mardi 25 juillet 2023 — Quotidien n° 

42676 —2,70 €

Monde France aufildel’été…

En Espagne, Police, une mise P Quand le procès bascule/Un assassin
le spectre d’un en détention d’enfant remis sur le chemin de la vérité P. 18-19
nouveau scrutin P. 5-6 qui passe mal P. 9 P Sarah Bernhardt, un corps en scène P. 20-21

éditorial

JMJ Jérôme Chapuis

L’Église à l’écoute
Démesure
Un club saoudien fait
une ofre de 300 millions

de la « génération Z »
d’euros au PSG pour
le transfert de Kylian Mbappé.

C
eci n’est pas du football.
Plutôt une gigantesque
partie de poker menteur
dans laquelle Kylian Mbappé

Écologie, engagement dans la société… fait igure de carte maîtresse,

objet – et non sujet – de toutes

Les JMJ, mais aussi l’Église de France, s’adaptent les convoitises. L’histoire est
édiiante. Entre le joueur fran-

pour mieux correspondre aux attentes des jeunes çais et le Paris Saint-Germain, la
rupture est consommée. Le capi-
taine de l’équipe de France, sûr
P. 2-3 de sa valeur, ne fait pas mystère
de son désir de rejoindre dans
un an au plus tard un autre club
européen, le Real Madrid ayant
sa préférence. Les dirigeants du
PSG craignent de le voir partir
Belgique : 2, 90 € ; Luxembourg : 2, 90 € ; Italie (Rome) : 3, 40 € ; Maroc : 36 MAD

à l’issue de son contrat, et donc

Depuis 1883 – ISSN/0242-6056. – Imprimé en France : 2, 70 € ; DOM : 3, 55 €

sans qu’ils touchent aucune in-

demnité de transfert. On peut
les comprendre, quand on se
souvient qu’ils ont déboursé
145 millions d’euros pour le faire
venir en 2018. Depuis quelques
jours, l’afaire se corse. Le club
a décidé de ne pas emmener
son joueur en tournée en Asie
et semble prêt à le priver de ter-
rain toute la saison. L’objectif
est d’inciter Mbappé à partir dès
cet été (ce qui permettrait au
Annonces légales p. 10

PSG d’empocher un pactole) ou

bien à prolonger son contrat (ce
qui redonnerait de la valeur au
joueur sur le marché des trans-
ferts). Ne cherchez pas la morale
de l’histoire, il n’y en a aucune.
On se situe quelque part entre la
spéculation grossière et la ten-
tative d’extorsion de signature.
Le tout stimulé par la manne des
pétrodollars : s’y ajoute depuis ce
lundi 24 juillet une ofre astro-
nomique venue d’Arabie saou-
dite. Un des principaux clubs du
pays propose 300 millions d’eu-
ros au PSG pour qu’il libère la
star. Mbappé se tait. Quant aux
amoureux du ballon rond – qui
croyaient avoir tout vu en ma-
tière de démesure inancière –,
ils sont fondés à trouver ce spec-
tacle parfaitement indécent.
Non, décidément, ceci n’est pas
Des participants aux Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) 2023, à Lisbonne. Duarte Mourão Nunes/JMJ Lisboa 2023 du football.
 La Croix -mardi 25 juillet 2023

2 ÉVÉNEMENT
Ce mardi 25 juillet, Des jeunes sont partis en 4L jusqu’à Lisbonne avec la communauté Saint-Jean. Ici à Saint-Germain-des-Fossés

les Journées (Allier), le 27 mai, avant leur départ. Denis Meyer/Hans Lucas

mondiales
de la jeunesse
entament leur
première phase
dans les diocèses
portugais.

La formule de
cette édition a été
retravaillée pour
mieux correspondre
aux attentes des
jeunes participants.

Des eforts qui

s’inscrivent dans
une rélexion sur
la manière la plus
pertinente, pour
l’Église, de s’adresser
à la génération Z, née,
entre 1997 et 2010.

L’Église face à des jeunes

en quête d’horizontalité
tLes Journées mondiales
de la jeunesse s’ouvrent,
ce mardi 25 juillet, par une
semaine dans les diocèses
portugais, avec une formule
repensée pour mieux
répondre aux aspirations
des participants.
tAu-delà de l’événement,
La Croix s’est intéressée
à la manière dont l’Église
cherche, aujourd’hui,
à s’adapter à une génération
en quête d’horizontalité.
« Quand on parle ici du rapport
de l’Église avec la “génération Z”,
on parle bien de la tranche d’âge
(des jeunes nés, NDLR) entre
1997 et 2010 ? Pas du mouvement
des jeunes qui soutiennent Éric
Zemmour ? » Étudiante en droit à
l’université Panthéon-Assas à Pa-
ris, Charlotte, 18 ans, tient à pré-
venir toute confusion. À quelques
jours de son départ pour Lis-
bonne, au Portugal, où elle s’ap-
prête à vivre ses premières Jour-
nées mondiales de la jeunesse
(JMJ), Charlotte a déjà repéré
plusieurs propositions de confé-
rences qui l’intéressent dans la
programmation. Benjamine d’une
famille catholique pratiquante,
elle y perçoit un signe que l’Église
a cherché à investir, « sûrement
davantage qu’avant, des sujets qui
préoccupent vraiment les jeunes
de (son) âge ». Préservation de la
planète, engagement des jeunes
« Cette génération
a un rapport au
temps particulier :
ce n’est pas pour
rien qu’on la
surnomme celle
des “zappeurs”. »
dans la société, lutte contre les
abus dans l’Église… Pour les or-
ganisateurs, l’enjeu de ces JMJ –
où sont attendus plus de 40 000
participants français – sera de
réussir à intéresser et à
fédérer une jeunesse ca-
tholique aujourd’hui lar-
gement minoritaire dans
la société.
Fait notable de cette
édition, les jeunes ont
été associés beaucoup
plus étroitement à la
réflexion, depuis deux
ans, sur la programmation des
catéchèses. Elles porteront non
seulement sur des thèmes sur
lesquels ils se sont dits sensibles
– comme l’écologie intégrale… –,
mais elles ont aussi été rema-
niées pour correspondre davan-
tage aux formats plébiscités par
une génération peu encline aux
enseignements trop « verticaux ».
« Au cours des catéchèses, chaque
évêque aura un temps d’échange
avec les jeunes, dans une volonté
de nouer un dialogue authentique
avec eux », illustre le père Vincent
Breynaert, directeur du Service
national pour l’évangé-
lisation des jeunes et
pour les vocations de la
Conférence des évêques
de France (CEF).
Ces eforts portés sur
l’événement des JMJ
s’inscrivent plus lar-
gement dans une ré -
lexion entamée depuis
quelques années par des acteurs
d’Église sur la manière la plus
pertinente de s’adresser à cette
nouvelle génération. Une géné-
ration « extrêmement plurielle »
et qui « n’hésite pas à s’engager »,
selon Raphaëlle Fontenaille, doc-
torante en sociologie à l’EHESS.
Des initiatives essaiment en
France à leur intention : au sein
du scoutisme français qui fait
la part belle aux enjeux de la
conversion écologique, comme
dans les paroisses et aumône-
ries, qui organisent des confé-
rences sur des thématiques par-
fois considérées jusqu’ici comme
taboues dans l’Église (féminisme,
questions de genre…).
Mais au-delà du fond des su-
jets, c’est bien sur la manière
même de s’adresser à ces 13-
26  ans qu’il faut amorcer des
changements plus radicaux, se-
lon plusieurs responsables ca-
tholiques. La communauté de
l’Emmanuel l’a bien perçu, elle
qui a revu de fond en comble
la formule de ses sessions des-
tinées aux jeunes de 18-25 ans.
« Nous nous rendions compte que
notre Forum des jeunes, à Paray-
le-Monial (Saône-et-Loire), s’es-
soulait. Les chifres stagnaient,
le spectre sociologique se resserrait
sur un noyau dur de jeunes issus
de familles pratiquantes », ppp

repères
Une génération plurielle
et hyper-connectée
La génération Z est celle des
personnes nées entre 1997 et
2010, bien que cette délimita-
tion varie parfois d’un ou deux
ans selon les déinitions.
Plurielle, hyper-connec-
tée – d’où ses surnoms de
« Zoomer » ou « Zapper » –, elle
est née alors que les communi-
cations numériques étaient déjà
ppp retrace le père Augustin Ser-
vois, prêtre de l’Emmanuel et vi-
caire paroissial à Saint-Nicolas-
des-Champs à Paris. Après deux
ans de rélexion, le diagnostic est
posé : ce Forum des jeunes « laisse
une trop grande place à l’intellect ».
« L’Église est
encore loin d’avoir
pleinement pris la
mesure de ce qu’est
la génération Z. »
Pour « recréer un équilibre
corps-tête-cœur », le programme
c h a n g e d u to u t a u to u t . L e
nombre d’enseignements dimi-
nue, au profit d’activités créa-
tives : danse, sport, poterie… Les
grandes conférences qui réunis-
saient sous le chapiteau central
mille personnes sont fragmentées
en plus petites assemblées d’une
centaine de participants. Le
temps de référence pour les acti-
vités, d’une heure auparavant, di-
minue. « Cette génération, hyper-
connectée, a un rapport au temps
particulier : ce n’est pas pour rien
qu’on la surnomme celle des “zap-
peurs”. Dès que quelque chose ne
l’intéresse plus, elle décroche,
passe à autre chose », corrobore
le père Jean-Emmanuel Garreau,
curé à Tours (Indre-et-Loire) et
aumônier de mouvements de
jeunesse.
Augustin Servois reconnaît
avoir été lui-même « dépaysé »
par la nouvelle formule des veil-
lées de Paray, « avec l’impression
que c’était un peu du zapping ».
« Mais c’est le rythme de notre
époque marquée par les réseaux
sociaux… », reconnaît-il, souli-
gnant aussi en filigrane l’enjeu
d’investir les nouveaux espaces
virtuels – TikTok, YouTube, Ins-
tagram. « Quelques inluenceurs y
connaissent un succès formidable,
dépassant le cercle des jeunes res-
tés croyants », abonde le socio-
logue des religions Jean-Louis
Schlegel. Parmi les plus connus,
le père Matthieu Jasseron, le do-
minicain Paul-Adrien d’Harde-
mare ou sœur Albertine Debac-
ker… Des initiatives individuelles
au succès fulgurant qui – sans
faire l’unanimité – sont encou-
ÉVÉNEMENT
bien installées dans la société.
Cette génération est sensible
aux grandes questions de son
époque : écologie, féminisme,
questions de genre. Elle est
décrite comme moins confor-
miste que celles qui l’ont précé-
dée et plus libérale sur le plan
des mœurs. Elle valorise beau-
coup le sens à donner à son
travail.
sur la-croix.com
X Un article détaillé
ragées au niveau de la CEF. « Car
le ”sixième continent” est un lieu
où l’Évangile doit aussi pouvoir se
dire », insiste le père Breynaert.
Au- delà de s exp érimenta-
tions sur les nouvelles manières
de s’adresser à la génération Z,
l’Église est aussi confrontée à de
nouvelles attentes d’accompa-
gnement. Le père Jean-Emma-
nuel Garreau se dit frappé par la
recherche « d’une plus grande mo-
ralité ». « Ces jeunes sont en quête
de repères, dans une sorte de mou-
vement de contre-culture face au
libéralisme moral et économique »,
insiste cet enseignant en théolo-
gie à l’Institut catholique de Paris
(ICP).
Un diagnostic que partage Au-
gustin Servois. « Le contexte de
relativisme moral ambiant ali-
mente, chez eux, de très fortes at-
tentes en matière de sécurité doc-
trinale, liturgique et morale »,
abonde ce prêtre de 39 ans. Au
point d’avoir parfois l’impres-
sion de se retrouver face à des
jeunes adultes « à qui on a dit d’es-
sayer tout ce qu’ils veulent, et qui
sortent de l’adolescence effrayés
comme des enfants traumatisés…
Certains se tournent alors vers
l’Église, attendant d’elle qu’elle les
sorte de cet “enfer” et leur indique
une voie de bonheur ».
Ces jeunes expriment aussi
beaucoup plus librement leurs
états d’âme, de l’avis de certains
prêtres pour qui la pression peut
alors être forte pour trouver le ton
juste. « Ils sont demandeurs d’une
immense attention, et cela néces-
siterait presque un accompagne-
ment personnalisé », avance le
père Garreau. « L’Église est encore
loin d’avoir pleinement pris la me-
sure de ce qu’est la génération Z »,
reconnaît-il. Lui-même se dit tou-
tefois coniant sur les ressources
dans lesquelles ces jeunes pour-
ront puiser pour l’avenir. « On
pourrait comparer leurs aînés à
la génération de l’Exode, morte au
désert après y avoir connu une ex-
traordinaire liberté jusqu’à se lais-
ser aller à des dérives (idolâtrie,
veau d’or…), illustre le théologien.
Ce sont leurs enfants – les généra-
tions Y, Z – qui seront les premiers
à connaître la terre promise, pion-
niers d’une ère nouvelle. »
Malo Tresca
et Juliette Vienot de Vaublanc
La Croix -mardi 25 juillet 2023
3
La semaine en diocèse pour
se préparer à la foule de Lisbonne
jeunes se retrouveront en groupes jeunes l’occasion d’échanger et de
tLes Journées mondiales restreints au sein de paroisses por- se rencontrer, au sein de leur groupe
de la jeunesse s’ouvrent tugaises. Mais en petit comité ne mais aussi avec des pèlerins du
ce mardi 25 juillet par signiie pas un programme allégé. monde entier. « À Lisbonne, il sera
une première semaine dans « Un seul temps libre est prévu pour plus diicile d’approfondir les rela-
les diocèses portugais. se reposer ou visiter », explique tions car la semaine sera rythmée
tCette première phase Lucile de La Serre, chargée de mis- par les grands événements avec une
permet aux participants sion JMJ pour le diocèse de Paris, foule importante, souligne Lucile de
de se retrouver en groupes qui sera accueilli dans le diocèse la Serre. L’idée est de permettre de
restreints avant le début d’Evora, à l’est de Lisbonne. créer des amitiés et de comprendre
de la semaine à Lisbonne « La plupart de nos pèlerins se- comment chacun vit sa foi dans son
le 2 août et l’arrivée ront trois jours dans le diocèse pays, de comprendre la culture por-
du pape François. d’accueil, dans une dizaine de tugaise. » Chaque diocèse d’accueil
villes, précise l’organisatrice. Le organise toutefois un grand rassem-
Une semaine pour se retrouver programme est prévu par les Por- blement en in de semaine compre-
avant de plonger dans la foule qui tugais : activités sportives, mis- nant une messe célébrée avec les
envahira bientôt les rues de Lis- sions dans la rue, temps de prière jeunes du monde entier accueillis
bonne. Instituée en 1997 lors des en commun, veillées, témoignages, dans les paroisses.
Journées mondiales de la jeunesse etc. » Et la semaine a été pleine-
(JMJ) de Paris, la semaine en dio- ment intégrée dans le contexte « À Lisbonne,
cèse est devenue, avec le temps, global des JMJ. « Nous proposons
un premier volet incontournable durant tout l’événement un par- avec la foule,
de l’événement. À compter de ce cours spirituel en étapes, dont la il sera plus diicile
mardi 25 juillet et jusqu’au lundi 31, moitié durant cette première se-
les participants du monde entier maine », indique le père Vincent d’approfondir
seront répartis à travers le Portugal. Breynaert, responsable de la pas- les relations avec
Les quelque 40 000 jeunes Fran- torale des jeunes et des voca-
çais seront ainsi accueillis dans les tions au sein de la Conférence des les autres pèlerins. »
diocèses portugais, à l’exception évêques de France.
des îles. Installés dans des écoles, Objectif affiché pour cette pre-
des gymnases ou des familles, les mière moitié des JMJ : offrir aux Pour Vincent Breynaert, ces
groupes plus restreints permettent
L'accueil des pélerins français également de se préparer spirituel-
dans les diocèses portugais lement à l’événement. « Lisbonne
Verdun Blois Pamiers Saint-Brieuc et Tréguier sera centrée autour de la igure du
Saint-Dié Marseille Bordeaux Quimper et Léon pape, les jeunes auront donc en
Valence Tulle Gap et Embrun La Rochelle et Saintes amont ce temps de communion au-
Nancy Montauban Versailles Beauvais, Noyon et Senlis
Metz tour de leur évêque et ainsi l’occasion
Mende
Viana
de fortiier la mission du diocèse, de
Cambrai
Ajaccio do Castelo Amiens la communauté ou du mouvement
Châlons-en-Champagne
Clermont Bragança
auquel ils appartiennent », insiste-
Vila
Évreux Braga Real Miranda t-il. Mais d’autres propositions sont
Grenoble-Vienne Auch faites à destination des jeunes qui
Moulins
Nanterre
recherchent davantage la rencontre
Porto Communauté
Perpignan et Eine Lameco La Mennais avec des jeunes du monde entier.
Pontoise Rouen C’est la formule qu’a notamment
Troyes Évry
Suisse romande
choisie la communauté du Che-
Coutances
Viseu min-Neuf en proitant de l’événe-
Bayeux-Lisieux Aveiro ment pour délocaliser son festival
Guarda Annecy
Belfort-Montbéliard
Besançon
Périgueux estival Welcome To Paradise de l’ab-
et Sarlat
Cahors Lyon baye savoyarde de Hautecombe vers
Le Havre Coimbra Bayonne Portimao, au sud du Portugal. Envi-
Poitiers
Saint-Claude P ORT UGAL ron 4 300 jeunes venus des quatre
Saint-Denis Carcassonne coins du globe (France, Mali, Côte
Saint-Flour Leira et Narbonne
Fatima Portalegre Tarbes et Lourdes d’Ivoire, Taïwan, Guadeloupe, Cam-
Séez
Strasbourg
Castelo Tours bodge, etc.) y sont attendus.
Branco Dominicains
« Nous voulions faire vivre la di-
Angoulême Santarem
Fréjus-Toulon
Créteil mension internationale de ce festival
Viviers
Vannes
Lisbonne Angers
à un maximum de jeunes, explique
Luçon le père Jean-Sébastien Laurent,
Agen
Le Mans
Toulouse Evora aux manettes de ce rassemblement.
Saint-Étienne
Setubal
Paris C’est génial de recevoir le témoignage
Reims Missions étragères de Paris d’un catholique ukrainien, d’un
Nantes
Limoges Marocain de l’Atlas, ou d’un jeune
Laval des quartiers populaires. » Si elle
Chartres est bien présente, la dimension de
Belley-Ars
Aire et Dax Beja
découverte culturelle du pays d’ac-
Communauté des Béatitudes Communauté du Chemin-Neuf cueil n’est pas la première chose
Famille Saint-Jean Lille qui anime les organisateurs. Une
Communauté de l’Emmanuel Arras
diférence assumée avec la formule
Meaux Nice
Montpellier diocésaine ordinaire : « Nous avons
Rodez Algarve
Orléans Autun voulu un programme dense pour ex-
Albi primer le plus possible la diversité
Îles Marquises culturelle des festivaliers. »
Communauté Saint-Martin Source : eglise.catholique.fr
Matthieu Lasserre

4 Débats
question du jour
La manne touristique
freine-t-elle la prévention
des incendies ?
Jérémie Fosse
Président de l’ONG Eco-Union (1)
(Source photo : Jérémie Fosse)
Face aux situations extrêmes, des
choix douloureux devront être faits
F
ace aux catastrophes envi-
ronnementales, les destina-
tions les plus en pointe sur
le sujet commencent à se rendre
compte de l’urgence. Elles mettent
en place des plans d’action pour
lutter contre les situations de stress
climatique, d’abord pour leurs rési-
dents mais aussi à destination des
touristes. C’est notamment le cas
de Barcelone qui a créé des refuges
climatiques. En cas de fortes cha-
leurs, les populations sont incitées
à se rendre dans des lieux climati-
sés. Ces mesures sont appelées à
se développer. Mais en globalité,
très peu de destinations se sont
penchées sur les conséquences
du changement climatique sur les
habitudes des voyageurs.
Beaucoup d’acteurs de l’indus-
trie touristique réléchissent en-
core à court terme alors que l’adap-
tation au dérèglement climatique
demande une vision à long terme.
Depuis plusieurs années, le tou-
risme s’est construit sur la quan-
tité, qu’il s’agisse du nombre de
voyageurs et du volume de leurs
dépenses sur place. L’industrie
Le tourisme n’est même pas pris
en compte dans l’Accord de Paris,
aussi parce qu’il n’y avait pas encore
d’exemples emblématiques en 2015.
touristique dépendait exclusive-
ment des ministères de l’écono-
mie. Aujourd’hui, les ministères
de l’écologie commencent à entrer
dans les rélexions. Mais c’est une
mutation très diicile à mener,
d’autant que le secteur est très
fragmenté. Du camping familial
aux tour-opérateurs internatio-
naux, en passant par les collec-
La Croix -mardi 25 juillet 2023
tivités locales, et il n’y a pas de
réponse uniiée. Le tourisme n’est
Les évacuations même pas pris en compte dans
de vacanciers l’Accord de Paris, aussi parce qu’il
n’y avait pas encore d’exemples
à la suite des
incendies sur
emblématiques en 2015. C’est le cas
cette année avec les incendies en
Grèce ou aux Canaries, et les fortes
des îles grecques chaleurs en Europe du Sud.
mettent le tourisme En Europe, des rapports com-
mencent à sortir sur l’impact du
à mal et posent dérèglement climatique sur l’in-
la question dustrie touristique. Des premières
prises de position politique se font
de l’adaptation entendre sur la régulation du tou-
au changement risme mais elles ne sont pas forcé-
ment suivies d’efets sur le terrain.
climatique. Une chose est sûre, face aux situa-
Non sans susciter tions extrêmes, des choix doulou-
reux devront être faits. Des États
des tensions dans pourvus de montagnes ou de forêts
les pays fortement pourront tenter de répartir leurs
lux touristiques. Mais pour les
dépendants destinations qui reposent essen-
des recettes tiellement sur la mer et la plage, ce
sera beaucoup plus compliqué.
de ce secteur. Les îles grecques ou espagnoles
pourront essayer de s’en sortir
grâce au inancement national
ou européen. On peut imaginer
qu’elles proposeront une ofre tou-
ristique plus haut de gamme, ain
d’accueillir moins de visiteurs tout
en conservant un bon niveau de
recettes. Pour d’autres destinations
avec une capacité de inancement
limité, cela risque d’être « sauve qui
peut ». C’est par exemple le cas de
la Tunisie, du Cap Vert ou de Ma-
dagascar qui seront à la merci des
multinationales du tourisme pour
inancer – ou pas – l’adaptation.
Recueilli par
Pierre-Loeiz Thomas
(1) Coordinateur du rapport
« Vers un tourisme bleu durable :
tendances, défis et pistes politiques »,
publié en 2023.
courrier
Vos réactions par courrier : 18 rue Barbès, 92128
Montrouge Cedex. Sur le site : www.la-croix.com
Par courriel : lecteurs.lacroix@groupebayard.com
Écologie la société civile et citoyenne. Or,
t Cofondateur (en 1970) de
l’enseignement de l’écologie,
dans cet entretien, il n’y a rien sur
le droit positif et sur la réforme de
la gouvernance. Sans doute difé-
rentes commissions ont-elles déjà
une écologie réparatrice, à l’uni-
versité Paris 7, je ne partage pas
l’opinion de M. Rouyer (courrier
du 10 juillet). Si des mouvements
fait des propositions, encore fau-
drait-il qu’il y est rapidement un
« commencement de preuves ».
Par exemple, et sans avoir à réé-
comme celui des Soulèvements
de la terre tout comme l’écologie
politique sont nés, c’est, pour une
bonne part, parce que les respon-
crire au préalable le droit cano-
nique, que chaque évêque décide
qu’il ne prendra de décision que
sur l’avis conforme de tel conseil
sables politiques de l’État ont été ou de tel comité compétent qui
longtemps indiférents aux ques- en aura dûment délibéré – tant au
tions que posaient un réchauf- plan administratif, inancier que
fement climatique déjà annoncé pastoral –, qu’il établisse chaque
et une érosion de la diversité du année le bilan de sa mission dans
monde vivant déjà constatée. son diocèse, qu’il accepte pério-
L’État, faute d’une vision glo- diquement les contrôles par un
bale et de l’intérêt général à long organisme extérieur, enin qu’il
terme, se révélait incapable d’anti- soit nommé pour un mandat limité
ciper. On voit aujourd’hui où cela
nous a menés. Les choses ont-
elles changé lorsque l’on constate
dans le temps (dix ans). « Le chan-
gement de culture dans l’Église »,
indiqué ici comme « irréversible »
que les aides publiques vont à
des méga-bassines dont l’usage
concerne des pratiques agricoles
ne le sera que s’il s’appuie sur des
règles de fonctionnement nou-
velles. Aujourd’hui, on ne saurait
les moins respectueuses de la lutte attendre simplement l’évolution
contre le dérèglement climatique des esprits et la conscientisation
et l’érosion du monde vivant ? des responsables, il faut que ceux-
Jean-Pierre Rain ci posent des actes signiicatifs du
changement.
Sr Margron Jean-Louis Loirat
et Mgr Moulins-
140 ans
Beaufort de « La Croix »
t L’entretien croisé (La Croix
du 12 juin) entre Véronique t Il y a quelques années,
Margron et Éric de Moulins- ma ille préparant le concours
Beaufort est intéressant d’abord d’entrée à l’école de la magistra-
par sa publication, car on pouvait ture, me dit qu’elle a du mal à lire
se demander si la Corref et la CEF ce grand quotidien français beau-
étaient toujours en phase dans l’af- coup trop fourni à son goût, que
faire des abus sexuels et sur la ma- ses collègues lisent car, comme
nière de remédier à ces errements elle, ils ont besoin de connaître
anciens, à ces crimes. Si l’apprécia- largement l’actualité et de ren-
tion des situations, l’honnêteté in- forcer leur culture générale. Sans
tellectuelle, et sans doute une cer- hésiter, je lui propose La Croix
taine vision de l’Église de demain, en soulignant qu’elle y trouvera
sont à saluer, on peut toutefois tous les sujets et qu’elle pourra
regretter qu’aucune proposition le lire facilement chaque jour en
formelle de réforme du fonction- une heure (ainsi que le soulignait
nement de l’Église ne soit présen- récemment Philippe, un de vos
tée par les deux responsables de lecteurs assidus). Après quelques
nos institutions ecclésiales. semaines, je lui demande ce
Si le pouvoir, même qualiié qu’elle en pense et elle me répond :
de service, reste un pouvoir avec c’est un journal positif, le seul que
toutes les dérives qui peuvent je connaisse. Et douze ans plus
arriver dans son exercice sans par- tard, elle le lit toujours, de même
tage, il doit absolument être enca- que son magazine hebdomadaire.
dré et contrôlé, comme dans les Merci pour tout votre travail !
autres organisations collectives de François-Marie
LES MATINS
D’ÉTÉ.
Quentin Lafay
© Radio France/Ch. Abramowitz
7H-9H DU LUNDI AU VENDREDI
Disponible sur le site de France culture
et l’appli Radio France
En partenariat avec
 La Croix -mardi 25 juillet 2023

MONDE 5

Le spectre d’un nouveau

scrutin en Espagne
Océan
Atlantique France

Barcelone
ESPAGNE
Mer des
Portugal Madrid Baléares
Valence
Lisbonne
Mer
Méditerranée

Algérie
200 km Maroc

tLa droite espagnole a

remporté arithmétiquement
les législatives du 23 juillet,
mais ne peut gouverner faute
de majorité, même avec les
voix de l’extrême droite Vox.
tLe premier ministre
socialiste, Pedro Sanchez,
a remobilisé ses électeurs
mais dépend toujours pour
gouverner de petits partis
régionalistes, qui lui feront
payer très cher leur soutien.

Comment Pedro
Sanchez peut-il apparaître
comme le grand vainqueur
d’une élection pourtant
gagnée par la droite ?
Tout en perdant les élections,
le premier ministre sortant, Pedro
Sanchez, a remporté son pari d’em-
pêcher la victoire de la droite. Lundi
24 juillet, il proclamait radieux : « Ce
pays a dit non au repli et au recul.
C’est une référence pour l’Europe et
pour le monde. » De fait, avec 136
sièges au Parlement, le Parti popu-
laire d’Alberto Nuñez Feijoo devance
le Parti socialiste, mais il est loin de
la majorité absolue des 176 sièges,
même avec le soutien des 33 dépu-
tés du parti d’extrême droite Vox,
son seul allié potentiel.
La gauche, qui avait échoué aux
élections municipales de mai, s’est
remobilisée entre le 28 mai et le
23 juillet, ce que personne n’atten-
dait. Symboliquement, le PSOE
gagne 1 million de voix par rapport
aux législatives de décembre 2019 et
deux députés. Le Parti populaire a
gagné lui 3 millions de voix, ce qui
est considérable avec 47 députés. Si
de fait, la droite est en tête, le parti
socialiste a résisté.
Le premier ministre Sanchez
« est perçu comme un résilient, il a
d’ailleurs écrit ses mémoires, intitu-
lées “Manuel de résistance” », com-
mente Benoît Pellistrandi, histo-
rien spécialiste de l’Espagne. Pedro
Sanchez peut retrouver sa majorité,
mais tout en étant à la merci des
indépendantistes catalans et
basques.
Le Parti socialiste de Pedro Sanchez conserve une chance de rester au pouvoir par le jeu des alliances. Javier Soriano/AFP
Les questions de société ont-
elles joué dans cette élection ?
Le PP avait clairement dit qu’il
ne reviendrait pas sur la question
de l’avortement, inscrit dans la
constitution, ni sur les droits LGBT.
Par contre, son allié Vox a fait cam-
pagne sur leur abolition. Sur ces
sujets, Pedro Sanchez a joué pen-
dant la campagne la confrontation
en opposant le bloc conservateur
réactionnaire, voulant revenir sur
les libertés, au bloc progressiste, à
gauche. Le PP, lui, a fait une cam-
pagne modérée et rationnelle en
appelant à des pactes d’État avec le
parti socialiste, ce qui a abouti à une
démobilisation de la droite.
Ce que, dès dimanche, Santiago
Abascal, le leader de Vox, a reproché
à Alberto Nuñez Feijoo, le rendant
responsable de « l’échec de l’alterna-
tive », ce gouvernement de coalition
entre les deux partis qu’il aspirait
à construire. « En crispant le débat
et en agitant le chifon rouge de l’ex-
trême droite et du retour du fascisme
et du franquisme, Pedro Sanchez, en
tribun hors pair, a mieux mobilisé et
parlé aux tripes d’un certain nombre
d’électeurs espagnols, juge le profes-
repères
Une Espagne sans majorité
absolue
Le Parti populaire (PP), arrivé
en tête, a remporté 136 sièges
sur un total de 350 au Congrès
des députés. Le parti d’ex-
trême droite Vox, son seul
allié potentiel, en gagnait 33.
Ensemble ils ne totalisent
donc que 169 sièges, loin
de la majorité absolue, de 176.
Le Parti socialiste (PSOE) dis-
pose de 122 députés et Sumar,
seur Pellistrandi. Alors que le leader
à droite parlait lui à la raison des
Espagnols.
Si les Espagnols ont été majoritai-
rement favorables à l’ouverture de
nouveaux droits individuels, les der-
nières évolutions sur les questions
sociétales, comme la « loi d’égalité
des personnes trans », ont beaucoup
son allié de gauche radicale, de
31, soit 153 députés à eux deux.
Le premier ministre, Pedro
Sanchez, conserve une chance
de se maintenir au pouvoir
car il est à même d’obtenir le
soutien de partis basques et
catalans, qui l’appuient déjà
régulièrement au Parlement.
Parmi eux, les Catalans d’ERC
(Gauche républicaine de
Catalogne) ou les Basques de
Bildu, formation considérée
comme l’héritière de la vitrine
politique de l’organisation
armée ETA.
crispé la société. Mais ces thèmes
n’ont pas dominé le scrutin. « Cela
fait quarante ans qu’en Espagne la
majorité politique et culturelle est à
gauche. Celle-ci est très puissante et
très forte pour disqualiier la droite
et lui attribuer des tentations anti-
démocratiques. Ce qui est tout à fait
injuste car le parti populaire est clai-
Il lui faudra aussi compter sur
l’abstention du parti Junts
per Catalunya (JxCat). Ses
dirigeants, parmi lesquels
Carles Puigdemont, en exil
en Belgique, ont déjà fait com-
prendre qu’une telle éventua-
lité aurait des contreparties.
Si toutes ces conditions
sont réunies, Pedro Sanchez
pourrait alors rassembler
sur son nom 172 députés, soit
plus que le chef du PP, ce qui
lui suirait lors d’un deu-
xième vote d’investiture par
le Parlement, où seule une
majorité simple est requise.
rement un parti de droite démocra-
tique libéral européen », commente
Benoît Pellistrandi.
Au lendemain de ces
élections, la situation
politique est-elle bloquée ?
Arithmétiquement, la droite sort
Suite page 6. ppp

6 MONDE
ppp Suite de la page 5.
victorieuse de ces élections, mais n’a
aucune majorité pour gouverner. À
gauche, Pedro Sanchez dépend,
pour gouverner, d’une myriade de
partis indépendantistes, dont les
Catalans. Ces derniers ont certes
subi un vrai revers électoral : la
gauche, Esquerra republicana (ERC),
a perdu 6 sièges. Junts, le parti de
Carles Puigdemont, toujours en
exil en Belgique, un siège. Mais ces
deux partis, par ailleurs frères enne-
mis catalans, ont en tête de mener
un bras de fer avec Madrid. Ils ont
déjà averti que leur soutien pour l’in-
vestiture de Sanchez aura un prix et
qu’il sera élevé : référendum d’indé-
pendance, règlement des problèmes
judiciaires de Carles Puigdemont…
Pour sortir
du blocage,
une répétition
des élections n’est
pas à écarter.
Pour sortir du blocage, l’universi-
taire français estime qu’une répéti-
tion des élections n’est pas à écarter.
Dopé par son succès et parce qu’il est
toujours en fonction, Pedro Sanchez
aurait intérêt, selon lui, à convoquer
une sorte de « deuxième tour » plutôt
que de passer sous les fourches cau-
dines d’indépendantistes incontrô-
lables. Ce qui pourrait lui permettre
d’espérer obtenir une majorité plus
confortable et, par là même, de pro-
fiter d’une droite affaiblie par ses
divisions. Pedro Sanchez, conforté
par ce qu’il a démontré dimanche
et par sa capacité électorale, a tout
intérêt à capitaliser sur cette image
de « winner » pour être dans les meil-
leures conditions d’ici à six mois.
Pour l’heure, le premier ministre
semble l’exclure : « Cette démocratie
trouvera la formule de la gouverna-
bilité », a-t-il asséné lundi.
Le vainqueur, Alberto Nuñez
Feijoo peut-il demander
l’investiture ?
Alberto Nuñez Feijoo a déjà dit
qu’il réclamerait le droit de gouver-
ner en minorité, mais, sans majorité
ferme, il a peu de chance d’abou-
tir. Pedro Sanchez peut lui aussi
échouer car, en supposant même
qu’il soit investi, il ne pourra pas
gouverner sans qu’à tout moment
ses textes au Parlement soient reto-
qués. Gouverner dans ces conditions
sera diicile pour la droite, comme
pour la gauche.
Le nouveau Parlement sera
constitué le 17  août. Les partis
peuvent ensuite négocier, sans
limite de temps, pour tenter de
trouver une majorité. À partir du
moment où un vote d’investiture
échoue, le chef de l’État, le roi Felipe
VI, doit en revanche dissoudre le
Parlement deux mois après cette
date et convoquer de nouvelles
élections. Une situation de blocage
que l’Espagne connaît bien puisque,
entre 2015 et 2019, le pays a connu
quatre élections législatives.
Agnès Rotivel
portraits
À droite et à l’extrême droite,
des leaders aux styles contrastés
Santiago Abascal
Président du parti
d’extrême droite Vox
Alberto Nuñez Feijoo
Dirigeant du Parti populaire
(PP, droite)
tMalgré leur alliance,
le Parti populaire (PP)
et l’extrême droite (Vox)
n’ont pas obtenu la majorité
absolue aux élections
législatives espagnoles
de ce dimanche 23 juillet.
tÀ la tête de ces deux
formations, deux hommes
que tout oppose .
« J’ai une bonne nouvelle… Au-
jourd’hui se termine la torture des
mensonges, des enquêtes, de la pres-
sion médiatique qui sévissent pour
orienter votre vote, sans jamais par-
ler des vrais sujets », hurlait Santiago
Abascal, à Tolède, lors d’un de ses
derniers meetings avant les élec-
tions du 23  juillet. Polo ouvert
laissant entrevoir son torse, barbe
grisonnante, regard incisif : du haut
de son mètre soixante-quinze, le
chef de ile du parti d’extrême droite,
Vox, tape sur tout le monde, se
gardant bien d’expliquer comment
lui pourrait améliorer le quotidien
des Espagnols. À l’opposé, Alberto
Nuñez Feijoo, dirigeant du Parti
populaire (PP, droite), toujours tiré
à quatre épingles, le regard bleu-gris
un peu vague et la voix monotone,
appelait, lui, au rassemblement, à
l’entente et à la modération. Le jour
et la nuit, comme les décrit Benoît
Pellistrandi, historien spécialiste de
l’Espagne (1).
« Feijoo, c’est l’homme du consen-
sus, un technocrate, conservateur,
modéré, très sérieux, qui a horreur
des extrêmes. » Un homme qui veut
« rassembler », contrairement au lea-
der de Vox qui mise sur les divisions.
« Abascal, c’est l’homme de la droite
virile, clivante, soi-disant courageuse
face à une droite lâche », poursuit-il,
soulignant la diférence de ton des
deux hommes. « Santiago Abascal
est un tribun, très frontal, il parle
fort (…), il cultive son image de mâle
alpha, alors qu’Alberto Nuñez Feijoo
a un style très classique, il paraît
presque un peu terne. »
En résumé, « Feijoo, c’est la force
tranquille alors qu’Abascal c’est
le taureau furieux qui veut mon-
trer qu’il a des “cojones” », résume
l’historien. Des tempéraments aux
La Croix -mardi 25 juillet 2023
Santiago Abascal et Alberto Nuñez Feijoo, le 23 juillet. Thomas Coex/AFP et Pierre-Philippe Marcou/AFP
antipodes et des trajectoires poli-
tiques contrastées. Né à Ourense,
en Galice, terre de la droite conser-
vatrice espagnole, Alberto Nuñez
Feijoo a un parcours linéaire :
études de droit, carrière politique
locale, avant d’être appelé sur la
« Feijoo, c’est la force
tranquille alors
qu’Abascal c’est
le taureau furieux
qui veut montrer
qu’il a des “cojones”. »
scène nationale. Un homme d’ex-
périence qui a gravi les échelons.
À peine diplômé, il devient haut
fonctionnaire en Galice, puis entre
au gouvernement régional dont il
deviendra président en 2009.
Plébiscité à quatre reprises avec
la majorité absolue, à la tête de la
communauté autonome, il y reste
treize ans avant de reprendre les
rênes du Parti populaire, en 2022.
« Je ne crois pas qu’il souhaitait par-
ticulièrement entrer sur la scène na-
tionale, c’est la droite qui est venue
le chercher pour sauver le parti en
pleine crise, ils l’ont choisi pour son
proil modérateur, prêt à négocier et
passer des accords, développe la poli-
tologue spécialiste des partis espa-
gnols, Maria Elisa Alonso, mais le
parti ne tourne pas autour de lui. » À
l’inverse, dit-elle encore, Vox est un
parti « très vertical, hypercentralisé
autour de son chef. Abascal a bâti ce
parti pour lui. »
Populiste, climatosceptique,
antiféministe, ultranationaliste,
anti-migrants, ce « taureau furieux »,
sorte de « Trump espagnol », comme
l’a résumé le journal britannique
Times, a construit son personnage
politique sur la lutte contre les indé-
pendantistes, « les séparatistes qui
veulent détruire la patrie ». Né en
1976 à Bilbao au Pays basque espa-
gnol, le quadragénaire répète qu’il
a grandi sous la menace de l’organi-
sation séparatiste basque ETA et que
cela a forgé sa vocation.
Comme son grand-père, maire
pendant la dictature de Franco,
et son père, conseiller municipal
conservateur, Santiago Abascal
s’engage jeune en politique. Âgé
d’à peine 20 ans, il devient conseil-
ler municipal pour le Parti popu-
laire à Llodio (Pays basque), puis
député régional. Après quinze ans
au sein du PP, il quitte le parti qu’il
juge trop laxiste sur la question
des indépendantistes et, en 2013,
il fonde Vox avec d’autres déçus du
parti conservateur. La crise cata-
lane va propulser Vox, resté ultra-
minoritaire pendant des années,
sur le devant de la scène. En 2018,
le parti d’extrême droite fait son
entrée au Parlement andalou, mais
c’est lors des élections législatives
de 2019 qu’il obtient 15 % des voix
et s’installe au Parlement national.
Le parti d’extrême droite devient la
troisième force politique du pays.
Mais partage-t-il les mêmes va-
leurs que la droite conservatrice ?
Ils ne sont pas si diférents sur les
grandes questions nationales, juge
Manuelle Peloille, professeure de
civilisation espagnole à l’univer-
sité d’Angers. « Ils sont tous les deux
libéraux sur le plan économique,
et conservateurs sur les questions
sociétales. » Les deux hommes
s’accordent sur la volonté d’abroger
des lois adoptées par le Parti socia-
liste – comme celle de la « mémoire
démocratique » qui réhabilite les vic-
times du franquisme, celle permet-
tant de changer librement de genre
dès 16 ans, ou celle sur le consente-
ment sexuel. « Vox dit tout haut ce
qu’une partie du PP pense tout bas »,
airme la spécialiste.
Le PP ne peut pas gouverner seul
et n’a pas d’autres solutions que de
sceller des pactes avec Vox. « Ils n’ont
pas vraiment le choix et d’ailleurs,
dans certaines régions, c’est ce
qu’ils font déjà », abonde Maria
Elisa Alonso. Comme dans la com-
munauté autonome de Castille et
Léon où les deux partis gouvernent
ensemble depuis un an.
Laure Giuily
(1) Auteur du livre Les Fractures
de l’Espagne, 2022, Gallimard,
736 p., 14,10 €.

Une contestation dans la sueur à Jérusalem
tLe premier volet
d’une réforme
constitutionnelle
de grande ampleur,
réduisant les pouvoirs
de la Cour suprême, est passé
lundi 24 juillet, malgré
le concert de protestations
de centaines de milliers
d’Israéliens.
Tel-Aviv (Jérusalem)
De notre correspondant
« Démocratie ou rébellion ! » Ils
étaient au moins 20 000 à 15 h 44,
heure de Jérusalem, à s’époumoner
à l’extérieur du Parlement israélien,
les canons à eau brisant à peine la
chaleur caniculaire de l’été levan-
tin. Dans la Knesset climatisée, au
terme d’une session houleuse, les
députés ont inalement approuvé,
lundi 24 juillet, en troisième lecture,
un texte de loi qui rogne les pouvoirs
de supervision de la branche judi-
ciaire sur les décisions de l’exécutif.
Cet amendement, qui empêche
la Cour suprême d’invalider cer-
taines décisions parce qu’elles se-
raient « déraisonnables », enlèvera
Réélu, le premier ministre cambodgien
Hun Sen prépare le terrain pour son fils
tLe premier ministre
cambodgien Hun Sen
a remporté haut la main
les législatives du 23 juillet,
interdites aux partis
d’opposition.
tSon ils, Hun Manet, élu
pour la première fois, devrait
lui succéder et devenir
le prochain chef
de gouvernement.
C’est sans surprise que le Parti du
peuple cambodgien (PPC), au pou-
voir depuis trente-huit ans, a reven-
diqué une victoire « raz de marée »
lors des élections législatives du
23 juillet. Depuis son arrivée au pou-
voir, Hun Sen s’arrange pour faire
taire l’opposition. En instrumenta-
lisant l’appareil judiciaire, l’homme
de 70 ans, vétéran des commandos
parachutistes des Khmers rouges, a
réussi à exclure les partis d’opposi-
tion du scrutin.
Les opposants en exil ne peuvent
plus y participer et les médias in-
dépendants ferment les uns après
les autres. « Ça n’est pas du tout un
processus démocratique, mais plu-
tôt celui d’une dictature qui s’auto-
légitime », explique Sophie Bois-
seau du Rocher, chercheuse au
Centre Asie de l’Ifri. Avec 78 % des
voix, pour plus de 84 % de partici-
notamment le seul contrepoids à
la nomination des hauts fonction-
naires, ouvrant la voie à la politi-
sation de certains postes. C’est la
première pierre de la « réforme judi-
ciaire » que le gouvernement Neta-
nyahou a décidé de mettre en place
depuis janvier, et ce malgré l’oppo-
sition féroce d’une grande partie
de la population.
Les manifestants sont chaufés à
blanc : les deux dernières semaines
ont marqué un tournant crucial
pour le mouvement de contes-
tation. Depuis mercredi, plus de
10 000 réservistes, dont un millier
de pilotes, ont annoncé qu’ils ne se
présenteraient pas à leur service si
la loi était votée. C’est un coup de
tonnerre dans une société où tous
les citoyens juifs servent cette « ar-
mée du peuple ». Ils estiment ne pas
avoir le choix et voient cette réforme
comme une dérive vers la dictature
et la théocratie, et donc un péril
existentiel, une trahison de l’esprit
du sionisme. Lundi, une énorme
banderole anonyme accueillait les
automobilistes à Jérusalem – « Ce
n’est pas une réforme judiciaire. C’est
la destruction du temple » – rappe-
Hun Manet à Phnom Penh,
le 23 juillet. AFP
pation, le PCC occupera au moins
120 des 125 sièges de l’Assemblée
nationale. Les places restantes de-
vraient être occupées par le parti
royaliste Funcinpec, peu critique
du chef du gouvernement. L’enjeu
de cette élection portait avant tout
sur la première candidature à un
poste de député du ils de Hun Sen,
Hun Manet, général quatre étoiles
et commandant en chef adjoint de
l’armée cambodgienne.
À 45 ans, le ils du chef s’est pré-
senté dans une circonscription de la
capitale Phnom Penh dans laquelle
il a obtenu près de 80 % des voix.
Une première étape vers un pro-
bable transfert de pouvoir entre le
La Croix -mardi 25 juillet 2023
MONDE
lant qu’à partir de mercredi soir, les
juifs commémorent Tisha Beav, date
de la destruction des deux Temples.
Gil Rapoport, impliqué dans les
manifestations depuis le début,
trouve l’allusion juste. « Le deu-
xième temple n’est resté debout que
soixante-dix ans, rappelle “Rapo”,
ancien pilote de chasse reconverti
dans la high-tech. Il faut croire que
c’est tout ce que les juifs peuvent es-
pérer. Israël, notre troisième temple
en quelque sorte, n’aura duré que
cinq ans de plus. »
Les manifestants sont
chauffés à blanc : les deux
dernières semaines ont
marqué un tournant crucial
pour le mouvement
de contestation.
Le mouvement de contestation
est un mastodonte décentralisé bien
inancé, constitué de centaines de
têtes et d’une multitude de groupes
WhatsApp. Dès 16 heures, on appe-
lait les Israéliens à sortir dans la rue,
on bloquait les rues. « Tout ce qui va
se passer à partir de maintenant
père et le ils. Dans une interview
difusée le 21 juillet, le premier mi-
nistre a annoncé que son ils pour-
rait le remplacer d’ici « trois à quatre
semaines ». Le futur gouvernement
cambodgien doit prêter serment le
29 août.
Hun Manet peut se vanter d’un
parcours universitaire impression-
nant, bien qu’obtenu « autant grâce
à son nom que grâce à ses talents »,
d’après Sophie Boisseau du Rocher.
En 1999, il obtient un diplôme de
la prestigieuse académie militaire
américaine de West Point avant un
master en économie à l’université
de New York. En 2009, il termine
ses études avec un doctorat en éco-
nomie de l’université de Bristol. De
retour au Cambodge, il occupe dif-
férents postes de la hiérarchie mili-
taire et joue un rôle important dans
le conlit frontalier qui oppose son
pays à la Thaïlande de 2008 à 2011.
Un palmarès qui lui apporte une
certaine aura auprès des 16,5 mil-
lions de Cambodgiens.
Hun Manet a également dirigé la
branche jeunesse du PPC et accom-
pagne régulièrement son père lors
de déplacements à l’étranger, ren-
contrant ainsi le président chinois,
Xi Jinping, en 2020. Le Cambodge
est dépendant de la Chine d’où pro-
viennent 60 % des investissements
directs étrangers et les États-Unis
repose sur des décisions individuelles
des personnes en position de respon-
sabilité, explique Shikma Bressler,
une des têtes de file du mouve-
ment. Chaque policier, chaque sol-
dat, chaque fonctionnaire, chaque
juge doit savoir que, s’ils s’opposent
au gouvernement, nous sommes là
pour les soutenir. »
La Cour suprême israélienne
devra maintenant statuer sur
la constitutionnalité de ce nou-
vel amendement. Le valider, c’est
s’autocastrer. Le retoquer, c’est don-
ner de la poudre aux artiiciers de
la réforme, et risquer de conforter
l’idée selon laquelle l’élite décide
aux dépens des élus. « Ceci n’est
pas juste le combat d’Israël, peut-
on lire dans le premier communi-
qué des manifestants après le vote.
Il y a une pandémie d’autocrates
qui veulent toujours plus de pou-
voir, s’attaquent à la presse libre,
aux ONG, démantèlent la démo-
cratie… Nous n’avons pas le choix.
Nous ne pouvons rien lâcher.  »
Jeudi, la trêve parlementaire d’été
commence dans un pays sous
haute tension.
Nicolas Rouger
s’inquiètent de la construction
d’une base navale dans le sud du
pays qui pourrait accueillir des na-
vires de guerre chinois.
Pour la chercheuse, le parcours
et l’expérience de Hun Manet per-
mettent de le rendre « acceptable
pour les Chinois comme les Améri-
cains ». Très présent sur Facebook
ou Telegram, il n’a pas dévoilé
grand-chose de ses intentions poli-
tiques. Sophie Boisseau du Rocher
ne s’attend pas à des changements
radicaux dans l’exercice du pouvoir :
« C’est un fils du système qui ne va
probablement jamais le renier et
sûrement le faire perdurer », ajou-
tant que, dans un premier temps,
son père « aura probablement du
mal à lui laisser complètement
les manettes ».
Corentin Mittet-Magnan
Avec ,
vous pouvez jouer
aux mots croisés
d’Arthur Gary et de Pierre Olivier
sur votre smartphone
ou votre ordinateur !
7
essentiel
Allemagne T
La droite rétropédale
sur une coopération
avec l’extrême droite
Friedrich Merz, le président
du parti conservateur de
l’ex-chancelière Angela Merkel,
sous pression y compris dans
son propre camp, a refermé
lundi 24 juillet la porte qu’il
avait entrouverte à une coo-
pération au niveau local avec
l’extrême droite. « Il n’y aura pas
de coopération au niveau com-
munal de la CDU (Union chré-
tienne-démocrate) avec l’AfD
(Alternative pour l’Allemagne) »,
a-t-il airmé dans un tweet.
La veille au soir pourtant,
le même Friedrich Merz avait
suggéré l’inverse, provoquant
ainsi de vives réactions
dans les rangs conservateurs.
Russie
Frappes
ukrainiennes
vengeresses
à Moscou
et en Crimée
Kiev a revendiqué pour la pre-
mière fois avoir mené,
dans la nuit de dimanche
à lundi 24 juillet, une frappe
de drone contre Moscou.
Quelques heures plus tard, de
nouvelles frappes ukrainiennes
dévastaient des installations
militaires russes en Crimée. Ces
bombardements font suite aux
tirs de missiles russes qui ont ra-
vagé des installations portuaires
et des bâtiments historiques
de la ville d’Odessa, dont une
cathédrale. Ces frappes russes
avaient été interprétées comme
des représailles à la suite de la
destruction partielle du pont
de Crimée par l’Ukraine dans la
nuit du 17 juillet. La Russie a fait
savoir lundi qu’elle se donnait le
droit de mener de « sévères re-
présailles » suite aux bombarde-
ments sur Moscou et la Crimée.
X sur la-croix.com
t Inquiétudes sur
la sécurité alimentaire
mondiale
 La Croix -mardi 25 juillet 2023

8 FRANCE

En Nouvelle-Calédonie, Macron
en quête de rassemblement
tLe président de la
République, en visite durant
deux jours en Nouvelle-
Calédonie, doit prononcer
mercredi un discours très
attendu sur un territoire
déchiré entre partisans
de l’indépendance
et les opposants.

ILES
LOYAUTÉ
Ouvéa
NOUVELLE-
CALÉDONIE Lifou

Maré
Nouméa
Ile
Mer de des Pins
Corail

100 km

Le lieu est chargé de symboles. La

place de la Paix, ex-square Olry, est
une partie de la vaste place des Co-
cotiers, située au cœur de Nouméa.
En 2022, une statue du gouverneur
Olry, qui avait réprimé une révolte
kanake en 1878, y a été remplacée
par une œuvre représentant la poi-
gnée de main de mai 1988 entre
Jean-Marie Tjibaou, leader des in-
dépendantistes, et Jacques Laleur,
chef de ile des loyalistes, un geste
qui avait entériné la fin de quatre
années d’afrontements.
C’est là qu’Emmanuel Macron
doit prendre la parole, mercredi
26 juillet, à l’occasion de sa visite
en Nouvelle-Calédonie, après avoir
rencontré les représentants des
diférents partis politiques. Le dis-
cours, point d’orgue d’un déplace-
ment qui doit être marqué selon
l’Élysée du sceau du « rassemble-
ment », est très attendu dans un ar-
chipel profondément divisé entre
partisans et opposants de l’indé-
pendance. « Le président de la Ré-
publique arrive dans une situation
bien complexe et bloquée », souligne
Luc Steinmetz, historien et obser-
vateur de la vie politique locale. Le
clivage a été accentué par la série
de trois référendums sur la souve-
raineté de la Nouvelle-Calédonie,
dont l’organisation était prévue
dans le cadre de l’accord de Nou-
méa de 1998. Si le « non » l’a em-
porté à trois reprises depuis 2018,
ces consultations n’ont pas clos le
débat sur l’accès à la souveraineté
du territoire pour les indépendan-
tistes, qui ont refusé de participer
au dernier vote en décembre 2021
et n’ont pas reconnu la légitimité
du résultat. Pour eux, l’avenir de la
Nouvelle-Calédonie doit passer par
Une sculpture représentant le leader indépendantiste néo-calédonien Jacques Lafleur (à gauche) serrant la main du leader du mouvement
indépendantiste kanak Jean-Marie Tjibaou (à droite) lors de la signature des accords de Matignon du 26 juin 1988. Theo Rouby/AFP
Depuis dix-huit
mois, l’État essaye
de réunir
les deux parties
afin de rédiger
un nouveau statut.
des négociations avec l’État « colo-
nisateur » en vue d’« accéder dou-
cement à une indépendance pleine
et entière », rappelle Roch Wamy-
tan, président indépendantiste du
Congrès, le Parlement néo-calédo-
nien. « Cela peut passer par une pé-
riode transitoire, poursuit-il. L’autre
grande question à aborder est celle
du règlement contentieux colonial
entre le peuple kanak et la France
qui a colonisé notre pays depuis
170 ans. » Dans le camp d’en face, les
référendums ont clairement mis in
à la question de la souveraineté du
« Caillou » et la période d’incertitude
institutionnelle n’a que trop duré
aux yeux des loyalistes. « Emmanuel
Macron vient dans un territoire où discussions tripartites, ain de ré- de discuter qu’avec des membres
la situation est très mauvaise, sou- diger un nouveau statut pour une du gouvernement. « C’est un dia-
ligne Nicolas Metzdorf, député Nouvelle-Calédonie demeurant logue en silo, chacun parle à l’État
Renaissance de Nouvelle- française. Le ministre de l’inté- de son côté, résume l’ancien député
Calédonie. La visite du président rieur et des outre-mer, Gérald Dar- divers droite Philippe Gomès, anti-
sera l’occasion d’aborder tous les manin, compte aboutir en 2024. indépendantiste. Ce n’est pas inu-
sujets. Mais, en tant que non-in- En attendant, il vise au moins un tile, mais cela a atteint ses limites.
dépendantiste, j’attends surtout « petit accord » sur le sujet brûlant La venue du président doit nous per-
qu’il réaffirme que la Nouvelle- du dégel du corps électoral néo- mettre d’entrer dans un dialogue où
Calédonie est déinitivement au sein calédonien, qui a été restreint au nous parlons tous ensemble : c’est le
la République française. » proit des Kanaks, devenus mino- seul qui peut construire un consen-
Depuis dix-huit mois, l’État es- ritaires sur place. Mais les échanges sus. Emmanuel Macron doit arri-
saye de réunir les deux parties au- restent pour l’instant bilatéraux. ver à trouver les mots et les actes né-
tour d’une même table, dans des Les indépendantistes n’acceptent cessaires pour enclencher quelque
chose. Sinon, il faudra commencer
à s’inquiéter. »
Le président prône Personne n’a oublié la spirale
mortifère des années 1980. « Il
« l’ordre, l’ordre, l’ordre » semble impossible que le président
de la République reparte avec un ac-
cord tout icelé, prévient Luc Stein-
Lors d’une interview télévisée réalisée lundi depuis la Nouvelle-Ca- metz. Mais on ne peut pas imaginer
lédonie, Emmanuel Macron a prôné « l’ordre, l’ordre, l’ordre » après non plus que l’État impose son point
les récentes violences urbaines. Selon lui, « notre pays a besoin d’un de vue. Rassembler, cela veut dire
retour de l’autorité à chaque niveau, et d’abord dans la famille ». trouver un consensus qui permette
« C’est tout le chantier que je veux pouvoir ouvrir à la fin de l’été, celui d’assurer un avenir serein. En Nou-
de l’autorité parentale, ce n’est pas à l’éducation nationale, encore velle-Calédonie, quand il n’y a pas
moins à la police de régler le problème. » Le président a aussi épinglé eu de consensus, cela a toujours dé-
les « réseaux sociaux », plaidant pour « un ordre public numérique ». rapé. L’histoire doit servir de leçon. »
sur la-croix.com Un article détaillé Pascal Charrier

Pour la police, un placement
en détention qui passe mal
explication
tLes propos du directeur
général de la police nationale
(DGPN), Frédéric Veaux,
regrettant qu’un policier
marseillais ait été placé
en détention provisoire,
ont suscité lundi 24 juillet
une vague d’indignation.
Qu’a dit Frédéric Veaux,
le directeur général de
la police nationale (DGPN) ?
« Le savoir en prison m’empêche
de dormir. » Les propos de Frédé-
ric Veaux, directeur général de la
police nationale (DGPN), n’ont pas
manqué de faire réagir. Dans un
entretien accordé au Parisien, mis
en ligne dimanche 23 juillet, le pa-
tron des fonctionnaires de police
a assuré souhaiter la libération du
policier de la BAC de Marseille,
placé en détention provisoire
dans le cadre d’une enquête sur
des violences commises en marge
des émeutes. L’agent des forces de
l’ordre est suspecté d’avoir roué de
coups un jeune homme, avec plu-
sieurs de ses collègues, dans la nuit
du 1er au 2 juillet. Ils étaient alors en
intervention, lors des violences ur-
baines qui ont touché la ville après
la mort du jeune Nahel à Nanterre,
le 27 juin. La justice a requis le pla-
cement en détention provisoire de
ce policier, et placé sous contrôle
judiciaire trois autres fonction-
naires. « Je considère qu’avant un
éventuel procès, un policier n’a pas
sa place en prison, même s’il a pu
commettre des fautes ou des erreurs
graves dans le cadre de son travail »,
a airmé Frédéric Veaux. Un avis
partagé dans un tweet par le préfet
de police de Paris, Laurent Nuñez.
Qu’est-ce qui justiie
un placement
en détention provisoire ?
« Le juge de la liberté et de la dé-
tention ne prend pas une mesure
d’incarcération sans s’assurer gran-
dement que les conditions légales
sont remplies », déclare Me Gabriel
Versini-Bullara, avocat spécialiste
du droit des forces de l’ordre et de
secours. Ces conditions sont déi-
nies dans l’article 144 du code de
procédure pénale. « Risque de réi-
tération des faits, de concertation
avec les complices, d’intimidation
sur les témoins ou victimes, de non-
présentation à la justice », énumère
Me Arié Alimi, avocat au barreau
de Paris. Le trouble à l’ordre pu-
blic occasionné par l’acte commis
par l’individu est lui aussi pris en
compte : plus l’acte est grave, plus
Des policiers antiémeutes lors d’une manifestation contre la police à Marseille (Bouches-du-Rhône),
le 1er juillet. Clément Mahoudeau/AFP
le juge risque d’opter pour l’incar-
cération. Dans le cas du policier
placé en détention provisoire à
Marseille, l’avocat pressent que
c’est cet argument qui a le plus
joué dans la décision du juge. « Il
est possible aussi que le juge ait
voulu protéger l’individu de la vin-
dicte populaire et d’éventuelles re-
présailles, ajoute Me Gabriel Ver-
sini-Bullara. Mais si cela a été un
argument, il a certainement été se-
condaire de sa décision. »
Le trouble à l’ordre public
occasionné par l’acte
commis par l’individu
est lui aussi pris en compte :
plus l’acte est grave,
plus le juge risque d’opter
pour l’incarcération.
Les policiers sont-ils traités
diféremment ?
« Les juges devraient être plus ri-
goureux lorsqu’il s’agit de policiers,
estime Me Alimi. Le fait d’être dépo-
sitaire de l’ordre public est une cir-
constance aggravante qui rend l’in-
fraction encore plus grave et devrait
faciliter la détention. » Pour autant,
dans les textes, « il n’y a pas de sta-
tut particulier » pour les forces de
l’ordre : « Le droit s’applique pour
tout le monde de la même manière. »
Un élément peut néanmoins per-
mettre à un policier d’éviter le pla-
cement en détention provisoire :
la légitime défense. « Un policier
La Croix -mardi 25 juillet 2023
FRANCE
peut, dans le cadre de sa mission,
accomplir un acte attentatoire à
l’intégrité d’autrui sans être placé
en détention, s’il le fait lorsqu’il
est menacé », détaille l’avocat Ga-
briel Versini-Bullara. Mais pour Me
Alimi, cet argument ne devrait pas
permettre d’échapper à la déten-
tion provisoire. « Pour savoir s’il y a
eu légitime défense, il faut connaître
tous les éléments du dossier. Au dé-
but de l’instruction, à moins d’avoir
des preuves évidentes, comme une
vidéo de très bonne qualité, c’est dif-
ficile de prendre la bonne décision. »
Pourquoi les syndicats
de police s’indignent-ils ?
Après avoir été très sollicités
lors des nuits d’émeutes, cette
nouvelle mise en détention provi-
soire a plongé les policiers dans la
« colère » et « l’incompréhension »,
soutient Linda Kebbab, déléguée
nationale de l’Unité SGP-Police.
Dans son entretien télévisé de-
puis la Nouvelle-Calédonie, lundi
24 juillet, Emmanuel Macron a af-
firmé « comprendre l’émotion des
policiers face à un déferlement de
violences inédit ». Il a rappelé que
900 agents des forces de l’ordre ont
été blessés dans le cadre de leurs
fonctions lors de ces émeutes, pré-
cisant toutefois que « nul en Répu-
blique n’est au-dessus de la loi ».
Les syndicats appellent donc
à libérer le policier de Marseille
et celui de Nanterre, incarcéré
après avoir tiré sur le jeune Nahel
lors d’un contrôle routier in juin.
« Lorsqu’un policier est suspecté
d’avoir commis une faute, dans
l’exercice de ses fonctions, il ne
devrait pas être placé en déten-
tion provisoire », appuie Thierry
Clair, secrétaire général adjoint de
l’Unsa-police. « Un policier est un
fonctionnaire. On n’a pas affaire
à un voyou susceptible de s’enfuir
à l’étranger », renchérit David Le
Bars, secrétaire général du Syndi-
cat des commissaires de police.
Quels changements
souhaitent-ils ?
Les syndicats l’assurent : il ne
s’agit pas de placer les policiers
au-dessus des lois. Ni de remettre
« en cause une future décision de
justice », souligne Thierry Clair.
Le syndicaliste appelle à privilé-
gier d’autres dispositifs. « Il existe
d’autres mesures, comme le fait de
suspendre temporairement le fonc-
tionnaire de son service ou de l’assi-
gner à résidence », insiste-t-il.
Ils sont nombreux à partager ces
revendications. Des policiers mar-
seillais se sont notamment mis en
arrêt maladie en signe de protes-
tation. Suite à un appel d’Unité
SGP-Police, d’autres appliquent le
« code 562 », expression signiiant
qu’ils assument uniquement les
missions d’urgence. Le mouve-
ment est diicile à quantiier, mais
il aurait déjà dépassé les frontières
de la Cité phocéenne, selon Linda
Kebbab : « Ça commence à se déve-
lopper dans toute la France. »
Laura Merceron et Chloé Subileau
9
essentiel
Incendie T
Alerte rouge dans
les Bouches-du-Rhône
Météo France a placé lundi
24 juillet le département des
Bouches-du-Rhône au niveau
de vigilance le plus élevé dans sa
« météo des forêts », une première
depuis le lancement de ce dis-
positif début juin. En vigilance
rouge, « les conditions météo-
rologiques rendent le risque de
départ et de propagation de feux
de forêt et de végétation très élevé
comparativement aux normales
estivales », précise Météo France,
qui relève une situation de
« vents forts, avec la tramontane
et le mistral ».
Football
300 millions
d’euros pour avoir
Kylian Mbappé
Le psychodrame entre le Paris
Saint-Germain et son atta-
quant vedette n’en init plus.
Après avoir décidé d’écarter
Kylian Mbappé de sa tournée
au Japon et en Corée du Sud,
le PSG serait prêt à accepter
l’ofre de 300 millions d’euros
transmise par le club saoudien
Al-Hilal, a indiqué à l’AFP une
source proche des négociations.
Le transfert du buteur tricolore
vers Riyad reste hypothétique,
le principal intéressé n’ayant
jamais manifesté d’intérêt pour
l’Arabie saoudite. Les faveurs de
Kylian Mbappé iraient plutôt au
championnat espagnol, sous
les couleurs du Real Madrid
ou celles du FC Barcelone.
2,5
milliards d’euros
C’est le gisement d’économies
identiié au sein des opérateurs
de l’État comme Météo France,
le CNRS, ou l’Ademe. Alors que
la dette publique française a dé-
passé les 3 000 milliards d’euros,
les administrations et les inspec-
tions générales des inances (IGF)
et des afaires sociales (Igas)
ont été mises à contribution
pour suggérer des économies
dans douze domaines d’action
publique. Leur travail a été trans-
mis lundi 24 juillet aux parlemen-
taires et pourrait servir à l’élabo-
ration du prochain projet de loi
de inances.
X sur la-croix.com
t Le bilan en demi-
teinte de l’Arcom
sur la haine en ligne

10
carnet
décès
t Les Frères Maristes
de la Province L’Hermitage,
et sa famille, recommandent
à vos prières
Frère Louis SILVANT,
décédé le 20 juillet 2023,
à Saint-Genis-Laval, à l’âge
de 90 ans.
Funérailles le jeudi 27 juillet,
à 15 heures, à St-Genis-Laval
(Le Montet), suivies de
l’inhumation au cimetière
de la communauté.
Transmission
du carnet
Par courrier :
18, rue Barbès,
92128 Montrouge Cedex.
Par téléphone
renseignement :
de 9 heures à 17 heures
au 01 74 31 66 06
(du lundi au vendredi).
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et n° de téléphone).
Les textes doivent parvenir
avant 11 h pour une parution
le lendemain (pas de rubrique
le samedi/dimanche).
Avantage lecteurs
1 mois offert sur la-croix.com/cours-langues
t Le Frère Jean LEVEILLEY,
Franciscain-Prêtre, est entré
dans la Paix de Dieu, le samedi
22 juillet 2023, à la Maison
Béthanie à Avignon (84),
à l’âge de 96 ans, après 63 ans
de vie religieuse et 57 ans
de sacerdoce.
De la part de Frère Michel Laloux,
Ministre Provincial, des Frères
de la Province du Bienheureux
Jean Duns Scot, des Frères
de la fraternité d’Avignon,
de toute sa famille et ses amis.
La célébration des funérailles
sera célébrée le mercredi
26 juillet, à 11 heures, à la Villa
Béthanie, 90 Route de Tarascon,
84000 Avignon.
La ligne : 20 € TTC.
La ligne en gras
est facturée
sur la base
de deux lignes.
Remise de 10 %
à nos abonnés.
Remise de 50%
pour les iançailles,
mariages et baptêmes.
La Croix
La Croix -mardi 25 juillet 2023
Services
bloc-notes
Autun
(Saône-et-Loire)
Festival
4e Biennale d’Autun Festi-
val international d’art sacré
contemporain jusqu’au 3 août
(tous les jours de 11 heures à
19 heures). Arts plastiques,
land-art, sculpture, photogra-
phie, graiti, danse, BD, ateliers
participatifs, résidences d’artistes,
performances, vidéo, concerts,
conférences, rencontres… tout
public.
Programme des journées :
biennale-autun.com
Côtes-d’Armor
et Ille-et-Vilaine
Expositions
Femmes de la Bible jusqu’au
30 juillet à l’église de Pleudihen-
sur-Rance et du 1er août au 3 sep-
tembre à l’église Saint-Méen
de Cancale, exposition des
œuvres de Marie-Gilles Le Bars,
aquarelliste, Luc Robin, photo-
graphe, et Aude Robin, artiste
peintre.
Rens. : 06.08.41.23.03
Nathalie Jira (agenda.lacroix@
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denomination sociale :
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Chemnitz sous le n° HRB 29134, prise en la
Forme sociale : SCI personne de son représentant légal, la
Siège social : 30 rue Marbeuf 75008 PARIS
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dissolution a été prononcée en application de
l’article 1844-5 du code civil. Les créanciers
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Objet :
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exercer dans le délai de 30 jours de la présente
publication. Les oppositions devront être
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mise à la disposition des associés et/ou du Pour avis.
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en date du 19 juillet 2023, il a été décidé de
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La réindustrialisation
au défi du manque de bras
tLa Croix dévoile
en exclusivité une étude
expliquant les tensions
de recrutement
dans l’industrie.
t50 % des personnes
formées pour ce secteur
n’y travaillent pas,
«bridant» le potentiel
de réindustrialisation
de la France.
Relocaliser, et réindustrialiser la
France. Depuis le Covid, cet objectif
est devenu un leitmotiv pour Em-
manuel Macron, qui revendique
d’avoir inversé la courbe des des-
tructions de sites et d’emplois in-
dustriels. Un mouvement réel – et
entamé, en réalité, dès 2016 pen-
dant le quinquennat Hollande –,
mais « fragile », préviennent
G u i l l a u m e B a s s e t e t O l iv i e r
Lluansi. Ces spécialistes du sec-
teur (1) viennent de réaliser une
étude pour le laboratoire d’idées La
Fabrique de l’industrie, que La
Croix révèle en exclusivité.
Leur diagnostic : « Le poten-
tiel de réindustrialisation (…) est
considérable, mais il est bridé par
une pénurie généralisée de compé-
tences. Le nombre d’emplois indus-
triels vacants a été multiplié par 3
entre 2017 et 2022, pour atteindre
environ 60 000 », un niveau iné-
dit dans l’histoire récente. L’origi-
nalité de leur étude vient du para-
En cause,
une mauvaise
orientation
des personnes.
doxe qu’ils mettent au jour. D’après
leurs calculs, « le nombre de jeunes
formés chaque année aux métiers
industriels correspond – en vo-
lume – aux besoins de recrutement. »
Alors pourquoi de telles pénuries ?
Guillaume Basset et Olivier Lluansi
mettent un nom sur ce paradoxe :
ils évoquent un « taux d’évapora-
tion des personnes formées aux mé-
tiers industriels, dont une partie ne
s’insère inalement pas sur le mar-
ché du travail, ou en tout cas pas
dans les métiers industriels. Or ce
taux est très important, il atteint
50 %, du CAP jusqu’au bac + 2. »
La première raison, c’est une mau-
vaise orientation des personnes, ef-
fectuée par défaut – une « voie de
garage » pour les élèves en échec
scolaire – ou par stratégie (pour ob-
tenir un statut par exemple). Deu-
xième facteur, « la réduction, depuis
trente ans, du nombre de structures
de formations industrielles, qui a
ÉCO&TRANSITION
Le nombre d’emplois industriels vacants a été multiplié par 3 entre 2017 et 2022, selon des experts du secteur.
Ici, une usine de batteries électriques dans le Pas-de-Calais. Simone Perolari/REA
connu une saignée ». Mais aussi
« leur fonctionnement ”en “ silo” » –
chaque structure ne pouvant ac-
cueillir qu’un seul type de public
(lycéen, apprenti, étudiant, deman-
deur d’emploi…), lié à son inanceur
(Éducation nationale, Pôle emploi,
etc.). « Cette double logique conduit
à éloigner, sur un territoire donné,
les lieux de vie des lieux de forma-
tion », alors que « les Français sont
peu mobiles ». Le troisième élé-
ment concerne le contenu des for-
mations, peu ou pas adapté aux be-
soins. Ces constats sont partagés par
Sylvie Grandjean. Cette directrice
générale de l’entreprise Redex (Loi-
ret) et vice-présidente du Mouve-
ment des entreprises de taille inter-
médiaire, « cherche désespérément
des fraiseurs, des tourneurs et de
bons rectiieurs ; sans succès, car ces
formations n’existent plus et, même
lorsque les proils existent, leurs cur-
sus ne correspondent pas à nos at-
tentes ». Pour « résoudre la question
repères
Un sursaut encore timide
Fin 2022, la part de l’industrie
dans la richesse nationale
française n’avait pas encore
recouvré son niveau d’avant
Covid, d’après l’OCDE (10,4 %
en 2022, contre 11,2 % en 2019).
Entre 2017 et 2022, la France a
créé 90 000 emplois industriels
(en net). À ce rythme,
La Croix -mardi 25 juillet 2023
du taux d’évaporation », Guillaume
Basset et Olivier Lluansi admettent
que « la situation des finances pu-
bliques ne permettra pas d’accroître
de 50 % le nombre de formations ». Ils
préconisent donc d’abord « d’orien-
ter les bonnes personnes vers des for-
mations aux bonnes compétences et
dans les bons bassins d’emplois ».
Cela implique notamment de
surmonter les obstacles à la mobi-
lité géographique et, pour cela, « de
passer d’une logique de formation
par public (lycéens, apprentis sala-
riés, demandeurs d’emploi…) à une
stratégie de territoire ». Mutualiser
les outils de formation à l’échelle
d’un bassin d’emploi « permettra
de privilégier la proximité domicile-
formation-emploi, d’optimiser les
coûts et de permettre sur un même
“plateau technique” la formation
du futur technicien, ingénieur ou
encore demandeur d’emploi ». Et
cela contribuera à un dialogue ac-
cru entre formateurs, industriels et
la population active travaillant
dans l’industrie monterait
de 12 % aujourd’hui à 14 % d’ici
à 2070, derrière la moyenne
européenne actuelle (16 %).
Selon les scénarios, les besoins
en recrutements sur la période
2019-2030 varient entre 1 million
et 1,45 million d’emplois.
Source : « Pénurie de compétences
et réindustrialisation : un étonnant
paradoxe », juillet 2023, La Fabrique
de l’Industrie, G. Basset et O. Lluansi.
élus locaux. Pour Guillaume Basset
et Olivier Lluansi, L’Usinerie repré-
sente un « cas d’école ». Ce projet,
impulsé par le Grand Chalon, a été
cocréé avec les Arts et Métiers, le
Cnam Bourgogne-Franche-Comté,
l’UIMM Saône-et-Loire et L’Usi-
nerie Partners, pôle d’innovation
pour les industriels.
« La mutualisation est clé »,
abonde Laurence Grosselin, di-
rectrice générale de L’Usinerie
Partners, qui anime les activi-
tés communes aux cofondateurs.
« La proximité de ces acteurs a per-
mis de monter un diplôme d’ingé-
nieur en intelligence artiicielle en
un temps record. C’est un des seuls
“bacs + 5 numérique” du bassin
chalonnais. Un cursus supérieur
continu pour les étudiants, qui
évite le départ des futurs diplômés.
Tout le monde a son rôle à jouer, les
formateurs comme les entreprises
et les collectivités locales. »
Une analyse partagée par Syl-
vie Grandjean, dont l’entreprise a
investi dans des logements pour
héberger les apprentis. « Depuis
dix ans, nous nous sommes rap-
prochés de tout le système de for-
mation local, ain d’exprimer nos
besoins en matière de compétences
et d’attirer des candidats. Car le
manque de main-d’œuvre ralentit
notre croissance. »
Marie Dancer
(1) Olivier Lluansi et Guillaume Basset
s’expriment en tant qu’anciens délégués
aux Territoires d’industrie, respectivement
de 2019 à 2020 et de 2020 à 2022.
11
essentiel
Énergie T
Stellantis et Samsung
prévoient une deuxième
usine de batteries
aux États-Unis
Le constructeur automobile
Stellantis et le conglomérat
Samsung ont annoncé lundi
24 juillet une deuxième usine
de batteries pour voitures élec-
triques aux États-Unis, dans
un lieu à préciser, pour produire
34 gigawatts-heure par an
dès 2027. Tous deux construisent
déjà une « gigafactory » dans
l’Indiana, pour début 2025,
avec la même capacité.
Argent
Le nombre
de distributeurs
de billets a encore
baissé en France
Le nombre de distributeurs auto-
matiques de billets (DAB) conti-
nue de reculer en France métro-
politaine, à - 3,4 % en 2022, soit
46 249 automates, a annoncé
la Banque de France, lundi
24 juillet. La baisse s’est accé-
lérée (après -2 % en 2021) et elle
dépasse les 12 % depuis 2018.
Ce mouvement se concentre
« sur les villes les plus peuplées,
relétant une optimisation des
installations », a cependant
nuancé la banque centrale en
précisant que cette diminution
« n’est pas de nature à altérer
les indicateurs d’accessibilité ».
L’an dernier, le nombre de com-
munes équipées « d’au moins
un DAB » a ainsi augmenté
de 0,2 % (soit 15 DAB en plus).
Ferroviaire T
Alstom va construire
50 locomotives pour
le loueur Railpool
Le loueur ferroviaire allemand
Railpool a commandé 50 loco-
motives au français Alstom,
ont-ils annoncé lundi 24 juillet.
Le montant de ce contrat ira
jusqu’à 260 millions d’euros.
elles seront utilisées par Rail-
pool en France et le long des
corridors européens les plus
importants. Conçues par Bom-
bardier Transport (groupe ca-
nadien racheté par Alstom en
2021), ces locomotives peuvent
rouler à 160 km/h, transporter
du fret comme des voyageurs et
sont compatibles avec plusieurs
systèmes de signalisation.
X sur la-croix.com
t Ticket de caisse :
pourquoi son
impression ne sera plus
systématique au 1er août
 La Croix -mardi 25 juillet 2023

12 Services
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L
22 ° 30 ° 18/20° a parabole du semeur, sans en
24 ° 34 ° <18° avoir l’air, donne une image
25 ° 31 ° étonnante du messie. En ef-
fet, ce n’était pas un semeur mais
Mercredi Jeudi un moissonneur, que les auditeurs
de Jésus attendaient. Un messie qui
mettrait un terme à l’histoire, réglant
les comptes avec les uns et réalisant
l’espérance des autres. Or, l’image
du semeur n’évoque pas la fin du
monde. Mais elle parle d’un Dieu qui
répond aux faims du monde. Pour
cela, il sème sa Parole dans tous les
champs de notre humanité.
Regardons de plus près le com-
portement du semeur. Voilà un che-
min, il sème ! Voilà des pierres, des
épines, il sème ! Il sait donc bien,
qu’à vues humaines, le grain ne don-
et pourtant Dieu sème !
C’est dans ce « pourtant » que réside
son amour. Il sème comme il aime,
sans compter. Il ne désespère d’au-
cun terrain, jusqu’à enfouir à perte
la semence dans les recoins les plus
arides de nos existences. Il n’attend
pas que nous lui ofrions la terre bien
labourée de nos bonnes œuvres, mais
il ensemence nos vies telles qu’elles
sont. En réponse à son amour, il nous
appelle à « sortir » à notre tour pour
« semer » en tous lieux, comme lui, et à
témoigner partout de sa miséricorde.
Dans l’assurance que les résultats de
nos semailles sont dans sa main.
Michel Bertrand
Autres textes : Ex 16,1-5.9-15 ; Ps 77

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Disponible sur tablette et smartphone


Frère Alois renonce à sa charge
à la communauté de Taizé
25 km
Côte-
Nièvre d’Or
Autun
Chalon-
SAÔNE- sur-Saône
ET-LOIRE Jura
Taizé Mâcon
Ain
Loire Rhône
tDepuis dix-huit ans
à la tête de la communauté
œcuménique, frère Alois
a annoncé, dimanche
23 juillet, qu’il renonçait
à sa charge de prieur.
tAprès avoir consulté
ses frères, il a choisi comme
successeur un Britannique
de confession anglicane,
le frère Matthew.
« J’ai senti que le moment était
venu qu’un frère entré après moi
dans notre communauté reprenne
ma responsabilité. » C’est ainsi que
le frère Alois, 69 ans, prieur de
Taizé, a annoncé dans un message
à ses proches qu’il renonçait à sa
charge. Une nouvelle inattendue
pour cette communauté dont la
règle ne ixe ni le terme ni la durée
du mandat du supérieur. Le prédé-
cesseur de frère Alois, le frère Roger,
avait lui-même été prieur de la com-
munauté dont il a eu l’intuition en
1941, jusqu’à sa mort tragique en
2005. « Cela fait déjà plusieurs an-
nées que j’y réfléchis, explique à
La Croix frère Alois, et j’ai parlé à
tous les frères il y a deux ans pour en-
gager la rélexion : je sentais la néces-
sité de faire entrer la communauté
dans une nouvelle étape de son exis-
tence. L’Église et le monde changent
tellement que je me demandais :
quel est l’appel d’Évangile pour nous
aujourd’hui ? »
Allemand de confession catho-
lique, entré à l’âge de 20 ans dans la
communauté œcuménique, Alois
Löser a eu la lourde et délicate
mission de succéder au charisma-
tique fondateur de Taizé assassiné
en 2005 au cours d’une veillée de
prière. Frère Alois était alors chargé
des relations avec l’Europe de l’Est.
Dans les années 1980, cet Allemand
dont les parents avaient grandi
dans les Sudètes, est régulièrement
envoyé de l’autre côté du rideau
du fer, visitant les communautés
chrétiennes est-allemandes, polo-
naises, tchécoslovaques… Autant de
pays où Taizé a acquis, par sa pré-
sence aux moments douloureux, un
immense prestige. Tout naturelle-
ment, dès la chute du mur de Berlin,
les jeunes de l’Est fourniront de gros
Frère Matthew (à g.) succède à frère Alois (à d.) comme prieur de la communauté de Taizé. Marija Poklukar
« Je sentais
la nécessité
de faire entrer
la communauté dans
une nouvelle étape
de son existence. »
bataillons de participants aux Ren-
contres européennes organisées
chaque année par Taizé dans une
métropole au moment du Nouvel
An. Comme frère, Alois Löser consa-
crera beaucoup de temps à l’écoute
et à l’accompagnement des jeunes,
une attention que cette igure spiri-
tuelle estimée a conservée lorsqu’il
était prieur.
Au moment de passer lui-même
la main, il insiste sur son souhait
de « préparer ce passage sans être
soumis à une situation d’urgence ».
Faut-il y voir l’influence de son
compatriote, le pape Benoît XVI ?
S’il dit avoir « admiré sa décision de
se retirer en 2013 », il assure qu’elle
« n’a pas interféré » dans la sienne.
Le prieur de la communauté de
repères
Une centaine de frères
au sein de la communauté
Fondée en 1944 par Roger
Schutz, la communauté
de Taizé est une commu-
nauté monastique chrétienne
La Croix -mardi 25 juillet 2023
RELIGION
Taizé réfute également tout lien
avec la révélation, ces dernières
années, d’abus sexuels commis en
son sein - en octobre 2019, un frère
avait été arrêté, présenté devant
un juge d’instruction et placé en
détention provisoire pour des faits
de viol et d’agression sexuelle. « Il
n’y a pas de lien direct, assure frère
Alois. Mais il est vrai que recevoir
la parole des personnes victimes
d’agressions sexuelles et d’abus
spirituels commis par des frères
a marqué, ces dernières années,
ma mission de prieur. Grâce à
elles, nous avons commencé tout un
cheminement pour revisiter notre
vocation comme frères et pour amé-
liorer notre dispositif de protection,
ain que Taizé soit un lieu sûr pour
les jeunes qui y viennent. Tout cela
a sans doute pesé dans ma rélexion
et je pense que, dans ce domaine
aussi, un nouveau prieur devrait
à présent poursuivre ce travail qui
a été entamé. » Le changement est
significatif pour la communauté,
tant cet homme d’écoute et de pa-
role, entré en 1974 dans cette com-
munauté qu’il fréquentait déjà de-
puis plusieurs années, représentait
encore une forme de continuité
œcuménique localisée à Taizé,
en Bourgogne.
Elle compte une centaine de
frères, catholiques et de diverses
origines protestantes, de trente
nationalités : 75 environ à Taizé
et 25 dans les sept fraternités à
travers le monde (Asie, Afrique
et Amérique latine).
avec frère Roger. Sur ses traces, il
a gardé les grandes intuitions de
départ, tout en développant la pré-
sence des frères au-delà de la col-
line bourguignonne, avec des pe-
tites communautés un peu partout
dans le monde. Alors que la règle de
Taizé prévoit simplement que « le
prieur désigne un frère pour assurer
une continuité après lui », il dit avoir
senti, lui, « le besoin de consulter tous
les frères avant de décider lequel sera
le nouveau prieur ».
Après avoir « prié, réfléchi »
avec la communauté, c’est toute-
fois bien lui qui a choisi son suc-
cesseur, frère Matthew. De natio-
nalité britannique, né en 1965 à
Pudsey (Royaume-Uni) et entré
à 21 ans à Taizé, Andrew Thorpe
dans le civil a la particularité d’être
anglican. « Une alternance d’appar-
tenance confessionnelle d’un prieur à
l’autre » que frère Alois voit comme
« un signe important », un rappel
de la vocation de la communauté
à rechercher l’unité chrétienne, et
même à être, « selon l’intuition de
son fondateur, une “petite para-
bole de communion” ». Le passage
de relais se fera le 3  décembre,
1 er dimanche de l’Avent, après
plusieurs événements majeurs
pour Taizé, à commencer par le
grand rassemblement œcumé-
nique prévu pour l’ouverture de
la phase romaine du Synode sur
la synodalité, que le pape a conié
à la communauté, le 30 septembre,
puis l’invitation de frère Alois
à participer au synode lui-même.
Céline Hoyeau
et Anne-Bénédicte Hoffner
13
essentiel
Jésuites T
La Compagnie de Jésus
confirme l’exclusion
définitive du père
Marko Rupnik
Le père Marko Rupnik, ac-
cusé d’« abus spirituels,
psychologiques et sexuels » sur
des femmes adultes, dont des
religieuses, a été déinitive-
ment exclu de la Compagnie
de Jésus, lundi 24 juillet. L’in-
luent prêtre et artiste slovène
n’a pas fait appel de son exclu-
sion décrétée en juin. Toute-
fois, les jésuites ont déploré
de ne pas pouvoir poursuivre
plus sévèrement dans le cadre
des procédures internes du
Vatican celui qui reste prêtre.
Irak
Le cardinal Sako
rencontre
le président
du gouvernement
régional
du Kurdistan
Réfugié au Kurdistan autonome
depuis la révocation de sa recon-
naissance institutionnelle par
le président irakien, le cardinal
Louis Raphaël Sako, patriarche
catholique chaldéen, a reçu le
soutien du président du gouver-
nement régional du Kurdistan,
Massoud Barzani, dimanche
23 juillet. Selon la chaîne de télé-
vision Kurdistan 24, le cardinal
Sako a qualiié la décision du
président irakien d’incorrecte
et de dangereuse. Une révoca-
tion qui a blessé la communauté
chrétienne. Il a exprimé sa gra-
titude pour le respect dont la
région du Kurdistan fait preuve
envers les minorités religieuses.
Vatican T L’association
des journalistes
souligne l’importance
de la « transparence »
« La transparence doit être tou-
jours suisante pour aider à
comprendre le fonctionnement
interne du Vatican », a airmé
jeudi 20 juillet le président
de l’Association internationale
des journalistes accrédités au-
près du Vatican (Aigav) et en-
voyé spécial permanent de
La Croix à Rome, Loup Besmond
de Senneville, lors d’une céré-
monie de in d’année, où était
invité le cardinal Pietro Parolin,
secrétaire d’État du Saint-Siège.
X sur la-croix.com
t JMJ 2023 :
le Portugal, un pays
à forte identité catholique
 La Croix -mardi 25 juillet 2023

14 CULTURE

L’Institut de la France
et de l’Algérie se fait
toujours désirer
Ysis Percq
tPlus de vingt ans après Lozère
une première ébauche,
le projet d’un Institut Gard
de la France et de l’Algérie Aveyron
avance, lentement, vers sa
concrétisation à Montpellier. Tarn
Montpellier
tLa Croix a pu visiter,
au Mucem de Marseille, HÉRAULT
la riche collection
qui y trouvera sa place. Mer
Aude Méditerranée
Montpellier (Hérault)
De notre correspondante régionale 20 km

8 février 1962, massacre de Cha- destinée à travailler sur les archives

ronne. Le peintre Robert Lapou-
jade a saisi le drame, qui avait fait
neuf morts et des dizaines de bles-
sés à Paris lors d’une manifesta-
tion en faveur de la paix en Algérie.
Les traits de pinceaux, nerveux, les
couleurs, brutales, restituent avec
force la violence, l’étouffement,
l’oppression. L’œuvre, comme l’en-
semble de la collection du futur
Institut de la France et de l’Algé-
rie, est actuellement protégée dans
l’antre du centre de conservation
et de ressources du Mucem, à Mar-
seille. Dans un dédale de tiroirs et
de placards, près de 6 000 pièces
qui témoignent de la période co-
loniale 1830-1962 attendent ainsi
d’être mises en lumière.
« La collection
balaie la période
de 1830 jusqu’à
1962 pour tenter
de jalonner cette
histoire commune
ain que toutes les
mémoires puissent
s’y raccorder. »
Dans l’une des armoires du
centre de conservation, une large
surface rosée d’un globe terrestre
du début du XXe siècle désigne
l’« Afrique occidentale française ».
« Ce type d’objet a été acquis ain de
montrer comment l’empire fran-
çais était enseigné à l’école durant
l’époque coloniale. C’était une fa-
çon d’envisager le monde à travers
les yeux de la France », explique
Florence Hudowicz, la conserva-
trice de la collection, également
membre de la commission mixte
d’historiens français et algériens,
de la guerre et la colonisation – une
recommandation du rapport sur la
mémoire de la colonisation et de
la guerre d’Algérie commandé par
Emmanuel Macron en 2020 à l’his-
torien Benjamin Stora.
Objets, peintures, sculptures,
affiches… Le regard peine à em-
brasser tous les rayonnages. Là, un
« diorama » représente des scènes
de vie et des soldats sur leur cha-
meau. Ici, des médailles militaires
jouxtent une parure de bijoux
d’apparat. « La collection balaie la
période de 1830 jusqu’à 1962 pour
tenter de jalonner cette
histoire commune
ain que toutes les
mémoires puissent
s’y raccorder, ou en
tout cas, pour que
chacun accède à des
éléments de compré-
hension », poursuit Flo-
rence Hudowicz. Choix
a été fait de replacer la
période de la guerre d’Al-
gérie dans la longue durée.
« Celle-ci intervient dans un
contexte historique, dans une
société, dont il faut comprendre
la complexité et les diversités, de
part et d’autre de la Méditerranée »,
analyse la conservatrice.
Reste à trouver l’écrin de cette
riche collection. Vieux serpent
de mer, un musée de la France en
Algérie, consacrée à l’histoire co-
loniale, a été imaginé à Montpel-
lier par Georges Frêche, truculent
maire de la capitale héraultaise,
dès le début des années 2000.
Mais le projet ainsi que sa déno-
mination jugés trop colonialistes
ont vite divisé et conduit à la dé-
mission du conseil scientiique en
2005. Cinq ans plus tard, quelques
mois après la mort de Georges
Frêche, le président de l’agglomé-
ration de Montpellier, Jean-Pierre
Moure, le rebaptise « musée de
Insignes militaires
Ces médailles militaires ont, pour certaines, été léguées par les
familles, souhaitant témoigner du mérite et de l’engagement des
leurs. Sur la photo ci-dessus, les médailles vert et jaune avaient
été créées par Napoléon III en 1852 pour honorer les services ren-
dus à la France, dans la lignée des médailles de
la Légion d’honneur (rouge et noir) créées par
Napoléon Ier. Ci-dessous, à côté d’une lettre
du FLN, des insignes militaires algériens
reprennent les couleurs et les symboles
du drapeau de l’Algérie. Les mouvements
combattant pour l’indépendance ont eu
tôt à cœur de se doter d’insignes sym-
bolisant la nation algérienne face à
l’armée française. Leur fabrication
était souvent artisanale.
puis à pas feutrés et son avenir reste
l’histoire F. Jaulmes/ fragile. Au sein de l’exécutif, la ques-
de la France et Montpellier tion était portée par Cécile Renault,
de l’Algérie ». Dès lors, la Méditerranée devenue conseillère de coopération
collection s’étofe, grâce à la mul- Métropole et d’action culturelle à Taïpei, et non
tiplication des acquisitions, auprès remplacée. Le inancement de l’État
des familles ou lors de ventes pu- tableaux. Chaque année, certaines n’est pas non plus fermement scellé.
bliques. d’entre elles sont montrées au pu- La répartition du coût, ne serait-ce
Nouveau coup de théâtre en 2014 blic lors d’une exposition « La voix que du chantier, pas encore déter-
quand Philippe Saurel accède à la des objets ». Il faut attendre – pour minée. L’Élysée ne souhaiterait pas
mairie à la surprise de tous et décide reparler d’un institut – 2021 et le se décider sans l’accord ferme, et
de stopper net les travaux commen- rapport de l’historien Benjamin encore en attente, de la région Oc-
cés dans un hôtel particulier de la Stora sur la mémoire de la coloni- citanie et le département de l’Hé-
ville, lui préférant un musée d’art sation et de la guerre d’Algérie. Ce- rault. Même prudence du côté des
contemporain. Les œuvres, en fait, lui-ci préconise explicitement « la collectivités, qui refusent de s’avan-
ne quittent pas les réserves muni- réactivation du projet de musée de cer sans le feu vert de l’État. Bref, le
cipales jusqu’en 2018 et une déci- l’histoire de la France et de l’Algérie ». serpent se mord la queue.
sion de l’État qui les amènent à Porté cette fois par le maire Mi- À Montpellier, le maire et pré-
Marseille, à l’exception de quelques chaël Delafosse, le projet avance de- sident de la M étrop ole, P P P
 La Croix -mardi 25 juillet 2023
CULTURE
Montpellier Méditerranée Métropole
repères
La collection en chiffres
6 000 œuvres composent la col-
lection, dont une majorité d’ar-
chives, telles que des photogra-
phies, des correspondances,
journaux, livres, lots de cartes
postales, ou encore tracts.
Environ 1 000 objets muséo-
graphiques, dont 150 tableaux,
autant de dessins, 300 aiches
Verseuse
Cette cafetière du début du
Frédéric Jaulmes/
Montpellier Méditerranée Métropole
P P P Michaël Delafosse, se dit fa-
vorable à un inancement à 70 %
par l’État et 30 % par les collectivi-
tés. « J’ai rédigé et envoyé une lettre
d’engagement il y a un an à l’atten-
tion du président, dans laquelle j’ai
bien indiqué que cet institut doit
être porté par l’État. Nous, collecti-
vités, sommes le second partenaire
à ses côtés », explique l’édile. Selon
nos informations, le ministère de
la culture se montre plutôt favo-
rable au projet montpelliérain. De-
puis le début de l’année, plusieurs
sites dans la ville ont été évalués
Affiche de propagande par l’Oppic (Opérateur du patri-
moine et des projets immobiliers
de la culture), dont un remplirait
Tandis que la plupart des aiches de la collection le cahier des charges.
visent davantage la promotion touristique de l’Algérie, L’Institut de la France et de
celle-ci est clairement d’ordre politique. Cette aiche l’Algérie aurait-il enin trouvé sa
de propagande était sans doute placardée devant les place ? Un lieu de compréhension
bureaux de vote, lors du premier référendum de la et de dialogue dont historiens et
Ve République, le 8 janvier 1961. Les électeurs, des deux associations soulignent la néces-
côtés de la Méditerranée, devaient alors se pronon- sité, plus de soixante années après
cer sur le devenir de l’Algérie, après plusieurs années la in de la guerre. « L’Algérie a été
de guerre, et choisir entre la sécession, la francisation une terre coloniale différente du
complète, ou l’association entre Algérie et France. Maroc ou de la Tunisie parce que
Le vote « Oui » au projet de loi sur l’autodétermination la colonisation y a été plus longue
l’avait emporté. (cent trente-deux ans) et que la
conquête a été suivie d’une colonie
de peuplement, souligne Florence
Hudowicz. Nos sociétés demeurent
et 200 objets, ont été acquis par
donations ou ventes publiques.
Le parti pris a été de s’ap-
puyer sur les médias propres
à chaque époque. Ainsi, la
peinture et le dessin pour le
XIXe siècle, les photographies
et les ilms pour le XXe siècle.
Chaque pièce de la collection
a été acquise comme un point
d’entrée vers l’appréhension
de l’histoire des relations entre
la France et l’Algérie.
XIXe siècle, avant la période
de colonisation française,
témoigne de la présence
ottomane dans la région
d’Alger et de l’orfèvrerie
apportée par des artisans
ottomans.
Cet objet est
en argent
repoussé : les
feuilles d’argent
ont été travaillées
depuis l’intérieur de
l’objet, provoquant
des bosselages. Plutôt
qu’une cafetière, il
s’agirait là d’une ver-
seuse, qui n’était sans
doute pas destinée à
préparer mais à servir
le café. Sa petite taille
indique qu’elle servait
probablement pour une
personne, sa contenance
n’excédant pas une ou
deux tasses.
marquées par ce temps long. » « Il y
a, chez les jeunes, un énorme besoin
de comprendre, créant des crispa-
tions identitaires », complète Alma
Bensaïd, vice-présidente de l’as-
sociation Jeunesses et Mémoires
franco-algériennes, qui rassemble
des jeunes âgés de 18 à 35 ans, et
qui souhaite être associée à la gou-
vernance et à la programmation.
Plutôt qu’un musée, ou un projet
exclusivement numérique comme
cela avait, un temps, été imaginé,
l’association a plaidé pour la créa-
tion d’un lieu de vie accessible à
tous, sans barrières d’entrée, in-
tégré à la vie de la ville et de ses
habitants, avec une librairie, un
espace de travail, en complément
d’une bibliothèque numérique.
« Notre génération peut apporter
une force d’apaisement, à la condi-
tion qu’elle soit intégrée aux déci-
sions », insiste Alma Bensaïd. Son
collectif s’est récemment élargi à
des membres qui n’ont pas de lien
personnel avec l’histoire franco-
algérienne, « une ouverture primor-
diale si l’on veut faire comprendre
qu’il ne s’agit pas d’une thérapie
mémorielle mais bien d’une respon-
sabilité sociétale ».
Ysis Percq
15
essentiel
Cinéma T La Mostra
de Venise doit renoncer
à son ilm d’ouverture
Le festival de cinéma qui se dé-
roule du 30 août au 9 septembre
sur la lagune, a dû remplacer
son ilm d’ouverture en raison
de la grève à Hollywood. Le
ilm pressenti, Challengers, de
Luca Guadagnino avec Zendaya,
Josh O’Connor, Mike Faist a été
retiré par la production, qui a
reporté sa sortie de septembre
à avril 2024, ses acteurs ne pou-
vant en assurer la promotion. Il
a été remplacé par Comandante,
drame historique du réalisateur
italien Edoardo De Angelis, avec
Pierfrancesco Favino.
Patrimoine
Un nouveau
programme
de soutien
à l’architecture
romane
La Fondation du patrimoine
crée un dispositif spéciique-
ment dédié à l’art roman, l’un
des plus anciens de France.
Pour soutenir les travaux de
restauration d’édiices, notam-
ment religieux, dégradés qui
incombent aux communes,
ce nouveau « programme Pa-
trimoine roman », bénéicie
en 2023 d’une enveloppe de
109 000 €, grâce au mécénat
de la société inancière IDI.
Deux églises sont concernées
par la première édition : l’église
Sainte-Marie à Vizille en Isère,
à hauteur de 40 000 € et l’église
San Parteo de Lucciana en
Haute-Corse, dotée de 69 000 €.
Dans les deux cas, la in des tra-
vaux est annoncée pour 2025.
sur la-croix.com
Un article détaillé
Décès T Un dernier
hommage à Jane Birkin
Lundi 24 juillet au matin ont eu
lieu les obsèques de Jane Birkin,
à l’église Saint-Roch à Paris.
Ses illes, Charlotte Gainsbourg
et Lou Doillon, ont porté le cer-
cueil, entourées de nombreuses
célébrités : Catherine Deneuve,
Étienne Daho, Isabelle Huppert…
Brigitte Macron était présente,
accompagnée de la ministre de
la culture, Rima Abdul Malak.
Un écran géant a permis aux
centaines de personnes ras-
semblées autour de l’édiice de
suivre ce dernier hommage.
X sur la-croix.com
t JDD, pourquoi
la clause de conscience
ne s’applique pas
 La Croix -mardi 25 juillet 2023

16 Écrans-radio
le choix de La Croix

Vice ou vertu, comprendre ce qui domine en nous

L’humain est-il méchant
par nature ?
Disponible sur Arte.tv
et sur la chaîne YouTube d’Arte
« Quel côté domine en nous ? Le bon
ou le mauvais ? » Vaste question que
la documentariste allemande Luise
Donschen résume avec brio : com-
ment la philosophie, la science, ou
encore la littérature ont-elles tenté
au il des siècles de savoir de quel
côté penche notre nature ?
Un sujet central de la philoso-
phie, étudiée successivement par
Platon, Aristote, Thomas d’Aquin
ou Kant, qui chercheront chacun à
expliquer ce qui guide nos bonnes
Le documentaire évoque notamment l’expérience de Stanford, et nos mauvaises actions. La culture
célèbre simulation menée sur la prison en 1971. ©NDR/ARTE et les sciences sociales contempo-
raines semblent, elles, dépeindre
l’humanité comme profondément
mauvaise dès lors que la « force de la
situation » ne contient son penchant
à la trahison et à la violence.
L’eicacité du programme d’Arte
réside dans son équilibre et sa
nuance : à ces illustrations glaçantes
vient se superposer le récit d’his-
toires vraies bien plus reluisantes
et de faits historiques rassurants.
Les lumières de la spécialiste de la
préhistoire Silviane Scharl viennent
éclairer le débat. Elle rappelle que
si l’on considère que l’être humain
habite la Terre depuis une heure, il
n’est sédentaire que depuis quatre-
vingt-dix secondes ; et que pendant
les cinquante-huit premières mi-
nutes de son existence, chasseur-
cueilleur de son état, il aurait plu-
tôt eu tendance à éviter le conlit. Le
propos est nuancé, détaillé, capti-
vant. L’alternance entre interviews
et séquences de ilms, archives do-
cumentaires et illustrations, permet
le déroulé luide de théories com-
plexes. Quant au commentaire, il les
vulgarise sans en amoindrir la por-
tée. Issu de l’excellente série docu-
mentaire scientiique 42, la réponse
à presque tout (1), le documentaire
de Luise Donschen brille par un op-
timisme richement documenté.
Maud Guilbeault
(1) Référence à l’œuvre de science-iction
humoristique et absurde Le Guide
du voyageur galactique de Douglas Adams,
dans laquelle le nombre 42 est donné
comme la « réponse ultime au sens
de la vie ».

TF 1 France 2 France 3 Arte France 5 M6 Et aussi...

6.30 TFou; 8.30 11.55 Tout le monde veut 6.00 Okoo; 7.20 Foot- 9.25 Expédition aux 5.00 Okoo; 9.35 C Jamy; 6.00 M6 Music; 6.10 In- Canal+ CRYPTÉ : 21.10
Téléshopping; 9.25 Fa- prendre sa place; 13.00 ball : Coupe du monde sources de l’Essequibo; 10.05 Silence, ça pousse !; croyables transforma- Vaincre ou mourir. 0
milles nombreuses : la Journal 13h00; 13.45 La féminine. Nlle-Zélande / 13.00 Transport rout- 11.00 Echappées belles; tions; 9.10 M6 Boutique; Film historique (2022), de
vie en XXL; 10.30 Amour, p’tite librairie; 13.55 Ça Philippines. En direct; ier : recherche chauf- 12.35 Sur le front. «Le sa- 10.25 Les reines du shop- Vincent Mottez, Paul Mi-
gloire et beauté; 11.00 commence aujourd’hui; 9.25 Okoo; 10.55 Le goût feurs désespérément; ble des plages»; 13.40 Les ping; 12.45 Le 12.45; 13.35 gnot, avec Hugo Becker,
Les Feux de l’amour; 15.05 Cyclisme : Tour des rencontres nor- 13.35 Les Blues Brothers. docs du Mag de la santé; Scènes de ménages; 14.00 Rod Paradot (1 h 40).
11.50 Les douze coups de France Femmes mandes; 11.35 Outre- Comédie musicale (1980); 14.45 Recherche héri- Un jour, un doc; 16.55 France 4 21.10
de midi; 13.00 Journal; – 3e étape : Collong- mer.l’info; 11.50 12/13; 15.40 Jane Birkin, simple tiers; 15.40 Aventures en Incroyables transforma- Gainsbourg, toute une vie.
14.00 Camping Paradis. es-la-Rouge-Montig- 12.55 Météo à la carte; icône; 16.40 Les parcs na- terre féline; 16.40 Décol- tions; 18.35 La route des Documentaire.
«La famille sans par- nac-Lascaux (147,2 km). 14.15 OPJ. Série policière; turels... en Minuscule. «La lage pour l’Amérique. cofres. Jeu. Présenté LCP 20.30 Ma femme a du
ents »; «Mystère au camp- En direct; 18.00 Tout le 16.15 Duels en familles; Réunion»; 17.25 Invitation «Los Angeles»; 17.40 par Stéphane Rotenberg; crédit. Documentaire.
ing »; 17.30 Les plus belles monde a son mot à dire; 17.00 Slam; 17.45 Ques- au voyage; 18.15 La France C dans l’air; 18.55 Si- 19.45 Le 19.45; 20.30 En NRJ 12 21.10 Marseille.
vacances; 18.30 Ici tout 18.35 N’oubliez pas les pa- tions pour un champion; sauvage. «Les Alpes»; lence, ça pousse !; 19.55 famille. Série humoris- Comédie dramatique
commence; 19.10 Demain roles; 19.50 Journal Météo 18.30 Le 18.30; 19.00 19.00 Les secrets des leurs Vu; 20.05 Le jour où les tique. Avec Yves Pignot, (2016), de et avec Kad
nous appartient 0; 20.00 climat; 20.00 Journal; 19/20; 20.00 Tout le sport; sauvages; 19.45 Arte jour- mammifères ont détrôné Marie Vincent, Jeanne Sa- Merad, avec Patrick Bosso,
Journal. 20.45 Un si grand soleil. 20.40 Aux Jeux, citoyens ! nal; 20.05 28 minutes. les dinosaures. vary, Charlie Bruneau... Anne Charrier (1 h 40).
RTL 9 20.55 Cœur de
21.10 The Voice Kids. 21.10 Paris 2024, le 21.10 Face à face. 20.50 Histoire du traic 21.00 Les routes de 21.10 Zone interdite. tonnerre. 0 Film policier
Divertissement. Présenté concert événement. Série policière (Saison 1, de drogue. Documen- l’impossible. Documen- Magazine. «A vélo, en (1992), de Michael Apted,
par Nikos Aliagas. Invités : Concert. «Dans un an les 1 et 2/12) «Une place à taire (1 à 3/3). «L’ère des taire. «Sumatra, maudits roulotte ou en péniche : avec Val Kilmer, Sam
Nolwenn Leroy, Slimane, jeux». Présenté par Laury prendre » 0 Avec Claire empires ». Au XIXe siècle, trésors». À Sumatra, un le déi des vacances Shepard (2 h 00).
Kendji Girac et Patrick Thilleman, Laurent Luyat Borotra, Constance Gay. l’opium se répand à travers tiers des habitants dépend itinérantes en famille».
Fiori. Cette année plus que et Tony Estanguet. À un Pour protéger sa ille, toute l’Asie. Parallèlement, du travail des champs. À Présenté par Ophélie Meu- KTO
jamais, les coachs sont an du lancement des Jeux dont il vient de découvrir l’industrie pharmaceu- cause de ses routes défon- nier. A vélo, en roulotte ou
prêts à tout pour attirer les olympiques et paralym- l’existence, un homme tique occidentale dével- cées, les déplacement sont en péniche, les vacances 19.05 Lumière intérieure;
talents dans leur équipe et piques, artistes et athlètes s’accuse du meurtre de oppe la morphine, la co- une gageure; 21.50 Les itinérantes ont la cote. De 20.05 Vêpres; 20.35
n’hésitent pas à utiliser le donnent rendez-vous; son collègue de bureau caïne et l’héroïne; «L’heure routes de l’impossible. plus en plus de familles Hors-série. «Déinir
Super Block; 23.25 23.15 L’odyssée des Jeux à la place de la jeune des barons »; «Les ter- Documentaire. «Colombie, choisissent ces séjours, l’homme (4/4)»; 21.30
Que sont-ils devenus ? olympiques. Documen- femme; «Tel est pris qui ritoires perdus »; 23.35 les intrépides des Andes». promesse de liberté et Pourquoi, Padre ?; 21.40
Magazine. Présenté par taire. Depuis leur création croyait prendre » 0; 23.00 Drogue, armes, argent : Dans les régions reculées de découvertes; 22.55 L’éveil du chœur – New
Karine Ferri. «L’incroy- en 1896, les JO répondent Face à face. Série policière enquête sur le inan- de la Colombie, la nature Zone interdite. Maga- Gospel Family; 22.10
able destin des stars des à un vœu pieux : rap- (Saison 1, 3 et 4/12) cement du terrorisme. dicte sa loi. Chaque année, zine. «Faire soi-même son Reportage; 22.20 La Foi
émissions de télécro- procher les hommes et les «Rédemption » 0 Avec Documentaire; 1.10 Mat- cowboys et chaufeurs en- camping-car : une aven- prise au Mot; 23.15 Et
chet »; «Stars d’un tube : femmes du monde entier Claire Borotra, Constance ador. Drame (1986), de durent une saison des plu- ture en famille». Présenté l’arbre a donné ses fruits;
que sont-elles devenues ? » tous les quatre ans. Gay; «Emprise ». Pedro Almodóvar 2. ies longue de six mois. par Ophélie Meunier. 0.10 Chapelet à Lourdes.

Séance du lundi 24 juillet. Cours en clôture.

7 427,31 pts Accor 33,76 -0,59 +44,58 Covivio 45,18 +0,62 -18,52 Ipsen 111,4 +0,36 +10,85 Scor Se 28,52 +0,53 +32,71
Adp 127,2 -1,17 +1,60 Credit Agricole 11,198 +0,72 +13,90 Ipsos 48,92 -0,53 -16,38 Ses 5,815 +0,61 -4,52
-0,07% +19,47% Air France -klm 1,591 -1,00 +29,20 Danone 56,29 -0,51 +14,34 Jcdecaux 16,58 -3,49 -6,43 Ses Imagotag 132,6 +2,00 +8,69
Air Liquide 160,78 -0,06 +21,44 Dassault Aviation 170,6 +2,59 +7,84 Kering 532,6 -1,61 +12,01 Societe Generale 24,51 +2,15 +4,39
Airbus 136,36 +1,38 +22,82 Dassault Systemes 40,035 -1,03 +19,53 Klepierre 23,95 -0,75 +11,24 Sodexo 97,36 +0,12 +8,81
Ald 9,855 +0,92 -8,41 Derichebourg 5,44 - -1,45 L'oreal 407,6 -0,86 +22,18 Soitec 162,85 -1,93 +6,54
SBF120 5 665,29 -0,02 Alstom 27,42 +0,15 +20,16 Edenred 59,18 +1,37 +16,31 Legrand 90,38 -0,13 +20,80 Solutions 30 Se 2,984 +1,22 +74,91
SBF250 5 546,94 -0,02 Altarea 102,6 +0,39 -18,70 Eiffage 95,76 +0,36 +4,18 Lvmh 857,6 -1,19 +26,14 Solvay 104,45 +0,67 +10,58
Alten 138 -1,57 +18,15 Elior Group 2,836 +0,78 -14,06 Mercialys 8,3 -0,36 -15,05 Sopra Steria Group 183,6 +0,22 +30,03
Dow Jones (New York) 35 422,21 +0,55 Amundi 57,4 +0,70 +8,30 Elis 19,1 +3,92 +38,21 Mersen 41,15 +1,48 +9,01 Spie 28,74 +1,05 +17,98
Nasdaq (New York) 15 447,39 -0,32 Antin Infra Partn 16,44 +0,43 -19,01 Engie 15,394 -0,44 +14,98 Metropole Tv 12,69 -0,94 -17,33 Stellantis Nv 16,758 +1,48 +26,28
Nikkei (Tokyo) 32 700,94 +1,23 Aperam 28,98 +0,03 -1,73 Eramet 87,2 -0,57 +4,00 Michelin 28,66 +1,06 +10,29 Stmicroelectronics 45,67 -0,09 +38,41
EuroStoxx 50 4 384,09 -0,17 Arcelormittal Sa 25,22 +1,57 +2,62 Essilorluxottica 176 -1,40 +4,02 Neoen 29,78 -0,40 -20,82 Technip Energies 21,16 -1,81 +44,24
FT 100(Londres) 7 678,59 +0,19 Arkema 93,18 +0,84 +11,09 Eurazeo 61,85 +0,98 +6,45 Nexans 81,15 +0,50 -3,91 Teleperformance 156,85 +1,65 -29,57
Atos 14,45 +0,59 +60,34 Euroapi 10,69 -0,23 -22,82 Nexity 18,4 +1,66 -29,39 Tf1 6,48 +1,25 -9,43
Axa 27,775 +0,27 +6,60 Eurofins Scient. 61,2 +0,16 -8,74 Orange 10,858 +0,87 +16,99 Thales 132,3 -0,90 +10,90
Beneteau 15,1 +0,67 +6,79 Euronext 64,4 +2,38 -6,88 Orpea 1,82 +1,82 -70,51 Totalenergies 54,79 +1,48 -6,58
Etats Unis EUR/USD 1,1096 -0,24 Bic 52,3 +0,29 -18,22 Eutelsat Communic. 6,115 +1,16 -12,14 Pernod Ricard 201,2 -0,30 +9,50 Trigano 134,3 +0,22 +5,25
Gde-Bret.EUR/GBP 0,8635 -0,42 Biomerieux 95,4 -0,23 -2,57 Faurecia 21,27 - - Plastic Omnium 19,12 +2,91 +40,80 Ubisoft Entertain 30,49 +5,94 +15,45
Bnp Paribas Act.a 58,37 +0,62 +9,62 Fdj 35,42 -0,17 -5,75 Publicis Groupe Sa 69,88 -1,83 +17,60 Unibail-rodamco-we 52,56 -0,64 +8,08
Suisse EUR/CHF 0,9595 -0,36 Bollore 5,985 -0,25 +14,66 Fnac Darty 34,02 +0,06 -1,22 Remy Cointreau 145,55 +0,97 -7,65 Valeo 21,48 +1,37 +28,62
Japon EUR/JPY 156,4700 -0,74 Bouygues 31,91 +0,79 +13,80 Forvia 24,87 +1,30 +76,01 Renault 40 +1,74 +27,90 Vallourec 11,99 +0,38 -2,28
Bureau Veritas 24,14 +1,30 -1,91 Gecina 98,8 -0,80 +3,84 Rexel 22,6 +1,16 +22,56 Valneva 6,832 +0,15 +9,77
Capgemini 171,6 -1,49 +10,04 Getlink Se 16,04 - +7,11 Rubis 22,4 +1,17 -8,94 Veolia Environ. 29,6 -0,34 +23,33
Piece Suisse 20F 338,20 Carmila 15,68 -1,13 +17,54 Gtt 99 -0,20 -0,80 S.e.b. 98,85 +1,70 +26,33 Verallia 35,06 -1,13 +10,67
Lingot 1 KG Env. 57 000,00 Piece Latine 20F 334,10 Carrefour 17,635 -0,42 +12,76 Hermes Intl 1897,4 -0,92 +31,31 Safran 143,08 +0,96 +22,37 Vinci 107,68 -0,31 +15,43
Piece 10 Dol USA 900,00 Souverain 426,00 Casino Guichard 3,4 -7,96 -65,16 Icade 36,88 -1,60 -8,35 Saint Gobain 58,41 +0,09 +27,95 Virbac 269 +0,75 +17,98
Piece 10 Florins 361,90 Cgg 0,743 +0,32 +22,89 Id Logistics Group 259,5 -1,33 -3,17 Sanofi 98,17 -0,45 +9,27 Vivendi Se 8,366 -0,02 -6,15
Piece 20 Dolars 1 959,75 Le baril à Londres 82,70 $ Clariane 6,395 - -36,81 Imerys 32,68 +0,62 -10,07 Sartorius Sted Bio 272,9 +0,33 -9,79 Voltalia 15,9 -0,62 -6,80
Piece 20F 344,50 Le baril à NY 78,89 $ Coface 13,07 +0,31 +7,66 Interparfums 62,8 -0,32 +12,95 Schneider Electric 162,92 +0,21 +24,63 Wendel 93,4 +0,43 +7,11
Worldline 34,62 +1,64 -5,23
 La Croix -vendredi 27 août 2021

17

aufil
Sommaire
P. 18-19 Grand format
Instants de vérité, quand le procès bascule
Un assassin d’enfant remis sur le chemin de la vérité
P. 20-21 Portrait

de l’été
Sarah Bernhardt, corps et âme
Un corps en scène
P. 22 Détours
Ma première médaille olympique
Enzo Lefort
P. 23 Jeux
Mots croisés et fléchés,
sudoku, quiz
P. 24 L’été
des écrivains
Hugo Boris

Charles
Fréger,
masques
et rites
Série «Aam Aastha», Inde.
Fête de Phulon ki Holi
(Holi avec les Fleurs) en l’honneur
de Krishna et son épouse Radha,
à Mathura (Uttar Pradesh).

Le photographe français
Charles Fréger explore les rites
et traditions populaires à travers
les cultures : des mascarades
hivernales sur le continent européen
aux figures rituelles de l’archipel
nippon, puis sur les territoires
des afro-descendants
des Amériques.
Aam Aastha, sa dernière série
réalisée en Inde, est
dédiée à l’incarnation des divinités
de l’hindouisme.

À voir aux Rencontres photographiques d’Arles

jusqu’au 24 septembre.
À découvrir également, son exposition
« Souvenir d’Alsace » au Musée alsacien
de Strasbourg jusqu’en avril 2024.
 La Croix -mardi 25 juillet 2023

Grand format

Instants de vérité, quand le procès bascule (2/4)

En novembre 1992, Didier Gentil et Richard Roman comparaissent devant la cour
d’assises de l’Isère pour le viol et le meurtre de Céline, une illette de 7 ans. Pendant
quatre ans, le premier a accusé le second d’avoir pris part à ces actes criminels.
Jusqu’à ce moment où il innocente son compagnon de box,
après un échange avec son avocat.

Un assassin d’enfant remis

sur le chemin de la vérité
 La Croix -mardi 25 juillet 2023

aufildel’été… 19

Planche-contact avec, à g., Didier Gentil (premier plan) et Richard Roman Mais un premier tournant se pro- Drôme
lors de l’ouverture du procès en 1992, et à dr., la famille de la victime. duit quand le juge Yves Bonnet re-
Eric Franceschi/Divergence prend le dossier. En octobre 1990,
à la surprise générale, le magistrat
annonce un non-lieu en faveur de
ALPES-DE-HAUTE-
Richard Roman. La colère de la fa-
mille de Céline éclate au grand jour
coup de respect pour Henri Juramy
Hautes-
Alpes qui avait un certain ascendant sur
ITALIE lui », reconnaît M e Saint-Pierre
La Motte-du-Caire
qui, certes, n’airmera jamais que
son confrère verrouillait la parole
PROVENCE de leur client. Mais il est facile de
comprendre que le jeune pénaliste
Digne-les-Bains

Vaucluse
et, un mois plus tard, la chambre lyonnais a alors gagné en inluence
d’accusation de la cour d’Aix-en- Alpes- auprès de Didier Gentil.
Maritimes
Provence annule le non-lieu. « Le La suite se passe un matin dans
juge Bonnet a été très courageux les geôles du palais de justice. Di-
même s’il a été ensuite désavoué, ce Var dier Gentil conie à Me Saint-Pierre
non-lieu a été une première étape 20 km
que, la veille, dans sa cellule, il a re-
qui a permis de distiller l’idée que la gardé « les infos sur FR3 » et qu’il a
culpabilité de Richard Roman n’était quête, plusieurs ont airmé avoir l’impression qu’on ne le croit plus.
pas acquise », explique Me Henri Le- vu, le soir de la disparition de Cé- « J’ai senti qu’il avait envie de s’ex-
clerc qui était alors l’avocat de l’an- line, Richard Roman au café du vil- primer. Alors, on en a parlé, sans
cien ingénieur. lage aux alentours de 21 h 30. Ce qui que jamais, je lui dicte ce qu’il de-
Le procès de Didier Gentil et de revenait à l’innocenter puisque cet vait dire », se souvient l’avocat. Dès
Richard Roman est programmé le horaire rendait impossible sa par- la reprise des débats, Didier Gentil
30 novembre 1992 devant la cour ticipation au meurtre de la illette. réclame la parole. « Je sais que j’ai
d’assises de l’Isère, à Grenoble. Et voilà qu’à l’audience, tous les violé, mais je ne vois pas le meurtre,
Quelques jours avant l’audience, le témoins airment que c’est en fait
procureur de la République, Michel vers 20 h 30 qu’ils ont vu Roman « J’ai senti qu’il avait
Legrand, chargé de porter l’accusa- au village. « Pour moi, c’est là que
tion au procès, rend visite au père le procès a commencé à basculer », envie de s’exprimer.
de Céline à La Motte-du-Caire. Et estime Me Muriel Brouquet-Canale, Alors, on en a parlé,
le magistrat lui conie sa certitude autre avocate de Richard Roman.
que les deux hommes écoperont « Il était évident que ces témoins sans que jamais,
de la perpétuité. L’affaire semble avaient été briefés pour changer de je lui dicte
version. Et on a compris que l’avocat
Une semaine avant général, Michel Legrand, commen- ce qu’il devait dire. »
çait à douter. »
le procès, « Paris Et si Richard Roman était inno-
Match  » organise cent ? D’un seul coup, la question le jet de pierre, le camouflage. Je les
n’est plus taboue non plus au sein rejette sur Roman et je ne sais pas
un référendum par de la défense de Didier Gentil, qui pourquoi. C’est dur d’expliquer ça
Minitel : Roman est-il a deux avocats. D’un côté, Me Henri (…). Je voudrais savoir. Je voudrais
Juramy, un pénaliste marseillais aussi demander pardon à Richard
ou non coupable ? expérimenté et au caractère parfois Roman et à sa famille », murmure
ombrageux. De l’autre, Me Saint- Didier Gentil avant de demander
Pierre, un jeune avocat lyonnais pardon à la famille de Céline.
aussi pliée dans l’esprit du public. prometteur. La ligne de défense du Les mots sont freinés par un bé-
Une semaine avant le procès, Paris premier est claire : son client, Di- gaiement tenace, le raisonnement
Match organise un référendum par dier Gentil, n’est coupable que du se perd dans des méandres ember-
Minitel : Roman est-il ou non cou- viol. Celui qui a tué, c’est Richard liicotés. Mais dans la cour d’assises,

L
e secret ne sera jamais
levé. « Les échanges entre
un avocat et son client
sont confidentiels. Et
jamais, je ne révélerais
ce qu’on s’est dit ce jour-là », conie
M e François Saint-Pierre bien
conscient que cette conversation,
toujours entourée d’un certain mys-
tère, a été un tournant dans un pro-
cès sous haute tension : celui de Di-
dier Gentil et de Richard Roman en
1992 à Grenoble. Le procès de deux
« monstres », comme titrait alors la
presse, accusés d’avoir violé et tué
Céline, une petite ille de 7 ans. Et
nul ne sait comment se serait ter-
miné ce procès si, un matin de dé-
cembre, dans une geôle du palais
de justice de Grenoble, Me Saint-
Pierre n’était pas allé parler avec
son client, Didier Gentil. Pour l’ac-
compagner sur le chemin de la vé-
rité et innocenter Richard Roman,
son compagnon de box. « Il y a des
avocats qui verrouillent la parole et
d’autres qui essaient de la libérer »,
dit sobrement Me Saint-Pierre.
L’affaire commence le 26 juillet
1988 à La Motte-du-Caire, un village
des Alpes-de-Haute-Provence. La
petite Céline est en vacances chez
son père, Gilbert Jourdan qui tient
le café de la Poste. Durant une partie
de l’après-midi, Céline joue au lip-
per avec Didier Gentil, un ouvrier
agricole. À l’heure du dîner, Gilbert
Jourdan appelle sa ille qui ne ré-
pond pas. Son corps sera retrouvé
le lendemain au bout d’un chemin.
Et c’est un mélange de stupeur et
d’efroi qui saisit tout le village.
Très vite, les gendarmes inter-
pellent Didier Gentil mais aussi
Richard Roman, un ancien ingé-
nieur, installé sur les hauteurs du
village dans une bergerie. Il élève
des chèvres, il a les cheveux longs,
se promène pieds nus et avec un
pagne. Surtout, il héberge Didier
Gentil qui, assez vite, reconnaît le
viol mais accuse Richard Roman du
meurtre de la illette. Des déclara-
tions faites lors d’une garde à vue
qui se déroule dans la gendarme-
rie de La Motte-du-Caire où l’am-
biance est surchaufée. « À mort ! »,
hurle une petite foule bouleversée
par ce crime atroce. Au bout de sa
garde à vue, sous la pression des
gendarmes, Richard Roman avoue
qu’il a tué Céline. Moins de deux
jours plus tard, il se rétracte devant
le juge d’instruction.
Mais ce revirement reste inau-
dible. Et la presse se déchaîne
contre les deux hommes affublés
de surnoms qui ne les quitteront
plus. Didier Gentil, c’est « le tatoué »
et Richard Roman, « l’Indien » parce
que, dans sa bergerie, il a planté un
tipi. Tout le monde est persuadé de
leur culpabilité, y compris les juges
d’instruction qui se succèdent.
pable ? Au cabinet de Me Leclerc, Roman. Si celui-ci est condamné chacun comprend la gravité de l’ins-
tout le monde se met à pianoter pour meurtre, alors, peut-être que tant. Un homme, présenté comme
frénétiquement sur le petit clavier Didier Gentil échappera à la perpé- un « barbare satanique » depuis
pour tenter de peser sur ce vote sur- tuité pour s’en tirer avec vingt ans quatre ans, vient d’être innocenté au
réaliste (1). Finalement, favorable à de détention, la peine maximale en grand jour. « Didier Gentil est revenu
la culpabilité de « l’Indien » à 74 %. cas de viol. dans la communauté des hommes »,
L’audience s’ouvre enin et très Bref, il ne faut pas compter sur lance Me Leclerc devant la famille de
vite, Me Leclerc malmène les gen- Me Juramy pour faire éclater l’in- Céline tétanisée dans son chagrin
darmes qui ont obtenu les aveux nocence de Richard Roman. Mais et ses certitudes. Rien ne pourra
de son client dans des conditions au beau milieu du procès, l’avocat la convaincre que Richard Roman
contestables. Puis, c’est au tour des marseillais quitte les débats, trop n’a aucune responsabilité dans la
habitants du village de se présen- partiaux à ses yeux. Me Saint-Pierre mort de la petite ille. Non sans un
ter à la barre. Leur témoignage est se retrouve donc seul à défendre certain courage, Michel Legrand,
crucial. Interrogés au début de l’en- Didier Gentil. « Celui-ci avait beau- l’avocat général, demande quelques
jours plus tard l’acquittement de Ri-
chard Roman dans ses réquisitions.
repères de Céline agressent Me Leclerc
qui, torse nu, devra être pro- Une nouvelle flèche dans le cœur
tégé par les gendarmes. des proches de Céline qui, une fois
L’affaire Roman-Gentil celui-ci prononcé, quitteront l’au-
Juillet 1989. Le journaliste dience avec des hurlements de dou-
26 juillet 1988. Le corps de Lionel Duroy publie une contre- leur et de colère. Didier Gentil, lui,
Céline, 7 ans, est retrouvé près du enquête dans L’Événement du est condamné à perpétuité. Sans ja-
café de son père à La Motte-du- jeudi convaincante sur l’inno- mais avoir rien dit, lui non plus, de
Caire. Didier Gentil et Richard cence de Richard Roman. ce qui s’est échangé ce matin de dé-
Roman sont interpellés le lende- cembre dans les geôles du palais de
main. Dans les jours qui suivent, 17 décembre 1992. Didier Gentil justice de Grenoble. « Ce que je peux
le frère de ce dernier, Joël est condamné à perpétuité avec juste dire, c’est qu’un avocat, quel
Roman, philosophe et rédac- une peine de sûreté de vingt-huit que soit son camp, n’est pas là pour
teur en chef de la revue Esprit, ans. Richard Roman est acquitté participer à une erreur judiciaire »,
demande à Me Henri Leclerc de et libéré. Il reçoit 100 000 francs soule Me Saint-Pierre.
s’engager dans le dossier. (15 200 €) d’indemnisation. Pierre Bienvault
16 juin 1989. Une reconstitu- 23 juin 2008. Richard Roman (1) La Parole et l’Action, Henri Leclerc,
tion du crime est organisée à est retrouvé mort à son domi- Fayard, 2020.
La Motte-du-Caire. Malgré l’ab- cile, l’autopsie estime que le
sence des deux accusés, la ten- décès est dû à l’absorption de Demain La table, témoin muet
sion est extrême. Des proches médicaments et de stupéiants. du procès Muller

Portrait
Sarah Bernhardt,
corps et âme (2/4)
Un corps
en scène
De la comédienne décédée
il y a cent ans, on croit tout
connaître. Mais que sait-on
de la Sarah intime ?
Pour l’actrice, la scène était
partout : au théâtre, mais aussi
à la ville, où Sarah Bernhardt
interprète sa vie, créant un style,
un imaginaire. Sa silhouette
donne lieu à une iconographie
« sarahbernhardesque ».
O
n imagine la scène.
Une in d’après-midi,
à Paris, dans le salon
d’un hôtel particulier,
boulevard Pereire.
Sarah Bernhardt reçoit quelques
intimes au cœur d’un bric-à-brac
de tentures, de peaux de bête, de
tableaux et d’objets hétéroclites
rapportés de ses tournées à l’étran-
ger, comme ce tigre en bois laqué et
ces sculptures maories aux yeux de
nacre. La comédienne est au centre
de la petite assemblée, allongée sur
de gros coussins brodés, indolente
et majestueuse. Avec l’air d’« un pa-
lais de Venise doré et pavoisé », dé-
crit l’écrivain Jean Lorrain, de son
regard aiguisé.
De fait, Sarah Bernhardt semble
toujours en scène, même chez elle,
au milieu de ses proches. « Elle
théâtralise son existence, conirme
sa biographe Claudette Joannis (1) :
tout – vêtements, bijoux, chapeaux,
chaussures, coiffures, attitudes,
gestes, conversations – n’est chez elle
que décors, accessoires ou répliques
d’une pièce, Sarah Bernhardt, dont
elle tiendrait le rôle-titre. » Iro-
nique, le critique Jules Lemaître se
demanda même si elle était encore
« capable de trouver l’intonation
juste pour dire : “Bonjour, monsieur,
comment vous portez-vous ?” » Mais
il avait ajouté : « Il lui faut l’extraor-
dinaire pour être elle-même. »
Cet « extraordinaire » vient bien
sûr du théâtre. De la scène au sens
propre, où la comédienne a exercé,
durant soixante ans, une fabuleuse
attraction, jouant tous les rôles,
travaillant sans relâche, déiant le
temps et la maladie. Ses biographes
le répètent, elle était belle, coura-
geuse, d’une énergie folle. Elle a fait
le tour du monde, interprété Phèdre,
la Dame aux camélias, Cléopâtre,
l’Aiglon… Oui, bien sûr. Mais, on
le pressent, ce qui fascine est ail-
leurs. Sarah Bernhardt, c’était une
présence, une aura, une sensualité
toute particulière. Tant d’artistes
l’ont écrit. Et si certains critiques
moquaient la grandiloquence de
son jeu, leur sarcasme s’est dilué
dans les mémoires, éclipsé par
l’émerveillement du public et de ses
admirateurs.
Sigmund Freud, par exemple.
À l’automne 1885, il évoque lon-
guement l’actrice dans une lettre
à son épouse, Martha. La veille, le
père de la psychanalyse a assisté à
Théodora, de Victorien Sardou. Sur
la pièce elle-même, il est assassin :
La Croix -mardi 25 juillet 2023
Sarah Bernhardt dans Froufrou, photographiée en 1880 par Napoléon Sarony, à New York. BnF
« Un pompeux néant avec de magni-
iques palais (…) mais à peine un mot
digne d’être retenu. »
Sarah, en revanche, l’a envoûté.
« Chaque parcelle de sa petite per-
sonne est vivante et ensorcelante.
Cette façon d’enjôler, d’implorer,
d’étreindre ; incroyables, les attitudes
qu’elle prend, la manière dont elle se
sert contre quelqu’un, sa façon de
mouvoir ses membres et la moindre
de ses articulations. » L’écrivain
Edmond Rostand la dépeint comme
« reine de l’attitude et princesse des
gestes », dans un sonnet de 1896,
commençant par ces mots : « En ces
temps sans beauté, seule encore tu
nous restes. »
Sarah Bernhardt subjugue, donc.
Elle conie un jour à un journaliste
que, comme tous les « vibrants », elle
a « besoin de croire pour faire croire ».
Il lui arrive de s’évanouir en jouant
Phèdre, sous le voile délicat qui lui
couvre la tête, « je soufrais, je pleu-
rais, je criais, et tout cela était vrai »,
raconte-t-elle (2). « Elle ne rentre pas
dans le personnage, elle se substitue à
lui », résume George Bernard Shaw,
prix Nobel de littérature en 1925.
Sarah se livre tout entière. Un soir
« Reine de 1877, elle fait même rouler une
larme sur la joue du « vieux combat-
de l’attitude tant » Hugo. « Cette larme que vous
avez fait couler est à vous », lui conie
et princesse l’écrivain, après l’avoir vu jouer sa
Dona Sol, dans Hernani. Accompa-
gnant la lettre, une petite boîte en
des gestes. » carton contient un bracelet chaî-
non, auquel pend une goutte en
Edmond Rostand diamant.
Sarah travaille énormément.
Sa diction, sa gestuelle, son jeu.
Même au faîte de sa gloire, en 1896,
alors qu’elle a interprété plus de
cent rôles, elle estime ne « pas être
parvenue au sommet de (son) art ;
chaque jour j’étudie encore P P P

En 1895, l’aiche, réalisée par Alfons Mucha
et annonçant la pièce de théâtre Gismonda,
représente la comédienne coifée d’orchidées.BnF
La Croix -mardi 25 juillet 2023
aufildel’été…
BnF
P P P pour l’approfondir et en péné-
trer les secrets ». Et chaque costume
fait l’objet d’une attention extrême.
Joëlle Duhoo, qui travaille au
Palais Galliera, à Paris, en sait
quelque chose. Elle est l’une des
rares à avoir manipulé ces pièces,
sublimes et fragiles. Durant les
mois de préparation de l’exposition
au Petit Palais à Paris (3), elle était
chargée d’ajuster les étoffes aux
mannequins : la jupe en soie ivoire,
dentelle et froufrou, la lourde robe
dorée de Théodora, la cuirasse de
Jeanne d’Arc. « Ce fut très émouvant
de les avoir entre les mains, conie la
mannequineuse, car son corps y a
laissé son empreinte. Je pouvais ap-
préhender sa minceur, les petites asy-
métries de son buste, ses postures… »
Rien, à l’époque, n’est laissé au
hasard. Pour la tenue de Cléopâtre,
on s’inspire des planches du Musée
de Boulaq, au Caire, relève sa bio-
graphe. « Quand je représente une
reine, explique Sarah Bernhardt, je
me suggestionne bien plus l’idée de
majesté (…) sous le vrai manteau de
cour qu’au hasard d’un attifement
issu d’un magasin d’accessoires. »
Point de bimbeloterie, de la magni-
icence ! La robe de Gismonda, et ses
4 000 pierreries, impliqua le travail
de 18 brodeuses, nuit et jour, pen-
dant une semaine.
Rien n’est trop beau pour le
théâtre. Et compte tenu de la po-
rosité de ses univers, l’actrice im-
pose son style à la ville. « Sarah
Bernhardt fut la première star
française à se construire un person-
nage, en s’appuyant, entre autres,
sur ses garde-robes », observe ainsi
Catherine Join-Diéterle, historienne
de la mode (4). La « robe d’intérieur »
ou Tea Gown, qu’elle aime porter sur
scène connaît ainsi un immense
succès – un vêtement ample et long
qui a l’avantage d’éviter le corset. De
même que le collet – l’actrice le por-
tait-elle pour protéger sa voix ? – qui
fut adopté par les élégantes à Paris.
Il lui arrive de
s’évanouir en jouant
Phèdre, sous le voile
délicat qui lui couvre
la tête, « je soufrais,
je pleurais, je criais,
et tout cela était
vrai », raconte-t-elle.
À tel point qu’au tournant de
1900, l’image de Sarah est partout :
une véritable iconographie « sarah-
bernhardesque » s’impose, qui ren-
contre l’art nouveau, « le goût pour
les lignes courbes et serpentines, les
motifs loraux (…), la foi en un art to-
tal voué à embellir et transcender la
vie quotidienne », observe Catherine
Join-Diéterle. Sarah inspire les créa-
teurs, le joaillier René Lalique, le
maître verrier Émile Gallé et, bien
sûr, l’illustrateur Alfons Mucha,
dont les aiches ont durablement
imprégné notre imaginaire. Le des-
sin de Gismonda, qui représente la
comédienne coiffée d’orchidées,
fut ainsi placardé à quatre mille
exemplaires dans la capitale, en
1895. Sans parler de la publicité :
Sarah prête son image aux biscuits
21
Égérie
de la publicité
Sur cette réclame de 1904, pour
les biscuits LU (Lefèvre-Utile),
Sarah Bernhardt prête tout à la
fois son image – visage ingénu,
somptueuse tenue en tissus
moirés – et sa parole. En bas à
droite, de son écriture pattes
de mouche, on peut ainsi lire :
« Je ne trouve rien de meilleur
qu’un petit LU ; oh si, deux pe-
tits LU. » Alors que la publicité
prend son essor au tournant
du XXe siècle, la comédienne
n’hésite pas à associer son
nom et sa notoriété à plusieurs
marques, comme la poudre de
maquillage la Diaphane, l’ab-
sinthe Terminus, les sardines
Saupiquet et même un corset
fabriqué avec des fanons de
baleine – elle qui n’en portait
pas ! Ce mouvement va de pair
avec les débuts de la « starii-
cation » – Sarah Bernhardt est
ainsi l’une des premières stars
mondiales, un terme apparu au
milieu du XIXe siècle. Un statut
qu’elle forge grâce à son talent
de comédienne, ses tournées,
de New York à Sydney, mais
aussi une utilisation judicieuse
de la publicité.
Lefèvre-Utile comme à la poudre de
riz La Diaphane.
Bref, « la Divine » est libre, fan-
tasque ; émancipée de la mode et
des diktats d’une société très nor-
mée. « Mes goûts un peu fantas-
tiques, ma maigreur, ma pâleur, ma
façon toute personnelle de m’habil-
ler, mon mépris de la Mode, mon
j’m’enichisme (…) faisaient de moi
un être à part », écrit-elle dans ses
mémoires.
Avec quelle inluence sur la vie et
le corps des femmes ? La star a-t-elle
contribué à les libérer ? « Il faut se re-
mettre dans le contexte de l’époque,
prévient le sociologue David Le
Breton. Sa notoriété était cantonnée
à un seul milieu social, celui de la
bourgeoisie, il n’y avait certainement
pas d’effet de masse. » Catherine
Join-Diéterle invite à la prudence.
« On ne peut pas dire qu’elle a contri-
bué à émanciper le corps des femmes,
même au sein de la bourgeoisie. Au
tournant du XXe siècle, la silhouette
est encore très contrainte, il faut at-
tendre les années 1920, avec la robe
droite, pour que cela change. » Fémi-
niste, Sarah ? Claudette Joannis ne
laisse pas planer le doute : « Oh, ça
non, elle le faisait pour elle-même,
pour qu’on la remarque ! »
Marine Lamoureux
(1) Sarah Bernhardt, Payot, réédition
en 2023 en poche, 224 p., 9 €.
(2) Ma double vie, Sarah Bernhardt,
Phébus, 2000, 11,60 €.
(3) L’exposition se tient jusqu’au 27 août.
(4) Voir aussi le catalogue de l’exposition,
Paris Musées, 256 p., 39 €.
Demain Le corps intime
 La Croix -mardi 25 juillet 2023

détours&desjeux
cette semaine/ma première médaille olympique (2/5)
Enzo Lefort (à g.) et Erwann Le Pechoux (à dr.) aux Jeux de Tokyo,
jeux olympiques le 1er août 2021. Augusto Bizzi/Icon Sport/Abaca

Paris2024
L’escrimeur
remporte pour
ses deuxièmes Jeux
la médaille d’argent
du fleuret par
équipes à Rio
en 2016.
Une aventure entre
copains poursuivie à
Tokyo, et couronnée
cette fois par de l’or.

I
l le dit lui-même, « c’est un
autre monde ». Quand du
sport individuel, l’escrime
bascule dans cet efort com-
mun où il ne s’agit plus que
d’être un maillon de la chaîne, et
surtout pas le plus faible, pour
faire triompher son équipe. Enzo
Lefort pourrait avoir un rapport
singulier avec cet exercice collec-
tif. Car c’est bien avec les autres
Bleus qu’il a pendu à son cou deux
médailles olympiques à Rio et à
Tokyo. Durant la fameuse quin-
zaine, le talent du double cham-
pion du monde en titre de leuret
en individuel n’est toujours pas ré-
compensé en solo.
Un manque ? Il jure que non,
parce que, depuis toujours, il
prend ce qu’il y a à prendre, sans
Enzo Lefort, un pour tous
trop gamberger. « C’est ma philo-
sophie, assure-t-il. Et franchement,
conquérir une médaille olympique C’est l’escrime, on peut se faire noi, enfile deux pulls et rejoint Lefort tient parole. Les Bleus pas rater. Aucun titre ne vaut une
par équipes, c’est d’une intensité sortir très vite. Mais l’avantage, la tablée bleue. « On est vraiment évitent le piège chinois, puis af- médaille olympique. Nous l’avions. »
folle, un moment de partage abso- c’est justement que l’on peut re- une bande de potes, et il est hors frontent en demi-finale les Ita- Mais comme Enzo Lefort est un
lument magnifique. Le vivre une bondir en équipe. Sauf qu’entre de question que je les laisse tom- liens qui dominent alors la dis- gourmand, il fallait goûter de nou-
fois, c’est fabuleux. Mais le répéter, les deux tournois, je tombe ma- ber, souligne-t-il. Je me connais. cipline. « Avant de rentrer sur la veau à cette douceur. À Tokyo, cin-
c’est exceptionnel. » lade. » Fiévreux, il refuse de res- Je sais que le lendemain, avec piste, nous restons dix minutes quième en individuel, il ira chercher
L’aventure olympique d’Enzo ter seul dans sa chambre pour le l’adrénaline et un Doliprane, je en chambre d’appel, et notre ca- l’or avec ses coéquipiers. « C’était
Lefort se vit donc à plusieurs, et repas du soir, la veille du tour- serai dans le coup. » pitaine Erwann Le Péchoux re- particulier, des Jeux sous Covid,
il s’en satisfait largement. Et pour marque qu’Andrea Cassara, géant sans public, regrette-t-il. Dans une
cause. Pouvait-il rêver meilleur
scénario, lui qui s’était retrouvé en
repères équilibre dans la pratique
de la photographie.
italien de l’escrime, est très agité.
Il nous glisse que c’est contre lui
telle période, avoir un groupe soudé,
c’est ce qui fait la différence. On s’est
2012 aux Jeux de Londres en tout qu’on peut faire quelque chose. serré les coudes comme jamais. » Un
jeune invité surprise de 20 ans à La recherche de l’équilibre En 2021, il a exposé son projet Quand vient mon tour face à lui, aboutissement que cet or ? « Non,
peine ? Les Bleus avaient sombré « Behind the mask », destiné je m’en souviens. Je l’agresse, vrai- car j’ai toujours faim. Peu importe
(aucune médaille), lui avait appris, En plus de ses médailles olym- à vanter la diversité qui règne ment, et je remporte largement d’ailleurs le métal. Les médailles ne
petit dernier de la bande, un brin piques, Enzo Lefort compte huit dans les équipes de France ce relais. Le point de bascule du sont pas exposées chez moi. J’aurai
épargné par le traumatisme géné- médailles mondiales, dont deux d’escrime. match. Psychologiquement, nous bien le temps de les contempler à la
ral. En 2016, à Rio, il arrive du coup titres en individuel (en 2019 avions pris le dessus. » fin de ma carrière. » Elle n’est pas
avec de l’ambition, c’est dans son et 2022) et un par équipes Sa carrière se déroule sans Cet exploit face aux Italiens, les pour tout de suite. À 31 ans, Enzo
tempérament, mais sans esprit de (en 2014), et sept européennes, graves blessures, mais à 31 ans, Bleus ne le renouvellent pas en i- Lefort vise désormais les Jeux de Pa-
revanche, c’est dans sa nature. dont quatre en or par équipes il sent les efets de sa pratique nale face aux Russes qu’ils mènent ris en 2024. Et même peut-être ceux
Et tant mieux. Parce qu’indi- (en 2014, 2015, 2017 et 2019). intense et très exigeante sur son pourtant longtemps. « Mais nous de Los Angeles en 2028. Les cin-
viduellement, il quitte le tour- corps. Pour Paris 2024, le cham- n’étions pas frustrés, car nous au- quièmes pour lui. Insatiable garçon.
noi d’entrée, dès le premier tour. Enzo Lefort a validé en 2018 pion change son mode de prépa- rions signé sans problème pour Jean-Luc Ferré
« Je tombe sur bien plus fort que un diplôme de kinésithérapeute, ration, en limitant les séances l’argent. Pour notre sport, les Jeux
moi, rien à redire, raconte-t-il. mais il trouve aussi son de musculation au proit du yoga. sont un rendez-vous qu’il ne faut Demain Estelle Mossely
 La Croix -mardi 25 juillet 2023

aufildel’été…/jeux 23

mots croisés quiz/l’art et la manière

Problème n° 8181 d’Arthur Gary par Stéphanie Janicot
cette semaine/la langue française

Accords
3.
Lequel de ces impératifs
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 est mal orthographié ?
Horizontalement. – I. Les tours de
piste s’y font à tours de roue. –
II. Couvertes de mousse. –
I parfaits A. Prends une tasse de thé.
B. Eh bien chante maintenant.
C. Manges ta soupe, s’il te plaît.
III. Somptueuse demeure, quand il est
particulier. Quand on a le bol, on n’en a II

1. 4.
pas ! – IV. Indication de provenance. Dans la description de ce Quelle est la bonne
Implicites. – V. C’est tout aussi mou. visage, où manque-t-il un orthographe pour
III
Possessif. Jouée. – VI. Avec leur or noir, « s » marqueur du pluriel ? cette question ?
ils s’achètent de l’or jaune. Sans A. Des yeux marron A. Qui a pris les gants ?
vainqueur. – VII. Fit comme un IV B. Des cheveux châtain B. Qui a prit les gants ?
innocent. Nettoyée. – VIII. Ne laisse pas C. Des lèvres rose C. Qui a prix les gants ?
lâche. Faciles. – IX. Bloquer. Patron. – V
X. Mesureras le charme.

Verticalement. – 1. Qu’on peut
considérer comme emportées. –
2. Système de gestion. – 3. Un joint. Qui
se fait vite des copines. – 4. Passe sous
silence. Un pli à la belote. – 5. Détendu.
Nouveau après un travail réussi. – 6. Il
se franchit d’un pas. Comme cela. Se
divisant bien par deux. – 7. Pris le
risque. Portera préjudice. –
8. Trompeurs. – 9. Dont les
connaissances laissent à désirer. –
10. Direction. Ville de Vénétie.
2. 5.
Un prêté pour trois J’ai beau rêver, je dois
rendus ! Lequel est mal trouver le bon accord
VI
orthographié ? entre mes rêves et le
A. Elle s’est rendue compte temps qui passe, quel est-il ?
VII
qu’elle s’était trompée. A. Les heures que j’ai passées
B. Elle s’est rendue à pied jusqu’à à rêver
VIII la ville. B. Les heures que j’ai passé
C. Elle s’est rendue à la police. à rêver
IX C. Les heures que j’ai passer
à rêver
X
Réponse : 1. C. Lorsque l’adjectif est un nom comme « marron », il est
invariable, mais il existe des exceptions et « rose » en fait partie. 2. A.
« Compte » a ici une fonction de COD, se rendre compte est toujours
invariable au participe passé. 3. C. Les verbes du premier groupe (en
« -er ») ne prennent pas de « s » à la deuxième personne de l’impératif.
mots fléchés 4. A. Le participe passé du verbe prendre est pris, quelle que soit la per-
sonne. 5. B. Les heures étant un complément circonstanciel de temps
et non un COD, « passé » ne s’accorde pas.

FLORILÈGE FILLE MÈRE D’UN PRÉCÈDE COÛTS QUI A VIDÉ sudokus

DE GAFFES DE FEU FAUCON D’UN PRÊT LES ÉTRIERS ENDROITS
40 TITRES RETIRÉS
FORFAITS SUPERPOSA RELIGIEUX COTÉS CAILLERA... COMMUN
AVANCER
REFUS Moyen
HARGNEUX
3
ON Y MET tEn partant
SA RECETTE
des chifres déjà 7 6 8 2
PIÈTRE
placés, remplissez
CANARD DE
5 2 6 7
les grilles de
LA CLIQUE
LUEUR
manière que 8 2 3 7
chaque ligne,
SEC ET SALÉ BASSIN DE chaque colonne, 4 8 6 9
SAMMY CHARBONS et chaque carré de
JUNIOR ! ARDENTS
3 × 3 contienne une
9 1 6 2
PLAÇAI CHAÎNE DE
LA T.N.T.
seule et unique 3 5 7 4
fois tous les
DIMINUÉ PARE-CHOC chifres de 1 à 9. 1 8 9 4
ÉCOLE TISSA SA L’OPINION
GRECQUE TOILE
RELATIFS
5
OISEAU CHEF TURC AU VENT
ZINCS CORDES
ANGLAIS
GROUPE DE
À NŒUD solutions du numéro précédent
FRÈRES APPUIENT
1 100 À ROME FROMAGE
INVITATION À L’AIL CE N’EST
À L’ŒIL PASSÉ AU PAS UNE
FAIRE DES
8. Uniia. Eue. – 9. Rétinienne. – 10. Ses. Stress.
PEIGNE FIN VERSION
ÉCLATS 4. Éternueras. – 5. Mi. Osa. Edo. – 6. Bonn. Nu. En. – 7. O.N.U. F.C.E.M. –
RAMOLLI DE
Verticalement. – 1. Conciliant. – 2. Avoir. Oral. – 3. Laiton. Bi. –
LA PULPE Er. – VIII. Arbre. Mène. – IX. Naïade. Uns. – X. Tl. Sondées.
Nuits. – IV. Citron. Fi. – V. Irons. Fins. – VI. Nuançait. – VII. Io. U.E.
PEINER Horizontalement. – I. Calembours. – II. Ovationnée. – III. Noie.
VIEUX PLI BUT EN Mots croisés n° 8180
EN-BUT EN TOUTE X S E S E S E S S E
D E
FRANCHISE
CHERCHER POINT HAUT U C P A R U U E RM
E G N T R O G N E R
R O
E A I A L N I A
Z
SUE, SCRIBE E R E A S S U N O T
M I
OU LABICHE 1 3 4 9 7 5 2 8 6 T H S E O O T E S
H
9 6 5 3 8 2 4 7 1 T E C S E L I E R E
P R
7 2 8 4 6 1 3 9 5 E L E E S E T A L
À BONNE SE PREND
PETITE
8 9 1 2 5 3 7 6 4
DISTANCE POUR
L E H E R I A S P E C
ENTRÉE
4 5 3 7 1 6 9 2 8
DE LA TÊTE L’EXEMPLE 2 7 6 8 4 9 1 5 3 R P I C R O U F U L L
3 4 7 6 9 8 5 1 2 A P T N T O V I R U L E
5 8 9 1 2 4 6 3 7 T A N A I L L T R A I N
SERMENT 6 1 2 5 3 7 8 4 9 S R E HAMB L O I N C
D’AUTRE- Moyen S M E M G A
FOIS Sudoku Mots léchés

Tout l’été,
plongez dans les
univers littéraires
de six auteurs,
à travers des textes
inédits publiés en
exclusivité dans
La Croix.
Cette semaine,
le romancier
Hugo Boris.
2/5
Ç
a dépend, me pré-
−
vient Gaëlle, qui s’est
rapprochée.
Nous regardons
le haut du grillage
comme deux migrants au pied
d’une enclave espagnole.
− Les détenus réfléchissent à
des plans d’évasion, c’est vrai, ils
bidouillent des outils, des armes…
Ils mettent en place des strata-
gèmes très astucieux parfois. Ils
connaissent les failles, à la longue.
Mais dehors, c’est dur. Il y a ceux
qui veulent s’évader, d’accord,
mais il y a ceux qui veulent reve-
nir, aussi. Regarde les permissions.
C’est un avant-goût de la sortie. Ils
reviennent abîmés. Tu deviens
une autre personne en prison.
Alors à l’extérieur, tu paniques.
Les types qui sortent en perm’
pour la première fois, la détention
les a tellement changés qu’ils sont
perdus, ils redoutent l’agitation, le
bruit de la rue. Ils ont peur de tout,
même des voitures.
L’obscurité tombe sur Gaëlle et
moi. Les projecteurs extérieurs de
la prison ne sont pas encore allu-
més. Depuis quelques minutes, il
n’y a plus aucun mouvement de
véhicule, aucun son. Nous rejoi-
gnons la voiture à pas comptés.
Vivre à l’intérieur, obsédé par
l’idée de l’extérieur, je veux bien,
mais l’inverse ? Être dehors, ob-
sédé par l’idée de retourner de-
unétéd’écrivains
Regarde-moi
tomber, mon amour
dans ? Sérieusement ? Je pense
que Gaëlle exagère. Que c’est une
manière pour le personnel de se
donner bonne conscience. Que
c’est plus confortable d’imaginer
que les détenus veulent leur dé-
tention. Mais Gaëlle soupçonne
certaines récidives d’être des ten-
tatives inconscientes de retourner
en prison.
− C’est pour ça que j’aimerais
créer un cycle autour de la trace.
J’aimerais faire réléchir les déte-
nus à celle qu’on laisse derrière
soi, et que cette empreinte soit
artistique. Je t’ai montré la « cel-
lule du condamné à mort » ? C’est
là que les détenus passaient leur
dernière nuit avant d’être guillo-
tinés dans la cour. Elle n’est pas
occupée. Alors j’ai imaginé que les
détenus pourraient y peindre une
fresque et y laisser l’empreinte de
La Croix -mardi 25 juillet 2023
par Hugo Boris
leur main. Le rituel de la trace, il
veut dire quelque chose : je laisse
ma marque, je suis passé par là,
« c’est fait », donc je n’ai pas be-
soin d’y revenir. Tu comprends ?
C’est ça que ça voudrait dire.
La lumière des lampadaires à
led reconigure le parking désert.
Elle nous douche du haut des
mâts, enfonce les yeux de Gaëlle,
intensiie son regard. Je me de-
mande si elle est en couple. Elle
n’en parle jamais et je n’ose pas lui
demander. Plus j’y pense, plus je
trouve son projet génial. Je le lui
dis. Marquer la prison de son em-
preinte, c’est une juste réponse à
la trace qu’elle laisse en vous. Et
j’ajoute que j’adore les poches en
biseau de son blouson. Ça la fait
sourire, mais elle ne m’encourage
pas à développer. Alors que j’ai
employé le mot « biseau » quand
même. Dedans ? Dehors ? Tou-
jours elle garde cette distance
avec moi.
Gaëlle finit une deuxième ci-
garette et nous montons dans sa
voiture. Une fois en mouvement,
la prison dans le rétroviseur, il y a
comme une urgence à se casser,
à accélérer, à atteindre la vitesse
de libération pour ne pas se lais-
ser happer par cette masse colos-
sale dans notre dos. Chaque détail
sur la route nous fait reprendre
contact avec le réel, rend plus
étrange le monde que nous ve-
nons de quitter. Je n’ai jamais été
aussi heureux d’eniler des ronds-
points, de longer des commerces
d’une zone industrielle, un Car
Wash, une jardinerie, une boulan-
gerie à la façade monumentale.
Gaëlle se roule une nouvelle
clope en conduisant pleine balle
Caroline Laguerre pour La Croix
sur l’autoroute, le dos des mains
posé sur le haut du volant.
− Il y a eu une double évasion,
ici, il y a un an, lâche-t-elle.
Je tourne la tête dans la pé-
nombre. Son proil est silhouetté
par un trait de lumière. On dirait
une esquisse tracée par une main
très sûre.
− Les gars sont allés en prome-
nade avec un grappin en plastique
et une corde de drap enroulée
autour du ventre. Sur les vidéos,
on les voit tomber du mur, s’y
reprendre à plusieurs fois ! Les
gardiens somnolaient. Il y a des
barbelés sur toutes les arêtes
mais ça ne les a pas empêchés de
passer. Ils ont franchi l’enceinte
extérieure, descendu la colline…
En bas, ils ont stoppé une voi-
ture et sorti la conductrice pour
monter dedans. Quand les gen-
darmes l’ont retrouvée, elle était
en sang, ils ont cru que les types
l’avaient violentée. Mais c’était le
sang des détenus. Ils s’étaient tel-
lement blessés dans les barbelés,
les mains, les bras, le visage, qu’ils
en avaient laissé partout.
Hugo Boris est l’auteur de six romans,
dont Police, adapté au cinéma par Anne
Fontaine. Dernier livre paru :
Débarquer, Grasset, 194 p., 19 €.
À suivre...