéra-Théâtre). Premier
prix de direction, Benjamin Pionnier est lauréat du Concours du Collège
royal de musique de Manchester. Il participa à un cycle de master-classes
à travers l’Europe. Conseiller artistique à l’Opéra de Nice de 2006 à 2010,
il a pris part à plusieurs festivals de musique en France notamment. Il a
dirigé de nombreuses œuvres lyriques au Théâtre du Bolchoï, au French
May de Hong Kong, ainsi que sur maintes scènes lyriques françaises, de
même que des programmes symphoniques (Mulhouse, Montpellier,
Nancy). Ses prochains engagements le conduiront à Séoul pour Carmen, à
La Plata pour Pelléas et Mélisande, à Gènes pour Les Noces de Figaro, à
Florence pour Orphée aux Enfers, à Pise pour Tosca, etc...

***

La mise en scène de L’Elisir d’Amore est confiée à Joel Lauwers, né à


Bruxelles d’une famille musicienne. Après une carrière d’artiste peintre,
spécialiste de l’aquarelle figurative inspirée des impressionnistes, il
change de carrière et sera régisseur de scène à Bruxelles, avant de devenir
metteur en scène. Il y montera Idoménée, ainsi qu’à Dublin, Les Contes
d’Hoffmann, Salomé, puis Les Noces de Figaro. A Dublin, c’est au cours
d’une représentation de Salomé, que l’équipe théâtrale d’Ali Baba lui

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propose la mise en scène d’une comédie musicale, par laquelle il sortira
de son répertoire habituel. Il utilisera les techniques propres à l’opéra
contemporain pour en réaliser un spectacle non conventionnel et à la fois
populaire et de qualité.
La scénographie de L’Elisir est assumée par Poppi Ranchetti, les lumières
réglées par Patrick Méeüs, et les costumes taillés par Dominique Burté,
responsable de l’atelier de confection de l’Opéra-Théâtre.

LA DISTRIBUTION VOCALE

De Nemorino...
Le rôle principal du jeune villageois qu’est Nemorino est tenu par le
célèbre ténor messin Florian Laconi, qui y a étudié l’art dramatique et fut
comédien avant d’aborder la mise en scène. Il étudie ensuite le chant avec
Michèle Command, Gabriel Bacquier et Christian Jean. Lauréat du
Concours des Voix Nouvelles en 2002, il sera nominé aux 13èmes Victoires
de la Musique classique en 2006, dans la catégorie « Artiste lyrique de
l’année ». Il a contribué à de nombreuses distributions à l’Opéra-Théâtre
de Metz et incarna, en juin dernier, le rôle-titre de Faust de Gounod dans
la mise en scène de Paul-Emile Fourny. Laconi à chanté sur les principales
scènes françaises, d’Avignon, Toulouse, Nice, Massy, Marseille, Saint-
Etienne, ainsi qu’à l’Opéra Bastille, à l’Opéra-Comique à Paris, à l’Opéra
de Monte-Carlo, ainsi qu’a divers festivals, dont Antibes, Auvers-sur-Oise,
Saint-Céré, aux Chorégies d’Orange, mais également à Los Angelès, Liège
et Hong-Kong. Il a chanté aux côtés d’artistes célèbres tels que Rolando
Villazon, Carlo del Monaco, Roberto Alagna, Anna Netrebko, Bryn Terfel,
Alain Fondary, Béatrice Uria Monzon....

... à Adina...
Le rôle principal féminin de L’Elisir
d’Amore, Alina, riche propriétaire fer-
mière, est tenu par la soprano originaire
de Suisse, Chiara Skerath. C’est la pre-
mière fois qu’elle se produit à l’Opéra
de Metz. Elle entame ses études musica-
les par le violon et le chant à Louvain en
Belgique, intègre une classe de chant au
Conservatoire national supérieur de
La soprano Chiara Skerath. musique de Paris et étudie auprès de
Cliché : Gerardo Garciacano
Claudia Visca à l’Universität für Musik

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darstellende Kunst de Vienne. Elle a débuté dans le rôle de la Princesse de
L’Enfant et les sortilèges de Ravel et dans celui de Nella de Gianni
Schicchi de Puccini. Elle fut, en 2010/11, Sylvia dans L’Isola disabitata de
Haydn au Kammer Oper de Vienne et incarna le rôle de Anna Reich dans
Les Joyeuses commères de Windsor de Nicolaï au Stadttheater de Berne où
elle fut déclarée « Révélation à 23 ans ». Après avoir été Suzanna et
Barbarina dans Les Noces de Figaro, au festival d’opéra de
Klosterneuburg, elle fera ses débuts à l’Opéra royal de Wallonie, retourne-
ra au Stadttheater de Berne dans Despina de Cosi fan tutte de Mozart. La
jeune soprano a remporté plusieurs prix, au Concours internationl du
Belvédère en 2010, puis le prix Jeune espoir au Concours international de
Marmande en 2011.
Elle sera l’invitée, en 2013, de l’Osterfestspiele de Salzbourg dans le rôle
de Blumenmädschen de Parsifal de Richard Wagner et fera, pareillement
ses débuts dans trois opéras français, de Besançon, Compiègne et
Bordeaux.

... De Belcore à Dulcamara et à Giannetta


Le rôle du sergent Belcore est tenu par le baryton argentin Luciano Garay
né à Mar del Plata. Il s’est perfectionné à l’Institut supérieur des arts de
Buenos Aires, puis à la Hochschuhle für Musik de Karlsruhe. Doté de
bourses de diverses fondations, il a poursuivi son perfectionnement en
Europe auprès, notamment, d’Elisabeth Schwartzkopf et de Dietrich
Fischer-Dieskau. En 1992, il remportait le Prix international Pavarotti, et,
la même année, le Prix Etoile de mer pour son interprétation de Papageno
de La Flûte enchantée. Il tiendra ensuite les principaux rôles de baryton
dans les plus célèbres opéras grâce auxquels il a acquis un vaste réper-
toire. Il a réalisé plusieurs enregistrements de Lieder et d’opéras, et, plus
particulièrement, pour K 617 et Les chemins du Baroque en Bolivie,
d’Alain Pacquier sous la direction de Gabriel Garrido. On signalera égale-
ment qu’il avait tenu, en 2006, le rôle-titre de l’Empereur dans l’ouvrage
de Viktor Ulmann, Der Kaiser von Atlantis donné à Nancy et à l’Opéra-
Comique à Paris, et qui retrace en parodie satirique, la vie au camp de
Terezin.
Le rôle de basse du charlatan Dulcamara est interprété par Carlos Esquivel,
originaire également d’Argentine. Il s’est distingué plus particulièrement
dans L’Amour des trois oranges, dans Le Barbier de Séville et dans Les
Noces de Figaro. Ayant interprété ce rôle-titre à Rouen, il y a deux ans, la
critique avait souligné son « humanité par sa voix sombre de basse arbo-
rant une touchante bonhomie. »

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Quant au rôle de Giannetta, jeune paysanne, il sera interprété par Aurore
Weiss, qui figure au rang des sopranos dans les Chœurs de l’Opéra-Théâtre
de Metz Métropole dirigés par Jean-Pierre Aniorte.

LA CONFÉRENCE
Danielle Pister : « L’Elixir...
ou comment réussir un opéra indémodable... »
« Si Dulcamara ne possède pas le secret de la liqueur qui permit à Tristan
de se faire aimer de la reine Iseult, Donizetti et son librettiste Romani ont
trouvé, à coup sûr, celui qui leur permet de conquérir, et de conserver
depuis 1832, les cœurs de tous les amateurs d’opéras de l’Ancien et du
Nouveau monde ». Tel est, en résumé, la synthèse de la conférence que
développe Danielle Pister, vice-présidente du Cercle Lyrique de Metz, et
calée le samedi 17 novembre à 16 heures, au foyer Ambroise-Thomas de
l’Opéra-Théâtre.
Et de tenter d’en percer quelques secrets à travers les recettes suivantes:
« Il faut d’abord se procurer quelques bons vieux ingrédients de la
Commedia dell’Arte : des personnages traditionnels (le Dottore, le
Capitan, Isabelle, le zanni-valet) aux traits comiques fixés d’avance, et les
brasser dans une intrigue simple, mais toujours dynamique, avec ses rebon-
dissements aussi amusants que prévisibles... »
« Choisir une histoire d’amour, a priori impossible. Son issue heureuse
comblera le besoin d’émerveillement tapi au tréfonds de l’âme du specta-
teur depuis qu’il a écouté son premier conte de fées. »
« Puis, pour éveiller l’appétit du mélomane, assaisonner avec quelques
épices : éviter de réduire les personnages à de simples mécaniques,
ciseler finement musique et mélodies, qui doivent rester immédiatement
accessibles et se révéler, tour à tour, entraînantes et émouvantes... »
La réussite, explique Danielle Pister, est tout entière dans le tour de main
du compositeur, après seize ans d’entraînement intensif, et dans la célérité
de l’élaboration, en moins de deux mois. Et, pour déguster le tout, la confé-
rencière annonce en conclusion, qu’il faut « se précipiter aux prochaines
représentations au théâtre de Metz. »

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ACTUALITÉS
Les nouveautés du journal lyrique
et musical du C.L.M.
Le Journal lyrique et musical du C.L.M. s’enrichit chaque mois de
nouveaux textes et de nouveaux dossiers. On attirera l’attention des inter-
nautes sur les dernières critiques dont celles, ouvrant la saison de l’Opéra-
Théâtre de Metz, « Autour de la Flûte enchantée ». Dans la rubrique
« Discographie », on trouvera les analyses des ouvrages lyriques repré-
sentés à Metz durant la précédente saison 2011/2012. A la rubrique « Les
critiques messines » celle, en particulier, de l’opéra « Renaud » d’Antonio
Sacchini, donné en octobre 2012 en re-création mondiale à L’Arsenal par
Les Talens Lyriques.
Dans la rubrique « L’opéra à l’écran », on signalera le lancement des
retransmissions au cinéma Palace de Metz, depuis l’Opéra de Paris, et, en
ce qui concerne Kinépolis, la critique percutante de la récente
« Turandot », donnée au Met de New-York. On rappellera que les adhé-
rents du Cercle Lyrique de Metz, bénéficient d’une réduction intéressante
pour ces retransmissions en vertu de partenariats que nous avons noués
avec ces deux organismes, et sur présentation de leur carte d’adhérent pour
la saison 2012/2013.

Nouveauté également à la rubrique « Repères bibliographiques » où est


détaillé le livre récemment paru de l’ancien ministre Bruno Lemaire, par
ailleurs mélomane averti, et intitulé « Musique absolue » qui détaille la
carrière de l’éminent chef d’orchestre Carlos Kleiber.
Parmi les dossiers de l’année, on signalera celui consacré à Jules Massenet
à l’occasion du centenaire de sa mort en 1912. Et, en préparation, celui
qui paraîtra sur notre site, début 2013, sur le 150ème anniversaire de la
naissance à Metz de Gabriel Pierné, compositeur de douze ouvrages
lyriques et autres œuvres symphoniques et de musique de chambre. Cet
anniversaire sera marqué entre autres, par l’interprétation de son Mystère
en deux parties, en forme d’oratorio « Les Enfants à Bethléem » donné en
mai prochain à L’Arsenal par l’O.N.L. dirigé par Jacques Mercier. D’autres
dossiers suivront, et notamment celui détaillant le « Colloque sur le théât-
re lyrique léger » calé sur les 9 et 10 mars à l’Opéra-Théâtre, et organisé
par le Cercle Lyrique de Metz, sur un schéma sensiblement identique à son
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premier colloque de 2009 à l’occasion du 30ème anniversaire de la fondation
du C.L.M.

Pour consulter le Journal lyrique, cliquer tout simplement Cercle Lyrique


de Metz.

FOCUS
Partenariat du C.L.M. pour le concert de
Sophie Koch « artiste lyrique de l’année 2012 »
Pour le concert lyrique donné par
l’Orchestre National de Lorraine dans le
cadre de sa série « Les grands interprètes »
et qui aura lieu le vendredi 7 décembre
2012, à 20h00 dans la grande salle de
L’Arsenal, le Cercle Lyrique de Metz a,
comme il l’avait fait pour la venue en début
d’année de June Anderson et l’année précé-
dente de Natalie Dessay et Laurent Naouri,
signé un partenariat pour celui donné par
Sophie Koch, mezzo-soprano. La cantatrice
qui avait été nommée « artiste lyrique de
l’année » aux « Victoires de la musique
classique » de février dernier, interprétera
les « WesendonckLieder » ainsi que l’extrait de l’opéra « Rienzi » de
Richard Wagner, « Gerechter Gott », de même que l’air du Compositeur
extrait d’« Ariane à Naxos » de Richard Strauss, « Seien wir wieder gut ».
L’O.N.L. qui accompagnera, sous la direction de Jacques Mercier, ces
numéros lyriques, les entourera d’œuvres d’Hector Berlioz dont les extraits
de sa « Damnation de Faust » et son Ouverture de « Béatrice et Bénédict ».
Ce concert, à vocation caritative est patronné par Coline-Opéra dont
Sophie Koch est la marraine, et sera précédé, comme pour la venue de June
Anderson, d’une mini-conférence à partir de 19h15, à L’Arsenal, donnée
par Georges Masson et intitulée « Sophie Koch, la passion des deux
Richard : Strauss et Wagner ». Le programme détaillant la soirée, a égale-
ment été rédigé par le président du C.L.M.

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L'ÉLIXIR D'AMOUR
Gaetano DONIZETTI

Livret de Felice ROMANI

49
Felice Romani (1788-1865)

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L’ÉLIXIR D’AMOUR GIANNETTA et LE CHŒUR
Gaetano DONIZETTI De quoi ris-tu ? Fais-nous part
de cette lecture amusante.
Livret de Felice ROMANI
ADINA
Personnages C'est l’histoire de Tristan,
un conte d'amour.
GIANNETTA, jeune paysanne
NEMORINO, jeune paysan LE CHŒUR
ADINA, riche fermière Lis, lis,
BELCORE, sergent
DULCAMARA, charlatan NEMORINO (à part)
Je vais me rapprocher
tout doucement, me glisser parmi eux.
ACTE I
ADINA (elle lit)
– Scène 1 Pour la cruelle Yseult
Entrée d’une ferme. Au fond, paysage de campagne le beau Tristan brûlait,
où court un ruisseau. Sur la rive, des blanchisseuses il n'avait pas un brin d'espoir
lavent leur linge. Au milieu, un grand arbre sous de la conquérir un jour.
lequel se reposent Giannetta, des moissonneurs et Quand il se traîna aux pieds
des moissonneuses. Adina est assise à l'écart, lisant. d'un sage magicien
Nemorino l'observe de loin. qui dans une coupe lui donna
certain élixir d'amour,
GIANNETTA et LE CHŒUR grâce auquel la belle Yseult
Qu’il est doux au moissonneur, "cessa de le fuir."
quand le soleil brûle le plus, Élixir d'une vertu
sous un hêtre, au pied d'un coteau, si rare et si parfaite,
de s'étendre et respirer ! que j'en sache la recette,
Du midi la vive ardeur, que je connaisse qui te fait !
ombre et eau courante tempèrent,
mais ni ombre ni eau ne modèrent TOUS
de l'amour l'ardente flamme. Élixir d'une vertu
Heureux le moissonneur si rare et si parfaite,
qui de lui peut se garder ! que j'en sache la recette,
que je connaisse qui te fait !
NEMORINO (regardant Aldina qui lit)
Qu'elle est belle, comme elle m'est chère ! ADINA (lisant)
Plus je la vois, plus elle me plaît, A peine eut-il bu une gorgée
mais à ce cœur je n'inspire de la coupe enchantée,
pas la moindre tendresse. qu'aussitôt le cœur rebelle
Elle lit, étudie, apprend. d'Yseult s'adoucit.
Il n'est rien qu'elle n'ignore. Changée en un clin d'œil,
Moi, je suis toujours un sot, cette beauté cruelle
je ne sais que soupirer. s'éprit de Tristan
Qui m'éclairera l'esprit ? et lui vécut fidèle;
Qui m'enseignera à me faire aimer ? et cette première gorgée,
"pour toujours il la bénit."
ADINA (riant)
Quel bon livre ! TOUS
L'histoire est curieuse. Élixir d'une vertu

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si rare et si parfaite, quel jour veux-tu m'épouser ?
que j'en sache la recette,
que je connaisse qui te fait ! ADINA
Monsieur je ne suis pas pressée.
– Scène 2 Je veux y songer un tantinet.
Roulement de tambour. Tous se lèvent. Arrive
Belcore à la tête d'un peloton de soldats qui NEMORINO (à part)
restent massés au fond. Il s'approche d’Adina, Malheureux que je suis, si elle accepte !
la salue et lui présente un bouquet. Malheureux, j’en mourrai.

BELCORE BELCORE
Comme le beau Pâris Seigneur, ne perdons pas plus de temps ;
remit la pomme à la plus belle, jours et heures s'envolent.
ma charmante fille des champs, En guerre et en amour,
moi, je te remets ces fleurs. il est fatal de traîner.
Mais je suis plus glorieux, Au vainqueur rends-toi ;
plus heureux que lui, tu ne peux m'échapper.
puisqu'en retour de ce don,
je reçois ton cher cœur. ADINA
Voyez un peu ces hommes,
ADINA (aux femmes) voyez un peu leur morgue !
Il est modeste, le monsieur ! Ils chantent déjà victoire
avant même de combattre.
GIANNETTA et LE CHŒUR Non, il n'est pas si facile
Oui, en vérité. de conquérir Adina.

NEMORINO (à part) NEMORINO (à part)


Oh, malheur ! Un peu de son courage,
que l'amour m'en donne au moins !
BELCORE je lui dirais combien je souffre,
Je vois clair sur ce visage peut-être trouverais-je pitié.
que j'ai fait une brèche dans ton cœur. Mais je suis trop timide,
Ce n'est pas surprenant : mais je ne peux parler.
je suis galant et sergent.
Il n'est pas de belle qui résiste GIANNETTA et LE CHŒUR
à la vue d'un cimier ; Ce serait vraiment trop drôle,
A Mars, dieu guerrier, si Adina succombait,
cède même la mère de l'Amour. si ce militaire
les vengeait tous.
ADINA Oui, mais c'est une vieille renarde
Il est modeste ! à qui on ne la fait pas,

GIANNETTA et LE CHŒUR BELCORE


Oui, en vérité! En attendant, ma jolie fille,
j'occuperai la place.
NEMORINO Permets à mes hommes
(Elle rit... Oh quelle douleur !) de se reposer quelques instants à l'ombre.

BELCORE ADINA
Lors, si tu m'aimes, comme je t'aime, Bien volontiers.
pourquoi tarder à rendre les armes ? Je me dis fortunée
Capitulons, mon idole : de leur offrir à boire.

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BELCORE NEMORINO
Bien obligé. Oh, Adina !... et pourquoi donc ?...
(à part) Je suis déjà de la famille.
ADINA
ADINA (aux moissonneurs) La belle demande !
Vous pouvez reprendre Demande à la douce brise
vos travaux interrompus. Le soleil décline. pourquoi elle vole sans se poser
sur le lis, sur la rose,
TOUS sur le pré, sur le ruisseau.
Allons, allons. Elle te dira que sa nature
(Belcore, Giannetta et le CHŒUR s’en vont) est d'être fuyante et infidèle.

– Scène 3 NEMORINO
Nemorino et Adina. Alors je dois ?...

NEMORINO ADINA
Un mot, Adina ! Renoncer à mon amour,
t’éloigner de moi.
ADINA
La vieille rengaine ! NEMORINO
Les éternels soupirs ! Tu ferais mieux Chère Adina !... Cela m’est impossible.
de t'en aller à la ville près de ton oncle
que l'on dit malade, et gravement. ADINA
Impossible ? Pourquoi ?
NEMORINO
Son mal n'est rien auprès du mien. NEMORINO
Je ne peux m'en aller. Pourquoi !
Mille fois je l'ai tenté. Demande au fleuve pourquoi, pleurant,
du rocher où il naît,
ADINA il court à la mer qui l'appelle,
Mais s'il devait mourir, pour mourir dans son sein.
et laisser son bien à un autre ? Il te dira que l'entraîne
une puissance inexplicable.
NEMORINO
Et que m'importe ? ADINA
Donc tu veux ?
ADINA
Tu mourras de faim sans aucun appui. NEMORINO
Mourir comme lui,
NEMORINO mais mourir sous ton souffle.
De faim ou d'amour, pour moi c'est tout un.
ADINA
ADINA Aimes-en une autre: tu en as le droit.
Ecoute-moi. Tu es bon, tu es modeste,
tu ne te crois pas comme ce sergent NEMORINO
sûr de m'inspirer de l'amour ; Ah ! Ce n'est pas possible.
aussi je te parle avec franchise,
et te dis que tu espères en vain : ADINA
je suis capricieuse et il n'est pas en moi Pour te guérir de ta folie,
de désir qui sitôt né n'y meurt. car l'amour fidèle est folie,
tu dois suivre ma coutume,

53
tous les jours changer d'amour.
Comme un clou en chasse un autre, DULCAMARA
ainsi l'amour expulse l'amour. Ecoutez, écoutez, ô gens du pays ;
De cette manière, je ris et m'amuse, prêtez l'oreille, retenez votre souffle.
de cette manière, j'ai le cœur libre, etc. Je suppose et j'imagine
que vous savez aussi bien que moi
NEMORINO que je suis l'illustre médecin,
Toi seule je vois, j'entends, l'encyclopédique docteur
jour et nuit, en tous objets. nommé Dulcamara,
Je tente en vain de t'oublier. dont la vertu éclatante
Ton visage est gravé dans mon cœur. et les innombrables merveilles
En changeant comme tu le fais, sont connues de tout l'univers
on peut changer d'amour, ... et... et d'autres lieux.
mais jamais le premier Bienfaiteur des hommes,
ne peut quitter le cœur. réparateur des maux,
(Ils s’en vont) en peu de jours je vide,
Place du village. D'un côté l’Auberge de la Perdrix. je débarrasse les hôpitaux,
et je vais par le monde entier
– Scène 4 vendre la santé.
Des villageois vont et viennent, vaquant à leurs Achetez-la, achetez-la,
occupations. Son de trompette. Des femmes, je vous la donne pour presque rien.
poussées par la curiosité, sortent de leurs demeures, La voici cette merveilleuse,
suivies des hommes. odontalgique liqueur,
puissante destructrice
LES FEMMES des souris et punaises.
Qu'est-ce que c'est que ce bruit ? Je ferai à chacun voir,
toucher et lire
LES HOMMES les certificats authentiques
Venez voir, grande nouvelle ! et scellés.
Grâce à mon spécifique,
LES FEMMES sympathique et prolifique,
Qu’est-il advenu ? un septuagénaire valétudinaire
devint même de dix bambins le grand-père.
LES HOMMES Par cette panacée
Un étranger est arrivé en une petite semaine
dans une voiture dorée. plus d'une veuve affligée
Si vous voyiez cette noble allure ! retrouva le sourire.
Quel bel habit ! Quel brillant train !
LES VILLAGEOIS
TOUS Oh ! Oh !
Certes, c'est un grand personnage...
Un baron, un marquis en voyage. DULCAMARA
Quelque grand qui court la poste, Vous dames sévères,
peut-être un duc, peut-être plus. désirez-vous rajeunir ?
Regardez, vers nous il s'avance. Effacez avec elle
Bas, plus bas bonnets, chapeaux. ces rides déplaisantes.
Voulez-vous, demoiselles,
– Scène 5 avoir la peau bien lisse ?
Arrive Dulcamara dans un carrosse doré, tenant Voulez-vous, jeunes galants,
à la main des prospectus et des bouteilles. ne jamais manquer d'amours ?
Derrière lui un laquais sonne de la trompette. Achetez mon spécifique,
Tous les villageois l'entourent. je vous le donne pour presque rien.

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Allons mes bons pêtits gars, je fais entrer dans la poche
mes braves petites veuves, un bel écu bien net.
Achetez mon spécifique, Ah ! La douce affection de la patrie
je vous le donne pour presque rien. peut faire de grands miracles.
Il fait marcher les paralytiques,
expédie les apoplectiques, LE CHŒUR
les asthmatiques, les asphixitiques, C'est très vrai. Donnez.
les hystériques, les diabétiques, Oh, que vous êtes un brave homme, Docteur !
il guérit les typaniques,
les scrofuleux et les rachitiques, DULCAMARA
et jusqu'au mal de foie Voici. Trois lires. Avancez, avancez.
tellement à la mode de nos jours.
Merveilleux pour les punaises, VILLAGEOIS
merveilleux pour le foie, De votre passage
il guérit les paralytiques, nous nous souviendrons longtemps.
expédie les apoplectiques. (Les villageois partent.)
Achetez mon spécifique,
je vous le donne pour presque rien. – Scène 6
Avancez, avancez, veuves, Nemorino et les mêmes
avancez, avancez, bambins.
Achetez mon spécifique, NEMORINO (à lui-même)
je vous le donne pour presque rien. Oser ! Peut-être le ciel a-t-il envoyé
Si, si, je vous le donne pour presque rien. exprès pour moi au village
Un moment, un moment, un petit moment, cet homme miraculeux.
je l'ai apporté en malle de poste De sa science je veux faire usage.
d'une distance de mille lieues. (A Dulcamara)
Me direz-vous: que coûte-t-il ? Docteur...
Combien la bouteille ? Hein ?
Cent écus ? Non. Trente ? Non. Vingt ? DULCAMARA
Que personne ne se décourage. Eh?
Pour montrer mon contentement,
d'un accueil si amical, NEMORINO
je veux, ô bonnes gens, Pardonnez. Est-il vrai que vous possédez
vous donner un écu. des secrets prodigieux ?

LE CHŒUR DULCAMARA
Un écu ! Vraiment ? Surprenants.
On ne peut trouver plus brave homme. Ma poche est la boîte de Pandore.

DULCAMARA NEMORINO
Le voici. Cet élixir, Auriez-vous... par hasard
si stupéfiant, si balsamique, le philtre amoureux
toute l'Europe sait que je le vends de la reine Yseult ?
pour pas moins de neuf lires ;
mais comme, c'est bien évident, DULCAMARA
je suis enfant du pays, Ah !... Comment ?... Qu’est-ce que c’est ?
pour trois lires je vous le cède,
je ne vous demande que trois lires. NEMORINO
(Au laquais) Je veux dire… le merveilleux
Sonne de la trompette, Riccardo ! élixir qui provoque l’amour...
Il est donc clair comme le jour
qu'à chacun qui le veut DULCAMARA

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Ah ! Oui, oui, je comprends, j’entends.
J’en fais la distillation. NEMORINO
Ah ! Docteur, un petit instant...
NEMORINO De quelle manière faut-il l'utiliser ?
Est-ce possible ?
DULCAMARA
DULCAMARA Avec soin, tout doux, tout doux,
Il s’en fait secouer un peu le flacon,
une grande consommation à cet âge. puis le déboucher, mais en évitant
que le parfum ne s'en échappe.
NEMORINO
Oh, fortune !... et vous en vendez ? NEMORINO
Bien...
DULCAMARA
Tous les jours et à tout le monde. DULCAMARA
Puis le porter aux lèvres...
NEMORINO
Quel prix en demandez-vous ? NEMORINO
Bien...
DULCAMARA
Pas beaucoup... Peu... DULCAMARA
… et le boire à petites lampées...
NEMORINO
Peu ? NEMORINO NEMORINO
Bien...
DULCAMARA
C'est-à-dire, c'est selon… DULCAMARA
…et le surprenant effet
NEMORINO ne tardera pas à suivre.
Un sequin... Je n’ai rien d’autre...
NEMORINO
DULCAMARA Immédiatement ?
C'est tout juste la somme.
DULCAMARA
NEMORINO À dire vrai, un jour entier est nécessaire.
Ah! Prenez-le, Docteur. (À part) Le temps qu'il faut
pour m'en sortir et décamper.
DULCAMARA (sortant une bouteille)
Voilà la liqueur magique. NEMORINO
Et le goût ?...
NEMORINO
Merci, oh ! Merci ! DULCAMARA
Je suis heureux, je suis ravi. Il est excellent…
Élixir d'une telle bonté,
béni soit celui qui te fit ! NEMORINO NEMORINO
Excellent ?
DULCAMARA (à part)
(Dans les pays que j'ai parcouru, DULCAMARA
j'ai trouvé plus d'un sot. Excellent.
Mais un sot comme celui-là (À part) C’est du bordeaux, et pas un élixir.
en vérité ne se trouve pas.
NEMORINO

56
Merci, oh ! Merci !
Je suis heureux, je revis. – Scène 7
Élixir d'une telle bonté ! Nemorino
Béni soit celui qui te fit !
NEMORINO
DULCAMARA Cher élixir ! Tu es à moi !
Dans les pays que j'ai parcouru Oui, tout à moi…
j'ai trouvé plus d'un sot, Qu'elle doit être puissante ta vertu,
mais un sot comme celui-là, si, sans être encore bue,
en vérité ne se trouve pas. tu m'emplis le cœur de joie !
(Nemorino va pour partir) Mais pourquoi dois-je attendre tout un jour
Jeune homme ! Eh ! Eh ! avant de voir ton effet ?
Buvons. (Il boit) Oh, bien! Oh, très bon!
NEMORINO Encore une gorgée. Oh! Quelle douce chaleur
Monsieur ! me court de veine en veine.
Ah! Peut-être qu'elle aussi commence à sentir
DULCAMARA cette même flamme. Elle la sent, c'est sûr.
Sur ceci, silence, veux-tu ? Tout me l'annonce, la joie et l'appétit
Silence, silence. qui en moi se sont réveillés, tout d'un coup.
Aujourd'hui débiter l'amour (Il s'assied sur le banc de l'auberge, sort de sa
est une affaire très délicate. poche du pain et des fruits et commence à les
manger tout en chantant.)
NEMORINO La ra, la ra, la ra. La ra, la ra, la ra.
Oh ! Oh !
Scène 8
DULCAMARA Adina et le même.
Assurément, c’est une affaire très délicate.
Les autorités pourraient ADINA
s'en émouvoir un tantinet. (Quel est ce fou?
Donc, silence. Je me trompe, ou c’est Nemorino ?
Si joyeux ! Et pourquoi ?)
NEMORINO
Je vous en donne ma parole : NEMORINO (Il la voit)
pas une âme ne le saura. Diable ! La voilà...
(Il se lève pour courir vers elle, mais il s‘arrête
DULCAMARA et se rassoit)
Va, heureux mortel : (Mais non, ne nous approchons pas.
c'est un trésor que je t'ai donné. Que je ne la lasse pas de mes soupirs aujourd'hui.
Tout le sexe féminin D'autant plus demain m'adorera ce cœur sans pitié.)
soupirera pour toi demain.
(à part) Mais demain de bon matin, ADINA
je serai bien loin d'ici. (Il ne regarde même pas ! Comme il a changé !)

NEMORINO NEMORINO
Ah! Docteur, je vous fais serment La ra, la ra, la lera! La ra, la ra, la lera!
que je n’en boirai qu’une fois seulement ; La ra, la ra, la ra. La ra, la ra, la ra.
pour aucune une autre, si belle soit-elle,
je ne risquerai qu’une goutte. ADINA
(à part) C'est vraiment une étoile amie (Je ne sais pas s'il feint d'être gai ou non.
qui envoya cet homme ici.
(Dulcamara entre dans l’auberge.) NEMORINO
Jusqu'à maintenant elle ne sent rien.

57
et jeter ses chaînes ;
ADINA mais il les sentira peser
Il fait l'indifférent. encore plus lourdement.

NEMORINO Scène 9
Qu'elle rie de mes peines, la cruelle, Belcore à l’extérieur puis en scène, et les mêmes
pour le temps qui lui reste !
Demain elles seront terminées, BELCORE (chantant)
demain elle m’aimera. Tran tran, tran tran, tran tran.
En guerre comme en amour,
ADINA le siège ennuie et fatigue.
L’imbécile voudrait briser
et jeter ses chaînes ; ADINA
mais il les sentira peser (Belcore arrive au bon moment.)
encore plus lourdement.
NEMORINO
NEMORINO Voilà l'importun !
La ra, la ra... La ra, la ra...
BELCORE (entrant)
ADINA (s’approchant de lui) Le courage ne me manque pas
Bravo ! à la guerre comme en amour.
La leçon te profite.
ADINA
NEMORINO Eh bien, aimable sergent,
C'est vrai. Je l'ai appliquée pour l'essayer. la place vous plaît-elle?

ADINA BELCORE
Donc, tes souffrances d’avant ?... Elle se défend bravement
mais on l'assaille vainement.
NEMORINO
J'espère les effacer. ADINA
Et le cœur ne vous dit pas
ADINA qu'elle se rendra bientôt ?
Donc tes feux anciens ?...
BELCORE
NEMORINO Ah ! Le veuille l'amour !
Seront sous peu éteints.
Un seul jour encore ADINA
et le cœur sera guéri. Vous verrez qu'il le voudra.

ADINA ADINA BELCORE


Vraiment ! Je m'en console. Quand ? Serait-ce possible !
Néanmoins, on verra.
NEMORINO (à part)
NEMORINO Je tremble malgré moi.
(Qu'elle rie de mes peines, la cruelle,
pour le temps qui lui reste ! BELCORE
Demain elles seront terminées, Parle, O mon bel ange ;
demain elle m’aimera. Quand nous marirons-nous ?

ADINA ADINA
L’imbécile voudrait briser Très vite.

58
Ah ! Ah ! C’est bon.
NEMORINO Allons, camarades, il faut partir.
(Qu’entends-je!)
LES CHŒURS
BELCORE Partir !... Et quand ?
Mais quand ?
BELCORE
ADINA (regardant Nemorino) Demain matin.
Dans six jours.
LES CHŒURS
BELCORE O ciel, si vite !
Oh, joie ! Je suis content.
NEMORINO (à part)
NEMORINO (riant) Adina est affligée.
Ha! Ha! Ha! Ha! C’est bien ainsi.
BELCORE
BELCORE L'ordre est urgent ; je ne sais que dire.
Qu'a-t-il donc à rire, ce nigaud ?
Je vais lui flanquer une volée LES CHŒURS
s'il ne s'en va pas d'ici. Maudite malchance !
Changer sans cesse de garnison !
ADINA Devoir quitter les amants !
Et il peut être si gai, si hilare,
quand il entend que je me marie ! BELCORE
Je ne peux plus cacher L'ordre est urgent ; je ne sais que faire.
la rage qu'il m'inspire. (À Adina)
Mignonne ! Entends-tu ? Demain, adieu !
NEMORINO Au moins, au moins, souviens-toi de mon amour.
Vantard! Déjà il croit
toucher le ciel du doigt. NEMORINO (à part)
Mais le piège est déjà tendu; Oui, oui, demain tu entendras du nouveau.
demain il s'en apercevra.
ADINA
– Scène 10 Je te prouverai ma constance ;
Son de tambour, Giannetta entre avec des paysannes, je me rappellerai ma promesse.
puis accourent les soldats de Belcore.
NEMORINO
GIANNETTA Oui, oui, demain je te le dirai.
Monsieur le sergent, monsieur le sergent,
vos gens vous réclament. BELCORE
Si tu es disposée à tenir ta promesse,
BELCORE pourquoi ne pas anticiper ? Que t'en coûte-t-il ?
Je suis là ! Qu’est-il arrivé ? Pourquoi une telle Ne peux-tu m'épouser aujourd'hui même ?
hâte ?
NEMORINO
UN SOLDAT Aujourd'hui même !
Voici deux minutes, une estafette
a apporté pour vous je ne sais quel ordre. ADINA (regardant Nemorino)
(Il est troublé, je crois.)
BELCORE (prenant le papier) Eh bien, aujourd’hui...
Le capitaine...
(lisant) NEMORINO

59
Aujourd’hui ! Dis, Adina ! à un homme du monde dont il n'est pas l'égal.
Aujourd’hui, tu dis ?... Oh ! Oui, vraiment, la belle Adina
est un morceau de choix pour toi.
ADINA
Pourquoi pas ?... ADINA (résolument)
Allons, Belcore.
NEMORINO Avertissons le notaire.
Attends au moins jusqu’à demain matin.
NEMORINO (agité)
BELCORE Docteur ! Docteur !
Est-ce que ça te regarde, toi ? Voyons un peu ! A l'aide ! Au secours !

NEMORINO GIANNETTA et LES CHŒURS


Jusqu'à demain matin. Il est vraiment fou.
Adina ! Pas aujourd'hui. (Tu me le paieras.)
Adina, crois-moi, je t’en conjure (À tous)
Tu ne peux pas l’épouser... Je te l’assure... Mes amis, je vous invite tous au joyeux festin.
Attends encore... Un jour à peine…
Un petit jour… Je sais pourquoi. BELCORE
Demain, oui chèrie, tu t'en repentiras ; Giannetta, jeunes filles,
tu en seras aussi désolée que moi. je vous invite à danser.

BELCORE GIANNETTA et LES CHŒURS


Remercie le ciel, babouin, Un bal ! un banquet !
que tu sois fou ou pris de vin. Qui peut refuser ?
Je t'aurais étranglé, découpé en morceaux
si en cet instant tu avais ta raison. ADINA,BELCORE,GIANNETTAetLESCHŒURS
Pendant que je me retiens encore, Parmi les chants joyeux, en aimable compagnie,
va-t'en, bouffon, cache-toi de moi. nous voulons, heureux, passer la journée.
L'Amour sera de la fête.
ADINA (Il en perd la tête, il me fait rire.)
Ayez pitié de lui, il est jeune,
un maladroit, à moitié fou : NEMORINO
il s'est mis dans la tête que je devais l'aimer, Le sergent me méprise, l'ingrate me raille,
parce que lui délire d'amour pour moi. la cruelle fait de moi la risée des gens.
Mon cœur oppressé n'a plus d'espoir.
BELCORE Docteur ! Docteur !
Va-t'en, bouffon, Au secours! Pitié!
va-t'en, babouin ! (Adina donne la main à Belcore, et s'en va
Pendant que je me retiens encore, avec lui. Nemorino redouble d'agitation, et
va-t'en, bouffon, cache-toi de moi. tous s'éloignent de lui.)

ADINA (à part)
Je veux me venger, le tourmenter,
je veux qu'il tombe repentant à mes pieds. ACTE II
L’intérieur de la ferme d’Adina
GIANNETTA
Voyez un peu ce simple d'esprit ! Scène 1
D'un côté, une table dressée à laquelle sont
LES CHŒURS assis Adina, Belcore, Dulcamara et Giannetta.
Il a la plus étrange présomption : Les habitants du village se tiennent debout,
il pense la faire à un sergent, buvant et chantant. Au fond, la fanfare du

60
régiment, montée sur une estrade joue à la
manière d'un orchestre. DULCAMARA
"Je suis riche et tu es belle,
BELCORE, DULCAMARA, GIANNETTA, j'ai des ducats, toi des attraits.
VILLAGEOIS me serais-tu rebelle ?
Chantons, chantons, chantons. Ma Nanette, qu'est-ce qui te plaît ?"

LE CHŒUR ADINA
Chantons, buvons à un couple si aimable. "Un sénateur, j'en suis fière,
Qu'ils coulent de longs jours me supplie de l'aimer !
dans un bonheur durable. Mais je suis modeste gondolière
et n'épouserai qu'un gondolier."
BELCORE
Mes deux dieux seront toujours DULCAMARA
l'amour et le vin. Mon idole, assez de rigueur.
La femme et le verre Rends un sénateur heureux.
effacent tous les chagrins.
ADINA
ADINA Excellence, c’est trop d’honneur,
(Que Nemorino n'est-il ici ! je ne mérite pas un sénateur.
Je m'en réjouirais.)
LES VILLAGEOIS
LE CHŒUR Bravo, bra...
Chantons, buvons à un couple si aimable.
Qu'ils coulent de longs jours DULCAMARA
dans un bonheur durable. Silence, chut.
"Adorable batelière,
DULCAMARA prends l'argent et laisse l'amour ;
Puisque vous aimez chanter, l'un s'envole d'une aile légère ;
écoutez-moi, messieurs. l'autre reste pour peser lourd."
J'ai ici une chansonnette
toute jeunette, ADINA
vive, gracieuse, "Un sénateur, j'en suis fière,
elle doit vous plaire ; me supplie de l'aimer !
à condition que la belle mariée Mais Jeannot est jeune,
veuille bien me seconder. il me plaît, et je veux l‘épouser."

TOUS DULCAMARA
Oui, nous la goûterons : Mon idole, assez de rigueur.
ce doit être chose rare Rends un sénateur heureux.
si elle arrive à plaire
au grand Docteur Dulcamara. ADINA
Excellence, c’est trop d’honneur,
DULCAMARA je ne mérite pas un sénateur.
(Il sort des feuilles de sa poche et en donne
une à Adina) TOUS
"Nanette la gondolière Bravo, bravo Dulcamara !
et le sénateur Trois-Dents. La chanson est charmante.
Barcarolle, duo. Attention. Le chanteur le plus expert
n'aurait certes su mieux choisir.
TOUS
Attention.

61
DULCAMARA Oui, je l'ai vu. Il n'y a plus d'espoir pour toi,
Le Docteur Dulcamara Nemorino. J'ai le cœur brisé.
est un maître dans tous les arts.
(Un notaire se présente.) DULCAMARA (chantant entre les dents)
"Mon idole, plus de rigueurs.
BELCORE Comble les voeux d'un sénateur."
Silence !
(On se tait.) NEMORINO
Le notaire est là, Vous ici, Docteur !
qui vient pour dresser le contrat de ma félicité.
DULCAMARA
TOUS Oui, cet aimable couple
Qu’il soit le bienvenu ! m'a invité à déjeûner,
et je m'amuse avec ces restes.
DULCAMARA
Je t’embrasse et te salue, NEMORINO
O médecin de l’amour, apothicaire d’Hymen ! Et moi, je suis désespéré,
je suis hors de moi.
ADINA Docteur, il me faut absolument
(Le notaire est arrivé, et Nemorino ne vient pas !) être aimé avant demain,
maintenant, à l'instant.
BELCORE
Allons, ma belle Venus… DULCAMARA (se levant)
Mais en ces tendres yeux (À part) Diantre, il est fou !
quel petit nuage vois-je passer ? Reprends de l'élixir, et tu tiens ton affaire.

ADINA NEMORINO
Ce n’est rien. Et vraiment je serai aimé d'elle ?
(À part) S’il ne vient pas
ma vengeance ne me semble pas complète. DULCAMARA
De toutes. Je te le promets.
BELCORE Si tu veux avancer l'effet
Allons signer l’acte: le temps presse. de l'élixir, bois tout de suite
une autre dose.
TOUS (À part) Je pars dans une demi-heure.
Chantons encore un brindisi
pour des époux aussi aimables. NEMORINO
Qu'ils coulent de longs jours Cher Docteur, encore une bouteille.
dans un bonheur durable.
(Tout le monde s’en va ; Dulamara retourne DULCAMARA
vers le fond et se rassoit à la table.) Bien volontiers. Il me plaît
de secourir les nécessiteux. As-tu de l'argent ?
Scène 2
Dulcamara, Nemorino. Dulcamara, Nemorino NEMORINO
Ah! Je n'en ai plus.
DULCAMARA
C'est très agréable, une noce ; DULCAMARA
mais ce qui me fait le plus de plaisir Mon cher, ce n’est plus la même chose.
est la vue d'un banquet. Viens me trouver dès que tu en auras,
Viens me trouver ici, à la Perdrix.
NEMORINO (entrant, soucieux) Tu as un quart d'heure.
J'ai vu le notaire. (Il part.)

62
NEMORINO
Scène 3 Ah ! Ce n'est pas l'ambition
Nemorino, puis Belcore qui séduit mon cœur.

NEMORINO (Il se jette sur un banc) BELCORE


Oh, que je suis malheureux ! Si c'est l'amour, en garnison,
tu ne manqueras pas de conquêtes.
BELCORE (revenant) Non, non, non, non…
La femme est un animal
vraiment extraordinaire ! Adina m'aime, NEMORINO
elle est heureuse de m'épouser, Ah, non ! Ah non ! Ah !
et pourtant elle veut attendre jusqu'à ce soir ! Aux dangers de la guerre
je sais bien que je m'expose.
NEMORINO (s’attrapant les cheveux) Que j'abandonne la terre natale,
Voilà mon rival ! oncle, parents, hélas !
Je me romprai la tête de la main. Mais je sais bien que sans cela,
il ne me reste pas d'autre voie
BELCORE pour pouvoir du cœur d'Adina
(Eh bien, qu'est-ce qu'il a, ce benêt ?) un jour seul triompher.
Eh ! Jeune homme ! Ah ! Que j'obtienne un jour Adina...
Qu'est-ce qui te désespère ? Ah ! Jusqu’à y laisser la vie.

NEMORINO BELCORE
Je me désespère… Au son alerte du tambour,
parce que je n'ai pas d'argent, et ne sais entre les rangs, sous les drapeaux,
où et comment en trouver. l'amour se plaît à évoluer
au pas vif des vivandières ;
BELCORE toujours gai, toujours joyeux,
Eh ! Idiot ! il a les belles à la centaine.
Si tu as besoin d'argent, Il n'a que faire d'être constant,
fais-toi soldat… et tu toucheras vingt écus. il ne se perd pas dans les soupirs.
Crois-m'en, le vrai bonheur
NEMORINO accompagne le militaire.
Vingt écus !
NEMORINO
BELCORE Vingt écus !
Et bien sonnants.
BELCORE
NEMORINO Sur-le-champ.
Quand ? Tout de suite ?
NEMORINO
BELCORE Et bien, soit ! Prépare-les.
A l'instant.
BELCORE
NEMORINO (à part) Mais avant tout tu dois signer
Que dois-je faire? la feuille que tu vois.
Ici, une croix.
BELCORE (Nemorino signe rapidement et prend la bourse.)
Et avec l'argent comptant,
honneur et gloire au régiment. NEMORINO
(Je cours chercher Dulcamara.)

63
BELCORE GIANNETTA
La main, jeune homme. Chut, chut, tout bas.
Je suis content de mon acquisition. Sachez donc que l'autre jour,
Tout compris, à tous points de vue, l'oncle de Nemorino est mort
tu me parais un bon garçon. et qu'il laisse au jeune homme
Tu seras vite caporal un héritage considérable, immense…
si tu suis mon exemple. Mais chut, tout bas… De grâce.
(À part) J'ai enrôlé mon rival. Il ne faut pas le dire.
C’est une autre victoire, oui !
LE CHŒUR
NEMORINO On ne le dira pas.
Ah, tu ne sais pas ce qui m'a réduit
à ce pas, à ce parti ; TOUTES
tu ne sais pas quel cœur bat Nemorino est millionnaire…
sous cet humble vêtement ! Il est le Lucullus du coin,
Ce qu'une telle somme représente pour moi, un homme de valeur, un bon parti.
tu ne peux l'imaginer. Heureuse celle qui l'épousera.
(À part) Ah, il n'y a pas de trésor égal Mais chut, tout bas… De grâce.
à la chance de me faire aimer. Il ne faut pas le dire, on ne le dira pas.
(Ils partent.)
– Scène 5
– Scène 4 Nemorino et les mêmes.
Une place du village comme au 1er acte. Il s'avance. Les villageoises se retirent à l'écart
Giannetta et les paysannes et l'observent curieusement.

LE CHŒUR NEMORINO
Est-ce possible ? Du merveilleux élixir
j'ai bu une quantité,
GIANNETTA et le médecin me promet
Tout à fait possible. toute aimable beauté.
En moi, l'espérance renaît
LE CHŒUR plus grande qu'à l'accoutumée.
Incroyable ! L'effet du remède
déjà se fait sentir.
GIANNETTA
Très croyable. LE CHŒUR
(Il est toujours humble et méprisé.
LE CHŒUR Il ne sait pas encore.)
Mais comment ? Mais d'où le sais-tu ?
Qui te l'a dit ? Qui ? Où ? NEMORINO
Allons.
GIANNETTA (Il va pour sortir.)
Tout doux.
Ne faites pas de bruit. Parlez bas. GIANNETTA et LE CHŒUR (lui faisant la révérence)
Il ne faut pas encore propager le secret : Très humble servante.
il est connu seulement du colporteur,
qui me l'a dit en confidence. NEMORINO
Giannetta! Giannetta !
LE CHŒUR
Le colporteur te l'a dit! LE CHŒUR (les unes après les autres)
Par ma foi, c'est sûr! C'est sûr, etc. Je vous fais la révérence.

64
NEMORINO (à part, étonné) Je ne le quitte plus.
Mais qu'ont-elles donc ces jeunesses? Je ferai l'impossible pour lui inspirer l'amour.
Qu'ont-elles donc?
Ah ! Je comprends. NEMORINO
C'est l'œuvre de la liqueur magique. Je n’ai pas de mot pour exprimer
la joie que je ressens ;
GIANNETTA et LE CHŒUR si toutes, toutes m'aiment,
Ce cher Nemorino ! elle va m'aimer aussi.
C'est vraiment un charmant homme, Ah! Quelle joie!
il a l'air d'un monsieur.
DULCAMARA
NEMORINO Je tombe des nues.
Je comprends. Le cas est étrange et nouveau.
C'est l'œuvre de la liqueur magique. Serais-je vraiment possesseur
d'un philtre magique ?
– Scène 6
Adina et Dulcamara entrent de deux côtés GIANNETTA (à Nemorino)
différents ; ils s'arrêtent stupéfaits de voir Tout près d'ici, à l'ombre, le bal est ouvert.
Nemorino courtisé par les villageoises. Y viendrez-vous donc ?

NEMORINO NEMORINO
Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Oh ! Sans faute.

ADINA et DULCAMARA LE CHŒUR


Que vois-je? Et vous danserez ?

NEMORINO GIANNETTA
C'est superbe ! Docteur, vous avez dit vrai. Avec moi.
Par la vertu sympathique,
je leur ai déjà touché à toutes le cœur. NEMORINO
Oui.
ADINA
Qu’entends-je? LE CHŒUR
Avec moi.
DULCAMARA
Et je dois le croire ! NEMORINO
(Aux villageoises) Oui.
Il vous plaît ?
GIANNETTA
GIANNETTA et LE CHŒUR Je suis la première.
Oh oui, en vérité !
C'est un jeune qui mérite LE CHŒUR
que nous le respections et l'honorions ! C'est moi, c'est moi.

ADINA GIANNETTA
Je croyais le trouver en larmes, C'est moi qui l'ai retenu.
et je le trouve en joie, en fête.
Ah! Ce serait impossible LE CHŒUR
qu'il pense encore à moi. Moi aussi. Moi aussi.

GIANNETTA et LE CHŒUR GIANNETTA (1’arrachant des mains des autres)


Ah! Le charmant, le cher garçon ! Venez.

65
DULCAMARA
NEMORINO Je tombe des nues !
Doucement. Il n'y a pas de liqueur égale à la mienne.

LE CHŒUR (se le disputant) ADINA (entraînant Nemorino)


Choisissez. Ecoute-moi, écoute-moi !

NEMORINO (à Giannetta) NEMORINO


Tout de suite. Je vous écoute, je vous écoute.
(À Giannetta)
Toi la première. GIANNETTA et LE CHŒUR
(Aux autres) Allons, allons,
Puis toi, puis toi. au bal, au bal.

DULCAMARA ADINA
Miséricorde ! Écoute-moi.
Avec tout le beau sexe !
Il n'y a pas de liqueur égale à la mienne. NEMORINO (à part)
Je devine déjà ce que tu réclames.
ADINA (s’avançant) sens déjà l'effet du remède ;
Eh! Nemorino. tu m'aimes déjà dans ton cœur.
Les affres, les palpitations d'un cœur aimant,
NEMORINO (à part) il te faut un instant les éprouver.
Oh ciel ! Elle aussi.
ADINA (à part)
DULCAMARA Oh ! Comme il a vite changé !
Mais toutes, toutes ! J'en ressens au cœur un dépit insolite.
O Amour, tu te venges de ma froideur ;
ADINA tu me forces d'aimer qui me dédaigne.
Approche-toi de moi.
Belcore m'a dit que, DULCAMARA
séduit par quelques écus, Oui, toutes l'aiment.
tu t'es fait soldat. Ô merveille !
Ma chère, très chère bouteille !
GIANNETTA et LE CHŒUR Déjà pleuvent mille séquins trébuchants.
Soldat ! Ah ! Diable ! Je me sens devenir un Crésus, oui !

ADINA GIANNETTA et LE CHŒUR


Tu commets une grosse bêtise : De tous les hommes de son village,
je veux ta parler à ce sujet. celui-ci croit recevoir l'hommage.
Mais ce jeune homme sera, je le jure,
NEMORINO un os dur à ronger.
Parlez donc, parlez donc. (Nemorino s’en va avec Giannetta et les villageoises.)

GIANNETTA et LE CHŒUR ADINA


Au bal, au bal ! Comme il s'en va content !

NEMORINO DULCAMARA
Oui, oui. La louange me revient.
(À Adina)
Je vous écoute. ADINA
A vous, Docteur ?

66
heureux en amour ?
DULCAMARA
Oui, toute entière. DULCAMARA
Je dispose du bonheur ; Tout le sexe féminin
je distille le plaisir, j'extrait l'amour raffole de ce jeune homme.
comme l'eau de rose; ce qui actuellement
vous émerveille chez ce garçon. ADINA
Tout ce miracle est de ma concoction. Quelle est celle qui lui plaît?
Laquelle préfère-t-il parmi tant?
ADINA
Folies ! DULCAMARA
Il est comme un coq au poulailler ;
DULCAMARA il les suit toutes, il les béquète.
Folies, dites-vous ?
Incrédule ! Folies ? Savez-vous ADINA
le pouvoir de l'alchimie, la grande vertu (Et moi seule, écartée...
de l'élixir d'amour de la reine... euh... Yseult ? ... possédais ce noble cœur !

ADINA DULCAMARA
Yseult ? (Elle aussi est amoureuse.
Elle a besoin de la liqueur.)
DULCAMARA Belle Adina ! Un moment,
Yseult. approche-toi, lève la tête.
J'en ai de tous coupages et de toutes quantités. Que tu sois éprise, je le vois
à cet air triste et affligé. Si tu veux...
ADINA
(Qu'entends-je ?) Et à Nemorino ADINA
vous avez donné l'élixir ? Si je veux ? Quoi ?

DULCAMARA DULCAMARA
Il me l’a demandé pour obtenir l'amour Lève la tête, fille difficile !
de je ne sais quelle cruelle… Si tu veux, j'ai ici la recette
qui pourra guérir ton mal.
ADINA
Il l'aimait donc ? ADINA
Ah! Docteur, elle sera parfaite,
DULCAMARA mais elle est sans vertu pour moi.
Il languissait, il soupirait
sans une ombre d'espoir ; et pour avoir DULCAMARA
une goutte du remède magique, Veux-tu voir mille amants
il vendit sa liberté, et se fit soldat. languir, agonir à tes pieds?

ADINA (à part) ADINA


(Quel amour ! Et je le dédaignais ! Je ne saurais que faire de tant :
J'ai tourmenté un si noble cœur !) mon cœur n'en veut qu'un seul.

DULCAMARA (à part) DULCAMARA


(Elle aussi est amoureuse. Veux-tu rendre folles de jalousie
Elle a besoin de la liqueur.) jeunes, veuves et fillettes ?

ADINA (s'approchant de Dulcamara) ADINA


Donc, Nemorino est maintenant Il ne me plait ni me sourit

67
de détruire la paix d'autrui. est le remède de l’amour.
Oui, tu as l'alambic et tu as le fourneau,
DULCAMARA plus chaud qu'un volcan...
D'un riche faire la conquête? Pour filtrer l'amour que tu veux,
pour brûler, réduire en cendres...
ADINA Ah ! Je voudrais échanger contre les tiens
Je n'ai cure des richesses. mes flacons d'élixir.
(Ils s’en vont.)
DULCAMARA
Un comte, un marquis ? – Scène 7
Nemorino.
ADINA
Non, je ne veux que Nemorino. NEMORINO
Une larme furtive
DULCAMARA dans ses yeux a jailli ;
Allons, essaye ma recette elle semblait envier
car elle te fera de l'effet. ces joyeuses jeunesses.
Que vais-je chercher de plus ?
ADINA Elle m'aime, je le vois.
Oh, Docteur, elle sera parfaite... Sentir un seul instant
Mais elle est sans vertu pour moi. les battements de son beau cœur !
Confondre mes soupirs
DULCAMARA un petit peu aux siens !
Infortunée ! Et aurais-tu le cœur O ciel, si je peux mourir,
de nier sa vertu ? je ne désire rien d’autre.
(Adina revient.)
ADINA La voici. Comme l'amour naissant
Je respecte l'élixir, augmente sa beauté !
mais il en est un meilleur pour moi. Continuons à faire l'indifférent
Nemorino, quittant toutes les autres, jusqu'à ce qu'elle s'explique.
ne sera plus qu’à moi seule.
– Scène 8
DULCAMARA (à part) Adina et Nemorino
Aïe ! Docteur, elle est trop futée,
elle en sait plus long que toi. ADINA
Nemorino ! Eh bien ?
ADINA
Une tendre oeillade, NEMORINO
un sourire, une caresse, Je ne sais plus où j'en suis. Jeunes et vieilles,
a raison du plus obstiné, belles et laides, toutes me veulent pour mari.
adoucit le plus altier.
J'en ai vu tant et tant, ADINA
épris, amoureux, éperdument, Et toi ?
que même Nemorino
ne pourra me fuir, non. NEMORINO
La recette est mon visage A aucune je ne peux m'attacher.
dans mes yeux sont l'élixir. J’attends encore... mon bonheur…
(À part) Il est bien proche.
DULCAMARA
Ah! Je le vois, petite sorcière, ADINA
tu en sais plus long que moi. Écoute-moi !
Cette si belle bouche

68
NEMORINO (à part)
Ah! Nous y sommes ! NEMORINO
(À voix haute) Eh bien, tenez.
Je vous écoute, Adina. (Il lui rend le contrat.)
Puisque je ne suis pas aimé,
ADINA je veux mourir soldat.
Dis-moi : pourquoi partir, Il n'est plus pour moi de paix,
pourquoi veux-tu te faire soldat ? si le docteur m'a dupé.

NEMORINO ADINA
Pourquoi ? Parce que j'ai voulu Ah ! Il te dit la vérité,
savoir si, avec ce moyen, si tu as foi en ton cœur.
je pouvais améliorer mon destin. Sache-le enfin, sache-le,
tu m'es très cher, et je t’aime.
ADINA Autant j'ai fait ton malheur,
Ta personne... Ta vie nous sont chères. je veux maintenant faire ton bonheur.
J'ai racheté le fatal engagement de Belcore. Oublie ma rigueur,
je te jure éternel amour.
NEMORINO
Vous ! NEMORINO
(À part) O joie inexprimable !
C'est naturel. L'amour agit. Le docteur ne m'a pas dupé.

ADINA ADINA
Prends. Reçois de moi ta liberté. Dans le doux enchantement d'un tel moment,
Reste sur le sol natal. je sens mon cœur s'emplir d'ivresse.
Il n'est pas de sort si dur En toi seul mon âme est ravie,
qui un jour ne changera. mon cœur respire.
Reste. Ah, avant que mon cœur
(Elle lui donne le contrat.) ne succombe de joie,
Ici, où tous t'aiment, presse-moi sur ton sein,
sage, aimant, honnête, que toute crainte se dissipe !
tu ne seras pas toujours Immense est l'extase
triste et mécontent. de mon bonheur, ah !
Ah ! Quel bonheur !
NEMORINO (à part) Immense est l'extase,
Maintenant elle s'explique. immense est l'extrase de mon bonheur !
Ah ! Que se dissipe, que se dissipe…
ADINA Ah ! Que se dissipe toute crainte.
Adieu ! Ah ! Quel bonheur ! Ah ! Quel bonheur !
Ah ! Oui ! Ah, quel bonheur !
NEMORINO Presse-moi sur ton sein,
Quoi ? Vous me quittez ? que se dissipe toute crainte.
(Nemorino se jette aux pieds d’Adina.)
ADINA
Moi, oui. – Scène 9
Belcore entre avec des soldats et les mêmes ;
NEMORINO puis Dulcamara avec tout le village.
N'avez-vous rien d'autre à me dire ?
BELCORE
ADINA Halte !... Face ! Hé ! Que vois-je ?
Rien d'autre. À mon rival je rends les armes !

69
à la plus laide créature.
ADINA Il fait avancer les rosses,
C'est ainsi, Belcore. il redresse les tordus, aplanit les bosses,
Et il convient de faire la paix sans conditions. et fait disparaître toute vilaine tumeur…
C'est mon époux ; ce qui est fait...
LE CHŒUR
BELCORE Ici, Docteur… À moi, Docteur…
C’est fait. Un flacon, deux, trois.
Garde-le, brigande.
Tant pis pour toi ! Le monde est plein de femmes ; DULCAMARA
Belcore en obtiendra mille et mille. C'est un pot-de-vin capiteux
pour gardiens scrupuleux ;
DULCAMARA un somnifère excellent
L’élixir d'amour vous les donnera. pour les vieilles, les jaloux ;
il donne du cœur aux fillettes
NEMORINO qui n'aiment pas dormir seules ;
Cher Docteur, grâce à vous il tient l'amour éveillé
je suis heureux. mieux que ne le fait le café.

TOUS LE CHŒUR
Grâce à lui ? Ici, Docteur… À moi, Docteur…
Un flacon, deux, trois.
DULCAMARA (Arrive en scène le carrosse de Dulcamara. Il
Grâce à moi. Sachez y monte, tous l'entourent.)
que Nemorino est devenu en un instant
le plus riche propriétaire du village, DULCAMARA
puisque son oncle est mort... O vous que chérissent les astres,
je vous laisse un grand trésor ;
ADINA et NEMORINO tout est en lui, santé et amour,
L’oncle est mort ! joie, fortune et or.
Rajeunissez, refleurissez ;
NEOMORINO employez-vous, enrichissez-vous ;
L’oncle est mort ! mais n'oubliez pas votre ami Dulcamara.

GIANNETA et LES FEMMES LE CHŒUR


Je le savais. Vive le grand Dulcamara !
Puisse-t-il vite nous revenir,
DULCAMARA le Phénix des Docteurs !
Moi aussi je le savais.
Mais ce que vous ne saviez pas NEMORINO
et ne pouviez savoir, c'est que cet élixir Je lui dois mon amour !
surhumain peut en un instant Grâce à lui seul je suis pleinement heureux !
non seulement guérir le mal d'amour Je ne pourrai jamais oublier
mais remplir les poches des pauvres. l'effet de son remède.

LE CHŒUR ADINA
Oh, la belle liqueur ! Par lui seul je suis heureuse !
Je ne pourrai jamais oublier
DULCAMARA l'effet de son remède.
Il corrige tous les défauts,
tous les vices de la nature. BELCORE
Il donne de la beauté Maudit charlatan !

70
Puisses-tu verser en route !
(Le serviteur de Dulcamara sonne de la trompe.
La voiture se met en route. Tous enlèvent leur
chapeau et le saluent.)

ADINA
Un moment de plaisir brille dans mon cœur
maintenant que s’efface en moi
le souvenir de la douleur.
Mon cœur ne saurait maudire
mes souffrances bénies,
sans elles je ne jouirais pas
d’une si grande félicité.

LE CHŒUR
Maintenant dans la tranquillité
tu es pleinement heureuse.
Vive le grand Dulcamara,
le Phénix des Docteurs !
Puisse-t-il nous revenir
dans les honneurs et la richesse.

FIN

71
72
Couverture du livret publié aux éditions Ricordi.
L'Elisir d'Amore
« L'Elixir d'Amour »
Opéra-comica en deux actes de Gaetano DONIZETTI,
livret de Felice ROMANI.

La conférence sur « L'Elisir d'Amore » sera donnée par Danielle PISTER, vice-
présidente du Cercle Lyrique de Metz et de l'Association des Amis d'Ambroise
Thomas et de l'Opéra français, le samedi 17 novembre, à 16 heures, à la salle
Ambroise Thomas de l'Opéra-Théâtre. Entrée libre.

Représentations de « L'Elisir d'Amore »


les vendredi 23 novembre et mardi 27 novembre à 20 heures, ainsi que le
dimanche 25 novembre à 15 heures a l'Opéra-Théâtre.

La distribution
Direction musicale : Benjamin PIONNIER Mise en scène : Joël LAUWERS
Scénographie : Poppi RANCHETTI Costumes : Dominique BURTÉ
Lumières : Patrick MÉEÜS
Distribution vocale :
Florian LACONI, ténor, rôle de Nemorino, jeune paysan.
Chiara SKERATH, soprano, rôle d'Adina, riche propriétaire fermière.
Luciano GARAY, baryton, rôle de Belcore, sergent.
Carlos ESQUIVEL, basse, rôle de Dulcamara, charlatan.

Composition graphique et impression : Co.J.Fa. Metz - tél. 03 87 69 04 90.


Aurore WEISS, soprano, rôle de Giannetta, jeune paysanne.
Nouvelle production de l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole en coproduction avec
l'Académie de Scénographie de Venise.
Chœurs de l'Opéra-Théâtre de Metz Métropole. Orchestre National de Lorraine.
Couverture : La célèbre basse Luigi LABLACHE, (1794-1858), dans le rôle du docteur
Dulcamara montrant sa fiole à Nemorino incarné par le ténor Giovanni Matteo de
CANDIA, dit Mario, (1810-1883). Ils furent parmi les chanteurs les plus illustres de « L'Elisir
d'Amore ».
Rédaction de la plaquette : Y. BULDRINI
Conception de la plaquette : G. MASSON
Directeurs de la publication : G. MASSON, président et J.P. VIDIT, premier vice-président.
Adresse postale du Cercle Lyrique de Metz : B.P. 90261 - 57006 Metz Cedex 1
Adresse du site : www.associationlyriquemetz.com
Emails : contact@associationlyrique.com g.insalaco@neuf.fr (chargé de communication)

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