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Hist de la société du savoir et de l’information stratégique

Plan :

1. Les débuts d’une société de la Connaissance dans une


Modernité relationnelle (1515-1815)

1.1. Une nouvelle relation au savoir :


1.1.1 Relation au sens de « relater » : le savoir se raconte, le savoir
se transmet à un public élargi
- l’encyclopédie « raconte » le savoir à « l’honnête homme ».
- les voyageurs font un rapport sur les nouveaux mondes découverts.
- Les cabinets de curiosité

1.1.2 Relation au sens de « relier »


- Les catalogues
- les classifications de l’arbre (de Savigny) à l’océan (métaphore de
Leibniz).
- les cartes du savoir.
- les renvois encyclopédiques et la naissance de l’hypertexte.

1.2 Un document magnifié par l’imprimerie : Deux fonctions


1.2.1 Enseigner
- l’encyclopédie, un objectif pédagogique (une évidence de racines).
- les mythes pédagogiques : Th. More et les Utopiens, Campanella et
les Solariens.
- les besoins d’outils pour des bibliothèques efficaces Morhof (1688),
Leibniz.
1.2.2 Renseigner
- l’information géographique
- l’information militaire.

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-l’information économique : enquêtes, tableaux et statistiques sous
Colbert.

1.3. Les idéologues du Consulat : Une société de l’information en


projet (Cabanis, de Tracy, Lakanal, Condorcet)
- un objectif pragmatique et économique.
- une éducation finalisée (premières Écoles normales).
- un support mondialiste (le signe).
- une fragmentation du savoir en éléments pour une construction
facilitée de la connaissance.

Le début de la masse : les confiscations donnent trop de livres besoin


de les traiter

2. D’une Modernité technique à une Post-Modernité

2.1. Trois courants pour un progrès


2.1.1 Changement de Nature
Le passage de la Nature rousseauiste au Naturalisme
positiviste conduit à un recul de « l’humain ».
- soumission aux lois de l’Univers (contre la tradition historisciste).
- imitation de ces lois dans les sciences humaines qui conduit à voir
la loi prendre le pas sur la morale,
le monde devenir certain et contraint,
le nombre être favorisé au détriment de l’individu.
Du coup, papiers d’identité :de la fiche au fichage : mariage de la
technique ( la fiche), de la loi, du nombre
2.1.2 Fusions et confusions des domaines
du voyage découverte au voyage conquète ou scientifique
- de l’outil technique à la machine technologique connectée.

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- la Technoscience.
- l’industrialisation de la Culture.
2.1.3 Du Matériel à l’Immatériel
- du produit au flux informatif.
- de l’information matière première à l’information service.
- de la bibliothèque au centre de Documentation.

2.2 Deux versions d’une mutation des informations et des savoirs


2.2.1 Massification et élargissement
- quantité et quantitatif. D’un fait à une théorie.
- la volonté d’une classification universelle.
- la normalisation pour une information certifiée.
2.2.2 Échecs ou conséquences : frontières et clôtures
- échec de l’universel
- échec des normes ?
- clôture des disciplines scientifiques : le triomphe du spécialiste.

2.3 L’utopie du Mundaneum

3. De la Post-Modernité à l’Hyper-Modernité

3.1 Hypermodernité techniciste ou numérico-humaniste

3.2 Des facettes pour une société de l’information


3.2.1 Affirmation de l’Information scientifique et technique
(l’IST)
- Guitton et l’information économique, Bell et la société post-
industrielle, G7, rapport Curien…
- veille et IE : information et prise de décision.
3.2.2 Culture de l’information : le versant éducatif
- apparaît l’idée que plutôt que la société de l’information (immédiate
et éphémère), destinée aux décideurs, on a besoin d’une société des

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connaissances (durables et cumulables) destinée à l’apprenant.
- le concept de culture de l’information adapté au monde scolaire
trouve un terrain de développement dans les CDI, cette exception
française (le centre de documentation et d’information des
établissements scolaires qui a remplacé les bibliothèques scolaires).
3.2.3 Utopie mondialiste de l’Unesco
Au sommet mondial de la Société de l’information organisé par
l’Unesco à Genève en 2003 on annonçait la volonté « d’édifier :
- une société de l’information à dimension humaine, inclusive et
privilégiant le développement…
- dans laquelle chacun de nous ait la possibilité de créer, d’obtenir,
d’utiliser et de partager l’information et le savoir…
- dans laquelle les individus, les communautés et les peuples puissent
ainsi mettre en œuvre toutes leurs potentialités en favorisant leur
développement durable…
- ainsi qu’en respectant pleinement et en mettant en œuvre la
Déclaration universelle des Droits de l’Homme ».
3.3 Conflits
3.3.1 Société de l’Information ou Société du Document ?
- tout devient un document numérique.
- toute information, au sens le plus large, est inscriptible, donc devient
systématiquement un document.
- toute parole, expression, hésitation, publique ou privée, peut être
filmée, montrée, mémorisée et disponible pour une « éternité »
numérique.
3.3.2 Marchandisation et collectivisation des connaissances
- soumission du savant aux capitaux.
- disparition de l’auteur par la sémantisation des données.

3.3.3 La société de l’information de l’utopie à l’idéologie


- La réalisation (et donc la mort ?) des utopies grâce aux
technologies
- la bibliothèque universelle proposée par Google.

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- une éducation mondialisée par les MOOC.
- Le triomphe des idéologies
- une vraie utopie propose un futur en s’opposant au
présent et non un présent fermant le futur (la mort de l’Histoire de
Fukuyama).
- on est passé à une idéologie libérale (mondialisation,
transparence) d’orientation américaine
- et techniciste admise par tous.

Conclusion

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HIST DE LA SOCIETE DU SAVOIR ET DE L’INFORMATION
STRATEGIQUE

1. Les débuts d’une société de la Connaissance dans une


Modernité relationnelle (1515-1815)

1.1. Une nouvelle relation au savoir :

1.1.1 Relation au sens de « relater » : le savoir se raconte, le savoir


se transmet à un public élargi
- l’encyclopédie « raconte » le savoir à « l’honnête homme ».
Le but d’une encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses dans
le monde, d’en exposer le système général aux hommes et de le transmettre
aux générations futures.
Elle repose sur une adhésion idéologique aux connaissances exposées, et
son usage débouche sur la possession d’un savoir qui donne une
supériorité sur les non-initiés.
Elle est donc à la fois volonté d’ordre, nécessitant la fabrication d’outils et
des choix d’organisation et média assez élitiste de diffusion des savoirs (ils
sont réservés à une élite intellectuelle, une infime minorité dans l'Antiquité
comme au Moyen Age). Si Rabelais pensait à un nouveau rapport au
monde permettant aux humbles d’accéder au savoir, Pierre Bayle revint
vite à une démocratisation sélective, méritocratique, car seule une minorité
est capable de comprendre les sens d’un ouvrage philosophique alors que le
peuple suit ses préjugés, et les encyclopédistes sont restés dans cette
optique
Dans la perspective humaniste, l’encyclopédie n’est pas une folle
ambition de totalisation de connaissances en folle prolifération, mais
plutôt le désir d’acquérir un savoir suffisamment complet ( voir Rabelais,
Pic de la Mirandole) pour que l’homme ne renonce à rien de sa faculté de
raison et suffisamment général pour éviter l’enfermement dans la

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spécialisation. L’encyclopédiste n’est pas le savant universel mais le sage
qui met de la raison dans la science en l’ordonnant à son propre
perfectionnement intérieur
L'encyclopédisme est ce qui fait le tour de ce qu’on doit avoir appris pour
avoir une culture générale. Cela renvoie à un savoir fini. C’est un projet
éducatif, et non un projet de recherche, un projet d’exposition du savoir,
et non un point de départ vers autre chose.
- les voyageurs font un rapport sur les nouveaux mondes
découverts.
- Les cabinets de curiosité
1.1.3 Relation au sens de « relier »
- Les catalogues
Dès que le document se rassemble en une documentation, dès qu’il
s’additionne en se refusant à être un conglomérat sans structure, dès
qu’il se veut mémoire utile et donc retrouvable, il induit la double
nécessité de l’inventaire et du classement qui se réalise dans le
catalogue. Ce terme, « composé de kata, de haut en bas et de legein
rassembler, dire, apparenté au latin legere (lire) » (Rey, 1995),
représente un objet multifonctionnel qui s’est adapté à des utilisateurs
différents : traditionnellement lié à la référence bibliographique, au
livre, dans le cadre savant des bibliothèques et dans le cadre marchand
de l’édition, il est aussi lié au monde des musées, dans une démarche
plus « monstrative », et ce depuis longtemps :
« Dès l’antiquité, on voit apparaitre des catalogues, listes descriptives
et ordonnées inventoriant les collections des bibliothèques. A
l’origine, ils servaient d’inventaire (avec un) classement par grands
thèmes » (Dussert-Carbone, 1991). Par exemple à Ninive, où l’on
trouve des catalogues thématiques qui esquissent un tableau du
monde, avec des termes génériques et spécifiques, représentant toutes
les réalités de l’univers, de la nature et de la culture, avec huit à dix
mille entrées (Schaer, 1996). C’est donc bien une relation, au sens de
liaison que le catalogue offre aux lettrés
Au Moyen Age, le catalogue est un manuscrit adoptant des
classements méthodiques, et l’imprimerie amène des catalogues
imprimés peu différents. On est toujours devant des catalogues
inventaires : à un livre correspond une seule notice. C’est à la fin du
XVIIe siècle, avec le catalogue de la Bibliothèque Bodléienne
(Oxford) qu’apparait le premier catalogue dictionnaire permettant de

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retrouver le livre par différents points d’accès : auteur, titre, sujet,
forme. La Révolution apporte son plein de rêves de catalogues et de
nouveautés Cabanis, en 1797, avançait le Projet d’une bibliothèque
universelle, universelle non parce qu’il y aura tous les livres mais
parce qu’elle permettra la saisie de la totalité des savoirs pour
permettre de choisir. Cela supposait des outils: inventaires selon la
matière et la chronologie, sélection des éléments nécessaires,
informations sur les nouveautés., comme un catalogue collectif unique
des richesses des bibliothèques françaises, jamais terminé. Les
catalogues sur fiches se développent alors, réservés à l’usage du
personnel Isabelle Dussert-Carbone évoque la phrase de Jules Cousin
dans De l’organisation et de l’administration des bibliothèques
publiques et privées,1882 :« un pareil catalogue n’est évidemment pas
maniable par le public, et il est toujours périlleux de le mettre à la
disposition du tout venant » (Dussert-Carbone & Cazabon, 1991)..Le
public, lui, consulte un registre par auteur.
La consultation du Centre National de Ressources Textuelles et
Lexicales fournit les indications suivantes : « Étymol. et Hist. Ca 1265
« liste indicative, énumération » (Brunet Latin, Trésor, éd. Chabaille,
166 d'apr. Delboulle ds Quem.). Empr. au b. lat. catalogus «
énumération, liste » attesté depuis le IV e s. (Ausone ds TLL s.v. , 590,
37) empr. au gr. κατάλογος « liste ».
Le même Centre donne ensuite la définition : « Liste, établie dans un
ordre donné, de noms de personnes ou de choses formant une
collection. Catalogue alphabétique, analytique, méthodique,
systématique d'une bibliothèque; catalogue de collection, de
manuscrits, de musée, de peintres; catalogue d'étoiles, d'exposition.

Alain Rey précise d’autre part: « le sens de liste indicative des pièces
composant une collection, énumération, a donné par extension et
spécialisation celui de « brochure présentant en détail les articles
proposés par un commerçant, un grand magasin… Il a également
donné le sens figuré de liste d’éditeur » (Rey, 1995)
Les synonymes d’après le Centre national de ressources textuelles et
lexicales sont nombreux : « Liste, répertoire , tableau, inventaire,
dénombrement, état, énumération, nomenclature, bibliographie,
recueil, table, rôle, revue, relevé, index, classement, arsenal,
ménologe, mémoire, martyrologe, livret, imprimé, guide, formulaire,

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fichier, collection, codex, canon, programme ». On peut noter que
cette profusion vient du XVIe siècle où l’on trouvait des « répertoires
appelés bibliotheca, catalogus, repertorium, inventarium, index ;
(Malclès ,1956).
[…] bibliographie apparaissant en 1633 avec Naudé »En phase avec une
orientation vers la recherche revendiquée par cet auteur “ Une
bibliothèque ne vaudrait qu’en considération du service et de l’utilité que
l’on peut en recevoir … Une bibliothèque n’est pas un simple dépôt, mais
un lieu de découverte ” (Châtelain, 1996).
- les classifications de l’arbre (de Savigny) à l’océan (métaphore
de Leibniz).
Après l’ordre matériel du quotidien de Ninive, l’orde intellectuel de
l’école d’Aristote et l’ordre divin du Moyen Age (Raban Maur, dans
De Rerum naturi, 842-847 décrit un monde qui part de Dieu, en
distinguant le divin, l’animé, l’inanimé, Vincent de Beauvais au
milieu du XIIIe, conçoit la connaissance comme le reflet de la
révélation en distinguant le Miroir naturel Dieu et sa création, organisé
selon les 6 jours de la création, le Miroir doctrinal de 6 disciplines et
le Miroir historial avec les 6 ages du monde, dela création du
monde.....à la christianisation des juifs d ’Espagne, Lulle, fin XIIIe,
début XIVe siècle présente une vision unitaire et hiérarchisée d’un
univers à l’image de Dieu sous la forme d’un arbre des sciences avec
18 racines, soit 9 principes divins qui régissent l’univers et 9
principes logiques qui régissent le connaître )
Avec l’humanisme apparaît la notion d’unité et de totalité avec
Christophe de Savigny qui édite en 1587 les tableaux accomplis de
tous les arts libéraux.
Il propose une vaste arborescence, où chaque discipline est à sa place
marquée au sein d’une hiérarchie. Chaque connaissance va dans une
case. Cette assignation d’une place s’appelle la collocatio, alors que la
disposition de façon logique des cases entre elles constitue l’
ordinatio.
On en vient à un ordre dit “ naturel ”, disciplinaire et chronologique
Pour Gabriel Naudé en 1627 le classement se fait par un ordre naturel
conjuguant disciplines et chronologie.
Au XVIIIe siècle on hésite entre 2 modèles d’ordre:

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- l’Encyclopédie de Diderot, qui a pourtant des visées
idéologiques, développe un ordre alphabétique analytique avec
beaucoup de renvois. Cela signifie qu’il n’y a pas de début ni de fin,
qu’on peut commencer la consultation par où on veut. Là encore cela
réfute les prétentions de De Rosnay qui voit dans l’hypertexte
informatique le premier moyen de lutter contre la lecture et la pensée
linéaires.
- l’Encyclopédie méthodique Panckoucke (1782-1836), elle,
choisit un ordre synthétique par grands traités spécialisés et grands
thèmes.
Au moment de la Révolution, Destutt de Tracy met en évidence les
liens des principes de classification avec les idéologies politiques:
Dans "sur un système méthodique bibliographique ” publié dans le
Moniteur universel en 1797, il dénonce la mainmise sur les esprits qui
est ainsi organisée: les bibliothèques, par leur classement sont des
ennemis de la République, car trop dépendante de l'ordre religieux. Il
réclame par exemple que la Théologie soit rejetée en fin de
classement.
- les renvois encyclopédiques et la naissance de l’hypertexte.
Gilles Blanchard et Mark Olsen (2002) soulignent les liens entre les
renvois dans les encyclopédies (alphabétiques) et l’hypertexte : « Dans
la mesure où l’Encyclopédie peut être considérée comme l’“ancêtre de
l’hypertexte”, la réflexion de Diderot et D’Alembert sur l’utilisation
de plusieurs structures d’organisation en interaction pourrait en ce
sens servir d’exemple à la conception moderne d’hypertextes. Dans
l’Encyclopédie, les renvois ne sont nullement placés au hasard comme
des références ponctuelles, mais s’inscrivent dans un plan d’ensemble
conçu comme tel par les auteurs ».
Diderot lui-même distinguait dans l’article « Encyclopédie » quatre
types de renvois : de choses (confirmation ou réfutation d’un article
par un autre), de mots (définition), « de l’homme de
génie », conduisant à de nouvelles vérités, ou à la perfection des arts
connus, et les renvois « satiriques ».Il y a débat sur leur utilisation
pour « faire passer » des propos très critiques pour le pouvoir et la
religion en les fragmentant, comme l’indique Mélançon (2002). Le fait
est signalé par Leggewie en 1990 « L’Encyclopédie a été une
“machine de guerre” s’attaquant aux préjugés et se servant d’un
système de renvois d’un article à un autre » (Leggewie, 1990, p.362),
nié par Schneiders (Schneiders, 1985, p.247-260) ou Ludwig (Ludwig,
1987, p.35-54) qui se refusent à parler de vrai système, mais eux

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même critiqués par Blanchard et Olsen (2002) travaillant sur la
version Web de l’Encyclopédie. Mélançon semble y voir surtout un
mythe. Pour notre part, nous serions pour élargir le champ, tenir
compte d’avis anciens : « On a mis sous les yeux du lecteur quelques
vérités religieuses, mais en indiquant des renvois on a eu l’art de
l’engager à chercher d’autres leçons dans des articles d’un genre
différent. Extraits des Mémoires pour servir à l’Histoire du
Jacobinisme par M. l’abbé Barruel (Lepan, 1819) et remonter à Bayle
(Bost, 2006) qui avait aussi « engagé un défi subtil avec la censure »
(Mori, 1999).
Rappelons que l’hypertexte dans une vision formelle (Rety, 2005) est
un procédé qui permet de tisser de manière constructive des relations
entre des idées, entre des unités de sens issues d’une écriture non-
séquentielle. Ce faisant, il est à considérer comme un ensemble de
fragments de textes de granularité variable et sémantiquement
interreliés. De fait, le « lien hypertexte » doit être pensé comme
métonymique à l’hypertexte. Cette non-séquentialité est décrite à la
fois comme la plus à même de correspondre aux associations
cognitives inhérentes au système mnémonique humain mais aussi
comme le fondement d’une écriture propre au numérique (Bush,
1945 ; Nelson, 1981). « La familiarité avec ces nouveaux instruments
permet de poser aux œuvres des questions inédites, suggère et rend
possibles des analyses auxquelles personne n’avait jamais songé
auparavant. C’est à travers ces pratiques que s’élaborent peu à peu des
nouveaux modes de lecture, de nouvelles compétences et de nouvelles
perceptions » (Heiden, Lafon, 2002, p.101). « Le regroupement [des]
informations diverses que l’ouvrage informatisé autorise maintenant
est de nature à mettre en lumière des décalages jusque-là peu visibles
entre ce qui est énoncé dans l’article et ce qu’il en est réellement du
mot ou du domaine dans l’ensemble de l’ouvrage » (Piguet, 2002,
p.123).
- les cartes du savoir.
Le système des renvois est lié à la visualisation de l’information.
« L’idée d’une organisation propre à l’Encyclopédie inspire la notion
de "cartographie ” de la connaissance qu’expose d’Alembert dans le
Discours préliminaire, cartographie qui suppose des points
remarquables à partir desquels on peut embrasser du regard et rendre
intelligibles une multiplicité d’objets » (Kintzler, 1996). « Diderot,
D’Alembert et leurs collaborateurs voulurent rapporter les articles à un
arbre des connaissances inspiré de celui de Francis Bacon et ils
conçurent un frontispice allégorique supposant une forte organicité
des domaines de la connaissance » (Mélançon, 2002). On « utilise

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ainsi les vertus de l’icône (de schéma de formulation en schéma de
construction en passant par l’organigramme et la carte pour rendre
« visible » un agencement … le savoir passe par le voir pour atteindre
le pouvoir » (Chante, 2012).
Ces arbres, inspirés des arbres de vie et arbres des vertus du Moyen
Age (Tesnière, 1996) et de l’arbre des sciences de Raymond Lulle ou
du tableau général de l’organisation encyclopédique du savoir de
Christophe de Savigny du XVIe siècle (Chatelain, 1996) constituent
une médiation qui « semblerait devenue une nécessité » (Chante,
2012). Et pourtant, le « réflexe » de s’y référer ne s’est pas encore
imposé. On peut s’étonner, comme Mélançon : « les versions
numériques disponibles pour l’instant posent cependant un problème
de taille à qui veut travailler sur les rubriques de l’Encyclopédie et
leur rapport à l’arbre des connaissances : aucune ne reproduit pour
l’instant cet arbre » (Mélançon, 2002).

1.2 Un document magnifié par l’imprimerie : Deux fonctions


1.2.1 Enseigner
Il s’agit de mettre en forme l’esprit, de préparer « l’outil cerveau »,
le système qui pourra traiter les données
On voit donc que par ce biais, tout ce qui est éducation et
enseignement passe du coté de l’information.
- l’encyclopédie, un objectif pédagogique (une évidence de racines). Un
passage de l'article « Encyclopédie » de l'Encyclopédie ou Dictionnaire
raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers Le but de l'Encyclopédie est
de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre ; d'en
exposer le système général aux hommes qui viendront après nous, afin que
les travaux des siècles passés n'aient pas été des travaux inutiles pour les
siècles à venir. Que l'Encyclopédie devienne un sanctuaire où les
connaissances des hommes soient à l'abri des temps et des révolutions. […]
Faisons donc pour les siècles à venir ce que nous regrettons que les siècles
passés n'aient pas fait pour le nôtre. »
Elle repose sur une adhésion idéologique aux connaissances exposées, et
son usage débouche sur la possession d’un savoir qui donne une
supériorité sur les non-initiés.
Elle est donc à la fois volonté d’ordre, nécessitant la fabrication d’outils et
des choix d’organisation et média assez élitiste de diffusion des savoirs (ils
sont réservés à une élite intellectuelle, une infime minorité dans l'Antiquité

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comme au Moyen Age). Si Rabelais pensait à un nouveau rapport au
monde permettant aux humbles d’accéder au savoir, Pierre Bayle revint
vite à une démocratisation sélective, méritocratique, car seule une minorité
est capable de comprendre les sens d’un ouvrage philosophique alors que le
peuple suit ses préjugés, et les encyclopédistes sont restés dans cette
optique. Si Voltaire écrit ” pourquoi ne pas daigner instruire nos ouvriers
comme nous instruisons nos lettrés ” (article Fraude du Dictionnaire
philosophique), il reconnaît aussi qu’il n’est pas nécessaire d’apprendre au
laboureur à lire et à écrire pour qu’il fasse son travail
La notion d’encyclopédisme (pas le terme, qui est postérieur) apparaît dans
l’antiquité, avec la réalisation par l’école d’Aristote d’un découpage des
disciplines en arborescence qui ordonne toutes la réalité du monde avec
l’objectif de favoriser le travail intellectuel impliquant le recours au livre et
tenant compte de la spécialisation des chercheurs.
Pline l’ancien semble hésiter entre compilation et ordre rigoureux. Dans
ses Histoires naturelles des milliers de fiches de lecture sont redistribuées
selon une classification générale du monde naturel.
Fin XIIIe, début XIV, Lulle prétend ordonner la totalité des objets de la
connaissance en un ensemble cohérent, parce qu’il considère que l’univers
est ordonné par une structure identique à celle des principes divins , en
forme de cercle ( d’où cette idée de cycle contenue dans l’encyclopédisme)
au départ. Mais à des fins pédagogiques il présente sa vision unitaire et
hiérarchisée sous la forme d’un arbre des sciences avec 18 racines, soit 9
principes divins qui régissent l’univers et 9 principes logiques qui
régissent le connaître
Chez Pierre de la Ramée la notion d’indivision du savoir s’efface devant
celle de la totalisation des connaissances. Il déplace l’encyclopédisme d’un
exercice spirituel vers l’ordre objectif de l’exposition doctrinale. Les
liaisons entre les sciences sont comprises sur le mode du lien logique
d’enchaînement plutôt que du lien moral de convergence.
L’encyclopédisme devient un inventaire raisonné des domaines de la
connaissance, une méthode qui énumère dans l’ordre, sans redites, sans
oublis, toutes les parties du savoir.
On se rapproche du terme avec Du Bellay qui ambitionne de “ fermer le
rond des sciences ”, mais c’est Guillaume Budé en 1522 qui introduisit en
français le mot encyclopédie dans Institution du Prince: “ La connaissance
du droit exige la connaissance de toutes les autres disciplines ... la
philosophie embrasse tout le cercle des disciplines qu’on appelle
encyclopédie ”

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En 1532 c'est la première occurrence du mot dans un texte imprimé:
Pantagruel où Rabelais parle d’un puits et abîme de l’encyclopédie =
savoir complet Mais attention,, il faut noter que le mot est ici tourné en
ridicule et que Rabelais se livre là surtout à une satire du pédantisme.
Dans la perspective humaniste, l’encyclopédie n’est pas une folle ambition
de totalisation de connaissances en folle prolifération, mais plutôt le désir
d’acquérir un savoir suffisamment complet ( voir Rabelais, Pic de la
Mirandole) pour que l’homme ne renonce à rien de sa faculté de raison et
suffisamment général pour éviter l’enfermement dans la spécialisation.
L’encyclopédiste n’est pas le savant universel mais le sage qui met de la
raison dans la science en l’ordonnant à son propre perfectionnement
intérieur
L'encyclopédisme est ce qui fait le tour de ce qu’on doit avoir appris pour
avoir une culture générale. Cela renvoie à un savoir fini. C’est un projet
éducatif, et non un projet de recherche, un projet d’exposition du savoir, et
non un point de départ vers autre chose. L’exposé des connaissances étant
lié à l’état des connaissances, l’encyclopédie proclame l’universel, mais
son universel.
Le choix d’un terme grec ( Enkuklios Paideia : qui fait le tour- instruction
donnée à l’enfant)est preuve d’un irrespect irreligieux et la fin d’une
organisation théologique du savoir.

Christophe de Savigny édite en 1587 les tableaux accomplis de tous les


arts libéraux, où il insiste sur l’unité. Il propose une vaste arborescence,
où chaque discipline est à sa place au sein d’une hiérarchie. Il présente
une chaîne dont les anneaux sont des degrés dépendants, de façon que
“ rien ne s’en puisse ôter sans rompre l’ordre et la continuation du tout ”

Puis Bacon en 1623 annonce les idées très actuelles de flux et de système
en insistant sur le dynamisme: "ce n’est pas l ’agencement régulier qui
compte, mais l’image dynamique d’un organisme vivant parcouru d’une
sève qui irrigue l’ensemble et par laquelle les parties s’entretiennent d’un
suc commun ”. Il propose une classification des facultés et des sciences
que lui empruntera d’Alembert, conçue comme un arbre avec ses
branches.
En 1630 avec Alsted est édité le premier ouvrage intitulé Encyclopédia.

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Descartes dans le Discours de la méthode 1637 pose une des
conséquences des dictionnaires et des encyclopédies, en se disant
favorable à une baisse de la mémoire, qui serait compensée par la
découverte d’ une solution au problème de conservation ( en fait, la
documentation).
Comenius de Pansophiae dans prodomus en 1639 indique qu’il peut y
avoir loin entre les intentions déjà citées et la réalité:
“ les encyclopédies que j’ai vu jusqu’à présent... m’ont paru ressembler
davantage à un tas de bois disposé avec beaucoup de soin et rangé avec
élégance qu’à un arbre s’élevant à partir de ses propres racines, se
déployant par la puissance d’une respiration naturelle en branchages et
frondaisons. ” .
Leibniz
Deux cent ans après l’invention de l’imprimerie, il est affolé par le nombre
d’ouvrages qui en découlent : “ Res plane infinita est ”. Il parle de torrent,
déluge, océan, chaos, labyrinthe, d’un retour à la barbarie. On peut avoir les
mêmes craintes face à l’explosion des publications du XXe siècle, au lieu
de s‘en féliciter, comme si le progrès ne pouvait naître que du quantitatif.
Il voit plus de connaissance dans la vie (domaine des techniques) que
dans les livres et souhaite qu’on enregistre et ordonne les richesses de
l’esprit.
Leibniz fait la découverte des liens entre les diverses disciplines, ou
thèmes: on a “ besoin de beaucoup de renvois, la plupart des choses
pouvant être regardées de plusieurs faces ”. Là encore, l’idée de
cadrage et de point de vue, que certains spécialistes de
Communication nous présentent comme neuve, se révèle très
classique.
Surtout, s’écartant de l’idée d’arborescence, il a proposé une autre
métaphore du savoir, celle de l’océan. Le savoir humain, c’est l’eau
des océans. On passe de l’un à l’autre, sans savoir à quel moment cela
change (qui peut dire le moment exact où l’on passe de l’océan indien
à l’océan Pacifique?).
De même, dans le champ des disciplines, il y a des livres qui sont
entre deux. La limite est floue, il y a une globalité, il y a un lien entre
tout.
De plus, dans les océans, il y a des îles, des points où le savoir se
concentre. Ces lieux semblent dispersés mais ils sont en fait reliés par

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les océans ( par le fond des océans). Il en est de même pour la
connaissance qui est reliée par des réseaux invisibles. La encore,
l’idée est très moderne (les collèges invisibles) alors que la métaphore
de l’arbre s’ancre dans le passé (les racines).
- Pierre Bayle en 1697 dans son Dictionnaire historique et critique
constate la multitude effroyable des livres, comme Leibniz, puis
remarque qu’il y a beaucoup d’erreurs dans les livres et qu’il faut donc
les manier avec précaution
Pour lui, le dictionnaire doit présenter des choses et non des mots, et
constitue une oeuvre toujours provisoire (annonce de Wikipédia ?).
Au XVIIIe siècle on assiste à la rencontre de l’analyse cartésienne et
de la pensée anglaise. On veut systématiser la synthèse des
connaissances et réconcilier sciences et machines par la notion
d’utilitarisme.
On hésite entre deux modèles d’ordre:
- l’Encyclopédie Diderot (1748-1772), qui a pourtant des visées
idéologiques (favoriser la diffusion de la philosophie des
Lumières, par la critique des savoirs dans leur élaboration, leur
transmission et leur représentation, ainsi que la critique du langage,
des préjugés, des interdits de pensée, de l’autorité et du dogme),
développe un ordre alphabétique analytique avec beaucoup de renvois
(et la précision de la “ branche ” de savoir dont il relève. Cela signifie
qu’il n’y a pas de début ni de fin, qu’on peut commencer par où on
veut. Là encore cela réfute les prétentions de De Rosnay qui voit dans
l’hypertexte informatique le premier moyen de lutter contre la lecture
et la pensée linéaires.
On notera qu’il s’agit aussi d’une manoeuvre contre la censure, dont
se sont servis aussi Bayle et Voltaire, et sans doute d’un système
adapté à la multiplicité des collaborateurs ( 150)
- l’Encyclopédie méthodique Panckoucke (1782-1836) prend
elle un ordre synthétique par grands traités spécialisés et grands
thèmes.
A la Révolution les idéologues (tenant de la science de la genèse des
idées) critiquent la situation du livre et font des propositions.Cabanis,
en 1797, avance le Projet d’une bibliothèque universelle, universelle
non parce qu’il y aura tous les livres mais parce qu’elle permettra la
saisie de la totalité des savoirs pour permettre de choisir. Cela suppose
des outils: inventaires selon la matières et la chronologie, sélection

16
des éléments nécessaires, informations sur les nouveautés. Certains
disent même que la bibliothèque est en fait une encyclopédie (car elle
fait un choix idéologique de présentation) et qu’elle est tournée vers
l’état. Elle n’est pas faite pour la créativité et n’est pas tournée vers le
futur.
- les mythes pédagogiques : Th. More et les Utopiens, Campanella
et les Solariens.
lien éducation-utopie , présent dès l’Utopia de l’inventeur du mot,
Thomas More, en 1515, puis dans la Cité du Soleil de Campanella
(1623) ou le Voyage en Icarie d’Étienne Cabet (1840). Dans Utopia,
l’auteur imagine des Utopiens qui vont suivre des conférences tous les
matins pour le seul plaisir de s’instruire ; les Solariens de Campanella
combinent l’idéal encyclopédique (tout le savoir possible est exposé
1

sur les six premières murailles qui entourent la Cité) à l’idéal


éducatif : les enfants n’ont besoin d’aucun effort pour assimiler toutes
les connaissances et le rythme d’apprentissage est progressif et
rapide : « Quand ils ont atteint trois ans, les enfants apprennent la
langue et les lettres sur les murs », tout en continuant à s’amuser.
Lorsqu’à sept ans ils abordent l’histoire naturelle, ils « en ont fini » en
quatre heures. « Pour les Icariens de Cabet le Voyage en Icarie
d’Étienne Cabet (1840) tout est prétexte à apprendre, y compris les
soirées familiales ou les jeux » (Drouin-Hans 2011)
L’ouvrage plus récent (1975) l’Écotopie d’Ernest Callenbach reprend
le propos: « les écoles d’Écotopie sont situées à la périphérie des
villes, on parle de périodes d’enseignement très variables et non
d’heures de cours. On consacre peu de temps au travail de classe tel
qu’on l’entend habituellement et les élèves ont beaucoup d’autonomie
pour réaliser des “projets”, ce qui fait dire au journaliste venu faire un
reportage sur ce pays étonnant : ils sont heureux d’appliquer
l’enseignement qu’on leur donne à des réalisations personnelles.
Quelle différence avec l’attitude de nos enfants absorbant passivement
une nourriture intellectuelle bien emballée, mais qui reste pour eux
désespérément théorique ».
C’est que « L’éducation est une des composantes essentielles des
utopies : créer un homme nouveau, décrire un monde heureux, cela
suppose une éducation de qualité, radicalement différente de ce que
l’on critique dans le monde réel. En effet, symétriquement,
l’éducation, comme l’utopie, suppose une démarche prospective, qui
1 Et non « existant » : Dans la perspective humaniste, l’encyclopédie n’est
pas une ambition de totalisation de connaissances en prolifération, mais le
désir d’acquérir un savoir suffisamment complet.

17
demande que l’on croie à un projet dont on ne tient pas tous les
éléments, un travail sur du virtuel (l’adulte que sera l’enfant que l’on
éduque), et qui conduit à rêver de choses meilleures, tant dans les
méthodes que dans les résultats (Drouin-Hans, 2004, Drouin-Hans
2001).
- les besoins d’outils pour des bibliothèques
efficaces Naudé,Morhof ,Leibniz.

12Un document magnifié par l’imprimerie : Deux fonctions


121Enseigner

122Renseigner
Information et renseignement
- l’information géographique de L’antiquité à l’époque moderne
l’information militaire. A époque moderne
Début XIXe Clausewitz « Le terme « renseignement » désigne
l’ensemble des connaissances relatives à l’ennemi et à son pays, et
par conséquent le fondement sur lequel s’érigent nos propres idées et
nos actes
Il insiste beaucoup sur la notion de traitement « si tous les manuels
nous enseignent qu’il ne faut se fier qu’aux informations certaines et
ne jamais se départir d’une défiance générale, c’est un conseil
purement livresque qui appartient à cette sorte de sagesse où se
réfugient, faute de mieux les écrivassiers auteurs de systèmes et de
manuels. Les nouvelles qui vous parviennent en temps de guerre
sont en grande partie contradictoires, et fausses pour une plus grande
part encore » « Parfois en se contredisant, elles (les informations)
2

finissent par aboutir à un certain équilibre », parfois elles


s’amplifient, et « extorquent une décision prise au vol »
Si la personne qui agit n’a pas le flair nécessaire pour pressentir la
vérité globale, il en résulte une confusion inextricable de vues et de
considérations p 115
Les probabilités de la vie réelle prennent la place de l’extrême et de
l’absolu du concept. ..La limite de l’effort à fournir est une question
à déterminer par le jugement : cela ne peut se faire qu’au moyen de
déductions, selon les lois du calcul des probabilités à partir de
2 Clausewitz p 125

18
données fournies par les phénomènes du monde réel…la situation
réelle fournit des éléments d’information sur ce que l’on peut
prévoir, sur l’inconnu qui reste à découvrir. Chacune des deux
parties tachera de prévoir l’action de l’autre en tirant ses conclusions
du caractère, des institutions, de la situation et des conditions où se
trouve l’adversaire, et y accordera la sienne propre en se servant des
lois du calcul des probabilités. 3

- l’information économique : enquêtes, tableaux et statistiques


sous Colbert.

1.3. Les idéologues du Consulat : Une société de l’information en


projet (Cabanis, de Tracy, Lakanal, Condorcet)
De même que l’hypertexte existe depuis l’antiquité , le concept de
4

société de l’information c'est-à-dire un système où interagissent


l’incitation des états et des organismes mondiaux , une finalité issue
de la nécessité de gagner dans les rivalités économiques, que l’on
essaie de concilier avec des espérances humanistes et un espoir placé
en l’éducation pour changer la société, dans une croyance à une
époque a eu au moins un précurseur: tout cela rappelle furieusement
les efforts de penseurs appelés les Idéologues pendant le Consulat. A
5

partir de 1795 des penseurs comme Cabanis, Lakanal, Condorcet , ont


voulu organiser un ensemble scientifique pédagogique autour d’une6

Clausewitz p. 49
3
4 Face aux enthousiasmes de J. de Rosnay,on peut citer P Lévy , Qu’est-ce que le
virtuel ?, Paris : La Découverte, 1998, qui rappelle qu’il existe des « hypertextes
traditionnels comme une salle de dictionnaires et d’encyclopédies » ou remonter beaucoup
plus loin avec Vandenhorpe Christian Du papyrus à l’hypertexte: essai sur les
mutations du texte et de la lecture Paris : La Découverte 1999

5 Fin XIXe Dictionnaire Littré IDÉOLOGIE. 1° Science des idées considérées en elles-
mêmes, c'est-à-dire comme phénomènes de l'esprit humain; 2° en un sens plus restreint,
science qui traite de la formation des idées, Sur les idéologues, voir S. Moravia Il
tramonto dell’illuminismo , Bari, Latzerza, 1968
M. Regaldo Matériaux pour une bibliographie de l’Idéologie et des Idéologues,
R.A.L.F., n°1, janv.-fev. et n° 2 et 3 , mars-juin 1970
Gusdorf Georges Les Sciences humaines et la Pensée occidentale : vol VIII, la conscience
révolutionnaire ; les Idéologues, Paris, Payot, 1978
F Azouzi (dir) L’institution de la raison :la révolution culturelle des Idéologues Paris, ed
de l’EHESS, Vrin 1992
Su la mobilisation des savants de l’An II, voir Guedj D. La Révolution des savants,
Découvertes Gallimard, 1988
6 On est au début de « l’organisation administrative ( qui) se met en place au XIXe
siècle », permise par le fait que « la Révolution française met à la disposition de l’Etat

19
théorie du signe, une « science des idées » , de la genèse de idées
7

contre la métaphysique spiritualiste, Ils sont intervenus dans


l’institution politique en espérant définir strictement l’ordre scolaire.
On était en plein dans la mobilisation des savants de l’An II voir
Wolokow et Guedj) La diffusion des sciences, des lumières, de la
vérité devait passer par les voies scolaires, les réseaux d’institution
publique, prévoir la formation des maîtres, des textes législatifs pour
organiser. Tristan Hordé, dans son article avait orienté son approche
8

sur la relation de leur théorie avec l’institution scolaire, c’est à dire sur
un sujet, l’éducation, en phase avec les débats de son époque de
création ( post 68).En revisitant son travail, nous avons constaté que
l’approche qu’il avait faite pouvait être mise en phase avec le nouveau
contexte en cours , la société de l’information et ses évolutions vers la
société de la connaissance et la culture de l’information, preuve de la

les biens du clergé, ceux des émigrés et des sociétés savantes » mais qui va buter « sur
la masse des collections accumulées » Couzinet Viviane et Fabre Isabelle « Désir,
curiosité, culture informationnelle : l’organisation des savoirs au cœur de l’histoire
des idées » The Canadian Journal of Information and Library Science/ La Revue
canadienne des sciences de l’information et de bibliothéconomie 32, n° 3-4 2008
7 Destutt de Tracy, « Mémoire sur la faculté de penser », in Mémoires de
l’Institut national, t. I, thermidor an VI (1798)
Qu'entendait donc D. de Tracy par l'idéologie? Dans son premier Mémoire, il
montrait que la connaissance de la génération de nos idées est le fondement
de la grammaire, de la logique, de l'instruction et de l'éducation, de la morale
et de la politique. Puis, critiquant la formule « analyse des sensations et des
idées », les mots « métaphysique » et « psychologie », il proposait de désigner
la science dont s'occupait spécialement la seconde classe par le mot idéologie,
traduction littérale de science des idées. Ainsi, disait-il, on indiquerait qu'on
cherche la connaissance de l'homme, uniquement dans l'analyse de ses
facultés, et que l'on consent à ignorer tout ce qu'elle ne nous découvre pas. Et
il ajoutait qu'en composant la première section d'analystes et de
physiologistes, on avait voulu faire examiner ces facultés sous tous les
rapports, ce qui se fût mieux réalisé encore, s'il y avait eu avec eux des
grammairiens ( mémoire de l’Institut national,Sc.mor et pol.,I, P 287,323
sqq)
8 Hordé T. « Les idéologues: théorie du signe, sciences et enseignement »
Langages, Mars 1977 n°45 pp. 42-66

20
richesse de leurs propositions, qui ont eu comme défaut principal de 9

ne pas être appliquées, ce qui les a déconsidérées

Des idées à la connaissance, de la théorie des signes à la théorie des


signaux, dans un contexte scientifique et social

La pratique des signes correspond au développement des


connaissances, qui « tient au volume des échanges sémiologiques
entre les membres d’une communauté. » ( Hordé p57) entre l’individu
et le tout social.

On retrouve bien sûr cette approche quantitative de la connaissance


dans la société actuelle

« Le progrès des sociétés peut être assuré par la diffusion réglée du


savoir, strictement délimitée en fonction d’objectifs économiques,
sociaux et politiques ».L’école était pour eux centre d’organisation et
de diffusion des connaissances, et ils voulaient intégrer le progrès
scientifique à la réorganisation sociale, ce qui peut être rapproché de
la démarche du sociologue américain Daniel Bell en 1973, quand il a
introduit la notion de société de l’information en affirmant que cette
dernière sera axée sur la connaissance théorique et où il considère que
« les services fondés sur la connaissance devront devenir la structure
centrale de la nouvelle économie et d’une société s’appuyant sur
l’information » .
10

Les deux périodes semblent également propices et sont exaltées dans


un élan utopiste : Desttutt de Tracy célèbre « le moment où les
hommes réunissent enfin un grand fonds de connaissances acquises,

9 Second « défaut » : ils peuvent être reconnus comme les porte-parole d’une
frange libérale de la bourgeoisie collaborant au pouvoir d’Etat après
Thermidor et jusque sous le Consulat » (Hordé p43) et « sont intervenus dans
la préparation du coup d’Etat de Brumaire...(recherchant) un Etat fort...pour
stabiliser les rapports entre les individus » (Hordé p 64). Ce terme de
bourgeois et cette participation les ont déprécié dans le contexte post 68,
faisant oublier qu’ils se sont opposés aux formes répressives de la Terreur de
Robespierre ou de l’Empire ( S Moravia, 1968, PP445 et suivantes)
10 dans son ouvrage Vers la société post-industrielle

21
une excellente méthode et une liberté entière est dans le
commencement d’une ère nouvelle de l’histoire » 11

Ils voulaient intégrer le progrès scientifique à la réorganisation


sociale, ce qui peut être rapproché de la démarche du sociologue
américain Daniel Bell en 1973,
Alors que Jean MICHEL vante «l’avènement du multimédia et
surtout le développement prodigieux des réseaux électroniques
conduisent à parler d’une véritable société de l’information. Jamais,
dans toute l’histoire de l’humanité, l’information n’a été aussi présente
dans toutes les activités des individus et des groupes, jamais elle n’a
été aussi abondante et aussi aisément accessible. Et jamais
l’information n’a été à ce point facteur de transformation en
profondeur de nos mentalités et de nos pratiques » . 12

Tout passe par l’éducation,

L’éducation , avec des différences selon les niveaux du public ,est une
pièce maîtresse dans le projet des Idéologues, ce qui les opposent aux
encyclopédistes qui ne passent pas par les écoles en estimant que « ce
n’est point avec le secours d’un maître qu’on peut étudier mais avec
beaucoup de méditation et de travail » 13

La Convention voulant, comme le dit Lakanal, détruire l'inégalité des


lumières en appliquant l'analyse à tous les genres d'idée et dans toutes
les écoles, avait créé, à l'avance, des Écoles normales pour « former un
très grand nombre d'instituteurs capables d'être les exécuteurs d'un
plan qui a pour but la régénération de l'entendement humain ». On
devait apprendre, non les sciences, mais l'art de les enseigner Picavet

Le rôle de l’Idéologie est l’organisation même de l’ensemble des


connaissances. Le Sujet ne peut acquérir de connaissances qu’à partir
de son expérience propre. Il y aurait d’abord préparation des idées,
élaboration d’hypothèses, tentatives de construire des nomenclatures

11 Destutt de Tracy Eléments d’idéologie, 2e partie, Grammaire, 1803, réed


Vrin 1970 Intro p 10

12 Jean Michel « Les professionnels de l’information-documentation à


l’heure du document numérique et des réseaux numériques » Document
numérique vol. 1, n°2 juin 1997

13 d’Alembert 1755

22
efficaces, fixation des principes et formation lente d’une compétence
Il y a une volonté d’éducation globale, d’une collectivité dont les
limites sont indéfinies, pouvant aller jusqu’à l’humanité entière mais
en fait limitée à la classe savante , c'est-à-dire un idéal proche de celui
14

d’aujourd’hui. En proposant « Le but est moins d’enseigner la science


que d’indiquer la marche que doit suivre l’esprit dans l’étude qu’il
veut en faire » , on annonçait l’idée que les « savoir-faire » sont à
15

privilégier par rapport aux savoirs.

une éducation pragmatique orientée vers l’utile avec un idéal


universaliste

Les projets éducatifs de l’époque « lient intimement et solidairement


éducation et instruction, apprentissage des savoirs et des valeurs,
indissociablement associés…à la formation d’hommes heureux et de
citoyens utiles » Claudine Wolikow : 1789-1799 : Révolution et
dérévolution à l’école , selon l’objectif de principe assigné à
l’éducation, adopté dès le rapport Talleyrand n septembre 1791
( publié dans B Baczko, p107 173)
Importance de la méthode

L’éducation intellectuelle a été conçue jusqu’ici beaucoup plus


comme la tradition des connaissances, que comme la culture des
facultés par lesquelles on connaît. C’est, à mon avis, une grande
erreur; car il s’agit bien moins de communiquer aux enfants des
opinions plus ou moins saines, des notions plus ou étendues, que de
les guider avec sagesse dans l’exercice de leur raison, et de leur
donner, si j’ose parler ainsi, de bonnes habitudes intellectuelles.
Lakanal& Daunou

Pratique documentaire

Dans le projet Lakanal du 26 juin 1793, on enseigne “ l’art de se servir


des dictionnaires » Dominique Julia le précise (Les trois couleurs du
tableau noir, Belin, 1981, p. 227) : Les idéologues ont perçu avec
acuité que les techniques bibliothécaires de l’organisation, de la
gestion des livres, de leur diffusion et de leur accessibilité et de leur

14 Hordé T. « Les idéologues: théorie du signe, sciences et enseignement »


Langages, Mars 1977 n°45

15 Sicard, in Séances de l’Ecole Normale, Leçons I, p123

23
lisibilité constituaient un enjeu politique déterminant, tout comme
celle de l’Internet avec l’information aujourd’hui
Finalité pratique

Si la mise en place d’un nouveau système scolaire est une pièce


maitresse du dispositif des idéologues , c’est que pour eux le progrès
16

des sociétés ...peut être assuré par la diffusion réglé du savoir,


strictement délimité en fonction d’objectifs économiques, sociaux et
politiques17

“ Pour tirer la Nation française de la dépendance où elle a été jusqu’à


présent de l’industrie étrangère, il faut...diriger l’éducation nationale
vers la connaissance des objets qui exigent de l’exactitude...
accoutumer nos artistes au maniement des instruments de tous
genres...rendre populaire la connaissance d’un grand nombre de
phénomènes naturels indispensables aux progrès de l’industrie . 18

Pour les idéologues les conditions de développement de la science


nouvelle tient à la capacité à faire sauter les blocages, permettre la
circulation des signes entre classe ouvrière et classe savante.
On est là dans une orientation professionnelle de l’éducation à des
fins de remédiation économique à l’initiative de l’Etat on proposait
une orientation professionnelle de l’éducation à des fins de
remédiation économique à l’initiative de l’Etat.
De même la Société de l’information passe par des incitations de
l’Etat (Rapport de Nicolas Curien et Pierre Alain Muet au Conseil
d’analyse économique en 2004 )
On part aujourd’hui de l’idée progressiste, et même humaniste, selon
laquelle le développement massif d’Internet ne doit pas créer une
nouvelle inégalité, et que l’abondance des informations accessibles par
Internet va réduire justement les inégalités antérieures.

16 Le 3 brumaire an III sont décrétées les Ecoles Normales, qui sont ouvertes
le 1er pluviose ( 30/10 / 1794)
17 Hordé P 43

18 , Monge, in Séances des Ecoles Normales : Leçons ,I, pp 49-50


Imprimerie du Cercle social.

Signalons encore « mais pourquoi l’agriculture, le commerce, les arts et


métiers, n’ont-ils jamais eu leurs écoles? [...]Vous vengerez les arts et
métiers, l’agriculture et le commerce, de cet oubli des nations »
Lakanal& Daunou

24
Voici comment Cabanis justifie l'avant-dernière proposition : « L'utilité des
langues modernes doit être considérée sous deux rapports très divers, mais très
étendus l'un et l'autre. Le premier embrasse tout ce qu'elles ont de relatif à
l'étude même de l'entendement humain et des modifications que ses procédés
ou leurs signes éprouvent de la part des circonstances locales et politiques.
Sous ce rapport, les langues modernes entrent dans les éléments de la véritable
métaphysique, mais uniquement comme les langues anciennes dont elles ne
diffèrent point en cela. Le second rapport est fondé sur les connaissances qui se
puisent dans leurs écrits, sur les relations commerciales dont elles peuvent
devenir le moyen, sur les voyages savants ou diplomatiques qu'on ne saurait
entreprendre sans leur secours, sur les échanges de lumières et de richesses qui
doivent eu résulter; c'est le côté par lequel l'étude des langues vivantes est de
l'application pratique la plus vaste, de l'utilité la plus immédiate et la plus
sensible. »

De même la Société de l’information passe par des incitations de l’Etat

Le Rapport de Nicolas Curien et Pierre Alain Muet au Conseil d’analyse


économique en 2004 insistait ainsi sur les enjeux juridiques, les mesures
19

incitatives à la diffusion des TIC, dont on souligne l’importance comme outil


de développement économique et social, dans l’OCDE, l’administration
électronique, l’e-santé et annonçait des actions à mener pour la mise en place
d’un environnement favorable, le développement de ressources humaines,
l’amélioration des accès au marché et la prise en compte des défis mondiaux.

Et en octobre 2004 a été créé le Conseil stratégique des technologies de


l’information pour conseiller le premier Ministre pour définir, mettre en oeuvre
et évaluer des actions gouvernementales pour développer la société de
l’information, avec comme objectifs la contribution des TIC à la compétitivité
et la compétitivité internationale des entreprises dans ce secteur.

Ainsi la Science est, et doit être utile Pour les idéologues « l’expansion des
connaissances, élément des sciences et outil du changement de l’économie.
serait le moyen de régler les échanges sociaux. Le rôle assigné à
l’enseignement est celui de l’application ( industrie, agriculture, commerce,
guerre...) » .
20

19 “La société de l’information Conseil d’analyse économique Paris: La


Documentation française 2004
20 idem p.62

25
On n’est pas loin du concept de la “ Technology ” qui comprend la Science
appliquée, la recherche industrielle et les activités de développement à visée
civile et militaire, et qui protège ses connaissances par le secret ou le brevet et
inscrit leur exploitation dans une perspective marchande., opposée à l’open
science, la République des sciences qui se place dans une dimension publique,
et incite les chercheurs à communiquer sur leurs résultats qui doivent être mis
gratuitement et librement à disposition de la communauté toute entière et du
public

Marchandisation des connaissances

On retrouve d’ailleurs le problème de la marchandisation des savoirs :


Bernadin de Saint-Pierre , chargé du cours de morale se plaint de ce qui lui
semble un vol « Trois tachygraphes payés par le gouvernement les écrivaient (
les cours) aussi vite qu’on les prononçait ; leurs copies furent vendus contre le
droit naturel à la propriété à un imprimeur qui les a publiées et vendues à son
profit »
21

On est dans l’idée d’ un bien marchand. La science n’échappe donc pas aux
lois du marché, même si les destinateurs et les destinataires y voient plutôt un
bien scientifique et culturel
22

La théorie des Idéologues rassemble la mémoire du passé, fixe les démarches


de l’esprit pour construire un projet du futur. Elle accorde une grande place au
calcul des probabilités pour pouvoir maitriser le temps 23

importance du langage pour la diffusion

Pour les idéologues le progrès tient à la prolifération des signes, autrefois


grâce à la découverte de l’imprimerie, pour le futur avec la transformation des
signes dans les sociétés orientales ( l’alphabet chinois est à l’époque jugé peu
propice à l’expression des idées). Mais il ne s’agit pas d’imposer la langue
française. Destutt l’indique, plus que la langue elle même, ce sont les idées
qu’elle porte qu’il s’agit de répandre. Garat projette dans son cours à l’Ecole

21 B de Saint-Pierre, autobiographie citée par P. Dupuy Le Centenaire de


l’Ecole Normale, Paris 1895 pp 171-72
22 Voir Pignard-Cheynel Nathalie “ L’édition de revues scientifiques. Une
forme de marchandisation de la diffusion des connaissances ” Science de la
Société
23 Hordé p 49

26
normale une langue universelle établie par un congrès de philosophes ( mais
24 25

non d’une langue de savants qui séparerait l’élaboration des sciences et leur
enseignement). Mais elle ne pourrait être créée et adoptée qu’une fois l’Europe
établie en république 26

La mondialité, pour cet auteur, « représente à certains égards une révolution


des communications [c’est également] le décentrement de la terre
27 28

support

Il est possible de transmettre les idées de la révolution française dans d’autres


pays sans imposer la langue française, mais en modifiant des alphabets peu
propices à l’expression des idées ( pour eux, le chinois). Voir volonté
universalisme par nouveau langage du numérique

respect diversité linguistique La déclaration de principes de Genève, adoptée


par les gouvernements, signale dans son premier article : « Nous…proclamons
notre volonté et notre détermination communes d’édifier une société de
l’information ...dans laquelle les individus, les communautés et les peuples
puissent ainsi mettre en œuvre toutes leurs

Les cours de l’EN est publié sous la forme d’un journal des séances des EN .
Avec trois fonctions : Renforcer la transmission du savoir par la parole, la
remplacer, pour « les élèves qui n’ont pu assister au cours dans un
amphithéatre trop exigu » (P 17), et permettre la surveillance par les membres
de la Convention 29

24La Convention voulant, comme le dit Lakanal, détruire l'inégalité des


lumières en appliquant l'analyse à tous les genres d'idée et dans toutes
les écoles, avait créé, à l'avance, des É coles normales pour « former un
très grand nombre d'instituteurs capables d'être les exécuteurs d'un plan
qui a pour but la régénération de l'entendement humain ». On devait
apprendre, non les sciences, mais l'art de les enseigner » L'ouverture de
ces écoles, installées aux Jacobins de la rue Saint-Honoré, eut lieu le 1er
pluviô se, à l'amphithéâ tre du Muséum d'histoire naturelle, sous la
présidence de Lakanal et de Deleyre. Elles furent fermées le 30 floréal.
Pcicavet
25 Picavet :. L'an VI, la seconde classe examine des essais ingénieux sur la
pasigraphie ou le système d'une langue universelle, fondée surtout sur
l'uniformité des signes, un système de lexicologie qui tend à rectifier les idées
par le perfectionnement du langage.
26 Hordé p 55
27 Op. cit., p. 2.
28 Id.., p. 6. Gérard Leclerc, La mondialisation culturelle, Paris, PUF, 2000.

27
Importance du fait social:

Il n’y a de progrès que dans l’échange entre l’individu et le tout social. Le


besoin des signes n’est pas tant attaché à la communication entre deux sujets
qu’aux échanges sociaux. La pratique des signes et celle du commerce
s’équivalent pour les Idéologues “ L’homme vivant en société, il est ouvrage
30

des circonstances ” 31

L’équilibre à atteindre passe par l’échange réglé des idées

Hypothèse de d’Alembert “ si nous pouvions apercevoir la chaîne invisible qui


lie tous les objets de nos connaissances, les éléments de toutes les sciences se
réduiraient à un principe unique dont les conséquences principales seraient les
éléments de chaque science particulière ( art Eléments des sciences)

Pour les idéologues les conditions de développement de la science nouvelle


tient à l’élémentation immédiate qui va la mettre à la disposition du corps
social, d’où l’importance des moyens propres à assurer sa diffusion.

29 Claude Désirat « Les récits d’une fondation : la loi et la


pédagogie »Langages, n°45, Mars 1977, pp 9-41
30 Hordé p 57
31 Destutt de Tracy 1803, p 388

28
L’élémentation des sciences doit faire sauter les blocages, permettre la
32

circulation des signes entre classe ouvrière et classe savante

On part de l’idée progressiste, et même humaniste, selon laquelle le


développement massif d’Internet ne doit pas créer une nouvelle
inégalité, et que l’abondance des informations accessibles par Internet
va réduire justement les inégalités antérieures.

On veut lutter contre la fracture culturelle en utilisant les possibilités


des nouveaux services pour élargir l’accès à l’information, à la
connaissance et à la communication, au nom de l’idée d’une culture
universelle accessible et profitable pour tous. Internet serait un outil
neutre qui transcende les inégalités et crée des chances nouvelles
32 La possibilité d’un enseignement élémentaire est fondée sur la possibilité
d’élémenter les savoirs, de les décomposer en leurs éléments essentiels, à
partir desquels ces savoirs peuvent être reconstruits, et grâce auxquels même
les enfants pourront accéder à ces savoirs selon l’ordre des raisons, qui est
l’ordre des intelligibilités. Ce principe, que d’Alembert avait développé,
quelques décennies plus tôt, dans l’article Éléments des sciences de
l’Encyclopédie, est l’indispensable corrélat de l’idée encyclopédique. Au
demeurant, il remonte à la science grecque : les Éléments d’Euclide en sont la
parfaite illustration Chevallard
Le qualificatif d’élémentaire doit ici recevoir sa juste signification : il ne
s’agit en aucun cas de savoirs « rudimentaires », même s’il s’agit de savoirs
appropriés à des commençants. Il se trouve – ce n’est évidemment pas un
hasard – que, dans un article de l’Encyclopédie intitulé ÉLEMENTS DES
SCIENCES, d’Alembert en expose le concept. Ce qu’il y dit, tout d’abord,
c’est qu’aucun savoir n’est en soi élémentaire ; que la production des
éléments d’un savoir, ou, comme on dira, son élémentation, est une opération
difficile, dont la difficulté dépend notamment de l’état historique de
développement du système de connaissances qu’il s’agit d’élémenter.
L’élémentation d’un savoir doit permettre de dégager le « noyau générateur »
de ce savoir, Au Ve siècle, en un commentaire célèbre, Proclus précise cette
antique tradition qui distingue même entre « éléments » proprement dits et
propositions « élémentaires » – distinction que Maurice Caveing restitue en
ces termes ; « Sont des “éléments” les théorèmes grâce auxquels la théorie
progresse vers la connaissance d’autres propositions et qui fournissent la
solution des difficultés que celles-ci recèlent. […] Pour l’ensemble de la
Géométrie, poursuit Proclus, il est certains théorèmes directeurs, entretenant
ceux qui les suivent un rapport de principes à conséquences, qu’on retrouve
partout, et qui procurent les démonstrations de nombreux cas particuliers. Par
contre, sont élémentaires toutes lespropositions qui, bien qu’intervenant dans
un certain nombre d’autres, même un assez grand nombre, et ne manquant ni
de simplicité ni d’élégance, n’ont pourtant pas valeur d’éléments du fait que
leur considération n’est pas commune à la science en toutes ses parties c’est à
dire que le savoir élémentaire ne doit pas être clos et doit « servir d’appui
pour des connaissances plus larges (Kintzler)

29
d’égalités face à l’information, au savoir et à la connaissance.
Diversité et abondance serait facteur d’émancipation

Au-delà de l’école qui transmet les savoirs fondateurs, chaque


individu doit avoir à sa disposition la totalité des savoirs publiés pour
informer son jugement et choisir en toute connaissance de cause. La
diffusion stratégique du savoir devient un problème stratégique.

Condorcet dans son Rapport (publié par B Baczko, op cit, pp 177-


261)présenté à l’Assemblée les 20 et 21 avril 1792 propose d’ « offrir
à tous les individus de l’espèce humaine les moyens de pourvoir à
leurs besoins, d’assurer leur bien-être … assurer à chacun d’eux la
facilité de perfectionner son industrie, de se rendre capable des
fonctions sociales auxquelles il a le droit d’être appelé, de développer
toute l’étendue de talents qu’il a reçus de la nature,et par là établir une
égalité de fait et rendre réelle l’égalité politique reconnue par la loi
Tel doit être le premier but de l’instruction nationale »

La déclaration de principes de Genève, adoptée par les


gouvernements, signale dans son premier article : « Nous…
proclamons notre volonté et notre détermination communes d’édifier
une société de l’information à dimension humaine, inclusive et
privilégiant le développement, une société de l’information dans
laquelle chacun de nous ait la possibilité de créer, d’obtenir, d’utiliser
et de partager l’information et le savoir et dans laquelle les individus,
les communautés et les peuples puissent ainsi mettre en œuvre toutes
leurs potentialités en favorisant leur développement durable et en
améliorant leur qualité de vie, conformément aux buts et aux principes
de la Charte des Nations Unies ainsi qu’en respectant pleinement et en
mettant en œuvre la Déclaration universelle des Droits de l’Homme ».

On compte sur Internet, on comptait sur les livres

La discussion de l’article 2 du décret du 27 brumaire an III est à cet


égard révélatrice

Lakanal : “ On a dit qu’il n’était pas possible que les élèves puissent
apprendre ni les instituteurs enseigner tant de choses à la fois. Je
commence par déclarer que ces objets sont d’une nécessité absolue,
car il est évident qu’il faut que les enfants connaissent leurs droits,

30
leurs devoirs, la constitution de leur pays, leur langue, les règles du
calcul. Il est évident qu’il faut qu’ils sachent assez de physique pour
n’être plus ni trompés ni effrayés sur les phénomènes de la nature.

La déclaration de Lakanal suscite un tir de barrage dont le contenu est


sans surprise. Barailon s’écrit ainsi :
“ Car, je demande, où trouvera-t-on quarante instituteurs au moins par
district, qui sachent la physique, la botanique ? ”
Comment peut-on penser, du côté des Lakanal et des Condorcet, qu’il
soit possible, concrètement, de résoudre le problème soulevé par
Barailon et consorts ? Une réponse a été plusieurs fois énoncée : la
composition de livres élémentaires permettra de résoudre la difficulté
de trouver toutes faites et toutes prêtes les compétences requises.
L’idée est déjà ancienne. Dès 1763, dans son célèbre Essai sur
l’éducation nationale, La Chalotais y voit le levier par lequel une
régénération de l’enseignement est possible. “ Ces livres, écrit-il,
seraient la meilleure instruction que les maîtres puissent donner et
tiendraient lieu de toute autre méthode. ”. En 1791, le physicien
Etienne Barruel souligne que de tels ouvrages sont l’unique moyen
permettant que les jeunes Français puissent faire “ d’aussi bonnes
études dans le fond du Béarn qu’à Paris ”. De tels livres doivent être
écrits par les meilleurs savants ( Chevalard)
Robert Damien a évoqué « les maladies de l'intelligence active »
33

provoquées par l’immédiateté de l’accès et la facilité de l’utilisation


du livre dénoncées par Cabanis dans son projet de bibliothèque
universelle34

- le livre rend passif, paresseux, fourni des idées et des notions


toutes faites qu’il aurait fallu chercher soi-même avec effort. On n’a
plus besoin de réfléchir ou d’observer ( p 506).

- la confiance aveugle en la référence devient foi dans


l’infaillibilité de l’expert, identique à la croyance dans le théologien
que la révolution combat.

33 Damien Robert « Les idéologues, la bibliothèque et l’encyclopédie : une


révolution de la Révolution » in Roland Schaer ( sous dir.) Tous les savoirs
du monde ; encyclopédies et bibliothèques, de Sumer au XXIe siècle BNF/
Flammarion
34 Cité dans Corpus général des philosophes français ,PUF

31
- on retrouve les privilèges d’une intelligence savante, qui
constitue une caste qui se réserve le pouvoir, comme la noblesse avait
construit ses privilèges sur la possession de la terre.

- la hiérarchie des esprits conduit à la sélection, donc à laisser une


grande partie de la population ignorante.

- il y a trop d’ouvrages, il éprouve une “ stupéfaction stupide


devant la quantité des livres...Le nombre de livres menace de nous
étouffer ( P 507)... ce qu’on gagne en étendue, on le perd en
profondeur ”.

- à l’inverse, trop de spécialisation professionnelle est nuisible. On


veut "tout connaître de peu en ignorant le reste, d’où un enfermement
dans le singulier, une jubilation exclusive devant le particulier". Cette
spécialisation interdit « l’inter discipline », qui devient « complexité
saisissante et insaisissable » et empêche la nouveauté

La reprise de ces craintes pour les appliquer au XXIe siècle est


particulièrement aisée :

-Internet fourni des idées et des notions toutes faites, on se persuade


qu’on peut tout trouver sur tout, le copier-coller est devenu une
méthode de création, l’accumulation remplace la condensation

-on a tendance à croire ce que dit l’expert, en renonçant à la critique.

-une nouvelle caste s’est créée, ceux qui ont le pouvoir d’agir sur les
TIC.

-on a peur de la technocratie, que la possession et la maîtrise des TIC


déterminent une nouvelle aristocratie et que la fracture numérique
remplace la fracture sociale.

-on a accès à des millions d’ouvrages, masse qui ne peut que nous
stupéfier, mais qui se révèle inutile puisque nous n’avons pas
augmenté notre vitesse de lecture. Certes on fait maintenant lire les
documents par les machines, pour nous fournir ce qui nous intéresse.
Mais lire des milliers de résumés et d’extraits produit plutôt de
l’uniformité, puisque la machine ne nous signale que ce que nous
avons décidé un jour, pas ce qui est le plus intéressant.

32
-on ne cesse de se plaindre du manque d’interdisciplinarité.

Les idéologues ont donc perçu avec acuité que les techniques
bibliothécaires de l’organisation, de la gestion des livres, de leur
diffusion et de leur accessibilité et de leur lisibilité constituaient en fait
un enjeu politique déterminant, tout comme celle de l’Internet
aujourd’hui. Il y a deux siècles, tout a été imaginé. Mais non mis en
place. C’est sans doute pour cela que les théoriciens du signe ont été
oubliés.

Mais nous partageons la conclusion de Robert Damien concernant la


conception des bibliothèques : « Les Idéologues ne sont-ils pas nos
contemporains capitaux » 35

Le début de la masse : les confiscations révolutionnaires donnent


trop de livres besoin de les traiter

2. D’une Modernité technique à une Post-Modernité

2.1. Trois courants pour un progrès


2.1.1 Changement de Nature
Le passage de la Nature rousseauiste au Naturalisme
positiviste conduit à un recul de « l’humain ».
Avant cette période « La modernité s’est développée au XVIIème siècle à partir d’une ambition et d’un
idéal, l’approche objective de la connaissance…dont les applications concrètes, sous formes de
techniques, devaient se traduire par une amélioration générale de la condition humaine

La séduction du mécanisme tient à la simplicité (voire au caractère simpliste) du concept de causalité


dont il se sert et qui trouve sa réalisation immédiate dans les mécanismes que nous rencontrons partout
dans notre expérience empirique. Comme le montre Joël de Rosnay dans Le Macroscope, « De ce
fait, c’est vers le passé, vers les origines, que la science va spontanément chercher la « certitude ».
Chaque cause peut être reliée à une cause plus générale et antécédente... Du foisonnement des formes de
la vie, à la première cellule. De toute la matière présente dans l’univers à l’atome primitif » etc. D’où
l’obsession de la recherche d’une première cause...Or nous savons aujourd'hui que ce schéma est très
insuffisant. …Il est assez visible en effet que le tout gouverne et ordonne les parties. La partie ne se
comprend que dans sa finalité par rapport au tout ». extraits de http://www.philosophie-spiritualite.com
© Philosophie et spiritualité, 2004, Serge Carfantan

35 Damien Robert « Les idéologues, la bibliothèque et l’encyclopédie : une


révolution de la Révolution » in Roland Schaer ( sous dir.) Tous les savoirs
du monde ; encyclopédies et bibliothèques, de Sumer au XXIe siècle BNF/
Flammarion P 455

33
La conception mécaniste correspond à une explication du complexe par le simple, par le décomposable,
par une réduction 36des phénomènes à un ensemble d’événements élémentaires. Il y a juxtaposition
d’éléments simples. Le déterminisme régissant les faits serait essentiellement de type logique ;=
réductionnisme,= analytisme .
La méthode analytique cartésienne repose sur:
- diviser le problème à résoudre en autant de parties que
l’intelligence peut traiter. Ainsi en physique, « connaître l’objet revient à le décomposer en ses éléments
simples et à caractériser chacun de ces éléments par leur situation dans l’espace, leurs qualités physiques,
chimiques et les lois générales qui les régissent.
- intégrer tous les paramètres
- ordonner les problèmes du plus simple au plus complexe et les
traiter successivement par ordre de difficultés croissant
( en pensant que les objets et les lois sont indépendantes de l’observateur et du contexte d’observation).

- soumission aux lois de l’Univers (contre la tradition historisciste).


L’orientation historiciste insiste sur l’unicité, sur le sens, sur la valeur des réalisations
de l’Homme. Elle considère que les phénomènes humains pour être compris doivent
être appréhendés comme des phénomènes historiques ( uniques), selon les principes de
la science historique dégagés par Vico au début du XVIIIe, développé en Allemagne
avec Dilthey, Rickhert, Simmel ( opposés au positivisme). Elle repose sur une
compréhension des faits par le contexte culturel particulier dans lequel ils se déroulent.
Il donne un sens à l ’événement, à l’unique, et non seulement au reproductible. Elle
donne un sens à l’existence humaine et introduit la notion de valeur d’un acte « Le fait
psychologique c’est le comportement qui a un sens humain » ( Politzer, Critique des
fondements de la psychologie, Alcan 1928 p254). On est dans la tendance spiritualiste-
subjectiviste représentée par des psychologues, les psychanalystes, les
phénoménologues pour qui l’objet d’étude c’est une personne caractérisée par ses
sentiments et sa conscience. « Ce qui caractérise les sciences de l’esprit, c’est la
démarche constante du sensible au psychique : nous ranimons un objet donné à nos sens
en interprétant sa signification » (Weber, p67)
L’orientation naturaliste emprunte aux sciences de la nature ses préoccupations
d’objectivité et de reproductibilité, en s’inspirant soit de la physique, soit de la biologie.
On ne retient des créations de l’homme que ce qui peut être ramené à des déterminants
matériels, observables et mesurables. Toute notion de valeur et d’intentionnalité est

36 On parle de réductionnisme. On réduit la manifestation des phénomènes à un ordre de succession


temporelle ( ex la chaine documentaire) qui induisent des causalités. Dans un mécanisme, le mouvement
se communique par contact d’un élément à un autre. Dans la montre, un rouage A entraîne un autre
rouage B qui en entraîne un autre C et ainsi de suite, jusqu’aux aiguilles de la montre (et donc A est la
cause d B qui est cause de C). Dès l’instant où il devient possible de formaliser le mouvement, tout en
quantifiant ses différents aspects, il devient possible de dégager les lois du mouvement. Quand on possède
les lois, il est possible délibérément de les mettre en œuvre et de les utiliser. Le système est donc
remarquablement efficace au niveau de l’expérience empirique. Il fonctionne très bien dans la physique
des solides, à l’échelle de l’expérience humaine ordinaire (Philosophie et spiritualité, 2004, Serge
Carfantan).

34
exclue. L’idéal est d’atteindre une expression mathématique des comportements
humains.
Voir Connaissance scientifique et géographie (extraits) epigeo.voila.net/science.htm
( attention le site est « engagé » et ne voit s’uene science possile, l’expérimentale):
La science repose sur un certain nombre d'axiomes qui doivent être respectés pour
pouvoir qualifier de science une discipline quelconque. On peut distingue huit axiomes
qui définissent la science dont
1 - Il n'y a pas de science sans différenciation et sans comparaison. Mais pour
comparer, encore faut-il mesurer, d'où la nécessité de la quantification. Celle-ci
constitue une étape nécessaire dès que les outils méthodologiques et de mesure le
permettent si bien qu'elle se développe souvent en seconde phase après la phase de
qualification qui est souvent longue, et dès que les outils le permettent.
Mesure, Comparaison et Différenciation, constituent ainsi les maîtres-mots de la
connaissance scientifique.
2 - Il n'y a pas de science sans expérimentation et vérification. Or, pour pouvoir
expérimenter, il faut mesurer et mesurer avec précision les éléments et les relations en
jeu. Si pour les sciences dures, le laboratoire constitue le moyen de l'expérimentation,
pour les sciences sociales et humaines le test et l'outil statistiques vont constituer le
moyen indiqué de cette expérimentation. C'est l'outil statistique qui va nous permettre
de tester la véracité des hypothèses de travail, de pouvoir les confirmer comme des lois
ou les infirmer et les modifier »
6 - La science débouche sur le général et le nomothétique. Il n'y a de science que du
général si bien qu'on peut découvrir des lois de fonctionnement des faits
indépendamment des particularités de chacun qui continuent à agir.
7 - La prévisibilité: Une dimension importante de la connaissance scientifique est sa
généralité, donc sa validité dans le espace et dans le temps. Ce second volet nous permet
de prévoir le futur même en intégrant un risque plus ou moins élevé. Cette prévisibilité
est la seule qui nous permet de maîtrise le futur, de programmer, de planifier sur la base
des lois mises en oeuvre et découvertes dans le passé ou le présent avec l'hypothèse bien
sûr que ce qui est valable maintenant restera aussi valable dans le futur du moins proche
ou moyen. La prévisibilité s'appuie donc sur la validité des lois et des connaissances
actuelles.

La documentation a été saisie par le vertige de la loi donc du naturalisme


La loi scientifique est l’énoncé d’une relation constante et nécessaire entre deux ou
plusieurs phénomènes qui dépendent les uns des autres. C’est l’expression d’une
relation d’interdépendance entre de phénomènes qui varient corrélativement, d’où son
aptitude à être formulée mathématiquement par une équation ou une fonction.

- imitation de ces lois dans les sciences humaines qui conduit à voir
la loi prendre le pas sur la morale,

35
l’orientation naturaliste qui « emprunte aux sciences de la
nature ses préoccupations d’objectivité et de reproductibilité, en
s’inspirant soit de la physique, soit de la biologie. On ne retient des
créations de l’homme que ce qui peut être ramené à des déterminants
matériels, observables et mesurables. Toute notion de valeur et
d’intentionnalité est exclue. L’idéal est d’atteindre une expression
mathématique des comportements humains » (Chante, 2008) . On est 37

dans le positivisme d’Auguste Comte pour qui la connaissance ne peut


s’en tenir qu’aux faits d’expérience, aux phénomènes observables. Le
philosophe Aron considérait qu’on ne peut l’appliquer en sciences
humaines : « Les sciences de l’esprit dépendent réciproquement les
unes des autres. La recherche est constamment en cercle. Cercle de la
partie et du tout. Nous allons d’un évènement au tout dans lequel il
trouve sa place et sa signification, mais la compréhension de
l’évènement est conditionnée aussi par une vue anticipée de
l’ensemble » (Aron, 1991).
(contre la tradition historisciste).
l’orientation historiciste qui « insiste sur l’unicité, sur le sens, sur la
valeur des réalisations de l’Homme qui considère que les phénomènes
humains pour être compris doivent être appréhendés comme des
phénomènes historiques (uniques), selon les principes de la science
historique dégagés par Vico au début du XVIIIe, développé en
Allemagne avec Dilthey, Rickhert, Simmel (Chante, 2008). Elle
repose sur une compréhension des faits par le contexte culturel
particulier dans lequel ils se déroulent et donne un sens à
l événement, à l’unique, et non seulement au reproductible.

- imitation de ces lois dans les sciences humaines qui conduit à voirla
loi prendre le pas sur la morale,
On a l’habitude de rapprocher, voire de mêler morale et éthique, soit
deux termes qui ont une même étymologie: ethos en grec, mores en
latin, ce sont nos mœurs , nos façons de vivre et d’agir. Ce sont donc
des traductions l’une de l’autre, le terme grec relevant sans doute
plus du langage savant .Mais l’on a aussi installé des différences
fondamentales : « Voilà donc que l’Ethique, c’est à dire une typologie
des modes d’existence immanents, remplace la Morale, qui rapporte
toujours l’existence à des valeurs transcendantes...A l’opposition des
valeurs (Bien- Mal) se substitue la différence qualitative des modes
d’existence (bon- mauvais) » ( Deleuze, 1981). L’éthique concerne
37

36
des valeurs relatives à un individu, une société, un groupe, elle est
toujours particulière. La morale porte sur des valeurs absolues et donc
universelles s’agit par l’obéissance (morale) ou la raison (éthique) de
régler notre vie et nos actions pour une vie plus heureuse. La morale
répond à “ que dois-je faire? ” et tend vers la vertu, voire la sainteté,
l’éthique à “ comment vivre (pour être heureux)? ” et tend vers le
bonheur et la sagesse. La morale commande, l’éthique recommande
( Comte Sponville, 1991) ( Conche, 2003)
-la déontologie remplace l’éthique Bentham contre Kant
le monde devenir certain et contraint
Au XIXe siècle, le progrès des transports fait qu'on passe de la
journée à l'heure pour les mesurer. Le voyage, expédition de plusieurs
jours, tend à être supplanté par le simple déplacement 4 . Ainsi
la première conséquence du progrès des transports est curieusement
de réduire les voyages, de démythifier l'aventure.

2.1.2 Fusions et confusions des domaines


C’est le XIXe siècle qui voit l’avènement d’une nouvelle catégorie de
voyageurs, celle de l’écrivain qui voyage d’abord pour lui-même. On
observe alors un renversement de perspective : la relation à faire devient la
motivation du voyage plus qu’elle ne dresse le bilan de recherches dans un
domaine particulier. (Véronique Magri-Mourgues. L'écrivain-voyageur au
XIXe siècle : du récit au parcours initiatique. P. Euzière. Tourisme,
voyages et littérature, Cahiers Festival transmediterranee, pp.43-54,
2007.<hal-00596462)

du voyage découverte au voyage conquète ou scientifique

AU XIXe siècle, une première géographie statistique


Les statistiques hors ou dans la Géo?, Emile Levasseur « un maitre de la
statistique » se veut géographe, réalise des manuels , où il rejette

37
l'approche descriptive, introduit la statistique devenant indice de rigueur
scientifique, dans une tendance nomothétique ( qui établit des lois
générales à partir d’une expérimentation)
L’ auteur en admet l'aridité et reconnaît qu'il a dû les réduire au strict
nécessaire,
En même temps il propose dans des manuels du secondaire des cartes
purement qualitatives .Les représentations statistiques, jugeait-il, « sont des
formes sensibles, des images qui non seulement attirent et fixent le regard,
mais permettent d'apercevoir et de comprendre tout un ensemble d'un coup
d'oeil et qui font sur l'esprit une impression plus vive, souvent même plus
profonde et plus durable que les chiffres » » (Levasseur, 1885).
N’est ce pas du qualitatif ? Mais un qualitatif de la perception
Fin XIX apparaît à l’opposé une géographie académique
Géo universitaire et scolaire, naturaliste, qui se donne pour objet l’étude des
rapports entre la nature et l’homme, Vidal de la Blache
met en avant les études régionales
Elle est idiographique centrée sur l'étude d'individus considérés de manière
isolée. Elle se complait à souligner l’originalité, des objets géographiques .
Chaque région est un être à part,.Vidal de la Blache, menait « une approche
qualitative, avare de chiffres, essentiellement narrative voire descriptive,
non éloignée, d’un guide ou d'un manuel de peinture, celle des paysages »
Ainsi dans Géographie Universelle A Colin, 1935): « Pourquoi…en
Toscane chaque mas s’enorgueillit il d’antiques cyprès, comme dans un
tableau du Quattrocento ? Malgré leur inutilité, le Toscan a voulu donner une
parure à sa terre et quasi composer le paysage où il peine…on croit apercevoir
comme un style local dans les aspects des ces campagnes humanisées qui
relèvent un peu de l’âme de leur peuple »

2.1.3 Du Matériel à l’Immatériel


- du produit au flux informatif.
- de l’information matière première à l’information service.
: Pour les économistes néoclassiques, la technologie est assimilable à
un savoir déjà constitué dans lequel il est possible de puiser à tout
moment de façon gratuite ou quasi gratuite. D’où un défaut
d’incitation à la recherche dans les entreprises, ce qui induit la
nécessité une recherche publique, puisque élément générateur du bien
public. La recherche produirait des connaissances intégralement
consignables sous forme d’informations diffusées, et donc non
monopolisables qui constituent un gisement disponible pour tous.

38
Tout entrepreneur peut accéder à un catalogue exhaustif des
technologies déjà conçues par les chercheurs, et ce catalogue est
réductible à de l’information. Tout le monde disposant des mêmes
informations, un avantage ne peut résulter que d’une pertinence
supérieure de la décision d’un entrepreneur, ou de l’incapacité des
concurrents à optimiser leur choix. Cela n’est pas très satisfaisant pour
les professionnels, car ce n’est pas en adéquation avec la réalité
observable .D’où une autre vision qui a été conçue, considérant
l’élaboration de technologie comme un procès interne à l’entreprise.
où les informations s’incorporent dans des ressources qu’elles
contribuent à spécifier. L’information est au coeur de l’innovation
technologique mais ne suffit pas à la résumer. Après leur première
mise en oeuvre, les innovations ont besoin de processus
d’apprentissage pour être maîtrisées, soit une production de
connaissances pratiques non consignées, engendrées par les unités
innovatrices elles mêmes
L’information est-elle un produit ou un service?
L’information est assimilable à un produit quand il y a simple transfert de
documentation, sans jugement de valeur, sans validation d’un ensemble que
l’on vend et que l’on acquiert. On vend de l’information-données, je dirais
presque « au poids » comme n’importe quel produit. Ce qui compte alors,
c’est d’organiser les réseaux de transport (On a parlé de transport par
“ paquets ”, de Transpac, avant les autoroutes de l’information) et de créer
des réflexes d’achat.

L’information service est le résultat du traitement intellectuel du produit.


On rend l’information utile par le contrôle de la qualité des sources, une
mise en forme, une mise à jour (Jakobiak). Le service de documentation
apporte alors une valeur ajoutée à l’information.

- de la bibliothèque au centre de Documentation. ( à faire)

2.2 Deux versions d’une mutation des informations et des savoirs


2.2.1 Massification et élargissement
- quantité et quantitatif. D’un fait à une théorie.

39
la volonté d’une classification universelle.
- la normalisation pour une information certifiée.
Dans un sens général, une norme est un état habituel, conforme à
la règle établie. Au sens social, c’est une règle de conduite en
société, précisant ce que l’individu peut ou ne peut pas faire.Elle
est liée à une notion de pouvoir, devant être soit imposée par un
pouvoir totalitaire, soit proposée à l’acceptation par la majorité
sociale.
On a noté que la norme s’établit quand il y a menace ( DONC
BESOIN DE RAMENER LA CONFIANCE)La première
description linguistique du sanscrit classique au IVe siècle av. JC
par le grammairien hindou PANI s'est faite au moment où
l’invasion des parlers populaires menaçait la langue savante qui du
coup avait besoin de se stabiliserUne norme est établie par un
consensus et approuvée par un organisme reconnu qui fournit, des
règles pour des activités ou leurs résultats, garantissant un niveau
d’ordre optimal. La normalisation s’est organisée d’abord sur des
bases nationales, d’où des différences entre les pays.
Il y a beaucoup d’organismes, à différents niveaux (national,
européen, mondial) , des sujets différents, d’où un manque de
cohésion. Et de nombreuses normes sont inachevées. Et sont elles
vraiment respectées?
Dans un sens général, une norme est un état habituel, conforme à
la règle établie. Au sens social, c’est une règle de conduite en
société, précisant ce que l’individu peut ou ne peut pas faire. Elle
est liée à une notion de pouvoir, devant être soit imposée par un
pouvoir totalitaire, soit proposée à l’acceptation par la majorité
sociale.
Les normes linguistiques représentent sans conteste l’argument en
faveur des normes. Comment se comprendre sans elles? Mais il
faut noter que le grammairien en indiquant le bon usage de la
parole, en rejetant ce qui est relâché , incorrect, impur, vulgaire ne
se contente pas de dire ce qu’est la langue, mais dit aussi ce que la
langue doit être ” ( TODOROV). Il privilégie certains usages, et

40
le bon usage est celui qui manifeste le plus d’ordre et de
rationalité, s’accorde aux habitudes générales, a une justification
logique a des racines dans l’Histoire longue
On peut penser que seule l’observation de conventions communes
permet les partages, les échanges cohérents. L’utilisateur y trouve
son avantage même si certaines conventions lui paraissent
ésotériques. La médiation des professionnels aide à déchiffrer ces
conventions qui existent dans tous les domaines.
On peut rappeler que la normalisation internationale commença dans
le domaine électronique avec la création en 1906 de la Commission
électronique internationale . Les premiers travaux dans d’autres
domaines, surtout dans l’ingénierie mécanique, furent entrepris par la
Fédération internationale des associations nationales de normalisation
créée en 1926, qui cessa ses activités en 1942.
Dans beaucoup de pays industrialisés, la normalisation se dote alors
d’une véritable organisation, avec une instance nationale structurée et
clairement mandatée. Aux Etats-Unis par exemple se crée en 1918
l’American Engineering Standards Committee qui va devenir
l’American Standards Association (ASA).
En France, par le décret du 10 juin 1918, le ministre Clémentel crée la
Commission permanente de standardisation (CPS). Mais celle-ci
cessera toute activité en 1924 en raison, entre autres, de la lourdeur de
son fonctionnement et de son caractère étatique trop rigide. Les
entreprises françaises voient en elle un cheval de Troie de l’Etat.
Certains hommes, comme Jean Tribot-Laspière membre de la CPS,
prendront conscience du retard de la France par rapport au reste du
monde qui commence à mettre en place un organisme international de
normalisation, et de l’enjeu que représente son absence sur la scène
mondiale. Il sera le fondateur et secrétaire général de l’Association
française de normalisation (AFNOR) le 22 juin 1926, juste à temps
pour participer à la création de l’International Standards Association
(ISA) en 1928 à Prague (les réunions ayant débuté en septembre
1926).
Parallèlement à la création de l’AFNOR, différents secteurs de
l’industrie française décident de mettre en place leur bureau de
normalisation, sans nécessairement s’affilier à l’AFNOR.
A partir d’une instruction ministérielle du 26 novembre 1928, le
système de normalisation français s’organise entre la Commission
permanente de standardisation (CPS), l’AFNOR et les Bureaux de

41
normalisation, qui interviennent de façon complémentaire et
entretiennent entre eux des relations structurées. En 1930 La CPS
devient Comité supérieur de la normalisation.
L’AFNORComposée d’une association créée en 1926, reconnue
d’utilité publique et placée sous la tutelle du ministère de
l’Industrie, elle compte environ 3000 entreprises adhérentes. Elle
anime le système central de normalisation composé de 31 bureaux
de normalisations sectoriels, des pouvoirs publics et de 20000
experts,et assure le pilotage et le contrôle de trois filiales chargées
de la certification, de la formation et de l'international

Avec la Seconde Guerre mondiale, la normalisation devient outil


étatique de redressement économique. L’AFNOR met en œuvre une
« surnormalisation », l’application des normes n’est plus basée sur un
élan volontaire mais devient une obligation. Les activités de
l’International Standards Association (ISA) cessent en 1942 en raison
de la guerre. Le 23 février 1947 est créée l’Organisation Internationale
de normalisation (ISO) pour remplacer l’ISA et l’UNSCC (United
Nations Standards Co-ordinating Committe). Dès 1950 la France est le
pays qui détient le plus grand nombre de secrétariats de comités
techniques de l’ISO.
Les délégués de 25 pays décidèrent en 1946 de créer une nouvelle
organisation internationale dont “ l’objet serait de faciliter la
coordination et l’unification des normes industrielles ”. L’ISO entra en
fonction en Février 1947.
C’est maintenant un réseau d’instituts nationaux de 156 pays, dont le
secrétariat est en Suisse( Genève) . C’est une organisation non
gouvernementale, avec des organismes mandatés par leur
gouvernement ou venant du secteur privé.
L’ISO dépend de l’ONU. La norme ISO veut harmoniser les différents
formats entre eux et les rendre compréhensibles entre tous les
systèmes. Depuis 1947, l’ISO a publié plus de 15000 normes
internationales, depuis l’agriculture et la construction aux NTIC.
2.2.2 Échecs ou conséquences : frontières et clôtures
- échec de l’universel ?

42
Au XIXe siècle Saint Simon (1760-1825) esquisse une encyclopédie
où il voudrait remplacer les “ savoirs de l’insurrection scientifique ”,
destructeurs et désorganisateurs, par une pensée et une pratique
positive.Puis ce sont les grands dictionnaires universels et le grandes
Encyclopédies, comme chez Larousse en 1866 Le Grand dictionnaire
universel et en 1898 Le Nouveau Larousse illustré.
Mais le rêve encyclopédique devient un enjeu politique. Chacune des
encyclopédies porte la trace de son age, de ses auteurs, de son pays .L’
Encyclopédia britannica présente une vision anglaise, puis
américaine, l’Encyclopédia italiana qui date de 1929-39 est
“ mussolinienne ”, l’encyclopédie soviétique est stalinienne.
Finalement aucune encyclopédie ne parvient à se dégager de son
contexte. Il faudrait les lire toutes pour avoir un vrai panorama.
Puis c’est le refus (la peur ?) de l’engagement qui conduit vers une
neutralité. Déjà le projet d’Encyclopédie française lancé par Berr et
Lucien Febvre en 1933 , puis repris de 1950 à 65 avcc l’intention de
ranimer le courage intellectuel, se veut tableau donc sans prospective.
Puis les oeuvres suivantes du XXe siècle ont une absence de projet
autre que descriptif. L’anonymat des auteurs prétend à la neutralité,
comme dans l’ Encyclopedia universalis dans les années 70. On veut
représenter la science qui parle, et non la critique de la science ce qui
affadit et banalise les oeuvres.
« L’époque contemporaine ne reconnaît pas volontiers qu’une
entreprise encyclopédique soit encore possible la numérisation rend
possible l’utopie encyclopédiste et démocratique que les Lumières
avaient inaugurée par l’Encyclopédie et sa diffusion éditoriale .

internet pourrait permettre de se passer des catalogues, devenus


inutiles grâce à l’indexation des documents eux-mêmes. La recherche
directe dans les mailles du contenu, dans l’océan des textes est la fin
des bibliothèques, alors que la disponibilité générale des textes sur le
réseau sonne la fin des encyclopédies.
Par contre, le texte numérique et les explorations nouvelles qu’il
permet poussent Benoit Melançon à dire que nous sommes les
premiers lecteurs de l’Encyclopédie, que la navigation hypertextuelle
permet l’aboutissement des projets de D’Alembert et Diderot
Schaer Richard « Exposer l’encyclopédie » xxxxx

43
Mélançon B. Les défis de la publication sur le web: hyperlectures,
cybertextes et métaéditions, coordonné par J.M. Salaün et C.
Vandendorpe, Presses de l’ENSSIB, 2004

Les classifications restent marquées par leur contexte


civilisationnel (Dewey vs Ranganathan).
La fin du XIXe voit l'arrivée des grandes classifications encore en usage
aujourd'hui, la Dewey dans les bibliothèques publiques, la CDU dans les
bibliothèques universitaires qui connaissent un grand succès (Dewey dans
trente langues et 130 pays) car elles sont calquées sur les disciplines
enseignées à l'école et à l'université, offrant un cadre familier à leurs
utilisateurs
Il s’agit d’une organisation dans un système méthodique des différents
domaines de la connaissance qui sert aussi de système de classement et de
système d’indexation
Le savoir est organisé en classes, sous-classes... Toute notion doit avoir sa
place, UNE place. C’est le problème. Comment rendre de
l’interdisciplinarité, des nouveautés, de l’idéologie
Et puis tout repose sur les disciplines et non les sujets: enfant se trouve
dans psycho, socio, médecine, puériculture... D’où une dispersion des
livres, le besoin d’un catalogue alphabétique matière, de tables auxiliaires
(nations, langues, géo, langues...)
Malgré les mises à jour elles restent prisonnières d’une organisation
reflétant l’état des connaissances du XIXe siècle.
Ranganathan lui fait remarquer que la DC méconnaît profondément l’Inde.
Dewey opine « je sais que la DC est pleinement américaine, ou au mieux
anglo-saxonne… ». Il propose alors à Ranganathan de créer une
classification prenant en compte la réalité indienne en promettant de
l’intégrer dans ses prochaines éditions. Ce qui ne sera jamais fait ; le
schéma de base de la DC ne convenant pas du tout à l’esprit de ce
mathématicien.
On peut noter que Ranganathan méconnaît tout autant dans sa classification
la réalité occidentale. Les classes de la religion de ces deux classifications
permettent de le mesurer et de comprendre combien une classification est le
reflet, dans un temps donné, d’une culture donnée. Ainsi Dewey fait une
part importante aux religions chrétiennes renvoyant les autres religions au
seul indice 29. Ranganathan fait la même chose qui ouvre sur les classes :

44
hindouism, jainism, bouddhism… avec une seule classe prévue pour le
christianisme.

- échec des normes ?


On pourrait au contraire parler de leur triomphe. Elles sont partout, de
plus en plus oppressantes, opprimantes. Le coté « règle » de la
normalisation est parfois ressenti comme liberticide. Elle peut donner
une impression de rigidité, de faire obstacle à l’innovation ou à
l’adaptation
. La normalisation s’est organisée avant tout sur des bases nationales
produisant des structures différentes d’un pays à l’autre. Elle a
d’ailleurs longtemps été considérée comme un obstacle aux échanges .
Elle est maintenant perçue comme un outil de conquête des marchés,
ce qui semble très positif pour les conquérants, mais qui doit l’être
moins pour les conquis! C’est une arme de guerre économique au
profit de ceux qui la détienne, c’est à dire les pays dits développés.
Elle est devenu un élément d’intégration économique dans le cadre de
la construction européenne, ce qui suppose quelle est au service d’une
politique européenne.
Elle n’est pas innocente et neutre, mais se trouve idéologiquement
située
Selon l’UNESCO “ une norme est un document établi par un
consensus et approuvé par un organisme reconnu qui fournit, pour des
usages communs et répétés, des règles, des lignes directrices ou des
caractéristiques, pour des activités ou leurs résultats, garantissant un
niveau d’ordre optimal dans un contexte donné ”
Selon l’AFNOR, la norme technique est la synthèse d’un savoir ou
d’un savoir-faire technique ou méthodologique d’une profession mise
en forme collectivement et rendue officielle en étant publiée par un
organisme de normalisation reconnu
Ce qui peut intriguer c’est cette notion d’ "organisme reconnu"
avancée par l'UNESCO. Reconnu par qui?
Qui sont les experts? Ils appartiennent aux secteurs industriels,
techniques et économiques qui ont demandé l’établissement des
normes en question et qui les appliquent par la suite. Peuvent s’y
associer des représentants d’agence gouvernementale, de laboratoires
d’essai, d’associations de consommateurs, de spécialistes de

45
l’environnement, des milieux universitaires Autrement dit tous et
n’importe qui, à condition d’être reconnu par ses pairs déjà en place.
Un prototype de gouvernance anonyme
problème leur multiplication.
Nous ne voulons pas parler de leur nombre, qui croît comme toutes les
créations techniques.
Mais de la multitude des organismes : il y a beaucoup d’organismes, à
différents niveaux ( national, européen, mondial) , des sujets
différents, d’où un manque de cohésion.
Par exemple dans l’édition on souffre, là comme ailleurs, de la
domination américaine, et même allemande et néerlandaise
Ainsi Eric Sutter fait remarquer “ on ignore ce que font les autres, y
compris dans leur propre famille ” Faisant le compte rendu de
l’ouvrage de Olivier BOUTOU Afnor 2005 qui rappelle la production
et la gestion des documents associés à l’assurance qualité dans le
cadre des normes ISO 9000, il note qu’elle ne “ fait pas le lien avec la
norme européenne NF EN 82045-1 Gestion des documents. Principes
et méthodes, ou entre cette gestion ( et en particulier celles
d’enregistrement) et le records Management ISO 15489 qui recouvre à
peu près la même problématique ”. Puis il continue , regrettant
l’absence de lien avec le FDX 50-185 Management de l’information
paru au début 2004, rédigé justement à la demande de la commission
Afnor Management de la qualité pour proposer une approche plus
globale de la problématique Information -documentation: il n’y a
“ aucun lien, ni avec le document, ni avec la démarche.
Il y a pléthore de secteurs de normalisation. Comment faire cohabiter
avec la commission des normes de micrographies et mémoires
optiques, celle sur le papier permanent ( des industriels de la
papeterie)...
Il faut faire avec les règles de facturation entre libraires et éditeurs, qui
imposent des normes à intégrer dans les logiciels de catalogage qui
éditent les bons de commande
Les normes pour l’échange international de documents dans
l’administration, le commerce, l’industrie vaudront pour les
bibliothèques.
Nos systèmes de translittération, très importants si l’on veut couvrir
les langues non latines, sont coincés entre l’essor de la numérisation
qui n’en tient aucun compte, la phonétisation (qui bénéficie des

46
recherches pour les synthèses vocales), les usages des organisations
internationales
problème d'efficacité:
Elles ne sont jamais complètes La démultiplication des nouveaux
documents pose des problèmes encore non résolus:
La littérature grise, les fichiers électroniques devenus bien souvent la
forme normale de publication de la recherche tendent à échapper aux
normes. On a bien un ISRN ( International Standard Recording
Number) en cours, demandant de larges concessions de la part des
spécialistes. Mais comment appliquer un ISSN ( International
Standard Serial Number).
Les images fixes ont des normes de catalogage non encore achevées
Les images animées ont les leur en cours de révision

les normes sont elles vraiment respectées? Par exemple dans les
thèses, combien n’adoptent pas les normes de plan décimal

- clôture des disciplines scientifiques : le triomphe du spécialiste.


VOIR COURS EPISTEMOLOGIE Les divisions de la science

2.3 L’utopie du Mundaneum

3. De la Post-Modernité à l’Hyper-Modernité

3.1 Hypermodernité techniciste ou numérico-humaniste

3.2 Trois facettes pour une société de l’information


3.2.1 Affirmation de l’Information scientifique et technique
(l’IST)
En 1973,le sociologue américain Daniel Bell introduisait la notion de
société de l’information dans son ouvrage Vers la société post-
industrielle où il affirmait que cette dernière sera axée sur la
connaissance théorique et que « les services fondés sur la

47
connaissance devront devenir la structure centrale de la nouvelle
économie et d’une société s’appuyant sur l’information ».
Mais on a quelque peu oublié que le besoin d’un théorie de
l’information , dans cet axe d’une « information économique », avait
été posé dès 1967 par Henri GUITTON et son “ information 38

économique ” : 39

“ Il est certain que ce monde que nous avons la prétention d’ordonner,


nous le connaissons très mal...Il faut donc observer, collecter les faits.
Il faut aussi connaître les croyances des hommes à l’égard des faits,
peut être encore plus importants que les faits eux-mêmes. Mais
l’information n’est pas un voyage sans retour. Elle est à double sens,
montant et descendant. Il ne s’agit pas seulement de faire oeuvre de
collectionneur. Il faut assurer la redistribution des observations vers
ceux qui en ont été l’objet, après avoir filtré et donné une forme
assimilable à cette collection. Ne sommes-nous pas écrasés par des
masses de documents dont nous ne connaissons pas la portée?
L’accumulation n’est pas l’information, car ce qui est uniquement
cumulé n’a précisément pas de forme....L’information, qui ne fait
redescendre vers les usagers que les formes adéquates du réel observé,
apparaît ainsi comme une véritable éducation.
Or l’éducation est inséparable d’une finalité à respecter.
Malheureusement l’information n’a pas été pensée dans cette optique
générale, ou du moins sa fin a paru toujours étroite ou dangereuse.
C’est la publicité, c’est la propagande avec lesquelles elle a été trop
souvent confondue. Voulant différentier le document et l’information,
R. Salmon a utilisé une formule frappante: tandis que le document va
vers quelque chose, l’information va vers quelqu’un. Voilà bien la
finalité humaine qui nous préoccupe. Quel est le sujet qui doit
informer? Quels sont ceux que l’on doit informer? Dans quel but les
informe-t-on ? autant de questions qu’il faut poser pour fonder une
théorie de l’information. Y avons-nous songé? »
On voit comment on passait dans ce texte de l’information qui
manipule sur le plan idéologique et sur le plan commercial (on
38 Guitton Henri Maîtriser l’économie, Paris : Fayard, 1967, pp 24-25
39 Terme précurseur, qui précède l’information économique et sociale du rapport
Lenoir (Lenoir René et Prot Baudouin, L’information économique et sociale La
documentation française, 1979), l’information professionnelle de René Mayer. (Mayer
René, Information et société: rapport au ministère chargé du Xe plan 1989-1992 Editions de
la Documentation française, décembre 1990) , et l’ information scientifique et technique,
terme qui avait été choisi dès 1972 pour le Bureau National d’IST ( ministère de l’industrie),
repris en 1981 par la Délégation placée auprès du Ministère de la Recherche et de la
Technologie (la D.I.S.T.), et enfin par la DBMIST ( Division des bibliothèques, des musées
et de l’information scientifique et technique, ministère de l’éducation nationale ) en 1982 ?

48
pensait dans les années soixante que la publicité pouvait tout faire
croire) à une information utile pour l’usager. le refus de
l’accumulation au profit d’un traitement intelligent ( qui est à la base
d’une vraie « Société de l’Information », qui doit être une société où
l’on saura utiliser les informations), et le lien avec l’éducation que la
France développa avec le Capes de Documentation et la notion de
culture de l’information . Ce texte ancien constitue en fait pour nous
40

le premier manifeste pour une information “ moderne ”.

Mais il ne désigne qu’une partie des infos nécessaires à l’exercice


d’une activité économique..
Surtout, il oriente les esprits vers des démarches spécifiques:
elle renvoie surtout à l’image de documentalistes publics ( du CNRS,
des U et Grandes Ecoles, des Instituts... qui, plus à la recherche de
rayonnement que de ressources, offrent l’info gratuitement) qui se
placent dans une logique d’offre ( rendre l’info plus pertinente, mieux
la diffuser, mieux préparer les labos à la recevoir)
Alors que sous l’aspect « économique », c’est une info dépendant
d’organismes privés, pour qui l’info est un produit ou un facteur de
production qui oriente le choix des entreprises, et qui se place sur le
versant de la demande d’info
Sur cet axe, foncièrement économique, le rapport Lenoir (( LENOIR
René et PROT Baudouin L’information économique et sociale La
documentation française, 1979) adopte en 1979 le terme
d’information économique et sociale.
Mais c’est le terme d’Information scientifique et technique qui a été
choisi par la Délégation placée auprès du Ministère de la Recherche et
de la Technologie (la D.I.S.T.) qui aura le plus d'impact. Pourtant ce
terme ne désigne qu’une partie des informations nécessaires à
l’exercice d’une activité économique et surtout, il oriente les esprits
vers des démarches spécifiques:
D'une part il insiste sur la Recherche (du C.N.R.S., des Universités et
des Grandes Ecoles, des Instituts...) par rapport au simple
fonctionnement des entreprises), mais il renvoie surtout à l’image de
services publics qui, plus à la recherche de rayonnement que de
ressources (ils offrent l’information gratuitement) se placent dans une
logique d’offre en rendant l’information plus pertinente, en la

40

49
diffusant mieux, en préparant les laboratoires à mieux la recevoir).
Alors que sous l’aspect “ économique ”, c’était une information
dépendant d’organismes privés, pour qui l’information est un produit
ou un facteur de production qui oriente le choix des entreprises, et qui
se place sur le versant de la demande d’information.
On aura besoin de beaucoup d'efforts pour adapter la notion d' I.S.T. à
la compétitivité, à la rentabilité. D'où d'autres propositions:

En 1985 Claude Germon dans son rapport proposait “ l’information


industrielle et commerciale ” C’est qu’il était chargé d’une mission
pour rééquilibrer les échanges extérieurs du pays en valorisant ses
exportations. Il la place entre l’information scientifique et technique
d’un coté et l’information économique, juridique et sociale de l’autre.

En 1990 le rapport du groupe “ Information et compétitivité ” dirigé


par René Mayer pour le commissariat Général au Plan dans le cadre
de l’élaboration du Xe Plan 1989-1992 proposa le terme
d’information professionnelle:
“ Nous sommes submergés d’informations... Enrichissement ou
pollution? Il nous a paru possible de distinguer:
- les informations dites générales, matière essentielle des quotidiens
- les informations à finalité pédagogique qui visent à former des
cerveaux et parfois à les remplir
- les informations qui servent à travailler: information juridique,
médicale, financière, sur les marchés, sur les innovations,
l’information scientifique et technique, industrielle, commerciale,
sociale..."
René Mayer(3) écarte alors le terme d’information spécialisée
préconisé par certains, parce qu'il pense qu'il est porteur d’une image
de cloisonnement, et ne convient qu’à quelques rares gisements
d’information destinés à des spécialistes. Or “ ce ne sont pas les
spécialistes qui sont nécessairement les clients les plus intéressants...
c’est chez le voisin que le chercheur ira trouver son inspiration ou la
réponse aux questions qu’il se pose ” (la fameuse “ fertilisation
croisée ”) ”. L’entreprise doit se placer au centre d’un réseau et ne pas
se cloisonner.

50
Il propose donc le terme d’ “ information professionnelle ”, en imitant
les secteurs de l’informatique et des télécommunications.
On peut essayer préciser cette information professionnelle. Ainsi pour
Pateyron (4), il y aurait trois types d’informations caractérisées par
leur types d’utilité :
- informations de fonctionnement : financières, comptables, relevés
clients, liste d’abonnements,...
- informations d’influence, relationnelle : publicité...
- informations d’anticipation, de changement, stratégique qui sert à
la réflexion. C’est elle qui est l’objet de la veille. Elle peut parfois se
trouver contenue dans une des deux précédentes.
Enfin, dans un effort pour réunifier les deux concepts de document et
d’information, et peut être de donner pleinement sa place à la
documentation dans les Sciences de l’Information et de la
Communication, on a vu apparaître le terme d’information
documentaire chez les professionnels.
C’est la dénomination préférée par Jakobiak à I.S.T., qui est une
formulation qu'il juge trop restrictive.
Pour lui, l'information documentaire est composée d’informations
fonctionnelles, d'informations stratégiques et de connaissances.
Elle recouvre les informations scientifiques, techniques,
technologiques, technico-économiques, et constitue une information
d’environnement et sécurité, réglementaire et juridique, qualitative et
générale (y compris les aspects communicationnels, de formation et
d’organisation indispensables pour une bonne maîtrise de l’ensemble)
D’une part, volonté du ministère de la Recherche
Dans ce cadre, on voit une Société de l’information non
réalisée, à atteindre, en apprenant aux entrepreneurs non
seulement à trouver l’information, mais surtout à s’en servir.
Savoir prendre des décisions, savoir utiliser des modèles et pas
seulement savoir s’informer. Donc une culture d’élite, formant la
future aristocratie de ceux qui savent utiliser l’information pour
s’enrichir, manipuler, commander, et donc se réserver le pouvoir.
En France, à partir de 1990, le Ministère de la recherche a
lancé des démarches vers les entreprises, pour donner l’idée
qu’il fallait employer les pros, développer les actions de

51
recherche, former les patrons à l’IE. C'est-à-dire de former les
élites en place,
On en voit la continuité dans le Rapport de Nicolas Curien et
Pierre Alain Muet “ la société de l’information Conseil d’analyse
économique ” (Paris: La Documentation française 2004) insiste sur les
enjeux juridiques, les mesures incitatives à diffusion des TIC dans
l’OCDE, l’administration électronique, l’e-santé. Il annonce des
actions à mener pour:
le droit à l’information et à la connaissance
la promotion d’un accès universel à un coût abordable
la mise en place d’un environnement favorable
le développement de ressources humaines
la promotion de la diversité linguistique et de l’identité culturelle
le renforcement de la sécurité des réseaux de communication et
d’information
l’amélioration des accès au marché
la prise en compte des défis mondiaux
Avec trois objectifs: assurer à tous l’accès aux TIC
affirmer l’importance des TIC comme outil de
développement économique et social
instaurer confiance et sécurité dans l’ utilisation
des TIC

En Octobre 2004, on a aussi créé le Conseil stratégique des


technologies de l’information pour conseiller le premier Ministre pour
définir, mettre en oeuvre et évaluer les actions gouvernementales pour
développer la société de l’information, dont les objectifs sont:
- contribution des TIC à la compétitivité
- accès des particuliers aux nouveaux usages
- compétitivité internationale des entreprises dans ce secteur
- développement de cursus de formation relatif aux TIC

52
Il faut former à la veille et à l’IE , à l’aide de formations continues,
41

d’incitations, pour changer les mentalités et les pratiques dans


l’entreprise ; former les spécialistes par des formations
professionnelles Licences pro, Master pro
Il s’agit d’une lecture très restrictive, très spécialisée de la société de
l’information. Liée à l’idée de la transparence ( dont le caractère
utopique ne cesse de se révéler dans ce qui devient des scandales) , de
l’information disponible pour tous, mais non pas pour le
développement harmonieux de tous, mais pour permettre la libre
concurrence au sein de laquelle certains triomphent.
Il s’agit aussi d’une lecture très technologique : La gestion des
connaissances doit aboutir à des modélisations qui doivent s’imposer
comme vérité affirmée pour prendre des décisions. Pour empêcher le
choix humain, on met en avant la peur du risque
La lutte contre le risque naturel passe par une accumulation de
données pour pouvoir prévoir. On est dans les traitements statistiques,
les modélisations pour définir des probabilités.
La lutte contre le risque technique est en fait un pari sur les coûts
respectifs du triptyque Risque-Réparation-Prévention L’apport depuis
30 ou 40 ans des banques de données et de la cybernétique conduit les
équipes à tenter de cerner l’éventualité d’échecs partiels ou totaux,
individuels ou sociaux en calculant la minoration ou l’acceptation du
41 Après les interrogations des professionnels voir Martinet Bruno
« L’intelligence économique: nouveau concept ou dernier avatar de la
documentation dans les entreprises? »Documentaliste- Sciences de l’information
1993, vol 30, n° 6, p317-320
C’est en 1994 que la France s’intéresse à la notion l’intelligence économique avec
le rapport MARTRE au Commissariat général au Plan Martre Henri,
Commissariat général au Plan Intelligence économique et stratégie des entreprises
Paris: La Documentation française 1994
On s’inquiétait du retard de la France, qui serait dû à une méfiance envers la
gestion collective de l’information.
En 2003 Raffarin demande un rapport au député CARAYON, sur le problème
constaté que l’Intelligence Economique « n’occupait pas en France une place
digne des enjeux », se heurtant à « un manque de motivation et de
sensibilisation »: sur 1200 sociétés de plus de 200 employés sondées, 1/2
pratiquaient l’IE, mais moins d’1/3 y affectent un budget et moins 1/10
disposaient d’un tableau de bord.Le rapport confirme que sans doctrine préétablie,
les chefs d’entreprise ne savent pas réellement mettre en place un système de
surveillance efficace.
Moinet N. n° thématique “ l’intelligence économique ” Revue Marketing et
Communication 3e trimestre 2006
Levet Jean Louis (sous dir.) Intelligence économique et économie de la
connaissance Paris : Economica 2002

53
sinistre Le terme de risque qui était défini par la notion de danger,
implique actuellement l’intégration de la prévention ou de
l’indemnisation, soit deux éventualités de l’échec de l’entreprise : 42

Après Bophal et Seveso, Three Miles Island ou Feyzin, il y a eu


consensus de prévention exigeant que la catastrophe possible soit
décrite à l’avance, déposée sur une liste d’installations et faire l’objet
d’une organisation interne à l’unité administrative (commune,
département, région, état..) et d’un plan d’intervention (Directive
européenne réglementation post Seveso 2 juin 1982) 43

Mais cela peut aussi être accepter les évaluations de l’AERES, le


retour des mandarins qui mettent leur label de renommée sur le travail
des autres, la marchandisation des connaissances, l’importance du
marketing, la nécessité de participer à la course aux technologies vers
l’adaptation aux techniques, aux contextes, par des formations
pratiques

Breton et Proulx l’explosion de la communication La


Découverte/Boreal, 1990
Michel Jean « Les professionnels de l’information-documentation à
l’heure du document numérique et des réseaux numériques »
Document numérique vol. 1, n°2 juin 1997
Arnaud Michel, Perriault Jacques, Les espaces publics d’accès à
Internet PUF 2002
Blanquet Marie France dans “ information et documentation au Mali »
Documentaliste-Sciences de l’Information 2005, vol 42 n°4-5 p 262
Gachié I, Ruault L. Animer et gérer l’information pour le
développement rural: outils, méthodes et expériences pour les services
d’information éd du GRET 2004
Laureguiberry Francis et Proulx Serge Internet nouvel espace citoyen?
L’Harmattan 2003
- veille et IE : information et prise de décision.
Comme souvent, il faut noter que la veille a toujours existée, et que tout
le monde la pratique: Le commerçant qui cherche des renseignements sur
ses concurrents ou ses fournisseurs, le chercheur d’emploi qui mène une
politique construite de lecture des petites annonces, le« fan » d’un
chanteur qui cherche tout ce qui parait sur l’objet de sa passion, le

42 Voir par exemple Responsabilité . Revue de formation sur le risque médical


43 Voir par exemple Le journal de l’environnement, quotidien électronique
gratuit dédié au risque environnemental

54
chercheur qui sélectionne une série de revues à lire régulièrement pour se
tenir au courant, tous font de la veille sans le savoir.
Depuis l’Antiquité, commerçants et politiques ont cherché à se
renseigner. A ce titre, de missi dominici en intendants puis préfets, de
service de police en service d’espionnage, d’ambassadeurs et en consuls,
l’Etat a toujours organisé des structures de renseignement qui
nécessitaient de la veille. Et les études de marché ou de faisabilité sont
anciennes.
Simplement, notre époque croit toujours tout inventer, et reconnaît
comme début de la veille le moment ou le mot apparaît, associé à divers
adjectifs, où on théorise sur le sujet, et où il devient un élément de la
politique économique .
Elle relève d’un constat « les spécialistes ont coutume de dire que 90%,
voire 95 % de l’information recherchée et utile est en fait disponible »
(1)
Le terme de veille technologique apparaîtrait en France en 1979 dans un
rapport du BIPE (Bureau d’informations et de Prévisions Economiques):
« le décideurs publics et privés ne disposant pas d’un service de veille
technologique systématique sont à la merci de l’émergence d’innovations
non repérées » (2).
Il est concurrencé un temps par celui de vigilance, dont parle M. Oury,
(3) qui fait référence à la métis grecque, « ruse de l’intelligence »,
composée des aspects retors et conjecturaux propres à l’artisanat, la
navigation... (un bon navigateur n’est pas celui qui sait, mais qui a la
capacité de prévoir et de découvrir les pièges de la mer. Il faut de la
vivacité d’esprit combinée à l’habileté et la connivence avec le réel. La
métis lie, encercle, jamais ne va droit, ne connaît pas de frontière, elle
combine ruse et raison au nom de l’action pratique, tandis que Thémis, la
Science se rapporte à un ordre conçu comme déjà instauré et fixé (4).
Le concept de veille s’affirme à l’approche des années 90:
En mars 1988 Jacques Valade, ministre de la Recherche et de
l’Enseignement supérieur a créé un Comité d’Observation Stratégique de
l’Information Scientifique et Technique (IST) et de la Veille
Technologique avec 9 personnalités pour chacun des deux groupes.
En janvier 1989, l’Union des industries chimiques a consacré un atelier à
la veille technologique lors de sa journée d’étude dédiée aux Ressources
Technologiques et Ressources Humaines.

55
De Janvier à avril 1989 le Xe Plan a pris en compte l’ensemble « Veille
Technologique et Politique des Brevets » qui a constitué un groupe
intégré dans la sous commission Innovation et Recherche.
En novembre 1989 l’Université d’Aix-Marseille III a créé un DEA
« Information stratégique et technique. Veille scientifique et
technologique » (dir. Henri DOU)
Dans le même temps, nombreux articles dans Le Monde, Les Echos et
conférences ou tables rondes dans des congrès et colloques comme IDT
ou IDATE. Ainsi l’Etat, le monde industriel, l’université et les médias,
en action concertée, ont mis à la mode le concept.
Pourquoi cela se produit-il à ce moment?
- parce que la concurrence internationale s’accroît, devient plus
agressive. Il ne suffit plus de mieux connaître les clients que le
concurrent (marketing), mais lutter directement avec celui-ci, en menant
une guerre stratégique supposant du renseignement.
- parce que l’arrivée des nouvelles technologies provoque des
mutations extrêmement rapides et profondes dans les entreprises. Pour
rester compétitif, il faut prévoir, anticiper et donc être bien informé, tout
en gérant des masses importantes de données.
- parce que la réussite du Japon fondée sur la veille, sert d’exemple. :
Sa Constitution de 1868 annonçait “ nous irons chercher la connaissance
dans le monde entier afin de renforcer les fondements du pouvoir
impérial ” (cité par Rouarch)
Déjà en 91 selon Lainée 1,5 % du chiffre d’affaires du Japon concernait
la collecte d’informations, deux fois plus qu’aux USA .Le MITI,
Ministère du Commerce international et de l’Industrie est aidé par le
JETRO (Japan External Trade Organisation) présent dans 80 pays pour
recueillir des informations sur les produits, les prix..., le JISCT Japan
Information Center of Science and T, relevant directement du premier
ministre doit recueillir, exploiter, diffuser l’IST internationale. Il analyse
11000 revues dont 7000étrangères, 50000 brevets, 15000 rapports
produit 500000 résumés
- dans les années qui suivent, c’est l’effondrement du bloc
communiste qui marque l’avènement d’une nouvelle géographie
économique du monde. Les affrontements évoluent selon des logiques
complexes voire contradictoires.

56
La définition générale dans la norme expérimentale AFNOR XP X50-
053 (avril 1998) est: « une activité continue et en grande partie itérative
visant à une surveillance active de l’environnement pour en anticiper les
évolutions »
Mais il y a en fait différents types de veille :
Veille technologique
DOU(5): « c’est l’observation et l’analyse de l’évolution scientifique,
technique, technologique et des impacts économiques, actuels ou
potentiels, correspondants pour dégager les menaces et les opportunités
de développement d’une société soucieuse d’agir en tenant compte de
son environnement »
JAKOBIAK (6): « c’est l’observation et l’analyse de l’environnement
suivi de la diffusion bien ciblée des informations sélectionnées et
traitées, utiles à la prise de décision stratégique »
LESCA (7) ce sont « les efforts que l’entreprise consent à faire, les
moyens dont elle se dote et les dispositions qu’elle prend dans le but
d’être à l’affût et de déceler toutes les évolutions et toutes les nouveautés
qui se font jour dans les domaines des techniques et des technologies qui
la concernent actuellement ou sont susceptibles de la concerner dans le
futur ».
Veille concurrentielle
Elle est axée sur les concurrents actuels ou potentiels. « Elle permet de
pister les démarches actives, actions de développement, déploiement vers
d’autres secteurs et domaines d’activités, fausses pistes et leurres
destinés à égarer les curieux, intrusions diverses, dépôts de brevets,
travaux de recherche, et ceci de la part des concurrents directs ou
indirects. (Elle) permet souvent de détecter des savoir-faire de certains
confrères/concurrents....de connaître les techniques de vente et de
distribution des concurrents et leur politique de communication. » (8)
Elle entre en synergie avec les autres types de veille, voire s’y apparente.
Veille commerciale (= marketing)
Elle est axée sur l’évolution des besoins des clients, de leur relation avec
l’entreprise, de leur solvabilité. « Il faut étudier de façon permanente
l’amont et l’aval du marché » (9)
Elle « permet d’entraîner une synergie opérationnelle entre fonctions dan
l’entreprise... et d’éclairer la prise de décision dans un esprit de

57
pluridisciplinarité » (Rouach), excluant le cloisonnement des fonctions
dans l’entreprise.
La veille sociétale, environnementale, sociopolitique « consiste à
discerner parmi un certain nombre de changements (démographie, villes,
modes...) les grandes fractures qui s’opèrent dans la société et qui risque
de transformer ou de perturber l’entreprise et son environnement »
(Pateyron).
« Basée sur un travail d’intuition et d’un raisonnement empirique, et
reposant sur un réseau très large et hétérogène de personnes, elle
correspond à un repérage de signaux faibles. Elle permet de construire
une classification des tendances de fond ou superficielles. Certaines
entreprises forment des « chasseurs de tendances » ou « écumeurs » qui
détectent avec une curiosité insatiable lors de rencontres diverses les
nouveaux goûts des futurs consommateurs » (Rouach). Ce serait une
« veille branchée »
La veille juridique : relative à la législation et à la réglementation, elle
permet de pénétrer des marchés étrangers aux règles spécifiques.
La veille stratégique
C’est « la recherche de l’information grâce à une vigilance constante et
une surveillance de l’environnement pour des visées stratégiques (dans le
triptyque: réception-interprétation-action) ». (Pateyron)
C’est « le processus informationnel volontariste par lequel l’entreprise
recherche des informations à caractère anticipatif concernant l’évolution
de son environnement socio-économique dans le but de se créer des
opportunités et de réduire ses risques liés à l’incertitude. Parmi ces
informations figurent des signaux d’alerte précoce » (Lesca).
Finalement elle engloberait les différents types de veille existants.
On le voit, la veille est très diverse, elle concerne tout, au point qu’on
peut se dire qu’à coté des professionnels, grands connaisseurs des
sources d’information et des outils de recherche, la veille doit être une
attitude de tous les membres de l’entreprise.

Bibiographie
Baumard P. Stratégie et surveillance des environnements concurrentiels
Masson 1991

58
Briot Laurence Etes-vous de bons veilleurs? Archimag, Février 1996,
n°91, p.25-33
Castano Eric, Soury Marie-Pierre et Dou Henri La diffusion des
informations en veille technologique et son rôle dans la stratégie de
l’entreprise. Documentaliste- Sciences de l’information 1995, vol 32, n°
1, p 9-12
Desvals H. (éd.) et Dou H. (éd.) L’information scientifique, technique et
industrielle Ed Dunod, Paris 1992
Dou Henri Veille technologique et compétitivité Paris Dunod, 1995
Guerny (de) Jacques et Delbes Raymond Gestion concurrentielle:
pratique de la veille Paris, Delmas, 1993
Jakobiak F. Pratique de la veille technologique Paris : éd d’Organisation,
1990
Lainée F. La veille technologique: de l’amateurisme au
professionnalisme Paris, éd Eyrolles 1991
Martinet Bruno, Ribault Jean Michel La veille technologique,
concurrentielle et commerciale, éd d’Organisation 1989
Reyne M Le développement technologique de l’entreprise par la veille
technologique éd. Hermès 1990
Villain Jacques L’Entreprise aux aguets: information, surveillance de
l’environnement, propriété et protection industrielles, espionnage et
contre espionnage au service de la compétitivité, Masson, 1989
__________________________________________________
(1)Allain-Dupré, Patrice et Duhard Nathalie Les armes secrètes de la
décision: la gestion de l’information au service de la performance
économique, Paris : Gualino 1997
(2) BAYEN Marcel La veille technologique: élément clé du
développement des entreprises. Le bulletin de l’IDATE, veille
technologique et stratégique, 2ème trimestre 1989, n°36, p 11-26
(3)Oury J.M. Economie de la vigilance 1983,
(4) Detienne M. et Vernant J.P. Les ruses de l’intelligence. La métis des
Grecs Champs Flammarion 1974
(5) Dou H. « Intelligence sociale et veille technologique » Humanisme
& Entreprise, Août 1993, p. 53-94

59
(6) Jakobiak F Exemples commentés de veille technologique Paris, éd
d’Organisation, 1992
(7) Lesca Humbert Veille stratégique: concepts et démarche de mise en
place dans l’entreprise Paris ADBS 1997
(8) Rouarch Daniel, La veille technologique et l’intelligence
économique Paris : PUF 1996
(9)Pateyron Emmanuel La veille stratégique Paris : Economica 1998

Intelligence Economique :
Il s’agit d’un terme qui pose problème, car le mot « intelligence » est pris
soit dans son sens anglais de renseignement (CIA Central Intelligence
Agency, ou IS Intelligence Service, proches des RG Renseignement
Généraux), ce qui est le sens initial, et dans son sens français lié aux
activités cognitives (après tout, en France « on a des idées »!).
L’approche française était au d&but un contresens lié à de mauvaises
traductions, mais qui a été fécond en donnant une autre piste de
réflexion.
Pour l’AFDIE (Association française pour le développement de
l’Intelligence Economique) en 1996, c’est « une dynamique de
construction collective fondée sur la conviction et la responsabilité de
tous, qui consiste en l’appropriation de l’information en vue d’une
action économique, immédiate ou ultérieure. Fondée sur le principe de
coordination, elle s’accompagne d’une évolution profonde de la culture
d’entreprise et de la capacité de construire l’avenir face à des évènements
incertains. Enfin elle permet de tirer parti des avantages stratégiques pour
construire un avantage concurrentiel performant durable ».
C’est un mode de management systémique de la connaissance qui
permet de produire de l’information utile à la prise de décision.
Pour N. Moinet (1), l’Intelligence économique est une réponse
culturelle et opératoire aux problématiques de la globalisation et de la
société de l’information.
Ces notions génèrent pour les entreprises comme pour les Etats des
opportunités et des menaces qu’il faut identifier, qu’elles soient internes
ou externes, ainsi que les éléments à protéger, qui étant de plus en plus
immatériels, nécessitent des savoir-faire spécialisés. Les entreprises ont
pourtant des difficultés à s’approprier le concept et les pratiques de l’IE,

60
d’où le besoin d’une culture de l’information pour faire comprendre que
l’IE est un facteur clé pour la réussite des projets.

Les rapports avec la veille sont perçus de façon variable. Pour certains,
l’intelligence économique englobe tous les types de veille.
Pour d’autres, elle est une veille active, offensive, s’intégrant dans une
véritable guerre économique, et non passive, axée sur la collecte et le
traitement de l’information ouverte, c’est à dire publique. La veille active
vise l’information non encore diffusée, elle se mène de façon ciblée dans
le temps et l’espace, sur des circuits de décision bien définis, avec un
objectif opérationnel. On s’intéresse surtout aux sources informelles.
(ALLAIN DUPRE et DUHARD).
Pour d’autres encore, « elle est une sorte de prolongement et
d’aboutissement de la démarche de veille » (Bloch)
Il nous semble qu’il s’agit de la partie comprenant la décision
stratégique qui est l’aboutissement d’une démarche de veille vraiment
stratégique. La veille est plus technique, plus affaire de spécialistes de la
recherche que de la décision, elle est nécessaire à l’intelligence
économique mais peut suffire dans certains cas.

De toute façon, le processus de veille, c’est-à-dire le recueil,


l’exploitation et la diffusion de l’information, publiée ou informelle, est
au coeur du dispositif de l’IE.
Il concourt à la production des connaissances opérationnelles
indispensables à la prise de décision et au pilotage stratégique des
organisations, mais aussi des connaissances contextuelles (connaître et
comprendre la méthodologie, les pratiques et les outils et de les mettre en
oeuvre au sein des organisations) D’où besoin de faire émerger la
fonction de manager de l’information dans ses aspects animation et
médiation.

Il faut savoir décrypter et gérer les manoeuvres et procédés


informationnels capable d’affecter ponctuellement et durablement
l’image, le comportement et la stratégie d’une organisation, l’entreprise
étant devenue très vulnérable aux attaques informationnelles et faisant
l’objet de manoeuvres de déstabilisation de la part de concurrents,

61
d’Etats, ou d’acteurs de la société civile. Il faut aussi savoir développer
le lobbying.
Un rapport déterminant
C’est en 1994 que la France s’intéresse à la notion l’intelligence
économique avec le rapport MARTRE au Commissariat général au Plan
(2).
On s’inquiétait du retard de la France, qui serait dû à une méfiance
envers la gestion collective de l’information.
Selon ce rapport elle « peut être définie comme l’ensemble des actions
coordonnées de recherche, de traitement et de distribution en vue de son
exploitation, de l’information utile aux acteurs économiques. Ces
diverses actions sont menées légalement avec toutes les garanties de
protection nécessaires à la préservation du patrimoine de
l’entreprise...elle implique l’interaction entre tous les niveaux de
l’activité: depuis la base en passant par des niveaux intermédiaires
(interprofessionnels, locaux) jusqu’aux niveaux nationaux,
transnationaux ou internationaux ».
Le rapport Martre constatait un clivage politique et un sectarisme social
absence de consensus national
antagonisme culturels
corporatisme et élitisme
Réticences: à s’ouvrir à l’extérieur
ne pas avouer ses faiblesses
veut information gratuite
pense qu’elle est disponible si on cherche un peu
ne prévoit pas temps et argent pour recueil
s’estime trop spécifique
idée que celui qui détient l’information a le pouvoir et on fait de la
rétention
individualisme, suffisance
En 1995, sous le gouvernement Balladur, on note la création du Comité
pour la Compétitivité et la Sécurité économique. Mais sous le
gouvernement Juppé, on le place sous le contrôle du ministère de
l’économie, puis il est abandonné.
En 1998 L’Agence pour le Développement de l’Information
Technologique, ADIT, est chargée d’organiser une politique nationale.
Une cinquantaine d’ingénieurs se mettent à rassembler, analyser et traiter
un maximum d’informations du monde entier, proposant une banque de
données publique.
L’Etat a créé la Direction Centrale de la Sécurité publique, la Direction
de la Surveillance du Territoire (renseignement défensif, répression de
l’espionnage industriel), le Service de Prévention de la Corruption.

62
En 2003 Raffarin demande un rapport au député CARAYON, sur le
problème constaté que l’Intelligence Economique « n’occupait pas en
France une place digne des enjeux », se heurtant à « un manque de
motivation et de sensibilisation »: sur 1200 sociétés de plus de 200
employés sondées, 1/2 pratiquaient l’IE, mais moins d’1/3 y affectent un
budget et moins 1/10 disposaient d’un tableau de bord.
Le rapport confirme que sans doctrine préétablie, les chefs d’entreprise
ne savent pas réellement mettre en place un système de surveillance
efficace.
Il faudrait que l’Etat se dote d’une véritable définition du patrimoine
économique national et de tout ce qui peut servir aux intérêts
économiques du pays en vue de permettre aux entreprises de conquérir
des marchés extérieurs, de se protéger et d’étendre leur influence.
Il faut aussi intégrer la fonction d’IE dans le système éducatif et dans son
action publique.
Pour cela il existe une commission consultative pour l’enseignement et
recherche auprès du Haut responsable pour l’IE qui a défini 5 pôles:
Environnement international et compétitivité
Intelligence économique et organisation
Management de l’information et des connaissances
Protection et défense du patrimoine informationnel et des connaissances
Influence et contre-influence.
Des précautions à prendre
Il faut prendre garde aux erreurs stratégiques:
Jean Marie MESSIER, président de Vivendi Universel qui développait
une stratégie de conquête de l’Amérique, Michel BON qui défendait le
redéploiement de France Télécom, GIAT industries qui avait lancé une
politique de gestion des connaissances visant à améliorer l’efficacité du
groupe semblaient être des champions de l’IE, ayant envisagés le progrès
technique, l’évolution des marchés et la mondialisation en cours. Or ils
se sont lourdement trompés.
Jean Louis LEVET, président fondateur de l’AFDIE Association
Française pour le Développement de l’Intelligence Economique affirme
que « ces patrons n’avaient pas une vraie culture stratégique. Et moins on
en a, plus on est sensible aux modes» (3).

Il faut savoir dépasser la vision mécaniste des transfert d’information,


qu’on pouvait trouver encore sous la plume d’un rapporteur du groupe de
travail SCIP France ( regroupant des responsables et veille et

63
d’intelligence concurrentielle en entreprise, de chercheurs et de
consultants) : « Les informations circulant dans un réseau peuvent se
comparer aux fluides circulant dans une tuyauterie, (où) la nature des
fluides varie, les fluides subissent des transformations qui augmentent
leur valeur et les vannes du réseau représentent les acteurs opérant les
transformations » (4)
Sur le plan des postes dans l’entreprise il y aura distinction entre
plusieurs activités s’il y a des moyens: d’un coté le documentaliste :
accès à information et gestion de la documentation
De l’autre le responsable de la veille qui s’occupe aussi de récupérer
l’information informelle, et va peut être plus loin dans le traitement et la
diffusion
Pour Roger MOIROUD, président du SCIP-France (Society of
Competitive Intelligence Professionnals) il y a division du travail, le
responsable d’IE sélectionne dans ce que prépare le centre de
documentation et présente le résultat.
Pour DOU, ce responsable est indépendant du centre de documentation,
y fait seulement appel. Pour LUBKOV (5), il y a très peu de lien, car la
cellule de veille s’autodocumente. Elle est composée de scientifiques et
de commerciaux, avec, parfois un documentaliste.
On reproche au documentaliste de ne pas assez connaître le domaine
d’activité, on ne lui donne pas de rôle dans la collecte des sources
internes, on le laisse en dehors des sources informelles. Ne fait-on pas
erreur ? Et quand on lui reproche d’être trop éloigné des décideurs, il est
évident qu’il n’a pas choisi cette place.
Bibliographie
Achard Pierre Intelligence économique: mode d’emploi Paris : ADBS
1998
Besson Bernard et Possin Jean-Claude Du renseignement à l’intelligence
économique Paris : Dunod 1996
Besson Bernard et Possin Jean-Claude L’audit de l’intelligence
économique Paris : Dunod
Bloch Alain L’intelligence économique. Paris : Economica 1996
Jakobiak François L’intelligence économique en pratique éd
d’Organisation, 2e éd.2001
Martinet Bruno L’intelligence économique: nouveau concept ou dernier
avatar de la documentation dans les entreprises? Documentaliste-
Sciences de l’information 1993, vol 30, n° 6, p317-320

64
Martinet Bruno et Marti Yves Michel L’intelligence économique: les
yeux et les oreilles de l’entreprise Paris, éd. d’Organisation 1995
Oury J.M. Economie politique de la vigilance Calmann Lévy 1983
___________________________________________________
(1)Moinet N. n° thématique “ l’intelligence économique ” Revue
Marketing et Communication 3e trimestre 2006
(2) Martre Henri, Commissariat général au Plan Intelligence économique
et stratégie des entreprises Paris: La Documentation française 1994
(3)Levet Jean Louis (sous dir.) Intelligence économique et économie de
la connaissance Paris : Economica 2002
(4) Marti Y.M., « Comment déterminer la valeur de l’information? »in
Gérer l’information pour l’excellence de l’entreprise IDT 94, 11e
congrès Juin 1994
(5)Lubkov Michel « Comment organiser sa veille » Archimag, février
1995, n°81, p. 34-37
Lubkov Michel « Espionnage et renseignement économique » Archimag
n° 76 1994
IE et développement durable de l’information et de la
communication
Pour l’entreprise, à partir de la veille, l’information rentre dans une
démarche d’IE : comment se servir de l’information à des fins
stratégiques.
Une des difficultés récurrentes dans les dispositifs d’intelligence
économique se situe dans la collaboration entre les strates
hiérarchiques de l’entreprise, dans les processus de médiation entre les
besoins des dirigeants et la cellule de veille.
Différentes études (Pelletier et Cuenot, 2013) ont démontré que la
principale faille des entreprises réside non pas dans la protection de
son patrimoine matériel (lequel est d’ailleurs de plus en plus
immatériel) mais dans les risques relatifs au patrimoine humain.
L’homme et par là même les salariés d’une entreprise sont le talon
d’Achille de cette dernière, c’est régulièrement les fuites
d’informations sensibles causées par un employé qui finissent par
donner un avantage concurrentiel aux entreprises « adverses ». Cette
crainte ne facilite guère le partage de connaissances et de savoirs sur
l’entreprise. De fait, lors de l’élaboration d’un dispositif de veille,
l’équipe managériale reste sur ces gardes et ne révèle qu’une partie
des informations ou plus précisément de leurs intentions quant à la
surveillance de leur environnement. Or un dispositif d’intelligence
économique réussi consiste en « l’habilité à apprendre finement et
globalement un environnement complexe et à prendre la bonne

65
décision » (N. D’Almeida, 2001, p.50-51), mais ceci n’est possible
qu’à partir du moment où l’ensemble des acteurs est averti des
informations pertinentes à repérer, à analyser, à diffuser. Dans le cas
contraire, cela revient à mettre sous surveillance son environnement
sans savoir réellement sur quels éléments contextuels porter son
attention.
La suspicion et le manque de communication sont ainsi à l’origine de
moult échecs en Intelligence Economique. Situation de « double
bind » (Bateson & al., 1956) puisque nous avons d’un côté les
managers qui ne veulent pas divulguer toutes les informations auprès
de leurs subalternes par peur d’éventuelles fuites d’informations, et de
l’autre, les professionnels de la veille stratégique qui ne peuvent
conduire de manière efficiente la veille sans connaître et comprendre
les problématiques de leurs dirigeants. Comme le souligne Jakobiak
(2006), les dirigeants devraient prendre conscience du caractère
obligatoire de la culture partagée en entreprise. Ces propos rejoignent
ceux de Moinet (2011) qui pointe les limites des systèmes de
gouvernances des entreprises qui se fondent sur le modèle vertical, et
souligne la nécessité de passer d’une entreprise à la hiérarchie
verticale à une entreprise à la hiérarchie horizontale basée sur la
confiance et les réseaux. Ceci est interdépendant de la culture de
l’entreprise et de la volonté politique des dirigeants.
Au sein d’un dispositif d’intelligence économique, l’information doit
être perçue comme la source de la connaissance, cette dernière
permettant l’action. Pour être pertinente et mener aux « bonnes »
actions/décisions, l’information doit être comprise dans un cadre
systémique et être contextualisée. C’est cet écosystème informationnel
qui confère toute sa valeur à l’information, la rend utile pour des
pratiques et des stratégies d’entreprises durables.
La surveillance de l’environnement de l’entreprise est essentielle, le
veilleur tient donc une place centrale dans le dispositif d’Intelligence
Economique. Le veilleur n’est plus considéré comme un « exécutant »
agrégeant du contenu mais comme un manager de l’information, le
situant comme un cadre qui participe pleinement au pilotage
stratégique de l’entreprise.
Ce faisant, nous passons du domaine des pratiques informationnelles à
des pratiques communicationnelles, changement de facette qui
témoigne de l’unité du sujet dans la diversité des axes, et demande,
pour utiliser une autre image, un « passage de relais », entre membres
des SIC.

66
La culture de l’information, définie comme un concept à facettes,
permettant en tant qu’objet-frontière des pratiques d’inter, sinon de
trans-disciplinarité, est impliquée dans la notion de développement
durable, tant au niveau des grands organismes chargés d’initier des
changements de comportement au sein du contexte politico-
économique que dans les structures éducatives chargées de préparer
les esprits à ces changements.
Nous pensons qu’il ne faut pas se contenter d’impliquer les systèmes
d’information dan la démarche, mais d’appliquer le concept à
l’information elle même, tant au niveau pratique qu’au niveau
scientifique, afin de faciliter les recontextualisations, et toutes les
démarches heuristiques inhérentes à la science.
3.2.2 Culture de l’information : le versant éducatif
La culture de l’information a eu une connotation pédagogique
dès les origines. On l’a ainsi vu apparaître dans le manifeste
ABCD pour la culture de l’information (Documentaliste-sciences
de l’information, 1996, vol 33, n°4-5) où l’on constatait la
nécessité d’une sensibilisation des élèves, et demandait de
soutenir un programme de recherche, d’investigation et
d’expérimentation comprenant un programme de la 6eme à la
Terminale, avec une évaluation prévue, des formations
obligatoires dans le supérieur, dans les prépa aux grandes
écoles, des actions de formation continue, des formations pour
tous les enseignants et des produits pédagogiques multimédia.
On a eu dans ce cadre les Assises sur l’éducation à
l’information et à la documentation, clés pour la réussite de la
maternelle à l’université (Jussieu),précisant que la Société dite
de l’information impose d’évaluer, face aux nouvelles
technologies, le pratiques éducatives pour les intégrer dans les
programmes de formation, pour une éducation à l’information
plus large que l’apprentissage des techniques documentaires.
On doit donner l’aptitude à comprendre et maîtriser les
processus d’information
L’éducation à l’information devrait donner une culture à
l’information, former à la maitrise des concepts, savoirs et
usages.
Mais on peut aussi penser la culture à l’information comme
une nécessité dans l’entreprise, prenant le sens de culture
d’entreprise. Les travaux sur l’Intelligence Economique ont

67
montré que l’entreprise a besoin de se persuader que
l’information doit communiquer, ne doit pas être l’objet d’une
rétention que l’on croit déboucher sur un pouvoir, qu’elle doit
être utilisée .Les entreprises ont des difficultés à s’approprier
le concept et les pratiques de l’IE, d’où le besoin d’une culture
de l’information pour faire comprendre que l’IE est une
réponse culturelle et opératoire aux problématiques de la
globalisation et de la « société de l’information » ( Moinet
Nicolas,2006)

- apparaît l’idée que plutôt que la société de l’information (immédiate


et éphémère), destinée aux décideurs, on a besoin d’une société des
connaissances (durables et cumulables) destinée à l’apprenant.
- le concept de culture de l’information adapté au monde scolaire
trouve un terrain de développement dans les CDI, cette exception
française (le centre de documentation et d’information des
établissements scolaires qui a remplacé les bibliothèques scolaires).

D’un coté le Ministère de l’éducation nationale, en mettant en place la Capes


Doc, a créé un bataillon d’enseignants dans les établissements, convaincus de
l’intérêt des NTIC, pour former toute la masse des élèves à la société de l’info. par
Capes interposé, qui vont à minima, placer des garde-fous dans l’acquisition autonome
d’une culture « numérique » par les consommateurs d’Internet, pour les rendre respectueux
des droits et des règles de sécurité et aller vers des principes écologiques, contre la
pollution de l’information, ou « à maxima » faire de l’information communiquée le
moyen d’une communion ou du moins d’une communauté favoriser le lien social, la
socialisation et l’intégration citoyenne

Mais cette technique « universelle » (est-ce vrai?) qui transporte de l’information peut soit
servir à un projet d’émancipation, soit creuser de nouvelles inégalités. On prétend qu’en
pilotant les systèmes d’information, ils deviennent facteurs de progrès, et qu’en ne les
pilotant pas ils sont facteurs d’inégalités.

On part de l’idée progressiste, et même humaniste, selon laquelle le développement massif


d’Internet ne doit pas créer une nouvelle inégalité, et que l’abondance des informations
accessibles par Internet va réduire justement les inégalités antérieures.

On veut lutter contre la fracture culturelle en utilisant les possibilités des nouveaux services
pour élargir l’accès à l’information, à la connaissance et à la communication, au nom de
l’idée d’une culture universelle accessible et profitable pour tous. Internet serait un outil
neutre qui transcende les inégalités et crée des chances nouvelles d’égalités face à
l’information, au savoir et à la connaissance. Ce faisant, on donnerait une cohésion à la
société .

Mais la « société de l’information » pourrait être une société selon le modèle ancien
reposant sur une culture cultivée, qui doit simplement être présentée ( selon l’idée de
Malraux, qui ne croyait pas à l’éducation à l’art), ou dispensée au plus grand nombre pour
développer une société ouverte et permettre les promotions sociales soudant la société par un
intéressement aux valeurs dans une apologie de l’effort et de la sélection.

68
Ce besoin d’éducation est à la base de la création du Capes en 1989

Ce qui était au départ des bibliothèques scolaires a connu une évolution


liée à des transformations inhérentes au contexte mondial (société de
l’information), au contexte professionnel de toutes les bibliothèques
( nouvelles technologies) et au contexte de l’éducation (développement de
l’autonomie de l’élève). Au fil du temps elles ont changé de noms comme
de missions. Tout d’abord, se sont répandus la bibliothèque-élèves de
lycée (1947), puis, la bibliothèque des professeurs et les cabinets
spécialisés (1952). Notons que c’est alors qu’une circulaire sur le rôle de
la documentation dans le second degré préconise l’introduction du
document comme support pédagogique de travail pour les élèves.
Apparaît ensuite le CLDP (1958), Centre local de documentation
pédagogique qui propose de regrouper les ressoures éparpillées qui visait
à « être à l’échelon d’un établissement ce que les Centres régionaux de
documentation pédagogique (CRDP) étaient à l’échelon des académies.
La bibliothèque que le lycée Janson-de-Sailly possédait déjà, réservée aux
professeurs et aux élèves de Khâgne, devient donc CLDP » (Braun,
2008) , puis les SD (Services de documentation) en 1962 « destinés à
mettre à la disposition des professeurs l’information administrative et
pédagogique de base, à gérer le matériel AV, à enrichir le fonds
documentaire existant » (Chapron 2003). Jusqu’en 1966,il y a coexistence
des bibliothèques générales et des SD les bibliothèques s’occupant de la
diffusion et et de la conservation à vocation culturelle, les SD orientés sur
lanotion de service pédagogique, d’information, d’utilisation des
nouveaux supports AV. EN 1966 on crée , sous l’impulsion de Marcel
Sire, inspecteur de vie scolaire ,les SDI, avec le « i » d’information, qui
intègrent les bibliothèques de lycées .Le terme de CDI (1974), centre de
documentation et d’information,place cet espace au centre de l’
établissement. Le rapport Tallon lui attribue sept fonctions : la fonction
technique, la fonction accueil, la fonction information générale, la
fonction relations publiques, la fonction loisirs, la fonction information
scolaire et professionnelle, la fonction pédagogique. Il répondait à une
envie de mieux maîtriser les apports « sauvages » de « l’école
parallèle » qu’est la vie. Les CDI devaient permettre cette ouverture de
l’enseignement sur la vie, en favorisant l’autonomie de l’élève. Le
personnel employé pour faire vivre ces lieux, a lui même connu une
professionnalisation, des documentalistes jusqu’à la création en 1989
d’un certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second
degré (CAPES) de sciences et techniques documentaires.

69
On a donc vu le service devenir un centre ( plus valorisant), le terme
centre de documentation préféré à bibliothèque ( même s’il y a plutôt eu
une fusion (symbolisée par la création de la FADBEN en 1972 regroupant
Documentalistes et Bibliothécaires mais avec une priorité, le fait que le D
précède le B n’étant pas sémantiquement innocent), le mot information
amener une notion d’immédiateté et d’utilitéEn 1974 la France a doté son
système scolaire secondaire de Centres de Documentation et
d’Information dans une volonté de moderniser un service qui s’est encore
perfectionné en 1989 avec la création d’un Capes de Documentation
destiné à former et sélectionner les responsables du Centre, les
bibliothécaires documentalistes devenant des « professeurs
documentalistes ». Le CDI devenait un lieu de médiations complexes,
puisque des médiations éducatives se combinaient à la médiation
documentaire. En effet dans le CDI se combine des médiateurs techniques
(matériels), sociaux naturels (normes, valeurs) et humains, le
documentaliste jouant un rôle de veilleur, de transmetteur, « de
catalyseur, d’orienteur sur les chemins du savoir », (De Rosnay). En étant
au « centre », le CDI est médian, au milieu, au cœur de l’établissement
constituant par là un milieu rassurant: « La médiation apporte une
sécurité dans la mesure où elle permet par son effet contenant d’offrir une
enveloppe rassurante »(Ntsiba 2010) ; en se voulant moderne dans un
milieu scolaire, il devenait un médiateur vers les nouvelles technologies
(c’est par lui que sont entrés dans l’établissement les appareils pour
diapositives, le magnétoscope, la photocopieuse et les ordinateurs) et en
s’ouvrant vers le monde extérieur il est concerné par l’intermédiation
sociale type animation. Il convient de noter qu’en répondant à plusieurs
missions, le CDI s’affronte à diverses formes de mémoires (personnelle,
commune, historique, sociale, technique) sans en fixer vraiment les
définitions

3.2.3 Utopie mondialiste de l’Unesco

Au sommet mondial de la Société de l’information organisé par


organisé par l’ONU et l’UIT là Genève en 2003 on annonçait la volonté
« d’édifier :
- une société de l’information à dimension humaine, inclusive et
privilégiant le développement…
- dans laquelle chacun de nous ait la possibilité de créer, d’obtenir,

70
d’utiliser et de partager l’information et le savoir…
- dans laquelle les individus, les communautés et les peuples puissent
ainsi mettre en œuvre toutes leurs potentialités en favorisant leur
développement durable…
- ainsi qu’en respectant pleinement et en mettant en œuvre la
Déclaration universelle des Droits de l’Homme ».
3.3 Trois conflits
3.3.1 Société de l’Information ou Société du Document ?
- tout devient un document numérique.
- toute information, au sens le plus large, est inscriptible, donc devient
systématiquement un document.
- toute parole, expression, hésitation, publique ou privée, peut être filmée,
montrée, mémorisée et disponible pour une « éternité » numérique.
Existe-t-il vraiment une société de l’information ? Une société
du numérique, certainement. Mais de l’information? Jean
MICHEL le pense, et la présente ainsi : «l’avènement du
multimédia et surtout le développement prodigieux des
réseaux électroniques conduisent à parler d’une véritable
société de l’information. Jamais, dans toute l’histoire de
l’humanité, l’information n’a été aussi présente dans toutes les
activités des individus et des groupes, jamais elle n’a été aussi
abondante et aussi aisément accessible. Et jamais l’information
n’a été à ce point facteur de transformation en profondeur de
nos mentalités et de nos pratiques ».

Une société de la documentarisation


On a parlé de société de l’information, puis de la connaissance en oubliant
quelles ne peuvent s’envisager que grâce à la révolution documentaire.
Tout devient un document numérique, mais surtout toute information, au
sens le plus large est inscriptible, donc transformée en document d’un clic.
Toute parole, expression, hésitation, publique ou privée, peut être filmée,
montrée, mémorisée et disponible pour une « éternité » numérique. C’est le
panoptique de Bentham évoqué par Deleuze , étendu à toutes les fonctions
44

énonçables et rendu permanent et éternel, qui permettrait« la morale

44 G. DELEUZE. Foucault, Ed de Minuit.

71
réformée, la santé préservée, l'industrie revigorée, l'instruction diffusée, les
charges publiques allégées, l'économie fortifiée » ). Mais cela devient la 45

société de contrôle annoncée par Mattelart : « les nouvelles technologies


informationnelles sont en résonance avec une société de contrôle, de
l’implication contrainte, de la servitude volontaire et de la précarité » . 46

3.3.2 Marchandisation et collectivisation des connaissances


- soumission du savant aux capitaux.
La recherche scientifique est une activité productrice de
connaissances ayant pour vocation à être communiquées et échangées
entre pairs ( c’est l’open science, qui se place dans une dimension
publique, et incite les chercheurs à communiquer sur leurs résultats
qui doivent être mis gratuitement et librement à disposition). Mais elle
fait aussi l’objet d’une appropriation et d’une exploitation par le
secteur industriel et technologique (c’est la “ Technology ” qui
protège ses connaissances par le secret ou le brevet et inscrit leur
exploitation dans une perspective marchande)
L’échange académique est soit fondé sur le don, soit conçu comme un
marché où règnent l’investissement de la crédibilité et l’accumulation
du capital. On va de plus en plus vers une obsession de la valorisation
industrielle, vers un besoin de passer de la découverte au produit
Selon Pontille les chercheurs sont des “ propriétaires privés en
concurrence sur un marché académique régi par une économie morale
fondée sur le don ”.
Le poids croissant des contraintes marchandes, la hausse de tarifs, le
report sur les auteurs d’une partie des tâches d’édition font que la
communauté scientifique se voit contrainte de monnayer des
informations qu’elle a elle même produite, sélectionnées puis validées
de manière bénévole.
Dans les relations entre laboratoires académiques et milieux
industriels, il y a de plus en plus hybridation et rapprochement ; La
distinction entre bien commun et bien privé perd de sa pertinence.
Non seulement les activités se rapprochent, mais on utilise des
infrastructures communes et des technologies similaires. Un vif débat
se déroule entre les défenseurs d’une économie de la connaissance
45 J. BENTHAM. Le Panoptique. Précédé de L’œil du pouvoir : entretien avec Michel Foucault / [entretien réalisé par
Jean-Pierre Barou et Michelle Perrot] ; postface de Michelle Perrot Paris : P. Belfond.

46 A. MATTELART. « Société de la connaissance, société de l’information, société de contrôle. Entretien avec


Armand Mattelart », Cultures & Conflits, 64.

72
adossée au marché de manière à favoriser la compétitivité des
entreprises et la croissance économique et ceux qui voient dans ce
processus un vecteur privilégié de la mondialisation libérale.
Ce qui est particulièrement en débat, ce sont la brevetabilité du
vivant, la question des logiciels libres ou la question des moyens
alloués à la recherche, et finalement le rapprochement de la science et
de l’industrie, avec un asservissement de la première à la seconde.

Il est de tradition de considérer que l’information du domaine public


doit appartenir au domaine public : il n’y a pas d’incitation par la
propriété intellectuelle, elle est financée par les impôts, elle contribue
au bien être des populations, sa circulation correspond à des valeurs
démocratiques. Selon cette approche, l’IST ne doit pas dépendre de
lois du marché et doit être visible et disponible à bas prix, pour
permettre une réutilisation.
La science doit être financée par des fonds publics car les applications
ne sont pas toujours immédiates et que seul l’Etat peut prendre en
charge ce décalage.
Certes on a recours au droit d’auteur, mais il ne doit garantir que le
respect de l’intégrité et de la reconnaissance. Il faut passer de la notion
de la propriété intellectuelle à une communauté des biens intellectuels.
Mais tout cela est remis en cause par les évolutions récentes.

La recherche scientifique est une activité productrice de connaissances


ayant pour vocation à être communiquées et échangées entre pairs.
Mais la science « pure », détachée de la technique et de ses
financements n’existe plus, remplacée par la technoscience selon
Hottois. La science fait donc aussi l’objet d’une appropriation et
d’une exploitation par le secteur industriel et technologique (1).
D’où deux visions opposées du domaine :
- l’open science, la République des sciences qui se place dans une
dimension publique, et incite les chercheurs à communiquer sur leurs
résultats (publish ou perish) qui doivent être mis gratuitement et
librement à disposition de la communauté toute entière et du public.
- la “ Technology ” qui comprend la Science appliquée, la recherche
industrielle et les activités de développement à visée civile et militaire,

73
et qui protège ses connaissances par le secret ou le brevet et inscrit
leur exploitation dans une perspective marchande.
En fait il y a toujours eu de la marchandisation, même dans l’open
science, mais plutôt sur la diffusion et la mise en circulation des
inventions et non sur la production et l’exploitation.
La revue scientifique est composée d’un contenu et d’un support, renvoyant à un bien
culturel + un bien marchand. Elle n’échappe donc pas aux lois du marché, même si les
destinateurs et les destinataires y voient plutôt un bien scientifique et culturel.
Le lien du scientifique avec sa communauté repose sur le principe maussien du don- contre
don. Il échange son savoir (ses résultats) contre la reconnaissance et des récompenses
matérielles, et il y a réciprocité. La validation et la certification liées à une parution dans
une revue dépendent de pairs qui remplissent cette tâche de façon gracieuse. Le périodique
remplissait (et continue) une fonction sociale de légitimation.
Rappelons avec Pontille (2) les deux conceptions traditionnelles de l’échange académique:
l’une est fondée sur le don (reposant sur les principes de la reconnaissance interpersonnelle,
de la responsabilité morale, et de la rémunération monétaire jugée immorale) et l’autre
conçue comme un marché où règnent l’investissement de la crédibilité et l’accumulation du
capital. On va de plus en plus vers une obsession de la valorisation industrielle, vers un
besoin de passer de la découverte au produit. On hésite souvent à publier car cela rapporte
moins qu’un brevet, mais on le fait pour rester intéressant aux yeux des pairs et des futurs
clients. La signature scientifique est un régulateur social mais aussi un moteur de l’échange
et de l’accumulation des ressources (conversion des publications en prix, postes,
rémunérations, financements), voire un moyen pour restreindre l’accès au ressources (elle
établit la distinction entre le groupe des propriétaires et celui des travailleurs). Selon Pontille
les chercheurs sont des “ propriétaires privés en concurrence sur un marché académique régi
par une économie morale fondée sur le don ”.

L’inflation des manuscrits après la 2 e guerre mondiale qui déborda l’amateurisme et


l’artisanat de l’édition scientifique, marqua l’arrivée des éditeurs commerciaux. Les éditeurs
se sont recentrés sur les revues les plus citées, et sur des méthodes à leur profit, et non à
celui de l’auteur, ni à celui de la science. Les indicateurs scientométriques de l’Institute for
Scientific Information, avec le calcul du facteur d’impact et méthodes rationnelles
d’acquisition des bibliothèques qu’ils ont induites ont révélé le caractère très lucratif de
l’édition de revues.
Le poids croissant des contraintes marchandes, la hausse de tarifs, le report sur les auteurs
d’une partie des tâches d’édition font que la communauté scientifique se voit contrainte de
monnayer des informations qu’elle a elle même produite, sélectionnées puis validées de
manière bénévole.
Le développement d’Internet ne change rien à cela puisqu’à coté du mouvement d’open
access appliqué par certains éditeurs, le système d’achats groupés de revues en ligne par
licence réduit l’indépendance des bibliothèques par rapport aux éditeurs (packaging banalisé,
durée limitée des licences...) et qu’en même temps ces derniers enlèvent aux bibliothèques
une partie de leurs fonctions (collection en ligne, moteurs de recherche spécialisés,
producteurs d’indicateurs scientométriques).

74
Dans les relations entre laboratoires académiques et milieux industriels, il y a de plus en plus
hybridation et rapprochement ; La distinction entre bien commun et bien privé perd de sa
pertinence. Non seulement les activités se rapprochent, mais on utilise des infrastructures
communes et des technologies similaires. Les acteurs sont obligés de coopérer tout en étant
en situation de concurrence (exemple sur le génome).

Un vif débat se déroule entre les défenseurs d’une économie de la connaissance adossée au
marché de manière à favoriser la compétitivité des entreprises et la croissance économique
et ceux qui voient dans ce processus un vecteur privilégié de la mondialisation libérale.
Ce qui est particulièrement en débat, ce sont la brevetabilité du vivant, la question des
logiciels libres ou la question des moyens alloués à la recherche, et finalement le
rapprochement de la science et de l’industrie, avec un asservissement de la première à la
seconde.

L’union européenne s’est fixée comme objectif stratégique, lors du Conseil européen de
Lisbonne en mars 2000 de devenir “ l’économie de la connaissance la plus compétitive et la
plus dynamique du monde ” (3). Après les déboires de la “ nouvelle économie ”, ce terme
semble dessiner le nouvel horizon du capitalisme. On peut s’étonner: la connaissance, le
savoir, la recherche auraient-ils eu un rôle secondaire jusqu’alors? Seules les NTIC
permettraient la mobilisation de la connaissance?
Il est vrai que le développement de la connaissance depuis 2 siècles a permis des
transformations techniques et sociales majeures.
Mais ce qui change, c’est de soumettre entièrement la connaissance à la logique de l’ordre
capitaliste, d’inventer une « économie de la connaissance » qui est une soumission de la
connaissance à l’économie.
La création d’une économie de la connaissance suppose la transformation de celle ci en bien
marchand, mettant en place de nouveaux droits de la propriété intellectuelle
La connaissance peut être considérée comme une activité gratuite dans le sens d’une activité
non orientée a priori, désintéressée, sans programmation du résultat, échappant à l’ordre de
la science économique construite sur une rationalité instrumentale et sur des comportements
prévisibles. Elle relevait plutôt de la notion d’oeuvre au sens d’Hannah Arendt, ou de la
praxis (culture) qui se développe à l’insu de sa finalité, plutôt que de la fabrication de la
poiesis orientée vers une fin présente et plus proche de l’invention.
Elle n’est pas un bien libre naturel, comme l’air, car elle est constituée de découvertes qui
ont nécessité un travail, une activité de recherche et de pensée. Mais ce travail ne porte pas
sur la création de l’objet, mais sur sa compréhension. Le patrimoine génétique de l’humanité
préexiste gratuitement avant l’activité humaine qui cherche à le décoder.
La connaissance se distinguait de l’invention en ne pouvant pas être brevetée. Depuis Platon,
le savant se voulait dans un autre univers que le commerçant .Et la théorie économique néo-
classique défini les droits de propriété intellectuelle en accordant à l’inventeur un monopole

75
partiel et temporaire pour stimuler l’innovation et l’investissement en corrigeant donc cette
défaillance du marché.
Dans l’économie de la connaissance, le champ même de la connaissance, et non plus
l’activité de recherche doit être considéré comme produit par le travail et à ce titre
inappropriable (c’est un bien économique, produit par du travail humain, dont la rareté
justifie la valeur marchande)
La distinction entre connaissance et invention s’efface.
Créer de la rareté pour gagner plus suppose de mettre des droits d’entrée dans le champ
même de la connaissance, comme avant dans les inventions (brevets). Une régulation
s’impose. Une approche s’inspire des définitions de la Banque Mondiale qui place les
activités qui produisent des effets positifs transcendant les frontières et nécessitant une
concertation internationale dans cette notion de biens publics mondiaux. En partant de la
logique de l’intérêt, de la recherche de moyens incitatifs et des accords entre Etats, on
pousse les firmes à produire des biens publics mondiaux.
Pour cela, la connaissance doit passer d’un régime de possession (droits d’accès et d’usage)
à un régime de propriété qui permet d’aliéner un bien ou une ressource.

Le principe d’utilité qui détermine la valeur marchande du produit complète ces


transformations. C’est l’utilité des économistes, et non des principes politiques ou éthiques
ou du sens commun, c’est à dire une capacité à susciter une demande sur le marché.
L’économie de la connaissance correspond donc bien à un approfondissement du
capitalisme.

Aux USA, l’Arrêt Chakbarty de 1980 a sonné la fin de la distinction entre l’invention qui
relève du génie humain et la découverte qui est la connaissance d’un domaine qui existe
déjà.
Il a accordé une demande de brevet sur une bactérie déposée pour le compte de General
Electric. Cela a mis fin à distinction entre l’invention qui relève strictement du génie
humain et la découverte d’un domaine qui existe déjà.
La même année, le Bayh-Dole Act a permis aux inventions financées par des fonds de
recherche publics d’être transférées vers des applications industrielles et commerciales:
Universités et laboratoires publics peuvent désormais vendre sous forme de droits exclusifs
l’exploitation de brevets à des firmes privées. On ouvre les brevets à la recherche
fondamentale, ce qui donne un droit d’exploration plus qu’un droit d’exploitation. Le brevet
devient droit de propriété intellectuelle et octroi d’une part de marché.
Ce n’est plus un outil de développement du patrimoine scientifique mais un outil de
développement du patrimoine des investisseurs.

L’Union Européenne s’est convertie à ce régime des brevets en 1998: “ une matière
biologique...peut être l’objet d’une invention même lorsqu’elle préexistait à l’état naturel ”

76
« La société devient alors l’auxiliaire du marché .Travail, terre et monnaie sont des
marchandises. Mais des marchandises fictives, car on ne peut les traiter totalement ainsi sans
affecter l’être humain ». La connaissance est aussi une marchandise fictive dans mesure où
elle contribue à la construction de l’Humanité et qu’à ce titre elle sert de processus collectifs
d’apprentissage et de connaissance du patrimoine commun de l’Humanité.
Il faudrait protéger la connaissance. On pourrait poser des limites politiques à l’emprise du
marché. Mais on fait l’inverse.

On peut prendre un exemple :Les nouvelles législations provoquent une multiplication


invraisemblable de brevets , ce qu’on aurait trouvé merveilleux dans les années 90, où il était
conseillé d’imiter le Japon qui déposait beaucoup plus de brevets que les Français, surtout en
les fragmentant et en n’attendant pas la fin de la recherche, et dont on revient aujourd’hui :
cela nuit à l’efficacité, avec des coûts de transactions élevés, des coûts d’empilement des
licences, le blocage de certaines recherches. On fait des demandes trop en amont des
applications car on veut protéger des inventions à venir, virtuelles, qui sont non prévisibles
Pour en savoir plus
Callon M. “ Des différentes formes de démocratie technique ” in “ risque et Démocratie:
savoirs, pouvoir, participation...vers un nouvel arbitrage? ” Cahiers de la sécurité intérieure,
n°38
Castel R L’insécurité sociale. Qu’est-ce qu’être protégé? Paris : Le Seuil, 2003
Desrozières A. “ Discuter l’indiscutable. Raison économétrique et espace public ” Raisons
Pratiques 1992 3, p131-154
Foray L’économie de la connaissance, Paris : La Découverte, 2000
Krimsky S La recherche face aux intérêts privés Paris : Les pécheurs de penser en rond,
2004
Lefebvre Alain, Trompette Pascale « Entre postures critiques et arrangements
pragmatiques « Science de la Société
Sclove R. Choix technologiques, choix de société, Paris : Descartes et Cie et éd. C.- L.
Mayer, 2003
Shiva La bio piraterie ou le pillage de la nature et de la connaissance Paris : Alias 2002

(1)Pignard-Cheynel Nathalie “ L’édition de revues scientifiques. Une forme de


marchandisation de la diffusion des connaissances ” Science de la Société xxxx
(2)Pontille D. “ La signature scientifique. Authentification et valeur marchande ” Actes de
la Recherche en Sciences sociales mars 2002 141-142
(3)Azam G. L’utopie de l’économie de la connaissance Science de la Société xxx

L’enseignement supérieur est-il entré dans un processus de marchandisation ?


On peut voir dans le dogme évaluatif (un des principaux outils de normalisation dont se
servent les financeurs publics et privés de la recherche pour imposer une nouvelle

77
rationalité aux institutions de la connaissance) des Universités Françaises et la récente
réforme L.M.D. une“ remise en cause du processus de transmission des connaissances au
profit de celui d’acquisition de compétences ”.
C’est un exemple de l’offensive du capital mondialisé qui tente d’introduire le principe de la
marchandisation de l’enseignement supérieur, avec le principe de concurrence entre
établissements ou la privatisation de tous les secteurs susceptibles de créer des profits.
L’évaluation scientométrique sera confiée à une Agence de la qualité de la recherche sous
l’auspice locale de personnalités de l’entreprise, qui répartira les crédits.

Les universités, lieux de production des connaissances, ne peuvent qu’être entraînées dans
l’économie de la connaissance.
A partir du moment où la connaissance est intégrée à l’économie comme une marchandise,
les universités, hauts lieux de création de connaissances, sont nécessairement prises dans ce
mouvement de marchandisation.
PARIS et GRANJON (1) critiquent le nouveau dogme évaluatif des Universités Françaises
et la récente réforme L.M.D.(Licence, Master, Doctorat) en y voyant une “ remise en cause
du processus de transmission des connaissances au profit de celui d’acquisition de
compétences ”.
C’est une déclinaison de l’offensive du capital mondialisé qui tente d’introduire le principe
de la marchandisation de l’enseignement supérieur (2), avec le principe de concurrence entre
établissements, la remise en cause du service public éducatif, la privatisation de tous les
secteurs susceptibles de créer des profits.
On avance que la commission européenne est influencée par l’Européen Round Table of
Industrialistes ( ERT, lobby patronal européen) qui lui fournit une large part de ses cadres
analytiques. Elle prévoit des directoires de gestionnaires nommés, et non élus, avec
beaucoup de patrons, une séparation chez les enseignants entre « un bas » de MCF et PAST
qui ne publient pas et qui aspirent à la survalorisation de leur tâches hors enseignement et
« un haut » de mandarins.
L’évaluation, scientométrique ou économétrique, sera confiée à une Agence de la qualité de
la recherche sous l’auspice locale de personnalités de l’entreprise, qui répartira les crédits.
Le dogme évaluatif apparaît comme un des principaux outils de normalisation dont se
servent abusivement les financeurs publics et privés de la recherche pour imposer une
nouvelle rationalité aux institutions de production, de diffusion et de transmission des
connaissances: on modélise alors les lieux de partage du savoir, on réalise des enquêtes
standardisées adressées à des échantillons au comportement soi-disant représentatif des pop
visées par les réformes, on met ce corpus de données sous traitement informatique, on
produit de indicateurs statistiques ...
On développe la croyance en l’objectivité de la quantification. On a recourt au
comparatisme international, à la pensée métrologique, au calcul économétrique et le
commanditaire utilise les résultats comme cadre normatif pour la définition des moyens, des
savoirs et des procédés à mettre en œuvre. Le mode d’évaluation pour décrire les Universités
peut donner lieu à des actes de domination:

78
- des grandes écoles sur les Universités
- de la vision économiste sur la vision humaniste ou civique de l’activité universitaire
- de la culture anglo-saxonne sur les autres cultures nationales
- de la dimension productive de l’universitaire sur sa dimension éducative et sociale
- des sciences dures sur les sciences humaines et sociales

Dans un autre domaine, l’universitaire doit devenir calculateur pour faire carrière : il choisit
ce qu’il dit et où il le dit pour faire ce qu’on attend de lui, pour se conformer aux desiderata
des “ tenants des positions hautes ” (Bourdieu).
« Il devient moins important d’être lu et compris que de voir son nom figurer dans un revue
de haut niveau... on publie beaucoup mais on lit peu »(3 )
La course à la réputation, la quête perpétuelle d’un surplus de publications est un mal qui ne
fait que croître

L’étudiant à son tour travaillera à son employabilité plus qu’à sa culture.


On propose l’organisation de cursus personnalisés à partir des conseils d’une équipe
pédagogique qui examinera la façon dont l’étudiant se perçoit puis définira son avenir
professionnel. On considère l’étudiant non comme un être devant exercer son regard critique
sur ce qui l’entoure, mais plutôt, et de façon exclusive sur lui-même. Cela produit un
affaiblissement de la personne. On oblige le nouveau entrant à questionner ce qu’il est on
persuade l’individu à s’aligner sur des valeurs qui lui sont étrangères. Le bachelier est un
inadapté à convertir aux thèses de l’économisme sous couvert de désir de
professionnalisation
On veut passer de la gestion des risques sociaux à celle des fragilités individuelles “
l’impératif que met en avant cette idéologie du renouvellement perpétuel, c’est d’apprendre
soi-même à changer...de travailler sa propre disponibilité et sa souplesse relationnelle au
moins autant que ses connaissances (4).

Desrosières A. « Discuter l’indiscutable. Raison économétrique et espace public »


Raisons Pratiques 1992 3, p131-154
Laval C., Weber L. (dir.), Le nouvel ordre éducatif mondial. OMC, Banque mondiale,
OCDE, Commission européenne Paris : Nouveaux Regards/ Syllepse 2002
_______________________________________________________
(1)Paris Emmanuel, Granjon Fabien « Marchandisation des savoirs, privatisation de la
recherche et réformes de l’université française » Science de la Société
(2)Montlibert C. de Savoir à vendre. L’enseignement supérieur et la recherche en danger
Paris : Raisons d’agir, 2004
(3)Kahane J.P. “ Quelle place pour l’académie ” La lettre ASTS 3, 1er trimestre 1999, 1

79
(4)Castel R. La gestion des risques. De l’anti-psychiatrie à l’après-psychanalyse Paris :
Minuit, 1981

- disparition de l’auteur par la sémantisation des données.


Le site hypermédiateur est appliqué à une revue scientifique que nous
envisageons comme un recueil d’information sur les activités d’une
communauté scientifique autour d’une ou plusieurs thématiques,
communauté perçue comme une organisation, c’est à dire « une série
de routines invariables, de schémas d’action appuyés sur l’habitude,
qui rassemble les mêmes gens autour des mêmes activités dans les
mêmes temps et lieu » (Westley, 1990, p.339). Sachant que toute
communauté scientifique repose sur la production scientifique de ses
prédécesseurs, la « pensée historique » est très prégnante dans ce type
d’organisation. Ainsi l’élaboration du sens doit se comprendre comme
un processus continu de communication, d’interprétation et
d’adaptation mutuelle. Cette organisation, la communauté scientifique,
connaît des évolutions continues et graduelles, médiatisées par les
activités de ses acteurs. Une revue scientifique est le lieu privilégié de
l’ « enactment » (Weick, 1995) de la communauté scientifique. Il
s’agit également d’observer leurs productions et de favoriser la
coordination (ou non) des chercheurs de sorte qu’un système
conceptuel organisé (ontologie) se développe, se maintienne et sur
cette base permette à la communauté d’innover. C’est donc un terrain
d’observation sur l’élaboration collective du sens laquelle est
constituée d’écrits reflétant des comportements et des interactions
vécues et analysées par les auteurs.
Pour mener cette observation et le recueil de données, a été développé
une modèle de balisage générique des articles scientifiques, l’ASCC,
formulé via transposition d’une méthode d’analyse contextuelle et
cognitive, la sémio-contextuelle (Mucchielli, 2006). Initialement cette
dernière s’intéresse à la construction du sens dans les situations de
communication et propose un découpage de toute situation de
communication selon sept dimensions de références qui en révèlent la
signification, à savoir les contextes : des normes, des enjeux, des
positions, des relations, spatial, temporel, et physico-sensoriel. La
grille de balisage qui en découle doit servir de code commun
aux baliseurs pour la sémantisation des informations (Verlaet, 2011).
Ce modèle de balisage se trouve au cœur du concept de « site
hypermédiateur » défini comme un site complémentaire ou intrinsèque
à une revue ou une collection lequel propose un traitement sémantique
de son corpus pour en dégager un sens inédit. Alors qu’une revue

80
scientifique « classique » s’articule généralement autour de trois
niveaux d’information interdépendants : la revue, les thèmes et les
articles, une « revue hypermédiatisée » propose un quatrième niveau
d’information qui s’intéresse aux concepts contenus dans les articles.
Notre attention, pour le présent article, se focalisera sur ce quatrième
niveau, appelé « nano-niveau », qui permet aux lecteurs d’avoir un
accès direct à l’univers conceptuel du domaine et ainsi d’augmenter
leurs compétences sémantiques. Comme le rapporte Umberto Eco
(1988) cette compétence sémantique peut être assimilée à une
connaissance encyclopédique laquelle rassemble les connaissances sur
le monde et les informations linguistiques. Ce niveau d’information
propose donc aux lecteurs une vision encyclopédique de la revue et du
domaine qu’elle recouvre.

De l’élément au grain
Ce nano-niveau se présente aux lecteurs sous la forme de « documents
recomposés » qui rassemblent les fragments d’information sur les
concepts issus de l’intelligence collective des auteurs de la revue. Ces
fragments correspondent à des unités de sens portant sur les concepts
et sont organisés selon leur nature et proposés selon cette mise en
scène au lecteur : définition, objectif, relation hiérarchique et
associative, citation, indices géographique et historique. Ces
documents recomposés fonctionnent selon le principe « d’extraction-
recomposition » et supposent une dé-composition du document
d’origine, une extraction des fragments d’information, en les
décontextualisant, pour donner l’occasion de les recomposer au sein
d’un nouveau document, en les recontextualisant.
La notion d’élémentation se retrouve dans les principes du balisage
sémantique par l’ASCC à travers la granularité de l’information, du
savoir à élémenter, à baliser. Il convient alors de s’interroger sur la
notion de brique d’informations, d’unité d’informations ou encore de
fragment d’information, soit en quelque sorte à la granularité des
fragments de textes à baliser. Le fragment balisé doit constituer une
unité de sens propre, qui n’a nul besoin de son contexte initial pour
être significatif. En d’autres termes, la granularité concerne le niveau
de détails d’un fragment d’information faisant sens pour un lecteur.

- expertise de groupes de pression : le pouvoir des tweets et des think


tanks.

3.3.3 La société de l’information de l’utopie à l’idéologie

81
Le mythe est un récit (fictionnel) du passé, l’utopie un projet (idéaliste)
pour un futur, mais ils ont des liens étroits. « L’utopie possède un vaste
« arrière-pays » mythique que le lecteur tend à ignorer. Désireux de fonder
sur l’esprit utopique une stratégie de changement social, ce dernier en retient
ses aspects normatifs- le projet d’une société nouvelle- alors que l’écrivain
utopique lui-même s’appuie ouvertement sur le pouvoir du mythe »
(Reszler, 1980).

Le mythe, au sens d’ « une métaphore où un idéal se concrétise dans une


histoire ou une représentation. » et d’une « construction de l’esprit, fruit de
l’imagination, n’ayant aucun lien avec la réalité, mais qui donne confiance et
incite à l’action » (par exemple, la paix…) ou « une aspiration
fondamentale de l’homme », un « besoin métaphysique » (par exemple le
progrès) a quelque parenté avec l’usage qui est fait de l’utopie comme rêve
dynamisant, accompagné, d’ailleurs, des mêmes dangers d’erreur et
d’illusion ». (Drouin Hans, 2011)
Depuis l’apparition des médias de masse, les mythes se multiplient (Bastide,
1960), d’autant plus dangereux qu’ils paraissent comme « la parole
dépolitisée » de la classe bourgeoise (Barthes, 1957). Marx écrivait déjà en
1871 que « la presse quotidienne et le télégraphe fabriquent en un jour plus
de mythes qu’autrefois en un siècle ». Du fait de l’accélération du temps qui
caractérise notre époque, le web ne fait que prolonger et exagérer cette
tendance. Quand la disparition de Facebook est déjà acté par les médias, il y
a une modification « en direct » (Berners-Lee, Hendler, Ora, 2001) qui fait
passer l’utopie actualisée au statut de « belle histoire » déjà mythique..
Si étymologiquement l’utopie est un « lieu qui n’existe pas » (Drouin Hans,
2011) l’évolution de la notion du temps (le temps est un espace nous disent
les physiciens depuis 1905 et la découverte de la relativité) font que l’utopie
est aussi un temps qui n’existe pas. Mais peut-il exister ? Dans ce cas il faut
le confronter non plus au mythe mais à l’idéologie.
Idéologie et utopie
Si pour Ruyer (Ruyer, 1950), l’utopie est un « idéal absolu, détachée de
l’histoire », donc du temps, et irréalisable (ou même qu’on n’envisage pas de
réaliser) selon Manheim (Manheim, 1956) l’utopie « est l’attitude qui
correspond au désir de préparer le futur sur la base du refus du présent », par
opposition à ce qu’il désigne comme “idéologie”, ou justification théorique
d’une situation présente par une classe au pouvoir. Dans cette perspective,
l’utopie apparaît comme un projet, nécessaire au dynamisme d’une société.
Les idéologies poursuivent un but de stabilisation de la réalité sociale et les

82
utopies visent au contraire à la bouleverser. Il y a un écart entre l’imaginaire
et le réel qui constitue une menace pour la stabilité et la permanence de ce
réel .Ce qui est irréalisable, c’est ce qui est jugé ainsi par le pouvoir en place
parce qu’il en à peur et le récuse .Du coup on peut s’interroger sur ce qu’on
nomme utopies actuellement : la plupart ne vont pas contre, elles prolongent,
renforcent, soutenues et poussées par le pouvoir en place et présentées
comme la suite logique et imminente de notre réel. Il en est ainsi de l’utopie
libérale, conçue au XVIIIe et transformée par les Etats Unis d’Amérique en
idéologie, , transformées en idéologie triomphante d’un libéralisme
économique (Fukuyama), et de l’ utopie techniciste devenue « le moteur de
toute croissance, une inéluctabilité que l’on peut appeler idéologie
technologique » dit Ellul qui y voit une simple « croyance en la Science
orientée vers la grandeur de la Nation par simple nécessité de continuer à
faire partie du peloton de tête » (Ellul). Finalement c’est la société de
l’information telle qu’elle est conçue par l’Unesco qui mérite encore le titre
d’utopie : en prônant le rôle des organismes internationaux, la diversité des
langues et des culture, la solidarité pour tous les rejetés, elle s’oppose à
l’idéologie techniciste de Google et à l’idéologie économique des Etas Unis.
- La réalisation (et donc la mort ?) des utopies grâce aux technologies
Depuis la création du web et de l’hypertexte, les pratiques info-
documentaires changent, innovent, mutent. Déjà le cyberespace, utopie
apparue dans la littérature de science-fiction de Gibson au début des années
80, est devenu conventionnel. Les métaphores spatiales sont remplacées par
les numéros de versions, comme pour les logiciels. Aujourd’hui, à l’heure où
l’on s’interroge pour savoir quand aura lieu la bascule entre l’espace du web
2.0 (celui des usages) et celui du web 3.0 (celui de la sémantique), nous
assistons en direct à la modification de la structure même du web
accompagnée de la multiplication de discours utopistes. De plus en plus
d’informations enrichissent ou polluent les documents : micro formats, tag
cloud, folksonomie, hashtags, annotations, commentaires... (Guillaud, 2008).
Mais le système ne fait, pour l’instant, que les visualiser. Tim Berners-Lee
nous fait rêver depuis quinze ans en annonçant que « le Web sémantique va
utiliser la structure pour donner du sens au contenu des pages Web, en créant
un environnement où les agents logiciels en parcourant les pages pourront
réaliser rapidement des tâches compliquées pour les utilisateurs » . On nous
47

parle d’utopies, mais réalisables, voire réalisées et cette immersion dans


l’écosystème informationnel (Liotard, 2008).ne correspond elle pas à la fin
des utopies ?
47 Berners-Lee Tim, Hendler James, Ora, Lassila, 2001, « The Semantic Web
», [en ligne]
http://www.urfist.cict.fr/archive/lettres/lettre28/lettre28-22.html

83
- la bibliothèque universelle proposée par Google.
Au cœur des préoccupations des métiers du secteur de l’Information-
Documentation se trouvent l’information et son support, le document,
vecteurs principaux de la « société de l’information » évoluant vers la
« société de la connaissance ». Depuis la création du web et de l’hypertexte,
les pratiques info-documentaires changent, innovent, mutent. Déjà le
cyberespace, utopie apparue dans la littérature de science-fiction de Gibson
au début des années 80, est devenu conventionnel. Les métaphores spatiales
sont remplacées par les numéros de versions, comme pour les logiciels.
Aujourd’hui, à l’heure où l’on s’interroge pour savoir quand aura lieu la
bascule entre l’espace du web 2.0 (celui des usages) et celui du web 3.0
(celui de la sémantique), nous assistons en direct à la modification de la
structure même du web accompagnée de la multiplication de discours
utopistes. De plus en plus d’informations enrichissent ou polluent les
documents : micro formats, tag cloud, folksonomie, hashtags, annotations,
commentaires... (Guillaud, 2008). Mais le système ne fait, pour l’instant, que
les visualiser. Tim Berners-Lee nous fait rêver depuis quinze ans en
annonçant que « le Web sémantique va utiliser la structure pour donner du
sens au contenu des pages Web, en créant un environnement où les agents
logiciels en parcourant les pages pourront réaliser rapidement des tâches
compliquées pour les utilisateurs » . On nous parle d’utopies, mais
48

réalisables, voire réalisées et cette immersion dans l’écosystème


informationnel (Liotard, 2008).ne correspond elle pas à la fin des utopies ?

L’avènement de l’informatique ubiquitaire et symbiotique (De Rosnay,


2009) de par ses aspects d’unification par la technologie mondialisée, nous
fait penser au célèbre (en son temps) article du politologue américain
Fukuyama « La Fin de l'histoire ? », dont le propos (pourtant très
contextualisé avec la chute du système communiste) semble avoir gagné en
actualité : « Il se peut bien que ce à quoi nous assistons, ce ne soit pas
seulement la fin de la guerre froide mais la fin de l’histoire en tant que telle :
le point final de l’évolution idéologique de l’humanité et l’universalisation
de la démocratie libérale occidentale comme forme finale de gouvernement
humain […] il se produira des évènements, mais c’est cet idéal qui
gouvernera le monde réel à longue échéance. […] La fin de l’histoire sera
une période fort triste […] tout sera remplacé par le calcul économique, la
quête indéfinie des solutions techniques, les préoccupations relatives à
l’environnement et la satisfaction de consommateurs sophistiqués. Dans l’ère

48 Berners-Lee Tim, Hendler James, Ora, Lassila, 2001, « The Semantic Web », [en ligne]
http://www.urfist.cict.fr/archive/lettres/lettre28/lettre28-22.html

84
post-historique, il n’y aura plus que l’entretien du musée de l’histoire de 49

l’humanité » (Fukuyama, 1989). Cette idée de « fin » vient aussi de ce que


nous sommes dans ce règne du « trop », de la profusion, qui concerne aussi
le document, typique d’une société de la consommation dont on peu craindre
le suicide boulimique ( comme le prédisait le film La Grande bouffe de
Marco Ferreri). Et enfin, du fait qu’il nous semble que de nombreuses
utopies actuelles ne correspondent plus aux « canons », aux définitions
autrefois en vigueur.
Si on prend universel au sens de totalisation des ouvrages, c’est une
utopie irréalisable: même si on dispose des milliards de pages, il n’y
aura jamais tout. C’est ce qu’expliquait J M. Jeanneney alors
président de la BNF dans l’édition du 24 janvier 2005 du journal Le
Monde, sous le titre « Quand Google défie l’Europe » « Il ne peut
exister [...] De bibliothèque universelle, tout au plus des regards
spécifiques sur l’universel. La quantité promise par Google, si
impressionnante en termes absolus, ne correspond qu’à un petit
pourcentage de cette immensité ».
Cabanis, en 1797, avançait le Projet d’une bibliothèque universelle,
mais il ne proposait pas qu’elle contienne tous les livres, mais qu’elle
permette la saisie de la totalité des savoirs pour permettre de choisir.
(car disait-il, y a trop d’ouvrages : « ...le nombre de livres menace de
nous étouffer... Ce qu’on gagne en étendue, on le perd en
profondeur » ). Cette idée reste d’actualité. Malgré des moyens
techniques sans commune mesure avec la fin du xviiie, Jeanneney
récuse ce rêve : « Dans mon esprit, il s’agit moins de rêver à une
exhaustivité, toujours utopique, que d’aspirer à la plus riche, la plus
intelligente, la mieux organisée la plus accessible des sélections
possibles. » Mais n’est ce pas aussi une utopie ?
En partant de la bibliothèque d’Alexandrie, réalité qui a pris valeur de
Paradis perdu, on la mise en liaison avec le mythe de la Tour de Babel
(Borges, Alberto Manguel): on a alors le mythe dans sa forme

49 Selon « Pierre Nora, l’historien français qui organisa les trois volumes intitulés Les
lieux de mémoire…nous nous exerçons à d’innombrables pratiques de conservation,
nous créons des collections, des musées, des bibliothèques, nous organisons des
enregistrements, des archives, des archives “mortes”; tout cela a le mérite sans doute
de donner des emplois à des historiens et des conservateurs, mais, en raison peut-
être de la profusion de ces documents, ne garantit aucunement une mémoire sociale
vive, permettant seulement (ce qui est certainement digne de mention) l’accès de
chercheurs actuels et futurs aux données d’un passé considéré comme mort »
Gagnebin,2008)

85
classique de récit. Ce mythe a paru pouvoir se réaliser dans le projet
Google exposé en 2001, les data centers de Google ou d’Amazon, ou
les projets Europeana et de la BNM de l’unesco ne sont pas sans
rappeler l’hyper livre unique et infini annoncé par Borges, contenant
l’ensemble des bibliothèques. Mais ce qui aurait dû nous plonger dans
l’euphorie (Mollier ,2003) a reçu alors un accueil très réservé
(Jeanneney, 2005) : les mythes ne sont sans doute pas faits pour être
« actualisés » selon le terme de Pierre Lévy.

Ce « saut » de Cabanis à Borges ne doit pas faire oublier que la


bibliothèque universelle est aussi devenue une utopie avec Otlet
(RBU, Mundaneum). En imaginant des appareils futuristes pour
l’époque, il s’opposait bien aux idées de son temps, qui ne l’appréciait
pas, correspondant à la définition de Manheim. « l’utopie est l’attitude
qui correspond au désir de préparer le futur sur la base du refus du
présent, ». « Elle est une parole dirigée vers le futur, une anticipation
agissante (Bastide, ou Ravelet ?1960), que l’on pourrait rapprocher du
virtuel de Lévy, « ce qui existe en puissance et non en acte ». Otlet la
combinait avec une autre utopie, celle d’une paix universelle réalisée
par la création de la Société des Nations, gage de paix pour arbitrer les
conflits entre les Etats (Ghils, 2003).
La réalisation de cette utopie en sonne le glas au plan technique. Reste
son versant humaniste, ce qu’il espérait dans la SDN et qui se
maintient dans l’Unesco quand, au sommet mondial de la société de
l’information en 2003 cet organisme présente une véritable utopie de
la communication :« Si nous prenons les mesures nécessaires, tous les
habitants de la planète pourront bientôt édifier ensemble une nouvelle
société de l'information fondée sur les savoirs partagés, sur une
solidarité mondiale et sur une meilleure compréhension mutuelle entre
les peuples et les nations. » et une utopie de l’information :« Nous
reconnaissons que l'éducation, le savoir, l'information et la
communication sont à la base du progrès, de l'esprit d'entreprise et du
bien-être de l'être humain ».
Actuellement les utopies de la bibliothèque universelle vont en
direction du web, des contenus numériques et d’appareils de lecture
sophistiqués. Il y a même des bibliothèques sans livres physiques,
peuplées des livres électroniques et des dispositifs pour la lecture
numérique (à Stranford et San Antonio aux USA). Ouverte
officiellement depuis le 14 septembre dernier, bibliotech, la première

86
bibliothèque 100% numérique américaine se trouve au Texas avec 50

des contenus sous forme de ebooks, des audio livres, des cours de
langue, des magazines, de formation en ligne…
Mais ce n’est pas une bibliosphère, c’est juste une évolution de
l’étagère (le livre) vers les espaces de lecture (bâtiment) et du contenu
(électronique et dispositifs de lecture). La « bibliosphère » , ce 3e âge
des bibliothèques selon Lorenzo Soccavo serait le prolongement de la
51

théorie de la singularité technologique qui est un concept, selon


52

lequel, à partir d'un point hypothétique de son évolution technologique


(un « point », un « pli » ou une « singularité »), la civilisation humaine
connaîtra une croissance technologique d'un ordre supérieur. Au-delà
de ce point de rupture où un superordinateur sera plus puissant qu'un
cerveau humain, le progrès ne serait plus l’œuvre que d’intelligences
artificielles.
Le 21e siècle serait l’ère des bibliothèques « hub » : un premier niveau
de la bibliothèque physique, un second de l’interface de la
bibliothèque numérique (fonds numériques ou numérisés), puis un 3e
de la bibliothèque virtuelle (3D, réalité augmentée). Le 3e niveau est
intégré sur les interfaces au 2e niveau pour apporter plus
d’information, assister les personnels et orienter les usagers. A ces
différents niveaux, divers avatars peuvent assister les bibliothécaires:
robots apprenants (niveau 1) agents conversationnels (niveau 2) et
robots virtuels (niveau 3). L’objectif serait de relier bibliothèque
physique et bibliothèque virtuelle par des interfaces homme/machine
« cognitives » visuelles et tactiles.
Au printemps 2013, la BNF a exposé justement des robots auxiliaires
apprenants. En l’occurrence, il s’agit de robots humanoïdes Aria
(développés par la société Cybedroid en partenariat avec le Labo bnf)
pour évoluer et interagir avec des humains et répondre à leurs
questions sur des connaissances spécifiques, propres à la bnf.
« j’ai voulu offrir au public un espace d’expérience en plein coeur de
la Bibliothèque pour montrer qu’il ne fallait pas appréhender l’avenir
mais l’apprivoiser. Je souhaite que ce lieu soit un banc d’essai
privilégié pour les nouvelles formes d’accès à la connaissance qui
émergent sous nos yeux ». Bruno Racine, président de la bnf.

50 Voir http://bexarbibliotech.org/
51 Après la bibliothèque lieu+ livres et la bibliothèque hybride ( bibliothèque
traditionnelle+ offre numérique) (Soccavo ,2011)
52 Théorie envisagée par John von Neumann dans les années 1950 et
développée ensuite notamment par Ray Kurzweil (2005, p.10).

87
Le labo bnf a proposé par exemple en 2010 un dispositif alliant mur
tactile de sélection multimédias (qui permet de travailler à plusieurs,
de façon interactive, collaborative et intuitive. Des robots auxiliaires
apprenants ont été exposés au printemps 2013 à la BNF
(robot humanoïde Aria développé par la société Cybedroid en
partenariat avec le Labo bnf) pour évoluer et interagir avec des
humains et répondre à leurs questions sur des connaissances
spécifiques, propres à la bnf ), mur tactile qui permet de découvrir
autrement les collections de la Bibliothèque : accès à une sélection de
contenus (sites Internet, images, cartes, textes, vidéos, etc.), de les
afficher, de zoomer, de les déplacer, de les copier ou encore de les
annoter.
D’ici cinquante ans, on prétend réaliser la bibliothèque inside
53

(« l’homme bibliothèque » c’est la « bibliothèque dans le


bibliothécaire », c’est-a-dire dans le lecteur, c’est chaque lecteur qui «
s'auto-encyclopédise », « s'autobibliothéquise »)…perspective
générale dont Joël de Rosnay parlait dans l'une de ses conférences (de
Rosnay, 2009) en disant que le web communiquera avec tous les
objets dont notre corps, nos vêtements, nos véhicules, seront porteurs,
ainsi qu’avec nous-même.

- une éducation mondialisée par les MOOC.


Mais aux utopies conçues à partir des démarches pédagogiques (ex :
l’école nouvelle) ont succédé les réalisations conçues à partir du
matériel, comme les MOOC (des cours en ligne ouverts et massifs),
qui actualiserait l’utopie de l’université à distance en promettant
l’accès gratuit au savoir à tous, n’importe où, grâce à une simple
connexion internet. Encensés par les techno-enthousiastes (Glance,
Forsey, Riley, 2013), basés sur l’idéologie libérale et le «
connectivisme » (Kop & Hill, 2008) ils sont discutés au nom du
manque de nouveauté (Gillani, 2013). Il s’agit en fait d’une double
utopie, celle d’un université sans étudiants et sans professeurs (l’idéal
lichtenbergien), ou sans interaction enseignants professeurs (Khalil et
Ebner ,2013, Harder, 2013,Kop et al., 2011) et celle d’un accès de
tous aux universités d’élite et qui n’envisage pas ses échecs (10% de
réussite sur la célèbre plateforme edX, développée par le consortium
dirigé par le MIT et l'université de Harvard et qui a réuni
l'impressionnante chiffre de 155 000 étudiants entre Mars et Juin

53 Ray Kurzweil ingénieur en informatique et célèbre avocat de la singularité,


a annoncé récemment avoir été embauché pour développer cette stratégie du
Google inside.

88
2012) (Breslow, Pritchard , DeBoer , Stump , Ho et Seaton , 2013) ou
considère tous les étudiants comme identiques, toutes les conditions
comme identiques : l’éducation « calibre Harvard » sur un écran a-t-
elle encore quelque chose à voir avec l’éducation à Harvard ? Les
connaissances devenues numériques sont visiblement à compléter
par un humanisme numérique qui reste à construire.
Il s’agit d’un problème de fond : « Les utopies imaginent qu’il n’y a
aucun problème de motivation dans l’éducation ni de difficulté dans
les apprentissages .Or c’est justement la question de l’échec et de la
motivation qui taraude les enseignants du monde réel, et cette question
se trouve radicalement supprimée dans les utopies. C’est pourquoi les
utopies sont loin d’offrir des modèles à imiter, car si on voulait mettre
en application ce qui y est préconisé, on serait la plupart du temps plus
proche d’un lieu étouffant, uniformisé, sans imprévu… (ou même
parfois cruel) que d’un lieu désirable. » (Drouin Hans, 2011).
b) Le triomphe des idéologies
- une vraie utopie propose un futur en s’opposant au présent et non un
présent fermant le futur (la mort de l’Histoire de Fukuyama).
L’avènement de l’informatique ubiquitaire et symbiotique (De
Rosnay, 2009) de par ses aspects d’unification par la technologie
mondialisée, nous fait penser au célèbre (en son temps) article du
politologue américain Fukuyama « La Fin de l'histoire ? », dont le
propos (pourtant très contextualisé avec la chute du système
communiste) semble avoir gagné en actualité : « Il se peut bien que ce
à quoi nous assistons, ce ne soit pas seulement la fin de la guerre
froide mais la fin de l’histoire en tant que telle : le point final de
l’évolution idéologique de l’humanité et l’universalisation de la
démocratie libérale occidentale comme forme finale de
gouvernement humain […] il se produira des évènements, mais
c’est cet idéal qui gouvernera le monde réel à longue échéance. […]
La fin de l’histoire sera une période fort triste […] tout sera
remplacé par le calcul économique, la quête indéfinie des solutions
techniques, les préoccupations relatives à l’environnement et la
satisfaction de consommateurs sophistiqués. Dans l’ère post-
historique, il n’y aura plus que l’entretien du musée de l’histoire de 54

54 Selon « Pierre Nora, l’historien français qui organisa les trois volumes
intitulés Les lieux de mémoire…nous nous exerçons à d’innombrables
pratiques de conservation, nous créons des collections, des musées, des
bibliothèques, nous organisons des enregistrements, des archives, des
archives “mortes”; tout cela a le mérite sans doute de donner des emplois à
des historiens et des conservateurs, mais, en raison peut-être de la profusion

89
l’humanité » (Fukuyama, 1989). Cette idée de « fin » vient aussi de ce
que nous sommes dans ce règne du « trop », de la profusion, qui
concerne aussi le document, typique d’une société de la
consommation dont on peu craindre le suicide boulimique ( comme le
prédisait le film La Grande bouffe de Marco Ferreri). Et enfin, du fait
qu’il nous semble que de nombreuses utopies actuelles ne
correspondent plus aux « canons », aux définitions autrefois en
vigueur.

- on est passé à une idéologie libérale (mondialisation, transparence)


d’orientation américaine
« Culture » a souvent été rapprochée d’une dimension nationale. Mais
dans le dépassement de cette dimension par la mondialisation, la
culture de l’information peut devenir le soubassement « universel »de
cette mondialisation
On parle souvent d’une culture de l’information qui renvoie à ce que
Gérard Leclerc, appelle la mondialité culturelle qui« représente à
certains égards une révolution des communications » (Leclerc Gérard
2000, P.306) Elle suppose des contacts humains et des « instruments
intellectuels de compréhension entre les groupes ainsi mis en contact
de façon plus ou moins brutale ». Il met en avant, pour la culture
textuelle ce que Malraux avait fait pour le domaine de l’art l’image de
la bibliothèque de Babel, permise par le décloisonnement des cultures,
les contacts généralisés et les moyens de reproduction illimités,: « La
bibliothèque de l’homme du XXIe siècle sera – pourra être – non plus
nécessairement celle d’une civilisation, mais la Bibliothèque de Babel,
où se mêlent toutes les langues, toutes les croyances, tous les livres,
tous les textes… » (Leclerc Gérard, 2000, P.307).
Elle permettrait une acculturation à l’échelle mondiale, une
« interculturalité » à l’échelle globale, mais pourrait conduire à des
conflits culturels aboutissant à des confrontations dramatiques.
Gilles Verbunt choisit d’insister sur l’aspect positif de la
mondialisation : c’est une situation que l’homme n’a jamais
rencontrée jusqu’alors, une communication mondiale faite de
de ces documents, ne garantit aucunement une mémoire sociale vive,
permettant seulement (ce qui est certainement digne de mention) l’accès de
chercheurs actuels et futurs aux données d’un passé considéré comme mort »
Gagnebin,2008)
.

90
« rencontres et échanges généralisés entre cultures. (…)
L’interculturel est déjà un fait, qui ne fera que s’amplifier demain. ».
(Verbunt Gilles, 2001.) L’interculturalité est vue comme effort pour
créer un type de lien social susceptible de concilier la globalisation
avec le besoin de communautés à taille humaine. C’est une manière de
concilier l’universel et le particulier, le global et le local. Cette
conciliation pourrait être réalisé par une éducation qui pourrait entrer
dans la culture informationnelle (en apprenant à comprendre et à gérer
les différences, les contextes et les niveaux)

- et techniciste admise par tous.

La société du savoir ( et/ou de l’information, et/ou de la


connaissance), comme l’information stratégique sont des concepts qui
semblent très contemporains car liés au monde des ordinateurs et
d’Internet. En réalité, ils se sont construits progressivement depuis les
débuts de l’Humanisme, dans le cadre d’une Modernité en
évolution.avec des projets utopiques, mais aussi des réalisations
pratiques.
Conclusion
La société du savoir ( et/ou de l’information, et/ou de la
connaissance), comme l’information stratégique sont des concepts qui
semblent très contemporains car liés au monde des ordinateurs et
d’Internet. En réalité, ils se sont construits progressivement depuis les
débuts de l’Humanisme, dans le cadre d’une Modernité en
évolution.avec des projets utopiques, mais aussi des réalisations
pratiques.
Au XVI e siècle, avait commencé une révolution pour (par ?) une
Renaissance. L’Humanisme était une réaction à la période
« technique » que fut le Moyen Âge.
Au XXIe siècle, on a besoin d’une révolution pour une réaction à deux
siècles trop techniques, en valorisant le rôle de l’Homme (« derrière
une machine, un homme », pas de relations Homme-Machine, mais
des relations interhumaines médiatisées par la machine) face aux
« ingénieurs » qui annoncent une révolution technologique donnant le
pouvoir à la machine (après le dialogue Homme-Machine, un dialogue
Machine-Machine).
Révolution linéaire ou cyclique ? Un choix, s’il est encore possible,

91
est à faire.

92

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