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Classiques & Cie lycée • Le Malade imaginaire • guide pédagogique

Molière,
Le Malade imaginaire
(édition Nouveau BAC 1re)

GUIDE PEDAGOGIQUE
établi par Nora Nadifi

L’œuvre : présentation
 Le contexte historique et culturel ……………………………………………………………………………………2
 Des pistes pour entrer dans l’oeuvre………………………………………………………………………………3
 La structure de la pièce ………………………………………………………………………………………………………4
 Le comique moliéresque ……………………………………………………………………………………………………6
 La satire de la médecine………………………………………………………………………………………………………9
 La comédie-ballet : un spectacle total …………………………………………………………………………..11

L’édition Classiques & Cie lycée


 L’avant-texte ……………………………………………………………………………………………………………………… 13
 Au fil du texte : Des clés pour la lecture linéaire ……………………………………………………….13
 Le bilan de lecture ……………………………………………………………………………………………………………..13
 Le parcours « Spectacle et comédie » …………………………………………………………………………. 13
 Le dossier Nouveau Bac ……….……………………………………………………………………………………………14

Exercices & sujets : les corrigés


 Le bilan de lecture ………………………………………………………………………………………………………………. 15
 Des clés pour la lecture linéaire ………………………………………………………………………………………. 18
 Les lectures d’images …………………………………………………………………………………………………………..39
 Les sujets d’écrit et d’oral …………………………………………………………………………………………………..42

1 • Hatier © 2020
Classiques & Cie lycée • Le Malade imaginaire • guide pédagogique

L’ŒUVRE
Présentation

Le contexte historique et culturel

 Le siècle de Louis XIV


• Le siècle de Louis XIV, roi absolu qui voulait faire de la France un royaume puissant et un
modèle culturel, est celui du classicisme. Ce courant intellectuel et artistique est également
idéologique : les modèles antiques nourrissent un idéal d'ordre, de symétrie et d'harmonie,
de maîtrise de soi et de la nature, dont le roi souhaite qu'il caractérise son règne.
• Au-delà du contexte historique, il est nécessaire que les élèves prennent conscience de
l’existence d’une histoire littéraire. Après leurs prédécesseurs de la Renaissance, il s'agit,
pour les auteurs et les artistes de la deuxième moitié du XVIIe siècle, d'imiter ce que
l'Antiquité a légué de plus abouti et de plus sublime, afin de donner aux lettres et aux arts
français une nouvelle splendeur. Par exemple, la Poétique d'Aristote fournit un cadre
théorique à la tragédie classique, qui se soumet à la règle des trois unités.
• Pour préparer la compréhension du contexte historique, la première lecture de l’œuvre
par les élèves devra recourir aux nombreuses notes de bas de page, qui précisent les mœurs
et le langage de l'époque. On pourra leur proposer ensuite, pour l'approfondir, de réaliser
des recherches documentaires sur le courant classique, la comédie au XVIIe siècle (illustrée
par le tableau Farceurs français et italiens, image 2) ou la médecine de l’époque.

 La vie de Molière
• Le contexte biographique a également son importance. Lorsque Molière crée sa dernière
pièce, sa renommée est grande. Il dirige la troupe du roi, pour lequel il a déjà créé de
nombreux spectacles. Mais sa récente brouille avec le compositeur Lully, grand favori de la
cour, l'a fait tomber dans une certaine disgrâce : Lully fit des difficultés pour autoriser la
musique du Malade imaginaire, composée par Marc-Antoine Charpentier. Ainsi, la pièce ne
fut pas, comme prévu, représentée devant le roi à Versailles.
• Par ailleurs, Molière est malade depuis de nombreux mois. Il tousse très souvent, difficulté
qu'il tourne à des fins comiques. Contrairement au cas Argan, son état de santé n'est pas
celui d'un malade imginaire, et il meurt le lendemain de la quatrième représentation, le
17 février 1673 (image 3, le fauteuil de Molière). Dans ce chef-d'œuvre, à la fois comédie de
caractère et comédie-ballet, Molière, au sommet de son art, nous purge de notre peur de la
mort et nous enjoint à vivre.
• En classe, le professeur pourra vérifier si la lecture de l'œuvre a été effectuée avec sérieux
par un questionnement oral sous forme de « qui est-ce ? » (faire deviner un personnage de
la comédie à partir de sa description) ou « qui dit… ? » (faire deviner un personnage en lisant
l'une de ses répliques), puis en proposant à ses élèves de réaliser une galerie des
personnages de la pièce pour mettre en évidence leurs caractéristiques, leurs liens entre eux
et leur rôle dans l’intrigue.
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Des pistes pour entrer dans l’œuvre

Pour entrer dans Le Malade imaginaire, on peut consacrer une séance à l’interprétation du
titre de l’œuvre, à l'analyse de la liste des personnages et à la présence des intermèdes et
des ballets au sein de la comédie.

 Le titre de la pièce
• Le titre est à la fois synonyme de gravité et de légèreté, car il y est question de maladie et
d'imagination. L'alliance de ces deux mots suscite la curiosité. Le déterminant nous indique
que la pièce porte le nom de son personnage principal, désigné par une périphrase : « le
malade imaginaire ». L'article défini nous le présente comme une sorte d'incarnation de cet
état étrange, un type indépassable, un personnage hors du commun, un « cas 1 ».

 La liste des personnages


• À travers l'analyse de la liste des personnages, on pourra en identifier certains qui sont
caractéristiques du genre comique : le père, ses filles, sa seconde épouse et son frère nous
indiquent qu'il s'agit d'une comédie familiale. La mention de l’amant révèle une intrigue
amoureuse. Des représentants de professions libérales, médecins et notaire, évoquent les
thèmes de la pièce. Quant à la servante, elle apparaît comme un personnage-type de la
comédie.

 Les intermèdes et les entrées de ballet


• L'analyse des intermèdes et des entrées de ballet permettra d'aborder le genre de la
comédie-ballet : fééries de la mythologie, pastorales amoureuses, scène « italienne » avec
Polichinelle (voir image 2), dénouement-spectacle avec l'intronisation d'Argan dans le corps
des médecins. On fera repérer aux élèves les moments où interviennent les ballets et les
chants ainsi que le type de personnages qui les interprètent. On attirera leur attention sur
les genres et la variété de ces passages, et on les invitera à s'interroger sur leur économie et
leurs fonctions au sein de la pièce. On pourra également leur rappeler les conditions de
création et de représentation du Malade imaginaire (voir les notes afférentes aux prologues,
pages 16 et 27).

1. Patrick Dandrey, Le « cas » Argan. Molière et la maladie imaginaire, Klincksieck, 2006.

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La structure de la pièce 1

• Les premiers repérages ont dû permettre aux élèves de découvrir l'alternance des scènes
jouées et des parties chantées et dansées. Il faut donc maintenant les conduire à s’interroger
plus avant sur la construction de la pièce et la progression de l'intrigue. Le tableau de la
structure de la pièce (fiche 1, pages 194-200) constitue un outil précieux pour les élèves qui
pourront y observer clairement l'enchaînement des scènes et la distribution des intermèdes.
• Le premier acte correspond à l'exposition et à la mise en place des deux intrigues
principales qui sont fortement liées : la maladie imaginaire d'Argan et les amours
d'Angélique. L'acte s'ouvre sur une première scène particulièrement originale : le
personnage éponyme y fait son apparition et se livre à ses comptes d'apothicaire en un
« monologue-spectacle » et un « monologue-action à deux voix 2 » qui accumule et fait varier
les gestes d'Argan ainsi que les tons qu'il emploie. Entrent ensuite en scène les personnages
féminins : Toinette dans la scène 2, de façon assez pétulante, Angélique dans la scène 3 et
Béline dans la scène 6. L'intrigue familiale se met en place : Angélique confie son amour pour
Cléante à Toinette qui promet de l'aider, et Béline manœuvre aidée de son notaire afin de
capter l'héritage d'Argan.
• L'acte II est dominé par les péripéties qui s'attachent aux amours d'Angélique, le thème de
la médecine en est l'arrière-plan logique puisque son père est malade et qu'il lui destine un
jeune médecin, Thomas Diafoirus. Cet acte voit donc les autres personnages masculins
entrer en scène (sauf Monsieur Bonnefoy, le notaire qui fait son unique apparition acte I,
scène 7. L'amoureux Cléante apparaît dans la scène 1, déguisé en maître de chant, et reste
en scène jusqu'à la fin de la scène 5 où il est mis en présence de son rival, Thomas Diafoirus.
Les Diafoirus père et fils sont présents aux scènes 5 et 6, pour ne plus revenir. La fin de l'acte
voit Angélique dans une situation critique : elle a éconduit le fils Diafoirus mais a été trahie
par Béline et, sous la contrainte, par sa jeune sœur, qui disent qu'un jeune homme lui a
rendu visite. La dernière scène fait heureusement intervenir Béralde, qui va se révéler un
adjuvant précieux.
• Le troisième et dernier acte poursuite la satire des médecins avec les entrées en scène
successives de MM. Fleurant et Purgon (scènes 4 et 5) : ceux-ci, définitivement écartés, se
voient comiquement relayés par Toinette, déguisée en médecin (scènes 8 et 10). Les
intrigues s'acheminent vers leur résolution grâce aux stratagèmes de Toinette soutenue par
Béralde. L'intrigue amoureuse obtient son heureux dénouement, l'hypocrite Béline est
démasquée, et Argan, décidément incurable, se trouve délivré des médecins parasites pour
en devenir un lui-même, au cours de la cérémonie-spectacle finale.
• Argan est presque toujours en scène, le plus souvent assis, comme l'exige son état, dans
son fameux fauteuil – qui sera aussi l'accessoire principal de la comédie de sa fausse mort.
Les rares scènes dans lesquelles il n'apparaît pas – après une sortie précipitée et comique
vers les toilettes où un besoin urgent l'appelle (I, 3 et III, 1) – mettent Toinette, personnage-
clé, à l'honneur dans son rôle d'adjuvant auprès d'Angélique. Elle reçoit les confidences de la
jeune fille et lui promet son aide (I, 4 et 8) ; elle accueille Cléante, déguisé en maître de
chant (II, 1) ; elle s'assure de l'aide de Béralde pour empêcher qu'Angélique n'épouse
Thomas Diafoirus (III, 2). C'est Toinette encore qui assure la transition entre les deux

1. Voir aussi la fiche 1, pages 194-200 de l’ouvrage.


2. Mireille Cornud-Peyron, Molière, biographie, étude de l’œuvre, Albin Michel, 1994.

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premiers actes avec un premier intermède qui voit Polichinelle lui chanter une sérénade,
tandis que c'est le personnage de Béralde qui assure celle qui lie les actes II et III : le
spectacle des Égyptiens du second intermède est un plaisir qu'il offre à son frère.
• La pièce alterne actes de la comédie et intermèdes, scènes de confrontation et scènes de
complicité, scènes à deux personnages et scènes chorales, dialogues vifs et longs passages
(chant de Cléante et d'Angélique, tirade de Diafoirus), conférant à l'ensemble sa variété et la
vivacité du rythme indispensable à l'efficacité comique.

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Le comique moliéresque1

Le comique naît toujours d'un décalage, d'une sorte d'incongruité. Selon Bergson, le
comique est « quelque chose de mécanique dans quelque chose de vivant 2 ». Celui qui se
comporte de façon absurde ou mécanique suscite le rire car son attitude dérange l'ordre
social, régi par des règles, la rationalité ou le réel. Au XVIIe siècle, celui qui ne se comporte
pas en honnête homme risque d'être ridicule et risible : Argan, monomane obsédé par son
état de santé, en est le strict opposé, et le comique gestuel, farcesque, verbal, burlesque, est
tout entier lié à sa manie.

 Le comique visuel
• Le comique repose tout d'abord sur des gestes : ceux d'Argan sont ceux d'un malade
imaginaire fébrile et colérique, tandis que ceux des médecins sont sans doute
grandiloquents et caricaturaux (M. Fleurant entre en scène « une seringue à la main ») et
ceux de Béline, exagérés et faussement affectueux.
• Les gestes hérités de la farce sont sources de comique : cavalcades d'Argan après Toinette
et aux toilettes, bastonnades, sont drôles par leur soudaineté et leur violence « pour rire ».
L'art du mime est également exploité : Toinette fait semblant d'avoir mal (II, 2), mime un
geste filial d'affection et l'attitude paternelle attendrie (I, 5). Les fausses morts de Louison
(II, 8) et d'Argan (III, 12) équivalent à une absence totale de gestes et sont en cela comiques.
• Les déguisements, qui créent des quiproquos, suscitent la joie complice du spectateur.
Cléante en maître de chant et Toinette en médecin sont autant de pieds de nez à l'autorité
abusive d'Argan. Le dénouement met lui aussi le déguisement à l'honneur dans la cérémonie
burlesque au cours de laquelle tous sont déguisés en médecins et acclament Argan, devenu
médecin lui-même.

 Le comique du langage théâtral


Molière exploite toutes les ressources comiques du langage, à tous ses niveaux.
• Dans Le Malade imaginaire, les noms propres sont particulièrement drôles : les Diafoirus,
M. Fleurant et M. Purgon portent des patronymes qui évoquent la réalité triviale du transit
intestinal ; Bonnefoy (bonne foi) est un notaire qui n'en a aucune ; et Béline tient son nom
de l'animal qui bêle, le mouton. Le nom d'Argan évoque, plus que l'argent, une onomatopée
colérique.
• Le comique de mots tient ensuite à l'emploi du langage familier souvent lié au comique
farcesque. Ce sont en premier lieu les injures dont Argan accable Toinette (« chienne »,
« coquine », « carogne », scènes 1 et 2 de l’acte I), puis les saillies de la servante qui
n'épargne pas son maître (« je ne me mêle point de ces affaires-là [le lavement] ; c'est à
M. Fleurant à y mettre le nez », « ils ont en vous une bonne vache à lait », I, 2).
• Le comique de répétition de mots domine la scène 10 de l'acte III où Toinette-médecin
assène « le poumon » comme unique cause de tous les maux d'Argan avant de qualifier
M. Purgon d’« ignorant ».

1. Voir aussi la fiche 4, pages 214-218 de l’ouvrage.


2. Henri Bergson, Le Rire. Essai sur la signification du comique, 1900.

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• La langue pseudo-savante est mise au service du comique et du divertissement. Le jargon


et le pédantisme des médecins (ordonnances lues par Argan, tirade de Diafoirus, propos de
Toinette-médecin), dont l'éloquence scientifique forme un contraste comique avec les maux
de ventre qu'ils disent soigner et l'inutilité de leurs remèdes, sont ridiculisés. Le latin se fait
macaronique dans la cérémonie du troisième intermède qui parodie et satirise la Faculté :
« Et grandum malum au costé, / Cum granda difficultate / Et pena de respirare », (l. 111-114)
« Clysterium donare, / Postea seignare, / Ensuitta purgare » (l. 118-120) – ou la Sainte Trinité
des pratiques médicales rudimentaires du temps de Molière.
• Le comique naît de l'efficacité du dialogue moliéresque : les propos, les niveaux de langue,
les procédés rhétoriques, les humeurs, le rythme du dialogue varient selon les locuteurs. La
parlure de chaque personnage est au service de la vraisemblance et du rapport de force.
Médecins et notaire usent du jargon de leur profession, Argan crie et tempête en bon
atrabilaire. Quant à Toinette, elle a le langage de son statut mais beaucoup de répartie.
Ainsi, elle fait preuve d'une ironie mordante à l'égard de Thomas Diafoirus : « Que vous serez
bien engendré ! Vous allez voir le garçon le mieux fait du monde, et le plus spirituel. » (II, 4,
l. 99-101) « Voilà ce que c'est que d'étudier, on apprend à dire de belles choses » (II, 5, l. 198-
199). À l'inverse, l'ironie d'Argan, à court d'arguments face à Béralde, apparaît comme une
répartie puérile : « toute la science du monde est renfermée dans votre tête » (III, 3, l. 169-
170), « Vous êtes un grand docteur, à ce que je vois » (III, 3, l. 176).

 Une esthétique du ridicule 1


• Comme toujours chez Molière, la mesquinerie est ridicule, et elle est souvent liée au
thème de l'argent. Celui que compte Argan au début de la pièce, estomaqué par les sommes
que lui réclame l'apothicaire, celui que convoite Béline, marâtre intéressée qui tombe le
masque lorsqu'elle croit Argan mort et sa fortune assurée, ou encore celui que réclament
médecins et notaire, dont il faut avoir les moyens de se payer les services. Mais ce sont
surtout les rapports entre le malade et son médecin qui vont cristalliser la visée satirique de
la pièce.
• Le projet de Molière – « corriger les mœurs par le rire » – implique une double ambition :
peindre les mœurs de son temps et faire rire. La première exige de la vraisemblance, la
seconde, l'outrance caricaturale. Il met donc en scène, de façon réaliste, les excès et la folie
de l'homme qui portent en eux-mêmes leur propre ridicule. Le comique naît ainsi de la
confrontation entre le réel et la folie d'Argan : il ne cesse d'évoquer son corps souffrant,
avide de remèdes, tandis que tous lui font remarquer qu'il est bien portant. Agité de
secousses et de soubresauts – ceux de la colère plus que ceux de son appareil digestif – il
donne bien l'impression d'être un « malade imaginaire ». Sa folie se heurte aux propos
raisonnables des proches qui l'aiment – Toinette, Béralde, Angélique – mais se soumet à
l'hypocrite Béline, en une inversion des valeurs que réalise la folie de son caractère.
• Sa peur de la maladie et de la mort le pousse à adopter des comportements égoïstes et
infantiles, et à tenir des propos grotesques : « je veux mettre dans ma famille les gens dont
j'ai besoin » (III, 3, l. 65), « combien est-ce qu'il faut mettre de grains de sel dans un œuf ? »
(II, 6, l. 576-577), « N'y a-t-il point quelque danger à contrefaire le mort ? » (III, 11, l. 586). À
l'approche du dénouement, les propos absurdes de Toinette, faux médecin, répondent à sa

1. Patrick Dandrey, Molière ou l’esthétique du ridicule, Klincksieck, 2002.

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folie : « Voilà un bras que je me ferais couper tout à l'heure, si j'étais que de vous » (III, 10,
l. 512-513). C'est qu'Argan est incurable et Molière, juste avant de mourir, veut peut-être
nous faire comprendre qu'à défaut de le guérir, on peut toujours en rire.

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La satire de la médecine1

Molière, humaniste et moraliste, fait prendre conscience aux hommes de leurs propres
folies : folie de l'homme qui, comme Argan, est le jouet d'une passion qui lui fait nier tout
bon sens, l'enferme dans l'égocentrisme et l'éloigne de la vie même ; et folie des hommes
qui se fient aux médecins, comme l’énonce Béralde : « rien de plus ridicule qu'un homme qui
se veut mêler d’en guérir un autre » (III, 3, l. 95-96).

 Argan, un monomane hanté par la peur de la mort


• Son désir d'avoir un gendre médecin manifeste l'ampleur de la manie d'Argan, son
égoïsme et son mépris envers les sentiments de sa fille, qu'il hésite à envoyer au couvent. Sa
maladie est en réalité psychique : sa confiance en la médecine est aveugle, il prend toutes
les médications prescrites quotidiennement et l'on se demande, avec Toinette et Béralde,
comment son corps peut supporter tant de lavements et de médecines. Sa maladie combine
à la fois la peur de la mort et un état pathologique au sein duquel le corps toujours souffrant
et continuellement traité se substitue à l'état de bonne santé, inconnu de notre « malade
imaginaire ».

 Un apothicaire et trois médecins, cibles de la satire


• Les Diafoirus d'une part et MM. Fleurant et Purgon de l'autre forment deux duos
comiques. Le ridicule des médecins, « marionnettes mécaniques qui font rire 2 » pour
reprendre les mots de Mireille Cornud-Peyron, est mis en scène de façon très efficace car il
apparaît sous différentes formes. Sous une forme textuelle, tout d'abord, avec les
interminables et quotidiennes (!) ordonnances de M. Purgon et l'accumulation des sommes
demandées par M. Fleurant. Ensuite, dans les scènes, rares finalement, où les médecins
apparaissent, ceux-ci sont constamment ridiculisés par le biais des comiques de situation et
de mœurs. Dans les scènes 5 et 6 de l'acte II, les Diafoirus père et fils viennent demander la
main d'Angélique : le fils est ridiculisé par le quiproquo qui l'amène à faire son compliment à
sa belle-mère, par le piteux éloge que son père fait de lui et par le rejet d'Angélique. Le duo
amoureux formé par Cléante et Angélique dans la scène 4 établit un contraste qui achève de
le disqualifier. Le père ne s'en sort pas mieux : ridicule dans ses prétentions à vouloir marier
avantageusement son benêt de fils, il l'est aussi dans son attitude pédante. La consultation
impromptue demandée par Argan montre le duo père-fils en action, au comble du ridicule :
MONSIEUR DIAFOIRUS lui tâte le pouls. – Allons, Thomas, prenez l'autre bras de
Monsieur […]. Quid dicis ?
THOMAS DIAFOIRUS. – Dico que le pouls de Monsieur est le pouls d'un homme qui ne
se porte point bien.
[…]
MONSIEUR DIAFOIRUS. – [M. Purgon] vous ordonne sans doute de manger force rôti ?
ARGAN. – Non, rien que du bouilli.
MONSIEUR DIAFOIRUS. – Eh ! oui : rôti, bouilli, même chose. (II, 6)

1. Voir aussi la fiche 3, pages 209-213 de l’ouvrage.


2. Mireille Cornud-Peyron, ibid.

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• À l'acte III, MM. Fleurant et Purgon, dont les noms n'ont cessé de hanter la pièce depuis le
début, tant ils font partie intégrante de l'obsession d'Argan, font enfin leur apparition. Mais
ils vont disparaître de scène aussi vite qu'ils y sont entrés, congédiés pour le bien de toute la
famille. Dans la scène 4, très courte, M. Fleurant arrive une seringue à la main pour
administrer un nouveau clystère à Argan, mais Béralde le renvoie vertement : « Allez,
Monsieur, on voit bien que vous n'avez pas accoutumé de parler à des visages. » (l. 239-240)
Dans la scène qui suit (III, 5), c'est M. Purgon, prévenu par M. Fleurant qu'on refusait son
traitement, qui vient demander des comptes : « Voilà une hardiesse bien grande, une
étrange rébellion d'un malade contre son médecin. » (l. 265-266) Le déterminant possessif
est ici plaisant : on a plutôt l'impression qu'il s'agit du médecin et de « son » malade !

 La sagesse de Molière
• Une fois les charlatans congédiés, le salut d'Argan ne peut venir que de faux médecins :
Toinette joue ce rôle avec conviction et incarne la caricature du médecin itinérant face
auquel, pour une fois, Argan se montre quelque peu dubitatif. Finalement délivré de sa
femme et convaincu de l'amour de sa fille, Argan accepte qu'elle épouse Cléante, à condition
« qu'il se fasse médecin » (III, 14, l. 689). Argan demeure donc incurable. Cependant, à la fin,
dès lors que les parasites ont été éliminés, Béralde a une idée : « mon frère, il me vient une
pensée : faites-vous médecin vous-même » (III, 14, l. 696-697). Le ton se fait à nouveau
satirique : « Vous êtes assez savant ; et il y en a beaucoup parmi eux qui ne sont pas plus
habiles que vous. […] En recevant la robe et le bonnet de médecin, vous apprendrez tout
cela. » (l. 704-709) La proposition de Béralde est la seule solution qui permette à Argan de
vivre et à l'ordre familial d'être rétabli : « ma nièce, ce n'est pas tant le jouer, que
s'accommoder à ses fantaisies. » (l. 742-743)
• Béralde incarne ainsi la voix de la sagesse, celle de Molière qui nous livre sa conception de
la médecine de son temps avec lucidité et sincérité. Béralde-Molière déclare ainsi que les
médecins ne savent qu'un « galimatias », c’est-à-dire « un spécieux babil, qui vous donne des
mots pour des raisons, et des promesses pour des effets. » Molière avait raillé les médecins
bien avant Le Malade imaginaire et d'être lui même malade. Reprenant le thème du
médecin ridicule, déjà présent dans l'Antiquité et dans le théâtre italien et espagnol (d'où
sont tirés les sujets du Médecin malgré lui et du Médecin volant), et héritant la sagesse
humaniste (« Le malade a succombé sous le nombre des médecins » écrivit Montaigne),
Molière fait une satire totale et pénétrante, réaliste et informée, de la médecine de son
temps et, à travers elle, nous parle de sa condition d'homme et de la vie même. Béralde
porte la voix de Molière, sa conception humaniste de l'homme et sa conception hédoniste
de la vie.
• Pour conclure, voici le propos d’Antoine Adam à ce sujet :
« Voilà, à le bien prendre, l'exacte portée du Malade imaginaire et voilà par où il se
rattache au projet d'une comédie dirigée contre la Faculté de théologie. Cette terrible
satire, en effet, ne tombe pas seulement sur le corps médical, sur ses routines, son
respect des formalités, son ignorance prétentieuse. Elle ne tombe pas seulement sur la
médecine. Elle atteint, elle enveloppe la scolastique, la philosophie officielle,
l'aristotélisme des Facultés 1. »

1. Antoine Adam, Histoire de la littérature française du XVIIe siècle, tome 3, 1952.

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La comédie-ballet : un spectacle total1

• La comédie-ballet est une « comédie mêlée » héritée du ballet de cour de la Renaissance.


Les Valois, Henri IV, Louis XIII appréciaient le ballet, suite de tableaux vivants mis en
musique, prétextes à des danses dont les princes et les courtisans exécutaient les figures les
plus complexes. D’abord burlesques puis plus politiques, les ballets constituaient déjà une
forme de propagande monarchique.
• D'aucuns considèrent Molière comme l'inventeur de la comédie-ballet. Ce type de
comédie diffère des comédies récitées par l'ajout d'ornements ou d'agréments, c'est-à-dire
de parties dansées et chantées (entrées de ballet et intermèdes). Molière en affirme
l'ambition et le principe dès l'Avertissement des Fâcheux, sa première comédie-ballet créée
en 1661 pour Fouquet, surintendant des finances, dans le cadre d'une fête dédiée au roi lors
de l'inauguration du château de Vaux-le-Vicomte – et dont la magnificence lui vaudra sa
disgrâce… Molière veut « ne faire qu'une seule chose du ballet et de la comédie 2 ». À partir
de 1664, toutes ses comédies-ballets sont créées pour les divertissements royaux, à la
demande du roi qui y voit le moyen de servir sa gloire. Molière ne cesse d'en perfectionner
l'ordonnance et l'écriture, qu'elles soient en vers ou en prose, relevant le défi de plaire à la
fois au public de la cour et à celui de la ville.
• L'intrigue de la comédie met en scène des nobles ou des bourgeois. Les premiers se
sentent flattés d'apparaître à leur avantage, au sein d'un spectacle qui met en valeur la
supériorité de leur statut, les codes de l'honnêteté, le raffinement de leurs mœurs et des
plaisirs sensoriels qui leur sont offerts par la comédie-ballet. Les bourgeois constituent leurs
faire-valoir : ils suscitent leur rire moqueur par leurs prétentions à la noblesse, comme
Monsieur Jourdain dans Le Bourgeois gentilhomme. Mais Molière parvient également à
plaire au public bourgeois de Paris. Le comique farcesque, le réalisme des problématiques
familiales, des tempéraments et des ridicules représentés, les excès des « maniaques » ou
de certains nobles et courtisans « fâcheux » ou prétentieux, le bon sens exprimé par certains
personnages, emportent l'adhésion de ces spectateurs. Ainsi, Molière, sans épargner
personne, a su gagner tous les publics.
• Malgré le fait que la comédie-ballet constituait un divertissement parmi d'autres et que
son intrigue ne devait pas nécessairement s'y rattacher, Molière voulait que l'action et les
divertissements soient le plus liés possible. Déjà, dans Les Fâcheux, les intermèdes
coïncidaient avec l'intrigue puisqu'y défilaient des ballets de fâcheux interrompant toujours
les amoureux. Dans Le Bourgeois gentilhomme, l'une des comédies-ballets les plus réussies
de Molière, les spectacles de la pièce sont justifiés parce qu'ils sont donnés aux personnages
de la comédie et exécutés par les nombreux maîtres qui défilent auprès de M. Jourdain pour
lui montrer l'étendue de leur art. La gageure de lier le réalisme et le comique de la comédie
aux intermèdes dansés et chantés trouve son point d'orgue avec Le Malade imaginaire, où
se côtoient pastorale amoureuse et coliques d'Argan, chants d'amour et consultations
médicales. Le thème de l'amour, omniprésent dans les œuvres du dramaturge, assure le lien
entre la comédie et les divertissements : à la pastorale des entrées de ballet font écho la
sérénade donnée par Polichinelle à Toinette lors du premier intermède – sur le mode
burlesque, l'air d'opéra chanté par Cléante et Angélique, puis le ballet égyptien du second

1. Voir aussi la fiche 5, pages 219-222 de l’ouvrage.


2. Voir l’Avertissement des Fâcheux.

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intermède. Le troisième intermède, en même temps qu'il intronise Argan et scelle


l'harmonie retrouvée avec sa famille, illustre également le triomphe de l'amour, soulignant
le dénouement heureux de l'intrigue amoureuse. Par ailleurs, les dialogues comiques eux-
mêmes, par leurs jeux de mots, de sonorités et de rythmes, contribuaient à la musicalité de
l'ensemble.
• La plume, le talent, la créativité de Molière, ainsi que sa collaboration avec les plus grands
artistes de son temps, font de la comédie-ballet un spectacle total, exigeant et ambitieux,
mêlant dialogues comiques et ballets, rire et fantaisies, gaieté et profondeur. Les avatars de
ce genre unique dans l'histoire du théâtre – opéra-comique, théâtre lyrique, vaudeville,
opérette, comédie musicale (voir la lecture des images 4 et 5, p. 230) – en héritent divers
aspects, mais n'ont pas l'éclat ni la profondeur des chefs-d'œuvre de Molière.

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L’ÉDITION
Classiques & Cie Lycée
À l’occasion de la mise en place du nouveau Bac français, la collection Classiques & Cie a été
entièrement repensée de manière que chaque ouvrage offre aux enseignants une séquence
complète sur l’œuvre et le parcours associé, telle que définie dans les nouveaux
programmes.
Cette édition du Malade imaginaire comprend ainsi le texte de la pièce, associé à une
proposition de parcours « Spectacle et comédie » et à de nombreux autres enrichissements
pédagogiques.

 L’avant-texte
Composé des rubriques « Qui est l’auteur ? », « Quel est le contexte ? » et « Pourquoi vous
allez aimer cette pièce », l’avant-texte amène l’élève progressivement à la lecture du texte.

 Au fil du texte : « Des clés pour la lecture linéaire »


Soigneusement annoté, le texte de la pièce est enrichi, à intervalles réguliers, de pages « Des
clés pour la lecture linéaire », qui permettent d’interroger des passages emblématiques de
l’œuvre, selon les exigences de l’explication de texte orale. Structuré en fonction de la
progression du texte, le questionnaire comprend une série de questions d’analyse littéraire,
suivies d’une question de grammaire et d’une proposition d’activité (écrit d’appropriation,
approfondissement documentaire, etc.). La plupart des questions sont associées à une aide
permettant à l’élève de travailler en autonomie.

 Le bilan de lecture
À travers une dizaine de questions simples, ce bilan permet de vérifier que l’élève a perçu et
mémorisé les caractéristiques clés de l’œuvre.

 Le parcours « Spectacle et comédie »


Ce parcours permet d’analyser, à travers 9 extraits de comédie allant du XVIIe au XXIe siècle,
les potentialités scéniques du genre comique et de l'espace théâtral, riche de possibilités
techniques variées et évoluant à travers le temps.
L’objectif est de montrer comment le genre théâtral comique a vocation à prendre les
dimensions d'un véritable spectacle, depuis le théâtre dans le théâtre et la comédie-ballet
jusqu'à l'époque contemporaine, où il intègre divers arts de la scène et les ressources de
nouvelles techniques audio-visuelles. Ce parcours invite donc à réfléchir aux différents
niveaux de représentation d'une comédie et à la notion d'illusion théâtrale.

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 Le dossier « Nouveau BAC »


Le dossier inclut :
• une série de « fiches de lecture » permettant à l’élève d’explorer les différents aspects de
l’œuvre et de la mettre en perspective par rapport au thème du parcours associé ;
• des prolongements artistiques et culturels (adossés à un encart couleurs),
• une rubrique « Sujets de bac » permettant de s’entraîner sur les nouvelles épreuves du
baccalauréat,
• des méthodes pour appréhender sereinement les épreuves de l’écrit et de l’oral.

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EXOS & SUJETS


Les corrigés
Le bilan de lecture

1. Quel âge Molière a-t-il lorsqu’il joue dans Le Malade imaginaire ?


• En 1673, Molière est âgé de cinquante-et-un ans.

2. Quelles sont ses autres comédies dans lesquelles il raille les médecins ?
• Molière s'attaque à la médecine et aux médecins dans d'autres pièces antérieures au
Malade imaginaire : Le Médecin volant (farce en seize scènes inspirée du « medico volante »
de la commedia dell'arte, sans doute représentée en 1659), L'Amour médecin (comédie-
ballet en trois actes, représentée en 1665) et Le Médecin malgré lui (comédie en trois actes,
représentée en 1666, où Molière dénonce encore davantage le charlatanisme et la
crédulité).

3. Quelles critiques peuvent être émises à l’encontre de la médecine de l’époque ?


• Au XVIIe siècle, la science médicale s'appuie encore sur la théorie antique des quatre
humeurs. La médecine au Moyen Âge et à la Renaissance avait connu de notables avancées
(notamment en chirurgie, avec Ambroise Paré) mais le XVIIe siècle connaît un certain recul.
Du point de vue de l'hygiène tout d'abord : le bain est considéré comme néfaste car l'on
craint que l'eau ne soit vectrice de maladies.
• D'autre part, les autorités religieuses sont réticentes devant des pratiques telles que
l'autopsie et la dissection, pourtant sources de connaissance des maladies.
• Enfin, le milieu des médecins connaît des dissensions, dont il est fait écho dans Le Malade
imaginaire : la circulation sanguine n'est pas admise par tous (II, 5).
• Ainsi, au XVIIe siècle, comme la pièce de Molière en témoigne, les traitements médicaux se
réduisent très souvent aux saignées et aux lavements.

4. Pourquoi Argan veut-il qu’Angélique épouse Thomas Diafoirus ?


• Argan désire avoir un gendre médecin afin de pouvoir être soigné quotidiennement – et
gratuitement sans doute.

5. Comment Cléante s’y prend-il pour déclarer son amour à Angélique ?


• Il s'introduit dans la maisonnée en se faisant passer pour le remplaçant du maître de chant
d'Angélique (II, 5). Sous prétexte de pratiquer le chant avec elle et de « divertir la
compagnie » (l. 289) par l'exécution d'un « petit opéra impromptu » (l. 300), il en profite
pour lui déclarer sa flamme.

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6. À quel professionnel Béline fait-elle appel ? Dans quel but ?


• Béline, l'épouse d'Argan, a fait appel à un notaire, Monsieur Bonnefoy, afin de capter
l'héritage de son époux (I, 7). En effet, d'après la loi, ce sont les filles d'Argan qui doivent
hériter des biens de leur père.

7. Quelles scènes relèvent du théâtre dans le théâtre ?


• La scène dans laquelle Cléante, faux maître de chant, chante avec Angélique (II, 5), la scène
dans laquelle Toinette est déguisée en médecin (III, 10) ainsi que les trois intermèdes
relèvent du théâtre dans le théâtre.
• La scène où il est question de Molière et de ses comédies (III, 3) relève également du
discours méta-théâtral.

8. Pourquoi la scène de la fausse mort d’Argan est-elle déterminante pour le


dénouement ?
La fausse mort d'Argan est déterminante pour le dénouement à plusieurs niveaux.
• Du point de vue de l'intrigue familiale, elle révèle à Argan l'amour de sa fille et l'hypocrisie
de son épouse. Elle dénoue par contrecoup l'intrigue amoureuse, car Argan concède à
Angélique d'épouser Cléante.
• Du point de vue du caractère du personnage et de sa psychologie, elle lui fait vivre ce qu'il
redoute le plus, la mort, et ce moment cathartique permet l'acceptation de la grande
cérémonie finale qui fait d'Argan lui-même un médecin.

9. Quel est le but de la cérémonie du troisième intermède ?


• Cette cérémonie marque l'apothéose de la pièce. Elle la conclut en donnant une forme
nouvelle et définitive à la folie d'Argan en lui permettant de devenir son propre médecin (ici,
vérité psychologique et vérité symbolique se rejoignent révélant l'humanisme et la
profondeur de Molière).
• Elle met en scène un tournoiement de médecins qu'elle achève de ridiculiser mais de façon
joyeuse et plaisante.

10. Quels types de personnages les intermèdes font-ils intervenir ?


• L'églogue et les entrées de ballet qui précèdent la première scène de l'acte I font intervenir
des créatures et des divinités mythologiques de la Grèce antique (Pan, Faunes, Flore,
Zéphirs) ainsi que des Bergères et des Bergers, protagonistes de la poésie pastorale grecque.
• Le premier intermède fait intervenir le plus ancien personnage de la commedia dell'arte,
Polichinelle (Pulcinella en italien, personnage insolent et bouffon qui oscille entre mensonge
et vérité) et des Archers qui cherchent à l'attraper et à le battre.
• Le second intermède voit intervenir des Égyptiens (ou Bohémiens) déguisés en Mores
venus offrir un spectacle de danses et de chants (on voit ici pointer la mode de l'orientalisme
et des « turqueries » telle que l'exploitait déjà la comédie Le Bourgeois gentilhomme).

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• Le troisième et dernier intermède met en scène des médecins (apothicaires, médecins,


porte-seringues et chirurgiens) en une grande cérémonie d'intronisation burlesque qui clôt
le spectacle.

11. Quels éléments de la pièce relèvent de la farce ?


• Dans cette pièce, divers éléments sont issus de la farce : les menaces du vieux barbon
autoritaire qu'est Argan, prêt à bastonner sa servante ; Polichinelle menacé par les Archers ;
le travestissement, celui du jeune Cléante en maître de chant et surtout celui de Toinette en
médecin ; le personnage ridicule du médecin, déjà moqué sous la figure du clerc savant dans
la farce médiévale, puis en tant que tel par la comédie italienne.

12. Quelles caractéristiques font de cette pièce un spectacle total ?


• Le Malade imaginaire, ultime pièce de Molière, est un spectacle total qui réunit tous les
ingrédients et les procédés issus d'une longue tradition théâtrale comique et des innovations
propres à Molière, dramaturge du XVIIe siècle, siècle de renouveau théâtral. Molière hérite
du comique antique latin et de ses dérivés dans la comédie italienne napolitaine :
Polichinelle, scènes de cavalcade et menaces de bastonnade, la servante Toinette truculente
et rusée.
• Il n'oublie pas non plus l'héritage médiéval : la critique de celui qui croit posséder la
science – ici le médecin –, et celle de la crédulité des hommes face à un tel pédant, ainsi que
le tempérament avide de l'épouse, Béline, sont des traits qui le montrent.
• En plus de cet héritage particulièrement efficace du point de vue du comique visuel et de
celui des mots, Molière exploite les possibilités techniques et financières de son temps : de
brillants intermèdes chantés et dansés par des acteurs magnifiquement costumés rythment
la pièce, y introduisent une variété de thèmes, de genres et de registres que la comédie se
montre apte à intégrer, pour le plus grand plaisir des spectateurs.

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Des clés pour la lecture linéaire

 Clés 1. L’exposition : Argan ou l’obsession de la maladie. Acte I, scène 1 (p.


33-34)
La pièce s'ouvre sur un monologue de son personnage éponyme : Argan est en train de
calculer ce qu'il doit à son apothicaire. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Argan mérite
bien son surnom tant les ordonnances de ses médecins, M. Fleurant et M. Purgon, le ruinent
en médecines.

I. Un monologue… (l. 32-67)


1. En quoi cette scène est-elle un monologue ?
• Cette scène est bien un monologue puisqu'Argan est seul en scène : la didascalie initiale
indique qu'il est « seul dans sa chambre » (l. 1) mais précise également qu'il « fait, parlant à
lui-même, les dialogues suivants » (l. 2-3). Le lecteur est donc prévenu qu'Argan
apostrophera des personnes qui ne sont pas présentes sur scène – ce qui nous donne un
indice de sa « folie », ou de sa manie.
2. Par quels procédés Molière anime-t-il ce monologue ?
Molière use de plusieurs procédés pour animer ce monologue qui, constitué d'énumérations
de traitements et de calculs, pourrait s'avérer répétitif et lasser le spectateur.
• Tout d'abord, les extraits d'ordonnance et les factures lus par Argan emploient un jargon
médical qui nous plonge dans l'univers du malade et nous fait sourire : « un clystère
carminatif, pour chasser les vents de Monsieur, trente sols » (l. 32-33). Ici l'évocation triviale
du corps, le fait qu'Argan parle de lui-même à la troisième personne et la mention lapidaire
du coût créent le comique de mots.
• Ensuite, Molière varie les structures de phrases et le rythme du monologue, qui parfois
s'accélère : les interjections et expressions orales (« Bon », « Ah ! », « tout doux, s'il vous
plaît ») ainsi que la récurrence de courts groupes nominaux mentionnant les sommes à
payer (« Vingt et trente sols », « Dix sols », etc.) ponctuent son discours en rompant la litanie
des traitements et des calculs.
• Enfin, les propos qui emploient la deuxième personne du pluriel et s'adressent à des
destinataires fictifs donnent l'illusion d'un dialogue : « je suis bien aise que vous soyez
raisonnable » (l. 38-39), « si vous en usez comme cela » (l. 45-46), « contentez-vous de quatre
francs » (l. 47) en sont des exemples.

II. … en guise d’exposition (l. 32-67)


3. Par quels procédés d'écriture Molière accentue-t-il la longueur des factures de
l'apothicaire ?
• Les phrases qui reproduisent les contenus des ordonnances, entre guillemets pour le
lecteur, sont particulièrement longues, mettant en évidence le caractère excessif des
traitements et des sommes demandées.

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• Elles commencent par une expression qui devient consacrée au fil du monologue : « Plus »
suivi de la mention du jour, longue elle-même (« du vingt-sixième », « du vingt-septième »,
« du vingt-huitième »).
• Suivent la mention du traitement donné – ces mentions, toujours plus précises et
alambiquées (jusqu'à la « potion cordiale et préservative » dont est précisée l'exotique
composition) s'allongent au fil du monologue – et l'effet escompté, introduit par la
préposition « pour » suivie d'un ou plusieurs verbes à l'infinitif.
• Elles s'achèvent par la mention lapidaire du coût du traitement.
4. Quels aspects du personnage ces comptes révèlent-ils ?
• Les énumérations nous montrent qu'Argan semble souffrir de maux particulièrement
variés et persistants (« adoucir, lénifier, tempérer et rafraîchir », « un, deux, trois, […] et
douze lavements ») et que ces médecines lui coûtent beaucoup d'argent (« Soixante et trois
livres, quatre sols, six deniers »). Il se montre très attentif à recalculer le tout avec une
exactitude toute rigide. Les commentaires qu'il fait des effets des remèdes qu'il a pris,
comme « on ne voudra plus être malade » (l. 46) ou « Je ne m'étonne pas si je ne me porte
pas si bien ce mois-ci que l'autre » (l. 53-54) révèlent un rapport névrotique à la maladie et
nous éclairent sur le sens du titre de la pièce. L'exagération, le comportement maniaque
d'Argan contribuent au comique de cette scène d'exposition.
5. Relevez les termes qui relèvent du lexique de la médecine : quel est l'effet produit par
leur emploi et leur accumulation ?
• Les termes relevant du lexique médical sont nombreux et certains sont répétés :
– noms : « clystère » (l. 32 et 34), « médecine » (l. 36, 51 et 53), « humeurs » (l. 37),
« potion » (l. 42), « grains de bézoard » (l. 43), « sirops de limon » (l. 43-44), « grenade »
(l. 44), « ordonnance » (l. 44), « lavements » (l. 52 et 53) ;
– adjectifs et participes passés employés comme tels : « carminatif » (l. 32), « clarifié »
(l. 40), « édulcoré » (l. 40), « cordiale » (l. 42), « préservative » (l. 43) ;
– verbes : « hâter d’aller » (l. 37), « chasser » (l. 33 et 37), « adoucir, lénifier, tempérer et
rafraîchir » (l. 41).
• Leur accumulation donne une impression de pédanterie, de fausse science, étrange, peu
rationnelle, et souligne le nombre exorbitant de remèdes pris par Argan.

III. Une pièce comique (l. 32-67)


6. En quoi le choix des noms des médecins constitue-t-il un procédé satirique ?
• M. Purgon, le médecin, semble bien nommé tant il prescrit de lavements : purger mais
aussi purgation et purgatoire appartiennent à la même famille de mots.
• M. Fleurant, l'apothicaire, porte un nom plus imagé encore : il s'apparente au verbe
fleurer, qui signifie « sentir (bon) », et évoque la réalité nauséabonde des vents intestinaux
que M. Purgon a tant à cœur de « chasser » (l. 33 et 37).
• Le choix de noms ridicules et évocateurs de triviales réalités corporelles relèvent de la
farce et servent le propos satirique.

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7. En quoi les allusions aux fonctions du corps sont-elles comiques ?


• La plupart des maux d'Argan sont liés à son ventre, sa digestion et son transit intestinal,
comme le soulignent les expressions introduites par « pour » dans les passages entre
guillemets : « pour chasser les vents de Monsieur » (l. 33) ou « pour hâter d'aller, et chasser
dehors les mauvaises humeurs de Monsieur » (l. 37-38).
• La troisième expression, « pour adoucir, lénifier, tempérer et rafraîchir le sang de
Monsieur » (l. 40-41) laisse supposer, en accord avec la théorie des humeurs, qu'il faut
rééquilibrer l'humeur sanguine, sans doute prééminente dans ce tempérament colérique.
8. Quels reproches Argan adresse-t-il à ses destinataires ? à son entourage ?
• Argan reproche à son médecin et à son apothicaire de lui demander trop d'argent pour les
remèdes et les soins prodigués : « je suis bien aise que vous soyez raisonnable » (l. 38-39),
« tout doux, s'il vous plaît » (l. 45).
• Quant à son entourage, il lui reproche de le laisser seul : « j'ai beau dire, on me laisse
toujours seul » (l. 56-57), « ils n'entendent point » (l. 58), « Est-il possible qu'on laisse comme
cela un pauvre malade tout seul ? » (l. 64-65).

IV. Conclusion
9. En vous appuyant sur vos réponses précédentes, montrez que cette première scène
annonce une pièce comique qui fera la satire d'un caractère et d'une profession.
• Dans cette scène d'exposition originale, où l'on voit monologuer un personnage faisant ses
comptes, on découvre le caractère d'Argan : pointilleux, un brin avare, colérique, mais
surtout « malade imaginaire ». L'on découvre que le bonhomme prend des médecines
quotidiennement et qu'il s'agit pour lui d'un véritable mode de vie. Quelle est donc sa
maladie ? Avec tant de remèdes et de lavements, Argan semble plus résistant qu'il ne le
croit.
• Il ne supporte pas non plus d'être seul et éprouve le besoin d'être assisté, surveillé en
permanence, d'être l'objet de soins perpétuels et le centre de l'attention de tous, en
« pauvre malade » qu'il est. Les ordonnances lues dans ce monologue ainsi que les noms des
médecins révèlent la visée satirique de la pièce. Le jargon employé est pédant,
incompréhensible pour le patient, les traitements sont répétitifs, quotidiens, éprouvants,
mais surtout lucratifs pour MM. Purgon et Fleurant.

10. GRAMMAIRE. Relevez puis classez les déterminants numéraux et les adjectifs épithètes
du passage afin de montrer leur rôle essentiel dans ce monologue.
• Les déterminants numéraux sont : « vingt-sixième », « vingt-septième », « vingt-
huitième », « un », « deux », « trois », « quatre », « cinq », « six », « sept », « huit », « neuf »,
« dix », « onze », « douze », « vingt » et « trente ». Ils précisent les jours, les sommes
d'argent et le nombre de médecines et de lavements pris.
• Les adjectifs épithètes qualifient les noms des remèdes dont ils précisent les
caractéristiques ou les effets thérapeutiques attendus : « clystère carminatif », « bonne
médecine », « mauvaises humeurs », « petit-lait clarifié et édulcoré » (participes passés),
« potion cordiale et préservative ».

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• L'emploi de ces déterminants et adjectifs contribue à faire la satire des traitements


prescrits.

11. LECTURE EXPRESSIVE ET JEU THEATRAL. Entraînez-vous à lire ce passage de manière expressive.
N'oubliez pas de nuancer le ton lorsqu'Argan semble s'adresser à MM. Purgon et Fleurant,
d'accentuer l'expression de la colère lorsqu'il appelle ses serviteurs, ni de vous munir
d'accessoires (ordonnances, jetons, écharpe et bonnet, clochette pour la fin de la scène).
• Cette activité permet de s'entraîner à lire pour l'épreuve orale du baccalauréat. Le texte
théâtral n'est pas évident à aborder, surtout lorsqu'il s'agit d'un monologue où un
personnage n'interagit avec aucun autre personnage. L'enjeu de cette scène est de faire
connaître Argan au spectateur. On rappellera aux élèves qu'il ne faut pas lire les didascalies
puisqu'il s'agit d’adapter la lecture selon ce qu’elles indiquent.
• L'installation d'un décor minimaliste peut ici être d'une grande aide : posture assise,
présence de feuillets que lit Argan, de simulacres de pièces à compter, d'une bourse, etc. Les
passages entre guillemets pourront être lus sur un ton plus neutre, les réactions d'Argan
(indignation, colère, soulagement) étant lisibles dans ses apostrophes aux personnages
absents. Il s'agira donc, avant de lire ce texte, de bien identifier les changements énonciatifs
et les sentiments exprimés par Argan.

 Clés 2. Un projet de mariage controversé. Acte I, scène 5 (p. 48-50)


Dans cette scène, il y a eu quiproquo : Angélique a cru que son père lui destinait Cléante,
l'homme qu'elle aime, pour époux. Or, il s'agit d'un jeune médecin, le fils Diafoirus !
Toinette, la servante, s'élève contre ce « dessein burlesque ».

I. La question du couvent (l. 343-375)


1. Quels procédés contribuent à la vivacité du rythme dans la première partie de
l'échange ?
• Au sens premier du terme, une stichomythie est une réplique qui correspond à la longueur
d'un vers (dans la tragédie grecque puis classique). Par extension, ce mot désigne un
dialogue vif enchaînant des répliques théâtrales courtes, qui créé une accélération au sein
de l'échange. Le dialogue entre Argan et Toinette possède cette vivacité car leurs répliques,
dans la première partie de la scène, sont brèves, se répondent en s'enchaînant rapidement :
TOINETTE. – Non.
ARGAN. – Non ?
TOINETTE. – Non.
[…]
TOINETTE. – Non, vous dis-je.
ARGAN. – Qui m’en empêchera ?
TOINETTE. – Vous-même. (l. 345-352)
• Par ailleurs, la vivacité du dialogue tient aussi à l'emploi de termes caractéristiques de
l'échange oral (« Bon », « Non », « Ouais », « Oui », « Bagatelles », « Mon Dieu ») et de
phrases interrogatives et exclamatives courtes (« Comment, “bon” ? », « voici qui est
plaisant »).
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2. Quel argument Toinette emploie-t-elle pour contrecarrer la volonté paternelle ?


• Toinette veut démontrer à Argan qu'il ne sera pas capable de mettre sa fille dans un
couvent à cause de son amour pour sa fille (« La tendresse paternelle vous prendra », l. 358).
La partie de sa réplique qui se trouve entre guillemets reproduit les paroles imaginées de sa
fille, appelant son père « mon petit papa mignon » (l. 361) pour l'attendrir.
3. Comment Toinette parvient-elle à mettre Argan en colère ?
• Toinette, pour convaincre Argan, évoque aussi sa bonté : « vous êtes bon naturellement »
(l. 368-369). L'adverbe nous porte à croire que Toinette, malgré le tempérament rude et
colérique d'Argan, connaît sa véritable nature. Or, celui-ci réagit vivement, « avec
emportement » précise la didascalie : « Je ne suis point bon, et je suis méchant quand je
veux » (l. 370-371). Argan semble nier la nature que sa servante croit déceler en lui, une
nature bonne, et la deuxième proposition qui revendique sa méchanceté paraît puérile et ne
constitue pas un argument sérieux.
• À partir de cet instant, la colère d'Argan va crescendo, se manifestant par des
interrogations indignées (« Où est-ce donc que nous sommes ? et quelle audace est-ce là à
une coquine de servante de parler de la sorte devant son maître ? », l. 377-379) puis par son
désir de la battre, comme le signale la didascalie « court après Toinette » (« Ah ! insolente, il
faut que je t'assomme », l. 382-383).

II. Quand une servante affronte son maître (l. 376-381)


4. En quoi Toinette s'arroge-t-elle un rôle qui n'est pas le sien ?
• Toinette n'hésite pas à manifester son désaccord avec son maître. Elle emploie la phrase
déclarative souvent renforcée par la négation : « Vous ne la mettrez point dans un couvent »
(l. 343), « vous n'aurez pas ce cœur-là » (l. 354), « Vous vous moquez » (l. 356) et répond
fermement à Argan (« Bon ! », « Non »). Les pronoms personnels « vous » d’un côté et « je »,
« moi » de l’autre s'opposent, manifestant les deux avis divergents en présence et la
certitude de Toinette qui affirme avoir raison.
• Enfin, Toinette utilise un lexique affectif destiné à persuader Argan (« cœur »,
« tendresse », « larme », « bras jetés autour du cou », « mon petit papa mignon »,
« tendrement », « toucher ») en lui rappelant l'amour qu'il a pour Angélique. Plus loin, elle
parle presque en mère – « je ne consentirai jamais à ce mariage » (l. 392), « je ne veux point
qu'elle épouse votre Thomas Diafoirus » (l. 394-395) – plaçant son autorité sur un pied
d'égalité avec celle d'Argan.
5. Par quelle réplique Argan signifie-t-il à Toinette qu'elle outrepasse ses droits ? Comment
la servante justifie-t-elle son attitude ?
• Indigné, Argan tente de remettre Toinette à sa place subalterne : « Où est-ce donc que
nous sommes ? et quelle audace est-ce là à une coquine de servante de parler de la sorte
devant son maître? » (l. 377-379). La première question souligne l'incongruité de la situation,
le fait que l'attitude de la servante ne renvoie à rien d'existant, est de l'ordre de l'inédit et de
l'intolérable. Ce que confirme la deuxième question, avec l'emploi de termes péjoratifs qui
incriminent la servante (« audace », « coquine »).

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III. Une confrontation farcesque (l. 382-403)


6. Quelle menace Argan fait-il planer sur Toinette ?
• Exaspéré, Argan finit par menacer Toinette de la battre, comme le montrent les didascalies
qui s'enchaînent aussi vivement que les personnages se mettent en mouvement : « court
après Toinette » (l. 382), « se sauve de lui » (l. 384), « en colère, court après elle autour de sa
chaise » (l. 386), « courant, et se sauvant du côté de la chaise où n'est pas Argan » (l. 388-
389). Après la confrontation d'idées, l'échange se clôt comiquement sur une scène de
poursuite qui met en évidence la supériorité de Toinette, qui continue de polémiquer : « je
ne consentirai jamais à ce mariage » (l. 392).
7. Quelle est l'attitude d'Angélique ? Que signifie-t-elle ?
• Angélique se montre très effacée dans cette scène ; c'est Toinette qui parle en son nom.
Mais lorsque son père lui demande de l'aide – « tu ne veux pas m'arrêter cette coquine-là ? »
(l. 398) – celle-ci ne lui obéit pas et tente de le détourner de ses intentions en lui rappelant
son état : « ne vous faites point malade » (l. 399). Se confirme ainsi, d'une certaine façon, ce
que vient de dire Toinette : « elle m'obéira plutôt qu'à vous » (l. 397).
8. En quoi la scène relève-t-elle du comique de la farce ?
• Ainsi la fin de cette scène de confrontation entre le maître et sa servante relève-t-elle du
comique de la farce : la menace de la bastonnade plane sur la servante, vive et impudente,
qui fuit son barbon de maître, enragé de colère. Ce dernier lui assène les injures habituelles
– « chienne », « pendarde », « carogne » – qui relèvent d'un vocabulaire familier et imagé.
Les didascalies mettent en évidence cette course folle, qui relève du comique de situation et
de gestes.

IV. Conclusion
9. Pourquoi la relation maître-servante est-elle originale dans cette scène ?
• La relation maître-servante est originale car Toinette affronte véritablement Argan, sans
détours, s'opposant fermement à son entêtement et tentant de le raisonner. Elle déclare
refuser son projet de mariage pour sa fille, s'arrogeant quasiment une place de mère qui
n'est certes pas la sienne. Néanmoins, rappelons-nous que Béline n'est pas la véritable mère
d'Angélique : c'est Toinette qui, en quelque sorte, en fait office. D'ailleurs, sa dernière
réplique constitue un apogée : « je la déshériterai, si elle vous obéit » (l. 401). Toinette a
comme oublié son propre statut. Quels biens Angélique pourrait-elle hériter d'elle ? À moins
qu'il ne s'agisse d'un legs symbolique, celui d'une force de caractère certaine. En effet,
Toinette se montre ici particulièrement résolue, elle n'a pas peur d'Argan et n'hésite pas à lui
parler sur un ton qui n'est pas celui d'une subordonnée (« Bagatelles », l. 366).

10. GRAMMAIRE. Relevez une phrase négative et une tournure impersonnelle dans les
répliques de Toinette puis d’Argan, et montrez que leur emploi permet d’exprimer la
volonté de ces personnages.
• Dans ce passage, les phrases négatives sont :
– « Vous ne la mettrez point dans un convent » (Toinette, l. 343) ;
– « Je ne la mettrai point dans un convent ? » (Argan, l. 344) ;
– « Non. » (Toinette, , l. 345) ;

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– « Non ? » (Argan, l. 346) ;


– « Non, vous dis-je » (Toinette, l. 350) ;
– « vous n'aurez pas ce coeur-là » (Toinette, l. 354) ;
– « Je ne me moque point » (Argan, l. 357) ;
– « Elle ne me prendra point » (Argan, l. 359) ;
– « Tout cela ne fera rien » (Argan, l. 363) ;
– « je n'en démordrai point » (Argan, l. 365) ;
– « Il ne faut point dire “bagatelles” » (Argan, l. 367) ;
– « Je ne suis point bon » (Argan, l. 370) ;
– « vous ne songez pas que vous êtes malade » (Toinette, l. 372-373) ;
– « Quand un maître ne songe pas à ce qu'il fait » (Toinette, l. 380) ;
– « ne vous point laisser faire de folie » (Toinette, l. 389-390) ;
– « je ne consentirai jamais à ce mariage » (Toinette, l. 392) ;
– « Je ne veux point qu'elle épouse votre Thomas Diafoirus » (Toinette, l. 394-395).
• Les tournures impersonnelles sont :
– « Il ne faut point dire “bagatelles” » (Argan, l. 367) ;
– « il faut que je t'assomme » (Argan, l. 382-383) ;
– « Il est de mon devoir de m'opposer aux choses qui vous peuvent déshonorer » (Toinette,
l. 384-385).
• L'emploi des phrases négatives, qui dominent et rythment le passage, et des tournures
impersonnelles permet d'exprimer la volonté des personnages qui s'opposent frontalement,
chacun défendant son point de vue avec conviction. Leur enchaînement met aussi en
évidence l'intensité croissante de la vivacité de l'échange, qui va conduire Argan à menacer
sa servante.

11. MISE EN SCENE. Par 2 ou 3, rédigez les didascalies qui préciseront les gestes et
déplacements des personnages, et imaginez une illustration sonore.
• La didascalie initiale de la scène donne une précision importante : « ARGAN se met dans sa
chaise » (l. 202). Ainsi, il se trouve assis pendant la majeure partie de la scène. On peut
imaginer qu'il se lève au moment où une didascalie précise qu'il parle « avec emportement »
(l. 370) : c'est sa colère envers Toinette qui le fait se lever de son siège.
• Dans la première partie de l'échange qui se compose de répliques brèves et vives, on
imagine Argan assis et Toinette, lui faisant face pour lui parler. À mesure que le ton monte,
Toinette peut se montrer de plus en plus assurée (se place en face de lui, les poings sur les
hanches, croise les bras lorsqu'elle répète « non »). On peut penser aussi qu'Argan s'agite de
plus en plus sur son siège avant de se lever et de se mettre à courir après Toinette. Les
didascalies pourraient alors préciser son ton et ses gestes (croisant les bras, levant un doigt
menaçant, tapant du poing sur la table, etc.).
• Pendant cet affrontement, Angélique se trouve tout le temps sur scène mais demeure très
discrète. Les élèves doivent imaginer ce qu'elle peut faire (déplacements, gestes) pendant
cet échange. Assise près de son père, dans une posture sage, on peut lui attribuer quelques
mouvements incontrôlés ou d'humeur, en réaction aux paroles prononcées par son père et
Toinette (levant les yeux au ciel, plaquant la main sur sa bouche, etc.).

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 Clés 3. La tirade de M. Diafoirus. Acte II, scène 5 (p. 88-89)


M. Diafoirus, médecin, présente officiellement son fils Thomas à Argan, qui souhaite le
marier à sa fille. Le père, dans une longue tirade, fait de son fils un éloge pour le moins
curieux.

I. Un enfant discret (l. 210-220)


1. Par quelle précaution oratoire M. Diafoirus commence-t-il son discours ? Quel en est le
but ?
• La tirade du médecin s'ouvre sur l'assertion suivante : « Monsieur, ce n'est pas parce que je
suis son père, mais je puis dire que j'ai sujet d'être content de lui » (l. 210-211). Il emploie
d'emblée une tournure emphatique et négative qui disqualifie sa paternité (explicitée par la
conjonction de subordination « parce que ») et l'a priori favorable qui pourrait orienter son
discours en sa faveur. La conjonction de coordination « mais » lui oppose un jugement qui se
veut objectif envers ce jeune homme qui inspire le contentement et mérite d'être loué pour
ce qu'il est.
• Or, cette deuxième proposition ne fait intervenir que des marques de la première
personne du singulier (« je », « j' ») et un lexique modalisé (« puis dire », « content »).
Diafoirus père fait ici une entrée en matière assez ambiguë : ne se loue-t-il pas lui-même ?
2. Quelles qualités le père reconnaît-il à son fils ?
• Son père lui reconnaît des qualités de jugement – « j'ai toujours bien auguré de sa
judiciaire » (l. 215-216), « la marque d’un bon jugement à venir » (l. 227) – et un
tempérament calme, comme le montre l'énumération des adjectifs « doux, paisible et
taciturne » (l. 218-219).
• Plus loin – c'est-à-dire plus tard dans le récit de la jeunesse de son fils – le père loue le fait
qu'« il se raidissait contre les difficultés » (l. 229) et les compliments que lui valait cette
attitude quant à « son assiduité » et « son travail » (l. 230).
• Enfin, son fils est un « redoutable » (l. 235) orateur et son père loue sa détermination : « il
est ferme dans la dispute […], ne démord jamais de son opinion » (l. 237-238). Ce que son
père préfère en lui – peut-être parce qu'en cela « il suit [son] exemple » (l. 241) –, c'est qu'il
réfute les récentes théories sur le circulation du sang.
3. Quel portrait moral M. Diafoirus fait-il de son fils ?
• Les négations employées par M. Diafoirus sont éloquentes et efficaces pour lire le portrait
qu'il fait de son fils : « il n'a jamais eu l'imagination bien vive, ni ce feu d'esprit qu’on
remarque dans quelques-uns » (l. 213-215), « il n'a jamais été ce qu'on appelle mièvre et
éveillé » (l. 217-218), « ne disant jamais mot, et ne jouant jamais » (l. 219), « il ne connaissait
pas encore ses lettres » (l. 222), « ne démord jamais de son opinion » (l. 238-239), « jamais il
n'a voulu comprendre ni écouter les raisons et les expériences des prétendues découvertes de
notre siècle » (l. 243-244). Il en ressort que Thomas était un enfant discret, peu enjoué, lent
dans l'apprentissage, mais de plus en plus déterminé à mesure qu'il grandissait.

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II. Des débuts laborieux (l. 220-230)


4. Que dit M. Diafoirus de l'apprentissage de la lecture par son fils ?
• « On eut toutes les peines du monde à lui apprendre à lire » (l. 220-221) : l'hyperbole
employée – « toutes les peines du monde » – montre que cet apprentissage a été plus que
difficile, comme si l'enfant lui était particulièrement hermétique et comme s'il s'en était fallu
de peu qu'on n'y parvînt pas.
5. Expliquez la raison et le contenu du passage entre guillemets.
• Le passage entre guillemets des lignes 222 à 227 rapporte les pensées qui étaient celles de
M. Diafoirus lorsqu'il voyait son fils, âgé de neuf ans et incapable de lire. Deux métaphores y
sont employées.
• La première évoque les fruits de l'arbre, symbole traditionnel de la progéniture. Ici, le père
compare son fils aux « arbres tardifs » (l. 223) et se fie à une sorte de proverbe populaire
selon lequel en seraient issus « les meilleurs fruits » (l. 223-224). Il ne désespère pas de son
fils, pourtant en retard.
• La seconde métaphore étaye cette certitude par une autre image, classique elle aussi : la
difficulté et la lenteur à graver le marbre sont les gages d'un apprentissage long mais
efficace, tandis que graver dans le sable est aisé mais ce qui y est gravé est éphémère.
• Ce passage entre guillemets montre que le père Diafoirus a tenté de ne pas désespérer des
capacités de son fils, mais aussi, par les métaphores employées, le pédantisme paternel.
6. Pourquoi peut-on dire que les années de collège de Thomas ont été laborieuses ?
• Dans cette partie de la tirade où le père évoque les années d'apprentissage de son fils au
collège – où l'on faisait ses humanités et apprenait la rhétorique –, le lexique du travail et du
milieu scolaires (« peine », « difficultés », « régents », « assiduité », « travail », « licences »,
« candidat ») est lié à quelques termes péjoratifs (« se raidissait », « à outrance »,
« démord », « recoins », « aveuglement ») et à des expressions imagées (« battre le fer », « il
est sur les bancs », « plus de bruit que lui ») qui soulignent les difficultés rencontrées par
Thomas dans ses études. Le verbe raidir et le fer évoquent la rigidité et l'absence de facilités.

III. Un jeune homme prometteur ? (l. 231-246)


7. Dans quel domaine Thomas s'illustre-t-il ? Relevez les notations mélioratives qui
ébauchent un portrait élogieux du jeune homme.
• Dans la suite de la tirade – et du récit paternel – les champs lexicaux de l'argumentation et
de la pensée prennent la relève : « dispute(s) », « acte », « argumenter », « proposition »,
« opinion(s) », « raisonnement », « logique ». Thomas s'avère, selon son père, un
« redoutable » orateur. La comparaison « fort comme un Turc » (l. 237-238) traduit cette
qualité, placée sur le plan de la force physique, et l'admiration paternelle ; les expressions
métaphoriques « ne démord jamais de son opinion » (l. 238-239) et « poursuit un
raisonnement jusque dans les derniers recoins de la logique » (l. 239-240) apparentent
Thomas à une sorte de prédateur qui traque l'idée et ne la relâche pas.
8. Qu'est-ce qui rend le père de Thomas particulièrement fier ?
• Diafoirus père s'enorgueillit du fait que son fils récuse la récente théorie de la circulation
sanguine, suivant en cela les pas de son père et les préceptes de la médecine classique.

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• Cependant, l'emploi de l'adverbe « aveuglément » (l. 242), qui fait suite aux indices
péjoratifs jalonnant la tirade (« peines », « tardifs », « lenteur », « pesanteur »), met en
évidence l'obscurantisme et la vanité des Diafoirus père et fils.

IV. Conclusion
9. En quoi cette tirade constitue-t-elle une satire de médecins tels que les Diafoirus ?
• La satire se fait d'une part à travers l'éloge paradoxal du fils Diafoirus : on a vu que son
père lui reconnaissait certaines qualités, notamment celles qui, selon lui, feront de Thomas
un bon médecin. Cependant ce portrait est essentiellement fait de façon négative, comme
l'attestent les nombreuses négations employées, et Diafoirus dit en creux ce que son fils
n'est pas : ni vif d'esprit ni enjoué dans l'enfance, gardant stupidement le silence, il apprend
à lire avec un grand retard et poursuit des études laborieuses. Une fois licencié, il se fait
remarquer par un esprit obtus et une rigidité que son père approuve et loue puisqu'ils le
caractérisent également.
• Le père, en faisant l'éloge de son fils, est lui-même caricatural. Il pontifie et recourt à des
métaphores pédantes. À travers le duo Diafoirus, ce sont tous les médecins qui sont
moqués. Étroits d'esprit, pratiquant leur art par le discours et la parole plutôt que par la
pratique, orgueilleux et pédants font partie de leurs traits distinctifs.
• Enfin, l'originalité de cette satire réside dans le fait qu’elle est ici faite par celui qui en est la
cible.

10. GRAMMAIRE. Relevez les négations employées dans cette tirade ainsi que l’adverbe
utilisé par certaines d’entre elles et montrez leur efficacité au sein de cet éloge atypique.
• Les négations sont nombreuses et constituent un outil essentiel de cet éloge paradoxal :
« ce n'est pas parce que je suis son père » (l. 210-211), « il n'a jamais eu l'imagination bien
vive, ni ce feu d'esprit » (l. 113-114), « il n'a jamais été ce qu'on appelle mièvre et éveillé »
(l. 217-218), « ne disant jamais mot » (l. 219), « ne jouant jamais » (l. 219), « il ne connaissait
pas encore ses lettres » (l. 222), « ne démord jamais » (l. 238), « jamais il n'a voulu
comprendre ni écouter » (l. 243), etc.
• L'adverbe « jamais », répété à plusieurs reprises, renvoie à la nullité du fils Diafoirus.

11. PROLONGEMENT ARTISTIQUE. Faites une recherche de 3 à 4 caricatures, comparez-les et


déduisez-en quelques principes et visées de la représentation caricaturale.
Les caricatures dessinées, par les procédés auxquels elles recourent, permettront aux élèves
de saisir les procédés et les visées satiriques de la caricature littéraire. Les traits sont grossis,
exagérés, les têtes et les visages, surdimensionnés. La situation, l'habillement ou les
accessoires, qui renvoient parfois à des clichés, révèlent la portée critique de la
représentation.
• Caricature d’André Gill (1840-1885), intitulée La Consultation, parue dans L’Éclipse n° 296,
le 28 juin 1874.

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Au XIXe siècle, le costume traditionnel du médecin


est encore hérité de l'époque de Molière : une
grande robe noire et un chapeau avec une très
haute coiffe. Ici, les médecins ont le même air et
la même posture : leurs traits sont grossis (tête
surdimensionnée, nez, menton proéminents) et le
flacon de chloroforme placé entre eux est
gigantesque. Vêtus de noir et portant un
monocle, les deux hommes se tiennent la main
pour s'accorder sur un même diagnostic : la
France est malade à cause du Second Empire.

• Caricature de Charles Gilbert-Martin (1839-1905),


intitulée L’Ange de l’inoculation, illustrant la une du journal
Le Don Quichotte n° 612, le 13 mars 1886.
Cette gravure imprimée représente le savant Louis Pasteur
(1822-1895) armé d'une seringue géante s'apprêtant à
inoculer son vaccin à un chien enragé. La tête
surdimensionnée représente fidèlement les traits de
Pasteur mais il est affublé d'ailes et a la posture d'un ange
victorieux, qui rappelle Saint Michel dans Saint Michel
terrassant le dragon de Raphaël, ou Lucifer ornant la
colonne de Juillet à Paris.

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• Caricature de J. Blass (1847-1892) parue dans le journal royaliste Le Triboulet le 6 mars


1881, intitulée Victor Hugo.
L'illustre auteur, défenseur du peuple et longtemps exilé
par Napoléon III, ne s'est jamais offusqué des
nombreuses caricatures dont il fut le sujet au nom de la
liberté de la presse. Âgé de 79 ans, il est ici représenté
vêtu d'une toge antique pourpre (symbole de pouvoir) et
tient dans sa main droite un point d'exclamation géant,
dans une posture caricaturale évoquant un orateur ou
un tribun romain. Les lecteurs de ce journal satirique
royaliste lui reprochaient de demander l'amnistie des
communards, ce qui leur était intolérable (le point
d'exclamation, présent aussi dans l'article que cette
caricature illustre, symbolise l'indignation).

• Caricature Les Poires, d’Honoré Daumier (1808-1879), parue dans le journal La Caricature,
le 24 novembre 1831.
Cette caricature d’Honoré Daumier reflète la
détérioration de la popularité de Louis-Philippe.
Daumier transforme la figure du roi en poire qui
représente la bêtise et la complaisance. Les traits du
visage, déjà bien empâté, s'affaissent et
s'estompent, le visage s'amollit pour prendre la
forme d'une poire, créant un effet drôle et
grotesque.

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 Clés 4. Argan face au sceptique Béralde. Acte III, scène 3 (p. 122-124)
Béralde est le frère d'Argan, qui apparaît au troisième acte. Il tente de raisonner son frère
quant au sort qu'il réserve à sa fille et à son propre état de santé.

I. « Le roman de la médecine » (l. 139-168)


1. Quel est l'avis de Béralde sur le fait d'être malade ?
• Béralde pense que le recours aux médecins est inutile : « Il ne faut que demeurer en
repos » (l. 144). Il est convaincu qu'un malade se remet lui-même de ses maux et étaye cette
conviction par l'emploi du présent de vérité générale : « La nature, d'elle-même, quand nous
la laissons faire, se tire doucement du désordre où elle est tombée » (l. 144-146).
• Il poursuit par une autre vérité générale, psychologique cette fois-ci : « C'est notre
inquiétude, c'est notre impatience qui gâte tout, et presque tous les hommes meurent de
leurs remèdes, et non pas de leurs maladies » (l. 146-149).
2. Quel argument Béralde expose-t-il pour expliquer la crédulité humaine ?
• Béralde pense que l'homme se persuade que la médecine peut le soulager, voire le sauver,
comme le montre le lexique qu'il emploie : « pures idées » (l. 152), « belles imaginations »
(l. 154).
• La dernière partie de sa tirade emploie le mot « roman » (l. 164) et l’expression « beaux
songes » (l. 167) qui renvoient également à la notion d'illusion.
3. Quelle image Béralde donne-t-il des médecins ?
• Béralde, par une longue phrase, évoque les promesses faites par les médecins qui
exploitent la crédulité humaine, le désir d'être en bonne santé et de vivre vieux. Cette
phrase est constituée de deux longues propositions subordonnées circonstancielles de
temps introduites par une même tournure – « lorsqu'un médecin vous parle » (l. 156),
« lorsqu'il vous parle » (l. 159-160) – suivies de la proposition principale introduite par un « il
vous dit » conclusif.
• Chaque subordonnée décline une série de COI introduits par la préposition « de » suivie de
verbes à l'infinitif qui renvoient à toutes les actions que les médecins prétendent être en
mesure de réaliser : « d'aider, de secourir, de soulager […], de lui ôter […] et lui donner […],
de la rétablir et de la remettre […] ; […] de rectifier […], de tempérer […], de dégonfler […], de
raccommoder […], de réparer […], de fortifier […], de rétablir et conserver […], et d'avoir […] »
(l. 157-163).
• La proposition principale conclut de manière lapidaire et par une métaphore le
raisonnement de Béralde : « il vous dit justement le roman de la médecine » (l. 164-165). Le
terme « roman » est implicitement critique ; il définit un récit de fiction, imaginaire, et peut
notamment renvoyer aux romans précieux de la première partie du XVIIe siècle,
particulièrement longs, foisonnants et dénués de réalisme.
• Ainsi, Béralde donne des médecins une image péjorative, les considérant comme des
bonimenteurs, des faiseurs de « roman » trompeurs et arrogants, rendus orgueilleux par leur
prétendu savoir, leur soi-disant pouvoir – l'emploi du mot « secrets » (l. 163) les désigne
presque comme des magiciens, des charlatans.

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II. Béralde, la voix de la raison face à la folie d’Argan (l. 169-181)


4. En quoi Argan se montre-t-il sarcastique ?
• Argan n'a pas de véritable argument à opposer à son frère. Ses répliques sont sarcastiques
et ironisent, au moyen d'hyperboles, sur le fait que Béralde n'est pas médecin : « toute la
science du monde est renfermée dans votre tête, et vous voulez en savoir plus que tous les
grands médecins de notre siècle » (l. 169-171), « Vous êtes un grand docteur, à ce que je
vois » (l. 176).
• Plus loin, les expressions « rembarrer vos raisonnements » et « rabaisser votre caquet »
(l. 178), utilisant des termes péjoratifs, expriment le rejet vif mais infondé et déraisonnable
du discours de Béralde.
5. Quel argument Béralde lui oppose-t-il ?
• À ces répliques ironiques et critiques à son égard, Béralde répond par un argument dont le
bien-fondé et la véracité, validés par l'expérience, se traduisent par des parallélismes de
construction : « Dans les discours et dans les choses, ce sont deux sortes de personnes que
vos grands médecins. Entendez-les parler : les plus habiles gens du monde ; voyez-les faire :
les plus ignorants de tous les hommes » (l. 172-175).
• Béralde approfondit son précédent argument : les médecins sont d'habiles parleurs mais
de mauvais praticiens qui en réalité ignorent les moyens de soigner les hommes.
6. De quelle qualité Béralde fait-il preuve ?
• Béralde fait preuve d'ouverture d'esprit et de tolérance, renvoyant chaque homme a sa
responsabilité, sa liberté de croire en la médecine : « Moi, mon frère, je ne prends point à
tâche de combattre la médecine ; et chacun, à ses périls et fortune, peut croire tout ce qu’il
lui plaît » (l. 179-181). Il fait preuve de mesure, de modération, qualités de l'honnête homme
du XVIIe siècle.

III. Sur un certain Molière (l. 181-189)


7. Comment le nom de Molière est-il introduit dans le texte ?
• Molière est nommé par Béralde qui déclare qu'il souhaiterait emmener son frère voir
« quelqu'une [de ses] comédies » (l. 184) afin de le « tirer de l'erreur où [il est] » (l. 182-183).
Ici, nous sommes en plein théâtre dans le théâtre puisque Béralde évoque une pièce de
Molière dans laquelle les médecins sont critiqués, et peut-être précisément Le Malade
imaginaire !
8. En quoi les jugements des deux frères sur Molière s'opposent-ils ?
• Argan trouve Molière « impertinent […] d'aller jouer d'honnêtes gens comme les
médecins » (l. 185-187) tandis que Béralde le défend. Il précise en effet que « ce ne sont
point les médecins qu'il joue, mais le ridicule de la médecine » (l. 188-189). Le terme
« ridicule » est essentiel car il renvoie à l'un des principes esthétiques de l'écriture
moliéresque 1.

1. Voir Patrick Dandrey, ibid.

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IV. Conclusion
9. Montrez que l’attitude face à la médecine telle que la dénonce Béralde relève de la
croyance, voire de la superstition.
• Béralde veut démontrer que c'est la crédulité des hommes et leur désir d'échapper à la
souffrance et à la mort qui les poussent à se fier aux médecins. Cette attitude relève de la
croyance, comme l’illustre le lexique qu’il emploie : « pures idées » (l. 152), « [se] repaître »
(l. 153), « imaginations » (l. 154), « flattent » (l. 155), « roman de la médecine » (l. 164-165),
« fortune » (l. 180), « croire » (l. 181), « erreur » (l. 183), « ridicule de la médecine » (l. 189).
• Ces mots et expressions montrent que, pour Béralde, l'art des médecins relève moins
d'une science rationnelle que d’un discours mensonger, qui est pourtant cru et respecté
parce qu'il est d'autorité.
10. Quelle est l’importance d’un personnage tel que Béralde au sein de la comédie
Le Malade imaginaire ?
• Comme souvent dans les comédies de Molière, un personnage raisonnable et tolérant,
sachant argumenter, tient tête à celui qui incarne la manie, la folie, et essaie de lui faire
entendre raison. Béralde argumente solidement, sans animosité et avec calme ; il incarne la
modération, ne juge pas autrui, qu'il laisse libre de ses choix, et une attitude saine face à la
vie et ses aléas, se fiant à la nature, à la vérité et à l'expérience.
• Béralde et d'autres personnages de ce type, comme Chrysalde face à Arnolphe dans L'École
des femmes, portent la parole de Molière qui exprime à travers eux sa propre vision de
l'homme et du monde.

11. GRAMMAIRE. Relevez les tournures emphatiques dans ce passage. Quel est leur rôle ?
• Les tournure emphatiques sont les suivantes :
– « C'est que vous avez, mon frère, une dent de lait contre lui » (Argan, l. 139-140) ;
– « C'est notre inquiétude, c'est notre impatience qui gâte tout » (Béralde, l. 146-147) ;
– « ce sont pures idées, dont nous aimons à nous repaître » (Béralde, l. 152-153) ;
– « ce sont deux sortes de personnes que vos grands médecins » (Béralde, l. 172-173) ;
– « C'est un bon impertinent que votre Molière » (Argan, l. 185) ;
– « Ce ne sont point les médecins qu'il joue » (Béralde, l. 188).
• Ces tournures sont surtout le fait de Béralde qui les emploient pour mettre en valeur ses
convictions. Elles ont alors une véritable efficacité rhétorique. En revanche, les deux phrases
d'Argan qui les emploient ne font qu'émettre des jugements de valeur négatifs, non des
arguments.

12. RECHERCHE DOCUMENTAIRE. Cherchez quelles pièces de Molière portent le nom de leur
personnage principal. Constituez ensuite une galerie de portraits de ces personnages en
proie à leur manie, leur folie.
Molière s'est rendu célèbre par de grandes comédies de caractère dont le succès tient
notamment à la force du personnage qu'elles mettent en scène comme le protagoniste
principal. De nombreuses comédies sont centrées sur un personnage masculin, souvent un
barbon, qui incarne une manie. Nous ne retiendrons ici que les titres qui nomment
explicitement leur protagoniste – et non les pièces telles que L'École des femmes (1662), par
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exemple, dont le protagoniste, Arnolphe, incarne la peur du cocuage et une vision


rétrograde du mariage.

• Dom Juan ou le Festin de pierre (1665) est une pièce


éponyme mais n'est pas seulement – ou pas encore – une
comédie de caractère. En effet, Dom Juan n'est pas un
barbon, et sa passion pour les femmes, si elle l'éloigne des
hommes, le rapproche du beau sexe. Son libertinage est
exemplaire dans le sens où il va de pair avec une liberté de
pensée farouche et anti-conformiste qui le jettera dans
l'abîme, et où il en est une incarnation emblématique qui
sera élevée au rang de mythe littéraire.
Alexandre-Évariste Fragonard (1780-1850), Don Juan et Leporello
[Sganarelle chez Molière] rencontrent la statue du Commandeur
au cimetière, vers 1830.

Le comédien Didier Sandre (né en 1946), qui joue Dom Juan dans la mise en scène de Bernard
Sobel en 1973 (et qui a incarné Louis XIV dans L’Allée du Roi, téléfilm en deux parties réalisé
en 1995 et adapté du roman de Françoise Chandernagor), raconte sa réaction lorsqu’on lui
offre le rôle.
« Lorsque que Bernard Sobel m’a demandé de jouer Dom Juan, la proposition m’a paru
totalement incongrue ! J’avais 25 ans, à mes yeux c’était un rôle de vieux : l’image véhiculée
par les interprétations de Vilar, Jouvet, Piccoli, c’était celle d’un quinquagénaire tourmenté
par le démon de midi 1… Immédiatement, Sobel m’a rappelé que, dans la troupe de Molière,
c’était un jeune comédien, Lagrange, qui incarnait le personnage, lequel n’avait rien à voir
avec le séducteur revu et corrigé par les XVIIIe siècle, XIXe siècle et… Mozart. »
Entretien avec Didier Sandre dans Théâtre Aujourd’hui : Dom Juan de Molière, Métamorphoses d’une
pièce, CNDP, 1995 (source : lelivrescolaire.fr).

• Le Misanthrope (1666) nomme son protagoniste par son


tempérament : l'adjectif substantivé précédé de l'article défini
présente un personnage-type. Alceste fuit la compagnie de ses
semblables qu'il blâme sans cesse. Il se plaint de l'hypocrisie des
hommes et les croit tous mauvais. Tous ses propos ne sont pas
insensés mais sa misanthropie est excessive car elle le pousse au
repli sur soi et à un refus de la vie elle-même. Dans la pièce de
Molière, la misanthropie est une passion c'est-à-dire un penchant
envahissant qui peut devenir manie, obsession, et, à ce titre, doit
être combattue au nom de la vérité et de la raison
Gerard Vandergutch (1696-1776), Alceste dérangé par Oronte, gravure,
XVIIIe siècle.

1. Allusion au Psaume 91 de l’Ancien Testament : démon qui pousserait l’homme au vice, à la débauche au
milieu de sa vie.

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• L'Avare (1668), comédie inspirée de l'Aulularia (La Marmite)


de Plaute, met en scène Harpagon (du grec harpagê,
« avidité »), un veuf riche et près de ses sous qui devient fou
lorsqu'il découvre que sa cassette pleine d'or a disparu. La
scène où il cherche le voleur et finit par se saisir lui-même
illustre le potentiel comique de la folie, telle que Molière la
met en scène et la caricature. Il incarne une avarice, passion
excessive et péché capital, qui conditionne toutes ses
réflexions et ses décisions.
Gravure de Jean-Achille Pouget, représentant
Harpagon sa cassette à la main, XIXe siècle.

• Le Tartuffe ou l'Imposteur (1669) tient son nom de l'italien


tartufo (« truffe ») et incarne l'hypocrisie religieuse (le titre de la
première version de la pièce est Le Tartuffe ou l'Hypocrite). Faux
dévot, il s'immisce dans la famille d'Orgon dont il devient le
directeur de conscience, dont il veut épouser la fille et dont il
tente de séduire la femme. Son hypocrisie et son imposture
seront finalement démasquées. Comme Dom Juan, cette pièce a
valu à Molière les foudres de la censure, taxé d'irreligion.

Edmond Geoffroy (1804-1895), portrait de Monsieur Jourdain, XIXe siècle.

• Le Bourgeois gentilhomme (1670) est une comédie-ballet


qui met en scène Monsieur Jourdain, un bourgeois
modeste est parvenu à s'enrichir. Déterminé à acquérir les
manières d'un noble, il fait appel à différents maîtres
chargés de l'instruire : maîtres de musique, d'armes, de
danse et de philosophie se succèdent en son logis. Grisé
par ses rêves de noblesse, il accorde la main de sa fille,
jusque-là refusée, à Cléonte, qui se fait passer pour le fils
du Grand Turc. La pièce s'achève en une grande cérémonie
burlesque où M. Jourdain est sacré « mamamouchi ».
Edmond Geoffroy (1804-1895), portrait
de Monsieur Jourdain, XIXe siècle.

• Certaines de ces comédies ont eu tant de succès et


renferment une telle vérité psychologique que les noms de
leurs personnages principaux sont devenus des noms
communs : un dom juan, un harpagon, un tartuffe.

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 Clés 5. Quand Toinette se fait médecin. Acte III, scène 10 (p. 138-140)
Argan vient d'être abandonné par ses médecins, M. Fleurant et M. Purgon, pour n'avoir pas
suivi leurs prescriptions. Dans cette scène, Toinette, déguisée en médecin, prend le relais.

I. Un faux médecin crédible (l. 456-468)


1. Quels procédés Toinette emploie-t-elle pour mimer le langage des médecins ?
• Afin de faire croire à sa fonction usurpée, Toinette adopte le ton docte et péremptoire des
médecins. Elle emploie des phrases injonctives comme « Donnez-moi votre pouls » (l. 456),
« Allons donc, que l'on batte comme il faut » (l. 156-157), ponctuées de tournures
emphatiques : « c'est du poumon que vous êtes malade » (l. 465-466).
• Surtout la phrase interrogative lui permet de mener son interrogatoire médical : « qui est
votre médecin ? », (l. 459), « De quoi dit-il que vous êtes malade ? » (l. 462), « Que sentez-
vous ? » (l. 468).
2. Que sous-entend-elle quant à M. Purgon ? Que pense-t-elle des autres médecins ?
• « Cet homme-là n'est point écrit sur mes tablettes entre les grands médecins » (l. 461-462) :
c'est par ce stratagème – faire croire qu'elle possède un registre des médecins renommés –
que Toinette porte un jugement catégorique sur M. Purgon, qu'elle connaît en tant que
servante d’Argan et qu'elle disqualifie ici.
• Les autres médecins ne valent guère mieux et font l'objet d'un rejet catégorique : « Ce sont
tous des ignorants » (l. 465) assène-t-elle.

II. « Le poumon » (l. 469-488)


3. Quel organe Toinette incrimine-t-elle ? Est-ce plausible ?
• Toinette décrète, singeant l'arbitraire du jugement médical, que c'est le poumon d'Argan
qui est malade, contrairement à ce qu'ont dit M. Purgon, qui incrimine le foie, et les
Diafoirus, convaincus qu'il souffre de la rate.
• Ce diagnostic répété obstinément n'est pas plausible et est comique : les remèdes pris par
Argan (I, 1) sont essentiellement destinés à soigner son système digestif. Et Argan ne
présente aucun symptôme qui puisse laisser croire qu'il a un problème respiratoire.
4. Quelles formes de comique sont exploitées dans cet échange ?
• Tout d'abord, le comique relève de la situation : Toinette, déguisée en médecin, adopte
leur manière de parler et de se comporter. On peut imaginer qu'elle en adopte également
les attitudes, relevant du comique de gestes.
• Ensuite, le comique de mots est largement exploité. Toinette imite le langage des
médecins (« Vous avez appétit à ce que vous mangez ? », l. 479-480) et leur ton
péremptoire. Elle pose de brèves questions auxquelles Argan répond brièvement, ce qui crée
un échange rapide à la tournure de plus en plus absurde.
• Le comique de caractère est, à nouveau, le fait d'Argan, dont les réponses dociles et
apeurées à sa servante font sourire : « J'ai quelquefois des maux de coeur » (l. 473),
« quelquefois il me prend des douleurs dans le ventre » (l. 477-478), « Oui, Monsieur » (l. 481,
483 et 486).

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5. En quoi l'interrogatoire de Toinette oriente-t-il les réponses d'Argan ?


• Toinette, comme le font les médecins, oriente les réponses d'Argan en employant des
phrases interrogatives qui n'en présentent pas la syntaxe correcte : « Vous avez appétit à ce
que vous mangez ? » (l. 479-480), « Vous aimez à boire un peu de vin ? » (l. 482), « Il vous
prend un petit sommeil après le repas et vous êtes bien aise de dormir ? » (l. 484-485). La
tournure assertive de ces fausses questions invite Argan à lui répondre par l'affirmative – ce
qu'il fait.
• En outre, les questions de Toinette évoquent des sensations qui ne sont nullement des
symptômes mais sont assez naturelles (plaisirs de la table et envie de faire la sieste).

III. Où il est question de régime alimentaire (l. 489-508)


6. Quel mot est désormais répété ? Que traduit cette répétition : a. sur la façon dont
Toinette interprète son rôle ? b. quant à l'image qu'elle donne des médecins ?
• Toinette répète neuf fois le groupe nominal « le poumon ». Elle tient son diagnostic ! La
répétition est comique : elle mime à la fois la conviction que Toinette met dans le rôle
qu'elle joue (et son inaptitude à livrer un véritable diagnostic) et l'entêtement et l'assurance
du médecin sûr de son fait (malgré son inaptitude à livrer un véritable diagnostic).
7. Quel type d'alimentation a-t-on recommandé à Argan ? Quel régime Toinette lui
prescrit-elle ?
• On a recommandé à Argan un régime alimentaire léger et peu susceptible de lui provoquer
des indigestions. Les brèves répliques d'Argan énumèrent ces nourritures saines, mais peu
alléchantes (« Il m'ordonne du potage » l. 489, « De la volaille » l. 491, « Du veau » l. 493,
« Des bouillons » l. 495, « Des œufs frais » l. 497). Toinette-médecin, entendant cela et en
réaction aux réponses d'Argan, clame six fois « Ignorant » – comme en écho à la répétition
de « le poumon » – à l'adresse des médecins d'Argan, répétition qui trouve son apogée dans
la déclinaison incorrecte des termes latins « ignorantus, ignoranta, ignorantum » (l. 502).
• Elle recommande au contraire un régime carné, riche et consistant, composé de « vin pur »
(l. 503), de « bon gros bœuf » (l. 504), de « bon gros porc » (l. 504), de « bon fromage de
Holllande » (l. 505), de « gruau » (l. 505), de « riz » (l. 505), de « marrons » (l. 505) et
d'« oublies » (l. 506) – régime qui ne facilite pas le transit intestinal !

IV. Conclusion
8. Quels types de comique cette scène exploite-t-elle ?
• La situation – Toinette déguisée en médecin – crée un quiproquo car Argan croit avoir
véritablement à faire à un médecin. Le comique de mots, on l'a vu, est largement exploité :
Toinette imite la parlure des médecins, leurs questions incessantes et orientées, leurs avis
péremptoires et leur emploi pédant du latin.
• S'y ajoute le comique de caractère : la crédulité d'Argan est ici évidente, et il se soumet aux
avis… de sa servante, qui n'a aucune compétence médicale. Cette scène prouve les propos
tenus précédemment par Béralde qui soutenait que les médecins sont surtout d'habiles
parleurs.

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• Ainsi, à travers la comédie donnée par Toinette, comédie dans la comédie, la visée
satirique est assurée. La servante n'a aucun mal à contrefaire le médecin ni à duper son
maître, alors qu'elle n'a aucune compétence médicale et n'a aucun scrupule à conclure :
« Votre médecin est une bête » (l. 506-507).
9. Quelles hypothèses cette scène permet-elle de formuler quant au dénouement ?
• Cette scène 10 de l'acte III précède immédiatement le dénouement de la pièce. Argan s'est
vu abandonner par ses médecins attitrés et se trouve ici pris en charge par un faux médecin
qui n'est autre que sa servante. On peut imaginer qu'Argan restera victime de cette nouvelle
illusion, plus bénigne que celle dont il était auparavant épris. Va-t-il se soumettre à ce
nouveau médecin ? Toinette continuera-t-elle à jouer ce rôle auprès de lui ?
• En réalité, le dénouement que nous lirons apparaîtra comme le seul possible : Argan
deviendra, par une cérémonie burlesque, médecin lui-même – et c'est là la sagesse que nous
enseigne Molière à travers son exemple.

10. GRAMMAIRE. Faites l’analyse logique de la dernière phrase de l’extrait en précisant la


nature des propositions employées.
« Je veux vous en envoyer un de ma main, et je viendrai vous voir de temps en temps, tandis
que je serai en cette ville. » (l. 507-508)
Cette phrase est constituée de trois propositions : les deux premières sont indépendantes et
coordonnées, la dernière est une proposition subordonnée circonstancielle de temps
introduite par la locution conjonctive « tandis que », dépendante de la proposition qui la
précède.

11. LECTURE ET REFLEXION D’ENSEMBLE. À plusieurs, faites une recherche sur le déguisement au
théâtre. L’objectif est d’expliquer en quoi l’art du déguisement contribue au comique
d’une pièce et à son caractère spectaculaire.
• Le déguisement au théâtre est une source inépuisable de quiproquo et constitue donc un
ressort comique. Depuis l'Amphitryon de Plaute (187 av. J.-C.) – qui inspira à Molière une
pièce du même nom (1668) – le travestissement nourrit l'intrigue théâtrale et plaît au
spectateur, qui, lui, sait qu'il y a déguisement ou travestissement. Nombre de dramaturges
ont exploité ce type de situation qui suscite souvent le rire complice du spectateur.
• Dans Les Fourberies de Scapin (1671) de Molière, ce dernier invente un type de valet
original, audacieux et sûr de lui. Scapin, héritier de la commedia dell'arte, semble toujours
jouer la comédie au sein même de la comédie. Il est l'auteur et l'acteur de ses propres
machinations, au sein desquelles, véritable metteur en scène, il fait jouer son complice
Sylvestre. Il les mène de main de maître pour servir les intérêts de ceux qui l'émeuvent et les
siens propres ; il tente de paraître honnête aux yeux de son jeune maître alors même qu'il lui
ment ; il contrefait des brigands et leurs accents provinciaux afin de rosser son maître.
• Dans Le Jeu de l'amour et du hasard (1730), Marivaux fait du déguisement une des
conditions majeures de l'intrigue théâtrale. Silvia et Dorante doivent se marier mais sont
désireux de se connaître auparavant. Ils ont la même idée : se déguiser afin de se sonder
mutuellement. Silvia se fait passer pour Lisette, sa servante, et Dorante se déguise en un

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valet nommé Bourguignon tandis que son valet Arlequin se fait passer pour lui. Dialogues et
quiproquos amoureux s'enchaînent à la faveur de cette inversion du rapport maître-valet.
• Dans Le Mariage de Figaro (1784) de Beaumarchais, le travestissement constitue encore
un stratagème. Il va permettre à Rosine de démasquer son époux le comte Almaviva qui fait
des avances à sa suivante Suzanne, pourtant promise à Figaro, le valet du comte. Par ailleurs,
c'est aussi par le déguisement que Chérubin, jeune page au charme duquel la comtesse n'est
pas insensible, tente de revenir au château dont il a été éloigné. Travesti en jeune paysanne,
il est néanmoins reconnu. À nouveau, le déguisement questionne les rapports maître-valet
et la vérité du sentiment amoureux.

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Les lectures d’images

 Image 1. Louis XIV en Apollon pour Le Ballet royal de la Nuit (→ 2e de


couverture et p. 228)
1. Décrivez la posture du roi. Que suggère-t-elle ?
Le roi se tient droit, en appui sur une jambe, l'autre pointée en avant, les mains relevées
horizontalement de chaque côté de son corps. Sa posture gracieuse évoque l'exécution d'un
pas de danse.
2. Quels sont les éléments du costume qui évoquent Apollon, appelé aussi Phébus, « le
brillant » ?
Son costume est de couleur dorée, des flammèches en ornent et soulignent toutes les
parties : le front est ceint d'une couronne qui semble darder des rayons solaires ; le col, les
manches, la jupe, les bas et les souliers en sont également ornés. La blondeur des cheveux
mi-longs et bouclés du roi évoque également le dieu antique. Un grand soleil décore son
pourpoint.
3. Quels aspects en font une riche tenue caractéristique du XVIIe siècle ?
Le costume de la première moitié du XVIIe siècle est baroque : allégé, il est précieusement
orné, comme le montre l'ornement solaire qui recouvre l'habit tout entier, notamment les
bas et la rosette du soulier assortie. Le grand chapeau à plumes caractéristique de l'époque
forme ici un panache chamarré et impressionnant. Mouvement, légèreté et richesse
caractérisent cette royale tenue de spectacle.
4. Quels aspects du roi ce costume met-il en valeur ?
La jeunesse, la grâce, la sensibilité artistique et la puissance du roi sont mises en valeur, en
une sorte de mise en scène symbolique de sa personne royale, au charisme solaire.

 Image 2. Farceurs français et italiens (→ p. I du cahier couleurs et p. 228)


1. Décrivez le décor dans lequel les personnages sont représentés.
Le décor représente une scène de théâtre. Six lustres portant des bougies sont suspendus.
L'arrière-plan est occupé par des représentations de bâtiments créant, en trompe-l'œil,
l'illusion d'une ville.
2. Montrez que les costumes, les gestes et les postures des personnages sont
caractéristiques de ceux de la farce.
Les comédiens représentés sont reconnaissables à leurs noms, peints au bas du tableau,
mais aussi par leurs costumes. Ceux des farceurs italiens, également reconnaissables à leurs
masques traditionnels, sont colorés – le Matamore est vêtu de rouge et d'un grand chapeau
à plumes ; le dottore, de noir ; Arlequin et Trivelin, de leur justaucorps chamarré de losanges
multicolores ; Polichinelle, de noir et de blanc ; et Pantalon, de rouge et de noir. Les
costumes des farceurs français, moins pittoresques, évoquent davantage le XVIIe siècle. Les
gestes et les postures sont évocateurs de leurs rôles : les gestes des mains donnent
l'impression que les comédiens sont en train de parler, donnent l'illusion du jeu théâtral.

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3. Molière est ici représenté dans le rôle d’Arnolphe, personnage de L’École des femmes.
Identifiez-le sur le tableau et décrivez-le. Quelle impression émane de son portrait ?
Molière se trouve à l'extrémité gauche du tableau, au second plan, en retrait derrière
Poisson et devant Jodelet. Il est vêtu comme un riche bourgeois, porte un chapeau noir, un
col blanc et un habit brun. En appui sur sa jambe gauche, il semble désigner quelqu'un de la
main droite ou souligner un propos. Une impression tranquille et investie émane de son
portrait : il semble sourire à son interlocuteur qu'il ne quitte pas des yeux.

 Image 4. Le Ballet royal de la Nuit, version contemporaine (→ p. III du cahier


couleurs et p. 230)
1. À quoi voit-on qu’il s’agit d’un opéra ?
On voit au premier plan les membres d'un orchestre, la femme sur le côté gauche de la
scène chante face au public et à l'arrière-plan, d'autres chanteurs constituent les chœurs.
2. Décrivez décor et costumes. Quels choix en font une mise en scène contemporaine ?
Le décor est minimaliste, essentiellement constitué d'immenses voilages tombant de part et
d'autre du groupe central de personnages. Le noir domine, tant pour leurs costumes que
pour le décor. Les deux femmes situées sur le devant de la scène, ainsi que le groupe
d'hommes encapuchonnés sont vêtus de noir. Les robes des trois femmes sont splendides,
allient des découpes contemporaines et géométriques à des drapés ou des manches
bouffantes ; les hommes portent des tenues identiques, d'une grande simplicité. Le
personnage féminin qui surplombe le groupe central est vêtu d'une robe très travaillée : les
manches et la jupe ont des teintes sombres tandis que le corset, des teintes métalliques ;
une grande collerette blanche forme un contraste fort avec le reste du costume, les autres
tenues et l'obscurité de la scène. Les chœurs portent des tenues contemporaines variées.
Tous ces choix marquent la volonté d'offrir une version contemporaine du ballet.
3. Quels sont les éléments qui peuvent évoquer le siècle de Louis XIV ?
Certains éléments des robes, les perruques, étrangement renversées, offrent une version
actualisée de ceux du siècle de Louis XIV.

 Image 5. Affiche de l’opéra-bouffe Les Brigands (→ p. IV du cahier couleurs


et p. 230)
1. En observant les costumes et les attitudes des personnages, faites des hypothèses sur
l’intrigue de cet opéra.
Les personnages situés à gauche de l'affiche sont vêtus comme des brigands,
reconnaissables à leurs chapeaux ornés des mêmes plumes rouges. Le personnage masculin
du centre de ce groupe possède les attributs d'un homme dangereux : un couteau et un
mousquet sont passés dans sa ceinture, tandis qu'il tient une autre arme dans les mains. Il
fait face et paraît toiser le personnage masculin qui se trouve à droite de l'affiche, un
représentant de l'ordre, un capitaine portant bottes à éperons et galons, qui menace le
brigand de son épée brandie. À l'arrière-plan, un groupe féminin aux robes virevoltantes
danse. On peut imaginer que cet opéra mettra en scène l'affrontement de brigands et de
soldats, les premiers n'étant pas les plus antipathiques. La présence de femmes – dont l'une

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se trouve parmi les brigands – évoque une intrigue romanesque et amoureuse ainsi que le
thème de la fête.
2. Analysez la composition de l’affiche et ses couleurs : que cherche-t-elle à mettre en
valeur afin de susciter l’intérêt des spectateurs ?
La composition triangulaire de l'affiche est soulignée par les couleurs noire, blanche, bleu-
gris, brune et rouge. Les personnages se détachent sur un fond bleu-gris par la blancheur de
leurs costumes, ou leur couleur sombre pour les brigands. Certains éléments de leurs habits
sont rouges, couleur employée pour le titre de l'opéra-bouffe et le nom de son compositeur,
attirant l'œil d'une part sur les fonctions que représentent leurs habits et qui vont les
amener à s'affronter, d'autre part sur le groupe sensuel de femmes dansant.
3. À quoi voit-on qu’il s’agit d’un spectacle ?
Les personnages sont hauts en couleur et leurs postures particulièrement théâtrales : les
deux ennemis dressés l'un en face de l'autre, prêts à l'affrontement, les brigands au corps
replié et le visage tendu en bas à gauche de l'affiche. Le groupe des danseuses renforce cette
impression de mouvement et d'action surprise in medias res.

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Les sujets d’écrit et d’oral

 Dissertation n° 1 (pages 232-233)


Molière affirme : « Le théâtre n’est fait que pour être vu. »
Vous discuterez cette affirmation dans un développement argumenté, en vous appuyant
sur votre lecture du Malade imaginaire et sur les autres textes étudiés dans le cadre du
parcours « Spectacle et comédie ».

Introduction
Dans cette citation, le dramaturge lui-même, Molière, qui est aussi comédien et metteur en
scène, emploie une phrase déclarative à valeur de vérité générale. La tournure restrictive
« ne… que » renforce son propos : le théâtre a pour unique raison d'être et unique but d'être
vu par un public. Il affirme ainsi que le genre théâtral relève avant tout de l'art vivant, ce qui
laisse entendre que le texte d'une comédie ne s'accomplit que par sa mise en scène sous
forme de spectacle 1.
1. La comédie, un art vivant et visuel
• Le texte de la comédie est dit, joué devant un public dans un espace particulier. Les
spectateurs n'ont donc pas affaire à un texte mais à un spectacle : on leur joue une histoire
en leur faisant croire à ce qu'on a appelé l'illusion théâtrale. Les décors, les costumes, la
succession de personnages, de dialogues et de péripéties les plongent dans un univers qui ne
disparaîtra qu'avec la retombée du rideau.
• L'illusion fonctionne grâce à la vraisemblance. La comédie met en scène des personnages
contemporains, des situations familiales, des intrigues amoureuses. Et même lorsque les
personnages sont mythologiques et nobles, que les milieux représentés sont rêvés (Le Songe
d'une nuit d'été), l'émerveillement suscité chez le spectateur garantit à son tour l'illusion.
• La majeure partie des procédés qu'exploite la comédie sont visuels : réalisme ou féérie des
décors et des costumes, déplacements et gestes des personnages qui créent l'illusion de la
vie sur la scène de théâtre.
• Les formes les plus immédiates du comique sont également visuelles : cavalcades,
bastonnades, personnages qui se précipitent ou se dissimulent, se déguisent, chutent ou se
jettent à genoux sont autant d’éléments qui suscitent le rire.
2. La dimension spectaculaire de la comédie
• La variété des décors et des costumes que fait défiler sous les yeux du spectateur
l'enchaînement des scènes contribue à la dimension spectaculaire de la pièce. C'est d'autant
plus vrai des comédies-ballets telles que Le Malade imaginaire qui y déploient une plus
grande variété encore : personnages mythologiques des entrées de ballet, Polichinelle et
Archers dans le premier intermède, troupe de bohémiens dans le second, ballet de médecins
dans le dernier.

1. Pour s’inscrire dans le cadre de l’œuvre et du parcours, nous nous attacherons à analyser le sujet à la lumière
de la comédie.

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• Le déguisement introduit dans la pièce un autre spectacle dans la comédie (Toinette-


médecin, ou Silvia-Lisette et Dorante-Bourguignon dans Le Jeu de l'amour et du hasard de
Marivaux).
• La musique, la danse et le chant mêlés à la comédie lui confèrent une dimension artistique
et spectaculaire inattendue (prologues et intermèdes du Malade imaginaire, intermèdes du
Bourgeois gentilhomme, dénouement de L'Amour médecin).
• Le théâtre dans le théâtre fonctionne comme une mise en abyme : Le Malade imaginaire
est une comédie insérée dans un spectacle qui renferme elle-même de petites comédies.
Certaines pièces mettent en scène des troupes de comédiens (L'Impromtu de Versailles,
L'Illusion comique). Dans Le Malade imaginaire, Molière, évoqué par Béralde et Argan,
devient un personnage de sa propre pièce.
3. Les autres visées de la comédie
• Plaire et divertir était le maître-mot de l'art de la comédie au XVIIe siècle. La comédie
devenue spectacle emporte le spectateur dans un monde à la fois familier et autre, et lui
procure les plaisirs du rire et de l'enchantement créé par les ornements (intermèdes chantés
et dansés).
• Molière, fin observateur de la société et fin connaisseur de la nature humaine, en montre
les travers et les difformités. Mais il ne juge pas, laissant le spectateur réagir par le rire aux
ridicules dénoncés. Il prône une morale joyeuse en faveur de la vie : les dénouements des
comédies-ballets sont plus gais que ceux des comédies récitées (L'École des femmes,
Le Misanthrope).
Conclusion
Avec la comédie-ballet du Malade imaginaire, Molière donne la preuve que la comédie peut
s'amplifier et devenir un spectacle total : en y intégrant les formes d'expression artistiques
les plus nobles – musique, chant, danse, poésie –, la comédie-ballet charme tous les sens des
spectateurs, suscite la joie et la gaieté, et, grâce à Molière, une réflexion sur la nature
humaine.

 Dissertation n° 2 (pages 234-235)


Molière, dans le premier placet présenté au roi sur la comédie du Tartuffe (1664), écrit :
« Le devoir de la comédie [est] de corriger les hommes en les divertissant. »
Vous discuterez cette affirmation dans un développement argumenté, en vous appuyant
sur votre lecture du Malade imaginaire et sur les autres textes étudiés dans le cadre du
parcours « Spectacle et comédie ».

Introduction
Par cette affirmation, Molière assigne un but moral à la comédie, a priori peu évident eu
égard à l'essence comique de ce genre théâtral. « Corriger les hommes en les divertissant »
est même selon lui un véritable « devoir », son but essentiel. Le spectacle des défauts et des
vices de l'homme dont rit le spectateur l'amène à adhérer aux valeurs morales qui s'y
dessinent en creux.

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1. Le rire et le divertissement, fondements du genre comique


• La visée principale de la comédie est de faire rire. Les situations de la comédie renvoient le
plus souvent à l'univers contemporain du spectateur : les intrigues sont familiales et les
personnages, familiers. Elles se concentrent souvent sur un barbon qui s'oppose aux amours
de sa progéniture ou convoite un objet auquel il ne peut pas raisonnablement prétendre
(jeune fille dans L'École des femmes, noblesse dans La Comtesse d'Escarbagnas ou
Le Bourgeois gentilhomme). Certains personnages sont drôles par ce qu'ils sont : le soldat
qui se vante (Pyrgopolinice dans Le Soldat fanfaron, Matamore dans L'Illusion comique), les
valets insolents qui dupent ou défient leur maître (Scapin, Figaro).
• Les différents types de comique lui donnent une richesse et une efficacité qui ne laissent
pas de répit au spectateur et l'amènent à expérimenter tous les rires possibles : rire
spontané devant les chutes, bastonnades et autres gestes farcesques, rire gras suscité par
les polissonneries et les lazzis de la commedia dell'arte, rire railleur devant le ridicule des
personnages (comme les médecins des comédies de Molière), rire complice aux dialogues
pleins d'esprit (propos de Toinette et de Béralde, ou de Figaro).
2. L'efficacité du spectacle comique
• Créer une complicité avec le spectateur garantit l'efficacité du genre comique. Celle-ci est
suscitée par les situations ordinaires qui renvoient à des problématiques familiales et des
sentiments universels, comme les amoureux contrariés que l'on souhaite voir triompher des
obstacles. Elle l'est également à travers certains types de personnages : la drôlerie des valets
qui bien souvent disent tout haut ce que l'on pense tout bas, les personnages raisonnables
aux propos pleins de bon sens qui reflètent l'avis même des spectateurs, les personnages
incontestablement ridicules par leurs défauts ou leurs outrances.
• Le ridicule des personnages des comédies de caractère est si outrancier qu'il ne peut que
faire rire. À aucun moment Argan ne nous fait de la peine car nous savons que c'est un
« malade imaginaire ». Les Arnolphe, Argan, Harpagon, Tartuffe toujours geignants,
tempêtants et menaçants, font l'unanimité contre eux. La satire qui les vise comme celle qui
vise médecins, notaires, gens de justice, remporte une adhésion universelle car elle révèle la
vérité de leur nature.
3. La noblesse du genre comique
• Le genre comique, prisé par le roi lui-même, gagne au XVIIe siècle ses lettres de noblesse :
elle s'écrit désormais en vers (Les Visionnaires, L'Illusion comique, L’École des femmes) et
s'inscrit dans de somptueux divertissements royaux (comédies-ballets). Elle peut mettre
aussi en scène des personnages normalement caractéristiques du genre tragique : êtres
mythologiques (Amphitryon), princes et princesses.
• Le précepte horatien « castigat ridendo mores » a été accompli par Molière qui réalisa le
noble but qu'il avait assigné à la comédie, spectacle fait pour rire mais aussi moraliste. Dans
ses pièces, les procédés didactiques sont les différents comiques et des dialogues à l'écriture
efficace et convaincante. Il nous invite à nous méfier des excès de toutes sortes et des
passions qui empêchent de vivre en société et aliènent l'homme.
Conclusion
Tout au long de sa carrière, Molière n'a eu de cesse d'élever la comédie au rang de grand
genre et de grand art. De ses premières comédies jusqu'aux plus abouties, il a élaboré un
style fusionnant des héritages variés (comédies antiques, théâtres espagnol et italien, farce),

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exploitant et perfectionnant toutes les formes de comique et l'écriture des dialogues,


approfondissant sa connaissance de la nature humaine et des meilleurs moyens d'en
montrer les vices. C'est pourquoi ce grand dramaturge du XVIIe siècle a encore des choses à
nous dire aujourd'hui.

 Commentaire (pages 236-237)


Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard, acte II, scène 9 (texte 3, pages 173-174)

Situation de l’extrait
Dans cette scène, Silvia et Dorante, tous deux déguisés – l'une en servante et l'autre en
valet –, se donnent la comédie l'un à l'autre. Sous ce déguisement qui dissimule leur
véritable identité, chacun veut connaître l'autre avant de l'épouser. Mais à la faveur de ce
double quiproquo se révèlent l'amour mais aussi la crainte d'aimer un subalterne.
1. Un dialogue amoureux
• Dorante est tombé amoureux de celle qu'il croit être Lisette : le champ lexical de l'amour
imprègne ses discours enflammés (« sensible » l. 9, « aimer » l. 12, « cœur » l. 12, « passion »
l. 24). Mais il voit bien que Silvia le repousse. Des termes péjoratifs révèlent sa crainte de lui
déplaire (« faute » l. 1, « reprocher » l. 8, « espérer » l. 11, « hais » l. 16, « affreux » l. 19,
« désespère » l. 24, « dangereuse » l. 25, « sauve-moi » l. 25, « accable » l. 26, « secours »
l. 27). Les phrases exclamatives et interrogatives qu'il emploie trahissent cette crainte et son
impatience de connaître les véritables sentiments de Silvia à son égard.
• Silvia est troublée, les didascalies signalent des apartés qui mettent en évidence l'amour
naissant qu'elle éprouve pour Dorante mais dont elle se défend, le croyant Bourguignon :
« J'ai besoin à tout moment d'oublier que je l'écoute » (l. 3-4) ou « Il ne faudrait pas s'y fier »
(l. 10). Le vocabulaire amoureux est absent de ses répliques, très courtes, destinées à
dissimuler ses sentiments, mais la première personne du singulier et les tournures
impersonnelles y abondent.
2. Un jeu de dupes
• Dorante, censé épouser Silvia, tombe amoureux de Lisette… qui est en fait Silvia. La
condition de celle qu'il aime ne le retient pas et c'est une déclaration désespérée qu'il fait ici
(« hélas ! » l. 12). Il ne comprend pas son rejet (« Que peux-tu me reprocher ? » l. 8).
Comment le pourrait-il ? Pourquoi une servante repousserait-elle un valet qui ne lui déplaît
pas ? Il interroge Silvia avec insistance : « Il est donc bien vrai que tu ne me hais, ni ne
m'aimes, ni ne m'aimeras ? » (l. 16-17). Il ne peut savoir que seule la véritable condition de
Silvia l'empêche de répondre favorablement au sentiment de Dorante. Celui-ci lui demande
de confirmer ses sentiments, dont l'hyperbole nous montre qu'il n'arrive pas à la croire :
« dis-le moi cent fois, que tu ne m'aimeras point » (l. 21-22).
• Silvia répond aux demandes insistantes de Dorante par des propos sibyllins : « il n'est pas si
curieux à savoir que le mien » (l. 6), « quand tu l'aurais, tu ne le saurais pas » (l. 13-14), « ce
n'est pas là ce qui te nuit » (l. 20). Ses réponses se font de plus en plus lapidaires : « Sans
difficulté » (l. 18), « Assurément » (l. 42). Ces deux répliques s'opposent : entre-temps, le
père et le frère de Silvia sont entrés en scène et la crainte d'être reconnue lui fait dire
précipitamment ce que Dorante attendait : « je ne te hais point, lève-toi, je t'aimerais si je

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pouvais, tu ne me déplais point » (l. 36-37). L'aveu est difficile comme le manifestent les
négations qu'elle emploie.
3. Le double plaisir du spectateur
• Le spectateur assiste à un double quiproquo qui donne lieu à un dialogue amoureux. Le
marivaudage met ici en lumière le caractère irrésistible du sentiment amoureux et sa
complexité. La confusion s'empare de Silvia et de Dorante : il ne peut s'empêcher de l'aimer
et, elle, le doit malgré ce qu'elle ressent. L'emploi du conditionnel et de la conjonction de
subordination « si » hésitent à envisager un amour réciproque : « que pourrais-je espérer »
(l. 11), « quand tu l'aurais, tu ne le saurais pas, et je ferais si bien que je ne le saurais pas moi-
même » (l. 13-15), « si je n’étais pas ce que je suis, si j’étais riche, d’une condition honnête, et
que je t’aimasse autant que je t’aime, ton cœur n’aurait point de répugnance pour moi ? »
(l. 38-41). À cette ultime question qui évoque la problématique condition de Bourguignon-
Dorante, la réponse de Silvia révèle enfin clairement ce qu'elle ressent, de façon laconique :
« Assurément » (l. 42).
• Le spectateur en sait plus que les deux personnages, amants qui s'ignorent, et se régale de
les voir ainsi se fuir et se chercher alors qu'ils sont promis l'un à l'autre. Orgon et Mario
surgissant sur scène assistent à cette comédie dans la comédie comme le spectateur, qu'ils
renvoient à son propre statut et à cette connaissance supérieure de ce qui se joue sur scène.
Il sait bien que Dorante et Silvia ont envie de s'aimer et se pose cette délicieuse question :
comment vont-ils y parvenir ?

 Sujet d’oral n° 1 (page 238)


 Explication d’un passage : Le Malade imaginaire, I, 2, lignes 91-120.
Ce passage se situe dans la scène 2 de l'acte I. Elle voit l'entrée en scène de Toinette, la
servante d'Argan, qui l'a sonnée à la fin de la première scène.
• Lignes 91 à 104 : Toinette, une comédienne
Argan a perdu patience et ne supporte pas d'avoir attendu si longtemps avant que ne vienne
Toinette : « Me laisser, traîtresse… » (l. 91). Face à la colère de son maître, Toinette joue la
comédie, elle geint, « faisant semblant de s'être cogné la tête » (l. 70). Elle ne cesse
d'interrompre Argan par des cris de douleur (« Ha ! ») pour l'empêcher de la « quereller ». La
situation classique du maître de maison blâmant ses domestiques est ici comique par le jeu
de Toinette qui fait encore plus enrager Argan.
C'est une forme de résistance qu'elle lui oppose en se jouant de lui. La didascalie précise
qu'elle crie « toujours pour l'interrompre » (l. 92). Argan, lui, fait pleuvoir sur elle les injures
(« traîtresse » l. 91, « chienne » l. 93, « coquine » l. 103) et les ordres (« Ôte-moi ceci »
l. 103). Il y a un véritable rapport de force que traduisent les types de phrase employés
(exclamatif pour les deux personnages, interrogatif et injonctif pour Argan). D'ailleurs, les
expressions employées par Toinette la situent sur un pied d'égalité avec son maître : elle
emploie aussi la phrase injonctive en lui disant « Querellez tout votre soûl » (l. 97) et se
permet de l'y autoriser : « je le veux bien » (l. 97). Puis, elle persiste en employant un
parallélisme de construction et le pronom indéfini « chacun » : « Si vous avez le plaisir de
quereller, il faut bien que, de mon côté, j'aie le plaisir de pleurer : chacun le sien » (l. 100-
101). C'est elle la comédienne qui redéfinit leurs rôles.

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• Lignes 104 à 120 : Une servante impertinente face à un « malade imaginaire »


Argan évoque ensuite son sujet favori, son traitement quotidien et, comiquement, en
demande à Toinette les effets : « Mon lavement d'aujourd'hui a-t-il bien opéré ? » (l. 104-
105). Il la renvoie ici à sa condition servile et aux pires tâches qu'elle peut impliquer.
Cependant Toinette s'indigne et lui répond non sans impertinence : « Ma foi ! je ne me mêle
point de ces affaires-là : c'est à Monsieur Fleurant à y mettre le nez, puisqu'il en a le profit »
(l. 108-109). Ici s'expriment la dignité et le bon sens de Toinette, à travers notamment
l'emploi de l'euphémisme « affaires » et de l'expression imagée qui attribue à l'apothicaire la
tâche dégradante qu'Argan veut lui imposer.
Tandis qu'Argan, autoritaire et entêté, fait la sourde oreille en lui donnant ses ordres
(« Qu'on ait soin de me tenir un bouillon prêt » l. 110), Toinette insiste et, à nouveau, montre
tout son bon sens, la connaissance qu'elle a de son maître et des médecins parasites qui
l'entourent et qui « s'égayent bien sur [son] corps » (l. 113). Elle dit franchement ce qu'elle
pense, sans épargner son maître : « ils ont en vous une bonne vache à lait ; et je voudrais
bien leur demander quel mal vous avez, pour vous faire tant de remèdes » (l. 113-115). Mais
Argan ne veut rien entendre et lui intime le silence – « Taisez-vous, ignorante » (l. 116) –, la
renvoyant à nouveau à sa condition de servante : « ce n'est pas à vous à contrôler les
ordonnances de la médecine. Qu'on me fasse venir ma fille Angélique » (l. 116-118).
Conclusion
Cette deuxième scène de la pièce participe à son exposition. S'y font face les deux
personnages principaux de la comédie : le maître et sa servante. Ce duo traditionnel trouve
ici une expression originale. Face à Argan, « malade imaginaire » autoritaire, obstiné et
colérique, Toinette, une femme, ne se laisse nullement impressionner et, devenant presque
son égale dans le dialogue, elle n'hésite pas à le tourner en ridicule ni à lui dire sa pensée.
Opposée à Argan mais, on le verra dans la suite, pour son bien, elle incarne le bon sens et la
raison.
 QUESTION DE GRAMMAIRE > Dans les répliques d’Argan, relevez trois phrases injonctives
employant des procédés grammaticaux différents.
Voici trois phrases injonctives employant des procédés différents :
– l. 103 : « Ôte-moi ceci » (emploi du mode impératif) ;
– l. 110 : « Qu'on ait soin de me tenir un bouillon prêt » (emploi du présent du subjonctif) ;
– l. 116-117 : « ce n'est pas à vous à contrôler les ordonnances de la médecine » (emploi
d'une tournure impersonnelle emphatique).

 Sujet d’oral n° 2 (page 239)


 Explication d’un passage : L’Illusion comique, V, 6, texte 5, pages 179-181.
Sur le fond de sa grotte magique, le mage Alcandre révèle la vérité à Pridamant qui croit son
fils Clindor mort. Il s’agit en fait d’une tragédie qu'a vu jouer Pridamant ; celui-ci apprend ici
que son fils est comédien alors même qu'il allait se tuer de désespoir.
• Vers 1 à 11 : Un coup de théâtre
La première réplique d'Alcandre est mystérieuse et entretient un suspense. Le lexique
tragique rappelle bien la volonté de Pridamant de se tuer, désespéré de la mort de Clindor
(« désespoir » v. 1, « effort » v. 1, « crime » v. 2, « coup » v. 4, « douleurs » v. 5,

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« funérailles » v. 6) mais les verbes à l'impératif qu'il emploie – « laissez » v. 5, « voyez »


v. 10 – l'enjoignent à suspendre son geste et à regarder ce que le mage va lui dévoiler.
La didascalie mentionne un rideau qui se lève, laissant apparaître sur scène « tous les
comédiens qui partagent leur argent », au moment donc où la pièce qu'ils viennent de jouer
s'achève. C'est un coup de théâtre comme le montrent la réaction et les exclamations de
Pridamant : « Que vois-je ! » (v. 9), « Ah ! Dieu ! quelle surprise ! » (v. 11). D'abord incrédule
– « chez les morts compte-t-on de l'argent ? » (v. 9) – il reconnaît son fils qu'il voit bien vivant
sous ses yeux : « Je vois Clindor » (v. 11).
• Vers 12 à 27 : Du théâtre dans le théâtre
Mais l'illusion est si forte que Pridamant hésite encore à croire ce qu'il voit : « je vois leur
assassin » (v. 12) est une réflexion incongrue puisqu'il voit que Clindor et Rosine sont en vie.
Mais il ajoute : « Quel charme en un moment étouffe leurs discords / Pour assembler ainsi les
vivants et les morts ? » (v. 13-14). L'emploi du mot « charme » et l'antithèse vivants-morts
montrent bien la force de l'illusion théâtrale, capable de réaliser l'impossible.
La didascalie qui a indiqué plus haut le lever de rideau dévoile un jeu théâtral dans le
théâtre : ce qu'a vu Pridamant, c'est une tragédie jouée par des comédiens, ici présentés de
façon réaliste en train de se partager la recette de la pièce, ce qu'explicite Alcandre : « Ainsi,
tous les acteurs d'une troupe comique, / Leur poème récité, partagent leur pratique » (v. 15-
16). Il achève ensuite d'éclaircir Pridamant sur les événements qui se sont déroulés sous ses
yeux. Il emploie tout d'abord le présent de l'indicatif qui joue volontairement sur l'ambiguïté
de ses différentes valeurs :
L’un tue et l’autre meurt, l’autre vous fait pitié,
Mais la scène préside à leur inimitié.
Leurs vers font leur combat, leur mort suit leurs paroles,
Et sans prendre intérêt en pas un de leurs rôles,
Le traître et le trahi, le mort et le vivant
Se trouvent à la fin amis comme devant. (v. 17-22)
Le présent semble renvoyer à la fois à l'action théâtrale en train de se jouer (la tragédie de
Clindor et l'illusion comique), mais aussi, comme la pièce tragique est achevée, à un présent
de narration. Comme les propos d'Alcandre décrivent tous les comédiens, il peut s'agir aussi
d'un présent de vérité générale.
Ensuite, l'emploi du passé composé explique à Pridamant les raisons qui ont poussé son fils à
se faire comédien (v. 23-26) : le père comprend enfin que son « fils [est] comédien ! » (v. 27)
• Vers 28 à 39 : De l'art théâtral
Dans la dernière et longue réplique d'Alcandre, il est question de théâtre : le champ lexical
en abonde. Il le définit d'emblée comme un « art […] difficile » (v. 27), ce qui va à l'encontre
de bien des préjugés à son égard. Le mage confirme ensuite le fait que les terribles dangers
courus par Clindor n'étaient « que la triste fin d'une pièce tragique » (v. 31), jouée pour le
plus grand plaisir du public (« Ravissent », v. 34).
Les termes mélioratifs mettent en avant la gloire qui s'attache à ce « métier » (v. 33) :
« compagnons » (v. 33), « gain » (v. 35), « grand équipage » (v. 35), « superbe étalage »
(v. 36), « parer » (v. 37), « admirer » (v. 38). La dernière réaction de Pridamant démontre le
pouvoir du théâtre, la magie de cet art : « J'ai pris sa mort pour vraie, et ce n'était que
feinte. » (v. 39)

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Pridamant incarne ici le spectateur, jouet de l'illusion théâtrale. Avec Corneille, elle se fait
comique puisque la tragédie jouée par Clindor n'était qu'une pièce de théâtre et que toutes
les épreuves qu'il a traversées et dont Pridamant pensait qu'elles l'avaient mené à sa perte
n'étaient « en réalité » que les péripéties d'une pièce de théâtre. Le spectateur se voit
expliquer les rouages presque magiques de l'art, les arcanes de l'illusion théâtrale.
 QUESTION DE GRAMMAIRE > Analysez la nature et la fonction des propositions subordonnées
des vers 32 et 36.
Les propositions des vers 32 et 36 sont des propositions subordonnées relatives :
– « Qu'il expose aujourd'hui sur la place publique » : le pronom relatif « qu' » a pour
antécédent « une pièce tragique » (fonction du pronom : COD de « expose ») ;
– « Dont je vous ai fait voir le superbe étalage » : le pronom relatif « dont » a pour
antécédent « ce grand équipage » (fonction du pronom : complément du nom « étalage »).

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