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8 | Donnerstag, den 27. Februar 2020 Die Warte 42 | 2642 | | 42 | 2642 Die Warte Donnerstag, den 27.

42 | 2642 | | 42 | 2642 Die Warte Donnerstag, den 27. Februar 2020 | 9


PERSPECTIVES PERSPECTIVES

Nicolas Funck
et la Cueva del Guácharo
Dans le sillage de Humboldt (III) – le réseau Funck-Bellermann-Moritz

Par Claude Wey, Foni Le Brun et Leonardo López Luján

D
eux mois après avoir débarqué à falls dort übernachtet hatten.» (Funck 1916a: l’un fut baptisé du nom de Bulimus Funckii et
Cumaná dans l’est du Venezuela, 120.) De même qu’il retient de son arrivée à Ca- l’autre du nom de Bulimus fulminans» (Funck
pour entamer leur voyage améri- ripe que «[h]ier sowohl, wie in ganz Vene- 1919b: 37.). Donc, l’un des mollusques doit son
cain qui va durer cinq ans, Alexan- zuela und zumal in der Provinz Cumana, ist nom taxonomique à son découvreur, à savoir
der von Humboldt (1769-1859) et Aimé Bon- die Erinnerung an Humboldt noch sehr leb- Nicolas Funck!
pland (1773-1858) séjournent à Caripe avant haft. Unter den ältesten Indianern traf ich noch
d’explorer le 18 septembre 1799 la caverne einige, die ihn und Bonpland gekannt und zur Funck et ses «beiden treuen
Cueva del Guácharo. Dans Reise in die Äqui- Höhle begleitet hatten.» (Funck 1916a: 152.)
noktial-Gegenden des Neuen Kontinents, Hum- Funck évoque de nouveau le fil humbold- deutschen Begleiter»
boldt tiendra plus tard les propos suivants: tien quand il décrit le site de la caverne: «Das Est-ce que les lecteurs luxembourgeois des an-
«Bei dieser großen Gleichförmigkeit konnte Bild Humboldt’s, den ich erst einige Monate nées 1910 surent que, de son vivant, Funck avait
ich glauben, die Höhle von Caripe werde im vorher in Paris getroffen, wo er mir zum Be- déjà publié à la fin des années 1870 un récit por-
Aussehen von dem, was ich auf meinen frühe- such der Guácharahöhle [sic] so dringend ge- tant sur la caverne des guacharos? En effet,
ren Reisen beobachtet, nicht sehr abweichen; raten hatte, schwebte bei dieser Gelegenheit après avoir séjourné et œuvré à quatre re-
aber die Wirklichkeit übertraf meine Erwar- lebhaft, fast geisterhaft vor meinen Augen.» prises en Amérique latine entre 1835 et 1846
tung bei weitem. Wenn einerseits alle Höhlen (Funck 1916a: 153.) Il poursuit son récit avec une pour s’engager ensuite comme professeur de
nach ihrer ganzen Bildung, durch den Glanz der description détaillée de l’exploration de la ca- sciences naturelles à l’Athénée de Luxem- „Guacharo Höhle in
Stalaktiten, in allem, was die unorganische Na- verne. Une narration qui fut probablement bien bourg, avant d’occuper entre 1857 et 1870 suc- der Provinz Cumana“.
tur betrifft, auffallende Analogien aufweisen, so accueillie par des lecteurs sevrés d’informa- cessivement les postes de sous-directeur et de Huile sur carton
gibt andererseits der großartige tropische tions tant instructives que divertissantes du- directeur du jardin zoologique et botanique de peinte en 1843 par
Pflanzenwuchs der Mündung eines solchen rant les années sombres de la Première Guerre Bruxelles, Funck est appelé aux commandes du Ferdinand Beller-
Erdlochs einen ganz eigenen Charakter» (von mondiale, quand la société luxembourgeoise zoo de Cologne à partir de 1870. Durant ses an- mann, (1814 – 1889).
Humboldt 1991 – Band 1: 351-352, voir éga- était contrainte de supporter l’occupation mi- nées colonnaises, il signe un certain nombre Copyright: bpk /
lement à ce sujet Die Warte du 13 février 2020). litaire du Kaiserreich allemand. d’articles dans des revues et journaux alle- Kupferstichkabinett,
A lire ces quelques lignes, l’on se rend Qui plus est, le public luxembourgeois pour- mands, entre autres dans le Kölnische Zeitung SMB / Volker-H.
compte que la Cueva del Guácharo exerce une ra même lire quelque temps après une se- où il publie un récit en deux parties sous le ti- Schneider
profonde fascination sur Humboldt. Tout au conde version funckienne de l’exploration de tre «Die Guácharo-Höhle. Reiseerinnerungen
long de sa vie intellectuelle, il reviendra à plu- la cueva. Publiée en langue française par la So- von N. Funck».
sieurs reprises, tant dans ses publications que ciété des naturalistes luxembourgeois dans ses En comparant le texte funckien de 1878 avec
dans ses entrevues avec des scientifiques, sur Bulletins mensuels entre 1918 et 1919, elle décrit les deux narrations publiées au Luxembourg conservé quelque bienveillance pour mon nom, Dans sa lettre adressée à Ignaz von Olfers, Zweckmäßigste, daß wir andern Beiden we-
cette grotte remarquable. Une quarantaine d’abord l’inspection de la partie de la grotte ex- entre 1916 et 1918-1919, l’on se rend compte qu’il de vouloir bien aider de leur conseil et donner Bellermann évoque l’inspection de la grotte: nigstens den unfruchtbaren Aufenthalt in Cu-
d’années après avoir visité la caverne vé- plorée jadis par Humboldt, pour mettre en- constitue la base originale du récit présenté en d’un intérêt affectueux mon jeune compatriote «Die Höhle ist das Schönste was ich bisher ge- maná abbrechen, vorausreisen und ihn in Cu-
nézuélienne, il suggère, lors d’une entrevue à suite en exergue l’exploration d’une salle de la langue française une quarantaine d’années plus Mr Ferdinand Bellermann, peintre distingué sehen […]; während unsres Aufenthaltes in der- manacoa abwarten möchten, wo er, nach seiner
Paris en 1841, au jeune explorateur d’origine caverne jusque-là très peu connue: tard dans les pages des Bulletins mensuels de la pour son talent, voyageant d’après les ordres selben haben wir sie in allen ihren Theilen eigenen Kenntnis jener Gegend, jedem für sein
luxembourgeoise Nicolas Funck (1816-1896) «[N]ous nous trouvâmes subitement trans- Société des naturalistes luxembourgeois. Sauf de Sa Majesté le Roi de Prusse pour peindre durchsucht und Herr Funk [sic] hat sogar, mit Fach ein reiches Feld versprach» (Moritz
d’inspecter à son tour ladite cueva lors de son portés dans une vaste salle, où des centaines que la version française ne contient pas le der- les sites, et retracer sur la toile la majesté de la meiner Hülfe einen Grundriß derselben ange- 1844a.).
prochain voyage en Amérique méridionale. de colonnes de stalactites et de stalagmites nier passage du développement rédactionnel végétation de la zone torride. Mr Bellermann, fertigt. Den 15. August verließen uns plötzlich Moritz note également les compétences
A première vue et réaction, l’on serait en- s’élevant du sol jusqu’à la voûte nous ren- publié dans le Kölnische Zeitung: «Zum Schluß par la douceur de ses mœurs et son caractère die in Dienst genommenen Indianer und wir professionnelles de Funck tout en soulignant
clin de voir dans cette suggestion de Hum- voyaient en des milliers de feux étincelants la kann ich nicht umhin, meine beiden treuen moral est bien digne de la confiance que j’ose waren genöthigt ebenfalls die Höhle zu ver- son expérience exploratrice. C’est dans ce con-
boldt un geste de bienveillance envers un jeune lumière de nos torches. L’aspect de cette salle deutschen Begleiter bei dieser Gelegenheit zu réclamer pour lui de la part des Citoyens de la lassen und nach St. Augustin zu gehen von wo texte qu’il affirme que le naturaliste luxem-
savant-voyageur peu connu. Or, même si Hum- avait vraiment quelque chose de féerique. […] erwähnen. Der eine, Moritz, ein Entomologe, République de Venezuela. Le Bn Alexandre de aus wir den Weg nach Cariapo, el Purgatorio, bourgeois avait déjà visité Caripe et la Cueva
boldt cultive en premier lieu ses relations avec Nous comptâmes près de 60 colonnes dont les ruht bereits seit langen Jahren unter den Pal- Humboldt, à Berlin ce 2 Mai 1842» ([Beller- besuchten und uns [am] 18. August nach Cari- del Guácharo en 1842. C’est ce qu’il écrit dans
les élites scientifiques et culturelles de renom parois cristallines, au lieu d’être encroûtées de men Columbiens im Grabe; der andere, Bel- mann 2014d]: 294.). pe begaben, von wo aus wir nochmals einen l’un de ses papiers journalistiques faisant par-
international tant dans l’«Ancien» que dans le substances terreuses comme dans la première lermann, lebt noch in Berlin, wo er eine Pro- En outre, Bellermann se voit officiellement dreitägigen Besuch in der Höhle machten und tie des «Moritz’s Reiseberichte»: «So war A.
«Nouveau Monde», il a su également conseil- grotte où l’air extérieur pénétrait encore, pré- fessur der Landschaftsmalerei in der Kunsta- gratifier d’une bourse de «400 Reichstaler». dann wieder nach Guanaguana zurückgingen» v. Humboldt erst im September hier, Funk [sic]
ler, motiver et soutenir une pléiade de jeunes sentaient des facettes claires et transparentes kademie bekleidet» (Funck 1878: Nr. 262.). Une subvention initiale dont il n’aurait pas pu ([Bellermann 2014c]: 272.). im vorigen Jahre um dieselbe Jahreszeit und
explorateurs et de jeunes scientifiques. Parmi reluisant comme autant de diamants aux feux Funck se résolut donc à révéler dans l’ul- profiter sans l’appui et l’entremise de Hum- L‘Urwaldmaler relève également l’explora- wir zusammen, durch eine unglückliche Ver-
eux figure Nicolas Funck, natif de Luxem- de nos lumières.» (Funck 1919a: 14.) time alinéa les noms de ceux qui l’ont accom- boldt auprès du roi de Prusse Frédéric-Guil- tion de la grotte dans son «Tagebuchbericht zögerung, ebenfalls nur wenige Wochen frü-
bourg-ville. Comme Humboldt dans sa description de la pagné dans la caverne. Or, ses deux compa- laume IV (1795-1861) ainsi qu’auprès du direc- über die Reise zur Guácharo-Höhle» (Beller- her […].» (Moritz 1844b.)
Höhle des Guácharo, Funck fait connaître aux gnons sont tout sauf d’illustres inconnus! Fer- teur des musées royaux en Prusse Ignaz von Ol- mann 2014a: 261-266). Or, à l’opposé des récits En acceptant l’affirmation de Moritz ainsi
Les apports scientifiques lecteurs les Nachtvögel, «die im Hintergrunde dinand Bellermann (1814-1889) que les histo- fers (1793-1871). Bénéficiant d’appuis et d’aides funckiens publiés au Luxembourg durant les que les informations épistolaires de Beller-
der Höhle hausen.» (Funck 1916a: 169.) Connu riens de l’art rangent parmi les «Maler aus dem en haut lieu prussien, Bellermann peut désor- années 1910, Bellermann n’oublie point de pré- mann, tout nous porte à conclure que Funck a
de l’humboldtien Funck sous le nom scientifique de Steatornis cari- Kreis um Humboldt» est de son vivant l’un des mais entamer son séjour vénézuélien, qui senter et de citer ses collègues. A plusieurs re- visité à trois reprises la caverne des guacha-
Nicolas Funck ne manquera pas de suivre les pensis, leur nom allemand Fettschwalm nous artistes les plus cotés de la Landschaftsmalerei s’étendra sur trois ans, c’est-dire de juillet 1842 prises, le peintre allemand revient sur les mé- ros, à savoir en 1842, puis à deux reprises en
conseils du scientifique allemand. Après avoir semble bien révélateur, comme le confirme allemande. Comme Moritz Rugendas (1802- jusqu’en septembre 1845. rites de Funck dans le bon déroulement de l’ex- août 1843! Cet état de fait n’aurait pas pu être
parcouru les massifs de Caracas et de la Silla, d’ailleurs Funck dans son récit: «Chaque an- 1858), Bellermann est l’auteur d’une œuvre pic- Ce sera uniquement à la fin de mars 1843 pédition, tout en déplorant ses ennuis de santé, détecté à travers les seuls récits de Funck. De
il décide de se rendre à Cumaná, puis de pren- née, vers la Saint-Jean, toute la jeune popula- turale paysagiste de qualité, parmi laquelle il que Bellermann fera la connaissance de Funck. comme en témoigne sa lettre du 28 septembre même que l’on aurait eu plus de problèmes
dre la route pour Caripe et la caverne des gua- tion de Caripe se rend dans la grotte pour faire importe surtout de relever les tableaux et des- Dans la lettre qu’il envoie le 28 septembre 1843 1843: «Da Herrn Funks Gesundheit immer pour appréhender et cerner le réseau hum-
charos, comme on peut le lire dans la sixième ce que l’on appelle la récolte des guácharos. sins représentant des paysages exotiques. Ceux- de Puerto Cabello à Ignaz von Olfers, il fait part schwankend war […].» boldtien de Nicolas Funck sans le dépouil-
partie de ses «Reise-Erinnerungen» publiées Des échafaudages construits avec les tiges des ci se caractérisent par le soin apporté à la re- des informations suivantes: «In Caracas traf ich A l’instar de son compagnon Bellermann, le lement des récits de voyage de Ferdinand Bel-
dans la revue Ons Hémecht en 1916, c’est-à-dire palmiers Praga sont érigés dans la partie de la présentation des espèces végétales et de la mit dem belgischen Naturforscher Funk [sic] botaniste et entomologiste Karl Moritz évo- lermann et de Karl Moritz.
vingt ans après son décès. Ainsi, dans le déve- grotte habitée par ceux-ci, les jeunes oiseaux faune latino-américaine. Un état de fait tant zusammen, er und der Naturforscher Moritz que le nom de Funck dans «Moritz’s Reisebe-
loppement rédactionnel intitulé Von Cumana sont enlevés de leurs nids, leur graisse fondue iconographique qu’esthétique, qui explique aus Berlin rüsteten sich zu einer Reise nach richte» et «Mittheilungen aus Süd-Amerika», Le réseau humboldtien
zur Guácharohöhle, Funck décrit le périple qui au feu est recueillie dans des terrines de terre pour beaucoup la renommée de l’Urwaldmaler der Provinz Cumana und Angostura, es ward récits de voyage publiés en 1844 dans Berli-
le conduit vers le lieu d’exploration spéléolo- cuite et partagée également entre les Indiens.» Bellermann. ihnen leicht mich als Mitreisenden zu bekom- nische Nachrichten von Staats- und gelehrten de Nicolas Funck
gique proprement dit, tout en glissant l’une ou (Funck 1919b: 36.) Cet artiste peintre a pu compter à plusieurs men […]» ([Bellermann 2014c]: 272.) C’est vers Sachen. A l’image de son compatriote, Moritz Que retenir finalement de ce réseau hum-
l’autre référence humboldtienne dans sa nar- Animal emblématique de la caverne, le guá- reprises durant sa carrière professionnelle sur la mi-mai 1843 que Bellermann et Funck, ac- évoque les problèmes de santé de Funck. Ain- boldtien auquel appartient Funck? En premier
ration. charo partage pourtant son lieu d’habitation le soutien de Humboldt. Ainsi avait-il reçu pour compagnés de Karl Moritz (1797-1866), s’étaient si retient-il dans l’une de ses communications lieu, il convient de signaler que les explora-
Il mentionne entre autres une halte dans une avec d’autres espèces animales. Selon les indi- son voyage au Venezuela une lettre de re- apprêtés à partir pour les contrées orientales journalistiques: «Unser Reconvalescent teurs comme Funck se réfèrent d’abord à des
ferme en cours de route, tout en notant que cations de Funck, il y en a quatre autres, dont commandation dans laquelle le «savant-ci- du Venezuela et la Cueva del Guácharo que le [Funck] durfte freilich, nach dem Willen des relations sociales existantes ou essaient de
«[v]on dem Sohne des früheren Eigentümers «deux nouvelles espèces de mollusques à co- toyen du monde» notait: «Je prie toutes les per- trio va explorer à deux reprises durant le mois Arztes, noch nicht reisen, hielt es aber, da er s’intégrer dans des réseaux sociaux proches
erfuhr ich, daß Humboldt und Bonpland eben- quille non loin de l’entrée de la caverne, dont sonnes qui dans le beau pays de Venezuela ont d’août 1843. außer Gefahr und in guter Pflege war, für das des milieux intéressés par les expéditions. ...
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PERSPECTIVES PERSPECTIVES

Nicolas Funck
et la Cueva del Guácharo
Dans le sillage de Humboldt (III) – le réseau Funck-Bellermann-Moritz

Par Claude Wey, Foni Le Brun et Leonardo López Luján

D
eux mois après avoir débarqué à falls dort übernachtet hatten.» (Funck 1916a: l’un fut baptisé du nom de Bulimus Funckii et
Cumaná dans l’est du Venezuela, 120.) De même qu’il retient de son arrivée à Ca- l’autre du nom de Bulimus fulminans» (Funck
pour entamer leur voyage améri- ripe que «[h]ier sowohl, wie in ganz Vene- 1919b: 37.). Donc, l’un des mollusques doit son
cain qui va durer cinq ans, Alexan- zuela und zumal in der Provinz Cumana, ist nom taxonomique à son découvreur, à savoir
der von Humboldt (1769-1859) et Aimé Bon- die Erinnerung an Humboldt noch sehr leb- Nicolas Funck!
pland (1773-1858) séjournent à Caripe avant haft. Unter den ältesten Indianern traf ich noch
d’explorer le 18 septembre 1799 la caverne einige, die ihn und Bonpland gekannt und zur Funck et ses «beiden treuen
Cueva del Guácharo. Dans Reise in die Äqui- Höhle begleitet hatten.» (Funck 1916a: 152.)
noktial-Gegenden des Neuen Kontinents, Hum- Funck évoque de nouveau le fil humbold- deutschen Begleiter»
boldt tiendra plus tard les propos suivants: tien quand il décrit le site de la caverne: «Das Est-ce que les lecteurs luxembourgeois des an-
«Bei dieser großen Gleichförmigkeit konnte Bild Humboldt’s, den ich erst einige Monate nées 1910 surent que, de son vivant, Funck avait
ich glauben, die Höhle von Caripe werde im vorher in Paris getroffen, wo er mir zum Be- déjà publié à la fin des années 1870 un récit por-
Aussehen von dem, was ich auf meinen frühe- such der Guácharahöhle [sic] so dringend ge- tant sur la caverne des guacharos? En effet,
ren Reisen beobachtet, nicht sehr abweichen; raten hatte, schwebte bei dieser Gelegenheit après avoir séjourné et œuvré à quatre re-
aber die Wirklichkeit übertraf meine Erwar- lebhaft, fast geisterhaft vor meinen Augen.» prises en Amérique latine entre 1835 et 1846
tung bei weitem. Wenn einerseits alle Höhlen (Funck 1916a: 153.) Il poursuit son récit avec une pour s’engager ensuite comme professeur de
nach ihrer ganzen Bildung, durch den Glanz der description détaillée de l’exploration de la ca- sciences naturelles à l’Athénée de Luxem- „Guacharo Höhle in
Stalaktiten, in allem, was die unorganische Na- verne. Une narration qui fut probablement bien bourg, avant d’occuper entre 1857 et 1870 suc- der Provinz Cumana“.
tur betrifft, auffallende Analogien aufweisen, so accueillie par des lecteurs sevrés d’informa- cessivement les postes de sous-directeur et de Huile sur carton
gibt andererseits der großartige tropische tions tant instructives que divertissantes du- directeur du jardin zoologique et botanique de peinte en 1843 par
Pflanzenwuchs der Mündung eines solchen rant les années sombres de la Première Guerre Bruxelles, Funck est appelé aux commandes du Ferdinand Beller-
Erdlochs einen ganz eigenen Charakter» (von mondiale, quand la société luxembourgeoise zoo de Cologne à partir de 1870. Durant ses an- mann, (1814 – 1889).
Humboldt 1991 – Band 1: 351-352, voir éga- était contrainte de supporter l’occupation mi- nées colonnaises, il signe un certain nombre Copyright: bpk /
lement à ce sujet Die Warte du 13 février 2020). litaire du Kaiserreich allemand. d’articles dans des revues et journaux alle- Kupferstichkabinett,
A lire ces quelques lignes, l’on se rend Qui plus est, le public luxembourgeois pour- mands, entre autres dans le Kölnische Zeitung SMB / Volker-H.
compte que la Cueva del Guácharo exerce une ra même lire quelque temps après une se- où il publie un récit en deux parties sous le ti- Schneider
profonde fascination sur Humboldt. Tout au conde version funckienne de l’exploration de tre «Die Guácharo-Höhle. Reiseerinnerungen
long de sa vie intellectuelle, il reviendra à plu- la cueva. Publiée en langue française par la So- von N. Funck».
sieurs reprises, tant dans ses publications que ciété des naturalistes luxembourgeois dans ses En comparant le texte funckien de 1878 avec
dans ses entrevues avec des scientifiques, sur Bulletins mensuels entre 1918 et 1919, elle décrit les deux narrations publiées au Luxembourg conservé quelque bienveillance pour mon nom, Dans sa lettre adressée à Ignaz von Olfers, Zweckmäßigste, daß wir andern Beiden we-
cette grotte remarquable. Une quarantaine d’abord l’inspection de la partie de la grotte ex- entre 1916 et 1918-1919, l’on se rend compte qu’il de vouloir bien aider de leur conseil et donner Bellermann évoque l’inspection de la grotte: nigstens den unfruchtbaren Aufenthalt in Cu-
d’années après avoir visité la caverne vé- plorée jadis par Humboldt, pour mettre en- constitue la base originale du récit présenté en d’un intérêt affectueux mon jeune compatriote «Die Höhle ist das Schönste was ich bisher ge- maná abbrechen, vorausreisen und ihn in Cu-
nézuélienne, il suggère, lors d’une entrevue à suite en exergue l’exploration d’une salle de la langue française une quarantaine d’années plus Mr Ferdinand Bellermann, peintre distingué sehen […]; während unsres Aufenthaltes in der- manacoa abwarten möchten, wo er, nach seiner
Paris en 1841, au jeune explorateur d’origine caverne jusque-là très peu connue: tard dans les pages des Bulletins mensuels de la pour son talent, voyageant d’après les ordres selben haben wir sie in allen ihren Theilen eigenen Kenntnis jener Gegend, jedem für sein
luxembourgeoise Nicolas Funck (1816-1896) «[N]ous nous trouvâmes subitement trans- Société des naturalistes luxembourgeois. Sauf de Sa Majesté le Roi de Prusse pour peindre durchsucht und Herr Funk [sic] hat sogar, mit Fach ein reiches Feld versprach» (Moritz
d’inspecter à son tour ladite cueva lors de son portés dans une vaste salle, où des centaines que la version française ne contient pas le der- les sites, et retracer sur la toile la majesté de la meiner Hülfe einen Grundriß derselben ange- 1844a.).
prochain voyage en Amérique méridionale. de colonnes de stalactites et de stalagmites nier passage du développement rédactionnel végétation de la zone torride. Mr Bellermann, fertigt. Den 15. August verließen uns plötzlich Moritz note également les compétences
A première vue et réaction, l’on serait en- s’élevant du sol jusqu’à la voûte nous ren- publié dans le Kölnische Zeitung: «Zum Schluß par la douceur de ses mœurs et son caractère die in Dienst genommenen Indianer und wir professionnelles de Funck tout en soulignant
clin de voir dans cette suggestion de Hum- voyaient en des milliers de feux étincelants la kann ich nicht umhin, meine beiden treuen moral est bien digne de la confiance que j’ose waren genöthigt ebenfalls die Höhle zu ver- son expérience exploratrice. C’est dans ce con-
boldt un geste de bienveillance envers un jeune lumière de nos torches. L’aspect de cette salle deutschen Begleiter bei dieser Gelegenheit zu réclamer pour lui de la part des Citoyens de la lassen und nach St. Augustin zu gehen von wo texte qu’il affirme que le naturaliste luxem-
savant-voyageur peu connu. Or, même si Hum- avait vraiment quelque chose de féerique. […] erwähnen. Der eine, Moritz, ein Entomologe, République de Venezuela. Le Bn Alexandre de aus wir den Weg nach Cariapo, el Purgatorio, bourgeois avait déjà visité Caripe et la Cueva
boldt cultive en premier lieu ses relations avec Nous comptâmes près de 60 colonnes dont les ruht bereits seit langen Jahren unter den Pal- Humboldt, à Berlin ce 2 Mai 1842» ([Beller- besuchten und uns [am] 18. August nach Cari- del Guácharo en 1842. C’est ce qu’il écrit dans
les élites scientifiques et culturelles de renom parois cristallines, au lieu d’être encroûtées de men Columbiens im Grabe; der andere, Bel- mann 2014d]: 294.). pe begaben, von wo aus wir nochmals einen l’un de ses papiers journalistiques faisant par-
international tant dans l’«Ancien» que dans le substances terreuses comme dans la première lermann, lebt noch in Berlin, wo er eine Pro- En outre, Bellermann se voit officiellement dreitägigen Besuch in der Höhle machten und tie des «Moritz’s Reiseberichte»: «So war A.
«Nouveau Monde», il a su également conseil- grotte où l’air extérieur pénétrait encore, pré- fessur der Landschaftsmalerei in der Kunsta- gratifier d’une bourse de «400 Reichstaler». dann wieder nach Guanaguana zurückgingen» v. Humboldt erst im September hier, Funk [sic]
ler, motiver et soutenir une pléiade de jeunes sentaient des facettes claires et transparentes kademie bekleidet» (Funck 1878: Nr. 262.). Une subvention initiale dont il n’aurait pas pu ([Bellermann 2014c]: 272.). im vorigen Jahre um dieselbe Jahreszeit und
explorateurs et de jeunes scientifiques. Parmi reluisant comme autant de diamants aux feux Funck se résolut donc à révéler dans l’ul- profiter sans l’appui et l’entremise de Hum- L‘Urwaldmaler relève également l’explora- wir zusammen, durch eine unglückliche Ver-
eux figure Nicolas Funck, natif de Luxem- de nos lumières.» (Funck 1919a: 14.) time alinéa les noms de ceux qui l’ont accom- boldt auprès du roi de Prusse Frédéric-Guil- tion de la grotte dans son «Tagebuchbericht zögerung, ebenfalls nur wenige Wochen frü-
bourg-ville. Comme Humboldt dans sa description de la pagné dans la caverne. Or, ses deux compa- laume IV (1795-1861) ainsi qu’auprès du direc- über die Reise zur Guácharo-Höhle» (Beller- her […].» (Moritz 1844b.)
Höhle des Guácharo, Funck fait connaître aux gnons sont tout sauf d’illustres inconnus! Fer- teur des musées royaux en Prusse Ignaz von Ol- mann 2014a: 261-266). Or, à l’opposé des récits En acceptant l’affirmation de Moritz ainsi
Les apports scientifiques lecteurs les Nachtvögel, «die im Hintergrunde dinand Bellermann (1814-1889) que les histo- fers (1793-1871). Bénéficiant d’appuis et d’aides funckiens publiés au Luxembourg durant les que les informations épistolaires de Beller-
der Höhle hausen.» (Funck 1916a: 169.) Connu riens de l’art rangent parmi les «Maler aus dem en haut lieu prussien, Bellermann peut désor- années 1910, Bellermann n’oublie point de pré- mann, tout nous porte à conclure que Funck a
de l’humboldtien Funck sous le nom scientifique de Steatornis cari- Kreis um Humboldt» est de son vivant l’un des mais entamer son séjour vénézuélien, qui senter et de citer ses collègues. A plusieurs re- visité à trois reprises la caverne des guacha-
Nicolas Funck ne manquera pas de suivre les pensis, leur nom allemand Fettschwalm nous artistes les plus cotés de la Landschaftsmalerei s’étendra sur trois ans, c’est-dire de juillet 1842 prises, le peintre allemand revient sur les mé- ros, à savoir en 1842, puis à deux reprises en
conseils du scientifique allemand. Après avoir semble bien révélateur, comme le confirme allemande. Comme Moritz Rugendas (1802- jusqu’en septembre 1845. rites de Funck dans le bon déroulement de l’ex- août 1843! Cet état de fait n’aurait pas pu être
parcouru les massifs de Caracas et de la Silla, d’ailleurs Funck dans son récit: «Chaque an- 1858), Bellermann est l’auteur d’une œuvre pic- Ce sera uniquement à la fin de mars 1843 pédition, tout en déplorant ses ennuis de santé, détecté à travers les seuls récits de Funck. De
il décide de se rendre à Cumaná, puis de pren- née, vers la Saint-Jean, toute la jeune popula- turale paysagiste de qualité, parmi laquelle il que Bellermann fera la connaissance de Funck. comme en témoigne sa lettre du 28 septembre même que l’on aurait eu plus de problèmes
dre la route pour Caripe et la caverne des gua- tion de Caripe se rend dans la grotte pour faire importe surtout de relever les tableaux et des- Dans la lettre qu’il envoie le 28 septembre 1843 1843: «Da Herrn Funks Gesundheit immer pour appréhender et cerner le réseau hum-
charos, comme on peut le lire dans la sixième ce que l’on appelle la récolte des guácharos. sins représentant des paysages exotiques. Ceux- de Puerto Cabello à Ignaz von Olfers, il fait part schwankend war […].» boldtien de Nicolas Funck sans le dépouil-
partie de ses «Reise-Erinnerungen» publiées Des échafaudages construits avec les tiges des ci se caractérisent par le soin apporté à la re- des informations suivantes: «In Caracas traf ich A l’instar de son compagnon Bellermann, le lement des récits de voyage de Ferdinand Bel-
dans la revue Ons Hémecht en 1916, c’est-à-dire palmiers Praga sont érigés dans la partie de la présentation des espèces végétales et de la mit dem belgischen Naturforscher Funk [sic] botaniste et entomologiste Karl Moritz évo- lermann et de Karl Moritz.
vingt ans après son décès. Ainsi, dans le déve- grotte habitée par ceux-ci, les jeunes oiseaux faune latino-américaine. Un état de fait tant zusammen, er und der Naturforscher Moritz que le nom de Funck dans «Moritz’s Reisebe-
loppement rédactionnel intitulé Von Cumana sont enlevés de leurs nids, leur graisse fondue iconographique qu’esthétique, qui explique aus Berlin rüsteten sich zu einer Reise nach richte» et «Mittheilungen aus Süd-Amerika», Le réseau humboldtien
zur Guácharohöhle, Funck décrit le périple qui au feu est recueillie dans des terrines de terre pour beaucoup la renommée de l’Urwaldmaler der Provinz Cumana und Angostura, es ward récits de voyage publiés en 1844 dans Berli-
le conduit vers le lieu d’exploration spéléolo- cuite et partagée également entre les Indiens.» Bellermann. ihnen leicht mich als Mitreisenden zu bekom- nische Nachrichten von Staats- und gelehrten de Nicolas Funck
gique proprement dit, tout en glissant l’une ou (Funck 1919b: 36.) Cet artiste peintre a pu compter à plusieurs men […]» ([Bellermann 2014c]: 272.) C’est vers Sachen. A l’image de son compatriote, Moritz Que retenir finalement de ce réseau hum-
l’autre référence humboldtienne dans sa nar- Animal emblématique de la caverne, le guá- reprises durant sa carrière professionnelle sur la mi-mai 1843 que Bellermann et Funck, ac- évoque les problèmes de santé de Funck. Ain- boldtien auquel appartient Funck? En premier
ration. charo partage pourtant son lieu d’habitation le soutien de Humboldt. Ainsi avait-il reçu pour compagnés de Karl Moritz (1797-1866), s’étaient si retient-il dans l’une de ses communications lieu, il convient de signaler que les explora-
Il mentionne entre autres une halte dans une avec d’autres espèces animales. Selon les indi- son voyage au Venezuela une lettre de re- apprêtés à partir pour les contrées orientales journalistiques: «Unser Reconvalescent teurs comme Funck se réfèrent d’abord à des
ferme en cours de route, tout en notant que cations de Funck, il y en a quatre autres, dont commandation dans laquelle le «savant-ci- du Venezuela et la Cueva del Guácharo que le [Funck] durfte freilich, nach dem Willen des relations sociales existantes ou essaient de
«[v]on dem Sohne des früheren Eigentümers «deux nouvelles espèces de mollusques à co- toyen du monde» notait: «Je prie toutes les per- trio va explorer à deux reprises durant le mois Arztes, noch nicht reisen, hielt es aber, da er s’intégrer dans des réseaux sociaux proches
erfuhr ich, daß Humboldt und Bonpland eben- quille non loin de l’entrée de la caverne, dont sonnes qui dans le beau pays de Venezuela ont d’août 1843. außer Gefahr und in guter Pflege war, für das des milieux intéressés par les expéditions. ...
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PERSPECTIVES PERSPECTIVES

Un opéra fabuleux
ne saurait appréhender à sa juste valeur ces ex-
péditions naturalistes sans le concours des peo-
nes – journaliers ruraux – ou des campesinos y
jornaleros indígenas. Ainsi, tout un groupe d’In-
diens Chaimas accompagnait Funck, Beller-
mann et Moritz dans l’antre de la Cueva del
Guácharo (Bellermann 2014a: 261-266).
Au-delà de la question de réseaux hum- «Mélusine» d’Yves De Smet
boldtiens ayant influencé et agencé les acti-
vités d’explorateurs comme Nicolas Funck en
Amérique latine, se pose finalement la ques- Par Franck Colotte
tion de l’influence durable des idées hum-
boldtiennes sur le devenir du naturaliste

S
luxembourgeois ayant eu le privilège de ren-
contrer le scientifique allemand. Rappelons que ecrète, mystérieuse et surtout légen-
Funck a occupé entre 1857 et 1870 successi- daire, Mélusine, la fée-serpent du
vement les postes de sous-directeur et de di- Moyen-Âge dont la légende a fait le tour
recteur du jardin zoologique et botanique de du monde, sert d’égide et de méta-
Bruxelles. Ce qui lui a permis d’entamer des phore poétique au recueil d’Yves de Smet, sub-
travaux d’aménagement d’envergure, comme le til neuropsychiatre-poète qui conjugue, au sein
souligne Ralf Becker dans son article intitulé de cet ensemble à la fois truculent et érudit, lu-
«,Der mit dem Jaguar tanzte …‘»: dique et cathartique, un art consommé du mer-
«Zunächst als stellvertretender und ab 1861 veilleux poétique dans lequel l’auteur se révèle
als Direktor […] begann Funck eine Neuge- être un orfèvre. Entre création et recréation, le
staltung des auch flächenmäßig vergrößerten recueil «Mélusine» est un tremplin synesthé-
Geländes. Damit folgte er gewissermaßen er- tique vers le plaisir de tous les sens, faisant de
neut Alexander von Humboldt nach, der ab et- l’auteur une sorte de «démiurge» au chroma-
wa 1840 in die Vorbereitungen zur Gründung tisme revivifiant et interpellant.
des ersten deutschen Zoologischen Gartens in L’incipit du recueil d’Yves de Smet, dans une
Berlin involviert gewesen war […]» (Becker perspective synesthésique s’appuyant sur l’al-
2016: 89.). Décidément, le savoir humboldtien liance de plusieurs perceptions sensorielles,
accompagnera la trajectoire funckienne bien n’est pas sans rappeler la célèbre réécriture de
au-delà des années latino-américaines! l’opéra de Konradin Kreutzer, «Melusina» par
Félix Mendelssohn, «Ouvertüre zum Märchen
Sources et bibliographie sommaires von der schönen Melusine» (Op. 32 – 1834). Le
Becker, Ralf, 2016. «,Der mit dem Jaguar tanzte …‘ Gleich premier poème, intitulé «Casque d’or», s’ou-
drei Jahrestage erinnern 2016 an den zweiten Kölner vre en un écho léger avant que ne commence
Zoodirektor Nicolas Funck». In: Zeitschrift des Kölner un mouvement «dolce espressivo», c’est-à-dire
Zoos. Heft 2/2016, 59. Jahrgang: p. 87-113. un accroissement dynamique et expressif à la
Bellermann, Ferdinand, 2007. Diarios Venezolanos, 1842- fois du contenu et de la forme. Or, comme l’on
1845. Galería de Arte Nacional, Caracas/Venezuela. sait, ce que met en lumière la réécriture de
Bellermann, Ferdinand, 2014a, 2014b, [2014c] et [2014d]. Mendelssohn, c’est à la fois l’affirmation d’une
In: Schierz, Kai Uwe & von Taschitzki, Thomas, 2014. voix interne et le constat de la perte d’un chant
Ferdinand Bellermann – ein Maler aus dem Kreis um dans lequel jusque-là était clos le monde. Il en
Humboldt. Michael Imhof Verlag, Petersberg; va de même de la poésie d’Yves De Smet dont L’auteur de «Mélu-
Bellermann, Ferdinand, 2014a. «Tagebuchbericht über die les textes, irrigués par des références savantes sine», femme-serpent
Reise zur Guácharo-Höhle (9.-28. August 1853 [sic; lire et des jeux de mots tant humoristiques qu’in- féérique à la nature
1843]»: p. 261-266; ventifs, plongent souvent dans les origines hybride, est friand de
Bellermann, Ferdinand, 2014b. «Aus den Venezolanischen (mythologiques) de l’univers pour dire l’homme jeux de mots et d’al-
Tagebüchern»: p. 266-269; et le monde. L’auteur de «Mélusine», femme- Articulé en trois parties qui résonnent, s’ap- Yves de Smet, dans la mesure où, le dérè- lusions antiques.
[Bellermann, Ferdinand, 2014c]. «Der Briefwechsel zwis- serpent féérique à la nature hybride, est non pellent et se complètent («Avant le cri» com- glement des sens – et du sens – aboutit à une fu- Photo: Shutterstock
chen Ferdinand Bellermann und Ignaz von Olfers 1842- seulement friand de jeux de mots et d’allu- posé de 22 poèmes; «Le cri» constitué de treize sion entre monde extérieur et monde intérieur,
1844»: p. 271-277; voir surtout p. 271-273; sions antiques, mais encore se révèle être un ar- pièces poétiques; «Après le cri» comprenant entre imagination et pensée, entre rêve et réa-
[Bellermann, Ferdinand, 2014d]. Werner, Petra & Schwarz. tisan du vers dont la faconde, parfois étince- 25 poèmes), ce recueil présente de prime abord lité. C’est cette fusion qui transmue le poète en
Ingo. «Der Briefwechsel Alexander von Humboldt – lante, éblouit. Empruntant la voix de Mélusine tous les aspects de régularité: chaque partie est un «opéra fabuleux» – et qu’opère l’auteur en
Ferdinand Bellermann»: p. 293-303; voir surtout n° 1, p. dépositaire de l’acte poétique proprement dit précédée d’un collage (de l’auteur), de trois ré- combinant ces deux éléments qu’il passe à tra-
„Stalactiten formation der Guacharos Höhle im Eingange“. Dessin au crayon par Ferdinand 294. en ce qu’elle entoure de langage les êtres et les férentielles textuelles mises en exergue; chaque vers les filtres de sa poésie. Ces derniers met-
Bellermann, 1843. Copyright: bpk / Kupferstichkabinett, SMB / Volker-H. Schneider Ceulemans, Nicole, 2006. Jean Linden. Explorateur. Père choses, Yves De Smet filtre, distille, insuffle des poème est placé sous l’égide d’une citation épi- tent en effet en place une analogie entre l’ex-
des orchidées. Fonds Mercator, Bruxelles. inflexions fondamentales d’une parole sourcée graphique censée en résumer l’esprit. S’agirait- tériorité du monde et l’intimité d’un sujet.
Funck, N[icolas], 1878. «Die Guácharo-Höhle. Reiseerinne- aux entrailles de l’individu. il d’une stratégie littéraire à l’instar d’un Bau- Un autre aspect marquant de ce recueil est
rungen von N. Funck». In: Kölnische Zeitung n° 255/262, delaire qui, employant la forme fixe du sonnet constitué par la présence prégnante d’un con-
Köln. la détournait: «Parce que la forme est contrai- cept cher à William Marx, titulaire de la chaire
... Ainsi, Funck réalise la très grande partie Or, ces réseaux humboldtiens n’auraient pas Funck, Nicolas, 1916a. «Reise-Erinnerungen. Sechster Teil. gnante, l’idée jaillit plus intense. Tout va bien de «Littératures comparées» au Collège de
de ses voyages latino-américains avec Jean Lin- pu fonctionner sans la prise en compte de re- Von Cumana zur Guácharohöhle». In: Ons Hémecht: p. au sonnet: la bouffonnerie, la galanterie, la pas- France: la bibliothèque mentale (qui renvoie en
den (1817-1898), un ami qu’il connaît de longue lais latino-américains. Ceux-ci comprennent 117-121, p. 148-153, p. 168-171, p. 208-210 et p. 282-285; sion, la rêverie, la méditation philosophique» soi à celui de «bibliothèque mondiale»). Ce
date; association à laquelle se joint plus tard aussi bien les élites nationales et régionales que Funck, Nicolas, 1916b. «Reise-Erinnerungen. Siebenter Teil. écrivit-il dans sa lettre adressée à Armand dernier n’affirmait-il pas récemment que «nos
Louis Joseph Schlim (1819-1863), le demi-frère les milieux locaux. Ainsi, le humboldtien Funck Von Caracas nach St. Martha». In: op. cit.: voir surtout p. Fraisse en date du 19 février 1860. bibliothèques mentales nous servent de réfé-
de Linden. Au-delà de ce réseau primaire, Funck comme son collègue et ami Jean Linden d’ail- 333-336. rence pour lire et comprendre les livres»? Le
peut compter sur l’appui de différents milieux leurs entretient des relations intéressées avec Funck, Nicolas, 1918a. «La caverne des guácharos». In: Bul- Une vigoureuse recueil «Mélusine» en constitue un exemple
d’influence. Citons à cet égard le monde des les dirigeants politiques du Venezuela, comme letin mensuel – Société des naturalistes luxembour- éclairant dans la mesure où l’auteur nous livre,
élites étatiques et économiques en Belgique, le le fils du président José Antonio Páez (1790- geois, n° 2, 15/4/1918: p. 31-32;
inventivité verbale en empruntant des tours et des détours qu’il
milieu de l’horticulture belge ainsi que celui 1873), ainsi qu’avec le milieu diplomatique en Funck, Nicolas, 1918b. In: op. cit., n°s 9, 10 et 11, 15/11/1918: L’on pourrait, mutatis mutandis, en dire autant nous invite à «délabyrinther», renvoie à nos
des responsables des jardins botaniques et des place, comme le consul de Prusse Otto Haras- p. 113-116; des pièces poétiques d’Yves De Smet qui, bien bibliothèques mentales, non pas de manière
musées d’histoire naturelle belge, comme l’a sowitz et l’ambassadeur du Royaume de France Funck, Nicolas, 1919a. In: op. cit., n° 1 et 2, 25/1/1919: p. 11- que de facture en apparence classique ou abor- muséographiée, mais en leur donnant vie, en
exposé l’article «Des explorateurs humbold- (Bellermann 2007: 86; Ceulemans 2006: 73-74; 16; dant des thèmes éternels tels que les amours transcendant les lieux, les époques et l’urgence
tiens» dans Die Warte (voir l’édition du 13 fé- Funck 1916b: 334). Retenons pour terminer qu’il Funck, Nicolas, 1919b. In: op. cit., n° 3, 15/3/1919: p. 36-37. malheureuses ou synonymes d’espoir (qui tein- sémantique. Un certain nombre d’obsessions
vrier 2020). fréquente également les familles très en vue de Von Humboldt, Alexander, 1991. Reise in die Äquinoktial- tent le dernier poème intitulé «En tête d’ar- transparaissent à travers la suite composite de
A un niveau tout autre, Funck a eu la très la communauté allemande au Venezuela, Gegenden des Neuen Kontinents. Herausgegeben von gent»: «Un jour je me noierai/Dans le feu de ces poèmes, comme en témoignent les nom-
grande chance d’avoir rencontré Alexander von comme la très puissante famille Vollmer (Bel- Ottmar Ette. Bd. 1 und 2, Insel Verlag, Frankfurt am Main tes yeux»). Au final, ce dernier a produit breuses reprises anaphoriques qui peuplent,
Humboldt en 1841 à Paris. Intellectuel d’in- lermann 2007: 84 et 87). und Leipzig. soixante pièces poétiques d’une grande variété scandent, interpellent. Rappelons enfin, comme
fluence s’il en est, personnage de réseaux hors Par contre, pour ce qui est du déroulement Moritz, Karl, 1844a. «Mittheilungen aus Süd-Amerika. Aus- (de ton, de sujet, etc.) et d’une richesse se tra- l’on sait, qu’à travers son «Cri» (1893), le pein-
pair et savant connecté avec le monde scienti- proprement dit des expéditions, Funck, à flug in die Provinz Cumaná; Besuch der Guácharo-Höh- duisant par une vigoureuse inventivité verbale tre norvégien Edvard Munch traduit ses ob-
fique mondial, Humboldt ne manque pas de l’image de bien d’autres explorateurs euro- le». In: Berlinische Nachrichten von Staats- und gelehrt- (permettant d’éviter d’éventuelles platitudes sessions de la mort et invente le style de l’an-
conseiller de jeunes explorateurs comme péens, cherche le contact avec les élites et au- en Sachen, n° 13-15; n° 21 et 23, janvier 1844; dues au thèmes évoqués). Ces dernières ravi- goisse. Véritable précurseur de l’Art moderne,
Funck, voire des artistes peintres comme Fer- torités locales. Citons à titre d’exemple le con- Moritz, Karl, 1844b. «Moritz’s Reiseberichte». In: op. cit., n° ront tout type de lecteur: qu’il s’agisse du lec- ce dernier était un homme torturé qui exorci-
dinand Bellermann. Se créent ainsi des ré- cours des moines capucins de Caripe dans la 88, 91, 95, 98, 103, 106, 108, 109, 111, 113, avril-mai teur érudit friand de termes plutôt rares ou d’al- sait ses démons à travers sa peinture … comme
seaux humboldtiens de circonstance pour la préparation de l’exploration de la caverne des 1844. lusions, de références à décoder, de celui qui, l’auteur de «Mélusine» dans la pratique de la
durée d’un projet commun, comme ce fut le guacharos. L’un des religieux, en l’occurrence Wey, Claude & Le Brun, Foni, 2019. «Les explorateurs amusé par les mots, les rythmes et les situa- poésie.
cas pour l’inspection de la caverne des gua- le «padre Nicolas», accompagne et soutient ac- luxembourgeois du ,Nuevo Mundo‘ et Alexander von tions, se laisse «embarquer» par ce qu’on pour-
charos entrepris par Funck et le duo Beller- tivement l’équipe Funck-Bellermann-Moritz Humboldt». In: d’Lëtzebuerger Land, n° 20, 17. Mai 2019, rait appeler, pour reprendre une formulation Yves de Smet, «Mélusine», Editions Phi, Graphiti 114,
mann-Moritz. lors de l’inspection de la grotte. Toutefois, l’on p. 12-14. rimbaldienne, «l’opéra fabuleux» qu’est devenu 15 euros.

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