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Bibliothèque de l'école des

chartes

Cantique latin à la gloire d'Anne Musnier, héroïne du douzième


siècle.
Félix Bourquelot

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Bourquelot Félix. Cantique latin à la gloire d'Anne Musnier, héroïne du douzième siècle.. In: Bibliothèque de l'école des
chartes. 1840, tome 1. pp. 289-304;

doi : https://doi.org/10.3406/bec.1840.444250

https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1840_num_1_1_444250

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■о

CANTIQUE LATIN

A LA GLOIRE

D'ANNE MUSNIER

HÉROÏNE DU DOUZIEME SIECLE.

Le cantique latin qu'on va lire , rappelle un événement


historique dont le souvenir était encore populaire en Champagne, il y a
quelques années. S'il faut en croire la tradition, à la fia du
douzième siècle, vers 1175, un complot avait été tramé contre les
jours du comte de Champagne Henri-le-Libéral. Le crime allait
s'accomplir, trois chevaliers attendaient dans le palais du prince
le moment favorable pour le frapper. Mais une femme, Anne
Musnier, a entendu les paroles sinistres qu'échangent entre eux
les conspirateurs; elle appelle le chef, l'éloigné de ses complices,
et le frappe d'un poignard avant même qu'il ait pu songer à se
défendre. Les deux autres accourent au bruit; elles les attaque,
et, couverte de blessures, lutte longtemps avec une incroyable
énergie. Enfin les assassins sont arrêtés, l'héroïne sauvée1.
Ce fait si curieux n'a été rapporté ni par les historiens, ni par

« Cel événement , suivant la tradition , s'es.1 accompli dans la ville de Provins r


ей Brie, dont Arme Musnier paraît avoir été originaire. M. Grillon, dans ses
Mémoires Ms., lui donne pour théâtre le palais des comtes de Champagne, dont on
voit encore les restes à Provins; Sainte-Foix partage le sentiment de M. Grillon.
On trouve, pendant plusieurs siècles, dans la capitale de la Brie, des membres de
la famille d'Anne, qui était mariée à un certain Gérard de Langres : Petrus Lin-
gonensis ou de Lingonis , présent à des actes du comte Henri, de i j 55 et 1 1.56 ,
et regardé comme le beau-père d'Anne; Girard de Langres, échevin en 1З01; Jean
de Langres, nommé dans un procès-verbal de J^iS, lorsque les grands vicaires
de l'archevêque de Sens, Henri de Savoisy, prennent possession de l'archevêché
dans les églises de Provins; Guillaume de Langres, curé de Gimbrois, en i5os, etc.
290
les érudits de la Champagne. Pilhou, Moissant, Camusat, Baugier,
Desguerrois, l'ont passé sous silence. Le récit en a seulement été
conservé dans les Essais sur Paris, de Sainte-Foix1, et dans le
Traite de la Noblesse d'André de la Roque2. Le cantique que
nous publions, et qui paraît remonter au commencement du
treizième siècle, est un témoignage de l'admiration que dut inspirer
aux contemporains Anne Musnier, cette nouvelle Judith, sauvant la
vie d'un prince justement chéri. Sous ce point de vue déjà, il
mérite une attention sérieuse, surtout lorsque l'on considère combien
peu d'anciens chants historiques sont parvenus jusqu'à nous3.
Entièrement composé de versets de la Bible, revêtu, malgré l'absence
du rythme, d'une forme éminemment poétique, il constitue dans
son ensemble un petit drame plein de mouvement et de vie ; et ces
particularités sont en sa faveur de nouveaux et puissants motifs
d'intérêt. D'ailleurs, il a L'avantage de se rattacher à la question
assez ardue des institutions nobiliaires sur laquelle il reste encore
bien des recherches à faire et bien des points à éclaircir.
Le cenlon fait à la gloire d'Anne Musnier nous a été conservé
par un savant et intègre religieux, M. Nicolas Billate4, qui en
donne lui-même la date approximative, d'après l'examen du
manuscrit où il Га trouvé : Opus, dit-il, fere totum ex Scripturœ sa-
crœ verbis contextum, circiter anno 1200, aucthore anonymo.
Malgré cette asssertion d'un homme dont la bonne foi n'est pas
douteuse, l'antiquité de ce monument a trouvé quelques contradic-

1 Tome III , page icp, 3e édit.


2 In-"4°, 1710, page 242.
3 L'abbé Lcbœuf en a reproduit quelques-uns; l'un d'eux est relatif à Hugues,
fils de Charlemagne (Лес. de div. écrits pour setvîr d'éclaircissements à Г hist, de
France). — Mabillon a fair, imprimer dans ses Ann. benedict, (tome III, p. 692 )
un cantique du moine Hucbold , intitulé: Hymnus de sanclo Theodorico. —
D. Bouquet a publié ( tome X , p. 94) une pièce intitulée : Rhyûimus saùricus de
lernporibus Roberti régis , etc.
4 Billate, né à Rélhel, chanoine régulier de l'Hôtel-Dieu et de Saint-Quiriace
de Provins, fut exilé comme coupable de jansénisme, à l'abbaye de Dilo , près
Briénon, et y mourut à cinquante-cinq ans de douleur et de misère (1748). Il avait
fait ďimmenses recherches sur la ville de Provins, et même commencé son
histoire ; mais ses écrits , presque tous inédits , ont été dispersés , et il ne reste guère
que quelques pièces copiées par lui, parmi lesquelles est notre cantique. Une autre
copie de ce monumenl, historique existe dans les Ms. de M. Ylhier ( Hist, des
illustres de Provins) 5 mais elle paraît avoir été faite sur celle de M. Billate.
291
leurs. Quelle preuve, a-l-on dit, M. Billale nous fournil-il de ce
qu'il avance? Le manuscrit original n'existe plus, el tout examen,
toute vérification sont par conséquent impossibles. Le cantique à
la gloire d'Anne Musnier ne serait-il pas un morceau composé
après coup, pour justifier les prétentions illégitimes d'une famille
qui avait usurpé la noblesse? L'auteur anonyme de cette
composition nous dit, il est vrai, que le fait s'est accompli de son temps, et
ce fait est arrivé vers 1175, d'après Sainle-Foix: Ecceopus factum
est in diebus nostris; et plus loin : A Domino factum est istud, et
est mirabile in oculis nostris. Mais ces paroles mômes ne sont- elles
pas un piège habile pour abuser la crédulité du lecteur?
Malheureusement, le style du monument ne peut nous conduire
à aucune induction favorable ou contraire à son authencilé. Les
phrases qui le composent se trouvent toutes, comme nous l'avons
dit, dans l'Ancien et dans le Nouveau-Testament. Peut-être,
cependant, pourrait-on regarder comme le caractère d'une certaine
ancienneté le mot miles pris de l'acception de chevalier qu'il avait
exclusivement au moyen âge, tandis qu'il n'est jamais employé
dans la Bible que pour désigner un soldat. En outre, l'expression
de conviva principis , et celle de signantes annulo meo, quoique
appartenant toutes deux au langage biblique, rappellent des
habitudes du moyen âge, et par conséquent affaiblissent le soupçon
d'une contrefaçon moderne. En effet, si un faussaire avait été
l'auteur de cette pièce, il est certain qu'il ne lui eût donné la forme
du centon que dans la crainte de revêtir son récit d'expressions
impropres pour le temps auquel l'action s'est passée. Or, comment
supposer que dans son choix des versets bibliques, le hasard l'eût
fait tomber précisément sur ceux qui pouvaient faire équivoque
aux douzième et treizième siècles?
Mais il est d'autres points sur lesquels la discussion peut jeter
de plus vives lumières. Sainte-Foix affirme que des lettres de
noblesse furent accordées par Henri à Anne Musnier dont le courage
lui avait sauvé la vie, à son mari et à sa postérité. De la Roque
signale aussi l'existence de ces lettres, et notre texte contient à cet
égard ces paroles remarquables : Tu vocaberis nobilis virago juxta
decrelum quod non liceat immutarc; sit quoque nobilis vir tuus,
et sedeat cum senatoribus terrœ. Scribite ergo litter as, signantes
annulo meo. Ainsi, en prenant nobilis dans le sens de noble, on
trouve dans ces versets renonciation précise de lettres de noblesse
données en faveur de l'héroïne et de son mari. Or, une grave ob-
292
jection s'élève contre ce fait. Les anoblissements par lettres ne
paraissent avoir commencé qu'à la fin du treizième siècle, et les
lettres de noblesse octroyées par Philippe-le-Hardi à Raoul
l'Orfèvre, vers 4271, sont les premières dece genre qu'on reconnaisse
comme authentiques. Il est donc possible que, pour appuyer une
noblesse imaginaire, on ait fabriqué, longtemps après l'événement
de 1175, le cantique triomphal qui parle assez catégoriquement
de l'anoblissement d'Anne Musnier et de son mari Gérard de
Langres.
Ce raisonnement ne donne naissance qu'à une conjecture.
D'ailleurs, on ne doit pas oublier que quelques écrivains, instruits et
de bonne foi, font remonter jusqu'au roi Robert l'origine des
anoblissements par lettres , et, bien que la charte de ce prince du
24 juin 1008, rapportée par d'Hosier, laquelle déclare nobles et de
noble race Denis et Louis Jacquot, natifs de Bourgogne, soit fort
suspecte; bien qu'on regarde comme supposées les lettres
d'anoblissement données en 1095, par Philippe Ier à Eudes le Maire,
pour avoir accompli à sa place le vœu de visiter le saint sépulcre,
et le vidimus (1361) d'une charte de Henri-lé-Libéral qui conférait
la noblesse à la famille des Bureau, on n'en conviendra pas moins
que les controverses élevées sur ces documents ne donnent pas le
droit de nier, a priori, l'authenticité de lettres de noblesse
antérieures au treizième siècle.
Une autre circonstance qu'on pourrait nous objecter, c'est
l'existence d'un titre qui octroie d'importants privilèges à la famille
des Musnier, sans que ces privilèges présentent le caractère d'un
anoblissement. Voici le texte d'une charte de Henri-le-Libéral,
tel qu'on le trouve copié dans une pièce manuscrite de la
bibliothèque du roi (cabinet du Saint-Esprit) :
E^o, Henricus, irecensis comes palalirms , praesentibus et futuris notum fieri
volo, me, Girardum lingoiiensem , et Ilumbertum Fagnerellum et eorum hœredes
et hœredibus maritagio conjungentes, concessisse liberos esse in perpetuum ab
omni taillia et exaclione, exercilu et equitatu, per viginli soiidos singulis annis
solvendos in elemosinariamea, die saoclo Veneris, unusquisque per decem soiidos,
neque per alium se justiciabunt in aliquo, nisi prsesens ego ipse affuero. (1176.)

Cette charte fut confirmée en 1198 par Thibault, fils de Henri,


puis par Philippe-le-Long en 1319, par Jean en 1361, par
Charles VI en 1397, par Charles IX en 1567, et par Louis XIII en 1630.
« Mais la confirmation de Thibault, remarque le copiste qui noua
293
« a conservé la charte de Henry, n'est que pour ledit Girard de
« Langre el Ane Musniers sa femme et leurs descendants à per-
« pétuité, ne se doit payer par an que cinq solz par chaque
perce
sonne, et au lieu du grand vendredy, se doit estre le jour de
« l'anniversaire du comte Henry, son père, pour estre employés au
« luminaire d'iceluy ; en voicy les termes : Insuper liberos prœfati
« Girardi et Musneriœ uxoris suœ et parentum eorum, in per-
« petuam elemosinam dedi thesauro ecclesiœ , unumquemque pro
« quinque solidis singulis annis solvendis die anniversarii patris
« mei, pro faciendis \ Au commencement de ces lettres de
« Thibault, est répété le contenu des lettres d'Henry.»
Si la noblesse d'Anne Musnier, de Gérard de Langres et de leurs
descendants n'est fondée que sur ces pièces, on ne peut s'empôcher
de reconnaître qu'elle présente tous les caractères d'une usurpation,
et il faut approuver l'arrêt rendu en 1668, par lequel les rejetons
de l'héroïne furent déboutés de leurs prétentions nobiliaires, lors
de la réformation des nobles dans la généralité de Champagne. La
charte de Henri-le-Libéral ne paraît en effet renfermer qu'un
affranchissement de services et de tailles. On aurait su plus tard
en tirer un autre parti ; on l'aurait fait passer pour lettres de
noblesse, et notre cantique aurait été imaginé dans le but de donner
plus de force à des assertions mensongères.
J'avoue néanmoins qu'il me reste encore des présomptions
favorables à l'ancienneté de cette pièce. On ne voit pas en effet qu'elle
eût présenté une grande utilité à des faussaires ; les femmes de la
lignée d'Anne Musnier s'attribuaient non-seulement le droit
d'anoblir leurs enfants , mais celui même d'anoblir leurs maris, et le
cantique fait uniquement mention de la noblesse d'Anne et de
Gérard de Langres. Et puis comment comprendre que les
tribunaux devant lesquels s'agita dès le XVe siècle la question de la
noblesse de leur famille eussent pu prendre des titres
d'affranchissement pour des lettres de noblesse? Cependant, en 1422 et
1441, Jean Marcon, veuf d'Agnès-le-Tartrier et Agnelotte Cons-

1 De la Roque rapporte ainsi les lettres de Henri- le-Libéral : « Et eorum


hseredes maritagio contingentes in perpetuum immunes esse ab omni taillia , sub-
ventione , imposilione, exactione, exercitu et equitatu et alia servilute seu redi-
bentia quacumque; neque per alium se jusliciabunt in aliquo, nisi praesens ego
ipse affuero; et solvent singulis annis, pro remedio anima; meœ et parentum meo-
rum, quinque solidos in cleemosinario meo, »
294
tant, femme de Colinet de Bury, obtinrent, en qualité de rejetons
de notre héroïne, des sentences qui confirmaient formellement
leurs prérogatives nobiliaires. On produisit à la commission pour
la réformation des nobles, une sentence du 12 avril 1486, donnée
au profit de Jacques Perresin, et contenant la reconnaissance des
mêmes droits V Que résulte-t-il de ces faits? Que les pièces citées
plus haut avaient réellement au moyen âge la valeur d'un
anoblissement, ou qu'il a existé d'autres titres sur lesquels ont été basés
les jugements de 1422, 1441 et i486. Et, en vérité, quand on
considère que le bienfait de Henri-le-Libéral s'adresse à Guillaume
Fagnereau et à Gérard de Langres, et que le personnage auquel
il semblait destiné est complètement oublié ; qu'Anne Musnier
partage seulement dans le titre de Thibault Y la faveur accordée à
son mari, et que la cause de cette concession % qu'on s'attendait
naturellement à y trouver, n'est dans une charte ni dans l'autre ;
enfin , que le privilège émané du comte de Champagne, restreint
par la condition d'une redevance annuelle, n'a pas le caractère de
récompense donnée à un eminent service, on est disposé à penser
que d'autres titres de noblesse, perdus sans doute en 1668,
établissaient particulièrement la noblesse des Musnier, tandis que les
pièces trouvées à la bibliothèque du roi déchargeaient seulement
cette famille de certaines prestations. On sait que, lors de la
reformation de la noblesse, de fort illustres et anciennes familles
furent dégradées, parce que leurs titres n'existaient plus.
Dans cette hypothèse, il serait permis de croire à l'authenticité
de noire cantique, qu'il nous paraît difficile de renverser
historiquement. Mais, s'il était prouvé que les prétentions des Musnier ne
reposent que sur une fausse interprétation des lettres de 1175 et
1198, les termes du centon à la gloire d'Anne Musnier pourraient
encore s'accorder avec le sens restreint de ces titres ; car, dans un
très-grand nombre de cas, le mot nobilis désigne simplement au
moyen âge un ingenuus et un liber, et l'acception d'homme libre
appliquée à notre texte est tout à fait dans l'esprit des chartes de
Henri-le-Libéral et de Thibault son fils.

1 Les armes tb La famille des Musnier étaient d'azur au lion ďor avec celle
devise : vincit omnia.
2 De la Roque parle cependant d'un exposé des motifs, dans lequel l'héroïsme
d'Anne seraiL rappelé.
295

ANNAE MUSNIER PRUVINENSIS ELOGIUM,

CANTICUM TRIUMPHALE ET GRATIARUM ACTIONIS;

OB INC0LUM1TATEM HENRICI , IIATJSTHÏS ВВЛЛЕ ET CAMPANILE COMITIS


HTJJTJS HEUOIPIS BEÏ4EFACTO SERVATAM '•

haec, omnes gentes; auvibus percipite ormies qui babitatis


oxbem {Psalm. 48, 2);
Quique terrîgenœ et filii hominum , simul inunum , dives et
pauper ( Psalm. 48, 3),
Venite et videte opera Dei terribilis in operis suis (Psalm. 65, 5).
Ecce opus factum est in diebus nostris, quod nemo credet cum nar-
rabitur {Habac. 1,5).
Irati très milites voluerunt insurgere in dominům suum et occi-
dere.eum (Esth. 2. 21),
Sedentesin insidiisin occultis, quasi leo in spelunca sua (Psalm. 10,
9)-
Erat autem mulier, cui nomen Anna, quac noverat regere familiam
et gubernare domum (Job, 10, 13),
Gonfidebat in ea cor viri sui (Prou. 31, 11), nee erat qui loqueretur
de ea verbum inalum (Judilh, 8,8);

Peuples, écoutez tous, prêtez l'oreilje, liabitants de ce globe;


Enfants delà terre, fils des hommes, tous ensemble, riche et pauvre,
Venez et voyez les œuvres de Dieu, de Dieu terrible dans ses œuvres!
Voici : Un fait s'est accompli en nos jours que personne ne croira quand on
le racontera.
Trois chevaliers mécontents se révoltèrent contre leur seigneur et voulurent
le tuer;
Ils tramaient leur complot dans l'ombre, comme le lion dans sa caverne.
Mais alois vivait une femme, nommée Anne, qui savait gouverner sa famille
et meatr sa maison ;
Le cœur de son mari se confiait en elle, et il ne se trouvait personne qui dît
du mal de sa conduite ;

1 Sic in schedis D. Bilkile.


296
Supi*a modům mulier mirabilis, et bonorum memoria digna.
Repleta erat sapientia, et fœmineœ cogitationi animum masculinum
inserens (2 Mac, 7, 21).
Cum que intellexisset cogitationes eorum, et curas diligentius per-
vidisset (Esth., 12,2.),
Didicit quod ccmaretur in Henricum principem mittere manus
(Esth., 12, 2), et quod ei čerta mors impenderet (Esth., 13, 2), et
confugit ad Dominům, pavens periculum quod imminebat
(Esth., 14, 1).
Et ingressa oratorium suum et prosternens se (Judith, 9, 1), oravit
ut dirigeret viam ejus ad liberationem principis (Judith, 12, 8),
Dicens : « Domine, adjuva me solitariam, et cujus prseter te nulhis
« est auxiliator alius (Esth., 14, 3);
« Memento , Domine , comitis Henrici , et omnis mansuetudinis
ejus (Psdlm. 13.1, 1);.
« Libéra eum de manu conjuratorum, et erue me a timoré meo
{Esth., 14 19).
« Quomodo enim potero sustinere песет et interfectionem princi-
« pis mei (Esth., 8, 6j ?
« Tribue sermonem compositum in ore meo, in conspectu leonis, ut
« ipse pereat, et caeteri qui ei consentiunt (E*th. 14, 13).
« Erige brachium tuum sicut ab initio, et allide virtutem eorum
« in virtute tua (Judith, 9. 11).

Femme admirable au delà de toute expression, et digne du souvenir des gens


de bien.
Elle était remplie de sagesse^et dans une âme de femme elle enserrait le
courage d'un homme.
Anne comprit la pensée des traîtres et devina leur dessein; elle vit qu'il
s'agissait de porter la main sur le comte Henri et qu'une mort certaine lui était
destinée; alors dans la crainte du péril qui le menaçait elle se réfugia vers le
Seigneur ;
Et étant entrée dans son oratoire, prosternée contre terre, elle se mit à prier
Dieu qu'il dirigeât ses pas et l'aidât à délivrer le prince,
Disant : « Seigneur, viens à mon aide, je suis seule et je n'ai que toi pour
■« soutenir ma faiblesse.
<( Souviens-toi, Seigneur, du comte Henri et de toute sa mansuétude!
« Délivre-le des mains des conjurés, et tire-moi de la crainte où je suis!
« Et comment pourrais -je supporter l'assassinat, la mort de mon prince?
« Mets dans ma bouche des paroles adroites quand je serai en présence du
« lion, afin qu'il périsse, lui et ses complices !
« Etends ton bras, comme tu fis au commencement, et écrase leur force sous
« ta force;
297
« Da mihi in animo constantiatn ut contemnam illos , et virtu lem
ut evertam illos (Judith, 9, 14).
« Erit enim hoc memoriále nominis tui cum manus fœminse deje-
« cerit illos (Judith, 9, 15).
« Irruat super eos formido'et pavor , fiant immobiles quasi lapis
(Exod., 15, 16);
« confringam
Evaginabo gladium
illos, nee
meum;
poterunt
interficiet
stare,eoscadent
manus subtus
mea (Exod.,
pedes15,
meos
9);
[Psalm. 17,-39).
<f Auferes spiritum eorum et deficient, et in pulverem suam rever-
« tentur (Psalm. 103, 29).
Confirma me , Domine Deus , et réspice in bac hora ad opus ma-
« nuum mearum (Judith, 13, 7),
« Et hoc, quod credens per te posse fieri cogito , sine timoré perfi-
« ci am (Judith, 13, 7). »
Cumque cessasset clamare ad Dominům, surrexit de loco in quo
jacebat prostrata(/í«/í7A, 10, 1),
Et accinctagladiosubtersagum(JW/c., 3, 16), profecta est ad locum
insidiarum (Josue, 8,9).
Ecce isti discumbebant comedentes et bibentes, et quasi festům
diem célébrantes (1 Reg., 30, 16).
Anna igitur dixit ad ducem conjuratorum : « Verbum secretutn
« habeo ad te (Judic, 3, 19). *

«. Donne à mon âme la constance afin que je les méprise, et le courage afin
« que je les renverse.
e Ce sera un signe, qui fera souvenir de ton nom, que la main d'une femme
« ait terrassé ces hommes redoutables.
«Que sur eux fondent la crainte et la terreur, qu'ils deviennent immobiles
« comme la pierre!
« Je tirerai mon glaive du fourreau, ma main les tuera, je les broyerai, et ils
h ne pourront se tenir debout, et ils tomberont sous mes pieds.
« Tu leur ôteras le souffle, et ils s'évanouiront, et, poussière, ils retourneront
« en poussière.
« Affermis mon cœur, Seigneur Dieu, et jette à cette heure les yeux sur
« l'œuvre de mes mains;
« Ainsi, j'accomplirai sans crainte une action, qu'avec ton aide je ne crois
« pas au-dessus de mes forces. »
Et lorsqu'elle eut cessé de crier au Seigneur, elle se leva du lieu où elle gisait
prosternée,
Et ceignant un glaive sous sa robe, elle partit pour le lieu où se trouvaient
les traîtres.
Or ils étaient à table, buvant et mangeant, et comme s'ils eussent célébré un
jour de fête.
Ацпе dit donc au chef des conjurés : « J'ai à te parler en secret. »
i. 20
298
Qui statim surrexit, et egressus est ad eam, relictis omnibus qui
circa eum erant (Judic, 3, 19 et 20).
Extenditque illa manum, et tulit sicam de femore suo (Judic, 3^
21),
Infixitque eam in ventre tain valide, ut capulus sequeretur ferrum
in vulnere Judic, 3, 21 et 22).
At ille , ictum morti consocians , defecit et raortuus est (Judic, 4,
21).
Volvebatur ante pedes ejus, et jacebat exanimis et miserabilis (Ju~
die, 5, 27); horruerunt socii constantiam fœminae et audaciam ejus
(Judith, 16, 12).
Cumque invenissent ducem in sanguine suo volutatum, decidit
super eos timor, {Judith, 14, 4),
Et turbati sunt animi eorum valde ( Judith , 14, 17), et fugit mens
et consilium ab eis (Judith, 15, 1).
Et factus est clamor incomparabilis in medio civitatis (Judith , 14 ,
18), et accepit unusquisque vir arma sua, et egressi sunt cum grandi
strepitu et ululatu (Judith, 14, 7);
Et concurrerunt ad eam omnes , a minimo usque ad maximum ,
quoniam sperabant earn jam esse mortuam (Judith, 13, 15).
Et statim conclamantes dixerunt : « Numquam talis res facta est »
(Judic, 19, 30J.

Et non dimiserunt transire quemquam; nullus conjuratorum eva-


dere potuit (Judic. , 3, 28 et 29).
Dixit autem Anna ad omnem populum : « Audite me , fratres

II se leva aussitôt, et sortit avec elle, laissant tous ceux qui l'entouraient.
Alors, elle étendit la main, et tirant son poignard de sa cuisse,
Elle l'enfonça avec tant de force dans le ventre du conspiratfur que le ffr
enlra dans la plaie jusqu'à la garde.
Lui, frappé à mort, tomba et expira.
Il était étendu aux pieds d'Anne, et gisait sans vie, dans un état à faire
pitié; les conjurés frémirent de la constance de cette femme et de son audace.
Lorsqu'ils virent leur chef baigné dans son sang, ia crainte descendit sur eux ;
Et leurs cœurs furent violemment troublés, et ils perdirent l'esprit et le
conseil.
Et il s'éleva une clameur incomparable au sein de la cité, et chaque homme
saisit ses armes, et ils sortirent avec un grand bruit et des cris effrayants;
Et ils coururent tous vers elle, depuis le plus petit jusqu'au plus grand,
parce qu'ils la croyaient déjà morte.
Et aussitôt ils. s'écrièrent : « Jamais rien de tel ne s'est fait. »
Et ils ne laissèrent passer personne, aucun des conjurés ne put s'évader.
Or, Anne dit au peuple assemblé : « Ecoutez-moi, mes frères, et rendez grâce
299
« {Judith, 14. 1), laudate Dominům nostrum Deum, qui interfecit
« in manu niea hostem principis nostri hac die {Judith. 13, 17 et 18).
« Hostis et inimicus pessimus iste est, cujus crudelitas redundasset
« in populutn (Esth., 6 et 4). »
Et narravit insidias conjuratorum principem jugulare -cupientium
(Esih., 6, 2), et apprehenderunt eos alligandos in compedibus et so-
cios eorum in manicis ferreis, ut fieret in eis judicium conscriptum
{Psalni. 149, 8 et 9).
TJniversi autem adorantes Dominům, dixeruntad Annam : « Bene-
« dixit te Dominus in virtute tua, quia ad nihilum per te redegit iui-
« micos nostros.
« Et machinationes pessimas quas excogitaverunt contra Henricum
« irritas fecit (Esth. , 8, 3) ;
« Per manum fœminse percussit illos Dominus Deus noster
(Judith, 13, 19).
« Sic pereant omnes inimici principis (Judic. , 5, 51) !
« Qui autem diligunt eum, sicut sol in ortu suo splendet, ita ruti-
« lent (Judic, 5, 31)!
« Deficiant proditores a terra, ita ut non sint (Psalm., 103, 35) !
« Fiant sicut fœnum tectorum, quod, priusquam evellatur, exaruit
(Psalm. 128,6)! »
Cum vero Anna moras faceret , sollicitus erat maritus ejus

« eu Seigneur notre Dieu qui par mes mains a mis à mort en ce jour l'ennemi
« de notre prince.
« Voilà l'infâme dont la cruauté devait rejaillir sur le peuple. »
Et elle leur raconta les complots des conjurés et leur projet d'égorger le
comte Henry ; et ils se saisirent d'eux, les chargèrent de chaînes et mirent я
leurs complices des menottes de fer, en attendant qu'on prononçât contre eux
un jugement légal.
Tous, adorant le Seigneur, dirent à Anne : « Dieu t'a hénie dans la vertiij
« puisqu'il s'est servi de toi pour anéantir nos ennemis,
« Et rendre vaines les exécrables machinations qu'ils méditaient contre
« Henry.
« Par la main d'une femme le Seigneur les a frappés.
« Ainsi périssent tous les ennemis du prince!
« Mais que ceux qui l'aiment resplendissent comme le $■■ leil brille à son
« lever !
« Que les traîtres disparaissent de la terre, de sorle qu'il n'en reste plus!
« Qu'ils deviennent semblables au foin des toits qui se dessèche avant d'être
« arraché ! »
Cependant, comme Anne tardait à revenir, son mari était inquiet,
300
Nesciebat enim quod factum fuerat , et anxiatus cœpit cogitare si
quid ei adversi accidisset.
Tunc praecuri-entes quidam venerun't , et nuntiaverunt ei universa
quae acciderant ( 1 Mac, 16, 21 et 4, 26).
Quo audito abiit ad locum, non enim credehat eis (1 Mac, 4, 27).
Audiens autem vidensque Annám, impletus est stupore et extasi in
eo quodcontigerat ill i {Act. ар., З, 10).
Et dixit ei uxor : « Dextera Domini exaltavit me, dextera Domini
<: fecit virtutem (Psalm. 117, 1/).
« Non morietur princeps, sed vivet ( Psalm. 117, 17), bono animo
« gratiam reddamus Deo qui praecinxit me virtute ad bellům , et po-
« suit ut arcum brachia rnea; supplantavit insurgentes in raesubtus
« me; sit nomen ejusbenedictum in ssecula (Psalm. 17,55 etl7, 40) !»
Henricus autem comes, habita de illis qusestione, confessos jussit
duci ad mortem (Esth. 12, 3) ;
Et appensus est quilibet. eorum in patibulo (Esth., 2, 23) J.
Sic nefarii homines, ur.o die ad inferos descendentes, reddiderunt
patři эе pacem quam turbaverant (Eslh., 13, 7).
Et quod gestům erat scriptum est in commentariis, et rei memotia
litteris tradita(/i^A., 12,4).

Car il ne savait pas ce qui s'était passé, et, dan-, son anxiété, il commença à
craindre qu'il ne lui fût survenu quelque malheur.
Alors, quelques-uns accoururent vers lui et lui racontèrent tout ce qui était
arrivé.
.A. telte nouvelle il s'en alla au lien indiqué, car il ne croyait pas à leur récit.
Lu, entendant et voyant Anne elle-même, il resta stupéfait et dans l'extase
de son aventure .
Et sa femme lui dit : « La droite du Seigneur m'a élevée, la droite du Seigneur
" a fait mon courage.
« Le comte rie mourra pas, il vivra ; rendons avec confiance grâce au Seigneur
« qui m'a ceinte de vertu pour le comb «t, a tendu mes bras comme un arc; il
« a mis à mes pieds ceux qui se levaient contre moi; que son nom soit béni dans
« les siècles !»
Cependant les coupables, après avoir subi la toriure, avouèrent leur crime;
le comte Henry les fit conduire à la mort,
Et chacun d'eux fut suspendu au gibet.
Ainsi, dans le même jour, ces impies, descendant aux enfers, rendirent à la
patrie la paix qu'ils avaient troublée.
Kt ce qui s'était fait fut écrit dans les commentaires, et on consigna dans des
annales le souvenir de l'événement.

Suivant une autre version , ils furent tirés à quatre chevaux.


301
Eratque vir Anna? jucundus, et gaudium hujus victorise celebiavit
cum ilia (Judith, 16, 24).
Parentibus autem ejus nova lux oriri visa est , gaudium, honor et
tripiidium (£VA., 8, 16).
Et benedixerunt earn omnes, una voce dicentes : « Tu gloria nostra,
« tu lactitia viri lui, tu bonorificentia populi tui (Judith, 15, 10)!
« Et in doino principis magna eris , et nomen tuuin nominabitur
« in tota terra {Judith, 11,21).
« Quia fecisti viriliter, et confortatum est cor tuum, eo quod prin-
« cipeui nostrum amaveris, mamis Domini coi-foi tavit te, et ideo eris
» benedicta in eeternum (Judith, 15, ti).
« Benedicta tu inter ínulieres , et benedicaris in tabernaculo tuo
(Judith, 5, 24).
« Do min us custodiat te ab omni málo, custodiat introituin tuum et
« exitům tuum {Psalm. 12, 8).
« Esto sicut vitis abundans in lateiibus doiiius Шаз, filii tui , sicut
« novella; olivaruin, in circuiiu mensrc tuee 'Psalm. Y}1' , 3).
« Benedicat tibi Dominus de cœlo , et videas bona omnibus diebus
«• v i t ae tu ae {Psalm. 127,3)!
« Et videas lilios Qliorum tuoruin, et abundantiam in tunibus tnis
{Psalm.. 127, 6 et 12 i, 7)!
« BenedictusDominuS;, qui non dědit principem in captionemdenti-
» bus eonjuiatorum (Psa/m. 123, 6).

Et le mari d'Anne était content, et il célébra avec e!le la joie de sa victoire.


Un nouvel astre semblait naître pour ses parents, une nouvelle vi« de joie,
d'honneur et d'allégresse;
Et ils la bénirent tous, .s'écria ut d'une voix unanime : « Tu es notre gloire,
« les délices de ton mari, l'honneur de ton peuple.
« Tu seras grande dans la maison du prince, et ton nom sera répété par toute
(( la terre,
«. Parce que tu as fait virilement; et ton cœur a élé fort parce que tu aimais
« notre prince; la main du Seigneur t'a soutenue, c'est pourquoi tu seras bénie
« dans l'éternité,
« Bénie entre les femmes, et bénie dans ta maison.
« Que Dieu te garde de tout mal, qu'il te garde lorsque tu entres et lorsque
« tu sors !
« Que ton sein soit fécond comme la vigne, et que tes ills soient rangés
i autour de ta table comme les rejetons de l'olivier!
к Que Dieu te bénisse du haut du ciel, et que tons les jours de ta vie soient
« des jouis de bonheur !
a Que tu voies les enfants de tes enfants, et l'abondance dans tes maisons !
u Béni soit le Seigneur qui n'a pas livré le prince en proie aux dents des
« conjurés !
302
« Anima ejus, sicut passer, eiepta e>tde laqueo vcnantium,laqueus
« contritusest, et nos liberati suimis (Psal/n. 123.7]. »
Omnisque civitas gaudebat in organis et citharis, juvenes et virgi-
nes, senes cum junioribus (Judith, 15, If)),
Dicentes : « Hymnům novum canteinus Domino, bymnuiu novum
« Deo nostfo (Judith, 16, 15;.
« Salvatœ snnt deliciœ iiostrae , quia de cœlo diniicatuin est contra
« perfidos (Judée, 5, 20; .
« INova bella elegit Dominus, ut redimeret nos ab inimicis nostris
(Judic. , 5, 8).
* Siinexii Anna, mater patriœ ; uxor Gerardi percussit et confodit
« eos pugione (Judith, 16, 7 et 8).
« Dicebant se occisuros gladio comitem Henricum [Judith, 16, 6).
« Dominus autem omnipotens notuit eos et tradidit eos in inanus
« foe m i пае (Judith, 16, 7 .
« A Domino fact uni est islud , et est mirabile in oculis nostris
(Marc, 12, 11).
« Ista est solemnis dies quam nulla unquam delebit oblivio ; exsul-
« tennis etlaeitmur in ea (Eslh. 9, 28).
« Sciïbantur liaec in generatione altéra, et populus qui creabitur
«« laudabit Dominům (Psalm., 101, 19).
« Píarrentur jubilatio Domini et dementia in principem nostrum
(Judith, 5, 11)!

« Sa vie, ainsi que le passereau, a f-téarrachée du filet des chasseurs, le lacs a


« éîé déchiré et nous avons été délivrés. »
Et toute la ville exprimait sa joie sur les orgues et les cithares, les jeunes
garçons et les jeunes vierges, les vieillards avec les enfants,
Disant : « Chantons un hymne au Seigneur, un hymne nouveau à notre
« Dieu l
« Notre prince, les délices de son peuple, a été sauvé, parce que le ciel a
« combattu contre les perfides.
« Le Seigneur a fait choix de nouveaux guerriers pour nous tirer des mains
« de nos ennemis.
«Soudain s'est levée la mère de Ja patrie; la femme de Gérard les a frappés
■ et les a percés de son poignard.
« Ils disaient qu'avec leur glaive ils tueraient le comte Henry;
• Mais le Seigneur tout-puissant a connu leurs desseins et les a livrés aux
mains d'une femme.
« Cela a été fait p.ir le Seigneur, et c'est uti prodige opéré sous nos yeux.
Il a brillé ce jour solennel que l'oubli n'efiaceia jamais; chantons et
■ rpjouissons-nous en lui.
« Qîiëla miraculeuse délivrance de Heni y soit écrite pour d'autres générations,
« et !e peuple qui naîtra louera le ■Seigneur.
* Qr.-.'oti raconte la bonté du Seigneur et sa clémence pour notre prince!
303
« Quam tenibilia sunt opera tua, Domine , in multitudine virtu tis
« tuae (Psalm. 65, ?3) !
» Fiat manus tua super virum dexterae tuae, et super filium hoini-
« nis quem confirmasti tibi (Psalm. 79, 16). »
Dixit autem Henricus ad Annam : « Sponte obtulisti animam tuaiti
« adpericulum; benedic Domino (Judic, 65, 2).
« Benedicta es tu, (ilia, a Domino Deo excelso, prae omnibus mulie-
ribus super terram (Judùk, 13, 23).
« Benedictus Dominus qui te direxit in vulnera inimicorum meo-
« rum (Judith, 15, 24). .
« Hodie nomen tuum ita magaificavit ut non recédât laus tua de
« ore hominum (Judith, 13, 25).
« Quia non pepercisti animse tuœ ut averteres angustias et tribula-
« tionem generis tui (Judith, 13, 25).
« In omni gente quœ audierit nomen tuum , magnificabitur virtus
«tua (Judith, 13,31).
« Tu vocaberis nobilis virago, juxta decretum quod non liceat im-
« mutare (Dan., 6, 15).
« Sit quoque nobilis in portis1 vir tuus, et sedeat cum senatoribus2
« terrée (Prov., 31, 23) !
« Scribite ergo litteras sicut vobis placeat , signantes annulo шео
(Esth., 8, 8).

« Combien tes œuvres sont terribles, Seigneur, dans l'omnipotence de la


« justice!
« Que ta niain plane sur l'homme de ta droite, et sur le fils de l'homme que
« tu as rendu fort pour ton service. »
Or, Henry dit à Anne : « De toi-même tu as offert ta vie au péril; bénis le
« Seigneur !
« Tu es la fille bénie de Dieu, le sublime Seigneur, au-dessus de toutes les
« femmes de Ja terre.
« Béni est le Seigneur quia guidé ton bras pour terrasser mes ennemis!
«Il a tellement glorifié ton nom aujourd'hui, que ta louange sera sans cesse
« dans la bouche des hommes,
« Parce que tu as sacrifié tes jours pour détourner les malheurs et les
v tribulations de tes semblables.
« Chez toute nation qui aura entendu ton nom ton courage sera célébré.
« On t'appellera la noble femme forte, en vertu d'un décret indestructible.
« Que ton mari soit noble aussi au milieu des cours, et qu'il prenne place
« parmi les grands de la terre,

1 Porto signifie quelquefois le lonlicu que Ton paie à la porte ďune ville,
quelquefois la garde de. celle porte, quelquefois enfin la cour du prince , 'comme
i lu /. les Orientaux.
3 Senator a la même etymologie que seigneur, qui a etc forme de s<nior.
304
« Sic enim honorabitur quenicumque voluerit princeps honoráre
{Esth., 6, 9).
Fáma autem nominis Annœ crescebat quotidie , et per cunctorum
ora volitabatCifr/A., 9, 4).
Vir autem ejus factus est inagnus in conspectu populi , a die illa et
deinceps (Dan., 13, 64).
Erat enim convivaprincipis1, et honoratus super oranes arnicos ejus
{Dan., 14,1).
Mandatumque est historiis, et annalibus traditum corain principe
(Esth.,4, 23).

« Rédigez donc des lettres sousielie forme qu'il vous plaira, voilà mon anneau
« pour les signer.
« Ansi soit honoré celui auquel le prince aura voulu faire honneur. »
La gloire du nom d'Anne croissait chaque jour et volait débouche on bouche.
De ce jour là son mari devint pour jamais grand devant le peuple; car il
était convive du prince, et honoré par-dessus tous ses amis.
Et on confia à des chroniques la mémoire de l'événement, et il fut inscrit dans
les annales eu présence du prince.

1 La loi Siilique, lit. £3, § 6, si r/uis liomanum hominem convivain régis occi-
derit, cl la loi des Bourguignons accordaient un privilège au convive du roi.
C'est, suivant Saxon le grammairien, lib. ХГ, Primáni régis fumiliarilalein
adeplns.
\
M Félix: BOURQUELOT.

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