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Partie TEXTES sous la direction de Partie MÉTHODES sous la direction de
Valérie Presselin François Mouttapa
Professeur agrégé de Lettres modernes Inspecteur pédagogique régional de Lettres
Lycée Jules Ferry, Versailles Académie de Nantes
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L. 122-4 et 122-5, d’une part, que les « copies ou
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Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français
de l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanction-
née par les Articles 425 et suivants du Code pénal.
Méthodes ......................................................................................................369
Chapitre 1 Éducation aux médias (fiches 1 à 7) ................................................369
Chapitre 2 Travailler en autonomie (fiches 8 à 11) ...........................................382
Chapitre 3 Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours
(fiches 12 à 18) .................................................................................389
Chapitre 4 Le texte théâtral et sa représentation du XVIIe siècle à nos jours
(fiches 19 à 23) .................................................................................398
Chapitre 5 Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours
(fiches 24 à 27) .................................................................................405
Chapitre 6 La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation,
du XVIe siècle à nos jours (fiches 28 à 32) .........................................412
Chapitre 7 Objets d’étude de la filière littéraire (fiches 33 à 36) .......................417
Chapitre 8 Lire et analyser (fiches 37 à 44) ........................................................424
Chapitre 9 Préparer le baccalauréat (fiches 45 à 56) ..........................................440
Chapitre 10 Étude de la langue (fiches 57 à 62) .................................................451
4 | Sommaire
1
Le personnage
de roman,
du XVIIe siècle à nos jours
Livre de l’élève p. ¤‚ à ⁄⁄⁄
Présentation du chapitre p. ¤‚
et à gagner en épaisseur. Le personnage prend
Objectifs corps et identité à partir d’éléments du réel (noms,
Les Instructions officielles assignent un objectif mœurs et comportement…) autour desquels se
à l’étude du personnage de roman : « montrer développe et s’organise le monde romanesque.
aux élèves comment, à travers la construction C’est en se saisissant des réalités typiques ou pitto-
des personnages, le roman exprime une vision resques, nouvelles et significatives de l’évolution
du monde qui varie selon les époques et les d’une société que le romancier parvient à vitali-
auteurs et dépend d’un contexte littéraire, ser sa fable et ses personnages. Le second corpus
historique et culturel, en même temps qu’elle (« Le personnage insaisissable ») dévoile un autre
le reflète, voire le détermine. » Pour cela, le mode de fabrication du personnage qui repose
chapitre propose des activités qui permettent : moins sur son identité que sur la crise même de
cette identité. La création de personnages insai-
d’identifier les moyens et les enjeux sissables ou inclassables accompagne une nouvelle
romanesques pour représenter vision du monde fondée sur le mouvement et la
un personnage, mouvance (Diderot). La crise du personnage peut
de connaître l’histoire du roman aller jusqu’à son effacement ou des jeux de miroir
et l’évolution du personnage, troublants avec le lecteur (Butor). Le personnage
d’établir et analyser les liens entre acquiert alors une intensité par son absence.
personnage et contexte historique, La séquence 2 est consacrée à une première
de comprendre le personnage comme œuvre intégrale. La lecture de Manon Lescaut
miroir des enjeux d’une société. de l’Abbé Prévost se donne pour objectif de
découvrir des personnages en rupture. L’analyse
Organisation de cette œuvre permet aussi de comprendre les
Le chapitre s’organise en cinq séquences mutations à l’œuvre au XVIIIe siècle.
progressives qui permettent d’aborder la notion La séquence 3 (« Voyage au bout de la nuit »)
de personnage, puis de la complexifier et de la est centrée sur le thème de la guerre. À travers
problématiser. des supports variés (peinture, photographie,
La séquence 1 aborde le genre romanesque à roman, installations ou encore témoignages et
partir de la notion du personnage. Elle fait entrer cinéma), les Arts interrogent les limites de la
dans l’atelier du romancier pour éclairer différents représentation.
modes de fabrication et de création du personnage, La séquence 4 (« Personnage et société ») se
parfois divergents. Le premier corpus (« Le per- centre davantage sur les relations entre le per-
sonnage et le spectacle du monde ») permet de sonnage et la société, devenant révélatrices
s’interroger pour comprendre comment des per- d’une vision du monde. Le premier corpus (« Le
sonnages prennent vie, parviennent à s’incarner personnage dans un monde oppressant ») met en
|5
Dès ses origines, le roman fait participer le personnage à la comédie du monde et au jeu des appa-
rences sociales. Le roman de la société est celui d’un spectacle permanent : personnages principaux
et secondaires participent à ce théâtre du monde, souvent fondé sur le mensonge et l’hypocrisie,
dont le romancier décrit les rites et les codes. Le personnage de roman peut vouloir se jouer de cette
comédie permanente (textes 1 et 2). Aussi, l’une des finalités du roman satirique et réaliste est-elle
de débusquer l’humanité derrière les masques. La fiction du XVIIIe siècle met à nu les instincts et la
crudité du désir qui gouvernent les actes. La séquence vise à montrer comment cette veine s’affirme
avec le roman satirique (textes 1 et 2).
L’identité du personnage risque de se perdre dans ses modèles illusoires. Don Quichotte de Cervantès
qui présente un personnage perdu dans ses illusions et qui confronte en permanence l’idéal à la
réalité, demeure le modèle romanesque majeur, celui qui fonde le roman moderne (texte 4) et qui
perdure dans la peinture de la société contemporaine (texte 6). Roman du roman ou fiction sur le
lecteur de fictions, ces textes tentent de cerner les pouvoirs de l’illusion romanesque et leurs limites.
Roman des sociétés plus que d’une société, d’un monde qui évolue, la fiction peut montrer comment
un personnage peut s’attacher à un monde disparu, éprouver la nostalgie d’une société qui n’existe
plus au point de reconstituer le théâtre de ce véritable microcosme dominé par des codes et des rites
désuets (textes 3 et 5). Par ce biais, le roman retrouve ses origines : faire renaître des personnages,
reflets d’un monde disparu à jamais. Mais c’est encore le pouvoir du roman que d’en maintenir
l’image.
⁄ ⁄§∞⁄
Le Roman comique,
p. ¤›-¤∞
grisette »). Le portrait se construit sur une série
de substitutions burlesques : une « courroie » fait
fonction de ceinture, des « brodequins à l’an-
tique » remplacent les souliers. Le lecteur perçoit
Le monde est un théâtre rapidement qu’il s’agit d’un costume d’emprunt
sous lequel Le Destin cache son identité (d’où
LECTURE DU TEXTE l’emplâtre, le masque). Les habits qui ne ressem-
1. Cet extrait constitue l’incipit du roman. blent à rien, qui participent d’une réalité hété-
Roman des comédiens, le récit lui-même roclite et absurde mettent en scène des objets de
emprunte des effets de théâtralité. Après la la vie ordinaire.
1 Le personnage, reflet du monde ? | 9
¤ Le Paysan parvenu,
⁄‡‹›-⁄‡‹∞ p. ¤§-¤‡
gieux propre à ces personnages, à leur identité
et à leur condition. Le narrateur se moque de
la religion en tournant en dérision son langage.
En comparant Catherine qui a un trousseau de
La comédie des appétits clefs à « une tourière de couvent », il se montre
malicieux et irrévérencieux, bien dans le ton des
LECTURE DU TEXTE écrivains des Lumières.
1. La scène de repas est un lieu commun du Les personnages eux-mêmes, Jacob et Catherine,
roman réaliste qui représente les personnages jouent avec le langage religieux. Quand il
dans la satisfaction de leurs besoins et instincts goûte le pain, le jeune paysan constate « qu’il
VERS LE BAC
Invention
L’élève va devoir répondre à l’argumentation
de Robbe-Grillet qui repose sur la polémique.
Sylvie Germain,
L’auteur ne développe pas dans cet extrait des
arguments et des exemples assez précis pour
qu’ils soient le fondement de la réponse destinée
à un magazine littéraire, mais l’on pourra tout
⁄‹ Magnus, ¤‚‚∞
Sylvie Germain,
de même prendre appui sur l’œuvre de Balzac.
Quelques arguments peuvent être mis en avant :
– La construction d’une identité complète et
complexe entraîne le lecteur dans sa lecture. Il
⁄› Les Personnages,
¤‚‚›
veut connaître la totalité du parcours du per-
sonnage (ex. : les personnages qui reviennent
p. ››-›∞
sur plusieurs romans chez Balzac. Vautrin par Objectifs du texte : Lire un incipit
exemple ou encore Julien Sorel qui évolue dans qui propose un pacte de lecture singulier.
la société, p. 84-85 du manuel de l’élève). En effet, celui-ci décrit une esthétique
– Certains personnages sont tellement dévelop- du personnage et quasiment une méthode
pés qu’ils deviennent à leur tour des types ou des pour construire une représentation
symboles, signes de leur impact sur les lecteurs de du monde.
plusieurs générations (ex. : Cosette, p. 76-77 du
manuel de l’élève). Personnage en fragments
– Connaître le personnage et ses pensées per-
met de mieux prendre part à son destin, adhé- LECTURE DU TEXTE 13
rer et vivre avec lui leurs tourments (ex. : René, 1. Le texte propose de suivre une méthode
p. 74-75 du manuel de l’élève et Delphine, d’archéologue ou de généticien. Il s’agit dans
pp. 72-73). tous les cas d’observer « un fragment d’os »
28 | Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours
⁄∞ À l’Abri de rien,
¤‚‚‡ p. ›6
Invention
On vérifiera que l’élève :
– respecte la situation d’énonciation tout en
introduisant un dialogue entre la narratrice et
Objectifs du texte : Comprendre comment son fils,
le romancier peut donner à lire le désarroi – s’appuie sur le contexte de ce dialogue (dans
d’un personnage. une voiture, sur une route pleine de migrants),
– que le personnage de la mère développe un
Femme à la dérive registre pathétique.
LECTURE DU TEXTE
Oral (entretien)
1. Marie, personnage principal du roman d’Oli-
Deux pistes peuvent être développées lors d’un
vier Adam, est totalement perdue. De nombreux
entretien :
termes évoquent une destruction personnelle :
les termes « perdition » et « engloutissement » – Le roman a développé au fil du temps des tech-
(l. 4), l’expression « fin du monde » (l. 4-5), niques propres à mimer la pensée (monologue
« mourir » (l. 5), « tout allait s’arrêter, inter- intérieur notamment). Du point de vue litté-
ruption des programmes » (l. 6-7) et la phrase raire, c’est sans doute la façon la plus convain-
finale « je me suis dit qu’on allait s’y dissoudre cante de représenter l’intériorité du person-
nous aussi » (l. 24). Le monologue intérieur nage, ses tourments, ses hésitations, en quelque
évoque également l’incohérence des pensées du sorte la meilleure façon de rendre compte de
personnage (l. 17-18). Elle est comme au bord l’humaine condition.
du gouffre, n’a plus de gestes cohérents, comme – Pourtant, cette technique est particulièrement
le montre sa réponse mécaniquement donnée à artificielle (on pourra s’appuyer sur le texte de
son fils qui est à côté d’elle (l. 22). L’état d’esprit Mauriac, p. 47 du livre de l’élève). L’individu
du personnage est en accord avec la tempête à qui évolue dans le réel n’a pas le temps ni peut-
l’extérieur. On relèvera en particulier « la pluie être le recul pour s’examiner ainsi – sauf dans
diagonale, couchée presque » (l. 8-9), qui rejoint le cadre précis d’une thérapie. C’est sans doute
l’état d’esprit du personnage, elle-même abattue. le pouvoir de la littérature que de permettre
à l’homme de mieux se comprendre en lui don-
2. Les migrants sont des individus sans identité, nant un lieu précis pour le faire.
des « types » (l. 8 et 10). La narratrice décrit
leur situation sous la tempête et leur souffrance
(« épuisés » et « démunis » l. 9). Elle fait égale-
ment des conjectures sur ce qu’ils peuvent res- POUR ARGUMENTER :
sentir et évoque en comparaison les violences
qui leur sont faites (l. 14-17). LES PERSONNAGES
3. La formule finale ancre le texte dans un
DE ROMAN PEUVENT-ILS
registre tragique : le personnage semble échap- NOUS AIDER À MIEUX
per à tout contrôle. Elle subit un désordre inté-
rieur qui est en accord avec le déchaînement
COMPRENDRE LE MONDE ?
des éléments. Les termes qui évoquent la mort et p. ›‡
la destruction confirment ce registre. Objectifs du texte : Mettre au jour
les artifices de l’introspection du personnage
4. Le monologue intérieur tente de représenter et des dialogues dans le roman.
ce que pourrait être un flot de pensées : au début
du texte, l’emploi de la première personne, mais
aussi une syntaxe nominale, qui ne s’encombre LECTURE DU TEXTE
pas des conventions grammaticales de l’écrit. 1. La thèse de Mauriac est résumée par une
Le lecteur a ainsi le sentiment d’avoir accès phrase, ligne 12 : « L’essentiel, dans la vie, n’est
à une pensée en train de s’élaborer. jamais exprimé ». Selon lui, les personnages de
30 | Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours
Manon Lescaut, roman du début du XVIIIe siècle, se situe à la charnière de plusieurs traditions roma-
nesques et c’est ce qui en constitue l’un des principaux ressorts. Entre le roman d’analyse, dont le
chef-d’œuvre, La Princesse de Clèves, a été publié en 1678, le roman picaresque qui connaît son essor
en France avec Gil Blas de Santillane, le roman libertin qui triomphera avec Crébillon fils ou plus tard
Laclos, l’œuvre de l’Abbé Prévost se présente comme une œuvre inclassable, parfois déroutante, mais
toujours à même de susciter l’intérêt des élèves. La construction de l’intrigue, les jeux d’emboîtements
narratifs, l’alternance entre discours et récit, les effets d’annonce très fréquents se prêtent à des ana-
lyses formelles variées. Ce roman relativement bref permet une navigation aisée pour les élèves qui
pourront très vite maîtriser les détails de l’intrigue et aborder des études d’ensemble. Dans le cadre de
l’objet d’étude « Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos jours », Manon Lescaut offrira la possibi-
lité de découvrir l’avènement de personnages modernes, échappant aux classifications traditionnelles,
personnages dont l’ambivalence continue de surprendre le lecteur contemporain : le Chevalier et
Manon sont tour à tour candides, manipulateurs, sincères, médiocres, vertueux ou fripons.
Cette richesse psychologique est l’une des clés pour entrer dans l’œuvre et entamer le parcours de
lecture. L’analyse portera ensuite davantage sur l’inscription de Manon Lescaut dans l’histoire litté-
raire du genre romanesque, avant d’explorer la dimension que l’on pourrait qualifier d’hybride de
ce roman proposant une réflexion sur le bonheur, qui se veut édifiante, mais sans sombrer dans la
moralisation ni dans la condamnation univoque du libertinage. La séquence s’achèvera par l’étude
de la fresque subtile et tragique de la passion.
2 Manon Lescaut | 37
› Personnage et société
Présentation de la séquence p. §‡
Livre de l’élève p. §‡ à ·‹
La représentation d’un monde en crise favorise la création de personnages qui doivent l’affronter ou
qui peuvent en incarner les tensions.
La séquence a pour objectif de faire comprendre la part de l’Histoire qui peut entrer dans la création
d’un personnage au niveau de :
– son identité : les personnages aristocratiques (textes 2 et 3) ;
– sa condition : l’enfant misérable (texte 4) ;
– son parcours : le héros partagé entre les Lumières occidentales et le despotisme oriental (texte 1) ;
– sa dimension symbolique : le héros qui affronte le mal (texte 5).
Le personnage de fiction devient un miroir des ruptures historiques et sociales. Il permet de créer un
point de vue sur les événements, sur les partis en présence, sur le renouvellement de valeurs. Il peut
aussi dévoiler l’impact d’un événement sur une conscience ou une intériorité. Face à la brutalité des
événements (misère, guerre, violences physiques et morales), le personnage quitte le seul modèle
héroïque pour traduire des conflits intérieurs, parfois une perte de repères qui aboutit à remettre en
question le sens même de l’Histoire.
La création romanesque est alors indissociable d’une inscription de l’œuvre dans une époque. Le per-
sonnage devient emblématique d’un moment de l’Histoire et de la société. Il entre dans l’imaginaire
de la conscience collective (par exemple, texte 4) ou, au contraire, apparaît comme une contre-figure
des idéologies en cours (texte 5).
4 Personnage et société | 63
∞ ⁄·›°
sans divertissement,
p. ‡°-‡·
s’impose alors. L’amour, la conquête de la gloire,
la chasse sont des palliatifs connus et communs.
« Le sang, en revanche, c’est le divertissement
par excellence ». Pour M.V, puis Langlois, la
La fascination du mal trace rouge sur la neige blanche conjure l’an-
goisse du néant. Jusqu’à la fascination. De même,
LECTURE DU TEXTE pour l’auteur, la trace d’encre sur la page blanche
1. Le langage d’Anselmie, qui est celui d’une tient à distance la peur du vide. « Si j’invente
paysanne, est dominé par l’oralité : des personnages et si j’écris, c’est tout simple-
– recours à l’exclamation ; ment parce que je suis aux prises avec la grande
– insertion constante de l’adverbe « bien », de malédiction de l’univers à laquelle personne ne
l’interjection « bon », « bien alors » ; fait jamais attention : c’est l’ennui », dit Giono
– ruptures syntaxiques nombreuses ; dans M. Machiavel ou le cœur humain dévoilé.
– énoncés incomplets : « puisque je vous dis qu’il Cette explication donnée par Giono lui-même
était comme d’habitude… » ; permet de comprendre la référence à Pascal (qui
4 Personnage et société | 65
P. Choderlos de Prolongement
Commentaire
° Le Rouge et le Noir,
⁄°‹‚ p. °›-°∞
Le commentaire du texte de Laclos pourra déve- Objectifs du texte : Analyser un extrait du
lopper le plan suivant : début du roman Le Rouge et le Noir pour
1) L’extrait des Liaisons dangereuses inverse
comprendre comment un personnage peut
la représentation traditionnelle du libertin
s’opposer à son milieu et construire son
a) Il s’agit d’un libertinage féminin
propre destin.
b) Madame de Merteuil se consacre à l’étude
rationnelle, à l’observation quasi scientifique du
« monde comme il va » Un personnage en conflit
c) Même les « distractions futiles » (l. 34) doi-
LECTURE DU TEXTE
vent être l’occasion d’un apprentissage exigeant.
Il s’agit davantage d’une ascèse dans le Mal 1. Le père de Julien Sorel possède une scierie :
qu’un abandon au plaisir épicurien le début du roman se passe dans son « usine »
2) Madame de Merteuil est un personnage (l. 1). Il s’agit d’un milieu de travailleurs
complexe manuels comme le montre le travail des deux
a) Orgueilleuse et sûre d’elle-même frères jouant de la « hache » (l. 3 et 5). Eux trois
b) Libertine sans pouvoir le paraître, elle est ne voient pas dans les activités intellectuelles
condamnée à la dissimulation et au jeu théâtral un vrai « travail » mais une « charge » (l. 61),
c) Individualiste, elle n’est pas féministe : elle une perte de temps et d’argent. La première ren-
travaille uniquement à sa propre émancipation contre du roman entre le père et le fils est mar-
d) En revanche, l’auteur promeut l’éducation quée par la violence : Julien a abandonné son
des femmes et il se sert de son personnage de poste pour lire. Son père le frappe à deux reprises
papier pour le faire savoir. Cette stratégie rend (l. 18 et 20). Tout oppose les deux personnages,
plus complexe encore sa créature, individualiste, que ce soit leur physique ou leurs goûts. Le père
mais au service d’un discours subtil ne sait pas lire (l. 13) et hait de toutes ses forces
ceux qui maîtrisent ce savoir. Le premier coup
Dissertation décoché par le père atteint d’ailleurs le livre. Les
La question posée porte sur la valeur édifiante du seules valeurs paternelles sont le travail physique
roman. Il s’agit donc d’en débattre. On pourra et la force virile, valeurs qu’il impose sans dis-
développer le plan suivant : cours mais à coups de poing. Julien, personnage
1) Le roman relève de la fiction plutôt fragile comme le montre le dernier para-
a) Sa fonction première n’est pas l’édification ou graphe, déteste cette brutalité fruste et tyran-
l’instruction du lecteur, mais bien l’évasion et le nique. Il aime la réflexion passionnément, la
divertissement nourrit par la lecture et la fréquentation du curé,
4 Personnage et société | 71
La Mort du roi Tsongor est un roman contemporain qui a reçu le Goncourt des lycéens en 2002. Il met
en scène une Antiquité imaginaire et reprend le schéma de la guerre de Troie : « On a une ville, on
a un roi, on a une fille et deux prétendants, et ensuite une guerre qui se déclenche. » (interview de
Laurent Gaudé dans le DVD joint au manuel).
Étudier le roman de Laurent Gaudé permet donc de se plonger au cœur d’un schéma antique et
d’une œuvre épique. Les personnages romanesques construits par l’auteur sont à la fois héritiers d’une
tradition littéraire et romanesques, mais aussi renouvellement et réécriture de cette tradition. Entre
emprunts et création, Gaudé écrit une œuvre qui touche finalement le lecteur.
On consultera avec profit l’interview de Laurent Gaudé et sa retranscription mises à disposition avec
le manuel. Toutes deux sont utilisables librement en classe.
2
Le texte théâtral
et sa représentation,
du XVIIe siècle à nos jours
Livre de l’élève p. ⁄⁄¤ à ⁄··
Deux corpus sont proposés. L’un permet de travailler sur l’aspect ludique de la comédie, quand sont
révélés les artifices théâtraux, tels que le déguisement, le masque, le mensonge. L’autre montre la
fonction satirique du rire. À de multiples reprises, les comparaisons de mises en scène permettent de
confronter des interprétations différentes d’un même texte. C’est la question de la représentation qui
est ainsi posée. Cette interrogation trouve son prolongement dans un débat argumentatif, s’appuyant
sur un texte d’Artaud (« Pour argumenter »). Enfin, l’histoire littéraire fait le point sur cette problé-
matique, en montrant les évolutions techniques et idéologiques de la mise en scène.
Ce texte permet donc de réfléchir à la capacité 2. La réaction de Dom Louis montre autant sa
du théâtre à imiter le réel ou à en donner une crédulité de père faible (« tendresse d’un père »,
image plus vraie, plus saisissante que la réalité l. 22-23) que la force de persuasion de Dom
elle-même. On peut proposer une mise en voix Juan. Le père exprime sa satisfaction et son sou-
en chœur de la réplique de Sosie, comme s’il se lagement par une phrase exclamative (l. 22-25).
démultipliait en 4 ou 5 personnages. C’est une Il insiste avec des hyperboles sur son pardon
façon de donner corps à la folie qui le gagne. complet : « les offenses s’évanouissent », « je ne
Le DVD de la mise en scène de Vassiliev est me souviens déjà plus des déplaisirs », « tous mes
disponible à la Comédie Française (coffret vœux sont satisfaits ». Il joint le geste à la parole
Molière). Documents sur la mise en scène et embrasse son fils de joie (l. 32). Il remercie
de Sobel sur le site du théâtre MC93, saison le Ciel de ce miracle, qu’il appelle « saintes
2010-2011 : résolutions » (l. 31-32, 37-38). Sa joie sera com-
www.mc93.com/fr/2010-2011/amphitryon. plète lorsqu’elle sera partagée avec sa femme, ce
qu’il espère aux lignes 35-36. On remarque le
vocabulaire hyperbolique de la joie dans toute
sa réplique : « des larmes de joie », « les doux
transports du ravissement ».
Cette satisfaction est reprise par Sganarelle
Molière,
‹ Dom Juan, ⁄66∞
p. ⁄⁄·-⁄¤⁄
au début de la scène 2, pratiquement avec les
mêmes termes, mais dans un style plus courant,
révélateur de sa classe inférieure : « que j’ai de
joie », « grâce au Ciel, mes souhaits accomplis ».
Objectifs : Analyser une autre pièce baroque Le comique de ces deux explosions de joie est
de Molière, écrite dans les mêmes années renforcé par l’effet de répétition, et surtout par la
qu’Amphitryon, à un moment où révélation de l’hypocrisie de Dom Juan.
le dramaturge cherche à renflouer les caisses 3. Même sans la didascalie indiquant son hypo-
de sa compagnie avec des pièces à machines crisie, la réplique de Dom Juan est trop exagé-
et à grand spectacle. Il s’agit de montrer que rée pour être honnête. Il a changé du jour au
l’esthétique classique n’avait pas supplanté lendemain : « je ne suis plus le même d’hier
totalement l’esthétique baroque et au soir ». Il insiste sur l’aspect miraculeux du
permettait des écarts par rapport aux règles. phénomène : « le Ciel tout d’un coup », « un
Le personnage de Dom Juan est ici envisagé soudain changement de vie ». Le vocabulaire
sous le masque de l’hypocrite et dans son avec lequel il présente sa vie passée appartient
rapport à Sganarelle, rôle joué par Molière au lexique religieux du péché : « je regarde avec
lui-même, ce qui permet aussi de traiter horreur le long aveuglement », « les désordres
la convention théâtrale du couple maître / valet criminels », « toutes les abominations ». Il met
de comédie. trop en scène cette conversion, veut s’en glori-
fier : « faire éclater aux yeux du monde ». On
Le masque du fils repentant remarque le rythme ternaire, très artificiel, des
lignes 13-16 qui insiste sur les étapes de cette
LECTURE DU TEXTE contrition publique. Il réclame même un direc-
1. Le libertin pose les problèmes de la limite de teur de conscience alors qu’il affirmait son indé-
la morale individuelle face à la société. C’est pendance par son libertinage : « faire le choix
un personnage provocateur qui, par ses défis à d’une personne qui me serve de guide » !
98 | Le texte théâtral et sa représentation du XVIIe siècle à nos jours
6 On ne badine pas
avec l’amour, ⁄8‹›
Le décor de P. Faure est constitué d’une vraie
pelouse plantée sur un plateau nu en pente.
L’action est ainsi tournée, projetée même vers
le public. Il ne s’agit pas d’un lieu précis, identi-
p. ⁄¤∞ fiable. On sait que tout se passe en extérieur mais
Objectifs : on ne trouve ni fontaine, ni arbre, ni maison
– Comprendre le rapport du texte à l’espace qui servirait de point de repère. On sait seule-
théâtral grâce à la présence d’un personnage, ment que l’on est dehors, dans la nature. Et plus
caché pour ses partenaires, mais visible précisément dans la Nature, avec un grand N,
pour le public. dont Perdican parle souvent comme d’un lieu
– Analyser le fonctionnement de l’énonciation enchanté, symbole de l’enfance heureuse et pure.
théâtrale.
C’est une conception romantique du paysage.
– Réfléchir sur le registre comique et son
Pourtant, ce paysage ne reflète pas l’état d’âme
évolution dans le théâtre romantique.
des personnages. Il y a même un sérieux déca-
Double jeu amoureux lage entre le décor (renvoyant au vert paradis
LECTURE DU TEXTE des amours enfantines) et leur ressenti. C’est le
costume qui l’exprime : tous sont vêtus de noir,
1. Perdican s’adresse d’abord à Rosette, avec qui
il a un rendez-vous amoureux, en témoignent ce qui tranche avec le vert très vif de l’herbe. Les
les nombreux verbes injonctifs qui lui sont des- costumes ne renvoient pas au XIXe siècle. Ils don-
tinés. Indirectement, il s’adresse à Camille, qu’il nent aux jeunes gens une allure sévère, comme
sait cachée, en mentionnant des faits la concer- s’ils étaient déjà en deuil de leurs illusions. La
nant : « c’était une bague que m’avait donnée mort rôde.
Camille », « tu ne veux pas te faire religieuse » Ce que dit P. Faure de ces choix : « Le vert du
(au contraire de Camille). Camille, visible uni- règne végétal choisi comme couleur d’éveil,
quement pour les spectateurs, exhibe le fonc- de secret et d’épanouissement de la jeunesse à
tionnement de l’énonciation au public. travers la réalité d’un gazon véritable. […] Des
2. Le badinage est censé être un jeu sans gravité. costumes noirs qui s’affirment picturaux, libres
Or, ici, la scène est particulièrement cruelle pour et délivrés dans l’élégance. »
chacune des jeunes filles. Rosette est utilisée Dans cette scène, Camille est placée en
pour rendre jalouse Camille, alors qu’elle croit avant-scène, elle ne regarde pas ni Rosette ni
en la sincérité de Perdican : la dernière réplique Perdican : par convention, le public doit accep-
avec le « hélas » et l’expression « comme je ter que personne ne se voit. P. Faure exhibe ainsi
pourrai » indique qu’elle ne se sent pas à la nettement l’artificialité de la situation. Mais
hauteur de cet amour, mais qu’elle est tombée en rapprochant Camille du public, il le prend
amoureuse. Et Camille souffre de voir sa bague, davantage à témoin de la cruauté de la situation,
symbole de lien, d’engagement, jetée sans hési- d’autant plus que la position allongée du couple
tation dans l’eau. Dans cette scène, on ne sait renforce la tendresse de leurs relations, ce qui
rien des sentiments de Perdican : cherche-t-il
rend la scène insupportable aux yeux de Camille.
vraiment un amour plus sincère, plus pur avec
Rosette, comme il le dit aux lignes 17-21 ? On
ne sait pas. Le registre de cette scène n’est donc ÉCRITURE
pas comique, mais plutôt pathétique. Invention
3. La mise en espace est fondamentale avant de Pour comprendre ce qu’est un monologue, on
décider des intentions de chacun : qui regarde qui ? peut lire le monologue romantique d’Antony
À qui chaque réplique est-elle adressée ? Les person- (p. 489) ou le corpus (p. 191-93).
nages sont-ils proches ou distants les uns des autres ? Pour le registre lyrique, voir l’extrait de la scène
On peut d’abord faire jouer la scène sans parole, puis d’exposition d’On ne badine pas avec l’amour
en ne gardant que les phrases les plus importantes. (p. 539) et une tirade de Camille (p. 487).
6 Mettre en scène la variété du comique | 105
Cette œuvre permet de comprendre le renouvellement des formes que présente le drame roman-
tique, ses nouveaux enjeux dramaturgiques et scéniques, en particulier dans le rapport à l’espace,
la multiplicité des personnages, la complexité de l’intrigue. Lorenzaccio, pièce longtemps considérée
comme injouable dans son intégralité, pose des problèmes de mise en scène. Nous confronterons
ainsi plusieurs partis pris radicalement différents dans leur approche de l’œuvre. La réception de
la pièce, et ce qu’elle peut encore représenter pour un public contemporain, est ainsi appréhendée
à travers des notes d’intention de metteurs en scène. Les extraits choisis sont centrés sur le héros
et son évolution : ils permettent de caractériser le personnage romantique et de l’opposer aux héros
tragiques de l’époque classique. Enfin, la visée politique et critique de l’œuvre est abordée.
⁄) Entrée dans l’œuvre : Florence, aristocrates. Le peuple vit par procuration la fête
des riches (« on attrape un petit air de danse sans
la ville du carnaval p. ⁄›‹ rien payer ») et rapporte ce que les gens célèbres
Du texte à la scène y font : « je suis capable de nommer toutes les
1. La scène se passe dans une rue de Florence personnes d’importance ».
au petit matin et l’on voit se croiser des gens de Florence apparait comme une ville de plaisirs et
tout milieu social. Chacun a ses préoccupations. de carnaval, où les valeurs morales sont renver-
Les dialogues se croisent : les personnages pas- sées, bafouées : Le Duc, Lorenzo et Salviati sont
sent, disparaissent, reviennent, qu’il s’agisse de habillés de façon scandaleuse en religieuses et,
simples figurants donnant leur avis sur Florence sous ce double travestissement, ils tentent d’abu-
ou de personnages importants comme Lorenzo ser de femmes de toute condition sociale. Dans
déguisé en religieuse ou Louise Strozzi repous- ce monde où le roi se comporte en bouffon, c’est
sant Julien Salviati. Autant de petites scènes le renversement permanent (Baktine).
prises sur le vif dévoilant par petites touches, par Une question – théâtrale et politique – se pose :
tableaux, la corruption de la ville. le tyrannicide suffira-t-il à ramener l’ordre ? À
En effet, dans une ville où se succèdent fêtes et mettre un terme au renversement carnavalesque ?
bals, les aristocrates passent leur temps à dépen-
ser, boire, vivre des intrigues amoureuses, jusqu’à 2. et 3. Zefirelli a choisi un parti pris réaliste, de
l’abrutissement (« À qui fait-on plaisir en s’abru- type reconstitution historique avec des costumes
tissant jusqu’à la bête féroce ? ») Le Duc mène et décors faisant référence à la Renaissance ita-
la danse : protégé par ses soldats allemands, il se lienne. L’ambiance de fête est rendue par la
permet tous les excès, au grand dam de ses pairs : foule nombreuse qui va et vient, les costumes
« une moitié de Médicis couche dans le lit de très colorés dans des tons chauds, rouge, brun,
nos filles, boit nos bouteilles, casse nos vitres » orange et un éclairage vif. Les mouvements en
constate un noble Florentin, en insistant sur la long et en large devant le palais et en profon-
bâtardise du duc. deur depuis la porte animent un espace vaste
Les gens du peuple ne valent guère mieux : éter- et ouvert et recréent l’atmosphère bruyante et
nels badauds, ils sont à l’affût de ce que font les dense d’un carnaval.
7 Lorenzaccio | 121
pitié, refus de voir la vérité en face (voir Marie – Analyser le fonctionnement d’une tragédie
chez Ionesco, voir l. 25 à la fin de ce texte) ou grecque : le rapport du héros au chœur.
au contraire résignation froide (qu’on songe à – Analyser les procédés des registres tragique
Marguerite, au garde, au médecin), voire lâche et pathétique.
(le chœur). Les mouvements qu’on imagine
– Analyser une réécriture contemporaine :
vers la porte du palais (l. 9-10) sont à comparer
évolution du tragique.
aux gestes de Marie aidant le roi à se redresser.
– Comparer des mises en scène.
Mais les conséquences collectives de la mort
d’Agamemnon et les problèmes politiques liés
à sa succession n’ont rien à voir avec la portée Mourir en héroïne exemplaire
individuelle de la mort de Béranger, qui exprime LECTURE DES TEXTES
l’angoisse de n’importe quel humain face à la
mort. Et même si son royaume part en ruines 1. Dernière fille d’une lignée marquée par des
(comme l’atteste le discours du médecin), il n’y crimes, Antigone, elle-même innocente, est,
aura rien d’autre après lui. malgré elle, entraînée dans la spirale de la vio-
lence. Si elle manifeste sa liberté, en rendant les
Invention devoirs funéraires à son frère, contrairement à
Il s’agit principalement de noter les déplace- sa sœur Ismène, elle se présente comme vouée
ments des choreutes : Qui se précipite vers la au monde des morts : elle rejoint ainsi tous les
porte ? Qui s’en approche avec crainte ? Qui êtres chers : « je descends, la dernière de toutes
recule ? Qui arrête les autres ou au contraire se et la plus misérable » (l. 4). Ce qui rend cette
cache derrière eux ? Etc. Les regards sont-ils diri- mort plus tragique, c’est son âge : une femme
gés vers la porte ou vers le public ? Après avoir grecque a pour vocation de se marier et d’avoir
fait écrire quelques didascalies, on peut faire des enfants. En mourant vierge, Antigone n’ac-
jouer l’extrait, en dispersant les élèves dans la complit pas son destin, alors que ses parents ou
classe, dans les rangs (P. Stein avait imaginé que ses frères ont vécu leur vie et ont choisi leur fin :
les choreutes étaient dans la salle). « je n’aurai connu ni le lit nuptial ni le chant
d’hyménée » (l. 26-27). Une jeune fille mariée
à la mort est, pour les Grecs, un destin particu-
Bilan / Prolongement lièrement pathétique : « je descends vivante, au
On peut analyser l’image du chœur d’Aga- séjour souterrain des morts » (l. 30-33). Sa mort,
memnon dans la mise en scène de Mnouchkine emmurée vivante (Créon craint de se souiller en
la faisant exécuter), est aussi particulièrement
(p. 186) et essayer d’imaginer quels costumes
atroce.
pouvaient avoir les personnages du chœur de
P. Stein. 2. Le registre est pathétique. Elle veut susciter
Le Sceren (CNDP) a publié en 2009 un fascicule la pitié du chœur et du public. On peut relever :
sur la mise en scène d’Agamemnon dans la série – les phrases exclamatives marquant son déses-
« Baccalauréat théâtre » avec de nombreuses poir (l. 1-2, 30-32) ; l’indignation (l. 9-10,
images et un DVD permettant de comparer 23-25, 45-46) ;
132 | Le texte théâtral et sa représentation du XVIIe siècle à nos jours
⁄⁄ la fin du monde,
⁄··‚ ⁄‡‹-⁄‡∞
et viscérale (l. 55). C’est l’intervention de la
mère qui apaise la dispute.
3. Le lexique de la faute comporte de nom-
breuses répétitions : « je ne voulais rien de
Objectifs :
mal », « je ne voulais rien faire de mal », « que
– Analyser l’évolution du tragique
je fasse mal », « rien dit de mal », « rien de mau-
contemporain. vais dans ce que j’ai dit », « cela va être de ma
– Analyser une scène d’affrontement faute », « ce n’est pas en pensant mal ». Ce qui
tragique. est implicitement en débat, c’est ce que chacun
– Comprendre comment des personnages pense de l’autre, la façon dont chacun est jugé
ordinaires deviennent tragiques. dans une famille et le rôle de chacun : Antoine
– Comparer des mises en scène. est considéré comme le fauteur de trouble, celui
qui génère les conflits en réalité latents et dont
Le duel ordinaire de deux frères il pense Louis responsable.
LECTURE DU TEXTE 4. Les très nombreuses occurrences du verbe
1. Caïn et Abel sont fils d’Adam et Ève. Par « dire » sont significatives de cette impossibi-
jalousie, parce que Dieu préférait Abel, son lité de dire vraiment les choses. La difficulté
frère Caïn l’a assassiné. Dans la famille imagi- à communiquer est ensuite suggérée par les
phrases qu’Antoine n’arrive pas à terminer et
née par Lagarce, Louis a disparu pendant des
qu’il reprend avec des termes légèrement diffé-
années. Il ne s’est occupé ni de sa mère, ni de
rents : « je disais seulement », « ce que je vou-
sa jeune sœur, contrairement à Antoine qui est
lais juste dire » répété à nouveau (l. 49-53), « je
resté auprès d’elles. C’est pourquoi Antoine se
n’ai rien dit de mal ». Il emploie également des
sent incompris et mal aimé quand il voit que les
expressions modalisatrices : « cela me semblait
femmes, sa sœur surtout, sont aux petits soins
bien ». Quand il veut leur faire un reproche,
pour Louis. Sa jalousie et son envie de meurtre
il s’y reprend à trois reprises (par exemple :
inconscient se voient dans la dernière réplique :
l. 45-47). Parler est un effort et une souffrance.
« Tu me touches : je te tue » (l. 55). Les relations
Et sa longue réplique se termine sur une phrase
dans cette famille sont fondées sur la difficulté
inachevée que son frère interrompt de manière
à communiquer, l’incompréhension mutuelle.
maladroite.
Antoine s’est vu reprocher une forme d’agressi-
vité et se révolte contre cela (l. 22-23, 37-39). 5. Louis se sait condamné par une maladie et
Et quand Louis tente de prendre sa défense, c’est il n’arrive pas à leur annoncer cette nouvelle.
tout aussi maladroit, Antoine l’entend comme Cette dispute puérile pour savoir qui ramène
une forme de condescendance (l. 26) ; il se sent Louis à la gare est un nouvel obstacle pour dire
mal jugé par toute sa famille (l. 45-48). la nouvelle tragique. L’agressivité exprimée par
148 | Le texte théâtral et sa représentation du XVIIe siècle à nos jours
⁄¤ Cinq hommes,
¤‚‚‹ p. ⁄‡6
Oral (entretien)
Pour répondre à cette question, lire les textes
pages 166, 170, 176, 191, 490 et voir les images
pages 177, 194 et 492.
Objectifs : Les exclus de la société soulignent le tragique de
– Comprendre l’évolution du tragique l’existence : quel sens donner à une vie de misère
contemporain. et de dénuement total réduite à une série de
– Analyser comment des personnages gestes répétitifs ? La solitude dans ces conditions
ordinaires deviennent tragiques. est d’autant plus tragique : Vladimir, Estragon,
– Analyser une scène d’affrontement. Winnie, Clov, Ham cherchent désespérément
à garder le peu de contact qu’ils ont avec l’autre,
Exil tragique sur un chantier présent avec eux dans un univers vide et froid,
quitte à subir des humiliations, des vexations,
LECTURE DU TEXTE des brouilles. Au contraire, les personnages
1. a) Luca reproche à Janos de ne pas respecter de Koltès ou Keene ont trouvé, dans leur famille,
les autres (l. 5-18). une vraie solidarité qui leur permet de supporter
b) Luca explique ensuite les efforts de Samir les difficultés de l’existence, même si tout reste
pour rester digne (l. 19-31). précaire (Combat de nègre et de chiens). Voir aussi
c) Luca tire de cet épisode une morale pour le sujet de dissertation.
Janos (l. 32 à la fin).
Dissertation
Les motifs de la dispute sont l’égoïsme et le
manque de respect dont fait preuve Janos Mêmes textes à lire que pour la question d’oral.
envers Samir. Janos raille l’espoir de Samir, 1) Une existence absurde
qui croit vraiment pouvoir un jour changer a) Tous les personnages de Beckett, Koltès ou
la vie de sa famille et la sienne à force de Keene sont confrontés à une existence qui n’a
privations. Janos au contraire est un désespéré pas de sens, qu’ils n’ont pas choisie et dont ils ne
(il volera à la fin le salaire de tous les hommes peuvent se sortir : la fable de Koltès avec le petit
et sera brutalisé pour cela). Il n’a pas de scru- nuage qui empêche certains hommes d’avoir
pule à obliger les autres à la même lucidité leur place au soleil met la misère sur le compte
tragique. d’une sorte de destinée. Vladimir et Estragon ne
savent même plus depuis combien de temps ils
2. Le mur à construire est comme le chantier de sont ainsi, à dormir n’importe où, à se faire bru-
Combat de nègre et de chiens, un lieu de travail taliser. Le mur construit par les cinq hommes de
et d’exploitation de la misère humaine. C’est Keene est la métaphore de cet horizon borné,
un chantier qui peut être sans fin. Et le mur est sans perspective d’avenir.
symboliquement ce qui barre l’horizon de ces b) Ce qui peut donner un sens à cette vie : la
hommes ; c’est un peu comme s’ils construisaient présence d’un autre ; à défaut, les rituels (Oh
eux-mêmes leur prison. les beaux jours, Combat de nègre et de chiens),
3. Samir a de l’espoir : il a une famille pour les gestes pour préserver sa dignité (En atten-
laquelle il travaille. Il espère s’en sortir un jour dant Godot), le travail répétitif (Cinq hommes).
et donner à sa femme et son fils une meilleure Chacun s’accroche à l’autre, seul témoin de
vie : il reçoit des lettres qui sont les signes cette existence misérable : la fable de Koltès,
de ces liens et de cette promesse d’avenir les appels de Winnie à Willie en témoignent.
(l. 21-23). Il veut garder sa dignité humaine et 2) Lucidité et révolte tragique
donc il lave ses vêtements, cherche à accom- a) Quand les personnages prennent conscience
plir son travail du mieux possible (l. 27 sq.). de l’absurdité de leur existence, ils passent par
C’est insupportable pour Janos parce que lui, une phase de révolte : pour Vladimir et Estragon,
il est seul et n’a pas d’autre but que survivre. le suicide est apparu, pendant un temps, comme
Samir le renvoie donc à sa tragique solitude le moyen radical d’échapper à leur vie. Clov se
(l. 38-40). prépare à abandonner Ham.
150 | Le texte théâtral et sa représentation du XVIIe siècle à nos jours
QUESTIONS SUR UN CORPUS Elle les jette sur la table pour prier et y revient
1. Dans Les Fausses Confidences, la lettre doit per- à la fin de l’extrait avec un mouvement qualifié
mettre de piéger Dorante et de lui faire avouer d’« irrésistible ».
son amour pour Araminte. Dorante doit l’écrire 3. Marivaux et Beaumarchais mettent en évi-
sous la dictée d’Araminte, mais il n’y arrive pas. dence la double énonciation théâtrale car le
Dans Le Barbier de Séville, Rosine doit empêcher spectateur est complice d’Araminte et Rosine :
Bartholo de récupérer et lire la lettre d’amour il sait que la lettre qu’Araminte fait écrire est
qu’elle a reçue du Comte. Elle a réussi à échan- un stratagème et que Rosine a fait l’échange
ger la lettre compromettante avec une lettre de lettres et ne risque donc rien. Le spectateur
reçue de son cousin. Bartholo veut lire la lettre rit de voir les deux hommes dupés. Les apartés
discrètement, il y a donc un jeu pour la subtiliser d’Araminte (l. 3-4 et 15) et de Rosine (l. 29)
puis la remettre en place. rappellent la ruse des deux femmes. Les deux
Dans Ruy Blas, la reine est seule avec la lettre hommes livrent également en apartés ce qu’ils
d’amour qu’elle a reçue : elle l’a rangée dans son éprouvent : la souffrance de Dorante et le sou-
corsage et hésite à la sortir et à la relire, car cette lagement de Bartholo. L’hypocrisie des relations
lettre la trouble. Elle craint de se laisser aller est ainsi mise en évidence par l’utilisation de la
à cet amour interdit. double énonciation.
2. Les textes de Marivaux et Beaumarchais
sont comiques et le jeu avec la lettre renforce TRAVAUX D’ÉCRITURE
les effets comiques : le refus de Dorante d’écrire Commentaire
se manifeste d’abord par sa mauvaise volonté à 1) Une lettre à un rival au centre du jeu
trouver du papier, puis dans les interruptions de a) La cruauté et le comique de la scène repo-
la dictée d’Araminte, obligée de le contraindre sent sur l’écriture d’une lettre adressée à un rival,
à poursuivre (l. 20). Elle remarque enfin : « Je le Comte, que Dorante doit assurer des bonnes
crois que la main vous tremble » (l. 26). Il finit dispositions d’Araminte à son égard. L’écriture
par avoir un malaise. L’image montre le face à de la lettre est donc mise en scène et en espace
face, Araminte observant l’attitude de Dorante, par Araminte : elle donne des ordres très
sans rien laisser paraître, tandis que Dorante est concrets à Dorante pour accomplir sa tâche de
crispé sur sa lettre et n’ose lever les yeux. secrétaire, ordres qui supposent des éléments scé-
Dans Le Barbier de Séville, c’est Rosine qui feint niques : « vous n’allez pas à la table ? » Si l’on est
un malaise pour permettre à Bartholo d’accéder sûr que Dorante s’installe à cette table (didasca-
à la lettre de son cousin qu’elle a mise en évi- lie, l. 3), on ne sait rien de la place d’Araminte,
dence. Bartholo doit, en même temps, se pré- si ce n’est qu’elle va chercher le papier qui fait
occuper de la santé de Rosine et lire la lettre l’objet d’une question de la part de Dorante
(didascalies l. 20-21, 24). (l. 7-8). D. Bezace imagine Araminte assise face
Le registre de Ruy Blas est pathétique : le jeu à Dorante (image p. 198), ce qui rend la tension
avec la lettre se double d’une prière à la Vierge entre eux plus palpable car Dorante n’ose croi-
dont la statuette occupe une place importante. ser le regard de sa maîtresse. Il est obligé de se
Les tourments de la reine sont exprimés à travers mettre à écrire sous la dictée : « Écrivez ». Et elle
le jeu avec les accessoires et les déplacements vérifie : « Avez-vous écrit ? »
entre la statuette et la table. Elle met un cer- b) Le texte de la lettre est donc dicté à haute
tain temps à sortir de son corsage la lettre qui voix par Araminte (l. 10-11, 13-17, 20-23 et
la « brûle » (v. 21). Elle finit par montrer cette 25-26). Cette lettre est censée être imaginée
lettre accompagnée d’objets, fleurs et dentelle. par Dorante lui-même qui chercherait à rassurer
160 | Le texte théâtral et sa représentation du XVIIe siècle à nos jours
3
Écriture poétique
et quête du sens,
du Moyen Âge à nos jours
Livre de l’élève p. ¤‚‚ à ¤§·
Dire l’amour est un des grands « lieux » de la poésie, sans cesse repris, sans cesse renouvelé.
Ce thème est appréhendé de manière concrète, en privilégiant l’émotion communiquée par les textes
poétiques, écrits du Moyen Âge à nos jours. Le motif de l’amour permet en effet de parler de lyrisme
(tragique, lorsque l’autre n’aime pas ; élégiaque, lorsque l’écriture poétique console et enchante la
douleur). Toutefois, l’amour peut aussi n’être qu’un jeu, source de divertissement littéraire ou de
badinage galant. L’écriture poétique, légère et virtuose, séduit par son humour et sa beauté.
Ancrer notre étude dans un thème poétique précis permet aussi de découvrir la grande diversité
des voix poétiques, qui se coulent dans des formes et des genres variés pour chaque fois réinventer
l’amour. On découvrira ainsi que la sincérité du sentiment n’interdit pas le jeu avec le langage. Et,
en poésie, les jeux de l’amour ne doivent rien au hasard : rimes et rythmes suivent des canevas sub-
tils, des règles précises. Et, paradoxalement, c’est de la contrainte que naît une parole originale et
libre. La règle oblige au détour, à la trouvaille, au « stratagème » (Voiture) et permet ainsi de forger
l’inédit. Composer un poème en suivant les règles du jeu, à partir d’une anagramme (Ronsard), d’une
paronomase (Marbeuf), d’une rubrique de dictionnaire (Char) ou en appliquant à la lettre la recette
du Rondeau (Voiture) oblige à se frayer une voie oblique, à trouver une voix inédite, pour formuler
des thèmes anciens en un parler nouveau.
4 P.Sonnets
de Ronsard,
pour Hélène,
– L’omniprésence du vocabulaire des émotions.
Ex. 1 : « furieux je vous aime / Je vous aime »
(v. 14 et 15 du madrigal de Ronsard).
Ex. 2 : « je souffre et je pleure » (v. 5, Pétrarque).
⁄∞‡° On remarquera tout particulièrement l’intensité
de la blessure d’amour.
5 Pétrarque,
Canzoniere,
– Les phrases exclamatives.
« Honteux, parlant à vous de confesser mon
mal ! » (v.13, Ronsard)
XIVe siècle – Les procédés d’amplification :
« Mon cœur est en tumulte, plein de peine et de
C. Monteverdi, colère » (v. 7, Pétrarque)
Madrigaux guerriers « Ton amour qui me brûle est si fort douloureux /
Que j’eusse éteint son feu de la mer de mes
et amoureux, ⁄§‹° larmes » (v. 13-14, Marbeuf) est une hyperbole.
10 Les jeux de l’amour | 171
° de la douleur, ⁄·¤§
p. ¤⁄¤-¤⁄‹
ceau nocturne et sûr » : l’œil est le gardien d’une
nouvelle origine. Tout ce qui a été vécu avant
elle a disparu de la mémoire (v. 4 et 5). Cesser
d’être regardé serait aussi synonyme d’oubli.
Un blason de l’œil surréaliste C’est pourquoi « le monde entier dépend de tes
LECTURE DES TEXTES yeux purs ».
1. Le poème s’inscrit dans la tradition du blason, Cette abolition des limites temporelles et spa-
genre poétique en vogue au XVIe siècle. Destiné tiales est surréaliste : on bascule dans une sur-
à faire l’éloge d’une partie du corps féminin, il réalité, où la perception du temps et de l’espace
met ici en valeur l’œil de la femme aimée. Tout diffère.
174 | Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours
· Second Livre
des Amours, ⁄∞‡°
temps et invite à savourer l’instant présent. Elle
est reprise par les poètes de la Pléiade et plus
précisément par Ronsard, qui l’illustre à travers
le thème de la rose. Ici, « Sur la mort de Marie »
p. ¤⁄›-¤⁄∞ évoque la brièveté de la vie : Marie a vécu ce
Les promesses d’un nom que vivent les roses, l’espace d’un instant. Il faut
donc savoir profiter de sa beauté et de sa jeu-
LECTURE DU TEXTE A nesse, comme en témoigne le premier poème,
1. Cassandre Salviati : En avril 1545, Ronsard avant que la vieillesse et la mort n’arrivent.
rencontre Cassandre Salviati, fille d’un ban-
quier italien, lors d’une fête donnée à la cour de 2. La volupté de l’amour est désignée par une
Blois. Il a vingt ans, elle en a treize. Deux jours hyperbole signifiante : elle est « la douceur des
après, elle quitte Blois. Ronsard ne cessera de douceurs la meilleure » (la meilleure douceur de
proclamer son amour platonique pour celle qu’il toutes les douceurs). L’enjambement du vers 11
ne reverra pas mais dont les traits se confondent à 12 met en valeur le verbe « goûter », invitation
implicite à savourer les plaisirs amoureux.
avec ceux d’autres jeunes filles, désignées par le
prénom générique « Cassandre ». 3. Le poète conjure Marie de l’aimer : « aimez-
Marie Dupin : En 1555, Ronsard tombe amou- moi donc, Marie ». Pour l’en convaincre, son
reux d’une « fleur angevine de quinze ans », plaidoyer compte trois arguments :
Marie Dupin. Cette jeune paysanne le fait a) « Marie » est l’anagramme d’« aimer » :
renoncer à la poésie pétrarquiste que lui inspirait « Marie, qui voudrait votre beau nom tourner /
« Cassandre ». Pour Marie, il explore une autre Il trouverait Aimer » (v. 1-2). Se tourner vers le
176 | Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours
Objectifs :
– Découvrir la représentation de la nature et son évolution, à travers le motif littéraire
et pictural du jardin.
– Analyser les formes et les significations d’œuvres artistiques et poétiques.
Le jardin est le lieu de tous les paradoxes. Premier paradoxe : le jardin, c’est la nature perçue et trans-
formée par notre imaginaire. Le jardin est un lieu réel, mais c’est aussi un lieu baigné d’imaginaire :
on ne peut visiter un jardin sans penser au jardin d’Eden, au jardin de Cythère, au jardin d’Arcadie,
au jardin des Muses, etc. Aussi peut-on vraiment dire qu’il s’agit d’un topos, au double sens du terme
(voir lexique dans le manuel de l’élève) ? Lieu culturel par excellence, il est source de mythes, de
références, d’intertextualité implicite. C’est ce qui fait que ce lieu, éphémère, devient un lieu de
mémoire. Et c’est là le deuxième paradoxe. Troisième paradoxe : le jardin semble naturel. Pourtant,
comme la peinture, le jardin est une création humaine. C’est une représentation de l’harmonie entre
l’homme et la nature. Paradoxalement, dans le jardin, la nature semble faire son autoportrait, mais
c’est l’homme qui conçoit le tableau et qui tient le pinceau. Le jardinier, bien souvent, n’est pas loin
du peintre. À cette différence près : si, comme le tableau, le jardin s’offre au regard, il se donne en
plus à parcourir.
À travers cette séquence, il ne s’agit pas de dresser une histoire exhaustive des jardins et de leur
influence sur la peinture et la littérature. Il s’agit plutôt d’une promenade au cours de laquelle la
richesse du motif du jardin permettra de rencontrer quelques fleurs de la poésie française. Les mots
« florilège » et « anthologie », ne l’oublions pas, appartiennent bien à l’univers du jardin.
Sitographie : on trouvera sur le site académique de Versailles, « La page des Lettres » des articles
consacrés au thème littéraire des jardins, écrits par Estelle Plaisant-Soler.
– L’apologue au jardin. Séquence de première.
– Libertinage au jardin. Séquence de première.
– Le baroque : le jardin des métamorphoses. Séquence de première.
Rimbaud, le poète aux semelles de vent, dit de Lamartine qu’il fut « quelquefois voyant, mais étranglé
par la forme vieille ». Comment définir la poésie lorsqu’elle n’est plus intimement liée à la métrique,
dont les règles stimulent l’imagination, puisque toute contrainte est source de création ? Quand on
la « libère » pour qu’elle invente des formes neuves ?
C’est ce que cette séquence entend découvrir en proposant deux objectifs : observer le lien entre le
travail de l’écriture et une vision singulière du monde ; découvrir comment le poète s’approprie les
mots pour inventer un nouveau langage.
Le premier corpus, « Dire et déchiffrer le monde », montre que le poète regarde le monde d’un œil
neuf, le déchiffre comme s’il était un texte inédit et le chante avec des mots nouveaux. L’imagination
du poète ne lui permet pas seulement d’orner le discours de fleurs de rhétorique convenues. Les
associations d’idées, les analogies métamorphosent les représentations anciennes en images iné-
dites. Ce rapport au langage interdit l’arrêt sclérosant sur des idées ou des phrases toutes faites. Pour
G. Bachelard (L’Air et les Songes, essai sur l’imagination du mouvement), la poésie caractérise en cela
notre psychisme, toujours en tension vers du nouveau.
Le second corpus, « Rompre les amarres », approfondit cette volonté de rupture, physique, psycho-
logique, langagière avec les sentiers battus. Poète est celui qui rompt pour nous l’attachement aux
habitudes routinières, aux mots usés et donne de l’élan pour vivre plus intensément.
La double page « Pour argumenter » invite les élèves à réinvestir leurs connaissances pour débattre
de la question suivante : « Comment la poésie transporte-t-elle hors des lieux communs ? »
La synthèse d’histoire littéraire entend poser des jalons : quand le poème en prose, le vers libre font-
ils leur apparition ? Comment cet affranchissement progressif des formes anciennes invite-t-il à
redéfinir la poésie comme rapport inédit aux mots et aux choses ?
Jules Supervielle,
VERS LE BAC
Invention
On peut demander aux élèves de dresser l’in-
¤ Gravitations,
⁄·¤∞ p. ¤‹°-¤‹·
ventaire des consignes implicites : le journal Objectif : Travailler sur le thème
intime réclame une écriture à la première per- des promesses de l’aube.
sonne, sous forme fragmentaire, avec les temps
du discours, un peu de recul, etc. Pour cela, on Intérêts du texte : Champ lexical
peut leur demander de se souvenir de journaux de la naissance du monde, découverte du
intimes qu’ils peuvent avoir lus (Le Journal texte fondateur qu’est la Genèse, notion
d’Anne Franck, Cathy’s book , etc.). d’harmonie / cosmos / ordre, fonction
La découverte de l’île suppose des passages des- du poète orphique, capable d’entendre
criptifs, sertis dans un propos lyrique. Repérer les et de célébrer le chant du monde.
éléments importants du dessin (dolmen, océan,
monticule) permettra de bien organiser la des- Célébrer la naissance du monde
cription. D’autant que ces éléments signifiants
n’étaient pas disposés ainsi dans la réalité, selon LECTURE DU TEXTE
J. Delalande. Hugo a déplacé le mégalithe au 1. Plan du texte :
bord de la mer et en surplomb, par exemple. On Quatrains 1-3 : premiers murmures de l’aube
remarque aussi que le dolmen a la forme d’une Quatrains 4-5 : le hennissement du cheval
lettre (un H), comme souvent dans les dessins Quatrains 6-7 : le chant de mille coqs sépare la
de Victor Hugo qui mêle les initiales de son nom nuit du jour
à la représentation du monde (voir son dessin Quatrain 8 : l’eau pleine de lumière et de bruit
transformant les flèches de Notre-Dame en H). 2. Au commencement du monde, les créatures
On peut, sur ce point, réinvestir les acquis de la sont libres, à l’instar du cheval s’abandonnant
page 234. sans contrainte au pur plaisir de galoper (v. 20).
Le thème de l’exil appelle la tristesse, la mélan- Avide d’espace libre, il fuit l’attraction terrestre
colie, le regret ou, au contraire, la volonté de pour s’élancer « comme en plein ciel » (v. 18),
vengeance et de châtiment. À chaque élève de « tout entouré d’irréel » (v. 19), connaissant
regarder le dessin et de s’inspirer des impres- des « gravitations » inconnues. Sa rencontre
sions ressenties pour choisir quels sentiments avec l’homme n’est pas placée sous le signe de
seront exprimés. Pour compléter ce travail sur la domestication mais de la douceur et de l’har-
le ressenti, on peut regarder sur le site de la BnF monie. L’homme avance « à petit bruit » (v. 14),
d’autres dessins de Hugo, réalisés pendant l’exil. pour ne pas l’effaroucher.
196 | Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours
Prolongement 1re « L »
Apollinaire se compare aussi à Jean-Baptiste, ÉDUCATION AUX MÉDIAS
décapité sur les ordres de Salomé. On peut com- 3. La lecture du texte est très pathétique. Cet
parer le poème « Salomé » aux textes et images exercice a pour but de travailler sur le ressenti :
du corpus consacré à cette figure mythique à chaque élève de trouver trois mots-clés pour
(p. 416). évoquer ce qu’il ressent.
218 | Écriture poétique et quête du sens, du Moyen Âge à nos jours
13 Alcools | 223
4
dans les genres
de l’argumentation,
du XVIe siècle à nos jours
Livre de l’élève p. ¤‡‚ à ‹∞›
230 | La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours
La question de l’homme est ici abordée par un choix de textes de genres différents. Tous sont puissam-
ment articulés autour d’idées fortes – en même temps que traversés des doutes et des angoisses de ces
dernières décennies. Cette combinaison entre la vigueur de l’affirmation et la douleur des obstacles
ou des incertitudes caractérise particulièrement les textes des corpus 2 et 3 et se retrouve dans La
Peste. La question de l’homme ne porte pas seulement sur un concept : elle invite aussi à s’interroger
sur l’exercice de l’humanité et la valeur d’une connaissance affective et spirituelle, composante de
l’argumentation. C’est sous cet angle que l’on peut d’ailleurs proposer aux élèves une autre vision du
récit et de la fiction. Les textes proposent aussi de cerner ce qui fait l’homme par rapport au monstre
ou à l’inhumain : tentatives de définition par défaut mais aussi par affirmation radicale, sur fond de
négativité ou de néant.
Le premier corpus se situe dans la tradition humaniste classique, le second est imprégné de l’héritage
des Lumières, de la pensée existentielle et de la philosophie d’après-guerre. Le troisième réunit des
extraits d’auteurs rescapés des camps, vus sous l’angle d’une résistance à ce qui déshumanise.
232 | La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours
⁄ Des monstres
et prodiges, ⁄∞‡‹
à 15. Le monstre est une erreur de la nature dont
la cause est identifiable (« les femmes souillées
de sang menstruel engendreront des monstres »).
Le « Dieu » de Montaigne apparaît, a contrario,
bienveillant et plein de bonté : la monstruosité
Michel de Montaigne,
¤ Les Essais, ⁄∞·∞
p. ¤‡›-¤‡∞
n’est pas un signe prophétique mais la preuve
que l’humanité est plurielle.
Prolongement
On peut consulter cette intéressante notice en
ligne sur le site du MUCRI : http://mucri.univ-
paris1.fr/mucri11/article.php3?id_article=118
242 | La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours
Réfutation sur la nature humaine des hommes Engagement personnel d’Hugo (l. 68-73) et
de Parti argument du nombre
5. Le texte de Camus reprend la même problé- 7. « On s’apercevra peut-être un jour… » (l. 68)
matique en l’articulant sur le thème de la mort constitue une annonce qui fonctionne en double
de l’innocent et la menace des crimes de masse. énonciation. L’accusation de Hoederer qui place
Le verbe « aimer » est ainsi utilisé de façon habi- Hugo face à sa conscience (l. 38-39) est à la fois
tuelle par Dora, tandis que Stepan l’utilise avec un signe de clairvoyance et un ressort d’ironie
un point de vue de fanatique (l. 16-17, comme dramatique. Hugo pourrait bien aussi avoir « les
un idéologue, il veut « sauver » l’humanité mains sales ».
malgré elle). Chez Camus, la « situation » est
8. A priori, le spectateur adhère aux valeurs
plus extrême que chez Sartre, puisque le terro-
d’Hugo qui lui tend le miroir d’une humanité
riste va se trouver face à l’innocent.
idéaliste. De plus, Hugo tient le rôle du jeune
6. Le dialogue progresse par reprises de termes premier. Surtout, il exprime des sentiments ;
et de constructions syntaxiques : les échanges y Hoederer ne donne aucune prise à l’identifica-
gagnent beaucoup en rigueur, mais aussi en vrai- tion, à la compassion ou à l’attachement affectif.
semblance. Les répliques s’enchaînent sur des
questions/réponses, rebondissent sur des mots,
reprennent des structures syntaxiques en les met- HISTOIRE DES ARTS
tant à la forme négative. Divers exemples : « Il L’expression « se salir les mains », au sens figuré,
n’y a qu’un seul but » (l. 8-9), « Tous les moyens est ancienne ; Péguy l’a utilisée dans un pas-
sont / ne sont pas bons » (l. 48-49), reprise du sage célèbre de Victor-Marie, comte Hugo (1910,
verbe « condamner »… Les adversaires ne don- Gallimard, Pléiade, Œuvres en prose complètes,
nent pas le même sens ou les mêmes connota- t. III, p. 332), que Sartre connaissait sans doute.
tions aux mots, que ce soit par désaccord sur les « Je compte, Halévy, que vous ne réglerez point
idées ou par ironie (cf. les « idées », l. 11-12). ces débats par les méthodes kantiennes, par la
244 | La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours
248 | La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours
ÉCRITURE
Vers la dissertation
Le but de Primo Levi est de témoigner, afin
que la conscience reconnaisse où est la jus-
tice. C’est pourquoi il ne donne aucune leçon
de morale explicite. Il livre des portraits de la
nature humaine, en montrant ses limites et ses
Robert Antelme,
grandeurs. Son entreprise dépasse la stratégie de
l’exemplum : il s’agit de faire voir, au-delà de tout
discours.
La question qui se pose dans le reste de la
⁄› L’Espèce humaine,
⁄·›‡
réflexion est celle de l’efficacité morale : faut-il
expliciter ce qui est censé être reconnu existen- p. ¤·›-¤·∞
tiellement, avec l’esprit et le cœur ? Tout dépend Objectif : Comprendre que la pensée
du public : celui qui lit le portrait a-t-il lui-même de l’humanité peut être fondée sur la
des critères moraux ? Peut-il comprendre sans conscience que son ordre propre est
qu’on lui explicite quelles sont les qualités irréductible (il y a solution de continuité
morales du modèle ? A-t-il besoin qu’on les lui
entre l’homme et les autres êtres vivants).
rappelle, parce qu’il les a oubliées ? Si le portrait
est fait pour éduquer des enfants au sujet de telle Intérêt du texte : Dans ce passage se
ou telle valeur morale, on peut privilégier l’in- formule une expérience limite de ce qu’est
duction pour qu’ils formulent le principe, tout en l’humanité, en termes philosophiques.
éprouvant de l’admiration. Cependant, les élèves peuvent se
1) Dans quelle mesure le portrait nécessite-t-il le rendre compte que la lecture du texte,
complément d’une moralité ? rigoureusement écrit, permet presque à elle
2) Le portrait se suffit à lui-même : la reconnais- seule de comprendre ce dont il s’agit.
sance du Bien et l’appel de l’exemple.
Entrée dans le texte : Ce texte requiert du
temps. Son approche peut être facilitée par
quelques accroches d’observation que l’on
ORAL
s’est efforcé de proposer dans les questions. On
Analyse peut proposer un travail sur le terme d’espèce et
Site de la Fondation pour la mémoire de la remarquer qu’il est employé ici dans une perspec-
Shoah : biographie de Primo Levi, commentée et tive scientifique à dessein, puisque les SS ont la
illustrée : http://elaboratio.com/shoah_theatre/ volonté d’opérer un changement « biologique »
primolevi/bio_commentee.html. (« Pour argumenter », l. 20) : diviser l’huma-
La relation entre le projet d’écrire pour témoi- nité, introduire des « classes » dans l’homme.
gner et les choix que manifeste l’extrait est C’est à cela qu’Antelme répond d’abord,
très importante. On peut aussi réfléchir sur la en montrant que l’unité est constitutive
possibilité de dire l’indicible ou de formuler de la définition de l’espèce.
252 | La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours
Lié au chapitre sur la question de l’homme, ce « Parcours de lecteur » propose une réflexion sur l’hu-
manisme au XXe siècle. Albert Camus se situe au carrefour de grandes questions qui ont tourmenté
ses contemporains : l’origine et l’absurdité du mal, la responsabilité de l’homme dans la Cité. Loin
d’être un apologue simpliste, le roman permet de s’interroger, grâce au détour que permet la fiction,
sur les liens entre réel et allégorie, réalisme et poésie.
Ce parcours de lecteur propose une immersion dans La Peste qui peut être conduite en autonomie
pour certaines questions (recherches, fiches de lecture) ou en classe. Les élèves seront déjà bien
familiarisés avec les préoccupations du second vingtième siècle s’ils ont travaillé sur la séquence
« Visages de l’homme » (corpus 2 et 3) et seront capables de faire eux-mêmes des liens intéressants
entre les textes.
⁄) Entrée dans l’œuvre : visite faite par le général Bonaparte aux pesti-
férés à Jaffa en 1799, comparaison avec les rois
une allégorie de la peste p. ‹‚¤ de France touchant les écrouelles. Ce qui ne res-
1. La page de Camus allie références historiques semble pas au roman est ici l’héroïsme ostensible
et picturales dans une série de petites ekphrasis : de Bonaparte. En tout cas, ce premier extrait
l’écriture charrie l’imaginaire de la peste, en offre une vision très variée du fléau, déployant
mêlant des images lointaines et « extraordi- des virtualités que le romancier choisira ou non
naires » à des détails affreux et bien concrets. La de développer. C’est une sorte d’ouverture opé-
Peste d’Asdod (1630-1631 : Poussin vient d’être ratique et visuelle.
gravement malade et la peste a ravagé Milan en 2. L’allégorie (<alla-ègorein : « dire autre chose »)
1629) est un sujet tiré du Livre de Samuel, V, 1-6. est une figure qui réunit de plus petites figures
Les Philistins ont enlevé aux Hébreux l’Arche (comparaisons, métaphores filées en géné-
d’alliance et l’ont placée devant le temple de ral). Elle demande un travail d’interprétation,
Dagon ; la statue du dieu s’effondre devant elle elle joue sur au moins deux sens d’un même
et le peuple est frappé de la peste : c’est donc un texte : le sens littéral, toujours compréhen-
fléau envoyé par Dieu. Yves Bonnefoy a souligné sible, qui voile le sens figuré, à vocation morale
« l’ordonnance de la composition » répartissant ou spirituelle. Dans un texte, la figure de l’al-
les figures, groupes, mis en perspective dans une légorie rend visible une abstraction, souvent
architecture extrêmement élaborée ; sont repré- à l’aide de personnifications (avec parfois des
sentées dans une même scène plusieurs péripéties attributs codés, ex. : la balance de la justice).
(voir Alain Mérot, Poussin, Hazan, 2011). Dans L’herméneutique biblique a développé la théo-
ce sens, le roman de Camus regroupe aussi les rie des quatre sens de l’Écriture : 1° sens littéral,
personnages par blocs, dans un ensemble à la 2° sens allégorique, 3° sens moral et 4° sens
fois composé et terrifiant. Bonaparte visitant les anagogique. Ainsi, l’allégorie révèle également
pestiférés de Jaffa (voir livre de l’élève p. 303, la confiance que l’homme accorde au sens de la
note 1) : il s’agit de la commémoration d’une vie, des choses, du monde : les sens peuvent être
258 | La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours
Les écrivains voyagent dans l’espoir de se dépayser et de découvrir de nouvelles coutumes. Le premier
corpus, consacré à la « rencontre du sauvage » donnera l’occasion à l’élève de se confronter au regard
de ces peuples longtemps méprisés par les colons européens. Aussi bigarrés et déroutants soient-ils,
les sauvages interpellent les penseurs de toutes les époques, du XVIe siècle à nos jours. Le second
corpus porte plus largement sur le rapport aux autres en donnant la part belle à des écrivains du
XXe siècle. L’enjeu sera de cerner les limites d’une approche humaniste à travers des extraits marquant
la difficulté à entrer en contact avec l’altérité.
contrastes d’aplats de couleurs (rouge, vert, Dans ses contes philosophiques – parmi
jaune). Tahiti se donne à voir sous les traits d’un lesquels il faut citer Candide, Zadig et
territoire sauvage et intact où n’apparaît aucune L’Ingénu –, Voltaire fabrique des personnages
trace de la colonisation européenne. incarnant une posture face au monde.
La sagesse dont fait preuve le Huron doit
ÉCRITURE être interprétée comme un antidote à toutes
Vers la dissertation les fausses sciences dont font étalage
Dans son discours, le vieux tahitien recourt à les Européens. Le modèle d’instruction
la figure de l’antithèse en opposant une sup- « par la nature » amène le lecteur à réfléchir
posée « ignorance » des siens aux « inutiles sur ses habitudes de pensée.
lumières » des colons. L’expression d’« inutiles
lumières » peut se lire comme un oxymore : la La sagesse du Huron
métaphore des lumières traduit l’activité de
l’esprit, sa force émancipatrice en référence au LECTURE DU TEXTE
mouvement culturel du XVIIIe siècle : elle ne 1. Voltaire oppose deux postures intellec-
peut a priori être associée au qualificatif « inu- tuelles : d’un côté l’Ingénu qui voit le monde
tile ». Néanmoins, dans la bouche du Tahitien, avec candeur et sans aucun a priori ; de l’autre
les lumières de la raison sont la source de tous l’individu pétri de préjugés qui, selon Bacon
276 | La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours
⁄¤ Tristes tropiques,
⁄·∞∞
tion de la pensée de l’auteur qui tente d’élucider
le paradoxe de l’attitude du mendiant. De ce
fait, ce passage se rattache au genre de l’essai.
Claude Lévi-Strauss montre que la relation entre
l’Européen et le mendiant de Calcutta n’est pas
Claude Lévi-Strauss,
⁄‹ Race et histoire,
⁄·∞¤ p. ‹¤°-‹‹‚
un rapport d’égal à égal : quelles que soient les
circonstances, l’occidental est amené à humilier
le mendiant par un processus proche de celui de
la « servitude volontaire » (voir Étienne de la
Boétie, La Servitude volontaire). L’auteur utilise le
Objectif du texte : La lecture d’un extrait plus souvent un mode de raisonnement déduc-
de l’œuvre de Claude Lévi-Strauss ouvre la tif au sein de chaque paragraphe : ainsi dans le
voie à une réflexion anthropologique. Plus deuxième paragraphe, après avoir énoncé une
précisément, l’élève doit être en mesure idée générale (« on vous oblige d’emblée à nier
de saisir la singularité de la démarche de chez autrui la qualité humaine qui réside dans
l’ethnologue qui tente de saisir la logique des la bonne foi, le sens du contrat et la capacité à
rapports sociaux en Inde et non simplement s’obliger »), l’auteur recourt à un exemple (« Des
de raconter un épisode circonstanciel de sa vie. rickshaw boys proposent de vous conduire »). De
16 Les découvertes des voyageurs | 285
Dissertation
POUR ARGUMENTER : Ce sujet de dissertation invite l’élève à relativi-
ser la portée du voyage. Il serait judicieux d’in-
LES VOYAGES FORMENT-ILS sister sur le rôle du voyageur qui se doit de main-
L’HOMME ? p. ‹‹⁄ tenir en éveil sa conscience, son esprit critique
pour faire en sorte de tirer un enseignement de
LECTURE DU TEXTE son périple. Pour ce faire, il est recommandé de
1. Alain critique les touristes qui ne prennent réfléchir sur la notion de découverte qui doit
pas le temps de savourer le spectacle de la être explicitée au brouillon.
nature. « Le mal, c’est le rythme des autres » dit Découverte : enrichissement personnel, émo-
le poète Henri Michaux : il semble en effet que tion, objet neuf en rupture avec une habitude,
la précipitation du touriste l’amène à survoler les stimulation…
16 Les découvertes des voyageurs | 287
Objectifs :
– Étudier les intentions des photographes humanistes.
– Comprendre les visées argumentatives de la photographie.
Il est courant de représenter le XXe siècle à travers un florilège d’images violentes traduisant l’horreur
des guerres ou la barbarie totalitaire. À contre courant de cette mouvance artistique (voir livre de
l’élève p. 60-61), les photographes humanistes ont eu à cœur de montrer la candeur et la vigueur de
l’humanité.
La séquence débute par une première partie offrant une vision optimiste de l’homme : la scène cano-
nique du baiser constitue un « instant volé » prisé par les photographes comme Doisneau, Brassaï
ou Izis. Le texte de Paul Valéry permet de mettre en lien ce geste symbolique avec le contexte social
de l’immédiat après-guerre.
La deuxième partie consacrée au regard engagé des photographes entend creuser la fonction expres-
sive de la photographie. En investissant les terrains ouvriers, Willy Ronis a voulu fixer des temps
forts de la vie prolétarienne. L’élève peut saisir le parti pris du photographe en interrogeant les
procédés techniques propres à l’art photographique : le cadrage, la profondeur de champ, les effets
de contraste…
Les deux dernières parties élargissent la réflexion au-delà du mouvement humaniste. La partie 3
intitulée « Plaidoyer pour l’humanité » fait entendre un discours critique sur l’image, celui de Roland
Barthes qui dénonce les usages politiques de la photographie de presse. La partie 4 s’interroge sur les
moyens propres à la photographie pour dénoncer la souffrance humaine. Différentes modalités sont
appréhendées, de la photo choc au cliché suggestif.
3. On peut relever plusieurs termes éclairant la Les élèves peuvent se référer à deux textes du
notion de mythologie : « réduction », « objet », manuel qui font écho à cette problématique :
« réduit à une fonction », « imagerie générale », – Georges Perec, Les Choses (1965) (manuel de
« représentations collectives », « erreur ». Dans l’élève p. 34)
cet extrait, Roland Barthes oppose deux pos- – Michel Houellebecq, Extension du domaine de
tures : celle du reporter construisant une image la lutte (1994) (manuel de l’élève p. 35)
fausse et figée du Nègre et celle de l’ethnologue
interrogeant scientifiquement (avec des « pré-
cautions rigoureuses ») le « fait nègre ».
QUESTIONS SUR UN CORPUS pas innée mais acquise, construite comme une
1. Louis-Sébastien Mercier, George Sand et seconde nature.
Simone de Beauvoir tendent à remettre en cause – Simone de Beauvoir : difficulté de la femme à
une vision stéréotypée de la femme. S’ils s’ac- accéder au rang de sujet complet à la différence
cordent à dénoncer une représentation dévalori- des hommes. « La femme n’est un individu com-
sante de la condition féminine, ces trois auteurs plet, et l’égale du mâle, que si elle est aussi un
demeurent plus circonspects sur l’identité même être humain sexué » (l. 10-12).
de la femme. 3) Une identité difficile à définir ?
1) Un être méprisé et déconsidéré Les trois auteurs envisagent une possibilité
Les auteurs insistent sur les restrictions subies d’émancipation de la femme. Toutefois, la remise
par les femmes. La dévalorisation de la femme en question des stéréotypes n’aboutit pas tou-
s’exprime par une série de limites qui l’amènent jours à une nouvelle condition de la femme.
à éprouver un complexe d’infériorité. Plusieurs – L.-S. Mercier : éloge de la perfection féminine.
exemples peuvent être introduits pour justifier Image valorisante de la femme en opposition au
cette idée : caractère vil de l’homme.
– L.-S. Mercier : insistance sur l’interdiction – George Sand : ambiguïté de la condition fémi-
de lire (« Pourquoi leur interdirait-on la nine : hésitation entre deux postures contradic-
littérature ? » l. 2). toires, d’un côté la vision traditionnelle (« la
– George Sand : analyse du complexe d’infério- femme plus artiste et plus poète » que l’homme),
rité intellectuel (« infériorité morale attribuée à de l’autre le désir d’égalité.
la femme » l. 3-4). – Simone de Beauvoir : dualité de la femme (il
– Simone de Beauvoir : la femme est considérée est demandé à la femme de se faire « objet et
comme un être « divisé » et « mutilé ». proie »).
2) Un être façonné par l’homme
L’inégalité entre homme et femme trouve 2. Une réponse en deux paragraphes peut être
son explication dans la relation établie entre envisagée. Les textes de Mercier et de Beauvoir
l’homme et la femme. Les trois extraits mettent se rattachent au genre de l’essai. Le lecteur
l’accent sur la dépendance de la femme vis-à- assiste en effet au cheminement de la pensée
vis de l’homme. Au lieu d’être un sujet libre et de l’auteur qui s’interroge sur la condition des
autonome, la femme apparaît trop souvent sous femmes (Mercier : questions rhétoriques au pre-
les traits d’un objet façonné par l’homme. mier paragraphe) et tend à porter un discours
– L.-S. Mercier : la femme est dépendante du de vérité sur ce sujet (présent de vérité géné-
rôle que lui assigne l’homme. Elle n’existe qu’à rale omniprésent dans les deux textes). Les deux
travers le regard de l’homme, qui s’attache à auteurs proposent par ailleurs une démonstra-
limiter l’expansion intellectuelle et morale de tion rigoureuse en signalant les étapes de leur
la femme : « [l’homme] craint [l]es succès [de la réflexion par des connecteurs argumentatifs.
femme] » ; « il ne lui permet une célébrité parti- Le texte de George Sand appartient au genre
culière que quand c’est lui qui l’annonce et qui autobiographique. L’auteur relate un souvenir
la confirme » (l. 21-24). personnel en tâchant de lui donner une dimen-
– George Sand : l’auteur remet en question sion universelle. La dimension introspective
l’idée d’une nature de la femme. « L’infériorité de ce passage peut être signalée : « m’interro-
morale » de la femme est due à la mauvaise geant moi-même » (l. 11) ; « j’avais dans l’âme »
éducation dispensée par les hommes. Elle n’est (l. 22-23).
294 | La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours
296 | La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours
QUESTION SUR UN CORPUS une foule affairée » écrit Baudelaire dans « Les
En introduction, il est judicieux de distinguer les Foules » (Petits poèmes en prose, XII). La solitude
extraits louant la solitude (Pascal, Baudelaire) serait donc, selon le poète, un territoire d’excep-
de l’extrait démontrant la nécessité de la vie en tion, un refuge pour abriter une foule et s’abri-
société (Encyclopédie). La consigne doit ame- ter de la foule. Dans « La solitude », Baudelaire
ner l’élève à réfléchir sur le traitement litté- reprend cette thématique en faisant plus pré-
raire auquel recourent les auteurs (« Comment cisément l’éloge du recueillement : les propos
démontrent-ils… »). malveillants d’un « gazetier philanthrope »
1) Une démonstration philosophique l’engagent à vitupérer contre l’idéal « fraterni-
Pascal et d’Alembert démontrent les inconvé- taire ». Aussi comment Baudelaire construit-il
nients de la vie en société à travers un discours un réquisitoire persuasif ? Après avoir analysé
explicatif. Ces deux extraits peuvent être rat- le traitement que réserve le poète aux arguments
tachés à la philosophie dans la mesure où les de son adversaire, nous montrerons la vigueur
auteurs définissent l’Homme par le biais d’un dont il fait preuve pour défendre son point
raisonnement précis. Dans ces deux passages, le de vue.
lecteur assiste à une démonstration rigoureuse : 1) Un réquisitoire efficace à l’encontre de la
une thèse, énoncée au présent de vérité générale philanthropie
(Pascal : « tout le malheur des hommes vient a) Un portrait à charge
d’une seule chose qui est de ne savoir pas demeu- Dans ce poème, Baudelaire raille la posture du
rer en repos dans une chambre » ; L’Encyclopédie : gazetier en affublant celui-ci d’adjectifs péjo-
« Les hommes sont faits pour vivre en société ») ratifs : « incrédule[s] », « maudit », « hideux
est étayée par des exemples précis (divertisse- [trouble-fête] ». Il recourt également à l’ironie
ments du roi chez Pascal ; cas de l’enfant dans pour mieux ridiculiser son personnage : les anti-
l’extrait de L’Encyclopédie). L’auteur de l’article phrases « subtil envieux » et « avec un ton de
« Société » recourt également à l’argument d’au- nez très apostolique » peuvent être convoquées
torité (citation de Sénèque) pour mieux justifier à l’appui de cet argument. Mais le poète ne se
l’idée que l’homme doit vivre en société. contente pas de brosser un portrait à charge de
2) Un réquisitoire poétique ce journaliste : son poème vise plus largement
Le texte de Baudelaire se distingue des deux une communauté. L’élève pourra analyser en
autres extraits : le poète ne vise pas à convaincre ce sens le passage d’une accusation individuelle
son lecteur par une démonstration logique mais à un réquisitoire plus général : « un bavard »
plutôt à le persuader. La « philanthropie » du (l. 8) ; « nos races jacassières » (l. 13).
gazetier est raillée au moyen d’une écriture de la b) Un discours mordant sur les dérives
vitupération : « mon maudit gazetier » (l. 20) ; « fraternitaires »
« le subtil envieux » (l. 22-23) ; « le hideux Baudelaire loue la solitude en faisant preuve
trouble-fête » (l. 24). La profusion d’images de sarcasme. On peut ainsi étudier les images
dévalorisantes vise à dénoncer les apories de la créées par le poète (la harangue du condamné
société de son temps. à mort au quatrième paragraphe notamment).
Il convoque avec désinvolture (« dit quelque
TRAVAUX D’ÉCRITURE part », l. 25 ; « je crois », l. 29) des moralistes
Commentaire classiques pour donner plus de crédit à son pro-
Introduction rédigée : « Qui ne sait pas peupler pos. Ces arguments d’autorité invitent le lecteur
sa solitude ne sait pas non plus être seul dans à partager son point de vue.
Vers le bac | 297
298 | La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos jours
5
Vers un espace culturel
européen : Renaissance
et humanisme Livre de l’élève p. ‹∞› à ‹·‡
L’Europe du XVIe siècle connaît avec l’humanisme un bouleversement majeur de ses valeurs et de
ses représentations. Il parvient à s’imposer malgré les crises du siècle. La séquence 18 s’interroge
précisément sur les conditions d’épanouissement de ce courant en Europe. Elle se donne pour premier
objectif d’analyser les caractéristiques du projet humaniste. Aussi le premier corpus traite-t-il de
l’éducation de cet homme nouveau qu’est l’humaniste. Le deuxième objectif vise à monter en quoi
la littérature reflète les luttes humanistes à travers un deuxième corpus consacré aux espoirs (parfois
déçus) et aux combats de ce courant.
⁄ Le Décaméron, ⁄‹∞‹
p. ‹∞°
son unique devoir, sera de [les] faire vivre en
gaieté » (l. 8-9). Il a aussi en charge l’organisa-
tion de chaque journée : « La personne choisie
[…] n’aura qu’à ordonner et à disposer selon son
Objectifs : Apprécier la dimension optimiste gré en quel lieu et de quelle manière il nous fau-
du courant humaniste. dra vivre » (l. 13-15). Il s’agit donc bien d’une
autorité unique et toute puissante sur chacun :
Un nouvel optimisme « nous lui porterons honneur et nous lui obéi-
rons comme à un supérieur » (l. 7-8). Elle se dis-
LECTURE DU TEXTE tingue cependant de la hiérarchie féodale par la
1. Malgré la peste, les personnages de Boccace notion de responsabilité partagée équitablement
sont loin d’être abattus par le pessimisme : « c’est entre tous les membres du groupe : « je propose
dans la joie qu’il nous faut vivre » (l. 1). Ils ont que chacun se voie attribuer pendant un jour ce
fui Florence infestée et se sont réfugiés à la cam- poids et cet honneur » (l. 12-13). Elle inclut par
pagne, car « c’est la seule raison qui [les] ait fait ailleurs aussi bien les hommes que les femmes,
fuir les tristesses de la ville » (l. 1-2). Aussi se situation impossible dans l’organisation féodale
donnent-ils un seul mot d’ordre : ne plus pen- où toute femme dépend d’une autorité mascu-
ser à l’épidémie, mais « prolonger [leur] liesse » line. Loin d’écraser l’être humain, cette organisa-
(l. 6). Cette joie devient donc la règle absolue de tion le libère et lui confie de nouvelles responsa-
leur communauté, « pour [les] disposer à vivre en bilités, même si elle ne concerne ici qu’une élite
gaieté » (l. 8-9) et le rempart contre tout esprit qui s’est choisie (l. 4-5).
négatif.
2. Cette nouvelle petite communauté se
donne de nouvelles règles de vie qui s’inspi- VERS LE BAC
rent des valeurs humanistes. Pampinée pro- Questions sur un corpus
clame d’abord la nécessité d’une véritable On peut rapprocher cette communauté consti-
organisation : « puisque les choses qui ne se tuée dans l’urgence d’une épidémie avec celle
soumettent pas à des règles ne peuvent long- que frère Jean organise à Thélème. Sa clause
temps se maintenir » (l. 2-3). Celle-ci se fonde principale « Fais ce que voudras » (l. 6) pour-
sur l’accord de tous ses membres. Chaque déci- rait paraître contredire l’obéissance respec-
sion y relève de l’ensemble du groupe comme tueuse des Florentins à leur « principal ».
l’indique l’emploi des pronoms personnels : Cependant les deux règles découlent de la
« nous convenions » (l. 6), « nous lui porte- même vision d’une humanité vertueuse et rai-
rons » (l. 7), mais dans le souci de « chacun » sonnable par nature, amoureuse de l’Ordre, de
(l. 9 et l. 12). L’homme est donc au cœur de l’harmonie. Aussi à Thélème tous les membres
ce système ouvert et tolérant qui accorde une suivent-ils leur « bon vouloir » et leur « libre
place égale aux hommes et aux femmes libé- arbitre », pressés « par un aiguillon qui les
rées de leurs chaperons. Elle se dote aussi d’un pousse toujours à la vertu et les éloigne du
fonctionnement raisonné pour que « personne vice » (l. 8-9). C’est avec la même foi dans
ainsi ne conçoive d’envie » (l. 11), reflet des la nature humaine que s’organise le groupe
rêves sociaux et politiques des humanistes qui italien constitué d’une « si belle compagnie »
dénotent d’une vision optimiste de l’humanité douée des mêmes vertus.
capable de dépasser ses difficultés pour vivre
ensemble. Enfin, le souci de l’explication et du
raisonnement révèle chez Pampinée un souci
pédagogique témoignant de la dimension édu-
catrice des humanistes.
VERS LE BAC
François Rabelais,
Questions sur un corpus
La réponse vise à montrer comment les deux
textes présentent une société idéale inspirée par
l’humanisme. Elle peut développer les trois argu-
› Pantagruel, ⁄∞‹¤
p. ‹§¤-‹§‹
ments suivants : Objectifs :
1) Les deux textes présentent une société idéale : – Dégager les principes de l’éducation
plus juste, mieux organisée, qui vise à faire le humaniste.
bonheur de chacun. – Percevoir les changements
2) Les deux auteurs proclament leur foi en une de représentation de l’Homme
humanité régénérée par l’éducation, la liberté, la dans l’humanisme.
sagesse naturelle.
3) Les deux textes, miroirs inversés de la société
où vivent les deux auteurs, ont une visée critique Les principes de l’éducation
virulente. humaniste
Dissertation LECTURE DU TEXTE
On attend ici un plan dialectique qui réfléchisse 1. Gargantua envoie à son fils tout un pro-
sur les effets et les limites de l’utopie. On pourra gramme d’étude pour faire de lui un homme
suivre les trois axes suivants : digne des valeurs humanistes. Cette volonté
1) Toute utopie peut contribuer à améliorer la paternelle transparaît en particulier à travers les
société réelle, car elle présente un monde idéal, moyens liés à l’énonciation et la modalisation.
308 | Vers un espace culturel européen : Renaissance et humanisme
6 Les réécritures, du
XVIIe siècle à nos jours
Cette séquence se propose d’explorer les différentes motivations de l’écrivain qui choisit de réécrire
un texte source. Un premier corpus de textes poétiques réunit les poètes de La Pléiade autour de la
figure tutélaire de Pétrarque puis Baudelaire, Verlaine et Gainsbourg autour de l’automne. Un second
corpus propose d’étudier un pastiche à partir d’un extrait de l’Iliade réécrite par Alessandro Baricco.
Le troisième corpus envisage la réécriture par l’auteur lui-même à travers différents hommages ren-
dus par Albert Cohen à sa mère. Le quatrième corpus propose la transposition de Madame Bovary
en roman graphique par Posy Simmonds. Enfin, le dernier corpus montre qu’un même thème, ici le
mythe de Salomé, peut connaître des variations de registres radicales. Un texte de Marie Darrieussecq
clôt cette séquence en interrogeant le lecteur sur la notion de plagiat. L’histoire littéraire propose un
regard chronologique sur ces démarches de réécritures.
Prolongement
Lisez le texte d’Antigone de Sophocle, page 156,
et montrez combien il éclaire l’importance
L’IMITATION
accordée à la sépulture chez les Anciens.
Homère, Iliade, 2. La relecture qu’Alessandro Baricco propose
LECTURE DE L’IMAGE
5. Emma comme Gemma ne font plus la dif-
férence entre réalité et fiction. La première se
prend pour la courtisane sensuelle de ses lec-
tures sentimentales (l. 19-21), elle confond
Rodolphe, vil séducteur avec « un prince »
(l. 6). La seconde « se prépare pour un rôle,
comme une actrice, répétant certains gestes,
essayant des maquillages, apprenant à se mou-
voir dans une robe peu familière ». Elles s’iden-
tifient peu à peu à leur modèle fictif.
VERS LE BAC
Oral (entretien)
Les raisons qui expliquent le succès des adap-
tations littéraires au cinéma sont nombreuses :
– plaisir de voir adapter une histoire que l’on
21 Réécrire pour faire œuvre nouvelle | 355
⁄§ Moralités
légendaires, ⁄°°‡
sent à la sensualité du personnage. Il en est de
même avec les remarques sur sa maigreur adoles-
cente : « deux soupçons de seins » et « hanches
maigres » qui contredisent l’image traditionnelle
p. ›¤‚ de la volupté.
Le vocabulaire religieux, par ses exagérations
Regard parodique sur un mythe très appuyées, participe également à la parodie
LECTURE DU TEXTE en faisant du personnage de Salomé – bourreau
1. Jules Laforgue voue à Gustave Flaubert une d’un saint – une martyre : « les yeux décomposés
telle admiration qu’elle en est paralysante : com- d’expiations chatoyantes » (l. 15) ou « un sourire
ment peut-on encore oser écrire après un tel des plus crucifiés » (l. 17).
maître ? Telle est la question que se posent les On note donc un renversement de l’image
jeunes auteurs décadents, fervents lecteurs des traditionnellement accordée au personnage :
Trois contes. La parodie qu’il propose d’Hérodias la beauté sensuelle et la séduisante pécheresse
dans Moralités légendaires lui permet de prendre devient une adolescente maladroite et hautaine.
ses distances par rapport à son modèle. On peut 4. Contexte : cette expression proverbiale est
même dire qu’il s’en moque pour mieux le désa- tirée de la fable 9 du livre IV des Fables de La
craliser et cette démarche libératrice ouvre un Fontaine, elle s’applique aux plagiaires et les
espace de création. contemporains ont parfois reconnu Colbert sous
Il reprend la situation du texte source, l’en- les traits du geai qui se serait paré des qualités du
trée remarquée de Salomé dont il se moque paon Fouquet.
faisant mine de ne pas l’identifier avec certi- « Un paon muait : un geai prit son plumage ;
tude : « il paraît que c’était Salomé » (l. 2-3), Puis après se l’accommoda ;
là où Flaubert conservait une sorte de suspens : Puis parmi d’autres paons tout fier se panada,
« Une jeune fille venait d’entrer » (l. 2). Il décrit Croyant être un beau personnage.
ensuite, comme Flaubert, avec forces détails Quelqu’un le reconnut : il se vit bafoué,
le physique, la tenue et les poses de la jeune Berné, sifflé, moqué, joué,
danseuse. Et par messieurs les paons plumé d’étrange sorte ;
Même vers ses pareils s’étant réfugié,
2. Jules Laforgue s’amuse du lexique décadent
Il fut par eux mis à la porte.
cher aux écrivains de cette fin de XIXe siècle
Il est assez de geais à deux pieds comme lui,
(cf.encadré de la page 419). Il multiplie les noms
Qui se parent souvent des dépouilles d’autrui,
de couleur : « moire, azur, or, émeraude », « rose
Et que l’on nomme plagiaires.
pâle » ou désigne précisément les mouvements
Je m’en tais, et ne veux leur causer nul ennui :
du tissu avec les néologismes « emmousselinée »
Ce ne sont pas là mes affaires. »
(l. 18) ou le verbe « s’adombr[er] » (l. 23), les
hyperboles « arachnéenne » (l. 18) ou « éblouis- La Salomé de Jules Laforgue arbore « une roue
santes » (l. 29) et l’emploi de termes précieux de paon nain » car elle n’est que la réplique, la
tels « les brassières de nacre » (l. 12) ou « les pâle copie de la Salomé originale et de celle qu’a
fibules » (l. 19). décrite Flaubert, maître écrasant de Laforgue.
358 | Les réécritures, du XVIIe siècle à nos jours
L’objectif de cette séquence est de découvrir un mythe et ses réécritures, de la littérature au cinéma.
Elle se propose d’analyser et de comparer les variations de la figure vampirique selon les siècles et
les arts. On découvrira que la figure du vampire présente des constantes comme l’inquiétante étran-
geté de cette créature mi-monstre, mi-dandy, son animalité, l’ambiguïté entre l’effroi et l’attirance
ressentie par sa victime et la tension que le vampire instaure entre Éros et Thanatos. Des variations
pourront également être mises en valeur entre le Dracula gothique de Bram Stoker et l’adolescent
ténébreux de Twilight. Le vampire s’est-il dénaturé en évoluant ?
⁄ Visages d’un mythe p. ›¤›-›¤∞ les oreilles « en pointe », les joues creuses et la
« pâleur étonnante ». Paradoxalement, le fait
ÉTUDE DE PORTRAITS DE VAMPIRES que l’acteur soit chauve et glabre, alors que la
1. Le portrait fondateur. Le photogramme du créature de Bram Stocker est plus velue, sert
film de Murnau, Nosferatu le Vampire et l’affiche bien le film. Sa pâleur morbide ressort d’autant
du Dracula de Tod Browning proposent le même mieux. On peut faire la même remarque sur le
angle de prise de vue : le vampire est représenté noir et blanc expressionniste caractéristique du
en contre-plongée, ce qui donne au lecteur un cinéma allemand des années 1920 : il renforce
sentiment de petitesse et d’infériorité. L’angle de la monstruosité du personnage, même si, bien
prise de vue rend le vampire plus imposant et, sûr, il ne peut rendre « le rouge vif » des lèvres,
par là même, plus inquiétant. bien mis en valeur par l’affiche en couleurs de
Tod Browning.
2. L’affiche de Dracula joue avec la représen-
tation traditionnelle du vampire. On retrouve 4. La vie et la mort coexistent dans cet extrait.
chacun des éléments-clés qui rendent immédia- On peut relever le contraste entre « la vitalité
tement reconnaissable ce personnage mythique : extraordinaire » des lèvres carmin et « la pâleur
l’élégance, le regard inquiétant, la bouche écar- étonnante » du visage. L’antithèse entre la vie et
la mort est donc parfaitement exprimée par les
late et la cape noire doublée d’un tissu rouge
oppositions lexicales. Ainsi, c’est bien la peur du
sang en forme d’aile de chauve-souris. Le groupe
mort-vivant qui est exprimée par Bram Stoker.
des « gentlemen » en petit, en bas à gauche de
l’affiche, forme un contrepoint saisissant : saisis,
voire effrayés, habillés de costumes clairs, ils sont L’UNIVERS DU VAMPIRE
face au vampire et semblent résister difficilement
à cette noire incarnation des forces du mal. 1. Il existe un rapport mimétique entre le lieu de
vie du vampire et sa personnalité. Dans le texte
3. Max Shreck incarne bien le monstre décrit de Bram Stoker, la « brume épaisse », les « gros
par Bram Stoker. En effet, la traduction de paquets de brouillard », les « sapins noirs » et
Lucienne Molitor évoque : « le nez aquilin », les « montagnes » donnent au paysage un aspect
« le front haut », les sourcils « qui donnaient « effrayant », menaçant. Matthew Lewis sou-
l’impression de boucler », les dents « pointues », ligne également l’analogie entre le château et
22 Les Vampires | 361
LE COMMENTAIRE LITTÉRAIRE
Organisation / Étapes Conseils / Points faibles à travailler
CONCLUSION … …
382 | Fiches
Fiches | 383
384 | Fiches
b. Manon Lescaut de l’abbé Prévost : l’exposé doit b. Le mythe du « bon sauvage » au XVIIIe siècle
rendre compte d’une lecture cursive. Le sujet Les informations données dans les pages 332-334
demande de replacer l’œuvre dans le contexte du manuel permettent d’orienter la recherche
littéraire, de définir le roman-mémoire et de vers trois auteurs principaux (Voltaire, Diderot
mettre en relief les relations qui unissent les et Rousseau) et d’aborder la question de la
personnages tout au long du roman. controverse entre Bougainville et Diderot au
1. Les mots-clés pertinents sujet des peuples sauvages.
Concernant la base documentaire : roman / On consultera également les textes du manuel
18e siècle / Manon Lescaut / abbé Prévost / (p. 316-319), en restant dans les limites de la
littérature. question posée (XVIIIe siècle) :
Ces mots-clés seront utilisés de la manière – Voltaire, L’Ingénu, 1767.
suivante : – L. A. de Bougainville, Voyage autour du monde,
Pour les caractéristiques du roman du XVIIIe siècle : 1771.
recherche croisée « roman / 18e siècle ». – D. Diderot, Supplément au voyage de Bougainville,
Pour le contexte littéraire de l’époque : 1772.
recherche croisée « littérature / 18e siècle ». Enfin, on pourra faire des recherches dans la base
Pour une étude de l’œuvre : « Manon Lescaut », documentaire du CDI et retenir, par exemple,
les deux titres suivants qui abordent le mythe du
ou bien « abbé Prévost », en recherche
bon sauvage :
thématique.
– Geneviève Bussac, Denis Diderot, Supplément
Concernant Internet : on pourra compléter les
au voyage de Bougainville, coll. « Connaissance
recherches précédentes par une recherche à par-
d’une œuvre », Bréal, 2002.
tir du mot-clé « roman-mémoire ». Pour aborder
– Catherine Trachez-Griffoul, L’Ingénu de Voltaire,
la dimension libertine du récit, on veillera à bien
coll. « L’œuvre au clair », Bordas, 1992.
faire associer « Manon Lescaut / libertinage »
pour que la notion soit circonscrite et problé-
matisée à partir de l’œuvre. 3 Construire un plan
2. Les ressources documentaires et les supports a. Les poètes de la Pléiade
On suivra la démarche indiquée précédemment Introduction : Un contexte propice aux idées
pour le théâtre de l’absurde. nouvelles. Des personnalités variées rassemblées
autour de grands principes. Deux grandes figures :
Ronsard et Du Bellay.
Fiches | 387
Fiches | 397
398 | Fiches
2 Analyser un dénouement
Fiche La parole
Plusieurs indices montrent qu’il s’agit du
dénouement : les didascalies stipulent que la
¤⁄ p. ›°‡
lumière doit s’éteindre (« la lumière s’est éteinte »,
l. 2) et, au terme de l’extrait, la référence au
1 Observer l’énonciation théâtrale
rideau qui « se ferme doucement » est signifi-
cative. Les indications scéniques précisent éga- 1. Dans l’extrait de L’Île des esclaves, les didas-
lement que la pièce recommence : cet effet de calies donnent des informations sur l’attitude
miroir peut suggérer au spectateur que la pièce d’Arlequin et le ton qu’il prend pour répondre à
se termine. son maître. Son comportement désinvolte (boire
à la bouteille, siffler) contraste avec le sérieux
3 Analyser la progression dramatique d’Iphicrate qui perd ainsi son autorité. Dans le
texte 2, les didascalies sont plus étoffées : elles
Ce dialogue entre une jeune femme et
renseignent le lecteur sur le destinataire des pro-
Madeleine est symptomatique d’une impossibi-
lité de communiquer. Chaque fois que la jeune pos de la Reine (« aux pages, au fond du théâtre »,
fille évoque une situation du passé, la vieille l. 1) et permettent surtout de donner à voir les
dame invalide le souvenir (par ses réponses lapi- sentiments de Ruy Blas (« joie profonde » l. 7, « il
daires, « non », et ses gestes). Les informations paraît comme en proie à un rêve » l. 7-8).
contenues dans le discours de la jeune femme 2. Dans ce dialogue, Arlequin parvient à faire
restent donc hypothétiques ce qui empêche dérailler la mécanique du pouvoir instituée
toute progression dramatique. par Iphicrate. Dans un premier temps, il fait
entendre un propos ironique : « Ah ! je vous
4 Identifier le cadre de l’action plains de tout mon cœur » (l. 1-2). Par la suite, il
Les didascalies informent le lecteur sur le refuse d’entrer dans le jeu du dialogue en inven-
cadre de l’action. Dans Ruy Blas, les indica- tant un infra-langage : sifflements, chanson, rire.
tions sont précises : Hugo détaille sa descrip- Il tourne ainsi en dérision les commentaires de
tion pour mettre en valeur la richesse de Dom son maître en faisant preuve d’une impertinence
Salluste (« salon de Danaé », « ameublement sans limite.
400 | Fiches
3. La forme générale du poème ressemble à celle 2. Ont disparu du poème le mètre fixe, la rime, la
du pantoum, néanmoins, les règles précises ponctuation qui permet de scander le vers.
d’organisation et de reprises de vers ne sont pas 3. Les blancs sur la page, le caractère fragmen-
respectées. taire et non lié des notations, l’absence de ponc-
tuation, la présence de majuscule au début de
chaque ligne sont autant d’indices qui permet-
6 Identifier une forme fixe tent d’identifier ce texte comme un extrait de
1. Le vers 1 est repris au vers 7, le vers 2 est poème.
repris au vers 8. Les rimes sont identiques dans
les deux strophes au niveau des sons, elles sont
embrassées dans la première strophe et croisées 9 Identifier les effets du jeu
dans la seconde. avec les mots
Le son [ε̃] est particulièrement présent (« temps », 1. Le texte joue sur l’identification entre un pro-
« manteau », « vent » – ces trois termes sont cessus physique « maigrir » et une déformation
répétés au début et à la fin de l’extrait, « lui- du langage, de type populaire.
sant », « Qu’en », « chante »).
2. On remarque essentiellement l’orthographe
2. La son nasalisé [ε̃] donne sa tonalité languide phonétique et fantaisiste de nombre de mots, un
à la ballade, mais l’apparition de sons vocaliques jeu de mots sur « coq-six ».
dans les vers 3, 4 notamment les sons [o] et [ε]
en modifie l’effet. Le poème joue sur ces effets 3. Il s’agit d’un registre comique où se mêlent
sonores pour rendre compte du passage lent et invention orthographique et effet de ritournelle.
hésitant de l’hiver au printemps.
2 Comprendre l’importance
des images et de la syntaxe 4 Comprendre la portée symbolique
dans le travail poétique d’une description poétique
1. L’image est celle du volet dont les battants 1. Le perroquet est le seul animal qui peut repro-
ressemblent à des ailes d’oiseaux. Il s’agit d’une duire le langage humain. La première phrase y
métaphore exprimée par les mots « c’est un drôle fait référence ainsi que la dernière.
d’oiseau qu’un volet ».
2. L’animal est enfermé dans une maison : « sur
2. La symétrie, la prise au vent sont les qualités le palier près de la lucarne », « la porte du cou-
que partagent le volet et les ailes d’oiseau. La loir ». Il symbolise l’absence de liberté, l’animal
sensation qui domine le poème est le caractère a été sorti de son milieu naturel, il est mainte-
sonore du volet (« crie », « retentir », « cris », nant prisonnier de la civilisation qui le rend
« coups », « vlan », « silence »). La vue est malade.
également un des sens convoqués ainsi que le
toucher à travers les fréquentes références à 3. « Homme à la lampe que lui veux-tu ? », « le
la violence des coups portés par le volet pollen gâté de la paupière », «comme un anneau
(« s’assomme », « battoir », « cloué », « battre », de sève morte », « plume malade ».
« s’assommer », « bataille »).
3. « Et crie » doit être mis en relation avec son
homophone « écrit » qui traduit le bruit du volet 5 Comprendre l’insertion
simultané au travail du poète. d’un fragment de prose poétique
4. Le poète exprime de manière humoristique dans un récit
son impossibilité à poursuivre son travail d’écri- 1. La description est organisée de manière spa-
ture face à un objet immobile et muet qui ne lui tiale : sont d’abord décrits les parties les plus
fournit plus d’éléments à décrire. hautes et éloignées du paysage puis ce qui se
situe « au-dessous ». Le dernier paragraphe est
une description de la partie la plus proche de la
3 Repérer le jeu sur le langage mer et de l’œil de l’observateur, la ville et de ses
dans le texte poétique habitants.
1. Le porc est lourd, occupé uniquement à sentir
2. On note des hyperboles nombreuses associées
ce qui l’entoure et se nourrir. Il est décrit comme
fréquemment à des comparaisons (« le sommet
un animal dont le plaisir essentiel réside dans ces
fend les nues et va toucher les astres », « tom-
activités et dans la jouissance de la saleté.
bent, comme des torrents », « paraissent aussi
2. et 3. La figure dominante est l’énumération vieux que la terre », « semble nager au-dessus des
(exemple : « c’est une jouissance profonde, soli- eaux »). Il s’agit de présenter un pays idyllique,
taire, consciente, intégrale », v. 9-10) qui traduit utopique, où règne harmonie et richesse.
le caractère goulu, insatiable du porc. Le lecteur
3. Un premier élément de réponse est donné
se trouve en quelque sorte submergé par l’accu-
par le paratexte : le titre du récit dont est tiré
mulation d’adjectifs et de verbes qui décrivent
l’extrait. On peut faire remarquer également que
les activités de l’animal, le texte produit un effet
la description est orientée par un point de vue
semblable à celui qui peut être éprouvé face au
identifiable comme celui d’un narrateur. Enfin,
porc.
on note que le texte est une description organi-
4. La différenciation entre sujet et traitement sée d’un paysage, cadre dans lequel une narration
littéraire pourra être mise en lumière avec cette peut se développer.
408 | Fiches
2. La différence porte sur le discours des person- d’un roman », « personnage principal ».
nages. L’annoncier, chez Claudel, plonge peu à Sujet C : « Écriture poétique et quête de sens, du
peu le spectateur dans l’illusion théâtrale. Les Moyen Âge à nos jours ». Indices : renvoi expli-
verbes de vision invitent à imaginer une situa- cite à une « conception de la poésie », opposi-
tion et un personnage. Le prologue, en revanche, tion passé versus présent.
rompt cette illusion en montrant les personnages Sujet D : « La question de l’Homme dans les
sur scène comme des acteurs en attente de jouer genres de l’argumentation, du XVIe siècle à nos
la pièce. jours ». Indices : « comprendre les hommes du
passé », « imaginez le discours ».
3. Questions possibles :
– comment ces deux scènes d’exposition jouent- 2. Sujet A : « faites part de vos réactions ». Il y a
elles avec les conventions théâtrales ? peu d’indications de forme, sauf les restrictions
– ces deux scènes d’exposition remplissent-elles à la fin du sujet, qui invitent à ne pas « raconter
leurs fonctions ? la pièce », ni la « résumer ».
Le tableau comparatif reprendra les éléments de Sujet B : « réécrire la dernière page d’un
réponse des questions 1 et 2. roman », rappeler « le titre et l’essentiel du
dénouement », « imaginez la méditation du
personnage principal ». Il s’agit de rédiger un
explicit, les contraintes sont fortes et le texte est
5 Analyser les textes et rédiger guidé dans son contenu.
1. Les mots-clés sont « Le lecteur » : la ques- Sujet C : il s’agit de rédiger un dialogue, c’est-
tion posée porte sur la réception du texte ; « un à-dire un texte où deux voix vont exposer des
regard critique sur les personnages » : il s’agit arguments différents.
de s’interroger sur la façon dont les personnages Sujet D : il s’agit de rédiger un « discours »,
sont envisagés par l’auteur et sur le regard que c’est-à-dire un texte argumentatif qui prenne la
celui-ci invite à porter. On peut donc reformuler défense des « œuvres classiques », adressé à des
la question de la façon suivante : comment les « camarades » de classe.
textes incitent-ils le lecteur à prendre une cer-
taine distance avec les personnages ? 2 Analyser les mots-clés d’un sujet
2. Les points de comparaison seront les suivants : 1. Les mots-clés sont « conception de la poé-
– choix narratifs et focalisation, sie » : il s’agit de définir de façon personnelle un
– prise de distance des narrateurs avec leurs genre littéraire ; « passé / présent » : l’opposition
personnages, ironie, doit structurer le dialogue et l’argumentation ;
– objets de la critique et regard du narrateur. « dialogue » : il s’agit de la forme imposée.
3. Plan détaillé possible : 2. La dialogue peut prendre des formes mul-
1) Des narrateurs impliqués dans leur texte tiples en fonction du ton choisi. Il peut s’agir
2) Des regards moqueurs et ironiques d’un échange courtois qui fait la place belle à la
Fiches | 441
3 Rédiger un commentaire
La rédaction du commentaire pourra s’appuyer Fiche Rédiger un commentaire
sur le parcours suivant :
Problématique : Queneau cherche-t-il vraiment
∞¤ comparé p. ∞°‹
à nous faire connaître son personnage ?
1) Complexité des choix narratifs 1 Comparer deux argumentations
a) Un narrateur omniprésent 1. et 2. La rédaction du commentaire comparé
b) Une focalisation mouvante pourra s’appuyer sur le parcours suivant :
Fiches | 445