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ISBN 978-2-02-111114-9
www.seuil.com
Couverture
DU MÊME AUTEUR
Copyright
Introduction
REMERCIEMENTS
La genèse du leitmotiv
La dissertation de Gisèle
« C’est une femme ! »
Le caoutchouc d’Albertine
5 - Tableaux vivants dans le roman
La voix su t
Dévotion baudelairienne
Ni Dieu ni diable
Vers de septembre
Pastiches baudelairiens
« Midi, Roi des étés »
Épithète et syntaxe
Le curé de Combray
Le curé réfuté
Détruire le roman
Inversion et invention
Art et mémoire
L’illusion futuriste
Conclusion
Bibliographie
I. ŒUVRES DE PROUST
II. TRADUCTIONS ET PRÉFACES
III. CORRESPONDANCE
V. ÉTUDES BIOGRAPHIQUES
VI. ÉTUDES DE GENÈSE
VII. ÉTUDES CRITIQUES
VIII. AUTRES OUVRAGES
Index
Introduction
e
Le dernier écrivain du XIX siècle
e 1
et le premier du XX siècle
… j’écris un opuscule
6
Par qui Bourget descend et Boylesve recule .
C’est une idée fixe de Proust : le génie, qui remet en cause les
schémas artistiques, ne saurait être immédiatement compris. On
peut l’entendre comme une thèse idéaliste sur le génie, ou comme
un jugement sociologique empruntant le point de vue d’une
esthétique de la réception. Le vrai moderne devient classique au lieu
de se démoder.
Proust le répéta après la guerre, une fois son œuvre écrite : « …
tout art véritable est classique, mais les lois de l’esprit permettent
rarement qu’il soit, à son apparition, reconnu pour tel 15 » Or Manet
reste l’exemple, auprès de qui s’insinue Baudelaire, qui tient le
centre de toute la réflexion de Proust sur la littérature et l’histoire :
1. Une première version de ce chapitre a été publiée dans Êquinoxe, n° 2, 1988.
2. Du côté de chez Swann. RTP. t. I, p. 413.
3. CSB, p 580.
4. Voir Lucchino Visconti et Suso Cecchi D’Amico, Alla ricerca del tempo perduto.
Sceneggiatura dall’opera di Proust, Milan, Mondadori, coll. « Teatro e cinéma »,
1986.
5. « [Notes sur la littérature et la critique] », CSB, p. 306.
6. Corr., t. X, p 374.
7. CSB, p 607.
8. Pensées, Brunschvicg n° 353, Lafuma n° 681.
9. RTP, t. IV, p 618.
10. Jacques Rivière, « Marcel Proust et la tradition classique » (1er février 1920),
Nouvelles Études, Paris, Gallimard, 1947, p 150 ; Quelques progrès dans l’étude du
cœur humain (1926), éd. Thierry Laget, Paris, Gallimard, coll. « Cahiers Marcel
Proust », 1985, p 61.
11. CSB, p 641 et n. 6.
12. RTP, t. IV, p. 466-467 et 471-473. Ce passage est esquissé dans le Cahier 58 : voir
Matinée chez la princesse de Guermantes, éd. Henri Bonnet et Bernard Brun, Paris,
Gallimard, 1982, p. 114-118.
13. Le Côté de Guermantes II, RTP, t. II, p. 812.
14. Ibid… p. 713.
15. « [Classicisme et romantisme] » (1 921), CSB, p. 617.
16. CSB. p. 570.
17. Ibid… p. 573-574.
18. Voir infra, chap n, p. 54 sq.
19. CSB. p. 579.
20. Voir infra, chap vi, p. 153 sq.
21. Corr… t. XIII, p. 53.
22. A l’ombre des jeunes lles en eurs, RTP, t. I, p 464-465.
23. Le Côté de Guermantes I, RTP, t. II, p. 452.
24. Voir infra, chap IX, p 277 sq.
25. Voir infra, chap V, p. 143 sq.
26. RTP, t. II, p. 622-625.
27. Ibid., p. 622.
28. CSB, p. 615.
29. RTP, t. II, p. 623.
30. RTP, t. III, p 664-668.
31. Ibid., t. IV, p 666. Jean-Jacques Nattiez a publié récemment une intéressante
analyse du même passage (Proust musicien, Paris, Christian Bourgois, 1984, p. 35
sq.). Il y montre que l’idée de Proust sur la composition wagnérienne – par
fragments seulement réunis après coup en un tout – repose sur l’hypothèse
erronée que L’Enchantement du Vendredi saint fut conçu avant Parsifal, ainsi que
Proust le notait dès l’époque de l’essai sur Sainte-Beuve : « L’Enchantement u
Vendredi saint est un morceau que Wagner écrivit avant de penser à faire Parsifal
et qu’il y introduisit ensuite. Mais les ajoutages, ces beautés rapportées, les
rapports nouveaux aperçus brusquement par le génie entre les parties séparées de
son œuvre qui se rejoignent, vivent et ne pourraient plus se séparer, ne sont-ce pas
de ses plus belles intuitions ? » (« [Sainte-Beuve et Balzac] », CSB, p. 274). Proust
comparait déjà Wagner et Balzac : « Telle partie de ses grands cycles ne s’y est
retrouvée rattachée qu’après coup » Il aurait puisé cette information douteuse sur
la composition de Parsifal dans l’un des classiques du wagnérisme au tournant du
siècle, Le Voyage artistique à Bayreuth d’Albert Lavignac (Paris, Delagrave, 1897),
qui disait de L’Enchantement du Vendredi saint : « Il a été écrit longtemps avant le
reste de la partition » (éd. de 1905, p. 498, cité par Nattiez, Proust musicien, op cit.,
p. 42). La réflexion de Proust sur l’unité de l’œuvre d’art aurait ainsi pour point de
départ une description erronée de la manière de composer propre à Wagner.
32. Cahier 49, f° 42v°-45v° et 40v°-41v° ; RTP, t. III, Esquisse IV, var. b, p. 948.
33. Cahier 49, f° 42r°-46r° ; RTP, t. III, Esquisse IV, p. 943 sq.
34. Cahier 49, f° 44r° ; RTP, t. III, Esquisse IV, p. 944.
35. RTP. t. III, p. 667.
36. Baudelaire, Correspondance, éd. Claude Pichois et Jean Ziegler, Paris, Gallimard,
coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1973, t. II, p. 196.
37. Voir infra, chap. VII p. 192 sq.
38. Paul Souday, Le Temps, 10 décembre 1913 ; Marcel Proust, op cit., p. 11.
39. Henri Ghéon, La Nouvelle Revue française, 1er janvier 1914 ; Du côté de chez Swann,
éd. Antoine Compagnon, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1988, Document VIII, p.
454.
40. Corr., t. XIII, p. 98-99.
41. Ibid., p. 99-100.,
42. Désiré Nisard, Études de mœurs et de critiques sur les poètes latins de la décadence
(1834), Paris, Hachette, 3e éd., 1867, t. II, p. 286.
43. Huysmans, A rebours, éd. Marc Fumaroli, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2e éd.,
1983, p. 116.
44. Paul Bourget, « Charles Baudelaire », Essais de psychologie contemporaine, Paris,
Lemerre, 1883, p. 3-32.
45. Ibid., p. 25.
46. Ibid., p. 9.
47. Nietzsche, Fragments posthumes. Automne 1887-mars 1888, trad. fr. de Pierre
Klossowski, Paris, Gallimard, 1976, en particulier p. 242-244.
48. Paul Bourget, Essais de psychologie contemporaine, op cit., p. 9.
49. Voir Anne Henry, Marcel Proust. Théories pour une esthétique, Paris, Klincksieck,
1981, p. 81 sq.
50. OC, t. II, p. 431-433.
51. Ibid… p. 433.
52. Gabriel Séailles, Essai sur le génie dans l’art, Paris, G. Baillière, 1883, p. 244.
53. Cahiers, t. II, op. cit., p. 1099.
54. Lettre d’octobre 1913, Corr., t. XII, p. 278.
55. Lettre de novembre 1913, ibid., p. 295.
56. Lettre de janvier 1913 à Louis de Robert, ibid., p. 38.
57. Lettre de juin 1913, ibid., p. 214.
58. Lettre de février 1913, ibid., p. 82.
59. A l’ombre des jeunes lles en eurs, RTP, t. I, p. 546.
60. Lettre de juillet 1913. Corr., t. XII, p. 230-231.
61. Nietzsche, Le Cas Wagner, trad. fr. de Jean-Claude Hémery, Paris, Gallimard,
1974, p. 29. La seconde expression est en français dans le texte.
62. Ibid… p. 33.
63. Ibid., p. 34.
64. Ibid., p. 36.
65. CSB, p. 611.
66. RTP, t. III, p. 667.
67. RTP, t. II, p. 688-689.
68. Paris, Librairie Albert Schulz.
69. RTP, t. III, p. 665. Le Postillon de Longjumeau est un célèbre opéracomique d’Adam,
datant de la monarchie de Juillet.
70. Cahier 49, f° 44v°.
71. Le Cas Wagner, op. cit., p. 21.
72. Paris, Calmann-Lévy, 1909.
73. Le Cas Wagner, op. cit., p. 46.
74. RTP, t. III, p. 665. On trouve une remarque voisine dans le Carnet 2, sous un autre
fragment qu’on date d’avril à août 1913 : « Pour Franck/Ce n’est pas un motif qui
revenait, c’est une névralgie qui recommence, difficile à localiser, vague et
ganglionnaire » (f° 25r°).
75. Le Cas Wagner, op. cit., p. 434 (n. 3 de la p. 34). Le fragment, de dix ans antérieur
au Cas Wagner, date de l’été de 1878.
76. Paul Bourget, Études et Portraits, Paris, Lemerre, 1889, 1.1, p. 256.
77. OC, t. II, p. 699.
78. Le Cas Wagner, op. cit., p. 24. Proust emploiera la même expression, dans Le Temps
retrouvé, afin de désigner son œuvre : « mon livre n’étant qu’une sorte de ces
verres grossissants comme ceux que tendait à un acheteur l’opticien de Combray »
(RTP, t. IV, p. 610).
79. Le Cas Wagner, op. cit., p. 34.
80. Cité par Henri Bonnet, Marcel Proust de 1907 à 1914 (1959), 2 vol., Paris, Nizet,
1971, 1.1, p. 181.
81. RTP. t. IV, p. 618.
82. Corr. t. XII, p. 230-231.
83. Tolstoï, Qu’est-ce que l’art ?, trad. fr. de Teodor de Wyzewa, Paris, Perrin, 1898,
p. 178. Tout un chapitre est consacré à Wagner, encore condamné pour le manque
d’unité organique de ses œuvres : « …la musique de Wagner manque du caractère
essentiel de toute œuvre d’art véritable, à savoir de cette unité et de cette
intégralité qui font que le plus petit changement de la forme suffit à altérer la
signification de l’ensemble » (p. 164). On aperçoit encore le dogme que le
structuralisme partage avec Porganicisme, et qu’il lui doit par l’intermédiaire de
Saussure ; cela explique leur commune imperméabilité aux œuvres déréglées, qui
sont malheureusement les grandes œuvres.
84. Anne Henry, qui tend ainsi à assimiler la Recherche du temps perdu à un exercice
de philosophie appliquée, retrouve contre Proust l’un des griefs formulés par
Nietzsche contre la décadence : auprès de « la dégénérescence de la force
d’organiser » et de « l’excès de vie dans les plus petites choses », « le faux-
monnayage dans l’imitation des grandes formes » (Le Cas Wagner, op. cit., p. 50-
51). Paul Ricœur insiste en revanche sur l’écart que suppose récriture du roman
par rapport à la théorie (Temps et Récit, t. II, La Con guration dans le récit de ction,
Paris, Éd. du Seuil, 1984, p. 194-225).
85. RTP, t. III, p. 667.
86. Cahier 49, f° 42r° ; RTP, t. III, Esquisse VIII, p. 1003. Querqueville deviendra Balbec
dans le roman.
87. RTP, t. III, p. 668. Dans une lettre de février 1913 à René Blum, Proust emploie la
même image ambiguë à propos de l’essai de Maeterlinck, La Mort (Paris,
Fasquelle, 1913), qui vient de paraître (Corr., t. XII, p. 82).
88. Lettre de juillet 1913 à Louis de Robert, Corr., t. XII, p. 230. L’écrivain est aussi
comparé à un pigeon voyageur ou à une aiguille aimantée à l’époque du Contre
Sainte-Beuve (« [Notes sur la littérature et la critique] », CSB, p. 311).
2
1
Fauré et l’unité retrouvée
Elle ignore l’une des mélodies favorites de Proust, sur des vers de
Baudelaire, ou l’a oubliée, mais il va de soi qu’elle est folle des
Berceaux, sur des vers de Sully Prudhomme, mélodie parfois tenue
pour l’œuvre la plus représentative de Fauré, à qui les mauvais vers
ont mieux réussi, de Romain Bussine à Armand Silvestre.
Proust n’est nullement dupe de ce Fauré des salons. Dès 1894, il
confie à son ami Pierre Lavallée : « Au cimetière est vraiment affreux
et Après un rêve bien nul 6. » Il rencontre Fauré en 1895, et rapporte
leur entretien à Reynaldo Hahn : « Il m’a dit que toute sa musique
devait bien t’agacer puisque les mêmes vers avaient dû prendre pour
toi leur expression définitive etc. Et j’ai dit que tout au contraire, je
t’avais plus souvent entendu chanter ses donneurs de sérénade que
les tiens, que tu chantais si bien le Chant d’automne 7 » Entre Sully
Prudhomme et Baudelaire, entre Jean Richepin et Verlaine, Proust
fait la différence, ainsi qu’entre les premières mélodies de Fauré et
les plus récentes, entre celles du premier recueil et celles du
troisième. Proust repère clairement le côté décadent ou fin de siècle
de Fauré.
Montesquiou regrettait que Fauré n’eût jamais mis en musique
l’un de ses poèmes. Après la publication d’un extrait du Côté de chez
Swann, « Épines blanches, épines roses », dans Le Figaro en
mars 1912, il fit, dans une lettre de compliment, une allusion
scabreuse : « J’ai cueilli vos jolies épines ; mais vous n’avez pas
parlé de l’odeur sexuelle… qui vous aurait permis d’écourter le
substantif, tout en laissant les adjectifs subsister, et insister. Mais le
“Mois de Marie” ne s’en arrangeait pas 8. » Montesquiou ironisait sur
l’odeur des fleurs, « une odeur amère et douce d’amandes ». Proust
lui répondit avec une rare trivialité, dont Fauré fait les frais :
D’un rythme lent elle le dirigeait ici d’abord, puis là, puis
ailleurs, vers un bonheur noble, inintelligible et précis. Et
tout d’un coup, au point où elle était arrivée et d’où il se
préparait à la suivre, après une pause d’un instant,
brusquement elle changeait de direction et d’un mouvement
nouveau, plus rapide, menu, mélancolique, incessant et doux,
elle l’entraînait avec elle vers des perspectives inconnues.
Puis elle disparut Il souhaita passionnément la revoir une
troisième fois. Et elle reparut en effet 20…
1. Une première version de ce chapitre a été publiée dans The Romanic Review, t.
LXXVIII, n° 1, 1987.
2. L’œuvre de Proust a été comparée à toutes les musiques imaginables, mais son
rapprochement avec celle de Fauré, l’un des plus pertinents, a été excellemment
analysé par un spécialiste du musicien : voir Jean-Michel Nectoux, « Proust et
Fauré », BSAMP, n° 21, 1971, p. 1102-1120.
3. Sodome et Gomorrhe, RTP, t. III, p. 434.
4. Cahier 46, f° 74v°-75v° ; RTP, t. III, Esquisse XVII, p. 1084. Allusion à l’opus 5, n° 1
de Fauré (1871). Sur Chant d’automne, le poème et la mélodie, voir infra, chap VII,
p. 192 sq.
5. Allusion à l’opus 23, n° 1 (1879) de Fauré. La mélodie s’intitule Les Berceaux, mais
elle met en musique Le Long du quai, un autre poème du premier recueil de Sully
Prudhomme, Stances et Poèmes. Voir Poésies de Sully Prudhomme. Stances et Poèmes.
1865-1866, Paris, Lemerre, 1872 : Les Berceaux est à la p. 23, et Le Long du quai à
la p. 163. Fauré écrit dans une lettre de juillet 1879 à Mme Camille Clerc : « Je
viens de recevoir une très flatteuse lettre de Sully Prudhomme à qui M. Gaston
Paris avait parlé de mon embarras touchant le titre de ma dernière mélodie Le
long du quai. Le poète m’autorise à appeler cela Les Berceaux » (Fauré,
Correspondance, éd. Jean-Michel Nectoux, Paris, Flammarion, 1980, p. 88). Proust
cite donc la mélodie de Fauré et non le poème de Sully Prudhomme, qui porte un
autre nom. Cet exemple confirme que Proust connaît la poésie à travers la
mélodie.
6. Corr., t. I, p. 340. Allusion à l’opus 51, n° 2, sur des vers de Jean Richepin, et à
l’opus 7, n° 1, sur des vers de Romain Bussine.
7. Ibid., p. 375. Les « donneurs de sérénade » désignent Mandoline, opus 58, n° 1
(1891), première des Cinq Mélodies dites « de Venise », d’après des poèmes de
Verlaine. La mélodie de Reynaldo Hahn sur le même poème a pour titre Fêtes
galantes (avril 1892), Mélodies, Paris, Heugel, 1893, t. I, p. 47.
8. Corr., t. XI, p. 66.
9. Ibid, p. 79.
10. CSB. p. 468.
11. Lettre de juillet 1907 à Reynaldo Hahn, Corr., t. VII, p. 211-212.
12. RTP, t. III, p. 773.
13. RTP. t. III, p. 343.
14. Ibid., p. 344. Voir infra, chap. ix, p. 280 sq.
15. Voir George D. Painter, Marcel Proust, trad. fr. de G. Cattaui et R.-P Via), 2 vol.,
Paris, Mercure de France, 1966, t. II, p. 304-305. Voir une lettre d’avril 1916 au
violoniste Raymond Pétain, Corr., t. XV, p. 77 ; et une lettre de mai 1916 à Gaston
Poulet, ibid… p. 83 (cf. Fauré, Correspondance, op. cit., p. 209-210).
16. Carnet 3, f° 43v°. Comme le quatuor Poulet, le quatuor Capet, dont l’une des
spécialités était les derniers quatuors de Beethoven, vint jouer chez Proust,
boulevard Haussmann, pendant la guerre.
17. Cahier 49, f 21r » ; RTP, t. III, Esquisse vm, p. 991.
18. CSB, p. 565.
19. Corr., t. XIV, p. 234-236.
20. RTP. t. I, p. 207.
21. Fauré, Correspondance, op. cit., p. 96.
22. Fauré, Paris, Éd, du Seuil, coll. « Solfèges », 1972, p. 38.
23. RTP, t. I, p. 205.
24. Ibid., p. 206.
25. Fauré, op. cit., p. 40.
26. Voir supra, chap. I, p. 34 sq.
27. Fauré et l’Inexprimable, Paris, Plon, 1974, p, 110.
28. Corr., t. I, p. 340.
29. Cahier 57, f° 3r° ; Matinée chez la princesse de Guermantes, op. cit., p. 292.
3
1
« Racine est plus immoral »
Le jeune commis avait beau être « loin du monde élevé 14 », dans
le Temple-Palace de Balbec, il n’avait pas suivi le conseil de Joad :
Sur la richesse et l’or ne mets point ton appui 15.
La genèse du leitmotiv
L’histoire du motif racinien dans Sodome et Gomorrhe est
complexe, sa stratification est délicate ; les occurrences ont
beaucoup joué entre elles, elles se sont déplacées les unes par
rapport aux autres.
1. L’épisode relatif à Vaugoubert apparaît sur quatre pages
manuscrites (les deux premières non autographes, les deux dernières
de la main de Proust), ajoutées à la dactylographie (au demeurant
largement remaniée, truffée de pages manuscrites) qui a servi à la
composition de Jalousie, le début de Sodome et Gomorrhe II publié en
extrait dans Les Œuvres libres en novembre 1921 27. A la place de ces
pages, le manuscrit contenait une longue paperole, qui donnait une
portée très différente à la comparaison de l’hôtel de la princesse de
Guermantes et du palais d’Assuérus :
Cependant au moment où, après avoir reconduit la comtesse
Molé, M. de Charlus franchissait le seuil et rentrait à
l’intérieur de ce palais classique qu’était au dire de la
duchesse de Guermantes l’hôtel de sa cousine, dominant
« d’Esther les superbes, jardins », précisément l’exclamation
d’Esther apercevant Elise sortit de sa bouche, en se trouvant
face à face avec son ami d’autrefois M. de Vaugoubert Celui-
ci
dans ces mots : « Nourri dans le sérail, il ne faisait pas ici qu’en
retrouver, il en aimait les détours 50. » Mais, de Bajazet, seuls le
« sérail » et les « détours » subsistent dans le texte définitif.
Après les aventures de Nissim Bernard, la paperole du manuscrit
revenait au dîner de Charlus et du valet de pied au Grand-Hôtel, qui
avait constitué son point de départ : le récit des aventures de Nissim
Bernard était bien initialement une addition au récit du dîner de
Charlus et du domestique, une digression dans le tableau de
l’homosexualité du baron 51.
Sur cette paperole du manuscrit, les récits pédérastiques ont
ainsi proliféré en même temps que les références à Racine se
multipliaient, englobant Phèdre et Bajazet auprès d’Esther et
d’Athalie. Du point de vue de la genèse, on peut dire que le thème
pédérastique et l’allégorie racinienne se sont développés
concurremment, s’appelant l’un l’autre, se justifiant mutuellement.
Mais le texte définitif est plus économe et ne fait allusion qu’aux
seules tragédies sacrées. Les rapprochements avec Phèdre et Bajazet
étaient d’ailleurs le fait du narrateur lui-même, et on a vu que
Proust devait ensuite prendre soin de le décharger du thème
pédérastique.
Que retenir de cette genèse compliquée ? Le motif racinien de
Sodome et Gomorrhe est particulièrement retravaillé à la main,
redistribué sur la dactylographie : c’est le cas des couches les plus
récentes du manuscrit, notamment des paperoles accumulées aux
extrémités des cahiers. Le thème est tardif : les allusions du
manuscrit à Racine appartiennent toutes à des paperoles ; rien ne les
prépare dans les brouillons pour Sodome et Gomorrhe. Ces additions
du manuscrit sont vraisemblablement contemporaines de celles qui,
à la fin du premier séjour à Balbec, dans A l’ombre des jeunes lles en
eurs, annoncent une amélioration du service au Grand-Hôtel : « les
chasseurs laissaient un peu à désirer ; vous verrez l’année prochaine
quelle phalange je saurai réunir », disait alors le directeur 52. Elles
datent sans doute de la fin de la guerre et contribuent après coup à
donner une légitimité au titre de Sodome et Gomorrhe, beaucoup
moins justifié dans le manuscrit que dans le texte définitif. Le
tableau de l’inversion, avec ses détails comiques, balzaciens et
rocambolesques, dont le lecteur se souvient plus que tout, repose sur
des anecdotes rajoutées. Elles sont de plus en plus forcées, comme
les mésaventures du duc de Châtellerault avec l’huissier, de Nissim
Bernard avec les frères aux têtes de tomates, ou du prince de
Guermantes avec Morel, toutes trois apparues sur la dactylographie.
C’est même au point qu’au dernier moment, en 1921 et 1922, Proust
a parfois réagi et atténué les aspects les plus cocasses ou
caricaturaux des aventures de Vaugoubert, Charlus ou Nissim
Bernard.
La longue paperole manuscrite du début du Cahier VI, où le récit
de la liaison entre Nissim Bernard et le commis s’insérait dans le
récit du dîner de Charlus avec le valet de pied, contenait les vers de
l’acte I, scène II d’Esther qui servaient aussi de point de départ du
thème racinien dans la paperole se rapportant à Vaugoubert Proust
les a répartis entre les différentes apparitions du thème sur la
dactylographie, en sorte que les mêmes vers ne sont pas cités deux
fois 53. Cela engage à voir dans l’immense paperole aux
rebondissements fabuleux – Charlus et te valet de pied, Nissim
Bernard et le commis, Charlus et Aimé – l’amorce de, l’allégorie, qui
tiendrait donc son origine de l’exclamation d’Elise à l’acte I, scène II
d’Esther ; « Ciel ! quel nombreux essaim… ! »
Le développement du thème a supposé que Proust retourne au
texte de Racine avec lequel le sien joue. C’est manifeste dans deux
cas. Pour l’épisode relatif à Vaugoubert, le manuscrit montre que les
citations s’ajoutent, que Prpust en cherche de nouvelles, d’autres
que les quatre vers d’Elise, à partir d’un rapprochement initial qui
n’est pas illustré par le texte de Racine. Dans le cas de Nissim
Bernard, le centon composé avec des vers d’Athalie, dont Proust
paraît moins familier que d’Esther, est parfaitement littéral. Quant à
l’erreur d’attribution de la quatrième occurrence, elle n’est pas
significative : elle a lieu dans la marge de la dactylographie, sous la
forme d’une dernière retouche, une fois que l’épisode relatif à
Nissim Bernard a été déplacé et l’immense paperole démantelée, et
surtout elle concerne précisément les vers les mieux connus, ceux du
début d’Esther, le noyau de tout le thème. Mais cette erreur signale
un paradoxe : là où s’inscrit initialement et principalement le thème
dans le manuscrit, il n’en reste pratiquement plus rien dans le texte
définitif, où le thème a été usé par ses apparitions précédentes. Voilà
encore un exemple du caractère régressif de l’écriture roustienne,
constamment à la recherche de « préparations », si bien que parfois,
au moment de la révélation, le bouquet final fait long feu : ainsi
peut-on sans doute expliquer la confusion entre les deux dernières
tragédies de Racine. Quoi qu’il en soit, remarquable est la façon
dont les citations de Racine, dans le libre mouvement du texte et de
l’intertexte, contribuent à quelques-uns des épisodes les plus drôles
de Sodome et Gomorrhe, ou les plus fastidieux, selon les lecteurs.
92
Vers tes genoux je tends mes bras de reine .
La dissertation de Gisèle
L’amusante dissertation de Gisèle, dans, A l’ombre des jeunes lles
en eurs, est un autre indice de l’importance d’Esther et de ses
chœurs dans l’imaginaire proustien. Gisèle a envoyé à Albertine sa
composition pour le certificat d’études, où elle a eu à choisir entre
deux sujets : « Sophocle écrit des Enfers à Racine pour le consoler de
l’insuccès d’Athalie », et « Vous supposerez qu’après la première
représentation d’Esther, Mme de Sévigné écrit à Mme de Lafayette
pour lui dire combien elle a regretté son absence 93 ». La jeune fille a
choisi le premier sujet et Albertine lit sa copie, puis Andrée en fait le
corrigé.
Dans une lettre du 31 janvier 1916, Proust remercie Marcelle
Larivière, une nièce de sa gouvernante Céleste Albaret, qui lui a
fourni deux plans de dissertation pour le devoir de Gisèle : « Il y a
très peu d’élèves masculins qui feraient, à beaucoup près, aussi
bien », ainsi conclut-il son compliment 94. Sans insister sur cette
touche de misogynie, qui confirme simplement l’état encore
rudimentaire de l’enseignement féminin à l’époque de la Première
Guerre mondiale, il resterait beaucoup à dire des quatre pages de la
dissertation de Gisèle, des deux sujets, de la copie de la jeune fille,
du corrigé d’Andrée, enfin du pastiche de Proust Il faudrait aussi
évoquer les références érudites suggérées par Andrée, Les Juives de
Garnier et l’Aman de Montchrestien, qui ont mis en scène des
chœurs avant Esther et Athalie, ainsi que les critiques qu’elle
recommande de citer, Merlet et Sainte-Beuve, et surtout Deltour et
Gasc-Desfossés. Qu’il suffise de noter que la dissertation de Gisèle,
avec ses références si précises, représente l’une des rares apparitions
de la culture scolaire (à laquelle Baudelaire n’appartient pas encore
à la fin du XIXe siècle) chez un écrivain qui y fut peu sensible, et dans
un roman qui paraît bien plus marqué par la culture bourgeoise de
la famille et de la Revue des Deux Mondes. Mais Racine, l’art
classique, et le théâtre en général, définissent le lieu privilégié du
contact entre les deux cultures à la fin du XIXe siècle, un lieu
conflictuel puisque, comme on l’a vu, Proust découvrit le théâtre à
l’époque d’un tournant dans la lecture de Racine.
Il écrivit en classe de rhétorique une dissertation sur le sujet
obligé de la comparaison entre Corneille et Racine : « Celui qui aime
passionnément Corneille peut n’être pas ennemi d’un peu de
jactance. Aimer passionnément Racine, c’est risquer d’avoir trop ce
qu’on appelle en France le goût, et qui rend parfois si dégoûté 95. »
Ce jugement, emprunté à Sainte-Beuve, illustre la prévention des
romantiques contre l’« étroite bienséance » versaillaise de Racine. Or
Proust, pour venir à sa défense, faisait déjà valoir que la tragédie
racinienne est un art de la dissimulation, où, sous le voile de
l’élégance et la manière raffinée, l’« horreur » est intense. Pour
avancer cet argument, après avoir d’abord repris à son compte la
vieille critique de la complaisance racinienne pour l’élégance et les
« gentillesses compliquées », il ménageait sa transition en ces termes :
« Si de nos jours la critique a prétendu découvrir le réalisme
farouche qui ferait le fond des tragédies de Racine, peut-elle nous
l’objecter 96 ? » Entre la vieille critique et la nouvelle, le parti de
Proust n’est pas encore clair, ou il est rendu indiscernable par la
machinerie dialectique de la dissertation. Mais quelle est cette
nouvelle critique qui vient de transformer la perception de la
tragédie racinienne et d’y découvrir l’horreur et la volupté sous la
perfection de la forme ?
C’est Émile Deschanel, déjà évoqué 97, dans sa série intitulée Le
Romantisme des classiques, dont les deux volumes consacrés à Racine
furent publiés en 1884 ; c’est Victor Stapfer, dont le Racine et Victor
Hugo secoua en 1884 les poncifs édifiants du Racine versaillais et
cartésien 98. Mais c’est avant tout Ferdinand Brunetière, à qui il suffit
de deux articles pour bouleverser la vision de Racine, le compte
rendu de l’ouvrage de Deschanel dans la Revue des Deux Mondes 99,
et, auparavant, le compte rendu d’une réédition des Ennemis de
Racine au XVIIe siècle, par ce Deltour qu’Andrée recommande à
Albertine de citer dans ses dissertations 100. Inspecteur général de
l’Instruction publique, Deltour fut le dernier, en 1886, à inspecter
Gaucher, le professeur de Proust en rhétorique l’année suivante. La
mort de Gaucher, en cours d’année scolaire, empêcha Deltour de
l’inspecter en 1887-1888, l’année où Proust, dissertant sur Corneille
et Racine, évoquait cette nouvelle critique faisant de Racine un
réaliste farouche 101.
A propos de l’ouvrage de Deltour, Brunetière formula pour la
première fois sa thèse, promise à un riche avenir, de la modernité de
Racine, peintre de la jalousie sensuelle : « Je vais vous dire une
chose monstrueuse, en apparence du moins, vraie pourtant si l’on y
réfléchit : ces quatre grands poètes (Molière, Racine, Boileau, La
Fontaine), et, dans la prose, avec eux, Bossuet et La Bruyère, ce sont
les naturalistes du XVIIe siècle 1023 » Brunetière en profitait pour
attaquer Zola et le naturalisme contemporain, sous prétexte que la
vraie modernité résidait dans le néo-classicisme hérité de Racine.
Mais, pour tendancieuse qu’elle soit, l’idée n’en est pas moins forte :
« C’est une femme ! »
Après Brunetière, Racine devint donc un naturaliste forcené et
immoral, mais le critique des Deux Mondes n’était pas tout à fait
l’inventeur du cliché. Ayant souligné les passions à l’œuvre dans
Britannicus, Louis Veuillot avait déjà douté que le théâtre de Racine
mît en scène des courtisans aux mœurs aussi raffinées que leur
langage était châtié 113. Surtout, dès avant le purgatoire romantique,
Joubert disait malicieusement de Racine : « Admirable sans doute
pour avoir rendu poétiques les sentiments les plus bourgeois et les
passions médiocres 114. » Brunetière ne fit au fond que développer cet
aphorisme. Joubert avait aussi insinué que Racine était féminin :
« Des agréments efféminés. Peut-être sont-ils dans Racine. Il y a dans
beaucoup de discours des voix de femmes plutôt que des voix
d’hommes 115. » Et il continuait : « La voix de la sagesse tient le
milieu, comme une voix céleste qui n’est d’aucun sexe. » Le nom de
Lemaitre est toutefois le plus souvent associé au renouveau de la
critique racinienne au tournant du siècle. Il était familier de Proust
dès 1888, quand celui-ci le pastichait en rhétorique.
Vingt ans après, dans les notes du Contre Sainte-Beuve sur Nerval,
Proust s’oppose au jugement – « Traditionnel, bien français » – que
Lemaitre porte sur le début de Sylvie 116. Cette opinion figure à la
dernière page du Racine de Lemaitre en 1908, où il compare Nerval
et Racine. Proust s’exclame : « Qu’y a-t-il de moins racinien que cela
[les vers de Nerval] ? […] et je dis cela sans que cela altère en rien
ma profonde admiration pour lui [Lemaitre], sans que cela ôte rien
à son livre merveilleux, incomparable, sur Racine 117. » Dans la
dernière de ses conférences, Lemaitre vient de résumer sa
conception du théâtre de Racine : un théâtre des passions, des
« forces élémentaires » et des « instincts primitifs », un théâtre
« brutal » comme son auteur. Or, les femmes sont « plus serves de
l’instinct et de la passion que les hommes ». Ergo, « “le théâtre de
Racine sera féminin, comme celui de Corneille était viril” (Lanson).
“Les femmes sont poussées au premier plan. De Racine date
l’empire”, qui dure encore aujourd’hui, “de la femme dans la
littérature” (Lanson) 118 ». Lemaitre donne ses sources. Il n’a en effet
pas grand-chose de personnel à avancer dans sa péroraison,
quelques pages avant le passage sur Nerval que Proust devait
réprouver. Il résume à grands traits le chapitre que Lanson, dans
l’Histoire de la littérature française, consacra à Racine et à sa
« tragédie passionnée et vraie ». Lanson traitait le sujet même de la
dissertation de Proust en classe de rhétorique : « Racine a peint
admirablement les âmes féminines […]. Les hommes sont plus
faibles 119. »
Mais ces formules enlevées, que Lemaitre recopia,
n’appartiennent pas davantage à Lanson. Celui-ci démarque presque
mot à mot l’article original de Brunetière, sur Le Romantisme des
classiques de Deschanel. L’ouvrage et l’article préparaient la thèse
suivant laquelle Proust appariera Racine et Baudelaire : « Les
classiques d’aujourd’hui sont les romantiques de la veille et les
romantiques d’aujourd’hui sont les classiques du lendemain », ce qui
devenait dans les termes savoureux de Brunetière : « …les plus
audacieux romantiques font les plus illustres classiques, à peu près
comme les pires sujets, ce dit-on, font les meilleurs pères de
famille 120. » Brunetière se prononçait résolument sur la modernité
de Racine : énergie et férocité « sous l’élégance tout extérieure de la
tragédie 121 ». Il liait avec netteté réalisme et féminisation dans la
tragédie : celle-ci « s’humanise, ou, si l’on veut, se féminise, et, en se
féminisant, elle marque une époque dans l’histoire non seulement
du théâtre français, mais dans l’histoire aussi de la littérature
européenne 122 ». Selon Brunetière, « c’est de la tragédie de Racine
que date l’empire de la femme » dans la littérature moderne 123,
formule passée telle quelle chez Lanson 124 ; Racine est l’initiateur de
toute la « littérature des passions de l’amour 125 ». Brunetière,
semble-t-il, ne plagie ici que son propre article de 1879 sur Deltour.
Comment le Racine réaliste, peintre de la violence féminine, a-t-
il vieilli jusqu’à Proust ? L’inventeur de la femme en littérature fut
tout bonnement soupçonné lui-même de féminité. Pour écrire si
parfaitement sur la femme, il fallait qu’il y eût en lui-même de la
femme. « Racine, la seule femme, en art, qui ait jamais eu du
génie », devait assurer André Suarès, s’en prenant à Racine dans le
même esprit que les romantiques 126. Dans une autre veine, Péguy
prolongea Victor-Marie, comte Hugo par une enfilade de notes des
plus remarquables sur Corneille et Racine, sur la « cruauté de
tendresse » de ce « maître de cruauté » que fut Racine, sur la
« cruauté innocente », la « cruauté de (grande) enfant » de ses
héroïnes, telle Iphigénie 127. « Les vieux criminels les plus endurcis
de Corneille ont le cœur plus pur que les plus jeunes adolescents (et
surtout adolescentes) de Racine 128. » Personne n’a mieux décrit que
Péguy les trésors de malignité des plus chastes jeunes filles de
Racine, jusqu’à cette leçon conforme à la psychologie de Freud et à
l’émergence de l’adolescence comme âge intermédiaire et ambigu :
« Nulle part autant que dans Racine n’apparaît peut-être le poignant,
le cruel problème de l’innocence ou de la prétendue innocence de
l’enfant 129. » Péguy devait nécessairement repasser par le lieu
commun de la féminité racinienne, à propos duquel il se montre tout
aussi tranchant :
1. Une première version de ce chapitre a été publiée dans la Revue des sciences
humaines, n° 196, 1984.
2. RTP, t. IV, p 489.
3. « Journées de lecture », Pastiches et Mélanges, CSB, p 160-194.
4. RTP, t III, p 25.
5. Dans le Cahier 49, datant de 1910-1911, seuls Walter Scott et Baudelaire sont ici
cités (f° 53r) ; Sully Prudhomme et Musset sont ensuite évoqués, l’inverti trouvant
aussi bien à s’y consoler. Dans un autre contexte (f° 56-57r°) : les invertis
« interprètent à la lumière de leur idée fixe les grands livres du passé, et
ilstrouvent dans Montaigne, dans Gérard de Nerval, dans [Molière bi é] Stendhal
une phrase d’une amitié un peu ardente, persuadés qu’ils avaient en eux des
frères » (RTP, t III, Esquisse IV, p 950).
6. RTP t IV, p 489.
7. RTP, t II, p 122.
8. Esther, I, v, 122-124.
9. Ibid., I, I, v. 101-106 (citation adaptée).
10. Ibid., I, I, v. 90 et 92 (citation approximative).
11. Athalie, II, VII, v. 661, 669-670 et 676 (citation approximative).
12. Ibid., v, 772 et 299.
13. Ibid… II, X, y. 788-791.
14. Ibid… II, IX, y. 772.
15. Ibid… IV, II, v. 1279.
16. Ibid… II, IX, v. 794.
17. Ibid… I, II, v. 253-254 (citation adaptée).
18. Ibid… II, X, v. 784-785.
19. Ibid… II, IX, v. 821-822.
20. Ibid… II, IX, v. 824-825.
21. Ibid… III, VIII, v. 1201-1204 (citation adaptée).
22. Esther. I, 2, v. 125.
23. Ibid… I, I, v. 112 (les deux hémistiches sont inversés).
24. RTP. t III, p 236-237.
25. Ibid., p 376. On lit sur la dactylographie corrigée : « …des vers de Racine que
j’avais cités dans un tout autre sens. »
26. ibid., p 171.
27. N.a.fr. 16728, f 43-46.
28. Cahier II, f 54r° ; RTP, t III, var. b, p 34 [p 1346].
29. Esther, III, i, v. 826.
30. RTP, t II, p 853.
31. Paperole absente du manuscrit et appartenant au Reliquat du Fonds Marcel Proust
de la Bibliothèque nationale ; RTP, t III, var. b, p 34 [p 1323].
32. 171. Cahier II, f° 33r° ; RTP. t III, var. b, p 34 [p 1318].
33. Cahier II, f 33r°-34 r°.
34. Proust assista à la répétition générale le 13 février 1910 : voir une lettre du
surlendemain à Georges de Lauris, Corr., t X, p 49-50.
35. RTP, t II, p 109.
36. RTP, t III, var. b., p 34 [p 1347].
37. La dernière phrase citée introduit les v. 101-106 d’Esther. Les v. 122, 124, 125
sont ajoutés dans la marge. Les v. 90 et 92 appartiennent à une autre addition. A
l’inversion près des v, 123 et 125, ce sont ceux qui apparaissent dans le texte
définitif.
38. Cahier IV, f° 43r° ; RTP. t III, var. a. p 171.
39. N.a.fr. 16739, f°42. Ce va-et-vient établit chez Proust une réticence à imputer à
son protagoniste la comparaison des chasseurs du Grand-Hôtel et des chœurs de
Racine, comme en témoigne encore cette notation tardive du Cahier 61 (f° 42r°) :
« [Il serait sans doute mieux bi é] [Il serait peut-être (?) add. inter- linéaire bi ée]
[de mettre tout le bi é] morceau du Cahier IV bis où je compare l’hôtel de Balbec
au temple de Salomon dans la bouche de M. de Charlus par exemple quand je
cause avec lui chez la princesse de Guermantes quand il me dit “Voici d’Esther les
superbes jardins” il pourrait dire ; “A ce propos vous n’êtes pas retourné dans le
temple d’Athalie.” Pour une fois il daigna s’expliquer. “Hé bien l’Hôtel de Balbec.”
“En effet lui dis-je j’ai remarqué le côte représentation où le public est admis
(comme dans le Cahier IV bis).” “Mais surtout tout ce ‘peuple d’amants’, toute
cette troupe ‘jeune et timide’ de chasseurs. Moi je trouve cela affreux. On dirait
des petites filles. Ils font mille manières. Mais enfin le côté décoratif est
intéressant” Suivrait alors le morceau du Cahier IV bis dans la bouche de
Charlus. » Le Cahier ici nommé IV bis est le Cahier IV du manuscrit dans une
numérotation antérieure ; il est ainsi désigné à la fin du Cahier III : Proust se
propose donc de supprimer la seconde apparition du thème, dans le Cahier IV, où
le héros est le responsable de l’analogie, et de la joindre à la comparaison initiale,
par Charlus, des jardins de sa cousine et de ceux d’Esther.
40. RTP, t III, var. c, p 171.
41. N.a.fr. 16739, f-99-103 ; voir RTP, t III, var. b. p 236.
42. Cahier IV, f- 139-141.
43. N.a.fr. 16740, f° 120. On trouve une première version de cette addition marginale
dans le Cahier 61, f°41r°, cahier d’additions de la fin de la guerre. Cela date le
moment où l’épisode relatif à Nissim Bernard fut désolidarisé de l’épisode relatif à
Charlus.
44. Cahier VI, f° 6. La paperole a été arrachée, mais elle se trouve dans le Reliquat du
Fonds Marcel Proust de ta Bibliothèque nationale.
45. RTP, t III, p 378-382.
46. Ibid., var. d. p 375.
47. Ibid., p 239.
48. Ibid., var. d. p 239 [p 1474-1475].
49. Bajazet, IV, vu, v. 1423.
50. RTP. t III, var. d, p 239 [p 1476].
51. La transition pour revenir au baron était celle-ci sur la paperole du manus- crit :
« Mais à cette heure vespérale M. Nissim Bernard n’était pas là mais entre les siens
en bon parent et M. de Charlus eût pu enlever son jeune amant à l’ancien ami de
son beau-frère Marsantes. Cette concurrence avec M. Bernard lui eût peut-être fait
porter quelque attention au jeune israélite. Mais l’ignorant il le trouva encore trop
femme. Ce n’était pas ce que M. de Charlus voulait, mais des hommes, et des
hommes déjà faits » (RTP, t III, var. d, p 375 [p 1561]). Cette objection avait déjà
suivi la description du jeune Hippolyte, avant le récit des aventures de Nissim
Bernard, ce qui montre que ce récit est bien une addition dans l’addition. D’autre
part, l’allusion, dans le contexte de l’inversion, à l’amitié de Nissim Bernard et de
Marsantes, le père de Saint-Loup, évoquée une seule fois dans le texte définitif,
dans Le Côte de Guermantes I (RTP, t II, p 573), donne à cette amitié un sens
particulier.
52. RTP. t II, p 303. Voir ibid… p 66, que je commenterai infra, p 84.
53. Sur la paperole pour Vaugoubert, étaient cités les v. 101-106, 122, 124, 125 et 90-
92 d’Esther. Sur la paperole pour Charlus et Nissim Bernard, les v. 122-125 et 112.
54. Jacques Nathan, Citations, Références et Allusions de Proust dans « A la recherche du
temps perdu » (1953), Paris, Nizet, 2e éd., 1969, p 23. Sur Proust et Racine, voir
René de Chantai, Marcel Proust, critique littéraire, Montréal, Presses de l’université
de Montréal, 1967 ; François Kessedjian, « Proust et Racine », Europe, février-mars
1971.
55. RTP, t III, p 238.
56. Ibid., p 490.
57. Cahier 49, f°« 46r » ; RTP. t III, Esquisse IV, p 946.
58. Carnet 3, f° 2r°-2v°.
59. RTP, 1.1, p 143.
60. Voir supra, p 77-78.
61. RTP, t II, p 66.
62. Édwin E. Williams, Racine depuis 1885. Bibliographie raisonnée, Paris, Les Belles
Lettres, 1940.
63. Esther. I, n, v. 191-192 et 195-196 (citation adaptée).
64. Ibid., II, vin, v. 802-808 ; et CSB, éd. Fallois, p 127-128.
65. Voir Henry Bidou, « Esther au Théâtre Sarah-Bernhardt », L’Année dramatique.
1911-1912. Paris, Hachette, 1912, p 32-40.
66. Voir Abel Hermant, « Odéon : Esther, princesse juive », Essais de critique, Paris,
Grasset, 1912, p 262-266. Jeanne
67. 3. Henry Bordeaux, « Odéon : Esther, drame en quatre actes et en vers », La Vie au
théâtre, 1911-1913. Paris, Plon-Nourrit, 1913, 3e série, p. 126.
68. 1. Emile Deschanel, Le Romantisme des classiques, 2esérie, Racine, 2 vol., Paris,
Calmann-Lévy, 1884, 1.1, p. 39. Cf. Brunetière, « De l’interprétation du répertoire
tragique », Revue des Deux Mondes, 15 avril 1880.
69. JS, p. 240.
70. Ibid., p. 239 ; cf. RTP, t. I, p. 90.
71. Jules Lemaitre, Racine, Paris, Calmann-Lévy, 1908, p. 279.
72. Paul de Saint-Victor, Les Deux Masques, t. III, Les Modernes, Paris, Calmann-Lévy,
1884, p. 393.
73. RTP, t. III, p. 230.
74. Paul de Saint-Victor, Les Deux Masques, op cit., t. III, p. 399. Cf. Jules Lemaitre,
Racine, op cit., p. 283.
75. Henry Bidou, L’Année dramatique. 1911-1912, op cit., p. 38.
76. A.-E. Marty, « Esther à l’Odéon et chez Sarah-Bernhardt », Comoedia illustré,
15 mars 1912, p. 454-455.
77. CSB, éd. Fallois, p. 129.
78. RTP, t. III, p. 627.
79. Sodome et. Gomorrhe, RTP, t. III., p. 456.
80. CSB, p. 334-335.
81. Sodome et Gomorrhe. RTP, t. III, p. 190-191.
82. Femmes damnées, v. 11-12.
83. CSB, p. 609.
84. Œuvres complètes, éd. P Martine-, Paris, Cercle du bibliophile, 1970, t. XXXVII,
p. 40.
85. Ibid., p. 39.
86. Sur le rôle de Stendhal dans la définition de notre concept de modernité, voir
Hans Robert Jauss, « La “modernité” dans la tradition littéraire et la conscience
d’aujourd’hui », Pour une esthétique de la réception, op cit., p. 195-197.
87. Voir supra, p. 88, n. 1, et Jean-Jacques Roubine, Lectures de Racine, Paris, Armand
Colin, 1971.
88. Proust-Rivière, Correspondance, 1914-1922, éd. Philip Kolb, Paris, Gallimard,
1976, p. 166-167.
89. Ibid… p. 169 et 172.
90. « A propos de Baudelaire », CSB, p. 627.
91. Gilbert Lély notait dans sa Vie du marquis de Sade (Paris, Jean-Jacques Pauvert,
1965, p. 115, n. 1) : « Les vingt-deux vers de Britannicus (acte II, scène il) où
l’empereur récite à Narcisse la naissance de son amour pour Junie nous offrent,
sans que nul s’en soit avisé, un saisissant tableau d’inspiration sadomasochiste. »
92. Cité par Jean Pommier, Aspects de Racine. Paris, Nizet, 1954, p. 341. 2,
93. RTP, t. II, p. 264 sq.
94. Corr., t. XV, p. 43.
95. CSB, p. 329.
96. Ibid… p. 331.
97. Voir p. 88, n. 1, et p. 91, n. 7.
98. Victor Stapfer, Racine et Victor Hugo, Paris, Armand Colin, 1887. Dans A l’ombre
des jeunes lles en eurs, Saint-Loup, partisan de Victor Hugo, s’élève contre son
oncle, Charlus, partisan de Racine (RTP, t. II, p. 122).
99. Brunetière, « La tragédie de Racine » (Revue des Deux Mondes, 1884), Histoire et
Littérature, Paris, Calmann-Lévy, 1884, t. II.
100. Brunetière, « Les ennemis de Racine au XVIIe siècle » (Revue des Deux Mondes,
1879), Études critiques (1880), Paris, Hachette, 1re série, 4e éd., 1896. Il s’agit d’un
compte rendu de Félix Deltour, Les Ennemis de Racine au XVIIe siècle, Paris, Didier,
1859 et 1865 ; Paris, Hachette, 1879 (réimprimé en 1884, 1892 et 1898).
101. André Ferré, Les Années de collège de Marcel Proust, Paris, Gallimard, 1959, p. 180.
Reynaldo Hahn dira des années plus tard : « étant aphone, j’ai passé ma journée à
lire Les Ennemis de Racine, livre amusant, profitable à tous ceux qui se mêlent de
production théâtrale » (Notes. Journal d’un musicien, Paris, Pion, 1933, p. 108).
102. Brunetière, Études critiques, op cit., ler série, p J65.
103. Ibid., p. 171.
104. Brunetière, « Le naturalisme au XVII
e
°siècle », Études critiques, op cit., 1er série,
p. 318.
105. André. Ferré, Les Années de collège de Marcel Proust, op cit., p. 185.
106. Ibid., p. 187.
107. Ibid., p. 185.
108. Ibid., p. 186.
109. RTP, t. II, p. 268.
110. Lemaitre, Racine, op cit., p. 248.
111. RTP. t. II, p. 88-89.
112. Baudelaire, Mon cœur mis à nu, feuillet 5, OC, 1.1, p. 677.
113. Louis Veuillot, Les Odeurs de Paris, Paris, Palmé, 1867.
114. Joubert, Carnets, 2 vol., Paris, Gallimard, 1938, t. II, P. 679.
115. Ibid., p. 740-741.
116. CSB, p. 235. Cf. Lemaitre, Racine, op cit., p. 323-324.
117. CSB, p. 236.
118. Lemaitre, Racine, op cit., p. 314.
119. Gustave Lanson, Histoire de la littérature française (1895), Paris, Hachette, 1951,
p. 546-547.
120. Brunetière, Histoire et Littérature, op cit… t. II, p. I et 2.
121. Ibid., p. 17.
122. Ibid… p. 11-12.
123. Ibid., p. 12.
124. Voir supra, n. 2.
125. Brunetière, Histoire et Littérature, op cit., t. II, p. 14.
126. André Suarès, Sur la vie, Paris, Coll. de la Grande Revue, 1909, 1.1, p. 144.
127. Péguy, Victor-Marie, comte Hugo (1911), Œuvres en prose, 1909-1914, Paris,
Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1961, p. 777 et 781.
128. Ibid., p. 774.
129. Ibid… p. 789.
130. Ibid, p. 777.
131. CSB, p. 614. Proust était abonné aux Cahiers de la Quinzaine ; il les jugeait un tel
« fatras » qu’il n’a pas dû aller très loin dans leur lecture (lettre d’avril 1921 à
Jacques Boulenger, Corr. gén., t. III, p. 238).
132. Cité par Jean Pommier, Aspects de Racine, op cit., p. 210.
133. Lettre d’avril ou mai 1905 à Mme Fortoul, Corr., t. V, p. 127.
134. 1. Le Temps, 14 avril 1889 ; La Vie littéraire, 1891, 3e série ; Œuvres complètes,
Paris, Calmann-Lévy, 1926, t. VII, p. 32-39.
135. Revue des Deux Mondes, 1er juin 1887, p. 697.
136. France, op cit., p. 33.
137. Ibid., p. 36.
138. CSB. p. 630.
139. France, op cit., p. 39.
140. Cité par Jacques Rivière, « Baudelaire », Études (1911), Paris, Gallimard, 1944,
p. 15.
141. « [Classicisme et romantisme] », CSB, p. 617.
142. « [Réponse à une enquête des Annales] », CSB, p. 641,
143. Lettre de novembre 1920, Corr. gén., t. III, p. 86.
144. Gide, Journal, 1889-1939, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade »,
1951, p. 692.
145. CSB, p. 632
146. C’est la thèse de Claude Pichois dans son édition des Fleurs du Mal (OC, 1.1,
p. 793-794).
147. CSB, p. 618.
148. Ibid… p. 632-633.
149. RTP. t. III, p. 3 et 17.
150. CSB. p. 633. Le jugement porté par Morel est sévère ; il s’avère plus nuancé et
équivoque dans le roman.
151. Lettre du 4 janvier 1921 à Charles Bugnet, BSAMP. n° 3, 1953, p. 13.
152. CSB, p. 534.
153. Ibid., p. 535.
154. Ibid., p. 536.
155. 1. Baudelaire, Mon cœur mis à nu, feuillet 5, OC, t. I, p. 678.
156. RTP, 1.1, p. 4-5.
4
Huysmans, ou la lecture
perverse de la Renaissance
1
italienne
Le caoutchouc d’Albertine
La page de Proust que je rapprocherai de celle de Huysmans ne
se trouve pas dans la Recherche du temps perdu ; elle appartient à un
cahier de brouillon pour Sodome et Gomorrhe, datant du début de la
guerre de 1914, le Cahier 46. Après l’invention d’Albertine, ce
cahier met en place le second séjour à Balbec. Le héros est à la
recherche de la jeune fille dans une station voisine, mais il ne la
trouve pas.
1. Une première version de ce chapitre a été publiée dans André Guyaux, Christian
Heck et Robert Kopp (éd.), Huysmans. Une esthétique de a décadence, Paris,
Champion, 1987.
2. Voir Mario Praz, La Chair. la Mort et le Diable dans a littérature du XIXe siècle. Le
Romantisme noir (1930), trad. fr. de Constance Thompson Pasquali, Paris, Denoël,
1977.
3. « Blanchi », Certains (1889), Paris, Stock, 3e éd., 1898, p. 220. Jean Lorrain, dans
le compte rendu de Certains, insiste sur ce dernier petit chapitre : « le tout
couronné par le plus troublant morceau de littérature qui ait peut-être été jamais
écrit depuis d’Aurevilly et Baudelaire, à propos d’un tableau du Louvre, de
Bianchi » (Du temps que les bêtes parlaient Portraits littéraires et mondains, Paris, Éd.
du Courrier français, s.d. [1911], p. 222).
4. Francesco Marmitta, Vierge et Enfant entre saint Benoît et saint Quentin, musée du
Louvre, inventaire n° 116. Huysmans attribue le tableau à Francesco Bianchi
comme Théophile Gautier, qui, sensible à l’androgyne, le décrivait pourtant avec
neutralité : « Le saint a la tête nue, une tête juvénile et fière, et le paladin chez lui
est plus visible que le bienheureux » (Guide de l’amateur du musée du Louvre, Paris,
Charpentier, 1882, p. 81).
5. Certains, op cit., P. 221.
6. Ibid., P. 222-223.
7. A l’ombre des jeunes lles en eurs, RTP, t. II, p. 205.
8. Certains, op cit., p. 223-224.
9. Ibid., p. 225.
10. Ibid, p. 226.
11. Ibid… p. 223.
12. Ibid… p. 226.
13. Ibid., p. 220.
14. Préface de La Jeunesse du Pérugin et les Origines de l’école ombrienne, par l’abbé J.-
C. Broussole, Paris, Oudin, 1901, p. VII.
15. Certains, op cit., p. 227.
16. La Jeunesse du Pérugin… op cit., p. IV.
17. Ibid., p. VII.
18. Propos rapporté par Gustave Coquiot, Le Vrai J.-K. Huysmans, Paris, Bosse, 1912,
p. 91.
19. « Noëls du Louvre », L’Écho de Paris, 28 décembre 1898 ; De tout, Paris, Plon-
Nourrit, 1901, p. 138.
20. Voir supra, chap. III, p. 106. Dans les œuvres mythologiques d’Elstir, le poète
appartient également à une race « caractérisée par une certaine insexualité » (Le
Côté de Guermantes II, RTP, t. II, p. 714-715).
21. Certains, op cit., p. 19.
22. Ibid., p. 78.
23. Gustave Moreau, copie d’après Francesco Marmitta, mais sous l’attribution de
l’époque : « Biancho dei Frari G. M. », n° 4715, Catalogue des dessins de Gustave
Moreau. Musée Gustave Moreau, établi par P Bittler et P.-L. Mathieu, Paris, Éd. de
la Réunion des Musées nationaux, 1983.
24. Cahier 46, f° 58v et 94r° ; RTP, t. III, Esquisse xvn, p. 1089.
25. Cahier 46, f° 58v°, paperole ; RTP, t. III, Esquisse XVII, p. 1089-1090.
26. Cahier 46, f° 58v, addition marginale ; RTP, t. III, Esquisse XVII, var. a, p. 1090.
27. Voir « Métonymie chez Proust », Figures III, Paris, Éd. du Seuil, 1972.
28. Cahier 71, f 9v° ; RTP, t. III, Esquisse XVI, p. 1069.
29. « Impressions de route en automobile », Pastiches et Mélanges, CSB, p. 66- 67.
30. A rebours, op. cit., p. 153.
31. Curieuse, Paris, Laurent, 1886, p. 6.
32. Ibid., p. 7-8.
33. Ibid., p. 7.
34. Ibid., p. 49.
35. A cœur perdu, Paris, Édinger, 1888, p. 26.
36. RTP, 1.1, p. 318.
37. Ibid… p. 417.
38. La Maison Nucingen, La Comédie humaine, éd. Pierre-Georges Castex, Paris,
Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1976-1981, t. VI, p. 348.
39. RTP, t. I, p. 411.
40. La Comédie humaine, op. cit… t. VI, p. 344-345.
41. Les Secrets de la princesse de Cadignan, La Comédie humaine, op cit., t. VI, p. 953.
42. « Over the nakedness of her rm and luminous breasts, just below the neck, there is
passed a band as of métal. » La description appelle aussitôt l’image de Méduse :
« her hair, close and curled, seems ready to shudder in sunder and divide into snakes »
(« Notes on Designs of the Old Masters at Florence », Essays and Studies, Londres,
Chatto and Windus, 1875, p. 319-320). Voir M. Praz, La Chair, la Mort et le
Diable…, op cit., p. 211.
43. RTP, t. III, p. 258-259.
44. RTP, t. IV, p. 70-71.
45. A rebours, op cit., p. 216.
46. « Le Salon officiel de 1880 », L’Art moderne, Paris, Charpentier, 1883, p. 136-137.
47. RTP, t. III, p. 22. Mais il y a plusieurs héroïnes de ce nom.
48. Cité par Mario Praz, La Chair, la Mort et le Diable…, op cit., p. 277.
49. Certains, op cit., p. 227.
50. A rebours, op cit., p. 210-211.
51. Cahier 47, f°23r° ; RTP, t. III, Esquisse XI, p. 1022.
52. Cahier 46, f 97r ; addition marginale ; RTP, t. III, Esquisse XVII, var. a, p. 1091.
5
1
Tableaux vivants dans le roman
La voix su t
Entre les ébauches de la Recherche du temps perdu rédigées avant
la guerre et le texte définitif, le personnage de Morel, qui d’abord ne
portait pas de nom, s’est considérablement enrichi et absolument
transformé. En 1911, le musicien était, comme on l’a vu, un saint
Georges à la mode fin de siècle, « un pierrot peint, couvert de
poudre et de fard », et une « petite tante déguisée en soldat 16 ». Son
allure féminine servait à illustrer la puissance de l’imagination,
autorisant M. de Charlus, à l’époque M. de Gurcy, à voir en lui
l’homme qu’il n’était pas. Pendant la guerre, la conception du
pianiste, devenu entre-temps un violoniste pour le distinguer
davantage de son modèle, Léon Delafosse, favori de Montesquiou de
1894 à 1897, s’est renversée. En marge de son apparition sur le quai
de la gare de Doncières, Proust se propose, selon une notation déjà
citée, de « donner à ce jeune homme un bel air si mâle qu’il soit
insoupçonnable », et il ajoute encore, ce qui paraît une référence à
un modèle, « genre fils Hermant 17 ». Prenons la chose du point de
vue de l’éditeur : une note semble indispensable, pour éclairer
l’allusion.
Mon idée – mais n’en faisons pas une « thèse générale », comme
dirait le duc de Guermantes – est qu’il n’y a pas d’hapax dans
l’écriture de Proust, que tout s’y répète, en particulier des lettres au
roman. La correspondance permet de lever presque tous les mystères
du texte : références et allusions, citations et noms propres, etc.
Comme si ne venaient, ne revenaient à la plume, à la mémoire de
l’écrivain, que des mots déjà déposés sur le papier, sinon les pages
de gauche des cahiers, du moins une lettre.
Proust semble avoir fait la connaissance du fils adoptif d’Abel
Hermant en 1908 – je reviendrai sur cette année fatidique, qui suffit
pour enregistrer à elle seule presque tout le roman, année passée
dans une sorte de coalescence ou de confusion entre la vie et
l’écriture, comme si le vivant était d’emblée écrit, écrit même avant
d’être vécu –, et il confie à Mme de Noailles au mois de mars :
Et au feuillet suivant :
Rêve. Papa près de nous. Robert lui parle, le fait sourire, lui
fait répondre exactement à chaque chose. Illusion absolue de
la vie. Donc tu vois que mort on est presque en vie. Peut-être
se tromperait-il dans les réponses mais enfin simulacre de la
55
vie. Peut-être n’est-il pas mort .
Ma grand-mère
Chaque fois que je rêvais d’elle je croyais qu’elle s’était
couchée sans me le dire j’étais désolé je voyais Françoise
passer furtivement. Elle était couchée mais pas encore
endormie, mais elle me renvoyait vite, brusquement, comme
si c’était trop tard de désirer la voir, que dans le jour je lui
avais préféré tout le monde, et maintenant elle ne voulait pas
me voir, et éteignant sa lumière elle feignait de s’endormir 66.
Puis en écho :
… les vrais livres doivent être les enfants non du grand jour
et de la causerie mais de l’obscurité et du silence. Et comme
l’art recompose exactement la vie, autour des vérités qu’on a
atteintes en soi-même flottera toujours une atmosphère de
poésie, la douceur d’un mystère qui n’est que le vestige de la
pénombre que nous avons dû traverser, 1 indication,
marquée exactement comme par un altimètre, de la
profondeur d’une œuvre 81
Obscurité, pénombre, profondeur : l’idéal du Temps retrouvé
s’enracine dans le monde du sommeil et du rêve parcouru dans « Les
intermittences du cœur », « sur les flots noirs de notre propre sang
comme sur un Léthé intérieur aux sextuples replis 82 ».
1. Une première version de ce chapitre a été publiée dans Michel Contât (éd.),
L’Auteur et le Manuscrit, Paris, PUF, 1989.
2. La Prisonnière, RTP, t. III, p. 687-693.
3. Sodome et Gomorrhe, RTP, t. III, p. 239-244 ; Le Temps retrouvé, RTP, t. IV, p. 424-
425.
4. F° 51.
5. RTP, t. III, p. 137-138. Cahier 60, f » 70-74. Dactylographie : N.a.fr. 16739, f° 1-2.
6. Cité par Jean-Denis Bredin, L’A aire, Paris, Julliard, 1983, p. 248.
7. Sodome et Gomorrhe, RTP, t. III, p. 109 et var. d. Manuscrit : Cahier III, f°9.
Dactylographie : N.a.fr. 16728, f° 108.
8. George D. Painter, Marcel Proust, op. cit., 1.1, p. 147-149, Le nom de Brichot
rappelle aussi celui de Brichet, professeur de mathématiques de Proust au lycée
Condorcet (André Ferré, Les Années de collège de Marcel Proust, Paris, Gallimard,
1959, p. 132).
9. Cahier 24, f° 3-7, et RTP. t. III, p. 830-833.
10. Cahier 47, f°22r°35r° ; RTP. t. III, Esquisse XI, p. 1021-1030.
11. La Mission de Cruchod, Paris, Dentu, 1885, réédité sous le titre Le Disciple aimé,
Paris, Ollendorff, 1895.
12. Cahier 47, f » 12rM5r° ; RTP, Esquisse XI, p. 1019-1021.
13. Sodome et Gomorrhe. RTP. t. III, p. 254-257.
14. Bouchard et Charcot sont peut-être ses modèles : voir Sodome et Gomorrhe, RTP,
t. III, p. 349.
15. Carnet 1, f°51r° ; Le Carnet de 1908, éd. Philip Kolb, Paris, Gallimard, coll.
« Cahiers Marcel Proust », 1976, p. 120 ; RTP, t. III, Esquisse XII, p. 1031. Cahier
51, f° 7r° ; Matinée chez la princesse de Guermantes, op. cit., p. 51 ; RTP, t. III,
Esquisse II, p. 936-938.
16. Cahier 47, f 22r°-23r° ; RTP, t. III, Esquisse XI, p. 1022. Voir supra, chap. IV, p. 126.
17. Cahier 46, f° 97r° ; RTP, t. III, Esquisse XVII, var. a, p. 1091.
18. Corr., t. VIII, p. 72-73.
19. Cahier 57, f°40r° ; Matinée chez la princesse de Guermantes, op. cit., p. 377.
20. Cahier 49, f° 49v° ; RTP, t. III, Esquisse IV, p. 954. Sur la ressemblance de Mme de
Marsantes avec son autre frère, le duc de Guermantes, voir Le Côté de
Guermantes I, RTP. t. II, p. 547.
21. RTP. t. III, p. 356.
22. Ibid… p. 63.
23. Sur l’interprétation de ce fantasme, voir infra, chap. IX, p. 266 sq.
24. A l’ombre des jeunes lles en eurs, RTP. 1.1, p. 546.
25. 1. RTP. t. III, var. a. p. 31. Manuscrit : Cahier I, f° 58-59. Copie au carbone non
corrigée de la première dactylographie : N.a.fr. 16738, f°46. Deuxième
dactylographie : N.a.fr. 16738, f°74.
26. 2. Trad. fr. de E. Heckel, Paris, Reinwald, 1878.
27. ibid… P. XXXIII.
28. Corr… t. III, p. 61.
29. Corr., t. V, p. 316. En 1919, dans la préface des Propos de peintre de Blanche,
Proust se décrit comme « moi enchaîné à mon rocher » (CSB, p. 582).
30. RTP. t. III, p. 27-28.
31. Cahier 6, f°41r° ; RTP, t. III, EsquisseI, p. 933.
32. XXVII.
33. Opus 1, n° 1 (1862).
34. Les Voix intérieures, XI ; cité dans RTP, t. III, p. 28. Reynaldo Hahn composa sa
mélodie à quatorze ans, en 1888, sous le titre Rêverie (Mélodies, op. cit., t. I, p. 1).
Fauré avait lui aussi mis en musique ce poème (opus 10, n° 1, 1874). Proust citait
aussi le poème dans une esquisse du Contre Sainte-Beuve pour « La race des
tantes » : Cahier 51, f° 7v° ; Matinée chez la princesse de Guermantes, op. cit., p. 54 ;
RTP, t. III, Esquisse II, p. 938.
35. Voir supra, chap. IV, p. 125.
36. Cahiers 43 et 49 ; RTP. t. III, Esquisses VI, p. 979-981, et vm, p. 983 sq.
37. Corr., t. VIII, p. 63, 93, 112.
38. Ibid., p. 135.
39. Lettre à François de Paris, ibid., p. 138.
40. Ibid… p. 147-148.
41. Ibid. p. 175.
42. RTP. t. IV, p. 567.
43. RTP. t. II, p. 807-811.
44. RTP. 1.1, p. 332.
45. Cahier 49, f° 12rM3r° ; RTP. t. III, Esquisse VIII, p. 986.
46. Corr… t. XIII, p. 217-221 ; RTP, t. IV, p. 37-39.
47. Lettre de septembre 1921 à Gaston Gallimard, Lettres à la NRF, Paris, Gallimard,
1932, p. 158.
48. Voir Kazuyoshi Yoshikawa, « Marcel Proust en 1908 », Études de langue et
littérature françaises, n° 22, 1973.
49. Carnet 1, f° 10v° ; Le Carnet de 1908, op. cit., p. 60.
50. Carnet 1, f° llr° ; Le Carnet de 1908. op. cit… p. 61.
51. Carnet 1, f° 12r° ; Le Carnet de 1980, op. cit., p. 63.
52. RTP. t. III, p. 335 et 339.
53. Carnet 1, f° 2r° ; Le Carnet de 1908, op. cit., p. 47 ; RTP, t. III, Esquisse XII, p. 1031.
54. Cahier 50, f 15r° ; RTP, t. III, Esquisse XIII, p. 1032-1033.
55. Carnet I, f° 3v ; Le Carnet de 1908, op. cit., p. 50 ; RTP, t. III, Esquisse XII, p. 1031.
56. Cahier 48, f° 50v°-51v° ; RTP. t. III, Esquisse XIII, p. 1048.
57. RTP, t. III, p. 175-176.
58. Carnet 1, f° 4r° ; Le Carnet de 1908. op. cit… p. 50-5 ; RTP, t. III, Esquisse XII,
p. 1031.
59. RTP, 1.1, p. 372.
60. Cahier 50, f° 31r°-34r° ; RTP, t. III, Esquisse X, p. 1045-1046.
61. RTP, t. III, p. 157-159.
62. Ibid., p. 158.
63. Carnet 1, f° 5v° ; Le Carnet de 1908, op. cit., p. 53.
64. Corr., t. VIII, p. 183.
65. Carnet 1, f° 50r-51v° ; Le Carnet de 1908, op. cit., p. 118-120 ; RTP. t. III,
Esquisse XII, p. 1031-1032.
66. Carnet 1, f ° 54r° ; Le Carnet de 1908, op. cit., p. 124 ; RTP, t. III, Esquisse XII,
p. 1032.
67. Cahier 50, f ° 23v° ; RTP. t. III, Esquisse XIII, p. 1042.
68. Cahier 50, f° 26r ; RTP, t. III, Esquisse XIII, p. 1038.
69. RTP, t. III, p. 159.
70. Cahier 48, f 48rM9r° ; RTP, t. III, Esquisse XIII, p. 1046.
71. N.a.fr. 16739, f°28.
72. N.a.fr. 16711, f° 33.
73. Le Carnet de 1908, op. cit., p. 69.
74. Paris, Lemerre, 1877
75. Pastiches et Mélanges, CSB, p. 155.
76. Lettre de janvier 1914 à Henri Ghéon, Corr., t. XIII, p. 26 ; et lettre de
novembre 1919 à Paul Souday, Corr. gén., t. III, p. 69.
77. Liliane Fearn, « Sur un rêve de Marcel », BSAMP, n° 17, 1967, p. 535-549.
78. Cahier 26, f° 15-21 ; voir notre édition de Du côté de chez Swann, op. cit., p. 437.
79. Alain Roger, Proust. Les plaisirs et les noms, Paris, Denoel, 1985, p. 85.
80. Figures III, op. cit., p. 199.
81. RTP. t. IV, p. 476.
82. RTP. t. II, p. 157.
6
Dévotion baudelairienne
Curieusement, Proust ne mentionne jamais les journaux intimes
de Baudelaire, publiés pour la première fois en 1887 et rééditésen
1908, qui ont renforcé l’assimilation du poète avec le décadentisme.
Il n’est pourtant guère contestable qu’il voit en Baudelaire le modèle
de la « maladie de la volonté » à laquelle il attribue, dès La
Confession d’une jeune lle, les traits de son caractère et les carences
de ses héros. Le mal tel que Proust le représente, du moins jusqu’au
Contre Sainte-Beuve, sous l’espèce des « petites vieilles » et des
« mères profanées » en particulier, paraît proche du mal
baudelairien, tel que la fin du siècle Ta perçu : confusion de la
volupté et du mal, déchirement entre l’horreur et l’extase,
coexistence de l’amour et de la haine. « Il y a dans tout homme, à
toute heure, écrivait Baudelaire dans Mon cœur mis à nu, deux
postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan 54. » Ou
encore : « Tout enfant, j’ai senti dans mon cœur deux sentiments
contradictoires, l’horreur de la vie et l’extase de la vie. C’est bien le
fait d’un paresseux nerveux 55. » Les arguments en faveur d’une
parenté de Baudelaire et de Proust dans le mal de la fin de siècle ne
manquent pas. Mais il n’est pas certain, comme on le verra, qu’au-
delà des manifestations du mal son origine soit la même chez les
deux écrivains.
Ainsi le scénario du mélodrame que Proust envisagea d’écrire en
1906, selon une lettre à Reynaldo Hahn :
Ni Dieu ni diable
« Je suppose que c’est cela que chanterait un pédéraste qui
violerait un enfant de chœur 93 », écrivait Proust à Montesquiou, en
mars 1912, d’une des trois Romances sans paroles de Fauré. Le
fantasme est intéressant, mais, comme nous l’avons vu, il a été
suscité par une lettre piquante du comte 94. Proust, mis au défi, ne
faisait que répliquer : « Quant au mélange de litanies et de foutre
dont vous me parlez, l’expression la plus délicieuse que j’en
connaisse », disait-il, se trouve chez Fauré.
Le « mélange de litanies et de foutre », de sexualité et de
religiosité n’appartient pas à Proust. L’enfant de chœur violé par un
amateur de Fauré, c’est une mise en scène imaginée pour le
destinataire de la lettre, et le destinataire d’une lettre de Proust en
est, on l’a dit, pour une bonne part l’auteur. Dans Sodome et
Gomorrhe, Proust se moque du fatras de sadisme et de catholicisme
qui caractérisa la décadence française, à travers ce « couplet inepte
et bigarré » de Brichot. L’enfant de chœur y reste un symbole :
Vers de septembre
S’il fallait attacher à Proust un seul vers de Baudelaire, ce serait
« le soleil rayonnant sur la mer ». Pas même un vers, le bout du vers
20 de Chant d’automne, la pointe de la cinquième strophe du
poème :
II
Pastiches baudelairiens
Tout au long de l’œuvre de Proust, le « soleil rayonnant sur la
mer » ne cessera de réapparaître, à commencer par un poème en
prose sur la lune, des Regrets, rêveries couleur du temps dans Les
Plaisirs et les Jours : « La nuit était venue, je suis allé à ma chambre,
anxieux de rester maintenant dans l’obscurité sans plus voir le ciel,
les champs et la mer rayonner sous le soleil 33. » Il se peut que Proust
fasse allusion à cette courte page dans une lettre de Trouville à
Reynaldo Hahn, en septembre 1894, quelques semaines après qu’il a
connu le musicien : « Il fait un temps charmant, des clairs de lune
dont vous lirez une interprétation selon vous 34. » Septembre,
Trouville, Beg-Meil ou Cabourg, Reynaldo Hahn : c’est la
constellation nostalgique qui rappelle le vers de Baudelaire.
À une autre page des Plaisirs et les Jours, dans Mélancolique
villégiature de Mme de Breyves, « le soleil couchant dans la mer »
servait déjà de terme de comparaison à l’« inexprimable sentiment
du mystère des choses où notre esprit s’abîme dans un rayonnement
de beauté », et appelait une citation du poète de Chant d’automne,
« car (comme l’a dit Baudelaire, parlant des fins d’après-midi
d’automne) il est des sensations dont le vague n’exclut pas l’intensité
et il n’est pas de pointe plus acérée que celle de l’infini 35 ». Le
« soleil rayonnant sur la mer », que Proust paraît entendre à
l’époque des Plaisirs et les Jours comme le rayonnement du soleil
d’automne, est l’instrument d’une douleur exquise. « Que les fins de
journée d’automne sont pénétrantes ! Ah ! pénétrantes jusqu’à la
douleur ! » Ainsi débutait Le « con teor » de l’artiste du Spleen de
Paris, avant la citation approximative de Proust 36.
La Mer, un autre poème en prose des Regrets, Rêveries couleur du
temps, reprend le refrain : « Elle rayonne sous le soleil et chaque soir
semble mourir avec lui 37. » Nouvelle indication : Proust associe le
rayonnement à la tombée du soleil sur la mer, au crépuscule sinon à
l’arrière-saison. Et toujours la tristesse rêveuse : « C’est le moment
de ses reflets mélancoliques et si doux qu’on sent son cœur se fondre
en les regardant. » La tonalité baudelairienne de ces poèmes en
prose est frappante, jusqu’à l’adjectif « doux », celui même du
« rayon jaune », dont Proust abuse comme Baudelaire. L’atmosphère
est celle du Voyage et de la nostalgie du soleil :
« Midi, Roi des étés »
À la recherche du temps perdu révélera une autre attitude face à
Baudelaire : le « soleil rayonnant sur la mer » n’est plus imité ni
pastiché comme il l’était dans Les Plaisirs et les Jours, ni interdit ou
passé sous silence comme dans Jean Santeuil, mais accepté
ouvertement comme un vers inimitable et parfait. Baudelaire
demeure le modèle de l’épithète légitime, et le « soleil rayonnant »
figure désormais entre guillemets, tenant lieu de toute description
de la mer, dans À l’ombre des jeunes lles en eurs. Ainsi, lors des
promenades avec Mme de Villeparisis : « Avant de monter en
voiture, j’avais composé le tableau de mer que j’allais chercher, que
j’espérais voir avec le “soleil rayonnant”, et qu’à Balbec je
n’apercevais que trop morcelé… » 51 Le « soleil rayonnant » conserve
la valeur d’un mot de passe, d’un sésame qui condense toutes les
visions poétiques de la mer parce qu’il fut à leur origine. Rendu à
Balbec, le héros est comme à la recherche « des effets décrits par
Baudelaire 52 ». Retrouver la sensation transposée dans Les Fleurs du
Mal sera le but du voyage : retrouver, non plus recopier ou redouter.
Demeure toutefois entière l’énigme du vers, de sa puissance aux
yeux de Proust : la raison des effets. Au plus près du cliché, d’où
vient qu’il l’envoûte à ce point ? Il y est certes question d’une chose
grande et simple. La beauté triste du vers tiendrait à sa coïncidence
avec cette chose-là. Mais laquelle ?
Les poèmes en prose des Plaisirs et les Jours rattachaient l’image
au crépuscule, associaient le « soleil rayonnant » aux « rayons du
soleil couchant », au soleil bas de septembre. Le « soleil rayonnant
sur la mer » s’identifiait alors avec le « soleil couchant dans la mer ».
Dans À l’ombre des jeunes lles en eurs en revanche, dès le
premier matin à Balbec, l’image est expressément déplacée et
interprétée différemment. Le héros aperçoit la mer de la salle à
manger du Grand-Hôtel :
De la réminiscence manquée
à la réminiscence réussie
Être sensible à la poésie de Baudelaire, par opposition aux
Legrandin, réclame qu’on le soit aux choses les plus grandes et les
plus simples, aux vers les plus dépouillés, « rasant la prose » comme
ceux de Racine : par exemple à « l’azur du ciel immense et rond »,
que Proust cite lors de la révélation esthétique du Temps retrouvé,
comme une « sensation transposée 63 ». Dans cevers, la transposition
a réussi, la mémoire involontaire a transcendé la sensation, ainsi
que le début du vers le suggérait :
Vous me rendez l’azur du ciel immense et rond,
Épithète et syntaxe
Contre la « rareté » des Goncourt, le « déraillement » beuvien ou
l’« altération du nom » qu’il critiquait chez Jacques-Emile Blanche,
Proust privilégie l’altération de la syntaxe. Il caractérisela façon
d’écrire de Bergotte par « ces altérations de la syntaxe et de l’accent
qui [sont] en relation nécessaire avec l’originalité intellectuelle 128 »,
ou celle de Flaubert par « les singularités immuables d’une syntaxe
déformante 129 » : « Comme il a tant peiné sur sa syntaxe, c’est en
elle qu’il a logé pour toujours son originalité. C’est un génie
grammatical 130. » Le témoignage le plus éloquent de l’équation
posée par Proust entre l’originalité du style et l’audace syntaxique se
trouve dans une belle lettre coléreuse de novembre 1908 à
Mme Straus, où il se moque des épithètes de Louis Ganderax, le
directeur de La Revue de Paris :
Les termes sont ceux d’un débat classique depuis les Grecs. Entre
les deux, ou au-delà, réside la brevitas, qui suppose que l’écrivain
dispose d’une copia afin de toujours trouver le mot juste :
« L’écrivain de premier ordre est celui qui emploie les mots mêmes
que lui dicte une nécessité intérieure. » Mais qu’il cède au désir de
plaire : « Alors il fera un livre de second ordre avec tout ce qui est tu
dans un beau livre et qui compose sa noble atmosphère de silence,
ce merveilleux vernis qui, brille du sacrifice de tout ce qu’on n’a pas
dit. Au lieu d’écrire L’Éducation sentimentale il écrira Fort comme la
Mort. » Proust a certes beaucoup écrit. Mais il n’a pas tout dit.
D’ailleurs, il n’y a qu’à songer aux innombrables versions de la
première phrase de « Combray » pour comprendre ce qu’il a en tête.
Et le « soleil rayonnant sur la mer » ? Fallait-il tous ces
développements pour expliquer un vers d’une simplicité somme
toute enfantine, comme une montagne accouche d’une souris ? Ce
n’est pas le vers le plus irremplaçable des Fleurs du Mal ; il
n’empêche que nul autre ne représente mieux la théorie proustienne
du style. L’épithète engage à coup sûr la syntaxe, étant elle-même
un participe présent : adjectif verbal ou vrai participe présent,
adjectif ou verbe, « soleil radieux » ou « soleil qui irradie », il faut
choisir. Or, l’article défini et le complément font pencher la lecture
du côté d’un participe présent déterminatif, c’est-à-dire d’un verbe :
non pas « un soleil rayonnant » mais « le soleil qui rayonne sur la
mer ». Le participe passé et le participe présent, tenant à la fois du
verbe et de l’adjectif, sont des lieux privilégiés du froissement de la
langue : Sainte-Beuve, l’un despremiers, avait exploité
méthodiquement leur faculté d’altérer la syntaxe. Mais le « soleil
rayonnant sur la mer » n’est guère séparable du « rien ne me vaut »
qui le régit :
1. Une première version de ce chapitre a été publiée dans Littérature moderne n° 2,
1989.
2. RTP. t. III. p. 473.
3. Ibid… p. 336.
4. Volupté, éd. André Guyaux. Paris. Gallimard, coll. « Folio », 1986, p. 209.
5. RTP. t. III. p. 473.
6. Ibid… p. 473-474.
7. Ruskin. Sésame et les Lys, trad. fr. de Marcel Proust. Paris, Mercure de France.
1906. p. 94 (suite de la note 1 de la page 93).
8. CSB. p. 248.
9. RTP, t. III. p. 336.
10. « Préface de Tendres Stocks ». CSB, p. 610.
11. « Critique du roman de M. Gustave Flaubert sur l’“Affaire Lemoine” par Sainte-
Beuve », Pastiches et Mélanges. CSB. p. 16. Proust a fait deux pastiches de Sainte-
Beuve. l’un publié (ibid., p. 16-20), l’autre resté à l’état de brouillon dans le Carnet
1 (ibid., p. 195-196). Voir Jean Milly. Les Pastiches de Proust, Paris. Armand Colin.
1970, p. 108-110.
12. Sodome et Gomorrhe, RTP, t. III. p. 218.
13. Ibid., p. 209.
14. Cahier 46, f° 74v°-75v° ; RTP. t. III, Esquisse XVII, p. 1084. Sur cette citation, voir
infra, chap. II, p. 53-54.
15. RTP, t, I, p. 118 ; t. IV, p. 177 ; t. III, p. 243 et 509 ; t. III, p. 28 ; t. II, p. 526.
16. Sésame et les Lys. op. cit., p. 90.
17. RTP, t. III, p. 441-442.
18. Sésame et les Lys, op. cit., p. 90, n. 1.
19. Opus 5, n° 1 (1875).
20. Je remercie André Bon pour l’aide qu’il m’a apportée dans cette analyse.
21. Les Chants du crépuscule, XXVII. C’est la première mélodie de Fauré : opus 1, n° 1
(1862). Voir supra, chap. V, p. 138-140.
22. Opus 8, n° 3 (1877).
23. Opus 58, n° 1 (1891), Mandoline, première des Cinq Mélodies dites « de Venise »,
d’après des poèmes de Verlaine.
24. Fêtes galantes (avril 1892), Mélodies, op. cit., 1.1, p. 47.
25. Corr., t. I, p. 375.
26. George D. Painter, Marcel Proust, op. cit., 1.1, p. 166.
27. Corr., t. I, p. 238. Le premier vers de la deuxième strophe, « Tout l’hiver va rentrer
dans mon être », est aussi cité dans une lettre à Léon Yeatman en décembre 1893
(ibid… 1.1, p. 265).
28. Corr., t. VIII, p. 221-222.
29. Ibid., p. 229. La phrase rappelle Sainte-Beuve, dont Proust a noté quelques
expressions voisines dans le Carnet 1 en 1908 : voir Le Carnet de 1908, op. cit.,
p. 71, 81, 91.
30. Corr., t. XI, p. 210. En août 1905, Proust cite en entier la cinquième strophe du
poème dans une lettre à Louisa de Mornand, qui est à Trouville (Corr… t. V,
p. 331). Une lettre de juin 1914 à Henry Bordeaux réunit encore le vers de
Verlaine, et une variation sur le premier vers de la deuxième strophe de Chant
d’automne. « Tout l’hiver va rentrer dans mon être » (Corr… t. XIII, p. 243).
31. CSB, p. 256-257.
32. Corr., t. III, p. 473.
33. Comme à la lumière de la lune, JS, p. 138.
34. Corr., t. I, p. 326.
35. JS, p. 75.
36. OC, t. I, p. 278.
37. JS, p. 143.
38. Ibid., p. 144.
39. Ibid… p. 390.
40. Ibid… p. 364.
41. Ibid. p. 398-399.
42. Ibid… p. 230.
43. Ibid. p. 247.
44. Ibid., p. 263.
45. Ibid., p. 262.
46. Ibid… p. 363.
47. Ibid… p. 383.
48. Ibid., p. 240.
49. CSB. p. 616.
50. JS, p. 703.
51. RTP. t. II, p. 67.
52. Ibid., p. 54.
53. Ibid., p. 34.
54. OC. t. I, p. 344.
55. Cahier 38, f° 3v° ; RTP, t. II, Esquisse XXXIV, p. 906.
56. RTP, t. III p. 206.
57. RTP, t. I, p. 125.
58. Ibid., p. 118-119.
59. Cahier 46, f° 74v° ; RTP, t. III, Esquisse XVII, p. 1084.
60. Voir supra, chap. II, p. 54 et n. 2.
61. RTP, t. III, p. 209.
62. JS, p. 263.
63. RTP, t. IV, p. 498-499.
64. Carnet 1, f° 10v° ; Le Carnet de 1908. op. cit… p. 60.
65. RTP. t. IV, p. 445-446.
66. RTP, t. II, Esquisse XXXIV, p. 906.
67. RTP, t. I, p. 568.
68. La Prisonnière, RTP. t. III, p. 909-910.
69. Sodome et Gomorrhe, RTP, t. III, p. 410.
70. Du côté de chez Swann, RTP, t. I, p. 175-176.
71. « A propos de Baudelaire », CSB, p. 624.
72. Ibid, p. 623.
73. Ibid., p. 625.
74. Le poème n’était pas scindé dans la publication préoriginale de la Revue
contemporaine, en 1859 : voir OC, t. I, p. 934.
75. Il arrive toutefois que Proust cite des vers de Chant d’automne qui n’appartiennent
pas à la mélodie de Fauré : par exemple « Tout l’hiver va rentrer dans mon être »
(Corr., 1.1, p. 265), ou « De l’arrière-saisôn le rayon jaune et doux » (Corr., t. IV,
p. 349). Voir supra, p. 195-196, d’autres citations des strophes 2 et 7 du poème,
omises par Fauré.
76. Corr., t. IV, p. 79, 138 et 404.
77. « À propos de Baudelaire », CSB, p. 624.
78. La Minerve française, 1er février 1920, p. 291-296.
79. « À propos du “style” de Flaubert », CSB, p. 596.
80. Bel exemple de la mode de l’adjectif rare : « Dans Les Corneilles, […] j’ai dit : “la
lune dichotome” pour ne pas dire “la demi-lune”, qui est une image dégoûtante »
(propos de Rosny aîné, rapporté par Jules Renard dans son Journal, Paris,
Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1960, p. 127).
81. Nouveaux Lundis, Paris, Michel Lévy, 1868, t. X, p. 410. Cité par Halévy, art. cité,
p. 294.
82. Cité par André Guyaux, Volupté, éd. citée, p. 14.
83. Volupté, op. cit., p. 329. Voir l’analyse de la langue de Volupté par Charles Bruneau
dans le tome XII, L’Époque romantique, de l’Histoire de la langue française des
origines à nos jours de Ferdinand Brunot (Paris, Armand Colin, 1948, p. 330-336) ;
et Yves Le Hir, L’Originalité littéraire de Sainte-Beuve dans « Volupté », Paris, SEDES,
1953.
84. George Sand, Correspondance, éd. Georges Lubin, Paris, Garnier, 1966, t. II, p. 713.
85. Volupté, op. cit., p. 276. Les mêmes références homériques apparaissent dans Le
Cahier vert, 1834-1847, éd. Raphaël Molho, Paris, Gallimard, 1973, p. 143 et 237.
86. Feuillet 7, OC, t. I, p. 653.
87. Du côté de chez Swann, RTP, 1.1, p. 168, 136, 71, 321.
88. Sodome et Gomorrhe, RTP, t. III, p. 304.
89. Volupté, op. cit., p. 63.
90. Du côté de chez Swann, RTP, 1.1, p. 93.
91. « Préface de Tendres Stocks » et « À propos de Baudelaire », CSB, p. 609 et 627.
92. Le Carnet de 1908. op. cit., p. 68.
93. Ibid., p. 71.
94. Ibid., p. 85
95. Ibid., p. 90.
96. Ibid., p. 93.
97. Correspondance, op. cit., t. II, p. 219.
98. CSB, p. 231-232.
99. Ibid… p. 257.
100. Ibid., p. 259.
101. Ibid., p. 261.
102. Le Temps retrouvé, RTP. t. IV, p. 476.
103. Corr.A. V, p. 195.
104. « Les Éblouissements, par la comtesse de Noailles », CSB, p. 543.
105. Voir « Journées de lecture », Pastiches et Mélanges, CSB, p. 169.
106. 4. Cahier 28, f° 33r°-34r° ; Daniela De Agostini, Maurizio Ferraris, et Bernard
Brun, L’Età dei nomi. Quaderni délia « Recherche », Milan, Mondadort, 1985, p. 249.
107. 5. Cahier 28, f° 34r°.
108. Nouveaux Lundis, op. cit., t. X, p. 410-411. Cité par Halévy, art. cité, p. 294-295.
109. Voir supra, p. 189 et n. 2.
110. « À propos de Baudelaire », CSB, p. 639.
111. Sésame et les Lys, op. cit., p. 95 (suite de la note 1 de la page 93).
112. « À propos de Baudelaire », CSB, p. 627.
113. Corr. gén., t. III, p. 148.
114. « À propos de Baudelaire », CSB, p. 638.
115. CSB, p. 616.
116. Voir supra, chap. 1, p. 39 sq.
117. Corr., t. XII, p. 38.
118. Ibid., p. 37.
119. Voir supra, chap. I, p. 38.
120. Corr., t. XIII, p. 24-25.
121. Lettre de février 1913, Corr., t. XII, p. 70.
122. CSB, p. 234.
123. Benjamin, Charles Baudelaire, un poète lyrique à l’apogée du capitalisme, op. cit.,
p. 226.
124. RTP. t. III, p. 666-668. Voir supra, chap. I, p. 34 sq.
125. « [Gérard de Nerval] », CSB. p. 235. Cf. « À propos de Baudelaire », CSB. p. 638.
Proust cite La Chevelure et Un hémisphère dans une chevelure.
126. Carnet 1, f° 13v° ; Le Carnet de 1908. op. cit… p. 65.
127. « À propos de Baudelaire », CSB, p. 638.
128. A l’ombre des jeunes lles en eurs, RTP, 1.1, p. 545.
129. « A propos du “style” de Flaubert », CSB. p. 593.
130. « A ajouter à Flaubert », CSB, p. 299.
131. Corr… t. VIII, p. 276-277.
132. « Journées de lecture », Pastiches et Mélanges, CSB, p. 192. Proust rencontre
Boileau, qui disait de « Je t’aimais inconstant, qu’aurais-je fait fidèle ! » : « Où en
serait M. Racine si on allait lui chicaner ce beau vers […] ? Ces sortes de petites
licences de construction, non seulement ne sont pas des fautes, mais sont même
assez souvent un des plus grands charmes de la poésie… » (Boileau, lettre à
Brossette, 2 août 1703 ; cité dans le Théâtre complet de Racine, éd. Jean- Pierre
Collinet, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1982, t. 1, p. 496.) Proust verra en
Baudelaire un classique, un frère de Racine, pour ce genre de vers audacieux qui
excèdent la doctrine classique.
133. « À propos du “style” de Flaubert », CSB, p. 590.
134. RTP. t. III, p. 336-337.
135. CSB, p. 588.
136. Du côté de chez Swann, RTP, 1.1, p. 47.
137. Sésame et les Lys, op. cit., p. 85, n. 1.
138. OC, t. I, var. b, p. 57 [p. 935].
139. RTP, t. IV, p. 468.
140. Ibid., var. a, p. 468.
141. Voir supra, p. 217 et n. 4.
142. Cahier 28, f° 33r° ; L’Età dei nomi, op. cit., p. 249.
8
Brichot : étymologie
1
et allégorie
Le curé de Combray
Dans Du côté de chez Swann, plusieurs noms de lieux sont
expliqués par le curé de Combray, lors de ses visites à la tante
Léonie. Le thème est tardif : absent du manuscrit et de la
dactylographie, il apparaît dans des additions manuscrites des
secondes épreuves, pas avant l’été de 1913 8 La source de Proust est
alors un petit livre de Jules Quicherat, De la Formation française des
anciens noms de lieu 9. Mais, si Proust s’est inspiré de l’ouvrage de
Quicherat pour les quelques étymologies de « Combray », la source
des interminables divagations de Sodome et Gomorrhe n’est pas la
même, on le verra.
Dans « Combray », donc, le curé étaye ses leçons sur l’histoire de
la région par des preuves par l’étymologie : Roussainville est assimilé
à Rouville < Radul villa, sur le modèle deChâteauroux < Castrum
Radul , donné par Quicherat 10. Saint Hilaire, Illiers, Hélier, Ylie, dans
le Jura, sont interprétés comme des corruptions de Sanctus Hilarius,
tandis que Quicherat donnait comme exemples de « noms
complètement défigurés » Saint-Illiers (Seine-et-Oise) et Saint-Ylie
(Jura) 11. Et surtout, Sancta Eulalia est devenu Saint-Éloi, en
Bourgogne, de même que Quicherat citait, parmi les « noms dont le
genre a changé »,Sancta Eulalia, Saint-Éloi (Ain) 12. « Voyez-vous,
Eulalie, qu’après votre mort on fasse de vous un homme ? » conclut
le curé. Thiberzy < Theodeberciacus et Jouy-le-Vicomte < Gaudiacus
vice comitis 13 sont formés sur les modèles de Thiberzey <
Theudeberciaco pour l’un 14, Jouy < Gaudiacus et La Chaize-le-Vicomte
< Casa vice comitis pour l’autre 15.
Un peu plus loin, Champieu < Campus Pagani se conforme à
Campus Pagani, Champien (Yonne), pour Champayen, donné par
Quicherat 16.
C’est peu de chose, mais ces quelques étymologies tardives
rejoignent le registre copieux des renvois que l’on trouve dans
« Combray » aux savoirs du XIXe siècle et au goût pour le Moyen Age,
depuis les Récits des temps mérovingiens d’Augustin Thierry (1840)
jusqu’à L’Art religieux du XIIIe siècle en France d’Émile Mâle (1898), en
passant par Ruskin, tous mis à contribution dans les nombreuses
allusions médiévales du texte. Une distinction est pourtant
essentielle : Augustin Thierry, que Proust lut avec passion dans son
enfance, Émile Mâle et Ruskin, qu’il découvrit avant 1900 et ne
lâcha pas, sont des références mythiques, intimes, subjectives, de
celles dont l’évocation en dit plus sur l’état où l’on était quand on
les a lues que sur elles-mêmes. Ce n’est pas le cas des étymologies,
qui représentent l’autre côté de la lecture : l’érudition. Le savoir
incarné par le curé de Combray est d’entrée de jeu un peu ridicule.
Extérieur, déterministe, événementiel, il paraît insignifiant auprès
de l’imaginaire des noms. Ainsi le curé pastiche un autre savant
pour l’histoire de Combray, le chanoine Joseph Marquis, doyen
d’Illiers, qui consacra un ouvrage à ce village en 1904. Proust en
possédait un exemplaire 17, Une monographie de ce genre, qui
représente le comble de l’érudition traditionnelle, contient elle-
même quelques étymologies, et Proust les utilise pour les noms des
rues de Combray, comme la rue de l’Oiseau : « L’hôtellerie de
l’Oiseau fléché a laissé son nom à une rue, au cœur d’Illiers. Son
enseigne offrait l’image d’un oiseau atteint d’une flèche » 18
A la page même des étymologies, le curé paraphrase sans
vergogne le chanoine Marquis, qui écrivait : « Le vicomte de
Châteaudun, Geoffroy, avait perdu, de bonne heure, son père, et
exerçait le pouvoir avec l’indépendance et la présomption d’une
jeunesse, à laquelle la discipline a manqué 19. » Ce qui devient sous
la plume de Proust : Charles le Bègue, le frère de Gilbert le Mauvais,
« exerçait le pouvoir suprême avec toute la présomption d’une
jeunesse à qui la discipline a manqué 20 ». Geoffroy de Châteaudun
entra en lutte contre l’évêque de Chartres, Fulbert, et contre le roi
Robert II le Pieux, il dévasta les exploitations rurales dépendant de
l’évêque et fut excommunié. Par ces actions, il est le modèle de
Gilbert le Mauvais, jusqu’à sa mort : « Geoffroy visite la cathédrale
de Chartres, en 1040, persuadé que l’oubli avait passé sur les
ravages et les incendies qu’il avait multipliés, autrefois, dans cette
contrée. Malheureusement, son nom était resté odieux dans la
mémoire des habitants. Au sortir de l’office divin, des Chartrains
l’assaillirent et le massacrèrent 21. » Proust reprend en écho : les
habitants de Combray « se ruèrent sur lui à la sortie de la messe et
lui tranchèrent la tête 22 ». Entremêlant Quicherat et l’abbé Marquis,
le discours du curé confirme l’ambiguïté du thème étymologique dès
« Combray ». Il se situe du côté de l’érudition locale par opposition à
la symbolique des formes, c’est-à-dire à l’iconographie d’Émile Mâle
et à l’esthétique de Ruskin, dont procède la conception de l’église de
Combray qu’a le héros. Celle-ci, qui a été exposée d’abord, avant
que le curé en ruine le charme, contient justement des emprunts à
Émile Mâle et Augustin Thierry 23. Les petits faits, les anecdotes
historiques fossilisées dans les noms de lieux et de rues n’ont rien de
l’universalité des symboles toujours vivants dans la pierre. Nulle
Bible historiée ne survit dans les noms. Si l’abbé Marquis est ainsi
encore mis à contribution de façon répétée dans les dernières pages
de « Combray », c’est seulement afin d’enrichir de notations
pittoresques le côté de Guermantes.
Les curiosités étymologiques du curé forment également
contraste avec l’onomastique poétique exposée au début de « Noms
de pays : le nom ». Suscitant autour d’eux des associations
imaginaires, les noms animent le désir du héros pour les lieux
correspondants : « …les noms présentent des personnes – et des
villes qu’ils nous habituent à croire individuelles, uniques comme
des personnes – une image confuse qui tire d’eux, de leur sonorité
éclatante ou sombre, la couleur dont elle est peinte
uniformément 24. » Que le phénomène repose sur une audition
colorée (les sons évoquant immédiatement des couleurs, comme l’a
suggéré Gérard Genette 25 ou sur des associations lexicales (les noms
propres évoquant des images par homophonie et assonance avec des
noms communs, selon l’analyse de Claudine Quémar 26), il suppose
en tout cas une autre manière pour les noms de faire sens : « …
Bayeux si haute dans sa noble dentelle rougeâtre et dont le faîte
était illuminé par le vieil or de sa dernière syllabe ; Vitré dont
l’accent aigu losangeait de bois noir le vitrage ancien ; le doux
Lamballe qui, dans son blanc, va du jaune coquille d’œuf au gris
perle 27 ». Et Coutances, Lannion, Questambert, Pontorson, Benodet,
Pont-Aven, Quimperlé… Balbec figure d’abord au milieu de ces
noms dont le mystère, le charme, tiennent aux sons. A l’étymologie,
cherchant la signification du nom dans son origine, c’est-à-dire du
côté du sens, réduisant le nom à une détermination historique par-
delà son évolution phonétique, raisonnant en termes de causes et de
lois, s’oppose la poésie, qui ouvre le nom à l’infini de la sensation,
qui voit dans le nom.
Mais « L’âge des choses » détruira les illusions de « L’âge des
noms ». Les lieux et les personnes, Balbec et les Guermantes en
particulier, ne tiendront pas la promesse de leur nom. Ainsi, le
narrateur constate, dès l’arrivée en Normandie dans l’ombre des
jeunes lles en eurs : « …pour Balbec, dès que j’y étais entré, c’avait
été comme si j’avais entrouvert un nom, qu’il eût fallu tenir
hermétiquement clos 28. » Au cours de son apprentissage, le héros
renonce à la thèse de Cratyle pour adopter celle d’Hermogène : le
nom, qui ne contient pas la vérité de la chose, est arbitraire. Voilà la
vraie antithèse du roman, celle de « L’âge des noms » et de « L’âge
des choses », de Cratyle et d’Hermogène, de l’enfance et de la
maturité, La toponymie historique ne s’identifie ni à l’un ni à l’autre
terme ; elle postule une motivation du nom, mais cette motivation
n’a rien d’essentiel. Genre hétéroclite, mixte de science et de poésie,
la toponymie est une forme encore de l’entre-deux caractéristique de
la Recherche du temps perdu 29.
De cette ambiguïté témoignent d’ailleurs quelques moments de
« Combray », à mi-chemin entre la toponymie historique et
l’onomastique poétique, entre le positivisme et l’imaginaire. La
prose d’Anatole France, en particulier Pierre Nozière, représente ce
mélange dans le roman de Proust, où l’onomastique poétique est
ainsi introduite, à la première mention de Balbec, ou à peu près.
C’est Legrandin qui parle : « Balbec ! la plus antique ossature
géologique de notre sol, vraiment Armor, la Mer, la fin de la terre,
la région maudite qu’Anatole France – un enchanteur que devrait
lire notre petit ami – a si bien peinte, sous ses brouillards éternels,
comme le véritable pays des Cimmériens, dans l’Odyssée 30. » Armor,
signifiant « sur la mer », est le nom celtique de la Bretagne, tandis
que les Cimmériens, qu’Ulysse rencontre au livre XI de l’Odyssée,
sont les anciens habitants de la Crimée actuelle. Mais Renan, dans la
« Prière sur l’Acropole », a comparé la Bretagne au pays des
Cimmériens, et Anatole France a repris l’idée dans Pierre Nozière,
après que son héros a lu l’Odyssée à la pointe du Raz.
Renan, dont se moquait Barrés, et Anatole France, l’un des
modèles de Bergotte : leur présence à la jonction de Pétymologie et
de la poésie établit l’ambiguïté de l’une comme de l’autre, d’autant
plus que la réflexion est dans la bouche de Legrandin et qu’il n’y a
pas plus équivoque que lui, dans le roman 31 En contrepoint de la
symbolique des formes d’Émile Mâle aussi bien que de
l’onomastique poétique de « L’âge des noms », la toponymie
proustienne, à l’enseigne du curé de Combray et de Legranain,
positiviste et snob, est louche bien avant d’être associée à Brichot.
Le curé réfuté
Dès le début du second séjour à Balbec, dans Sodome et
Gomorrhe, le héros se montre sensible à la particularité des noms
normands : Gonneville, Amfreville, Graincourt, Franquetot, Cambremer,
etc. Sur un faire-part de deuil, ils chantent avec leurs « joyeuses
finales en ville, en court, parfois plus sourdes (en tôt 32) ». Le thème
est encore celui de « L’âge des noms », car ceux des aristocrates
normands évoquent des villages, des châteaux et des églises. Puis,
lors de la visite des deux dames Cambremer à Balbec, Pétymologie
est vraiment introduite, sur le nom de la propriété que les
Cambremer ont louée pour la saison aux Verdurin : La Raspelière
viendrait d’Arrachepel, du nom des anciens propriétaires 33. Proust
s’inspire ici encore de la monographie du chanoine Marquis, selon
lequel les Arrachepel, signifiant « Qui arrache les pieux », ont donné
leur nom à La Rachepelière, ou La Raspelière, dans la région
d’Illiers 34. La jeune Mme de Cambremer évoque d’ailleurs aussitôt le
curé de Combray, qu’elle avait fait venir en Normandie et qui en est
vite reparti : « Mais il s’est amusé, pendant qu’il était notre voisin, à
aller consulter toutes les vieilles chartes, et il a fait une petite
brochure assez curieuse sur les noms de la région. » Le passage est
une addition du manuscrit sur une paperole. Il fait revenir dans
Sodome et Gomorrhe, par le moyen d’un livre fictif, un personnage de
« Combray », donnant rétrospectivement à sa première apparition la
valeur d’une préparation. Ce rebondissement n’était en fait pas
conçu lorsque Proust publia Du côté de chez Swann ; il n’en relie pas
moins organiquement la toponymie de Sodome et Gomorrhe à celle
de « Combray », puisque c’est en contestant les étymologies du curé
de Combray que Brichot s’empare du thème onomastique.
A part quelques étymologies isolées, il y a principalement trois
grands massifs étymologiques dans Sodome et Gomorrhe, trois
grandes leçons de Brichot :
1. La première a lieu dans le train vers La Raspelière, lors du
premier voyage du héros en compagnie des fidèles (RTP, t. III,
p. 280-284). Apprenant que Mme de Cambremer sera présente à la
soirée, il se réjouit à haute voix de pouvoir lui réclamer la brochure
du curé. Sur quoi Brichot entreprend d’en réfuter les étymologies.
L’ensemble apparaît sur une paperole du manuscrit 35 ; deux
fragments sont ajoutés sur la dactylographie 36.
La paperole contient une liste de réfutations : Bricq ne vient pas
du celtique briga, « hauteur », mais du norois bricq, « pont ». Fleur ne
vient pas du Scandinave oi, o, ni de l’irlandais ae, aer, mais du
danois ord, « port ». Hon, home, holm ne vient pas de holl (hullus),
« colline », mais du norois holm, « île ». Dans Carquethuit, le curé
voit bien carque, kirche, « église », mais il se trompe sur tuit, qui ne
vient pas de toft, « masure », mais de thveit, « essart ». Dans Clitourps,
il reconnaît le normand thorp, « village » ; le début ne vient toutefois
pas de cli , « rocher », mais de clivus, « pente ». Dans Monmartin-en-
Graignes, il a bien vu le latin grania et le grec crêné, « étangs » ;
Montmartin ne vient toutefois pas de saint Martin mais du dieu Mars.
Quand Sodome et Gomorrhe fut publié en 1922, certaines de ces
étymologies étaient tenues pour justes et d’autres fausses, mais
toutes sont savantes. Les exemples qui les accompagnent sont
détaillés, ainsi que les anecdotes qui illustrent la tendance du curé à
trouver des racines chrétiennes et françaises aux noms de lieux
normands, d’origine païenne et scandinave.
Les étymologies ajoutées sur la dactylographie attestent le plaisir
que trouve Proust à ces accumulations. De la réfutation simple, il
passe à des raisonnements plus complexes. Saint-Martin-le-Vêtu ne
vient pas de vêtus, « vieux », ni même de vadum, « gué », mais de
vastatus, « dévasté ». Saint-Mars est bien chrétien, mais Mars et
Jeumont masquent une origine païenne tandis que Loctudy et
Sammarcoles masquent une origine chrétienne.
D’autre part, à propos du carque, « église », de Carquethuit,
comme dans Querqueville et Dunkerque, un long développement sur
le celtique dun, « élévation », le plus acrobatique de cette première
leçon, est introduit. Le curé y rattachait Douville, puis se rétractait,
et le faisait venir de Domvilla < domino abbati. Or, il s’agit selon
Brichot d’Eudonis Villa. justifié par une anecdote particulièrement
précise : « Douville s’appelait autrefois Escalecliff, l’escalier de la
pente. Vers 1235, Eudes le Bouteiller, seigneur d’Escalecliff, partit
pour la Terre sainte ; au moment de partir il fit remise de l’église à
l’abbaye de Blanchelande. Échange de bons procédés : le village prit
son nom, d’où actuellement Douville. Mais ajoute encore Brichot,
Douville pourrait aussi bien venir d’Ouville, « les Eaux », ai < aqua
donnant eu ou ou. Le professeur ne tranche plus. Le doute s’installe
dans l’étymologie.
2. Brichot donne sa seconde leçon au cours du dîner chez les
Verdurin (RTP, t. III, p. 314-329). Elle appartient, elle, en totalité à
la première rédaction du manuscrit 37, sauf la belle explication de
Pont-à-Couleuvre, qui apparaît sur une paperole 38, et Proust n’a rien
ajouté sur la dactylographie. D’autre part, elle ne traite pas de la
toponymie normande et n’est donc pas spécialisée. Ce sont les
étymologies les plus anciennes de Sodome et Gomorrhe, d’abord
celles des noms de lieux tirant leur origine de noms d’animaux :
Chantepie, où chasse M. de Cambremer, ce qui permet à Brichot de
se faire valoir en lui demandant si le lieu mérite son nom, puis
Chantereine et Renneville. Sur la paperole du manuscrit qui analyse
en détail Pont-à-Couleuvre, le curé de Combray est rappelé, qui y a
vu des serpents alors qu’il s’agit de Pont-à-Quileuvre Pons cui aperit.
Viennent ensuite des noms de personnes – hommes politiques,
académiciens et diplomates : des notables de la IIIe République – qui
tirent leur origine de noms de végétaux : Saulces de Freycinet, Hous-
saye, d’Ormesson, de la Boulaye, d’Aunay, de Bussière, Albaret, de
Cholet, de la Pommeraye. Puis Saint-Frichoux et Saint-Fargeau, Saint-
Martin-du-Chène et Saint-Pierre-des Ifs. Si celui-là vient bien de
Sanctus Martinus juxta quercum, if en revanche, c’est-à-dire ave ou
eve, comme dans évier, c’est l’« eau », ster en breton.
Enfin – c’est le morceau de choix – Brichot, interrogé par le
héros, discute l’origine de Balbec, corruption de Dalbec, et glisse vers
des étymologies pseudo-normandes à la faveur d’une anecdote fort
érudite :
Détruire le roman
Voilà un cas exceptionnel d’introduction dans le roman d’un
immense savoir constitué, détourné de sa fonction historique et
géographique, rendu vain, transformé en une manie. Les sources de
la toponymie proustienne importent sans doute moins que ce
constat ; mais celui-ci suppose qu’on sache apprécier les
interventions de Proust sur ses sources. Le cas n’est d’ailleurs pas
tout à fait unique : il doit être rapproché des copieuses et parfois
fastidieuses leçons que M. de Charlus tire du Gotha et des Mémoires
de Saint-Simon, également dans Sodome et Gomorrhe. Étymologies et
généalogies, avec Brichot et Charlus, jouent des rôles analogues par
rapport aux noms de lieux et aux noms de personnes ; elles sont
pareillement intermédiaires entre les noms et les choses. C’est ce
trouble apporté aux antithèses du roman dont il s’agit de juger la
valeur.
Entre les étymologies de « Combray », datant de 1913, et celles
de Sodome et Gomorrhe, composées pendant la guerre et l’après-
guerre, l’hiatus, comme on l’a vu, est total. Le retour du curé de
Combray, imaginé après coup, les relie dans l’intrigue, mais les
sources sont différentes, et, lors de la rédaction des quelques
étymologies de « Combray », Proust n’avait pas envisagé de reprise
du thème. Dans « Noms de pays : le nom », l’évocation de Balbec et
de son nom est exclusivement poétique ; elle n’annonce nullement la
précise explication philologique qui sera donnée plus tard, bien
après que la visite du lieu aura vidé le mystère du nom. La structure
typologique habituelle de la Recherche du temps perdu, par
préparations et ressouvenirs, par préfigurations et
accomplissements, ne fonctionne donc pas avec le nom de Balbec et
l’onomastique en général ; elle n’est pas mise en échec, mais en
panne.
Toutes les notes étymologiques pour Sodome et Gomorrhe sont
non seulement postérieures à la rédaction et même à la publication
du Côté de chez Swann, mais aussi, semble-t-il, à la composition d’A
l’ombre des jeunes lles en eurs. La région de Balbec en est le cadre
pour la seconde partie, et une série de noms de lieux sont
mentionnés, mais le thème étymologique n’est pas anticipé non plus.
Les noms des stations du petit chemin de fer – Incarville,
Marcouville, Pont-à-Couleuvre, Arambouville, Saint-Mars-le-Vieux,
Hermonville, Maineville, qui procèdent indiscutablement de
Cocheris – paraissent seulement étranges au héros. Ils n’ont pas la
richesse évocatrice des noms de la région de Combray, parce qu’ils
n’ont pas été prononcés par sa grand-mère et n’appartiennent pas à
une histoire personnelle. L’étymologie n’aura donc pas à les priver
d’un bien grand mystère : « …rien moins que ces tristes noms faits
de sable, d’espace trop aéré et vide, et de sel, au-dessus desquels le
mot “ville” s’échappait comme vole dans Pigeon-vole, ne me faisait
penser à ces autres noms de Roussainville ou de Martinville 81. » Le
thème étymologique n’apparaît pas vraiment avant les
développements du Cahier 72, en 1914 ou 1915, et il est difficile de
le réduire à un coup de pied de l’âne après que la rêverie
onomastique a été déçue déjà par la réalité. Il joue d’ailleurs
essentiellement sur des noms qui n’ont pas d’abord fait l’objet du
rêve.
Deux motifs ont pu alors susciter son émergence, puisque ce sont
les deux occasions de son apparition dans le Cahier 72 ; l’idée de
donner une signification au nom de Balbec, et la volonté de tracer la
ligne du petit train d’intérêt local. Sans doute l’analyse de Balbec
précède-t-elle les listes de noms de stations, mais on ne saurait dire
quel fut des deux le motif principal de l’introduction du thème. Us
concoururent en tout cas, par leur amplification effrénée, à rendre la
géographie de Balbec irréaliste au point qu’il serait absurde de
chercher à reproduire un plan des stations du petit train : la
géographie proustienne est une géographie historique, c’est-à-dire
une onomastique.
On sait que Balbec s’appela Querqueville jusqu’en 1913, puis
Criquebec et Bricquebec dans les épreuves du Côté de chez Swann en
1913. Criquebeuf était analysé par Cocheris, et Querqueville et
Bricquebec figurent chez Le Héricher 82. Criquebec paraît une
composition de Proust, ainsi que Balbec. L’importance du nom de la
station balnéaire dans le roman, ainsi que la longueur des passages
consacrés aux radicaux bec, bricq, carque parmi les étymologies de
Sodome et Gomorrhe, suggèrent le rôle que Balbec a pu jouer au
départ du thème.
Mais pourquoi et comment, qu’il tire son origine de l’explication
de Balbec ou du tracé de la ligne du petit train, le thème a-t-il pris
l’ampleur extraordinaire que l’on sait, comme si un souci initial de
réalisme historique et géographique avait paradoxalement donné
lieu à l’une des variations les plus fantaisistes et subversives de
l’œuvre ? D’emblée, l’explication de Balbec est attribuée à Brichot
dans le Cahier 72. Il a été professeur de littératures anciennes à la
Sorbonne et son modèle fut Victor Brochard, professeur de
philosophie ancienne 83. Un motif du développement étymologique a
pu être de caractériser le personnage, de le ridiculiser, et la
toponymie est la seule marque indubitable de sa compétence
philologique dans le roman. Il semble qu’elle n’ait pas été une
science indifférente d’un point de vue idéologique. Maurras, on l’a
vu, accueillit et préfaça un essai de Longnon. Brichot lui-même
s’élève contre la Sorbonne où les Humanités modernes triomphèrent
à l’époque de la loi de séparation de l’Église et de l’État : « …il avait
peu de sympathie pour la Nouvelle Sorbonne où les idées
d’exactitude scientifique, à l’allemande, commençaient à l’emporter
sur l’humanisme 84. » Le thème étymologique est un thème national,
voire nationaliste.
Le roman a par ailleurs évolué depuis « Combray », et le rêve de
prose poétique est absent de Sodome et Gomorrhe. La toponymie se
substitue en quelque sorte à la prose poétique, l’étymologie prend le
relais de la rêverie sur les noms de pays, de même que la généalogie
a tissé des relations entre des noms de personnes d’abord conçus
comme des entités uniques et incomparables. Des savoirs pénètrent
le roman, comme la stratégie à partir du Côté de Guermantes I. Jouer
avec des savoirs, c’est l’une des conditions de la prose romanesque.
Si les lecteurs ne sont pas tous rebutés par les étymologies de
Brichot, c’est qu’elles parodient l’une des exigences du roman, la
tentative d’une synthèse des savoirs. Mais ils sont trompés et déçus.
Comment réagissent-ils, submergés par un flot de références à un
savoir qu’ils ne maîtrisent pas ? Qu’est-ce que cela veut dire,
apprécier un savoir sans disposer d’un critère du vrai et du faux ? La
vérité devenant indifférente, le lecteur est comme victime d’une
autorité sur laquelle il n’a aucune prise. Est-il vrai que Balbec soit
une corruption de Dalbec, que Torpehomme articule thorp et holm ?
Le lecteur qui renonce et saute par-dessus les élucubrations de
Brichot ne supporte pas le rôle de victime, il n’accepte pas que le
savoir soit bafoué, qu’il devienne autonome par rapport aux choses.
Provoqué par un discours où il ne voit qu’un remplissage et une
verrue, il se rebelle contre des analyses dépourvues de fonction :
elles concernent pour la plupart des noms de lieux qui ne sont même
pas ceux du roman et elles s’accumulent sans s’intégrer à l’œuvre ;
elles sont sans fin. La synthèse du savoir attendue était une
supercherie.
Les étymologies de Brichot représentent ainsi, dans la Recherche
du temps perdu, la mise en cause la plus violente du modèle de
l’œuvre organique, cohérente, autonome, où la partie et le tout
s’impliquent l’un l’autre de toute nécessité. Elles relèvent de la liste
ou du catalogue, non de l’intrigue et du développement. On peut en
ajouter ou en retirer à plaisir, ce que fait Proust. Leur agencement
arbitraire tient du montage et non de la composition, et elles sont
elles-mêmes le produit de montages. Proust juxtapose les analyses
de Cocheris pour vadum, vêtus et vastatus, il chipe une anecdote de-ci
de-là pour expliquer tel ou tel nom, il obtient des noms de lieux
inédits en combinant des radicaux celtiques et norois. L’effet
provocateur est indissociable de la forme du montage.
La toponymie procède du collage d’une matière étrangère dans le
roman. Arbitraire, ce collage dépend du hasard. Nulle part ailleurs
l’œuvre de Proust n’appartient aussi manifestement à un univers
probabiliste tout en prétendant à un déterminisme supérieur. Elle
mime ou parodie de grandes lois, ici celles de la phonétique
historique. Les étymologies, prélevées dans un système où elles font
sens, celui de l’histoire et de la philologie, sont de purs fragments
détachés d’une totalité organique, des curiosités. Comme telles, elles
deviennent des signes vides, et illustrent une fois de plus la tension
qui règne partout dans le roman entre les intermittences
irréductibles et les réminiscences régies par la loi de la mémoire
involontaire, entre le vain détail et l’ensemble organique, entre
l’oubli et la mémoire.
Par le montage, par la juxtaposition de fragments détachés, un
sens nouveau est posé, proposé, comme dans les papiers collés de
Picasso et de Braque en 1913, ou dans les ready-made de Duchamp.
Walter Benjamin définit ainsi l’allégorie, opposée au symbole de
l’œuvre romantique ou organique 85. L’unité de l’œuvre allégorique
n’est pas donnée, mais suspendue, et organisée éventuellement par
le lecteur. C’est sans doute pourquoi la réception de la toponymie
est mise en scène dans le roman lui-même, où il y a des
quémandeurs d’étymologies, Albertine dans les brouillons, le héros
et Charlus dans le roman.
Une donnée importante de l’œuvre allégorique selon Benjamin
est aussi en jeu dans les fragments étymologiques : la mélancolie qui
s’attache à la fascination pour le fragment isolé et insignifiant. Le
sens s’est perdu, le sens qui était présent à l’origine, pour qui
entendait « Eudes le Bouteiller » dans Douville ou « ruisseau de la
vallée » dans Balbec. L’histoire est vécue comme une perte du sens,
un déclin. La leçon personnelle du héros, passant de « L’âge des
noms » à « L’âge des choses », se double d’une leçon historique.
L’histoire est un paysage primordial pétrifié. A la recherche du temps
perdu se présente comme une œuvre circulaire et typologique, mais,
au long du grand arc qui relie « Combray » et Le Temps retrouvé, il
n’est pas toujours donné au lecteur d’aller des parties au tout afin de
constituer un sens au travers d’un cercle herméneutique.
L’interprétation bute par exemple sur ces intermittences, ces
aspérités que sont les étymologies. Elles constituent l’un des
moments les plus mélancoliques du roman, avec l’intrusion massive
d’un indécidable savoir, une sorte d’équivalent des kyrielles de « soit
que… » où les phrases proustiennes se défont dans la recherche
exhaustive des motifs d’une action, là où l’extrême déterminisme
rencontre un probabilisme généralisé, un indéterminisme absolu.
L’analyse étymologique, comme l’enquête psychologique, s’émiette
en détails, se détache de toute finalité dans un souci obsédé et
fatalement déçu de l’origine. Ainsi les étymologies, tout en
constituant une tumeur du roman, confirment son fonctionnement,
où la loi s’abîme dans le hasard, où les intermittences de l’oubli se
donnent pour des faits de mémoire. Vêtus, vadum ou vastatus : A la
recherche du tempsperdu est un roman de l’oubli plutôt qu’un roman
de la mémoire, notait d’ailleurs Benjamin 86.
Ultime provocation peut-être : les pages toponymiques de
Sodome et Gomorrhe bafouent l’idée que l’originalité esthétique
s’oppose à la convention comme la créativité linguistique au cliché.
Dans les étymologies de noms de lieux, la créativité linguistique se
réduit en effet à un conformisme. Après le passage par « L’âge des
noms » et « L’âge des choses », où la dialectique de l’illusion et de la
désillusion fonde le cercle de l’apprentissage, la toponymie témoigne
d’un absolu manque de foi dans le langage. Balbec se réduisant à dal
et bec, ce n’est plus seulement la réalité qui n’est pas à la hauteur du
langage mais le langage lui-même qui se dévalorise.
Le lien entre l’érudition et l’inversion paraît un autre facteur de
l’amplification du thème. La société des érudits est une secte,
comme celle des invertis, et parfois c’est la même, on l’a vu, comme
dans le cas du vieux M. de Cambremer, selon un fragment non repris
dans le texte définitif. D’où, dans les brouillons, la curiosité
originale d’Albertine pour les étymologies et, dans le roman, celle,
persistante, de M. de Charlus. Ils veulent connaître l’origine des
mots, leur motivation historique, comment le passé est oublié dans
le présent, la vie dans le langage. La seule véritable invention
étymologique de Proust, auprès de Balbec, est d’ailleurs
Thorpehomme, sur lequel Charlus interroge Brichot. L’inverti et
l’érudit, Charlus et Brichot, seront liés par une complicité croissante,
jusqu’à leur conversation magistrale dans La Prisonnière.
Au-delà de Quicherat et de Cocheris, sources essentielles de la
toponymie de « Combray » et de Sodome et Gomorrhe, le roman
montre une curiosité fondamentale pour l’origine des noms.
L’étymologie représente un entre-deux de « L’âge des noms » et de
« L’âge des choses », entre l’illusion et la désillusion. La toponymie
historique et le nationalisme ont partie liée, on l’a suggéré, et Proust
utilise les noms de lieux tirant leur origine de noms de végétaux
pour montrer que les académiciens ont tous des noms bien français :
c’est d’ailleurs la première utilisation de Cocheris dans le Cahier 72,
avant même Balbec et les stations du petit train. Revient alors à
l’esprit une dernière étymologie de laRecherche du temps perdu. Elle
est isolée, elle ne figure ni dans « Combray » ni dans Sodome et
Gomorrhe, elle ne fait pas partie des grands massifs étymologiques
du roman ; elle est isolée mais récurrente. C’est celle, non d’un nom
de lieu mais d’un nom de personne, mais de ces personnes dont les
noms sont aussi des noms de lieux, comme les académiciens dont les
noms sont enracinés dans la terre. Dans Le Côté de Guermantes I,
Saint-Loup a retenu pour Rachel un collier chez Boucheron.
Personne d’autre ne pourra le lui offrir s’il renonce à le Jui donner.
Rachel s’emporte contre cette ruse :
historiques du e
XX siècle, en Allemagne et en France, en Italie et en
Russie, mais l’alliance à laquelle Baudelaire venait d’assister entre
un art dit révolutionnaire et un régime dit réactionnaire lui a permis
de l’anticiper : « Le succès de Wagner lui-même a donné tort à ses
prévisions et à ses espérances ; car il a fallu en France l’ordre d’un
despote pour faire exécuter l’œuvre d’un révolutionnaire. » Le cas
n’est pas exceptionnel. Baudelaire le rapproche aussitôt de
l’académisme de gauche : « Ainsi nous avons déjà vu à Paris
l’évolution romantique favorisée par la monarchie, pendant que les
libéraux et les républicains restaient opiniâtrement attachés aux
routines de la littérature dite classique. » Benjamin Constant, lui,
songeait au classicisme des écrivains de l’Empire, mais le constat
était très proche.
Gardons-nous de tirer une loi de ces deux exemples, une loi qui
serait tout aussi illusoire et qui verrait dans l’absence de liberté
politique un encouragement à l’innovation esthétique : Baudelaire
plaide justement pour la séparation de l’ordre politique et de l’ordre
esthétique, de l’histoire et de l’art. Retenons simplement que, bien
avant la naissance des avant-gardes historiques, constatant le
malentendu perpétué tout au long du siècle et tenant compte de
l’incompréhension que rencontrèrent la plupart des artistes
innovateurs, avant même la réception malheureuse de
l’impressionnisme qui devait couronner la série des erreurs,
Baudelaire avait nettement dénoncé l’« illusion futuriste ». Dans Mon
cœur mis à nu, il dressait la liste des « métaphores militaires »
appréciées des Français. Parmi elles : « littérature militante »,
« presse militante », « poètes de combat » et « littérateurs d’avant-
garde ». Il est entendu qu’il s’agit encore là d’une littérature
dépendant d’un idéal de progrès politique : « Ces habitudes […]
dénotent des esprits […] faits pour la discipline, c’est-à-dire pour la
conformité 27. » Quand l’avant-garde aura remplacé la décadence
comme définition de la modernité, sous l’influence des théories de
l’évolution ou de la révolution permanente, il ne s’agira plus de la
« littérature d’avant-garde » – au service du progrès –, mais de
l’« avant-garde littéraire » – en avance sur son temps –, et elle
s’identifiera au rejet haletant des poncifs. Le drame de l’avant-garde,
c’est celui de savoir où s’arrêter. Dès qu’elle fait une pause, elle est
débordée sur sa « gauche ». La fatalité de l’avant-garde est la fuite
en avant.
Proust fut contemporain de Péclosion du mythe de l’avant-garde
historique, faisant de l’incompréhension à la première réception
d’un artiste le signe du caractère prophétique de son œuvre. Manet,
Gauguin ne prétendaient rien de tel ; ils auraient préféré plaire,
comme Zola le dit de Manet en 1884, dans sa préface au catalogue
de l’exposition rétrospective : « Il faisait ce qu’il pouvait, et il ne
pouvait pas faire autre chose. Nul parti pris d’ailleurs : il aurait
voulu plaire 28. » Mais le piège d’une pensée de l’art dans les
catégories héritées de Hegel et de Darwin, de la Révolution et de
l’évolution, est rarement évité. Mieux que Barrés, qui, élève dévoyé
de la IIIe République, retrouve une continuité absolue et un
déterminisme total après avoir renvoyé dos à dos Hegel et Darwin,
Proust y parvient, comme Baudelaire avant lui.
J’analyserai d’abord sa conception de l’inversion, puis sa
conception de l’art sur le modèle de l’inversion, enfin sa critique de
l’avant-garde. J’essaierai de montrer que, pour expliquer l’inversion,
Proust élabore un modèle de l’histoire qui n’est ni évolutionniste ni
révolutionnaire, et que ce modèle, foncièrement indéterministe,
informe une théorie de l’art comme mémoire, qui n’est pas
réactionnaire ou d’arrière-garde, mais classique, au sens où Valéry
disait : « Il ne faut pas être un classique. Il faut le devenir 29. »
Inversion et invention
Chaque fois que Proust parle de la perversion dans la Recherche
du temps perdu – cela se produit souvent –, il le fait dans les termes
d’un accès, d’une poussée, d’une attaque. Tous les épisodes de
sadisme et d’homosexualité, Charlus en devenant le protagoniste
principal après que Mlle Vinteuil a introduit le thème dans le
roman, sont décrits comme des crises : celles-ci sont momentanées
et répétées. Par exemple, lorsque Morel caresse le fantasme de
dépuceler la nièce de Jupien et de la laisser tomber ensuite, Charlus
éprouve une jouissance aiguë : « C’est que l’idée que Morel
“plaquerait” sans remords une jeune fille violée lui avait fait
brusquement goûter un plaisir complet 30. »
Il y a plus. La poussée sadique ou homosexuelle est
invariablement représentée comme une crise d’un genre très
particulier, comme une possession ou une transe : « Dès lors ses sens
étaient apaisés pour quelque temps et le sadique (lui, vraiment
médium-nique) qui s’était substitué pendant quelques instants à
M. de Charlus avait fui et rendu la parole au vrai M. de Charlus,
plein de raffinement artistique, de sensibilité, de bonté. » Charlus
possède deux personnalités, ou une double personnalité. Il y a le
« vrai » baron, bon, délicat, noble, généreux, et il y a l’autre, l’esprit
qui se substitue à lui, prend le contrôle de son corps dans ces
moments singuliers : une bête violente et vulgaire. Le cas de Dr
Jekyll et Mr. Hyde était à la mode, d’après le conte de Stevenson,
publié en 1886 et traduit en français en 1890. « Ce n’était pas moi
[…], j’étais aliénée », aurait, selon le narrateur, pu légitimement se
dire Mlle Vinteuil, à propos des tortures infligées à son père 31. Et
Proust écrivait dès la scène de Mont-jouvain : « …à tous moments
au fond d’elle-même une vierge timide et suppliante implorait et
faisait reculer un soudard fruste et vainqueur 32 ». Quant à Albertine,
elle est ainsi décrite envahie par le désir : « Comme une femme
spirite en qui un autre être s’incarne, elle changeait de personnalité,
presque immédiatement elle cessait d’avoir sa voix mais prenait
celle d’une autre personne, une voix enrouée, hardie, presque
crapuleuse 33. » Même lorsque le narrateur rencontre Charlus âgé
dans Le Temps retrouvé, il constate encore ; « Il y avait d’ailleurs
deux M. de Charlus, sans compter les autres », et il les appelle
l’« intellectuel » et le « subconscient » 34. Le sadique souffre d’une
double personnalité. Cela veut dire qu’il est habité par une double
temporalité, la temporalité régulière et la temporalité critique, qu’on
pourrait aussi appeler « intermittente », pour utiliser un mot cher à
Proust et souligner le rapport de la perversion et de la psychologie
des « Intermittences du cœur », fondamentale dans la Recherche du
temps perdu.
Il y a plus. Les crises de perversion, les intermittences sadiques et
homosexuelles, entendues comme des prises de possession
épisodiques par l’autre, par le double, répondent en vérité à une
permanence profonde, à une continuité essentielle ; elles témoignent
de l’entrelacement complexe et critique de l’événement et de la
structure dans l’individu. Le rire de Charlus, ce bizarre gloussement
sporadique qui révèle le dédoublement de sa personnalité, par
exemple chez les Verdurin, lors de la scène de la « fraisette », quel
est-il ? d’où vient-il 35 ? La voix de l’inverti est un lieu commun de la
Recherche du temps perdu 36. Elle présente la preuve la plus saillante
de la conception que Proust a de l’inversion, la meilleure illustration
de la théorie des hommes-femmes, selon laquelle le corps d’un
homme renferme l’âme d’une femme.
Sous l’apparence masculine, l’inverti est une femme. La femme
qu’il renferme s’exprime dans les crises. Dans Sodome et Gomorrhe I,
la découverte de la vraie nature de M. de Charlus se résume à ce
cri : « C’est une femme ! » qui permet soudain au héros de le
déchiffrer. « En M. de Charlus un autre être avait beau s’accoupler,
qui le différenciait des autres hommes, comme dans le centaure le
cheval, cet être avait beau faire corps avec le baron, je ne l’avais
jamais aperçu 37. » Le centaure est une autre image – évocatrice de
Gustave Moreau au même titre que celle de l’homme-femme – de la
dualité de Charlus, dans la coexistence de l’homme et de l’animal,
de l’homme et de l’autre, ici exprimée de manière quasiment
sexuelle. Ce que le héros n’avait donc jamais perçu avant d’assister à
la rencontre de Charlus et de Jupien, c’était le dédoublement du
baron. Dès leur première entrevue à Balbec, pourtant, le baron
l’avait frappé par sa voix « pareille à certaines voix de contralto en
qui on n’a pas assez cultivé le médium et dont le chant semble le
duo alterné d’un jeune homme et d’une femme 38 ». Cette voix
paraissait abriter une « nichée de jeunes filles 39 ». C’est comme si le
mot « médium », appartenant à la fois au vocabulaire musical et au
lexique spirite, faisait de la voix le lieu même de la possession.
La théorie de l’homme-femme et l’explication générique de
l’homosexualité par la présence d’un tempérament féminin dans un
corps masculin proviennent vraisemblablement du discours médical
contemporain. Gide soulignait leur relation dans la préface de la
réédition de Corydon en 1924 :
Et il eut un petit rire qui lui était spécial – un rire qui lui
venait probablement de quelque grand-mère bavaroise ou
lorraine, qui le tenait elle-même, tout identique, d’une aïeule,
de sorte qu’il sonnait ainsi, inchangé, depuis pas mal de
siècles dans de vieilles petites cours de l’Europe, et qu’on
goûtait sa qualité précieuse comme celle de certains
instruments anciens devenus rarissimes 46.
…il suffit pour trouver un nez juif au fils d’une juive et d’un
catholique, qu’il ait le nez busqué du père. Reste à savoir si
au cours ténébreux de cette longue histoire inconnue de
l’hérédité et comme un oiseau subreptice aura apporté à une
fleur par l’apport fortuit d’un pollen différent, un caractère
nouveau qui reparaîtra de temps à autre, une des aïeules de
la famille catholique n’eût pas dans le passé une aventure
avec un juif, ou si au Moyen Age un Guermantes inverti n’a
pas indélébilement apposé sur sa descendance les caractères
particuliers de l’inversion que même ceux qu’elle n’entachera
pas reproduiront, mais seulement dans l’air du visage, l’allure
du corps et le son de la voix 60.
Art et mémoire
Pourquoi insister sur la définition par Proust de l’inversion
comme la réincarnation d’un ancêtre ou la résurgence de la race
dans l’individu ? Non pas dégénérescence ou déterminisme
héréditaire, mais résurrection du passé dans le présent, mémoire de
l’origine, intermittence indéterminée. C’est qu’une nouvelle polarité
s’y trouve annulée, ou entrecroisée. Au-delà de l’homme-femme ou
du troisième sexe comme explication fantaisiste ou aberrante de
l’inversion – explication qu’au demeurant Théophile Gautier donnait
dès Mademoiselle de Maupin 65 –, en dépit des emprunts à la vulgate
médicale, on trouve encore une forme de cet entre-deux si
caractéristique de l’apparition de la vérité dans la Recherche du temps
perdu. La tradition et la rupture, l’histoire et l’événement, que le
roman a d’abord opposés, sont réconciliés, ou plutôt contractés,
emboîtés dans la crise, à la fois toujours singulière et
essentiellement la même, dans l’intermittence comme mémoire de
l’origine. L’inversion demeure dans l’œuvre de Proust le meilleur
modèle de l’intersection de ces deux temporalités hétérogènes, la
race et le moment, selon les termes de Taine, ou l’imitation et
l’innovation, pour revenir à Darwin et au darwinisme social. Les
lexiques du spiritisme, de la médecine et même du darwinisme, que
Proust affectionne et dans lesquels il représente les accès, poussées
et attaques, sont surdéterminés par une doctrine de la
transmigration.
Or, Proust conçoit d’autres entre-deux temporels comme
l’inversion, en particulier le temps de l’art, et cela permet de
comprendre la situation paradoxale de son propre roman entre les
deux siècles. Le modèle évolutionniste, appliqué à la vie physique et
à la vie sociale, identifie le moment d’adaptation au temps de
l’originalité, le jeu de la rupture et de la tradition à celui de
l’innovation et de l’imitation. Du coup, évolution devient synonyme
de progrès ; ceux qui triomphent de la lutte incessante et de la
sélection naturelle sont tenus pour les meilleurs. En France, le
sociologue Gabriel de, Tarde adapta ce schéma à l’analyse de
l’évolution sociale. Émile Hennequin et. surtout Ferdinand
Brunetière l’ont appliqué aux choses littéraires. Mais Proust rectifie
la confusion positiviste de l’évolution et du progrès, aussi bien sous
son aspect positif avec l’art que sous son aspect négatif avec
l’inversion. Entre la temporalité évolutionniste et la temporalité
révolutionnaire, il croit à une temporalité intermittente de l’art, une
temporalité critique, en fin de compte indéterministe.
Si l’accès pervers équivaut à une transe, il en est de même de
l’acte artistique, musical en particulier. A la page même de Sodome
et Gomorrhe d’où nous sommes partis, où la jouissance sadique de
Charlus était présentée comme une possession momentanée par un
double, l’analogie était appelée par une critique du style pianistique
de Morel. Charlus reprochait précisément au jeune homme de
négliger le « côté médiumnique » de l’interprétation musicale 66. Le
pianiste doit se conduire comme s’il était un médium placé sous le
contrôle du compositeur lui-même, comme s’il réincarnait le
compositeur : « Il faut jouer ça comme si vous le composiez. »
Donnant ce conseil, où « ça » est la transcription au piano du
Quinzième Quatuor de Beethoven, Charlus, lui-même pris de délire,
imagine Morel en transe et le décrit ainsi :
L’illusion futuriste
En vérité, auprès de Rachel, qui a joué sur une scène d’avant-
garde, c’est-à-dire symboliste 84, le seul personnage de la Recherche
au temps perdu qui ait foi en l’avant-garde est la jeune Mme de
Cambremer dans Sodome et Gomorrhe : « Parce qu’elle se croyait
“avancée” et (en art seulement) “jamais assez à gauche”, disait-elle,
elle se représentait non seulement que la musique progresse, mais
sur une seule ligne, et que Debussy était en quelque sorte un sur-
Wagner encore un peu plus avancé que Wagner 85. » Née Legrandin,
elle habite la province, elle reçoit les revues parisiennes, et elle
singe l’épithète rare des Goncourt. Aucun tremblement chez elle,
tout juste un pataquès ! Pour elle, comme pour son invité, l’amateur
de Le Sidaner, s’engager pour un peintre, c’est prendre parti comme
en politique, « combattre pour la bonne cause ». L’art se conçoit
comme un terrain de bataille, un struggle for life permanent, où, si
l’on n’innove pas à tout instant, on est aussitôt « caduc ». A leurs
yeux, un peintre déchoit s’il cesse d’aller de l’avant : « Elstir était
doué, il a même fait presque partie de l’avant-garde, mais je ne sais
pas pourquoi il a cessé de suivre, il a gâché sa vie 86. »
Proust commet un anachronisme en faisant employer
l’expression « l’avant-garde » par Mme de Cambremer avant le
siècle ; il multiplie en tout cas les métaphores politiques et militaires
appliquées à l’art, si bien qu’on croirait entendre Stendhal, au début
de son Salon de 1824 : « Mes opinions, en peinture, sont celles de
l’extrême gauche 87. » Comme pour Mme de Cambremer d’ailleurs, ce
n’étaient que ses opinions en peinture, et il prenait soin de leur
opposer ses idées politiques, lesquelles « seraient centre gauche,
comme celles de l’immense majorité 88 ». Si l’on se souvient du
constat de Benjamin Constant, voyant dans les révolutionnaires des
partisans de la routine esthétique, la conscience d’un chiasme
esthético-politique date bien du début du siècle, avant que Manet ne
s’exclamât : « C’est curieux comme les républicains sont
réactionnaires quand ils parlent d’art 89 », et que le royaliste Durand-
Ruel devînt le promoteur des impressionnistes, par ailleurs traités de
communards.
La jeune Cambremer est fanatique de tout ce qui se veut
moderne : c’est la naissance du snobisme de l’avant-garde
qu’observe Proust. Lorsque le héros, « à cause du niveau de simple
“médium” où nous abaisse la conversation mondaine 90 », lui parle
comme le ferait Legrandin, son frère, et compare les mouettes de
Balbec à des nymphéas de Monet, la lumière à celle de Poussin, il
s’attire cette réplique foudroyante :
1. L’Ère du soupçon (1956), Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais », 1987, p. 84.
2. Voir supra, chap. III, p. 99.
3. OC, t. II, p. 685.
4. Voir Paul de Man, « Literary History and Literary Modernity », Blindness and
Insight. Essays in the Rhetoric of Contemporary Criticism, Minneapolis, University of
Minnesota Press, 2e éd., 1983.
5. OC. t. II, p. 685-686.
6. Ruskin, Sésame et les Lys, op. cit., p. 62 (suite de la note 1 de la page 61).
7. Ibid., p. 62-63.
8. RTP. t. I, p. 382.
9. Ibid., p. 272.
Bibliographie
I. ŒUVRES DE PROUST
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vol., Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1954.
Contre Sainte-Beuve, suivi de Nouveaux Mélanges, éd. Bernard de
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Contre Sainte-Beuve, précédé de Pastiches et Mélanges et suivi de
Essais et Articles, éd. Pierre Clarac et Yves Sandre, Paris,
Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1971 (CSB).
Jean Santeuil, précédé de Les Plaisirs et les Jours, éd. Pierre Clarac et
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Textes retrouvés, éd. Philip Kolb et Larkin B. Price, Paris, Gallimard,
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Le Carnet de 1908, éd. Philip Kolb, Paris, Gallimard, coll. « Cahiers
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Matinée chez la princesse de Guermantes. Cahiers du « Temps
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1982 (édition des Cahiers 51, 58 et 57).
Sur Baudelaire, Flaubert et Morand, éd. Antoine Compagnon,
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A la recherche du temps perdu, éd. Jean-Yves Tadié et al., 4 vol.,
Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1987-1989
(RTP).
Du côté de chez Swann, éd. Antoine Compagnon, Paris, Gallimard,
coll. « Folio », 1988.
II. TRADUCTIONS ET PRÉFACES
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Proust, Paris, Mercure de France, 1904.
– Sésame et les Lys, trad., notes et préface par Marcel Proust, Paris,
Mercure de France, 1906 ; éd. Antoine Compagnon, Bruxelles,
Complexe, 1987.
Blanche (Jacques-Émile), Propos e peintre. De David à Degas, préface
par Marcel Proust, Paris, Émile-Paul, 1919.
Morand (Paul), Tendres Stocks, préface par Marcel Proust, Paris,
Gallimard, 1921.
III. CORRESPONDANCE
Correspondance, éd. Philip Kolb, Paris, Pion, 16 vol. parus depuis
1970, couvrant les années 1880-1917 (Corr.).
A compléter par :
Correspondance générale de Marcel Proust, publiée par Robert Proust,
Paul Brach et Suzy Mante-Proust, 6 vol., Paris, Pion, 1930-1936
(Corr. gén.).
Lettres à la NRF, Paris, Gallimard, 1932.
Marcel Proust et Jacques Rivière, Correspondance. 1914-1922, éd.
Philip Kolb, Paris, Pion, 1955 ; Paris, Gallimard, 1976.
Lettres à Reynaldo Hahn, éd. Philip Kolb, Paris, Gallimard, 1956.
Philip Kolb, La Correspondance de Marcel Proust, Urbana, The
University of Illinois Press, 1949 (chronologie).
IV. MANUSCRITS,
DACTYLOGRAPHIES ET ÉPREUVES
FONDS MARCEL PROUST
DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE
(DOCUMENTS CITÉS)
N.a.fr. 16708-
Cahiers I-VII
16714
Sodome et
N.a.fr. 16739-16741
Gomorrhe II
Reliquat N.a.fr. 16738
PREMIÈRES ÉPREUVES
Sodome et
N.a.fr. 16766
Gomorrhe II
V. ÉTUDES BIOGRAPHIQUES
Albaret (Céleste), Monsieur Proust, Paris, Laffont, 1973 (souvenirs
recueillis par Georges Belmont).
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– Les Amours et la Sexualité de Marcel Proust, Paris, Nizet, 1985.
Ferré (André), Les Années de collège de Marcel Proust, Paris,
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Maurois (André), A la recherche de Marcel Proust, Paris, Hachette,
1949.
Painter (George D.), Marcel Proust (1959 et 1965), trad. fr. de
G. Cattaui et R.-P. Vial, 2 vol., Paris, Mercure de France, 1966.
Pierre-Quint (Léon), Marcel Proust, sa vie, son œuvre (1925), Paris, Le
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VI. ÉTUDES DE GENÈSE
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38 vol. parus depuis 1950 (BSAMP).
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6 vol. parus depuis 1973 (EP).
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supérieure, 18 vol. parus depuis 1975 (BIP),
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Index
Adam, Adolphe : 1.
Agostinelli, Alfred : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.
Albaret, Céleste : 1, 2, 3, 4, 5.
Albufera, Louis d’ : 1, 2, 3.
Althusser, Louis : 1.
Angelico, Fra : 1.
Apollinaire : 1, 2.
Aragon : 1.
Arbois de Jubainville, Henry d’ : 1.
Arendt, Hannah : 1.
Arioste (Roland furieux) : 1.
Aristophane : 1.
Athman : 1.
Aubernon, Mme : 1.
Aubigné : 1.
Aupick, Mme : 1.
Baies, Richard : 1.
Balzac : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 ; Comédie humaine
(La) : 11, 12, 13 ; Maison Nucingen (La) : 14 ; Secrets de la
princesse de Cadignan (Les) : 15, 16, 17.
Banquet (Le) : 1.
Barbey d’Aurevilly : 1, 2.
Barrès : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 ;
Culte du moi (Le) : 14 ; Déracinés (Les) : 15 ; Huit Jours chez
M. Renan : 16 ; Mes cahiers : 17, 18.
Barthes, Roland ; 1, 2, 3.
Bastien-Lepage, Jules : 1.
Bataille, Georges : 1, 2, 3.
Baudelaire : 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11-12, 13,
14, 15, 16, 17, 18, 19-20, 21, 22, 23, 24-25, 26, 27,
28, 29, 30, 31, 32-33, 34-35, 36-37, 38, 39-40, 41-42,
43, 44-45, 46-47, 48-49, 50-51, 52-53, 54, 55, 56, 57,
58-59, 60-61, 62, 63, 64-65 ; A celle qui est trop gaie : 66 ;
Albatros (L’) : 67, 68 ; Bénédiction : 69, 70, 71 ; Chant
d’automne : 72-73, 74-75, 76-77, 78-79, 80-81, 82, 83, 84 ;
Chevelure (La) : 85, 86, 87 ; Choix de maximes consolantes sur
l’amour : 88 ; « Çon teor » de l’artiste (Le) : 89 ; « Éloge du
maquillage » : 90 ; Fanfarlo (La) : 91 ; Femmes damnées. Delphine et
Hippolyte : 92-93, 94, 95, 96 ; Fleurs du Mal (Les) : 97, 98,
99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 109,
110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120,
121, 122, 123, 124, 125 ; Fusées : 126, 127, 128, 129-130,
131 ; Harmonie du soir : 132, 133 ; Héau-tontimorouménos (L’) :
134 ; Imprévu (L’) : 135 ; Ivrogne (L’) : 136 ; Mauvais Vitrier (Le) :
137, 138 ; Mon cœur mis à nu : 139, 140, 141, 142, 143,
144 ; Notes nouvelles sur Edgar Poe : 145 ; Parfum exotique : 146 ;
Peintre de la vie moderne (Le) : 147, 148, 149, 150 ; Petites
Vieilles (Les) : 151-152, 153, 154 ; Port (Le) : 155 ; Richard
Wagner et « Tannhaiiser » à Paris : 156 ; Salon de 1846 : 157, 158,
159 ; Soleil (Le) : 160 ; Spleen de Paris (Le) : 161, 162, 163,
164 ; Une charogne : 165 ; Un hémisphère dans une chevelure :
166 ; Vin des chi ermiers (Le) : 167 ; Voyage (Le) : 168, 169,
170 ; Yeux des pauvres (Les) : 171-172.
Beaunier, André : 1.
Beethoven : 1, 2, 3.
Bellaigue, Camille : 1.
Benjamin, Walter : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.
Benkert, Károly Mária, dit Kertbeny : 1.
Bergson : 1, 2.
Berlioz : 1.
Bernhardt, Sarah : 1, 2, 3, 4, 5.
Bianchi, Francesco : 1, 2-3, 4, 5.
Bibesco, Antoine : 1, 2, 3, 4.
Bidou, Henry : 1, 2.
Binet, Alfred : 1.
Bizet, Georges : 1.
Bizet, Jacques : 1.
Blanche, Jacques-Émile : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.
Blin, Georges : 1, 2, 3, 4.
Blum, René : 1, 2, 3.
Boileau : 1, 2, 3.
Bon, André : 1.
Bonnet, Henri : 1, 2.
Bordeaux, Henry : 1, 2.
Bossuet : 1, 2, 3.
Botticelli : 1, 2, 3, 4, 5.
Bouchard, Charles : 1.
Boucher : 1.
Bougourd, A.H. : 1.
Boulenger, Jacques : 1, 2.
Boulenger, Marcel : 1.
Bourget, Paul : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12,
13.
Boylesve, René : 1, 2, 3.
Braque : 1.
Bredm, Jean-Denis : 1.
Breton : 1, 2, 3, 4.
Bréville, Pierre Onfroy de : 1.
Brichet : 1.
Brochard, Victor : 1-2, 3, 4.
Broussole, abbé J.-C. : 1.
Brummell : 1.
Bruneau, Charles : 1.
Brunetière, Ferdinand : 1, 2, 3- 4, 5, 6, 7, 8, 9-10, 11.
Brunot, Ferdinand : 1.
Bugnet, Charles : 1.
Bussine, Romain : 1.
Calmette, Gaston : 1.
Camus (L’Étranger) : 1.
Capet, Lucien : 1.
Caraman-Chimay, princesse Alexandre de (née princesse Hélène
de Brancovan) : 1, 2.
Carassus, Èmilien : 1.
Carpaccio : 1, 2, 3.
Carter, A.E. : 1.
Casper, Johann Ludwig : 1.
Céline : 1. Cervantes : 2.
Cézanne : 1.
Chantai, René de : 1, 2.
Charcot : 1, 2-3.
Chardin : 1.
Chariot (Charlie Chaplin) : 1.
Chateaubriand : 1, 2, 3, 4.
Chénier : 1, 2.
Chevalier, Julien : 1.
Chimay : voir Caraman-Chimay.
Chopin : 1, 2, 3-4, 5, 6, 7.
Claudel : 1.
Clerc, Mme Camille : 1, 2.
Cocheris, Hippolyte : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.
Cocteau : 1.
Colet, Louise : 1.
Constant, Benjamin : 1, 2, 3.
Copernic : 1.
Coquiot, Gustave : 1.
Corneille : 1, 2, 3, 4, 5.
Coutance, Amédée : 1, 2.
Daireaux, Max : 1.
D’Annunzio : 1.
Dante (La Divine Comédie) : 1.
Darwin : 1, 2, 3, 4, 5, 6.
Daubrun, Marie : 1.
Daudet, Léon : 1.
Debussy : 1, 2-3, 4-5, 6 ; Pellèas et Mélisande : 7, 8.
Degas : 1, 2, 3, 4.
Delacroix : 1, 2, 3, 4, 5.
Delafosse, Léon : 1.
Delaunay, Élie : 1.
Deltour, Félix : 1, 2, 3.
De Man, Paul : 1, 2.
Depping, Georges-Bernard : 1.
Derrida, Jacques : 1.
Deschanel, Émile : 1, 2, 3, 4, 5, 6.
Desjardins, Paul : 1, 2, 3.
Diaghilev : 1.
Diderot ; 1.
Dieulafoy, Jeanne : 1.
Dimier, Louis : 1, 2.
Donizetti : 1.
Dorgelès : 1.
Dorval, Marie : 1.
Dreyfus, Alfred : 1, 2, 3, 4, 5.
Dreyfus, Robert : 1, 2.
Droz, Gustave : 1.
Dubois-Pillet, Albert : 1, 2.
Duchamp, Marcel : 1, 2.
Dumas, André : 1.
Duméril, Édélestand et Alfred : 1.
Durand-Ruel, Paul ; 1.
Duret, Théodore : 1.
Einstein : 1.
Ellul, Jacques : 1.
Emerson, Ralph Waldo : 1.
Enesco, George : 1.
Estrup, Hector : 1.
Euripide : 1.
Fabricius, Adam : 1.
Fauré : 1, 2, 3-4, 5, 6, 7-8, 9, 10, 11, 12-13, 14 ;
Après un rêve : 15 ; Au cimetière : 16 ; Ballade : 17-18 ; Berceaux
(Les) : 19 ; Berceuse : 20 ; Bonne Chanson (La) : 21-22 ; Cantique
de Racine : 23 ; Chant d’automne : 24-25, 26-27, 28, 29, 30,
31-32 ; Cinq Mélodies dites « de Venise » : 33, 34, 35 ; Deuxième
Sonate : 36 ; Ici-bas : 37 ; Papillon et la eur (Le) : 38, 39 ;
Premier Quatuor : 40-41, 42 ; Première Sonate : 43-44, 45, 46,
47 ; Puisqu’ici-bas : 48 ; Romances sans paroles : 49, 50.
Fearn, Liliane : 1.
Fénelon, Bertrand de : 1.
Fénéon, Félix : 1, 2.
Ferré, André : 1, 2, 3, 4.
Feydeau, Ernest : 1, 2.
Figaro (Le) : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.
Finaly, Horace : 1.
Finaly, Marie : 1, 2.
Flaubert : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12-13,
14-15, 16 ; Bouvard et Pécuchet : 17 ; Éducation sentimentale (L’) :
18, 19 ; Légende de saint Julien l’Hospitalier (La) : 20 ; Madame
Bovary : 21, 22, 23.
Floupette, Adoré (pseud.) : 1.
Fortoui, Mme : 1.
Fould, Mme Léon : 1.
Fouquières, André de : 1.
Fragonard : 1.
France, Anatole : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8.
Franck : 1, 2, 3, 4, 5.
Freud : 1, 2, 3, 4.
Fromentin : 1, 2, 3, 4.
Gadamer, Hans Georg : 1.
Galand, René : 1.
Galland, Antoine : 1.
Gallimard, Gaston : 1, 2.
Ganderax, Louis : 1.
Garnier, Robert : 1.
Gasc-Desfossés, Léon : 1.
Gaucher, Maxime : 1.
Gauguin : 1, 2, 3.
Gaulois (Le) : 1.
Gautier, Théophile : 1, 2, 3, 4, 5, 6.
Genèse ; 1.
Genette, Gérard : 1, 2, 3, 4.
Gerville, Charles de : 1.
Ghéon, Henri ; 1, 2, 3.
Gide : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 ; Corydon : 10 ; Journal :
11, 12, 13.
Gineste, Marie : 1.
Giorgione : 1.
Giotto : 1, 2.
Giraudoux : 1.
Giry, Arthur : 1, 2.
Gohier, Urbain : 1.
Godet, Robert : 1.
Goncourt, Édmond et Jules de : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,
10, 11, 12.
Goubault, Christian : 1.
Goya : 1.
Goyon, Oriane de : 1.
Graham, Victor E. : 1.
Grasset, Bernard : 1.
Gregh, Fernand : 1.
Grôhler, Hermann : 1.
Guillaumin, Armand : 1.
Guyaux, André : 1.
Guys, Constantin ; 1.
Hahn, Reynaldo : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11,
12, 13, 14, 15, 16.
Halévy, Daniel : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.
Halévy, Fromental : 1.
Haskell, Francis : 1, 2, 3, 4.
Hasselmans, Marguerite : 1.
Hayot, Maurice : 1.
Hegel : 1, 2, 3.
Hennequin, Émile : 1.
Henry, Anne : 1, 2.
Hermant, Abel : 1, 2, 3, 4-5, 6.
Hirschfeld, Magnus : 1.
Homère : 1, 2, 3 ; Odyssée : 4.
Hugo : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9, 10, 11, 12, 13, 14,
15 Chants du crépuscule (Les) ; 16 Contemplations (Les) : 17, 18,
Éviradnus : 19 ; Fête chez Thérèse (La) : 20, 21, 22 ; Légende des
siècles (La) : 23 ; Notre-Dame de Paris : 24 ; Papillon et la Fleur
(Le) : 25-26, 27 ; Puisqu’ici-bas : 28, 29 ; Voix intérieures (Les) :
30 ; William Shakespeare : 31.
Huysmans : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9, 10, 11, A rebours :
12, 13, 14, 15, 16 ; Art moderne (L’) : 17, 18 ; Cathédrale
(La) : 19 ; Certains : 20-21, 22.
Imitation de Jésus-Christ : 1.
Ingres : 1.
Jammes, Francis : 1, 2, 3, 4-5, 6, 7.
Jankélévitch, Vladimir : 1.
Jauss, Hans Robert : 1, 2, 3.
Joret, Charles : 1, 2.
Joubert : 1.
Jouhandeau, Marcel : 1.
Joyce : 1, 2.
Kessediian, François : 1.
Krafft-Ebing, Richard von : 1, 2, 3, 4.
La Bruyère : 1.
Lacretelle, Jacques de : 1.
Lafayette, Mme de : 1, 2.
La Fontaine : 1.
Laloy, Louis : 1.
Lamartine : 1.
Lanson, Gustave : 1.
Larivière : 1.
Larivière, Marcelle : 1.
La Rochefoucauld, duc Sosthène de : 1.
Lauris, Georges de : 1.
Lavallée, Pierre : 1, 2.
Laverdant, Gabriel-Désiré : 1.
Lavignac, Albert : 1.
Lavisse, Ernest : 1.
Leconte, Sébastien-Charles : 1.
Leconte de Lisle : 1, 2-3, 4.
Le Cuziat, Albert : 1. Légende dorée, (La) : 2.
Le Héricher, Édouard : 1, 2-3, 4.
Le Hir, Yves : 1.
Lély, Gilbert : 1.
Lemaire, Madeleine : 1, 2.
Lemaitre, Jules : 1, 2, 3, 4, 5, 6.
Le Prévost, Auguste : 1.
Le Sidaner, Henri : 1, 2.
Levis-Mirepoix (Proust écrit Lévy-Mirepoix) : 1.
Libre Parole (La) : 1.
Lockspeiser, Edward : 1, 2.
Lombroso, Cesare : 1, 2.
Long, Marguerite : 1.
Longnon, Auguste : 1, 2, 3, 4- 5, 6.
Longnon, Henri : 1.
Longnon, Jean : 1-2.
Lorrain, Jean : 1.
Lucain : 1.
Lucien : 1.
Lucrèce : 1.
Mac-Mahon : 1.
Maeterlinck : 1, 2 ; Pelléas et Mélisande : 3, 4.
Magnan, Valentin : 1-2.
Mamtenon, Mme de : 1, 2, 3.
Maistre, Joseph de : 1.
Mâle, Émile : 1, 2, 3, 4, 5, 6.
Malherbe : 1.
Mallarmé : 1, 2.
Manet : 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11.
Mantegna : 1-2, 3, 4.
Marat : 1.
Mardrus, Joseph Charles : 1.
Marmitta, Francesco : 1, 2, 3.
Marmontel : 1.
Marquis, chanoine Joseph : 1, 2, 3, 4.
Martin-Chauffier, Louis : 1, 2.
Marty, A.-E. : 1.
Marx : 1.
Massenet : 1, 2.
Massillon : 1.
Massis, Henri : 1.
Maupassant : 1 ; Fort comme lamort : 2.
Maurras : 1, 2, 3, 4.
Mauté, Mme : 1.
Melville : 1.
Mendelssohn : 1.
Mendès, Catulle : 1.
Merlet, Gustave : 1.
Michel-Ange : 1.
Michelet : 1 ; Bible de l’humanité (La) : 2.
Mille et Une Nuits (Les) : 1, 2.
Milly, Jean : 1.
Mirbeau, Octave : 1, 2.
Molière : 1, 2, 3.
Moll, Albert : 1.
Monet : 1, 2, 3, 4, 5.
Montaigne : 1, 2, 3 ; Essais ; 4.
Montchrestien, Antoine de : 1.
Montesquieu : 1.
Montesquiou-Fezensac, Robert de : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8,
9, 10, 11.
Morand, Paul : 1, 2, 3, 4.
Moreau, Gustave : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.
Moreau de Tours, Jacques : 1.
Mornand, Louisa de : 1.
Mugnier, chanoine Arthur : 1.
Mulon, Marianne : 1.
Murât, princesse Lucien (née Marie de Rohan) : 1, 2.
Musset : 1, 2.
Nathan, Jacques : 1, 2.
Nattiez, Jean-Jacques : 1.
Nectoux, Jean-Michel : 1, 2, 3.
Nerval : 1, 2, 3, 4, 5.
Nietzsche : 1, 2, 3-4, 5, 6.
Nisard, Désiré : 1.
Noailles, Anna de : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 ; Éblouissements
(Les) : 8, 9 ; Vivants et les Motts (Les) ; 10.
Nochlin, Linda : 1.
Nora, Françoise : 1.
Nordau, Max : 1.
Nouvelle Revue française (La) : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.
Ovide : 1.
Painter, George D. : 1, 2, 3, 4.
Panthès, Mane : 1.
Paris, François de ; 1.
Paris, Gaston : 1.
Parmesan (le) (Mazzuoli) : 1.
Pascal : 1, 2.
Pater, Walter : 1, 2.
Péguy : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.
Péladan : 1, 2, 3, 4, 5, 6.
Pellieux, général de : 1.
Perronneau, Jean-Baptiste : 1.
Pérugin (le) : 1.
Pétain, Raymond : 1.
Petersen, N.-M. : 1.
Picasso : 1.
Pichois, Claude : 1.
Pissarro, Camille : 1.
Pissarro, Lucien : 1.
Plantevignes, Marcel : 1, 2.
Platon : 1, 2, 3.
Poe : 1, 2, 3, 4, 5, 6.
Poggioli, Renato : 1.
Pofignac, princesse de (née Winnaretta Singer) : 1, 2, 3.
Pommier, Jean : 1, 2.
Poulet, Gaston : 1, 2.
Poussin ; 1, 2-3, 4, 5.
Praz, Mario : 1, 2, 3.
Prentout, Henri ; 1.
Prévost, Marcel : 1.
Primatice (le) : 1.
Proust, Adrien : 1, 2, 3.
Proust, Mme : 1, 2, 3, 4.
Proust, Robert : 1, 2, 3.
Quémar, Claudine : 1.
Quicherat, Jules : 1-2, 3, 4, 5.
Rachilde : 1.
Racine : 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8-9, 10-11, 12-13, 14-15,
16-17, 18-19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28-29, 30,
31, 32 ; Athalie : 33, 34-35, 36-37, 38-39, 40, 41, 42-43,
44, 45, 46 ; Andro-maque : 47, 48 ; Bajazet : 49-50, 51, 52 ;
Britannicus : 53, 54, 55 ; Esther : 56, 57-58, 59-60, 61-62,
63-64, 65-66, 67-68, 69, 70 ; Phèdre : 71, 72, 73, 74, 75,
76, 77, 78, 79, 80, 81.
Raphaël : 1, 2, 3.
Reff, Théodore : 1.
Régnier, Henri de : 1.
Renan : 1, 2, 3.
Renard, Jules : 1.
Renoir : 1, 2, 3, 4.
Reverdy : 1.
Revue contemporaine : 1, 2, 3.
Revue de Paris (La) : 1.
Revue des Deux Mondes : 1, 2, 3, 4, 5, 6.
Revue lilas (La) : 1.
Richepin, Jean : 1, 2.
Ricœur, Paul : 1.
Rimbaud : 1, 2.
Risler, Édouard : 1.
Rivière, Jacques : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.
Robbe-Grillet, Alain : 1.
Robert, Louis de : 1, 2, 3, 4, 5, 6.
Roger, Alain : 1.
Roger, Philippe : 1.
Rofi, Alfred : 1.
Rollinat, Maurice : 1.
Ronsard : 1.
Rops, Félicien : 1.
Rosny aîné : 1.
Rostand (L’Aiglon) : 1.
Rouart, Henri : 1.
Roubine, Jean-Jacques : 1.
Rousseau : 1, 2, 3.
Rubens : 1, 2.
Ruskin : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 ; Bible d’Amiens
(La) : 11 ; Sésame et les Lys : 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19,
20, 21.
Sachs, Maurice : 1.
Sade : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8
Sainte-Beuve : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12,
13-14, 15, 16, 17, 18, 19-20, 21, 22, 23.
Saint-Saëns : 1, 2, 3.
Saint-Simon, comte de : 1.
Saint-Simon, duc de : 1, 2.
Saint-Victor, Paul de : 1, 2.
Sand, George : 1.
Sarcey, Francisque : 1.
Sarraute, Nathalie : 1.
Saussure, Ferdinand de : 1.
Scheikévitch, Marie : 1.
Schelling : 1, 2.
Schiff, Sydney : 1.
Schiller : 1.
Schlôndorff, Volker : 1.
Schonberg : 1.
Schopenhauer : 1, 2.
Schubert : 1, 2.
Schumann : 1, 2.
Scott, Walter : 1.
Séailles, Gabriel : 1, 2, 3,
Seurat : 1, 2.
Sévigné, Mme de : 1, 2, 3.
Signac : 1, 2.
Signorelli : 1.
Silvestre, Armand : 1, 2.
Sophocle : 1, 2, 3, 4.
Souday, Paul : 1, 2, 3, 4, 5.
Stamati, Camille : 1.
Stapfer, Victor : 1.
Starobinski, Jean : 1.
Stendhal : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 ; Lucien Leuwen : 8 ; Racine
et Shakespeare : 9 ; Salon de 1824 : 10.
Sternhell, Zeev : 1, 2.
Stevenson, Robert Louis : 1, 2.
Straus, Mme (née Geneviève Halévy, veuve de Georges Bizet) :
1, 2, 3, 4.
Suarès, André : 1, 2.
Sully Prudhomme : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 ; Berceaux
(Les) : 9 ; Ici-bas : 10, 11, 12 ; Le Longdu quai : 13.
Swinburne : 1, 2.
Taine : 1, 2, 3, 4, 5.
Tarde, Gabriel de : 1.
Tardieu, Ambroise : 1.
Temps (Le) : 1, 2, 3, 4.
Thierry, Augustin : 1, 2, 3.
Tocqueville : 1.
Tolstoï : 1, 2, 3.
Touchard, Jean : 1.
Turner : 1, 2.
Ulrichs, Karl Heinrich : 1.
Un cadavre : 1.
Valéry : 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8.
Van Blarenberghe, Henri : 1, 2- 3, 4, 5.
Vaudoyer, Jean-Louis ; 1.
Vélasquez : 1.
Vendryes, Joseph : 1.
Vergmaud : 1.
Verlaine : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.
Vermeer : 1, 2 ; Vue de Delft : 3.
Veuillot, Louis : 1.
Vidal de la Blache, Paul : 1.
Vigny : 1, 2, 3, 4-5.
Vinci : 1, 2.
Virgile : 1, 2.
Visconti, Lucchino : 1.
Vogue (La) : 1.
Voltaire : 1.
Wagner : 1, 2, 3, 4-5, 6-7, 8-9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23 ; Enchantement du
Vendredi saint (L’) : 24, 25, 26 ; Lohengrin : 27, 28, 29, 30 ;
Parsifal : 31, 32, 33, 34, 35 ; Tétralogie : 36, 37 ; Tristan et
Isolde : 38, 39, 40.
Weber, Eugénie (Mme Segond-Weber) : 1.
Westphal, Cari : 1.
Williams, Edwin E. : 1.
Yeatman, Léon : 1.
Yoshikawa, Kazuyoshi : 1.
Zola : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8.