jeudi 19 octobre 2023 — Quotidien n° 42748 —2,70 €

Monde Religion Livres&idées

Au Caire, l’ONG Asmae Le grand marché Katherine Mansfield,
dans les pas de sœur des parcours la fulgurance
Emmanuelle P. 4-5 de catéchisme P. 16-17 d’une vie P. 21 à 26
éditorial

Gaza Anne-Bénédicte Hoffner

L’onde de choc
Clarification
Le Parti socialiste a voté
mardi un «moratoire»
sur sa participation à la Nupes
P. 13

A
près moins de deux ans
d’existence, la Nupes n’est
plus. En votant, mardi dans
la soirée, un « moratoire » sur sa
Près de participation à la Nouvelle Union
populaire écologique et sociale,
500 personnes le conseil national du Parti socia-
liste (PS) a précipité sa fin. Les
ont péri dans enjeux internationaux – l’avenir de
l’Union européenne, la guerre en
le bombardement Ukraine et désormais entre Israël
et Gaza – ont eu raison de cette
d’un hôpital à alliance de circonstance plus que
programmatique.
Gaza, déclenchant Le bilan est loin d’être nul. Cette
énième tentative d’union de la
une indignation gauche a permis à ses différentes
composantes, emmenées par un
internationale
Belgique : 2, 90 € ; Luxembourg : 2, 90 € ; Italie (Rome) : 3, 40 € ; Maroc : 36 MAD

Jean-Luc Mélenchon alors auréolé

Depuis 1883 – ISSN/0242-6056. – Imprimé en France : 2, 70 € ; DOM : 3, 55 €

de son succès au premier tour de la

et une violente présidentielle, de réaliser de jolis
scores aux législatives. Et à l’inter-
émotion dans le groupe qu’elles forment à l’Assem-
blée de s’emparer de postes en vue.
monde arabe Mais la discorde couvait dans
l’œuf. Au-delà de la différence de
P. 2-3 style – la « conflictualisation per-
manente » du débat public que re-
proche aujourd’hui Olivier Faure,
le premier secrétaire du PS, à ses
alliés de LFI –, les positionnements
respectifs sur les sujets interna-
Annonces légales p. 14

tionaux laissaient craindre l’écla-

tement. Déjà, chacun avait repris
ses billes et constitué sa propre
liste dans la perspective des élec-
tions européennes, autant pour se
compter – en espérant bousculer le
rapport de force interne – que pour
défendre son propre projet pour
l’avenir de l’Union européenne.
À l’Assemblée nationale, l’inter-
groupe était devenu une coquille
vide, que le refus obstiné de Jean-
Luc Mélenchon et certains de ses
proches de qualifier le Hamas d’or-
ganisation terroriste a fait voler en
éclats. Certains veulent déjà imagi-
ner le prochain rassemblement de
la gauche. D’autres, comme l’écolo-
giste Yannick Jadot, plaident pour
« une clarification forte sur le socle
de valeurs » comme préalable. « La
folie, disait Albert Einstein, c’est de
faire toujours la même chose et de
À Gaza, le 17 octobre, un jeune Palestinien porte un enfant blessé après le bombardement de l’hôpital Ahli-Arab. Mohammad Abu Elsebah/dpa/AP s’attendre à un résultat différent. »
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

2 ÉVÉNEMENT
En déplacement Cet appui intervient Le président américain Le président américain Joe Biden (à g.) a rencontré le premier ministre
israélien Benyamin Netanyahou (à dr.), à Tel-Aviv, le 18 octobre.
à Tel-Aviv, alors que les réactions a annoncé avoir obtenu GPO/HO/Anadolu via AFP
mercredi de colère le feu vert d’Israël
18 octobre, se multiplient pour le déblocage
Joe Biden dans le monde de l’aide humanitaire
a réairmé arabe contre Israël, à destination des
le soutien sans à la suite de la Gazaouis, qui nourrissent
faille des États- frappe meurtrière des sentiments mêlés
Unis à Israël. d’un hôpital à Gaza. vis-à-vis du Hamas.

Guerre
Israël-Hamas,
la diplomatie
internationale
empêchée
Des blessés palestiniens ayant survécu au bombardement de l’hôpital
gazaoui Ahli-Arab, le 17 octobre. Abed Khaled/AP

tLa frappe de l’hôpital
Ahli-Arab à Gaza, lieu
de refuge et de soin,
met dos à dos les alliés
d’Israël et le monde arabe,
qui défendent une version
opposée sur les responsables
d’une tragédie qui a fait
au moins 471 morts mardi
17 octobre.
C’est parole contre parole. Bloc
contre bloc. Les alliés d’Israël et le
monde arabe semblent irréconci-
liables, après l’efroi provoqué par
la frappe qui a tué, mardi 17 octobre,
des centaines de personnes dans
l’hôpital épiscopal Ahli-Arab de
Gaza. L’avion de Joe Biden venait à
peine d’atterrir à Tel-Aviv, mercredi
18 octobre, que le président s’est
empressé de soutenir la thèse de
son hôte, le premier ministre israé-
lien Benyamin Netanyahou. « J’ai
été profondément attristé et choqué
par l’explosion dans l’hôpital à Gaza
hier. Et sur la base de ce que j’ai vu, il
apparaît que cela a été mené par la
partie adverse, pas par vous. » Plus
tard dans la journée, il enfonçait
le clou, indiquant que des « don-
nées » américaines dont il dispo-
sait « disculpaient » Israël. Comme
lui, l’armée israélienne réfute fer-
mement toute responsabilité dans
cette attaque, qu’elle impute, air-
mant disposer de preuves, à un tir
raté de roquette du groupe palesti-
nien Djihad islamique. Ce dernier
crie au « mensonge », tout comme le
Hamas. Pour ces groupes, c’est une
bombe larguée par un avion de l’ar-
mée israélienne qui a causé la tragé-
die. De nombreux pays arabes vont
dans le même sens. La confiance
est rompue, si bien que la réunion
à laquelle Joe Biden devait partici-
per mercredi en Jordanie, aux cô-
tés du roi jordanien Abdallah II, du
président égyptien Abdel Fattah Al
Sissi et du dirigeant de l’Autorité
palestinienne Mahmoud Abbas a
été annulée.
Les dirigeants
de la région sont
sous la pression
de leur population.
Pour la Jordanie, qui accueille
2,3 millions réfugiés palestiniens
pour une population de 11 millions
d’habitants, il n’y a pas de doute :
l’armée israélienne « porte la res-
ponsabilité de ce grave incident ».
De son côté, le maître du Caire
n’a pas hésité une seconde avant
d’évoquer un « bombardement is-
raélien », dénonçant une « violation
lagrante du droit international ».
Même chose pour le Maroc ou les
Émirats arabes unis, qui se sont as-
sociés à la Russie pour demander
une réunion d’urgence du Conseil
de sécurité de l’ONU. Le président
iranien Ebrahim Raïssi a, quant à
lui, accusé les États-Unis d’être « les
complices des crimes » d’Israël.
Au moins 471 personnes ont été
tuées dans la frappe qui a touché
l’hôpital de Gaza, selon le minis-
tère de la santé du Hamas. « Nous
entrons dans une ère du doute.
À court terme, la diplomatie prend
du plomb dans l’aile, les rencontres
clés qui pouvaient être porteuses ne
sont plus, et un jeu de construction
de camps se met en place, constate
avec regret Bernard Philippe, cher- sans laquelle rien ne peut se faire, très loin d’une disposition de dia-
cheur au CNRS, ancien diplomate en vue d’ouvrir un couloir huma- logue, s’en est tenu à un rélexe de
de l’Union européenne en poste à nitaire via le poste-frontière de déiance, mercredi, prévenant que
Jérusalem. La difficulté, c’est que Rafah, dans le sud de Gaza. Des pousser les Palestiniens à quitter
sur cette frappe, qui relève du “crime centaines de camions d’aide huma- leur terre serait « une façon d’en i-
de guerre”, il ne peut y avoir de cla- nitaire attendent de pouvoir entrer nir avec la cause palestinienne aux
riication scientiique permettant dans l’enclave palestinienne. Mer- dépens des pays voisins ». Avant de
d’apaiser les deux parties. La vé- credi après-midi, à la in de la vi- menacer : « Si je demande au peuple
rité des uns sera, quoi qu’il arrive, site de Joe Biden, Israël a annoncé égyptien de sortir dans les rues, ils
contestée par celle de l’autre. » avoir approuvé l’ouverture du pas- seront des millions pour soutenir la
L’Égypte, premier de ces pays à sage de cette aide, conirmant une position de l’Égypte. »
avoir normalisé ses relations avec déclaration du président américain Les dirigeants de la région sont
Israël en 1979, est la clé de voûte en ce sens. Abdel Fattah Al Sissi, sous la pression de leur popu- P P P

P P P lation. En Égypte, mercredi,
ils étaient déjà des milliers à déi-
ler en soutien aux Palestiniens de
Gaza, qui vivent sous les bombes
depuis le 7 octobre dernier en re-
présailles de l’attaque meurtrière
lancée par le Hamas. Même chose
à Tunis, où un rassemblement
massif a eu lieu devant l’ambas-
sade de France, accusant les Fran-
çais et les Américains d’être des
« alliés des sionistes ». La colère
s’est exprimée de la même manière
ÉVÉNEMENT
repères
Un hôpital fondé
par les anglicans
L’hôpital Ahli-Arab (« Hôpital
du peuple arabe »), touché le
17 octobre par une frappe qui
a tué au moins 471 personnes,
était considéré comme le plus
vieil hôpital de la ville de Gaza.
Il fait partie des 22 hôpitaux
du nord de l’enclave
palestinienne, et accueille
plus de 45 000 Gazaouis chaque
année.
Fondé en 1882 par des mission-
naires anglicans, il est géré
par l’Église épiscopalienne de
Jérusalem. Celle-ci a condamné
une « attaque atroce » et un
« crime contre l’humanité ».
De nombreux civils s’étaient
réfugiés dans cet hôpital pour
échapper aux bombardements
israéliens incessants.
à Téhéran, devant les ambassades
française et britannique.
Plus près encore du drame de
Gaza : des manifestations ont
éclaté en Cisjordanie occupée, à
Naplouse ou à Ramallah. Leïla Sha-
hid, ancienne déléguée générale de
l’Autorité palestinienne en France
et ex-ambassadrice de Palestine
auprès de l’UE, ne voit pas, à son
grand désespoir, comment trou-
ver une issue politique en réponse
à cette colère. « Il faudrait être naïf
La Croix -jeudi 19 octobre 2023
pour penser que le Rubicon n’est pas
franchi, j’ai peur que nous allions
vers une relance de l’Intifada. » Pour
cette ancienne négociatrice de la
paix, les préalables à une désesca-
lade ne sont pas réunis. « Il faut des
voix fortes pour contraindre Israël
à appliquer le droit international,
pour assurer la partie palestinienne
qu’elle peut miser sur ses règles élé-
mentaires en s’asseyant à la table
des discussions. »w
De son côté, l’UE rencontre
le plus grand mal à adopter une
ligne commune, si bien que les
Vingt-Sept sont restés à l’écart des
tractations diplomatiques de ces
douze derniers jours. Une session
plénière du Parlement européen a
permis de revenir à l’essentiel. À la
tribune, la présidente de la Com-
mission européenne Ursula von
der Leyen, critiquée par certains
eurodéputés pour s’être contentée
de dire qu’Israël avait le « droit de
se défendre », lors d’un déplacement
en Israël vendredi 13 octobre, a pré-
cisé que cela devait se faire « confor-
mément au droit international ».
L’Union européenne
rencontre
le plus grand mal
à adopter une ligne
commune.
La chefe de l’exécutif s’est bien
gardée de désigner un coupable,
mercredi 18 octobre, sur la terri-
fiante tragédie de la veille, rap-
pelant simplement que « rien » ne
pouvait excuser « une frappe sur
un hôpital rempli de civils ». Tout
en condamnant les attaques ter-
roristes du Hamas sur Israël, le
chef de la diplomatie européenne,
Josep Borrell, a lui aussi rappelé
des règles élémentaires : « Sus-
pendre l’approvisionnement en
eau d’une communauté assiégée
est contraire au droit internatio-
nal. Nous ne pouvons pas accepter
cela. » Sur les réseaux sociaux, la
prise de position d’Emmanuel Ma-
cron semblait en phase : « Toute la
lumière devra être faite », a déclaré
sur X (ex-Twitter) le président
français, pour qui « rien ne peut
justiier une frappe contre un hô-
pital ». Le chef de l’ONU Antonio
Guterres s’est dit « horriié », mais
sans en imputer à quiconque la
responsabilité. Des paroles sages,
aux yeux de Françoise Bouchet-
Saulnier, conseillère stratégique
auprès de Médecins sans fron-
tières (MSF). Pour elle, l’urgence
ne va pas aux incriminations des
uns et des autres, et encore moins
au droit international pénal. « Cela
ne ressuscitera pas les gens ni les
États, alors que le droit des conlits
armés, lui, permet de sauver des
vies. »
Jean-Baptiste François
sur la-croix.com
X Ramallah : la frappe à Gaza,
détonateur d’une colère
tous azimuts
Le soutien ambivalent
des Palestiniens
au Hamas
tL’enclave palestinienne
est intensément bombardée
par Israël depuis l’attaque
sanglante du 7 octobre
perpétrée par le Hamas.
tCe parti islamiste,
au pouvoir à Gaza depuis
2006, suscite des sentiments
mêlés parmi la population.
Depuis l’attaque meurtrière du
Hamas contre Israël le 7 octobre,
Saleh vit au rythme saccadé des
nouvelles qui lui parviennent de
sa terre natale, Gaza. Pour la cin-
quième fois en quinze ans, mais
avec une intensité inédite, une pluie
de bombes israéliennes s’est abattue
sur cette bande de sable aussi étroite
que surpeuplée (plus de 3 478 morts
palestiniens à ce jour). « Tout ce que
je veux, c’est que mes proches sur-
vivent ; pas forcément qu’ils aillent
bien, mais qu’ils survivent », raconte
ce Gazaoui de 28 ans, qui travaille
désormais à Ramallah (Cisjordanie)
dans le marketing numérique.
La gestion
administrative,
politique
et économique
du territoire est
de plus en plus
décriée.
Quand on l’interroge sur son
sentiment à l’égard du Hamas, ce
jeune anglophone répond sans
hésiter : « Le Hamas, c’est le visage
politique de la résistance palesti-
nienne à Gaza. Et la résistance, on
est tous pour ! » Même son de cloche
chez Elaf, une Gazaouie du même
âge qui vit, elle, à Marseille depuis
quelques années. « Résister, exiger
de vivre libres, c’est la moindre des
choses, non ? C’est même notre devoir
d’humains. »
En ce sens, l’attaque menée par
le Hamas le 7 octobre l’a rendue
« fière », démontrant aux yeux du
monde que la résistance palesti-
nienne n’est « pas morte ». Même
au prix de massacres de civils ?
« Contrairement à ce que disent les
Israéliens, le Hamas n’a pas tué de
vieilles dames ni décapité de bébés »,
assurent nos deux interlocuteurs
dans les mêmes termes. Selon les vi-
déos du Hamas qu’ils ont pu vision-
ner, les assaillants « se sont même
occupés des blessés, en les ramenant
à Gaza pour les soigner ».
« Le sentiment qui a dominé, sur le
coup, c’était la surprise que le Hamas
ait réussi à déjouer la sécurité israé-
3
lienne, avec cette image impensable
des trous faits dans le mur ; mais im-
médiatement après, tout le monde a
pensé à la violence des représailles,
analyse Omar Shaban, politologue
gazaoui, actuellement au Caire.
En tout cas, les Palestiniens peinent
à comprendre les objectifs du Hamas
en lançant cette ofensive. »
Entre soutien unanime à la résis-
tance et lassitude face aux destruc-
tions à répétition, la population de
Gaza entretient depuis des années
une relation ambivalente avec le
Hamas. Si nul ne critique publique-
ment la stratégie militaire du parti
islamiste, sa gestion administrative,
politique et économique du terri-
toire est de plus en plus décriée, le
gouvernement étant accusé d’auto-
ritarisme, de corruption, et d’être
une « police des mœurs ».
« Je n’ai pas quitté Gaza : je me
suis échappée de Gaza ! », conirme
Elaf depuis Marseille. Son adoles-
cence a correspondu avec l’arrivée
du Hamas au pouvoir, sorti vain-
queur des élections palestiniennes
de 2006, et de la guerre civile de
2007 face au Fatah (au pouvoir en
Cisjordanie). « Depuis que le Hamas
est là, les Gazaouis ont une vie encore
plus infernale qu’avant, entre les
bombardements, le conservatisme
religieux, le manque d’eau, d’essence,
d’électricité, de médicaments… »
L’échec du gouvernement isla-
miste à lever le blocus quasi her-
métique imposé par Israël depuis
2007 n’a pas non plus servi sa po-
pularité. Ces dernières années,
un mouvement plus vindicatif, le
Djihad islamique palestinien, a fait
de l’ombre au Hamas, dont certains
Gazaouis dénonçaient l’« embour-
geoisement ». Lors des dernières es-
calades meurtrières entre Gaza et
Israël, d’août 2022 puis de mai 2023,
notamment, le Djihad islamique a
combattu en première ligne ; le
Hamas, lui, n’a pas tiré une seule
roquette.
Dans les territoires palestiniens,
où aucune élection générale ne s’est
tenue depuis 2006, il est difficile
de cerner l’opinion avec précision.
Mais il est fort probable que le Ha-
mas soit désormais plus populaire
en Cisjordanie qu’à Gaza. En 2022,
les élections estudiantines à l’uni-
versité de Birzeit, près de Ramal-
lah, ont notamment consacré une
victoire historique du Hamas. « En
2021, les Palestiniens étaient en-
fin appelés aux urnes, rappelle le
journaliste et historien Dominique
Vidal. Mais face à une double dé-
faite annoncée dans leurs territoires
respectifs, le Hamas et le Fatah ont
trouvé un prétexte pour que le scru-
tin n’ait pas lieu. »
Mélinée Le Priol

4 ÉVÉNEMENT
Le quartier des chifonniers
du Caire, lieu emblématique
de l’action de sœur Emmanuelle, s’est
considérablement modernisé mais doit
encore relever de nombreux déis.
Au Caire, l’œuvre toujours
vive de sœur Emmanuelle
Al Khankah
Al Salam
Al Matariya
Embabeh
Héliopolis
LE CAIRE
Nouveau
Le Nil
Gizeh Caire
Maadi
Mokattam
Shabramant
200 km
tQuinze ans après
la mort de sœur Emmanuelle,
l’action de la «petite sœur
des chifonniers» se poursuit
au service des enfants
vulnérables.
tLà où tout a commencé,
dans le quartier
du Mokattam au Caire,
l’ONG Asmae-Association
Sœur-Emmanuelle entend
renouer avec ses racines.
Le Caire (Égypte)
De notre envoyé spécial
La course aux déchets ne connaît
pas le sommeil, dans le quartier des
chifonniers de Mokattam. De nuit
comme de jour, les pick-up Chevro-
let s’esquivent sous les coups de vo-
lant des chaufeurs, passés maîtres
dans l’art de sangler des mètres de
chargements. Des empilements ver-
tigineux de cartons, de canettes, de
plastique – soulé ou injecté – qui
trompent la gravité dans un infati-
gable chassé-croisé.
Dans cette cité où vécut sœur
Emmanuelle, 85 000 âmes tirent
toujours leurs revenus, directement
ou indirectement, de la collecte et
du recyclage des poubelles du Caire.
Un quart des 20 000 tonnes d’or-
dures produites chaque jour dans
la capitale égyptienne est trié ici,
famille par famille, épluchure par
épluchure, à la recherche de ce qui
peut se vendre. Certains matériaux
précieux, comme l’aluminium,
s’exportent bien. Une bonne por-
tion init en Italie, à destination du
marché européen. Pas de trace, en
revanche, de la petite cabane de tôle
ondulée dans laquelle la religieuse
la plus célèbre de France s’installa,
La Croix -jeudi 19 octobre 2023
Le travail des enfants est L’ONG Asmae, héritière de la
omniprésent, même si 97% religieuse, y élabore un programme
sont scolarisés pendant au destiné à contrer les violences
moins une partie de leur banalisées à la maison, dans la rue,
emploi du temps. et jusque dans les classes d’école.
à partir de 1971. Les monceaux d’or-
dures à ciel ouvert d’autrefois ont
fait place aux immeubles de brique
couleur désert. Pas de plaque ni
d’hommage, quinze ans après
sa mort, dans ce dédale d’icônes
coptes dominé par la colline du
monastère de Saint-Simon. Pour-
tant son œuvre est partout. C’est ici,
dans la terre sableuse du Mokattam
que l’action de sœur Emmanuelle
s’est structurée en 1980, avec la créa-
tion de l’ONG Asmae, dans le but de
lever des fonds et dupliquer son mo-
dèle à travers le monde.
L’organisation intervient main-
tenant au Liban, au Burkina Faso,
à Madagascar, aux Philippines et
en France. « Au tournant des années
2000, Asmae est progressivement
sortie du Caire avec pour principale
mission la protection des enfants vul-
nérables. Nous avons aujourd’hui
pour projet de renforcer les liens avec
nos racines, parce que c’est de là que
tout a commencé », souligne Adrien
Sallez, directeur de l’ONG.
«Je ne sais ni lire
ni écrire; mes trois
enfants sont tous
à l’école, mon aîné
va même passer
le bac.»
Dans les rues du Mokattam, à
chaque porche son antre, et ses
rebuts du sol au plafond. Impos-
sible d’y entrer. Nimild sort de l’un
d’entre eux, téléphone à la main. Il
fait déiler les images pour s’arrêter
sur sa protectrice d’autrefois. « Je ne
sais ni lire ni écrire ; mes trois enfants
sont tous à l’école, mon aîné va même
passer le bac », remercie ce cinquan-
tenaire, croix copte tatouée sur le
bras. À deux pas, l’école El Mokat-
tam School scolarise 1 200 élèves.
Sœur Sara, qui fut le bras droit de
sœur Emmanuelle, y officie tou-
jours au sein d’Opération orange (1),
autre association créée en 1989 dans
la iliation de la religieuse. « Elle a
laissé du vide, mais je la vois toujours Une éducatrice de l’association Kayan, partenaire de l’ONG Asmae, travaille avec un enfant
à côté de moi. » L’ancienne P P P en situation de handicap. Julia Phipps/Asmae
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

ÉVÉNEMENT 5

Dans le quartier du Mokattam

est trié un quart
des 20 000 tonnes de déchets
produits au Caire chaque jour.
Julia Phipps/Asmae

lement réalisé dans un réseau de

17 écoles communautaires, où vont
les élèves qui n’ont pas obtenu de
place dans le système scolaire clas-
sique. Dans les locaux d’EACD, un
groupe d’enfants encadrés par une
éducatrice s’afaire à découper du
papier cadeau plastifié, pour en
faire des papillotes. À l’intérieur, des
messages qu’ils ofriront à leurs pa-
rents. Adam, 10 ans, sait déjà ce qu’il
veut écrire. « J’ai le droit de jouer et
d’être éduqué d’une bonne façon. Je
demande à ma mère de ne pas me
frapper et de ne pas crier », adresse
l’enfant qui accompagne son père
électricien sur les chantiers, mais
seulement le vendredi, jour où il y
a moins de bouchons dans Le Caire
en raison de la prière. Entrer dans
les foyers, briser le tabou de la vio-
lence : la mission requiert tact et dé-
licatesse, sans quoi la famille peut
se braquer.
C’est à l’occasion d’une consul-
tation médicale gratuite qu’Ebah
a inalement accepté d’être suivie
par une psychologue, avec ses en-
fants qui viennent également pro-
iter des activités du centre. « Mon
mari amène beaucoup de tensions
la grande communauté des chif- une méthode qu’elle est en train à la maison, il rentre du travail
fonniers un jour remplacée par un de développer au Mokattam, en énervé », euphémise cette femme en
Des entretiens inédits en librairie centre de traitement et d’incinéra- lien avec deux associations égyp- niqab. Sa ille aînée s’est retrouvée
tion des déchets. « Ils ont déjà essayé tiennes (2) au sein du programme littéralement paralysée de terreur
de nous remplacer, mais personne Peace. « Avec de 80 à 120 enfants par pendant un mois, sous les menaces
Ce court recueil de 112 pages s’adresse tout par- ne fait le travail aussi bien que nous. classe, on sait bien comment l’ensei- de son père. « J’ai appris des tech-
ticulièrement aux enseignants, aux éducateurs, Nous savons frapper à chaque porte gnant fait respecter le silence : avec niques de négociation pour changer
aux politiques, ain de toucher les générations fu- pour la collecte et reconnaître la ma- le bâton », résume Evellen Soliman, son comportement, et j’obtiens des ré-
tures. Le conseiller spirituel et confesseur de sœur tière au premier regard », se rassure- directrice de l’association EACD, sultats positifs, même si lui en tant
Emmanuelle, le père Philippe Asso fait de nouveau t-il. Tout est très loin d’être parfait, dont le fondateur était un ami de qu’“homme oriental” estime qu’il
résonner la voix de son amie dans Sauver les enfants, au Mokattam. Pour suivre l’inlation sœur Emmanuelle. n’a pas besoin d’être aidé d’une psy-
(Éd. Flammarion). Le livre restitue leurs derniers galopante, les familles doivent tenir chologue. » Ebah suit sans le savoir
échanges sur le combat de la religieuse. « Tant qu’il me des cadences infernales, et les ma- Entrer dans des préceptes chers à sœur Emma-
reste un soule de vie, et alors que je ne peux presque plus rien faire, chines, trieuses et autres broyeuses nuelle : « Partout et toujours, cherche
je veux encore dire : il faut sauver les enfants ! Or, sauver les enfants, achetées à crédit pèsent dans les les foyers, briser le sans te lasser le remède qui soulage,
ça passe par l’enseignement et l’éducation, et un dernier élément budgets. « La seule solution, c’est de tabou de la violence: sème l’espoir : ça viviie et ton amour
qui leur donne sens, que j’appelle le Salut », dit-elle dans la présenta- travailler plus », indique Romany. peut faire des miracles. »
tion de l’ouvrage. Ce n’est pas le premier ouvrage posthume de sœur Il faut recycler une tonne par jour la mission requiert Jean-Baptiste François
Emmanuelle, morte le 20 octobre 2008 à l’âge de 99 ans. Ce décès pour faire vivre six familles. tact et délicatesse.
avait coïncidé avec la parution des Confessions d’une religieuse, avec Le travail des enfants est omni- (1) En 1989, sœur Emmanuelle donna une
comme coauteur Philippe Asso. présent, même si 97 % sont scola- orange par semaine aux enfants déplacés
risés pendant au moins une partie Asmae propose un plan de for- des rakoubas (écoles de roseaux) du
de leur emploi du temps. Et les en- mation (1 600 sessions en trois ans) Soudan, avant de conier cette mission à
P P P supérieure de la congrégation doit : « On vit avec elle, ça reste là. » Il quêtes de terrain montrent que les des personnels associatifs (psy- Jean Sage qui choisit le nom d’« Opération
copte-orthodoxe des Filles de Marie se souvient de 1986, l’année qui vit mineurs sont exposés partout aux chologues, travailleurs sociaux, orange » pour son association.
ne cesse de souligner les « progrès arriver l’eau et l’électricité. Une ré- violences banalisées : à la maison, enseignants, leaders communau- (2) Mission réalisée en partenariat avec
énormes » accomplis. « Au départ, volution. Sœur Emmanuelle s’était dans la rue, à l’école jusque dans les taires) pour réduire les violences l’association Life Vision for Development
les illes étaient mariées à 11-12 ans, rendue en personne dans le bureau classes. À El Marg, autre bidonville où qu’elles se trouvent, y compris et l’ONG Egyptian Association for
les hommes allaient au bistrot, les du ministre pour lui arracher une du Caire, l’ONG Asmae a éprouvé dans les familles. Ce travail est éga- Comprehensive Development.
femmes étaient souvent battues, signature.
elles mettaient un enfant au monde L’enfant du bidonville, devenu le 40 % des Français, juste derrière fense des droits et de protection
tous les dix ou onze mois, et le tétanos premier chef scout du quartier dans
repères « l’icône » Simone Veil (63 %). de l’enfance, assez loin devant
tuait quatre bébés sur dix. » Change- sa jeunesse, aime prendre une voix l’accès pour tous à un enseigne-
ment de réalité, après vingt années de fausset pour redonner vie à la Une notoriété et des causes Les Français gardent avant tout ment de qualité (31 %).
de travail. « On a soigné les bébés, les voix haut perchée de son ancienne qui perdurent en mémoire l’engagement
illes ne sont pas mariées avant 22- protectrice. « Écoute mon ils, si tu ne de sœur Emmanuelle en faveur Dans le monde, la lutte contre
23 ans. Certaines sont devenues mé- participes pas aux frais de l’école, tu Sœur Emmanuelle, qui igurait de l’enfance et des plus dému- les violences faites aux enfants
decins, pharmaciennes, institutrices. ne feras pas attention à tes cours », parmi les personnalités préfé- nis (35 %), devant sa grande (54 %) est jugée prioritaire pour
Les deux tiers des enseignantes du lui avait-elle conseillé lors de l’un de rées des Français de son vivant, bonté (17 %), son ouverture la défense des droits et de pro-
quartier ont grandi ici. » leurs nombreux trajets, à l’époque reste deuxième au classement d’esprit et sa tolérance (13 %). tection de l’enfance, devant le
Romany n’avait que 11 ans lorsque sur une charrette tractée par des des personnalités féminines qui rassemblement des conditions
sœur Emmanuelle décida de rester ânes. « À moi d’être l’exemple, main- ont le plus touché les Français à En France, la lutte contre le har- nécessaires au bon développe-
auprès des zabbâlîn, comme on ap- tenant », se dit l’employeur qui a in- travers leur engagement, selon cèlement scolaire (54 %) et la ment de l’enfant (37 %).
pelle les chifonniers en arabe. Il en vesti dans des machines à coudre un sondage réalisé par Odoxa lutte contre les violences (53 %)
a maintenant 54, fier d’employer pour développer l’activité des (1). La religieuse continue d’être sont les deux combats jugés (1) Réalisé du 5 au 6 juillet 2023 auprès
33 familles. Romany sait ce qu’il lui femmes. Sa grande crainte : voir une source d’inspiration pour prioritaires en matière de dé- de 1 005 Français de 18 ans et plus.

6 Débats
Faut-il quitter X, anciennement Twitter ?
Yves Marry
Cofondateur et délégué général
de l’association Lève les yeux (1)
(Source photo : Yves Marry)
Ce réseau met
en péril la démocratie
D L
epuis une dizaine d’années,
les réseaux sociaux se sont
imposés comme les prin-
cipaux lieux de l’échange public
à l’échelle de la planète, et il peut
paraître contreproductif d’appeler
à quitter X (ex-Twitter), le premier
d’entre eux. Il me semble que c’est
pourtant plus que jamais néces-
saire car cet outil qui devait, du
moins en théorie, enrichir le débat
ne fait que l’abaisser et met en péril
la démocratie.
Cela tient d’abord à la nature ca-
pitalistique de la plateforme pour
qui l’impératif de proit l’emporte
sur toute autre considération. Si X
veut récolter des données person-
nelles et attirer les annonceurs, il
lui faut capter l’attention du pu-
blic, réunir le plus grand nombre
d’abonnés pour dominer le marché
avant de le rentabiliser. Et pour
cela, tous les moyens sont bons, y
compris en laissant s’exprimer les
idées les plus odieuses si elles font
le buzz.
On peut aussi
s’engager dans
la vraie vie plutôt
que de débattre
dans une arène
virtuelle
où le combat
contre l’excès
et le mensonge sont
perdus d’avance.
À cela s’ajoute la prise de
contrôle de l’entreprise par Elon
Musk dont les idées libertariennes
et transhumanistes me paraissent
dangereuses pour le bien commun.
Une autre raison tient à la tech-
nologie qui, contrairement à ce que
l’on entend souvent, n’est jamais
neutre. Le philosophe Jacques
Ellul expliquait déjà, à propos de
la télévision que, par sa puissance
et le déséquilibre qu’elle installe
entre l’émetteur et le public, elle ne
pouvait pas être un instrument de
dialogue.
Avec les réseaux sociaux, c’est
encore pire. Ils nous engagent dans
une course efrénée où les conte-
nus les plus saillants, mis en avant
par les algorithmes du système,
deviennent ceux où l’opinion l’em-
porte sur les faits, l’émotion sur la
raison et l’esprit critique. Twitter
consacre ainsi l’ère du trash et du
clash, où les positions binaires,
les attaques, les propos haineux
et les images violentes ont plus de
chance d’être vues. Sans compter
que si vous êtes riche et puissant,
votre capacité d’inluence en sera
multipliée, ce qui contredit l’idée
reçue et naïve que nous serions
tous égaux sur les réseaux.
Enin, il y a une autre bonne
raison de quitter Twitter : c’est que
c’est bon pour la planète. Il a ainsi
été calculé que chaque jour, le
réseau émettait autant de (autant
de)… CO2 que vingt allers et retours
Paris-Londres en avion.
A contrario, il y a quelques avan-
tages à quitter Twitter. Ne serait-ce
que de regagner du temps et de la
disponibilité d’esprit pour s’infor-
mer et débattre autrement. Car ce
n’est pas parce que l’on quitte un
réseau social que l’on se condamne
au silence. On peut aussi s’engager
dans la vraie vie plutôt que de dé-
battre dans une arène virtuelle où
le combat contre l’excès et le men-
songe sont perdus d’avance.
Pour l’instant, quelques institu-
tions et personnalités ont montré
l’exemple. Ils sont encore peu sui-
vis. Pour l’instant.
Recueilli par Antoine d’Abbundo
(1) Auteur de La Guerre
de l’attention. Comment ne pas la perdre,
L’Échappée, janvier 2022, 256 p., 18 €.
La Croix -jeudi 19 octobre 2023
question du jour
Robin Rivaton
Entrepreneur dans l’intelligence
artificielle et essayiste (2)
(Source photo : Robin Rivaton)
Comme d’autres
institutions et Rien n’empêche d’en
personnalités
avant elle, avoir un usage raisonné
l’université
Aix-Marseille
a décision de l’université
a annoncé, Aix-Marseille de se retirer du
mardi 17 octobre, réseau social X, ex-Twitter,
n’est pas une première. Depuis le
suspendre rachat de la plateforme par Elon
sa présence sur Musk, en avril 2022, plusieurs
institutions et personnalités ont
la plateforme X, annoncé publiquement leur choix
anciennement de la quitter en raison de contenus
problématiques. C’est leur droit et
Twitter. c’est un fait documenté : avec l’arri-
Elle dénonce une vée à la tête de l’entreprise du mil-
liardaire, les fausses informations,
dérive éditoriale les messages haineux ou violents
du réseau depuis n’ont cessé d’augmenter.
Mais ce mouvement de boycott
sa prise de contrôle relève de l’épiphénomène car il
par le milliardaire n’a en rien afecté la puissance du
réseau. X conserve toujours près
Elon Musk, de 240 millions d’abonnés actifs
«en contradiction dans le monde, loin devant les
8 millions de son principal concur-
avec (la) mission rent Threads, lancé en juillet 2023
de transmission par la société américaine Meta, la
maison mère de Facebook et Ins-
des savoirs et tagram, et les 2 millions à peine
de la science, de Mastodonte. On constate donc
qu’il n’y a pas vraiment de solution
d’ouverture
aux autres et
de rechange. Ce qui se comprend :
les gens vont d’abord sur le réseau
de tolérance» social où ils sont sûrs de trouver le
de l’université.
plus de monde.
En revanche, si Twitter n’a pas
perdu en inluence, la plateforme
a moins de capacité à la monéti-
ser, ce qui est un vrai problème.
Depuis la reprise par Elon Musk,
elle a vu ses recettes publicitaires
divisées par deux, de l’aveu même
de son propriétaire. En raison du
risque pour leur image, de plus en
plus d’entreprises ne souhaitent
plus s’aicher sur le réseau. Plus
que la fuite de quelques-uns, ce
danger économique pourrait bien,
à terme, inléchir la politique de
l’entreprise.
Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Jusqu’à présent, Elon Musk dé-
fend une conception très « liberta-
rienne » de la liberté d’expression,
liée à sa lecture du premier amen-
dement de la Constitution amé-
ricaine, qui interdit au Congrès
d’adopter des lois pour la limiter.
Pour lui, toutes les idées, même les
plus excessives, doivent pouvoir
circuler sans entraves. À commen-
cer par les siennes puisque l’on
dit qu’il aurait fait modiier l’algo-
rithme de Twitter pour valoriser
ses messages et gagner des abon-
nés, son compte réunissant désor-
mais 160 millions de « followers ».
On peut choisir
de s’exposer
aux contenus
les plus toxiques
ou ne suivre que
les gens que l’on a
au préalable triés
sur le volet. Il suffit
pour cela de cliquer
sur un bouton.
La seule régulation qu’il admette
est celle de la communauté. Les ex-
perts peuvent mettre un commen-
taire sous les contenus litigieux, à
charge pour le public de faire le tri.
Mais, à mon sens, ce type d’autoré-
gulation du système ne peut mar-
cher qui si l’on lève l’anonymat, ce
qui obligera chacun à prendre le
risque de ses opinions. J’ajoute que
rien n’empêche d’avoir un usage
raisonné de Twitter. On peut choi-
sir de s’exposer aux contenus les
plus toxiques ou ne suivre que les
gens que l’on a au préalable triés
sur le volet. Il suit pour cela de
cliquer sur un bouton. La respon-
sabilité du réseau n’abolit pas la
responsabilité de l’individu.
Recueilli par Antoine d’Abbundo
(2) Dernier ouvrage paru :
Souriez, vous êtes ilmés !, Éditions
de L’Observatoire, mai 2021, 192 p., 20 €.
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

Débats 7

vu par PrincessH billet

Alain Rémond

Une nouvelle Nupes

L
e Parti socialiste a donc voté
un « moratoire » sur sa par-
ticipation à la Nupes. Ras
le bol de la stratégie de « conflic-
tualisation » (voire de « bordélisa-
tion ») de Jean-Luc Mélenchon,
ça suit comme ça, ciao la Nupes,
je plie mes gaules. Se pose alors
une question : que faire de la
Nupes ? Selon Libération, en ef-
fet, « Olivier Faure voudrait évi-
ter de laisser la marque Nupes
à Jean-Luc Mélenchon » (car la
Nupes est une marque, comme
Nike ou Coca-Cola). Rappelons
que Nupes veut dire : Nouvelle
Union populaire écologique et
sociale. Embêtant, quand l’union
en question part en sucette. Si,
néanmoins, Olivier Faure tient à
la « marque Nupes » et veut éviter
que Jean-Luc Mélenchon la kid-
nappe à son seul proit, j’ai une
proposition à lui faire : il invente
une nouvelle Nupes, en gardant
l’appellation mais en lui donnant
une nouvelle raison sociale. Soit :
Nouvelle Urbanisation des par-
kings en sous-sol. Nupes. L’urba-
nisation des parkings en sous-sol
est en efet un véritable enjeu,
un formidable déi, pour lutter
contre les prévisibles efets
du réchaufement climatique.
Vivre dans les parkings en sous-
sol sera bientôt le seul choix
possible, avec des températures
de 50 °C, comme l’a récemment
exposé la mairie de Paris,
démonstration in situ à l’appui.
Olivier Faure, s’il lit La Croix,
devrait saisir la balle au bond,
faisant d’une pierre deux coups :
sauver la marque Nupes en sau-
vant l’humanité, qui lui en sera
éternellement reconnaissant.

courrier

Vos réactions par courrier : 18 rue Barbès, 92128 Montrouge Cedex. Par courriel : lecteurs.lacroix@groupebayard.com. Sur le site : www.la-croix.com

L’Afrique africaines rejettent une France

et la France
t La France est aujourd’hui
dans l’œil du cyclone. Au Mali,
au Burkina Faso, au Niger, en
Guinée, la Russie joue sur du
velours. La machine de propa-
gande russe et les médias chinois
sont à l’ofensive, relayés par des
inluenceurs locaux. Le ressen-
timent contre l’ancienne puis-
sance coloniale et ses pratiques
– la Françafrique –, le sentiment
national, voire le chauvinisme,
de populations confrontées de-
puis des décennies à la pauvreté,
à la corruption, à l’insécurité et
à l’inertie de leurs gouvernants
constituent un terreau fertile
pour faire de la France un bouc
émissaire idéal.
Soixante ans après les indépen-
dances, la faillite économique
et politique de nombre d’États
africains est lagrante. Les puts-
chistes et les opinions publiques
Demain
dans notre cahier
Religion&spiritualité
donneuse de leçons qui, dans le
même temps, soutient des gou-
vernants corrompus. La France
est accusée de tous les maux
et est devenue, pour beaucoup
d’Africains, infréquentable. Sa
présence militaire, ses leviers
économiques – le franc CFA, ses
grandes entreprises dans le sec-
teur minier et pétrolier –, ses
échecs face aux milices armées
en Centrafrique puis face aux
groupes djihadistes au Sahel ont
quelque peu abîmé son image
et l’ont placée sous le feu de cri-
tiques, en partie, justiiées.
Mais tout n’est pas perdu, même
si la France a pu commettre des
fautes et a laissé le champ libre
à une Russie, une Chine et une
Turquie qui se comportent plus
en prédateurs qu’en véritables
amis du continent africain.
L’Afrique et la France ont une
histoire commune, une proxi-
mité linguistique et culturelle.
Elles ont mené des combats
communs en 14-18 puis contre
le nazisme. Tout ceci en fait des
partenaires, un couple à part. À nos lecteurs
En France, résident des diaspo- Dans le cadre d’une enquête sur la paternité à paraître dans
ras africaines qui ont fui leurs La Croix L’Hebdo, nous souhaitons interroger des pères qui n’ont
pays pour des raisons écono- pas pu être présents auprès de leurs enfants, que cette absence
miques et politiques. L’Afrique et ait été temporaire ou continue (anonymisation possible).
la France ont un avenir possible. Vous pouvez nous contacter en indiquant vos coordonnées :
Il leur faut pour cela prendre lecteurs.lacroix@groupebayard.com
un nouveau chemin. Il faudra
de l’énergie et du temps pour se
réconcilier et que chacun trouve Prix de la
meilleure enquête
sa juste place.
Patrick David
Politique familiale Placements Donner du sens
à son épargne
et natalité
solidaires Nos conseils
pour se lancer
t Je réagis à l’article du
11 octobre « La politique fami-
liale a-t-elle un vrai impact
sur la natalité ? ». Comme
toujours les changements sont
multifactoriels. Et tout le monde
est réticent à penser que l’argent
joue un rôle dans une décision
de vie personnelle. Mais
la concomitance de la baisse
très importante des aides pour
les foyers non pauvres et la
baisse du nombre d’enfants par
femme ne me paraît pas fortuite.
Cependant je suis d’accord,
seulement
la question d’encourager le troi-
sième enfant pour éviter 4,50 €
d’être en moyenne sous le seuil
de renouvellement est datée.
À ce stade, il faudrait mieux en-
courager le deuxième et les sui-
Illustration : Wood

Entretien avec Rivon Krygier, vants de la même façon et trou-

ver une façon d’encourager Tous les vendredis
rabbin de la communauté Massorti le démarrage avant 30 ans !
Adath Shalom M.-M. L.
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

8 MONDE

«Kanal Istanbul», le titanesque

projet fantôme d’Erdogan
Canal Istanbul
Mer
Aéroport
d’Istanbul Noire
e
or

Arnavutköy
h
sp

Rive
Bo

européenne
Resadiye
ISTANBUL Rive
asiatique

Aéroport
Atatürk
Mer de
Marmara Buyukada
5 km

tLe creusement
d’un second Bosphore, projet
phare du président Erdogan
pour le 100e anniversaire
de la République de Turquie,
n’a pas avancé en douze ans.
tLes urbanistes craignent
qu’il ne s’agisse en réalité
d’une initiative pour déplacer
des quartiers pauvres.
Istanbul
De notre correspondant

Selahattin Yaldirak n’est pas orni-

thologue, il vend des noix. Mais, de
son terrain vague couvert de genêts,
cet habitant de Sahintepe, un quar-
tier périphérique de l’ouest d’Istan-
bul, commence à bien s’y connaître
en oiseaux migrateurs. « Ils passent
tous devant chez moi. Voyez, c’est le
temps des hirondelles. » Chaque es-
cadron de volatiles lui rappelle la
chance qu’il a d’habiter à moins de
deux heures du centre d’Istanbul
tout en étant au vert.
Cette chance, rare pour cette ville
bondée de 16 millions d’habitants,
Selahattin Yaldirak en sera bientôt
dépossédé. Car sa maison se trouve
sur les rives du futur « Kanal Istan-
bul ». Qualifié de « projet fou », y
compris par Recep Tayyip Erdogan
lui-même, le percement de ce nou-
vel axe maritime, reliant la mer
Noire à la mer de Marmara, devait
se terminer en 2023, année du cen-
tenaire de la fondation de la répu-
blique turque. Douze ans après avoir
été annoncé, ce second Bosphore
qui devait « éclipser les canaux de
Suez et de Panama », promesse re-
nouvelée par le président turc à
chaque campagne électorale, res-
semble plutôt à un projet fantôme.
Rien n’a été creusé, ni bâti. Il y a
tout juste ce pylône d’un futur pont,
suisamment haut pour que des na-
vires passent en dessous. Le chan-
tier a fait scandale, les engins sont
partis et cette colonne est restée
seule, gâchant le panorama. Pour-
quoi tant de retard ? La succession
de crises monétaires qu’a connue
l’économie turque a compliqué le
financement de ce projet déme-
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, lors de l’inauguration du pont Sazlidere, qui fait partie du projet «Kanal Istanbul»,
en juin 2021. Murat Kula/Anadolu via AFP
La succession
de crises monétaires
qu’a connue
l’économie turque
a compliqué
le financement de
ce projet démesuré.
suré – 15 milliards de dollars, se-
lon Ankara. Les urbanistes, eux,
concluent qu’il s’agit non pas d’un
projet de transport, mais d’un vaste
projet immobilier.
Les dessins d’architectes vantent
des propriétés de grand luxe, le prix
des parcelles grimpe, on vend, on
achète. La spéculation est reine
et les promoteurs immobiliers,
proches du parti au pouvoir, l’AKP,
se frottent les mains. « Au nord du
tracé, ce sont des terres agricoles. Au
centre (dont fait partie Sahintepe,
NDLR) et au sud : des espaces déjà
construits depuis les années 1970.
Ce sont des quartiers populaires,
des gecekondular (littéralement”
construits en une nuit”) et des mai-
sons sans permis de construire, ex-
plique Duygu Dag, du Centre pour
la justice spatiale. En résumé, on
pousse les pauvres dehors, car seuls
les riches doivent profiter de cette
jolie vue. »
De sa butte, Selahattin Yaldirak
observe d’autres types d’oiseaux :
les ouvriers et autres détaillants
en pleine migration pendulaire
qui partent tôt et rentrent dormir à
Sahintepe. Avec leurs bas salaires,
repères
Le « Kanal Istanbul »
en chifres
Le projet « Kanal Istanbul »
consiste en une voie navigable
artificielle de 45 kilomètres
de long, d’une largeur
minimale de 275 mètres,
et de plus de 20 mètres
de profondeur.
Creusé entre la mer Noire et
ils ne pourraient pas vivre ail-
leurs. Impensable, aussi, de quit-
ter Istanbul, où plus du quart du
PIB turc est produit. Ces 300 m2
de terrain, Selahattin Yaldirak les
a achetés en 1998 pour 2 500 livres
(84,40 €). Avec le futur canal, sa
maison en vaudrait, selon les es-
timations, 30 millions (1,01 mil-
lion d’euros), soit une hausse de
1 200 000 %. Au jeu des comparai-
sons, le prix d’un mouton sur la
même période a augmenté cent fois
moins. Le hic, c’est que l’État veut le
la mer de Marmara, ce canal
transformerait l’actuelle rive
européenne d’Istanbul en île.
Son inauguration a été
décalée à 2028.
Contrairement aux détroits,
régis par le droit international,
un canal n’est pas soumis aux
mêmes obligations. Ankara
pourra exercer sa pleine
souveraineté sur le Kanal
Istanbul, y compris pour le
passage de bateaux militaires
vers ou depuis la mer Noire.
faire partir sans qu’il puisse vendre.
« Si on me paie au prix du marché, je
suis prêt à abandonner ce paradis.
Mais pour l’instant, ils veulent nous
dégager pour rien. »
En vertu du plan de zonage publié
en 2021, quelque 18 000 habitants
de Sahintepe devaient être « trans-
férés », de gré ou de force, vers des
zones excentrées. L’année dernière,
après un recours déposé à l’aide
d’avocats bénévoles, l’opération a
dû être annulée. Première victoire
des riverains. Le soir, les voisins de
Selahattin Yaldirak se retrouvent
sur son terrain. Sur de vieux cana-
pés déchirés, ils boivent le thé et se
moquent de ces policiers qui leur
passent des coups de fil, les som-
mant de donner le lieu et l’horaire
de ces réunions clandestines. Des
oiciers font irruption parfois. Ils ne
repartent pour l’instant qu’avec des
noms sur des listes. Les dernières
rumeurs disent qu’un nouvel acte
d’expulsion pourrait bientôt être
émis. Dans le Nord, trois villages
sur le tracé du canal subissent déjà
les évictions.
Thomas Guichard
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

MONDE 9

Le Congrès américain bloqué par les divisions

républicaines
n’est pas un acharné du travail lé- considéré comme l’un des élus les mercredi 18 octobre, et les tracta- majorité républicaine à la Chambre
tAlors que le conlit gislatif… En plus de quinze ans, moins productifs de la Chambre. tions se poursuivent en coulisses des représentants, et de l’animo-
dure en Ukraine et que il n’a pas fait adopter la moindre Retoqué mardi, Jim Jordan n’a pour tenter de convaincre les élus sité au sein d’une droite américaine
le Proche-Orient traverse proposition de loi à son nom. Il est toutefois pas dit son dernier mot. récalcitrants. Une tâche très déli- fracturée par Donald Trump.
une nouvelle crise, même, selon plusieurs classements, Un nouveau scrutin était prévu cate compte tenu de la très faible Gilles Biassette
les divisions républicaines
Publicité
paralysent Washington.
tUn nouveau vote était
prévu ce mercredi 18 octobre
pour tenter de désigner
le leader de la Chambre
des représentants.
Faut-il voter une aide supplémen-
taire à l’Ukraine ? Les États-Unis
doivent-ils débloquer des fonds
pour répondre à la grave crise hu-
manitaire qui frappe Gaza ? Est-il
nécessaire que les élus américains
prennent position sur le conlit au
Proche-Orient ? Ces questions ur-
gentes agitent la classe politique à
Washington. En vain : le Congrès,
faute de leader à la Chambre des re-
présentants, est paralysé. Une fois
n’est pas coutume, ce n’est pas la
polarisation entre républicains et
démocrates qui entrave le travail
des élus, mais bien les divisions au
sein même de la droite américaine.
Certes, le parti détient la majorité
des sièges à la Chambre des repré-
sentants (l’une des deux enceintes
du Congrès) avec une majorité
étroite de 221 élus contre 212 démo-
crates. Une majorité suisante, en
théorie, pour désigner le speaker, le
patron de cette enceinte.

Après de nombreuses
tractations houleuses, l’élu
de l’Ohio, Jim Jordan est
désormais le seul prétendant
républicain en lice.

Sauf que le torchon brûle entre les

modérés et l’aile trumpiste du parti.
Les élus « Maga » (« Make America
Great Again ») ont obtenu le départ,
le 3 octobre, de Kevin McCarthy,
accusé d’être trop conciliant avec
la Maison-Blanche lors des discus-
sions budgétaires. Depuis, le parti
se déchire pour trouver son succes-
seur au perchoir. Après de nom-
breuses tractations houleuses, l’élu
de l’Ohio, Jim Jordan – membre de
la frange la plus conservatrice du
parti – est désormais le seul préten-
dant républicain en lice.
Mais lors d’un vote en séance plé-
nière organisé mardi 17 octobre, il
n’est pas parvenu à décrocher un
soutien suisant de ses pairs pour
l’emporter. Vingt de ses collègues
républicains, principalement des
modérés qui lui reprochent des
positions trop extrêmes, ont voté
contre sa candidature. « Le seul fait
que les républicains s’en remettent
à Jim Jordan en dit long sur l’état
du parti », ironise un diplomate en
poste à Washington. Car ce député,
qui siège au Congrès depuis 2006,

10
Fariba Adelkhah, otage de Téhéran
depuis 2019, est de retour en France
tL’anthropologue Fariba
Adelkhah a pu regagner
Paris, ce mercredi 18 octobre,
après avoir été retenue
arbitrairement en Iran
durant plus de quatre ans.
L’Iran détient toujours
quatre Français ainsi qu’une
dizaine d’autres Occidentaux
que la République islamique
tente d’utiliser comme
monnaie d’échange.
Après quatre ans et quatre mois
de détention en Iran, la chercheuse
Fariba Adelkhah a pu regagner
la France. L’anthropologue avait
été libérée de la prison d’Evin le
10 février dernier, mais elle ne
pouvait quitter le pays, ses papiers
d’identité ne lui ayant pas été res-
titués. Après avoir inalement reçu
son passeport et passé des examens
médicaux, Fariba Adelkhah a at-
terri à Paris ce mercredi 18 octobre
au matin. Son compagnon, le spé-
cialiste de l’Afrique Roland Marchal,
a indiqué à La Croix être « soulagé
et content de la voir ». Il décrit la
chercheuse comme étant « un peu
sonnée » mais « en bonne santé ».
Fariba Adelkhah, âgée de 69 ans,
avait été arrêtée le 5 juin 2019 en
Iran, en même temps que Roland
Marchal, également chercheur au
Centre de recherches internatio-
nales (Ceri) de Sciences Po Paris.
En Ukraine, un premier coup sérieux
porté à l’union sacrée
tUn ancien conseiller
présidentiel, Oleksiy
Arestovytch, reproche
aux autorités ukrainiennes
d’avoir conduit le pays
«dans une impasse» et
réclame des élections. Il
rompt le consensus, alors
que la majorité de la classe
politique ne veut pas d’un
scrutin.
Kiev (Ukraine)
De notre correspondant
Ce sont des mots qui, sortis de la
bouche d’une figure ukrainienne
de premier plan, portent un coup
sérieux à l’union sacrée qui s’était
mise en place à Kiev, depuis le
début de l’invasion russe : « Nos
dirigeants ont épuisé les limites de
leurs compétences, ils sont dans
une impasse et nous mènent au dé-
sastre. Voilà pourquoi j’insiste pour
que des élections soient organi-
sées. » C’est ce qu’écrit Oleksiy
Fariba Adelkhah.
Thomas Arrivé/Sciences Po
Affiliée au Ceri depuis 1993, Fa-
riba Adelkhah est spécialiste d’an-
thropologie sociale et politique
de l’Iran post-révolutionnaire.
Roland Marchal avait été libéré
dès mars 2020. Mais sa compagne
n’avait pas bénéficié de la même
mesure. Accusée de « propagande
contre le système politique de la
République islamique » et de « col-
lusion en vue d’attenter à la sûreté
nationale », elle avait été condam-
née en mai 2020 à cinq ans de pri-
son, puis assignée à résidence sous
bracelet électronique. À partir de
janvier 2022, elle a été incarcérée à
la section des femmes de la prison
d’Evin. Il est encore diicile de sa-
voir ce qui a favorisé sa libération.
Quatre Français à ce jour restent
Arestovytch, un ancien conseil-
ler présidentiel reconverti dans
le commentaire de l’actualité
ukrainienne. Une déclaration qui
date du 14 octobre sur sa chaîne
Telegram, où il est suivi par près de
342 000 personnes, qui s’ajoutent
au million et demi d’abonnés de sa
chaîne YouTube.
C’est la première fois en vingt
mois de guerre qu’une personna-
lité reconnue du paysage politique
ukrainien critique ouvertement le
pouvoir. Tout en prenant soin de
préciser que les difficultés mili-
taires sont de la responsabilité « du
leadership politique du pays et non
de l’armée », Oleskiy Arestovytch
accuse Kiev d’être responsable de
l’échec de la contre-ofensive dans
le sud en ayant consacré « énormé-
ment de troupes, d’équipements et de
ressources au maintien du mythe de
la forteresse Bakhmout ».
Cet appel à des élections est iné-
dit, alors que l’écrasante majorité de
la société civile ainsi que de la classe
La Croix -jeudi 19 octobre 2023
MONDE
détenus en Iran pour des raisons ar-
bitraires : le consultant en services
financiers Louis Arnaud, âgé de
35 ans, arrêté le 28 septembre 2022
à Téhéran alors qu’il visitait le pays ;
la professeure de français Cécile
Kohler et son conjoint, Jacques
Paris, tous deux membres du syn-
dicat Force ouvrière, arrêtés le 7 mai
2022, également durant un séjour
touristique. Enfin, un quatrième
Français est dans la même situation,
mais son identité n’a jamais été ren-
due publique. S’ajoutent à cette liste
une dizaine d’Occidentaux dont le
Suédois Johan Floderus, membre
du service diplomatique de l’Union
européenne, lui aussi arrêté lors
d’un séjour touristique en avril 2022
et accusé d’espionnage.
Deux Français avaient déjà été
libérés en mai dernier. Puis cinq
Irano-Américains, en septembre,
grâce à une négociation conduite
Le journaliste franco-afghan
Mortaza Behboudi libéré
Le journaliste franco-afghan Mortaza Behboudi, qui était détenu
depuis 284 jours en Afghanistan a été libéré après avoir été acquitté.
Il était accusé d’espionnage et de soutien illégal à des étrangers.
La justice talibane a ordonné sa libération immédiate. Il devrait pou-
voir regagner prochainement la France. Originaire d’Afghanistan
mais réfugié en France, le journaliste de 29 ans s’était rendu dans son
pays natal pour un reportage et avait été arrêté le 7 janvier dernier.
politique reste opposée à l’idée d’un
scrutin en temps de guerre. Cette
idée est même décrite comme une
« absurdité suprême » par Serhiy Pry-
toula, un acteur devenu directeur
de la plus importante fondation de
soutien à l’armée ukrainienne. Mais
malgré la force du propos et la célé-
brité de son auteur, le pamphlet n’a
pas suscité beaucoup de remous à
Kiev. Signe que la critique ouverte
des autorités ukrainiennes et de
son président Volodymyr Zelensky
(qu’Oleksiy Arestovytch ne men-
tionne pas directement) reste en-
core un tabou dans le pays, alors
que la situation en Israël a ravivé la
crainte d’une diminution du soutien
occidental à l’Ukraine.
« Ne faites pas de la publicité à
Arestovytch, s’est agacé le poli-
tologue ukrainien Volodymyr
Fessenko auprès de la radio ukrai-
nienne NV. Je ne crois pas qu’il soit
aujourd’hui un acteur significatif
de la politique ukrainienne. » Cette
réaction est le signe du mépris que
par le Qatar. En échange, les États-
Unis ont dû accepter le dégel de
plus de 5 milliards d’euros d’avoirs
iraniens issus de la vente de son
pétrole mais bloqués par Washing-
ton. Les États-Unis ont dû égale-
ment abandonner les charges re-
tenues contre cinq ressortissants
iraniens, poursuivis outre-Atlan-
tique pour avoir contribué au pro-
gramme nucléaire iranien. Depuis
plusieurs années, l’Iran a posé les
bases d’une véritable « diploma-
tie des otages », qui consiste à uti-
liser des ressortissants étrangers
pour faire pression sur les gouver-
nements des pays dont ils sont ori-
ginaires. La République islamique
s’eforce ainsi de négocier des amé-
nagements de sanctions et d’obtenir
la libération d’un certain nombre de
ses agents détenus dans les prisons
occidentales.
Alain Guillemoles
suscite ce personnage auprès d’une
partie de la classe politique et de la
société civile ukrainiennes. Oleksiy
Arestovytch avait, au début de l’in-
vasion, acquis une immense popu-
larité auprès d’un public rassuré
par son optimisme de fer, son sta-
tut de conseiller présidentiel et son
expérience dans le renseignement
militaire ukrainien.
Son aura a ensuite été ternie
par une multitude de déclarations
controversées, entre critique de
la société civile et sorties homo-
phobes. En janvier 2023, il a émis
l’hypothèse qu’un missile russe
ayant frappé un immeuble de
Dnipro aurait été dévié par la dé-
fense antiaérienne ukrainienne.
Une sortie qui lui a coûté son poste
de conseiller présidentiel. Depuis, il
a entrepris de se placer comme l’une
des principales igures d’opposition,
dans un système politique encore
largement soudé derrière le pré-
sident Volodymyr Zelensky.
Fabrice Deprez
essentiel
Ouganda T
Le président Museveni
condamne le meurtre
« lâche » de deux touristes
Le président Yoweri Museveni a
condamné, mercredi 18 octobre,
le meurtre « lâche » la veille de
deux touristes, un couple « en
lune de miel », et de leur guide
ougandais dans le célèbre parc
Queen Elizabeth. Les autorités
attribuent cette attaque aux re-
belles ADF, une milice implan-
tée dans l’est de la République
démocratique du Congo ayant
fait allégeance au groupe État
islamique. Les victimes sont
des ressortissants britannique
et sud-africain.
Géorgie
Le Parlement
échoue à destituer
la présidente
pro-occidentale
Le Parlement géorgien, dominé
par le parti pro-russe Rêve
géorgien, a échoué, mercredi
18 octobre, à destituer la
présidente pro-occidentale
Salomé Zourabichvili, dont les
pouvoirs sont limités et qui s’est
vu reprocher des déplacements
à l’étranger non autorisés ces
derniers mois. C’était la pre-
mière fois dans l’histoire de la
Géorgie, indépendante depuis
1991, qu’un chef de l’État faisait
face à un tel vote. La présidente,
qui a bénéicié du boycott de
l’opposition lors du vote au
parlement, a réairmé que son
objectif était de conduire son
pays sur la voie de l’adhésion
à l’Union européenne.
Autriche T
L’ex-chancelier
Sebastian Kurz jugé
pour faux témoignage
L’ex-chancelier autrichien Se-
bastian Kurz a clamé mercredi
son innocence au premier jour
de sa comparution à Vienne
pour un faux témoignage de-
vant le Parlement. Il est accusé
avec deux autres personnes
d’avoir menti devant une com-
mission parlementaire alors
qu’il était sous serment, des
faits passibles de trois ans d’em-
prisonnement. C’est la première
fois en plus de trente ans qu’un
ancien chef de gouvernement
doit rendre compte de ses actes
devant la justice autrichienne.
X sur la-croix.com
t Russie-Chine :
à Pékin, Xi Jinping
et Vladimir Poutine
célèbrent leur « amitié »
 IA LE
R E FLUV
CROISIÈ
u 22
Du 15 a 24
avril 20
CROISIÈRE FLUVIALE SUR LE DOURO
L’OR DU PORTUGAL Ce leuve impétueux serpente
et découpe une vallée épo-
nyme aux versants abrupts et
granitiques formant un cadre
grandiose et sauvage. Le tra-
vail et la persévérance des
hommes ont façonné ses ter-
rasses fertiles couvertes de
vignes pour en faire des mer-
veilles d’art paysager et pro-
duire l’or du Douro, le porto
et le vinho verde. À bord du
M/S Douro Spirit 5*, vous pro-
iterez d’une splendide navi-
gation à travers ces paysages
demeurés inchangés depuis
des siècles et inscrits au patri-
moine mondial de l’UNESCO.
Cette vallée romantique vous
dévoilera toutes ses richesses
FRANCE / PORTO - REGUA - PINHAO - POCINHO - SALAMANQUE - BRAGA - PORTO / FRANCE culturelles, son prestigieux
art baroque et ses quintas, té-
AVEC VOUS À BORD : PATRICK BARBIER moins de l’univers privilégié
Titulaire d’un doctorat d’italien et d’une HDR en Arts du Spectacle, professeur émérite des grandes dynasties du cé-
à l’Université catholique de l’Ouest (Angers). Spécialiste des rapports entre la musique lèbre nectar. Venez découvrir
et la société à l’époque baroque et à l’époque romantique, il a publié des biographies avec nous l’âme de la pénin-
(Farinelli, la Malibran, Pauline Viardot, Gaspare Spontini), ainsi que plusieurs essais
(Histoire des Castrats, La Venise de Vivaldi, Naples en fête...). Il a obtenu le Prix Thiers de sule ibérique sous le doux so-
l’Académie française pour Voyage dans la Rome baroque (Grasset) et le Prix Château de Versailles leil du printemps si agréable
du livre d’Histoire 2022 pour Marie-Antoinette et la musique. dans cette région !
Ses conférences : l Arts et musique baroques au Portugal au temps de Jean V l Scarlatti
et le castrat Farinelli : les musiciens de Barbara de Bragance l La musique au Portugal, du
romantisme au fado

À bord du
PATRICK QUILLIER
Universitaire, poète et essayiste. Professeur de littérature générale et comparée à DOURO SPIRIT 5*
l’Université Côte-d’Azur. Traducteur de poésie de langues portugaise, espagnole,
hongroise et grec moderne. Il est l’éditeur des Œuvres poétiques de Fernando Pessoa
(La Pléiade). Son dernier recueil de poèmes, Voix éclatées (de 14 à 18) (Ed. Fédérop,
2018) a obtenu le prix Kowalski de poésie de la ville de Lyon.
Ses conférences : l Le Nord, berceau du Portugal l Charmes et mystères de la langue
portugaise l Le Portugal et le monde Arabo - Berbère l Le Portugal et les Juifs Un bateau de grand confort pour 110 passagers.

POINTS FORTS
| La très belle navigation dans la vallée du Douro, paysage classé au patrimoine mondial de l’UNESCO
| La découverte de Porto et Braga, la «Rome» du Portugal et une journée à Salamanque, joyau de la
Castille
| Un dîner dans une quinta au cœur d’un domaine viticole
| Une soirée fado et un spectacle folklorique à bord
| Une prolongation possible de 3 jours à Lisbonne
| Un bateau élégant de 110 passagers seulement
| Une formule tout compris, excursions incluses
Accédez à la croisière ›
CRX45

INFORMATIONS ET INSCRIPTIONS : PRÉCISEZ LE CODE : CRX61

info@rivagesdumonde.fr - 01 83 96 83 38 - www.rivagesdumonde.fr/croisieres-partenaires/la-croix
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

12 FRANCE

Le gouvernement durcit le ton

sur le projet de loi immigration
tAprès l’attentat d’Arras,
le ministre de l’intérieur
souhaite intégrer à son projet
de loi sur l’immigration
des dispositions permettant
de retirer le titre de séjour
et d’expulser plus facilement
des étrangers radicalisés.

Il y a eu le projet de loi immi-

gration du gouvernement déposé
en conseil des ministres en fé-
vrier 2023. Puis celui durci par les
sénateurs de droite, voté en mars
en commission des lois du Sénat.
Voici la version musclée après
l’attentat d’Arras, qui arrivera en
séance au Sénat le 6 novembre.
Il ne s’agira pas d’une modifica-
tion de fond en comble mais de
quelques ajustements destinés
à pouvoir expulser plus facile-
ment les personnes radicalisées,
explique-t-on dans l’entourage
du ministre de l’intérieur Gérald
Darmanin, qui espère un vote à
l’Assemblée en décembre.
Alors que la droite et l’extrême
droite appellent régulièrement à
expulser tous les individus ichés
S (pour « sûreté de l’État »), le cabi-
net de Gérald Darmanin rappelle
que ce n’est pas possible. Il précise
notamment que le ichier de trai-
tement des signalements pour la
prévention de la radicalisation à
caractère terroriste (FSPRT) « est Gérald Darmanin, lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le 17 octobre. Telmo Pinto/Sopa/Sipa USA
une fiche de renseignement, pas
une mesure judiciaire ». Autrement possible de le faire en réaction le ministère, chaque année 4 000
dit : peuvent y être consignés des Le ministre à des troubles à l’ordre public et étrangers délinquants ou radica-
individus non condamnés, « juste le projet de loi actuel l’élargit au lisés ne peuvent être expulsés du
repères
parce que leur voisin les a dénon- de l’intérieur entend non-respect des principes de la fait de ces protections. Dont l’as-
cés ». Sur les quelque 20 200 per- ajouter dans République. Il s’agirait désormais saillant d’Arras, qui, placé il y a Le calendrier
sonnes ichées au FSPRT, « les trois de retirer son titre de séjour à un quelque temps en garde à vue pour des discussions
quarts sont françaises », donc non le projet de loi une étranger qui « adhère à une idéo- avoir frappé sa mère, n’aurait pas sur l’immigration
expulsables. Parmi les étrangers, disposition visant logie djihadiste », y compris si ce pu être renvoyé dans l’état actuel
seules 1 491 personnes sont en n’est pas caractérisé par une in- du droit. Il s’agirait de rendre pos- Le projet de loi immigration
situation irrégulière, parmi les- à pouvoir garder fraction pénale, « par exemple si sible l’expulsion de ces personnes au Sénat. Le projet de loi
quelles seulement 480 encore sur plus longtemps on trouve sur son téléphone une protégées en cas de comportement gouvernemental, dans sa ver-
le sol français. Parmi eux, le gou- photo de décapitation de l’État constituant une « menace grave sion votée par la commission
vernement envisagerait d’expulser les fichés S islamique », a indiqué la Place pour l’ordre public » sanctionné par des lois du Sénat en mars 2023,
11 Russes, la nationalité de l’assail- et les délinquants Beauvau. Olivier Véran, le porte- une peine passible d’au moins cinq doit être discuté en séance
lant d’Arras. Du moins si la Russie, parole du gouvernement, est allé ans de prison. entre le 6 et le 14 novembre.
avec qui le dialogue à ce sujet a re- en centre de rétention. encore plus loin en citant « le port Par ailleurs Gérald Darmanin a Le projet de loi immigra-
pris depuis début octobre, délivrait ostensible en milieu scolaire de déjà indiqué, dans une lettre à la tion à l’Assemblée nationale.
des laissez-passer consulaires, ce signes et de tenues religieuses » ou commission des lois du Sénat da- Auparavant prévue début
qu’elle rechigne à faire depuis la loi de 2018 a déjà porté de 45 à 90 « le refus d’être reçu ou entendu aux tée du 9 octobre, qu’il était « dis- janvier, la discussion aura
guerre en Ukraine. jours la durée de rétention maxi- guichets des services publics par un posé à soutenir la quasi-intégralité inalement lieu en décembre
Pour pouvoir expulser plus faci- male pour tous les retenus. Le mi- agent de sexe opposé pour des mo- des propositions faites par (votre) et pendant deux semaines.
lement ceux qui sont considérés nistre de l’intérieur entend encore tifs religieux ». commission ». Parmi lesquelles le
comme radicalisés, le ministre de allonger, pour les seuls ichés S et Enfin, le ministre de l’inté- durcissement du regroupement fa- Le texte des Républicains
l’intérieur entend ajouter dans le les délinquants, cette durée, qui rieur défend toujours une dispo- milial, de l’Aide médicale d’État, à l’Assemblée nationale.
projet de loi une disposition vi- pourrait atteindre jusqu’à « dix- sition déjà prévue par le projet de de l’examen de langue, du conten- Le 7 décembre, les
sant à pouvoir garder plus long- huit mois », durée maximale ixée loi qui permet de lever plus faci- tieux du droit des étrangers. Reste Républicains utiliseront
temps les fichés S et les délin- par une directive européenne. lement les protections qui inter- à ainer le compromis sur la régu- leur niche parlementaire
quants en centre de rétention, de Il envisage aussi d’ajouter un disent d’expulser certains étran- larisation dans les métiers en ten- pour présenter leur
façon à avoir un délai supplémen- article qui permettrait de retirer gers, par exemple ceux arrivés en sion, qui pourrait passer par une propre proposition,
taire pour obtenir ce laissez-passer plus facilement un titre de séjour France avant l’âge de 13 ans, ou circulaire plutôt que par la loi. concurrente du texte
consulaire. Dans cette optique, la en cas de radicalisation. Il est déjà sont mariés à des Français. Selon Nathalie Birchem gouvernemental.

Un bilan en demi-teinte pour la Nupes
à l’Assemblée nationale
tÀ l’arrêt après
le «moratoire» du PS
sur sa participation adopté
mardi 17 octobre, la Nouvelle
Union populaire écologique
et sociale (Nupes) a permis
à la gauche de s’unir aux
législatives et de peser au
Parlement, sans néanmoins
parvenir à se structurer
et à couvrir la parole
de Jean-Luc Mélenchon.
La Nouvelle Union populaire
écologique et sociale n’est plus
à la fête. Oublié l’enthousiasme
de la Fête de L’humanité, mi-
septembre, lorsque les quatre
représentants de l’intergroupe
Nupes à l’Assemblée nationale
avaient chacun défendu devant
les participants une proposition
de loi. Toutes ictivement adop-
tées. La police républicaine avait
été refondée par Mathilde Panot
(LFI), les énergies fossiles terras-
sées par Cyrielle Chatelain (Les
Écologistes, ex-EELV), le smic
et les salaires augmentés grâce
à Pierre Dharréville (PCF) et un
« minimum jeunesse » instauré
par Boris Vallaud (PS).
Mi-octobre, un mois après, la
chute est brutale pour la gauche,
Sites pornographiques, la Cour
de cassation donne raison aux associations
tSaisie par La Voix
de l’enfant et e-Enfance,
la Cour de cassation a annulé,
mercredi 18 octobre,
la décision de la cour
d’appel qui avait rejeté leur
demande de blocage de neuf
sites pornographiques.
L’étau se resserre autour des
sites pornographiques. Après le
vote à l’Assemblée, mardi 17 oc-
tobre, du projet de loi sur le nu-
mérique, qui autorise l’Arcom à
bloquer les sites qui ne vériient
pas l’âge des utilisateurs, la Cour
de cassation vient d’annuler la
décision de la cour d’appel qui
avait rejeté la demande de blo-
cage de neuf sites par deux as-
sociations de protection de l’en-
fance.
La Voix de l’enfant et e-Enfance
avaient été déboutées pour avoir
assigné les fournisseurs d’accès
Internet sans avoir d’abord cher-
ché à mettre en cause les édi-
teurs des sites pornographiques
ou leurs hébergeurs. Selon la cour
de la fiction à la réalité. Tou-
jours dans l’opposition, mais dé-
sormais désunie. Si LFI entend
continuer la Nupes, quel bilan
en tirent ses principaux parte-
naires ?
Globalement positif pour le dé-
puté socialiste Jérôme Guedj, à
plusieurs niveaux. Pour son parti
tout d’abord, car la rédaction
«La première des réussites,
c’est d’avoir montré qu’il
est possible de se parler
et de travailler ensemble,
alors que certains de nos
alliés ne voulaient plus
entendre parler du PS.»
d’un « programme partagé » puis
l’alliance électorale « ont permis
au PS de renouer avec sa radica-
lité et son électorat d’antan ». De
quoi satisfaire ce rescapé de l’an-
cienne aile gauche historique.
« La première des réussites, c’est
d’avoir montré qu’il est possible de
se parler et de travailler ensemble,
alors que certains de nos alliés ne
voulaient plus entendre parler du
PS », conclut Jérôme Guedj.Pour
la gauche ensuite, car l’inter-
groupe à l’Assemblée nationale
« a permis de vériier que le pro-
d’appel, elles n’avaient « pas agi,
ni tenté d’agir » contre les sites vi-
sés, alors que leurs propriétaires
ou sociétés éditrices sont iden-
tifiables et communiquent une
adresse située dans l’Union euro-
péenne. Le blocage par les four-
nisseurs d’accès Internet ne pou-
vait intervenir, selon elle, qu’en
dernier recours. Il aurait d’abord
fallu démontrer « l’impossibilité
d’agir eicacement et rapidement
contre l’hébergeur, contre l’éditeur
ou contre l’auteur du contenu liti-
gieux ».
Les deux associations avaient
estimé, au contraire, qu’une pro-
cédure judiciaire contre les sites
était plus compliquée et plus
longue, dans la mesure où ces
derniers n’ont pas leur siège so-
cial en France. La Cour de cassa-
tion vient de leur donner raison :
« L’article 6-I-8 de la loi de 2004
pour la confiance dans l’écono-
mie numérique ne crée pas de hié-
rarchie entre l’action en justice
menée contre l’hébergeur de sites
pornographiques et (celle) menée
contre le fournisseur d’accès Inter-
La Croix -jeudi 19 octobre 2023
FRANCE
gramme de la Nupes n’était pas
artiiciel, qu’il pouvait se décliner
au Parlement », allant jusqu’à la
présentation, il y a un an, d’un
contre-budget commun. « Nous
avions identifié des désaccords,
et cela a été assumé au Parle-
ment sans poser de problème, par
exemple sur l’Otan », poursuit Jé-
rôme Guedj.
Celui qui participait aux réu-
nions du mardi matin de l’in-
tergroupe insiste en outre sur
l’« effet nombre afin de soutenir
des amendements en commun et
d’imposer une question dans le
débat, à l’exemple des superpro-
its ». Porte-parole du groupe éco-
logiste, Éva Sas (Les Écologistes)
met également en avant des réus-
sites collectives. « La semaine
dernière, nous avons fait adopter
en commun un amendement qui
transforme la réduction d’impôt
pour l’hébergement en Ehpad,
qui ne bénéiciait qu’aux contri-
buables imposables, en crédit
d’impôt pour tous », illustre cette
membre active de la commission
des inances.
Ce bilan possède néanmoins
un volet plus négatif. « Nous
n’avons pas été capables de nous
répartir les sujets, donc chacun
veut à chaque fois prendre le lead,
net. Dès lors, une association de
protection de l’enfance peut de-
mander à la justice de contraindre
des fournisseurs d’accès Internet
à bloquer un site pornographique
sans qu’il soit exigé d’elle qu’elle
ait d’abord mis en cause l’éditeur
des contenus ou son hébergeur. »
Les deux associations
avaient estimé,
au contraire, qu’une
procédure judiciaire
contre les sites était plus
compliquée et plus longue,
dans la mesure où ces
derniers n’ont pas leur siège
social en France.
La Cour considère également que
l’association n’a pas à démontrer
l’impossibilité « d’engager une
procédure contre » les sites.
« C’est formidable, se réjouit
Justine Atlan, directrice géné-
rale d’e-Enfance. La cour d’ap-
pel, qui devra rejuger l’afaire, va
pouvoir se prononcer sur le fond et
devrait condamner les sites porno-
ce qui proite à LFI puisqu’ils sont
en position de force », dénonce
celle qui siège dans un groupe de
23 membres, contre 31 socialistes
et 75 Insoumis. « Nous sommes
souvent plus en concurrence qu’en
complémentarité », résume-t-elle.
Jérôme Guedj nuance aussi son
bilan. « La Nupes se fracasse sur
ce qui n’était pas prévu dans son
programme, chacun se remettant
alors dans son couloir », analyse-
t-il en pointant une Nupes « pas
structurée, assez informelle et
empirique ». Ce qui n’a pas per-
mis de rivaliser avec les interven-
tions intempestives de Jean-Luc
Mélenchon sur les réseaux so-
ciaux. Que ce soit sur la réforme
des retraites ou les émeutes ur-
baines.
« Nous étions tous d’accord sur
le fond pour questionner la doc-
trine du maintien de l’ordre ou le
contrôle de la police, et pour sou-
tenir les quartiers populaires,
mais la phrase de Jean-Luc Mé-
lenchon refusant d’en appeler au
calme a tout écrasé », regrette Jé-
rôme Guedj. Assurant : « Le choix
stratégique de la tonitruance et
du chahut permanent a agacé, en
dehors de LFI mais aussi au sein
de LFI. »
Laurent de Boissieu
graphiques qui ne respectent pas
la loi. »
Depuis le 30 juillet 2020, la loi
sur les violences conjugales rend
obligatoire la mise en place de
système de vériication d’âge sur
ces sites. Le décret d’application
du texte, publié en octobre 2021,
précise qu’une fenêtre deman-
dant à l’internaute s’il est majeur
ne suit pas.
L’article 227-24 du code pénal
condamne à trois ans d’empri-
sonnement et 75 000 € d’amende
la diffusion de contenus por-
nographiques accessibles aux
moins de 18 ans, mais les sites se
contentent de ces fenêtres qui, en
un clic, donnent libre accès à la
pornographie aux mineurs.
En 2022, sur 19 millions d’inter-
nautes ayant fréquenté des sites
pour adultes, 2,3 millions avaient
moins de 18 ans, relève une étude
de l’Arcom, publiée en mai. Et à
12 ans, près d’un tiers des jeunes
ont déjà été exposés à la porno-
graphie, selon un rapport du Sé-
nat publié en septembre 2022.
Paula Pinto Gomes
13
essentiel
Budget T
Le gouvernement
dégaine un premier 49.3
Comme attendu, le gouverne-
ment n’a pas traîné pour
activer le 49.3 lors des débats
budgétaires à l’Assemblée
nationale. La première
ministre Élisabeth Borne a en-
gagé la responsabilité du gou-
vernement sur le volet
« recettes » du budget 2024
dès mercredi 18 octobre, au
lendemain de la discussion
générale sur le texte. La France
insoumise a annoncé dans la
foulée le dépôt d’une motion
de censure. L’année dernière
déjà, le gouvernement avait
eu recours à un total de dix
49.3 pour faire adopter
le budget 2023.
Santé
Les médecins
libéraux
suspendent
leur grève
Les médecins libéraux en grève
depuis vendredi 13 octobre ont
suspendu leur mouvement
mardi soir, après le lancement
par le gouvernement de nou-
velles négociations sur une
revalorisation tarifaire.
L’intersyndicale « a suspendu
la grève », car la lettre de
cadrage des futures négocia-
tions, publiée par le ministre
de la santé Aurélien Rousseau,
« est encourageante », a indiqué
à l’AFP Franck Devulder,
président du syndicat CSMF.
Mercredi 18 octobre, les assis-
tants de régulation médicale
(qui répondent au 15) ont eux
aussi mis in à une grève lancée
en juillet, après avoir obtenu
in septembre une hausse
de 100 € de leur prime men-
suelle, qui atteindra 220 € brut
d’ici au 1er janvier.
X sur la-croix.com
t Attentat d’Arras :
le témoignage
de l’agent d’entretien
qui s’est interposé
face au terroriste
Assurons
ensemble
l’avenir
de votre journal !
Je soutiens
la-croix.com/don
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

14 Services
carnet bloc-notes annonces légales

décès t Je crois que mon Sauveur

est vivant… (Job 19,25).
Monseigneur Gérard Le Stang,
t Alain Valette Évêque d’Amiens, uni aux prêtres,
et Catherine Chauchard, aux chrétiens du diocèse et à sa
François et Annick Valette, famille, vous fait part
ses enfants, du retour à la Maison du Père de
Jean-Marie Valette Monsieur l’Abbé Jacky
et Sandra Bocquier, MARSAUX,
Caroline et Simon Schwartz, né le 8 juillet 1955 à Nice (06)
ses petits-enfants, ordonné prêtre le 29 juin 1986
Hugo, Victoria, Mahaut, à Amiens décédé accidentellement
ses arrière-petits-enfants, le 8 octobre 2023, Curé de la paroisse
ont la tristesse de vous annoncer du Christ Roi à Roye et théologien
le décès de délégué diocésain pour
la promotion de l’unité
Michelle VASSEUR des chrétiens responsable
née Depoux, du service de la pastorale
archiviste-paléographe, liturgique et sacramentelle.
chevalier La messe des obsèques sera
de la Légion d’honneur, célébrée le mardi 24 octobre 2023
à 15 heures en la cathédrale Notre-
survenu à Paris, Dame d’Amiens. Inhumation au
le 15 octobre 2023, cimetière de Lizy-sur-Ourcq (77).
à l’âge de 92 ans.
Paris
Solidarité
Partage et recherche d’emploi :
journée d’accueil gratuite avec des
professionnels à l’écoute des cher-
cheurs d’emploi, samedi 11 novembre,
de 9 heures à 17 heures. Une équipe
bénévole de la paroisse Saint-Fran-
çois de Sales accueille les personnes
en recherche d’emploi pour les écou-
ter et les conseiller. Une journée
ouverte à tous, sous le regard de
Dieu, pour aider les participants à
réussir leur recherche de poste ; des
managers et des spécialistes des res-
sources humaines et des relations
sociales animent des exposés et des
petits groupes. Un déjeuner partagé
est proposé à la suite des échanges
en petits groupes. Un entretien indi-
viduel est proposé à la suite de la
session. Pour les participants qui
le souhaitent, cette journée peut se
PARIS
RECTIFICATIF
VOCA CONSEIL
BOULIER-VIDEAU-LECOMTE-de
PANTHOU-PICOT
Avocats associés
8 rue Alfred Kastler - 14000 CAEN
Téléphone : 02 31 80 42 51
Télécopie : 02 31 86 45 73
Rectiicatif à l’annonce parue le 6
septembre 2023, concernant la cession de
portefeuille de courtage en assurances
correspondant à une branche complète de
la société :
SODEJE ASSURANCES
(RCS PARIS 530 192 269) au proit de la
société FINANCIERE DE LA SEINE (RCS
PARIS 420 464 646).
Il a été écrit :
suivant acte sous seing privé en date à
PARIS (75000), du 31 juillet 2023.
Il fallait lire :
suivant acte sous seing privé en date à
PARIS (75000), du 1er août 2023.
Le reste de l’annonce est inchangé.
d’adopter le régime de la séparation de bien
pure et simple.
Les oppositions pourront être faites dans
un délai de 3 mois suivant la présente
publication et devront être notiiées par
lettre recommandée avec demande d’avis
de réception ou par exploit d’huissier à
Maître Louis-Marie GISSELBRECHT,
Notaire susnommé et domicilié.
Suivant acte reçu par Maître Louis-Marie
GISSELBRECHT, Notaire à Paris (2ème) 11
rue Marsollier, le 9 octobre 2023,
Monsieur Jean-François DEHECQ, , né à
NANTES (44000) le 1er janvier 1940, et
Madame Marie-France DEHECQ, née
LEPINETTE, née à GOUVIEUX (60270) le
14 octobre 1938, demeurant ensemble à
PARIS 16E ARRONDISSEMENT (75016), 46
rue du Docteur Blanche, mariés
initialement sous le régime de l’ancienne
communauté légale de meubles et acquêts,
à défaut de contrat de mariage préalable à
leur union célébrée à la Mairie de
COYE-LA-FORET (Oise), le 14 septembre
1962, ledit régime modiié pour une
communauté conventionnelle de biens
meubles et immeubles suivant acte reçu
par Maître Jean-Maurice OUDOT, Notaire
à PARIS, en date du 5 décembre 2000,
homologué par jugement du Tribunal de
Grande Instance de VERSAILLE en date du
11 mars 2003 dont une expédition a été
déposée au rang des minutes de Maître
Jean-Maurice OUDOT suivant acte en date
du 29 décembre 2023, ont décidé pour
l’avenir d’aménager leur régime

La cérémonie religieuse sera

célébrée le mardi 24 octobre,
à 10 h 30, en l’église
Saint-François-Xavier,
Paris (7e).
L’inhumation aura lieu
le même jour, à 16 heures,
Transmission du carnet
Par courrier : 18, rue Barbès,
92128 Montrouge Cedex.
Par téléphone renseignement : de
9 heures à 17 heures au 01 74 31 66 06
(du lundi au vendredi)
E-mail : carnetlacroix@
bayardmedia.fr (Préciser nom,
adresse et n° de téléphone)
poursuivre par un parrainage.
Inscription nécessaire à l’accueil de la
paroisse 70 rue Jouffroy d’Abats 75017
Paris, par téléphone : 06.26.16.14.95 ou par
mail adressé à priere.emploi@gmail.com.
Journée gratuite : chaque participant
apporte une contribution au repas et boisson.
matrimonial dans l’objectif d’accroître la
CHANGEMENT protection du survivant des époux
D’ADMINISTRATEUR (notamment modiication des clauses de
préciput et de partage de la communauté).
Les oppositions pourront être faites dans
ALTIX un délai de 3 mois suivant la présente
DEVELOPPEMENT publication et devront être notiiées par
Société par actions simpliiée lettre recommandée avec demande d’avis de
au capital de 2 145 002 euros réception ou par exploit d’huissier à Maître
Siège social : 26 rue Damrémont Louis-Marie GISSELBRECHT, Notaire sus-
75018 PARIS nommé et domicilié.
RCS PARIS 839 878 238

au cimetière d’Audruicq Les textes doivent parvenir

Nathalie Jira (agenda.lacroix@ Aux termes d’une délibération de
l’Assemblée Générale Ordinaire en date du
(Pas-de-Calais),
où elle rejoindra
avant 11 h pour une parution
le lendemain (pas de rubrique
groupebayard.com) 19/06/2023, il résulte que l’AG a constaté la
démission de M. Frédéric BARADEL en sa
Pour vos annonces
son époux, le samedi/dimanche). À nos abonnés qualité de membre du Directoire depuis le
31/12/2022 et n’a pas procédé à son judiciaires et légales
Michel Vasseur La ligne : 20 € TTC. Pour toute question concernant votre remplacement.
(† 1999), La ligne en gras est facturée abonnement, votre accès Internet, Pour avis - Le Président Contact : Média Marketing
sur la base de deux lignes. appelez le service clients au
et leur ils, au 01 41 38 86 15.
Remise de 10 % à nos abonnés. 01 74 31 15 02 CHANGEMENT DE
Benoît Remise de 50% pour les iançailles, RÉGIME MATRIMONIAL E-mail : lacroix@mediamarketing.fr
(du lundi au vendredi de 8 h 30 à 19 h)
(† 1973). mariages et baptêmes. Par arrêté des préfets des départe-
Suivant acte reçu par Maître Louis-Marie
GISSELBRECHT, Notaire à Paris (2ème) 11
ments intéressés, La Croix a été
rue Marsollier, le 11 octobre 2023, désigné comme publicateur oiciel
Monsieur Arnaud Jacques Marie de LA pour recevoir, en 2023, dans les
PANOUSE, ingénieur, né à SAINT-ROME

La Bible comme vous ne l’avez (31290) le 11 septembre 1991, et Madame

Isaure de LA PANOUSE, née de FERAUDY,
ingénieur, née à SAINT-JEAN-DE-BRAYE
(45800) le 30 novembre 1992, demeurant
départements de Paris (0.237 €*),
Hauts-de-Seine (0.237 €*),
Val-de-Marne (0.237 €*), toutes

jamais lue, ni entendue ! ensemble à PARIS 15E ARRONDISSEMENT

(75015), 99 rue du Théâtre, mariés en
uniques noces à la mairie de PLOUHINEC
(56680) le 9 août 2022 sous le régime légal
les annonces judiciaires et légales,
en matière de procédure civile
et de commerce, ainsi que les actes
de la communauté de biens réduite aux de société.
de acquêts, à défaut de contrat de mariage
Déjà plus préalable, ont décidé pour l’avenir de * Il s’agit du tarif d’un caractère
00 0 ex.
150 changer leur régime matrimonial et hors taxes.
vendus !

Vous voulez
réagir à un article
d’un de nos journalistes
Vous voulez
vous exprimer sur un
La Bible des écrivains est de retour ! Une traversée immersive et musicale incarnée par la voix
de Noam Morgensztern de la Comédie Française. Plongez dans ces textes millénaires
sujet particulier
et laissez-vous emporter par les émotions et la puissance des récits bibliques !
Ecrivez à l’adresse
Disponible chez Audible et Apple Books. Pour découvrir des extraits, rendez-vous sur toutes
les plateformes de podcasts. Flashez ce QR code pour un accès direct :
lecteurs.lacroix@groupebayard.com
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

ÉCO&TRANSITION 15

essentiel
L’Union européenne redessine
son marché de l’électricité Carburant T
TotalEnergies maintient
son plafonnement
des prix en 2024
TotalEnergies maintiendra le
plafonnement du prix de ses
carburants à 1,99 € le litre pour
tAprès des mois toute l’année 2024, a annoncé
de querelle entre la France mercredi 18 octobre le ministre
et l’Allemagne, les 27 États de l’économie Bruno Le Maire.
membres ont réussi Une mesure taxant les marges
à dégager leur position des raineurs – comme Tota-
de négociation sur la refonte lEnergies – dans le projet de
du marché de l’électricité. budget 2024 actuellement en
tLes pourparlers discussion à l’Assemblée natio-
avec le Parlement européen nale avait été envisagée ces der-
commencent sur nières semaines, mais elle n’y
les chapeaux de roues. igure inalement pas.

Une « triple victoire », rien de

moins. C’est ainsi que la ministre
de la transition énergétique Agnès
Pannier-Runacher a décrit l’ac-
cord dégagé mardi 17 octobre au
soir entre les 27 États membres
de l’Union européenne, réunis au
Conseil de l’UE, sur la réforme du
marché de l’électricité : elle le juge
positif, à la fois « pour l’Europe,
pour le climat et pour le nucléaire ».
Il doit encore faire l’objet d’un ac-
cord avec le Parlement européen.
Agnès Pannier-
Runacher salue un
accord qui «assure
la préservation
de l’atout que
Sortie du nucléaire, l’Allemagne craignait un accord avantageant la France. Laurent Grandguillot/REA
de référence (ou « strike price ») qui
permet, selon le niveau des prix
du marché, de soutenir inancière-
ment les industriels (si les prix du
Transport aérien
Air France va
quitter Orly pour
laisser la place
à Transavia
Confronté à une « chute struc-
turelle de la demande » sur ses
lignes intérieures, Air France
a annoncé mercredi 18 octobre
quitter l’aéroport d’Orly en 2026
et regrouper ses opérations à
Paris-Charles-de-Gaulle pour
laisser le champ libre à sa com-
pagnie à bas coût (« low cost »)
Transavia. Six lignes à partir
Le télétravail très bénéique d’Orly seront supprimées :
Pointe-à-Pitre, Fort-de-France,

constitue le nucléaire
français».
Depuis le mois de mars en efet,
et après les incessantes demandes
de certains États en faveur d’une
décorrélation totale entre les prix
du gaz et ceux de l’électricité, la
Commission européenne a pré-
senté cette refonte des règles. Son
but : lutter contre la volatilité des
prix et protéger les consommateurs.
marché sont faibles) ou les consom-
mateurs (si les prix s’envolent, en
redistribuant la diférence entre le
prix du marché et le « strike price »).
La question qui a donné beau-
coup de il à retordre aux négocia-
teurs européens était la suivante :
faut-il ou non accepter que des in-
frastructures nucléaires déjà exis-
tantes, comme les centrales trico-
lores, puissent bénéficier de ces
contrats ? Sans surprise, la France
était extrêmement favorable à l’in-
clusion de la possibilité de recou-
pour économiser de l’énergie Saint-Denis de La Réunion,
Toulouse, Marseille et Nice.
Transavia prendra le relais vers
Si tout le monde télétravaille en même temps dans une entreprise, ces trois dernières villes depuis
permettant de fermer les locaux au moins deux jours, les écono- le même aéroport. Seule excep-
mies d’énergie (chaufage, éclairage, climatisation, transports) tion, les liaisons vers la Corse,
peuvent atteindre un taux de 25 % à 35 %, selon une étude menée resteront assurées depuis Paris-
à la demande du gouvernement par l’Institut français pour la per- Orly, conformément au cahier
formance énergétique des bâtiments (Ifpeb). L’étude révèle deux des charges de la délégation
choses : il faut que le télétravail soit synchronisé, notamment de service public.
le vendredi, ce qui permet que le bâtiment s’arrête trois jours sur la-croix.com
de suite. Deuxième enseignement, l’efet rebond dans les loge- Un article détaillé
ments est en moyenne assez faible, de l’ordre de seulement 8 %.

Lors des pics de consommation de
courant en hiver, il faut allumer les
centrales les plus gourmandes en
énergie, en général à gaz. Pour que
le propriétaire accepte de mettre en
marche une centrale, il faut que ce
soit rentable pour lui, ce qui pousse
les prix du marché à la hausse.
La Commission européenne n’a
pas opté pour une réforme en pro-
fondeur, mais a plaidé pour un re-
cours plus généralisé aux contrats
dits de long terme, qui visent à
mieux encadrer les prix et à per-
mettre de les rendre moins dépen-
dants des prix du marché. Mais
un type de contrat en particulier,
les contrats d’écart compensa-
toire (« contracts for difference »
ou CFD) ont rapidement consti-
tué une pierre d’achoppement
majeure entre les délégations – et
au premier chef entre la France
et l’Allemagne. Ces CFD sont des
contrats qui reposent sur un prix
rir à des CFD pour les centrales nu-
cléaires déjà en fonction. Elle en
avait même fait une ligne rouge.
L’Allemagne, qui est pour sa part
sortie du nucléaire, craignait des
distorsions de concurrence sur
le marché européen. En d’autres
termes, Berlin ne voulait pas voir
EDF dopée aux subventions pu-
bliques par le biais de ces CFD.
« Le problème de l’Allemagne, c’est
qu’elle avait peur que la France ne
bénéficie d’un avantage compé-
titif pour son industrie », résume
Christophe Grudler, eurodéputé
membre du groupe Renew Europe
(RE) et spécialiste de l’énergie. Ce
qui a permis de surmonter le blo-
cage, c’est « la garantie que la Com-
mission européenne veille à ce que
les conditions restent équitables
entre les États membres », a estimé
la commissaire européenne res-
ponsable de l’énergie Kadri Simson
à l’issue de cette épineuse réunion
du Conseil énergie. En d’autres
termes, le recours à des CFD par
les États membres sera possible
tant que les règles de la concur-
rence européenne seront respec-
tées. Agnès Pannier-Runacher n’a
pas caché son soulagement, saluant
un accord qui « assure la préserva-
tion de l’atout que constitue le nu-
cléaire français ». Mais avant que
cette vaste réforme européenne ne
puisse être appliquée, le texte doit
encore franchir l’étape dite des
« trilogues », c’est-à-dire des négo-
ciations entre le Conseil de l’UE et
le Parlement européen.
Ce dernier dispose de sa position
de négociation sur ce texte depuis
le mois de septembre. Le but des
co-législateurs est de parvenir à
accorder leurs violons avant la in
de l’année – comme l’a réclamé le
Conseil européen (c’est-à-dire par
les 27 chefs d’État et de gouverne-
ment de l’UE) en mars. Le coup
d’envoi de ces trilogues sera donné
dès ce jeudi 19 octobre. Cette pre-
mière réunion rassemblant les co-
législateurs ne sera qu’un premier
tour de chauffe durant lequel les
positions de chacun seront rappe-
lées – avant que les négociateurs
n’entrent dans le dur du sujet lors
des prochaines sessions de travail.
« Il peut y avoir des questions du
côté du Parlement européen car il a
sa propre position. Notre tâche, c’est
de défendre l’équilibre auquel nous
sommes parvenus », a souligné la
ministre espagnole Teresa Ribera
Rodríguez. L’Espagne occupe la
présidence tournante du Conseil
de l’UE jusqu’à la in de l’année. Et
elle ne fait pas mystère de son en-
vie d’accrocher un accord inal sur
cette réforme majeure pour l’Union
à son tableau de chasse.
Céline Schoen
6
millions
de bénéiciaires
supplémentaires
éligibles au prêt
à taux zéro (PTZ).
Alors que ce dispositif devait
être supprimé, le ministre de
l’économie Bruno Le Maire a
annoncé mercredi 18 octobre
son prolongement. Le PTZ pas-
sera de 80 000 à 100 000 euros
maximum et sera étendu aux
personnes gagnant entre 2 500
et 4 000 € et à 210 villes en plus.
Cela représentera un efort pour
l’État de 850 millions d’euros.
sur la-croix.com
Un article détaillé
X sur la-croix.com
t La Cour des comptes
porte un regard sévère
sur les RER
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

16 RELIGION

Le grand marché
des parcours de catéchisme
tLe rassemblement
Kerygma est organisé par
le Conseil pour la catéchèse
et le catéchuménat du 20
au 23 octobre à Lourdes.
tSi le nombre d’enfants
catéchisés ne cesse
de décroître, les propositions
classiques de manuels
de catéchisme continuent
de se renouveler et d’autres
pédagogies se développent.
Absorbés, chacun à son atelier,
les enfants sont calmes et auto-
nomes. De 4 à 12 ans, il y en a pour
tous les niveaux. Cette scène dans
la paroisse Saint-Ferdinand des
Ternes à Paris peut surprendre.
Mais la catéchèse du Bon Pasteur,
qui utilise certains éléments de la
pédagogie de Montessori, se dé-
veloppe de plus en plus en France
pour explorer la Bible et la liturgie
à travers les sens et l’esprit.
« Les catéchistes se plaignaient
que les enfants étaient insuppor-
tables, se rappelle Anne Sampré
qui, il y a quinze ans, est partie à
Rome pour se former à cette mé-
thode. L’intérêt de cette forma-
tion est qu’elle se passe en silence,
et propose un cadre qui s’adapte
aux besoins et envies de l’enfant. »
Celui-ci travaille d’abord seul sur
l’atelier qu’il choisit, puis suit un
temps de méditation en groupe Les éditeurs proposent aussi des livres « clé en main » pour les animateurs. Claire Jaillard pour La Croix
avec un enseignement, avant un
nouveau travail solitaire « pour tiples en France. Un vaste marché ché se restreint à mesure que le
absorber la Parole ». Dans cette concurrentiel qui s’explique en de solution dans des parcours nombre d’enfants catéchisés dimi-
paroisse parisienne, la catéchèse tout premier lieu par la diversité
paroles catéchétiques trop intellec- nue. « Tous les éditeurs se replient
du Bon Pasteur est proposée paral- des publics, entre des familles très tualisés mais dans la parole de sur les mêmes tranches d’âge car les
lèlement à un parcours classique. engagées dans l’Église et d’autres Dieu et dans son enracinement parcours pour le collège-lycée ne se
C’est encore ce dernier qui est le plus éloignées mais souhaitant
«Que la parole de dans la vie de l’Église. Il faut vendent pas », explique Geneviève
plus répandu dans les écoles et donner les bases d’une éducation Dieu soit au centre» être attentif à ce que la parole Pasquier, éditrice à Crer-Bayard
paroisses. religieuse à leurs enfants. de Dieu soit au centre, car le (Bayard est aussi éditeur de La
« Il faut écouter, connaître son premier acteur du catéchisme, Croix), spécialisée dans l’éveil re-
«Tous les éditeurs public et savoir ce que demandent Mgr Olivier Leborgne c’est l’Esprit Saint. C’est lui ligieux et la catéchèse.
les familles, indique Pauline Évêque d’Arras et président qui stimule le catéchiste. Crer-Bayard a fait le choix de
se replient Dawance, directrice du Service du Conseil pour la catéchèse C’est un point d’attention produire des parcours de caté-
sur les mêmes national de la catéchèse et du ca- et le catéchuménat central du rassemblement chèse susceptibles d’être utilisés
téchuménat (SNCC) de la Confé- Kérygma, de relier notre aussi bien par des paroisses que
tranches d’âge rence des évêques de France. Et « Certains parents sont habités action aux fondamentaux des établissements scolaires. « Les
car les parcours trouver un juste équilibre en pro- de peurs face à la légèreté du kérygme, l’annonce du ouvrages catéchétiques obéissent à
posant du catéchisme tout-venant, de la catéchèse des enfants. cœur de la foi chrétienne. » des modes. Les parcours s’adaptent
pour le collège-lycée complété par de la culture chré- Or, nous ne trouverons pas Recueilli par Cécile Mérieux en fonction des besoins des caté-
ne se vendent pas.» tienne, pour répondre aux aspira- chistes. » À Crer-Bayard, ce sont les
tions des familles qui veulent aller services diocésains de la catéchèse
plus loin. » Découvrir l’art chrétien, qui sont les auteurs des manuels :
visiter des sanctuaires, participer les vielles marmites qu’on fait les les enfants vivent lors de nos ses- « Ils ont la pratique sur le terrain
De fait, pour les enfants qui dé- à la liturgie, partir en pèlerinage… meilleures soupes », plaisante Ju- sions à Paray-le-Monial (Saône-et- et les retours des utilisateurs. Ces
couvrent la foi chrétienne, il n’y a « afin d’aider les enfants à entrer lien Glorieux, des Éditions Pierre Loire, NDLR) », explique Anne de services voient s’il y a un déficit et
pas un parcours unique. À l’heure dans leur culture ». Téqui. Pour cette maison d’édition, Thieulloy, parmi les laïcs qui, avec ils sont pleins d’imagination pour
où la transmission de la foi se fait Mais, pour certains parents, le livre de Christine Ponsard Dieu les membres de la communauté de y remédier. »
de plus en plus diicilement dans cette approche pragmatique reste nous aime !, publié en 1984, conti- l’Emmanuel, ont travaillé à la ré- La diversité des âges au sein des
le catholicisme, et où les chifres insuisante. Ils se tournent alors nue d’être un « long-seller ». daction de leur manuel. groupes de caté, en raison de la di-
des enfants catéchisés ne cessent vers des manuels plus tradition- À chaque maison d’édition son Les propositions sont multiples minution des efectifs des jeunes
de décroître, les parcours de ca- nels qui proposent des parcours approche. « Nous avons voulu faire et la concurrence est rude entre et des catéchistes, complique l’en-
téchèse sont nombreux et mul- jugés plus denses. « C’est dans profiter à tous de l’expérience que les maisons d’édition, car le mar- seignement. Un problème P P P
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

RELIGION 17

P P P auquel les éditeurs tentent de

répondre. « Nous avons conçu trois
parcours annuels qui peuvent être
suivis par tous les âges en même
temps grâce à des activités décli-
nables par niveau, explique Anne
de Thieulloy, pour L’Emmanuel.
Cette formule est utile notamment
pour les paroisses rurales dont les
groupes sont souvent composés
d’enfants d’âges différents. »
Le jeune public n’est pas le seul
visé par les programmes : la for-
mation des catéchistes elle-même
est un autre point d’attention. Les
éditions religieuses proposent
des livres pour l’animateur « clé en
main », avec un carnet de chants et
de prières. « Le manuel adulte est
riche en enseignements pour former
aussi l’accompagnateur qui n’a pas
toujours été lui-même catéchisé »,
poursuit Anne de Thieulloy.
Toutefois, les éditeurs n’ont
pas carte blanche. Aiguillés par
les orientations du Directoire et
de la Conférence des évêques de
France, les auteurs sont invités à
les faire réviser avant publication
au SNCC. « Des choses peuvent être
mal formulées, il peut comporter
des confusions ou un manque de pé-
dagogie, indique Pauline Dawance.
Nous révisons le fond et la forme. »
La diversité des âges
au sein des groupes
de caté, en raison
Femmes de foi,
des protestantes se
racontent en podcast
tDans une série
de podcasts, intitulée
Protestantes!, produite
par Regards protestants,
des figures féminines
du protestantisme parlent
de leurs expériences.
tDes personnalités
et des parcours variés
incarnant des engagements
qui «font bouger les lignes»
au sein de l’Église et au-delà.
« Protestante, c’est vraiment un
beau mot », glisse Joan Charras
Sancho, diacre. « C’est un mot qui
porte un peu de subversion », ré-
pond en écho la théologienne
Lauriane Savoy. Dès le générique,
« protestante » est le mot qui réunit
les femmes dont Jérémie Claeys a
recueilli les témoignages, ces six
derniers mois, pour réaliser le nou-
veau podcast du portail de médias
Regards protestants.
Elles sont des igures familières
étroit comité consultatif – com-
posé uniquement de femmes –,
il s’est appliqué à ofrir une diver-
sité de proils et de thématiques.
Cela en donnant à entendre tant
des femmes issues des Églises
évangéliques que de l’Église
luthéro-réformée.
« J’ai grandi dans un milieu
évangélique, où j’ai trop entendu
les hommes », analyse celui qui est
aussi réalisateur de la série Héré-
tique ? et qui entend « déconstruire
nos croyances religieuses ». Le pod-
cast Protestantes ! apporte de nou-
velles perspectives au sein même
du protestantisme : « La pensée
protestante est riche et lumineuse,
et les femmes ont quelque chose à
nous dire des inégalités sociales
dans notre société. »
Alix Champlon
Le podcast est disponible
sur toutes les plateformes.
essentiel
Œcuménisme T L’institut Al-Mowafaqa
fête ses 10 ans à Rome
L’Institut œcuménique de théologie Al-Mowafaqa de Rabat,
au Maroc, qui a fêté ses 10 ans, est en visite à Rome et au Vatican
jusqu’au vendredi 20 octobre. La délégation, comprenant notam-
ment le cardinal Cristobal Lopez Romero, archevêque de Rabat et
coprésident de l’institut, et la pasteure Karen Smith, présidente
de l’Église évangélique au Maroc et aussi coprésidente d’Al-Mo-
wafaqa, sera reçue par deux dicastères, celui pour la promotion de
l’unité des chrétiens et celui pour le dialogue interreligieux.
VaticanTLe pape François loue Charles de Foucauld,
« igure prophétique pour notre temps »
Lors de l’audience générale, place Saint-
Pierre, au Vatican, mercredi 18 octobre,
le pape François a consacré sa catéchèse
à Charles de Foucauld (1858-1916).
Canonisé en mai 2022, le « frère univer-
sel » a été présenté par le pape comme
un exemple de zèle pour l’annonce
de l’Évangile. Il « nous rappelle ainsi
que le premier pas pour évangéliser est
d’avoir Jésus dans notre cœur », a insisté
François, expliquant que le saint « nous
montre la puissance évangélisatrice
AFP de la douceur, de la tendresse ».
X sur la-croix.com
t Tribune. Père Gaston Piétri :
« Le Synode n’est pas un processus de démocratisation »

de la diminution
des effectifs
du milieu protestant : Emmanuelle
Seyboldt, présidente du conseil
national de l’Église protestante
OFFREZ Peut-on faire confiance
unie de France (EPUdF), recon- le grand dossier aux médias ?
des jeunes nue pour son livre Des femmes et
et des catéchistes, des dieux paru en 2021 ; Lauriane du 23 novembre au 8 décembre 2023
Savoy, théologienne et histo-
complique rienne, régulièrement invitée sur
l’enseignement. les plateaux télévisés pour par-

semaines
ler du genre, du féminisme et de

L’éditeur peut apporter les mo-
diications suggérées avant de l’en-
voyer à l’évêque pour qu’il donne
son imprimatur. Chaque diocèse
émet deux ou trois recomman-
dations de manuels ain d’éviter
que les catéchistes diocésains ne
s’éparpillent. « Parfois les respon-
sables pastoraux sentent qu’un
parcours ne correspond pas à leur
paroisse ou n’arrivent pas à en-
trer dedans, indique Geneviève
Pasquier. D’où l’importance d’avoir
plusieurs propositions. » Toutefois,
malgré les documents officiels,
certains prêtres ou catéchistes
religion… Ce n’est cependant pas
à une de leurs conférences ou de
leurs prédications que Jérémie
Claeys invite les auditeurs.
Dans ces épisodes
qui durent près d’une heure,
on entend peu le réalisateur.
Une fois le micro posé,
c’est l’enfance, l’éducation
religieuse, les diicultés et
les failles de l’âge adulte qui
se déplient, naturellement.
« J’ai appris à me taire et à écou-
ter. » De fait, dans ces épisodes qui
durent près d’une heure, on en-
2
OFFERTES
sans engagement
Nous vivons dans une société de
l’information. L’offre de média ne cesse
de se diversifier, grâce notamment
aux supports numériques. Mais la profusion
tourne parfois à la confusion.
Alors que des États généraux de l’information
posent la question de l’indépendance
et de la fiabilité des médias, du fait
de facteurs technologiques économiques
et politiques, La Croix propose une plongée
Émile Loreaux pour La Croix

optent pour leur propre parcours
au risque de proposer « des choses
qui ne sont pas toujours équili-
brées », constate Pauline Dawance.
Dans cette multitude de propo-
sitions, le parcours idéal n’existe
pas et repose encore sur les
épaules des catéchistes. « Chaque
méthode est compliquée, il faut du
temps pour se l’approprier, conie
Blandine Morant, infirmière à
la retraite et catéchiste depuis
trente ans à la paroisse de Saint-
Paul-Sainte-Jeanne-d’Arc à Dijon.
Il faut être inventif et trouver les
moyens d’intéresser les enfants. »
Cécile Mérieux
tend peu le réalisateur. Une fois le dans la fabrique de l’info.
micro posé, c’est l’enfance, l’édu-
cation religieuse, les diicultés et Pendant deux semaines, La Croix déclinera
les failles de l’âge adulte qui se dé- ses enquêtes sur tous ses supports. Parce que
plient, naturellement. Les thèmes si les médias représentent « le 4e pouvoir »,
qu’on leur connaît, à savoir le fé- ils ont aussi un devoir de transparence envers
minisme, l’écologie ou l’interreli- celles et ceux qui leur font confiance.
gieux, n’apparaissent qu’au carre-
four des événements de leur vie,
ou en iligrane de leur construc-
tion personnelle. À la question du Faites découvrir à vos proches pendant 2 semaines GRATUITEMENT
féminisme, la réponse n’est d’ail-
leurs pas unanime. Simple et rapide, inscrivez-les avant le 16 novembre,
« Humaniser tous ces points de pour être sûr de recevoir l’intégralité du dossier sur
vue grâce au récit permet d’ap-
porter de la pluralité », souligne la-croix.com/media2
Jérémie Claeys. Entouré d’un

18
Light Cloud, Dark Cloud,
de Mark Rothko, peint en 1957.
© 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher
Rothko - Adagp, Paris, 2023
tRiche de plus
d’une centaine de tableaux,
la rétrospective du peintre
américain qui s’ouvre
à la Fondation Vuitton oscille
entre moments d’extase
et de recueillement tragique.
tElle révèle une œuvre
profondément humaine, sous
ses dehors abstraits.
Mark Rothko
À la Fondation Louis-Vuitton,
à Paris (1)
Dans ces temps chargés de tu-
multe, pourquoi se réfugier dans
la contemplation de peintures ?
Peut-être pour y retrouver le si-
lence et l’intériorité qui nous font
tant défaut, songe-t-on en dé-
couvrant les 115 œuvres de Mark
Rothko rassemblées à la Fonda-
tion Vuitton à Paris.
Né en 1903 à Dvinsk dans la
Russie tsariste, l’artiste a vu son
enfance marquée par des pogroms
qui ont contraint sa famille à l’exil.
Après des débuts iguratifs à New
York, il cesse de peindre en 1940
alors que la guerre ravage l’Europe.
Puis livre des tableaux surréalistes
hantés par la tragédie antique tel
ce Présage de l’aigle où plane l’em-
blème du III e Reich… Jusqu’en
1946 où, comme tant d’artistes
bouleversés par la Shoah, il aban-
donne brusquement toute igure.
Dès lors, Rothko ne peint plus
que des formes de couleurs vi-
brantes, bientôt étagées en grands
parallélépipèdes. Ne vous iez pas
à leur splendeur ! « À ceux qui
pensent que ma peinture serait se-
reine, j’aimerais dire que j’ai empri-
sonné la violence la plus absolue
dans chaque centimètre carré de
leur surface », a prévenu l’artiste.
À la Fondation Louis-Vuitton,
plus des deux tiers des œuvres té-
moignent de ce style « classique ».
De manière étonnante, celui-ci
semblait déjà en germe dès les pre-
mières peintures du métro new-
yorkais, composées en rectangles
de couleurs. Lorsque ceux-ci fi-
nissent par l’emporter, ils ne vont
cesser d’évoluer, de se concentrer
au il du temps, passant de tona-
lités éclatantes à des accords plus
sourds, parfois même noir sur noir.
Non sans revirements chatoyants.
Pour porter ses couleurs à leur
maximum d’intensité, Rothko pré-
pare ses pigments avec des mé-
langes de colle de peau de lapin,
Les abîmes colorés
de Mark Rothko
repères
À lire et à voir
Le catalogue de l’exposition,
avec une brochette d’auteurs
internationaux, coédité
par la Fondation Louis-Vuitton
d’œuf, de résine et d’huile de lin,
empruntés aux maîtres anciens. Il
multiplie les ines couches de glacis
donnant de la profondeur à ses sur-
faces. Ici, un blanc aérien comme
un nuage, là un jaune éclatant tel un
tapis de pollen, ailleurs le bleu d’une
nuit abyssale. Leurs contrastes
créent une tension, une lutte par-
fois, les formes n’étant sécurisées
par aucun contour. Au contraire,
La Croix -jeudi 19 octobre 2023
CULTURE
et Citadelles & Mazenod,
316 p., 45 €.
Rothko. Une absence d’image :
lumière de la couleur.
Un essai éclairant de l’historien
de l’art Ishaghpour, préfacé
par Michaël de Saint-Chéron.
Éd. du Canoë, 104 p., 14 €.
elles flottent comme des appari-
tions. « Mon art n’est pas abstrait, il
vit et respire », se défendait-il.
Les éclairages ont été réglés ici
très bas, conformément au vœu
du peintre. C’est chaque tableau
qui doit rayonner de lui-même.
Suzanne Pagé, qui avait déjà ex-
posé l’œuvre de Rothko à Paris en
1999 (2), raconte ainsi comment
au moment du déballage des neuf
Rothko, la peinture vous
regarde. Un documentaire
inédit de Pascale Bouhénic
qui entremêle des éléments
biographiques à une approche
sensible des œuvres. Difusé sur
Arte le 12 novembre à 17 h 45 et
sur Arte.tv du 5 novembre
au 9 février 2024.
Seagram Murals (1959), prêtés ex-
ceptionnellement à la Fondation
Vuitton par la Tate de Londres,
ces compositions aux nuances
étoufées – marron, grenat et rose
– « semblaient d’abord muettes.
Puis notre éclairagiste a baissé les
lumières à 30 lux, soit un niveau in-
férieur à celui requis pour exposer
des dessins. Et tout à coup, la pein-
ture s’est révélée ! »
Commandées à l’origine pour le
restaurant du Seagram Building
à New York, ces toiles monumen-
tales, finalement jugées incom-
patibles par le peintre avec ce lieu
huppé, renouent avec des signes
architecturaux. Déjà, dans les pre-
miers Multiformes en 1948-1949,
des blocs rappelaient discrète-
ment l’urbanisme de la grande
ville. Cette fois, ce sont des arches,
des colonnes, des ouvertures énig-
matiques qui se dessinent. « Toute
ma vie, j’ai peint des temples grecs,
sans le savoir », confiera-t-il. Et
c’est bien ce que l’on ressent dans
cet environnement tissé de clarté
ténue et de ténèbres, nous ren-
voyant au mystère de la condition
humaine.
Les éclairages ont
été réglés très bas,
conformément
au vœu du peintre.
C’est chaque tableau
qui doit rayonner
de lui-même.
L’accrochage composé en échos
subtils, ricochant d’une toile à
l’autre, culmine au dernier étage
dans une salle incandescente où
les tableaux couvent comme de la
braise, juste avant de basculer dans
l’univers aride des Black and Gray
Paintings (1969). Affaibli par un
anévrisme, le peintre a livré cette
série – l’une des dernières avant
son suicide – en réponse à une
commande (jamais réalisée) pour
l’Unesco en lien avec une sculpture
de Giacometti. Isolées par un cadre
blanc inédit, les compositions s’y
réduisent à une bande de gris sous
une bande de noir, comme des pay-
sages désertiques que hantent, à la
Fondation Vuitton, les hautes sil-
houettes en bronze de L’Homme qui
marche et de Grande Femme II de
l’artiste italien.
Une manière de restituer le
questionnement existentiel de la
peinture de Mark Rothko. « Je ne
m’intéresse, disait-il, qu’à l’expres-
sion des émotions humaines fonda-
mentales – tragédie, extase, mort et
j’en passe. »
Sabine Gignoux
(1) Jusqu’au 2 avril 2024.
(2) À l’époque au Musée d’art moderne
de la Ville de Paris.

Une farce qui étrille notre angoisse de vieillir
tDans cette comédie,
à l’aiche jusqu’au
5 novembre, de jeunes
acteurs de la Comédie-
Française jouent leurs
alter egos vieillis, obligés
de gagner les faveurs
du public d’un jeu télévisé
pour inancer leur maison
de retraite. Réjouissant
et implacable.
Et si c’étaient eux ?
Théâtre du Vieux-Colombier,
à Paris
Devant eux, un miroir cerclé de
lumière comme dans une loge d’ar-
tistes. Tout autour d’eux, un rideau
doré rehaussé de néons tapageurs.
Elle est un peu afaissée sur sa chaise,
lui d’une droiture immobile, insen-
sibles tous deux à l’agitation qui gran-
dit. Plus tard, on apprendra que Fran-
cine Valia fut la doyenne de la troupe
de la Comédie-Française et Martin
Lallemand, le directeur du Conserva-
toire national d’art dramatique. Mais
pour l’heure, interpellé par la zélée
assistante Lisa Oullala, le public,
à peine installé, quitte la scène du
théâtre du Vieux-Colombier pour le
plateau d’un jeu télévisé, animé par
Alban Vauqueur – hilarant Laurent
Stocker.
Difusé sur impots.gouv.fr, le jeu
met en concurrence plusieurs mai-
sons de retraite pour obtenir les
subsides nécessaires à leur fonc-
tionnement. Le couple silencieux,
comme les quatre autres résidents
qui peu à peu les rejoignent, vit
dans celle de Couilly-Pont-aux-
Dames, destinée aux anciens
Ambiance tendue à la Foire
du livre de Francfort
tCet événement
littéraire de premier ordre
n’échappe pas aux tensions
sur la question israélo-
palestinienne.
La Slovénie est l’invitée de la
75e édition de la Foire du livre de
Francfort qui se tient jusqu’au di-
manche 22 octobre. Et pourtant,
c’est l’ombre du Proche-Orient et
du conlit israélo-palestinien qui
plane sur le plus grand événe-
ment mondial de l’édition. Avant
même son ouverture, la polé-
mique a éclaté lorsque, en « raison
de la guerre déclenchée par le Ha-
mas », la remise du prix littéraire
LiBeraturpreis à l’autrice palesti-
nienne Adania Shibli a été repor-
tée – son roman Un détail mineur
relate le viol et le meurtre d’une
L’émission « Et si c’étaient eux » oppose plusieurs maisons de retraite. Vincent Pontet/Collection Comédie-Française
comédiens qui ont fait la renom-
mée de la Comédie-Française. Pour
convaincre les téléspectateurs, ils
vont devoir démontrer leur talent
et provoquer des larmes. Au rythme
débridé imposé par l’animateur sur
le retour, ils vont opposer leur résis-
tance à la disparition, leurs liens an-
ciens et leur passion commune.
Eux ont peu de gestes mais des
trésors de mots. Il y a ceux du réper-
toire, qui surgiront comme autant
de sentinelles de leur mémoire dé-
faillante. Ceux, assenés d’un soule
par Judith Siquaire – captivante
jeune fille palestinienne par des
soldats israéliens en 1949.
Dans la foulée, 600 personna-
lités du monde de l’édition et de
la littérature, dont Annie Ernaux,
prix Nobel de littérature en 2022,
ont critiqué cette décision dans
une lettre ouverte. « Le Salon du
livre de Francfort a la responsabi-
lité de créer des espaces permettant
aux écrivains palestiniens de parta-
ger leurs pensées, leurs sentiments
et leurs réflexions sur la littérature
en ces temps terribles et cruels, sans
les fermer », écrivent-ils. Plusieurs
groupes d’édition de pays musul-
mans tels que l’Indonésie et la
Malaisie ont quant à eux annulé
leur participation au salon.
La polémique s’est aussi invitée
à la cérémonie d’ouverture, mardi,
placée sous le signe de la solida-
rité avec Israël. Le philosophe
La Croix -jeudi 19 octobre 2023
CULTURE
Julie Sicard –, contre la dérive d’une
société tellement angoissée de vieil-
lir qu’elle eface ses anciens. Ceux,
enin, de Christophe Montenez et
Jules Sagot, coauteurs de ce texte
ciselé qui, durant deux heures,
ofre le plaisir de la farce comme la
force d’une critique implacable des
temps. Une prouesse portée tout du
long par une troupe de comédiens
fantastiques, en totale maîtrise de
ces incessantes variations.
Inspirée de l’histoire de l’hospice
créé par Constant Coquelin pour
accueillir les anciens artistes, la
slovène Slavoj Zizek a dénoncé
une « interdiction d’analyser » les
choses. « Je condamne sans ré-
serve l’attaque du Hamas contre
les Israéliens. Je donne également
à Israël le droit de se défendre et de
détruire la menace. Toutefois, dès
qu’on analyse le contexte, on est
soupçonné de vouloir soutenir le
terrorisme », a-t-il regretté, avant
de juger « scandaleux » le report
du prix à Adania Shibli.
Parmi les personnes ayant
quitté la salle, le commissaire
chargé de la lutte contre l’antisé-
mitisme de la Hesse a reproché
à Slavoj Zizek de « relativiser les
crimes du Hamas ». Juergen Boos,
le directeur de la Foire du livre,
a ensuite rappelé « l’importance
de s’écouter les uns les autres ». Un
exercice visiblement diicile.
Delphine Nerbollier
pièce résonne du récent scandale
des Ehpad, dénoncé par le journa-
liste Victor Castanet dans son ou-
vrage Les Fossoyeurs. Elle dessine
surtout une autre manière de regar-
der la vieillesse, de l’écouter, la tou-
cher, l’endosser. Les deux metteurs
en scène ont fait le choix de conier
les rôles à de jeunes comédiens de
la troupe, et le public peut s’amuser
à retrouver leurs visages sous le ma-
quillage de Cécile Kretschmar. À ce
jeu, peut-être reconnaîtront-ils leur
propre image.
Béatrice Bouniol
19
essentiel
Agenda T
Le festival Solistes,
aux serres d’Auteuil
Du 20 au 22 octobre, la mani-
festation musicale retrouve son
cadre d’origine tout en conser-
vant sa ligne artistique. Huit
récitals au format d’une heure
mettent en regard œuvres du
répertoire et création contem-
poraine. À l’aiche cette année,
Jean-Marc Luisada, Florian
Noack, Marie-Ange Nguci,
Tanguy de Williencourt, et le
tout jeune Gaspard Thomas.
Rens. : ars-mobilis.fr/2023/
Cinéma
Le prix Jean Vigo
attribué
à Dominique
Marchais
Le prix Jean Vigo 2023 a été
attribué à Dominique Marchais
pour son documentaire
La Rivière, qui sortira en salles
le 22 novembre. Tourné dans les
Pyrénées, ce ilm s’intéresse au
bouleversement de l’écosystème
des gaves, ces rivières puissantes
qui se jettent dans l’Atlantique,
en raison de l’activité humaine.
Il succède à Saint Omer, d’Alice
Diop. La cérémonie de remise
des prix sera l’occasion de
rendre un hommage à la réa-
lisatrice récemment disparue
Sophie Fillières et de remettre
un Vigo d’honneur à la cinéaste
Claire Simon.
X sur la-croix.com
t À Tours,
le retour sur scène
d’un piano-pédalier
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

20 Écrans-radio
le choix de La Croix

Ariane, ses échecs et ses victoires

Ariane, une épopée spatiale
À 21 h 05 sur France 5
« Épopée, passion, émotion, ba-
taille… » Les termes sont un brin
ronlants pour introduire le docu-
mentaire consacré au développe-
ment du programme spatial eu-
ropéen depuis les années 1960.
Pourtant, force est de reconnaître
que le récit de cette aventure
scientiique, politique et commer-
ciale fait battre plus d’une fois le
cœur du spectateur. Que d’eforts,
d’enjeux, d’échecs cuisants mais
aussi d’intuitions formidables et
de victoires ! Grâce à une pléiade
de témoins et d’experts dont les
propos soutiennent des archives
Décollage d’Ariane 5 depuis Kourou (Guyane). Esa-Cnes-Arianespace/FTV ilmées souvent spectaculaires, on
suit la saga sans ennui durant une
heure trente en plein ciel. Apparaît
comme fil rouge la concurrence
exacerbée entre l’Europe, l’URSS
(puis la Russie) et les États-Unis.
Il s’agit de frapper plus vite et plus
fort, de convaincre les inanceurs,
séduire de nouveaux clients, les fu-
sées ayant pour mission première
de propulser sur orbite des satel-
lites d’observation et de télécom-
munications. Les modèles succes-
sifs d’Ariane ont acheminé plus de
300 satellites dans l’espace.
Avant Ariane, il y eut Diamant,
lancée depuis une base algérienne,
qui a « formé les compétences et
donné confiance ». Après l’indé-
pendance de l’Algérie, il faut trou-
ver un autre site : ce sera Kourou en
Guyane. En deux ans, on défriche
la forêt, construit un port, une sta-
tion météorologique, une centrale
électrique. Chantier dantesque qui
n’attend plus que… des fusées. Et
pendant ce temps, les Américains
se préparent à marcher sur la Lune.
D’échec en succès, d’innovation
technologique en casse-tête écono-
mique – tout cela coûte très cher ! –,
la guerre spatiale ne connaît aucune
trêve, bousculée par de nouveaux
entrants, au premier rang desquels
l’insolent SpaceX d’un certain Elon
Musk. Aiguillonnée, l’industrie eu-
ropéenne fait désormais reposer
ses espoirs sur Ariane 6, annoncée
comme « révolutionnaire ». À Kou-
rou, un centre de lancement et un
pas de tir nouvelle génération sont
réalisés. Rien que pour elle !
Emmanuelle Giuliani

TF 1 France 2 France 3 Arte France 5 M6 Et aussi...

11.50 Les douze coups 6.30 Télématin; 9.30 La 12.25 ICI 12/13 – Edition 10.55 Les maîtres de l’Ara- 9.10 Yétili; 9.30 Sale temps 5.30 M6 Music; 5.40 In- Canal+ CRYPTÉ : 21.10
de midi; 13.00 Journal; maison des Maternelles; toute région; 12.55 Météo bie; 11.50 Les superpou- pour la planète; 10.05 Le croyables transforma- Téhéran. Série de sus-
13.40 Petits plats en 10.40 Météo Outre-mer; à la carte; 13.55 Météo à voirs des animaux; 12.20 magazine de la santé; 11.05 tions; 8.50 M6 Boutique; pense. 0 : « Le père de
équilibre; 13.50 Météo; 10.50 Chacun son tour; la carte (la suite); 14.40 Nature, le retour du sau- Les routes de l’impossible; 10.05 Ça peut vous ar- Tamar ». Avec Niv Sultan,
14.00 La maison du mal. 11.55 Tout le monde veut Tandem; 16.45 Duels vage; 13.35 Un amour im- 12.05 Vert de rage; 13.00 river; 11.30 Ça peut vous Shaun Toub.
Téléilm de suspense prendre sa place; 12.50 en familles; 17.25 Slam; possible. Drame (2018), de SOS animaux orphelins; arriver chez vous; 12.45 France 4 21.10 Carte
(2023), de Chris Bragg Journal Météo climat; 18.10 Questions pour un Catherine Corsini; 15.45 13.35 Le magazine de la Le 12.45; 13.40 Scènes de blanche à Cut Killer. Con-
0; 15.40 Nuit de terreur 13.00 Journal 13h00; champion; 18.55 L’image Les derniers paradis sau- santé; 14.40 Michel De- ménages; 14.00 Un jour, cert.
pour la baby-sitter. Télé- 13.55 Ça commence au- du jour; 19.05 ICI 19/20 vages; 16.30 Merveilles an- bré et La Réunion, dérives un doc. Magazine; 17.30 RTL 9 20.55 Priest. Film
ilm de suspense (2018), jourd’hui; 16.10 Afaire – Edition locale; 19.15 ICI imales du Paciique; 17.20 d’une ambition républic- Le château de mes rêves. de science-iction (2011),
de Jake Helgren 0; 17.30 conclue...; 18.00 Tout le 19/20 – Edition toute ré- Invitation au voyage; 18.55 aine; 15.40 Le peuple de Magazine; 18.30 Objec- de Scott Stewart, avec Paul
Familles nombreuses : la monde a son mot à dire; gion; 20.00 Tout le sport; Forêts primaires, avec les l’aigle et moi; 16.35 Vivre tif Top Chef. Magazine. Bettany (1 h 30).
vie en XXL; 18.30 Ici tout 18.35 N’oubliez pas les pa- 20.20 Journal Météo rangers du Monténégro; loin du monde; 17.25 L’in- Présenté par Philippe C8 21.20 Y’a que la vérité
commence; 19.10 Demain roles; 19.50 Journal Météo climat; 20.30 Météo ré- 19.30 Le dessous des im- vité de C dans l’air; 17.40 C Etchebest; 19.45 Le 19.45; qui compte. Magazine.
nous appartient; 20.00 climat; 20.00 Journal; gionale; 20.40 Aux Jeux, ages; 19.45 Arte journal; dans l’air; 18.55 C à vous; 20.30 Scènes de ménages. Présenté par Pascal Bataille
Journal. 20.50 Un si grand soleil. citoyens ! 20.05 28 minutes. 20.05 C à vous la suite. Série humoristique. et Laurent Fontaine.
W9 21.05 Les 20 tubes des
21.10 Vise le cœur. 21.10 Inauguration de la 21.10 Meurtres à... Série 20.55 Total Control. 21.05 Ariane, une épo- 21.10 Kaamelott : pre- années 90 préférés des
Série policière (Saison 2, Cité internationale de la policière (Saison 7, 5/7) : Série dramatique pée spatiale. Documen- mier volet. Comédie Français. Documentaire.
1 et 2/6) «Promenons-nous Langue française. Diver- « Meurtres en Cotentin ». (Saison 1, 1 à 3/6) 2 Avec taire.L’histoire de la fusée (2021), d’ Alexandre Présenté par Jérôme An-
dans les bois » 0 Avec tissement. Présenté par Avec Chloé Lambert, Léa Deborah Mailman. La Ariane est une épopée spa- Astier, avec Alexandre thony.
Claire Keim, Lannick Leïla Kaddour et Stéphane François. François Le- Première ministre aus- tiale qui a vu les Européens Astier, Lionnel Astier
Gautry. Le corps d’un juge Bern. En direct. Dédiée hodey, promoteur im- tralienne déclenche une s’unir et innover pour se (2 h 00). Missionné par les KTO
d’instruction est retrouvé au français par le cinéma, mobilier qui comptait de guerre de pouvoir où tous faire une place dans la dieux, Arthur Pendragon,
au bois de Saint-Cloud, la littérature ou encore le nombreux ennemis, est les coups sont permis; course à l’espace. Cet in- déchu, veut regagner son 20.55 A la Une; 21.10 Au
empoisonné à l’aconit, théâtre, la Cité internatio- retrouvé mort dans un 23.25 Les parcs natio- déniable succès européen trône de l’île de Bretagne; risque de l’Histoire.
leur très toxique com- nale de la langue française étang; 22.55 La France naux américains : 150 est aujourd’hui à un tour- 23.25 Kaamelott – Livre Magazine. Présenté par
munément nommée « la ouvre ses portes à Vil- en vrai. Documentaire. ans au service de la na- nant de son histoire; 22.40 1. Série humoristique. Christophe Dickès; 22.05
plante tue-loup » ; «Mau- lers-Cotterêts; 23.35 Les Cette collection docu- ture. Documentaire. Yel- C ce soir. Talk-show. Avec Alexandre Astier, Reportage; 22.15 Entre-
vaise graine » 0; 22.45 Vise beaux parleurs. Documen- mentaire traite les grands lowstone, les Everglades, Présenté par Karim Ris- Franck Pitiot. Au Ve siè- tien. Magazine; 22.45
le cœur. Série policière taire. Avec leur professeur sujets de société d’un le Grand Canyon, Yo- souli et Camille Diao. Com- cle, le roi Arthur et ses Églises du monde; 23.15
(Saison 1, 1 et 2/6) «Ennemi de grec, latin et français, point de vue local, à tra- semite Valley : voyage à mentaires de Laure Adler preux chevaliers tentent Vox Luminis : Light and
intime » 0 Avec Claire des élèves du Lycée Charle- vers les 13 antennes ré- travers quelques-uns des et Arthur Chevallier. «C de relever la mission Shadow; 0.20 Chapelet à
Keim, Lannick Gautry; « La magne, à Paris, organisent gionales du réseau de plus spectaculaires parcs ce soir» propose un débat divine qui leur a été Lourdes; 0.50 Au risque
loi du père ». 0 un concours d’éloquence. France 3. nationaux américains. pour éclairer l’actualité. coniée. de l’Histoire.

Séance du mercredi 18 octobre. Cours en clôture.

6 965,99 pts Accor 30,81 -1,66 +31,95 Danone 54,58 +0,26 +10,87 Kering 409,45 -0,01 -13,89 Ses Imagotag 104,6 -1,69 -14,26
Adp 103,7 -3,26 -17,17 Dassault Aviation 186,8 -0,90 +18,08 Klepierre 22,26 -0,58 +3,39 Societe Generale 21,63 -0,76 -7,88
-0,91% +14,82% Air France -klm 11,678 -3,57 -5,13 Dassault Systemes 35,305 -0,28 +5,40 L'oreal 383,1 -1,11 +14,84 Sodexo 99,5 +0,40 +11,20
Air Liquide 157,32 -1,27 +18,82 Derichebourg 4,42 -2,81 -19,93 Lectra 22,4 +0,45 -36,36 Soitec 142,75 -2,23 -6,61
Airbus 124,72 -2,03 +12,34 Edenred 54,12 -1,99 +6,37 Legrand 83,98 -1,87 +12,24 Solutions 30 Se 1,568 -1,38 -8,09
Ald 6,495 -0,99 -39,64 Eiffage 86,16 -0,44 -6,27 Lvmh 667,7 -0,10 -1,79 Solvay 99,94 -1,68 +5,80
SBF120 5 284,82 -0,93 Alstom 12,29 -0,97 -46,14 Elior Group 1,651 -3,90 -49,97 Mercialys 8,065 - -17,45 Sopra Steria Group 181,8 -1,14 +28,75
SBF250 5 169,92 -0,93 Alten 115,7 -2,12 -0,94 Elis 16,26 -2,17 +17,66 Mersen 34,8 -1,14 -7,81 Spie 26,1 -2,54 +7,14
Amundi 51,6 -1,99 -2,64 Engie 14,72 -1,15 +9,95 Metropole Tv 12,11 +0,17 -21,11 Stellantis Nv 18,778 -0,55 +41,51
Dow Jones (New York) 33 805,58 -0,56 Aperam 26,69 -4,44 -9,49 Eramet 64,15 -4,96 -23,49 Michelin 28,77 -1,41 +10,72 Stmicroelectronics 39,855 -1,97 +20,79
Nasdaq (New York) 15 011,89 -0,73 Arcelormittal Sa 21,245 -3,91 -13,55 Essilorluxottica 163,62 -0,50 -3,30 Neoen 24,76 -1,43 -34,17 Technip Energies 22,61 +0,49 +54,12
Nikkei (Tokyo) 32 042,25 +0,01 Argan 62,8 -0,48 -17,15 Eurazeo 53,6 -1,83 -7,75 Nexans 67,65 -2,03 -19,89 Teleperformance 118,2 -0,30 -46,92
EuroStoxx 50 4 106,61 -1,10 Arkema 87,38 -1,38 +4,17 Euroapi 4,73 -1,46 -65,85 Nexity 13,54 -1,96 -48,04 Tf1 6,865 -0,29 -4,05
FT 100(Londres) 7 588,00 -1,14 Atos 4,902 -1,90 -45,61 Eurofins Scient. 48,89 -2,65 -27,10 Orange 11,004 +0,57 +18,56 Thales 141,55 -0,49 +18,65
Axa 28,16 -0,41 +8,08 Euronext 66,6 -0,60 -3,70 Orpea 1,23 -0,04 -80,07 Totalenergies 63,78 +0,95 +8,75
Beneteau 11,98 +0,50 -15,28 Eutelsat Communic. 4,782 -1,73 -31,29 Pernod Ricard 158,6 -0,97 -13,69 Trigano 134,4 +0,22 +5,33
Bic 60,25 -1,15 -5,79 Fdj 29,22 -2,08 -22,25 Plastic Omnium 13,66 -2,57 +0,59 Ubisoft Entertain 27,71 -0,04 +4,92
Etats Unis EUR/USD 1,0565 -0,04 Biomerieux 89,68 -1,54 -8,42 Fnac Darty 22,26 -1,07 -35,37 Publicis Groupe Sa 74,86 -0,61 +25,98 Unibail-rodamco-we 44,5 -2,43 -8,49
Gde-Bret.EUR/GBP 0,8661 -0,24 Bnp Paribas Act.a 57,31 -0,64 +7,62 Forvia 16,67 -2,26 +17,98 Remy Cointreau 115,35 +1,05 -26,81 Valeo 12,815 -2,25 -23,26
Bollore 5,135 - -1,63 Gecina 92,5 -1,91 -2,79 Renault 36,07 -2,41 +15,33 Vallourec 11,11 -0,67 -9,45
Suisse EUR/CHF 0,9492 -0,26 Bouygues 31,63 -1,89 +12,80 Getlink Se 14,615 -1,02 -2,40 Rexel 20,05 -1,86 +8,73 Valneva 5,202 -2,14 -16,42
Japon EUR/JPY 158,1000 +0,04 Bureau Veritas 23,15 -0,43 -5,93 Gtt 120,6 +0,84 +20,84 Rubis 21,42 -0,37 -12,93 Veolia Environ. 25,85 -1,49 +7,71
Capgemini 164,3 -0,15 +5,35 Hermes Intl 1686 -0,18 +16,68 S.e.b. 87,85 -0,06 +12,27 Verallia 34,84 +0,40 +9,97
Carmila 13,54 +0,59 +1,50 Icade 29,04 -1,09 -27,83 Safran 149,6 -1,55 +27,95 Vinci 100,82 -1,89 +8,07
Piece Suisse 20F 345,10 Carrefour 15,85 +0,28 +1,34 Id Logistics Group 244,5 -1,61 -8,77 Saint Gobain 51,23 -4,01 +12,22 Virbac 260,5 - +14,25
Lingot 1 KG Env. 59 470,00 Piece Latine 20F 343,90 Cgg 0,672 -0,41 +11,15 Imerys 25 -0,71 -31,21 Sanofi 101,36 -1,53 +12,82 Vivendi Se 8,456 -0,47 -5,14
Piece 10 Dol USA 900,00 Souverain 435,00 Clariane 4,892 -2,74 -51,66 Interparfums 48,2 +0,52 -13,31 Sartorius Sted Bio 186,5 -2,10 -38,35 Voltalia 9,08 -0,55 -46,78
Piece 10 Florins 360,00 Coface 11,49 -1,12 -5,35 Ipsen 118,2 -1,34 +17,61 Schneider Electric 147,1 -3,16 +12,53 Wendel 76,6 +0,72 -12,16
Piece 20 Dolars 1 970,00 Le baril à Londres 91,06 $ Covivio 38,42 -3,13 -30,71 Ipsos 43,68 - -25,33 Scor Se 28,88 +0,45 +34,39 Worldline 23,98 +3,23 -34,36
Piece 20F 351,90 Le baril à NY 88,01 $ Credit Agricole 11,444 -0,83 +16,41 Jcdecaux 15,74 -0,19 -11,17 Ses 5,74 -2,79 -5,75 X-fab 9,26 -2,37 +39,98

Katherine Mansfield.
Rester vivante à tout prix
d’Henriette Levillain
Flammarion, 320 p., 21 €
Y
a-t-il jamais
eu d’auteur à l’image de Katherine
Mansield, dont l’œuvre se confond
autant avec l’existence ? L’autrice
néo-zélandaise, qui excella dans
« l’art délicat » de la nouvelle, mena
au basculement du XX siècle une
vie brève et intense, pleine d’au-
daces littéraires et de passions
amoureuses. À la faveur du cen-
tenaire de sa mort, survenue en
1923 à l’âge précoce de 34 ans, plu-
sieurs de ses recueils reparus au
printemps avaient permis de lire
ou relire la prose poétique de cette
étonnante igure des lettres anglo-
saxonnes du siècle dernier (1).
En retraçant les tournants exis-
tentiels de l’autrice, clés de voûte
de son travail, au fil de chapitres
mêlant faits, commentaires et ex-
traits de son œuvre en anglais,
mais aussi éléments de sa corres-
pondance et de son journal, sa
biographe ne parle d’ailleurs pas
d’autre chose que de littérature.
« Dès l’adolescence, l’écriture brève
l’avait conquise. Spontanément, elle
en possédait le tour de main, comme
on le dit d’un chef pâtissier : légère,
elliptique, jamais explicative ou des-
criptive, dépourvue d’entrée en ma-
tière et de conclusion. La curiosité
du lecteur devait s’éveiller dès le dé-
but et rester sur sa faim », écrit à ce
propos Henriette Levillain. La pro-
fesseur émérite à Paris-Sorbonne
raconte une autrice en recherche
constante de son art, grande amou-
reuse des femmes, des hommes et
de la littérature – de l’amour lui-
même : « En réalité, Katherine cher-
chait en vain l’amour vrai et en vain
explorait les voies de la reconnais-
sance littéraire. »
Katherine, née Beauchamp
(Mansield était le nom de sa grand-
mère) en 1 888 dans un foyer bap-
tiste de la bonne société de Wel-
lington, cultiva sa courte vie durant
son goût pour la liberté et l’indé-
pendance. Intrépide, scandaleuse
jeune ille qui convainc ses parents
de la laisser partir seule à Londres,
alors qu’elle n’a que 20 ans… Ex-
cellente musicienne, c’est à l’écri-
La Croix -jeudi 19 octobre 2023
LIVRES& IDÉES
Katherine
Mansfield,
la fulgurance ture qu’elle consacra sa courte vie
marquée par les deuils et l’exil,
et cette « angoisse mentale » dont
d’une vie
elle ne se départit jamais. Inspirée
par Oscar Wilde, Anton Tchekhov
ou John Keats, côtoyant Francis
Carco et D. H. Lawrence, elle en-
tretint aussi une correspondance
avec Virginia Woolf. Autrice de la
réminiscence et de l’enfance – ce
Une passionnante temps « de toutes les virtualités » –,
pionnière d’une littérature de l’in-
térieur et des consciences propre
au courant moderniste, Katherine
biographie de l’autrice Mansfield inspira d’ailleurs sa
contemporaine par sa prose di-
recte, « claire comme le verre, rai-
née et spirituelle », qui cueille le lec-
néo-zélandaise, comme teur in medias res et le laisse tout
autant, en suspens de l’histoire.
Excellente
une porte d’entrée musicienne, c’est
à l’écriture qu’elle
dans l’œuvre sensible consacra sa courte
vie marquée
par les deuils et l’exil,
de la nouvelliste. et cette «angoisse
mentale» dont
elle ne se départit
jamais.
À 34 ans et alors trè s ma-
lade – elle succombera bien-
tôt à la tuberculose –, Katherine
Mansield est encore en train de
réléchir à son travail et à son ins-
piration. Jamais, pourtant, elle ne
renonça à travailler, et à aimer.
Ainsi écrit-elle à ses amies, en
1921 : « Faisons des projets, réali-
sons-les, soyons heureuses quand
nous nous reverrons, rions beau-
coup cette année et ne pleurons
jamais. » Un élan vital qui force
l’admiration de sa biographe, et la
nôtre : « Composer et recomposer les
réunions familiales fracturées par
la mort – par sa prochaine mort —,
tel est jusqu’aux derniers instants
l’enjeu de sa plume si subtile. »
Fabienne Lemahieu
(1) On se plongera dans Révélations
et autres nouvelles, Éd de l’Aube,
108 p., 12,90 € et chez Archipoche :
La Garden-party et autres nouvelles,
284 p., 13,95 €, Félicité et autres
nouvelles, 280 p., 13,95 €, Le Nid
de colombes et autres nouvelles,
suivi de Pension allemande,
Portrait de Katherine Mansfield, par Anne Estelle Rice, 1918, Wellington. De Agostini via Getty Images 364 p., 13,95 €.
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

22 LIVRES& IDÉES

littérature

Neige Sinno jette une lumière Pour échapper au Covid et au coninement,

crue sur les mécanismes trois sœurs décident de se réfugier dans le Lot où
de l’inceste, dans un texte vit leur frère. Un huis clos familial qui pose aussi la
qui explore ses propres limites. question de la place de l’être humain dans la nature.

Écrire quand même Retour sur terre

ler dans tel rythme, ou tel ton : ainsi
Triste tigre à la distance analytique et la ré-
de Neige Sinno serve stylistique succèdent des sé-
P.O.L, 288 p, 20 € quences d’une terrible crudité, nous
confrontant avec une précision ana-

T
riste tigre semble prolonger
le sillon de plusieurs récits
intimes récents mettant
au jour des violences et emprises
sexuelles subies par des enfants
– on songe évidemment au Consen-
tement, de Vanessa Springora, ou
à La Familia grande de Camille
Kouchner. Comme ces ouvrages,
Triste tigre fait événement, suscite
le débat, bat des records de ventes
et apparaît sur les listes des prix
littéraires les plus prestigieux. On
manquerait pourtant la singularité
du livre à le limiter au statut, aussi
enviable soit-il, de « témoignage lit-
téraire » à succès.
Il y a bien un récit, qui met en
scène, dans un village alpin, les
viols perpétrés sur la petite fille
qu’elle était par son beau-père, bel
homme charismatique et colérique,
amateur de haute montagne et de
Johnny Hallyday. Mais elle l’inter-
rompt (« Bon j’arrête là… je n’y ar-
rive pas »), le commente, le critique,
puis le reprend. Le texte est traversé
par ces interrogations, ce doute per-
manent… L’autrice s’inquiète ainsi
de sa réception, ne se souhaitant
tomique aux actes du violeur.
Surtout l’autrice nourrit sa ré-
lexion en évoquant d’autres livres
ou œuvres d’art qui l’ont marquée,
faisant écho à des souffrances
qu’elle avait pu croire uniques.
Lolita est l’objet d’une très belle
lecture, qui distingue Nabokov
de son personnage, le pédophile
Humbert ; on croise aussi, entre
autres, Angot, Carrère, l’améri-
caine Margaux Fragoso, le dessina-
teur Claude Ponti, Toni Morrison
ou des contes du Mexique, où elle
vit depuis longtemps.
Plus qu’un
témoignage,
c’est un chantier
à ciel ouvert,
la recherche d’une
Un champ de blé près de Lalbenque, dans le Lot. Sophie Chivet/Agence VU
forme adéquate
et la quête d’une Vont-elles parvenir à ne pas ra- hauts arbres avec des cris rageurs,
Chaleur humaine viver les disputes anciennes, ces furieux de devoir partager l’espace
langue juste pour de Serge Joncour agacements réciproques que l’éloi- avec ces créatures gigantesques. »
dire l’inceste vécu. Albin Michel, 352 p., 21,90 € gnement n’a pas efacés ? Si Chaleur humaine est l’autop-
L’écriture de Serge Joncour sie d’une famille, c’est aussi l’exa-

« pas beaucoup de lecteurs. Car ce
serait une façon d’exister dans la lit-
térature non pas par mon écriture
mais par mon sujet, ce qui a toujours
été ma hantise ». Son ambition est
donc d’ordre esthétique ? Pas da-
vantage : « D’un autre côté, faire de
l’art avec mon histoire me dégoûte. »
Ni tribune judiciaire, ni œuvre raf-
inée. « Qu’est-ce qui est souhaitable
alors ? Rien, c’est justement ça le pro-
blème. Je n’ai pas trouvé de solution
pour parler de ça. »
Le livre doit se justiier en s’écri-
vant : plus qu’un témoignage, c’est
un chantier à ciel ouvert, la re-
cherche d’une forme adéquate et
la quête d’une langue juste pour
dire l’inceste vécu, pour que sujet
et forme se justiient l’un l’autre. Et
pour ce faire, elle varie les points de
vue, les perspectives, conigure les
anecdotes sans s’astreindre à une
stricte chronologie, insère des ar-
ticles de presse ou des documents
judiciaires. Le lecteur sera tou-
jours dérouté, en croyant s’instal-
Il ne s’agit pas de constituer une
anthologie littéraire de l’inceste,
mais bien d’interroger les possi-
bilités du langage, d’explorer les
options, face au caractère indi-
cible du crime et surtout face au
terrible constat qui hante Neige
Sinno : ce crime a forgé sa person-
nalité, elle en est constituée dans
ses faiblesses, mais aussi dans ses
forces, dans sa vie de femme et de
mère toujours aux aguets. Et ce livre
même le conirme.
À quoi bon l’écrire, donc ? Elle a
dénoncé le violeur il y a longtemps,
il a purgé sa peine, et elle ne croit
pas à la thérapie par l’écriture.
Malgré tout, elle va « l’écrire quand
même, dans une espèce de rébellion
insensée » pour briser le tabou, non
le viol, « mais d’en parler, de l’envi-
sager, de l’analyser ». Plus encore,
pour manifester une liberté. « Pour-
quoi est-ce que j’écris ce livre ? Parce
que je peux. »
Renaud Pasquier
«
D
epuis le confinement,
on croyait le monde à
l’arrêt, alors que toutes
les vies non humaines retrou-
vaient dans cette pause une terre
à nouveau libre… » La ferme des
Bertranges est un peu le dernier
bastion d’une nature préservée.
Quand surgissent le Covid et son
cortège de dispositions sanitaires,
les citadins n’ont qu’un désir : fuir
la ville. Pourquoi ne pas se réfu-
gier dans ce village du Lot, loin de
tout ? Sauf que l’esprit de famille a
quelque peu été chahuté ces der-
nières années.
Alexandre, lui, est resté sur les
terres familiales qu’il exploite
depuis deux dizaines d’années,
n’aspirant qu’à « l’air libre, la so-
litude et le calme ». Successive-
ment, Vanessa, Caroline et Agathe,
quittent la grande ville pour
échapper au confinement. Non
sans appréhension : comment ces
citadines vont-elles pouvoir vivre
en pleine nature ou presque ?
est rythmée par la nature, elle
laisse place aux bêtes, aux grands
espaces. Elle se moque des
connexions Internet aléatoires
pour mieux confronter ses per-
sonnages à la vie au grand air.
L’écriture
de Serge Joncour
est rythmée
par la nature,
elle laisse place
aux bêtes, aux
grands espaces.
Parce que la vie animale continue.
Parce que les saisons s’imposent,
et le bétail monte à l’estive : « Les
bêtes se jetaient sur le chemin
comme des gamins à l’eau. Elles
s’abattaient entre les haies avec
une gaieté folle. Efrayés par cette
cavalcade, les geais giclèrent des
men de conscience de la nature
humaine face au vivant. Dans son
précédent livre, Nature humaine,
cette même famille était soumise
à l’exode rural des années 1980. Il
a sui d’un virus malveillant pour
faire le chemin inverse et revenir
au pays. Mais la terre n’est plus la
même : la tempête de 1999 a boule-
versé le paysage, et Constanze – la
compagne d’Alexandre – surveille
ce nouveau biotope sanctuarisé en
veillant à l’évolution d’un coin de
forêt laissé en jachère.
La nature a-t-elle suisamment
de résilience pour se rétablir ?
Comment la vie ne serait-elle
pas malmenée par le réchauffe-
ment climatique, les catastrophes
dites naturelles, le surgissement
des épidémies ? Quelques-uns
tiennent, gardiens d’un héritage
plus large qu’un enclos de ferme :
« Tant qu’il travaillerait dans ces
collines, une parcelle du monde de-
meurerait intacte. »
Christophe Henning

Ancien ambassadeur en Russie
et en Chine, Jean-Maurice
Ripert raconte ses combats
pour les «valeurs humanistes».
Pour une diplomatie
de l’engagement
Diplomatie de combats.
Mémoires
de Jean-Maurice Ripert
Les Presses de la Cité
et Perrin, 384 p., 24 €
D
ans son introduction,
François Hollande, son ca-
marade de promotion à
l’ENA, le décrit comme un « sérieux
transgressif ». Tout au long de sa car-
rière de diplomate, Jean-Maurice
Ripert n’a jamais mis son drapeau
dans la poche. « Chez moi, on est
de gauche », raconte l’ancien am-
bassadeur. Son père, agronome
et diplomate onusien, l’initie très
jeune aux idées politiques, autour
du Club Jean-Moulin et de la re-
vue Esprit, cercles incubateurs
d’une « social-démocratie à la fran-
çaise » incarnée par Pierre Mendès
France. Des « valeurs humanistes »,
dit-il, dans le droit il d’une tradi-
tion familiale faite de principes
catholiques, d’héritage juif et d’édu-
cation anglaise.
Sa réputation
de «diplomate de
gauche» lui vaudra
de solides inimitiés
au Quai d’Orsay.
Très vite, le jeune diplomate par-
ticipe à l’élaboration de la politique
étrangère de la gauche de gouver-
nement, auprès de Michel Rocard,
Bernard Kouchner et Lionel Jospin.
« Un acte militant » revendiqué, qui
le verra promouvoir le droit d’in-
gérence et soutenir les opérations
humanitaires de la France, pré-
lude à l’adoption par les Nations
unies, en septembre 2005, du
concept de « responsabilité de pro-
téger ». En juin 1992, Jean-Maurice
Ripert accompagne ainsi François
Mitterrand et Bernard Kouchner
dans Sarajevo assiégée par les
Serbes. Un geste spectaculaire mais
révélateur des limites de l’action hu-
manitaire. Au président bosniaque
Alija Izetbegovic qui plaide en fa-
LIVRES& IDÉES
veur d’une intervention militaire
pour libérer la capitale bosniaque,
François Mitterrand oppose son re-
fus d’« ajouter la guerre à la guerre ».
Il faudra attendre le massacre de
Srebrenica, en juillet 1995, pour voir
Américains et Européens desserrer
l’étau en quelques semaines avec les
bombardements de l’Otan.
Sa réputation de « diplomate de
gauche » vaudra à Jean-Maurice
Ripert de solides inimitiés au Quai
d’Orsay. À l’automne 2008, au cours
d’un déplacement présidentiel à
New York, Nicolas Sarkozy et son
conseiller diplomatique Jean-David
Levitte lui font savoir que son sort
de représentant permanent de la
France à l’ONU est scellé. Cette mise
à l’écart le conduit à travailler en-
suite comme envoyé spécial du se-
crétaire général de l’ONU pour l’aide
au Pakistan, puis comme chef de la
délégation de l’Union européenne
en Turquie, avant son retour en
grâce, à la faveur de la présidence
de François Hollande, comme am-
bassadeur à Moscou, puis à Pékin.
Jean-Maurice Ripert a « vécu le
monde ». Loin de cet antiamérica-
nisme typiquement français, syn-
drome du « désarroi de notre répu-
blique perpétuellement en deuil de
sa propre puissance ». À Moscou, il
a vu la dictature criminelle mise en
place par Vladimir Poutine fonder
sa légitimité dans la guerre, depuis
la Tchétchénie jusqu’à l’Ukraine.
À Pékin, il a observé Xi Jinping
poursuivre son travail de sape
de l’ordre multilatéral issu de la
Seconde Guerre mondiale.
« Face à la puissance, face à la
Chine comme à la Russie, le” réa-
lisme” ne consiste pas à fermer les
yeux sur les excès et les violations
massives du droit mais, au contraire,
à les dénoncer », écrit-il, à l’unis-
son des dirigeants néo-idéalistes
d’Europe centrale qui affirment
aujourd’hui la nécessité d’afronter
les autocrates et de se battre pour
défendre la démocratie menacée
dans la guerre de la Russie contre
l’Ukraine. « La diplomatie du pail-
lasson n’est pas la bonne réponse,
insiste Jean-Maurice Ripert, elle
nous déconsidère. »
François d’Alançon
La Croix -jeudi 19 octobre 2023
essais
Un portrait subtil de la présidente de Taïwan,
la «bête noire» de Pékin qui menace d’envahir
militairement cette île démocratique.
Tsai Ing-wen, la résistante
Taïwan, la présidente
et la guerre
d’Arnaud Vaulerin
Novice, 148 p., 18,90 €
L
es effets de la guerre en
Ukraine se font sentir à
l’autre b out du monde,
sur les côtes chinoises face à
Taïwan. L’expression « aujourd’hui
l’Ukraine, demain Taïwan » est,
en effet, entrée dans le discours
taïwanais, et mise en avant par
les alliés américains ou asiatiques
qui redoutent une invasion mili-
taire chinoise de Taïwan. C’est
dans ce contexte de tension crois-
sante dans le détroit de Taïwan
qu’Arnaud Vaulerin, spécialiste
de l’Asie au journal Libération, dé-
voile la personnalité singulière de
la présidente de l’île, Tsai Ing-wen,
élue démocratiquement en 2016 et
en 2020. À trois mois de la prési-
On trempe dans cet immense roman
de chevalerie comme dans l’aube
de la narration ; une aube longue et
parfaite, contenant toutes les couleurs
de la nuit qui précède et du jour
qui suivra : à la fois épique, sociale,
érotique, militaire, géographique,
économique, fantastique.
Philippe Lançon
ACTUELLEMENT
EN LIBRAIRIE
À trois mois
de la présidentielle,
la lecture
de l’ouvrage,
très documenté
et vivant, est
incontournable.
dentielle, la lecture de l’ouvrage
très documenté et vivant est in-
contournable.
L’auteur a sillonné Taïwan de-
puis des années, rencontré des di-
zaines de responsables politiques
et militaires, des universitaires et
des experts en géostratégie. Mais
aussi des proches de la présidente
Tsai Ing-wen, dont il dresse un
portrait tout en subtilité. À l’image
du destin de cette femme coura-
23
geuse et déterminée qui n’était
pas prédestinée à devenir la pré-
sidente d’une jeune démocratie,
devenue un enjeu majeur dans la
rivalité sino-américaine. Et qui
risque de se retrouver au cœur
d’une guerre en Extrême-Orient.
Mêlant reportages, témoignages
et analyses, l’auteur réussit le tour
de force de rendre l’imbroglio
sino-taïwanais limpide, permet-
tant ainsi de saisir la complexité
des enjeux où se mêlent de nom-
breux acteurs : Australie, Chine,
États-Unis, Japon, Philippines…
sur fond de guerre en Ukraine. Il
se garde de faire des prédictions
sur un conlit qui couve mais dont
personne ne peut dire quand, ni
comment, il éclatera. Un sang-
froid qu’a réussi à incarner, en
dépit des insultes et des menaces
chinoises permanentes, la prési-
dente Tsai Ing-wen.
Dorian Malovic
Publicité
MOYEN ÂGE :
LA NOUVELLE
VAGUE
Traduit du catalan
par Jean-Marie Barberà,
préface de Marie Cosnay
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

24 LIVRES& IDÉES

bande dessinée

Nos albums de l’automne. Parmi les très nombreuses bandes dessinées

de qualité sorties depuis la rentrée, la rédaction de La Croix a sélectionné
six coups de cœur.

Polar Derrière
tricolore le masque
d’où dérivent depuis toujours des
Cyan Le Visage de Pavil masques qui s’échouent sur une
de Lucia Biagi de Jeremy Perrodeau plage de Lapyoza, faisant l’objet
Traduction de l’italien Éditions 2024, 160 p., 29 € d’un mystérieux rituel. Qu’y a-t-
par Aude Lamy il derrière cette croyance et sur

Q
Çà et là, 480 p., 26 € ui e s t v r a i m e n t P av i l ? cette île, dont l’accès est formel-
Quand son aéronef s’écrase lement interdit ? Jusqu’au bout de

L
’humanité compte trois cou-
leurs de peau : bleu, rouge et
jaune. Le métissage rendrait
possible les autres carnations, mais
il est rare dans cette société ségré-
guée – les Jaunes sont l’élite, les
Bleus, des parias. À l’adolescence,
Liv, Roman, Becca, Yari, Emil et
Mina se sont liés d’amitié malgré
leurs diférences de pigmentation,
Casterman
dans un champ près de
Lapyoza, petit village lacustre
d’un archipel isolé, l’homme se
dit perdu. Il souhaite reprendre
sa route au plus vite, mais le
prochain bateau ne passant pas
avant plusieurs semaines, le voilà
contraint à rester. Le doute s’ins-
talle alors chez les habitants. Est-
il le scribe de l’administration
l’album, les motivations de Pavil
nous inquiètent autant que son
exploration ethnologique nous
fascine. En cherchant à com-
prendre les origines de ce mythe
insulaire, il soulève une vague
d’interrogations passionnantes,
comme les ressorts de l’adhésion
à une croyance, ou encore la place
du doute dans la foi.

rejoignant un mouvement militant. qu’il prétend être ? Ou un espion Point de combat spectaculaire
Ces années d’activisme ont pris in envoyé par l’Empire ? dans ce récit de science-fiction
à la mort de l’un d’eux. Vingt ans Avec ce personnage énigma- contemplatif. C’est pourtant bien
après, alors que la vie les a éloignés, tique, sorte de Tintin faussement une confrontation entre deux ci-

Aventures urbaines
ils sont rattrapés par une enquête
sur un incendie imputé à leur an-
cienne organisation. Avec son trait
doux, à mi-chemin entre la BD in-
dépendante et les comics améri-
cains, Lucia Biagi propose un récit
de ce Nauti-poulpe, imposant mo- à suspense, tout en abordant le ra-
Le Retour du capitaine Nemo nument de bronze qu’il a conçu avec cisme avec un décalage original,
de François Schuiten le sculpteur Pierre Matter et qui sor- et visuellement génial. Très épais,
et Benoît Peeters tira prochainement de l’album pour l’ouvrage prend le temps de racon-
Casterman, 96 p., 26 € orner les rues d’Amiens en 2025. ter des personnages complexes, aux
trajectoires diverses. Tous espérant
égaré en quête de vérité, Jeremy
Perrodeau fait naviguer son lec-
teur, comme les hôtes de Pavil, en
eaux troubles. Sans certitudes, les
règles d’hospitalité l’emportent.
Pavil est ainsi autorisé à séjour-
ner dans la petite cité bâtie sur
pilotis. Il y découvre une commu-
nauté soudée et discrète, vénérant
Hodä, l’homme aux mille visages.
Cette divinité semble être le gar-
dien d’une île sacrée toute proche,
vilisations à laquelle on assiste :
l’une puissante et dominatrice,
l’autre confidentielle et repliée
sur elle-même. Avec un trait fin
proche de la ligne claire et un
dessin tout en retenue – utilisant
quatre couleurs seulement –, où
l’émotion met du temps à se li-
bérer, Jeremy Perrodeau signe
un sensible et envoûtant album,
nimbé de mystères.
Aurélien Lachaud

L
e célèbre capitaine Nemo
émerge d’un très long som-
meil. Il se retrouve seul et
hirsute dans son Nautilus qui a
fusionné avec le poulpe géant de
Vingt mille lieues sous les mers.
Alors que Nemo reprend ses es-
prits, le monstre mutant sort des
abysses pour se fondre dans une
multitude de paysages terrestres,
jusqu’à la maison de Jules Verne
à Amiens, lieu d’une grande sur-
prise. Grand livre d’images rendant
hommage aux célèbres romans de
Verne publiés aux Éditions Hetzel,
ce retour du capitaine Nemo per-
met à Schuiten et Peeters de pour-
suivre leur exploration des cités obs-
cures, titre générique de leur œuvre,
où, comme à l’accoutumée, la ville
est personnage. L’album est l’occa-
sion de retrouver en grand format
les superbes illustrations faites par
Schuiten pour le Paris au XXe siècle,
inédit de Verne publié en 1994, et
d’en apprendre plus sur la genèse
Et aussi
Les Évaporés
d’Isao Moutte, d’après le roman
de Thomas B. Reverdy
Sarbacane, 160 p., 25 €
Apprenant son licenciement
à cinq ans de la retraite, Kaze
Watanabe décide de disparaître, aidé
par les services de sociétés spéciali-
sées. Ils seraient 80 000 « évaporés »
à tenter ainsi chaque année cette
singulière expérience. Alors que sa
ille Yukiko part à sa recherche, Kaze
découvre la face sombre et corrom-
pue de la reconstruction du pays
après la catastrophe de Fukushima.
Mais une rencontre lui redonne la
force de retisser des liens. Adapté
du roman de Thomas B. Reverdy par
le dessinateur franco-japonais Isao
Moutte, ce récit en noir et blanc très
émouvant nous plonge au cœur d’un
Japon contemporain très dur, où
chaque geste d’humanité compte.
Stéphane Bataillon
échapper à leur passé.
Et aussi
Altamont
de Herik Hanna et Charlie Adlard
Traduction de l’anglais
par Alice Ray
Glénat, 136 p., 19,50 €
Qui de mieux que le dessina-
teur de The Walking Dead pour il-
lustrer la foule, zombifiée par le
LSD, du festival d’Altamont ? En
décembre 1969, les Rolling Stones
avaient organisé en Californie
ce méga-concert réunissant les
plus grandes stars du rock. Mais
la drogue et la violence des Hell’s
Angels, engagés pour le service
d’ordre, font virer la fête au drame.
Dans un style réaliste aux impres-
sions pop-art, cet album raconte, à
travers les péripéties d’une bande
d’amis, la triste histoire de ce iasco
qui symbolisa la in du rêve hippie.
Gauthier Vaillant Planche issue de la bande dessinée Le Visage de Pavil. Éditions 2024

Futuropolis
L’enfance de l’art
Voleur de feu, une vie
d’Arthur Rimbaud. Livre 1
de Damien Cuvillier
Futuropolis, 104 p., 20 €
U
n regard bleu pâle cueille
le lecteur au début de l’al-
bum. Celui d’un enfant sur
la campagne rougeoyant sous la lu-
mière du crépuscule. Ce petit gar-
çon traîné par sa mère dans les rues
de Charleville-Mézières est Arthur
Rimbaud, dont Damien Cuvillier a
entrepris de raconter la vie. Ou plu-
tôt une vie de Rimbaud. Celle que
le bédéiste a imaginée en partant
des travaux d’historiens, tout en
comblant certaines zones d’ombre
par des bouts de iction, pour tis-
ser une biographie subjective du
poète. L’environnement dans le-
quel le jeune Arthur grandit est
reconstitué avec la précision d’un
trait réaliste et classieux coloré du
halo évanescent et poétique de su-
perbes aquarelles. Entre la rudesse
ocre de la ferme familiale, le vert
tendre des escapades bucoliques, la
froideur bleutée des nuits de veille,
les années ardennaises de Rim-
baud, de 3 à 16 ans, sont données
à ressentir plus qu’à comprendre.
LIVRES& IDÉES
Comme la poésie, la bande dessi-
née est l’art de l’ellipse. Un art que
maîtrise à merveille Damien Cu-
villier : économe en mots et en dra-
maturgie, il livre la substantiique
moelle de l’enfance du « voleur de
feu », Prométhée des arts lyriques.
Quatre autres tomes sont à venir.
On les attend avec impatience.
Et aussi
Motorossa
d’Adèle Albrespy (scénario) et
Jean Aubertin (scénario et dessin)
Dargaud, 160 p., 21,50 €
Franca, 18 ans, a quitté Rome
pour vivre en Sardaigne après la
mort soudaine de sa mère. Prise
d’une passion soudaine pour les
motos, elle participe à la course
annuelle de la station balnéaire où
elle habite, se heurtant à l’hostilité
de la population locale. Narration
nerveuse, cadrages spectaculaires et
dessins aérodynamiques : tout, dans
cette excellente BD, est à l’image des
bolides qu’elle met en scène. Mais
les deux-roues ne sont qu’un pré-
texte pour raconter le touchant tra-
vail de deuil d’une jeune femme en
quête d’elle-même.
Stéphane Dreyfus
La Croix -jeudi 19 octobre 2023
Tendre partition
pour un trio
Valse à 3 sœurs
de Melome Machida
Traduit du japonais
par Anaïs Koechlin
Casterman, 240 p., 15 €
E
lles sont trois sœurs. L’aînée
rêve de devenir pianiste, la
cadette aime sortir et user
de son charme et la benjamine
s’adonne à son activité préférée :
manger des kabukiage (biscuits
de riz grillé) dans sa chambre.
Âgées entre 18 et 28 ans, elles
n’ont pas un destin banal : après
le décès de leur mère, elles s’assu-
ment toutes les trois, seules sous
le même toit, leur père musicien
préférant voyager. Leur quotidien,
décrit avec beaucoup d’humour
dans de courtes saynètes, entre-
mêle les aléas de leur cohabita-
tion, les souvenirs de leur passé
familial et les rêves qui les ha-
bitent. Par le dynamisme de son
trait et ses dialogues incisifs, le
mangaka trentenaire Melome
Machida donne tout son sens à
des situations en apparence ba-
nales. On rit et on se laisse émou-
voir devant cette comédie qui met
Casterman
en scène les questionnements
qui traversent l’existence de toute
jeunesse.
Et aussi
Blue Giant Explorer. Tome 1 (1)
de Shinichi Ishizuka
Traduction du japonais
par Anne-Sophie Thévenon
Glénat, 214 p., 7,90 €
Après son succès au Japon (ra-
conté dans les deux premières sé-
ries de ce manga), le saxophoniste
Dai Miyamoto part à la conquête
de l’Amérique pour devenir un
jazzman hors pair avec son instru-
ment comme seul bagage. Le récit
initiatique de ce jeune musicien
nous conduit dans les clubs où
se produisent les grands du jazz.
Grâce à l’efficacité de son trait,
Shinichi Ishizuka, mangaka et
musicien passionné, fait vibrer le
lecteur dès qu’une note sort d’un
instrument. Ses portraits dessi-
nés avec beaucoup de caractère
servent aussi ce road-trip et cette
quête de perfection.
Christophe de Galzain
(1) Parution du tome 2 le 22 novembre.
25
Le pardon
du père
Au nom du fils, dans l’enfer
de la prison de San Pedro
de Sébastien Corbet
(dessin) Pauline et Jean-
Blaise Djian (scénario)
Rue de Sèvres, 136 p., 20 €
À
Paris, la vie de Stéphane,
chômeur et divorcé, bascule
lorsqu’il reçoit un appel : son
fils Max, avec lequel il avait coupé
les ponts, a été tué en Bolivie. Jour-
naliste, ce dernier enquêtait sur les
narcotraiquants de la prison de San
Pedro, où il s’était iniltré. Stéphane
décide de tout abandonner pour re-
trouver son assassin, jusqu’à se faire
enfermer dans cette prison unique en
son genre, autogérée et administrée
par les détenus eux-mêmes. L’utilisa-
tion de ce lieu, qui existe bel et bien,
comme cadre à une intrigue plutôt
simple apporte toute son originalité
au scénario de Pauline et Jean-Blaise
Djian. Le père et la fille signent un
thriller carcéral haletant et intense.
Le trait expressif et les cases aux
plans cinématographiques de Sébas-
tien Corbet décrivent avec brio la vio-
lence ambiante, sans complaisance.
Dans cet enfer, l’humanité des per-
sonnages détonne, sublimée par des
cadrages serrés et le délicat travail de
nuances autour des couleurs bleues
et sépia. Grâce à l’évolution psycho-
logique de Stéphane, Au nom du ils
devient au il des pages une histoire
d’amour et de rédemption.
Et aussi
Une Éducation orientale
de Charles Berberian
Casterman, 160 p., 25 €
Dans son nouvel album, Charles
Berberian raconte sa jeunesse à
Beyrouth. Le Liban des années
1970 et celui du XXIe siècle s’y té-
lescopent, jusqu’à ce que les fron-
tières temporelles s’effacent au
gré des souvenirs. L’auteur-des-
sinateur bouscule les codes de la
bande dessinée classique, combi-
nant les techniques : photo, stylo-
bille, encre… L’ensemble, parfois
déroutant, fait revivre avec délica-
tesse ceux qui ont disparu.
Charlotte de Frémont
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

26 LIVRES& IDÉES

spiritualité
Un franciscain chez les SS
Andrea Riccardi
Géréon Goldmann
et Max Temescu
Quatre anciens membres de la Famille montre que Pie XII
Emmanuel, 128 p., 19 €
monastique de Bethléem dénoncent des excès fut conscient de
Son témoignage,
de la fondatrice, Odile Dupont, qui ont conduit ses propres silences
publié en France
sur le sort réservé
en 2009, avait
rencontré un
selon eux à un système d’emprise au nom aux juifs ainsi qu’à
grand succès de
librairie. Il faut
d’une obéissance irraisonnée à la Vierge Marie. d’autres populations.
dire que la vie
du père Géréon
Pie XII et les juifs,
Goldmann est
un témoignage qui mérite d’être
lu. L’histoire de ce séminariste
Les secrets de la fondatrice de la «une défaite du
franciscain allemand, enrôlé de
force comme inirmier dans l’ar-
mée nazie, est un témoignage de
Famille monastique de Bethléem christianisme
foi impressionnant autant qu’un dans son
regard peu commun sur la Se-
conde Guerre mondiale. Ordonné ensemble»
prêtre sans avoir ini ses études L’Art et le Drame du trop.
grâce à une dispense personnelle Sœur Marie et Bethléem
du pape Pie XII, il fut un prédi- de Blandine de Dinechin
cateur fervent dans les camps de L’Harmattan, 274 p., 28 € La Guerre du silence.
prisonniers à l’issue de la guerre. Pie XII, le nazisme, les Juifs

E
Vingt ans après la mort du francis- n janvier 2021, les Sœurs d’Andrea Riccardi
cain, voici donc son autobiogra- de Bethléem ouvraient Cerf, 396 p., 25 €
phie adaptée en bande dessinée, une cellule d’écoute

A
avec le dessin semi-réaliste, acces- pour entendre des vic- ndrea Riccardi, co-fonda-
sible aux jeunes, de l’Américain times alléguées des teur de la communauté
Max Temescu. Une belle occasion abus commis dans leur commu- de Sant’Egidio revient
de (re)découvrir cette vie hors du nauté depuis sa fondation dans les sur le dossier du silence du pape
commun, d’autant que le récit est années 1950. Loin de « faire œuvre Pie XII sur le sort des juifs lors de
complété d’un dossier documen- de justice et de réparation » comme la Seconde Guerre mondiale. La re-
tant la vie du prêtre, qui fut après annoncé, cette cellule se serait ré- cherche « n’est pas vouée à absoudre
la guerre missionnaire au Japon vélée aux yeux d’anciens membres, ou à condamner, à la manière d’un
pendant quarante ans. qui tentent d’alerter l’Église depuis tribunal historique, mais cherche
Gauthier Vaillant près de quinze ans, comme un « en- seulement à reconstituer un pan de
fumage » et une nouvelle tentative l’Histoire », indique-t-il.
meilleures de discréditer leur parole.
C’est donc à une écoutante et
L’auteur préfère parler d’« une
défaite du christianisme dans son
ventes ancienne journaliste ayant tra- ensemble ». Pie XII fut d’abord ac-
vaillé sur l’abus spirituel, Blandine cusé d’être silencieux sur le sort
Littérature de Dinechin, qu’ils ont conié leurs de la Pologne, craignant, selon
Réseau La Procure témoignages et le soin d’enquêter Giovanni battista Montini (le futur
laprocure.com sur les dysfonctionnements pré- Paul VI), que « chaque mot prononcé
sumés de Bethléem depuis ses ori- contre l’Allemagne et la Russie » se
1. La Danseuse gines. Ceux-ci s’enracinent, selon retourne finalement contre les
Patrick Modiano eux, dans les excès de la fonda- catholiques polonais. Dès 1940,
Gallimard trice, Odile Dupont (1922-1999), Pie XII lui-même coniait : « Nous
2. Veiller sur elle sœur Marie en religion, prieure devrions fulminer des paroles de
Jean-Baptiste Andrea pendant quarante-huit ans, dont feu contre cela (l’envahissement de
L’Iconoclaste ce livre brosse un portrait inédit et la Pologne), et l’unique motif qui
3. L’Amour très critique. nous retient de le faire, c’est de sa-
François Bégaudeau voir que le sort des pauvres malheu-
Verticales La prieure aurait reux serait rendu encore plus dii-
4. Croix de cendre Sœur Marie sur le lac de Tibériade (Israël) en 1984. Collection privée cile si nous parlions. »
Antoine Sénanque imposé à ses sœurs C’est un raisonnement similaire
Grasset une austérité de vie tique de sœur Marie. Celle-ci est ils se sont vus privés d’une vie spi- que tient le Vatican au sujet des
5. Psychopompe décrite comme excellant à obte- rituelle réelle, pour épouser les juifs : une condamnation trop ex-
Amélie Nothomb dont elle semblait nir ce qu’elle veut des évêques, du marottes de la fondatrice. L’en- plicite qui entraîne une augmenta-
Albin Michel régulièrement Vatican, et jusqu’au général des quête dénonce aussi des silences tion des persécutions. Au sortir de
6. L’Échappée belle du pape chartreux qui lui coniera des cou- coupables, tel le secret longtemps la guerre, des survivants l’en remer-
Michel Cool s’affranchir. vents. Les témoignages – dont ce- gardé sur le suicide de sœur Miryah, cièrent sincèrement. Ce n’est que
Quasar lui de l’ancien prieur des frères – Polonaise de 24 ans qui s’est immo- plus tard que naît la polémique sur
7 . L’Enragé montrent aussi une prieure qui lée par le feu en 1998. le silence de Pie XII.
Sorj Chalandon Née en 1922 au Havre, elle fait un aurait imposé à ses sœurs une aus- Si la Famille monastique de Reste ce fait : « la thèse selon la-
Grasset essai infructueux chez les domini- térité de vie dont elle semblait ré- Bethléem a mis en œuvre ces der- quelle Pie XII ”ne savait pas”, qui
8. J’ai bien souvent caines, avant de créer une petite gulièrement s’afranchir. L’enquête nières années toute une démarche s’appuie sur l’isolement du Saint-
de la peine avec Dieu fraternité sous l’impulsion du do- dévoile un système d’emprise dé- pour se réformer, nul doute qu’elle Siège, soutenue par les premiers dé-
Marie Noël, abbé Mugnier minicain Ceslas Minguet qui veut peint comme une « lente, profonde tirera profit de cette enquête, fenseurs de Pie XII, ne résiste pas à
Éditions du Cerf fonder un ordre de la sainte Vierge et totale dépersonnalisation ». certes à charge car elle ne prend l’épreuve des documents », airme
9. Les Aiguilles d’or Marie. La communauté, qui compte Les regards croisés des anciens en compte que la parole de ces té- Andrea Riccardi. Pour ce dernier,
Michael McDowell aujourd’hui plus de 500 sœurs membres convergent vers les moins sans les confronter à d’autres « le pape Pacelli et ses collaborateurs
Monsieur Toussaint Louverture contemplatives et une trentaine de mêmes accusations d’abus spiri- regards, mais précieuse pour se dé- se comportaient en diplomates sco-
10. Zouleikha ouvre les yeux frères, recrute à tour de bras. tuels : conduits à se déposséder de gager de certains héritages toxiques laires dans un contexte où ce modèle
Gouzel Iakhina Un « succès » qui tient beau- leur raison au nom d’une obéis- de ses fondations. n’avait plus cours »…
Libretto coup à la personnalité charisma- sance radicale à la Vierge Marie, Céline Hoyeau David Roure
 La Croix -jeudi 19 octobre 2023

Services 27

L météo saint du jour

contact Saint René Goupil à Ossernenon au Canada.
(† 1642) Pie XI le canonise en 1930
Service client (basé en France)
Téléphone : 01 74 31 15 02 Médecin né en Anjou, il entre et il est, avec sept autres
du lundi au vendredi de 8h30 à 19h.
Jeudi chez les jésuites et est envoyé martyrs canadiens, déclaré
Votre abonnement
comme missionnaire chez patron secondaire du Canada.
Numéro non reçu, retard de les Indiens d’Amérique du Nord.
livraison, échéance de votre 13 ° 19 ° Un Iroquois le tue d’un coup Demain
15 ° 18 °
abonnement, problème de connexion
12 ° 19 °
de tomahawk en 1642, Sainte Marie-Bertille
Votre compte client :
la-croix.com/compte 14 ° 20 °
Question/Réponse en ligne :
la-croix.com/aide
14 °
8°
19 °
17 ° méditation
Formulaire de contact : 15 ° 18 °
librairie-bayard.com/serviceclient 14 ° 19 °
mais être mort à l’intérieur. Ou
16 °
11 °
20 °
21 ° >24°
Vendredi même, avoir un corps mort mais
Pour un changement
d’adresse déinitif ou temporaire
16 °
15 °
24 °
23 °
22/24°
20/22°
de la 28e semaine être vivant pour l’éternité.
la-croix.com/espaceabonne Cette vie-là, Dieu seul peut la
en précisant vos nom et adresse
14 °
17 °
22 °
23 °
18/20° du temps ordinaire donner : c’est le fondement de la
16/18°
actuelle, votre adresse temporaire,
et les dates de changement. Délais de
16 ° 26 ° 14/16° (Luc 12,1-7) foi chrétienne. Il la donne à chaque
17 ° 26 ° 12/14° instant parce qu’il aime l’humanité
prise en compte maximaux: 5 à 7 jours. 20 ° 24 ° 10/12°
17 ° 22 ° jusque dans la plus petite parcelle
Pour vous abonner <10°

«
N
Par internet : la-croix.com/abo 19 ° 25 ° e craignez pas ceux qui de chaque personne. Demandons la
Par courrier : « La Croix », TSA 70008, tuent le corps… » Dans un grâce de croire en cela, de nous en
59714 Lille Cedex 9
Vendredi Samedi contexte où la violence remettre à l’amour de Dieu, comme
Contacter la rédaction explose en plusieurs régions de la signe de résistance face à tous ceux
18 rue Barbès, 92128 Montrouge cedex. Terre, où des législateurs cherchent qui portent atteinte à la dignité hu-
Site : la-croix.com à maîtriser le commencement et la maine, celle de nos frères et sœurs
Téléphone : 01 74 31 68 36 in de la vie humaine, cette parole en humanité et la nôtre. Dieu nous
lecteurs.lacroix@groupebayard.com
Sur les réseaux sociaux : retentit fortement. Comment ne sauve gratuitement et puisque
Facebook : @lacroix.journal pas craindre ceux qui tuent le corps nous sommes bénéiciaires de son
Twitter : @LaCroix alors qu’ils semblent gagner tous les amour, nous pouvons en rayon-
Instagram: journal.lacroix combats ? Jésus répond : « Après ner par notre existence. Cherchons
Publicité 01.74.31.60.60. cela, [ils] ne peuvent rien faire de donc, par tous nos actes, à manifes-
plus. » Il ne semble pas considérer ter cet amour divin autour de nous,
Carnet 01.74.31.66.06
de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi. la vie sous le même angle : pour lui, à être une hymne à l’espérance dans
carnetlacroix@bayardmedia.fr il ne s’agit pas seulement de la vie un monde troublé.
du corps. Il parle de la vie en Dieu, Sœur Véronique Thiébaut,
Petites annonces Tél. : 01.74.31.16.18
(de 9 h à 18 h). Fax : 01.74.31.60.00. au-delà de l’apparence corporelle religieuse de l’Assomption
et de sa temporalité. Si bien qu’un
Contact marchands de journaux
0 800 29 36 87
mots croisés homme peut avoir un corps vivant, Autres lectures : Rm 4,1-8 ; Ps 31

Problème n° 8242 d’Arthur Gary

Édité par BAYARD,
société anonyme à directoire et conseil
de surveillance. 18, rue Barbès,
92128 Montrouge Cedex. Téléphone : 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
01.74.31.60.60. Fax : 01.74.31.60.01.
Directoire : Pascal Rufenach I
(président et directeur de la publication),
Dominique Greiner, Florence Guémy et
Jean-Marie Montel (directeurs généraux). II
Président du Conseil de surveillance :
Hubert Chicou. Actionnaires : Augustins
de l’Assomption (93,7 % du capital), SA III Abonnez-vous
Saint-Loup, Association Notre-Dame de Salut.
Directeur : Philippe Colombet. IV
Direction de la rédaction :
Anne-Bénédicte Hofner (par intérim).
Rédacteurs en chef : Arnaud Alibert, V
Isabelle de Gaulmyn, Séverin Husson,
Fabienne Lemahieu, Jean-Christophe Ploquin.
Rédacteur en chef technique : Pierre Allais. VI
Correspondant permanent à Rome
Loup Besmond de Senneville. VII
Directrice du développement : Solène Gasser.
Responsable de la vente au numéro :
Marie-Pierre Tour. Bayard Publicité-La Croix. VIII
Directrice : Sibylle Le Maire.
Directrice adjointe : Fabienne Marquet,
18, rue Barbès, 92128 Montrouge Cedex. IX

Fabrication : Bayard Presse, 18, rue Barbès, 92128
Montrouge Cedex. Impression : Paris Ofset Print,
30, rue Raspail, 93120 La Courneuve ; Midi Print,
ZA du pôle actif, 30660 Gallargues-le-Montueux.
Bayard Presse Benelux : Éditeur responsable :
Laurence Festraets, rue de la Fusée 50,
bte 10, 1130 Bruxelles. Téléphone : (0800) 250.38.
Site : www.bayardchretien.be. N° de compte :
732 0043201-87. États-Unis : La Croix (USPS
n° 020305) is published daily in Paris by Bayard
Presse at a yearly subscription rate of 714$US.
Periodicals postage paid at Champlain NY and
additional mailing oices. Address changes should
be sent to : IMS of NY, box 1518, Champlain NY
12919-1518. Printed in France.
Origine du papier : France.
Taux de ibres recyclées : 50,5 %.
Origine des ibres : papier issu de forêts gérées
durablement. Impact sur l’eau : Ptot 0,010 kg/T
Reproduction d’articles interdite
sauf autorisation de la Direction.
N° de commission paritaire (CPPAP) :
1024 C 85695. ISSN : 0242-6056.
Dépôt légal à date de parution.
Abonnement annuel plein tarif : 474 €.
39,50
,50€
X
FORMULE
/mois
Horizontalement. – I. Comme un mal qui permet de mieux vivre
certaines choses. – II. On en fait en étant brillant. – III. Sortie du néant. INTÉGRALE ou 474€ par an
Enregistra en Suisse. – IV. Il est particulièrement utilisé au Châtelet. Vif
avec la bise. Permet d’hésiter. – V. Goinfres. – VI. Il se pratique souvent > Chaque jour de la semaine :
avec intérêt. Couleur de printemps. – VII. Qui pratiquent l’inactivité. le journal et les 5 suppléments thématiques
Tableau. – VIII. Il donne le ton. Possessif. Chef de corps. – IX. Cacher. –
X. Barbe du calendrier. Écluser. > Le week-end : le magazine LA CROIX L’HEBDO
Verticalement. – 1. Entrepôts de bières. – 2. « Bien », il est une source
de joie de vivre. Agréable. – 3. Ils fondent en plein chœur. Croix de bois, > 7J/7, tout le numérique : lecture illimitée
croix de fer. – 4. Direction. Elle donne chaud au vestibule. – 5. Gardien sur la-croix.com et tous les articles spiritualité
de secrets. Col alpin. – 6. Réléchi. Vilaine est sa compagne. Coups de
baguettes. – 7. Individus qui s’oublient… – 8. Fleuve d’Asie. Article de la-croix-croire.com
étranger. Ils sont bons à ruminer. – 9. Qui va réparer. – 10. Héros de la
Bible. Efet des grandes chaleurs. Par téléphone Par internet
Solutions du n° 8241 : Horizontalement. – I. Courtisans. – II. Réversible. – au 01 74 31 15 02 la-croix.com/abo
III. En. Ses. – IV. Thésaurise. – V. Io. Ès. R.D.A. – VI. Nuai. Vainc. – du lundi au vendredi Par carte bancaire
VII. Imagée. Ôté. – VIII. S.-O. N.D. Ales. – IX. Muraille. – X. Ésus. Piste. de 8 h 30 à 19 h c’est rapide
Verticalement. – 1. Crétinisme. – 2. Oe. Houmous. – 3. Uvée. Aa. et entièrement sécurisé !
Ru. – 4. Renseignas. – 5. Tr. As. E.D.I. – 6. Issu. Vé. L.P. – 7. Sierra.
Ali. – 8. Absidioles. – 9. N.L. Santé. – 10. Sème. Cesse. Comprendre aujourd’hui. Se préparer à demain

28
C
’était un spectacle co-
loré et musical. Je suis
allée le voir avec mes
illes, dans un quartier
moderne, familial, où
des enfants courent le long du ca-
nal en ignorant les appels résignés
de leurs parents, heureux de voir
leur bambin s’ébattre en toute in-
souciance sur le pavé. Tandis que
le soleil se couchait, nous avons
été surprises par le froid qui s’insi-
nue lentement dans cet été sans
in. Nous marchions vers la salle
de spectacle. Mon aînée était en-
thousiaste et curieuse, encore tout
auréolée de sa journée passée avec
son amoureux. Ma benjamine
m’inquiète, si rétive au sourire, si
recluse dans ses pensées. Elle a
14 ans et passe par ce que l’on ap-
pelle « la diicile adolescence ».
Sa sœur aussi s’inquiète pour
elle. Elle ne cessait, sur le che-
min, de lui faire des conidences
à l’oreille, de tenter de la faire rire.
N’y parvenant pas, elle inissait
par se jeter à son cou pour la cou-
vrir de baisers. Comme elle est
diicile, cette conquête, pas à pas,
de l’âge adulte. Comme je soufre
de voir les beaux yeux noirs de ma
La couleur
«
surtout
et peut-être
plus encore
que le dessin
est une
libération.
»
Henri Matisse
À l’occasion de la Foire
d’art moderne, à Paris, l’artiste
Daniel Buren a transformé
les fenêtres du Palais d’Iéna en
des vitraux multicolores,
pour son exposition « Allegro,
ma non troppo ». Ici, le mardi
17 octobre. Joel Saget/AFP
La dernière page
Difficile adolescence
La chronique de Estelle-Sarah Bulle
ille emplis d’un ennui de vivre
dont rien ne semble pouvoir la
faire sortir. Pas même une mère
et une sœur aimantes, qui lui font
signe, à travers une vitre invisible.
Dans la queue pour le spectacle,
il y avait des garçons et des illes
de 20 ans, aux écharpes colorées,
à l’air légèrement supérieur parce
qu’ils s’apprêtent à passer un mo-
ment privilégié. Et je me disais
que peut-être, d’ici quelques an-
nées, ma ille de 14 ans aurait cet
air triomphant, de ceux qui ont
traversé le désert et en sont ressor-
tis assoifés mais vivants. Tout en
piétinant le pavé pour me réchauf-
fer, je m’eforçais de ne pas scru-
ter son front soucieux sous ses
mèches ondulées, car à son âge,
on n’aime pas se sentir observée
par sa mère.
Sous le chapiteau, l’air était
chaud et l’ambiance attentive,
légèrement galvanisée par le spec-
tacle à venir. Nous nous sommes
assises à une table près de la
scène. Les instruments étaient
déjà installés, rutilants et pro-
metteurs. J’ai commenté le décor
naïf sur la toile peinte en fond
de scène. Ma ille de 14 ans a ac-
La Croix -jeudi 19 octobre 2023
J’ai recueilli
en silence les
moments de plaisir
qui percent en elle
comme le soleil
à travers l’ombre
d’un épais feuillage.
quiescé. J’avais encore en tête la
conidence qu’elle m’avait faite,
assise dans un café, quelques
heures plus tôt :
« Je joue tout le temps un rôle
avec les gens.
– Même avec moi ?, lui ai-je
demandé.
– Même avec toi. »
Ensuite, je lui avais posé la
question plaintive qu’un parent
ne doit sans doute pas poser :
« Mais alors, si tu joues un rôle, cela
signiie que tu ne voudras plus me
voir quand tu seras assez grande
pour vivre seule ta vie ? » Mais non,
bien sûr cela ne signiiait pas cela,
avait-elle répondu en haussant les
épaules. Et j’avais été un peu ras-
l’image
surée, non pas parce qu’elle me
promettait de continuer à avoir
envie de me voir lorsqu’elle serait
majeure, mais parce qu’elle se pro-
jetait bien dans sa vie future.
Le spectacle a commencé et
mes illes ont regardé de tous
leurs yeux. Je suis allée leur
chercher au bar une barquette
de tiep (1) au poulet qu’elles ont
mangé avec avidité. Voir ma ille
manger avec appétit m’a rassu-
rée. Puis les musiciens nous ont
entraînées. Mon aînée a bondi
de sa chaise et s’est mise à dan-
ser au milieu de la foule. J’ai sorti
mon téléphone pour ilmer ce
moment de joie. Les appareils
les plus contemporains nous
condamnent à vivre au passé,
nous projettent déjà dans l’idée
du souvenir plutôt que dans le
moment présent. Je ilmais donc
le corps joyeux et épanoui de ma
ille, tandis que sa sœur restait
assise, refusant d’avance toutes
mes invitations à nous rejoindre
sur la piste.
Le danseur sur scène a été
plus fort que l’adolescence. Il se
contorsionnait si bien, il maî-
trisait si bien le moindre de ses
gestes, que ma benjamine n’a
pu s’empêcher de crier de joie et
de battre des mains. Jusqu’à la
in du spectacle, elle a crié et ap-
plaudi. Mais elle n’a jamais quitté
sa chaise. Son corps élancé obéit
à son esprit d’airain, tourné vers
le refus. Elle admire, mais ne par-
ticipe pas. Son cœur et sa beauté
se cachent dans l’obscurité. J’ai
recueilli en silence les moments
de plaisir qui percent en elle
comme le soleil à travers l’ombre
d’un épais feuillage.
Après le spectacle, nous étions
encore toutes les trois dans
l’ivresse de ce que nous avions
vu et entendu. La lune brillait
dans le canal comme une
piécette d’argent sur du pétrole.
Mais la joie de ma benjamine avait
quelque chose de scandaleux
pour son esprit ; il ne fallait pas
lui en parler. L’aînée jubilait donc
pour deux, se faisant l’interprète
de deux cœurs, encourageant en
secret sa sœur, lui chuchotant :
« Bientôt, tu sauras danser en
pleine lumière. » Pourvu qu’elle
ne s’y trompe pas.
(1) Plat à base de riz et de légumes variés.