lundi 16 octobre 2023 — Quotidien n° 42745 —2,70 €

Monde Éco&transition
p La crainte d’un embrasement au Proche-Orient La hausse des salaires
p En Cisjordanie, la vengeance débridée au cœur de la
des colons P. 6-7 conférence sociale P. 12-13
éditorial
Séverin Husson

Faire face Résister,

espérer

I
l y a des jours où il faut avoir
le cœur bien accroché pour
ne pas désespérer. Trois ans
après l’assassinat de Samuel Paty,
et alors que l’efroyable opéra-
tion du Hamas en Israël et sa
riposte brutale sur Gaza préci-
pitent chaque jour un peu plus
l’ensemble du Proche-Orient vers
l’abîme, le terrorisme islamiste
a de nouveau frappé en France.
La reprise des cours ce matin et
les moments de recueillement
organisés à 14 heures dans tous
les établissements scolaires pro-
mettent d’être intenses. Ce sera
l’occasion de rendre hommage
à Dominique Bernard, ensei-
gnant passionné, amoureux
de littérature. Ce sera aussi celle
Belgique : 2, 90 € ; Luxembourg : 2, 90 € ; Italie (Rome) : 3, 40 € ; Maroc : 36 MAD

de réairmer l’unité nationale

Depuis 1883 – ISSN/0242-6056. – Imprimé en France : 2, 70 € ; DOM : 3, 55 €

face à ceux qui s’en prennent à

l’école et qui cherchent à afaiblir
la République en faisant d’une
religion un instrument de mort.
Résister au fanatisme, malheu-
reusement, la France en a déjà
l’expérience. Des dessinateurs,
des policiers, des militaires,
des juifs, un prêtre, des jeunes
en terrasse, des amateurs de
musique ou de simples citoyens
en ont été ces dernières années
les victimes. Cela implique de
Annonces légales p. 14

mobiliser les moyens de l’État,

d’enquête et de justice. Cela
oblige aussi à afronter métho-
diquement les problèmes, de la
sécurisation des 60 000 établis-
sements scolaires aux interroga-
tions sur le droit des étrangers
et les reconduites à la frontière,
posés par l’itinéraire du meur-
trier d’Arras. Le projet de loi
Le choc est immense sur l’immigration doit permettre
d’y apporter des réponses,
au lendemain de à tête reposée mais sans tabou.
Dans la noirceur du moment,
l’attentat islamiste notre capacité à ne pas nous
laisser emporter par nos pas-
qui a frappé la France, sions et à faire corps face à ces
drames est un atout précieux,
vendredi, à Arras une raison d’espérer. En Israël
et en Palestine aussi, des voix
P. 2 à 4 appellent au calme et à la paix.
Elles crient pour le moment
dans le désert, mais un jour
Hommage à Dominique Bernard à Arras (Pas-de-Calais), dimanche 15 octobre. Raphaël Lafargue/Abaca on saura les entendre.
 La Croix -lundi 16 octobre 2023

2 ÉVÉNEMENT
Une minute Vendredi 13 octobre, des professeurs se sont rassemblés à Amiens (Somme) après l’assassinat
d’un enseignant dans son lycée d’Arras. Manon Cruz/Le Courrier Picard/MaxPPP
de silence sera
organisée ce lundi
16 octobre dans les
écoles, collèges et
lycées en hommage
à Samuel Paty et
Dominique Bernard,
assassiné vendredi
13 octobre.
L’auteur présumé
de l’attaque
terroriste et sa
famille avaient été
déboutés de leur
demande d’asile
il y a plusieurs
années.
Reportage auprès
de la communauté
musulmane d’Arras,
qui vacille entre
émotion et peur
de la stigmatisation.

Après l’attaque d’Arras,

l’école sous le choc
« Sidérés », « abasourdis »,
tÉlèves et enseignants « horrifiés ». Ce lundi 16 octobre,
rendront hommage, trois ans après l’assassinat de
ce lundi 16 octobre Samuel Paty et trois jours après
à 14 heures, à Samuel Paty la mort de Dominique Bernard,
et Dominique Bernard, tué par un terroriste islamiste
les professeurs victimes le vendredi 13 octobre au lycée
d’attaques terroristes Gambetta-Carnot d’Arras (Pas-de-
dans leur établissement Calais), les professeurs sont sous le
scolaire. choc. Que diront-ils à leurs élèves ?
tAu lendemain Ils doivent d’abord se retrouver
de ce nouvel attentat entre eux de 8 heures à 10 heures
dans un lycée, l’émotion pour un temps d’échange. Ils orga-
est immense chez niseront ensuite une minute de si-
les enseignants. lence dans les classes à 14 heures,
mais certains avouent ne plus
avoir de mots face à ces drames.
Ainsi, cette collègue directe de
Dominique Bernard au lycée
d’Arras : elle connaissait bien la
victime, professeur de français
comme lui ; leurs illes sont même
meilleures amies. Vendredi, elle
est restée coninée avec sa classe
jusqu’en milieu d’après-midi. « Je
n’ai aucune idée de ce que je vais
pouvoir dire, lundi, à mes élèves. »
Au-delà de ce premier cercle des
proches de la victime, de nombreux
professeurs avouent qu’ils sont bou-
leversés, et hésitent sur la conduite
à tenir. Beaucoup attendent la réu-
nion de lundi matin pour mettre
au point un discours commun, à
l’échelle de l’établissement. D’autres
ont déjà dû afronter les questions
de leurs élèves. Adélaïde Royal,
par exemple, faisait cours au lycée
Paul-Claudel de Paris, vendredi
après-midi. « Pendant ma dernière
heure, j’étais avec ma classe de pre-
mière, et je leur ai avoué que j’étais
fatiguée, éprouvée par l’actualité de
la semaine. Nous avons commencé à
parler assez librement. »
Celle qui a commencé à ensei-
gner l’histoire-géographie à la
rentrée 2020, quelques semaines
avant la mort de Samuel Paty et
pour lequel elle avait organisé
un hommage à l’époque, se voit
à nouveau rattrapée par le ter-
rorisme. « J’ai constaté que mes
élèves ont pris conscience de la gra-
vité de la chose même si des incom-
préhensions de fond persistent. »
Certains lui ont dit qu’ils ne com-
prenaient pas pourquoi les puis-
sances occidentales soutenaient
Israël, par exemple. « Ils réagissent
de façon très émotionnelle. J’ai
tenté de remettre de la rationalité,
de revenir aux faits, aux dates, à
l’histoire. Je leur ai expliqué P P P

P P P que susciter une réponse émo-
tionnelle était précisément le but
du terrorisme et qu’il fallait lui op-
poser la raison. »
Autre ville, autre lycée, et même
sentiment de voir l’histoire bé-
gayer. Thibaut Poirot aussi était
devant ses élèves, vendredi, dans
un lycée de l’est de la France.
« Monsieur, c’est vrai qu’un pro-
fesseur a été tué ? », a-t-il été in-
terpellé, à la reprise des cours
l’après-midi. « J’avoue que ça n’a
pas été le moment le plus simple de
ma vie de professeur, concède-t-il.
J’ai conirmé que l’école avait été à
nouveau visée, et que nous allions
tous recommencer à vivre norma-
lement, mais en étant chacun plus
repères
La France en niveau
« urgence attentat »
La première ministre Élisabeth
Borne a décidé vendredi de pla-
cer la France en alerte « urgence
attentat », niveau le plus élevé du
dispositif de sécurité Vigipirate.
Il peut être mis en place
ÉVÉNEMENT
responsable les uns des autres.
Que c’était ça, la terrible leçon de
la mort de Dominique Bernard et
Samuel Paty : faire plus attention
aux autres, à nos mots aussi, que
chacun avait désormais un devoir
de vigilance et de prudence. »
D e n o m b re u x p ro f e s s e u r s
abordent, très affectés, ce lundi
d’hommages. Trouver une
conduite à tenir face aux élèves,
ajuster un discours… mais aussi
et surtout retrouver confiance
dans leur mission : autant d’obs-
tacles insurmontables ? La colère
monte dans les rangs, avertit ainsi
François da Rocha Carneiro, vice-
président de l’Association des pro-
fesseurs d’histoire-géographie, qui
a remis le prix Samuel-Paty samedi
à la Sorbonne. À cette occasion, il
a croisé la première ministre et le
ministre de l’éducation nationale,
«Pendant
ma dernière heure,
j’étais avec ma
classe de première,
et je leur ai avoué
que j’étais fatiguée,
éprouvée par
l’actualité
de la semaine. Nous
avons commencé
à parler assez
librement.»
auxquels il a fait part de sa décep-
tion. Lui qui enseigne au lycée
Jean-Moulin de Roubaix, jugé dif-
icile, leur a raconté son sentiment
d’être envoyé « la leur au fusil de-
vant des classes compliquées », là
où il attend de l’État et même, au-
delà, de la nation tout entière, un
signe de soutien.
« Bien sûr, ce lundi, nous allons
reprendre le travail, être là pour
nos élèves. Mais pourquoi ne pas
avoir décidé un jour de deuil natio-
nal, si notre mission est jugée aussi
importante qu’on nous le dit à lon-
gueur de beaux discours ? Personne
ne semble saisir notre désarroi. »
« On a besoin d’une parole politique
qui ne soit pas un câlin mais une
vraie réponse en termes de sécu-
rité, face à la réalité de la menace »,
grince de son côté Thibaut Poirot,
qui lui aussi estime que l’État doit
faire plus pour ses hussards.
La mort de Dominique Bernard
intervient dans un contexte parti-
– le temps de la gestion de
crise – à la suite immédiate
d’un attentat ou si un groupe
terroriste identiié et non
localisé entre en action.
Il permet notamment d’assurer
la mobilisation exceptionnelle
de moyens. L’Élysée a ainsi
annoncé samedi la mobilisa-
tion de 7 000 soldats de l’opé-
ration Sentinelle, qui avait été
déployée pour la première fois
La Croix -lundi 16 octobre 2023
culier, alors que le moral des ensei-
gnants est déjà au plus bas. Dans
un livre récent, l’ancien inspecteur
Jean-Pierre Obin évoque les résul-
tats d’une vaste enquête (1) selon
laquelle 80 % des professeurs ont
peur de certains élèves, notam-
ment d’incidents liés à la religion,
et que plus d’un sur deux pratique
l’autocensure – dont deux tiers de
professeurs d’histoire-géographie.
« Or face à ce constat très sombre,
beaucoup d’enseignants estiment
ne pas être soutenus par l’insti-
tution, être renvoyés à leur soli-
tude, décrit Jean-Pierre Obin. Par
exemple, quand ils signalent les in-
cidents, dans la moitié des cas, ces
signalements ne sont pas remontés
à la hiérarchie, car à chaque étage
de l’administration, il existe une
grande frilosité. On leur répond :
“Vous êtes sûr ? Attendez, c’est un
enfant, ça va passer…” »
« La mort de Dominique Bernard
alertera-t-elle sur le malaise de
notre profession ? », interroge, dé-
pité, David Feutry, enseignant au
lycée Édouard-Branly de Dreux
(Eure-et-Loir), qui rappelle que se-
lon le témoignage d’un professeur
de philosophie du lycée d’Arras, le
meurtrier cherchait à s’en prendre
à un professeur d’histoire-géo. « Je
me savais en première ligne pour
expliquer le monde, apporter de la
nuance à des gens qui, parfois, n’en
veulent pas ; mais, désormais, je de-
viens une cible à part entière. C’est
terrible ce qui se passe. Je n’ai pas
signé pour ça ! Qui voudra encore
faire ce métier ? », lâche-t-il.
Aussi, David Feutry ne sait pas
encore comment il va parler à ses
élèves. « Il faut tout revoir », init-
il par dire, sans désespérer de la
pédagogie. La réforme annoncée
de l’éducation morale et civique
pourrait ainsi changer la donne.
« Aujourd’hui, on a une heure tous
les quinze jours, ce qui est très peu.
Il faudrait au moins une heure par
demi-groupe si on voulait vraiment
faire passer une rélexion sur la ci-
toyenneté. » Autre chantier : l’édu-
cation aux médias, essentielle
pour savoir décrypter les images et
déjouer les fausses informations,
qui n’a jamais été réellement assu-
rée, airme l’enseignant qui inter-
roge : « On nous promet des cours
d’empathie, c’est bien. Mais si, en
parallèle, on ne lutte pas contre les
discours de haine dont sont abreu-
vés certains de nos élèves, à quoi ça
servira ? »
Emmanuelle Lucas
(1) Les profs ont peur,
L’Observatoire, 176 p., 20 €.
après les attentats de
janvier 2015.
Le ministre de l’éducation natio-
nale Gabriel Attal a annoncé le
déploiement de 1 000 personnels
de sécurité dans les établisse-
ments scolaires.
Le niveau « urgence attentat »
a été déclenché pour la dernière
fois en novembre 2020, après
l’assassinat de Samuel Paty.
L’assaillant aurait-il
dû être expulsé?
tMalgré sa demande
d’asile refusée, l’auteur
présumé de l’attaque
mortelle au couteau
à Arras ne pouvait pas
être légalement reconduit
à la frontière.
tEn efet, il bénéiciait
de la protection accordée
aux enfants entrés
sur le territoire avant
l’âge de 13 ans.
Mohammed M., auteur pré-
sumé de l’attaque terroriste dans
laquelle un enseignant a été tué et
trois autres personnes blessées dans
un lycée d’Arras (Pas-de- Calais) ven-
dredi 13 octobre, aurait-il dû être
expulsé ? Né en 2003 en Ingouchie,
république caucasienne de la Fédé-
ration de Russie, il arrive en France
en 2008, à l’âge de 5 ans, accompa-
gné de ses parents et de ses frères et
sœurs. La famille s’installe d’abord
près de Rennes, en Bretagne, où les
enfants sont scolarisés, puis dépose
une demande d’asile, rejetée par
l’Oice français de protection des
réfugiés et apatrides (Ofpra) puis
par la Cour nationale du droit d’asile
(CNDA) en 2010.
Début 2014, Mohammed M., qui
est alors en CM2, et sa famille font
l’objet d’une procédure d’expul-
sion collective vers Moscou. Plu-
sieurs associations multiplient des
actions pour que cela n’ait pas lieu.
Le ministère de l’intérieur, avec à
sa tête Manuel Valls, annule la pro-
cédure. « Moi, je ne suis pas inter-
venu directement », s’est défendu
samedi l’ancien ministre socialiste
au Télégramme. Les organisations
de défense des étrangers « sont
montées au créneau auprès de mon
équipe. Mon cabinet a alors exa-
miné le dossier et a considéré que
cette expulsion ne respectait pas la
circulaire dite Valls. La famille était
en efet sur le sol français depuis plus
de cinq ans et les enfants, dont une
en bas âge, étaient scolarisés et par-
laient français », a-t-il ajouté, poin-
tant dimanche sur Franceinfo une
« polémique inutile ».
En 2015, toute la famille s’installe
à Arras. Trois ans plus tard, le père,
iché S, est expulsé, puis, en 2020,
le grand frère de Mohammed M. est
emprisonné pour association de
malfaiteurs terroriste – il était impli-
qué dans un projet d’attentat visant
l’Élysée. C’est à cause des liens en-
core forts avec son père et son frère
que l’auteur présumé de l’attaque
était depuis peu iché S et suivi par
la Direction générale de la sécu-
rité intérieure (DGSI), qui l’a inter-
pellé la veille des faits pour vériier
notamment s’il n’avait pas d’arme
sur lui. « Il était sous écoute et faisait
l’objet de surveillances physiques »,
précise le ministère de l’intérieur.
3
En mars 2021, à sa majorité, le
jeune homme avait demandé le
réexamen de sa demande d’asile,
rejetée car considérée comme irre-
cevable par l’Ofpra, vraisemblable-
ment pour absence de fait nouveau.
Il avait alors saisi la CNDA qui a re-
jeté sa demande en août 2022. Mal-
gré cela et en dépit de sa situation
irrégulière, Mohammed M. n’au-
rait pas pu être expulsé. Arrivé en
France avant l’âge de 13 ans, il est
assuré d’y rester, bénéiciant d’une
« protection absolue ».
L’article L631-3 du code des étran-
gers dispose en efet qu’un étranger
arrivé en France avant ses 13 ans « ne
peut faire l’objet d’une décision d’ex-
pulsion qu’en cas de comportements
de nature à porter atteinte aux inté-
rêts fondamentaux de l’État, ou liés
à des activités à caractère terroriste,
ou constituant des actes de provoca-
tion explicite et délibérée à la discri-
mination, à la haine ou à la violence
contre une personne déterminée ».
C’est à cause des
liens encore forts
avec son père et son
frère que l’auteur
présumé était
depuis peu iché S
et suivi par la DGSI,
qui l’a interpellé la
veille des faits pour
vériier s’il n’avait
pas d’arme sur lui.
Or, précise le professeur de droit
public à l’université de Grenoble-
Alpes Serge Slama, « le fait d’être i-
ché S n’est pas suisant pour justiier
en soi une mesure d’expulsion ». Pour
déroger à cette protection, « il faut
être condamné déinitivement à une
peine d’emprisonnement ferme d’au
moins cinq ans ».
C’est justement ce que le gouver-
nement tente de corriger avec son
projet de loi immigration, qui sera
débattu au Sénat le 6 novembre pro-
chain. Une disposition spéciique
visera à autoriser la reconduite à la
frontière des étrangers en situation
irrégulière menaçant gravement
l’ordre public, y compris lorsqu’ils
sont arrivés en France avant leurs
13 ans. En présentant sa « ligne de
fermeté » lors d’un point presse sa-
medi 14 octobre, Gérald Darmanin
a insisté en demandant « l’expulsion
systématique de tout étranger (…)
considéré comme dangereux par les
services de renseignement ».
Nathalie Birchem
et Esther Serrajordia
Suite page 4.

4 ÉVÉNEMENT
À Arras, l’incompréhension
de la communauté musulmane
Mer du Nord
Calais
Nord
Boulogne-
sur-Mer
Lille
PAS-
DE-CALAIS Lens
Somme
25 km Arras
tDans le quartier
des Blancs Monts à Arras,
où vivait l’auteur présumé
de l’attentat islamiste,
les musulmans tiennent
à dissocier radicalement
l’islam qu’ils tiennent
pour vrai et la violence
du terroriste, au point
de ne pas considérer
l’assaillant comme
«un musulman».
Arras (Pas-de-Calais)
De notre envoyée spéciale
Ils sont une vingtaine d’enfants
de 6 à 11 ans s’agitant sur leur chaise
de la mosquée El Feth à Arras, ce
samedi 14 octobre au matin. De-
vant eux, Toumi Gherbaoui, 52 ans,
donne comme chaque semaine un
cours d’arabe. « Vous êtes au cou-
rant de ce qu’il s’est passé hier ? »,
leur demande-t-il, en référence à
l’attentat terroriste au cours duquel
l’auteur présumé, un jeune Russe
radicalisé, a tué un enseignant et
blessé trois personnes, dans le lycée
Gambetta d’Arras. « Pourquoi il a fait
ça ? », demande une enfant blonde
aux élastiques multicolores. De sa
voix douce, Toumi Gherbaoui tente
de poser des mots simples et clairs.
« Il faut penser à ce monsieur qui est
décédé, à sa femme et à ses enfants.
Ça, ce n’est pas l’islam, ce n’est pas la
religion. Quand on est musulman, on
n’a pas le droit de faire du mal aux
autres, et au nom de l’islam. C’est
haram, c’est interdit. Notre religion,
c’est le pardon, la tolérance. » Malgré
son ton calme, Toumi Gherbaoui ap-
paraît ému. La veille, son téléphone
n’a pas cessé de sonner. Jusque tard
le soir, le président de l’association
Lire et Écrire de la mosquée d’Arras
a discuté avec sa ille, qui était scola-
risée au lycée Gambetta et connais-
sait Dominique Bernard, le profes-
seur de lettres assassiné. « Pourquoi
s’en prennent-ils à un enseignant ? »,
se demande-t-il. C’est pourquoi ce
matin, il a tenu à dire un mot aux
élèves. « Il fallait les rassurer, et leur
dire le vrai du faux. Leur dire que
lorsqu’on fait ça au nom de l’islam,
on ne peut pas se dire musulman. »
Rassemblement citoyen en mémoire de Dominique Bernard, l’enseignant français tué lors d’une attaque
au couteau dans son établissement scolaire, le 15 octobre à Arras. Pascal Rossignol/Reuters
«Lorsqu’on fait ça
au nom de l’islam,
on ne peut pas
se dire musulman.»
L e tueur pré sumé vivait à
quelques centaines de mètres de
la mosquée. Dans ce quartier des
Blancs Monts, composé de blocs de
logements sociaux, coincé entre un
centre commercial et des maisons
pavillonnaires, les musulmans,
comme les autres, sont touchés en
tant que pères et mères de famille
qui ont peur pour leurs enfants, en
Extrait. «Une attaque abjecte et meurtrière»
Communiqué du Conseil
français du culte musulman
(CFCM), le 13 octobre.
« Le Conseil français du culte
musulman condamne ferme-
ment l’attaque meurtrière et
abjecte perpétrée ce matin
(vendredi 13 octobre, NDLR)
dans un lycée à Arras, faisant
un mort parmi les enseignants
et deux blessés (1) dont un dans
un état grave. Le CFCM présente
ses sincères condoléances à la
famille de la victime, souhaite
un prompt rétablissement aux
La Croix -lundi 16 octobre 2023
tant que voisins qui ont déjà croisé
l’assaillant présumé dans la rue
ou en tant qu’élèves qui auraient
pu être une victime. Ils sont incré-
dules de constater qu’un drame
national peut soudain arriver à
leur porte. Et pour eux, le senti-
ment d’être victimes de la tragédie
se double de la peur d’être stigma-
tisés – de nouveau – en tant que
musulmans. Ils tiennent à distin-
guer radicalement l’islam qu’ils
pratiquent et la violence terroriste.
Dans l’après-midi, Tarek (1),
Touik, Ali (1) et Julien (1) impro-
visent un pique-nique sur une
table d’appoint, en bas d’un bloc.
Lorsque la discussion en vient
au fait que l’assaillant aurait crié
blessés et leur exprime son sou-
tien total et sa pleine solidarité.
Selon des témoins, l’auteur de
cette attaque odieuse aurait crié
“Allah Akbar”. Le CFCM tient à
préciser que cette expression,
érigée par certains en slogan de
la lâcheté et de la barbarie ter-
roriste, a été dangereusement
galvaudée, alors que dans la
tradition spirituelle musulmane
elle est le symbole de l’humilité
de l’homme devant Dieu. Cette
horrible attaque intervient à
trois jours de la commémora-
tion de la mort du professeur
« Allah Akbar », l’exaspération
monte, avec le sentiment que toute
la communauté musulmane va en
payer les conséquences : « On va
encore se faire cataloguer », com-
mente Tarek, 36 ans, irrité. « Les
musulmans en ont marre parce
qu’on va encore dire que c’est de
notre faute, alors qu’on n’a rien à
voir avec ça ! C’est pesant », sou-
ligne-t-il. « On », dans la bouche
de la bande, ce sont des chaînes
de télévision d’information en
continu qu’ils accusent d’enchaî-
ner les polémiques sur l’islam. « En
quoi devrais-je me sentir concerné
par des énergumènes qui font n’im-
porte quoi ? », demande Tarek. « Tu
lis les textes de l’islam, c’est interdit
Samuel Paty, lâchement assas-
siné il y a trois ans. Elle vient
remuer des blessures profondes
et exacerber des sentiments
d’insécurité traumatisants. Face
à cette nouvelle tragédie, nous
avons besoin plus que jamais de
réunir nos forces et de renforcer
notre unité dans la lutte contre
les idéologies mortifères qui
peuvent atteindre certains de
nos jeunes en perte de repères. »
(1) Le bilan de l’attaque, actualisé
le vendredi 13 octobre au soir,
faisait état de trois blessés.
de tuer. On connaît notre religion
quand même ! », enchaîne Ali.
Ayant le sentiment que dans les
médias, le terrorisme est désor-
mais associé à leur religion, beau-
coup ont l’impression de devoir
répondre à un soupçon de com-
plicité : « Le simple fait de venir
nous demander ce qu’on en pense
en tant que musulman est déran-
geant, répond le idèle d’une qua-
rantaine d’années. C’est comme si on
devait prouver qu’on était atteint. »
Pour eux,
le sentiment
d’être victimes
de la tragédie
se double de la peur
d’être stigmatisés
en tant que
musulmans.
« Si vous voulez entendre qu’on ne
cautionne pas, on va vous le dire »,
abonde un pratiquant, lassé par
cette question. Pour beaucoup, la
dissociation entre islam et violence
est de fait si évidente qu’ils ne se
sentent pas concernés, et rejettent
les terroristes hors de l’islam. « On
nous demande de nous excuser, mais
nous n’avons pas à nous excuser par
rapport à quelqu’un qu’on ne consi-
dère pas comme musulman », sou-
pire l’homme venu faire sa prière.
Certains pratiquants se sentent
toutefois concernés. Une préoccu-
pation qui semble dépendre du de-
gré de connaissance du djihadisme
des personnes interrogées : « On
condamne fermement, on connaît
cette idéologie et on la combat », af-
firme ainsi fermement un fidèle
revenant de la prière. « C’était une
grosse frayeur, on s’est dit que ça pou-
vait arriver à nos enfants », exprime
aussi Fatima, mère de famille sortie
de chez elle, encore émue. Quand
elle a entendu parler de l’attaque,
elle avoue avoir pensé : « Mon Dieu,
faites que ce ne soit pas un musul-
man ! » Cette femme d’une cinquan-
taine d’années craint désormais
que la stigmatisation ne nourrisse
un ressentiment chez les jeunes
générations. « Nous, on fait de notre
mieux pour éduquer nos enfants
dans le vrai islam et dans le respect
de la loi, pour qu’ils soient iers d’être
français. Mais s’ils se sentent discri-
minés, cela ne peut qu’alimenter un
repli », redoute-t-elle.
Marguerite de Lasa
(1) Les prénoms ont été modiiés.

vu par Kianoush Ramezani
Guerre Hamas-
Israël
t L’éditorial du 9 octobre
montre bien l’impasse dans la-
quelle se trouvent les instances
diplomatiques, onusiennes
et a fortiori la politique actuelle
du gouvernement israélien.
De plus en plus, il est nécessaire
de revenir aux fondamentaux
pour régler déinitivement (?)
le conlit qui date depuis plus de
quatre-vingts ans : c’est-à-dire la
reconnaissance d’un État palesti-
nien et d’un État israélien. (…)
Pierre Maire
t L’éditorial d’Isabelle de
Gaulmyn du 9 octobre m’a fait
bondir. Bien sûr, des chrétiens
ne peuvent approuver une action
violente (nous ne sommes plus
à l’époque des croisades
ou des guerres de Religion), mais
au moins pouvons-nous essayer
de la comprendre. Quand la
Cisjordanie se fait grignoter, que
Gaza se fait étrangler, qu’Israël se
dote de gouvernements de plus
en plus violents, que les Améri-
cains et Européens n’envisagent
plus de solution paciique telle
que les accords d’Oslo mais ma-
nifestent de la sympathie pour
Israël, partenaire économique
plus intéressant, comment ne pas
tomber dans le désespoir ? Les
Palestiniens savent qu’ils vont
payer très cher cet « acte d’hu-
meur », mais y a-t-il d’autres fa-
çons de rappeler au monde qu’ils
Vos réactions par courrier : 18 rue Barbès, 92128 Montrouge Cedex. Par courriel : lecteurs.lacroix@groupebayard.com. Sur le site : www.la-croix.com
sont en train de mourir dans l’in-
diférence générale ? (…)
André Gervet
t Le malheur d’Israël, c’est
cette terrible catastrophe qui
a détruit samedi tant de vies et
en menace d’autres, prises en
otages. Pour ce malheur-là, fruit
de la haine et rappel de la pré-
sence radicale du mal, il ne peut
y avoir qu’un deuil partagé, car ce
massacre nous atteint tous.
Mais le malheur d’Israël, c’est
aussi d’être resté indiférent aux
droits du peuple palestinien,
d’avoir ainsi favorisé la montée
des extrémismes et d’avoir conié
sa sécurité à la seule puissance
de son armée et à l’eicacité des
murs et des check-points. On a
vu, ce terrible 7 octobre, comme
déjà en 1973, qu’aucun rempart
n’est infranchissable, que toute
défense peut être prise en dé-
faut. Puisse la riposte légitime
d’Israël faire plus de cas de la vie
Sans soutenir la violence du Hamas, vous avez
su expliquer, dans l’éditorial du 9 octobre,
les soufrances des Palestiniens tant à Gaza,
prison à ciel ouvert, qu’en Cisjordanie avec la
colonisation. Il est très important de dénoncer
tout cela, et que nos chefs d’État se sentent
un peu responsables.
Martine Curis
La Croix -lundi 16 octobre 2023
Débats
courrier
des Gazaouis que ses adversaires
fanatisés ne l’ont fait pour ses ils
et ses illes ! Puisse Israël com-
prendre aussi que les eforts de
paix, régulièrement combattus
par ses dirigeants depuis la mort
de Yitzhak Rabin, doivent abou-
tir, et que sa sécurité est à ce prix !
François Suard
t Merci à Anne-Bénédicte
Hofner pour son excellent
éditorial du 10 octobre qui
tente de prendre de la hauteur.
La sauvagerie de l’attaque du
Hamas sur des civils est insup-
portable et impardonnable. Mais
on ne peut s’en tenir qu’à cela,
malheureusement. Car cette
irruption de violence incompré-
hensible pour nous est d’abord
la conséquence d’une politique
d’apartheid irresponsable d’Israël
à l’égard de Gaza, empêchant
toute perspective de développe-
ment de ce territoire.
Aujourd’hui, ces deux peuples
billet
Alain Rémond
Je freine ou j’accélère ?
J
’hésite. D’un côté, une pu-
blicité, entendue à la radio,
m’incite fortement à utiliser
quotidiennement un produit
miracle dont le but dans la vie
est de « freiner la chute des che-
veux ». Et j’avoue que l’image
d’un cheveu en train de tomber
soudainement freiné dans sa
chute, suspendu en l’air, décé-
lérant élégamment comme s’il
était doté d’un parachute (un
mot, me semble-t-il, parfaite-
ment adapté à la situation), cette
image, donc, m’impressionne
fortement, au point d’avoir envie
d’essayer, juste pour voir à quoi
ça ressemble exactement, un
cheveu freiné dans sa chute. D’un
autre côté, une autre publicité,
également entendue à la radio,
m’adjure d’utiliser un autre pro-
duit qui, lui, se jure d’« accélérer
ne s’expriment plus que par la
haine réciproque, qui plus est…
au nom de Dieu, ce qui est encore
plus absurde.
Mais cette situation n’a pas
surgi par hasard. Elle a des res-
ponsables, à Gaza certes, mais
en Israël aussi. N’était-ce pas le
devoir de ce pays développé, dé-
mocratique et de haute technolo-
gie de trouver les moyens d’une
coexistence paciique avec un
peuple qu’il est venu bousculer ?
Les deux camps sont à condam-
ner pour leur incapacité à voir un
humain dans leur voisin. Israël
avait les moyens d’éviter cela. Ses
responsables actuels ne l’ont pas
voulu.
Jean-Yves Lavoir
t (…) Une fois de plus,
lorsque le droit international
n’est pas respecté (des territoires
palestiniens occupés par les co-
lons israéliens), la paix durable
est impossible. L’État israélien
5
la repousse des cheveux ». On voit
par là qu’il s’agit de deux philoso-
phies radicalement diférentes :
ou bien freiner la chute, ou bien
accélérer la repousse. Laquelle
est la plus eicace ? J’hésite.
La bonne idée, me dis-je, serait
peut-être de combiner les deux,
en mettant toutes les chances
de mon côté. Et hop, je freine la
chute. Et hop, j’accélère la re-
pousse. Sauf que, si ça se trouve,
le truc censé accélérer la repousse
va se mettre à accélérer aussi la
chute et, donc, freiner le freinage.
Et que le truc censé freiner
la chute va se mettre à freiner
l’accélération de la repousse.
Voire, pire, à favoriser la repousse
de la chute de l’accélération de
la chute de la repousse, pour
me transformer en abominable
homme des neiges. J’hésite.
dérive vers les solutions autori-
taires malgré la résistance d’une
forte partie de sa population contre
ces choix politiques. Le droit inter-
national est la seule porte de sortie
à ce conlit territorial et politique.
Ce n’est pas un conlit religieux,
mais les religieux extrémistes de
tous bords veulent lui donner une
signiication religieuse. (…)
M. Roux
t Depuis bien longtemps,
les responsables politiques du
peuple palestinien tout comme
ceux d’Israël sèment conscien-
cieusement des graines de
haine. Quelles récoltes peuvent
bien advenir ? Sortir de cette si-
tuation bloquée source de mort,
demande à tous du courage,
c’est-à-dire une peur surmontée.
Seule voie de l’Espérance.
Bernard Pellegrin
t Nous avions dans ma ville
un rapprochement interre-
ligieux qui a disparu avec le
Covid et je le déplore. Je m’étais
alors intéressée aux chefs reli-
gieux autres que le président de
la CEF, appréciant notamment le
discours très équilibré du grand
rabbin Haïm Korsia : oui, sans
interlocuteurs ouverts à la paix
de part et d’autre, il n’y aura pas
de jour d’après. Mais trouver ces
interlocuteurs doit être le travail
incessant des diplomates
oiciels et des chefs religieux,
et ils doivent TOUS être formés
pour cela, et résolus à réussir.
Edwige
À suivre
 La Croix -lundi 16 octobre 2023

6 ÉVÉNEMENT
Dix jours après l’attaque sans Suite à un ultimatum lancé par l’armée Les tensions
précédent menée par le Hamas israélienne à la veille d’une possible sont également
sur le territoire israélien, offensive terrestre, des centaines très fortes
la menace d’une extension de milliers de personnes ont fui le nord en Cisjordanie,
du conflit dans la région de Gaza pour se réfugier plus au sud, où les colons harcèlent
n’a jamais parue aussi élevée. sans aucune assistance. la population locale.

La crainte de l’élargissement
du conflit se renforce
tÀ la frontière nord
d’Israël et dans les Territoires
palestiniens occupés,
la menace d’un embrasement
augmente de jour en jour.
Dix jours après l’attaque meur-
trière du Hamas contre Israël, pla-
nifiée par une demi-douzaine de
hauts commandants à Gaza et qui a
fait 1 400 victimes, et alors que l’État
hébreu s’apprête à lancer une opéra-
tion terrestre massive sur la bande
de Gaza, la tension ne cesse de mon-
ter dans la région. Notamment avec
le Hezbollah libanais, installé juste
de l’autre côté de la frontière nord
d’Israël. L’insurrection menace aussi
chez les Palestiniens de Cisjordanie
(lire ci-contre).
Le Hezbollah et Israël se sont vio-
lemment afrontés en 2006, pendant
trente-trois jours, après que l’orga-
nisation islamiste a kidnappé deux
soldats israéliens à la frontière. Or,
depuis l’attaque déclenchée le 7 oc-
tobre dernier par le Hamas, les ac-
crochages entre Israéliens et mili-
tants du Hezbollah se multiplient :
ils ont déjà fait une dizaine de morts
côté libanais, et au moins deux côté
israélien. Il s’agit en majorité de
combattants de l’organisation liba-
naise, mais des civils ont également
été tués, dont un journaliste de Reu-
ters vendredi, et un couple habitant
Russie, n’est pas véritablement en
mesure d’intervenir dans ce conlit.
Pour Jean-Paul Chagnollaud, pro-
fesseur émérite des universités, le
monde arabe n’a ni la capacité, ni
l’envie de se lancer dans une nou-
velle guerre avec Israël, hormis le
Hezbollah libanais. Toutefois, pour-
suit-il, « ce serait insensé de sa part
de le faire compte tenu de la situation
économique catastrophique dans la-
quelle se trouve le Liban ».
« S’il devait y avoir une très forte
dégradation de la situation de la po-
pulation à Gaza avec des milliers de
victimes, à la suite de l’ofensive mili-
taire israélienne, le Hezbollah, véri-
table État dans l’État, pourra-t-il res-
ter sans rien faire ? », s’interroge-t-il
néanmoins. D’autant qu’il existe une
grande proximité entre le Hezbollah
et le Hamas, les deux organisations
repères
2 450 morts dans Erez
la bande de Gaza
depuis le 7 octobre
Gaza
BANDE
DE GAZA
1 million
de Gazaouis
déplacés
Khan Younès
depuis le
7 octobre
Égypte
partageant le même ennemi, Israël.
Même si, selon Jean-Paul Chagnol-
laud, ces deux entités fonctionnent
indépendamment l’une de l’autre
Les accrochages entre
Israéliens et militants
du Hezbollah ont
déjà fait une dizaine
de morts côté
libanais, et au moins
deux côté israélien.
sur le terrain militaire. Preuve que
la crainte est partagée, les appels
au calme en direction du Hezbollah
se multiplient. La France a appelé
samedi l’organisation libanaise et
Le risque d’un embrasement régional au Proche-Orient
Bombardements israéliens
sur le Liban et la Syrie
Gaziantep
Turquie
Alep
SYRIE
son parrain iranien à la « retenue »
afin « d’éviter d’ouvrir un nouveau
front dans la région ». Washington,
de son côté, a également averti il
y a quelques jours le Hezbollah de
ne pas prendre de « mauvaise déci-
sion ». De son côté, Israël, par la voix
de son ministre de la défense, Yoav
Gallant, a airmé dimanche que son
pays n’était « pas intéressé » par une
guerre à la frontière avec le Liban.
« Nous ne voulons pas d’une esca-
lade », a-t-il déclaré à des soldats,
d’après une vidéo difusée par son
bureau, précisant toutefois que « si le
Hezbollah choisit la voie de la guerre,
il en paiera un très lourd tribut ».
Autre front très instable, la Cisjor-
danie occupée, faisant planer la me-
nace d’une troisième Intifada. À leur
tour, les Palestiniens, qui subissent
l’occupation et la violence perma-
Bombardements
du Hezbollah
Mossoul
nente des colons, encouragées par
le gouvernement d’extrême droite is-
raélien au pouvoir depuis près d’un
an, pourraient manifester violem-
ment contre Israël. « Depuis le début
de l’année 2023, on dénombre près de
200 morts, rappelle Jean-Paul Cha-
gnollaud, pour la plupart des civils
palestiniens et surtout des jeunes,
tués par Israël. On peut craindre
dans ces conditions que l’opération
israélienne à Gaza n’entraîne une ré-
volte en Cisjordanie où, par ailleurs,
le Hamas est très populaire. »
Agnès Rotivel
sur la-croix.com
X Liban : pour les réfugiés
de Bourj El-Barajneh,
« le monde doit regarder
la Palestine »
Mer
Caspienne
Tabriz
Téhéran

le village de Chebaa samedi. Di- Rafah selon l’ONU Beyrouth

manche, un civil israélien a été tué
ISRAËL LIBAN Iran
et plusieurs autres blessés à Shtula, 5 km
dans le Nord, par un tir de missile re- Damas Irak
vendiqué par le Hezbollah libanais, Bagdad
allié du Hamas palestinien en guerre Mer Méditerranée ISRAËL
Tel-Aviv Ispahan
contre Israël. Jérusalem
Israël cible par ailleurs la Syrie. Al-Arich
L’État hébreu a mené, dans la nuit Gaza
Livraison de l’aide
de samedi à dimanche, des frappes humanitaire
sur l’aéroport d’Alep, dans le nord Jordanie
de la Syrie, faisant cinq blessés se- Sinaï
lon l’Observatoire syrien des droits Le Caire
Koweit
de l’homme (OSDH), quelques jours
seulement après des frappes simi- Golfe
laires sur les aéroports de Damas et Égypte Arabie saoudite
déjà d’Alep (voir la carte). Des bom- Persique
bardements conirmés par le minis- Mer
tère syrien de la défense. Mais la Sy- 200 km Rouge
rie, très dépendante de l’aide de la

En Cisjordanie, la vengeance
débridée des colons
ISRAËL
Méditerranée
CISJORDANIE
Taybeh
Mer
Tel-Aviv
Ramallah
Amman
ISRAËL Jérusalem
Jordanie
Gaza Mer
Morte
25 km
tDepuis l’attaque
terroriste du Hamas,
la violence des colons explose
contre les Palestiniens
et les Bédouins
de Cisjordanie occupée.
tDans le village chrétien
de Taybeh, en quelques
heures, une communauté
bédouine a été violemment
chassée de sa terre
et une Palestinienne tuée
par des colons.
Taybeh (Cisjordanie occupée)
De notre envoyée spéciale
C’est un déilé continu de tris-
tesse et de compassion, comme
une dans e macabre. Autour
de Wadja Ajaj, des dizaines de
femmes écoutent, accablées, le
récit répété inlassablement de-
puis le jeudi 12 octobre. Celui de
colons israéliens qui ont ouvert
le feu sur le bus ramenant sa ille
Randa, de Ramallah jusqu’à son
village de Dayr Jarir, à une ving-
taine de kilomètres.
Touchée dans le dos, cette
femme de 37 ans n’a pas survécu.
L’un de ses ils, âgé de quelques
mois, a été blessé. « Les Israé-
liens ont lâché les colons comme
des chiens », lance Wadja, 70 ans,
par-dessus une musique funé-
raire crachée par un téléphone
portable. « Où est ta maman ? »
demande-t-elle à son petit-fils,
Qaram, 6 ans. « Au paradis », ré-
pond le garçon. Le regard aban-
donné, il tripote mécaniquement
un boulon, en cognant sa tête
contre sa grand-mère. « Sa petite
sœur, elle, dit que “”les juifs l’ont
tuée” », ajoute-t-elle. Pendant
trois jours, la maison de Wadja
restera ornée de drapeaux pales-
tiniens, dans cette localité voisine
de Taybeh, dernier village chré-
tien de Palestine.
Ici, comme ailleurs en Cisjorda-
nie occupée, l’attaque terroriste
du Hamas et la riposte militaire
israélienne dans la bande de Gaza
qui a suivi hantent les habitants.
Et les violences des colons s’in-
tensiient. Au moins six Palesti-
niens ont été tués par des Israé-
liens radicaux ces derniers jours.
ÉVÉNEMENT
Le phénomène n’est pas nouveau,
« mais la guerre à Gaza les incite
à passer à l’action », explique
Qassam Muaddi, journaliste de
Taybeh. « Ils veulent se venger, et
personne ne regarde en ce moment.
Ça empire depuis des années, mais
on n’imaginait pas que cela irait
si vite. Je ne sais pas si l’avenir de
Taybeh est assuré dans les dix pro-
chaines années, elle sera peut-être
colonisée… »
Le harcèlement
des colons,
les Bédouins disent
le subir depuis
environ cinq ans.
Mais la dynamique
s’accélère, et la
violence s’accentue.
Le spectre de la dépossession
se rapproche chaque jour un
peu plus autour de cette ville, où
vivent un millier de chrétiens. En
contrebas d’une des quatre églises
de Taybeh, le chef bédouin Habes
Kaabneh se refait le ilm de la nuit
de mercredi à jeudi, entouré d’une
vingtaine d’hommes et de jeunes
garçons rassemblés.
En quelques heures, les 30 fa-
milles de sa communauté, Wadi
As-Seeq, ont tout perdu ; depuis,
quelques oliviers et tentes de for-
tune posées à Taybeh leur servent
d’unique refuge. « Entre 20 et 25
hommes, pour moitié armés de
fusils-mitrailleurs, ont débar-
La Croix -lundi 16 octobre 2023
qué à 2 heures du matin en tirant
pour nous chasser de nos terres et
de nos maisons », raconte Habes
Kaabneh. Plus de 200 personnes
sans toit se sont réparties sur
deux campements improvisés,
sans eau courante, nourriture, ni
électricité.
« Ils ont vériié nos téléphones,
regardé les applis, pour voir s’il
y avait des vidéos, des images, de
la musique, liées à Gaza. Avec le
risque de se faire tuer si c’est le
cas. Ils ont retenu un jeune de la
communauté pendant des heures
et l’ont battu avec des câbles mé-
talliques. Il est sorti aujourd’hui
de l’hôpital mais est encore sévère-
ment blessé », raconte ce Bédouin
de 47 ans. Il enchaîne : « Ils ont
pris notre argent, des bêtes, nos
vêtements, les jouets, et même la
nourriture dans les frigos, comme
les yaourts et le beurre ! »
Depuis, les colons sont retour-
nés plusieurs fois sur le site de
cette communauté implantée
depuis cinquante ans pour pour-
suivre le pillage : les panneaux
solaires et la nourriture pour ani-
maux ont été dérobés. « Cela nous
rappelle 1948 et 1967. »
Le harcèlement des colons, les
Bédouins disent le subir depuis
environ cinq ans. Mais la dyna-
mique s’accélère, et la violence
s’accentue : depuis le début de
l’année, 15 communautés ont été
attaquées. Une délégation de di-
plomates a même été agressée le
20 septembre. Mais l’entreprise
meurtrière du Hamas sur le sud
d’Israël a débridé la haine.
« I l s d i s a i e n t : “”P a r t e z e n
Jordanie, vous n’êtes pas chez
vous. On va vous faire ce que vous
avez fait près de Gaza !” Comme si
nous étions responsables de ce qui
est arrivé ! Ils se voient eux-mêmes
comme sur un front de la guerre »,
explique l’homme aux traits creu-
sés. « Ici, le Hamas jouit déjà d’un
soutien populaire important, et
l’ofensive à Gaza ne va faire que
le renforcer », constate le journa-
liste Qassam Muaddi. Jeudi, le
ministre israélien de la sécurité
nationale, Itamar Ben Gvir, a os-
tensiblement distribué des fusils
d’assaut à des colons et annoncé
l’achat de 10 000 armes à leur in-
tention.
Enregistrés comme habitants
de Taybeh, les Bédouins de Wadi
As-Seeq s’y sont naturellement
réfugiés. « Le maire nous prête la
terre. Nous sommes comme une fa-
mille ici », assure Habes Kaabneh.
« Les villageois nous fournissent de
l’eau, mais à part ça, nous n’avons
reçu aucune aide d’ONG ou de la
Croix-Rouge », complète Slimane
Kaabneh, un parent de Habes,
allongé sur un matelas sauvé de
justesse. Il ressasse : « Ils ont même
changé les plaques de nos voitures
pour mettre des plaques israé-
liennes. »
Une femme, restée à l’écart
de l’échange comme les autres
Bédouines, passe une tête, intri-
guée. Vêtue d’un foulard violet
sur une tunique verte, elle tait
son nom par pudeur, mais raconte
avoir été battue à l’épaule par un
colon, lors de l’attaque nocturne.
Inquiète, elle lance : « J’ai dû lais-
ser ma carte d’identité, trois télé-
phones, de l’argent et mes poules.
Pouvez-vous aller voir pour vous
7
La famille Kaabneh est venue
trouver refuge à Taybeh.
Comme 30 familles
de sa commuauté bédouine,
elle a été dépouillée
par des colons et chassée
de ses terres. Cécile Lemoine
assurer qu’elles sont toujours vi-
vantes ?, interroge-t-elle entourée
de quelques volailles chétives et
d’un âne. Elles vont mourir de soif
sans eau. Allez voir mes poules. »
Habes Kaabneh sait que la solu-
tion de Taybeh ne peut être que
provisoire. La communauté a
commencé à vendre ses bêtes res-
tantes pour survivre. Déjà 30 sur
100 sont ainsi parties.
«Ils ont vériié nos
téléphones, regardé
les applis, pour
voir s’il y avait des
vidéos, des images,
de la musique, liées
à Gaza. Avec
le risque de se faire
tuer si c’est le cas.»
« On aimerait au moins pouvoir
retourner chez nous pour prendre
de dernières afaires, mon ils n’a
que cette tenue sur le dos ! Mais
des hommes encagoulés bloquent
l’accès et nous disent que si on ap-
proche, on est morts, dit-il. Même
fuir à Jéricho où nous avons de la
famille est impossible : la route
est bloquée par des colons qui at-
taquent toute voiture qui passe. »
Il poursuit : « On demande juste
une alternative, un endroit où
vivre en sécurité. Il n’y a pas d’es-
poir, le quotidien est de plus en
plus diicile, comme un nœud qui
se resserre. »
Pour tenter de prévenir ces
attaques, un groupe d’entraide
entre chrétiens, Bédouins et
musulmans de la ville voisine
s’est constitué et fait des rondes
de nuit avec les moyens du
bord. « Les Palestiniens sonnent
l’alarme, mais le monde n’écoute
pas, alerte Qassam Muaddi. Est-
il sourd ou veut-il être sourd ?
Dans quelques années, ce sera
trop tard. »
Julie Connan

8 FRANCE
La taxe foncière, une
augmentation en trompe-l’œil
tLa taxe foncière,
dont les propriétaires
doivent s’acquitter
au plus tard lundi
16 octobre, a fortement
augmenté en 2023.
tCette hausse est
toutefois principalement
due à la revalorisation
des bases locatives,
consécutive à l’inlation,
et à la hausse spectaculaire
du taux applicable à Paris.
Dernier jour, ce lundi 16 oc-
tobre, pour que les pro-
priétaires s’acquittent
de la taxe foncière,
sauf s’ils ont opté
p our le télépaie -
ment, qui leur ofre
quelques jours de
délai supplémen-
taires. Avec une
augmentation
moyenne de
9,6 % cette an-
née, la note est
salée pour les pro-
priétaires. Pour Luc
Alain Vervisch, di-
recteur des études de
La Banque postale,
qui publie chaque
année une note de
conjoncture des fi-
nances locales, il faut
toutefois détailler avec at-
tention cette évolution : « Cette
année, les communes ont été
plutôt réticentes à aug-
menter le taux de la taxe
foncière », observe
ce spécialiste des
inances locales.
La hausse 2023 de
la taxe d’habitation
semble en efet surtout
due à la revalorisation des bases lo-
catives servant de base au calcul de
la taxe foncière. Or, celle-ci est mise
en œuvre par l’État en fonction de
l’inlation ; d’où une hausse excep-
tionnelle en 2023, de + 7,1 %.
Si l’on s’attache désormais aux
taux appliqués par les communes,
l’augmentation a été nettement
moins sensible : + 2,6 % en moyenne.
« L’accroissement de la pression fis-
cale serait en réalité le fait de fortes
hausses sur un petit nombre de com-
munes », relève La Banque postale.
En efet, selon la Direction géné-
rale des inances publiques, seules
14 % des communes ont efective-
ment augmenté leur taux, et sur les
875 communes qui ont choisi une
augmentation, l’une d’entre elles
se distingue : Paris, avec une pro-
repères
Les évolutions
de la fiscalité locale
En 2023, la hausse de la iscalité
locale est aussi marquée par
gression spectaculaire de 51 %. La
ville, également département, doit
en effet faire face à la baisse des
droits de mutation, consécutive à
la baisse des transactions immo-
bilières. Avec sa population et sa
surface inancière, la capitale pèse
lourdement dans la facture. « Sans
Paris, la hausse moyenne du taux ne
serait que de 0,9 % », souligne Luc
Alain Vervisch.
Les autres communes ont privi-
légié cette année d’autres leviers.
« L’exercice 2023 enregistre la montée
en charge de la fiscalité spécifique »,
note La Banque postale. Ainsi de la
taxe d’enlèvement des ordures mé-
nagères (TEOM, 8,8 milliards d’eu-
ros, + 1,4 %), de la taxe pour la ges-
tion des milieux aquatiques et de
La Croix -lundi 16 octobre 2023
l’augmentation de la taxe
d’habitation sur les résidences
secondaires. Le nombre de
communes pouvant la perce-
voir est passé de 1 140 à 3 693
et le taux moyen a augmenté
de 3,8 %, pour un rendement
attendu de 2,2 milliards d’euros.
«L’accroissement
de la pression
iscale serait
en réalité le fait
de fortes hausses
sur un petit nombre
de communes.»
la prévention des inondations (Ge-
mapi, 500 millions d’euros), de la
taxe de séjour ou du versement mo-
bilité acquitté par les entreprises.
Sur ce dernier volet, le Medef
vient d’ailleurs de tirer la sonnette
Dans son projet de budget,
le gouvernement prévoit
par ailleurs de compenser
pour les communes
concernées le fait qu’elles
ne pourront plus percevoir
la taxe d’habitation sur
les logements vacants.
d’alarme : la seule augmentation
du versement mobilité en Île-de-
France coûtera 400 millions d’eu-
ros aux entreprises franciliennes.
Alors que la iscalité locale pèse
de plus en plus principalement sur
les propriétaires, des voix s’élèvent
donc pour la réformer. La fonda-
tion Terra Nova vient ainsi de pro-
poser de fusionner les différents
impôts locaux dans une unique
« taxe de financement des services
publics communaux ou intercom-
munaux », à laquelle seraient assu-
jettis tous les ménages, locataires
comme propriétaires.
Si Terra Nova note bien que,
« dans le contexte actuel, il semble
difficile de créer de nouveaux im-
pôts », le gouvernement craint
Le gouvernement s’est aussi
dit favorable à un amendement
MoDem visant à supprimer
l’abattement de 71 %
sur les meublés touristiques,
dont proitent beaucoup
de logements Airbnb au détri-
ment du marché locatif local.
to u te f o i s q u’u n e
imposition à la
main des collec-
tivités locales
ne mette à mal
sa promesse de
baisses d’impôts.
« Il ne faut pas
confondre auto -
nomie financière
des collectivités
locales et autono-
mie fiscale », plai-
dait le ministre
des comptes pu-
blic s, Thomas
Cazenave, jeudi
12 octobre de-
v a n t l ’A s s o -
ciation des
journalistes éco-
nomiques et fi-
nanciers. Et de
plaider pour la pre-
mière – « être libre de
dépenser ses ressources
comme elles l’en-
tendent » – plutôt
que permettre
aux collectivi-
tés de définir elles-
mêmes les taux.
Réunies de mer-
c r e d i à ve n d r e d i e n
congrès à Orléans (Loiret), les In-
tercommunalités de France vont
quant à elles plus loin en proposant
de verdir une iscalité locale encore
principalement fondée sur le bâti,
en anticipant la mise en place du
zéro artiicialisation nette (ZAN).
Elles suggèrent notamment une
révision du calcul des valeurs loca-
tives pour décourager les construc-
tions sur les terrains non bâtis et
encourager la densiication des es-
paces déjà construits.
Si la taxe foncière suscite autant
d’intérêt, c’est qu’avec la suppres-
sion de la taxe d’habitation, elle
représente 41 % des ressources
fiscales des communes et inter-
communalités, pour un total de
40 milliards.
Nicolas Senèze

Les nouveaux visages du voyage
au festival du Grand Bivouac
Ain Haute-
Savoie
Albertville
Chambéry
SAVOIE
Isère
ITALIE
20 km
tÀ travers une sélection
de près de vingt livres
et soixante documentaires,
le festival du Grand Bivouac
qui se tient à Albertville
entend «prendre le monde
à témoin».
Une mère malgache de 16 ans
férue de rugby ; la seconde vie, en
Allemagne, d’une jeune Afghane
en exil ; des forêts qui rétrécissent
en Casamance ; des lycéens en « op-
tion climat » qui constatent in situ
le recul de la mer de Glace… La si-
tuation des femmes, les migrations
et les enjeux du réchaufement cli-
matique occupent une place ma-
jeure parmi les quelque 60 docu-
mentaires au programme du Grand
Bivouac, dont la 22e édition se tient
du lundi 16 au dimanche 22 oc-
tobre, à Albertville (Savoie). « Ces
trois thèmes reviennent constam-
ment, il est impossible de les écar-
ter de notre sélection », avance Guy
Chaumereuil, qui a créé le festi-
val en 2002 avec l’idée de mettre
le voyage à l’honneur à travers des
films et des rencontres littéraires
autour d’un ouvrage – une vingtaine
cette année.
Vingt et un ans plus tard, l’heure
n’est plus à la découverte émer-
veillée du lointain qui prévalait
dans la programmation des pre-
mières éditions. « À l’époque, l’idée,
c’était de dire : “Je voyage pour com-
prendre le monde”, explique Guy
Chaumereuil. Aujourd’hui, la pro-
position est différente. Il s’agit de
“prendre le monde à témoin”. On est
passé d’une curiosité sympathique à
une approche plus frontale des pro-
blèmes du monde. » Les raisons de
cette mue ? « Après une bonne di-
zaine d’années, on s’est aperçu que
le fait de montrer l’acte de voyager
La Croix -lundi 16 octobre 2023
FRANCE
l’emportait sur la compréhension de
l’autre et qu’il pouvait y avoir une
part d’égotisme dans les ilms, pour-
suit-il. Il ne suffit pas d’échanger
cinq minutes avec un habitant du
Népal pour comprendre son pays. »
«On est passé
d’une curiosité sympathique
à une approche plus frontale
des problèmes du monde.»
Une réorientation qui relève de
l’intention des organisateurs du
Grand Bivouac tout en reflétant
une évolution plus large. « Nous re-
cevons moins de propositions de ré-
cits d’exploits physiques par des gros
bras comme dans les années 1990,
où c’était à qui est allé le plus loin,
le plus longtemps », note François
Lantz, éditeur à Transboréal, qui
participe au Grand Bivouac. Le ca-
talogue de la maison d’édition, créée
en 1994, atteste aussi d’un renouvel-
lement du genre du récit de voyage,
qui témoigne notamment d’une
plus grande conscience écologique.
« Ce qui prédomine aujourd’hui, ce
sont des récits qui renoncent à l’ex-
ploit, plus près de la terre, où les au-
teurs nous racontent ce que celle-ci a
d’heureux à nous apporter », résume
François Lantz, citant pour exemple
Dolomites, les voies du sublime : le ré-
cit de trois marches dans ce massif
où la traductrice et universitaire ita-
lienne Cristina Noacco fait la part
belle à la célébration des paysages et
des rencontres – avec les gardiens,
les guides…
Ce souci d’incarnation des sujets
se vériie dans les ilms programmés
au Grand Bivouac. « Ils montrent le
monde à travers des destins indivi-
duels et collectifs », explique Guy
Chaumereuil. Avec une préoccupa-
tion : conjuguer la conscience des
déis et l’enthousiasme des festiva-
liers, qu’il ne s’agit pas d’accabler
avec un sentiment d’impuissance
devant l’état du monde. C’est pour-
quoi le thème « Y croire encore » a
été retenu cette année, rappelle
Guy Chaumereuil : « On a cherché
les ilms et les livres qui montrent la
capacité de l’humain à se relever, qui
donnent corps au chaos du monde. »
Marianne Meunier
www.grandbivouac.com
9
essentiel
Justice T
François Bayrou
et dix autres centristes
au tribunal
Le patron du MoDem est jugé
à partir de lundi 16 octobre à
Paris au côté de dix anciens
cadres et élus centristes, pour
des soupçons de détourne-
ment de fonds publics. Les
prévenus sont soupçonnés
d’avoir utilisé entre 2005 et
2017 des fonds européens
pour rémunérer des assis-
tants parlementaires qui
travaillaient en réalité pour
l’UDF, puis le MoDem. Avec
François Bayrou, patron de
ces deux partis, l’ex-garde
des sceaux Michel Mercier,
cinq anciens eurodéputés
dont Jean-Luc Bennahmias,
trois cadres et un assistant
parlementaire de l’époque
seront également jugés.
sur la-croix.com
Un article détaillé
X sur la-croix.com
t EELV devient
Les Écologistes
et se tourne vers
les zones rurales
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 La Croix -lundi 16 octobre 2023

10 MONDE

L’Allemagne multiplie les

contrôles à la frontière polonaise
Suède Mer
Danemark Baltique

Mer
du Nord
Pologne

Pays-Bas Brandebourg Berlin

Forst

Belg.
ALLEMAGNE
Lux. République
tchèque

France Autriche
100 km Suisse

tEn Allemagne,
la pression migratoire se fait
surtout sentir dans la région
du sud du Brandebourg,
avec plus de 7 600 entrées
illégales enregistrées entre
janvier et août.
tLes efectifs de la police
fédérale, qui surveille
les frontières, ont été
renforcés, mais cette
question anime les débats
politiques dans le pays.
Forst (Allemagne)
De notre correspondante

Il est 7 h 20 quand la radio de Jens

Schobranski se met à crépiter. « Une
action est en cours près du Jardin des
roses », lance le porte-parole de la
police fédérale pour les régions de
Berlin et du Brandebourg. Le Jardin
des roses est un vaste parc de la
commune de Forst, située au bord
de la rivière Neisse et de la frontière
polonaise. C’est ici qu’un habitant
vient de signaler la présence d’un
groupe de migrants. Quelques mi-
nutes plus tard, 26 jeunes hommes
dont deux enfants y sont interpellés.
Alignés devant la clôture d’un jar-
din ouvrier, le visage fermé, ils ob-
servent les policiers qui s’avancent.
Puis l’un d’entre eux brise le silence,
dans un grand sourire et dans un
mélange d’allemand et d’anglais :
« Je suis tellement heureux d’être en
Allemagne. J’adore l’Allemagne ! »,
lance ce Syrien de 23 ans originaire
de Homs. Parti il y a deux mois
de Syrie, il a payé 10 000 dollars
(9 500 €) pour traverser la Turquie,
suivre la route des Balkans et pas-
ser les dix dernières heures dans
une camionnette, avec les 25 autres
voyageurs. Un peu plus tôt, leur
passeur les a déposés, en urgence,
du côté polonais. À eux de franchir
seuls le pont ferroviaire désafecté
les séparant de l’Allemagne.
Cette matinée-là, en huit heures
de service, les équipes de la po-
lice fédérale de Forst auront arrêté
6 4 p e r s o n n e s . « Une journée
classique, note le commandant
de police Frank Malack. Nous
Un policier allemand escorte des migrants ayant illégalement franchi la frontière avec la Pologne, près de Forst, le 11 octobre. Markus Schreiber/AP
«Notre but est
aussi d’arrêter ceux
qui organisent ces
réseaux et font peser
une pression telle
que les passages
deviennent trop
dangereux.»
interpellons chaque jour près d’une
centaine de personnes qui entrent
illégalement sur le territoire, souvent
en groupes de 20 à 30, transportés en
camionnette par des passeurs. »
Depuis quelques mois, c’est dans
cette région du sud du Brandebourg
que la pression migratoire se fait
le plus sentir, avec plus de 7 600
entrées illégales enregistrées à la
frontière entre le Brandebourg et
la Pologne entre janvier et août.
C’est plus que les 7 400 de l’année
2022. Si en 2015 et 2016 le gros des
passages se faisait par la Bavière,
désormais la route polonaise est
privilégiée avec des réfugiés pas-
sant par la Biélorussie et, de plus
en plus, par les Balkans. Pour faire
face à la nouvelle situation, les ef-
fectifs de la police fédérale, char-
gée des contrôles aux frontières, y
ont été renforcés, en mai et en sep-
tembre, avec comme conséquence
une hausse des arrestations. « Notre
mission est de contrôler les personnes
qui entrent illégalement et de les en-
registrer, mais notre but est aussi
d’arrêter ceux qui organisent ces ré-
seaux et de faire peser une pression
telle que les passages deviennent trop
dangereux. Les flux changeront alors
inévitablement », juge Frank Malack.
Son collègue Jens Schobranski
confirme : « Tout est une question
de risque et de coût pour les pas-
seurs. Au final, toutefois, l’efficacité
de notre action dépend de ce que
nos voisins font pour contrôler leurs
propres frontières. » Oiciellement,
la coopération avec la Pologne
voisine fonctionne plutôt bien,
même si les autorités allemandes
constatent que la quasi-majorité des
réfugiés passés par la Pologne n’y
ont pas été enregistrés et ne peuvent
donc pas y être renvoyés.
Renforcer les contrôles aux fron-
tières, la question anime les débats
depuis des semaines à Berlin, alors
que 30 % des demandes d’asile dé-
posées dans l’Union européenne
le sont en Allemagne au premier
semestre 2023, que les communes
chargées de l’accueil des réfugiés se
disent à la limite et que les scores de
l’extrême droite s’envolent. Faut-il
imposer des contrôles ixes, comme
le demande l’opposition conserva-
trice ? « C’est une décision politique »,
rappelle Frank Malack. « Une chose
est sûre : à Forst, des contrôles de po-
lice flexibles ont du sens car la Neisse
n’est qu’une petite rivière facile à
franchir par les migrants », constate
ce policier.
Mis sous pression, le gouverne-
ment d’Olaf Scholz multiplie les
annonces pour tenter de réduire
les arrivées illégales, sur la durée,
notamment en facilitant les expul-
sions. Vendredi 13 octobre, le chan-
celier a rencontré le chef de l’oppo-
sition Friedrich Merz pour tenter de
travailler de concert sur plusieurs
dossiers sensibles. Celui de l’immi-
gration est l’un des plus brûlants.
Delphine Nerbollier
repères
Des demandes d’asile
en très forte hausse
En septembre, 2 000 personnes
sont arrivées illégalement dans
le Brandebourg, l’une des trois
régions allemandes frontalières
de la Pologne.
Selon les sondages, les craintes
d’une nouvelle crise, comme
celle de 2015-2016, lorsque la
première économie européenne
avait accueilli plus d’un million
de réfugiés, sont très présentes
dans l’opinion publique.
Plus de 250 000 demandes
d’asile ont été déposées entre
janvier et fin septembre, davan-
tage que sur toute l’année 2022.
En 2016, l’Allemagne avait en-
registré plus de 740 000 de-
mandes d’asile. L’Allemagne
accueille aussi plus d’un million
d’Ukrainiens fuyant la guerre.
 La Croix -lundi 16 octobre 2023

MONDE 11

essentiel

Ukraine T Afghanistan T Un nouveau séisme frappe Haut-Karabakh T Déplacement surprise

L’armée russe progresse,
selon Poutine
L’armée russe progresse sur
le front en Ukraine, y compris
autour de la ville d’Avdiïvka
(est), cible d’un assaut d’am-
pleur des troupes de Moscou
depuis plusieurs jours, a assuré
dimanche 15 octobre Vladimir
Poutine. Les forces russes ont
la région meurtrie d’Hérat
Un nouveau séisme de magnitude 6,3 a frappé dimanche 15 octobre la
ville d’Hérat, au nord-ouest de l’Afghanistan, après plusieurs secousses
depuis le début du mois. Le tremblement de terre a fait au moins
50 blessés, qui ont été transportés dans un hôpital régional d’Hérat.
Le 7 octobre, des villages entiers de la région d’Hérat ont été détruits
dans un tremblement de terre de magnitude 6,3. L’Organisation mon-
diale de la santé (OMS) a fait état de près de 1 400 morts dans ce séisme.
du président azerbaïdjanais
Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev s’est rendu dimanche
15 octobre pour la première fois à Stepanakert, la capitale
du Haut-Karabakh, région reprise aux séparatistes arméniens
en septembre à l’issue d’une ofensive militaire éclair de Bakou.
En treillis militaire kaki, le dirigeant a également hissé le drapeau
aux trois bandes horizontales – bleu ciel, rouge, verte – dans d’autres
localités du Haut-Karabakh, à l’occasion de ce déplacement inédit.
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réussi à prendre le contrôle au

nord et au sud de la ville, tout
en dominant l’est, avec l’ob-
jectif d’encercler la localité et JE N’AI NI TON REGARD,
de faire ainsi reculer l’armée
ukrainienne plus loin de la
capitale régionale Donetsk,
NI TON SOURIRE.
POURTANT, JE SUIS BIEN
soumise à des bombardements
ukrainiens quotidiens.

Australie UN DE TES HÉRITIERS.

Colère Opérer des enfants, venir en aide aux plus vulnérables,
et amertume former des équipes médicales, construire des hôpitaux…
des Aborigènes En choisissant de vous engager à nos côtés, vous agissez
pour la pérennité de nos actions.
après l’échec
du référendum
Les Aborigènes d’Austra-
lie ont exprimé leur colère et
leur amertume, dimanche
15 octobre, après le rejet par
la majorité blanche du pays
d’une réforme qui propo-
sait de reconnaître les popu-
lations autochtones dans la
Constitution et de leur donner
plus de droits. Des chefs abo-
rigènes ont appelé à « une se-
maine de silence » pour faire le
deuil de l’échec du référendum,
alors que le premier ministre
Antony Albanese a appelé la
nation divisée à s’apaiser « dans
un esprit d’unité ». Aborigènes
et insulaires du détroit
de Torres représentent 3,8 %
de la population australienne.

Irak T Trois membres

LEGS l DONATIONS l ASSURANCES-VIE
du PKK tués dans
UN INVESTISSEMENT POUR LA VIE
✁
une frappe de drone
imputée à la Turquie
Trois membres du Parti des
travailleurs du Kurdistan,
le PKK turc, ont été tués sa- La Chaîne de l’Espoir est habilitée à recevoir Legs, Donations et Assurances-vie
medi 14 octobre dans le nord
de l’Irak dans une frappe de
DEMANDE DE DOCUMENTATION GRATUITE
À retourner sous enveloppe affranchie à ANNICK FLEURY - La Chaîne de l’Espoir - 56, rue des Morillons - CS 17938 - 75730 Paris Cedex 15
drone. Suite à l’attentat-sui-
cide qui a blessé deux poli-
ciers à Ankara, le 1er octobre,
Je souhaite recevoir gratuitement et sans MES COORDONNÉES
revendiqué par le PKK, le pré-
engagement de ma part votre brochure
sident Erdogan a annoncé que
d’information. □ Mme □ M.
la Turquie allait «continuer
Nom : ................................................................................................................................................
d’intensifier » ses frappes Je souhaite être contacté(e)
aériennes en Syrie et en Irak par votre responsable legs. Prénom : .........................................................................................................................................
contre une organisation quali- Adresse : .........................................................................................................................................
iée de « terroriste » par Ankara.
Votre contact : Annick Fleury Ville : ..................................................................................................................................................
tél : 01 44 12 66 80 Code postal : Tél. :
e-mail : aleury@chainedelespoir.org
X sur la-croix.com
E-mail : .........................................................................@...............................................................
t Élections en Pologne :
Loi informatique et liberté du 6 janvier 1978 : Vous avez un droit d’accès et de rectiication de l’information
le parti conservateur vous concernant. Pour l’exercer, il vous sufit de contacter La Chaîne de l’Espoir. www.chainedelespoir.org
a le soutien de l’Église

12
La hausse
des salaires
au cœur
de la conférence
sociale
tPartenaires sociaux
et gouvernement
se réunissent lundi
16 octobre lors d’une
conférence sociale
pour aborder la question
des salaires.
tLes syndicats réclament
des mesures concrètes,
notamment en faveur
des bas salaires, rattrapés
par le smic.
tLe chemin vers un accord
reste semé d’embûches.
Le menu s’annonce copieux au
palais d’Iéna, lundi 16 octobre.
Syndicats, patronat et gouverne-
ment se mettent autour de la table
du Conseil économique, social
et environnemental (Cese) pour
aborder la question des salaires,
deux ans après le début d’une
crise inlationniste jamais vue de-
puis près de cinquante ans. La réu-
nion est organisée dans le cadre de
la conférence sociale promise par
Emmanuel Macron in août, après
sa rencontre avec les chefs des par-
tis politiques à Saint-Denis.
En amont de ce rendez-vous,
la première ministre, Élisabeth
Borne, a accueilli les partenaires
sociaux à tour de rôle la semaine
dernière. L’intersyndicale a sou-
haité donner un avant-goût de
ses revendications, avec un ap-
pel à la grève vendredi 13 octobre
« contre l’austérité et pour l’aug-
mentation des salaires », qui a
relativement peu mobilisé. Un
message auquel le gouvernement
assure prêter attention, sans pour
autant promettre de mesures
qui risqueraient de froisser les
entreprises.
Pour les salariés, le deuxième
trimestre 2023 avait déjà envoyé
un bon signal. Pour la première
fois depuis deux ans, l’augmen-
tation moyenne du salaire men-
suel de base (+ 4,6 %) a dépassé
celle des prix sur un an (+ 4,4 %),
selon la Dares, département sta-
tistique du ministère du travail.
ÉCO&TRANSITION
L’Insee estime désormais que le
pouvoir d’achat des Français, sou-
tenu notamment par les presta-
tions sociales indexées sur l’in-
flation, augmentera de 1,2 % en
2023, contre 0,2 % en 2022. « En
revanche, cela n’effacera pas les
pertes de salaires réels de 2021 et
2022, estime Sylvain Bersinger,
é conomis te p our le cabinet
Asterès. C’est ce manque à ga-
gner que les syndicats souhaitent
compenser. »
Les syndicats
comptent bien tirer
parti de ce bras
de fer, en misant
sur des mesures plus
ciblées. À commencer
par la revalorisation
des salaires
minimaux.
Au nom du pouvoir d’achat, les
entreprises seront-elles prêtes à de
nouvelles augmentations ? Pour
Christine Lagarde, présidente de
la Banque centrale européenne
(BCE), celles-ci devront « réduire
un peu leurs marges pour intégrer
une partie des hausses de salaire.
Elles y ont intérêt car l’opinion pu-
blique fera pression. Et les pouvoirs
publics également », a-t-elle estimé
dans une interview à La Tribune
dimanche, le 8 octobre.
« Diicile toutefois d’imaginer un
fort rebond, car elles ont aussi subi
des hausses de coûts importantes »,
nuance Sylvain Bersinger. « Les si-
tuations sont très diférentes selon
les secteurs et entreprises, tranche
O l iv i e r Re d o u l è s , d i re c te u r
d’études chez Rexecode, cabinet
d’étude réputé proche du patronat.
Des hausses uniformes de salaires
ne sont pas adaptées à cette diver-
sité des situations et pourraient
notamment détruire des emplois. »
La Croix -lundi 16 octobre 2023
Ain d’y voir plus clair, Élisabeth
Borne a annoncé la création d’un
« Haut Conseil des rémunéra-
tions ». Il sera chargé « d’éclairer
la situation et de proposer des ré-
ponses », a-t-elle expliqué dans un
entretien à La Tribune dimanche,
le 15 octobre.
Les syndicats comptent pour-
tant bien tirer parti de ce bras de
fer, en misant sur des mesures plus
ciblées. À commencer par la reva-
lorisation des salaires minimaux
des grilles salariales des conven-
tions collectives de branche pro-
fessionnelle. Car l’augmentation
automatique du smic, indexé
sur l’inflation, a eu un effet per-
vers : « Malgré leur ancienneté ou
un niveau de qualification supé-
rieur, certains travailleurs quali-
iés ont vu leur salaire rattrapé par
le niveau du smic. Ce qui provoque
chez eux un sentiment de déclas- les branches retardant un accord.
sement », explique Luc Mathieu, L’idée de revenir Mais ce levier n’a toutefois pas dé-
secrétaire national à la CFDT. passé le niveau de la menace. En
Après la dernière revalorisation sur l’exonération juin, il a permis de faire pression
du smic en mai dernier, 147 des des charges a sur la branche des casinos, où au-
171 branches professionnelles ont cun accord n’a été signé depuis
vu leurs minima conventionnels le don d’exaspérer trois ans. Les négociations y sont
dépassés par le salaire minimum le Medef, qui pointe toujours en cours…
légal. Légalement contraintes Un autre sujet, pas moins com-
d’engager des négociations collec- du doigt le risque plexe, sera abordé au Cese : ce-
tives, la majorité d’entre elles sont d’augmenter le coût lui de la « trappe à bas salaires ».
parvenues à des accords pour reva- Ce phénomène désigne la situa-
loriser leurs grilles salariales. du travail. tion où des employeurs main-
Mais une soixantaine d’entre tiennent des salaires bas pour
elles reste en « inconformité ». La continuer à bénéicier d’exonéra-
CFDT suggère de suspendre les Du côté des organisations patro- tions de charges, progressivement
exonérations de charges patro- nales, l’idée de revenir sur l’exoné- mises en place ces trente dernières
nales de ces branches tant que ration des charges a le don d’exas- années pour favoriser l’emploi
leurs minima resteront sous la pérer. Le Medef pointe du doigt peu qualifié. « Aujourd’hui, P P P
barre du smic. « Non pour punir le risque d’augmenter le coût du
les entreprises, mais pour les inciter travail. « La France n’est pas un
à assumer leurs responsabilités », monde à part : il faut être atten-
repères
soutient Luc Mathieu. tif à notre compétitivité », alertait
Au gouvernement, la mesure Patrick Martin, son président, La question des inégalités
ne séduit pas. « Nous ne pouvons le 11 octobre. entre les sexes également
pas pénaliser une entreprise pour La loi pour le pouvoir d’achat au menu
un échec de négociation [dans sa votée en 2022 visait déjà à relan-
branche, NDLR] qui ne dépend pas cer les pourparlers entre parte- Un autre atelier de la confé-
d’elle », a soutenu le ministre du naires sociaux. Réduisant les dé- rence sociale portera sur le
travail, Olivier Dussopt, le 26 sep- lais pour engager les négociations, temps partiel subi, facteur
tembre, évoquant également « le elle met dans les mains du gouver- de faible rémunération. Il
principe d’égalité devant l’impôt ». nement la possibilité de fusionner concerne particulièrement

Des manifestants lors de la mobilisation « contre l’austérité »,
à Marseille, le 13 octobre. David Costa/AFP
P P P augmenter un salarié de
1 à 1,5 smic multiplie par deux le
coût pour l’employeur, c’est très
décourageant », explique Olivier
Redoulès.
Du côté du salarié, cette « trappe
à bas salaires » est aussi favorisée
par la prime d’activité, créée sous
le nom de prime pour l’emploi en
2001 pour compléter les revenus
des ménages les plus modestes :
182 € net par mois en moyenne,
pour 4,8 millions de foyers, soit
9 millions de personnes. Pro-
blème : cette dernière décroît au
fur et à mesure que le salaire aug-
mente, jusqu’à disparaître totale-
ment à 1,5 smic pour un célibataire
sans enfant.
les femmes : elles représentent
les trois quarts des personnes
en temps partiel contraint,
soit 1 million de salariées.
Le sous-emploi est également
responsable d’inégalités sala-
riales entre les hommes et les
femmes. Dans le secteur privé,
les femmes gagnent ainsi 28,5 %
de moins que les hommes en
moyenne. Mais à temps
ÉCO&TRANSITION
L’effet trappe est spectacu-
laire : « À partir de 1 000-1 100 €
net par mois, la prime fonctionne
comme un impôt : à chaque fois
que votre salaire augmente de 1 €,
la prime baisse de 39 centimes. À
cela s’ajoute l’impôt sur le revenu,
qui est à ce stade de 11 %. Sur 1 €
d’augmentation, on vous prélève
donc 50 centimes - soit 50 % : plus
que la tranche supérieure d’impôt
sur le revenu payée par les plus
riches (43 %) », explique Antoine
Foucher, directeur de cabinet de
l’ancienne ministre du travail
Muriel Pénicaud et président du
cabinet Quintet conseil. « C’est to-
talement pervers ! »
Sarah Dupont
de travail et poste équivalents,
cet écart est de 5,3 %.
Le gouvernement a assuré que
la question des inégalités serait
abordée à la conférence sociale.
L’occasion d’avancer sur la
transcription de la directive
européenne sur la transparence
des salaires, qui devra être ap-
pliquée par les pays de l’Union
européenne avant juin 2026.
La Croix -lundi 16 octobre 2023
Un dialogue de plus
en plus compliqué
avec le gouvernement
tAlors que la conférence
sociale s’ouvre lundi
16 octobre, le gouvernement
trouble le jeu entre patronat
et syndicats.
tLes partenaires sociaux
font notamment bloc autour
de la question de l’Agirc-
Arrco, le régime de retraite
complémentaire des salariés
du privé.
L’ambiance sera sans nul doute
particulière dans les couloirs
du Palais d’Iéna, où l’exécutif a
convié lundi 16 octobre, syndicats
et patronat pour la conférence so-
ciale. Un rendez-vous longtemps
demandé par les syndicats, mais
qu’Emmanuel Macron s’était
refusé d’organiser tout au long
du conflit de la réforme des
retraites.
« Il n’organise pas cette confé-
rence à notre demande. Nuance :
il le fait à la demande des partis
politiques », rappelait d’ailleurs
la secrétaire générale de la CFDT,
Marylise Léon, dans son interview
commune avec son homologue de
la CGT, Sophie Binet, dimanche
8 octobre à La Tribune dimanche.
« La conception et la naissance
de cette conférence sociale sont
étranges : nous l’avions demandée
en juin et il se trouve que c’est sorti
un peu par magie de la réunion
à Saint-Denis, relève un respon-
sable syndical. Nous avons le sen-
timent que les cabinets ne savaient
pas trop quoi mettre dedans et
qu’ils l’ont appris en même temps
que nous. La preuve : les thèmes
ont évolué progressivement depuis
son annonce. »
« Je suis un peu surpris de voir
l’objet de cette conférence s’élar-
gir », constatait le président du
Medef, Patrick Martin, jeudi de-
vant l’Association des journa-
listes de l’information sociale
(Ajis), regrettant que plusieurs su-
jets mordent sur l’« agenda auto-
nome » que s’étaient déjà donné les
partenaires sociaux. « Un certain
nombre de sujets sont déjà léchés
dans nos propres négociations. Je
n’en fais pas un drame, mais sur le
plan méthodologique, c’est un peu
problématique, pour ne pas dire
irrespectueux », notait le « patron
des patrons ».
Depuis plusieurs mois, et malgré
la réforme des retraites, syndicats
et patronat ne cessent en efet de
négocier : sur l’assurance-chômage
(avec un cadre du gouvernement),
l’emploi des séniors, les par-
cours professionnels, le compte
épargne-temps universel. Ils par-
viennent à des accords, comme
sur le partage de la valeur ou, tout
récemment, sur l’Agirc-Arrco, le
régime de retraite complémentaire
des salariés du privé.
Sur ce dernier sujet, les parte-
naires sociaux ont engagé un bras
de fer avec le gouvernement qui,
rejetant l’augmentation décidée
de 4,9 % des pensions des retrai-
tés du privé, souhaite prélever
jusqu’à 1 milliard d’euros dans les
caisses du régime. Ce qu’il pour-
rait faire via un amendement au
projet de loi de inancement de la
Sécurité sociale.
«Un certain
nombre de sujets
de la conférence
sont déjà léchés
dans nos propres
négociations.
Sur le plan
méthodologique,
c’est un peu
problématique.»
« Ce choix du gouvernement va
jouer sur la conférence sociale »,
conirme un responsable syndi-
cal. Mais si l’attitude du gouver-
nement exaspère les partenaires
sociaux, certains parlant de « bra-
quage », ce n’est pas « au point que
le Medef demandera l’indexation
des salaires sur l’inlation », sou-
rit Patrick Martin, pour qui « l’in-
terview commune de Marylise
Léon et Sophie Binet à La Tri-
bune dimanche n’augure pas d’un
consensus sur tous les sujets ».
Ainsi de la question centrale des
salaires, sur laquelle le président
du Medef assure pourtant que « les
entreprises ont fait le job », mais
où les syndicats voudraient beau-
coup plus. Il se dit toutefois prêt
à travailler sur l’égalité homme-
femme et les temps partiels su-
bis, sujets chers aux secrétaires
générales des deux principaux
syndicats.
« Nous sommes tout de même
assez interrogatifs, insiste Patrick
Martin. D’un côté, le gouverne-
ment fait des déclarations plutôt
agréables à nos oreilles mais, de
l’autre côté, ses actes vont parfois
à l’encontre de ses paroles. » Entre
défense de la politique de l’ofre
et autonomie des corps intermé-
diaires, le « patron des patrons »
insiste : « Il faut faire en sorte que
les partenaires sociaux retrouvent
la place qui leur revient. »
Nicolas Senèze
13
essentiel
Transports T
Une majorité d’élus
demeure favorable
à l’A 69
Les élus du Tarn, favorables à
l’autoroute A69 reliant Castres
à Toulouse, sont sortis satis-
faits d’une réunion avec les
services de l’État, vendredi
13 octobre à Castres, à l’issue
de laquelle le préfet d’Occita-
nie a souligné qu’ils étaient
« une très large majorité » à
soutenir le projet, très contesté
sur le terrain. Il a expliqué qu’il
faudrait « améliorer les compen-
sations environnementales »,
sans préciser si les abattages
d’arbres allaient reprendre.
Agriculture
Pas d’accord
européen sur
la prolongation
du glyphosate
Les Vingt-Sept ont
échoué à s’entendre,
vendredi 13 octobre, sur la
proposition de la Commission
de reconduire pour dix ans
l’autorisation du glyphosate
dans l’UE, qui a le soutien de
nombreux de pays du Sud et
de l’Est. Mais Paris et Berlin se
sont abstenus. Première puis-
sance agricole européenne, la
France, qui craint une concur-
rence déloyale entre les pays,
plaide notamment pour que
le glyphosate ne soit autorisé
que dans les cas où il n’y a pas
d’alternative. Un nouveau vote
est prévu courant novembre.
Énergie T
Les États-Unis accélèrent
dans l’hydrogène vert
Le président américain Joe
Biden a présenté, vendredi
13 octobre, les sept régions
des États-Unis qui devien-
dront des « pôles d’hydrogène »
et bénéicieront de près de
7 milliards de dollars de sub-
ventions du gouvernement
fédéral. Elles sont censées
produire près de trois millions
de tonnes d’hydrogène propre
par an, soit un tiers de l’objec-
tif des États-Unis pour 2030.
Joe Biden a fait de l’énergie
verte un élément clé de son
plan de relance économique.
X sur la-croix.com
t Arbres, oiseaux,
insectes : comment
les chaleurs tardives
afectent les écosystèmes
t Économie sociale :
un « énorme potentiel »
à exploiter en Europe
 La Croix -lundi 16 octobre 2023

14 Services
carnet annonces légales

décès
t La Provinciale
des Religieuses du Sacré-Cœur,
la communauté Philippine
Duchesne, à Lyon vous font part
du retour à la Maison du Père de
Sœur Rosine BABOIN
survenu le 10 octobre 2O23
à l’âge de 93 ans et la
recommandent à vos prières.
La Messe d’obsèques sera
célébrée à la chapelle de l’EHPAD
La Roseraie, 45 rue du Docteur
Edmond Locard - 69OO5 LYON
mardi 17 octobre 2023 à 14 h 30.

t Michel Fernier
Claire Fernier,
Armelle Bret-Fernier,
Clotilde Afriad,
Christophe Marchand,
Cyrille Bret, Mohamed Afriad,
Zoé, Vincent, Haydée, Agathe
Mme BONJOUR Anne demeurant au 118
et Ijjou, sa famille, rue des Poissonniers 75018 PARIS et ixé
le siège de liquidation où les documents
Pour vos annonces
Ont l’immense tristesse de vous
de la liquidation seront notiiés au siège
social.
judiciaires et légales
faire part du rappel à Dieu Mention en sera faite au RCS de PARIS.

le 11 octobre 2023 de Contact : Média Marketing

Catherine FERNIER
née Lauriot-Prévost,
« Kaki »
Une messe sera célébrée
le mercredi 18 octobre 2023
à 10 h 30 à l’Église Saint-Léger,
20 rue de la Maison Verte,
Saint-Germain-en-Laye (78).
L’inhumation aura lieu
le vendredi 20 octobre 2023
à 16 heures au cimetière
de Saint-Cast (22).
28 rue de la grande fontaine
78100 Saint-Germain-en-Laye.
PARIS
CONSTITUTION
Par acte SSP du 26/09/2023, il a été constitué une
SAS ayant les caractéristiques suivantes :
Dénomination :
M.O.
SOLUTIONS
Capital : 1.000 euros
Siège social :
234 Avenue Aristide Briand 92220 BAGNEUX.
Objet social : le conseil, l’ingénierie, création,
toutes réalisations d’assistances et toutes
prestations, bureau d’étude de conception,
maîtrise d’ouvrage, de maîtrise d’œuvre,
coordination et de réalisation de tous projets en
décoration et architecture d’intérieur, design,
home-staging, tous travaux, et rénovation avec
ou sans sous-traitance, Import, export, achat,
vente de tous produits non réglementés en
Gros, Demi-gros et détail, location de tous
Aux termes de L’AGE du 01/09/2023, il a été décidé
la dissolution anticipée de la société à compter du
01/09/2023, nommé liquidateur M. Ali Meftah,
12 rue Lecuyer, 75018 PARIS et ixé le siège de la
liquidation au siège social.
Mention au RCS de PARIS.
SCI MONTMARTE
ABBESSES
SCI au capital de 15000 €
Siège social : 118 rue des
Poissonniers - 75018 PARIS
RCS PARIS 490899143
Par décision Assemblée Générale Extraor-
dinaire du 12/10/2023, il a été décidé
la dissolution anticipée de la société et
sa mise en liquidation amiable à compter
du 12/10/2023 , il a été nommé liquidateur(s)
CRÉTEIL au 01 41 38 86 15.
E-mail : lacroix@mediamarketing.fr
CONSTITUTION Par arrêté des préfets des départe-
Avis est donné de la constitution de la SASU ments intéressés, La Croix a été dési-
dénommée :
gné comme publicateur oiciel pour
LMDM recevoir, en 2023, dans les départe-
ments de Paris (0.237 €*), Hauts-de-
Capital : 1.888 Euros
Seine (0.237 €*), Val-de-Marne
Siège Social :
28 Avenues des Pépinières 94260 FRESNES (0.237 €*), toutes les annonces
Objet : Import-Export, grossiste alimentaire
judiciaires et légales, en matière
Président :
de procédure civile et de commerce,
Abirame THAMBIRAJAH demeurant
au 36 Rue de la Ceriseraie 91160 CHAMPLAN. ainsi que les actes de société.
Durée :
* Il s’agit du tarif d’un caractère
99 ans à compter de l’immatriculation
au RCS de CRÉTEIL. hors taxes.

Transmission
du carnet
Par courrier : 18, rue Barbès,
92128 Montrouge Cedex.
Par téléphone renseignement : de
9 heures à 17 heures au 01 74 31 66 06
(du lundi au vendredi)
E-mail : carnetlacroix@
bayardmedia.fr (Préciser nom,
adresse et n° de téléphone)
Les textes doivent parvenir
avant 11 h pour une parution
le lendemain (pas de rubrique
le samedi/dimanche).
La ligne : 20 € TTC.
La ligne en gras est facturée
sur la base de deux lignes.
Remise de 10 % à nos abonnés.
Remise de 50% pour les iançailles,
mariages et baptêmes.
matériels et de véhicules sans chaufeur,
apporteur d’afaire, sans que cet énoncé soit
limitatif.
I L’envers du récit
Président :
M. Alexandre YASSINE, demeurant 29 Rue
Grand Lebrun 33200 BORDEAUX.
Cession d’action et agréments :
Les cessions d’actions sont soumises à
l’agrément de la collectivité des associés.
Durée : 99 ans à compter de l’immatriculation
au RCS de NANTERRE.
Aux termes d’un acte sous seing privé en date du
9 octobre 2023, il a été constitué une société
présentant les caractéristiques suivantes :
Le podcast
Dénomination :
dans lequel les journalistes
SCI SCEAUX
BALTARD racontent les coulisses
Forme : société civile immobilière
Capital Social : cent mille (100 000) euros.
Siège Social : 18 rue Armand Moisant - 75015
de leurs reportages,
PARIS
Objet : l’acquisition et l’exploitation de tous
immeubles ou parties d’immeubles ainsi que
ce qui s’est passé avant
tous biens et droits immobiliers, l’administration
et la gestion par voie de location ou autrement de
ces biens immobiliers et de tous autres biens dont et comment l’histoire se poursuit
elle viendrait à être propriétaire, éventuellement

Partagez
la vente des biens ainsi acquis.
Gérant : Monsieur Christophe Bergue, né le 21 parfois bien après sa parution.
février 1964 à Angers (49), de nationalité
la joie de la naissance française, demeurant 18, rue Armand Moisant,
75015 Paris.
ou du baptême Durée : 99 ans à compter de l’immatriculation au
de vos enfants grefe de PARIS.

et petits-enfants DISSOLUTION Pour écouter, rendez-vous sur

Le Carnet de L VETMODE la-croix.com/enversdurecit
EURL au capital de 10000 € et aussi à découvrir sur toutes les plateformes de podcasts, sur le site et l’appli La Croix
Siège social : 12 rue Lecuyer
01.74.31.66.06 75018 PARIS
RCS PARIS 518 774 245

Réjouissante cavalcade autour
d’un chapeau de paille d’Italie
tLe metteur en scène
Alain Françon propose une
version moderne et survoltée
de la comédie d’Eugène
Labiche, portée par
un Vincent Dedienne
à l’énergie intarissable.
tLes musiques du groupe
Feu! Chatterton, jouées en
direct, complètent le tableau
et font vibrer le plateau.
Un chapeau de paille d’Italie
Mis en scène par Alain Françon
Au Théâtre de la Porte Saint-
Martin jusqu’au 31 décembre
Un mariage, des adultères, des in-
vités bêtas et une myriade de qui-
proquos, tous les ingrédients d’un
vaudeville réussi sont réunis au
Théâtre de la Porte Saint-Martin, à
Paris. L’adaptation de la célèbre co-
médie d’Eugène Labiche Un cha-
peau de paille d’Italie par le metteur
en scène Alain Françon est sans
aucun doute l’un des rendez-vous
théâtraux les plus attendus de cette
rentrée… et il ne déçoit pas ! L’entrée
sur scène de Vincent Dedienne irra-
diant d’énergie annonce la couleur :
il va y avoir du rythme.
On se réjouit de voir
percer le piquant et
l’humour singuliers
de Vincent Dedienne
au travers du texte.
Le comédien interprète Fadinard,
un jeune rentier volage néanmoins
sur le point de se marier. L’élue s’ap-
pelle Hélène (Suzanne de Baecque),
une jeune femme tout à fait niaise
mais tout à fait riche, ille d’un pé-
piniériste aux afaires fructueuses.
Mais un malheureux événement,
suivi d’une dizaine d’autres, met à
mal l’heureux hyménée.
Alors qu’il passait par le bois de
Vincennes, le cheval de Fadinard
fait ses choux gras d’un chapeau de
paille laissé sans surveillance dans
un arbre. À la découverte du méfait,
sa propriétaire Anaïs Beauperthuis
(Marie Rémond), qui était occupée
dans les fourrées avec son amant
Émile Tavernier (Éric Berger), un
militaire rigide et colérique, exige
réparation. Hors de question que le
mari cocu ne se doute de l’afaire si
elle rentrait chez elle sans son pré-
cieux couvre-chef.
Les pourparlers de Fadinard res-
teront lettre morte. Au diable le ma-
riage et la noce impatiente sur le pas
de la porte, le jeune impertinent est
sommé de trouver un chapeau iden-
tique en tout point et sur-le-champ,
Fadinard, le jeune rentier et futur marié, est interprété par Vincent Dedienne. Jean-Louis Fernandez
au risque de terribles représailles.
Tâche herculéenne s’il en est, car
le chapeau est fabriqué dans une
paille d’Italie extrêmement rare.
Commence alors la réjouissante
cavalcade ! De boutiques en manoirs,
le jeune homme parcourt Paris à
la recherche de l’objet, ses invités
campagnards sur les talons, qui ne
comprennent rien à la situation.
En tête de cortège, l’hilarant beau-
père Nonancourt, joué par Anne
Benoît, au sommet de son art. Le
personnage drapé de ierté ridicule
avance péniblement avec ses sou-
repères
Alain Françon, metteur
en scène flamboyant
16 janvier 1945. Alain Françon
naît à Saint-Étienne (Loire).
1971-1996. Il cofonde et dirige
le Théâtre éclaté d’Annecy
pendant dix-huit ans, avant
de prendre la direction
du Centre dramatique national
de Lyon, puis de Savoie.
1995. Premier Molière
du metteur en scène pour
Pièces de guerre d’Edward Bond.
1996. Il dirige le Théâtre natio-
nal de la Colline, à Paris pen-
dant quatorze ans, et révèle
le dramaturge britannique
Edward Bond.
2010. Il fonde sa propre compa-
La Croix -lundi 16 octobre 2023
CULTURE
liers vernis trop serrés, ponctuant
sa démarche malaisée de lamen-
tations répétées : « Tout est rompu,
mon gendre ! » Les autres membres
de la troupe ne sont pas en reste,
Suzanne de Baecque interprète
parfaitement la naïveté stupide et
l’innocence de la pauvre mariée, se
tortillant dans sa robe satinée pour
se débarrasser d’une épingle qui lui
pique le dos, Rodolphe Congé en
oncle sourd comme un pot et Luc-
Antoine Diquéro en livreur suant à
grosses gouttes sont également par-
faits. L’histoire n’avance qu’à grands
Il remportait en 2016 son troi-
sième Molière. Patrick Kovarik/AFP
gnie, le Théâtre des Nuages
de Neige. Deuxième Molière
pour La Cerisaie de Tchekhov.
2016. Troisième Molière
du metteur en scène pour
Qui a peur de Virginia Woolf ?
d’Edward Albee.
Alain Françon est aussi l’auteur
d’une centaine de pièces.
coups de quiproquo entre Fadinard
et sa noce déboussolée, qui ne rêve
que de regagner ses pénates à Cha-
rentonneau (bourgade source de
ierté intarissable pour le pépinié-
riste). Le jeune rentier brise régu-
lièrement le quatrième mur pour
adresser ses exaspérations au pu-
blic, et l’on se réjouit de voir percer
le piquant et l’humour singuliers
de Vincent Dedienne au travers du
texte.
Rythme efréné mais savamment
dosé, la partition d’Alain Françon
est maîtrisée. Point de cacopho-
nie, les tableaux pourvus de ma-
gniiques décors s’enchaînent sans
lasser. Et cela, aussi, grâce aux mu-
siques et chansons composées par
le groupe pop-rock Feu ! Chatterton,
qui accompagne la pièce. Trois mu-
siciens installés au premier balcon
jouent en direct, accompagnés de
synthétiseurs, d’une guitare élec-
trique et d’une batterie. La bande-
son fait vibrer la comédie et semble
séduire le public qui compte, ce
soir-là, beaucoup de jeunes.
Durant deux heures de course
folle, le texte fait mouche, se mo-
quant sans retenue de tout ce pe-
tit monde du XIXe siècle. Ridicules
campagnards perdus en ville, ridi-
cule baronne qui ne s’aperçoit pas
qu’elle a laissé entrer un imposteur
dans son salon, et ridicule Vincent
Dedienne en petit-bourgeois vo-
lage, que la fidélité promise à sa
femme met à rude épreuve, le jour
même de la cérémonie. Eugène
Labiche n’épargne personne, pour
notre plus grand plaisir.
Clémence Blanche
15
essentiel
Cinéma T
Le réalisateur iranien
Dariush Mehrjui
poignardé à mort
Grande igure du cinéma ira-
nien, le cinéaste et son épouse
ont été tués à coups de couteau
samedi 14 octobre au soir à leur
domicile près de Téhéran, a an-
noncé dimanche l’Autorité judi-
ciaire. Âgé de 83 ans, il avait ré-
alisé La Vache (1969), Monsieur
le naïf (1970), Le Cycle (1974),
Les Locataires (1987), Hamoun
(1990), Sara (1993), Pari (1995)
et Leila (1996). En 2014,
le Forum des images à Paris
avait projeté ses ilms, pour
un hommage en sa présence.
Médias
Palmarès du prix
Bayeux des
correspondants
de guerre
La 30e édition a distingué
samedi 14 octobre Siegfried
Modola pour la photographie.
Il a suivi une milice en Birma-
nie pour son reportage publié
dans The Globe and Mail (« Au
cœur de la rébellion birmane »,
freelance), déjà récompensé
au festival Visa pour l’image.
Anthony Loyd (« L’Otage ou-
blié », The Times) a été distingué
pour la presse écrite ; Maurine
Mercier (« La Double peine d’une
mère victime de viols à Boutcha »,
RTS-France Info) pour la radio et
Nick Paton Walsh, Brice Lainé,
Natalie Galloné et Étienne Du-
pont (« La Guerre entre les gangs
et la police haïtienne », CNN)
pour la télévision.
sur la-croix.com
Un article détaillé
Archéologie T
La Turquie dévoile deux
découvertes majeures
Une statue de pierre de plus
de 2,30 m de haut, assise sur
un banc orné d’un léopard, a
été mise au jour in septembre
dans le sud-est de la Turquie,
au cœur d’un complexe d’une
vingtaine de sites qui abritait
des milliers d’humains à l’âge
de pierre, il y a douze mille ans.
Karahantepe, fouillé depuis
2019, appartient à ce réseau
de sites néolithiques identiiés
autour de la colline de Göbekli
Tepe, considérée comme la
« capitale » de cet ensemble.
X sur la-croix.com
t Théâtre :
« Et si c’étaient eux ? »,
une farce implacable sur
notre angoisse de vieillir
 OFFREZ Peut-on faire confiance
le grand dossier aux médias ?
du 23 novembre au 8 décembre 2023

semaines
2 OFFERTES
sans engagement

Nous vivons dans une société de l’information qui enrichit

sans cesse notre connaissance du monde. L’offre de média
ne cesse de se diversifier, grâce notamment aux supports
numériques. Mais la profusion tourne parfois à la confusion.
Le flot de nouvelles provoque une fatigue informationnelle,
parfois une volonté de se retrancher dans sa bulle. L’abondance
de l’offre et la faible régulation des réseaux sociaux favorisent
la désinformation. Le doute finit par agir comme un poison qui
affecte le jeu démocratique.

Alors que des États généraux de l’information posent la

question de l’indépendance et de la fiabilité des médias, du

Émile Loreaux pour La Croix

fait de facteurs technologiques économiques et politiques,
La Croix propose une plongée dans la fabrique de l’info.
Comment travaillent les journalistes ? Le numérique est-
il une chance ou une menace ? Peut-on lutter contre la
désinformation ? L’éducation aux médias est-elle un vœu pieux ?

Faites découvrir à vos proches pendant 2 semaines GRATUITEMENT

Simple et rapide, inscrivez-les, avant le 16 novembre pour être sûr de recevoir l’intégralité du dossier,
sur la-croix.com/media1
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inscrire ici : bloctel.gouv.fr. *Par rapport au prix de vente au numéro.
 La Croix -lundi 16 octobre 2023

Écrans-radio 17

le choix de La Croix

À la recherche des loups, l’épopée d’un père et de sa fille

Naïs au pays des loups
À 23 heures sur France 3
Avant même son deuxième anni-
versaire, il s’est tissé comme un lien
invisible entre Naïs et les loups qui,
depuis une trentaine d’années, ont
réinvesti le parc du Mercantour. Sur
les images des pièges photo posés
par son père, on les voit parfois pas-
ser à quelques dizaines de minutes
d’intervalle sous la même branche,
sur le même passage au-dessus
d’une rivière. Ils sont tout proches,
insaisissables, méiants, furtifs.
La « quête inutile » à leur re-
cherche, qu’entreprend Rémy
Masséglia avec sa ille alors qu’elle
n’a que quelques mois, est d’une
Dans le parc du Mercantour, Naïs apprivoise la nature. Rémy Masséglia douceur incomparable. Son do-
cumentaire, tendre restitution de
centaines d’heures de randonnée à
deux, est chargé de toute son émo-
tion à lui. Celle d’entreprendre avec
Naïs un chemin qu’il a lui-même
parcouru, enfant, aux côtés de son
père. Celle de voir les yeux de sa ille
s’écarquiller devant la nature loris-
sante et la faune somptueuse qu’elle
apprivoise en même temps qu’elle
apprend la marche et le langage.
Leurs bivouacs, en toutes sai-
sons, sont le théâtre d’une poi-
gnante complicité. Sur les chemins,
lorsque Rémy fatigue, Naïs l’encou-
rage, lui transmet le petit supplé-
ment d’âme qui donne tout son
sens à leur fabuleuse exploration.
Elle le sauve du découragement,
alors que le loup semble toujours
avoir un temps d’avance sur eux. Il
les suit, leur passe devant, revient
sur leurs traces, les sème à nou-
veau. Et puis, un jour, il se montre.
Enfin « un loup pour Naïs ». Les
jumelles posées sur le nez, elle en
aperçoit un. Puis deux. Ils courent
dans la neige, et son visage s’illu-
mine. « Ils jouent à trap-trap », mur-
mure-t-elle à son père.
Dans ses yeux d’enfant, tout de-
vient magique. Dans ceux de son
père, cette aventure devient la
chose la plus importante au monde.
Une exploration qu’ils poursuivent
jusqu’à l’entrée en maternelle de
Naïs. Dans l’école qui domine la val-
lée de la Roya, elle pénètre comme
accompagnée de tous les cerfs, bou-
quetins, biches, renards, loutres et
louveteaux qu’elle a frôlés.
Maud Guilbeault

TF 1 France 2 France 3 Arte France 5 M6 Et aussi...

8.30 Téléshopping; 9.25 6.30 Télématin; 9.10 Dans votre ré- 11.10 Héliopolis : la cité 5.00 Okoo; 9.25 L’œil et 5.30 M6 Music; 5.40 In- Canal+ CRYPTÉ : 21.10
Familles nombreuses : la 9.30 La maison des Ma- gion; 11.15 Outremer. solaire des pharaons; la main. «Marathon des croyables transforma- D’argent et de sang.
vie en XXL; 10.30 Amour, ternelles; 10.50 Chacun le mag; 12.00 Le jour- 12.05 42, la réponse à pr- sables»; 10.05 Le maga- tions; 8.50 M6 Boutique; Série française. 0 : « #1
gloire et beauté; 11.00 son tour; 11.55 Tout le nal des solutions; 12.25 esque tout; 12.35 Les der- zine de la santé; 11.05 La 10.05 Ça peut vous arriver; Fitoussi ». Avec Vincent
Les Feux de l’amour; monde veut prendre ICI 12/13; 12.55 Météo à niers paradis sauvages; Grande Muraille, l’âme 11.30 Ça peut vous arriver Lindon, Ramzy Bedia.
11.50 Les douze coups sa place; 13.00 Journal la carte; 14.45 Tandem. 13.35 Pieds nus dans le de la Chine; 12.05 Le rai- chez vous; 12.45 Le 12.45; France 4 21.10 Gérard
de midi; 13.00 Journal; 13h00; 13.45 La p’tite Série policière: «Via To- parc. Comédie sentimen- sin a un grain; 13.05 SOS 13.40 Scènes de ménages. Lanvin live au Magic
14.00 Meurtre à Noël. librairie; 13.55 Ça com- losana »; «Sur la route de tale (1967), de Gene Saks; animaux orphelins; 13.35 Série humoristique; 14.00 Mirrors. Concert, 2023.
Téléilm (2022); 15.40 Sur mence aujourd’hui; 16.10 la rédemption »; 16.45 15.35 Nature, le retour du Le magazine de la santé; Un jour, un doc. Maga- LCP 20.30 Rwanda, à
les traces de ma sœur. Afaire conclue...; 18.00 Duels en familles; 17.25 sauvage; 16.30 Nos chères 14.40 Madinat Al-Zahra, zine; 17.30 Le château la poursuite des génocid-
Téléilm (2022) 0; Tout le monde a son mot Slam; 18.10 Questions bestioles; 17.15 Invitation la cité perdue d’Al-Anda- de mes rêves. Magazine; aires. Documentaire.
17.30 Familles nom- à dire; 18.35 N’oubliez pour un champion; 19.05 au voyage; 18.55 Le village lus; 16.30 La vie dans les 18.30 Objectif Top Chef. NRJ 12 21.10 Crimes.
breuses : la vie en XXL; pas les paroles; 20.00 ICI 19/20; 20.00 Tout Alzheimer; 19.30 baies du Paciique; Magazine. Présenté par MagazineLe mystérieux
18.30 Ici tout commence; Journal; 20.40 Journal le sport; 20.20 Journal Le dessous des images; 17.25 L’invité de C dans Philippe Etchebest; Docteur Godard / Qui a
19.10 Demain nous ap- Météo climat; 20.50 Météo climat; 20.40 19.45 Arte journal; l’air; 17.40 C dans l’air; 19.45 Le 19.45; 20.30 tué Gaëlle ? / Le tueur
partient; 20.00 Journal. Un si grand soleil. Aux Jeux, citoyens ! 20.05 28 minutes. 18.55 C à vous. Scènes de ménages. à l’arbalète.
RTL 9 20.55 The Secret.
21.10 Cannes 21.10 Noir comme neige. 21.10 La vérité. Drame 20.50 Péril en la demeure. 21.05 C dans l’air spé- 21.10 L’amour est dans le 2 Thriller (2012),
police criminelle. 0 Téléilm d’espionnage (2019), d’ Hirokazu Ko- Film policier (1985), de Mi- cial. Magazine. «Spéciale pré. Téléréalité. Présenté de Pascal Laugier, avec
Série policière (Saison 1, (2021), d’ Eric Valette, re-eda, avec Catherine chel Deville, avec Anémone, Israël». Présenté par Car- par Karine Le March- Jessica Biel, Jodelle
4 et 5/6) «Meurtre à l’hô- avec Laurent Gerra, Clé- Deneuve, Juliette Binoche Richard Bohringer (1 h 40). oline Roux. Une soirée and. «Épisode 9 ». Entre Ferland (1 h 50).
tel » 0 Avec Jamie Bam- mentine Poidatz (1 h 25). (1 h 50). Une célèbre ac- Un professeur de guitare, spéciale pour décrypter sentiments naissants et
ber, Lucie Lucas. Alors Une adjudante du Pelo- trice française s’apprête à qui entretient une liaison l’actualité en Israël qui incertitudes, les agricul- KTO
qu’un ils de marchand ton de Gendarmerie de publier ses mémoires. A avec la mère d’une de ses fait craindre que tout le teurs vont devoir prendre
d’armes va hériter de Haute Montagne et un cette occasion, elle reçoit élèves, se retrouve au cœur Proche-Orient ne bascule une décision : continuer 19.00 La Foi prise au Mot;
l’entreprise de ses par- policier suisse enquêtent la visite de sa ille, in- d’une afaire de meurtre; dans le chaos. Membres l’aventure ou mettre un 20.05 Vêpres; 20.35 Cher-
ents, Camille et Léa sont sur la mort d’un adoles- stallée à New York depuis 22.35 Dancer In the Dark. du gouvernement, an- terme à leur quête senti- cher Dieu à Maredsous.
chargées d’enquêter sur cent; 22.40 Unité 42. longtemps; 23.00 Naïs au 2 Drame (2000), de Lars ciens diplomates, ana- mentale; 23.15 L’amour Documentaire; 21.30
des menaces de mort à Série policière (Saison 2, pays des loups. von Trier, avec Björk, Cath- lystes et experts aident à vu du pré. Divertissement. Dominicains TV; 21.40
son encontre; «La malé- 7 et 8/10) «Sous la peau » Film. Un père et sa ille, erine Deneuve (2 h 10). comprendre; 22.40 C ce «Émission 11». D’anciens La vie des diocèses; 22.20
diction » 0; 23.00 Cannes 0 Avec Patrick Ridre- Naïs, qui commence à Une modeste ouvrière, soir. Talk-show. Présenté participants se retrouvent Deo et débats; 23.15 Terra
police criminelle. Série mont, Constance Gay; «La marcher et dire ses pre- condamnée à la cécité par par Karim Rissouli et Ca- pour partager leurs souve- Santa News; 23.40 Un cœur
policière (Saison 1, 6/6) : vie d’après » 0; 0.25 Dix miers mots, se lancent une grave maladie hérédi- mille Diao. Avec Laure nirs et leurs expériences, et qui écoute; 0.10 Chapelet
« Amour à mort ». Avec Ja- pour cent. Série. Juliette. dans une folle aventure taire, se sacriie pour sauver Adler et Arthur Chevallier; commentent les aventures à Lourdes; 0.40 Chercher
mie Bamber, Lucie Lucas. Avec Juliette Binoche. au cœur du Mercantour. les yeux de son ils. 23.45 C dans l’air. des candidats. Dieu à Maredsous.

Séance du vendredi 13 octobre. Cours en clôture.

7 003,53 pts Accor 30,93 -2,27 +32,46 Danone 54 -0,35 +9,69 Kering 406,8 -2,40 -14,45 Ses Imagotag 105,2 -7,07 -13,77
Adp 106,2 -0,84 -15,18 Dassault Aviation 187,4 -0,11 +18,46 Klepierre 22,27 -3,01 +3,44 Societe Generale 21,805 -2,96 -7,13
-1,42% +19,12% Air France -klm 11,902 -1,59 -3,31 Dassault Systemes 35,91 -2,79 +7,21 L'oreal 384,65 -2,17 +15,30 Sodexo 97,92 -0,65 +9,43
Air Liquide 161,36 -1,36 +21,87 Derichebourg 4,39 -2,49 -20,47 Lectra 22,85 -3,38 -35,09 Soitec 153,75 -3,18 +0,59
Airbus 121,96 -3,02 +9,85 Edenred 54 -0,66 +6,13 Legrand 85,62 -2,90 +14,43 Solutions 30 Se 1,582 -4,98 -7,27
Ald 6,485 -6,76 -39,73 Eiffage 85,84 -2,03 -6,61 Lvmh 660,6 -2,13 -2,84 Solvay 102,05 -0,10 +8,04
SBF120 5 314,81 -1,51 Alstom 12,76 -3,88 -44,08 Elior Group 1,644 -3,92 -50,18 Mercialys 8,015 -2,26 -17,96 Sopra Steria Group 186,8 -1,37 +32,29
SBF250 5 199,50 -1,51 Alten 117,9 -2,32 +0,94 Elis 16,7 -2,05 +20,84 Mersen 35,35 -3,15 -6,36 Spie 26,76 -0,96 +9,85
Amundi 51,9 -3,26 -2,08 Engie 14,776 +0,65 +10,37 Metropole Tv 11,9 -2,46 -22,48 Stellantis Nv 18,82 -0,55 +41,82
Dow Jones (New York) 33 622,95 -0,02 Aperam 27,64 -1,29 -6,27 Eramet 65,8 -0,38 -21,53 Michelin 29,03 -2,09 +11,72 Stmicroelectronics 41,16 -3,00 +24,75
Nasdaq (New York) 14 997,95 -1,23 Arcelormittal Sa 21,71 -2,03 -11,66 Essilorluxottica 164,1 -1,41 -3,01 Neoen 24,66 -1,67 -34,43 Technip Energies 22,78 +0,04 +55,28
Nikkei (Tokyo) 32 315,99 -0,55 Argan 63,7 -3,63 -15,96 Eurazeo 54,7 -3,19 -5,85 Nexans 65,25 -11,82 -22,74 Teleperformance 117,4 -1,43 -47,28
EuroStoxx 50 4 135,75 -1,49 Arkema 89,02 -1,48 +6,13 Euroapi 5,324 -6,60 -61,56 Nexity 13,45 -2,25 -48,39 Tf1 6,845 -2,98 -4,33
FT 100(Londres) 7 599,60 -0,59 Atos 4,88 -0,41 -45,85 Eurofins Scient. 49,65 -4,11 -25,96 Orange 11,04 +0,90 +18,95 Thales 144,4 +1,12 +21,04
Axa 28,01 -1,23 +7,50 Euronext 68,25 -0,87 -1,32 Orpea 1,13 -13,01 -81,69 Totalenergies 63,17 +1,61 +7,71
Beneteau 11,86 -2,47 -16,12 Eutelsat Communic. 4,842 -3,16 -30,43 Pernod Ricard 157,1 -1,35 -14,50 Trigano 132,5 -2,93 +3,84
Bic 60,95 - -4,69 Fdj 30,02 -1,96 -20,12 Plastic Omnium 13,74 -0,94 +1,18 Ubisoft Entertain 28,75 +0,38 +8,86
Etats Unis EUR/USD 1,0524 -0,89 Biomerieux 91,94 +0,24 -6,11 Fnac Darty 23,86 -0,25 -30,72 Publicis Groupe Sa 75,34 -1,85 +26,79 Unibail-rodamco-we 44,95 -2,81 -7,57
Gde-Bret.EUR/GBP 0,8642 +0,19 Bnp Paribas Act.a 57,64 -3,03 +8,24 Forvia 16,52 -3,28 +16,91 Remy Cointreau 114,45 +0,57 -27,38 Valeo 13,07 -5,29 -21,74
Bollore 5,105 -0,97 -2,20 Gecina 94,45 -1,77 -0,74 Renault 36,25 -2,74 +15,91 Vallourec 11,32 +0,98 -7,74
Suisse EUR/CHF 0,9546 -0,21 Bouygues 32,2 +0,41 +14,84 Getlink Se 14,83 -1,17 -0,97 Rexel 20,11 -3,69 +9,06 Valneva 5,342 -4,06 -14,17
Japon EUR/JPY 157,4400 -0,57 Bureau Veritas 23,27 -2,06 -5,44 Gtt 120,5 +0,08 +20,74 Rubis 21,18 -0,38 -13,90 Veolia Environ. 26,3 -1,35 +9,58
Capgemini 165,7 -2,30 +6,25 Hermes Intl 1705,8 -1,16 +18,05 S.e.b. 87,95 -1,79 +12,40 Verallia 34,58 -1,98 +9,15
Carmila 13,38 -2,90 +0,30 Icade 28,72 -2,18 -28,63 Safran 149,08 -2,02 +27,51 Vinci 102,92 -1,78 +10,32
Piece Suisse 20F 344,00 Carrefour 15,78 -0,94 +0,90 Id Logistics Group 247,5 -3,13 -7,65 Saint Gobain 53,21 -2,37 +16,56 Virbac 258,5 -3,18 +13,38
Lingot 1 KG Env. 57 480,00 Piece Latine 20F 342,70 Cgg 0,685 +0,32 +13,30 Imerys 25,62 -1,91 -29,50 Sanofi 103,38 -0,58 +15,07 Vivendi Se 8,49 -1,85 -4,76
Piece 10 Dol USA 900,00 Souverain 435,00 Clariane 5,02 -4,29 -50,40 Interparfums 48,15 -2,43 -13,40 Sartorius Sted Bio 187,25 -16,74 -38,10 Voltalia 9,33 -1,27 -45,31
Piece 10 Florins 359,90 Coface 11,27 -2,76 -7,17 Ipsen 118,9 -1,49 +18,31 Schneider Electric 153,12 -2,03 +17,14 Wendel 73,2 -2,40 -16,06
Piece 20 Dolars 2 085,00 Le baril à Londres 89,61 $ Covivio 39,74 -1,92 -28,33 Ipsos 43,68 -0,64 -25,33 Scor Se 28,27 -2,99 +31,55 Worldline 22,92 -4,38 -37,26
Piece 20F 344,00 Le baril à NY 86,58 $ Credit Agricole 11,4 -2,36 +15,96 Jcdecaux 15,49 -1,71 -12,58 Ses 5,715 -1,72 -6,16 X-fab 9,635 -3,84 +45,65
 La Croix -lundi 16 octobre 2023

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Par courrier : « La Croix », TSA 70008, cœur du dialogue entre Jésus et de « raisonner » et ne se met pas en
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Mardi Mercredi le pharisien qui l’a invité. Quand question. Paul, dans la lettre aux
Contacter la rédaction on y réléchit, c’est assez évident du Romains, explique cette résistance
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Téléphone : 01 74 31 68 36 puriie que l’extérieur de la coupe toucher, on demeure fermé dans
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Twitter : @LaCroix aussi se dire que Jésus, venu à l’in- se fonde pas sur l’argumentation
Instagram: journal.lacroix térieur de la maison du pharisien, y mais sur une expérience qui touche
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Zachée (Luc 19,9). Mais les attitudes faire taire nos raisonnements pour
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de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi. sont diférentes. accueillir la présence du Christ
carnetlacroix@bayardmedia.fr En efet, ce dernier, à la diférence dans nos vies.
de Zachée, n’a pas compris que la Sœur Véronique Thiébaut,
Petites annonces Tél. : 01.74.31.16.18
(de 9 h à 18 h). Fax : 01.74.31.60.00. rencontre avec le Christ devait le Religieuse de l’Assomption
conduire à un comportement dif-
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0 800 29 36 87 Problème n° 8239 d’Arthur Gary
Édité par BAYARD,
société anonyme à directoire et conseil
de surveillance. 18, rue Barbès,
92128 Montrouge Cedex. Téléphone :
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
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III. Ancien lieu de réparation. C’est peut-être au diable. – IV. Arrose
Bar-le-Duc. Quart d’an. – V. Logique. Mange sur l’herbe. – VI. Direction.
Elle se fait d’un trait. – VII. Possessif. Sigle policier. Tranche avant le > Chaque jour de la semaine :
déjeuner. – VIII. Écorce du baobab… Qui goûte beaucoup. – IX. Cours le journal et les 5 suppléments thématiques
d’art et d’histoire… Possessif. – X. Vendit ailleurs. Stokes.
Verticalement. – 1. Mot français, mais étranger pour un Français ! – > Le week-end : le magazine LA CROIX L’HEBDO
2. Rapportes. Cuir de veau. – 3. À lui. Adresse requise pour faire le
serveur. – 4. Mesure angulaire. Spécialiste. Un type de coifure. – > 7J/7, tout le numérique : lecture illimitée
5. Homme de gauche ou homme de droite sur le terrain. Il garde la ligne sur la-croix.com et tous les articles spiritualité
à Paris. – 6. Il se fait souvent entuber. Pomme. – 7. Efet de nuit. – de la-croix-croire.com
8. Cercle. Il exclut ce qui suit. – 9. Drame. Elles entraînent d’importants
débits. – 10. Cela bute.
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Sec. – VII. Arum. – VIII. Naos. Arène. – IX. Tirants. Aa. – X. Éclosion. de 8 h 30 à 19 h c’est rapide
Verticalement. – 1. Événements. – 2. Noyade. Aï. – 3. Tyr. Ignore. – et entièrement sécurisé !
4. Réelle. Sac. – 5. Eu. Aéra. N.L. – 6. Frac. Érato. – 7. Rhô. U.R.S.S. –
8. Lamaïsme. – 9. Éventé. Nao. – 10. Test. Clean. Comprendre aujourd’hui. Se préparer à demain

À VIF/l’espace du débat
«Israël vit les jours les plus
traumatiques de son existence»
Eva Illouz
Sociologue franco-israélienne
(Crédit photo: Emmanuelle Marchadour)
Q
uelle est votre
réaction à l’opéra-
La sociologue tion meurtrière du
franco-israélienne Hamas ? Quels échos
recevez-vous d’Israël ?
évoque Eva Illouz : Je ressens un
les conséquences mélange d’émotions confuses.
D’abord du désespoir, avec le sen-
de l’opération timent que les problèmes de cette
meurtrière région non seulement ne sont pas
près d’être résolus, mais pour-
du Hamas raient grandement empirer. J’ai
sur la scène peur qu’il n’arrive quelque chose
de grave à Israël, par la guerre et
politique israélienne par les divisions internes. Mais je
et les lourdes ressens aussi de la colère : on ne
peut pas s’empêcher de se de-
responsabilités mander comment un échec d’une
de Benyamin telle ampleur a pu se produire.
Aujourd’hui, la situation est
Netanyahou. très complexe. La société israé-
lienne est profondément divi-
sée entre deux groupes de juifs
israéliens, qui sont véritablement
devenus des ennemis et qui se
battent sur la nature même de
l’État et de la société. Cette situa-
tion a été rapidement et eicace-
ment exploitée par le Hamas. La
situation présente a généré un
peu de solidarité et de consensus,
mais cela ne durera qu’un temps.
Quelles sont ces divisions
de la société israélienne ?
E. I. : Un premier camp d’ex-
trême droite soutient le gou-
vernement Netanyahou. Il est
constitué d’un premier sous-
groupe d’ultra-orthodoxes, qui
« À Vif » est le lieu des débats depuis longtemps se sont habi-
de La Croix. Il a pour vocation tués à être au pouvoir et à en tirer
de permettre l’échange d’opinions et proit de façon cynique. Un deu-
d’idées et l’expression du pluralisme xième sous-groupe est constitué
sur les sujets religieux comme des colons, dont une bonne partie
de société et d’actualité. est messianiste. Ils ont pour ob-
Sur www.la-croix.com/Debats jectif de reconstruire le troisième
vous pouvez retrouver tous les débats temple et croient à une idéologie
d’« À Vif » ainsi que notre charte. des territoires et des lieux saints.
La Croix -lundi 16 octobre 2023
Eux veulent prendre le contrôle
de l’appareil d’État, tout en reje-
tant la loi d’Israël pour une loi
divine plus importante à leurs
yeux. Le troisième sous-groupe,
ce sont les Séfarades, qui ont été
de longue date discriminés et qui,
comme chez les populistes ordi-
naires, suivent Netanyahou parce
qu’il leur a redonné une ierté.
Le camp qui est en face de
ces trois sous-groupes, celui des
forces démocratiques, est très
éclectique. Il est composé d’en-
trepreneurs, d’élites libérales au
sens anglo-saxon et français. Des
gens aisés, membres de la classe
moyenne, diplômés et vivant
dans les grandes villes. Ceux-
là comprennent le lien qu’il y a
entre leur niveau de vie et la dé-
mocratie, et ils ne veulent surtout
pas vivre sous un régime reli-
gieux. Ce camp inclut des gens
de gauche et aussi anciennement
de droite ; mais tous veulent la
démocratie.
Comment l’opération
du Hamas va-t-elle bouleverser
ce paysage très clivé ?
Peut-elle être lue comme l’échec
de la politique sécuritaire
de Benyamin Netanyahou ?
E. I. : C’est une bonne ques-
tion. Il faut quand même se sou-
venir que Netanyahou se vante
«Netanyahou
est la preuve
que les populistes
sont incapables
de véritablement
assurer la sécurité
de leur pays.»
depuis deux décennies d’être
« Monsieur sécurité ». Or toute sa
doctrine sécuritaire s’est efon-
drée : l’idée que le Hamas était
beaucoup moins dangereux que
l’Iran ; l’idée qu’il fallait favori-
ser le Hamas contre l’Autorité
palestinienne ; l’idée que les
Palestiniens peuvent être contrô-
lés indéiniment ; l’idée qu’on
peut changer la géopolitique du
Moyen-Orient à coups d’accords
économiques tout en excluant
les Palestiniens.
C’est sous la garde et le man-
dat de Netanyahou qu’Israël est
en train de vivre les jours les plus
traumatiques de son existence,
en fait depuis la Shoah. Le camp
d’extrême droite a prouvé qu’il
était incapable de gouverner et
de préserver la sécurité minimale
d’Israël, mais je suis sûre qu’il
va déformer l’interprétation des
événements à son proit.
Dans Les Émotions contre
la démocratie (Premier
Parallèle, 2022, 240 p.,
22,90 €), vous avez montré
combien certaines émotions
étaient manipulées par
le gouvernement Netanyahou.
Cette tragédie intervient sur
ce terrain inlammable...
E. I. : La manipulation des émo-
tions par Netanyahou a eu pour
efet de transformer les opinions
en croyances inébranlables, et
de les rendre imperméables au
réel. Netanyahou a accentué
un manque de cohésion sociale
extrême. Il a attisé la haine en
divisant les groupes, en traitant
les dissensions comme des trahi-
sons. Il porte une énorme respon-
sabilité dans la situation d’Israël.
Il est la preuve que les populistes
sont incapables de véritablement
assurer la sécurité de leur pays.
La population palestinienne
risque de faire les frais de cette
nouvelle lambée de violence.
Existe-t-il encore en Israël des
citoyens soucieux des droits des
Palestiniens ? Que reste-t-il du
rêve ou de la simple nécessité
réaliste d’une cohabitation ?
E. I. : De fait, la question pales-
tinienne est sortie du discours
politique israélien et même de la
19
conscience israélienne. En cela,
la frontière sécurisée qui n’a pas
fonctionné samedi 7 octobre a
été eicace pendant longtemps.
Elle a réussi à les faire sortir des
préoccupations communes et à
éliminer la question de la paix
du discours public. Je dirais qu’il
y a aujourd’hui un petit groupe,
réduit, comprenant le journal
Haaretz et quelques universi-
taires, qui défend encore cette
cause et qui en parle. Mais c’est
devenu très minoritaire.
«Les civils de Gaza
vont horriblement
soufrir. (…)
Je regrette
l’indiférence totale
du Hamas et du
Djihad islamique
envers eux.»
J’ajouterais que les civils de
Gaza vont horriblement soufrir.
Même si cette population est la
même qui a crié et dansé de joie
quand elle a vu des otages ensan-
glantés être montrés en parade
dans les rues de Gaza, je regrette
l’indiférence totale du Hamas et
du Djihad islamique envers elle.
Leurs leaders savaient pertinem-
ment que c’est elle qui en paye-
rait le prix. Eux ont sans doute
des souterrains pour se cacher.
Qu’est-ce qui pourrait
faire obstacle à la haine
et la vengeance des Israéliens ?
E. I. : Je vois deux choses : il va
y avoir chez une grande partie
de la population un grand be-
soin de vengeance et de répara-
tion. Mais, on voit aussi dans des
villes comme Yafo des groupes se
mettre en place, Juifs et Arabes
réunis, coopérant ensemble pour
aider les milliers de gens qui ont
été obligés de quitter leurs loge-
ments. Je trouve cela tout à fait
remarquable, mais cela reste mi-
noritaire.
Recueilli par Élodie Maurot

20
«On revient à la situation de la naissance
d’Israël en 1948»
Michel Abitbol
Historien franco-israélien (1)
L
a guerre du Kippour
a été un traumatisme
immense, en quoi
le choc de l’attaque
du 7 octobre est-il
diférent ?
Michel Abitbol : Lors de la
guerre du Kippour, une armée a
surpris une autre armée. Cette
fois, une organisation terroriste
islamiste a attaqué surtout des
civils et a fait un carnage : mas-
sacres, décapitations, assassinats
de nourrissons, viols, enlève-
ments d’enfants et de vieillards…
Plus d’un millier de morts. L’idéo-
logie qui sous-tend les deux at-
taques est très diférente. Lors
du Kippour, deux pays voulaient
reprendre un territoire qu’ils sou-
haitaient « libérer », c’était, si j’ose
dire, de « bonne guerre ». Là, par
idéologie islamiste, le Hamas
transforme un conlit territorial
en guerre de religion.
Les ennemis ciblés par le
Hamas le 7 octobre n’étaient pas
La violence barbare du Hamas est sans excuse
mais pas sans cause
L
a barbarie absolue machia-
véliquement mise en scène
par le Hamas lors de l’at-
taque surprise contre des popu-
lations israéliennes a plongé le
monde occidental dans la sidé-
ration. Elle a immédiatement et
évidemment suscité un défer-
lement de condamnations una-
nimes. Sidération et condam-
nations qui furent miennes,
bloquant la mise à distance mi-
nimale, l’espace de liberté inté-
rieure dont nous avons besoin
pour réléchir. C’est le piège
tendu par le Hamas, et nous y
sommes largement tombés.
Sans vouloir renvoyer les belli-
gérants dos à dos sans nuance, on
peut aussi y voir, dans la réplique
militaire que l’attaque a suscitée,
une bonne opportunité saisie par
Israël pour tenter d’en inir une
fois pour toutes non seulement
avec le Hamas, mais aussi avec
l’autonomie réduite aux acquêts
de Gaza, présentée par le premier
ministre israélien comme « la cité
du mal qui doit être détruite », à
À VIF/l’espace du débat
les soldats ou même les civils is-
raéliens, c’étaient les juifs. L’idée
n’est pas seulement de reprendre
un territoire, c’est d’éradiquer
Israël. C’est inscrit dans la charte
du Hamas, qui contient tous
les poncifs antisémites, depuis
le protocole des sages de Sion
jusqu’au hadith de la pierre et de
l’arbre. Dans cette attaque, deux
haines se rejoignent pour frap-
per Israël, la haine des juifs et la
haine de l’Occident. On retrouve
ici, comme lors du 11 septembre
2001 ou du Bataclan, l’objectif de
détruire les valeurs occidentales
avec une volonté suicidaire de
tuer, de massacrer.
Comment expliquer
l’impression que
l’histoire se répète ?
M. A. : Des similitudes sont
frappantes. D’abord, la surprise
totale : l’Égypte, qui préparait
l’ofensive de 1973 depuis des
mois, avait très bien caché son
jeu, avec des escarmouches im-
Mgr Jean-
Paul Vesco
Archevêque d’Alger
l’image de Sodome. Mais n’y au-
rait-il pas cinquante, quarante,
trente, vingt, ou même dix justes
à Gaza (Gn 18, 22-33) ?
Malheureusement, si cette vio-
lence barbare est sans excuse, elle
n’est pas sans cause. J’ai vécu un
peu de l’injustice et de l’humi-
liation qui sont le quotidien des
Palestiniens à Gaza et ailleurs
dans des territoires que la coloni-
sation d’État ou « sauvage » a mé-
thodiquement morcelés au point
de rendre impossible une unité
territoriale souveraine, aussi mo-
deste soit-elle. L’injustice histo-
La Croix -lundi 16 octobre 2023
pliquant la Syrie. De même, le
Hamas faisait croire à Israël que
ce qui l’intéressait le plus était
la situation économique à Gaza,
en laissant le Djihad islamique
endormir l’attention.
«On retrouve ici,
comme lors du
11 septembre 2001
ou du Bataclan,
l’objectif de
détruire les valeurs
occidentales
avec une volonté
suicidaire de tuer,
de massacrer.»
Ensuite, l’aveuglement du
renseignement. En 1973, Israël
avait un espion extraordinaire,
le gendre de Nasser, qui avait
prévenu d’une opération impor-
tante. On ne l’avait pas cru,
pensant à une manipulation
d’agent double. Cette fois, le ren-
seignement égyptien a informé
Israël que le Hamas préparait
rique et quotidienne, l’usage d’un
rapport de force disproportionné,
l’humiliation permanente font
le lit d’une violence qui n’a rien
d’aveugle. Mais cela, nous pei-
nons à le voir.
Qui se souciait encore, avant ce
coup de tonnerre, de l’abandon
de tout processus de paix ruinant
déinitivement l’espérance d’un
État palestinien viable ?
On n’entendait plus parler de
rien, le couvercle semblait her-
métique et tout allait bien pour
nous. Et aujourd’hui, nous in-
dignons-nous des paroles du
ministre de la défense, israé-
lien, quand il dit « nous sommes
confrontés à des animaux et
nous devons les traiter comme
des animaux » pour annoncer
la privation de toute une popula-
tion d’eau, de nourriture,
de gaz et d’électricité, justifiant
ainsi aux yeux du monde
un crime de guerre ?
Nous sommes-nous indignés
de voir des hommes, des femmes
et des enfants noyés sous un dé-
quelque chose une dizaine de
jours avant l’attaque, informa-
tion que Benyamin Netanyahou
dément vainement aujourd’hui.
Personne n’a prêté attention
à cette alerte.
La conviction de la supério-
rité militaire israélienne ré-
gnait, comme lors de la guerre
du Kippour, avec l’idée que les
Arabes, étant moins puissants,
n’attaqueraient pas. Autre er-
reur, le pays a trop compté sur le
cyberespionnage et négligé les
signaux humains. Israël n’a pas
pris les mesures élémentaires de
sécurité. Autoriser ce festival à
deux kilomètres de la frontière
avec Gaza, c’était ahurissant !
Enin, le personnel poli-
tique était très usé lors des
deux ofensives : Golda Meir à
l’époque et aujourd’hui Benya-
min Netanyahou, empêtré dans
des questions internes et en par-
ticulier cette réforme de la jus-
tice qui créait de fortes divisions
parmi la population israélienne.
Cette attaque va-t-elle
remobiliser la communauté
internationale dans
la recherche d’une solution
au conlit israélo-palestinien ?
M. A. : Je crains au contraire
luge de bombes, pris en otages
tant par le Hamas que par une
vengeance d’État aux moyens
militaires illimités ? Ces hommes,
ces femmes, ces enfants ne se
confondent pas avec le Hamas.
Ils en sont pour la plupart eux
aussi des victimes.
Je vis en monde musulman,
où l’indignation jusqu’à l’indi-
cible, parfois jusqu’à l’excès,
est tout entière tournée vers le
sort des Palestiniens depuis des
décennies. La fracture avec le
monde occidental sur ce sujet
comme sur d’autres est vertigi-
neuse et ne cesse de s’agrandir.
Il existe bien d’autres situations
de conlits plus ou moins ignorés,
mais celui-là est un foyer d’infec-
tion pour le monde entier. Il nous
touche chacun.e de l’intérieur
car il touche à Jérusalem, ville de
la paix toujours en guerre, ville
de la Présence divine, ville aux
trois monothéismes inextricable-
ment intriqués. Se mêlent dans
ce conlit de la géopolitique et du
sacré, de l’histoire sainte et des
qu’elle éloigne encore plus l’idée
d’un règlement. Les réseaux so-
ciaux publient sans relâche les
images d’atrocités. Les Israéliens
pensent qu’on ne peut pas faire
la paix avec des gens pareils et
le Hamas ne veut pas la paix, il
veut éradiquer Israël. Tant que la
menace du Hamas restera là, ce
conlit est devenu irréconciliable.
On revient à la situation de la
naissance d’Israël en 1948, quand
les populations et régimes arabes
de la région ne voulaient pas de
ce pays. Avec Arafat et l’OLP, lors
des accords d’Oslo, ils avaient ini
par accepter l’existence d’Israël.
Avec la radicalisation des Palesti-
niens, dont le Hamas est devenu
la force dominante, et qui veut
un seul État islamique, l’idée de
deux États côte à côte s’éloigne
de plus en plus. C’est la guerre,
et rien ne sera comme avant.
La contre-ofensive ne va pas
arranger la situation.
Recueilli par Nathalie Lacube
(1) Michel Abitbol est l’auteur de Histoire
d’Israël (Perrin, 2018), qui ressortira
le 18 janvier 2024 dans une édition
de poche mise à jour (Tempus).
Il publiera, également le 18 janvier,
une Histoire des juifs en France (Perrin).
impératifs de justice très actuels
et aussi concrets que la spoliation
et la destruction de champs d’oli-
viers pour la construction d’un
mur censé enfermer les uns et
protéger les autres. Sans oublier
bien sûr le poids de la mémoire
tragique de la Shoah.
Comment se tenir entre les
deux écueils de l’indiférence ou
du parti pris que l’on me repro-
chera sans doute ? Certainement
avoir conscience à la fois de notre
impuissance à peser sur ce conlit
qui prend le monde en otage, et en
même temps avoir conscience de
notre capacité à être très concrè-
tement acteurs pour éviter que ce
mal ne se propage. Deux moyens :
la prière et la relation. La parole est
le rempart de la violence.
Une conviction, enin : la paix
durable ne se gagne pas par KO
(par chaos). Elle ne se construit
que sur la justice. « Amour et vérité
se rencontrent, justice et paix s’em-
brassent », dit le psalmiste (Ps 84).
Et encore, « paix sur Jérusalem,
paix à ceux qui t’aiment » (Ps 121).

«Les Palestiniens ne se sentent
pas vus comme des humains à part égale»
P
our certains Palesti-
niens, le Hamas vient
de commettre un
« acte de résistance »
et non une attaque
contre Israël. Comment com-
prendre une telle interprétation,
qui fait i du degré de violence
inouï qui a été atteint ?
Stéphanie Latte Abdallah :
Avant que toutes les exactions
commises en Israël ne soient
découvertes, les images mon-
trant des soldats du Hamas sor-
tir de la bande de Gaza par le
poste-frontière d’Erez ont sus-
cité comme un sentiment de
victoire à Gaza. Ce passage étant
impossible pour tous ceux qui
veulent sortir de l’enclave, c’est
comme si le Hamas avait brisé le
siège. Mais cela ne signiie pas
qu’une majorité de Palestiniens
approuvent ces exactions d’une
grande violence et qui sont des
crimes de guerre, comme celles
commises sur des enfants, des
femmes ou des personnes âgées.
Pour le comprendre, il faut re-
tracer le contexte conduisant à
ce type d’interprétation.
Jusqu’où faut-il remonter ?
S. L.A. : Depuis le début des
années 2000, des gouvernements
de plus en plus à droite se suc-
cèdent en Israël. Ils ne cherchent
pas à régler le conlit, mais à le
maintenir à une basse intensité,
tout en favorisant la colonisation.
Les agressions des colons sont
quotidiennes, Gaza subit un siège
depuis plus de vingt ans. En Cis-
jordanie, il n’y a quasiment plus
de profondeur de paysage pales-
tinien : partout, à l’horizon, vous
voyez des colonies.
Enin, l’Autorité palestinienne
est complètement discréditée
par les gouvernements israé-
liens successifs et n’obtient
rien politiquement, bien qu’elle
maintienne une coopération
sécuritaire avec Israël. Aussi,
sa politique d’appui sur le droit
international ne porte pas ses
fruits dans la mesure où la com-
munauté internationale n’exerce
pas de pression suisante pour
le faire appliquer alors qu’Israël
ne le respecte à aucun niveau.
De cette situation a émergé
l’idée, côté palestinien, que por-
ter la question sur le terrain
du droit international ne sert
à rien sans un rapport de forces.
On assiste chez certains à un
réarmement des esprits.
Est-ce le cas dans l’ensemble
des territoires palestiniens ?
S. L.A. : Cette idée est particu-
lièrement forte en Cisjordanie,
où de petits groupes armés se
sont formés ces dernières années
La Croix -lundi 16 octobre 2023
À VIF/l’espace du débat
Stéphanie Latte
Abdallah
Directrice de recherche
au CNRS (CéSor-EHESS) (1)
(Photo : Laurence Fragnol)
Un Palestinien manifeste, drapeau à la main, dans le village de Kalandia (Cisjordanie),
en janvier 2023. Majdi Mohammed/AP
Alors que le Hamas et où, depuis un an, environ 50 %
de la population appuie l’idée
vient de perpétrer d’une lutte armée. À Gaza, le
une attaque soutien est moins massif car les
habitants ont un grand nombre
d’une violence de reproches à faire au Hamas,
inouïe contre Israël, et subissent des bombardements
la chercheuse terribles qui font de nombreuses
victimes civiles à la suite de ses
explique comment opérations militaires.
l’absence de Les Gazaouis subissent l’au-
toritarisme du Hamas, qui est
solution de droit très conservateur en matière de
international mœurs et a fait fermer de nom-
breux lieux de culture. Il y avait
entraîne une forme sept cinémas à Gaza, il n’y en
de normalisation a plus un seul ! Beaucoup de
de la violence petits mouvements de contes-
tation, comme le printemps
dans les mentalités palestinien, les mouvements
des Palestiniens. Badna kahraba (« Nous voulons
de l’électricité »), Badna nahish
(« Nous voulons vivre ») ont vu le
jour ces dernières années avant
d’être durement réprimés.
Quels objectifs poursuit
le Hamas avec ce choix
de l’ultra-violence ?
S. L.A. : L’attaque du Hamas
répond à une stratégie politique,
avec des objectifs très clairs :
empêcher les efractions des
colons et extrémistes religieux
juifs ainsi que leurs prières sur
l’esplanade des mosquées, à
Jérusalem, faire cesser la colo-
nisation et le blocus de Gaza,
empêcher la normalisation des
relations entre Israël et l’Arabie
saoudite. Aussi, avec ce nombre
inédit d’enlèvements, il espère
pouvoir recourir à des boucliers
humains ain d’éviter la destruc-
tion totale de Gaza et faire libé-
rer par échange des prisonniers
palestiniens. Ceux-ci sont incar-
cérés massivement et pas seule-
ment pour leur participation à
des actions armées.
«Il y a une
normalisation
de l’anormal
de la violence
et de l’incertitude.
Chez certains,
elle engendre une
violence intérieure
qui leur fait craindre
de perdre leur
humanité.»
Quels sont les efets
psychiques du conlit
dans la population
palestinienne ?
S. L.A. : Les Palestiniens
doivent composer avec une
violence subie qui semble peu
émouvoir le monde et leur fait
penser qu’on ne les considère
pas comme des humains à part
égale. Chaque famille compte au
moins un de ses membres qui a
été tué ou se trouve en prison.
Cela bouleverse le rapport à la
normalité. Il y a une normalisa-
21
tion de l’anormal de la violence
et de l’incertitude. Chez cer-
tains, elle engendre une violence
intérieure qui leur fait craindre
de perdre leur humanité.
Existe-t-il néanmoins d’autres
formes de lutte, paciiques ?
S. L.A. : Oui, c’est ce qu’on ap-
pelle la « résistance populaire ».
En Cisjordanie, des marches se
tiennent régulièrement autour
de lieux que les colons veulent
s’accaparer ou le long du mur de
séparation. En 2018, il y eut aussi
la Grande marche du retour, à
Gaza, pendant laquelle des civils
manifestant paciiquement ont
été tués par l’armée israélienne.
Il y a le mouvement de boycott
(BDS) et aussi ce que l’on appelle
« l’économie de la résistance »,
guidée par l’idée de produire da-
vantage en Cisjordanie et à Gaza,
en vue d’une autosuisance qui
serait le début d’une autono-
mie politique. On observe cela
notamment en matière agricole,
ce qui est aussi une manière de
renforcer le lien à la terre quand
la colonisation de peuplement à
l’œuvre entend les déraciner, les
colons israéliens se présentant
comme les véritables locaux. Ces
initiatives, qui ont une dimen-
sion politique forte, actent aussi
l’impuissance à trouver une so-
lution globale.
Recueilli par Marianne Meunier
(1) Auteure de Des morts en guerre.
Rétention des corps et igures du martyr
en Palestine (Karthala, 2022).

22
«Mare
tragicum»
Par Marie Grand
Professeure de philosophie
L I
a venue du pape à
Marseille a suscité une
avalanche de commen-
taires contradictoires
qui contiennent tous
une part de vérité. On a remar-
qué combien cette rencontre
était idèle à l’esprit des
Écritures. En choisissant
la Méditerranée plutôt
que l’Europe, Marseille
plutôt qu’une visite oi-
cielle en France, les « der-
niers et non les premiers
de la classe », le pape a réitéré le
geste qui traverse toute la Bible.
Car il arrive aussi à Dieu de préfé-
rer : Abel (Hebel), celui qui n’est
que « buée », plutôt que Caïn,
Joseph plutôt que ses frères, le
petit peuple juif plutôt que les
puissants Égyptiens. Dieu prend
toujours le parti des « sans » : les
« sans-titre », les « sans-pouvoir »,
les « sans-capital », les « sans-ave-
nir », les « sans-dents » comme
aurait dit un autre François. En
nous contraignant à regarder en
direction de la Mare mostrum
rebaptisée Mare mortuum, le
Saint-Père nous a ramenés à la
question première : « Qu’as-tu fait
de ton frère ? »
Mais voilà, le pape n’est pas
Dieu et ne surplombe pas l’his-
toire. Il est, comme nous tous,
prisonnier de ses contradictions.
On a donc objecté qu’il était fa-
cile de se draper dans l’inatta-
quable éthique de conviction, de
brandir l’étendard des contesta-
tions incontestables pour sonner
les cloches des Européens. La foi
a d’indéniables conséquences
politiques, mais il faut bien re-
connaître que le pape n’est pas,
sur un certain nombre de ques-
tions, en situation de responsabi-
lité directe. Et quand il l’est, son
action et sa parole se font plus
hésitantes. Le contraste entre
la visite marseillaise et l’ouver-
ture du Synode est d’ailleurs
saisissant. À la ferveur vocale
du stade Vélodrome succèdent
les échanges feutrés de la salle
Paul-VI. Le lourd et complexe
dispositif synodal, la lenteur
des réformes institutionnelles
au sein de l’Église témoignent
des diicultés que nous rencon-
trons tous au moment d’agir.
Il faut risquer l’absolu de nos
convictions dans les limites de
notre condition. Il faut continuer
d’écrire une histoire qui est déjà
en partie écrite et que nous ne
pouvons reprendre à zéro. Il faut
À VIF/l’espace du débat
concilier les sensibilités des uns
et des autres et compter avec les
moyens disponibles.
On ne peut reprocher au pape
de vouloir un autre monde ou
tout simplement un monde
autre. Qui le fera, s’il y re-
nonce ? Sa parole sait in-
déniablement se tenir à
la hauteur des déis de
notre époque. Mais on
ne peut reprocher aux
femmes et aux hommes
politiques d’avoir à compo-
ser avec ce monde-ci. Cela ne
conduit pas à s’agenouiller de-
vant la réalité mais à négocier
pied à pied avec le possible. Cette
tâche est diicile et les chemins
de lutte sont multiples.
On ne peut reprocher au pape
de vouloir un «autre monde»
ou tout simplement
un «monde autre».
Qui le fera, s’il y renonce?
Il existe des situations hu-
maines pour lesquelles il n’y a
pas de super-solution. Ces situa-
tions ne sont pas seulement pa-
thétiques, elles sont tragiques ;
en elles des principes contraires
s’afrontent sans réconciliation
possible. Antigone défend les
morts, Créon les vivants. Elle dé-
fend la famille, lui la cité. Chacun
a raison, partiellement. La Médi-
terranée n’est pas seulement le
« carrefour du Nord et du Sud, de
l’Est et de l’Ouest », elle est aussi
le triste lieu où des exigences
contraires se percutent, où
l’éthique de conviction rencontre
l’éthique de responsabilité. Que
faire ? Tâcher de tenir ces deux
principes en tension sans jamais
les désolidariser ain d’éviter la
double facilité du cynisme et du
moralisme. Ensuite, calculer le
coût de nos convictions, identi-
ier lucidement notre répertoire
d’actions possibles comme l’a fait
Muriel Pénicaud dans ce journal.
Puis, le plus diicile, desserrer
l’étau de la contradiction pour
ce malheureux que le hasard
place sur ma route. Enin, avoir
la modestie d’avouer que « dans
son plus grand effort, l’homme ne
peut que se proposer de diminuer
arithmétiquement la douleur du
monde » (Albert Camus).
La Croix -lundi 16 octobre 2023
Violence
sans limite ?
Par Jean de Saint-Chéron
Essayiste
les
nvité à la radio vendredi
chroniques pour une matinale, on me
demande de donner mon
avis sur le drame épouvan-
table vécu depuis main-
tenant une semaine par des
hommes et des femmes, en
Israël et sur la bande de Gaza.
Drame dont nous sommes les
spectateurs plus ou moins loin-
tains, drame que des récits dans
la presse et des images rendent
un peu plus concret à nos yeux
et à nos esprits, mais dont, à
moins d’avoir un proche dans
la tourmente, nous peinons à
mesurer réellement le degré
d’horreur et d’absurdité. Car
malgré le vertige d’un moment,
nous continuons à travailler, à
rire avec des amis, à être pris par
nos soucis minuscules, à lire le
journal et à penser au menu du
dîner : nous continuons à vivre
normalement.
Bref, on me demande, à la
radio, de donner mon avis, c’est-
à-dire de participer à un débat,
pourquoi pas de prendre parti,
voire d’imaginer l’avenir. Mais
qui suis-je pour que l’on me de-
mande une chose pareille ? J’en
suis totalement incapable. Évi-
demment il y a des choses à dire
d’un point de vue historique, po-
litique, diplomatique et même
philosophique (les malheurs du
peuple juif, la question de la di-
gnité de la personne humaine, le
fanatisme de nombreux colons,
les 30 ans des accords d’Oslo,
le tragique échec d’un Yitzhak
Rabin, les critères de la guerre
juste, etc.).
Mais, en toute sincérité, je ne vois pas
ce que je peux faire d’autre que prier,
et essayer moi-même d’être doux
et humble avec ceux avec qui je vis,
au travail ou à la maison.
Mais tout à coup, à part répé-
ter que tout cela est afreux, les
avis que l’on donne, les com-
mentaires que l’on fait, que l’on
soit spécialiste du sujet ou non,
me sont apparus comme inu-
tiles, vains. Quelques mois ou
semaines plus tôt, d’ailleurs,
dans le même studio de radio,
nous parlions de l’Ukraine et
de la Russie, et nos questions
comme nos tentatives de ré-
ponses rejoignaient beaucoup
de celles que nous esquissons ce
vendredi 13 octobre (terreau his-
torique de la guerre, responsabi-
lité des hommes politiques, des
idéologies, les perspectives rai-
sonnables de paix, etc.). Entre-
temps, il y a eu la reprise du
conlit dans le Haut-Karabakh,
et la politique assez clairement
génocidaire de l’Azerbaïdjan
face aux chrétiens arméniens.
Cela a moins passionné les
foules. Et si l’on se penche sur
l’Afrique, sur la Chine, la liste y
est encore longue des violences
insoutenables dont nous avons
de quoi alimenter les ondes
24 heures sur 24.
La barbarie des massacres de
Kfar Aza ou de Tribe of Nova, la
violence de la riposte, la menace
terriiante de la famine pesant
sur 2,5 millions de personnes,
et les mots glaçants du ministre
de la défense d’Israël la semaine
dernière (« Nous combattons des
animaux et nous allons donc les
traiter comme tels ») conirment
que nous sommes ici en plein
cauchemar. Mais à notre échelle,
que pouvons-nous faire concrè-
tement ? Signer des pétitions,
écrire des tribunes militant
pour la paix ou manifester pour
que ceux qui nous gouvernent
pèsent de tout ce qu’il reste du
poids diplomatique de la France,
en nous distinguant notamment
du manichéisme américain ?
« Les régimes criminels, notait
Kundera, n’ont pas été façonnés
par des criminels, mais par des
enthousiastes convaincus d’avoir
découvert l’unique voie du para-
dis. » Notre condition humaine
est blessée jusqu’à la moelle, et
ceux qui font le mal, d’une ma-
nière ou d’une autre, cherchent
à vivre selon l’idée qu’ils se
font du bonheur. Certains, sans
doute, sont devenus fous. Mais,
en toute sincérité, je ne vois
pas ce que je peux faire d’autre
que prier, et essayer moi-même
d’être doux et humble avec
ceux avec qui je vis, au travail
ou à la maison. Et je vois bien,
déjà, combien il m’est diicile
de mettre in à la violence qui
m’habite (impatience, empor-
tements, exaspération, rélexes
égoïstes). Comment pourrais-je,
dans de telles conditions, par-
ler de la paix au Proche-Orient ?
« Chacun de nous est coupable de-
vant tous pour tous et pour tout,
et moi plus que les autres », dit le
starets Zossime de Dostoïevski.

C
omment fait-on une
minute de silence par
écrit ? Je voudrais que
ces lignes installent
un silence bienfaiteur
dans lequel nous irions à la ren-
contre de la paix. Bien sûr ce ne
pourrait être que l’idée, le souve-
nir, l’évocation de la paix, l’appel
de la paix, mais rappeler qu’elle
existe, qu’elle n’a pas disparu,
qu’elle n’attend que nous, serait
déjà beaucoup. C’est difficile, par
exemple quand on a mal, de se
rappeler comment c’est, ne pas
avoir mal. Une simple angine, la
gorge en feu, la douleur quand on
avale, suffisent à effacer le souve-
nir de cet état qui ne porte pas de
nom, qu’on ne peut pas décrire,
cet état béni qu’à tort on serait
tenté d’appeler normal. Et quand
on a faim, le souvenir de la satiété
– tiens, il existe, ce mot-là ! – est-il
accessible ? Serait-il alors un
secours ? Sans doute pas.
Essayons de partager ici des
évocations de ce silence qui nous
rapproche de nous-mêmes et les
uns des autres. Je voudrais ne
raconter que des choses qui ne
font pas de bruit. Il n’est pas une
Un cimetière,
«
c’est un théâtre
Dans les
rangées
écoutez battre
Le cœur gros
de l’éternité
»
Allain Leprest
Un coucher de soleil sur
les tombes militaires du cime-
tière de Kharkiv 18 (Ukraine),
le 15 mars. Cette photo a été
récompensée par le prix du
public du Prix Bayeux Calvados-
Normandie des correspondants
de guerre samedi 14 octobre.
Paula Bronstein/Getty Images
La dernière page
La paix n’attend que nous
La chronique de Geneviève Jurgensen
journée sans qu’une scène ou une
autre dans la rue, au marché, ne
m’offre un épisode que je brûle
de raconter pour le revivre. Mais
ces grâces quotidiennes ne sont
pas assez solennelles. Il faut de
la solennité au silence que je re-
cherche.
J’écoute les nouvelles, je lis les
journaux, je suis attentive aux ré-
seaux sociaux, je cherche à savoir
et à comprendre même l’incom-
préhensible. Parfois, espérant
dominer la terreur, je me risque
à imaginer l’inimaginable. Le
silence dont nous avons besoin
n’est pas celui que procurent les
bouchons d’oreilles, mais nous ne
voulons pas non plus combattre
le bruit par le bruit, monter le
son ici pour le couvrir là-bas ! Le
silence dont nous avons besoin
est fécond, c’est celui qui dans
une partition, un concerto, une
ballade, une symphonie ou une
marche militaire donne son sens
à la musique.
J’ai attendu mercredi, quatre
trop longs jours de silence donc,
pour téléphoner à Sylvie, une
amie proche, ancienne collègue,
qui habite Israël. Ses deux filles,
La Croix -lundi 16 octobre 2023
À l’abri d’une amitié
commune,
nous pouvions
exprimer
l’inquiétude générale
à laquelle elle
donnait chair.
plus religieuses qu’elle, s’y étant
établies définitivement depuis
des années, elle a, malgré l’arra-
chement, jugé sage de s’y instal-
ler aussi à sa retraite. Je voulais
avoir des nouvelles d’elle et des
siens. Sylvie m’a dit qu’elle allait
bien, qu’elle était en sécurité
pour le moment. Ses filles et ses
gendres aussi, même si plusieurs
fois chaque jour il fallait vite
rejoindre les abris. L’aîné de ses
cinq petits-fils est mobilisable à
tout moment, le plus jeune a déjà
rejoint son unité, au front. Un
troisième, handicapé, a dû être
hébergé dans une autre institu-
tion que celle, trop exposée, où il
vit depuis plusieurs années, et il
l’image
est un peu perdu. Mais « ça va »,
me dit-elle. Elle me demande
comment nous allons nous-
mêmes, et au début cela m’inti-
mide de lui répondre. Je voudrais
me contenter d’un « tout va bien ».
On pourrait dire « tant qu’on a la
paix », comme on dit « tant qu’on
a la santé ». Je me sens si privilé-
giée que je reste d’abord vague,
mais Sylvie me sollicite, alors
j’entre dans le détail. Peu à peu,
la conversation nous guide vers
d’autres horizons. Elle évoque un
livre dont elle me recommande
la lecture, je lui parle d’un autre,
qu’elle a lu il y a longtemps.
Bien que la connexion ne soit pas
excellente, nous oublions la dis-
tance, la guerre et même la peur,
l’inquiétude s’évapore, et pen-
dant quelques minutes, avant de
raccrocher en promettant de se
rappeler la semaine suivante, cet
échange très banal entre deux
lectrices pourrait brièvement il-
lustrer la formule « la vie reprend
ses droits ». La vie dans le silence
de la lecture, la vie dans le par-
tage de ce silence.
Dans les jours qui ont suivi
cette conversation, j’ai donné des
23
nouvelles de Sylvie à quelques
amis communs. Certains en
avaient déjà pris, d’autres s’apprê-
taient à le faire. Elle allait bien,
sa famille aussi, on s’en tenait là.
Sylvie offrait une direction à nos
pensées, nous permettant d’évo-
quer, unis, l’affreux conflit qui ne
fait que commencer et que nous
n’aurions pas su comment abor-
der sans elle. À l’abri d’une amitié
commune, nous pouvions expri-
mer l’inquiétude générale
à laquelle elle donnait chair.
Plusieurs jours après lui avoir
parlé, j’ai oublié quel livre elle
m’avait recommandé de lire.
Mais une phrase m’est revenue
de notre conversation, à laquelle
j’avais cru ne pas accorder d’at-
tention, la première qu’elle m’ait
dite en reconnaissant ma voix :
« Je savais que vous m’appelle-
riez. » Dans le silence dont j’avais
eu besoin avant de composer son
numéro, elle ne s’était pas sentie
oubliée, elle savait que je l’appel-
lerais, elle avait gardé confiance.
La paix s’imposera dans cette
confiance, elle en a besoin
pour, comme la vie, reprendre
ses droits.
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