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Les écrivains DU BAC la mention que son petit-fils porterait le pré-


nom hellénisé de Stéphane. Femme à l’esprit
pratique, quoique confite en dévotion, elle
prit en partie à sa charge l’éducation de
l’azur10. » On retrouve l’image et le mot (flan-
qué d’une majuscule) dans L’Azur : « De l’é-
ternel Azur la sereine ironie/Accable, belle
indolemment comme les fleurs,/Le poëte im-
BIBLIOGRAPHIE
Œuvres :
En plus des éditions de poche toujours pré-
cieuses – citonspour les Poésies l’édition de
Bertrand Marchal (Gallimard) et celle de Lloyd
James Austin (Flammarion) – on peut désor-
Stéphane et de sa jeune sœur Maria, lorsque puissant qui maudit son génie/À travers un
Stéphane sa fille, Elisabeth, décéda le 2 août 1847, au désert stérile de Douleurs//[…]Où fuir dans
mais lire les Œuvres complètes de Mallarmé
dans l’édition établie savamment par Bertrand

MALLARMÉ
retour d’un voyage pieux à Rome. Numa, le la révolte inutile et perverse ?/Je suis hanté. Marchal, Pléiade/Gallimard, 2 tomes, 1998-
père de Stéphane, sous-chef à l’administra- L’Azur ! l’Azur ! l’Azur ! l’Azur !11 » C’est 2003, qui «remplace» celle d’Henri Mondor
tion de l’Enregistrement et homme plutôt sec, peut-être dans le spleen de Brise marine que et Georges Jean-Aubry. Voir aussi de Jacques
se remaria en 1852. La mort à 13 ans de culmine l’inspiration baudelairienne : « La Scherer, «Le Livre» de Mallarmé. Premières
recherches sur des documents inédits, Gal-
Maria, elle aussi valétudinaire, le 31 août 1857, chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
limard, 1957; rééd. augmentée en 1978. En-
acheva d’isoler Stéphane, « l’œil vacant de /Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux fin, très importante pour comprendre l’homme
Article_chapeau xxx xdjfgkdf gkfdhgj fdhgfd hfhd gjhdf jghfjd ghfdjkqgdf famille8 ». sont ivres/D’être parmi l’écume inconnue et et son projet, la Correspondance complète,
hgjfdh gfdhg dfhg dfhgdf hgdfhgdfhg dfhgudf ghudf ghfud ghufdh gdfhgu dfhugfd les cieux ! […] Lève l’ancre pour une exoti- 11 tomes, Gallimard, J.-P. Richard, H. Mondor
ughdf hgdf ughfdu ghdfu gudfh gufdh ghgfdug fdquhggfdhug xx xxx > Sa fosse est creusée que nature !/Un Ennui, désolé par les cruels et Lloyd James Austin (1959-1985) ou la sé-
espoirs,/Croit encore à l’adieu suprême des lection: Correspondance. Lettres sur la poé-

A
près avoir fréquenté des pensions mouchoirs ! » Par rapport aux premières ver- sie, édition Bertrand Marchal, préface d’Yves
religieuses de Passy et d’Auteuil, sions du poème, au troisième vers Mallarmé Bonnefoy, Gallimard/Folio, 1995.

C
Mallarmé entra, à partir d’avril a corrigé « la mer » par « la vague », puis par Biographie:
érébral, hermétique, pré- BIOGRAPHIE 1856, à l’internat du lycée de Sens, ville où son « l’écume », illustration par anticipation de sa La première grande biographie est due à
cieux, poète de l’absolu et des père avait été promu. Il y fut un bon élève, poétique : « Nommer un objet, c’est supprimer Henri Mondor, Vie de Mallarmé, Gallimard,
bibelots insignifiants1, Mal- 18 mars 1842 : naissance d’Etienne, certainement pas exceptionnel. A cette épo- les trois quarts de la jouissance du poème qui 1942. Elle est considérée comme un modèle
dit Stéphane, Mallarmé. 25 mars du genre, mais sera utilement complétée par
larmé s’est laissé peindre sous 1844 : naissance de Marie, dite Maria, que, il composait des pièces de circonstance est faite de deviner peu à peu : le suggérer,
celle deJean-Luc Steinmetz, Stéphane Mallar-
les traits d’un maître « sym- Mallarmé, sœur du poète. 2 août comme la Cantate pour la première commu- voilà le rêve [... ]. Il doit y avoir toujours mé. L’absolu au jour le jour, Fayard, 1998, qui
boliste » confiant ses pensées 1847 : mort de sa mère, née Elisabeth nion (juillet 1858) ou les deux poèmes élé- énigme en poésie, et c’est le but de la littéra- bénéficie d’un demi-siècle de recherches sur
aux initiés, notamment lors des fameux « mar- Desmolins. 31 août 1857 : mort de giaques intitulés Sa fosse est creusée (juin 1859) ture, il n’y en a pas d’autres d’évoquer les ob- Mallarmé. Enfin, à la fois biographie et inter-
dis » de son appartement de la rue de Rome, Maria. 1863. 12 avril : mort de Numa, et Sa fosse fermée (juillet 1859) qui n’évoquent jets12. » prétation, Jean-Paul Sartre, Mallarmé, La lu-
tandis que « sur les crédences au salon vide, père du poète. 10 août : mariage à pas les deuils de son enfance mais le décès cidité et sa face d’ombre, Arcades/Gallimard,
nul ptyx2 » ne venait troubler la musique de Londres avec Marie Gehrard. d’une autre jeune fille, une Anglaise, Harriet > Ici-bas avec une odeur 1986 (avec en complément le texte de sa pré-
vers au rythme inouï et comme arrachés Novembre : nomination au Lycée de Smythe, dont il s’était épris et qui était morte face à Poésies).
à « une nuit d’Idumée3 ». Mallarmé ne prisait Tournon. Début août 1870 : Mallarmé de tuberculose. Hugolâtre, le jeune Mallarmé
de cuisine Commentaires:

R
lit le conte d’Igitur devant Catulle Albert Thibaudet, La Poésie de Stéphane
pourtant guère ce qualificatif de « symboliste » Mendès et Villiers de L’Isle Adam.
rêvait de gloire. « J’ai traversé bien des pen- eçu au bachot le 8 novembre 1860,
dont l’a affublé le jeune Jean Moréas en 1886. sions et lycées, d’âme lamartinienne avec un après un échec en août (l’année sco- Mallarmé, 1912, rééd. TEL/Gallimard, 2006.
6 octobre 1879 : mort de son fils Charles Mauron, Mallarmé. L’Obscur, Denoël,
Aussi décisif que Rimbaud, Mallarmé n’eut Anatole, âgé de 8 ans. 1884 : début de secret désir de remplacer, un jour, Béranger, laire se terminait à cette date sous
rien du « passant considérable » qui, tel un parce que je l’avais rencontré dans une mai- Napoléon III), Mallarmé, un temps en ap- 1941, rééd. Champion, 1966. Paul Valéry,
sa relation intime avec Méry Laurent. Ecrits divers sur Stéphane Mallarmé, Gal-
tourbillon, traversa le monde en quête d’au- 1887 : publication de Poésies dans son amie. Il paraît que c’était trop compliqué prentissage comme surnuméraire chez un limard, 1950. Henri Mondor, Autres précisions
rores nouvelles et de féeries modernes. La La Revue indépendante. 27 janvier pour être mis à exécution, mais j’ai longtemps receveur de Sens, décida de fuir « l’abrutisse- sur Mallarmé et inédits, Gallimard, 1961. Henri
difficulté et les audaces syntaxiques de son 1896 : Mallarmé est élu Prince des essayé dans cent petits cahiers de vers qui ment13 » d’une carrière administrative. Il fallait Mondor, L’Heureuse Rencontre de Valéry et
œuvre – réputée « intraduisible, même en Poètes. 1897 : Divagations, recueil de m’ont toujours été confisqués9 […]. » Si l’ado- néanmoins subvenir à ses besoins, quand bien Mallarmé. Jean-Pierre Richard, L’Univers ima-
français4 » – auraient pu la condamner à rester poèmes en prose et d’essais de lescent poète a de la rigueur, il est bien loin même il affectait de mépriser les marchands ginaire de Mallarmé, Seuil, 1961. Bertrand
confidentielle, si la parution, fin 1883, des critique. Première version du Coup de d’avoir les fulgurances d’un Rimbaud au du temple : « Il n’y avait pas, vous le savez, Marchal, La Religion de Mallarmé, José Corti,
dés dans la revue Cosmopolis. 1898. 1988. Jacques Rancière, Mallarmé, Hachette/
Poètes maudits de Paul Verlaine, et, au prin- 14 juillet : Mallarmé lit Un coup de dés même âge. pour un poète à vivre de son art, même en l’a-
temps suivant, d’À Rebours, dans lequel Joris- baissant de plusieurs crans, quand je suis entré Pluriel, 1996. André Stanguennec, Mallarmé
à Paul Valéry. 9 septembre : mort à et l’éthique de la poésie, Vrin, 1992, rééd.
Karl Huysmans lui rend hommage, n’avait Valvins. 1914 : La N.R.F. publie Un coup > Enfin Baudelaire vint… dans la vie ; et je ne l’ai jamais regretté14. »
2002. Paul Bénichou, Selon Mallarmé,
contribué à sa notoriété. Le cercle des pro- de dés jamais n’abolira le hasard. Aussi, choisit-il comme « passe-temps obli-

L
Gallimard, 1995, repris en Folio/Essais, re-
ches, qui comprenait déjà des peintres comme 1925 : publication d’Igitur ou la Folie a rencontre de son professeur, le gatoire » d’enseigner l’anglais, « appris sim- marquable de clarté. Pascal Durand, Poésies
Manet ou des poètes comme Banville, s’en- d’Elbehnon par Edmond Bonniot. 1961 : jeune normalien Emmanuel des plement pour mieux lire Poe15 » et de partir, de Mallarmé, Gallimard/ Foliothèque, 1998.
richit de jeunes poètes de génie, comme Pour un tombeau d’Anatole, notes Essarts – le « premier ami » –, suivie à 20 ans, en Angleterre « afin de fuir, princi- Enfin curiosité, Quentin Meillassoux, Le
Claudel ou Valéry, d’écrivains prometteurs éditées par Jean-Pierre Richard. d’autres amitiés précieuses comme celles de palement ». A dire le vrai, ce fut aussi un biais Nombre et la Sirène, Fayard, 2011, propose,
comme Louÿs ou Gide et de bien d’autres en- Henri Cazalis, le confident, ou d’Eugène pour consommer ses amours tourmentées après Mitsou Rostat qui avait vu dans le nom-
core. Depuis lors, lentement mais sûrement, Lefébure, et surtout la parution des Fleurs du avec une gouvernante allemande, Christina bre 12 la clé du Coup de dés, un autre dé-
son œuvre n’a cessé d’être réévaluée à la mal affermirent sa vocation. Quand bien Maria Gehrard, de sept ans son aînée. cryptage numérologique à partir du 707.

V
hausse. Sa mise soignée, ses raffinements ex- ue de l’extérieur, et comparée à celle qu’il tisse54 ». A y regarder de plus près, cette même il eût tôt soin de la « débaudelairiser », L’année 1863 fut une année charnière. Le Adaptations :
quis, sa prestance quelque peu hiératique font d’un Verlaine ou d’un Rimbaud, la vie, qui ne fut pas si fade, ne s’est pas jouée son œuvre en porta longtemps les stigmates. 12 avril, disparaissait Numa Mallarmé. Le La poésie de Mallarmé a inspiré de nombreux
qu’on a parfois du mal à imaginer en jeune vie de Mallarmé paraît banale : des que « silencieusement dans la coupole de son Ainsi, Les Fenêtres évoque le « moribond » – 10 août, Stéphane épousait à Londres Marie musiciens. Claude Debussy, ancien Mardiste
poète celui que Nadar photographia sous son deuils précoces, certes, une carrière de pro- cerveau6 ». Héritier d’une « suite ininter- « Las du triste hôpital, et de l’encens fétide » – Gehrard. En septembre, il décrochait son cer- qui a mis en musique L’Après-Midi d’un faune
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plaid quadrillé. Il faut pourtant y revenir. fesseur d’anglais pas trop bien vécue, peu de rompue de fonctionnaires dans l’administra- qu’il compare à l’amertume du poète con- tificat d’aptitude à enseigner l’anglais et se (1894), et Maurice Ravel ont composé en
1913 l’adaptation de trois poèmes dont deux
publications, en partie anecdotiques ou ali- tion de l’Enregistrement7 », Etienne Mal- fronté à la bassesse d’un réel trop prosaïque : retrouvait en novembre au Lycée de Tour- en commun. Ravel déclara: «Je considère
> L’œil vacant de famille mentaires. Mallarmé semble s’être employé larmé, selon l’état-civil, vit le jour au centre « Mais, hélas ! Ici-bas est maître : sa non. Vie de couple, vie de famille – de son Mallarmé non seulement comme le plus grand
à justifier par avance la réflexion de Claudel : de Paris, le 18 mars 1842. Stéphanie Des- hantise/Vient m’écœurer parfois jusqu’en cet union avec Marie, naquirent Geneviève poète français, mais comme le seul, puisqu’il
« l’huître n’explique pas la perle, et la menta- molins, sa grand-mère maternelle et sa mar- abri sûr,/Et le vomissement impur de la (19 novembre 1864) et Anatole (16 juillet a rendu poétique la langue française, qui n’é-
lité de l’ouvrier n’a rien à voir avec le brocart raine, fit adjoindre au faire-part de naissance Bêtise/Me force à me boucher le nez devant 1871) –, vie de professeur chahuté par ses élè- tait pas destinée à la poésie.» Citons aussi
Darius Milhaud et Pierre Boulez.
2•LIRE OCTOBRE 2013
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Les écrivains DU BAC


ves, Mallarmé ne parvenait pas à rompre le ], l’autre vide que j’ai trouvé est celui de ma incantatoire, achève cet isolement de la pa- ses vacances à Valvins, dans une mai- Proust, dans un article intitulé
cercle de son propre ennui : Tournon lui sem- poitrine [... ] je ne puis respirer longuement19. » role : niant, d’un trait souverain, le hasard de- son de bord de Seine. Sensible aux « Contre l’obscurité » auquel
blait « une étable », un Ici-bas avec « une meuré aux termes malgré l’artifice de leur re- charmes de l’érotisme, ce fut à cette Mallarmé répondit par le Mystères
odeur de cuisine » ! Il confesse à Cazalis son > Puiser l’eau du Styx trempe alternée en le sens et la sonorité, et période aussi qu’il rencontra chez dans les lettres, l’élection, comme
désarroi : « Un poète doit être uniquement vous cause cette surprise de n’avoir ouï jamais Manet Anne Rose Louviot alias Méry successeur de Verlaine, au titre de

C
sur cette terre un poète, et moi je suis un ca- e fut aussi une « crise de vers » qui ins- tel fragment ordinaire d’élocution, en même Laurent, demi-mondaine dont il devait « Prince des Poètes » étaient autant
davre une partie de ma vie » (à Cazalis, 26 dé- pira à Mallarmé des poèmes étranges temps que la réminiscence de l’objet nommé devenir l’amant en 1884. Mais, l’agonie de signes que lentement mais sûre-
cembre 1864). Le quotidien lui pèse. « Un dans lesquels le langage, semblant baigne dans une neuve atmosphère23. » La de son fils, le petit « Tole », puis son tré- ment Mallarmé prenait sa place. La
pauvre poète, qui n’est qu’un poète – c’est-à- tourner le dos à tout désir de signifier quelque tâche du poète est de faire résonner langue pas le 8 octobre 1879, à l’âge de 8 ans, sdfhdsfg veille de sa mort, il eut beau ordon-
dfg dhs gfg
dire un instrument qui résonne sous les doigts chose du monde, s’érige en réalité. Ainsi la et, pour cela, ses états d’âme et ses émois des suites sans doute d’une péricardite, dshfg dsh ner dans une « Recommandation
des diverses sensations – est muet, quand il première version du sonnet en « or-(i)yx » dit doivent s’effacer : « L’œuvre pure implique le plongea à nouveau dans l’affliction. gfds gfhds quant à mes écrits » : « Le spasme
vit dans un milieu où rien ne l’émeut, puis ses Sonnet allégorique de lui-même : « La Nuit la disparition élocutoire du poëte, qui cède « Cet enfant charmant et exquis m’avait gfhdsgf ds terrible d’étouffement subi tout à
cordes se distendent et viennent la poussière approbatrice allume les onyx/De ses ongles l’initiative aux mots, par le heurt de leur captivé au point que je le mêle encore l’heure peut se reproduire au cours
et l’oubli » (à Cazalis, avril 1865). Après au pur Crime, lampadophore,/Du Soir aboli inégalité mobilisés ; ils s’allument de reflets à tous mes projets d’avenir et à mes plus de la nuit et avoir raison de moi.
Tournon, ce fut Besançon en 1866, Avignon par le vespéral Phœnix/De qui la cendre n’a réciproques comme une virtuelle traînée de chers rêves28. » L’appartement de la rue de même qui permet à l’homme d’accéder à son Alors vous ne vous étonnerez pas que je
en 1867, puis une mise en congé en 1870, de cinéraire amphore//Sur des consoles, en le feux sur des pierreries […] »24. Rome, qui était devenu un lieu de rencontre existence la plus authentique, l’ontologisation pense au monceau demi-séculaire de mes no-
avant un retour à Sens : « Le printemps mal- noir Salon : nul ptyx,/Insolite vaisseau d’ina- entre Mallarmé et ses amis, ne s’ouvrit à nou- de la littérature exigeant une éthique de l’é- tes […]. Moi-même, l’unique, pourrais seul
adif a chassé tristement/L’hiver, saison de l’art nité sonore,/Car le Maître est allé puiser de > Le paradoxe d’Igitur veau à la vie sociale que fin 1882. Une conve- criture. Toutefois, cette philosophie ne devait en tirer ce qu’il y a… Je l’eusse fait si les der-
serein, l’hiver lucide, Et dans mon être à qui l’eau du Styx/Avec tous ses objets dont le nance de l’emploi du temps du professeur nullement transparaître, fût-ce comme un ves- nières années manquant ne m’avaient trahi. la postérité le s

A
le sang morne préside/ L’impuissance s’étire Rêve s’honore20. » Outre l’étrangeté, ce qui la fin des années 1860, Mallarmé, Mallarmé fixa au mardi le jour de ces réunions tige : « Il la faut incluse et latente32. » Si le Livre Brûlez par conséquent : il n’y a pas là d’héri- vivace, le bel a
en un long bâillement16. » frappe, au-delà des interprétations qui en ont commença à sortir de sa crise exis- informelles, ainsi les « amis » de Mallarmé de- n’a jamais vu le jour – « transparent glacier tage […]37 », la famille et les disciples du poète
été proposées, c’est que ce sonnet tarabiscoté tentielle : « Le Néant parti, reste le vinrent des « Mardistes ». Dans ce qui perpé- des vols qui n’ont pas fui33 » – Mallarmé a passèrent outre ce codicille. A 56 ans, en une
> La crise métaphysique semble viser une sorte de degré zéro du sens château de la pureté25. » Paradoxalement, il tuait un peu la tradition des salons, on discutait laissé un poème tout à fait extraordinaire, maturité qui n’était en fait que le fruit d’une
ou, à tout le moins, se contente de l’évoquer dut de la sublimer à un conte dramatique es- de tout : de la construction de la tour Eiffel peut-être un fragment « destiné à faire scin- lente et patiente maturation, la tête encore à

M
algré tout, Mallarmé formait d’am- « par un mirage interne des mots mêmes21 ». quissé – Igitur ou la Folie d’Elbehnon – et à aux attentats anarchistes, d’art et de littérature tiller par une place l’authenticité glorieuse » son œuvre à venir, à finir, Mallarmé laissait à
bitieux projets littéraires : une Mallarmé ne s’en cache pas puisqu’il prétend, un travail de thèse de linguistique, lui aussi du Grand Œuvre. Le Coup de dés, reprenant 1. Une anecdote rapporte que Mallarmé aurait répondu à un
Hérodiade, commencée en 1864, non sans malice, avoir créé pour la rime ce inabouti. Dans Igitur, – adverbe qui signifie « TABLEAU SANS COMPLAISANCE à nouveaux frais le motif d’Igitur, tente, au- admirateur le félicitant «d’avoir, en quelques mots, condensé
et un Faune commencé au printemps 1865. Il mot de « ptyx » qui n’a, selon lui, aucun sens « donc » en latin, Igitur descend au tombeau DES MŒURS ET delà de la musique dans les lettres, un art nou- lecosmos»: «Pas du tout! Ce que j’ai décrit là, c’est mon buf-
fet!», voir Les Clefs de Mallarmé, Charles Chassé, Aubier/
s’agissait d’inventer « une langue qui doit né- en aucune langue (à vrai dire, Mallarmé savait de ses ancêtres « les escaliers de l’esprit hu- DES CODES DE LA GENTRY veau qui combine savamment les audaces du Montaigne, 1954, p. 10. 2. Ses purs ongles très haut dédiant
cessairement jaillir d’une poétique très nou- sans doute que le terme signifie « pli » ou « re- main », pour y lancer le coup de dés censé ORGUEIL ET PRÉJUGÉS vers libre et le classicisme de l’alexandrin qui leur onyx (version de 1887), dans Œuvres complètes, Pléiade,
p. 68. 3. Don du Poème (Du Parnasse contemporain). 4.
velle17 ». « Tragédie », « poème » puis « mys- pli » en grec ancien). Son hermétisme était abolir le hasard. Il secoue les dés, puis re- PRÉFIGURE LA FRESQUE permettait au poète de « s’accompagner aux Jules Renard, Journal, 1er mars 1898. 5. Paul Claudel, «La ca-
tère », Mallarmé travailla avec acharnement nonce. Dans une syn- PROUSTIENNE » grandes orgues du mètre officiel34 ». Il est vrai tastrophe d’Igitur», Réflexions sur la poésie, Folio/Essais, p. 129
sans parvenir à finir son « Hérodiade au clair thèse presque dialec- qu’aux yeux de Mallarmé « le vers classique (et aussi Œuvres en prose, Pléiade, p. 508). 6. Charles
Baudelaire, «Théophile Gautier», L’Artiste du 13mars 1859. 7.
regard de diamant18 ». A sa mort, Paul Va- tique, Mallarmé aussi, sinon surtout Mallarmé déclamant à – [...], le vers officiel – est la grande nef de cette A Paul Verlaine, 16 novembre 1885, Œ.C. I, Pléiade, p. 661.
léry, passant outre l’interdit du poète, put lire semble soutenir que, l’occasion ses vers ou se livrant à quelque im- basilique “la Poésie française” ; le vers libre, 8. «Réminiscence» dans Divagations, Œ.C. II, Pléiade, p. 92.
9. A Paul Verlaine, 16 novembre 1885, Œ.C., Pléiade, p. 662.
deux fragments presque achevés de si jamais un coup de provisation ou, pour reprendre un terme qui lui, [édifiant] les bas-côtés pleins d’attirances, 10. Les Fenêtres, Premiers manuscrits autographes datant de
sdfhdsfg
cette Hérodiade si longtemps projetée. dfg dhs gfg dés n’abolira le ha- lui est propre, quelque divagation. Mallarmé de mystères de somptuosités rares35 ». Mais 1863-1866, dans Œ. C., Pléiade, p. 32. 11. Le Parnasse
De même du Faune, seul un monolo- dshfg dsh sard, l’honneur des y fit aussi allusion à son fameux projet du il y a plus. Le premier, il considère que, de contemporain, 12mai 1866, dans Œ.C. I, Pléiade, p. 37. 12.
gfds gfhds Sur l’évolution littéraire, Réponse à l’enquête de Jules Huret
gue très remanié, intitulé L’Après-Midi hommes, et même « Livre »29. même que le silence est constitutif de la mu- (1891), Œ.C. II, Pléiade, p. 700. 13. Entre quatre murs, 26 dé-
gfhdsgf ds
d’un faune, fut publié, en 1876. La leur existence, tient sique, le blanc de la page appartient à la tex- cembre 1860, cf. Jean-Luc Steinmetz, Stéphane Mallarmé,
Fayard, 1998, p. 48. 14. A Paul Verlaine, 16 novembre 1885,
Comédie-Française, peu encline alors à re- dans la création lit- > Le chef-d’œuvre inconnu ture même du poème. Comme le dit un Œ.C. I, Pléiade, p. 662 15. Ibidem. 16. Renouveau dans Œ.C. I,
présenter des exercices d’épure métaphysique téraire, défi du brouillon du « Livre » : « L’armature intellec-

T
Pléiade, p. 34. 17. Correspondance complète 1862-1871,
où l’action dramatique est restreinte à peu de poète à l’harmonie oute sa vie Mallarmé s’était pensé tuelle du/poème, se dissimule et – a lieu – tient Folio, p. 206. 18. Hérodiade, II. La Scène, Poésie dans Œ.C.,
Pléiade, p. 48. 19. A Cazalis, avril 1866, Mallarmé, Corres-
chose, rejeta ces esquisses pourtant initiale- universelle. « Oui que la comme un artiste tenu par l’œuvre à dans l’espace qui/isole les strophes et/parmi pondance, t. 1 (1862-1871), éd. par H. Mondor et J.-P. Richard,
Littérature existe, et si l’on faire et comme entravé par les diffi- le blanc du papier ; significatif du silence Gallimard, 1959, p. 207-208. 20. Manuscrit autographe 1868,
Œ.C., Pléiade, p. 1488. 21. A Cazalis, 18 juillet 1868, Corres-
« UNE LIBERTÉ DE TON DÈS LES PREMIÈRES veut, seule, à l’exclusion de tout26. » En sep- cultés de son exécution. Cette tension s’est qu’il/n’est pas moins beau de composer que pondance, t. 1 (1862-1871), Gallimard, 1959, p. 278. 22. Toute
TENTATIVES LITTÉRAIRES tembre 1871, au terme d’un congé de vingt cristallisée dans l’utopie du « Livre », son les/vers36. » Mallarmé « inventait » sinon le l’âme résumée, paru dans Le Figaro le 3 août 1895, dans
mois, il obtint enfin une nomination à Paris. « Grand Œuvre » : l’idée romantique, transpo- calligramme, du moins une nouvelle sorte de Poésie Œ.C. I, p. 73. 23. Crise de vers dans Œ.C.II, Pléiade,
DANS LESQUELLES L’ADOLESCENTE N’HÉSITAIT PAS p. 213. 24. Ibidem et aussi Œ.C., p. 320. 25. Igitur, dans
À APPELER UN CHAT UN CHAT » Il allait y trouver un environnement plus fa- sée et exhaussée par la pensée de Mallarmé, poésie, qu’on l’appelle « poésie visuelle », Œ.C., Pléiade, p. 443. 26. La Musique et les lettres, dans
vorable à son épanouissement. Poète, critique d’un Livre total, d’une nouvelle Bible où serait « poésie spatiale », « poésie typographique », Œ.C. II, Pléiade, p. 66 (et aussi Œ.C., Pléiade, p. 646, H.
Mondor donne «exception» et non «exclusion»). 27. Tombeau
ment destinées à la scène. Incompris, sinon donc à la fois conscient et voulu : « Le sens littéraire et pictural – il défendit Manet dont proposée l’« explication orphique de la Ter- etc., importe peu. d’Edgar Poe, Manuscrits autographes 1876, version définitive
incompréhensible, « maintenant imperson- trop précis rature/Ta vague littérature22. » il devint l’ami –, journaliste sous divers pseu- re30 ». Moins un nouveau livre sacré – Mal- dans les Poètes maudits, Œ.C., Pléiade, p. 70. 28. A John
Payne, mardi 7 octobre 1879, Corr. II, p. 201. 29. v. Gordon
nel », Mallarmé traversait une crise intérieure Mais n’allons pas y voir une invite au laisser- donymes, sa réputation naissait. En juin 1875, larmé, si l’on peut dire, faisant profession de > Les manuscrits ne brûlent pas Millan, Les «Mardis» de Stéphane Mallarmé, «Mythes et réali-
profonde : « […] en creusant le vers, à ce aller. Comme tout artiste, Mallarmé fustige parut en édition de luxe sa traduction du foi d’incrédulité – que la cause finale du

S
tés», Nizet, 2008, p. 51. 30. A Paul Verlaine, 16 novembre
point, j’ai rencontré deux abîmes qui me dés- le hasard. L’image allégorique qu’il faut re- Corbeau de Poe illustrée par Manet, Poe en monde : « Une proposition qui émane de moi i le « Grand Œuvre » ne vit pas le jour, 1885, Œ.C., Pléiade, p. 662. 31. «Le Livre, instrument spirituel»,
Divagations, Œ.C. II, Pléiade, p. 224. 32. Sur Poe, Œ.C.,
espèrent. L’un est le Néant, auquel je suis ar- tenir, pour le vers comme pour le mot, est plu- hommage duquel il composa, un peu plus si, diversement, citée à mon éloge ou par son œuvre devenait accessible au public Pléiade, p. 872, et aussi Sur la philosophie dans la poésie,
rivé sans connaître le bouddhisme, et je suis tôt celle du diamant dont les facettes, taillées tard, un de ses plus fameux poèmes : « Tel blâme […] sommaire veut, que tout, au avec la parution des Poésies de Œ.C. II, Pléiade, p. 659. 33. Poésies, Œ.C., Pléiade, p. 67.
encore trop désolé pour pouvoir croire même avec précision, exaltent le miroitement et avi- qu’en Lui-même enfin l’éternité le change,/Le monde, existe pour aboutir à un livre31. » Stéphane Mallarmé aux éditions de La Revue 34. Sur l’évolution littéraire, Réponse à l’enquête de Jules
Huret, Pléiade, Œ.C. II, p. 697. 35. Le vers libre et les poètes,
à ma poésie et me remettre au travail […]. vent les scintillations. Mallarmé n’a ainsi de Poëte suscite avec un glaive nu/Son siècle Reste que, si le « Livre » se tient comme objet indépendante (1887) du « Mardiste » Edouard [3 août 1895, entretien recueilli par Augustin de Croze], Œ.C.
Oui, je le sais, nous ne sommes plus que des cesse de ciseler des vers qu’il veut nécessaires : épouvanté de n’avoir pas connu/Que la mort d’un culte nouveau (et Mallarmé va assez loin Dujardin, puis la même année à Bruxelles II, p. 711. 36. Jacques Scherer, Le «Livre» de Mallarmé,
Gallimard, 1957, v. Œ.C. I, Sur Poe, p. 872, et aussi Œ.C. II,
vaines formes de la matière, mais bien subli- « Le vers qui de plusieurs vocables refait un triomphait dans cette voix étrange27 ! » A par- dans les détails de l’organisation de sa liturgie d’Album de vers & et Prose. Le succès des Sur la philosophie dans la poésie, Pléiade, p. 659. 37. Cité
mes pour avoir inventé Dieu et notre âme [… mot total, neuf, étranger à la langue et comme tir de 1874, Mallarmé commença à prendre à venir), il demeure avant tout le principe Mardis, les attaques, comme celle du jeune

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