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Romania

L'élément historique de Huon de Bordeaux


A. Longnon

Citer ce document / Cite this document :

Longnon A. L'élément historique de Huon de Bordeaux. In: Romania, tome 8 n°29, 1879. pp. 1-11;

doi : https://doi.org/10.3406/roma.1879.6441

https://www.persee.fr/doc/roma_0035-8029_1879_num_8_29_6441

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L'ÉLÉMENT HISTORIQUE

DE HUON DE BORDEAUX.

L'histoire de Huon de Bordeaux ne nous est point parvenue sous une


forme plus ancienne que le poème français publié en 1 860 par MM. Gues-
sard et Grandmaison dans la Collection des anciens poètes de la France ;
mais, contrairement à l'opinion de ces savants éditeurs, il est probable
que ce poème est seulement un remaniement datant de la première
moitié du règne de saint Louis. M. Guessard le suppose composé
entre les années 1170 à 12 10 par un contemporain de Chrétien de
Troyes ', et, pour justifier cette date, il s'appuie d'abord sur un passage
de la Chronique d'Aubri de Troisfontaines, écrite de 1223 à 1241, puis
sur l'âge du manuscrit de Tours qui, bien que n'étant pas un original,
ne serait pas toutefois postérieur à 12502. Il n'admet pas, avec M. Fer¬
dinand Wolf 3, l'existence d'un poème antérieur presque identique pour
le sujet, lequel aurait servi de modèle à un poème néerlandais rédigé
vers l'an 1400 et qu'on ne connaît plus que par quelques fragments
relatifs au retour de Huon et par un abrégé en prose imprimé dans la
première moitié du xvie siècle 4.
L'allusion faite par Aubri de Troisfontaines à l'histoire de Huon 5,

t.aniginn
dans
sis,
Hugo,
duello
été
4.5.VIII
32.
j.cujus
. la
C'est
Huon
Ibid
«Ueber
publié
Sibille
vicit,
Bibliothek
Anno
(1857),
guifratres
die
lede
p.Karolum
dans
exul
und
DccGx...
Huyge
Bordeaux,
xij.
beiden
oùfuerunt
des
von
les
deil patria
van
wiederaufgefundenen
Mémoires
litterarischen
occupe
Huon
filium
Mortuus
édit.
Bourdeus
Alelmus
von
adles
Karoli
Guessard
demandatum
Bordeaux,
pages
est
l'Académie
Vereins
que
et etiam
Ancherus.
casu
M.
180
etin
Niederlandischen
p.
Ferdinand
Grandmaison,
hoc
regis
interfecit,
Stuttgart
àimpériale
198-199.
282.
anno
fugit,
Hujusde
dont
Sewinus,
Wolf
Alberonem
Almaricum
Ce
Sewini
Vienne
Volksbücher
p.ilmémoire
a vij-viii.
forme
réimprimé
, dux
section
filii,virum
proditqirem
le
Burdegalen-
de
Gerardus
von
d'histoire,
tome
M.enmirabi-
derWolf
i860
LV.
Kœ-
et
in

Romania, VIII I
2 A. LONGNON
dont s'arme M. Guessard, est précisément contraire à sa thèse, car, si
elle se rapporte à une chanson de geste relatant déjà la liaison du duc
de Bordeaux avec Auberon, elle mentionne deux oncles paternels de
Huon, Aleaume et Anchier, qu'on ne retrouve pas dans la plus ancienne
version connue de Huon de Bordeaux. Il y a plus : l'un de ces deux
oncles, Aleaume, figure dans la version néerlandaise1, où il joue le rôle
attribué par le poète français au vieux Géreaume2 qui, ici, n'est plus un
parent de Séguin de Bordeaux 'et de Huon, mais seulement un de leurs
vassaux et le frère de Guirré, le bon prévôt de Bordeaux ?. Ce fait nous
semble de nature à faire prévaloir l'opinion de M. Wolf contre celle de
M. Guessard, et si quelqu'un des lecteurs de la Romania s'étonne avec
le savant académicien qu'une version française délaissée depuis un siècle
et demi ait pu parvenir vers l'an 1 400 à l'auteur d'un poème néerlandais 4,
nous répondrons que sans doute cet auteur ne travaillait pas sur une
version française, mais que, probablement, il rajeunit un poème néerlan¬
dais du xme siècle qui avait bien moins de chances de nous parvenir que
l'œuvre nouvelle dont on a seulement conservé de courts fragments.
Mais le poème français que connaissait Aubri de Troisfontaines, —
nous partageons complètement sur ce point le sentiment de M. Gues¬
sard, — ne saurait remonter plus haut que le règne de Philippe-Auguste :

Adelmus
Ancherus
XVIe
van
lecommune
et
tôt
mes
lement
lemneveu
con
(Monumenta
tort,
Ancerus
contraire
«dans
semblance
page
sommaire
fils
2.
i.permettre
par
Bourdeus,
Alberici.)
dans
etProtestons
les
précédente
d'après
siècle,
de
Aleaume,
conséquent
fortunatum
dans
,»auteurs
etlalede
n'estledu
bien
sont
aucune.
Ancherus
tante
poème
historiae
les
vocable
se
le—
l'édition
édit.
d'en
reste
pas
que
dit
ms.
aussi
réimpressions
ledu
M.
en
ou
( l'oncle
moyen-sone\
reperit,
fils
du
connu
sa
même
faire
Au
Wolf,
de
dans
passant
IXe
aurait
Germanica,
Scheffer-Boichorst,
Allâmes
prodigués
Anchier,
forme
XIIIe
de
du
Paris,
reste,
l'oncle
siècle.
MM.
Garin
d'Aleaume.
comte
nos
dans
p.
etdû
contre
véritable
siècle,
cetera
deux
17),
Alelinus
modernes
lui
comme
vieux
Guessard
dont
ou
que
est
que
l'onomastique
tomus
palatin
indiquer
mais
donné
lelignes
avec
l'identification
sive
lepossible
lesL'âge
fût
poèmes
cousin
cousin
on
etXXIII
fabulosa
écrivains
du
celui
ilAnscharius
etAncerus
(palsgrave
dans
plus
(p.
litylaGrandmaison.
roman
d'Aleaume
et,
16)
germain
leçon
dans

de
abas,
scriptorum,
du
l'édition
sive

la
; les
comme
Jérôme
latins
de
)leen
moyen
Huon
ou
une
plupart
véritable.
leet
histórica
ce
texte
titres
de
Ansgarius
prose,
Huyge
devait
d'neveu
confusion
du
nom
le
qu'il
Aleaume,
qu'on
Huon.
présente
Géreaume
âge
p.
frère
du
XIIIe
du
d'Géreaume,
mais
d'ailleurs
annexa.
de
726)
atemps,
Au
;«trouve
van
ms.
qu'on
donnée
on
du
Séguin
oncle
siècle
évidente,
reste,
Garin
aussi
Bourdeus
alors
aduc
de
yest
imprimé
trouve
sans
»rencontre
non
bien
Hanovre
»faisaient
[Chroni-
d'dans
Séguin,
un
Geriau-
(Huyge
leAubri
comme
qu'à
etvrai¬
seu¬
nom
bien
plu¬
du
au
de
le
laà
-

d'origine
noms
non4.
3. Hieronymus.
Huon
Ibid.,
Gérard,
germanique
de
p. xj*xij.
Gerbert , Aleaume,
Bordeaux ,formé
éditiondeGuillaume,
Guessard
racines etqu'on
etc.;
Grandmaison,
sa
retrouve,
forme page
par
latineexemple,
91.est Gerelmus
dans les
et
l'élément historique de Huon de Bordeaux 3
l'introduction dans un récit carolingien de l'élément merveilleux qui
assura le succès de Huon de Bordeaux ne peut être antérieure à cette
époque. Les traditions relatives à Huon ne comportaient pas originaire¬
ment le récit de ses aventures en Orient : ce fait, admis à titre de con¬
jecture dès 1861 par M. Gaston Paris1, est aujourd'hui hors de doute,
grâce au résumé suivant des aventures de Huon de Bordeaux qu'on
trouve dans une sorte de prologue de la geste lorraine, conservé seule¬
ment dans un manuscrit de la bibliothèque de Turin et dont la publica¬
tion est due à M. Edmond Stengel :
Em Bourdeloit ot .i. franc duc Seuwin
Qui eut .i. fil qui fu preus et hardis.
Hues otunnon,
S'ocist contesi com
en ladist
salleli aescris
Paris.:
Por ce fu Hues bannis hors du païs
De douce France et de l'Empire ausi,
En Lonbardie s'en ala por servir
Quens Guinemer, le fil a saint Bertin
Qui les foires cria et establi,
Chelle de Troies, de Bar et de Lagni 2.
Une pucelle ot ou palais votis :
Hues Pama et la pucelle li,
Em bascelage i engenra .i. fil :
Quant ot batesme, si ot a nom Henris.
Hues moru par force de venin,
Henris ot peur que il ne fust ocis,
Si vint a Mies por sa vie garir 3.

Henri, le fils naturel de Huon de Bordeaux, aurait été, selon l'au¬


teur des vers qui précèdent, le père de Thierri prévôt de Metz et
l'aïeul paternel du duc Hervis, père de Garin le Loherain et 'de Begon
de Belin. Cette généalogie n'a, on le conçoit, aucun caractère tradition¬
nel, mais on doit savoir gré au rimeur qui l'a imaginée, puisqu'elle lui a
fourni l'occasion de résumer, très succinctement à la vérité, l'histoire de
Huon de Bordeaux, telle qu'on devait la raconter avant le xine siècle.
Autant qu'on en peut juger par le prologue des Lorrains , la tra¬
dition du xiie siècle et la chanson du xmB n'ont guère de commun
que cette donnée générale: Huon, fils de Séguin, duc de Bordeaux, a tué
un personnage de la cour impériale et il est condamné à l'exil. Mais

dans
tœts-Bibliothek
2.
3.
i. ses
Ces
Revuesavantes
Stengel,
vers
germanique
Mittheilungen
doivent
(Marburg,
Etudes
, être
t. sur
1873,
XVI,
ajoutés
aus
les foires
franzœsischen
in-40),
pageauxde
376.
textes
p.Champagne
28 a.Handschriften
poétiques
, chapitre
que der
Bourquelota
v, Turiner Universi-
réunis
4 A. LONGNON
presque tout diffère dans les détails. Selon la tradition du xn® siècle, la
victime de Huon est un simple comte : il le tue à Paris, dans le palais
de l'empereur ; banni de France, il cherche un refuge auprès du comte
Guinemer dont il séduit la fille, et après un temps assez long il meurt
empoisonné. Les causes de l'exil de Huon de Bordeaux ont un caractère
bien autrement épique dans le poème du xme siècle, où Huon est le
meurtrier du fils unique de l'empereur : Chariot, ainsi se nomme le jeune
prince, s'est embusqué non loin de Paris, aux abords de la route qui
conduit à Bordeaux, attendant les fils du feu duc Séguin, qui, appelés
par Charlemagne, se rendent à la cour; il blesse grièvement Girard, le
plus jeune des deux frères, mais tombe lui-même sous les coups de
ilHuon,
a combattu.
qui apprend
Le nom
seulement
du comte
au palais
Guinemer
de Charlemagne
est commun
quelà adversaire
l'une et à
l'autre version de l'histoire de Huon de Bordeaux, et toutes deux y lient
le souvenir de la ville de Saint-Omer 1 ; toutes deux parlent de la fille du
comte; mais dans le poème du xine siècle, celle-ci n'est plus 1' «amie »
de Huon, qui se contente de rendre la liberté à Sébille, retenue prison¬
nière depuis sept ans par un géant dans le château de Dunostre 2.

II-

Les dix-sept vers que nous avons reproduits d'après M. E. Stengel


renferment tout ce que l'on sait actuellement de la forme primitive de
l'histoire traditionnelle de Huon. Il convient donc de les étudier de près
pour essayer de déterminer l'époque à laquelle vivait le personnage réel
du nom de Hugues [Hugo] dont la tradition s'est emparée pour en faire
le héros d'un poème épique.

du
dériver
de
paraît
tradition
employé
Flandre.
nommé
(édition
qui
Bertin
lequel,
nom
de
sible
ipersonnage
107$
comte
Huon
assassina
. de
que
L'auteur
au
(ibid.,
de
selon
Wînidmarus
Guérard,
ce(ibid.-,
dans
de
début
wallonne,
Le
ceWithmarus.
Baudouin
bienheureux
Bordeaux
Guinemer
Cartulaire
l'arcneveque
p.
l'histoire,
les
du
p.
à'Ogier
de135)
pays
p.
prologue
19s);
Huon
car
qui,
VII
(p.
50)
; ae
ait
qui,
30leet
fut
sonen
;Saint-Bertin,

144)
de
Danois
été
de
donna
Winemarus
le1des
2° nom,
723,
Winemarus
du
1Bordeaux
Reims,
second
un
14
fait
emprunté
Lorrains
,IX«au
naissance
(ibid.,
rédige
si
chevalier
en
naître
cette
, Foulques,
abbé
latin
lui
vassal
, Guimer,
p.châtelain
fait
par
la
XIIe
un
seul,
forme
255).
de
àWinemarus
fille
du
de
acte
lade
nos
Sithieu,
siècle,
nous
Guinemer
ville

du
lequel
Guimer
comte
châtelain
l'abbaye
de
de
trouvères
Oncomte
de
fait
Gand,
vente
,pourrait
firent
était
abbaye
Saint-Omer,
de
ne
paraît
connaître:
le
Guinemer.
nommé
Flandre,
de
àtémoin
semblait
alors
fils
àSaint-Omer
partie
qui
quelque
Saint-Omer,
surtout
aussi
deabbé
dans
prit
d'une
saint
du

run
Winemarus,
rapprocher
pas
Ilde
comté
avoir
depuis
le
ancienne
est
unBertin,
charte
plutôt
poème
diacre
Saint-
même
pos¬
acte
qui
été
dele

2. Huon de Bordeaux , édit. Guessard et Grandmaison, p. 144 à 1 $7.


l'élément historique de Huon de Bordeaux 5
A vrai dire, les rares érudits qui consentent à étudier les traditions
carolingiennes ne paraissent pas mettre en doute la contemporanéité de
Huon de Bordeaux et de Charlemagne, contemporanéité qui, attestée
formellement dès le début du poème, semble corroborée par l'existence
d'un personnage historique du nom de Séguin, auquel Charlemagne
confia l'administration du comté de Bordeaux en 778 ', et qui ne serait
pas différent du père de Huon; vers le déclin du règne de Charlemagne,
le fils de Séguin aurait pu être ainsi en âge de se mesurer avec le roi
Charles le Jeune, fils aîné de Charlemagne, que la mort enleva en 81 1 à
l'affection paterrtelle.
Malheureusement pour cette suite d'hypothèses, on ne peut plus,
après la publication de M. Stengel, fonder de conjectures sur le fait de
la mort de Charles le Jeune du vivant de son père, puisqu'on sait main¬
tenant que le meurtre de Chariot n'était pour rien dans l'histoire primi¬
tive de Huon de Bordeaux. Bien plus, il est permis de supposer qu'ici,
comme dans plusieurs autres traditions carolingiennes, Charlemagne a rem¬
placé Charles le Chauve, car Bordeaux et la Gascogne furent gouvernés
durant les six premières années du règne de Charles le Chauve par un
comte ou duc nommé Séguin 3, de même que le lieutenant de Charle¬
magne, et il est possible que la fin glorieuse de cet autre Séguin de Bor¬
deaux, mort en défendant la Saintonge contre les incursions des Nor¬
mands 3 , ait donné naissance à une sorte de geste bordelaise dont la

mort
nensis).
en 2.
1 84
3.. Les
L'Astronome,
Louis
de
s etPépin,
Annales
que
le Loup
Pieux
roided'Aquitaine,
Vita
deSaint-Bertin
nomma
Ferrières
Ludovicice PU
c'est-à-dire
ane
personnage
heureusement
imperatoris
mentionnent
enau
, 839
c.consigné
pas
comté
m.cet
(Chronicon
événement,
dedans
Bordeaux
une
Ademari
lettre
quiaprès
eut
Caba-
écrite
lieu
la

Quelques
his
praelio
e Aquitania
diebus
congressos,
mois
fecisse
venientes,
après
retulerunt,
etle miserabiliter,
désastre
Nortmannos
et à nostros,
Ganelon,
nisi
interquos
idBurdegalam
archevêque
estfuga
Christianos,
eripere
de
et Sens
Santones
potuit,
pedestri
: « Quidam
eruptionem
peremptos.
cumvero
eis

In
jurando
relatée
et
apud
Ferrières,
pas
la Pieux
ledoute
ses
(Annales
c.
que
charte
quo
Santonensis.
Saintonge.
xxvi)
mauvaises
restreint
leBouquet,
être
par
comte
fausse
bello
testati
;Eginhardi,
avait
indique
mais
distingué
Adémar
aux
comprehensum

Séguin
d'Alaon
mœurs,
révoqué
sunt
t.il» Le
pays
(Pertz,
était
VII,
que
de
»d'un
anno
duc
deeta(Bouquet,
d'entre
Chabannes,
le
p.fait
trente
probablement
778.
Séguin,
dont
gouvernement
Scriptores,
duc
816
222-223.)
duducem
années
Rappelons
;la
de
les
duc
Vita
destitution
pris
t.Pyrénées
Gascogne
qui
révoqué
t.VII,
Ce
Vasconum
auparavant
de
et
Ludovici
qualifie
IV,
de
la
tué
texte,
àp. ce
p.
même
Séguin,
de
et
provoqua
494).
par
enpropos
121;
même
PU
Séguin
larapproché
8les
Siguinum
à1famille
6Garonne,
La
imperatoris,
cf.
cause
«Normands
un
nom,
duc
que
de
une
lemort
petit-fils
Chronicon
que
«l'auteur
de
des
insurrection
etcomes
de
quede
et
son
peremptum,
celui
Gascons
ce
en
l'empereur
par
qu'il
Séguin
du
insolence
845,
personnage
Burdegalensis
de
l'Astronome,
Aquitanicum,
fabuleux
decomprenait
ladoit
Loup
»,
est
gasconne
fameuse
nLouis
etiam
aussi
etétait
sans
duc
de
de
et
6 A. LONGNON
légende de Huon serait le dernier vestige. Mais les trop rares documents
historiques du ixe siècle ne nous font pas connaître la postérité du duc
Séguin et l'on n'y trouve rien non plus qui puisse être rapproché des
démêlés que Huon de Bordeaux, au dire des trouvères, eut avec Charle¬
magne un certain nombre d'années après la mort de son père 1 .
Le récit des aventures de Huon, tel qu'on le trouve dans le texte
publié par M. Stengel, est favorable à l'hypothèse qui fait vivre Huon de
Bordeaux sous Charles le Chauve. On y voit, en effet, que Huon, banni
« de douce France et de l'empire ausi » , c'est-à-dire des états du roi
Charles, se réfugia en Lombardie : son exil ne saurait donc être rapporté
au temps de Charlemagne, qui régna sur l'Italie depuis 774; par contre,
il peut l'être au règne de Charles le Chauve, qui ne posséda l'Italie que
durant
ans. les deux dernières années (87 5-877) d'un règne de trente-sept

III.

Le récit du meurtre de Chariot, dans les circonstances duquel réside


tout l'intérêt de la première partie de Huon de Bordeaux , cet important
épisode qui permet au trouvère du xme siècle de conserver à son œuvre
le caractère d'une véritable chanson de geste durant plus de 2000 vers ;
cette lamentable histoire d'un fils de roi, coupable de guet-apens envers
un vassal de son père, est-elle sortie tout entière de l'imagination du
poète qui, on le sait maintenant, l'a introduite dans l'histoire de son
héros ? C'est ce qu'on paraît avoir communément admis jusqu'ici. Cepen¬
dant le meurtre de Chariot a sa source dans l'histoire du ixe siècle, et
sans doute l'auteur de Huon de Bordeaux en devait la connaissance à
quelque tradition épique dont un autre que Huon était le héros.
Mais en recueillant cette tradition, le trouvère assimile bien à tort le
Chariot dont il raconte la triste fin avec le prince « violent, téméraire,
jaloux, mais brave, loyal et à un certain moment d'une générosité toute
chevaleresque » 2, qui figure sous le même nom dans la chanson à'Ogier le
Danois. On doit évidemment retrouver dans l'histoire de l'émule d'Ogier
un souvenir lointain du fils aîné de Charlemagne, tandis que l'adversaire

trouvères,
peut
Loup
abasque,
ànicus
«imaginé
2.i sept
. servir,
Gaston
dont
La
deSciminus
ans
chanson
Gascogne
de
une
onpar
entiers
Paris,
désigner
neexpression
, lede
conséquent,
que
et
débarrassera
Histoire
»Huon
qu'il
les
(vers
le duc
Espagnols
épique
depoétique
a233),
Bordeaux
àtué
transformé
étayer
pas
pour
par
mais
deécrivent
facilement.
les
aucun
dit
Charlemagne
désigner
onNormands
son
que
sait
calcul
nom
Ximeno;
laque
unmort
germanique
,temps
chronologique.
«sous
p.sept
c'est
de402.
lefort
Séguin
ans
lesurnom
même
Séguin
long
» était,
remontait
etfaussaire
deenqu'elle
Mostella-
chez
un bien
nom
nos
qui
ne
l'élément historique de Huon de Bordeaux 7
de Huon de Bordeaux représente certainement Charles l'Enfant, roi
d'Aquitaine, l'un des fils de Charles le Chauve et de la reine Ermentrude.
Nous résumons le peu que les annalistes du ixe siècle nous ont appris
de Charles l'Enfant. Ce prince était né en 847 1 . Les Aquitains deman¬
dèrent à son père dès l'an 855 de le leur donner pour roi 2, et il ceignit
la couronne à Limoges où l'archevêque de Bourges le sacra vers le
milieu d'octobre de la même année ?. Cependant, quelques mois plus
tard, ses sujets, avec cette légèreté que les chroniqueurs carolingiens
disent être le trait distinctif du caractère aquitain, rappellent leur ancien
roi Pépin II, le neveu de Charles le Chauve 4, puis ils rétablissent pres¬
que aussi vite le jeune Charles 5. Au début de l'année 857, une partie
de son peuple fait de nouveau cause commune avec Pépin6 et ne se sou¬
met qu'au bout de deux années 7. Charles l'Enfant venait de temps à
autre dans les pays en deçà de la Loire rendre visite à son père 8, mais
il n'avait pas encore atteint sa quinzième année qu'il songeait à s'affran¬
chir complètement de l'autorité paternelle pour suivre aveuglément les
conseils de deux grands de son royaume, Etienne, comte d'Auvergne,
et Aifrois». En 862, à la suggestion d'Etienne, il épousait, sans le con¬
sentement de son père, la veuve du comte Humbert, et Charles le
Chauve I0, comme le père de Chariot dans Huon de Bordeaux, devait se

attribuit.
Karlum
tificem
archiepiscopo,
Commemoratio
Chronique
Pippinum
custodia
antea
rumdam
(ibid.,
bertum
dans
Danos
regis
« Carolus
lum
complensj
conscientia
4.
6.
2.
j.
7.
8.
9.
i.10.puer,
5. «ad
une
Cette
«Karlus
Notamment
«anno
pepulerant,
«in
Aquitani
coronam
Aquitanorum
Aquitani
Et
Egfridus,
Aquitani
puerum,
comiti
inregem
obedientia
Carolus
île
ea
»ex
Calvus
filius
Aquitani,
du
persuasione
date
Karlum,
patris
(Annales
857.)
commorantes
de
monacho,
même
etabbatum
Aquitanis
et
simulant.
la
ejus,
Karlum
résulte
regni
ad
rex
filium
Britonibus
urbem
qui
en
(s/c)
recipiunt,
in
Seine
Stodilo,
paterna
Karlum
a858,
Bertiniani
Adémar.
spreto
Aquitanorum,
conjugem
aliqui
ab
transactis
imponunt,
Karlo
in
Karli,
qui
du
Stephani
Lemovicensium,
Aquitania
:puerum,
Lemovicum,
»tandis
petentibus
regem
obsessurus,
«texte
LemovicenSi
de
persuasione
subtraxerat...
(Annales
Pippino,
etadmodum
puerum
sociatur.
Karlus
,regem
monasterio
inanno
ducit.
temporibus
que
qu'on
sceptrumque
Lemovicas
quem
Aquitaniam
relictam
pervenit.
Caroli
rex
Bertiniani,
omnes
Charles
855.)
generaliter
Karlum,
»Karlum
mense
trouve
mediante
puero
apud
nuper
occulte
(ibid.,
episcopo...
insulam
»regis
sancti
Humberti
cum
pene
»(ibid.,
julio
leunctus
Bouquet,
puerum,
reducunt.
àanno
attribuunt
regem
deficientes,
(ibid.,
anno
filium
anno
Chauve
conspirantium
laSequanae
constituunt,
Stephano
filius,
octobri
convertuntur,
Medardi
adgreditur,
note
anno
862.)
859.)
anno
856.)
»constituerai,
est
suum,
comitis
necdum
filium
(Adémar
assiégeait
t.10
»a»mense,
864.)
858.)
filium
VII,
{ibid.)
Pippino
(ibid.,
Rodulfo,
aufugerat
vocabulo
deunctoque
regem
Karli
ubi
sine
cette
Francorum
quindecim
p.Pippinus
dead
etles
anno
convenientes,
273.)
sociantur.
volúntate
aequivocum
Chabannes,
spernentes,
designatum
regis
page.
eum
,Bituricensi
Normands
Oscellum,
per
eductum
855).
Karo-
Cf.
annos
quem
Rot-
quo-
pon-

la»
et
8 A. LONGNON
dire affligé d'avoir donné le jour à un « mauvais héritier » qui préférait
la compagnie des traîtres à celles des « prudhommes 1 ». Il ne paraît
pas toutefois avoir agi rigoureusement avec ce fils rebelle 2 qui, vers la
fin de l'année
fidélité à Nevers
863,
où vint
les deux
avec rois
les principaux
célébrèrentseigneurs
ensemble aquitains
la fête deluiNoël
jurer
3.
Tandis que les Normands ravageaient plusieurs provinces d'Aquitaine,
notamment le Poitou et l'Auvergne où ils tuèrent le comte Etienne, le
favori de Charles l'Enfant, celui-ci accompagnait son père à Compiègne
où on le rapporta, un certain jour, presque mort et le cerveau atteint
par une horrible blessure qui le défigurait complètement. Si l'on en croit
les annales quasi officielles, rédigées sous l'inspiration de l'archevêque
Hincmar, l'un des plus fidèles serviteurs de Charles le Chauve, le roi
d'Aquitaine, revenant nuitamment de chasser dans la forêt de Cuise avec
plusieurs jeunes gens de son âge, et se livrant en leur compagnie à de
dangereux amusements, aurait reçu cette blessure de l'épée d'Aubouin,
l'un de ses compagnons 4.
Un chroniqueur qui, une trentaine d'années après cet événement,
gouvernait la fameuse abbaye de Prüm, au royaume de Lorraine, et qui
doit sans doute à sa qualité de Lorrain d'avoir pu échapper à l'influence
de la version officielle reproduite par les annales d'Hincmar, Reginon,
en un mot, raconte les choses différemment. Selon lui, l'auteur de la
blessure de Charles l'Enfant, Aubouin, qu'il dit frère de Bivin et de

1. « Miex
Si engerrai
Karlos
Quantaimme
nea non;
me.i.asés
veut
malvais
s'enles
secorre
aitraitors
leiretier
euer
ne laniers
edier
:irié :

« Que les preudommes : s'en ai mon euer irié. »


2. Une entrevue eut lieu entre Charles
(Huonl'Enfant
de Bordeaux,
et ses parents
vers 92 àvers
96.)le milieu

de l'année
[Carolus
suos sacramentis,
rex]862,
cumàcum
uxore
Meung-sur-Loire,
Carolo
in Ligerim,
filio loquitur,
in
maisloco
elle
et qui
eon'eut
quasi
Maidunus
aucun
subito
dicitur,
résultat
sed voce
datis
: « sub-
Ipse
per

ad
sacramento
Natale
receperat,
leoccasion
père
missa,
redit.
Bègue
3.se(Bouquet,
Inde
venientem
»et'
autem
(Annales
que
une
animo
[Carolus
celebravit.
praecepit,
lelettre
Domini
t.pape
contumaci
recepit,
Bertiniani
VII,

rex]
»inp.
Nicolas
ilet(Annales
Nivernum
eodem
les
et398).
,omnes
erecto,
anno
félicitait
sibi
Ierloco
Bertiniani,
862.)
adressa
fidelitatem
primores
incivitatem
secus
d'être
Aquitaniam
auanno
Nivernum
rentrés
Aquitanias
jeune
perrexit,
et 863.)
debitem
remeante,
Charles
enC'est
civitatem,
ubi
grâce
iterum
subjectionem
filium
probablement
et auprès
ipse
à sibi
ubi
son
suum
adjurare
filium
frère
du
Pistis
Carolum
promitti
roi
àLouis
suum
fecit.
cette
.....
leur

secum
nibus
spatha
ad 4.malam
« etduxerat,
percutitur
Carolus
coaevis
dextrae
juvenis,
nOctu
pene
suis
maxillae
reaiens
usque
putans,
quem
pervenit.
adde
pater
operante
cerebrum
venatione
nuper
» (Annales
diabolo
; ab
inquaî
Aquitania
silva
Bertiniani
plaga
abCotia,
Albuino
a tempore
receptum
, jocari
anno juvene
864.)
cum
sinistro
Compendium
aliis
in capita
usque
juve-
l'élément historique de Huon de Bordeaux 9
Beton, jouissait d'une telle réputation de bravoure que le jeune roi
voulut éprouver par lui-même si cette réputation était fondée. Charles
attendit donc nuitamment Aubouin qui revenait de la chasse, et, lorsque
celui-ci fut à portée, il fondit sur lui comme pour lui dérober son cheval.
Aubouin, ignorant à qui il avait affaire, frappa le fils de Charles le
Chauve sur la tête avec son épée 1 et le renversa à terre, où il le laissa à
demi mort et criblé de blessures. Il s'était emparé des armes et du cheval
de son agresseur 2 ; mais, ayant appris quel était celui-ci, il s'enfuit au
plus vite pour échapper à une mort certaine 3.
Telles sont les deux versions qui coururent au ix® siècle sur le funeste
accident survenu à Charles l'Enfant. Ajoutons que le jeune prince échappa
momentanément à la mort. Un an plus tard les Aquitains réclamèrent
leur roi 4 ; mais le malheureux, dont les blessures avaient oblitéré l'intel-

que2.i du
val . porte
Dans
Deprince
même
lela coup
lutte
: dans
En
Que
Amont
Le
Ne
Nel
de
entre
trespasant
blance
Iiliporent
Huonson
nelhaubers
valut
sor
Huon
adversaire
pourfende
decoiffe
l'elme
vaillant
onques
Bordeaux
etle
quiqu'il
Chariot,
fiert
(Huon
lefuenfressi
tenser
:,ii.
feri
,blans
siotleparisis
Huelins
de
par
desous
meurtrier
c'est
neBordeaux
etque
aïr
garendir
trelis
également
elasis,
; pis.
de, vers
Chariot
sur
882-888.)
laemmène
tête du leprince
che¬

(Ibid., vers 897-899.)

susceperat,
alium
dam
gladio
vixit.
Scriptores
infeliciter
Albuini,
bat
multis
auferens
riter
Chauve,
Charles
de
nis,
3.Hincmar
violenter
rex
die
aufugit,
«se
Albuinus,
exSiquidem
vulneribus
l'Enfant
Aquitanis
fratris
esse
reverteretur,
;, adverso
Adon,
perierunt
debilitatis
t.Carolum
etablaturus.
simulans,
mortisque
I,de
Bivini
archevêque
en
cognito
confossum
p.
praedictus
Reginon
eum
jam
;quelques
ergo
nempe
583.)
scilicet,
super
constitutus,
etcum
in
periculum
Ille
quod
membris,
Bettonis,
capite

de
: nihil
eum
Carolus,
ex
semivivum
mots
rex
«Vienne
Carolomannum
filius
Un
venatione
Carolus
solus
minus
[Carolus]
percussit,
declinavit.
qui
autre
ac
adversa
regis
audaciam
levitate
devultu
sont
impetum
reliquit,
existimans
quoque
859
vespertinis
esset,
écrivain
presque
primurn
ex
deformatus,
»moxque
juvenili
àet(Reginonis
acfecit,
arma
in
874,
vir
Hirmindrude
Hludowicum
saepe
quam
quem
contemporain
inintelligibles
satis
molestatus
horis
veluti
pariter
terrae
parle
ductus,
filium
talia
laudatam
pauco
chronicon
honestae
idem
equum
de
etprostravit,
regina
exercuerat,
;temptare
etcaballum
regis,
tempore
la
sed
Albuinus
sans
dedehonestatus
constantiam,
in
formae
apud
triste
duo
Charles
tres
lequo
evaginato
secours
super-
volens
Pertz,
aeinde
secum
ex
fin
sede-
filiqs
qua-
cele-
juve-
his
de
le

injuria
qui
veneno
adversa
4.a «connu
moritur.
[Carolus]
periit,le dehonestatus
fuisse texte
id» demum
(Bouquet,
estd'Adon,
ille,Vernum
injuria.
quem
t.fait
VII,
périr
villam
dicit
» p.(ibid.,
Charles
55.)
veniens,
Adot.EnAquitanorum
VII,
par
effet,
episcopos
le
p. le
poison
238.)
Chronicon
ac
regem
: « ceteros
Karolus
Andegavense
jamAquita-
factum
minor,

niae primores ibidem obvius suscepit. Ad quorum multam petitionem filium suum
10 A. LONGNON
ligence et qui depuis lors était sujet à de fréquentes attaques d'épilepsie,
mourut, après plus de deux ans et demi de souffrances, dans un domaine
voisin de Buzançais, en Berry, le 29 septembre 8 66, à peine âgé de
dix-neuf ans. Son frère Carloman et l'archevêque Gouffé lui donnèrent
la sépulture dans l'église abbatiale de Saint-Sulpice de Bourges 1 .

IV.

A notre avis, il suffira de comparer le début de Huon de Bordeaux


avec le texte de Reginon pour être convaincu que le récit du meurtre de
Chariot est l'écho traditionnel du terrible accident qui causa la mort de
Charles l'Enfant. Il se pourrait même que la lutte d'Aubouin et du jeune
Charles ait offert encore plus de rapports avec celle de Huon de Bordeaux
et de Chariot. Reginon est loin, il est vrai, de présenter Charles l'Enfant
comme une victime complètement innocente ; mais la version dont il est
l'écho, pour n'être pas la version de cour, semble avoir été néanmoins
imaginée pour atténuer un peu ce que la conduite du malheureux prince
pouvait avoir derépréhensible. Il est assez difficile de croire que l'attaque
nocturne dont Charles se rendit coupable avait pour but d'éprouver la
bravoure d'Aubouin, et l'on peut supposer que la valeur d'Aubouin, les
faveurs qu'elle lui avait sans doute values, les éloges dont il était
l'objet, avaient éveillé la jalousie du roi d'Aquitaine : Charles aurait
alors conçu la pensée de se débarrasser par un crime de celui que tous
désignaient comme le plus brillant des jeunes gens de son âge. Les auteurs
de la version reproduite par Reginon n'ont pas dit toute la vérité et la
meilleure preuve qu'on en puisse donner, c'est que, d'après eux, la lutte
de Charlesassure
lui-même avec Aubouin
le contraire.
n'aurait pas eu de témoins, alors que Hincmar

La tradition recueillie par l'auteur de Huon de Bordeaux dérivait sans


doute de quelque chant consacré au récit des aventures d'Aubouin, sur
le sort duquel l'histoire ne contient rien de certain 2. Mais on ne saura
probablement jamais comment les jongleurs arrivèrent à substituer Huon

Carolum
ante
vexatus,
dans
conjointement
royaux
redire
Carolomanno,
rigum
2.
1 . aliquot
leOn
« sepelitur.
permittit.
àCaroli
« ne
III0
necdum
son
comte
peut
annos
kalendas
fils
àfilius
fratre
l'évécjue
»assurer
Aubouin
»aîne
bene
(ibid,
(Annales
nomine
acceperat
sue,
octobris
(Annales
spassatum
anno
que
de
atque
» Carolus
Bertiniani,
qu'à
Beauvais,
le866.)
cerebro
Bertiniani,
inmeurtrier
ason
inVulfado
quadam
Aquitaniam
etlitde
anno
Aquitanorum
commoto,
dede
porter
anno
villa
inmort
Charles
865.)
ecclesia
879).
secus
cum
lale diutius
roi
couronne
l'Enfànt
rex,
regio
Bosentiacas
sancti
Louis
plaga
epelemptica
nomine
Sulpitii
doive
leet Bègue
quam
les
moritur,
être
ac
apud
ornements
in
potestate
chargea,
passione
reconnu
capite
Bitu-
et a
l'élément historique de Huon de Bordeaux 1 1
à Aubouin. Il y avait, il est vrai, un point de contact entre l'histoire
d'Aubouin et les traditions relatives à Huon : tous deux étaient partis
pour l'exil après avoir commis un meurtre. Ce n'était pas là, toutefois,
une raison de confondre l'histoire de l'un avec celle de l'autre, et il faut
peut-être supposer que les deux personnages furent unis dans une tradi¬
tion commune avant qu'on n'attribuât à Huon ce qui concernait Aubouin.
Le fils de Séguin de Bordeaux, banni de France et réfugié en Lombardie
postérieurement à 845, a pu rencontrer Aubouin sur la terre d'exil ; il a
pu se lier d'amitié avec cet autre fugitif, partager les mêmes dangers que
lui ; les poètes auront ensuite chanté leurs exploits communs, et un jour
la légende
de celle d'Aubouin.
de Huon de Bordeaux se sera trouvée transformée au contact

Auguste Longnon.

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