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09/02/2024 22:55 Faust ou les frontières du savoir - Nerval et le mythe de Faust - Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles

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Louis
Bruxelles
Faust ou les frontières du savoir | François Ost, Laurent
Van Eynde

Nerval et le mythe
de Faust
Michel Brix
p. 179-192

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Full text
1 La carrière littéraire de Nerval s’articule autour de ses quatre
traductions du Faust de Goethe. L’auteur n’a pas encore
vingt ans quand paraît sa version, signée « Gérard », de la
première partie du drame allemand. L’ouvrage, qui sort de
presse en novembre 1827, porte la date de 1828. Cette
version fait l’objet d’une réédition, avec des variantes,
en 1835 Nouvelle édition du Faust de Gérard en 1840 : le
texte se trouve cette fois augmenté de l’analyse et d’une
partie de la traduction du Second Faust. Enfin, dix ans plus
tard, une collection de grand format, « Les Veillées littéraires
illustrées », propose le texte des Faust nervaliens en les
accompagnant de gravures sur bois ; plusieurs scènes du
Second Faust sont, en 1850, supprimées1.
2 Le mythe de Faust en général et la traduction de l’œuvre
goethéenne en particulier ont nourri la réflexion de Gérard
sur la création littéraire, et ont exercé une influence majeure
sur ses propres écrits. Très jeune, sans doute, il s’est essayé à
l’écriture d’un Faust original, dont le manuscrit a été
conservé et qui s’inspirait du personnage de Klinger
(l'homme de génie incompris) plutôt que de celui de Goethe.
Λ la fin de 1850, on voit aussi Nerval proposer à Dumas père
d’écrire avec lui le livret d’un drame musical sur le sujet des
deux Faust, – Franz Liszt étant pressenti pour la partition2.
D’autre part, des œuvres en prose comme La Main de gloire
(premier titre de La Main enchantée) ou l’Histoire de la
reine du Matin et de Soliman, des ouvrages dramatiques
comme Léo Burckart ou L’Imagier de Harlem, contiennent
des accents faustiens, que la critique n’a pas manqué de
relever.
3 Les historiens de la littérature sont enclins, aujourd’hui, à
rapporter à Nerval l’influence du Faust de Goethe sur la
littérature française. Les autres traducteurs de Faust, dans la
première moitié du XIXème siècle – Albert Stapfer, le comte
de Sainte-Aulaire et Henry Blaze de Bury –, sont en effet
bien oubliés. Pourtant, de tous les germanistes de son temps,
Gérard n’était à coup sûr ni le plus compétent (il avoue lui-
même ne pas bien connaître l’allemand3) (ni surtout le plus

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apprécié : Sainte-Beuve le considérait, un peu


dédaigneusement, comme le « commis-voyageur littéraire de
Paris à Munich »4 (Certes, c’est la traduction de Gérard qu’a
utilisée Berlioz, en 1828 pour Huit scènes et en 1846 pour La
Damnation de Faust, mais le musicien n’éprouva jamais le
besoin de demander ne serait-ce que l'aval du principal
intéressé. Et en 1846, le poète goûtera fort peu la publicité
faite autour de La Damnation – publicité qui mêlait son
nom à des polémiques railleuses sur un livret jugé peu
propre au lyrisme5. A l’instar de beaucoup de ses
contemporains, Berlioz croisa Nerval sans deviner son génie.
4 Reste quand même le jugement de Goethe en personne. Le 3
janvier 1830, l’écrivain allemand avait fait, devant son
secrétaire Johann Peter Eckermann, « un grand éloge de la
traduction de Gérard [celle de 1828], disant que, quoique en
prose pour la meilleure partie, elle était très réussie ». Et
Goethe aurait ajouté : « Je n’aime plus lire le Faust en
allemand [...] ; mais dans cette traduction française [il s’agit
toujours de la traduction de Gérard], tout agit de nouveau
avec fraîcheur et vivacité ». Ces propos se trouvent
reproduits par Eckermann dans le tome II, publié en 1836,
de ses Gespräche mit Goethe, mais restèrent complètement
inconnus du public français. La première version française
des Gespräche mit Goethe parut en 1862 seulement6 (et les
paroles de l’écrivain allemand ne furent rapportées à Gérard
que durant l’été de 1850, soit quatorze ans après leur
publication originale. Le poète français ne manque pas alors
d’en faire mention à plusieurs reprises. En octobre, il glisse
même dans le fascicule des « Veillées littéraires illustrées »
une « Note du traducteur » qui contient, outre une version
complète de la page qui le concerne dans les Gesprache mit
Goethe, les lignes suivantes : « La traduction [du premier
Faust] qu’on vient de lire offre sans doute beaucoup
d’imperfections. Je n’avais pas encore vingt ans lorsque je
l’ai écrite, mais si elle n’est que le résultat d’un travail assidu
d’écolier, elle se trouve empreinte aussi, dans quelques
parties, de cette verve de la jeunesse et de l’admiration qui
pouvait correspondre à l’inspiration même de l’auteur, qui

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termina cette œuvre étrange à l’âge de vingt-trois ans. C’est,


sans doute, ce qui m’a valu la haute approbation de Goethe
lui-même ».Cette approbation ne tarda pas à entrer dans la
légende. Après la mort de Nerval, Théophile Gautier affirme
dans un article que Goethe aurait écrit au jeune traducteur
pour lui exprimer sa satisfaction : « Lorsqu’à dix-huit ans il
fit paraître de Faust une traduction devenue classique, le
grand Wolfgang Goethe, qui trônait encore avec l'immobilité
d’un dieu sur son Olympe de Weimar, s’émut pourtant et
daigna lui écrire de sa main de marbre cette phrase dont
Gérard, si modeste d’ailleurs, s’enorgueillissait à bon droit et
qu’il gardait comme un titre de noblesse : “Je ne me suis
jamais si bien compris qu’en vous lisant” » (La Presse, 30
janvier 1855).
5 Gautier renouvela plusieurs fois cette déclaration, qui fut
reprise pour argent comptant par les biographes de Nerval,
au début du XXème siècle. En réalité, il n’y eut aucune
lettre : Nerval n’a connu les propos de l’auteur allemand
qu’en 1850, grâce aux volumes d’Eckermann. Et, une fois
connu, cet éloge ne semble pas avoir bouleversé les
consciences, si ce n’est celle de Nerval : la formule de Sainte-
Beuve sur « le commis-voyageur littéraire de Paris à
Munich » est postérieure à 1850 et postérieure aussi à
l'introduction que rédige le même Sainte-Beuve en 1863,
pour la deuxième traduction française des Entretiens avec
Goethe7. Et il nous faut enfin ajouter, pour être complet, que
des jugements favorables de l’auteur de Faust sont allés
également à d’autres traductions françaises8.
***
6 Ni Berlioz, ni Goethe, n’ont donc véritablement attiré
l'attention sur les versions nervaliennes. Reste cependant
que, malgré leur relative discrétion, celles-ci rectifient les
interprétations proposées par Madame de Staël, dans De
l'Allemagne, en 1814. C’est ce que nous voudrions montrer
en examinant un passage du premier Faust – passage
figurant dans les quatre éditions des Faust nervaliens et
auquel Gérard semblait accorder une importance toute
particulière ; notre auteur a en effet choisi ces lignes pour

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épigraphe à Pandora, une de ses nouvelles majeures. Dans


Le Mousquetaire du 31 octobre 1854, on lit, en épigraphe au
récit viennois : « Deux âmes, hélas ! se partageaient mon
sein, et chacune d’elles veut se séparer de l’autre : l’une,
ardente d’amour, s’attache au monde par le moyen des
organes du corps ; un mouvement surnaturel entraîne l’autre
loin des ténèbres, vers les hautes demeures de nos aïeux »9.
7 Ce passage correspond aux vers 1112-1117 du premier Faust.
L’épigraphe de Pandora reproduit les versions publiées par
Gérard en 1840 et en 1850 (dans les volumes de 1828 et
de 1835, on lisait « convulsif » à la place de « surnaturel »)10,
à l’exception du temps verbal de « partageaient » : les quatre
traductions nervaliennes, ainsi d’ailleurs qu’un manuscrit
préparatoire de Pandora11, portent le présent « partagent ».
8 L’antithèse exprimée dans les lignes retenues par Nerval,
en 1854, se rattache à une thématique très riche de la pensée
européenne. Le Phèdre de Platon comparait l’âme humaine à
un attelage ailé, tiré par deux coursiers de nature différente :
souvent rétif, l’un des chevaux frustre la plupart des âmes de
la contemplation des essences. La conscience de ce dualisme
a été introduite dans la doctrine chrétienne, à la suite de
saint Paul et de saint Augustin : aux dimensions spirituelle et
sensuelle qui s’affrontent en l’être humain, correspondraient,
sur le plan moral, le principe du bien et le principe du mal.
Un passage de La Cité de Dieu distingue les deux cités
fondées par l’homme, l’une terrestre et bâtie par « l’amour
de soi jusqu’au mépris de Dieu », l’autre céleste et bâtie par
« l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi »12.
9 La phrase de Faust ne s’identifie pas tout entière, cependant,
aux expressions traditionnelles de la dualité humaine. Les
« hautes demeures de nos aïeux »13, qui constituent le monde
spirituel vers lequel se trouve entraîné l’« autre » âme du
héros goethéen, ne semblent guère se confondre avec la cité
céleste décrite par saint Augustin, ou avec les aspirations
humaines à faire le bien, mais paraissent plutôt évoquer le
royaume des morts. L’épigraphe choisie par Nerval pour
Pandora modifie donc sur un point essentiel la phraséologie
inspirée de saint Augustin : le royaume de Dieu n’est pas

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exactement le royaume des ombres. Or, qu’ils appartiennent


au XIXème ou au XXème siècle, les commentateurs français
semblent avoir été peu sensibles à l’expression de la tension
qui porte Faust vers le pays des morts. Tension bien peu
rationnelle au demeurant, et que paraissent rejeter les
commentateurs français, qui l’ignorent ou la transforment en
une aspiration plus chrétienne, vers le bien, ou plus vague,
vers l’infini. Le cas de Xavier Marmier est, à cet égard,
exemplaire. Ce germaniste réputé (à l’inverse de Nerval)
publie en 1835 des Etudes sur Goethe qui traitent
longuement des deux Faust et en traduisent de larges
extraits. Parmi ceux-ci figure le passage sur les deux âmes,
dont Marmier propose la version suivante : « Pour moi, je
porte deux âmes dans ma poitrine, et l’une tend sans cesse à
se séparer de l’autre. L’une avec ses organes et son besoin
d’amour, se cramponne au monde ; l’autre s’élève avec
hardiesse au-dessus de cette poussière pour planer dans les
espaces supérieurs »14. La traduction de Marmier gomme
ainsi l’allusion du texte original au royaume des morts. Dans
le commentaire qu’il propose de ce passage, le même critique
renchérit : « Il y a en lui [Faust] deux âmes qui se livrent un
combat perpétuel. L’une aspire sans cesse aux jouissances de
la terre ; l’autre cherche ses joies dans une sphère plus noble
et plus élevée. De là, le doute ; de là, les tentatives
contradictoires et le conflit des passions. L’une de ces âmes
se donnera au diable, pour pouvoir apaiser plus tôt ses
désirs ; l’autre protestera en secret contre ce pacte, et
cherchera toujours l’être meilleur qu’elle a rêvé [...]. C’est la
lutte du mal et du bien ; la lutte du sensualisme contre les
chastes idéalisations du cœur et de l’esprit ; la lutte dont tout
homme a plus ou moins à souffrir. On porte au dedans de soi
le sentiment du bien, on veut le suivre, mais une autre nature
combat en nous-même contre ce penchant [...] »15.
10 On doute que pareil commentaire s’applique avec pertinence
au passage goethéen sur les deux âmes. Des analyses
semblables se rencontrent pourtant chez d’autres
germanistes. Même s’ils s’inspirent de traductions plus
fidèles, les commentaires proposés au XXème siècle

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n’échappent pas toujours à de telles réductions. Henri


Lichtenberger parle de l’âme « supérieure » de Faust « qui
l’attire vers l’infini, vers le divin, vers la vie éternelle »16.
Albert Fuchs décrit de manière similaire les aspirations
contradictoires de Faust, « l’une visant la satisfaction de la
poussée tellurienne et égocentrique des sens, l’autre,
l’épanouissement des forces spirituelles les plus altières »17.
Serge Gut enfin commente notre passage en ces termes :
« Autrement dit, l’une de ces deux âmes est attachée à la
terre et Méphistophélès peut la satisfaire ; tandis que l’autre
est céleste, avide d’infini et ne peut jamais être assouvie »18.
11 On doit reprocher à ces trois analyses de ne tenir aucun
compte de la nuance introduite par l’auteur allemand dans
l’expression de la dualité humaine, et surtout de « gauchir »
le sens du drame. Le Faust de Goethe montre au contraire
qu’entre l'ambition de connaître les secrets célestes, d’une
part, les désirs de richesse, de jeunesse éternelle, de
libertinage, d’autre part, il n’existe aucune opposition
fondamentale : toutes ces aspirations procèdent d’une même
volonté de puissance. Les « résistances » que l’on constate,
de ce côté du Rhin, notamment en ce qui concerne la
traduction et la compréhension du passage goethéen sur les
deux âmes, sont représentatives des difficultés éprouvées par
les Français à la lecture de Faust, En France, c’est Mme de
Staël qui, la première, méconnut la complexité métaphysique
de l’œuvre allemande. Même si le traité De l'Allemagne visait
à décrier, par l’éloge de son contraire, la France néoclassique
et impérialiste de Napoléon, Mme de Staël n’ignorait pas que
le public auquel elle s’adressait avait fait de son propre goût
la norme de toute chose : de là procèdent sans doute les
déformations nombreuses qui affectent la présentation des
pièces allemandes, celles de Goethe et de Schiller,
notamment, dont l’intrigue se trouve simplifiée pour devenir
acceptable aux yeux du lecteur français. Ainsi que l’a
démontré un ouvrage paru en 199419, les réductions
imposées par Mme de Staël au Faust de Goethe sont sans
doute parmi les plus significatives : omettant de mentionner
certains épisodes et insistant sur d’autres, l’auteur de De

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l’Allemagne fait de la lutte entre le bien et le mal, et du


triomphe du premier sur le second, le ressort majeur de la
pièce, et elle supprime tout ce qui ne rentre pas dans pareille
thématique. De là une présentation de Faust comme une
intrigue à trois personnages, où non seulement Marguerite
mais aussi le personnage éponyme apparaissent comme les
victimes du diable et où le rôle de Méphistophélès se trouve
indûment surestimé (Mme de Staël accuse par exemple le
diable de l’empoisonnement de la mère de Marguerite – ce
qui n’est pas dit clairement dans le texte original). Pareille
relecture de Faust comme le récit de l’affrontement du bien
et du mal et de la victoire finale du bien a exercé, sur les
interprètes ultérieurs de l’œuvre, en France, une influence
très grande, comme l’attestent les commentaires suscités de
ce côté-ci du Rhin par le passage repris en épigraphe à
Pandora.
12 Au rebours de nombre de Français, et de Mme de Staël en
particulier, le « commis-voyageur littéraire de Paris à
Munich » n’a, sur ce point au moins, pas failli à sa mission :
Nerval semble avoir perçu dans Faust, non le triomphe du
bien sur le mal, mais plutôt la démonstration de
l’impossibilité d'une telle victoire, et plus largement du fait
que tout jugement moral est précaire et aléatoire. Ce n’était,
certes, pas aller contre l’esprit du texte allemand. A preuve
les difficultés qu’éprouve le lecteur à porter un jugement sur
le personnage de Marguerite. Celle-ci s’est montrée coquette,
elle s’est parée pour séduire, elle a versé un narcotique à sa
mère (qui en est morte), elle, a tué son enfant et elle est
responsable de la mort de son frère. Coupable aux yeux de la
justice et de la loi, elle connaît en prison le châtiment de son
inconduite : une fille vertueuse eût résisté au sentiment qui
l’entraînait vers Faust. La morale paraît être du côté de
Méphistophélès quand il s’écrie « Elle est jugée ! »20 (« Sie
ist gerichtet ! »), et la miséricorde divine ressemble, dans
une telle optique, à un plaidoyer contre la vertu. Mais le texte
allemand invite aussi à d’autres lectures de l’épisode de
Marguerite : d’origine sociale modeste, enclose dans la
sphère des activités ménagères et des pratiques pieuses,

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Marguerite est une enfant innocente et pudique. Victime


d’un séducteur, d’une entremetteuse et du diable, le jeune
fille a été abusée et ne pouvait guère se défendre, d’autant
qu’elle est tombée sincèrement amoureuse de Faust. Avant
que la jeune fille et celui-ci ne deviennent amants, Faust
reçoit, au cours de la scène « Forêts et cavernes », une sorte
d’éclair de lucidité : Marguerite vivait « innocente, simple »,
dans le monde des « occupations domestiques » ; Faust a
conscience qu'il vient d’anéantir « la paix de son âme »21 et
qu’il l’entraîne dans l’abîme. Ce sont bien les deux complices
masculins qui semblent avoir précipité Marguerite dans le
tourbillon du mal. Du reste, la jeune fille a été punie par ses
remords, ses souffrances et sa mort prématurée, et en la
sauvant, le Ciel aurait jugé ses intentions et non ses actes.
13 Sur la question du Bien et du Mal, on peut également citer, à
la fin du Second Faust, l’épisode de Philémon et Baucis. A cet
endroit du drame, Faust se flatte d’être devenu sage et posé.
Concevant d’altruistes visions d’avenir, il veut arracher à la
mer un lambeau de terre et, pour le bien des hommes,
transformer ce bourbier fétide en terre arable. Mais
Philémon et Baucis, qui mènent une vie simple et paisible
dans leur chaumière, refusent de quitter ce territoire ingrat,
même quand Faust leur offrira une ferme opulente située
ailleurs. Et Méphistophélès lui-même, lorsque Faust l’envoie
sur les lieux pour les déloger de force, ne parvient pas à les
plier au projet utopique du héros goethéen : les deux
vieillards, ainsi qu’un de leurs hôtes, mourront dans leur
chaumière incendiée. Faust tente ensuite de minimiser sa
responsabilité, invoquant que les exécutants ont été
irréfléchis. Il n’en reste pas moins qu’il bâtit en tuant et –
tout en affirmant travailler pour établir des hommes libres
sur une terre libre – est aveuglé par sa propre puissance, se
grise à la perspective de l’extension grandiose de ses polders
et crée les conditions d'un génocide futur22. La lutte pour le
Bien a dégénéré en dictature cruelle. C’est le cas de dire –
selon la formule traditionnelle – que l’enfer est pavé de
bonnes intentions.

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14 Le drame de Faust montre ainsi que le mal est une notion


difficile à établir, appelée à varier selon qu’on la considère du
point de vue individuel ou collectif, social ou naturel, ou
encore selon qu’on envisage les intentions ou les résultats
des actions humaines. Méphistophélès lui-même n’offre pas
une image claire et précise du mal ; à Faust, il se présente
comme ressortissant à « cette force qui tantôt veut le mal, et
tantôt fait le bien »23 (autant dire que le diable serait à
l’occasion un agent bienfaisant), puis comme « l’esprit qui
toujours nie »24. Si tout peut être nié, c’est qu’il n’est pas de
vérité absolue, en morale tout au moins.
15 Dans ses œuvres propres, Nerval a lui aussi fait apparaître la
difficulté de porter des jugements moraux et constaté
l’impossibilité du partage Bien/Mal. Ainsi, le Voyage en
Orient montre que la conception de la vérité et du Bien varie
selon que l’on est Français ou Egyptien, chrétien ou
musulman, catholique ou orthodoxe. Le recueil des
Illuminés, qui paraît un an après le Voyage en Orient, fait le
portrait d’individus considérés en leur temps comme des
tarés ou des dépravés, mais dont la postérité a reconnu le
bienfondé de certaines des théories. Et les frontières entre le
Bien et le Mal ne sont pas plus claires dans le récit des
aventures d’Angélique de Longueval (Les Faux Saulniers et
Angélique), qui peut passer à maints égards pour une
héroïne renouvelant le destin de Marguerite : coquette sans
scrupules selon les uns, victime de l’amour selon les autres25.
***
16 A l’opposition entre le Bien et le Mal correspond dans
l’histoire des idées, nous l’avons vu, la théorie platonicienne
distinguant le monde des Idées immuables – le Ciel – et le
monde des copies visibles, changeantes et imparfaites de ces
Idées – la Terre. Affirmer que l’on est en mesure de porter
des jugements moraux indiscutables revient donc à postuler,
d’une façon ou d’une autre, que l’on est familier avec les
modèles célestes des réalités d’ici-bas. Seul celui qui connaît
les premiers peut dire si les secondes s’en approchent
(auquel cas on les assimilera au Bien) ou s’en éloignent
(auquel cas on les assimilera au Mal). C’est l’évidence : il faut

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connaître l’Absolu pour être capable d’identifier les formes


qu’il revêt sur terre.
17 Ainsi, en affirmant l’impossibilité du partage Bien/Mal,
Goethe semble bien suggérer, dans la foulée, que les choses
d’en haut sont pour nous inatteignables et inconnaissables.
Un tel postulat apparaît du reste à la source même du mythe
de Faust. Le récit originel des aventures de Faust, au XVIème
siècle – le « Faustbuch », imprimé à Francfort par Spiesz,
en 1587 –, met en scène un héros misérable et bouffon,
inspiré sans doute par un personnage réel, qui aurait fait ses
études à l’université de Cracovie, où la magie figurait parmi
les matières enseignées. Ce personnage est rien moins qu’un
Titan, même s’il se vante de la puissance de sa magie et
déclare vouloir se mettre des ailes d’aigle pour explorer les
mystères du Ciel comme ceux de la terre ; il n’est en réalité
qu’un spéculateur pitoyable qui s’égare dans l’étude des
sciences occultes, de la cabale et de la nécromancie, et que la
fin du récit montre succombant à son impiété et condamné
pour l’éternité. Les traités de magie et d’ésotérisme ont fait
son malheur, et l’ouvrage de 1587, qui aurait été rédigé par
un clerc26, est d’ailleurs expressément dirigé contre ceux qui
s’écartent de la simple foi.
18 Chez Goethe, c’est Méphistophélès qui rappelle l’esprit
originel dans lequel a été conçu le personnage. Ainsi,
Méphisto apparaît en 1818 dans une mascarade écrite par
Goethe pour une fête à la cour du Grand-Duché de Weimar,
où il déclare : « [Faust] m’a trouvé sur son chemin, Je lui fis
comprendre que la vie était donnée pour vivre et non pour se
perdre en chimères, en ratiocinations. Tant que l’on existe, il
faut vivre ! »27. C’est du reste l’un des axes majeurs de
l’œuvre de Goethe tout entière, qui invite l’homme à se
soumettre à la volonté divine, à en accepter le caractère
insondable, à renoncer aux savoirs fumeux de la magie et de
la pensée spéculative, enfin à diriger son regard – non vers
ce qui est au-delà des nuages – mais vers le monde qui nous
entoure. Le sens du châtiment final de Faust – la cécité –
paraît d’ailleurs se rapporter à cette même thématique : pour
être sauvé, le personnage doit abandonner ses prétentions à

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découvrir – avant l’heure – les réalités célestes. Le Ciel peut


attendre.
19 De ce point de vue aussi, l’œuvre de Nerval se révèle fidèle au
sens profond du drame de Goethe. Le dénigrement des
doctrines occultes représente, en effet – et contrairement à
ce que beaucoup de critiques ont écrit –, une thématique
permanente de la réflexion nervalienne. Le poète français –
qui, nous l’avons rappelé, n’avait que dix-neuf ans quand il
publie sa première traduction de Faust – s’est sans doute
trouvé attiré par l’œuvre allemande pour les raisons mêmes
qui l’ont déterminé plus tard à mettre lui aussi en garde ses
contemporains contre le caractère pernicieux de la
fascination pour l’au-delà.
20 Ainsi, en 1832, soit cinq ans après la première édition de la
traduction de Gérard, celui-ci publie le conte de La Main de
gloire. Nous avons déjà fait allusion à ce texte, qui réserve
une large place à la thématique du surnaturel. Le récit se
déroule à Paris, au début du XVIIème siècle, dans le milieu
des drapiers-chaussetiers. Eustache Bouteroue, employé
chez l’un de ceux-ci, a la perspective d’épouser Javotte, la
fille de son patron, et de reprendre à son compte le magasin
de son patron. A maître Gonin, un escamoteur rencontré sur
le Pont-Neuf, Eustache demande de lui prédire l’avenir et
notamment de lui apprendre s’il sera, comme il l’espère,
bientôt riche et heureux en mariage. Mais un rival, ou un
rival possible apparaît : le neveu de Javotte, qui est presque
du même âge qu’elle, s’installe dans la maison familiale et
éclipse, par sa prestance et sa faconde de militaire, les
manières empesées d’Eustache, dont le neveu se moque
copieusement. Voyant ses projets d’avenir mis à mal, et en
l’absence du père de Javotte, Eustache tente de mettre
l’indésirable à la porte et va jusqu’à le provoquer, bien
imprudemment, en duel. Ignorant l’art de manier l’épée, le
héros court acheter à maître Gonin un sortilège pour se tirer
d’affaire : le magicien soumet sa main à un enchantement,
qui la fait agir indépendamment de la volonté d’Eustache et
permet à celui-ci d’étendre raide son rival sur la pelouse du
Pré-aux-Clercs. On imagine la fin de l’aventure : Eustache ne

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va pas payer maître Gonin, qui ne tarde pas à se manifester,


par l’intermédiaire de la main (Eustache frappe sans le
vouloir un officier de police et se retrouve en prison,
condamné au gibet). Après sa mort, on constate avec horreur
que la main continue de vivre, le bourreau la sépare du corps
d’un coup de hache, et elle prend la direction du repaire de
maître Gonin.
21 Eustache a fait appel aux forces surnaturelles, mais pareil
recours n’a, à l’évidence, induit aucune conséquence positive.
Déjà, lors de sa première rencontre avec Gonin, Eustache
témoigne qu'il veut connaître, précisément, ce qui reste
normalement caché au commun des mortels ; il force même
l’escamoteur à être aussi explicite que possible dans ses
prédictions. Et, lorsqu’il craint de perdre l’amour de sa
fiancée, c’est tout naturellement, si l’on ose dire, qu’il se rend
chez Gonin et en appelle à son savoir occulte. Bien loin de lui
venir en aide, finalement, l’expédient choisi causera sa perte
définitive, et se révélera par surcroît d’autant plus inutile que
l’auteur avait d’abord indiqué que Javotte s’était déjà lassée
de son neveu puis il avait laissé entendre que l’encombrant
militaire était sur le point de débarrasser le jeune couple de
sa présence.
22 La sagesse consiste, non point à tenter de domestiquer à son
usage les forces de l’au-delà, mais à les laisser où elles sont et
à accepter la réalité terrestre, avec ses limites (ignorance du
futur, manque de beauté ou de prestance physique,
vieillissement, bornes du désir, bornes du pouvoir, etc.). Qui
veut modifier les conditions de son destin en recourant à la
magie ou à l’ésotérisme gaspille son temps et court même à
sa perte. Eustache eût mieux fait de s’inspirer de la sage
résignation dont témoigne maître Gonin : « Hé, là, là ! mon
ami cher [...] pourquoi se bander ainsi contre la
destinée ? »28. Au reste, tout familier fût-il des sciences
occultes, le magicien lui-même sait qu’il terminera son
existence aux galères et que les recettes magiques des livres
– y consacrât-il la moindre minute de son temps – ne
pourront le faire échapper à son destin.

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23 Il ne s’agit pas d’affirmer que l’au-delà n’existe pas, mais


bien plutôt d’exhorter l’homme à renoncer à vouloir le
dominer. Le meilleur usage qu’on peut faire du surnaturel,
c’est tout simplement de renoncer à en faire usage. Nos
grands-pères les Grecs, qui ne se connaissaient pas
médiocrement en matière de sagesse, nous avaient avertis :
ainsi qu’on le dit dans l’Odyssée, l’avenir est sur les genoux
des dieux, et ceux-ci ne sont pas prêts à déléguer aux
humains leurs prérogatives.
24 On trouve à l’œuvre la même thématique dans le scénario de
La Main de gloire, que Nerval tira en 1850 de son récit29.
Que cette pièce n’ait jamais été représentée n’importe pas ici.
Dans le scénario de 1850, l’intérêt se déplace d’Eustache vers
Gonin, à ceci près que le personnage du magicien est
« humanisé », en quelque sorte, et reçoit pour nom
« Cyprien »30. Celui-ci a les mêmes connaissances que son
modèle ; le manuscrit explique qu’il a « hérité [d’une]
bibliothèque où se trouvent plusieurs livres sur les sciences
occultes », qu’en outre il est jeune, pauvre, enfin qu’il a été
spolié de sa fortune et de son rang. Amoureux de la comtesse
de Soissons, il voudrait la conquérir en usant – notamment
pour retrouver ses titres – de sa connaissance de la magie (à
l’instar de Gonin, il compte sur la « main enchantée » pour
lui ouvrir impunément toutes les portes). Le « happy end »
un peu simpliste et démonstratif – on est (ou on aurait dû
être) au théâtre – montre Cyprien renonçant aux douteuses
recettes occultes et s’en remettant aux décisions du roi : pour
son plus grand bonheur, puisqu’il redevient – en tout bien
tout honneur et non par fraude – le grand personnage qu’il
est en réalité. En 1832 et en 1850, dans les deux versions du
conte – et même si le premier récit connaît une issue
tragique et le scénario manuscrit une fin heureuse-, le
recours au surnaturel est dénoncé comme la plus détestable
des solutions qui s’offrent aux hommes pour se sortir
d’affaire.
25 Nous avons à dessein cité le passage du scénario évoquant la
« bibliothèque » dont Cyprien a hérité et où se trouvent
« plusieurs livres sur les sciences occultes ». Le savoir

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ésotérique est souvent lié à l’image d’une bibliothèque que le


magicien aurait à sa disposition31. Ce motif appelle comme
en écho la préface des Illuminés (« La Bibliothèque de mon
oncle »), deux ans plus tard, qui explique que l’auteur aurait
découvert les doctrines ésotériques – dont les Illuminés sont
tous, à des titres divers, les représentants – dans les
ouvrages constituant la bibliothèque rassemblée par un sien
oncle. Or, cette même préface désigne les sciences occultes
comme une « nourriture indigeste ou malsaine pour
l’âme »32. Les deux adjectifs ne sont pas anodins. Et par
surcroît, toujours dans « La Bibliothèque de mon oncle »,
Nerval confie avoir écrit Les Illuminés pour « se délivrer de
ce qui charge et embarrasse l’esprit »33 – nouvelle allusion
aux savoirs ésotériques.
26 L’année où paraissent Les Illuminés, Nerval constitue un
recueil qu’il intitule Contes et Facéties et où il reprend –
outre La Main de gloire (rebaptisée La Main enchantée) –
les récits du Monstre vert et de La Reine des poissons. Le
héros du Monstre vert, un sergent, suit un itinéraire
analogue à celui d’Eustache : pour gagner l’amour d’une
couturière, il n’hésite pas non plus à se frotter aux
dangereuses réalités de l’au-delà, lesquelles se vengeront de
la présomption du héros sur la descendance de celui-ci. Dans
La Reine des poissons, c’est l’oncle Tord-Chêne qui imagine
pouvoir se rendre maître d’un sylphe et d’une ondine : pour
arriver à ses fins, il appelle à son secours les divinités
mythologiques de l’Edda, mais, pas plus que dans La Main
enchantée et Le Monstre vert, les forces occultes ne se
montrent disposées à servir les volontés humaines, et elles
déchaînent au contraire les éléments naturels pour punir
l’imprudent Tord-Chêne.
27 Enfin, les doctrines ésotériques ne sont pas présentées sous
un meilleur jour lorsque l’auteur semble parler, par la voix
de son narrateur, en son nom propre. Evoquant dans Aurélia
les circonstances de sa première crise de folie, Nerval la situe
dans le prolongement direct d’une conversation avec des
amis, au cours de laquelle il a fait état de ses obsessions pour
les réalités de l’au-delà : « Je dissertais chaleureusement sur

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des sujets mystiques : je les étonnais [ses amis] par une


éloquence toute particulière, il me semblait que je savais
tout, et que les mystères du monde se révélaient à moi dans
ses heures suprêmes »34. Le goût de la pensée spéculative a
ainsi entraîné le narrateur dans un « monde d’illusions », il a
peuplé son esprit d’« idées bizarres »35, contre lesquelles il
n’a pu se défendre et qui, le coupant de la vie quotidienne,
l’ont conduit à la folie. Ce sont les bibliothèques remplies de
livres ésotériques qui ont rendu fou Nerval, et Aurélia porte
témoignage de la tragédie vécue par celui qui voudrait, mais
ne peut, reconquérir l’ignorance. Le début de la « Seconde
Partie » réunit deux passages en apparence antinomiques où
se trouvent évoquées deux conceptions opposées du
mysticisme : d’abord l’« édifice mystique dont les innocents
et les simples admettent dans leurs cœurs la figure toute
tracée »36 et, quelques lignes plus loin, le monde spirituel
que l’on bâtit à partir des livres de cabale ou d’astrologie, de
la réunion des savoirs ésotériques, et de l’étude des dogmes
et des rites des religions. Aux yeux de celui qui a éprouvé la
vanité – et surtout les dangers – du second, le premier
édifice, celui des innocents et des simples, semble de loin
préférable mais apparaît comme un paradis perdu, ressenti
comme définitivement inaccessible. Au rebours des
doctrines occultes, « [l]’ignorance ne s’apprend pas »37. Et
l’ignorance vaut mieux, à l’évidence, que les savoirs vains de
l’ésotérisme. C’est là tout le drame que vivent les héros
faustiens.

Notes
1. Faust, tragédie de Goethe. Nouvelle traduction en prose et en vers par
Gérard (Paris, Dondey-Dupré père et fils, 1828 ; l'enregistrement dans la
Bibliographie de la France est du 28 novembre 1827) ; Faust, tragédie
de Goethe. Nouvelle traduction complète en prose et en vers, par Gérard
(deuxième édition, Paris, chez Mme Vve Dondey-Dupré, 1835) ; Faust de
Goethe, suivi du Second Faust. Choix de ballades et poésies [...] traduits
par Gérard (Paris, Librairie de Charles Gosselin, 1840) ; Faust, par
Wolfgang Goethe, traduit de l’allemand par Gérard de Nerval [...], dans
« Les Veillées littéraires illustrées » (Paris, J. Bry Aîné, [octobre 1850]).
2. A noter que la Faust-Symphonie (Fine Faust-Symphonie) de Liszt a
été composée au cours des années 1854-1857, soit après le projet de

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« drame musical » avec Nerval et Dumas.


3. Voir notamment la double erreur sur « Er schlagt das Buch auf » et
« Er Schlagt unwillig das Buch um », dans les didascalies (entre les vers
429 et 430 et entre les vers 459 et 460) : Nerval traduit « Il frappe le livre
[avec dépit] » (Faust, version de 1840, p. 3), au lieu de « Il ouvre le
livre » et « Il feuillette avec dépit le livre ».
4. Voir G. de NERVAL, Œuvres complètes, éd. dirigée par Jean
Guillaume cl Claude Pichois, Paris, Gallimard, t. I, 1989, p. 1558 la
formule figure dans la « Lettre-préface » à W. Reymond, Corneille,
Shakspeare et Goethe, Etude sur l’influence anglo-germanique en
France au XIXème siècle, Paris, Klincksieck. 1864, p. XI.
5. Voir Cl. PICHOIS et M. BRIX, Gérard de Nerval, Paris. Fayard. 1995,
p. 264-265.
6. Entretiens de Goethe et d'Eckermann. Pensées sur la littérature, les
mœurs et les arts, traduites pour la première fois par Joseph-Numa
Charles, Paris, Claye, 1862.
7. Conversations de Goethe pendant les dernières années de sa vie,
1822-1832, recueillies par Eckermann, traduites par Emile Delérot,
précédées d’une introduction par M. Sainte-Beuve, Paris, Charpentier,
1863, 2 volumes.
8. Autre élément à verser au dossier de la « réputation » des traductions
de Nerval : la première version espagnole du Faust de Goethe, parue
dans le journal Las Novedades en 1856, est en fait une traduction du
texte de la quatrième édition du Faust nervalien, dans « Les Veillées
littéraires illustrées » (voir Robert Pageard, Goethe en España,
traduction de Francisco de A. Caballero, Madrid, C. S. I. C., 1958).
9. G. de NERVAL, Œuvres complètes, éd. dirigée par Jean Guillaume et
Claude Pichois, Paris, Gallimard, t. III, 1993, p. 653.
10. Voir l’édition de 1828, p. 70-71 ; l'édition de 1835, p. 67 ; l'édition
de 1840, p. 32 et l’édition de 1850, p. 13-14.
11. Ce manuscrit est reproduit photographiquement sur la planche II de
l'édition critique de Pandora procurée par Jean Guillaume (Presses
universitaires de Namur, 1976).
12. SAINT AUGUSTIN, La Cité de Dieu, trad. L. Moreau, Paris,
Charpentier, t. II (1845), p. 138.
13. La traduction de Nerval n'est pas infidèle ; on lit, dans le texte
allemand, aux vers 1116-1117 : « Die andre hebt gewaltsam sich vom Dust
/ Zu den Gefilden hoher Ahnen. »
14. Etudes sur Goethe, Paris, F. G. Levrault, p. 180-181. Les autres
traductions publiées du vivant de Nerval sont, pour le dernier vers de
l’extrait cité, plus fidèles : ainsi le comte de Sainte-Aulaire (« Deux âmes,
hélas ! habitent dans mon sein : elles le déchirent dans leurs efforts pour

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se séparer l’une de l’autre : l’une, dominée par les plaisirs des sens,
s’attache, se cramponne à la terre ; l’autre, impatiente des ténèbres,
s’élance avec effort vers les demeures de nos aïeux » [Chefs-d’œuvre du
théâtre allemand. Goethe, tome I, A Paris, chez Ladvocat, 1823, p. 73]),
Stapfer (« Deux âmes, hélas ! habitent en mon sein, dont l’une tend
continuellement à se séparer de l’autre. L’une, vive et passionnée,
participe du monde et s’y lient attachée au moyen des organes du corps ;
l’autre, ennemie des ténèbres, aspire à s’envoler dans les demeures de
nos aïeux... » [GOETHE, Faust, Paris, Librairie des bibliophiles, s.d.,
p. 52-53]) et Blaze de Bury (« – Malheureux ! deux âmes dans mon sein /
Habitent, sans pouvoir en bonne intelligence / Vivre ensemble jamais ; –
l'une, en proie au désir, / A ce monde fatal s’attache et se cramponne ; /
Et l’autre, secouant la nuit qui l’environne, / Tend ses ailes de flamme, et
travaille à s’ouvrir / Un chemin vers les champs des sublimes ancêtres »
[Le Faust de Goethe, Paris, Charpentier, 1840, p. 44].
15. Etudes sur Goethe, op. cit., p. 218-219.
16. J. W. GOETHE, Faust, trad. et préfacé par Henri Lichtenberger,
Paris, Montaigne / Aubier, 1976, p. LXXX1I. H. Lichtenberger traduit les
vers 1112-1117 comme suit : « Deux âmes, hélas ! habitent en ma
poitrine ; / L’une aspire à se séparer de l’autre : / L’une, en un élan de
rude passion, / Se cramponne à la terre par tous ses organes ; / L’autre
s’arrache violemment à la poussière / Et s’envole vers le royaume des
sublimes aïeux » (p. 37). Signalons aussi la version proposée en 1984 par
Jean Malaplate : « Moi, deux âmes, hélas, habitent dans mon sein / Et
chacune voudrait de l’autre se défaire : / L’une, par cent crochets, se
suspend à la terre. / L’autre, d’un vol puissant, s’efforce, mais en vain, /
De ses nobles aïeux de regagner la sphère » (GOETHE, Faust I et II,
Paris, Flammarion, 1984, p. 58-59).
17. Le « Faust » de Goethe. Mystère, Document humain, Confession
personnelle, Paris, Klincksieck, 1973, p. 211 ; une parenthèse signale que
ce commentaire s’applique aux vers 1112-1117.
18. S. GUT, La Transformation du thème de Faust à travers Goethe,
Nerval et Berlioz [article où se trouvent reproduits les vers 1112-1117 de
Faust, dans la traduction d’H. Lichtenberger], dans Revue musicale de la
Suisse romande, vol. XXXV, no 2, 1982. p. 51.
19. J. C. ISBELL, The Birth of European Romanticism. Truth and
Propaganda in Staël’s « De l'Allemagne », Cambridge University Press,
1994 (voir notamment les pages 70 à 90).
20. Faust, version de 1840, p. 157
21. Faust, version de 1840, p. 112.
22. Voir les vers 11544-11550 et 11559-11572.
23. Faust, version de 1840, p. 38. Texte allemand : « “Ein Teil von jener
Kraft,/ Die stets das Böse will und stets das Gute schafft” » (V. 1335-

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1336)
24. Faust, version de 1840, p. 39.
25. Sur ces œuvres, nous nous permettons de renvoyer aux analyses plus
longues qu’on trouvera dans notre ouvrage Les Déesses absentes. Vérité
et simulacre dans l'œuvre de Gérard de Nerval, Paris, Klincksieck, 1997,
passim.
26. Il n’est pas interdit de penser que ce clerc était un protestant. Les
luthériens s'insurgeaient en effet contre l’idée que le profane pouvait
atteindre le sacré et connaître les mystères de l’au-delà.
27. Cité par R. FRIEDENTHAL, Goethe, sa vie et son temps, trad.
Georgette Chatenet, Paris, Fayard, 1967, p. 551.
28. G. de NERVAL, Œuvres complètes, t. III, op. cil., p. 387.
29. Voir la transcription de ce scénario par Jean-Luc Steinmetz, ID.,
p. 1122-1126.
30. Ce nom est aussi celui du héros du Magicien prodigieux (El mágico
prodigioso) de Calderón de la Barca, pièce où l’intrigue du Faustbuch se
trouve transposée dans le cadre de l’Espagne
31. Ainsi Jean Trithème (1462-1516) aurait hérité de la bibliothèque de
l’ermite Pelagius et de son disciple Libanius Gallus (voir dans ce même
volume la communication de Frédéric Peyré).
32. G. de NERVAL, Œuvres complètes, t. II, op. cit., p. 886.
33. Ibidem.
34. G. de NERVAL, Œuvres complètes, t. III, op. cit., p. 698.
35. ID., p. 750.
36. ID., p. 723.
37. Ibidem.

Author

Michel Brix

Facultés universitaires Notre-


Dame de la Paix – Namur
By the same author

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Le Valois nervalien, ou la
tentation orientale in Voyager
en France au temps du
romantisme, , 2003
Quelques remarques sur la
« littérature populaire » in
Écritures et discours
« populaires » (xixe-xxe
siècles), , 2023
22. Un trésor d’exemples :
citations de Tite-Live chez
Montaigne in Tite-Live, une
histoire de livre, , 2017
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BRIX, Michel. Nerval et le mythe de Faust In: Faust ou les frontières du
savoir [online]. Bruxelles: Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles,
2002 (generated 09 février 2024). Available on the Internet:
<http://books.openedition.org/pusl/21136>. ISBN: 978-2-8028-0474-1.
DOI: https://doi.org/10.4000/books.pusl.21136.

Electronic reference of the book


OST, François (ed.) ; VAN EYNDE, Laurent (ed.). Faust ou les frontières
du savoir. New edition [online]. Bruxelles: Presses universitaires Saint-
Louis Bruxelles, 2002 (generated 09 février 2024). Available on the
Internet: <http://books.openedition.org/pusl/21085>. ISBN: 978-2-
8028-0474-1. DOI: https://doi.org/10.4000/books.pusl.21085.
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