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TexTes
1re
eT PersPecTives
Livre du Professeur
bernard Gendrel
ancien élève de l’ens
agrégé de lettres modernes
Guilhem labouret
ancien élève de l’ens
agrégé de lettres modernes
collège descartes (antony)
joël loehr
agrégé de lettres modernes
lycée Blomet (paris)
Florence nauGrette
ancienne élève de l’ens
agrégée de lettres modernes
université de rouen
coralie nuttens
agrégée de lettres modernes
lycée stanislas (paris)
édition : elsa lebigot
mise en page : thomas Winock
Fabrication : Jean-philippe dore
Toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur, ou de ses ayants droit, ou
ayants cause, est illicite (article L. 122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle). Cette représentation ou reproduction, par quelque
procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par l’article L 335-2 du Code de la Propriété Intellectuelle. Le Code
de la Propriété Intellectuelle n’autorise, aux termes de l’article L. 122-5, que les copies ou reproductions strictement réservées
à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, d’une part, et, d’autre part, que les analyses et les
courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration.
Avant-propos
chers collègues,
ce livre du professeur n’a d’autre ambition que de vous faciliter la tâche et de vous faire
gagner du temps. il propose des réponses détaillées et précises à tous les exercices du livre de
l’élève : questionnaires sur les textes, exercices des pages « méthode », questions et sujets des
rubriques « l’objet d’étude au Bac » et « corpus Bac ».
chaque texte est introduit par une brève section intitulée « pour commencer », qui complète
l’information littéraire donnée sur le livre de l’élève, et précise au besoin la perspective pédago-
gique dans laquelle peut se situer l’étude du texte. ces suggestions n’ont rien de contraignant :
là comme dans l’ensemble du manuel, nous avons voulu laisser au professeur sa liberté de
méthode et de progression.
viennent ensuite les réponses aux questions « observation et analyse » qui peuvent
être données aux élèves à titre de préparation à la maison. elles s’efforcent d’être concrètes
et de s’appuyer sur un examen précis du texte. les réponses aux questions de la rubrique
« perspectives » permettent d’apporter des éclairages originaux et des références complémen-
taires. la rubrique « vers le Bac », en relation avec les exercices écrits et oraux de l’e.a.F., fait
toujours l’objet d’une réponse. dans le cas de l’écriture d’invention, nous proposons parfois
des versions rédigées, à titre d’exemple ; mais, le plus souvent, nous précisons les attentes du
sujet, les compétences à mettre en œuvre, les critères d’évaluation.
enfin, une section « pour aller plus loin » conclut l’examen du texte en suggérant des
prolongements à son étude : rapprochement avec d’autres textes du manuel pour construire
une séquence, élargissement à une lecture cursive ou à une adaptation cinématographique,
précisions bibliographiques, citation qui apporte un point de vue original sur le texte ou
l’auteur, etc.
à la fin de chaque partie, on trouvera des réponses précises aux questions des pages
« méthode », aux questions qui portent sur le texte-exemple de la page « l’exposé » et sur le
groupement de textes de la page « l’entretien » (« pour préparer l’oral »), aux questions de
« travail préparatoire » sur le corpus d’entraînement (« pour préparer l’écrit »). on trouvera
enfin des pistes de travail largement développées (plans détaillés, exemples, éléments rédigés…)
pour les questions et sujets d’écriture des neuf « corpus Bac » qui ne sont pas accompagnés
d’un appareil pédagogique dans le manuel.
ainsi conçu, l’ouvrage doit vous permettre d’adapter le plus efficacement possible les
ressources du manuel à vos objectifs pédagogiques. nous espérons qu’il satisfera toutes vos
attentes.
les auteurs.
n 3
sommaire
1re partie 7. malraux, la condition humaine 57
8. martin du gard, l’été 1914 58
le roman et ses personnages 9. guilloux, le sang noir 60
Vers la lecture de l’œuvre 61
1. le romanesque à l’épreuve du monde
(xviie-xviiie siècles) 4. voix et voies du roman depuis 1950
1. d’urfé, l’astrée 14 1. giono, le moulin de Pologne 64
2. mme de la Fayette, la Princesse de clèves 15 Vers la lecture de l’œuvre 66
3. rousseau, julie ou la nouvelle héloïse 16 2. duras, le ravissement de lol v. stein 67
4. cervantès, don quichotte de la manche 17 3. gary (ajar), gros-câlin 69
5. tristan l’hermite, le Page disgracié 18 4. Yourcenar, mémoires d’hadrien 71
Vers la lecture de l’œuvre 20 5. simon, le jardin des Plantes 72
6. prévost, manon lescaut 21 6. le clézio, révolutions 74
7. Lecture d’image : 7. robbe-grillet, la jalousie 76
hogarth, « le contrat de mariage » 22 8. Beck, la décharge 77
8. laclos, les liaisons dangereuses 23 9. oster, loin d’odile 78
9. cyrano de Bergerac,
les états et empires de la lune 24 5. héros et anti-héros de roman
10. lesage, le diable boiteux 25 1. rabelais, gargantua 81
11. montesquieu, lettres persanes 27 2. dumas, les trois mousquetaires 82
3. Joseph roth, la marche de radetsky 84
2. Miroirs de la société : 4. lesage, histoire de gil blas de santillane 85
le roman du xixe siècle 5. diderot, jacques le Fataliste et son maître 87
6. Flaubert, l’éducation sentimentale 89
1. stendhal, le rouge et le noir 29
7. huysmans, À rebours 91
2. Balzac, le Père goriot 31
8. céline, voyage au bout de la nuit 92
3. hugo, les misérables 33
9. aragon, aurélien 94
4. Flaubert, madame bovary 35 10. queneau, les Fleurs bleues 95
5. Zola, au bonheur des dames 37 Vers la lecture de l’œuvre 97
6. maupassant, Pierre et jean 39
7. Barbey d’aurevilly, Méthode
le chevalier des touches 41 les discours du roman 99
8. tolstoï, la guerre et la Paix 42 le personnage de roman 101
9. vallès, le bachelier 44 L’objet d’étude au bac : le roman 103
Vers la lecture de l’œuvre 45
2e partie
3. le personnage entre la pensée la poésie
et l’action (1900-1950)
1. proust, le côté de guermantes 47 6. chants d’amour et de peine :
2. mauriac, thérèse desqueyroux 48 la poésie du xvie au xviiie siècle
3. Bernanos, monsieur ouine 49 1. louise labé, sonnets 109
4. gide, les caves du vatican 51 2. pétrarque, canzoniere 110
5. giono, que ma joie demeure 53 scève, délie, objet de plus haute vertu 111
6. camus, la Peste 55 3. ronsard, sonnets pour hélène 111
5 n
4. malherbe, Poésies 113 5. ponge, le Parti pris des choses 162
5. du Bellay, les regrets 114 6. roy, la France de profil 164
6. ronsard, derniers vers 116 7. réda, les ruines de Paris 166
7. Lecture d’image : 8. maulpoix, une histoire de bleu 167
Bruegel l’ancien, le triomphe de la mort 117 9. char, seuls demeurent 169
8. saint-amant, Œuvres 119 10. Bonnefoy,
9. la Fontaine, Fables 120 du mouvement et de l’immobilité de douve 171
10. du Bellay, les antiquités de rome 121 11. Jaccottet, airs 172
11. d’aubigné, les tragiques 123 Vers la lecture de l’œuvre 173
12. chénier, iambes 124 12. dupin, gravir 175
n 6
2. Beaumarchais, la mère coupable 220 4e partie
3. hugo, hernani 222
4. musset,
l’argumentation : convaincre,
on ne badine pas avec l’amour 224 persuader et délibérer
5. rostand, cyrano de bergerac 226
6. Lecture d’image : 15. Fiction et argumentation :
rostand/podalylès, la fable et le conte
mise en scène de cyrano de bergerac 227 1. ésope & la Fontaine, Fables 285
7. Becque, les corbeaux 228 2. la Fontaine, Fables 286
8. ibsen, hedda gabler 229 3. Florian, Fables 287
Vers la lecture de l’œuvre 231 4. rousseau, émile ou de l’éducation 288
9. maeterlinck, intérieur 233 5. hugo, châtiments 290
6. anouilh, Fables 291
13. le théâtre au xxe siècle : 7. voltaire, Zadig ou la destinée 292
de nouveaux langages 8. voltaire, candide ou l’optimisme 294
1. Jarry, ubu roi 236 9. maupassant, le diable 295
2. Beckett, en attendant godot 236 10. Borges, Fictions 297
3. Bourdet, le saperleau 238
4. claudel, le soulier de satin 240 16. l’argumentation polémique,
5. Brecht, l’opéra de quat’sous 241 de la satire au pamphlet
6. Brecht, additifs au Petit organon 243
1. Boileau, satires 299
7. artaud, le théâtre et son double 245
2. Lecture d’image :
8. ionesco, victimes du devoir 246
Bertall, le diable à Paris 300
Vers la lecture de l’œuvre 247
3. rimbaud, Poésies 302
9. ionesco, notes et contre-notes 248
4. eco, la guerre du faux 303
10. mnouchkine, l’art du présent 249
5. pascal, les Provinciales 304
11. Lecture d’image :
6. voltaire, lettre à m. j.-j. rousseau 306
mnouchkine & le théâtre du soleil,
rousseau, réponse 306
1793 251
7. voltaire, traité sur la tolérance 308
Vers la lecture de l’œuvre 309
14. le théâtre dans le théâtre, 8. Baudelaire, salon de 1846 310
du baroque à nos jours 9. Zola, préface à mes haines 312
1. shakespeare, hamlet 253 10. Bloy, le crétin des Pyrénées 313
2. genet, les bonnes 255 11. aragon, Breton, péret, etc.,
3. anouilh, l’alouette 257 pamphlets surréalistes 314
4. pirandello,
six personnages en quête d’auteur 258 17. l’essai, un art d’argumenter
5. Lecture d’image :
1. montaigne, essais 317
pirandello/demarcy-mota, mise en scène de
2. Bachelard, l’eau et les rêves 318
six personnages en quête d’auteur 260
3. sartre, situations iii 320
6. giraudoux, ondine 261
4. rousseau,
7. dumas / sartre, Kean 263
discours sur l’origine et les fondements
8. rotrou, le véritable saint genest 265
de l’inégalité parmi les hommes 321
9. marivaux, les acteurs de bonne foi 267
5. diderot,
Vers la lecture de l’œuvre 268
entretien entre d’alembert et diderot 322
10. simovitch,
6. camus, l’homme révolté 323
le théâtre ambulant chopalovitch 270
7. tocqueville,
Méthode de la démocratie en amérique 325
du texte à la représentation 272 8. valéry, variété i 326
L’objet d’étude au bac : le théâtre 276 9. malraux, le musée imaginaire 328
7 n
10. Lecture d’image : 8. viau, « élégie à une dame » 366
victoire de samothrace 329 9. marbeuf,
recueil des vers de m. de marbeuf 367
Méthode
10. scarron, le roman comique 368
les formes de l’argumentation 331
11. saint-amant, moïse sauvé 370
les figures de rhétorique 334
L’objet d’étude au bac : l’argumentation 336 12. Lecture d’image :
rubens, l’union de la terre et de l’eau 371
n 8
13. Lecture d’image : 7e partie
Fragonard,
les hasards heureux de l’escarpolette 407
les réécritures
Méthode 24. Mythes et réécritures
qu’est-ce qu’un mouvement culturel ? 409
la lecture de l’image 410 1. ovide, les métamorphoses 464
L’objet d’étude au bac : 2. offenbach, orphée aux enfers 465
les mouvements littéraires et culturels 413 3. rilke, les sonnets à orphée 467
4. cocteau, orphée 468
5. Lecture d’image :
6e partie
poussin,
l’autobiographie Paysage avec orphée et eurydice 470
6. goethe, Faust 472
22. le Moi et l’histoire : 7. Busoni, doktor Faust 473
des mémoires à l’autobiographie 8. ghelderode, la mort du docteur Faust 474
1. retz, mémoires 415 9. salacrou & clair, la beauté du diable 477
2. saint-simon, mémoires 417
3. voltaire, mémoires 419 25. réécritures et transpositions
4. chateaubriand, mémoires d’outre-tombe 421
5. malraux, antimémoires 423 1. Furetière, Boileau, racine,
6. musset, chapelain décoiffé 479
la confession d’un enfant du siècle 426 2. montaigne, lettres 480
7. Zweig, le monde d’hier 426 céline, voyage au bout de la nuit 480
8. levi, si c’est un homme 429 3. Bernardin de st pierre, Paul et virginie 482
9. semprun, l’écriture ou la vie 431 villiers de l’isle adam, « virginie et paul » 482
Vers la lecture de l’œuvre 432 4. Baudelaire, les Fleurs du mal 483
aymé, uranus 483
23. la vérité autobiographique 5. Lecture d’image :
en question goya, tres de mayo 485
1. colette, la maison de claudine 436 manet, exécution de maximilien 485
2. sartre, les mots 437 picasso, massacre en corée 485
3. duperey, le voile noir 439 6. diderot,
4. Juliet, lambeaux 441 jacques le Fataliste 487
Vers la lecture de l’œuvre 442 Bresson & cocteau,
5. rousseau, confessions 444 les dames du bois de boulogne 487
6. rétif de la Bretonne, monsieur nicolas 446
7. malet & tardi,
7. mauriac, mémoires intérieurs 448
brouillard au pont de tolbiac 489
8. Lecture d’image :
Bailly, vanité au portrait 450 Méthode
9. stendhal, vie de henry brulard 452 les registres 492
10. perec, W ou le souvenir d’enfance 453 L’objet d’étude au bac : les réécritures 494
11. sarraute, enfance 456
L’objet d’étude au bac : l’autobiographie 458 Méthode pour le bac 499
Bo n°40 du 2 novembre 2006
proGramme de l’enseiGnement de FranÇais en classe de premiÈre des
séries Générales et technoloGiQues
10 n
perspectives d’étude : connaissance des genres 4. l’argumentation : convaincre, persuader
et des registres ; approche de l’histoire littéraire et délibérer
et culturelle ; réflexion sur l’intertextualité et la il s’agira de réfléchir aux modalités de l’argumenta-
singularité des textes. tion directe ou indirecte à travers les problèmes que
2. la poésie posent les différentes formes de l’essai, de la fable
l’analyse des relations entre forme et signification ou du conte philosophique.
permettra de faire saisir aux élèves la spécificité du corpus : une œuvre littéraire ou un groupement de
travail poétique sur le langage. en situant les textes textes, au choix du professeur, accompagnés de textes
étudiés à l’intérieur des mouvements littéraires qui les et de documents complémentaires (pouvant inclure
ont influencés, on fera discerner les continuités et les des articles de presse et des images).
évolutions qui ont marqué l’histoire de la poésie. perspectives d’étude : analyse de l’argumentation
corpus : un recueil de poèmes ou un groupement et des effets sur le destinataire ; connaissance des
de textes poétiques (du xvie siècle à nos jours), au genres et des registres.
choix du professeur. 5. un mouvement littéraire et culturel
perspectives d’étude : connaissance des genres en partant des textes, et en ménageant des temps
et des registres ; approche de l’histoire littéraire de recherche autonome, on étudiera un mouvement
et culturelle ; réflexion sur l’intertextualité et la littéraire et culturel du xvie, du xviie ou du xviiie
singularité des textes. siècle, en le situant dans son contexte européen et
3. le théâtre : texte et représentation en le mettant en relation avec les éléments d’histoire
on analysera le texte de théâtre en tenant compte littéraire découverts en classe de seconde.
des éléments sonores et visuels qui caractérisent sa corpus : une œuvre littéraire ou un groupement
représentation. il s’agira de faire percevoir que ces de textes, au choix du professeur, accompagnés de
éléments varient selon les genres, les registres et les textes et de documents complémentaires (y compris
époques, et que la réception d’un texte de théâtre se iconographiques).
modifie à travers ses différentes mises en scène. perspectives d’étude : approche de l’histoire lit-
corpus : une pièce de théâtre, au choix du professeur téraire et culturelle ; connaissance des genres et
(du xviie siècle à nos jours), accompagnée de textes des registres ; réflexion sur l’intertextualité et la
et de documents complémentaires (en particulier de singularité des textes.
caractère visuel). 6. l’autobiographie
perspectives d’étude : connaissance des genres la lecture d’une œuvre autobiographique permettra
et des registres ; approche de l’histoire littéraire d’étudier les rapports entre réalité vécue et fiction
et culturelle ; réflexion sur l’intertextualité et la littéraire, en faisant apparaître les problèmes liés à
singularité des textes. l’expression de soi.
2 La poésie
6 L’autobiographie
7 Les réécritures
n 11
corpus : une œuvre littéraire, au choix du pro- de l’œuvre intégrale. découverte dans un premier
fesseur, accompagnée de textes et de documents temps grâce à une lecture cursive, l’œuvre est ensuite
complémentaires. reprise et étudiée de façon analytique.
perspectives d’étude : connaissance des genres l’objectif de la lecture analytique est la construction
et des registres ; approche de l’histoire littéraire et et la formulation d’une interprétation fondée : les
culturelle ; analyse de l’argumentation et des effets outils d’analyse sont des moyens d’y parvenir, et
sur le destinataire. non une fin en soi. la lecture analytique peut être
7. les réécritures aussi une lecture comparée de deux ou plusieurs
on étudiera et on pratiquera les formes de réécriture textes ou de textes et de documents iconographiques,
dont elle dégage les caractéristiques communes, les
par amplification, par réduction et par transposition,
différences ou les oppositions.
en montrant comment elles peuvent s’adapter à des
la lecture cursive est la forme libre, directe et
situations, des destinataires et des buts différents.
courante de la lecture. elle se développe dans la
corpus : un groupement de textes littéraires, au
classe, et en dehors de la classe, afin de conduire
choix du professeur.
vers les livres des élèves qui n’en ont pas toujours
perspectives d’étude : réflexion sur l’intertextualité
l’habitude ni le goût. elle est avant tout une lecture
et la singularité des textes ; analyse de l’argumenta-
personnelle et vise à développer l’autonomie des
tion et des effets sur le destinataire ; connaissance
élèves. elle n’amène pas à analyser le détail des
des genres et des registres ; approche de l’histoire
textes, mais à saisir le sens et les caractéristiques
littéraire et culturelle.
d’ensemble. elle peut s’appliquer à des documents,
iii – démarche extraits et textes brefs, mais son objet essentiel est
le professeur assure la mise en œuvre du programme la lecture d’œuvres complètes. elle constitue ainsi
par des ensembles cohérents de travaux (ou « séquen- un moyen important pour former le goût de lire,
ces »), associant lectures, expression écrite et orale, et et permet aux élèves de déterminer des critères de
étude de la langue. comme en classe de seconde, un choix. en classe, le professeur propose des textes,
objet d’étude peut être abordé à l’intérieur d’une ou indique des orientations pour aider les élèves à avoir
plusieurs séquences ; et une séquence peut rassembler une lecture active, généralement en fonction d’un
et articuler des éléments issus de plusieurs objets projet, et il établit des bilans qui pourront permettre
d’étude. le professeur choisit les textes et les œuvres aux candidats, ainsi éclairés, de défendre à l’oral de
qu’il fait lire et étudier ; il organise son enseignement l’examen leur point de vue sur les textes lus.
en tenant compte du niveau de ses élèves et de son les lectures d’œuvres dans l’année se répartissent
projet pédagogique. la durée des séquences variera en entre lectures cursives et lectures analytiques (dont
fonction du projet du professeur (leur durée moyenne les études d’œuvres intégrales), si possible de façon
sera comprise entre 12 et 15 heures). équilibrée. les lectures documentaires (analyti-
ques ou cursives, selon les situations et les besoins)
iv – mise en Œuvre et pratiQues
deviennent en fin de première un moyen courant
iv. 1 la lecture d’information. on continue à utiliser les dictionnaires
la classe de première poursuit l’effort engagé en et encyclopédies, la presse et les bases de données.
seconde pour assurer des lectures aussi nombreuses on introduit des lectures de documents longs.
que possible. il convient que les élèves lisent au la lecture s’applique aussi à l’image (fixe et
moins six œuvres littéraires par an, ainsi que des mobile, y compris des films). l’analyse s’attache à
textes et documents très diversifiés. on s’attache à dégager les spécificités du langage de l’image et à
approfondir la maîtrise des deux formes de lecture : mettre en relation celui-ci avec le langage verbal. on
la lecture analytique et la lecture cursive. encouragera l’étude d’œuvres cinématographiques
la lecture analytique a pour but la construction fondées sur des adaptations de romans ou de pièces
détaillée de la signification d’un texte. elle constitue de théâtre. les documents et extraits sont organi-
donc un travail d’interprétation. elle vise à dévelop- sés en groupements de textes, étudiés en trois ou
per la capacité d’analyses critiques autonomes. elle quatre semaines au maximum. de même, l’étude
peut s’appliquer à des textes de longueurs variées : d’une œuvre intégrale ne s’étendra pas sur plus de
– appliquée à des textes brefs, elle cherche à faire trois ou quatre semaines. l’ensemble des lectures
lire les élèves avec méthode ; constitue le fondement du travail d’histoire littéraire
– appliquée à des textes longs, elle permet l’étude et culturelle : un mouvement est étudié à partir
12 n
d’une œuvre majeure, ou d’un groupement de textes, privilégie, en première, la réflexion sur le sens. il a
accompagnés de documents complémentaires ; des pour objectifs essentiels :
lectures cursives en enrichissent l’approche ; les – l’enrichissement du lexique, et plus particulière-
lectures documentaires nourrissent la réflexion à ment celui de l’abstraction et de la sensibilité ;
son sujet. en retour, l’histoire littéraire contribue à – la réflexion sur la subjectivité dans la langue, liée
contextualiser les lectures. à l’étude de l’énonciation ;
– la consolidation de la structuration et de la cohé-
iv. 2 l’écriture
rence des textes produits par les élèves ;
le but est d’amener les élèves à la maîtrise de
– l’étude des variations historiques, sociales et
l’expression écrite autonome dans les trois domaines
culturelles de l’usage langagier.
suivants qu’on veillera à équilibrer :
– écrits d’argumentation et de délibération, en v – relations avec les autres
relation avec les textes et œuvres étudiés : les exer- disciplines
cices d’analyse, de commentaire et de dissertation discipline carrefour, le français développe les com-
concourent à cette fin ; pétences indispensables dans toutes les disciplines.
– écrits d’invention, en liaison notamment avec des relations plus précises seront établies (et indi-
les différents genres et registres étudiés : lecture et quées comme telles aux élèves) avec les disciplines
écriture sont associées dans des travaux de réécriture suivantes :
qui contribuent à une meilleure compréhension des – les arts, notamment pour l’étude des genres et
textes ; on fait apparaître les liens entre invention et registres, de l’histoire culturelle et l’analyse de
argumentation ; l’image ;
– écrits fonctionnels, visant à mettre en forme – les langues anciennes, pour l’étude des genres
et transmettre des informations et à construire et et registres, de l’histoire littéraire et culturelle, du
restituer les savoirs (en français et dans les autres lexique ;
disciplines) : les exercices de comptes rendus, de – les langues vivantes, en particulier dans l’approche
synthèses et de résumés sont utilisés dans ce but. des mouvements culturels européens ;
– l’histoire, y compris l’histoire des sciences, pour
iv. 3 l’oral
la construction de problématiques d’histoire cultu-
en classe de première, l’objectif est de compléter
relle ;
l’analyse des spécificités de l’oral et d’en assurer une
– la philosophie, que les élèves aborderont en termi-
pratique effective. à cette fin, on associe :
nale, par la réflexion sur les registres, sur l’histoire
– l’écoute, que l’on continue à cultiver en insistant
culturelle et sur la langue, et par la formation au
sur les exercices de reformulation des propos
commentaire de texte et à la dissertation.
entendus ;
cette liste n’est pas limitative ; chaque professeur
– la lecture expressive des textes littéraires, qui porte
l’enrichira en fonction du projet pédagogique de la
sur des textes plus longs qu’en seconde ;
classe et de l’établissement. le programme accorde
– les pratiques de production orale, en privilégiant
une grande place au dialogue. les travaux person-
les comptes rendus, les exposés oraux de lectures
nels encadrés constituent un dispositif susceptible
et de points de vue personnels, les échanges et les
de faciliter cet apprentissage dans la mesure où
débats.
ils nécessitent discussion, débat, argumentation
iv. 4 l’étude de la lanGue et justification, dans le cadre d’une initiation à la
cette étude constitue toujours en première un objectif recherche autonome. ils développent les qualités
majeur. étroitement associée aux lectures analytiques d’expression des élèves, en supposant notamment
des textes ainsi qu’aux productions orales et écrites de leur part une aptitude à la relecture, la correction
des élèves – notamment dans les écrits d’invention, et la reformulation. les thèmes retenus sont choisis
dans le commentaire et la dissertation – elle doit être en relation avec les objets d’étude inscrits dans le
intégrée à chaque séquence. le travail sur la langue programme.
n 13
1re partie
le roman et ses personnages
le romanesque
1 à l’épreuve du monde (xviie-xviiie siècles)
d’urfé de l’amour idéalisé et le début du récit nous avait
1 L’Astrée ▶ p. 17
présenté un couple fortement uni. cette scène marque
donc une rupture frappante : c’est la fin de l’idylle
et l’intrusion de la mort dans la bergerie.
Pour commencer
il s’agit ici de montrer aux élèves un exemple typique 3. Fonction et valeur des objets
de roman idéaliste (en l’occurrence le plus connu), le ruban et la bague sont deux objets précieux aux-
pour que l’évocation de ces romans – qu’on ne lit quels astrée est attachée et qui la représentent. elle
plus aujourd’hui – ne reste pas abstraite. attache des fleurs au ruban (l. 12-13) et affectionne
rappelons que l’astrée est une œuvre imposante vraisemblablement cette bague offerte par son père
de plus de cinq mille pages. l’héroïne doit son nom (l. 13-14). le ruban, associé aux fleurs et au prin-
au personnage mythologique d’astrée, fille de Zeus temps, est le symbole de la beauté, de la jeunesse et
et de thémis, liée au mythe de l’Âge d’or, qu’elle de l’amour d’astrée. la bague est dite par céladon
passa sur terre, parmi les hommes. lui-même symbole d’une entière et parfaite amitié
(l. 22). les deux objets, emportés par céladon au
n Observation et analyse fond des eaux, symbolisent l’amour éternel des deux
1. l’enchaînement des paroles amants et leur lien indissoluble.
les paroles des deux personnages ne s’enchaînent pas
comme on pourrait s’y attendre dans un dialogue entre 4. une scène théâtrale
deux amants. la communication est constamment ce passage nous offre une suite de grands discours et
interrompue, entrecoupée de silences. aux reproches de grands gestes, en deux scènes successives : astrée
d’astrée (l. 1-3) succède le mutisme de céladon (l. 4-5), et céladon (l. 1-11), puis céladon seul (l. 14-24).
qui finalement ne retrouve la parole que lors de la chaque réplique est formée d’une seule période
fuite de sa maîtresse (l. 6-9). elle ne répond pas, très rythmée : phrase équilibrée pour la première
brisant la réciprocité, moteur de leur amour (l. 9-10). réplique d’astrée (l. 1-3), cadences majeures pour
les déclarations de céladon au ruban (l. 17-21) et à les deux premières répliques de céladon (l. 6-9,
la bague (l. 22-24) sont ses ultimes tentatives pour 17-21) et retour à l’équilibre avec l’adresse finale à la
signifier son amour à astrée. bague (l. 22-24). on imagine très bien ici une scène
de tragédie avec ses beaux discours et surtout cette
2. une logique de rupture scénographie esquissée : bien-aimée retenue alors
les discours d’astrée et de céladon sont remplis qu’elle cherche à fuir (l. 6), ruban qui se détache
de connecteurs logiques exprimant la rupture : que (l. 11), monologue du discours au ruban (l. 17) et à
si (l. 1), toutefois (l. 1-2), mais (l. 7), plutôt que la bague (l. 22). céladon ne semble plus parler à la
(l. 18), pour le moins (l. 23). nous avons affaire, pour fin que pour le lecteur-spectateur.
astrée, à un discours de jalousie et, pour céladon, à
un discours de justification (on remarque d’ailleurs n Vers le Bac (dissertation)
que celui-ci essaye de maintenir une rhétorique de la réflexion de rousseau rapproche de manière
la relation : afin que, l. 19 ; plus… que, l. 20). au comique deux mondes apparemment opposés :
discours injonctif de l’une (va-t’en, l. 2) répond le monde réel, celui du travail, de la peine, du
le discours explicatif de l’autre (ne… pas pour…, « peuple de forgerons », et le monde de la fiction, du
mais… pour, l. 6-7). nous sommes dans un roman romanesque, « des dianes et des sylvandres ». ce
6. la conduite de nemours
nemours s’inquiète certes de l’embarras de mme Pour commencer
de clèves dont il est responsable, mais on ne sait nous avons affaire ici à une scène vive, remarquable
jamais vraiment s’il s’inquiète d’elle ou de l’image en raison de l’entremêlement des sentiments et de
qu’il pourrait donner de lui. de même, sa réputation la polyphonie. insister sur le jeu avec le modèle
auprès de la reine dauphine semble lui tenir beau- théâtral.
coup à cœur : elle est présentée en tête des raisons
d’embarras (l. 7-8). nemours semble avant tout ici n Observation et analyse
un mondain ; qui plus est, indiscret. sa satisfaction 1. émotion et raison
finale (l. 30) semble plus être de l’avoir emporté l’émotion n’est pas le seul fait de saint-preux dans
dans cette joute mondaine que d’avoir libéré mme ce passage ; claire elle-même, au début de l’extrait,
de clèves de son embarras. utilise toute une rhétorique des sentiments : agitations
(l. 1), plaisirs, douceur (l. 2), amertume (l. 4-5),
n Perspectives inquiétude (l. 6-7), effroi, (l. 7).
nemours et l’art de la conversation Fait suite à ce discours du souvenir et de l’émotion
nemours fait figure ici, du moins dans la deuxième un discours de la raison : claire élabore la stratégie à
partie du texte, de mondain. tout son long discours employer avec saint-preux : méditer, réfléchir (l. 9),
est assez représentatif de l’art de la conversation pour éviter (l. 16), précaution (l. 21), réponses suc-
en vogue au xviie siècle. sa pointe galante a déjà cinctes (l. 23-24), questionner (l. 24), sonder (l. 26),
été évoquée, mais l’ensemble du discours peut être l’usage (l. 31), j’ai mieux aimé (l. 34)…
étudié sous cet éclairage : art du non-dit (pour les le discours de l’émotion va regagner de plus en
révélations sur le vidame et pour l’amour de nemours plus de terrain, mais cette fois il est l’apanage de
envers la reine dauphine) et des faux-semblants, art saint-preux : inquiet, précipitamment (l. 12), cent
de la litote, art du masque... questions (l. 21-22), imagination fougueuse (l. 33),
comme un furieux (l. 39), frappant des mains, les
n Vers le Bac (commentaire) portant à son front (l. 40), s’est-il écrié (l. 41), ton
le statut du lecteur est très ambigu dans ce passage : qui m’a fait frémir (l. 41-42).
il prend plaisir à l’embarras des personnages et à la
maîtrise de nemours, et en même temps, comme 2. l’expression de l’amitié
le dit valincour, il souffre pour mme de clèves. ce toute la première partie (l. 1-10) est dédiée direc-
silence, auquel elle est constamment réduite, n’est tement à l’amitié. claire repense avec émotion à
pas pour rien dans ce dernier sentiment, tant le l’ancien temps et à leur bonheur passé : reviennent
contraste est fort avec les deux autres protagonistes les termes de première (l. 2) et d’ancienne (l. 3). mais
qui s’affrontent dans une joute verbale : elle est celle ce qui rend cette évocation peu ordinaire, c’est que
qui souffre véritablement ici. Faire suivre la réplique claire perçoit comme la fin d’une époque la fuite de
de la reine dauphine immédiatement de la description l’amant de son amie. l’amitié est poussée ici à son
6. position du lecteur
cyrano de Bergerac
le lecteur est informé de toutes les manœuvres de
valmont par valmont lui-même. il en sait donc plus
9 Les États et Empires de la Lune ▶ p. 28
Maupassant
6 Pierre et Jean ▶ p. 41
Pour commencer s’appuie sur le droit romain (« pater est quem nup-
rappels sur la notion d’horizon d’attente. quelles tiae demonstrant » = le père est celui que désignent
questions le lecteur se pose-t-il à la lecture du titre les noces, c’est-à-dire le mari de la mère). questions
de ce roman ? de légitimité très sensibles au xixe siècle, pour des
si le professeur choisit de dévoiler le nœud et la réso- raisons de transmission du patrimoine, notamment.
lution de l’intrigue romanesque, rappels sur le statut dans le roman, c’est l’héritage inattendu de Jean qui
de l’enfant naturel au xixe siècle : le code civil va faire naître des doutes sur sa filiation.
n Observation et analyse
1. portrait en diptyque
Études études chaotiques, indécis dans son choix professionnel études de droit faites
(l. 9-12) ; choisit finalement la médecine (l. 13-15) tranquillement (l. 18-19)
Caractère exalté, intelligent, changeant et tenace, plein d’utopies calme (l. 17) ; doux (l. 18)
et d’idées philosophiques (l. 15-16), emporté, rancunier
(l. 18)
l’histoire.
la confusion générale se traduit dans l’emploi géné- n les personnages
ralisé du on, qui n’a pas toujours le même référent ; il 1. jacques vingtras, héros ou anti-héros ?
s’agit alternativement de l’autorité gouvernementale étapes du parcours : installation à paris (chapitres
(d’après la rumeur, l. 1), du peuple de paris (l. 5-6), i-iii). débuts professionnels et amoureux (iv-vi).
des révoltés (l. 8), des protestataires (dans les répli- militantisme politique (vii-xi). le coup d’état du
ques des l. 12, 14, 15), de quelqu’un (l. 19). 2 décembre et ses conséquences : déshérence des
plusieurs répliques n’ont pas de locuteur identifiable, républicains (xii). vingtras retourne chez ses parents
mis à part l’ordre de matoussaint (l. 18), son rapide (xiii-xv). retour à paris, nouvelle installation, triste
dialogue avec vingtras (l. 28-30), et les réponses de condition du précepteur (xvi-xxiv). nouvelle car-
celui-ci (l. 11-13, 15, 20-21, 24-27, 29). les remarques, rière : journaliste (xxv-xxvii). visite à sa mère
les questions et les exhortations (l. 2, 9-10, 14, 16, (xxviii). difficile retour à paris (xxix-xxx). épilogue
19, 32, 33) semblent ainsi pleuvoir de partout, ce qui, (xxxii-xxxiii).
comme l’emploi mobile de on, crée un effet de foule, Jacques vingtras est un héros par son courage, son
suggère la confusion et la multiplicité des acteurs, énergie, sa rage de vivre et de combattre pour ses idées.
leur agitation fébrile. l’effet est encore accentué par il est un anti-héros parce qu’il ne progresse pas dans la
la parenthèse (l. 16) et la phrase nominale (l. 33), qui société, comme c’est souvent le cas des héros de roman
reproduisent les réactions de l’assistance, comme dans d’apprentissage (Julien sorel, rastignac, rubempré).
un compte rendu de séance lors d’un débat public.
2. une vision apaisée des parents
4. la jeunesse des écoles dans l’enfant, vingtras souffre d’un manque de
l’agitation des étudiants est perceptible à la rapidité confort affectif. il n’a de cesse de quitter son milieu
avec laquelle ils réagissent, à l’unité de leur action, familial. dans le bachelier, il manifeste une plus
à l’ardeur de leurs serments. ils agissent au nom de grande compréhension pour ses parents. ses rapports
la liberté d’expression, pour défendre la démocratie avec son père sont toujours un peu conflictuels, mais
menacée par le président louis-napoléon Bonaparte, « la barrière de glace qui séparait vingtras senior et
qui est en train de préparer en sous-main l’opinion vingtras junior est trouée » (chapitre xv) ; quand il
au coup d’état du 2 décembre. revient voir sa mère seule, il comprend sa détresse
la tonalité générale du passage est exaltée. vallès, sentimentale (son mari l’a abandonnée pour une
reconstituant les événements de cette époque autre) ; la solitude ombrageuse dans laquelle elle
longtemps après, donne de la jeunesse estudiantine se retire l’émeut. au dernier chapitre, il apprend la
une image ardente, passionnée, enthousiaste, qui mort de son père, et lui demande pardon. il parle de
correspond au souvenir nostalgique des promesses ses parents avec moins d’acrimonie, étant lui-même
républicaines de février 1848. parvenu à l’âge d’homme.
n Perspectives
Pour commencer
récits de bataille en guise d’ouverture, demander aux élèves l’image
on peut confronter cet extrait de gargantua et le qui leur a été léguée de d’artagnan, à partir notam-
passage de la chanson de roland (p. 104). on ment des transpositions télévisées ou cinématogra-
observera la manière dont rabelais, sur un plan phiques qu’ils ont pu voir. Faire préciser à partir
stylistique, a repris à l’épopée l’exagération et l’hy- de là le sens qu’il faut donner au terme même de
perbole, l’accumulation et l’énumération, pour faire « romanesque ».
basculer ces procédés dans le registre comique.
on mesurera aussi la manière dont il détourne le n Observation et analyse
manichéisme moral du genre et prend ses distances 1. les qualités du héros
avec l’exaltation du service du roi et de dieu qui dumas souligne que le courage de son personnage
caractérisait le chevalier du moyen Âge. est celui d’un être pondéré et mesuré et non d’un
inconscient intrépide. le texte commence signifi-
n Vers le Bac (oral) cativement par évoquer ses capacités de réflexion
le texte joue des procédés de la parodie burlesque. (l. 1). lorsqu’il voit s’abaisser dans sa direction
si l’on peut reconnaître des traits hérités de l’épo- un fusil braqué, il ne se précipite pas à corps perdu
pée ou des romans de chevalerie, ils font en effet dans la bataille avec un ennemi invisible, mais se
l’objet : jette ventre à terre (l. 14), et lorsque le coup part, il
pren[d] ses jambes à son cou (l. 24), ce qui semble
– de détournements et de décalages : le héros en
contraire à l’image habituelle du courage héroïque.
action est un moine qui se bat avec la croix et non
significativement, le narrateur interrompt le récit,
un soldat armé d’une lance, le champ de bataille
dans l’intervalle qui sépare ces deux moments, pour
est devenu un champ de vignes, l’enjeu n’est plus
opposer son personnage à l’image stéréotypée des
la conquête ou la défense d’un territoire mais la
héros inutilement braves qui cherchent une mort ridi-
sauvegarde des vendanges ;
cule pour qu’on dise d’eux qu’ils n’ont pas reculé
– de grossissements et d’exagérations : le héros com- d’un pas (l. 19-20).
bat seul contre une armée d’ennemis innombrables ;
le texte décrit moins des blessures qu’il n’énumère 2. la construction de l’extrait
avec jubilation une série de mutilations plus invrai- le texte joue de l’alternance de phases narratives
semblables les unes que les autres, et remplace données au passé simple et chronologiquement
l’amplification épique par l’outrance triviale. enchaînées et de phases réflexives données plutôt à
l’imparfait et logiquement articulées. ainsi, dans les
Pour aller plus loin deux premiers paragraphes, un donc (l. 8) succède
à un lorsque (l. 4). ce donc reviendra lignes 43-44
on pourrait saisir ce texte comme une occasion
pour rectifier la première conclusion qui avait été
de tracer, sur les marges d’une littérature sérieuse
tirée des événements survenus à la ligne 11 (c’était
parfois austère, la ligne d’une autre inspiration qui
évidemment une embuscade) : ce n’était donc pas
remonterait au moins jusqu’à anacréon et qui vient
une embuscade militaire. il y a donc en parallèle
se lier souvent à la célébration du vin (comme des
un enchaînement chronologique d’événements et
autres plaisirs de la vie corporelle et matérielle).
un mouvement de déduction logique dans l’esprit
rabelais y occupe une place que reconnaîtra
du personnage. à partir d’une charnière donnée
diderot dans un passage de jacques le Fataliste : il
ligne 33 (cet événement pouvait avoir trois causes),
y évoque la gourde du valet, remplie d’un vin divin
le texte, après avoir immobilisé son personnage, se
dont la prêtresse porte le nom de Bacbuc, et renvoie
livre entièrement à une activité purement mentale
ainsi à la quête poursuivie par les personnages
de réflexion, ordonnée selon une succession
du « curé de meudon », c’est-à-dire rabelais.
d’hypothèses méthodiquement examinées.
diderot situe Jacques dans la lignée « des sectateurs
distingués de Bacbuc, des vrais inspirés de la 3. les procédés de dramatisation
gourde », au nombre desquels rabelais figure en le premier procédé de dramatisation consiste à
bonne place. donner un fond avec des imparfaits d’arrière-plan
l. 12-13).
on remarque par ailleurs le procédé de retournement Pour commencer
complet d’une situation au départ la plus défavorable on peut fixer la place de gil blas entre l’héritage
possible (l’empereur apparaît d’abord cerné par la du roman picaresque espagnol d’une part et les
cavalerie ennemie, l. 7), grâce à l’intervention pro- prémices du roman d’apprentissage d’autre part.
videntielle d’un sauveur qui arrive à bride abattue le héros, comme dans les sources espagnoles, est
(l. 8) : registre épique là encore. en effet jeté sur les routes. mais c’est moins parce
on soulignera enfin la rapidité du tempo narratif, qu’il est soumis aux obscurs desseins de quelque
servie par l’usage du passé simple et par des phrases providence que parce que le hasard des rencontres
plutôt brèves. les détails secondaires disparaissent est pour lui l’occasion d’une suite de leçons : c’est
au profit de l’efficacité symbolique. ainsi qu’il progresse dans la conscience des règles
qui gouvernent le monde où il vit.
n Perspectives
roman d’aventures et livre de lecture n Observation et analyse
dans les deux extraits, on voit un personnage affronté à 1. l’enchaînement des deux paragraphes
des ennemis et exposé à un péril mortel ; dans les deux dans le premier paragraphe, l’entreprise dont le
cas, il parvient à en réchapper, soit par sa bravoure soit héros s’est chargé semble couronnée de succès : le
par sa présence d’esprit, et une situation au départ la plus religieux ne se fait pas prier pour livrer sa bourse et
défavorable possible se retourne à son avantage. pour décamper sur sa mule ; le héros, s’étant emparé
1. le nom de m. madeleine (l. 16, 21-22), donne à voir le contraste entre la gloire
madeleine est l’acteur principal de la scène. son nom passée (l’illusion) et la déchéance présente (la réalité)
revient très souvent. or le regard soupçonneux que qui caractérise aussi le général français.
Javert jette sur lui conduit à mettre en doute l’identité – robbe-Grillet : le décor représenté sur la pho-
du personnage, donc la valeur de son nom. par son tographie est apparemment froidement objectif ;
acte héroïque, Jean valjean dévoile sa véritable en réalité, la disposition des meubles est significative
identité aux yeux de Javert : il ne peut être que ce d’une relation de couple (l’homme hors cadre), et
forçat que le policier recherche ; son corps a démenti le caractère obsessionnel de la description, extrê-
son nom d’emprunt, et laisse pressentir la découverte mement méticuleuse, renvoie au regard déréglé
de son vrai nom. le lecteur a beau s’en douter, il est d’un être (le mari) hanté par l’absence de l’autre
suspendu ici à cette problématique éminemment (sa femme).
romanesque de l’identité : il attend avec un vif intérêt
le moment de la reconnaissance explicite (topos du 4. individu et collectivité
mélodrame et du roman-feuilleton). – martin du Gard : l’orateur est en accord avec la
masse humaine (l. 26), dont Jacques fait partie, qui
2. la présentation des personnages vibre à l’unisson ; le personnage de Jaurès, opposant
– valmont est présenté, d’une part, par lui-même, à la guerre, incarne un vaste mouvement populaire
sans masque, dans sa lettre à la marquise de mer- qui se reconnaît en lui (milliers de visages, l. 30).
teuil (texte a), d’autre part, par mme de tourvel qui – Giono : l’individu qui se fond dans une collectivité
écrit à mme de volanges (texte B) ; ce deuxième est le narrateur, qui dit nous et non je, et se présente
point de vue confirme que le libertin sans scrupules comme le porte-parole de l’opinion commune (sujet
est aussi un excellent acteur, puisque mme de ici d’un désir de savoir) ; en revanche m. Joseph,
tourvel est dupe de la vertueuse action (l. 11) de objet de cette enquête, est un être à part, sans rapport
valmont. avec cette collectivité.
– julien sorel est présenté à la fois par un nar- – le clézio : les deux individus nommés, Jean et
rateur extérieur à l’histoire, qui raconte et décrit mariam, sont coupés du groupe des autres specta-
les sentiments qui se succèdent en lui (plaisir de teurs dont la réaction de joie est opposée à la leur ;
triompher, l. 13 ; joie, l. 26 ; etc.), et par lui-même la collectivité est alors présentée comme une masse
puisque le narrateur rapporte longuement ses pensées hostile et agressive ; le seul salut du couple est dans
au discours direct (l. 1-10, 15-16, 19-25, 28-30). la fuite.
le lecteur a donc accès à tous les détails de son
évolution intérieure. 5. les rôles actantiels
– m. joseph, au contraire, est présenté uniquement – Manon Lescaut : sujet = des grieux ; objet =
du dehors, par un narrateur qui appartient à la bour- sa liberté (retrouver manon) ; adjuvants = lescaut,
geoisie de la petite ville et qui traque des indices le pistolet ; opposants = le père supérieur, le domes-
permettant de le connaître. les informations sont tique.
lacunaires, purement hypothétiques. on n’a pas accès – Le Bachelier : sujet = Jacques vingtras ; objet =
aux pensées de ce personnage énigmatique, ce qui défendre la liberté de pensée et de parole ; adjuvants =
contribue à l’intérêt narratif. matoussaint et les amis de vingtras, la maîtrise du
langage ; opposant = le régime.
3. le personnage et le décor
– Gil Blas : sujet = gil Blas ; objet = savoir voler
– balzac : l’intérieur de la maison présente un spec- (acquérir l’art du brigandage) ; adjuvant = les autres
tacle désolant (l. 18-19), à l’image des vêtements de brigands ; opposants = le religieux et sa ruse, la
ses habitants dont on comprend qu’ils sont marqués naïveté du héros.
par les drames de la vie (l. 29-32).
– claude simon : le décor (l. 18) du palais (parquet 6. limites du schéma actantiel
et tapis, l. 6 ; stucs et fausses colonnes, l. 16-17), – proust : il y a bien la recherche d’une communi-
altéré par l’intrusion du chevalet qui figure la déroute cation (dont le narrateur est sujet et sa grand-mère
La forme narrative
L’exposé
4. les deux niveaux de narration
Balzac, La Peau de chagrin ▶ p. 100
– à un premier niveau, le récit est pris en charge
n Pour analyser le texte par un narrateur extérieur à l’histoire (narrateur
primaire), qui rapporte le dialogue des deux per-
Le genre sonnages (3e personne + temps du passé) en limitant
1. un roman de formation ses interventions à des incises et à de brèves didas-
dans cet extrait, raphaël engage le récit de sa vie au calies : s’écria émile (l. 9) ; reprit raphaël (l. 10) ;
sortir du collège, vers dix-sept/dix-huit ans, quand il dit émile d’un air… (l. 21-22) ; reprit raphaël
est encore soumis à la loi paternelle : c’est le début en réclamant…(l. 23-24).
des études supérieures et de la vie professionnelle – à un second niveau, raphaël est narrateur de sa
(l. 29-30) ; c’est la période où se forme son âme propre histoire (narrateur secondaire) : non seulement
(l. 38), encore dans la naïveté primitive de la jeunesse il est locuteur au plan du discours, au même titre que
(l. 39). ce thème de l’entrée dans la vie est typique son ami émile (présent + marques d’énonciation),
du roman de formation. mais il engage le récit de sa vie : le passé composé
Le héros et son histoire (relatif au moment de l’énonciation : l. 3, 13, 20)
2. le choix d’une période laisse place progressivement au passé simple (qui
raphaël fait grâce à son ami des dix-sept premières « décroche » de l’énonciation actuelle, l. 23, 25,
années de [s]a vie (l. 12) parce qu’elles ont été sans 37-39).
histoire : il a mené comme mille autres cette vie de on peut donc parler d’enchâssement narratif, ou
collège ou de lycée (l. 13-14), et cette partie de sa de récit dans le récit : loin de laisser tout dire à un
vie n’est donc pas significative de sa personnalité. narrateur extérieur omniscient, Balzac délègue ici
en revanche, il s’attarde sur la période qui suit, cette le pouvoir narratif au personnage lui-même, pour
longue et lente douleur qui a duré dix ans (l. 2-3) et rendre plus crédible, mais aussi plus sensible, le
qui a commencé au sortir du collège : c’est en effet récit de sa vie.
la discipline sévère alors imposée par son père (l. 25) 5. les interruptions d’émile
qui paraît déterminante dans sa formation : de là
émile, placé en position de narrataire (destina-
vient l’état de son âme, fait de crainte et de naïveté
taire d’un récit), ne cesse de se plaindre : tu es
prolongée (l. 38-40), qui explique son caractère de
ennuyeux… (l. 8-9) ; arrive au drame... (l. 21-22),
jeune homme.
qu’est-ce que cela me fait ? (l. 34). à chacune de
3. le drame du héros ses interventions, le propos de raphaël reste en
le père de raphaël impose son autorité à tous les suspens (points de suspension). émile exerce dès
aspects de la vie de son fils : vie quotidienne (il me lors une fonction critique qui n’est pas seulement
logea…, l. 25-28), études (il voulait que je fisse mon négative : il libère raphaël de la tentation d’un
droit…, l. 28-30), contrôle permanent (mon père fastidieux récit-fleuve (pour ne pas abuser de
me demandait […] un compte si rigoureux, l. 32- tes oreilles, l. 11) ; il réoriente le récit dans le
33). à l’âge où s’éveille normalement le désir de sens du drame (l. 21) quand raphaël est tenté
liberté, raphaël est astreint à des lois du temps et par la nostalgie moralisante (belle vie dont les
de l’espace (l. 30-31) qui l’étouffent. dès lors son travaux…, l. 18-20) ; il réagit aux risques d’une
âme, loin de s’épanouir, végète dans la crainte et la confession égocentrique qui négligerait la situation
naïveté (l. 37-40). c’est ce conflit entre le désir et de communication (qu’est-ce que cela me fait ?,
la loi, cette impossibilité de se construire de façon l. 34). il permet donc au romancier de mettre en
autonome, qui peut déjà expliquer et le désespoir à scène à travers lui la figure d’un lecteur exigeant
venir du jeune homme (inadapté au monde), et le et rétif, ce qui contribue à la fois à l’économie et à
vœu démesuré d’un accomplissement sans limites la dynamique du récit : le lecteur réel, lui, ne peut
des désirs (compensation des frustrations passées). guère s’ennuyer !
L’entretien
Groupement de textes : romans de formation ▶ p. 101
n Pour confronter les textes suivre. les autres héros sont plus contestataires, soit
qu’ils usent du mensonge ou du vol pour trouver
I. Individu et société
1. adaptation ou contestation ? un espace de liberté individuelle par la ruse et non
c’est avec résignation que Frédéric (e) et aurélien la soumission (a et B) ; soit qu’ils mettent toute
(g) subissent la société telle qu’elle est, telle qu’elle leur énergie à lutter contre l’oppression politique
s’impose à eux. le jeune raphaël (d) n’a pas le (vallès, F) ou la hiérarchie sociale (stendhal, c),
choix non plus quand son père lui dicte la voie à refusant toute fatalité de classe.
n Perspectives Hugo
le genre de l’ode
3 Les Feuilles d’automne ▶ p. 128
n Perspectives verlaine
deux représentations de la mort
11 Poèmes saturniens ▶ p. 137
3. le regard n Perspectives
tout en disant se tenir à l’écart du regard d’autrui échos d’une tradition
et assumer son invisibilité (vous, qui me regardez, – maldoror, héros romantique ? un héros solitaire
l. 6 ; nul n’a encore vu…, l. 7-8 ; je couvre ma face, (isolé, l. 13), maudit, coupé de toute vie sociale, hanté
l. 14 ; il ne faut pas que les yeux soient témoins…, par l’infini (l. 1). son désespoir qui l’enivre comme
l. 15-16), le narrateur se dévoile avec complaisance le vin (l. 20-21) rappelle le « mal du siècle » de la
2. amorces n Perspectives
les trois premières strophes commencent par il 1. les ports dans les tableaux du lorrain
(pronom désignant le poète) et par des alexandrins : la troisième strophe rend bien compte de nombre
il rêva qu’il ouvrait les yeux, sur des soleils (v. 1), de tableaux du lorrain consacrés à la peinture
Puis il se réveilla. qu’est-ce que la lumière ? (v. 5), des ports. Bonnefoy arrive à transmettre quelque
les deux poèmes sont construits sur la forme du n Vers le Bac (oral)
ubi sunt… ? propre à la poésie élégiaque. l’un est même si la tentative a fait long feu, le calligramme
consacré à la perte des maîtresses et l’autre à la se voulait une synthèse des différents arts et ne
perte des amis (les deux dues à la guerre). dans peut donc être taxé de gratuité. le dessin s’inscrit
le premier poème un jet d’eau pleure et prie, dans pleinement dans la thématique du poème. le style
le deuxième le jet d’eau pleure sur ma peine. les n’est pas relâché mais obéit à des schèmes métriques
thématiques sont donc similaires de même que le ou rimiques très précis.
vocabulaire, les deux calligrammes s’unissant pour
chanter la peine. Pour aller plus loin
la pratique des « vers figurés », dont la présenta-
3. ambiguïté
ces poèmes-calligrammes sont ambigus puisqu’ils tion visuelle représente l’objet évoqué, existait avant
disent la fuite des êtres et des choses mais les fixent apollinaire : notamment dans l’antiquité grecque
dans une image ludique. la part de jeu entre ici en (la hache de simmias de rhodes), au xvie siècle
conflit avec la mélancolie qui sourd de l’ensemble (l’ode de panurge à la « dive Bouteille », dans le
(où sont raynal billy dalize / dont les noms se cinquième livre de rabelais, chapitre 44) et au xviiie
mélancolisent). siècle (le Flacon de charles-François panard).
L’entretien
Groupement de textes : Écritures poétiques de la mélancolie ▶ p. 195
i. Le je : parole ii. Le temps : passé iii. Les tonalités : iv. Les figures :
solitaire ? perdu ? nuances dans le invention formelle ?
noir ?
B saint-Amant, Soliloque du Présent répétitif, vanité Tristesse tempérée par La fumée du tabac
chap. 6, p. 117 poète de l’espoir l’humour comme métaphore
C Lamartine, Solitude du je, Le passé n’est regretté Harmonie du rapport Lyrisme personnel
chap. 7, p. 125 qui ne s’adresse que par hypothèses au monde, sérénité (nouveau en 1820)
qu’à la « belle et (« peut-être »)
douce nature »
n Personnages
1. le système des personnages
personnages emploi condition caractère traits distinctifs
hedda gabler Jeune première Femme mariée idéaliste Féminine, jolie, distin-
guée, fille de famille,
cultivée, insatisfaite,
névrosée
Jørgen tesman mari professeur équilibré Bonne situation, bon
mari, simple, droit, s’est
élevé socialement par son
mariage, un peu borné
eilert løvborg amant écrivain idéaliste séduisant, intelligent,
talentueux
thea elvsted 2nd rôle féminin Femme mariée anxieux passionnée, intelligente,
serviable, sens du
sacrifice
mlle Julianne tesman 3e rôle féminin Bourgeoise enjoué vive, curieuse, dévouée
Brack traître Juge intéressé intelligent, observateur,
calculateur, secret,
profiteur
Berthe servante domestique — dévouée, discrète
3. dramaturgie judiciaire
Pour commencer la forme du procès possède une théâtralité intrinsè-
l’alouette d’anouilh fut créée au théâtre montpar- que : le tribunal garantit l’unité de lieu d’une scène où
nasse-gaston Baty le 14 octobre 1953, dans une mise s’avancent les protagonistes pour un dernier assaut où
en scène de l’auteur et de roland pietri, avec michel se joue leur destin. au cinéma, autre art dramatique,
Bouquet (charles, le petit roi de Bourges), michel elle a d’ailleurs suscité un genre en soi, le « film de
etcheverry (l’inquisiteur), mais surtout suzanne Flon, procès » (de la vérité de h.-g. clouzot en 1960, à
« tour à tour fervente, inspirée, primesautière, fami- section spéciale de costa gavras en 1975, en pas-
lière, joyeuse, accablée » selon les mots d’un critique, sant par jugement à nuremberg de stanley Kramer
et qui reste à jamais identifiée au rôle de Jeanne. en 1961). ici anouilh, à travers l’évêque cauchon,
fait prévaloir la fonction dramaturgique du procès
n Observation et analyse (il y a toute l’histoire à jouer, l. 16) contre sa fonction
1. décors et costumes strictement judiciaire défendue par Warwick (alors
Bien qu’anouilh ait classé l’alouette dans ses « piè- le procès, tout de suite. Plus vite elle sera jugée et
ces costumées », il refuse ostensiblement de sacrifier brûlée, mieux cela sera, l. 14-15).
– Dom Juan : les didascalies correspondentaux tru- opéra bouffe, genre spectaculaire, très visuel, qui
cages merveilleux de cette « pièce à machines », qui nécessite de nombreux effets scéniques.
servent à représenter le surnaturel (la statue du com-
2. didascalies de l’Alouette
mandeur qui bouge et parle, les feux de l’enfer).
(➤ manuel, question 1, page 261)
– La Mère coupable : les didascalies correspondent
la didascalie liminaire fixe le cadre esthétique. il n’est
au style du jeu « naturel » proche de l’esthétique
pas question de reproduire de manière réaliste, ou
mélodramatique.
avec un quelconque souci de « couleur locale », le
– On ne badine pas avec l’amour : les didascalies
cadre du procès de Jeanne d’arc à l’archevêché de
explicitent les gestes symboliques accomplis par les
rouen. conformément à l’esthétique symboliste qui a
personnages dans cette comédie morale et psycho-
dominé la scène du xxe siècle, la scène est vide (l. 3)
logique. les entrées et sorties de personnages ne
et le décor neutre (l. 1). loin de toute reconstitution
déterminent pas des changements de scène, comme
historique, il s’agit de prendre pour exemple le cas bien
dans le théâtre classique : on est ici dans une drama-
connu de Jeanne d’arc, afin de réfléchir à une question
turgie en tableaux.
philosophique plus large. une scène dépouillée permet
– Hedda Gabler : l’action principale ne consiste
à l’imaginaire du spectateur de ne pas en être détourné
pas, ici, en un discours : la pantomime finale décrit
par des signes trop réalistes.
le geste tragique, dans un silence symbolique lourd
de sens. 3. Fonction de la tirade dans Médée et Kean
– Les Bonnes : les didascalies servent à décrire la – Médée : la tirade sert à donner une leçon : elle a
violence des rapports humains, dans ce théâtre à la une fonction moralisatrice. médée donne ainsi le
fois social, métaphysique et farcesque. fin mot de l’histoire à Jason, qu’elle accable de sa
– Orphée aux Enfers : tous les types de didascalies vengeance.
sont présents. c’est que nous avons ici affaire à un – Kean : la tirade sert à exprimer la solitude de
livret destiné aux praticiens. de plus, il s’agit d’un l’acteur face à son public. elle exalte l’illusion
Représenter la mort
L’exposé 4. le rire et la mort
Genet, Les Paravents ▶ p. 276
les personnages sourient ou rient tous, comme émer-
veillés de découvrir l’autre monde et de retrouver
n Pour analyser le texte ceux qu’ils ont connus. aucun d’eux ne se plaint
La mise en scène d’être mort. ils ont l’air plus heureux au contraire que
les soldats qui marchent, et qui sont encore vivants.
1. le dispositif scénique
les conflits se sont apaisés, comme en témoigne
comme le suggèrent les indications données par
le rire commun de pierre et de la mère (l. 27-30)
genet dans le commentaire liminaire de chaque
quand ils évoquent le meurtre du premier par la
tableau, il y a plusieurs niveaux de scène sur le
seconde. de même, dans les répliques suivantes,
plateau. ici, les morts se trouvent sur une plate-forme
sur l’inimitié entre la mère et les autres villageois.
supérieure, les vivants sont en bas. le dispositif est
tout se passe comme si la mort aplanissait tous les
complété par les paravents, seuil symbolique figuré
conflits, parce qu’elle met tous les hommes à égalité.
par un élément concret du décor, à travers lequel tous
ce thème de la proximité du rire et de la mort, qui
les morts doivent passer. ce dispositif est original,
rejoint l’image baroque du memento mori (le rictus
car personne avant genet ne l’avait conçu ; il est
naturel de la tête de mort), évoque aussi la notion
ludique, car il oblige les acteurs à crever le paravent,
romantique de grotesque.
qui devient ensuite inutilisable et doit être remplacé
par un nouveau paravent : chaque utilisation du 5. des morts sur la scène
paravent à cet effet crée un bruit ainsi qu’un effet la représentation des morts concourt à la théâtralité.
de surprise et de suspens, le spectateur ne sachant chaque mort, en crevant un paravent, ressemble à
pas qui se trouve derrière avant qu’il n’ait été crevé ; un acteur entrant sur scène de manière fracassante.
il est suggestif, parce qu’il figure de manière vio- la séparation entre les morts et les vivants repro-
lente, spectaculaire, et poétique le passage de vie duit une situation spectaculaire : en effet, les morts
à trépas. regardent les vivants, situés dans un autre espace
qu’ils peuvent aisément contempler du haut de leur
2. didascalies plate-forme, et commentent la scène qu’ils voient
les didascalies d’intonations et de mimiques sont avec distance, tels des spectateurs de théâtre. le
utiles, mais les plus indispensables sont les didascalies regard est orienté de manière unilatérale, les vivants
de décor et de déplacement, qui seules permettent au ne se sachant pas observés par les morts. c’est une
lecteur de se figurer le dispositif scénique. forme de dédoublement troublante pour le spectateur,
Le dialogue qui ne sait plus trop auquel des deux groupes il peut
s’identifier. la coexistence sur scène des morts et
3. trivialité et poésie
des vivants a un sens philosophique : elle sert à
les personnages parlent de manière familière, avec
relativiser l’existence humaine, en la montrant de
des interjections ou exclamations simples (l. 8-11),
manière distanciée, sous le regard critique de ceux
des expressions imagées courantes (l. 13), des sen-
qui, ayant perdu la vie, ne la regrettent nullement.
tences de bon sens populaire (il faut bien s’amuser,
la hantise de la mort est ainsi dédramatisée pour
l. 14), des métaphores triviales (pris dans les genci-
le spectateur à qui cette perspective est forcément
ves, l. 34). mais la situation est poétique : invention
angoissante.
d’une communauté des morts, où les conflits sont
apaisés, et où règne une joie suspendue ; même la 6. décharge et pourriture
description des cadavres en décomposition relève en insistant sur la rémanence de l’odeur de la
d’une certaine beauté, perceptible dans l’invention décharge publique au-delà de la mort, la mère met
langagière (pourrir aussi la mort, l. 48). l’accent sur les laideurs de l’humanité, sur le mal
L’entretien
Groupement de textes : L’espace/temps dramatique ▶ p. 277
Fiction et argumentation :
15 la fable et le conte
Ésope & La fontaine de la poule intervenant dans un deuxième temps
1 Fables ▶ p. 285
pour témoigner (v. 2) de la loi générale énoncée
d’emblée.
1.argument par analogie et argument d’autorité pare l’europe au pays des sauvages, au profit de
chez eco la première, ce qui est encore une façon de railler
ces deux types d’arguments sont utilisés de manière l’idéalisation du « bon sauvage » par rousseau.
paradoxale et ironique. – Traité sur la tolérance : l’expression de la cause
– l’analogie est établie entre le football et des sports (parce que, l. 11 ; car, l. 14 ; attendu qu[e], l. 16-17)
extrêmes, et même la roulette russe et l’utilisation est ironique. voltaire prête d’abord à son « béné-
de la drogue (l. 17-20). il est clair que l’auteur n’a ficier » une explication qui ne justifie nullement
aucune passion pour de telles activités : l’analogie l’assassinat, mais le choix du lieu (l. 11-12), ou sa
ne fait que souligner, au contraire, l’expression de systématisation (l. 14-15) – causes inattendues par
son rejet viscéral du football. même chose pour rapport au fait énoncé, et qui supposent acquis le
le rapprochement entre le football et la guerre principe le plus inacceptable. il lui attribue ensuite
(l. 24-27). une raison qui relève d’un faux bon sens (ne […] pas
– l’autorité convoquée est celle des futuristes (l. 23- dépeupler trop l’état, l. 17) pour justifier l’injusti-
24), mais l’accord exprimé avec ce mouvement qui fiable : des mariages forcés en masse. la distance
annonce le fascisme est encore une antiphrase ironi- ironique de l’auteur envers la logique de son locuteur
que : l’auteur ne partage pas du tout, en réalité, le point fictif est donc éclatante.
de vue selon lequel la guerre est la seule hygiène du
4. types de raisonnements
monde, thèse odieuse qui n’est mentionnée que pour
– borges : d’abord raisonnement inductif (albert
renforcer par comparaison la condamnation des spec-
part de données particulières – l’absence du mot
tacles sportifs, jugés supérieurs à la guerre en matière
temps dans le jardin aux sentiers qui bifurquent,
d’hygiène morale (l. 26-27), donc pires que tout !
après vérification empirique, l. 15-19 – pour en
2. types d’arguments conclure une interprétation d’ensemble du livre,
– la Fontaine : d’abord un argument logique, justi- l. 10-15). raisonnement déductif ensuite : de la vision
fiant le recours au conte pour faire passer le précepte d’ensemble d’un temps pluriel (l. 24-26, 33-34),
(v. 4) : une morale nue est ennuyeuse (v. 3) ; donc albert en vient à la situation qui est la sienne en
il faut l’accompagner d’un récit plaisant. ensuite et présence de son visiteur (l. 26-30, 34).
surtout, un argument d’autorité justifiant le choix de – camus : raisonnement inductif ; camus envisage
la brièveté : ce sont les fabulistes de l’antiquité qui différentes situations de révolte (elle peut naître […]
ont montré la voie (v. 11-16). au spectacle de l’oppression dont un autre est victime,
– rousseau : d’abord des arguments logiques l. 8-9 ; il peut arriver […] qu’on ne supporte pas de
(surtout dans le 1er paragraphe), avec de fortes voir infliger à d’autres…, l. 12-13 ; nous pouvons
articulations causales (car, l. 7, 13 ; ou encore parce trouver révoltante [...] l’injustice imposée à des hom-
qu[e], l. 25), pour montrer la relation dialectique qui mes…, l. 16-17) pour en conclure une loi générale :
unit raison et passions. ensuite des arguments par la révolte n’est pas égoïste mais altruiste.
analogie fondés sur des exemples (2e paragraphe), – calvin : raisonnement inductif ; calvin part de cas
selon le schéma suivant : de même que les arts se sont concrets (puisqu’il n’y a si petite église cathédrale,
développés dans des pays aux conditions naturelles l. 12-13 ; en cette ville, l. 18), et d’hypothèse for-
défavorables (égypte et attique), de même les progrès mulées à partir de données chiffrées, pour soutenir
de l’esprit sont, de façon générale, proportionnés aux sa thèse d’ordre général : le culte des reliques est
besoins que détermine la nature (l. 17-19). une mystification.
3. les articulations causales chez voltaire 5. l’art de persuader
– Lettre à Rousseau : l’expression de la cause – érasme : les moyens de persuasion sont surtout
est insistante pour donner les raisons de rester en les interrogations qui interpellent le destinataire ou
europe : premièrement, parce que […] ; seconde- feignent de lui donner la parole, la comparaison
ment, parce que... (l. 10-15). sous les apparences entre la vie et le théâtre, et la fiction énonciative qui
d’une explication d’ordre personnel, voltaire com- consiste à faire parler la Folie.
L’entretien
Groupement de textes : faire rire pour convaincre ▶ p. 339
sternberg, le point de vue sur la terre est inattendu discours, du traité ou de l’essai ; argumentation
et comme décentré : une hypothèse (extinction du indirecte de la fiction narrative (fable, conte, roman) ;
soleil chez diderot, arrivée de carottes pensantes ressources particulières du dialogue et/ou de l’ironie,
chez sternberg) conduit à remettre en question le de la métaphore et/ou de l’allégorie, de l’épistolaire,
géocentrisme et l’anthropocentrisme. du pamphlet…
l problématique commune : l’univers étant un abîme l la différence « écrivain » / « philosophe » n’est
insondable dont la logique échappe à l’entendement, pas perceptible au xviiie siècle. la question posée
comment cerner une position de l’homme qui ne présuppose une différence marquée qui est le propre
paraît plus centrale mais qui occupe une position de la littérature « moderne » (romantique et post-
toute relative au sein de l’infini ? romantique, ➤ histoire des idées, p. 299). le
problème se pose donc en termes différents avant
Sujets d’écriture et après la révolution.
1. commentaire
l des personnages extraordinaires (micromégas et le 3. invention
nain de saturne), dont la taille surnaturelle est source l on pourra varier les modalités du discours rap-
de situations fantaisistes ; un récit à la 3e personne porté.
et au passé, coupé de tout rapport avec le présent l choisir une découverte qui fasse progresser les
de l’auteur et du lecteur ; une fiction qui débouche connaissances des géants : les moyens de naviga-
sur un enseignement : il ne faut juger de rien sur sa tion ? l’organisation politique ? la vie de cour ? la
grandeur apparente… (l. 37, etc.). vie religieuse ? etc.
l le point de vue dominant est celui des géants, l penser aux marques de la curiosité et de la surprise
dont le récit fait partager la curiosité et les décou- (exclamations, interrogations…).
vertes. le narrateur-conteur extérieur à l’histoire, l éléments de surprise : à rattacher aux mœurs du
à l’exception d’une brève allusion où il emploie le xviiie siècle (penser aux surprises du huron dans
pronom je (l. 20-23), laisse pour l’essentiel la parole l’ingénu de voltaire, et à celles des persans en voyage
aux deux géants (discours narrativisé et discours chez montesquieu).
conquêtes
18 et doutes humanistes
lecture d’image l’on ne sait si pénélope vient de reconnaître ou va
reconnaître ulysse.
Pinturicchio
1 Le Retour d’Ulysse ▶ p. 347 3. signes du temps
indices de la renaissance : le décor raffiné (le
Pour commencer pavement bicolore), la technique du métier à tis-
expliquer l’intérêt qu’il y a à entrer dans l’étude de ser (outillage élaboré), les tenues vestimentaires
l’humanisme par cette triple porte des arts plastiques (pourpoint d’ulysse, robe de pénélope, tablier de la
(il s’agit moins d’un mouvement « littéraire » que servante, manteaux des prétendants, coiffures). sans
d’un système de représentation : une « vision du avoir connaissance du titre, on situerait la scène autour
monde » au sens propre), de l’italie (où est née la de 1500. ces anachronismes sont chose courante dans
révolution de la perspective, centrée sur le point de la peinture du quattrocento et de la renaissance
vue humain), et de l’antiquité (le renouveau est
rendu possible par un retour en arrière). 4. l’extérieur maritime
au-dehors, les voiles du bateau sont gonflées et son
n Observation et analyse pavillon flotte au vent : l’image maritime résume
1. ulysse et pénélope les voyages d’ulysse, son périple depuis troie (les
ulysse vient d’achever son long voyage de retour par épisodes des sirènes, et de charybde et scylla sont
mer vers l’île d’ithaque, d’où la présence du bateau. des épisodes maritimes). ulysse est un héros qui
les prétendants cherchent à faire barrage (à droite), vient de la mer : sa ceinture flotte comme l’oriflamme
mais ulysse peut espérer se faire reconnaître de son du navire.
épouse (voir ses gestes). pénélope est assise devant son pour le spectateur de 1500, le navire signifie en
métier à tisser, où elle a travaillé inlassablement à faire outre le départ vers de nouveaux mondes : il est par
et à défaire sa tapisserie dans l’attente de ce retour. excellence l’instrument des prodigieuses découver-
tes en cours. ulysse navigateur est ainsi le parent
2. les personnages et le mouvement de christophe colomb ou de vasco de gama. le
si l’univers féminin, à gauche du tableau, semble figé tableau se tourne à la fois vers le passé (la grèce
dans des tâches répétitives, les hommes qui occupent d’homère), et vers l’avenir (les continents au-delà
la moitié droite sont plus animés : ulysse est en plein des océans), dans un beau syncrétisme typique de
mouvement, incliné vers l’avant (voir la position des la renaissance. image optimiste puisque, dans les
pieds et des jambes, et la ceinture ondulée qui flotte deux cas, il s’agit d’alliance (entre deux époux qui
vers l’arrière), en marche ; ses mains se tournent se retrouvent au premier plan, entre des continents
vers pénélope, avec des gestes de présentation et qui se relient à l’arrière-plan). la couleur bleue fait
d’explication ; son visage aussi est tendu vers elle, le lien, par l’intermédiaire du mouvement d’ulysse
et elle y répond d’ailleurs en levant la tête : seule la (c’est la couleur de ses bas), entre la mer d’où il
barre verticale du métier sépare encore les mains des vient, et la femme où il va (c’est la couleur de la
époux, toutes proches l’une de l’autre ; les mains des robe de pénélope).
prétendants, elles, signifient la surprise ou l’embarras.
au total, impression dynamique : le peintre a choisi 5. Géométrie de l’espace
cet instant unique des retrouvailles des époux, instant l’espace est quadrillé en tous sens : par le pave-
suspendu et intense où l’essentiel est invisible : ment du sol, par le cadre du métier à tisser, par
Pour commencer
n Perspectives
un texte très souvent cité mais rarement lu, peut-être
1. le registre de la lettre
parce que ce manifeste en faveur d’une nouvelle poé-
le registre est surtout didactique (exposé de conseils
sie de langue française est écrit dans une langue qui
éducatifs), et s’élève jusqu’au lyrisme par ses effets
est elle-même difficile. il importe de le lire cependant
d’amplification (voir question 3), et par l’implication
pour bien comprendre en quel sens, dans le contexte
du locuteur qui laisse paraître son émotion (l. 13-18,
de l’époque, l’imitation des anciens peut être conçue
46-50, 54-65). il est en tout cas sérieux, ce qui
comme une pratique exigeante et novatrice, et non
tranche sur le registre dominant de Pantagruel,
comme une copie paresseuse.
texte le plus souvent comique (grotesque, burlesque,
ironique, etc.). n Observation et analyse
1. imiter les auteurs anciens
2. un texte humaniste
ces recommandations concernant l’imitation des
valeurs et références typiquement humanistes : un auteurs de l’antiquité s’adressent à celui qui voudra
esprit encyclopédique ouvert sur le monde, un goût enrichir sa langue (l. 1). l’auteur le répète dans une
des savoirs transmis par les livres, une sensibilité parenthèse : ô toi qui veux l’accroissement de ta langue
religieuse renouvelée par le contact direct avec et veux exceller en icelle (l. 19-20). pour améliorer la
la Bible, une morale axée sur l’amour et le respect langue vulgaire (l. 23), il faut passer par les langues
de l’autre, une redécouverte de l’antiquité sous de l’antiquité telles que les pratiquaient les meilleurs
tous ses aspects, favorisée par la connaissance des auteurs grecs et latins (l. 1-2). la langue à enrichir,
langues anciennes. c’est à la fois le code commun de langue, destiné
à l’usage le plus large (le sociolecte), et la langue
n Vers le Bac (dissertation) particulière d’un utilisateur qui cherche à y exceller
l’argumentation reste sans doute actuelle sur les (l. 20), autrement dit l’idiolecte d’un style (l. 3).
deux points suivants :
– nécessité d’élargir l’horizon des savoirs : l’écrit, 2. exigence de l’imitation
mais aussi l’oral (l. 21, 52-53) ; les livres, mais l’imitation est un travail difficile : ce n’est chose
aussi l’expérience (l. 21) ; les sciences exactes, facile de bien suivre les vertus d’un bon auteur
mais aussi la connaissance de la nature (l. 35) ; (l. 7-8), parce qu’on risque d’en rester à une imitation
la théorie, mais aussi la pratique (fréquentes dissec- superficielle, formelle. or l’imitation n’est profita-
tions, l. 41) ; la science, mais aussi la conscience ble que si elle repose sur une familiarité profonde
(l. 55) ; avec l’œuvre imitée. il faut une attention aiguë et
– sur ce dernier point, le plus actuel peut-être, exercée pour emprunter d’une langue étrangère les
nécessité d’une réflexion morale qui accompagne sentences et les mots, et les approprier à la sienne
et encadre les progrès scientifiques (voir le comité (l. 14-15). il faut savoir pénétrer aux plus cachées et
national d’éthique, aujourd’hui, dans le domaine intérieures parties de l’auteur imité (l. 11-12), alors
biologique et médical). que beaucoup se contentent de s’adapt[er] seulement
au premier regard et de s’amus[er] à la beauté des
mots (l. 12-13). Bien imiter un grand auteur, c’est
Pour aller plus loin
être capable pour ainsi dire de se transformer en
rappeler que cet enthousiasme encyclopédique
lui (l. 8), d’entrer dans sa logique profonde afin
correspond au premier humanisme, conquérant
d’être en mesure de transposer à sa propre langue
et optimiste, de la première moitié du xvie siècle.
les richesses de son style. une telle pratique de
cette vision des savoirs et de l’éducation sera
l’imitation n’est pas accessible à tous.
beaucoup plus nuancée un demi-siècle plus tard :
montaigne souhaite pour l’éducation d’un enfant 3. l’énonciation
« un conducteur qui eût plutôt la tête bien faite que le locuteur manifeste sa présence dans l’énoncé
bien pleine » (essais, i, 26, chapitre « de l’institu- par la modalité assertive : il n’y a point de doute
tion des enfants »). (l. 3), certes (l. 14, 22). il justifie son analyse en
n Perspectives
érasme et la boétie Pour commencer
insister sur le statut discursif et générique de cette
les deux auteurs ont en commun de montrer l’im-
« relation » : un récit (tout au moins dans les chapitres
portance de l’illusion dans le fonctionnement de la
précédents) qui est aussi et surtout ici une déclara-
société. pour érasme, la hiérarchie sociale et politique
tion, un témoignage destiné à peser concrètement
est acceptée par tous à la manière d’un théâtre où
sur des décisions politiques, un discours à visée
les masques et les rôles sont convaincants. pour
pragmatique.
la Boétie aussi, la vérité du système tyrannique est
dissimulée par un jeu de masques et d’apparences : n Observation et analyse
les tyrans se font passer pour généreux, et le peuple
1. une déclaration officielle
croit naïvement aux avantages de son sort, alors
l’auteur donne un caractère solennel à son propos
même qu’il est exploité et asservi.
au moyen de formules d’attestation et de modalités
assertives renforcées : je déclare devant dieu et ma
n Vers le Bac (invention)
conscience que… (l. 1-2), qu’ils tiennent pour vraie
il est facile de substituer à l’énumération de la la vérité suivante… (l. 10), moi, frère bartolomé de
Boétie – les théâtres, les jeux, les farces…, l. 1 – las casas… (l. 17-18), je suis ici par compassion
des équivalents actuels : la télévision, les jeux pour… (l. 21-22). l’auteur insiste sur les conditions
vidéo, le football, etc. même si la société démocra- de son énonciation (nom, lieu, circonstances, but)
tique n’a rien à voir avec l’empire romain, d’autres pour donner plus de poids à l’énoncé. il espère
formes d’aliénation existent, qui font oublier ainsi obtenir l’assentiment du pouvoir au plus haut
aujourd’hui encore aux peuples assotis (l. 5) leur niveau.
condition d’existence réelle et les détournent d’une
réflexion politique critique. on pourra se reporter 2. l’expression de l’horreur
au texte de tocqueville (➤ manuel, p. 327) pour l’auteur utilise l’énumération (l. 3-5), qui reflète
voir comment l’état démocratique aussi tend à la quantité infinie des barbaries commises par les
faire de ses populations un « troupeau d’animaux espagnols aux « indes » (c’est-à-dire en amérique) ;
timides ». on peut montrer, par ailleurs, d’un point l’ampleur de la période avec le mouvement ascendant
3. répétitions
dans un effet qui renchérit sur les nombreuses Pour commencer
assonances du terme mort (encor, corps, trésors, pareille « méditation » sur la passion du christ
remords, tort, forge), tout le poème est scandé demande bien sûr un minimum de cette culture
par un phénomène récurrent de reprises lexicales religieuse partagée par tous au xvie siècle. il ne sera
qui, souvent dans le même vers, doublent un mot, donc pas inutile de présenter aux élèves ces deux
parfois à sa suite immédiate : mortels (v. 1), vie textes des évangiles :
(v. 1, 2), trésors (v. 3), morts (v. 5), maisons (v. 6), – le récit du couronnement d’épines dans les évan-
souvenir (v. 8), envie[r] (v. 11), accuse/excuse giles : « les soldats du gouverneur conduisirent
(v. 12), oubli (v. 13). le procédé traduit la structure Jésus dans le prétoire, et ils assemblèrent autour de
de renversement qui caractérise le mouvement et lui toute la cohorte. ils lui ôtèrent ses vêtements, et
le propos du texte. le couvrirent d’un manteau écarlate. ils tressèrent
4. le cycle de la vie et de la mort une couronne d’épines, qu’ils posèrent sur sa tête,
les deux premiers vers lient la vie présente (exprimée et ils lui mirent un roseau dans la main droite ;
à la jointure v. 1-2) à la mort dont elle est issue (v. 1) puis, s’agenouillant devant lui, ils le raillaient, en
et à celle qui est déjà à l’œuvre (v. 2). le encore disant : “salut, roi des Juifs !” et ils crachaient
indique l’éternelle répétition d’un cycle, dont l’ex- contre lui, prenaient le roseau, et frappaient sur
pression oxymorique le tombeau du corps offre une sa tête » (évangile selon saint matthieu, xxvii,
image spectaculairement contractée. 27-30). les récits de saint marc (xv, 16-19) et de
saint Jean (xix, 2-3) sont tout à fait similaires ;
5. renversement en revanche, cet épisode fait défaut dans celui de
les trois vers du second tercet opposent deux phrases saint luc ;
d’un vers et demi, chacune d’une seule traite grâce – l’ecce homo de ponce pilate : « pilate sortit de
aux deux enjambements. la première rappelle l’ac- nouveau, et dit aux Juifs : “voici, je vous l’amène
exception faite de la période des lignes 9-14 où est (n°28) du dictionnaire philosophique.
développée la métaphore du spectacle, même au sein l Bibliographie : Politique de voltaire, textes choisis
des longues répliques de Boldmind. les phrases sont et présentés par rené pomeau, © librairie armand
brèves, souvent juxtaposées : le prouve l’abondance colin, 1963.
des points-virgules qui hachent la phrase (4 dans les l relier ce texte aux passages de Zadig ou de
3 premières lignes). candide sur la liberté de pensée.
n Perspectives
le récit libertin lecture d’image
denon retourne le schéma classique libertin, femme fragonard
naïve dupée / homme sans scrupules. ici c’est le
jeune homme qui est manipulé par mme de t***.
13 Les Hasards heureux
de l’escarpolette ▶ p. 414
notons également qu’aucun des deux protagonistes
n’est vraiment innocent ici, contrairement à mme
de tourvel dans le roman de laclos : chacun joue n Observation et analyse
son jeu et y prend plaisir. l’ironie du texte de laclos 1. structure
(➤ manuel, p. 26) s’exerçait à l’encontre des vil- la première ligne part en bas à gauche du bras du
lageois ou de la prude, alors qu’ici l’ironie légère jeune homme pour se prolonger avec la corde de
du narrateur s’exerce après-coup sur la manipu- l’escarpolette. la deuxième ligne part en bas à droite
latrice – et peut-être aussi à l’égard du naïf jeune de la corde tirée par l’évêque et se poursuit avec les
homme qu’il fut. feuillages sur la gauche. le point de croisement des
Méthode
la lecture de l’image ▶ p. 420
le Moi et l’histoire :
22 des mémoires à l’autobiographie
retz son crime le moine ligueur régicide. l’inscription
1 Mémoires ▶ p. 427
revêt dans le contexte de sédition une connotation
particulière : s’il ne s’agit pas ici de tuer le roi,
Pour commencer il s’agit bien de remettre en cause son pouvoir,
poussé par l’ambition et attiré par la gloire, gondi ne incarné par son premier ministre mazarin. par
cesse de convoiter toute sa vie le chapeau de cardinal, ses fonctions officielles, le coadjuteur ne peut
mais son goût pour les intrigues et son talent d’agita- que condamner officiellement l’inscription sacri-
teur le mèneront tout à la fois à l’archevêché de paris lège (réprimande et destruction publique, l. 8-9)
et dans une cellule de la prison de vincennes. très tôt mais son geste même en révèle la signification
il manifeste son intérêt pour les conspirations avec la révolutionnaire, c’est-à-dire le contenu politique,
rédaction d’une nouvelle intitulée la conjuration de avec l’écho « Point de mazarin ! » (l. 10). entre la
Fiesque (1639), inspirée d’événements qui se dérou- personne royale qu’il protège symboliquement et la
lèrent à gênes en 1547. la mort du cardinal, suivie foule frondeuse dont il fait entendre la revendica-
de celle de louis xiii (1643), marque le début de sa tion, le coadjuteur occupe une place médiane dont
carrière : « il me semble que je n’ai été jusques ici il voudra faire une position de pouvoir.
que dans le parterre, ou tout au plus dans l’orchestre,
à jouer et à badiner avec les violons ; je vas monter 2. une véritable saynète
sur le théâtre, où vous verrez des scènes, non pas le second paragraphe se présente comme une petite
dignes de vous, mais un peu moins indignes de votre comédie où chacun joue son rôle. l’argentier récite,
attention. » (mémoires, fin de la première partie). il du mieux qu’il peut, un texte écrit par la reine
est ainsi nommé coadjuteur le 12 juin 1643. son goût (me conjura de sa part, l. 12 ; fit ce qu’il put pour
pour l’intrigue le conduit naturellement à occuper une me persuader, l. 20-21), même s’il ne semble pas
place de choix dans l’épisode de la Fronde : après convaincu par le rôle qu’on lui a confié. de son côté,
avoir tenté en vain de jouer les intermédiaires entre le le coadjuteur joue, avec une certaine délectation, la
peuple et la reine, il encourage la sédition. mais son carte de la fausse modestie et de la fausse naïveté.
ambition et l’évolution des événements le ramènent il commence sur une tonalité sobre, froidement et
dans le camp de la reine avec laquelle il accepte modestement (l. 14), puis semble prendre un véritable
de s’allier, en échange du chapeau de cardinal qu’il plaisir à endosser ce rôle d’hypocrite qui lui permet
obtient en 1651. louis xiv n’ayant jamais pardonné de se venger du mépris que lui a infligé la cour. il
l’humiliation de la fuite à saint germain, le fait arrêter surjoue alors son personnage, multiplie les marques
et jeter en prison à son retour à paris, en octobre ou de respect, de douleur, de regret, de soumission (l. 18)
novembre 1652. après son évasion, retz mène une et déforme la réalité. il rapporte ainsi les événements
vie d’errance, avant de s’installer à l’abbaye de saint de la veille dans une mise en scène mensongère
denis (obtenue en échange de sa démission du siège et exagérée comme le soulignent les nombreuses
d’archevêque), où il rédige ses mémoires. hyperboles des lignes 15-17 (si odieux, pour avoir
voulu seulement, obligé […] même fort brusque-
n Observation et analyse ment). le sommet de la feinte et de la dissimula-
1. « saint jacques clément » tion est atteint dans la dernière phrase : l’argentier
l’expression saint jacques clément, gravée sur feint d’être sourd aux cris de la rue qui acclame le
le hausse-cou (l. 6) d’un officier, béatifie pour coadjuteur (l. 19-20) et de son côté, le coadjuteur
6. le choix du tu
le choix de la deuxième personne du singulier pour n genre et composition
désigner l’auteur s’explique par une volonté de celui- 1. le titre
ci de se mettre à distance. cette deuxième personne le titre de l’œuvre renvoie aux deux significations
établit un triple dialogue de l’auteur avec lui-même, du mot « lambeaux » : l’idée de déchirure et de bles-
avec ses mères, et avec le lecteur qui se trouve ainsi sure d’une part, la notion de fragment et de morceau
impliqué dans cette démarche d’introspection. d’autre part. la blessure désigne à la fois celle de
Juliet, arraché à sa mère un mois après sa naissance,
n Vers le Bac (commentaire) et la vie de sa mère biologique qui ne fut que souf-
plan de commentaire comparé : frances et « arrachements » (p. 24). quant au motif
i. une mise en abyme de l’œuvre du fragment, il illustre aussi bien le style de l’œuvre,
1) les origines souvent elliptique et proche du verset biblique, que
2) les difficultés sa composition faite d’une juxtaposition de bribes de
la vie d’une mère inconnue et d’un moi déchiré. ces
3) la signification du titre
bribes de vie, mis bout à bout, permettent paradoxale-
ii. la quête de soi grâce à l’écriture ment à l’auteur de construire une œuvre, lambeaux,
1) la tentation de nier le passé et de reconstruire une identité en lambeaux.
E duperey La mort Un être dépossédé Révolte et colère ; Retrouver une identité perdue,
Chap. 23, p. 445 accidentelle de d’une part de sa vie pathétique, un passé occulté
ses parents amertume et
désespoir
F semprun Un mort vivant Le vertige de celui Lyrisme et pathos Écrire pour se replonger dans
Chap. 22, p. 438 qui a traversé la liés à l’expérience la mort et renoncer à vivre, ou
mort du survivant écrire pour dépasser la mort
grâce à l’écriture
G Juliet La disparition de Le besoin d’écrire Hommage aux Enfanter par les mots la
Chap. 23, p. 446 sa (ses) mère(s) et de leur donner mères dans un mère qu’il n’a jamais connue.
la parole lyrisme sobre et Exorciser sa douleur grâce à
poétique l’écriture
Mythes
24 et réécritures
ovide […] des euménides (l. 5-6), qui en font, au sens
1 Les Métamorphoses ▶ p. 465
étymologique du terme, un tableau élégiaque.
2. le paysage des enfers
Pour commencer cette évocation des enfers propose une géographie
c’est, avec celle de virgile, la version de référence accidentée (un sentier raide, abrupt, l. 12) et une
de l’épisode le plus populaire du mythe orphique : atmosphère qui rend sourd et aveugle. on notera
la descente aux enfers du héros (la catabase, pour en effet comment la première phrase du second
les érudits) pour aller rechercher eurydice ; c’est elle paragraphe encadre l’indication toponymique par
qui fixe les traits essentiels du mythe, les mythèmes deux notations sensorielles négatives touchant l’ouïe
à partir desquels les avatars de toutes sortes et de (silences profonds) pour l’une et la vue (un épais
tous registres feront entendre leurs variations. sur la brouillard) pour l’autre. climat de cauchemar, qui
mort d’eurydice, il convient de noter une différence semble boucher les issues et refuser toute sortie.
entre les récits de virgile et d’ovide, qui donnera 3. le geste fatal
lieu à deux traditions concurrentes : le second ignore
la phrase d’ovide (l. 14-15) enchaîne trois expli-
la responsabilité que le premier fait peser sur le
cations pour justifier le geste fatal d’orphée, trois
berger aristée, amoureux de la jeune femme ; c’est
explications d’autant plus distinctes qu’elles sont
en s’enfuyant pour échapper à ses avances pressantes
exprimées (en latin comme dans notre traduction)
qu’elle se fait piquer par un serpent auquel dans sa
par trois groupes de nature différente. en fait, il n’y a
course elle n’avait pas prêté attention. on retrouvera
que deux raisons particulières : la crainte pour le
ce rôle chez offenbach, qui saura en tirer des effets
futur proche (craignant qu’elle ne disparaisse) et le
vaudevillesques.
désir impérieux dans le présent (brûlant de la voir) :
la troisième explication (plein d’amour) échappe à la
n Observation et analyse
circonstance particulière et rend compte de la puissance
1. le monde infernal de la passion qui le perd après l’avoir fait vaincre.
pour évoquer la puissance du chant d’orphée sur le
monde des enfers, ovide montre son effet paralysant 4. la disparition d’eurydice
sur ce qui n’est précisément susceptible d’aucune la phrase commence par la progression commune des
rémission : les châtiments des grands criminels, iden- deux époux (ils n’étaient plus très loin, l. 13), mais
tifiés pour l’éternité à leur supplice. il énumère cinq le couple est séparé par une initiative fatale d’orphée
des plus célèbres, réduits à un élément métonymique (il tourna ses yeux, l. 15). en se retournant, celui-ci
(l’onde fuyante, la roue, les vautours, les urnes, rompt et inverse le mouvement qui les portait vers la
le rocher). l’évocation rapide des quatre premiers les sortie ; eurydice, laissée seule en position de sujet,
suspend dans le même temps, sous la forme alternée est prise entre un élan désespéré qui veut poursuivre
d’une négation (ne… plus) ou d’un verbe (s’immo- l’impulsion initiale (tendant les bras, recherchant
bilisa, laissèrent) ; dans un crescendo, la cinquième une mutuelle étreinte, l. 15-16) et le mouvement
évocation annule le châtiment en renversant l’image violent d’aspiration qui la fait retombe[r] au lieu
de la légende, et apostrophe spectaculairement le d’où elle venait (l. 19-20). la tension de cet effort se
réprouvé. ce tableau du peuple des enfers est encadré lit dans le retard avec lequel arrive la chute, pourtant
par les pleurs des ombres livides (l. 2) et les larmes inéluctable (l. 20).
1. les motifs du lyrisme amoureux fille marie, contrainte d’accepter, les larmes aux
d’après les pages 109-113, les motifs du lyrisme yeux, la demande en mariage pour éviter la ruine
amoureux les plus fréquents sont : de sa famille (p. 229), celle de hedda qui, poussée
– l’expression de la souffrance du poète, liée au par la jalousie, brûle, en cachette, les cahiers que
désespoir de n’être pas aimé (soupiré, p. 109 ; sou- son ancien amant a écrit avec une autre femme,
pirs, je désespère, p. 110 ; soucis, p. 111 ; ma peine, en chuchotant des paroles vengeresses (l. 61-64,
p. 112, 113) ; pp. 230-231).
– la manifestation de cette souffrance à travers le
4. l’humour dans la fable
motif des pleurs (sanglots, p. 109 ; la pluie des
l’humour de la fable de la Fontaine repose sur un
pleurs, p. 110) ;
renversement des rôles mis en valeur par :
– l’atténuation de cette souffrance liée à l’espoir
– la ruse du coq qui feint de se réjouir de la paix
d’être aimé (d’espoirs et de désir, p. 110 ; espoir,
(antiphrases v. 16, 19) et joue les naïfs (v. 24) pour
p. 111) ;
mieux tromper le trompeur ;
– la métaphore de la tempête qui traduit bien cette
– la déconfiture du renard, soulignée par l’enjam-
oscillation entre l’espoir et le désespoir (pp. 110, 111,
bement et le rejet du vers 26 ;
113, comme l’océan, son flux et son reflux), entre la
– la complicité qui unit le narrateur et le coq (v. 2,
vie et la mort (tu me réveilles / de cet abîme auquel
27, 30-32).
je périssais, p. 111).
quant à la fable d’anouilh, son humour s’appuie sur :
2. le tragique au chapitre 22 – la complicité de l’auteur et du lecteur, et le ton
il est exprimé dans les textes 7, 8 et 9, qui disent familier, voire provocateur (v 7, 19) qu’il utilise à
l’individu broyé par les forces de l’histoire, qui se son égard ;
déchaînent avec le même aveuglement que dans les – son caractère parodique ;
mythes les forces des dieux. – sa vision désabusée de la nature humaine.
alors que la Fontaine développe de manière légère
3. le pathétique dans le drame
et humoristique une morale facile à transmettre aux
le pathétique s’exprime, dans les textes des pages
enfants, anouilh se moque de cette vision idyllique
220-221, à travers le champ lexical de la mort et
pour lui substituer, sur un ton également léger et humo-
du malheur (trop vécu, malheur, désespéré, je suis
ristique, un tableau cynique et désabusé de la nature
perdu, je périrai, périr, p. 220 ; je vais mourir,
humaine, qui s’adresse à un public plus averti.
malheureux, désespoir, etc., p. 221) et une sensibilité
exacerbée qui est soulignée par les didascalies 5. comique(s) dans Candide
(s’écrie, pousse des accents douloureux, soupirant les différents registres comiques dans l’incipit de
de douleur, se jetant aux pieds de son père, p. 220 ; candide :
en désordre, levant les bras, au désespoir, anéantie, le comique de pensée :
égarée, délire, priant les mains jointes, p. 221) – l’ironie, avec les antiphrases (il prouvait admirable-
et se traduit dans le dialogue par de nombreuses ment l. 23-24) et les superlatifs des lignes 24-26, qui
phrases interrogatives ou exclamatives, ainsi que permet de critiquer la philosophie optimiste ;
de fréquentes hyperboles (celle qu’il chérit au-delà – l’humour : à travers l’expression antiphrastique
de la vie, p. 220). le fils du baron paraissait en tout digne de son père,
à l’inverse, le registre pathétique des pages 229-230 qui permet de critiquer la noblesse ;
est beaucoup plus sobre et dépouillé : les sentiments le comique de déformation :
sont plus retenus, le ton n’est plus celui de la révolte – la parodie : reprend les caractéristiques du conte
ou de la colère mais de la résignation et de l’accepta- (il y avait en Westphalie, dans le château…) pour
tion du malheur. dès lors le pathétique ne s’exprime mieux s’en éloigner ;
pas dans les paroles ou les gestes exacerbés des – le burlesque : souligné par le décalage entre les
personnages, mais dans la solitude des personnages : termes respectables de précepteur, oracle et le jeu de
celle de la veuve face aux créanciers, celle de sa mot sur nigaud (professeur de métaphysico-théologo-
4. les images
L’exposé les c.r.s. ne sont jamais nommés comme tels,
curtis, La Chine m’inquiète ▶ p. 498
mais seulement tels qu’ils sont perçus dans une
vision subjective : d’abord des monstres qui jaillis-
n Pour analyser le texte sent (l. 12-13), vite assimilés à des extraterrestres
La scène sort[ant] d’une soucoupe volante (l. 15-16) – c’est un
1. rapport de forces lieu commun de la culture populaire depuis les années
l’étude du rapport de forces divise la scène en cinquante. la situation nous fait vite reconnaître des
deux moments. le premier (l. 1-10) met aux prises c.r.s. derrière ces martiens (l. 15), d’autant plus
eugène et l’un des manifestants ; le second (l. 11-41) que, avec ces grands masques carrés en plexiglas
et ces boucliers (l. 17-18), le texte – sous couvert de
voit intervenir un nouvel acteur, la brigade des
nous plonger dans l’univers de la science-fiction –
c.r.s., qui fait disparaître l’interlocuteur d’eugène
fournit la description littérale de leur équipement.
à l’intérieur du groupe des manifestants. entre ces
en continuant à les nommer martiens (l. 23, 33),
deux groupes face à face, le narrateur et son ami
le narrateur met l’accent sur la force mécanique de
eugène, [p]ris entre deux périls, [e]ntre deux feux
leur progression (comme des robots qu’ils avancent
(l. 24-25) : position précaire que l’extase inattendue vers nous, l. 18-19) ; il justifie aussi comiquement le
d’eugène fait durer, immobilisant la scène jusqu’à terme d’apparition céleste (l. 30), dégradant l’extase
ce qu’il rejoigne la barricade, c’est-à-dire le camp du domaine religieux à celui de la science-fiction.
préalablement ennemi.
La réécriture
2. statut social des « héros » 5. la langue de céline
la gouaille d’eugène et le style du narrateur font on reconnaît ici l’utilisation de l’argot, la transposi-
d’eux des gens du peuple, un peu « anars », dans la tion de la langue orale, les onomatopées, les incor-
lignée des héros de céline revus par audiard. s’ils rections d’une syntaxe populaire, l’énonciation à
n’ont pas assez d’illusions pour éprouver de la sym- la première personne, le rythme haché de la phrase
pathie envers les étudiants qui manifestent (d’autant avec recherche systématique de la syncope dont rend
qu’ils sont en majorité issus de la bourgeoisie), la bien compte la ponctuation
solidarité avec les forces de l’ordre (les cognes, l. 29)
6. pastiche ou parodie
n’est pas leur genre. l’extase d’eugène (bouche bée
la parodie est une agression polémique, le pastiche
de bonheur, l. 28-29) devant la charge des c.r.s.
est un hommage affectueux. la première vise à
est donc assez surprenante, et la réaction éberluée discréditer un créateur en le réduisant à la somme de
du narrateur l’atteste : complètement sonné, je vous ses tics ; le second s’amuse à entrer dans ses secrets
dis... je raconte comme je pense... (l. 32-33). de fabrication, avec une complicité qui n’est pas
La narration dénuée de malice, bien sûr, mais pas non plus d’une
3. modalités du discours vraie tendresse. c’est bien évidemment du côté du
on voit dans la réplique des lignes 8-10 le discours pastiche que se range Jean-louis curtis.
direct (la rue elle est à nous) évoluer en discours 7. le plaisir de l’identification
indirect libre (où c’est qu’y se croyait ce mec ?). de même que l’auteur du pastiche s’est amusé à
c’est assez original, car généralement le discours retrouver la manière d’un écrivain, le lecteur à son
indirect libre intervient dans le cours du récit. cela tour a plaisir à reconnaître la source, à identifier
contribue à gommer un peu plus les frontières entre telle référence, tel tic de style, telle obsession. cet
récit et discours, dans un texte dont la voix narrative appel à sa mémoire culturelle établit une complicité
est fortement oralisée. triangulaire entre lui, le pastiché, et le pasticheur.
i. Que réécrit-on ? ii. de qui/de quoi iii. sur quel ton ? iv. dans quelle
sourit-on ? (registre) intention ?
A Boileau et alii, Un succès récent Un confrère Burlesque Régler un compte
chap. 25, p. 453 déjà « classique » littéraire
100 %
PAPIER RECYCLÉ
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