lundi 27 mars 2023 — Quotidien n° 

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Monde Religion NaîtreetRenaître

Comment Soixante pistes à l’étude Devenir parent,
la Pologne fortifie à Lourdes pour lutter une transformation
son armée P. 4-5 contre les abus P. 8-9  P. 22-23

éditorial

Le défi du maintien
Jérôme Chapuis

Apaiser

de l’ordre d’urgence

C
omme c’était hélas prévi-
sible, le rassemblement
autour des méga-bassines
a dégénéré. Un opposant se trou-
vait dimanche entre la vie et la
Les affrontements mort, les blessés se comptent par
dizaines dans les rangs des mani-
du week-end festants comme des gendarmes. À
ce stade, les postures accusatoires
font craindre une ne sont d’aucune utilité. L’urgence
est à l’apaisement. Dans les Deux-
surenchère, à la Sèvres – comme dans les cortèges
contre la réforme des retraites –,
veille d’une nouvelle il n’est pas tolérable que la colère
déborde en violences ; il n’est
mobilisation pas acceptable non plus que des
forces de l’ordre dérapent physi-
sur les retraites quement ou verbalement. Le pire
serait de s’enliser dans un anta-
P. 2-3 gonisme stérile où chacun se ren-
voie la responsabilité de l’escalade.
Belgique : 2, 90 € ; Luxembourg : 2, 90 € ; Italie (Rome) : 3, 40 € ; Maroc : 36 MAD

Face à des éléments extrêmes qui

Depuis 1883 – ISSN/0242-6056. – Imprimé en France : 2, 70 € ; DOM : 3, 55 €

déjouent les stratégies classiques

de maintien de l’ordre, deux prin-
cipes sont mis à l’épreuve : celui
selon lequel force reste à la loi et
celui de l’usage proportionné de la
force. La situation requiert un peu
de hauteur de vue de la part des
élus. On aimerait qu’ils ne se com-
portent pas seulement en « super-
militants ». Les slogans pavloviens
contre la « violence d’État » d’un
côté ou l’ultragauche de l’autre
sont bons pour les meetings ou
Annonces légales p. 16

les réseaux sociaux. Dénoncer est

une chose, surenchérir en est une
autre. La mission d’un élu n’est
pas de souffler sur les braises. Le
maintien de l’ordre commence
par le maintien de la possibilité
du dialogue, base de l’engagement
Des gendarmes, à Paris jeudi 23 mars, en marge des manifestations contre la réforme des retraites. Emmanuel Dunand/AFP politique.

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 La Croix -lundi 27 mars 2023

2 ÉVÉNEMENT
Le pronostic vital Afrontements lors d’un rassemblement à Sainte-Soline, près de Niort,
samedi 25 mars. Jérôme Gilles/NurPhoto via AFP
d’un manifestant
était engagé
dimanche
26 mars après
les afrontements,
la veille, entre
gendarmes
et opposants aux
projets de méga-
bassines dans
les Deux-Sèvres.
La nouvelle journée
de mobilisation
contre la réforme
des retraites
du mardi 28 mars
représente
un nouveau déi
pour les forces
de l’ordre.
Le recours
à la violence
s’est intensiié
depuis l’usage
de l’article 49.3
de la Constitution
pour faire adopter
la réforme.

La violence de retour
dans les manifestations
tLes forces de l’ordre
devraient connaître
une nouvelle semaine
de forte tension avec
l’organisation mardi
28 mars d’une journée
de mobilisation contre
la réforme des retraites.
tDes dérapages violents
se multiplient depuis
le recours au 49.3.
De la violence encore et toujours.
Mais cette fois, loin des grands
centres urbains et des manifesta-
tions contre la réforme des retraites.
Ce week-end, c’est Sainte-Soline
dans les Deux-Sèvres qui a été l’épi-
centre d’affrontements d’une ex-
trême dureté entre les gendarmes
mobiles et des groupes d’indivi-
dus très déterminés. Les policiers,
et plus particulièrement les CRS,
savent que, dès cette semaine, ils
seront de nouveau sur le pont. Avec
comme point d’orgue la nouvelle
journée de mobilisation organisée
mardi 28 mars partout en France.
La question sera dans toutes les
têtes : comment assurer un main-
tien de l’ordre eicace dans un cli-
mat de haute tension tout en faisant
un usage proportionné de la force
et en respectant des règles élémen-
taires de déontologie policière ?
Au début de la contestation de
la réforme des retraites, tout sem-
blait sous contrôle. Les premières
manifestations s’étaient déroulées
sans accroc majeur avec une bonne
maîtrise des forces de l’ordre. Et
certains se réjouissaient du chan-
gement opéré par Laurent Nunez,
présenté comme bien plus mo-
déré que son prédécesseur Didier
Lallement à la tête de la préfecture
de police de Paris. En fait, c’est
principalement qu’avec ces mani-
Un tournant festations syndicales les policiers
agissaient en terrain connu. « Les
s’est produit cortèges étaient encadrés par les
avec l’émergence syndicats avec un parcours annoncé
à l’avance. Et surtout, il était pos-
des mouvements sible de dialoguer avant et pendant
zadistes et, la manifestation avec les organisa-
teurs », indique Denis Jacob, secré-
en 2016, avec taire général d’Alternative police-
les manifestations CFDT. Lors des manifestations, la
stratégie était claire : positionner
contre la loi travail. les forces de l’ordre dans les rues
adjacentes pour qu’elles soient le
moins visibles possible des mani-
festants. Et éviter tout ce qui P P P

repères
Le maintien de l’ordre
en France
L’armée. Jusqu’au XXe siècle,
le maintien de l’ordre était prin-
cipalement assuré par l’armée,
qui avait parfois recours à une
violence extrême. Le 1er mai
1891, à Fourmies (Nord),
neuf personnes ont été tuées
par balles à l’occasion d’une
manifestation ouvrière pour
la journée de huit heures.
À Narbonne (Aude), en 1907,
on a recensé sept morts en
deux jours lors d’une manifes-
tation de viticulteurs.
La gendarmerie. Créés en 1921,
les escadrons de gendarme-
rie mobile (EGM) ont pris le
relais pour assurer le maintien
de l’ordre.
La police. En zone urbaine,
les interventions sont assurées
par les compagnies républi-
caines de sécurité (CRS), mises
en place en 1945.
ÉVÉNEMENT
P P P aurait pu donner le « senti-
ment d’une provocation policière »,
ajoute ce responsable syndical. « On
a pu appliquer ce qu’on appelle le
maintien de l’ordre à la française »,
précise Denis Jacob.
C’est dès le début du XXe siècle
qu’est née cette stratégie sous l’im-
pulsion du préfet de police Louis
Lépine, favorable à un maintien à
distance des manifestants par les
forces de l’ordre. L’idée de cette
stratégie est d’éviter au maximum
le contact entre les uns et les autres
en utilisant, comme aujourd’hui,
des canons à eau ou des gaz lacry-
mogènes. « On montre sa force pour
ne pas avoir à l’utiliser. Et pour évi-
ter au maximum d’avoir des blessés
parmi les manifestants, on accepte
un minimum de “casse”, c’est-à-dire
de dégradation d’un certain nombre
de biens matériels : vitrines, abri-
bus, voitures… », explique Jacques
de Maillard (1), professeur à l’uni-
versité de Saint-Quentin-en-Yve-
lines et directeur du Centre de re-
cherches sociologiques sur le droit
et les institutions pénales (Cesdip).
Les policiers ont
reçu la consigne
d’aller « au contact »
pour disperser
les fauteurs
de troubles et tenter
de les interpeller.
Cette approche rencontre cer-
taines limites face à l’émergence
de nouvelles formes de mobilisa-
tion non déclarées à l’avance et
animées par des individus venus
pour en découdre avec les forces
de l’ordre. Un tournant s’est ainsi
produit avec l’émergence des mou-
vements zadistes et, en 2016, avec
les manifestations contre la loi tra-
vail. Des « black blocs » ont alors
fait leur apparition en tête des
cortèges syndicaux. Dans ce cas,
la stratégie du maintien à distance
devient plus compliquée. « Si vous
restez immobile à attendre que les
pavés vous tombent sur la tête, là,
vous pouvez être sûr que les gars
vont tomber comme des mouches »,
explique un CRS.
Dans le mouvement contre la
réforme des retraites, un chan-
gement majeur est intervenu le
16 mars, jour de l’utilisation du 49.3
pour faire adopter le texte. Le soir
même, des regroupements spon-
tanés ont eu lieu à Paris et dans de
nombreuses villes de France, sans
aucun encadrement syndical. Les
policiers se sont retrouvés face à
des groupes se déplaçant très vite
pour se livrer à des actes de vio-
lence ou incendier des poubelles.
Et là, ini le maintien de l’ordre à la
française. Les policiers ont reçu la
consigne d’aller « au contact » pour
disperser les fauteurs de troubles
et tenter de les interpeller. C’est là
qu’on a vu se multiplier des arres-
tations dont de nombreux avocats
ont dénoncé le caractère « arbi-
traire » et sans fondement.
La Croix -lundi 27 mars 2023
Ce changement de stratégie
s’est appuyé sur l’entrée en scène
des Brav-M, ces unités de policiers
se déplaçant sur des motos et au-
jourd’hui montrées du doigt. Il y
a d’abord eu une vidéo montrant
un membre de ces Brav-M déco-
cher un violent coup de poing à un
jeune homme. Vendredi 24 mars,
Le Monde et le site Loopsider ont
aussi dévoilé un enregistrement
où l’on peut entendre des policiers
tenir des propos menaçants et hu-
miliants contre de jeunes manifes-
tants. « Face à ces dérives, la stra-
tégie des autorités est toujours la
même : soit on dit que les images
ont été sorties de leur contexte, soit
on dit ce que ce sont des dérives in-
dividuelles et isolées. Alors qu’on
devrait avoir une rélexion collec-
tive sur la manière dont ces unités
se comportent », indique Olivier
Cahn, chercheur au Cesdip.
Les policiers, eux, insistent sur
la violence dont ils font l’objet.
« Jeudi dernier, on a vu des gens
vouloir incendier le commissariat
de Lorient. C’est quand même assez
inimaginable dans une ville qui n’est
pas connue pour la radicalité d’ex-
trême gauche qu’on voit habituelle-
ment à Nantes ou Rennes. Ce qui est
nouveau, c’est que cette radicalité
et cette haine des “flics” touchent
même des villes moyennes. Jeudi,
des collègues ont ainsi été blessés à
Angers », explique Maxime Mettot,
délégué du syndicat Alliance
dans l’ouest de la France. « Il faut
condamner certains actes inaccep-
tables. Mais il n’est pas normal de
jeter le discrédit sur des milliers
de fonctionnaires qui, depuis des
semaines, ont un comportement
exemplaire lors de manifestations
d’une très grande violence », indique
Grégory Joron, secrétaire national
du syndicat SGP-Police.
Pour Olivier Cahn, il est faux de
dire que les violences actuelles at-
teignent un niveau jamais atteint
par le passé. « Les autorités poli-
cières qui véhiculent cet élément
de langage savent bien que, dans
les années 1970, il y a aussi eu des
mouvements sociaux d’une extrême
violence avec des sidérurgistes,
des agriculteurs ou des pêcheurs,
explique-t-il. La différence avec
aujourd’hui ? Ces manifestations
étaient encadrées par des organisa-
tions syndicales avec lesquelles les
forces de l’ordre pouvaient quand
même négocier au bout d’un mo-
ment. » Autre diférence : les mani-
festations se déroulent désormais
sous le regard des dizaines de ca-
méras ou de smartphones. Ce qui,
selon les policiers, peut créer une
certaine forme de surenchère sur
les réseaux sociaux, où peuvent
être valorisés les actes de vio-
lences « anti-lics » ou les images
de poubelles en feu. Des images,
aussi, qui peuvent documenter
certains actes de violences phy-
siques ou verbales des garants du
maintien de l’ordre.
Pierre Bienvault
(1) Auteur avec Wesley Skogan
de Police et société en France,
Presses de Sciences Po, 2023.
Le lourd bilan
de la mobilisation
à Sainte-Soline
tLa manifestation
du samedi 25 mars contre
les projets de méga-bassines
dans les Deux-Sèvres
s’est transformée en un
violent afrontement entre
une partie des manifestants
et les forces de l’ordre.
tDimanche, le pronostic
vital d’un homme de 30 ans
restait engagé.
Melle, Sainte-Soline et Vanzay
(Deux-Sèvres)
De notre envoyé spécial
L’image a marqué les participants
à la manifestation contre les méga-
bassines, organisée samedi 25 mars
à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), de-
vant le chantier de l’une des rete-
nues d’eau contestées : la charge
de gendarmes sur des quads, de
petits véhicules tout-terrain, dans
un nuage de gaz lacrymogènes, en
plein afrontement entre les forces
de l’ordre et une partie de la foule
au milieu des champs. La tension
était alors à son comble, avec des
heurts d’une violence extrême.
En début d’après-midi, plusieurs
centaines de manifestants ont en
effet tenté de franchir la ligne de
défense établie par la gendarme-
rie nationale pour protéger le site
en cours d’aménagement. Leur but
était d’y pénétrer pour marquer leur
opposition au projet et de « démon-
ter » une partie des installations.
Masqués, parfois protégés par des
boucliers improvisés, le plus sou-
vent habillés de tenues noires ou de
combinaisons bleues, ils ont mul-
tiplié les assauts, par vagues, pen-
dant plus d’une heure, lançant des
pierres et des feux d’artiice.
Les assaillants, jeunes pour l’es-
sentiel, constituaient l’avant-garde
la plus déterminée de cortèges par-
tis en in de matinée de Vanzay, une
commune voisine. Selon les organi-
sateurs de ce rassemblement, dont
la tenue avait été interdite par la
préfecture en raison des risques de
débordements, ils étaient 30 000 à
avoir répondu à leur appel. Les
autorités, elles, en ont décompté
6 000, alors que 3 200 membres des
forces de l’ordre avaient été mobi-
lisés. La manifestation a en tout
cas mêlé des participants venus
de toute la France et des pays voi-
sins, militants écologistes, syndica-
listes, élus de La France insoumise
et d’Europe Écologie-Les Verts,
membres de la Confédération pay-
sanne, étudiants, partisans de la
désobéissance civile, activistes
d’ultragauche ou anciens zadistes
de Notre-Dame-des-Landes.
Tous ont pu marcher sans en-
combre jusqu’à Sainte-Soline, au
3
Maine-et-Loire 15 km
DEUX-
SÈVRES
Vienne
Vendée
Sainte-Soline
Niort
Vanzay
Melle
Charente-
Maritime
son de fanfares. Les gendarmes
surveillaient cette avancée de haut,
grâce à un hélicoptère. La situation
s’est tendue dès que les manifes-
tants ont tenté d’approcher le chan-
tier. Signe de l’intensité des afron-
tements, les forces de l’ordre, qui
ont aussi essuyé des jets de cocktails
Molotov, ont tiré 4 000 grenades de
gaz lacrymogène et de désencercle-
ment. Ils ont aussi fait usage de lan-
ceurs de balles de défense (LBD).
Selon le bilan communiqué par
le procureur de Niort dimanche
26 mars, à 13 heures, 29 gendarmes
ont été blessés, dont deux placés
en urgence absolue sans que leur
pronostic vital soit engagé. D’après
la même source, sept manifestants
ont été pris en charge par les se-
cours, dont trois en urgence abso-
lue. Le pronostic vital d’un homme
de 30 ans, soufrant d’un trauma-
tisme crânien, était engagé.
Les organisateurs du rassem-
blement décrivent un bilan beau-
coup plus lourd : 200 blessés, dont
40 graves. Julien Le Guet, porte-
parole du collectif Bassines non
merci, a évoqué des cas de per-
sonnes « déigurées » ou « mutilées ».
« On a assisté à des scènes de guerre »,
airme le député européen Benoît
Biteau (EELV), qui dénonce une
« violence d’État ». Par ailleurs, se-
lon la Ligue des droits de l’homme,
dont des observateurs se trouvaient
sur place, les forces de l’ordre au-
raient fait « entrave » à l’arrivée des
services de secours. L’accusation a
été démentie par la préfecture.
De même, selon la gendarme-
rie, « l’usage de la force a été pro-
portionné », face à des « individus
extrêmement violents ». Une en-
quête a néanmoins été ouverte par
le parquet de Niort « pour détermi-
ner la nature exacte » des blessures
graves de trois manifestants et « les
circonstances dans lesquelles » ils
ont été blessés. Des vériications
étaient également en cours pour
« déterminer si d’autres personnes
se sont présentées spontanément
dans des établissements hospita-
liers », a précisé le procureur dans
un communiqué de presse.
Pascal Charrier

4 ÉVÉNEMENT
Sous le choc  À coups
de l’ofensive russe  d’achats massifs
en Ukraine, et alors
que Moscou annonce
le déploiement
d’armes nucléaires
tactiques à sa porte,
la Pologne est en train
de muscler sa défense.  de terre en Europe.
Comment
la Pologne
révolutionne
son armée
tLe gouvernement
polonais souhaite porter
la taille de son armée
à 300 000 hommes
et dépenser 4 % du PIB
dans la défense.
tLes achats
d’équipements prévus
feront de son armée
de terre la première du Vieux
Continent à l’horizon 2027.
Varsovie (Pologne)
De notre envoyé spécial
« Entraînez-vous avec l’armée »,
« faites quelque chose pour vous et
vos proches » proclament les spots
du ministère de la défense. La cam-
pagne, lancée en 2022 dans tout le
pays, entend promouvoir « l’esprit
de défense » et susciter des voca-
tions pour servir dans l’armée ou les
forces de défense territoriale. Avec
un certain succès : depuis l’automne
dernier, plus de 11 000 personnes
ont suivi des formations ouvertes
à tout citoyen polonais âgé de 15 à
65 ans. Tous les samedis, en janvier
et en février, la 1re brigade blindée
de Varsovie, basée à Wesola, à l’est
de la capitale polonaise, a accueilli
plusieurs centaines de volontaires
pour une session de huit heures.
Des soldats leur ont appris à tirer, à
utiliser une carte ou à charger des
munitions à l’avant d’un char.
Au petit matin, dans le vent gla-
cial, cinq cents participants ont
rejoint le quartier général de la
brigade. Parmi eux, une majorité
d’équipements  d’être en froid
aux États-Unis et
en Corée du Sud,
elle pourrait, d’ici à
quatre ans, devenir
la première armée
Mer Lituanie
Baltique
Russie
Biélor.
Varsovie
Poznan
Allemagne
POLOGNE
Wroclaw
Cracovie
Rép. tchèque
200 km
d’hommes, des « fanas mili », pas-
sionnés de la chose militaire, des
scouts familiers des techniques de
survie et d’autres, venus par simple
curiosité. Répartis en groupe de dix,
tous ont appris comment se com-
porter lors d’une alerte aérienne ou
d’un bombardement, à mettre un
garrot, à monter et démonter un fu-
sil d’assaut, et à tirer sur une cible
dans différentes positions. Cha-
cun a également pu voir de près
quelques échantillons du matériel
militaire, du char Leopard aux obu-
siers Panzer 2000 en passant par les
véhicules blindés Bradley.
« Le conlit en Ukraine a provoqué
un électrochoc. Les citoyens sont plus
disposés à participer à la défense du
pays, explique la journaliste Aneta
Bankowska. Faire cette formation ne
signiie pas que vous êtes prêts pour
rejoindre l’armée ou les forces de
défense territoriale mais beaucoup
de gens ressentent le besoin de faire
quelque chose, d’apprendre à se dé-
fendre et à protéger leurs proches si
La Croix -lundi 27 mars 2023
Sur le plan politique,
Varsovie continue
avec Bruxelles,
qui lui reproche 
de ne pas 
se conformer aux
normes européennes
de l’état de droit.
quelque chose arrivait à la Pologne. »
Deux mois après le début de l’inva-
sion russe en Ukraine, l’opération
« Deviens un soldat de la Pologne »
avait déjà rallié près de 16 000 per-
sonnes pour un service militaire
d’un an, volontaire et rémunéré. Un
record depuis la in du service mili-
taire obligatoire en 2008. En 2023,
l’objectif est d’attirer 25 000 volon-
taires. Après une formation de base
d’un mois, les recrues suivent une
formation spécialisée de onze mois.
Deux mois après
le début de l’invasion
russe en Ukraine,
16 000 personnes
avaient déjà rallié
un service militaire
d’un an, volontaire
repères
et rémunéré.
En in de parcours, l’impétrant peut
s’engager comme militaire profes-
sionnel ou retourner à la vie civile et
faire partie de la réserve. Au moins
6 300 soldats professionnels ont
déjà été recrutés par cette ilière et
quelque 1 500 candidatures sont en
cours d’examen.
La communication tous azimuts
du ministère de la défense cible
également les étudiants à travers
la « légion académique » et les ly-
céens, via des « classes en uniforme »
dans les écoles secondaires et pro-
fessionnelles. « Le marché de l’em-
ploi est très compétitif en Pologne
et notre population vieillit, mais
l’armée est un employeur stable et
iable et nous ne manquons pas de
candidats », assure le lieutenant-
colonel Justyna Balyk, responsable
de la communication au centre de
recrutement de l’armée polonaise.
À Wesola, la 1re brigade blindée de
Varsovie, commandée par le colonel
Artur Kozlowski, équipée jusque-
Des achats massifs
sur étagère
En juillet 2022, la Pologne
a signé l’un des plus impor-
tants contrats militaires de son
histoire avec la Corée du Sud
qui prévoit, entre autres, la li-
vraison de 1 000 chars d’assaut,
624 obusiers et 48 avions
de chasse. Un contrat addition-
nel, conclu en octobre pour
3 000 lance-roquettes, a porté
le coût total de ses achats
à 14,15 milliards de dollars.
là de chars Leopard de fabrication
allemande, doit recevoir cette an-
née les premiers exemplaires d’un
lot de 116 chars d’occasion Abrams
achetés aux États-Unis (lire les re-
pères). L’unité fait partie de la 18e di-
vision mécanisée, une des forma-
tions mises en place pour assurer
la défense du pays face à la menace
russe. Depuis sa création en 2018,
les brigades et les unités de sou-
tien de la division se sont graduel-
lement renforcées pour se P P P
En avril 2022 et janvier 2023,
la Pologne a également passé
des commandes aux États-
Unis, pour l’achat de 366 chars
Abrams, faisant suite à plu-
sieurs commandes antérieures
concernant 32 avions de chasse
F-35, 8 batteries de missiles an-
tiaériens Patriot et 96 hélicop-
tères Apache.
Début février, le Département
d’État américain a donné son
accord pour la vente à la Pologne
de 18 lance-roquettes multiples
M142 (Himars) et d’équipements
connexes pour un total
de 10 milliards de dollars.

Le 4 février à Cracovie, des civils participent à une formation proposée par le ministère de la défense,
P P P préparer au combat de haute
intensité. Dès mars 2022, la loi sur
la défense de la patrie, votée par le
Parlement avec le soutien de l’op-
position, a accéléré une mise à ni-
veau globale des forces armées en
fixant les dépenses de défense à
3 % du PIB en 2023. Un mécanisme
extrabudgétaire, le fonds spécial
pour la modernisation des forces
armées, permettra d’atteindre 4 %
du PIB. L’objectif fixé par le gou-
vernement ? Faire passer la taille
de l’armée de 164 000 hommes,
in 2022, à 300 000 hommes d’ici à
2035, dont 50 000 pour les forces de
défense territoriale. Varsovie s’est
ensuite lancée dans une campagne
massive d’acquisition de nouveaux
matériels. Résultat, en 2027, la
Pologne devrait avoir la plus grande
armée de terre du Vieux Continent,
une « grande armée de dissuasion »,
selon le ministre de la défense
Mariusz Blaszczak. « Ce qui se passe
en Ukraine est dans tous les esprits,
la guerre a cessé d’être une idée abs-
traite. Varsovie n’est qu’à 150 km de
la frontière avec la Biélorussie et les
Ukrainiens se battent pour nous,
commente Eryk Mistewicz, rédac-
teur en chef de la revue Wszystko Co
ÉVÉNEMENT
visant à enseigner les compétences militaires de base aux citoyens.
Najwazniejsze. La modernisation en
cours des forces armées donne aux
Polonais un sentiment de sécurité. »
Signe des temps, l’efort militaire
fait consensus, un des rares sujets
échappant à la polarisation poli-
tique, même si certains mettent
en doute le bien-fondé de la mon-
« La guerre a cessé
d’être une idée
abstraite. Varsovie
n’est qu’à 150 km
de la frontière
avec la Biélorussie
et les Ukrainiens se
battent pour nous. »
tée en puissance militaire, pro-
grammée par le gouvernement
national conservateur du parti au
pouvoir Droit et Justice (PiS). « La
Pologne n’a pas besoin d’une armée
de 300 000 hommes et ce n’est pas
possible pour des raisons inancières
et démographiques », assène Roman
Kuzniar, ancien conseiller pour les
La Croix -lundi 27 mars 2023
Beata Zawrzel/NurPhoto via AFP
affaires étrangères du président
Bronislaw Komorowski, fustigeant
« ce gigantesque shopping en Corée
du Sud au détriment de l’industrie
de défense polonaise et européenne ».
Pour mener à bien cette trans-
formation spectaculaire, les forces
armées polonaises devront relever
de nombreux défis. « Le plus gros
challenge, ce sont les ressources hu-
maines, estime Jakub Palowski,
journaliste au site Defense24. L’ar-
mée recrute des soldats mais elle a
du mal à les retenir, en particulier
dans les forces spéciales, la logis-
tique, l’artillerie, l’aviation et la
marine. Près de 9 000 militaires
auraient quitté l’armée au début
de l’année 2023. Parmi les facteurs
incitant les militaires à écourter
leur carrière : le niveau insuisant
des salaires, les problèmes de loge-
ment, une charge de travail inégale
et le népotisme dans un système
de promotion très opaque. « Les
généraux ont obtenu tous les jouets
qu’ils voulaient, lâche un ancien
oicier, mais, à la in du processus,
ils risquent de se retrouver avec une
quantité énorme de matériel lourd
sans pouvoir l’utiliser. »
François d’Alançon
Les tensions perdurent
avec la Commission
européenne
tLe gouvernement
national conservateur
se veut fer de lance du combat
pour l’Ukraine et premier
allié européen de l’Amérique.
tUn objectif freiné par
le contentieux avec Bruxelles
sur l’état de droit
et les relations tendues
avec l’Allemagne.
Varsovie (Pologne)
De notre envoyé spécial
« Notre priorité, c’est de tout faire
pour permettre à l’Ukraine de ga-
gner cette guerre, insiste Marcin
Kzamierski, un proche conseiller
du président Andrzej Duda pour les
questions de sécurité et de défense.
La Pologne y est prête. La société po-
lonaise et les partis politiques sont
unis sur cette question. Nous voulons
éviter que cette guerre devienne un
conlit gelé qui menacerait notre sé-
curité et celle de tous les Européens. »
Dans son bureau, à quelques
mètres du palais présidentiel, ce
haut fonctionnaire du ministère
polonais de la défense donne le
ton : la Pologne se veut le fer de
lance du combat pour l’Ukraine,
qu’il s’agisse de l’accueil des réfu-
giés ou du soutien matériel à l’efort
de guerre. L’invasion du 24 février
2022 et la position géostratégique
de la Pologne sur le lanc oriental de
l’Otan ont permis au gouvernement
national conservateur de Varsovie
de se positionner en grand défen-
seur de la sécurité nationale et pre-
mier allié de l’Amérique.
Tout près de la frontière, dans
le sud-est du pays, l’aéroport de
Rzeszow est ainsi devenu le centre
logistique des livraisons de ma-
tériel militaire à Kiev. Les États-
Unis ont inauguré, mardi 21 mars,
à Poznan, dans l’Ouest, leur pre-
mière garnison militaire perma-
nente en Pologne, quartier général
du 5e Corps de l’armée américaine.
Plus de 10 000 soldats américains
sont stationnés actuellement en
Pologne. « Nous apprécions beau-
coup la présence permanente de
troupes américaines dans notre
pays, particulièrement dans la si-
tuation où se trouve l’Europe, avec
une Russie qui envahit l’Ukraine et
tente de reconstruire son empire »,
airme le ministre polonais de la
défense, Mariusz Blaszczak.
Longtemps réduite à son conten-
tieux avec Bruxelles sur l’état de
droit, Varsovie fait aujourd’hui
entendre sa voix dans l’Union eu-
ropéenne. « Notre position à l’inté-
rieur de l’Otan et de l’UE s’est renfor-
cée, assure Lukasz Kulesa, directeur
adjoint de l’Institut polonais des af-
faires internationales (Pism). « La
5
guerre a validé nos mises en garde
sur le” néoimpérialisme russe”,
la société civile a réhabilité notre
image en accueillant plus de deux
millions de réfugiés en un mois et
notre position de hub pour l’aide
militaire à l’Ukraine fait de nous
un allié crucial. »
À quelques mois des élections
législatives, le parti Droit et Jus-
tice (PiS) agite sa rhétorique anti-
allemande et souverainiste. Dans
un « discours sur l’avenir de l’Eu-
rope », lundi 20 mars, le premier
ministre Mateusz Morawiecki a
réclamé à l’Allemagne une « com-
pensation » pour « les crimes de la
Seconde Guerre mondiale, les biens
saisis et les trésors culturels natio-
naux ». Dans le même registre, le
chef du gouvernement s’est pro-
noncé pour une réduction des do-
maines de compétences de l’UE
et contre le vote à la majorité qua-
liiée. Selon lui, le processus déci-
sionnel européen ne peut être délé-
gué à « l’administration centrale de
Bruxelles » ou à « la coalition de pou-
voirs », sous-entendu à la France et
à l’Allemagne.
Les 35 milliards
d’euros du Plan de
relance sont toujours
gelés par Bruxelles,
qui réclame une
modiication des
réformes judiciaires
polonaises.
« La Pologne pourrait jouer un
rôle de premier plan dans l’élabo-
ration des politiques européennes
mais ce potentiel ne se concrétisera
pas tant qu’elle sera en conlit avec
la Commission et gardera des rela-
tions tendues avec certains parte-
naires, en particulier l’Allemagne »,
souligne Michal Baranowski, di-
recteur du German Marshall Fund
pour l’Europe de l’Est.
Les 35 milliards d’euros du Plan
de relance européen dont doit bé-
néficier Varsovie sont toujours
gelés par Bruxelles, qui réclame
une modification profonde des
réformes judiciaires menées par
le gouvernement, visant à saper
l’indépendance des juges. « Il fau-
drait mettre fin à la guerre froide
avec l’UE et ses principaux États
et participer à la construction de
l’Union en tant que système de sécu-
rité », plaide l’universitaire Roman
Kuzniar, proche de l’ancien pre-
mier ministre Donald Tusk.
François d’Alançon

6 Débats
vu par Kianoush Ramezani
Fin de vie
(suite)
t Un glissement séman-
tique très habile de notre gou-
vernement a fait passer un réel
débat sur l’euthanasie et le sui-
cide assisté vers une Conven-
tion citoyenne sur la fin de vie,
organisée par le Cese (Conseil
économique, social et environne-
mental). Et pourtant, l’enjeu est
majeur pour les fondements phi-
losophiques de notre civilisation.
Il ne peut faire l’économie d’une
consultation la plus large pos-
sible de la population française,
accompagnée d’une information
complète et contradictoire sur
le sujet, pas plus que d’un vrai
débat parlementaire, nourri de la
réflexion des spécialistes de la fin
de vie venus de tous les horizons.
Ce glissement sémantique
permettra, à plus ou moins
long terme, de donner à chacun
d’entre nous un statut d’encom-
brant au moindre accident de la
vie, physique ou moral. Face à
la tyrannie du « bien se porter »
qui guide notre société moderne,
le coût de la prise en charge du
« moins bien portant » deviendra
l’axe majeur de réflexion, l’eutha-
nasie et le suicide assisté deve-
nant la solution.
Prenons garde à l’effet anesthé-
siant de cette démarche gouver-
nementale et écoutons des points
de vue divergents sur la question
cruciale de la fin de vie.
M. P.
Vos réactions par courrier : 18 rue Barbès, 92128 Montrouge Cedex. Par courriel : lecteurs.lacroix@groupebayard.com. Sur le site : www.la-croix.com
t Depuis mon diplôme
d’infirmier en juin 1986,
il y a trente-sept ans, dans
mes différents terrains
professionnels, j’ai rencon-
tré des personnes grave-
ment brûlées, malades
et vieillissantes (vingt- FIN DE une
cinq ans en Ehpad).
Des personnes en face CONVENTION
CITOYENNE
de la question exis-
tentielle décisive : pour-
quoi la maladie, pourquoi
vivre, pourquoi mourir, qu’y
a-t-il après ? Des personnes mar- moment de la mort. (…)
quées au corps, et au cœur par
leur vulnérabilité, leur perte
d’autonomie, leur dépendance.
Une ambivalence des personnes
en fin de vie. Souvent j’ai en-
tendu : « Je veux mourir », « J’en
ai assez ». Paradoxalement, tout
montrait dans leur posture de
femme, d’homme qu’ils gar-
daient une pulsion de vie, un
désir de ne pas lâcher, une soif
de continuer le chemin, si court
soit-il.
Derrière leurs questionne-
ments, réels, résonnaient leur
peur, leur colère, leur tristesse.
Et je cheminais avec eux, avec
d’autres professionnels, les solli- Car si on a manifesté trop vague-
citant discrètement pour mener
ce travail de préparation, d’anti-
cipation à envisager la vie qui
s’amenuise, et la mort qui s’an-
nonce.
Des moments d’authenticité,
où la mise à nue d’une vie
permet progressivement une
relecture, un bilan en mettant
des mots sur le beau et le tra-
gique, l’intense et l’insoutenable Robert G.
La Croix -lundi 27 mars 2023
courrier
d’une vie. Chaque trajectoire hu-
maine, de sa naissance jusqu’à
son dernier souffle, porte un
prénom singulier, un nom fami-
lial enraciné, une histoire
de vie habitée de mille et
rencontres qui ont
façonné ce parcours.
VIE Aucun accident, au-
cune maladie, aucun
handicap ne détruiront
la dignité de cette per-
sonne, l’unité de cette exis-
tence. Elles demeurent jusqu’au
Régis Chazot
t « On nous assure que les
personnes pourront changer
d’avis à tout moment. Mais
passé un certain stade de la
maladie d’Alzheimer, le pa-
tient ne sera plus en mesure de
revenir sur ses choix passés »,
indique Gaël Durel, vice-pré-
sident de l’Association nationale
des médecins coordonnateurs
en Ehpad et du secteur médico-
social (la-croix.com du 20 fé-
vrier).
C’est vrai mais cette phrase
doit marcher dans les deux sens.
ment son intention d’être maître
de sa fin, y compris par suicide
assisté par exemple, mais qu’on
n’a rien écrit, dès qu’on est cap-
tif d’Alzheimer, on ne peut plus
revenir sur ses non-choix, ses
négligences passées qui devront
alors être interprétées légale-
ment comme des refus d’aide à
mourir ou d’euthanasie.
billet
Alain Rémond
Le train 8605
oilà quelques jours, je de-
V vais prendre le train pour
me rendre à un Salon du
livre. La veille de mon départ, je
reçois ce SMS de madame SNCF :
« Le train 8605 du 25-03-2023 au
départ de Montparnasse est sup-
primé. » Ah ben mince, alors. Le
train 8605, c’était justement le
mien. Et aucun autre train pos-
sible, rien, zéro. Adieu le Salon
du livre, zut alors. Madame SNCF
ne me donne aucune explication,
mais, bon, c’était fatal, me dis-je,
avec les grèves, tout ça. Le len-
demain matin, à l’heure où j’au-
rais dû être dans le train 8605,
je reçois un nouveau message,
qui m’explique enfin pourquoi
mon train a été supprimé : « Mise
en quai tardive en gare origine et
nous en sommes navrés. » Atten-
dez, c’est quoi, exactement, cette
Électricité
t « Qui est responsable des
pertes historiques d’EDF ? »
Les analyses de vos deux ex-
perts dans La Croix du 17 fé-
vrier dernier, me laissent un
peu sur ma faim. Car les deux
s’en tiennent pour l’essentiel à
des raisons plutôt conjonctu-
relles et plutôt récentes alors
qu’il faut rechercher les causes
du désastre actuel de l’entreprise
dans les décisions d’hommes
politiques de gauche comme
de droite qui se sont succédé
au pouvoir dès le début des
années 1990 et jusqu’à au-
jourd’hui. (…)
Je voudrais évoquer deux
raisons majeures de la situation
actuelle. Plusieurs nominations
de complaisance à la présidence
d’EDF, d’hommes qui n’étaient
pas préparés à la conduite
d’un tel ensemble. Et ce n’a pas
été sans conséquence. Et des
décisions imposées, notamment
dans le nucléaire, destinées
à faciliter des accords électoraux
et/ou à satisfaire des lobbys
sans tenir compte des réalités.
Gérard Baisle
t Combien d’heures sont
passées depuis quelques mois
pour trouver des solutions
à une tarification insensée
de la fourniture d’électricité
en France ? Insensée, la tarifi-
cation aujourd’hui l’est devenue
par dogme, celui d’une illusion
que seule la libre concurrence
histoire de « mise en quai tar-
dive en gare origine » ? Bon, des
trains qui arrivent en retard, on
a l’habitude. Mais être en retard
avant de partir… Qu’est-ce qui lui
a pris, au train 8605, de se poin-
ter en retard au quai de la gare
origine, pour parler comme ma-
dame SNCF ? Il a décidé ça tout
seul ? Il avait autre chose à faire
ailleurs ? Ou alors il s’est trompé
de gare, il est allé à Austerlitz se
mettre gentiment à quai avant
de se dire, bon sang, mais où ai-
je la tête, ma mise à quai est à
Montparnasse ? Accessoirement,
en quoi ça l’empêchait de par-
tir, même en retard ? Dites voir,
il n’y aurait pas des grèves, par
hasard ? Visiblement, madame
SNCF n’est pas au courant. Mais
elle est « navrée ». Euh… Pas tant
que moi, hein.
et la destruction des monopoles
d’État sur un domaine
aussi stratégique que la fourni-
ture d’électricité est la voie
de salut !
C’est ainsi que la France
a cédé aux injonctions de la
Commission européenne,
ajoutant une seconde ineptie,
celle d’indexer le prix de l’élec-
tricité sur celui du gaz !
Alors même que les choix straté-
giques de la France, faits
dans les années 1970, d’un mix
électrique reposant beaucoup
moins sur le gaz et le charbon
que nos voisins en Europe,
affranchissent la France d’une
dépendance à ces sources fos-
siles !
Alors, maintenant que le feu
est partout, il faut mettre des
cautères sur des jambes de bois,
un bouclier tarifaire ici, des re-
montrances aux fournisseurs,
profiteurs de mauvais aloi
qui décuplent leurs prix
ailleurs. Toutes solutions coû-
teuses pour les finances pu-
bliques. (…)
Ce sujet devenu anxiogène,
occupe depuis des semaines
les séquences d’info, agite les
cabinets pour trouver des solu-
tions aux faillites qui se pro-
filent, oblige à déployer des
moyens issus de nos impôts
pour compenser des effets dé-
létères. À jouer le pompier en
somme.
N’aurait-il pas été préférable
de réfléchir à deux fois avant
d’allumer l’incendie ?
Vincent Andrieu
 l’espace du débat

Dans un contexte où la parole publique se dégrade de jour en jour, et où l’écoute et la recherche de

la compréhension de l’autre se font de plus en plus rares, La Croix renforce son espace de débat.
Parce que nous sommes convaincus que la santé démocratique passe par l’échange de points de
vue et d’idées, vous retrouvez désormais À vif aussi en librairie.

À vif nourrit l’échange d’opinions et d’idées. Il permet l’expression du pluralisme sur des sujets
d’Église, de société et d’actualité au-delà des postures et des fractures. Avec À vif, nous mettons
en lumière des tribunes et positions signées par des personnes extérieures à la rédaction.

Si les textes publiés peuvent être en désaccord avec la rédaction, ils respecteront toujours notre
charte de qualité et de respect de différentes voix. Les tribunes sont signées avec la vraie identité
de l’auteur, elles ne contiennent pas d’attaques, d’injures et ne relaient pas de fausses informations.

est à retrouver

t sur la-croix.com/avif,

t dans les newsletters,

t tous les lundis dans le journal

et les vendredis dans La Croix L’Hebdo,

t dans la nouvelle collection de hors-séries,

dont le numéro 1 « Choisir sa mort ? »
sur la thématique de la fin de vie, sujet
actuellement en réflexion dans le cadre
d’une convention citoyenne.
 La Croix -lundi 27 mars 2023

8 ÉVÉNEMENT
Les évêques se réunissent Ils étudieront les 60 propositions Parmi ces propositions, certaines,
à Lourdes mardi 28 mars des neuf groupes de travail très ambitieuses, entraîneraient
à l’occasion de leur Assemblée pour en inir avec les abus un profond changement du
plénière de printemps. sexuels dans l’Église. fonctionnement de l’Église catholique.

À Lourdes, 60 pistes
pour lutter contre les abus
tRéunis à partir du mardi
28 mars en Assemblée
plénière à Lourdes,
les évêques de France
devront se prononcer
sur plus de 60 propositions
concrètes, élaborées
par des groupes de travail,
pour éradiquer les abus
dans l’Église.
tSi la plupart
des propositions visent
à approfondir et formaliser
de « bonnes pratiques »
existantes, certaines
contiennent un changement
de culture pour l’Église.
Place aux actes. Ils sont plus
d’une centaine à phosphorer en-
semble, depuis un an et demi, sur
des propositions concrètes pour
éradiquer, au sein de l’Église,
les logiques propices aux abus
et à leur couverture. Après plus
de 200 réunions et des milliers
d’heures de travail, ces catholiques
de tous horizons ont retenu 60 ac-
tions, censées pouvoir être mises
en œuvre rapidement. Leur objec-
tif : faire adopter dans l’Église de
solides garde-fous, réussir à ins-
tiller une culture de la prévention,
ainsi que faire appliquer à l’échelle
nationale les bonnes pratiques
existantes, jusque-là éparpillées
dans les diocèses.
Ces groupes de travail, compo-
sés de catholiques – pour les deux
tiers des laïcs, et pour moitié des
femmes –, ont été missionnés par
l’épiscopat français, un mois après
la publication du rapport Sauvé
qui révélait, en octobre 2021, une
réalité glaçante : depuis les an-
nées 1950, en France, entre 2 900
et 3 200 prêtres a minima auraient
commis des agressions sexuelles
ou des viols, sur un chifre extra-
polé de 216 000 victimes. Dans son
rapport, la Ciase décrit une Église
rongée par un phénomène « mas-
sif » et « systémique ».
« Face au caractère systémique
des abus, nous devions donc éla-
borer des réponses systémiques »,
souligne Hervé Balladur, pour
expliquer la multiplicité des thé-
matiques abordées. « Notre but
n’était pas de proposer une réforme
globale de l’Église, mais des trans-
formations pour prévenir les abus,
aux diférents étages du millefeuille
de l’Église », poursuit ce dirigeant à
la retraite d’un groupe de conseil.
Celui-ci a coordonné les travaux
des neuf groupes dont les 60 pro-
positions seront soumises au vote
des évêques à l’issue de deux
demi-journées de discussions et
d’amendements éventuels. Des
sessions qui se dérouleront lors
de l’Assemblée plénière de prin-
temps de l’épiscopat qui s’ouvre à
Lourdes mardi 28 mars.
Ligne de force
de ces propositions :
la demande
d’une prise
de décision partagée
entre clercs et laïcs
beaucoup plus large
et fréquente.
Parmi les champs abordés par
les groupes de travail : la confes-
sion et l’accompagnement spi-
rituel en tant qu’ils ont été des
lieux d’abus, le discernement et
la formation des futurs prêtres,
les moyens de contrôle des asso-
ciations de fidèles, la manière
d’associer les laïcs aux travaux de
la Conférence des évêques, l’ac-
compagnement des prêtres et des
évêques…
Globalement, le document pro-
pose trois changements de culture
repères
Au programme de
l’Assemblée de printemps
Un premier temps d’échange
entre membres des groupes de
travail et évêques sera consacré
aux interrogations éventuelles
de ces derniers sur les propo-
sitions émises, mardi 28 mars.
Chaque évêque pourra évaluer
ces propositions d’une gom-
importants pour l’Église : d’abord
l’introduction de plus de transpa-
rence auprès des idèles sur la ges-
tion des abus. L’« afaire Santier »,
du nom de l’évêque émérite de
Créteil condamné par l’Église pour
voyeurisme aggravé, a relancé, en
octobre, le débat sur l’opportunité
de révéler aux paroissiens les sanc-
tions canoniques dont font l’objet
prêtres, religieux, évêques. Le
droit de l’Église n’interdit pas tou-
jours la publication des sentences.
Mais la culture de non-divulgation
des sanctions – qui s’est imposée
par la pratique – est désormais re-
mise en question.
Ainsi, les groupes de travail
proposent de mettre en place
systématiquement une commu-
nication autour des cas d’abus
sexuels, a fortiori à l’issue du pro-
cessus judiciaire ou canonique.
Les membres du groupe de tra-
vail n° 1, consacré au « partage de
bonnes pratiques devant des cas
d’abus signalés » soulignent que la
publication des sanctions doit éga-
lement être envisagée car elle peut
susciter de nouveaux témoignages
de victimes, qui souvent craignent
de ne pas être crues.
Autre ligne de force de ces
60  propositions : la demande
d’une prise de décision partagée
entre clercs et laïcs beaucoup plus
large et fréquente, pour éviter no-
tamment que l’évêque se retrouve
seul pour affronter ces affaires,
mais aussi plus largement. Cette
idée s’appuie sur le constat d’un
« manque d’altérité » dans la gou-
vernance de l’Église, entretenu par
un « entre-soi clérical ». Ainsi, il est
suggéré par le groupe de travail n° 7
mette « rouge, verte, jaune ».
Une seconde session se
déroulera mercredi 29 mars
au matin, par petits groupes de
cinq évêques et deux membres
des groupes de travail sur
des propositions précises,
ain d’évaluer si des reformula-
tions peuvent être envisagées.
Les propositions seront enin
soumises au vote des évêques
jeudi 30 mars.
« Pour lutter contre
l’entre-soi qui
favorise les abus »,
ils proposent
notamment aux
évêques de solliciter
Rome sur l’ouverture
du diaconat
aux femmes
et de l’ordination
aux hommes mariés,
sous le régime
de ’expérimentation.
que chaque Assemblée plénière
des évêques comporte désormais
une séance de travail avec des ca-
tholiques laïcs. Ou encore d’assu-
rer une meilleure diversité dans la
composition des conseils épisco-
paux, et d’impliquer davantage les
laïcs – et notamment les femmes –
dans la gouvernance des diocèses.
Dernière grande ligne de force
du document : une professionna-
lisation de toutes les instances de
l’Église et un plus grand contrôle.
« Il faut consolider, mettre du cadre.
L’Église manque aujourd’hui d’une
politique rédigée, publiée et éva-
luable dans pas mal de domaines »,
observe Hervé Balladur. À titre
d’exemple parmi ces préconisa-
tions, la tenue d’archives standar-
disées, qui devrait permettre un
meilleur suivi des auteurs d’abus
et la création d’un observatoire na-
L’Assemblée de Lourdes
sera aussi consacrée au
processus de réforme en cours
de la conférence épiscopale dit
« chemin de transformation » ;
au Synode sur la synodalité
– les évêques éliront quatre
d’entre eux pour les représen-
ter à Rome en octobre pro-
chain – ; au débat sur la in
de vie, aux Jeux olympiques
et paralympiques, ainsi qu’aux
prochaines Journées mon-
diales de la jeunesse.
tional des violences dans l’Église.
Parmi les propositions, revient
souvent l’urgente nécessité de
formation et d’accompagnement,
de tous les acteurs de la vie pasto-
rale, clercs ou laïcs. Les membres
des groupes de travail suggèrent
de mettre sur pied une formation
standardisée pour chaque catho-
lique appelé à exercer une mission
d’accompagnateur spirituel.
À côté de ces mesures très opé-
rationnelles, les membres du
groupe de travail n° 8 consacré à
« l’analyse des causes des violences
sexuelles dans l’Église » sont sans
doute ceux qui ont formulé des
propositions pour l’avenir les plus
osées. « Pour lutter contre l’entre-
soi qui favorise les abus », ils pro-
posent notamment aux évêques de
solliciter Rome sur l’ouverture du
diaconat aux femmes et de l’ordi-
nation aux hommes mariés, sous
le régime de l’expérimentation.
Toutes ces propositions sont
contenues dans un document
préparatoire de 250 pages, envoyé
aux évêques le 15 mars dernier
pour qu’ils puissent s’en empa-
rer. À Lourdes, un travail colla-
boratif est prévu au début de l’As-
semblée plénière entre membres
des groupes de travail et évêques
–  sur trois  séances représen-
tant cinq heures au total. Mardi
28 mars, ces derniers circuleront
entre neuf ateliers pour échanger
sur les propositions qui leur seront
parvenues (lire repères).
Une seconde discussion sur les
propositions se tiendra le lende-
main, avant que l’ensemble soit
soumis au vote des évêques jeudi
30 mars. S’il est difficile de pré-
voir la part des propositions qui
seront inalement retenues par les
évêques, d’ores et déjà des ques-
tions se posent quant à la possi-
bilité de les voir appliquer large-
ment et rapidement. Beaucoup
des pistes avancées requièrent
des moyens inanciers importants,
notamment celles qui concernent
la formation. Leur mise en œuvre
imposerait probablement des
choix économiques radicaux pour
une Église catholique aux res-
sources toujours plus contraintes.
Héloïse de Neuville

Des propositions formulées par neuf groupes de travail
tNeuf groupes
de travail ont soumis
des pistes de rélexion
aux évêques pour tourner
la page des violences
sexuelles dans l’Église.
Tour d’horizon des plus
fortes d’entre elles.
Partage de bonnes pratiques
devant des cas signalés
« Un comité d’experts est formé
pour assister l’évêque dans les dé-
cisions à prendre tant pour les per-
sonnes victimes que les mis en cause
et le contenu des communications.
Ce comité intervient dès les recueils
d’une information préoccupante. »
Confession et
accompagnement spirituel
« Instituer l’accompagnement
spirituel comme une mission et
adopter la charte “référence” pro-
posée (…). La mission est expli-
citement confiée par l’autorité
compétente : évêque, supérieur(e)
majeur(e), responsable de centre
spirituel… pour une durée détermi-
née et renouvelable avec un mandat
oiciel (lettre de mission). »
La Croix -lundi 27 mars 2023
ÉVÉNEMENT 9
Des évêques s’agenouillent en signe de pénitence lors d’une cérémonie à Lourdes
en hommage aux victimes d’abus sexuels, en novembre 2021. Valentine Chapuis/AFP
Accompagnement Discernement Accompagnement quatre laïcs au Conseil permanent
des mis en cause vocationnel du ministère de l’évêque de la CEF, comme membres à part
Les membres suggèrent la nomi- et formation Le groupe suggère la publica- entière, avec un processus de nomi-
nation d’un délégué de l’évêque des futurs prêtres tion des « bans » auprès du dio- nation adapté ».
pour que ce dernier n’ait pas à gé- Une « évaluation psychologique cèse d’origine entre l’annonce de
rer seul les procédures dans le cas systématique de chaque candidat la nomination du prêtre et son or- Analyse des causes
d’un prêtre mis en cause. La prise à la prêtrise » est préconisée. Le dination épiscopale. Cette com- des violences sexuelles
en charge médico-psychiatrique groupe souhaite aussi qu’au sein munication devrait permettre à dans l’Église
s’impose, tout comme un « accom- du séminaire soit introduite « sys- d’éventuelles victimes de se dé- « Pour lutter contre l’entre-soi qui
pagnement humain pour lever l’iso- tématiquement une formation à clarer et de porter plainte, et en favorise les abus », il faut « dévelop-
lement » du prêtre condamné. En- la vie afective et sexuelle qui per- général à toute personne ayant per l’altérité et renforcer en parti-
in, le groupe préconise la tenue mette aux étudiants de s’inter- connaissance d’un obstacle à culier la place des femmes dans la
d’archives standardisées pour un roger sur leurs fonctionnements cette ordination épiscopale de se liturgie et aux postes de décision »,
meilleur suivi des auteurs. intimes ». manifester. estime ce groupe, qui souhaite
aussi solliciter le Vatican sur l’ou-
Accompagnement verture du diaconat aux femmes
Le pape renforce le dispositif du ministère des prêtres et l’ordination d’hommes mariés,
Proposer au prêtre tout au long sous un régime d’expérimentation.
de sa vie des formations répon-
Dans un motu proprio publié le 25 mars, le pape François a ren- dant à ses besoins : vie afective et Contrôle et vigilance sur
forcé les dispositifs de lutte contre les violences sexuelles dans sexuelle, addictions, numérique, les associations de idèles
l’Église. Désormais, les prêtres issus d’associations internatio- repérage de l’épuisement, ressour- « Vériier avant toute reconnais-
nales de idèles sont tenus de dénoncer à Rome les crimes sexuels cement spirituel et intellectuel… sance d’une association de idèles,
commis en leur sein. Et les laïcs sont encouragés à faire de même. en concertation entre évêques de la
« Toute personne, en particulier les fidèles laïcs qui exercent des Manière d’associer les laïcs province, l’histoire de l’association,
fonctions ou des ministères dans l’Église, peut dénoncer » un acte aux travaux de la CEF la pertinence de son projet ainsi que
pédocriminel, énonce le décret papal. Le pape introduit aussi une « Chaque Assemblée plénière la personnalité et la trajectoire du
nouvelle catégorie de victimes, en plus des mineurs, pour lesquels comportera un temps de travail fondateur. » Autre piste indis-
les actes sont considérés comme particulièrement graves : les « per- associant, dans leur diversité, des pensable relevée par ce groupe :
sonnes qui ont habituellement un usage imparfait de la raison ». membres du peuple de Dieu (une renforcer les moyens de l’accom-
Le Vatican veut aussi limiter les mauvaises interprétations de la même personne par diocèse pen- pagnement des personnes qui
catégorie des « personnes vulnérables », sur qui l’Église considère dant trois ans). » Le groupe pro- quittent des groupes et commu-
qu’il est particulièrement grave de commettre des crimes sexuels. pose aussi d’intégrer « trois ou nautés, ou en cas de dissolution.
 La Croix -lundi 27 mars 2023

10 MONDE

Entre le Maroc et l’Algérie,

une tension toujours plus vive
1000 km Espagne Mer Méditerranée
Rabat Oran
Océan
Atlantique Al ger Tun.
Marrakech
MAROC
Libye

ALGÉRIE
Sahara
occidental Tamanrasset
Maur.

Mali Niger

tDix-neuf mois après

avoir rompu ses relations
diplomatiques avec son
voisin marocain, le président
algérien Abdelmadjid
Tebboune estime que
les relations entre les deux
pays ont atteint un « point
de non-retour ».
tLes deux pays
multiplient les déclarations
hostiles et renforcent
leurs armées.
Les passes d’armes entre le
Maroc et l’Algérie resteront-elles
uniquement verbales ? La question
se pose tant les tensions récur-
rentes entre les deux voisins, frères
ennemis du Maghreb depuis leurs
indépendances, vont crescendo
ces derniers mois.
Alors que les frontières ter-
restres sont fermées depuis près
de trente ans entre les deux pays
et que leurs relations diploma-
tiques sont rompues, à l’initiative
de l’Algérie, depuis août 2021, le
président Abdelmadjid Tebboune
a airmé le 21 mars que les rela-
tions entre les deux États avaient
atteint un « point de non-retour »
lors d’un entretien accordé à la
chaîne qatarie Al Jazeera.
Les deux États s’accusent mu-
tuellement de tous les maux par
le biais de déclarations oicielles
ou via les médias dépendants
des autorités des deux pays. Lors
de la session de la Commission
de l’ONU sur les stupéfiants, à
Vienne du 13 au 17 mars, la re-
présentante algérienne Faouzia
Boumaiza Mebarki a dénoncé « la
stratégie de déstabilisation diri-
gée par le Maroc à l’encontre de
l’Algérie » via le traic de drogue
en constante augmentation qui,
selon elle, cible délibérément la
jeunesse. Une véritable « obses-
sion » de la part d’Alger, a riposté
l’ambassadeur marocain, Azzed-
dine Farhane, qui traite les diri-
geants algériens de « malades
mentaux ». Les accusations fusent
de part et d’autre. Et même si le
La frontière terrestre entre le Maroc et l’Algérie est fermée depuis 1994, soit près de trente ans. Ici, dans la région de Oujda (Maroc). Fadel Senna/AFP
Si le contentieux
historique porte
sur le territoire
contesté du Sahara
occidental, tout est
désormais prétexte
pour souffler
sur les braises.
contentieux historique, portant
sur le territoire contesté du Sa-
hara occidental dont le Maroc re-
vendique la souveraineté, reste au
cœur du diférend entre les deux
États, tout est désormais prétexte
pour souler sur les braises.
Ainsi le Maroc, qui refuse le
droit à l’autodétermination du
peuple sahraoui, a-t-il décidé de
soutenir la cause des Kabyles :
selon les termes de l’ambassa-
deur du Maroc à l’ONU, Omar Hi-
lale, ces derniers vivraient « sous
occupation » en Algérie. De quoi
provoquer la fureur d’Alger qui a
classé le mouvement pour l’auto-
nomie de la Kabylie comme orga-
nisation terroriste. À la veille du
Ramadan, des députés marocains
ont par ailleurs réclamé l’interdic-
tion d’importation via l’Europe
des dattes algériennes jugées
« cancérigènes », rapporte le site
Le360, proche du palais de Rabat.
À Paris, une manifestation pro-
régime de quelques centaines
d’Algériens ou Franco-Algériens,
le 19 mars, à l’occasion de la com-
mémoration des accords d’Évian
repères
Fin de la brouille
diplomatique
entre Paris et Alger
Les présidents français
Emmanuel Macron et algérien
Abdelmadjid Tebboune ont
oiciellement tourné la page,
vendredi 24 mars, de la der-
nière crise diplomatique
entre leurs deux pays,
à l’occasion d’un entretien
téléphonique.
de 1962, a pris une tournure vio-
lemment anti-marocaine, à coups
de slogans et de portraits du roi du
Maroc piétinés au sol.
« Avec son point de non-retour,
le président algérien prévient qu’il
rejette toute médiation et qu’il n’y
a aucune perspective de désesca-
lade », analyse Hasni Abidi, di-
recteur du Centre d’études et de
recherche sur le monde arabe
et méditerranéen (Cermam), à
Genève. Après le scandale du lo-
giciel espion marocain Pegasus
Estimant que le départ pour
Paris, le 6 février dernier,
de la militante Amira Bouraoui
constituait une « exfiltration
illégale » efectuée avec l’aide
de la France, Alger avait rap-
pelé son ambassadeur pour
consultation.
Vendredi, le président
Tebboune a annoncé le re-
tour à Paris de l’ambassadeur
d’Algérie. Un nouvel ambassa-
deur de France en Algérie est
par ailleurs sur le point d’être
nommé, indique Paris.
et les allégations de corruption
d’eurodéputés (« le Marocgate »),
le Maroc traverse une mauvaise
passe sur la scène internationale.
« L’Algérie s’est engouffrée dans la
brèche », estime Isaías Barreñada,
professeur de relations internatio-
nales à l’université Complutense,
à Madrid.
« Sur les réseaux sociaux, on a
l’impression que la guerre est dé-
clarée entre les deux États. Jusqu’à
présent, ils ont toujours été sou-
cieux de contenir les tensions pour
qu’elles ne se transforment pas en
affrontement militaire », rapporte
Hasni Abidi. Mais l’expert voit
s’accumuler les éléments nour-
rissant une inquiétude grandis-
sante : « Les deux États se livrent
à une course effrénée aux arme-
ments, non sans dommages pour
les populations. Le Maroc inten-
sifie sa coopération sécuritaire et
militaire avec Israël, et veut ins-
taller une base militaire à la fron-
tière algérienne. L’Algérie a peur de
perdre son ascendant militaire et
stratégique. On ne peut exclure des
risques d’accrochage. »
Marie Verdier
 La Croix -lundi 27 mars 2023

MONDE 11

Au moins essentiel
29 migrants morts
noyés dans des
naufrages au large Diplomatie T Le Honduras rompt Kenya T Malgré l’interdiction, Raila
de la Tunisie avec Taïwan et reconnaît Pékin Odinga maintient son appel à défiler X sur la-croix.com
La Chine et le Honduras ont établi dimanche Le leader de l’opposition kényane, Raila Odinga, a t En Afrique du Sud,
26 mars des relations diplomatiques, un revers maintenu son appel à descendre dans la rue ce lundi les « grands-mères
pour Taïwan qui perd encore un allié et dénonce 27 mars, peu après l’annonce par le chef de la police footballeuses »
tDepuis le violent les «coercitions et intimidations» de Pékin. Le Hon- de l’interdiction de ces nouvelles manifestations font des émules
discours sur l’immigration duras avait annoncé quelques heures auparavant la contre la vie chère. Il y a une semaine, les manifesta- t Liban, le changement
clandestine, le 21 février, rupture de ses liens avec Taipei, lequel n’est désor- tions – qui n’étaient déjà pas autorisées par la police – d’heure attise les tensions
du président tunisien mais plus reconnu que par 13 États dans le monde. avaient dégénéré, provoquant la mort d’un étudiant. confessionnelles
Kaïs Saïed, les départs
Publicité
en mer se multiplient.
Tout comme les naufrages.

VOTRE ARGENT
Au moins 29 migrants de pays
d’Afrique subsaharienne sont
morts noyés dans le naufrage de
trois embarcations au large de la
Tunisie, ont annoncé dimanche
26 mars les garde-côtes. Outre
les 29 corps retrouvés, les garde-
côtes ont « secouru onze migrants

PEUT CONSTRUIRE
illégaux de plusieurs nationali-
tés africaines après le naufrage de
leurs embarcations » au large de la
côte du centre-est de la Tunisie,
selon un communiqué.
Un chalutier tunisien a récu-
péré 19 corps après le naufrage

DE TRÈS BELES
d’une embarcation à 58 kilo-
mètres des côtes. Une patrouille
des garde-côtes a, par ailleurs,
retrouvé huit corps au large de la
ville côtière de Mahdia et secouru
11 migrants dont l’embarcation
qui se dirigeait vers l’Italie a cha-
viré, tandis que des chalutiers ont

CHOSES.
récupéré deux autres corps.

Nombre de ressortissants
d’Afrique subsaharienne,
pour la plupart en situation
irrégulière, ont perdu
du jour au lendemain
leur travail et leur logement.

Les départs – et les naufrages

– se multiplient depuis le violent
Devenez actionnaire
discours, le 21 février, du président
Kaïs Saïed sur l’immigration clan-
de la Foncière d’Habitat et Humanisme.
destine. Après ce discours, nombre
des 21 000 ressortissants d’Afrique
Un investissement à fort impact social, utile et solidaire.
subsaharienne recensés oicielle-
ment en Tunisie, pour la plupart
Un investissement assorti d’un avantage iscal*.
en situation irrégulière, ont perdu
du jour au lendemain leur travail,
généralement informel, et leur
logement, du fait de la campagne
menée contre les clandestins.
La plupart des migrants afri-
cains arrivent en Tunisie pour ten-
ter d’émigrer clandestinement par Depuis plus de 35 ans, la Foncière d’Habitat et Humanisme construit, achète et rénove
la mer vers l’Europe, certaines por- des logements pour les personnes en dificulté. Agréée Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale (ESUS)
tions du littoral tunisien se trou- et reconnue Service d’Intérêt Économique Général (SIEG).
vant à moins de 150 kilomètres
de l’île italienne de Lampedusa.
La première ministre italienne
Giorgia Meloni a appelé, vendredi
SOUSCRIPTION
24 mars à Bruxelles, à soutenir la
JUSQU’AU 26 MAI 2023**
Tunisie, confrontée à une grave Contact : 04 72 26 03 48
crise financière, sous peine de
« déclencher une vague migratoire
epargne.solidaire@habitat-humanisme.org www.habitat-humanisme.org
sans précédent » vers l’Europe. Elle
*25% du montant investi (réduction d’impôt sur le revenu au titre des revenus 2023, dispositif IR-PME-SIEG soumis à plafond)
a également conirmé un projet de ** Le prospectus complet décrivant l’opération et son résumé sont disponibles sur simple demande auprès de la Foncière d’Habitat et Humanisme, ou sur les sites internet
mission italo-française en Tunisie www.habitat-humanisme.org et www.amf-france.org.L’attention des souscripteurs est attirée sur le résumé du prospectus et notamment sur les paragraphes 2.3 et 3.4 qui recensent les
principaux facteurs de risques en lien avec l’émetteur et avec ces augmentations de capital.Cette augmentation de capital ouverte à compter du 9 janvier 2023 sera close dès que le montant
à laquelle participeraient les mi- appelé sera souscrit et au plus tard le 26 mai 2023.
nistres des afaires étrangères ita-
lien et français.
Pierre Sautreuil (avec AFP)

12
Un cancer du sein reconnu
comme maladie professionnelle
tLe cancer du sein
d’une ancienne infirmière
de Moselle a été reconnu
en janvier comme une
maladie professionnelle.
tUne décision rare,
au terme d’une procédure
de deux ans, malgré
la publication depuis
une quinzaine d’années
de plusieurs études
scientifiques sur le sujet.
Strasbourg (Bas-Rhin)
De notre correspondant régional
Lorsque Martine apprend en
2009 qu’elle est atteinte d’un can-
cer du sein, cette inirmière compte
près de trente ans de métier dans
les services de gynécologie puis de
cardiologie du centre hospitalier
régional (CHR) de Sarreguemines.
En janvier dernier, sa maladie a été
officiellement reconnue en tant
que maladie professionnelle par
la direction du CHR. « Une victoire
et un soulagement » pour Brigitte
Clément, secrétaire régionale de
la CFDT des mineurs, qui a accom-
pagné plusieurs femmes dans la re-
connaissance de leur maladie.
Deux facteurs peuvent expliquer
l’apparition de la maladie chez
cette soignante, « l’exposition à des
rayonnements et le travail de nuit ».
En efet, l’inirmière a travaillé 873
nuits, soit l’équivalent d’une nuit
par semaine. Dès 2007, le Centre
international de recherche sur le
cancer (Circ) a classé la pertur-
bation du cycle circadien, causé
entre autres par le travail de nuit,
comme « risque probable de can-
cer ». Une autre étude de l’Inserm
de 2012 indique que « le risque de
cancer du sein était augmenté d’en-
viron 30 % chez les femmes ayant
travaillé de nuit par rapport aux
autres femmes ». En cause : « L’ex-
position à la lumière durant la nuit
supprime le pic nocturne de mélato-
nine et ses effets anti-cancérigènes. »
Les troubles du sommeil, causés
par le travail nocturne, peuvent
repères
Le tableau des maladies
professionnelles
Le premier tableau des mala-
dies professionnelles a été créé
en 1919 et regroupe les « mala-
dies professionnelles causées
par le mercure et ses compo-
sés ». Au total, 102 maladies
ont été établies depuis.
Ces tableaux servent à déi-
nir les critères pour bénéi-
cier d’une prise en charge au
ÉCO&TRANSITION
Le cancer du sein ne fait pas partie du tableau de reconnaissance des maladies professionnelles.
Snowing12/stock.adobe
également afaiblir le système im-
munitaire.
Dès lors, pourquoi ces recon-
naissances, rares, commencent
aujourd’hui à aboutir ? Cette procé-
dure est « un processus complexe »,
reconnaît Me Rocheblave, avocat
spécialisé dans le droit du travail et
de la Sécurité sociale. Le cancer du
sein ne fait ainsi pas partie du ta-
bleau de reconnaissance des mala-
dies professionnelles, déini par la
Sécurité sociale. « Mais ce n’est pas
parce qu’une maladie n’est pas dans
le tableau qu’elle ne peut pas être re-
connue », poursuit Me Rocheblave.
Pour ce faire, le requérant doit réu-
nir deux conditions : « D’une part, il
faut que la maladie ait entraîné soit
le décès, soit une incapacité perma-
nente d’au moins 25 %, précise l’avo-
cat. D’autre part, il faut rapporter la
preuve qu’elle est essentiellement et
directement causée par le travail. »
titre de maladie profession-
nelle par le régime général ou
agricole de la Sécurité sociale.
Chaque tableau est accompa-
gné d’un commentaire médico-
technique, rédigé par un
groupe d’experts.
Depuis un décret d’avril 2022,
le cancer de la prostate est la
dernière maladie à avoir rejoint
les tableaux des maladies pro-
fessionnelles. Il a été considéré
comme pouvant être la consé-
quence de « travaux exposant
habituellement aux pesti-
cides ».
La Croix -lundi 27 mars 2023
Deux facteurs
peuvent expliquer
l’apparition
de la maladie
chez cette inirmière,
« l’exposition
à des rayonnements
et le travail de nuit ».
C’est cette deuxième condition
qui rend la démonstration ardue.
« Dans le dossier, s’il y a un autre
facteur de risque évident ou que
vous avez une mère et une grand-
mère qui ont eu un cancer du sein,
cela peut fortement jouer en votre
défaveur », analyse Giovanni Pere,
sociologue à l’université Sorbonne
Paris Nord et spécialiste de la re-
connaissance de maladies profes-
sionnelles.
Dans le cas de Martine, l’infir-
mière a bénéicié d’une large mo-
bilisation syndicale autour d’elle.
Cette mobilisation fait suite aux
alertes d’une ancienne aide-soi-
gnante mosellane, Josiane Clave-
lin, sur la multiplication des cas de
cancer du sein chez le personnel
soignant de l’hôpital de Sarregue-
mines. Une « petite équipe » com-
posée de médecins, d’ingénieurs et
de syndicalistes a été mise en place
en 2018 par la section mineurs de
la CFDT-mineurs mosellane « pour
s’emparer de toute la littérature
scientifique dans ce domaine », dé-
taille Brigitte Clément. Des ques-
tionnaires, à destination du per-
sonnel soignant des hôpitaux de
Moselle et d’Alsace, ont été aussi
distribués. Parmi les 750 réponses
reçues, seule une poignée d’entre
elles ont été retenues. « Nous avons
uniquement conservé les réponses
des personnes qui n’avaient aucun
risque dû à leur alimentation, au ta-
bac ou à leur surpoids, pour n’avoir
plus que les facteurs professionnels »,
relate la responsable syndicale.
Outre cette procédure « com-
plexe » et ses moyens importants,
« il faut également que les victimes
aient connaissance du facteur
de risque et que leurs maladies
peuvent être liées à des expositions
professionnelles », indique Giovanni
Pere. « Généralement, les personnes
atteintes d’un cancer du sein ne se
posent pas cette question », abonde
Me Rocheblave, qui a accompagné
plusieurs dossiers de reconnais-
sance.
Dans ce contexte, les médecins
du travail jouent un rôle fondamen-
tal : celui d’informer les patientes
du lien potentiel entre leur mala-
die et leur activité professionnelle.
Mais « il y a toute une éducation à
repenser, regrette Brigitte Clément,
de la CDFT. Il faut que les médecins
s’emparent de toute cette littéra-
ture scientifique. » En attendant, la
section mosellane doit encore me-
ner sept dossiers comme celui de
Martine à cette même reconnais-
sance.
Félicien Rondel
essentiel
E-commerce T
Les « dark stores »
considérés
comme des entrepôts
Ces locaux où sont stockés des
produits livrés en quelques
minutes après commande en
ligne ne sont pas des com-
merces, a tranché le gouver-
nement dans un arrêté publié
vendredi 24 mars au Journal
officiel. Ils risquent donc de
devoir fermer si le plan local
d’urbanisme interdit les entre-
pôts dans leur secteur. Une
victoire pour les mairies et
les riverains excédés par le
ballet des livreurs. Une déci-
sion du Conseil d’État rendue
publique la veille va dans le
même sens.
sur la-croix.com
Un article détaillé
Carburants de synthèse
L’Allemagne sur
le point d’obtenir
gain de cause
Les ambassadeurs des Vingt-
Sept planchent ce lundi
27 mars à Bruxelles sur le plan
de réduction des émissions de
CO2 par les voitures, avant sa
possible adoption le 28 mars
par les ministres de l’énergie.
Proposée par la Commission,
l’interdiction d’immatricula-
tion des véhicules thermiques
en 2035 était suspendue à
l’aval de l’Allemagne. Ber-
lin et Bruxelles ont airmé le
25 mars s’être entendus sur
une exemption pour les voi-
tures roulant aux carburants
de synthèse. Cette technolo-
gie est jugée polluante par les
ONG environnementales.
sur la-croix.com
Un article détaillé
Grèves T Le traic
aérien reste perturbé
En raison de la grève des
contrôleurs contre la réforme
des retraites, les perturbations
continuent d’afecter plusieurs
aéroports. Lundi 27 mars, les
compagnies devront annuler
20 % de leurs vols à Paris-Orly
et Marseille. Même chose le
lendemain, avec l’annulation
d’un vol sur cinq aussi à Bor-
deaux et Toulouse. Air France
précise que les vols long-cour-
riers, ainsi que ceux au départ
ou à l’arrivée de Paris-Charles-
de-Gaulle, sont maintenus
lundi.
X sur la-croix.com
t Inlation :
la suppression du ticket
de caisse papier attendra

Un jeûne du Ramadan
plus sobre, organisé et spirituel
tPendant le Ramadan,
qui a commencé le 23 mars,
les nouvelles générations
de musulmans expriment
un souci plus grand
de spiritualité, d’alimentation
sobre et d’organisation.
tDes aspirations
qui relètent une subtile
évolution de la population
musulmane en France
et de son rapport à l’islam.
S’il devait identiier une difé-
rence entre sa manière de vivre le
Ramadan et celle de ses parents,
Mohammed parlerait de la nour-
riture. Au moment de la rupture
du jeûne, après le coucher du so-
leil et la prière de Maghreb, ses
parents préparent une table gar-
nie de plats traditionnels, symbole
d’un moment de grande convivia-
lité et de partage vécu en famille
pendant ce mois « béni » en islam
(lire ci-dessous).
Mais Mohammed, lui, accorde
moins d’importance à l’abon-
dance du repas. Le jeune homme
de 28 ans voudrait se contenter
du minimum pour pouvoir jeû-
ner le lendemain, et préfère éviter
de manger trop gras ou trop su-
cré. « C’est un moment où le corps
peut se purifier, et c’est dommage
de le gâcher avec une mauvaise
alimentation », estime ce sportif.
Pour lui, le Ramadan est une sorte
d’entraînement spirituel. Chaque
année, il a le sentiment de sortir
de ce temps « purifié », d’être « plus
proche de Dieu et de son Coran ».
Pendant le Ramadan, qui a
débuté jeudi 23 mars, s’exprime
parmi les nouvelles générations
de musulmans un recentrage sur
la dimension spirituelle du jeûne,
le souci d’une alimentation plus
saine et sobre, ainsi qu’un efort
d’organisation optimale pour at-
teindre ses objectifs spirituels.
Cette subtile évolution traduit
l’ascension sociale de jeunes gé-
nérations de musulmans dont les
aspirations se mêlent à celles des
classes moyennes et supérieures,
mais surtout – chez certains – le
passage d’un islam culturel à un
islam plus spirituel et intériorisé.
« On observe une sorte d’embour-
geoisement d’une partie des popu-
lations musulmanes en France,
lié à des trajectoires d’ascension
sociale, par rapport à la généra-
tion de primo-arrivants qui était
majoritairement issue de classes
populaires, explique Sarah Aïter,
doctorante en sociologie politique
et spécialiste de l’islam. La géné-
ration suivante, qui a davantage
accès à l’éducation et aux études
supérieures, adopte les modes de
Ce souci d’une alimentation saine pendant le Ramadan se décline le reste de l’année par le développe-
ment d’une demande de produits halal éthiques, voire bio. Drazen/stock adobe
consommation de la société majori-
taire ». Ce souci d’une alimentation
saine pendant le Ramadan se dé-
cline ainsi le reste de l’année par le
développement d’une demande de
produits halal éthiques, voire bio.
Le rapport à la religion, lui aussi,
évolue. « Pour la génération précé-
dente, l’islam représente un héri-
tage culturel qui n’a pas forcément
été réinterrogé personnellement
et intimement », développe Sarah
Aïter. Parmi les plus jeunes, cer-
tains vivent leur religion sur un
mode identitaire, ou se focalisent
sur l’observation stricte des rites.
« Mais une partie de la nouvelle
génération a également un souci
de spiritualité beaucoup plus fort.
Pendant le Ramadan, il ne s’agit
pas seulement de jeûner et de faire
une belle table, mais de vivre une
expérience spirituelle. »
Cette situation se retrouve
chez Emira, lycéenne de 17 ans
à Strasbourg. Sa mère, tuni-
repères
Le Ramadan,
« mois de bénédiction »
Pendant le mois de Ramadan,
les musulmans jeûnent de
l’aube au coucher du soleil.
Ils s’abstiennent alors de
manger, de boire, de fumer et
d’avoir des relations sexuelles.
Ils évitent aussi de pratiquer
des péchés tels que le men-
songe, la calomnie et la colère.
La Croix -lundi 27 mars 2023
RELIGION
« Pour les nouvelles
générations
de musulmans,
je n’hérite pas
seulement de l’islam,
je le rechoisis.
Il y a une volonté
de redonner un sens
aux pratiques. »
sienne, jeûne la journée, cuisine
deux heures toutes les après-midi
pour préparer l’iftar (1), mais ne
prie pas. Sa ille, Emira, s’eforce,
elle, de faire toutes ses prières à
l’heure et se rend à la mosquée le
soir après la prière de icha, pour
efectuer les tarawih, prières noc-
turnes non obligatoires. « Pour les
nouvelles générations de musul-
Par le jeûne, le idèle doit
éprouver aussi les privations
que vivent les pauvres tout
au long de l’année. Enin,
au niveau spirituel, le jeûne
doit lui permettre de se rap-
procher de Dieu. C’est le qua-
trième pilier de l’islam.
L’observance du Ramadan
est considérée comme source
de bénédiction dans l’islam :
la tradition musulmane dit
que, pendant cette période,
les portes du ciel sont ouvertes.
mans, je n’hérite pas seulement de
l’islam, je le rechoisis, précise Sa-
rah Aïter. Il y a une volonté de re-
donner un sens aux pratiques. »
Le Ramadan est ainsi vécu
comme le mois du changement,
celui de l’examen de conscience.
C’est le moment où Oussama,
23 ans, tourne la page de l’année
précédente et prend de bonnes
résolutions. « C’est une renais-
sance », décrit-il. « Notre corps se
débarrasse des impuretés, on es-
saie de se passer du superflu, de
ne penser qu’à Dieu, et aux bonnes
actions. C’est le mois du contrôle de
soi », poursuit celui qui prévoit de
débrancher ses réseaux sociaux et
s’est ixé un programme de lecture
du Coran.
De fait, le souci d’organisation
est particulièrement présent dans
ce temps très exigeant. Mafory,
15  ans, s’est aussi procuré un
« planner » de Ramadan, de ceux
qui leurissent sur les présentoirs
des librairies musulmanes, pour
cocher toutes les prières qu’elle
fait et l’avancement de ses lec-
tures spirituelles. « On observe
un recoupement de notions spiri-
tuelles et de développement per-
sonnel », commente Sarah Aïter,
qui note l’attention à « optimiser
son temps » et à « se fixer des ob-
jectifs ». « C’est un peu comme un
challenge, conclut Oussama. Un
mois où Dieu va nous tester. »
Marguerite de Lasa
(1) Repas de rupture du jeûne,
après le coucher du soleil.
13
essentiel
Orthodoxie T
Religieux ukrainiens
et russes invités
à se réunir à Genève
En visite à Rome, les respon-
sables du Conseil œcuménique
des Églises (COE) annoncent
vouloir organiser une rencontre
entre responsables religieux
ukrainiens et orthodoxes, à Ge-
nève en mai prochain. Une ini-
tiative dont a eu connaissance
le pape François, jeudi 23 mars,
à l’occasion d’une visite à Rome
du président du COE Jerry
Pillay. « Nous espérons que les
responsables d’Églises puissent
parler sur la manière d’appor-
ter la paix, dans ce contexte de
guerre », a déclaré ce dernier.
La phrase
« Vous êtes
au confessionnal
pour pardonner,
pas pour
torturer. »
Le pape François a adressé un
message aux prêtres confes-
seurs. « N’oubliez pas que vous
êtes aussi des pécheurs, a-t-il
déclaré, dimanche 26 mars.
Vous n’êtes pas au confessionnal
pour torturer mais pour par-
donner tout, comme le Seigneur
pardonne tout. » François a éga-
lement appelé à prier « pour la
population du Mississippi (États-
Unis) frappée par une tornade
dévastatrice » qui a fait au moins
25 morts samedi. Il a aussi invité
les idèles à rester « proches des
victimes du tremblement de terre
en Turquie et en Syrie ».
Argenteuil T
La Sainte Tunique exposée
pour la vénération
L’évêque de Pontoise
Mgr Stanislas Lalanne a an-
noncé dimanche 26 mars une
nouvelle ostension de la Sainte
Tunique, le vêtement qu’aurait
porté le Christ avant sa cruci-
ixion. Elle sera exposée dans
la basilique d’Argenteuil (Val-
d’Oise) au printemps 2025 à
l’occasion du jubilé universel
voulu par le pape François.
Comme chaque cinquième di-
manche de Carême, une journée
de vénération de la relique a eu
lieu samedi dans la basilique,
en présence de la communauté
roumaine orthodoxe de Paris.
X sur la-croix.com
t La cathédrale
américaine de Paris
fête ses 100 ans
et réléchit à son avenir
 La Croix -lundi 27 mars 2023

14 CULTURE

Marbres du Parthénon, le geste

historique du Vatican
tVendredi 24 mars, trois
sculptures du Parthénon
ont été remises
par le Vatican à Athènes.
tUn « don » destiné
à apaiser les relations avec
l’Église orthodoxe de Grèce
qui, espère Athènes, pourrait
provoquer d’autres retours
de fragments du monument.
Une tête de cheval crinière au
vent, le visage d’un jeune homme et
celui d’un adulte, barbe ine et yeux
en amande, ont attiré tous les re-
gards vendredi 24 mars, à Athènes.
C’est qu’après environ deux siècles
d’exil au Vatican, les trois sculptures
de marbre regagnent leur giron :
l’Acropole, où, depuis le Ve siècle
avant notre ère, elles faisaient par-
tie des innombrables ornements du
Parthénon. Après les avoir obtenues
au XIXe siècle dans des circons-
tances non éclaircies, puis placées
parmi les « chefs-d’œuvre » dans ses
musées, le plus petit État du monde
a décidé, en décembre, de les rendre
à la Grèce. Un symbole fort.
Depuis son indépendance, en
1832, Athènes s’eforce de recons-
tituer l’unité de son trésor antique,
dont de nombreux marbres ont été
emportés et dispersés ici et là en Eu-
rope mais surtout au Royaume-Uni,
où une frise longue de 75 mètres fait
la ierté du British Museum. Signe Le directeur du Musée de l’Acropole (à gauche) en compagnie des représentants du gouvernement grec, de l’Église orthodoxe grecque
et du Vatican, vendredi 24 mars à Athènes. Louiza Vradi/Reuters
Le retour
de restitution. Sinon, étant donné formalisant le don. Au final, c’est qu’elle s’est proclamée unilatérale- lement des étudiants orthodoxes,
des marbres le grand nombre d’œuvres conser- donc bien l’État grec qui, dans les ment autocéphale, en 1833. Le dia- mais plus épisodiquement. Aussi,
ne constitue pas vées aux Musées du Vatican, cela faits, tient le rôle du récipiendaire. logue n’a pas toujours été facile avec plusieurs universités dépendant
reviendrait pour nous à ouvrir la « Mon rôle a été avant tout pratique, ses responsables, qui passent pour du Vatican ont mis l’accent sur
une « restitution », boîte de Pandore. » Le terme a éga- mais j’ai eu en quelque sorte le senti- les plus intransigeants de la galaxie les cours de grec. Des échanges se
mais un « don » lement le mérite d’éviter des sujets ment de prendre part à un moment orthodoxe à l’égard de l’Église ca- jouent par ailleurs entre la faculté
potentiellement gênants. « Ce mot historique très important, à la fois tholique. La visite de Jean-Paul II de théologie de Salonique et l’uni-
à l’Église orthodoxe nous permet aussi de ne pas enquê- pour la Grèce et pour nos Églises », à Athènes, en 2001, avait com- versité pontificale Antonianum
de Grèce. ter sur la manière dont ces pièces se poursuit le père Emmanuel Papa- mencé à apaiser les relations. De- (liée aux franciscains), qui orga-
sont retrouvées au Vatican », ajoute mikroulis. Le don permet aussi à puis 2005, l’Église orthodoxe invite nisent un colloque commun tous
la même source. Achat ? Appropria- Rome de montrer ses bonnes dis- ainsi chaque année, à ses frais, une les deux ans. « Le retour des frag-
de l’importance historique du mo- tion ? Dans quel but ? Le principe du positions vis-à-vis de l’Église ortho- vingtaine d’étudiants des universi- ments du Parthénon à Athènes s’ins-
ment : une cérémonie oicielle, en don permet de maintenir le silence doxe de Grèce, indépendante du Pa- tés pontiicales romaines. crit dans ce contexte, explique-t-on
présence des autorités grecques sur le passé. triarcat de Constantinople depuis De son côté, Rome accueille éga- au dicastère pour l’unité des P P P
ainsi que de représentants du Va- La Grèce n’y voit pas matière à
tican et de l’Église orthodoxe, doit protester, qui entend disposer à Des fragments dispersés
entourer le retour des trois marbres. sa guise des trois marbres. Elle a
repères en Europe
se trouvent aussi au Louvre.
Le Musée national
Norvège
Celui-ci ne constitue pourtant pas ainsi déjà prévu de les reposition- Suède
Lettonie
Russie du Danemark, le Musée
DANEMARK
une « restitution » proprement dite, ner « à leur place », explique-t-on ROYAUME Lituanie
Copenhague Les fragments les plus emblé- Kunsthistorisches de Vienne
mais un « don » à l’Église orthodoxe au ministère de la culture, dans UNI Mer du
Nord Biélo. matiques des marbres (Autriche) et le Musée
de Grèce et non à l’État grec. Bien l’ensemble des frises déjà exposées Londres ALLEMAGNE du Parthénon se trouvent au de Wurtzbourg (Allemagne)
Pologne
plus qu’une nuance, à l’heure où de au 3e étage du Musée de l’Acropole. Wurtzbourg Ukraine British Museum, à Londres, détiennent aussi de petites
Manche Rép.
tchèque
nombreux pays réclament la pro- « Les marbres sont donnés à l’arche- Paris Vienne qui, outre un spectaculaire parties de la fresque.
priété de leurs biens pillés pendant vêque d’Athènes mais, afin qu’ils FRANCE AUTRICHE morceau de la frise
Slovénie Roumanie
la période coloniale… soient intégrés dans l’ensemble des Croatie Serbie de 75 mètres de long, détient En janvier 2022, l’Italie a prêté
« Le terme de ”don”
‘‘ souligne le éléments architecturaux du Parthé- ITALIE
Bulgarie des statues et des métopes à Athènes, pour une durée
Athènes
caractère exceptionnel de cet acte, non, gardés au Musée de l’Acropole », Espagne (panneaux architecturaux de huit ans, un morceau
explique une source vaticane qui explique le père Emmanuel Papa- Mer
Palerme GRÈCE ornés). de la fresque jusqu’alors
a suivi le dossier de très près. Il ne mikroulis, prêtre de l’Église ortho- Méditerranée exposé au Musée Antonio
500 km
s’agit pas d’une nouvelle politique doxe grecque qui a signé l’accord Deux fragments de la frise Salinas de Palerme.

P P P chrétiens, dont deux hauts
responsables assisteront à la céré-
monie de ce 24 mars. C’est un geste
personnel du pape, en signe de vo-
lonté d’unité. » La visite de François
en Grèce, en décembre 2021, a joué
un rôle clé dans sa décision, facilitée
par le fait que les trois marbres « ne
sont pas des pièces centrales dans
les collections des Musées », indique
une source au Vatican. À la manière
d’une restitution, le don du Vatican
aide à solder le passé. « Il permet aux
deux Églises de ne pas rester prison-
nières de leurs propres histoires », se
félicite Nikos Tzoitis, proche du Pa-
triarcat de Constantinople et expert
du monde orthodoxe. Et d’insister
sur l’importance de la symbolique
du « don » dans le message chrétien.
« En faisant cela, le pape airme, à sa
manière, qu’il est important de pou-
voir faire des sacriices pour un frère
qui est séparé. »
« En faisant cela,
le pape airme
qu’il est important
de pouvoir faire
des sacriices
pour un frère
qui est séparé. »
Le geste du Vatican fera-t-il des
émules ? La Grèce y compte bien.
« L’Église orthodoxe de Grèce espère
que cette initiative du pape trouvera
des imitateurs », a indiqué le père
Papamikroulis. Une adresse impli-
cite au British Museum qui, jusqu’à
présent, refuse toute restitution
des marbres qu’il détient. « Pour
lui, rendre les marbres du Parthé-
non, c’est comme si nous, nous envi-
sagions de devoir donner la chapelle
Sixtine », explique une source au
Vatican. « Certains musées où ils ne
constituent pas des pièces centrales,
comme le Musée national du Dane-
mark, peuvent peut-être réléchir »,
complète néanmoins Alexander
Herman, directeur de l’Institut d’art
et de droit, à Londres.
Même s’il ne porte pas le nom de
« restitution », le retour à Athènes
des trois sculptures pourrait aussi
faire des envieux. Depuis leur visite,
au printemps dernier, du Musée
ethnologique du Vatican, des com-
munautés autochtones du Canada
réclament le retour de certaines de
leurs œuvres. Le geste du Vatican ne
compte qu’un précédent : la restitu-
tion au Pérou, en octobre 2022, de
trois momies incas acquises en 1925,
à l’occasion de l’Exposition mission-
naire du Vatican. « Cela a été fait à
l’initiative du Saint-Siège, qui a jus-
tiié ce don en soulignant qu’il s’agis-
sait de restes humains », explique
aujourd’hui l’ambassadeur du Pérou
près le Saint-Siège, Jorge Eduardo
Roman Morey. À l’époque, le Vati-
can avait d’ailleurs présenté ce don
comme unique, se gardant déjà de
vouloir s’engoufrer dans une poli-
tique de restitution généralisée.
Loup Besmond de Senneville
(à Rome), Thomas Jacobi (à Athènes)
et Marianne Meunier
Depeche Mode,
les fantômes et la féérie
tDepeche Mode célèbre
la vie dans Memento Mori,
son nouvel album.
tLe groupe britannique,
endeuillé par la mort
de son claviériste Andy
Fletcher, garde toute
sa puissance électro-rock.
Ample et mélodique, hanté par
la initude mais palpitant de vie, le
nouvel album de Depeche Mode,
Memento Mori réussit un exercice
d’équilibre rare entre noirceur et
espérance. Ce quinzième disque
sorti le 24 mars (1) s’inscrivait, dès
ses prémices, dans une ambiance
inquiète, entre pandémie de Covid,
angoisses existentielles et vieillis-
sement de ce groupe britannique
qui a vendu plus de 100 millions de
disques en une quarantaine d’an-
nées. Conçu par un trio, Memento
Mori (« Souviens toi que tu vas mou-
rir ») nous parvient en duo. Dave Ga-
han, 60 ans et Martin Gore, 61 ans,
le présentent seuls, après la mort à
60 ans du claviériste Andy Fletcher
le 26 mai 2022. Ce deuil n’empêche
pas Depeche Mode de retrouver
l’ambiance New Wave de sa jeu-
nesse. Au il de douze titres denses
et cohérents, le groupe semble sans
cesse mourir pour renaître.
Ghosts Again, morceau de bra-
voure de l’album, en donne le ton.
Des boîtes à rythmes, signature du
groupe né à Basildon (Essex) en
1979, un large spectre sonore tra-
vaillé pour captiver des stades en-
tiers, d’envoûtantes guitares, la voix
grave et intense de Dave Gahan en-
tremêlée à celle de Martin Gore…
L’alchimie électro-rock unique du
groupe revit avec force par l’évoca-
tion de ces fantômes « perdus dans
des berceuses ensommeillées » et ce-
pendant faits pour danser.
L’alchimie électro-rock
unique du groupe revit
avec force par l’évocation
des fantômes « perdus
dans des berceuses
ensommeillées ».
À une extrémité de la palette mu-
sicale déployée, Never Let Me Go et
People Are Good balancent toute
l’énergie du rock le plus puissant :
le premier titre secoue, avec sa gui-
tare électrique osant la distorsion
et son solo de batterie ; le second,
futur hymne de stades, invite avec
son solide beat à frapper du pied et,
avec son refrain scandé, à chanter
en chœur, « Heaven help me ! Heaven
help us ! ». Plus intimiste, Caroline’s
Monkey, débute a capella, et mur-
mure à nos oreilles des conidences
enfantines entre féerie et étran-
geté, sagesse et mystère ; la ballade
Speak To Me entraîne jusqu’au ver-
La Croix -lundi 27 mars 2023
CULTURE
tige dans les volutes langoureuses
de ses tourbillons pour s’arrêter net
sur un temps de silence ; et Soul With
Me s’élève avec hardiesse, des cordes
mélodieuses laissant vibrer un chant
intense : « Je vais où volent les anges/
J’emporte mon âme avec moi/Je suis
prêt pour les dernières pages. »
Depeche Mode compte parmi
ses plus belles chansons Enjoy the
Silence, Policy of Truth et Personal
Jesus (album Violator, 1990), Never
Let Me Down Again (issu de Music
for the Masses, 1987) ou encore A
Question of Time, leur premier tube
en 1986. Le style de ces grands titres
s’exprime avec une ardeur régéné-
rée dans Memento Mori. Après le
magistral album Spirit de 2017 et
son tube très politique Where’s The
Revolution ?, Dave Gahan et Martin
Gore renouent avec leurs obsessions
intimes, qui doivent autant à la reli-
gion qu’au rock gothique.
Rapport à la science, aux médias et au débat d'idées, compréhension
de la crise climatique : le Baromètre de l'esprit critique sonde les Français
2e édition sur universcience.fr
Des groupes de la New Wave bri-
tannique des années 1980, ils sont
les seuls survivants, comme l’a mon-
tré la tournée triomphale Spirit, réu-
nissant trois millions de fans en 130
concerts en 2017 et 2018. Est-ce dû
à leurs solides bases artistiques ?
Ils ont construit leur style sous in-
luence des Sparks (pour les mélo-
dies), du producteur Phil Spector
(le « mur du son »), d’Abba (les har-
monies vocales), de Nick Cave (la
noirceur symphonique), de la scène
électro de Berlin (synthétiseurs et
boîtes à rythme) et de Bob Dylan
(chant et la déclamation). Leur lon-
gévité s’explique sans doute aussi
par leur résilience côtoyant pour-
tant sans cesse l’abîme.
Les deux musiciens multiplient
les références à l’au-delà, comme
des peintres travaillant inlassa-
blement la symbolique de leurs
vanités. Leur directeur artistique,
le photographe et réalisateur An-
ton Corbjin, les met en scène avec
lamboyance dans le clip de Ghosts
Again, placé sous les influences
de Star Wars de George Lucas et
du Septième Sceau d’Ingmar Berg-
man. Dave Gahan et Martin Gore y
disputent une partie d’échecs dans
une ambiance sépulcrale et cepen-
dant réjouissante, tant par leur art,
vivants, ils déient encore la mort.
Nathalie Lacube
(1) Columbia/Sony
En partenariat avec
15
essentiel
Musique T Dee Dee
Bridgewater à Jazz
sous les pommiers
Le festival Jazz sous les pom-
miers qui se tiendra à Cou-
tances (Manche) du 13 au
20 mai 2023 accueillera Dee
Dee Bridgewater pour deux
concerts le 19 mai. L’aiche
du rendez-vous comprend
Biréli Lagrène, Youn Sun Nah,
Sandra Nkaké, Sylvain Rif-
let, Marcus Miller… En point
d’orgue, le trompettiste Erik
Trufaz interprétera La Voce
Della Luna dans la cathédrale
de Coutances le 20 mai.
Streaming T
Salto ferme ses portes
Moins de trois ans après son
lancement en octobre 2020,
l’ofre de vidéo à la demande
par abonnement créée par
France Télévisions, TF1 et
M6, s’arrêtera ce lundi. En cas
d’abonnement toujours actif
au 27 mars, il « sera automati-
quement résilié » et l’abonné ne
sera plus facturé. La plateforme
employait mi-janvier 42 per-
sonnes en CDI et 8 en CDD. Des
remboursements sont prévus,
au prorata de la durée restante.
X sur la-croix.com
t L’avenir de la Cité
du cinéma suscite
des inquiétudes
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16
carnet
décès
t Mgr Philippe BALLOT,
archevêque-évêque de Metz,
Mgr Jean-Pierre Vuillemin,
évêque auxiliaire, les évêques
émérites, prêtres, diacres et
animateurs laïcs en pastorale,
vous font part dans l’Espérance
de la Résurrection, du décès
survenu dans sa 89e année, de
M. l’abbé Richard WENNER,
Ordonné prêtre en 1960.
Les funérailles seront célébrées
en l’église d’Audun-le-Tiche,
le lundi 27 mars 2023 à 14 h 30.
Nous rendons grâce pour ses
63 années de ministère
et nous le confions à la tendresse
et la miséricorde de Dieu.
t Ursulines de l’Union
Romaine, Province de France-
Belgique-Espagne,
Sr Marie Thérèse Le Goc,
provinciale, la communauté
de Malet (St Côme d’Olt – Aveyron)
et sa famille, vous font part
de l’entrée de
Sr Marie Roger (Yvette)
COUFOULIN,
dans la lumière du Seigneur,
mercredi 22 mars 2023, à l’âge de
92 ans, dont 68 ans de profession
religieuse.
La messe d’obsèques sera célébrée
samedi 25 mars à 14 h 30 à Malet,
suivie de l’inhumation
au cimetière de Malet.
Transmission
du carnet
Par courrier : 18, rue Barbès,
92128 Montrouge Cedex.
Par téléphone
renseignement :
de 9 heures à 17 heures
au 01 74 31 66 06
(du lundi au vendredi).
E-mail :
carnetlacroix@bayardmedia.fr
(Préciser nom, adresse
et n° de téléphone).
Les textes doivent parvenir
avant 11 h pour une parution
le lendemain (pas de rubrique
le samedi/dimanche).
La ligne : 20 € TTC.
La ligne en gras est facturée
sur la base de deux lignes.
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Partagez la joie de la naissance
ou du baptême de vos enfants
et petits-enfants
Le Carnet de L
01.74.31.66.06
t Bertrand Cavalier, son époux,
Thomas Cavalier,
Jean-Baptiste Cavalier,
Christine et Charles Personnaz,
Armelle et Louis Milcent,
ses enfants et gendres, Jean, Alix,
Paul, Georges, Malcy, Alexis,
Ombeline, Hélène, Mathilde,
François, André et Henri,
ses petits-enfants, Bernard (†)
et Jacqueline Le Nail,
Françoise et Emmanuel Hedde,
Denis et Isabelle Le Nail,
Jean-Marie et Sophie Le Nail,
Françoise et Jean-Pierre (†)
Béguerie,
Thérèse et Jean-Marie Ducroux,
Hélène et Jacques Bruneau,
Catherine et Olivier Welti,
Arnaud et Annette (†) Cavalier,
sa sœur, ses frères, ses belles-
sœurs et ses beaux-frères,
ont la tristesse de vous faire part
du rappel à Dieu, en la veille
de la fête de l’Annonciation,
d’Elisabeth CAVALIER,
née Le Nail,
le vendredi 24 mars 2023,
à l’âge de 75 ans.
Ses obsèques seront célébrées
en l’église Saint-Séverin, Paris 5e,
le mercredi 29 mars à 10 h 30.
t « Heureux les habitants
de ta maison, Seigneur » ps 83.
Sœur Françoise LAFONT,
est entrée dans la Paix éternelle,
le jeudi 23 mars 2023.
Elle était dans la 97e année
de son âge, et la 70e année
de sa profession monastique.
L’abbesse, nos communautés
de Limon, Jouques, Rosans
et Pèporiyakou, et sa nombreuse
famille, la confient à votre prière.
[Abbaye Saint Louis du Temple,
Limon, 91430 Vauhallan.]
t Sa famille et les Missionnaires
d’Afrique (Pères Blancs),
vous font part du retour
au Seigneur du
Père Gustave SOUYRIS,
du diocèse de Rodez, décédé
le 24 mars 2023 à Billère, à l’âge
de 90 ans dont 65 ans de vie
missionnaire au Mali, à Djibouti
et en France.
Prions pour lui et sa famille,
ainsi que ses proches et amis.
La messe des funérailles sera
célébrée le jeudi 30 mars
à 10 heures, en notre chapelle
de la Maison Lavigerie, 22 avenue
Montilleul 64140 Billère.
Qu’il repose en paix.
La Croix -lundi 27 mars 2023
Services
PARIS
CONSTITUTION
Par acte SSP du 09/02/2023, il a été constitué
une SAS ayant les caractéristiques suivantes :
Dénomination :
SNB NETTOYAGE
Capital : 1 000 euros
Siège social : 06 Rue du Docteur Finlay 75015
PARIS.
Objet social : Toutes prestations de
Nettoyage de tous types de bâtiments et
locaux, auprès de professionnels, particu-
liers, communes et collectivités, nettoyage
industriel - remise en état de chantier et
multiservices, ménage, repassage, livraison
de repas et de courses à domicile, petit
bricolage, jardinage, toutes prestations de
services aux particuliers, locations tous
matériels et véhicules sans chauffeur , achat,
vente, import et export de tous produits non
réglementés en gros, demi-gros et détail,
apporteur d’affaire ainsi que toutes
prestations se rattachant à ces activités
Président : Monsieur Stéphane FERNANDES
demeurant 34 Quai de Seine 95530 LA
FERTTE SUR SEINE.
Cession d’action et agrèments : Les
cessions d’actions sont soumises à l’agrément
de la collectivité des associés.
Durée : 99 ans à compter de l’immatricula-
tion au RCS de PARIS.
CHANGEMENT DE
GERANT / PRESIDENT
FONCIERE COMMUNE
SAS au capital de 10 000 000,00
Siège Social : PARIS (75014) 4/14 rue Ferrus
RCS PARIS 800 922 726
AG du 21.01.2021 : Nomination en qualité de
Vice Président et Membre du Conseil de
Surveillance, en remplacement de M. Patrick
BRAOUEZEC, M. Stéphane TROUSSEL
demeurant à LA COURNEUVE (93120), 19 rue
de la Tréfi lerie, à compter de ce jour.
DISSOLUTION
EQUIPEMENT
TECHNOLOGIE
SAS société en liquidation au
capital social de 1000 euros
annonces légales
Siège social : 20 rue Censier
75005 PARIS
RCS de PARIS 901 190 223
Aux termes de l’assemblée générale
extraordinaire en date du 11 mars 2023,
l’associé unique a décidé la dissolution
anticipée de la société à compter du 11 mars
2023. Monsieur Patrice Favier, demeurant 20
rue Censier 75005 Paris a été nommé
liquidateur et lui a conféré les pouvoirs les
plus étendus.
Le siège de la liquidation est au siège social,
adresse où doit être envoyée la
correspondance.
Patrice Favier
CRÉTEIL
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ADJUDICATION
SARL FRICAUDET LARROUMET
SALOMONI
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La crucifixion de l’Ukraine.
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en Europe. Mardi 4 avril à 20 h 30,
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Editions du Cerf.
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du Togo, mardi 4 avril à 20 heures.
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Rens. : enfantsdelespoir.org
Nathalie Jira (agenda.lacroix@
groupebayard.com)
 La Croix -lundi 27 mars 2023

Écrans-radio 17

le choix de La Croix

Un podcast à la découverte de votre cortex

Votre cerveau
Deux saisons de six épisodes
sur franceculture.fr
Depuis une vingtaine d’années,
les connaissances sur le cerveau ont
connu des progrès considérables. Ce
podcast de France Culture en donne
un aperçu passionnant. Dans la pre-
mière saison, lancée en octobre, le
psychologue et chercheur en neu-
rosciences Albert Moukheiber dé-
cortique notre perception de la réa-
lité, souvent déformée à notre insu.
À l’aide de petites expériences audi-
tives, il dévoile la façon dont notre
cerveau filtre l’information, l’in-
terprète selon le contexte et notre
état physiologique (stress, faim,
Image d’un cerveau en 3 dimensions. Who is Danny/Stock Adobe fatigue…), mais aussi comment il
comble les vides et invente parfois
de faux souvenirs. Tout aussi lu-
dique et didactique, la deuxième
saison, qui vient d’être mise en
ligne, donne la parole à Richard
Monvoisin, qui enseigne la pensée
critique à l’université Grenoble-
Alpes. Chaque épisode analyse de
façon limpide un mécanisme qui
fausse ou trompe nos capacités co-
gnitives et explique comment cer-
taines personnes s’en servent pour
nous inluencer.
L’efet Barnum, par exemple, doit
son nom à l’Américain Phineas Tay-
lor Barnum, qui utilisait de pseudo-
tests de personnalité lors de ses
spectacles. Il tirait en réalité parti
d’une tendance naturelle des spec-
tateurs à rechercher une correspon-
dance entre son discours, flou et
trufé de généralités, et leur propre
personnalité. Les horoscopes et les
médiums, passés maîtres dans l’art
des formules évasives ou fourre-
tout, ne procèdent pas autrement.
Biais du survivant, escalade
d’engagement, effet idéomoteur
ou placebo… le cerveau nous joue
bien d’autres tours, passés en revue
dans ce petit vade-mecum contre
la manipulation mentale. Si ses
démonstrations autour des pro-
nostics sportifs de Paul le poulpe,
des sourciers ou des spirites font
mouche, Richard Monvoisin jette
parfois un peu vite le discrédit sur
des médecines alternatives comme
l’ostéopathie, qui ont pourtant fait
preuve de leur efficacité sur des
centaines de milliers de patients.
Cécile Jaurès

TF 1 France 2 France 3 Arte France 5 M6 Et aussi...

9.20 Un roi à Paris, 6.30 Télématin; 9.00 Vis- 9.10 Dans votre région; 11.15 Au nord de l’Ecosse, 9.10 Les ours gourmands; 7.25 ALVINNN!!! et les Canal+ CRYPTÉ : 21.10
Charles 3; 11.50 Les douze ite de Charles III et Ca- 10.00 Dans votre région, les sauveteurs en mer; 9.30 L’oeil et la main; 10.05 Chipmunks; 7.50 Idéix et Happy Valley. Série
coups de midi; 13.00 Jour- milla en France; 9.20 Edi- la suite; 10.55 Outremer.le 12.05 Les dernières ba- Le magazine de la santé; les Irréductibles; 8.15 Les policière. 0 Avec Sarah
nal; 13.45 Météo; 13.55 tion spéciale Visite d’Etat mag; 11.25 Outremer.l’info; leines franches; 13.00 11.00 La p’tite librairie; illes de Dad; 8.50 M6 Bou- Lancashire, Siobhan Fin-
Mon iancé est un escort. de Charles III et Camilla; 11.50 12/13; 12.55 Météo à Démolisseurs de navires : 11.10 Machu Picchu, le tique; 10.05 Ça peut vous neran.
Téléilm d’espionnage 11.55 Tout le monde veut la carte; 14.10 La stagiaire; démanteler et recycler; secret des Incas; 12.05 arriver; 11.30 Ça peut vous France 4 21.10 Voix des
(2022), de Stacia Crawford prendre sa place; 13.00 16.15 Duels en familles, le 13.35 Portrait de femme. Val d’Aoste, l’Italie alpine; arriver chez vous; 12.30 Outre-mer. Emission mu-
0; 15.40 Maison à vendre, Journal 13h00; 13.55 Ça match des régions; 16.50 Drame (1996), de Jane 13.00 Drôles de villes L’œil de Philippe Caveriv- sicale5e édition, la inale.
mari à voler. Téléilm de commence aujourd’hui; La p’tite librairie; 17.00 Campion, avec Nicole pour une rencontre; 13.35 ière; 12.45 Le 12.45; 13.40 LCP 20.30 La vie devant
suspense (2020), de Kenny 16.15 Afaire conclue...; Slam; 17.45 Questions pour Kidman; 16.10 Les dieux Le magazine de la santé; Scènes de ménages; 14.00 nous. Documentaire.
Gage, Devon Downs 0; 18.00 Tout le monde a un champion; 18.30 Le passent à table; 16.40 Le 14.40 Prenez soin de vous; Un jour, un doc; 16.55 Le NRJ 12 21.10 Crimes.
17.30 Familles nom- son mot à dire; 18.40 18.30; 19.00 19/20; 20.00 royaume de Jordanie; 16.30 Les 100 lieux qu’il château de mes rêves; MagazineLa leuriste
breuses : la vie en XXL; N’oubliez pas les paroles; La p’tite librairie; 20.20 Sa- 17.25 Invitation au voy- faut voir; 17.25 L’invité de 18.35 La meilleure bou- d’Avon / Macabre subter-
18.30 Ici tout commence; 19.50 Météo 2; 20.00 medi d’en rire, la quotidi- age; 19.00 Le royaume de C dans l’air; 17.40 C dans langerie de France; 19.45 fuge. Présenté par Jean-
19.10 Demain nous appar- Journal; 20.45 Un si enne; 20.50 Tout le sport. Jordanie; 19.45 Arte jour- l’air; 18.55 C à vous; 20.00 Le 19.45; 20.30 Scènes de Marc Morandini.
tient; 20.00 Journal. grand soleil. En direct. nal; 20.05 28 minutes. C à vous la suite. ménages. RTL 9 20.55 Ouija : Les
origines. 2 Film d’hor-
20.35 Football : Qualiica- 21.10 Meurtres au para- 21.10 Mes héros. Comédie 20.50 Les ripoux. 21.00 Potagers : si on 21.10 Mariés au pre- reur (2016), de Mike Fla-
tions à l’Euro 2024. Ré- dis. Série de suspense (2012), d’ Eric Besnard, Comédie (1984), de Claude semait ! Documentaire. mier regard. Documen- nagan, avec Annalise
publique d’Irlande / France. (Saison 12, 3/8) : « Plage avec Clovis Cornillac, Jo- Zidi, avec Philippe Noiret, Le jardin nourricier est de- taire. «Episode 2 ». Pour Basso, Elizabeth Reaser
2e journée. Groupe B. Com- à vendre ». Avec Ralf Lit- siane Balasko (1 h 40). Le Thierry Lhermitte (1 h 40). venu le deuxième endroit la saison 7, les 14 par- (1 h 40).
mentaires de Grégoire tle, Shantol Jackson. Une temps d’un week-end, un Dans le XVIIIe arrondisse- préféré de sept Français ticipants sélectionnés
Margotton et Bixente Liz- agente immobilière est entrepreneur au bord de ment de Paris, un inspec- sur dix après la cuisine. pour se marier au pre- KTO
arazu. En direct. A peine assassinée alors qu’elle la faillite se rend chez ses teur de police expérimenté Avec la crise sanitaire, mier regard se sont livrés
le temps de récupérer que faisait visiter une mag- parents; 22.45 Belfort, les et corrompu initie, contre cette idylle s’est intensi- comme jamais. Cette 19.55 SIC; 20.05 Vêpres;
la bande à Kylian Mbappé niique plage privée ; enfants du lion. Docu- son gré, son jeune adjoint iée. Aujourd’hui, les po- nouvelle saison réserve 20.35 Marcher en-
est à nouveau sur le pont 22.10 Meurtres au para- mentaire. Au lendemain à ses petites combines; tagers sont partout : sur les des surprises. Les experts semble. Documentaire;
pour déier la République dis. Série de suspense de la vente de la branche 22.35 La conséquence. toits des immeubles, dans Estelle Dossin et Gilbert 21.40 Dominicains TV;
d’Irlande, à Dublin; 22.35 (Saison 5, 8/8) : « L’amour énergie d’Alstom à Gen- 2 Drame (1977), de Wolf- les collèges, les grands Bou Jaoudé devront faire 21.50 La vie des diocèses;
New York Unité Spéciale. et ses conséquences ». eral Electric, à Belfort, un gang Petersen, avec Jür- magasins, voire même en face à des demandes ex- 22.15 SIC; 22.25 Kazakh-
Série policière (Saison 5, 12 Avec Kris Marshall, Danny drame se proile : la dis- gen Prochnow, Ernst Han- prison; 22.30 C ce soir. ceptionnelles de la part stan, un laboratoire des
et 2/25) «Dangereuse ini- John-Jules. Une femme parition d’une tradition de nawald (1 h 35). VM. NB. La Talk-show. Présenté par des participants et de peuples; 23.20 Con-
tiation » 2 Avec Mariska est retrouvée morte dans haute-technologie; 23.45 lutte quotidienne de deux Karim Rissouli, Laure Ad- leurs familles; 23.20 Et si férence de Carême; 0.05
Hargitay; «Dessine-moi un les douches de son au- Caraïbes, sur la route des homosexuels pour obtenir ler et Camille Diao; 23.40 on se rencontrait ? Di- Chapelet à Lourdes; 0.40
meurtre » 2 berge de jeunesse. Sargasses. le droit de s’aimer. C dans l’air. vertissement. Marcher ensemble.

Séance du vendredi 24 mars. Cours en clôture.

7 015,10 pts Accor 28,08 -5,65 +20,26 Credit Agricole 9,941 -2,06 +1,12 Kering 580,5 +0,42 +22,08 Ses 5,862 -2,14 -3,74
Adp 125,2 -3,51 - Danone 56,27 +0,29 +14,30 Klepierre 20,66 -2,50 -4,04 Ses Imagotag 108 -0,37 -11,48
-1,74% +7,01% Air France -klm 1,54 -3,14 +25,10 Dassault Aviation 181,9 -0,49 +14,98 Korian 6,84 -3,05 -32,41 Societe Generale 19,9 -6,13 -15,25
Air Liquide 149,6 -1,15 +12,99 Dassault Systemes 37,2 -1,44 +11,06 L'oreal 398,05 +0,14 +19,32 Sodexo 86,62 -0,98 -3,20
Airbus 117,4 -2,12 +5,75 Derichebourg 5,055 -3,81 -8,42 Legrand 80,62 -4,27 +7,75 Soitec 138,45 -2,77 -9,42
Ald 10,28 -4,99 -4,46 Edenred 52,54 -0,45 +3,26 Lvmh 813,4 -0,90 +19,64 Solutions 30 Se 2,19 -5,64 +28,37
SBF120 5 356,58 -1,82 Alstom 23,75 -4,08 +4,08 Eiffage 95,64 -4,23 +4,05 Mercialys 9,295 -6,16 -4,86 Solvay 99,16 -0,60 +4,98
SBF250 5 246,10 -1,81 Altarea 110 -1,43 -12,84 Elior Group 3,034 -4,05 -8,06 Mersen 39,1 -0,76 +3,58 Sopra Steria Group 190,5 -1,85 +34,92
Alten 142,3 -1,93 +21,83 Elis 16,72 -3,91 +20,98 Metropole Tv 14,56 -1,36 -5,15 Spie 25,38 -3,79 +4,19
Dow Jones (New York) 32 105,53 +0,00 Amundi 55,6 -2,20 +4,91 Engie 13,574 -2,35 +1,39 Michelin 26,955 -2,43 +3,73 Stellantis Nv 15,916 -1,69 +19,94
Nasdaq (New York) 12 680,00 -0,39 Antin Infra Partn 15,82 -1,80 -22,07 Eramet 91,2 -2,30 +8,77 Neoen 27,62 -1,46 -26,56 Stmicroelectronics 45,405 -3,77 +37,61
Nikkei (Tokyo) 27 385,25 -0,13 Aperam 32,35 -2,12 +9,70 Essilorluxottica 162,1 -0,43 -4,20 Nexans 85,6 -8,01 +1,36 Technip Energies 19,16 -7,35 +30,61
EuroStoxx 50 4 125,83 -1,93 Arcelormittal Sa 26,02 -1,57 +5,88 Eurazeo 62,25 -3,49 +7,14 Nexity 22,94 -1,38 -11,97 Teleperformance 209,1 -2,65 -6,11
FT 100(Londres) 7 405,45 -1,26 Arkema 87,18 -2,79 +3,93 Euroapi 9,766 -2,34 -29,49 Orange 10,678 -1,37 +15,05 Tf1 7,87 -1,87 +9,99
Atos 13,285 -2,92 +47,41 Eurofins Scient. 60,44 -0,92 -9,87 Orpea 2,307 -0,65 -62,62 Thales 135,1 -0,92 +13,24
Axa 26,635 -2,17 +2,23 Euronext 68,94 -1,23 -0,32 Ovh 11,3 -3,95 -29,29 Totalenergies 51,81 -3,03 -11,66
Beneteau 14,9 -2,99 +5,37 Eutelsat Communic. 6 -2,12 -13,79 Pernod Ricard 207,7 +0,63 +13,03 Trigano 111,7 -0,80 -12,46
Etats Unis EUR/USD 1,0745 -1,23 Bic 59,3 -1,82 -7,27 Faurecia 17,785 -5,42 +25,87 Plastic Omnium 15,26 -0,59 +12,37 Ubisoft Entertain 21,95 -0,95 -16,89
Gde-Bret.EUR/GBP 0,8794 -0,66 Biomerieux 100,6 +0,40 +2,74 Fdj 36,83 -2,23 -2,00 Publicis Groupe Sa 68,66 -4,19 +15,55 Unibail-rodamco-we 46,64 -2,41 -4,09
Bnp Paribas Act.a 50,47 -5,27 -5,22 Fnac Darty 33,62 -2,83 -2,38 Remy Cointreau 169,6 -0,88 +7,61 Valeo 17,595 -1,81 +5,36
Suisse EUR/CHF 0,9874 -0,95 Bollore 5,61 -1,67 +7,47 Gecina 91,55 -3,02 -3,78 Renault 35,45 -3,67 +13,35 Vallourec 10,655 -5,67 -13,16
Japon EUR/JPY 139,8500 -2,11 Bouygues 30,32 -2,82 +8,13 Getlink Se 14,62 -2,82 -2,37 Rexel 20,32 -7,43 +10,20 Valneva 4,63 -3,46 -25,61
Bureau Veritas 26,05 -0,46 +5,85 Gtt 89,35 -4,08 -10,47 Rubis 23,73 -1,49 -3,54 Veolia Environ. 26,14 -2,79 +8,92
Capgemini 165,7 -1,57 +6,25 Hermes Intl 1787 -0,78 +23,67 S.e.b. 98,45 -3,00 +25,81 Verallia 38,02 -3,45 +20,01
Piece Suisse 20F 360,00 Carmila 13,38 -2,05 +0,30 Icade 42,72 -1,75 +6,16 Safran 133,3 -1,04 +14,01 Vinci 101,36 -2,63 +8,65
Lingot 1 KG Env. 59 400,00 Piece Latine 20F 348,00 Carrefour 17,49 -1,19 +11,83 Imerys 38,44 -2,93 +5,78 Saint Gobain 49,3 -5,30 +8,00 Virbac 290,5 +1,04 +27,41
Piece 10 Dol USA 900,00 Souverain 445,00 Casino Guichard 5,625 -16,11 -42,37 Interparfums 66,8 -0,74 +20,14 Sanofi 97,1 +1,31 +8,08 Vivendi Se 9,136 -1,13 +2,49
Piece 10 Florins 366,80 Cgg 0,646 -7,21 +6,85 Ipsen 104,1 -0,29 +3,58 Sartorius Sted Bio 301,7 +0,40 -0,26 Voltalia 13,78 -2,55 -19,23
Piece 20 Dolars 1 825,00 Le baril à Londres 74,56 $ Coface 12,67 -2,61 +4,37 Ipsos 55,7 -3,63 -4,79 Schneider Electric 142,3 -5,06 +8,86 Wendel 95,5 -2,25 +9,52
Piece 20F 375,00 Le baril à NY 68,77 $ Covivio 51,65 -3,10 -6,85 Jcdecaux 19,2 -3,18 +8,35 Scor Se 20,5 +0,29 -4,61 Worldline 37,61 -3,34 +2,96
 La Croix -lundi 27 mars 2023

18 Services
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Cestac († 1868) de la France. Il fonde en 1842 la
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du lundi au vendredi de 8h30 à 19h. Lundi tiers populaires de Bayonne, nardines. Louis-Édouard Cestac
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et les dates de changement. Délais de
9°
7°
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14 °
12/14° (Jn 8, 21-30) cueillons, l’incompréhension des
10/12°
prise en compte maximaux: 5 à 7 jours. 11 ° 18 ° 8/10°
pharisiens du début devient la foi

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N
9° 18 ° 6/8° ous passons de l’incrédu-
11 ° 21 ° <6° lité des pharisiens à la foi
10 ° 19 ° de beaucoup. Le pivot, me
semble-t-il, réside dans la prédi-
Mardi Mercredi cation de la Croix de Jésus. C’est
par là, dit Jésus, que nous connaî-
trons qui il est : « Je Suis. » Ceci
n’est compréhensible que parce
que Jésus explique son lien avec
son Père. C’est pourquoi, il de-
mande un temps de contempla-
tion de sa relation au Père. Le Père
nous aime. Jésus par son incar-
nation se rend proche de nous.
Par sa mort, il nous sauve. Il est
toujours en présence du Père, et
tout ce qu’il fait Lui est agréable.
Jésus renvoie ses interlocuteurs
vers la relation qu’il a avec son
mots croisés
Problème n° 8101 d’Arthur Gary
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
I
de beaucoup. Et toi qu’en dis-tu ?
Comment la relation entre le Fils
et le Père te touche et t’emmène
sur un chemin de Croix qui ouvre
à la foi ? Je n’oublie pas que pour
certains la Croix est un scandale
et pour d’autres une folie. Nous
devons lutter contre la souffrance.
Je crois que la Croix ne peut être
accueillie que comme un passage
vers notre éveil à la vie et notre
relèvement par le Père en toute
tendresse. C’est pourquoi, nous
attendons, en ce temps de Ca-
rême, la Résurrection : cette vie
en abondance.
Une oblate de l’Assomption
Autres textes : Nb 21, 4-9 ; Ps 101.

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VIII. Prêts. Points opposés. – IX. Marque de la veille. Aspiré. – X. Elle
rentre facilement dans le lard. Elles sont à ciel ouvert sans galeries. > Le week-end : le magazine LA CROIX L’HEBDO
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œuvre. – 3. Enjeu. Point de rosse. – 4. Ayant connu une atmosphère > 7J/7, tout le numérique : lecture illimitée
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remous dans le milieu. Percé de nombreux coups. – 7. Un trou et elle de la-croix-croire.com
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Cri. – 9. Élu. Teresa. – 10. Réer. Suées.
 La Croix -lundi 27 mars 2023

À VIF/l’espace du débat
19

« Ni LR, ni le PS n’ont montré leurs

capacités à bâtir des compromis »
Dominique Reynié
Professeur des universités à SciencesPo
et directeur général de la Fondation pour
l’innovation politique (www.fondapol.org)
(Crédit photo : Erwan Floc’h/Fondapol)
ne devaient qu’à eux-mêmes leur
élection à l’Assemblée nationale.
Ils estiment que le parti est trop
faible, qu’ils ne lui doivent donc
rien, que leur élection ou réélec-
tion n’est que le résultat de leurs
talents. Péché d’orgueil.
Et puis, ils restent secrètement
admiratifs de l’élection extraordi-
naire de 2017, comment le secré-
taire général adjoint de Hollande,
Emmanuel Macron, est parvenu à
lui succéder en proitant de la dé-
ce qui n’est pas un marqueur de
la droite. De même, l’aisance de
Macron dans un monde globalisé
peut satisfaire une petite élite,
mais provoque la suspicion de la
droite populaire. Enin, il reste
trop peu sensible à l’importance
de sujets comme l’immigration ou
les enjeux d’identité nationale.
À plus long terme, comment
voyez-vous la situation
politique actuelle ?
D. R. : Je suis inquiet. Il n’y a

Pour le politologue,
le vote de la réforme
des retraites
a accéléré
la décomposition
du paysage
politique français.
« À Vif » est le lieu des débats
de La Croix. Il a pour vocation
de permettre l’échange d’opinions et
d’idées et l’expression du pluralisme
sur les sujets religieux comme
de société et d’actualité.
Sur www.la-croix.com/Debats
vous pouvez retrouver tous les débats
d’« À Vif » ainsi que notre charte.
A
près la séquence
du vote de la réforme
des retraites, com-
ment voyez-vous
la situation politique
pour la droite, en particulier
le parti Les Républicains ?
Dominique Reynié : L’état de la
droite est paradoxal. D’un côté,
elle est largement majoritaire en
France dans l’opinion publique,
que les enquêtes de la Fondapol
estiment à 58 %. C’est d’ailleurs le
score moyen du total des candi-
dats de droite au premier tour de
l’élection présidentielle depuis
1965. Cette droite était entre les
mains d’un parti gaulliste avec
ses alliés libéraux. L’apparition et
surtout la montée du Front natio-
nal ont modiié la donne.
La droite néogaulliste et ses alliés
héritiers de l’UDF sont en train
de se décomposer. Sans doctrine,
sans leader, dépourvue de cette
puissance d’organisation qui per-
met de participer aux élections
avec des chances de succès. La
droite de gouvernement est plus
concurrencée que jamais par la
droite populiste. L’airmation de
Jordan Bardella, expliquant que
« chez LR, il y a ceux qui se sentent
proches de Macron et ceux qui se
sentent proches de nous », n’est pas
sans fondement. Aujourd’hui, on
se demande ce que signiie d’être
proche des LR pour un élu. On a
le sentiment qu’ils ont perdu leur
boussole…
Quels sont les symptômes
de cet « égarement » ?
D. R. : La droite LR n’est même
plus d’accord sur son programme
historique ! Le coup de grâce est
venu du vote de la motion de cen-
sure contre la réforme des re-
traites : 19 députés LR ont tout de
même voté contre leur propre pro-
gramme… La réforme des retraites
motivée par la recherche de l’équi-
libre budgétaire est un marqueur
de la droite LR. Or, non seulement
un tiers de ses députés ont voté
contre, en soutenant la motion de
censure, mais ils l’ont fait en vo-
tant avec les Insoumis et le RN…
Comment expliquer cette
sorte de suicide politique ?
D. R. : En réalité, tout cela a
commencé avec l’efondrement
du système politique en 2016,
sous l’efet de la poussée du FN
d’un côté et, de l’autre, de l’inca-
pacité des grands partis, à droite
comme à gauche, à organiser des
primaires salvatrices. On ne peut
reprocher à Emmanuel Macron
d’avoir tiré proit de cet efondre-
ment. Le problème, c’est que la
droite républicaine, au fond, n’a
jamais voulu prendre au sérieux le
risque de sa disparition. Elle a cru
au retour d’un monde familier, au
retour du clivage droite-gauche,
du traditionnel bipartisme. Elle
est restée convaincue du retour de
cette forme de « rente électorale »
qu’elle se partageait avec le PS.
Le mouvement LR semble
incapable d’obtenir
une discipline interne.
D. R. : Les 19 parlementaires ont
désobéi à un parti qui réclame de
l’autorité. Ils ont tenté de censurer
une réforme qui igurait dans le
programme de gouvernement de
leur parti, ils ont vainement voté
une motion de censure en mêlant
leurs voix à celles de LFI, du RN,
du PS et des écologistes, soit l’en-
semble de leurs adversaires… Cela
n’a aucun sens. Ces députés ont
sans doute eu le sentiment qu’ils
liquescence du système. Depuis,
beaucoup d’élus rêvent de réitérer
un tel coup. Pourtant, en réalité,
aujourd’hui, LR n’a pas d’avenir
en dehors du macronisme, sinon
le lepénisme. Ses élus ne sont plus
assez nombreux pour être indé-
pendants. Et d’autant moins qu’ils
sont aussi profondément divisés.
Peut-on comparer avec
la situation de la gauche ?
D. R. : On peut établir un paral-
lèle entre Les Républicains d’une
part, le Parti socialiste de l’autre.
L’une des raisons de l’efondre-
ment de l’un est l’efondrement
de l’autre. Il y avait une forme
de « cartellisation » de la vie poli-
tique au bénéice de ces deux
partis, qui avaient établi un sys-
tème très favorable pour eux en se
réservant la plus grande partie du
inancement public : ils vivaient
sur cette rente électorale et inan-
cière. Comme beaucoup de ren-
tiers, l’un et l’autre sont devenus
plus paresseux, insensibles aux
changements historiques et aux
évolutions de la société. La droite
n’a pas vu La Manif pour tous ni
tous les mouvements contre la
iscalité de l’État, comme celui des
« pigeons », portés par des petits
entrepreneurs. De même, le PS n’a
pas vu venir Nuit debout ou les
« bonnets rouges ».
Au fond, n’est-ce pas
le macronisme qui
a remplacé la droite ?
D. R. : Le macronisme repré-
sente, par certains côtés, une
droite patrimoniale, une France
qu’inquiètent les troubles publics,
une droite favorable à la réforme
des retraites. Cependant, Macron
n’est pas un « homme de droite ».
Il porte un libéralisme sociétal,
plus de commun politique, c’est
pour chacun un repli sur « le
monde à soi ». Certes, dans la vie
parlementaire, il y a eu dans le
passé des moments aussi agités,
voire plus violents, si l’on pense à
février 1934, mai 1968, etc. Mais à
ces moments, les personnes qui
manifestaient avaient en tête un
autre système à construire. Là, ce
n’est plus le cas. Cette violence me
semble l’annonce d’une époque
« La droite LR n’est
même plus d’accord
sur son programme
historique ! »
douloureuse, faute de majorité
possible désormais dans un pay-
sage extrêmement parcellisé.
Les réformes ne passeront qu’au
forceps, et elles ne seront pas
agréables, au regard de notre dette
et de notre déicit.
En juin 2022, nous avons cru ou
espéré que l’heure du parlemen-
tarisme était arrivée, avec une
Assemblée nationale sans majo-
rité absolue. On pouvait croire
venu le temps des coalitions et
des compromis. La vérité, c’est
que nous en sommes incapables.
Ni la droite LR ni la gauche PS
n’ont montré leurs capacités à bâ-
tir des compromis. Et les macro-
nistes n’ont pas été très habiles. Si
le sentiment d’un échec du par-
lementarisme devait s’installer
dans l’opinion, ce serait évidem-
ment favorable à une demande
d’autoritarisme et de pouvoir
personnel.
Recueilli par Isabelle de Gaulmyn

20
Une réforme privée de légitimité
démocratique
Gérard Bensussan
Philosophe (1)
C
omment comprendre
l’impasse politique
dans laquelle nous
nous trouvons au-
jourd’hui ? Je vois
l’une des causes de cet enraye-
ment dans les peurs qui se sont
exprimées dans la séquence
parlementaire que nous venons
de vivre. Les uns craignirent
que le fonctionnement normal
des institutions démocratiques
n’aboutisse au vote d’une réforme
qui aurait mis in à sa contes-
tation populaire. Les autres,
jugeant au contraire la réforme
nécessaire et urgente, redou-
taient son rejet à l’Assemblée par
des oppositions momentanément
coalisées. Ces deux peurs succes-
sives ont donné lieu à de stériles
et paralysants calculs tactiques.
Lorsque s’achève la première
lecture à l’Assemblée nationale
du projet de loi de « inancement
rectiicative de la Sécurité sociale
Mineurs isolés, un désastre humanitaire
C
haque nuit, des centaines
d’adolescents de 14
à 18 ans, en majorité
issus d’Afrique subsaharienne,
dorment dans les rues de la capi-
tale française dans une extrême
précarité, sans visibilité et sans
réaction humaine ni politique
des pouvoirs publics. Pourtant,
dès leur arrivée, ils se sont
manifestés auprès des services
du département ain de faire
reconnaître leur minorité,
espérant une prise en charge par
l’Aide sociale à l’enfance (ASE).
Lors d’une évaluation sommaire,
stéréotypée, suspicieuse et à
charge, plus de 80 % sont refusés
et donc remis à la rue, même
en plein hiver, à Paris, à Bobigny
ou à Créteil. Donc les départe-
ments connaissent très bien ces
jeunes, leur nombre, leur situa-
tion, leurs traumatismes : traver-
sée du désert, de la Méditerranée,
violences intrafamiliales et sé-
vices durant le voyage, mort de
leurs proches, leur détresse phy-
sique, psychique, sociale, leurs
maux du corps et de l’esprit, leurs
espoirs de vie meilleure ; malgré
les prises de parole charitables
de tel ou tel élu, ces jeunes exilés
À VIF/l’espace du débat
pour 2023 », l’article 7, qui ixe le
report de l’âge légal de départ à la
retraite à 64 ans et condense par
conséquent l’esprit de la réforme,
n’a pas encore été abordé, en rai-
son du dépôt de milliers d’amen-
dements par la Nupes. Cette
tactique parlementaire voulait
empêcher que le projet de loi soit
adopté. La peur de l’expression
démocratique de la représenta-
tion nationale a motivé le blocage
par la « maîtrise du temps », le
pari engagé sur la « rue », et ceci
contre le « peuple » représenté par
l’ensemble de ses élus.
À l’autre bout du processus
d’examen du projet de loi, après
le passage par le Sénat et l’adop-
tion par la commission mixte
paritaire, le président de la
République, de crainte de ne pas
pouvoir réunir une majorité
de votes favorable au texte, déci-
dait de recourir à l’article 49.3
de la Constitution.
Agathe Nadimi
Fondatrice et présidente
de l’association Midis du MIE
(Mineurs isolés étrangers)
restent indésirables et doivent de-
meurer invisibles car « ni mineur
ni majeur », rien en somme !
Les acteurs se renvoyant la
balle des responsabilités pour
ne pas agir, que ce soit le départe-
ment, la ville, la préfecture, l’État.
Rien n’est donc fait pour les loger
et respecter leur dignité.
Ils n’ont ainsi, dans la pratique,
pas accès à leurs droits et sont
confrontés à une véritable loterie,
dépendant des politiques difé-
renciées de chaque département,
de l’implication et de la compé-
tence de leur avocat, de l’idéolo-
gie et de l’humeur d’un juge,
de l’aléa d’une rencontre avec un
aidant. Nous constatons chaque
semaine que deux dossiers iden-
La Croix -lundi 27 mars 2023
Là encore, la peur de l’expres-
sion démocratique de la repré-
sentation nationale a coupé court
à la possibilité que soit engagé
un véritable vote sur le texte, per-
mettant de se compter, et ensuite
pour les minoritaires de se plier
à une décision reconnue dans sa
légitimité démocratique (rêvons
un peu !). Il s’agit dans les deux
cas d’entraver le législateur, de
détourner en toute légalité cer-
taines dispositions constitution-
nelles pour inhiber l’expression
de la volonté générale dans la loi.
Entre la peur de la démocra-
tie représentative comme telle et
la crainte du résultat incertain
d’un vote, je n’établis pas ici de
symétrie trop simple. Les res-
ponsabilités de dirigeants poli-
tiques dont la rhétorique est de-
venue folle sont plus lourdes de
périls, à l’horizon de 2027, que la
fausse habileté du président de la
République qui la nourrit.
La double peur qui s’est mani-
festée dans cette dernière sé-
quence parlementaire, politique
et sociale témoigne d’une vieille
aporie mise à nu dans la moder-
nité démocratique par sa phi-
losophie : comment le principe
tiques quant au proil du jeune et
aux preuves apportées vont avoir
des résultats opposés, l’un étant
mis en protection, l’autre laissé
aux périls de la rue, avec un ave-
nir de « sans-papiers » en France.
Où est le principe d’égalité
devant la loi ?
Le nombre des jeunes suivis
par les bénévoles de l’association
des Midis du MIE et placés par
un juge démontre par ailleurs la
mauvaise qualité des évaluations,
ou plutôt une volonté politique
manifeste de ne pas les prendre
en charge, démarche à courte vue,
car l’immense majorité de ces
jeunes sont vraiment mineurs (les
preuves sont apportées) et l’Aide
sociale à l’enfance doit ensuite in-
tégrer des jeunes qui ont attendu
des mois dans la galère, sans soins
médicaux, sans soutien psycholo-
gique, sans scolarité. Et que res-
tera-t-il dans leur tête de ce non-
accueil et de la rudesse de leurs
premiers mois dans le pays des
droits de l’homme ? Quelle image
la France et l’Europe renvoient
aux pays africains qui comparent
la situation de leurs ressortissants
avec l’hospitalité que nous avons,
avec honneur et eicacité, accor-
Comment
le principe d’une
volonté générale,
somme des volontés
particulières, peut-
il assurer la luidité
d’un mouvement
qui va des individus
au souverain puis,
dans la forme
des lois, du souverain
aux individus ?
d’une volonté générale, somme
des volontés particulières, peut-
il assurer la luidité d’un mou-
vement qui va des individus au
souverain puis, dans la forme des
lois, du souverain aux individus ?
Cette requête de luidité se trouve
constamment déchirée entre le
principe de souveraineté et le
principe de représentation.
Ces deux « logiques » ne cessent
de se heurter. La souveraineté
Que restera-t-il
dans leur tête de ce
non-accueil et de
la rudesse de leurs
premiers mois dans
le pays des droits
de l’homme ?
dée aux réfugiés Ukrainiens ?
Voici quelques pistes de solu-
tions, rationnelles et conformes
aux lois de protection des enfants
et aux valeurs de notre pays dé-
mocratique :
– Une évolution réelle (et non
symbolique comme à Paris)
et une homogénéisation des
pratiques d’évaluation avec plus
de placements qu’aujourd’hui,
dès les premiers entretiens ;
– Un hébergement systéma-
tique, même sommaire, dès la in
de l’évaluation, le temps que
le jeune puisse faire venir ses pa-
piers d’identité en France
et rencontrer un juge ;
– Une scolarisation incondi-
tionnelle (a minima des cours
« est la même », disait Rousseau,
que la volonté générale et n’a
donc pas à être représentée.
Elle produit de soi l’identité
substantielle et réelle du souve-
rain. La représentation repose en
revanche sur l’invention d’une
diférence entre état de nature et
état civil et ne voit le corps souve-
rain que comme une iction sans
substance, qui n’empêche nulle-
ment son eicacité opérative, au
contraire.
La représentation sans la mani-
festation d’une volonté n’existe
pas. La volonté sans sa repré-
sentation, la volonté qui serait
« la même » que la souveraineté,
comment pourra-t-elle produire
une décision légitime ? Les deux
peurs trouvent leur origine dans
ce vieux conlit démocratique
de la souveraineté et de la repré-
sentation – où l’on voit que la
crise est certainement consubs-
tantielle à la démocratie, ce qui
n’empêche guère ses formes exa-
cerbées de la mettre en péril.
C’est peut-être le cas aujourd’hui.
(1) Il publie en mai aux PUF
un nouvel ouvrage, La Transaction.
Penser autrement la démocratie.
de français obligatoires), car le
premier désir exprimé par ces
adolescents courageux et rési-
lients est d’aller à l’école, de créer
des liens et de l’attachement
à leur nouveau pays d’accueil ;
– Des moyens matériels
et humains pour les aider dans
leurs démarches ;
– Une diminution des délais
pour obtenir une audience au
tribunal, notamment à Paris, avec
la ixation d’un délai maximal
opposable de deux ou trois mois.
La suppression déinitive de la
pratique des tests osseux, décriée
par la communauté scientiique
et interprétable diversement
selon l’hôpital et le juge.
Enin, une note d’espoir, une
fois placés à l’ASE, ces jeunes sont
scolarisés, apprennent un métier,
font des apprentissages dans des
métiers en tension. Les patrons
les apprécient, car ils constatent
qu’ils sont pour la plupart tra-
vailleurs, respectueux, honnêtes,
iables, engagés. Demain, ils
contribueront à notre économie
dans l’artisanat, le bâtiment,
le soin aux enfants et aux per-
sonnes âgées, et aux paiements
de nos retraites !

La France
vue
d’Égypte
par Ayyam Sureau
Philosophe
A L
près avoir pris l’air
la semaine dernière
dans la presse amé-
ricaine, je conti-
nue mon entreprise
d’auto-oxygénation auprès des
Égyptiens. J’ai rencontré tout
récemment un groupe d’an-
ciens activistes de la révolution
de Tahrir qui avait provoqué la
chute du régime de Moubarak
en 2011 et l’instauration, un an
plus tard, d’un régime militaire
encore plus répressif. La manière
dont ils considéraient, de loin,
les manifestations en France et
la querelle des légitimités qui en a
dérivé m’a paru digne d’être rap-
portée.
Vétérans désabusés d’un
combat perdu, ils témoignaient
d’une réelle connaissance des
événements qui se déroulaient
en France. Ils avaient tout suivi,
sans conviction aucune, un peu
comme on regarde les épisodes
d’une série médiocre sur Netlix
en attendant le sommeil : les
manifestations contre la réforme
des retraites, le vote au Sénat,
le recours au 49.3, les motions
de censure, jusqu’à l’interview
du président. J’ai été impres-
sionnée par leur curiosité mais
davantage encore par la froideur
avec laquelle ils contemplaient
les sujets qui, chez nous, sus-
citent les plus vives polémiques.
L’entassement des ordures les
fait sourire, la violence tant com-
mentée des forces de l’ordre pro-
voque à peine un haussement
d’épaules, le scandale des inter-
pellations dites « préventives »
ne les choque pas vraiment, les
mots jugés « incendiaires » du
président ne les ont pas surpris.
Je pensais me trouver exposée
à l’habituelle rengaine sur le pays
des droits de l’homme et de la li-
berté où j’avais la chance d’habi-
ter. Mais non. Il ne s’agissait plus
cette fois de me rappeler que,
dans un pays comme l’Égypte il y
aurait eu des dizaines de morts,
que la seule existence d’un ar-
ticle comme le 49.3 engageant la
responsabilité du gouvernement,
à moins qu’une majorité ne se
constituât pour le contrer, était
un prodige de démocratie et que
nos criailleries contre la tyrannie
du pouvoir n’étaient que des ca-
prices d’enfants gâtés. Ce n’était
plus du tout ce qu’ils me disaient.
Il m’a semblé en écoutant
leurs commentaires que c’était
le processus politique tout entier
À VIF/l’espace du débat
qui avait cessé de les intéresser.
Pire, ils avaient cessé de croire à
la possibilité d’une action poli-
tique, et cette désillusion ne
tenait pas au régime particulier
sous lequel eux-mêmes vivaient
et dont ils avaient pâti mais à la
nature du pouvoir quel que soit
le régime, démocratique ou non,
et quel que soit le pays. Ainsi
la distinction entre « la foule »
et « le peuple », soulignée par
Emmanuel Macron les choquait
bien moins qu’en France.
L’idée même d’un contrat social
qui fonderait non seulement les lois,
les procédures démocratiques mais
aussi le comportement civique de
chacun, tout cela semblait désormais
absurde et désuet à leurs yeux.
La théorie politique classique à
laquelle se référait le président et
selon laquelle l’autorité du gou-
vernement dérive de la souve-
raineté du peuple mais s’exerce
principalement à travers ses
représentants élus ; l’idée même
d’un contrat social donc qui fon-
derait non seulement les lois, les
procédures démocratiques mais
aussi le comportement civique
de chacun, tout cela semblait
désormais absurde et désuet à
leurs yeux.
Mes amis du Caire ne votent
plus et ne lisent pas les journaux,
ce qui ne signiie pas, comme je
l’ai cru, qu’ils ne s’intéressent
plus à la politique. Chacun
d’entre eux s’exprime sur Twitter
et s’informe sur les réseaux so-
ciaux où il commente avec pas-
sion et en temps réel les événe-
ments. Pour eux, le pouvoir n’est
jamais légitime, et ses opposants
ne le seraient plus s’ils s’orga-
nisaient pour le contester légi-
timement, c’est-à-dire à travers
les institutions dont l’imposture
leur paraît avérée. Le Times avait
à l’époque résumé le danger de
cette aporie sur une couverture
consacrée à la place Tahrir. On
y voyait la foule compacte des
manifestants égyptiens étalée
sur toute la surface de la revue,
un trait séparant l’image en
deux. D’un côté du trait on lisait,
« les meilleurs manifestants du
monde » et de l’autre « les pires dé-
mocrates du monde ». Cette cou-
verture était un avertissement.
La Croix -lundi 27 mars 2023
L’argent,
ce dieu
qui apaise
par Jean de Saint-Cheron
Essayiste
les
’« intérêt supérieur
chroniques de la nation » appe-
lait une petite mise
au point. Mercredi
22 mars, donc, à
l’heure où pouvaient l’écouter
ceux qui n’étaient ni au bureau,
ni à l’usine, ni dans les champs,
ni à l’oice de Sexte, ni en train
de refaire leurs forces en avalant
un jambon-beurre ou une soupe
tonkinoise, le président de la
République s’est adressé aux
Français. Assumant une mesure
qui ne lui « fait pas plaisir »,
mais qui est « une nécessité pour
le pays », il s’est dit prêt à « en-
dosser l’impopularité » consécu-
tive à l’adoption de la loi portant
réforme des retraites. Airmant
préférer « l’intérêt général » aux
« sondages et au court terme », il
a également admis l’échec des
tentatives gouvernementales
de faire de la pédagogie auprès
du peuple – de ce côté-là, on
peut airmer sans trop se trom-
per que c’est la sixième année
consécutive que le macronisme
s’échine à établir une méthode
didactique ne serait-ce qu’au-
dible (c’est à se demander s’il en
cherche vraiment une).
Au cours de l’échange avec
les deux journalistes, le pré-
sident a reconnu que beaucoup
de Français soufraient d’un
« besoin de justice » non assouvi,
et exprimaient une « colère légi-
time ». Il s’est alors empressé
d’évoquer une autre perspec-
Dans les débats qui nous animent,
l’argent est brandi comme
le seul remède que l’homme
puisse attendre, comme la seule
consolation valable, ou même
imaginable.
tive législative. Un projet qui
fasse voir qu’il lui reste un mor-
ceau de ventricule gauche sous
la poitrine. Évoquant l’énorme
urgence qu’il y a d’œuvrer à un
meilleur partage de la valeur,
c’est-à-dire à une répartition
plus juste de la richesse créée
dans les entreprises, il s’en est
alors pris au « cynisme » de ces
entreprises réalisant des pro-
its tellement colossaux qu’elles
se servent de l’argent qu’elles
ont dégagé pour racheter leurs
propres actions. Emmanuel
21
Macron promet la mise en place
d’un système de « contribution
exceptionnelle » pour que dans
des cas pareils les salariés pro-
itent de la valeur ajoutée plu-
tôt que les actionnaires. Il s’en
prend donc à la logique du capi-
talisme, en ixant une très mo-
deste limite à l’enrichissement
des riches. Qu’il ait annoncé cela
pour essayer, en vain, de calmer
ceux qui lui reprochent d’être
un pur acteur du système ou par
souci de la justice – ce qui est
envisageable – importe inale-
ment peu.
Ce que l’époque dans laquelle
nous vivons conirme une nou-
velle fois, c’est ce que Péguy
relevait en 1907, pleurant sur
la disparition d’un monde où
la gloire qui ne rouille pas, la
gratuité, le panache, existaient
encore parce que la dimen-
sion spirituelle de l’homme y
était encore considérée comme
quelque chose : aujourd’hui,
puisque l’on ne croit plus réel-
lement à la puissance spiri-
tuelle ni à la grandeur de l’âme
humaine, « contrairement à ce
qu’espéraient peut-être les démo-
lisseurs de l’ancien monde (…)
et les introducteurs du monde
moderne, tout est allé aux seules
puissances de force qui fussent
demeurées, aux puissances
d’argent ».
Dans les débats qui nous ani-
ment, l’argent est brandi comme
le seul remède que l’homme
puisse attendre, comme la seule
consolation valable, ou même
imaginable. Et un président
de la République pense sincè-
rement apaiser un sentiment
d’injustice en promettant de
prendre un peu de leur super-
lu aux très très riches. L’argent
est devenu la seule chose que
l’on puisse espérer. Un dieu qui
apaise, qui guérit, qui soigne,
qui réconforte, qui console, qui
justiie. Dont on n’a jamais as-
sez, ni jamais trop. Comme le
vrai Dieu. « Le capitalisme s’est
développé en Occident en para-
site du christianisme », notait
Walter Benjamin dans
Le Capitalisme comme religion.
Mais « le capitalisme est une reli-
gion du culte pur, sans dogme ».
Que l’on soit riche, pauvre, que
l’on en ait beaucoup ou que l’on
en manque à crever, l’argent est
la seule valeur commune. Nous
ne parvenons quasiment plus à
raisonner autrement.
 La Croix - lundi 27 mars 2023

22 NaîtreetRenaître

Devenir parent,
Jour 1/10

Donner
une transformation
naissance
en 2023
aux bébés (Langage, 2022). Le pro- La naissance d’un enfant bous- rents. « Depuis les années 1970, on

C
es jours-ci, le printemps
éclôt entre deux gibou-
lées. Partout, les fleurs
pointent le bout de leur nez et
les branches bourgeonnent.
Comme chaque année, la vie
reprend obstinément ses droits
après l’hiver. Pour les chré-
tiens, cette période de l’année
est aussi celle d’une fête. Ils
attendent Pâques et la résur-
rection du Christ.
Aussi, en cette période de
tIl ne suit pas de donner
la vie pour devenir parent.
Il faut aussi désirer créer
un lien avec son enfant.
Et même lorsque
ce lien existe, il évolue
au fil du temps.
tParfois aussi, le parent
n’est pas en mesure d’exercer
sa parentalité. Il a alors
besoin d’être accompagné
pour vivre pleinement
son rôle d’éducateur.
cessus est toutefois différent pour
les deux parents et plus ou moins
long selon chacun.
« La femme passe de fille à mère
et change de statut dans la filia-
tion, ce qui nécessite un réaména-
gement psychologique, souligne-t-
elle. En recevant le bébé dans ses
bras, avec sa dépendance, elle va
comprendre que c’est d’abord à elle
qu’il s’adresse et qu’il en sera ainsi
pendant longtemps, ce qui peut la
paniquer. » D’où le fameux « baby
cule donc les repères et fait ad-
venir un adulte nouveau qu’il
faut apprivoiser. Claire, maman
d’une petite fille de 10 mois a eu
l’impression de devoir tout réap-
prendre en rentrant de la mater-
nité. « Tout était nouveau pour mon
bébé, mais aussi pour moi, raconte
cette trentenaire parisienne. Je
me sentais une nouvelle personne,
avec la conscience que plus jamais
rien ne serait comme avant et que
tout devenait une première fois :
parle de parentalité, à la fois en
termes de droits et de devoirs mais
aussi d’expérience personnelle sur
la manière d’être parent et d’accom-
pagner son enfant. C’est un énorme
changement, rappelle-t-elle. Dé-
sormais, il ne suffit plus de se sentir
parent, il faut aussi répondre aux
attentes de la société et faire évoluer
sa parentalité car on n’est pas le
même parent avec un bébé qu’avec
un adolescent. »

recommencements, La Croix
a décidé d’explorer, pendant
deux semaines, le thème de la
naissance et de la renaissance.
Chaque jour, à compter de ce
lundi, nous nous interroge-
rons, sur nos vies personnelles
et collectives : qu’est-ce qui se
joue dans la naissance ? Savons-
nous voir nos petites renais-
sances ? Nous suivrons aussi
l’aventure des médecins trans-
planteurs qui font repartir les
corps, celle des scientifiques
qui réparent les paysages après
les feux de forêts, ou des ar-
tistes face à leur œuvre.
Mais bien sûr, il fallait com-
mencer par la naissance hu-
maine. Cette vie fragile est
aussi porteuse de force. Elle va
jusqu’à réordonner le monde
autour d’elle : les parents
changent, s’adaptent, se dé-
couvrent des capacités qu’ils
ignoraient.
L’enfant s’insère aussi dans la
marche du monde, grandit et se
raccroche à la vie, jusque dans
le fracas de la guerre. « Même si
aujourd’hui les jeunes se disent
pessimistes pour l’avenir, avec
le changement climatique et
la guerre en Ukraine, ils conti-
nuent à procréer », constate
ainsi la psychanalyste Myriam
Szejer. Grâce à notre correspon-
dant à Kiev, nous lirons ainsi
l’histoire de Maksym et Denys,
nés prématurés, quelques se-
maines avant le début de l’inva-
sion russe. Ils se battent pour
survivre sous les bombes, por-
teurs d’un immense espoir.
Emmanuelle Lucas
X sur la-croix.com
t Notre dossier
Naître et renaître
J
« e suis devenue mère
lorsqu’on m’a posé
ma fille sur mon
ventre, juste après
l’accouchement, ra-
conte Élise, la quarantaine. Pen-
dant la grossesse, j’avais conscience
de porter un enfant, je lui parlais,
je faisais attention à pas mal de
choses, mais je ne me sentais pas
encore maman. Je dirais même
qu’avant, je ne m’imaginais pas du
tout mère. »
En donnant naissance à sa fille,
Élise est née parent. Un engendre-
ment qui n’est pas si évident, se-
lon le sociologue Gérard Neyrand,
auteur de L’Évolution des savoirs
sur la parentalité (Fabert, 2017).
« Il ne suffit pas d’avoir un enfant
pour devenir parent. Il faut à la
fois l’acceptation de son statut et la
création d’un lien entre le parent et
l’enfant pendant un processus que
les psychanalystes ont appelé la pa-
rentalisation, explique-t-il. Dans la
plupart des cas, ce lien se construit
avant même la naissance puisque,
aujourd’hui, les enfants sont géné-
ralement désirés. »
Pour Félix, père de trois  en-
fants, si un lien s’est noué pen-
dant la grossesse, il ne s’est senti
devenir père que lorsqu’il a « pris
conscience et ressenti les attentes
du bébé et les responsabilités » qui
lui incombaient, confie-t-il. La
transformation n’a pas eu lieu à la
naissance, une période où selon lui
« l’enfant n’attend pas encore l’aide
d’un père », mais plus tard, « au
moment des premières questions et
des premiers échanges ».
L’arrivée d’un enfant est un
« tsunami », dit la psychanalyste
Myriam Szejer, et il faut parfois du
temps pour naître parent. « C’est
un bouleversement physique et
psychique, conscient et inconscient,
qui surprend souvent par sa vio-
lence », analyse cette spécialiste de
la naissance, autrice de La Parole
blues » trois jours après l’accouche- quand je sortais dans la rue avec Le parent doit
ment, où la mère se sent déprimée
et déstabilisée face à un bébé qui
commence à exprimer un besoin.
Ce bouleversement touche aussi
ma fille, quand je l’emmenais au
parc, à un déjeuner en famille, au
restaurant… » Étonnée par la nou-
veauté, Claire en profite pour réex-
se réinventer tout
au long de sa vie
les pères, parfois jusqu’à les désta- plorer son quartier et décide, par pour accompagner
biliser. « Comme ils n’ont pas porté exemple, d’aller donner le sein à sa le développement
l’enfant dans leur corps, c’est cu- fille à différents endroits du parc
rieusement à travers ce corps qu’ils pour investir sa nouvelle vie de de son enfant,
vont s’exprimer. Angine, chutes… maman. de la même façon
ils peuvent aller jusqu’à prendre Au-delà du processus psycho-
des risques, multiplier les excès logique, la naissance du parent qu’il devient aussi
avec leurs copains, ou même, dans passe aussi par la reconnaissance « un nouveau
les cas les plus extrêmes, prendre de la société. La déclaration de
une maîtresse », observe Myriam naissance, ou la procédure d’adop- parent » à chaque
Szejer. tion, joue ce rôle. « Ce qui est im- naissance.
portant pour être parent, c’est le dé-
« Je me sentais sir de créer un lien avec son enfant
et que la société reconnaisse la légi-
une nouvelle timité de ce désir », souligne Gérard Élise, mère d’une ado de 15 ans,
personne, Neyrand. confirme : « Lorsque les enfants
Être « psychiquement » et « offi- grandissent, la relation change.
avec la conscience ciellement » parent ne suit pour- Aujourd’hui, ma fille est devenue
que plus jamais rien tant pas toujours pour vivre plei- distante et agressive et ce n’est pas
nement son rôle d’éducateur. toujours facile à gérer », avoue-t-
ne serait comme « Autrefois, on demandait juste elle. Ainsi, le parent doit-il se réin-
avant et que aux familles de maintenir en vie un venter tout au long de sa vie pour
maximum d’enfants, aujourd’hui, accompagner le développement
tout devenait on en attend beaucoup plus », ob- de son enfant, de la même façon
une première fois. » serve Nadège Larcher, psychologue qu’il devient aussi « un nouveau
et cofondatrice de L’Atelier des pa- parent » à chaque naissance.
« J’ai eu l’impression de renaître
à chaque fois, se souvient Félix. Les
naissances fabuleuses émotions étaient toujours aussi in-
tenses, mais c’était différent pour
chaque enfant. » Si le ressenti n’est
Adam et Ève pas toujours le même, c’est parce
que l’adulte évolue, lui aussi. En
outre, « chaque naissance, avec sa
Selon la tradition biblique, Adam et Ève sont les premiers êtres place dans la fratrie, réveille l’his-
humains créés par Dieu. Le livre de la Genèse raconte comment toire personnelle du parent », sou-
Dieu a d’abord façonné Adam, à partir de la poussière de la terre ligne la psychanalyste Myriam
(Genèse 2, 7). Il a soufflé en lui un souffle de vie, et l’homme est de- Szejer qui s’émerveille toujours
venu une âme vivante. Dieu a ensuite créé Ève, la femme, à partir devant le désir de donner la vie.
d’une côte d’Adam (Genèse 2, 22). L’un et l’autre ne sont donc pas « Même si aujourd’hui les jeunes
nés d’une femme. D’où la question dont se sont saisis des théolo- se disent pessimistes pour l’avenir,
giens : Adam et Ève avaient-ils un nombril ? Après avoir débattu de avec le changement climatique et la
la question, l’Église tranche au XVIIIe siècle et finit par se ranger guerre en Ukraine, ils continuent à
du côté de l’omphalisme qui défend l’idée selon laquelle Dieu a procréer… »
créé l’homme à l’image de ses descendants, donc avec un nombril. Paula Pinto Gomes
Cette cicatrice corporelle est le signe d’une séparation sans
laquelle il n’y a pas de liberté possible pour le sujet humain. Demain
Et aussi le rappel que nous ne sommes pas notre origine. Une vie avant la naissance

En Ukraine, naître dans un pays en guerre
tDiicultés d’accès
aux soins, pannes
d’électricité à répétition,
insécurité permanente…
Comment donner la vie
dans un pays en guerre ?
tLes parents ukrainiens
font preuve d’une
impressionnante capacité
d’adaptation pour continuer
à vivre, malgré tout.
Kiev (Ukraine)
De notre envoyé spécial
«Q uand on connaît la si-
tuation, c’est vraiment
impressionnant de voir
comment les gens peuvent s’adap-
ter, chercher et trouver des solutions
pour continuer à avancer, continuer
à vivre. » L’étonnement est sincère
NaîtreetRenaître
dans la voix d’Anastasia Kolomoït-
seva. Du détachement presque,
comme si cette mère de famille de
33 ans n’était pas elle-même l’un
des plus éclatants exemples de
cette faculté d’adaptation.
Ses deux enfants, Maksym et
Denys, sont nés prématurés, à
Kiev, quelques semaines avant le
début de l’invasion russe. La gros-
sesse a été compliquée. Maksym
souffre de paralysie cérébrale
et le stress de la naissance vient
très vite se combiner à celui de la
guerre. Anastasia Kolomoïtseva,
une mathématicienne enjouée ori-
ginaire de Donetsk, aux longs che-
veux blonds et aux yeux gris clair,
quitte l’hôpital le premier jour de
la guerre. Alors que la panique
des premières heures empêche
une partie du personnel médical
La Croix - lundi
lundi 27 mars
27 mars 20232023
Diicile, impossible
presque, de penser
à l’avenir pour ce
couple qui avait déjà
fui Donetsk en 2014,
quand la guerre
du Donbass a éclaté.
de se rendre jusqu’à l’hôpital, les
deux parents trouvent refuge dans
le confort rassurant de leur appar-
tement dans la capitale.
Le mois de mars  2022 est le
plus dur. L’armée russe resserre
son étau sur Kiev. Impossible de
voir un docteur. « Tout se faisait
en ligne, et on ne peut pas faire un
examen complet en ligne », explique
la jeune femme. Impossible aussi
de mettre la main sur des médica-
ments contre les convulsions néo-
natales : les pharmacies spéciali-
sées sont fermées ou désormais
trop loin, dans cette ville cadenas-
sée de centaines de barrages et de
check-points, où des déplacements
de quelques minutes peuvent sou-
dain prendre des heures.
L’impact de la guerre apparaît
de différentes manières. Elle re-
tarde le début de la rééducation
pour Maksym, qui ne commence
qu’au mois d’août 2022, alors que
le couple peine à trouver le lieu
approprié. Il faudra aussi gérer
à partir de l’automne les pannes
d’électricité causées par les frappes
russes sur les centrales du pays.
« Tant que ça ne durait que quatre
23
Sarah Bouillaud pour La Croix
ou cinq heures ça allait, sourit
Anastasia Kolomoïtseva. Le seul
truc, c’est que c’est difficile de te-
nir un bébé et une lampe torche en
même temps. »
Diicile, impossible presque, de
penser à l’avenir pour ce couple
qui avait déjà fui Donetsk en 2014,
quand la guerre du Donbass a
éclaté. Pour tenir, la mère de fa-
mille n’a pas de recette miracle :
l’aide d’un psychologue, le sport,
de l’activité régulière. « D’un côté,
cette année est passée rapidement,
réléchit-elle. Mais en même temps,
on a un peu l’impression d’avoir
déjà vécu plusieurs vies. » En ce dé-
but de printemps, le second sous
les bombes russes en Ukraine, ses
deux garçons se portent aussi bien
que possible.
Fabrice Deprez

24
D
ans le cadre d’un nou-
veau festival destiné
à célébrer la langue
française (1), j’ai as-
sisté il y a une dizaine
de jours, dans le parc du château
de Villers-Cotterêts, à une table
ronde pour laquelle nombreux
étaient ceux qui, comme moi,
avaient bravé une pluie battante
pour entendre des orfèvres du
genre nous dire quelque chose de
cette langue qui est la nôtre.
Les échanges furent savants,
et je n’aurais jamais osé, quand
la parole fut à la salle, poser
la moindre question. Mais
quelqu’un de plus hardi en posa
une à laquelle, depuis, je m’em-
ploie à répondre mentalement.
Cette personne a demandé aux
orateurs s’il était, dans le français
réputé riche, des mots qui leur
semblaient manquer.
Le premier qui me vint à l’es-
prit est le contraire du qualiica-
tif « profond ». Certes, on pense
tout de suite à « supericiel », mais
ce n’est pas le contraire de cette
profondeur-là qui me fait défaut,
c’est l’adjectif qui décrira une
rivière peu profonde. Sur un site
Tirons
«
notre courage
de notre
désespoir
»
même.
Sénèque
Une mère et ses deux jeunes
enfants devant leur maison
détruite, samedi 25 mars
à Amory, dans le Mississipi,
après le passage d’une tornade
qui a dévasté l’État du sud
des États-Unis et causé la mort
d’au moins 25 personnes.
Thomas Wells/AP
LA
LaDERNIÈRE PAGE
dernière page
Les mots qui manquent
La chronique de Geneviève Jurgensen
distrayant, j’ai trouvé des listes de
mots ou d’expressions qui existent
dans d’autres langues mais n’ont
pas leur équivalent dans la nôtre.
Par exemple, il paraît que, dans le
portugais parlé au Brésil, le terme
« cafuné » désigne aussi bien la
préparation du café pour un invité
que la tendre caresse d’une che-
velure. La formule est charmante,
et le geste en mériterait une spé-
ciique en français aussi, mais un
équivalent de « cafuné » m’a-t-il ja-
mais manqué ? L’inverse de « pro-
fond », en revanche… Imaginons
que pour dire d’une route qu’elle
est courte nous soyons réduits à
en dire qu’elle n’est pas longue,
d’un passage étroit qu’il n’est
pas large, d’un paquet léger qu’il
n’est pas lourd, d’une pièce claire
qu’elle n’est pas sombre…
Pris de court, aucun des inter-
venants ne put citer d’exemple
de défaillance de la langue. Pour-
tant je suis sûre que ces spécia-
listes, s’ils avaient eu le temps de
s’interroger, de s’observer par-
lant ou écrivant, de se remémo-
rer certains instants de leur vie,
auraient trouvé au français dont
ils connaissent et cultivent la ri-
La Croix -lundi 27 mars 2023
Les mots manquants
ne nous manquent
pas à tous.
chesse, des lacunes plus lagrantes
que celle, bénigne, qui m’est ve-
nue spontanément à l’esprit.
En rentrant chez moi, je pen-
sais à une de mes amies qui venait
de célébrer le mariage de son ils
aîné avec une jeune Chinoise. Elle
avait découvert qu’en mandarin,
chaque membre de la famille était
désigné par un vocable précis, qui
distinguait la grand-mère mater-
nelle de la grand-mère paternelle,
le beau-frère, mari de la sœur, du
beau-frère, frère du mari (vous
me suivez ?), et pareil pour tous
les liens de parenté. Ça m’avait
épatée, moi qui en étais restée
à déplorer que la belle-mère ou
le beau-père désigne, selon les
cas, le nouveau conjoint d’un
des parents ou les parents de son
conjoint… Autant dire un même
terme pour des personnes avec
lesquelles les liens de parenté
n’ont rien de comparable.
l’image
Les mots manquants ne nous
manquent pas à tous. Contrai-
rement à d’autres, je m’accom-
modais très bien de certaines
lacunes – ou mystères ? – récem-
ment comblées, comme celle
qui faisait de la pharmacienne
la femme du pharmacien tandis
que l’avocate était bien avocate,
quel que soit le métier de son
mari. Plus globalement, la fémi-
nisation des titres et fonctions
me semble un appauvrissement
de la langue. Une de mes amies
vient d’être élevée au grade de
commandeur de la Légion d’hon-
neur, et le ministre qui lui remet-
tait les insignes (« la » ministre, en
fait, mais je boude) a insisté sur
« commandeuse ». Quelle lour-
deur… Oublions ces futilités. Ce
que je voulais dire, c’est que par-
fois, la vie nous amène à ressentir
une communauté d’aspirations
lexicales, quand elle nous place
devant des vides du vocabulaire,
des vides cruels qui nous res-
treignent dans la description de
sentiments essentiels que, faute
de formulation dédiée, nous
sommes condamnés à exprimer
dans le lou.
Cette carence de la langue, tous
ceux qui ont perdu un enfant
l’ont éprouvée. Je l’ai entendu,
je l’ai lu, je l’ai ressenti : celui qui
perd ses parents se sait orphe-
lin, celui qui perd son conjoint
se sait veuf, mais l’orphelinat,
le veuvage de son propre enfant
n’a pas d’identité. On pourrait se
croire dans l’indicible, si la perte
d’un frère ou d’une sœur n’aspi-
rait aussi à être nommée, comme
il en va de tous les grands deuils,
y compris celui d’amis très chers.
Est-ce justement pour nous
contraindre à les déinir longue-
ment, avec soin, que ces deuils
majeurs échappent au diction-
naire, nous obligeant à plonger
au fond de nous-mêmes pour y
trouver une à une les pierres qui
reléteront ces chagrins singu-
liers ? La réponse nous attend évi-
demment dans les profondeurs.
Inutile de chercher en surface, on
sait bien qu’en certaines circons-
tances, le contraire de profond, ça
n’existe pas.
« Paroles », festival de la langue française
du Valois au Compiégnois.
www.festival-paroles.fr