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Volume 1

Cet ouvrage est paru à l’origine aux Éditions Larousse en 1971 ;


sa numérisation a été réalisée avec le soutien du CNL. Cette
édition numérique a été spécialement recomposée par
les Éditions Larousse dans le cadre d’une collaboration avec la BnF
pour la bibliothèque numérique Gallica.
au seuil de la Grande Encyclopédie

Enquêtes et statistiques révèlent que la production encyclopédique prend une place


grandissante dans les sociétés développées. Lieu privilégié de la référence à la connais-
sance, l’encyclopédie reflète le savoir de la communauté humaine. Chacun se reconnaît
en cet ouvrage familier qui témoigne de notre civilisation et nous permet de combler
l’écart existant entre nos connaissances et celles de la communauté entière. C’est l’ins-
trument essentiel de l’éducation permanente, le plus sûr, parce que le plus général.
Médiateurs du savoir culturel, les encyclopédistes doivent répondre à deux exi-
gences principales : offrir au lecteur le plus grand nombre d’informations utiles ; lui
permettre d’acquérir les connaissances fondamentales de son temps, en dégageant
les concepts de base, en exposant les problèmes primordiaux et en se faisant l’écho
des grandes controverses.
A ces deux exigences, qui peuvent sembler opposées, correspondent deux types
d’ouvrages différents : le dictionnaire encyclopédique et l’encyclopédie.
Le premier a pour fonction de fournir des réponses précises et limitées aux ques-
tions du lecteur. Celles-ci forment un ensemble disparate parce que, provoquées par
les difficultés les plus diverses, elles ne sont pas unies par un réseau de relations
étroites. Elles constituent un catalogue hétérogène, et le dictionnaire, qui atomise le
savoir en une multitude d’informations classées alphabétiquement, s’avère plus apte
à répondre à ce faisceau d’interrogations : il n’est pas lu comme les autres ouvrages
didactiques, mais, véritable ordinateur, il est sans cesse interrogé, consulté comme
une autorité qui permet de vérifier une connaissance, de combler une lacune, de com-
prendre un terme inconnu.
L’encyclopédie, qu’elle soit ordonnée par matière ou alphabétiquement, se rap-
proche du traité didactique : tenant un discours suivi relativement homogène et rai-
sonné, elle ne cherche pas à accumuler les informations ou à les rendre le plus faci-
lement accessibles, mais se donne pour programme de restituer un savoir organisé.
Ce savoir, elle l’articule en fonction du groupe socio-culturel concerné et selon les
conceptions d’ensemble qui ont présidé à son élaboration : elle se veut plus signifi-
cative qu’exhaustive.
Pour répondre dans un même ouvrage à cette double interrogation _ information
et connaissance raisonnée _, la Grande Encyclopédie propose une solution originale
qui doit permettre au lecteur de mieux maîtriser le savoir de son temps et d’accéder
à une documentation abondante et précise.
On a fait un choix d’environ 8 000 entrées, classées par ordre alphabétique : concepts
généraux, biographies, périodes historiques, écoles ou mouvements philosophiques,
artistiques, musicaux ou littéraires, monographies (scientifiques, techniques, histo-
rico-historico-géographiques), etc. La liste de ces 8 000 articles est établie dans une
option résolument moderne, faisant porter l’éclairage sur ce qui concerne l’homme
contemporain. Non que soient écartées les notions du passé ou négligées les bases
fondamentales de notre civilisation. Aucune des connaissances essentielles n’étant
éliminée arbitrairement, il s’agit bien ici d’une somme du savoir humain, mais d’un
savoir envisagé selon l’image que nous nous en faisons aujourd’hui. C’est ainsi :
• que certaines disciplines connaissent un traitement de faveur, la technologie
certes, mais aussi les sciences de l’homme (biologie, psychologie, linguistique),
les sciences sociales (sociologie, anthropologie, éducation, information) et les
sciences économiques (économie politique, problèmes financiers, économie de
l’entreprise, management, droit social, urbanisme, etc.) ;
• que les disciplines modernes sont très largement traitées (l’informatique, par
exemple) ;
• que les sciences fondamentales sont envisagées dans leur aspect actuel (les
mathématiques modernes) ;
• que sont écartées les techniques désuètes ou par trop artisanales ;
• que les articles technologiques sont « humanisés », c’est-à-dire qu’ils ne sont
pas seulement une énumération de procédés, mais qu’ils montrent l’insertion de la
technique dans la vie sociale et économique ;
• que l’on met en évidence les personnages principaux de l’humanité, en expo-
sant clairement leur apport ;
• que l’on accorde à l’histoire économique, sociale et politique une très large
part, au détriment de l’histoire par trop anecdotique ;
• que la géographie fait la plus large place au développement économique, aux
niveaux de vie, à la démographie, à l’aménagement du territoire, aux problèmes
sociaux.
Afin d’assurer à la Grande Encyclopédie au double aspect d’information et de syn-
thèse, on utilise un système d’articles-dossiers. Les principaux articles sont, en effet,
conçus comme des ensembles complets, formant autant de dossiers sur les problèmes
fondamentaux. L’article-dossier juxtapose idées générales (traitées sous forme de
développements suivis) et documentation complémentaire (traitée généralement
sous forme de textes encadrés dans l’article ou placés à la fin). Quelques exemples
permettent de saisir l’intérêt et la nouveauté de ce traitement de l’information.
L’article-dossier accélérateur de particules comporte :
• Un texte général : principes ; accélération sous une différence de potentiel
continue ; accélération par induction magnétique, le bêtatron ; accélération réson-
nante ; accélération synchrone ; alternance des gradients de champ ; les nouvelles
générations d’accélérateurs ;
• Des documents annexes : chronologie des accélérateurs depuis 1919 ; biogra-
phies des grands spécialistes des accélérateurs ; bibliographie internationale ; ren-
vois vers les articles complémentaires de la Grande Encyclopédie et illustrations
photographiques.

L’article-dossier aériens (transports) comporte :


• Un texte général sur l’économie des transports aériens ;
• Une série de monographies sur les plus importantes sociétés de transport
aérien dans le monde ;
• Des renvois aux articles complémentaires de l’ouvrage ;
• Une bibliographie internationale ;
• Une série de photographies illustrant l’ensemble de l’article.

L’article-dossier Brecht (Bertolt) comporte :


• Un texte général sur l’évolution de l’homme et de l’oeuvre ;
• Une chronologie de la vie de Brecht ;
• Une chronologie de l’oeuvre dramatique de Brecht, avec les dates de compo-
sition et de création ;
• Une chronologie de l’oeuvre de Brecht poète, conteur, romancier et critique ;
• Un texte sur le Berliner Ensemble ;
• Les biographies de principaux collaborateurs de Brecht (L. Feuchtwanger,
E. Piscator, E. Engel, K. Weill, P. Dessau, H. Eisler, C. Neher, H. Weigel) ;
• L’analyse d’une pièce de Brecht, prise comme modèle de la nouvelle drama-
turgie : le cercle de craie caucasien ;
• Une bibliographie des ouvrages français, allemands, anglo-saxons, italiens et
norvégiens consacrés à Brecht ;
• De nombreuses illustrations.

Cette méthode permet de traiter les thèmes choisis aussi complètement que possible.
Elle satisfait au désir de comprendre, grâce à la synthèse ; au souci d’être renseigné
sans lacunes, grâce aux documents complémentaires riches en informations précises;
à la curiosité d’en savoir plus, grâce aussi aux bibliographies internationales.
Documentaire et éducative, la Grande Encyclopédie est écrite par des auteurs qui
ont satisfait à de nombreuses exigences : valeur scientifique ; objectivité en matière
philosophique, politique ou religieuse ; aptitude à « faire comprendre », à composer
dans un style vivant faisant appel aux procédés modernes d’expression ; souci de
participer à une oeuvre d’équipe exigeant que chacun entre dans le jeu proposé.
Ces collaborateurs français et étrangers – on en compte près de mille – sont choi-
sis parmi les meilleurs spécialistes actuels : professeurs, chercheurs, conservateurs
de musée, écrivains et critiques, journalistes, ingénieurs et techniciens, médecins,
cadres supérieurs des entreprises, officiers, représentants des grandes familles reli-
gieuses, etc.
L’équipe rédactionnelle Larousse a travaillé continuellement avec ces spécialistes,
tant au niveau de l’élaboration des textes qu’à celui de leur réalisation, afin d’assu-
rer à l’ensemble sa cohésion. On s’est efforcé d’éviter toute étroitesse d’esprit, de
déborder largement le cadre français, de faire oeuvre à vocation internationale.
Souvent à court de temps, le possesseur d’un grand ouvrage n’admet pas de cher-
cher longuement le renseignement qu’il désire. Aussi, à l’instar des informaticiens,
les auteurs, ont-ils voulu lui assurer un accès direct et rapide à cette mémoire d’im-
mense capacité que représente la Grande Encyclopédie ; soucieux d’efficacité, ils ont
tenu à effacer les « bruits » et les « silences » qui auraient rendu la communication
difficile ou même impossible, et ils ont à cette fin multiplié les renvois qui orientent
le lecteur en lui évitant toute recherche vaine ou inutile. Surtout, ils ont complété
l’ouvrage d’un index détaillé, immense répertoire alphabétique de toute l’informa-
tion contenue, qui en assure l’utilisation intégrale et sans détours.
La Grande Encyclopédie utilise – est-il besoin de le souligner – la couleur comme
moyen d’expression. En cela aussi, elle est en accord avec ses contemporains, qui ne
peuvent plus accepter une vision incomplète de la réalité.

Enfin, rassurons le lecteur qui craindrait de voir se périmer trop rapidement les
textes qui lui sont proposés : une mise à jour est prévue et, périodiquement, après
la publication de l’ouvrage, paraîtront des volumes qui répondront à cette nécessité,
donnant ainsi à son possesseur la garantie que les années n’entameront pas la valeur
de la collection.
A l’opposé d’oeuvres qui, se disant encyclopédiques, se satisfont, en vérité, de
grouper sans plan d’ensemble des articles hétérogènes, c’est une structure très élabo-
rée que propose la Grande Encyclopédie. Le dessein est ambitieux, mais il revenait
à une entreprise forte de sa tradition et de la confiance de son public de le réaliser.

LES ÉDITEURS
A

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

aux rapports de l’architecture et de la D’étape en étape, la thématique verte du pétrole dans le Khzistn fit ap-
Aalto (Alvar) nature ambiante (Paimio). d’Aalto s’enrichit, se développe selon paraître les conditions favorables à l’im-
une logique propre que caractérise, en plantation d’une raffinerie dans l’île,
En même temps, Aalto, prolongeant
Architecte finlandais (Kuortane 1898 - face de chaque programme, la vigilance proche du port de Khurramchhr, au
à l’intérieur des édifices son effort
Helsinki 1976). apportée à ses données spécifiques et débouché du Krn (navigable jusqu’à
d’harmonisation de l’environnement,
Parmi les maîtres de l’architecture concrètes. Deux facteurs commandent Ahvz). La construction de la raffinerie
s’occupe de sélectionner les matériaux,
moderne, avant tout bâtisseur, hostile l’oeuvre : sa destination, qui détermine entre 1910 et 1913 provoqua un déve-
de créer le mobilier, le luminaire et les
aux théories et aux systématisations l’agencement d’un espace interne à la loppement rapide de la localité. La po-
accessoires (poignées de portes, tis-
d’allure prophétique, Aalto est sans fois continu et souplement différen- pulation atteignait 100 000 habitants en
sus, verrerie) qui s’accorderont avec
doute celui qui accorde aux facteurs cié ; sa mise en harmonie avec le site, 1943 (le quart de cette population était
l’architecture et rendront superflu tout
humains la plus nette primauté. la topographie (y compris l’utilisation employée dans l’industrie pétrolière),
décor peint ou sculpté. Il met au point
des accidents du terrain). L’aspect ex- 226 000 en 1956, environ 300 000 en
S’il se veut « au service de l’homme la fabrication de sièges en bois laminé
terne des bâtiments et des ensembles, 1965. Toutefois, l’emploi dans la raf-
même quand il est petit, malheureux et et courbé, dont la réputation mondiale
l’articulation asymétrique de leurs plans finerie n’a pratiquement pas augmenté
malade », l’attention qu’il porte à la vie dure encore, comme se poursuit l’acti-
dépendent de ces deux facteurs, à l’ex- depuis 1943 : la quantité de pétrole raf-
résulte non d’un plat sentimentalisme, vité de la maison Artek, fondée en 1931
clusion de tout préalable esthétique, de finé plafonne légèrement au-dessus de
mais d’une adhésion à caractère presque pour l’étude et la diffusion de cet en-
toute règle. Et cette soumission à des 20 Mt, et la raffinerie ne fait plus guère
religieux. Il s’est ainsi refusé, dans un semble de produits.
impératifs essentiels devient l’occasion appel qu’à la moitié de la population
projet de cimetière pour le Danemark, En 1933, Aalto ouvre son agence à
d’un enrichissement formel qui, même active de la ville. Le développement
à équiper le crématoire d’un monte- Helsinki. Sa notoriété à l’étranger re-
dans ses moments de baroquisme, récent est pratiquement indépendant de
charge : à ses yeux, c’est aux vivants de monte aux pavillons finlandais qu’il édi-
échappe à la gratuité. Proche sous ce l’industrie pétrolière. bdn a, d’autre
transporter les morts. Surtout, comme fie pour les Expositions de Paris (1937)
rapport de l’architecture « organique » part, cessé toutes ses activités por-
le remarque son disciple italien Leo- et de New York (1939), remarquables
d’un F. L. Wright*, Aalto lui est égale- tuaires. Le port, accessible seulement
nardo Mosso (dans Architecture d’au- par leur utilisation du bois, matériau na-
ment apparenté par son usage subtil et aux navires de moins de 20 000 t par le
jourd’hui, no 134, oct.-nov. 1967), il tional, et par leurs grandes parois incli- sensuel des matériaux : bois dans toutes Chatt ul-arab, n’assure plus aujourd’hui
est un de ces architectes dont la disci- nées et ondulantes, rythmant un espace
ses variétés d’emploi, granite, brique, l’exportation des produits de la raffine-
pline tend à recouvrir l’intégralité des interne ininterrompu. En 1940, Aalto céramique, cuivre, marbre plus récem- rie ; on utilise depuis 1966 le port artifi-
problèmes humains. Philosophie, his- devient professeur à l’Institut de tech- ment. Enfin, sa maîtrise technologique ciel de Bandar Machur, creusé à grands
toire et faits sociaux, nature, science et nologie du Massachusetts. Quelques se manifeste par une utilisation à bon frais dans les alluvions du fond du golfe
art sont pris en charge dans un même années après la guerre, il reprend son escient de la machine. À Vuoksenniska, et accessible aux navires de 40 000 t.
processus de création, perpétuellement activité en Finlande et, bientôt, répond des parois mobiles actionnées électri- Une partie des produits est d’ailleurs
évolutif. à de multiples commandes hors de son quement peuvent subdiviser l’église en dirigée vers l’intérieur du pays, essen-
Après le « romantisme national » du pays. On peut classer ses oeuvres princi- trois salles distinctes, qui s’expriment tiellement par le pipe-line tous-produits
commencement du siècle, qu’illustre un pales selon leur fonction : au-dehors par la triple courbure gauchie bdn-Téhéran.
Eliel Saarinen*, l’architecture finlan- — Établissements industriels (usine du mur, courbure obéissant à des condi-
bdn fait maintenant surtout figure
daise traversait vers le début des années de cellulose de Sunila, avec logements, tions acoustiques tout en faisant vibrer
de centre régional, attirant la population
20 une phase de réaction néo-classique, 1935-1939) ; une lumière naturelle ou artificielle très
descendue des montagnes du Luristn,
sans que fussent tout à fait oubliées les — Bâtiments publics (hôtel de ville étudiée, arrivant des parties hautes de
du Kurdistn et même du Frs. Sa
traditions locales : individualisme pro- de Säynätsalo, 1949-1952 ; Institut des l’édifice : ensemble qui répond, dans
zone d’influence sur le plateau iranien
testant, sens du confort quotidien en retraites populaires d’Helsinki, 1952- sa pureté, à l’impératif du programme
approche Ispahan et n’est guère limitée
même temps que virilité et aspirations 1956 ; auditorium municipal et siège — en l’occurrence, une atmosphère de
que par celle de Téhéran.
spirituelles liées à la nature et au climat. des Congrès, ibid., 1968-1972) ; recueillement —, en même temps qu’il
Aalto ouvre un cabinet à Jyväskylä en — Locaux universitaires et culturels Au centre de la ville s’étend la raf-
postule la liberté de création de l’archi-
1923. Entre 1927 et 1933, ce cabinet (dortoir à l’Institut de technologie du finerie. Les quartiers résidentiels, qui
tecte.
ayant été transféré à Turku, il réalise Massachusetts, 1948 ; École normale de en groupent le personnel, sont d’aspect
G. G.
ses premières oeuvres marquantes : professeurs de Jyväskylä, 1952-1957 ; moderne et de conception planifiée et
A. Aalto, Architecture and Furniture (New

l’immeuble du journal Turun Sanomat, maison de la culture d’Helsinki, 1955- York, 1938). / A. Aalto (sous la dir. de), Alvar systématique, mais de niveau social

à Turku, le sanatorium de Paimio et la 1958 ; École polytechnique d’Otaniemi, Aalto (Zurich, 1963). / K. Fleig, Alvar Aalto (Zu- soigneusement délimité. Les cités ou-
rich, 1963-1971, 2 vol.).
bibliothèque de Viipuri (Vyborg). Par 1955-1965 ; centre culturel de Wolfs- vrières proprement dites (Bahmanchr,

leur netteté fonctionnelle et leurs inno- burg, 1958-1963, et opéra d’Essen, Farhabd, Bahr, Djamchid) se

vations techniques (éclairage zénithal 1962-1965, en Allemagne) ; groupent au nord-est de l’aggloméra-

par lanterneaux ; projection à grande — Églises (de Vuoksenniska, près tion, à l’arrière de la palmeraie qui
bdn longe le Bahmanchr ; elles alignent des
échelle, dans une vitrine, de la première d’Imatra, 1956-1959 ; de Seinäjoki,
page du Turun Sanomat), ces édifices se 1960 ; centre paroissial de Wolfsburg, files de petites maisons aux cours closes
V. d’Iran, au fond du golfe Persique ; de murs stricts, encore très adaptées
rattachent encore au rationalisme prôné, 1959-1962) ;
300 000 hab. aux habitudes familiales orientales. Les
pour la nouvelle civilisation machiniste, — Immeubles d’habitation (à Berlin,
par Gropius* ou par Le Corbusier*. dans le quartier expérimental Hansa, Îlot industriel implanté artificielle- quartiers de cadres moyens (Bawarda au

Mais ils innovent aussi par des qualités 1955-1957) ; ment par une société pétrolière dans un sud) et supérieurs (Park Area et Braim

spécifiques — qui se retrouvent partiel- — Maisons (villa Mairea à Noor- pays sous-développé, bdn repré- au nord-ouest, près du Chatt ul-arab)

lement dans l’oeuvre du Suédois Gun- markku, 1937-1939 ; villa du marchand sente un phénomène urbain unique en présentent un aspect européen aisé avec

nar Asplund (1885-1940) : vigueur et de tableaux français Louis Carré à Ba- Iran. leurs villas éparses.

liberté inventive (poteaux asymétriques zoches-sur-Guyonne, 1956-1959) ; Au début du XXe s., un village de Le développement spontané a agglo-
de la salle des machines du journal ; pla- — Travaux d’urbanisme (plans géné- quelques centaines d’habitants occupait méré progressivement autour des créa-
fond en lattes de bois, ondulé à des fins raux, dans l’après-guerre, pour Imatra et une partie de l’île alluviale d’bdn, tions de l’ex-Anglo-Iranian Oil Com-
acoustiques, de la salle de conférences à Rovaniemi ; plan pour le centre d’Hel- étirée entre le Bahmanchr (émissaire pany des organismes beaucoup plus
Viipuri), considération accordée au site, sinki). du Krn) et le Chatt ul-arab. La décou- rudimentaires, sans équipement col-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

lectif, à habitat traditionnel beaucoup au gradin disloque la tranche de terrain habituellement 8 à 15 m. Les trous lé- appelée havage, faite par une haveuse ;
plus dense, où seul le quadrillage du délimitée par cette ligne, alors qu’un gèrement inclinés par rapport à la pente cette machine possède un cadre long
plan révèle une certaine systématisa- coup isolé n’abat que le dièdre dont du gradin sont plus efficaces, mais plus et mince engagé dans le massif, autour
tion : bdn-ville, quartier du bazar, il est l’arête. Les détonateurs allumés difficiles à forer. Dans quelques exploi- duquel circule une chaîne munie de pics
qui groupe commerce et artisanat au sud électriquement, amorces électriques tations, on fore des trous jusqu’à 40 m. qui scie progressivement le charbon sur
immédiat de la raffinerie ; Ahmadbd, instantanées, ont remplacé les mèches Les diamètres utilisés s’échelonnent de le front du chantier. En longue taille, on
quartier de résidence pauvre à l’est du lentes et assurent la simultanéité des 70 à 350 mm. Les Suédois forent des utilise une haveuse ripante halée par
bazar ; enfin de véritables bidonvilles détonations. Habituellement, un déto- trous de faible diamètre, mais rappro- un treuil incorporé le long du front, au
(Krn, Kafcheh, Ab al-Hasan), qui nateur est placé dans chaque trou. On chés ; les Américains préfèrent les gros fur et à mesure de son travail. Habituel-
passent peu à peu à une banlieue rurale peut aussi, en carrière notamment, relier trous espacés. Dans l’un et l’autre cas, lement, afin de réduire le porte-à-faux
dans la palmeraie. À la ville « étran- les trous par un cordeau détonant ; il le poids d’explosif au mètre cube abattu du soutènement, la haveuse est placée
gère » s’est peu à peu soudée une agglo- suffit alors d’un détonateur pour la est le même, mais le prix de revient du sur le convoyeur blindé et glisse sur les
mération autochtone spontanée. mise à feu de la volée. Si la volée com- forage et de la préparation du tir peut rebords de celui-ci.
X. P. porte des trous à inégales distances de différer, de même que la fragmentation
Dans les houillères américaines, où
la surface libre, ceux qui sont situés le du terrain.
l’exploitation est faite par l’avancement
plus près doivent détoner les premiers, Les trous de faible à moyen diamètre d’une série de chantiers parallèles de 5 à
créant ainsi une nouvelle surface libre sont forés soit avec un lourd marteau 9 m de front, les haveuses sont automo-
abattage utilisée par les trous suivants ; pour perforateur qui reste en surface, soit trices sur chenilles ou, mieux, sur pneus
cela, on emploie des amorces à retard avec un marteau qui descend dans le pour se déplacer d’un chantier au sui-
Opération primordiale de l’exploitation dans lesquelles une pastille combustible trou, soit encore avec une petite son- vant ; le havage d’un chantier se fait par
des mines et des carrières, consistant à constituant le retard est intercalée entre deuse rotative ; le curage est fait par un mouvement de fauchage du bras de
fragmenter le terrain en morceaux qui l’allumette électrique et le détonateur. injection d’air à travers les tiges ; le la haveuse, dont le corps reste fixe. Ces
seront chargés dans les engins de trans- Les retards ordinaires sont calibrés en tout est monté sur un châssis qui, si la machines sont souvent à tête univer-
port. demi-secondes. On utilise souvent les machine est lourde, est automoteur sur selle, permettant de haver des chantiers
microretards échelonnés en centièmes pneus ou sur chenilles pour aller d’un plus larges, de régler la hauteur du ha-
Abattage à l’explosif de seconde : l’ébranlement provoqué trou au suivant ; ces machines peuvent vage et de faire des rouillures verticales
par les premiers coups n’est pas ter- généralement forer des trous inclinés.
Indispensable dans les terrains durs, en croix sur le havage, ce qui améliore
miné quand survient la détonation des
il est remplacé dans les terrains plus Les trous de gros diamètre sont main- l’efficacité de l’explosif : celui-ci tra-
suivants, d’où une meilleure efficacité.
tendres par l’abattage mécanique sans tenant forés avec une machine rotary vaille alors par rapport à deux surfaces
Dans les exploitations à ciel ouvert, on
explosif. La frontière entre ces deux travaillant comme les sondeuses pour libres orthogonales, ce qui permet de
tire avec microretards plusieurs lignes
méthodes dépend de la puissance des pétrole, par rotation d’un trépan à mo- réduire le nombre de trous.
de trous parallèles, réalisant l’abattage
machines capables de mordre dans le lettes, mais ici avec curage par injection Diverses mines dans lesquelles le ter-
de dizaines de milliers de tonnes, par-
terrain. Chaque fois que c’est possible, d’air. Ces grosses machines à moteur rain n’est pas trop coriace pour les pics
fois un million de tonnes.
on évite l’explosif, qui est coûteux et Diesel, automotrices sur chenilles, ne (potasse, gypse, sel) pratiquent aussi le
complique les opérations. forent en principe que des trous verti- havage. Dans les mines de fer lorraines,
Forage des trous de mine
caux. les rognons durs ont fait échouer les
• Exploitation souterraine. Les trous
Principes d’emploi Dans des terrains relativement essais de havage.
sont de faible diamètre (30 à 45 mm)
Placé dans un trou de mine, l’explosif tendres, comme les bauxites latéritiques,
parce qu’ils sont relativement rappro-
disloque le volume compris entre ce trou on fore avec une tarière rotative dont les
chés et de faible profondeur (2 à 3,5 m). Explosifs utilisés
et une surface libre. Il doit se trouver à tiges en vis d’Archimède remontent les
S’il y a peu de trous à forer dans un Dans les houillères, leur choix est stricte-
distance convenable de cette surface : débris de forage.
ment limité pour des motifs de sécurité.
trop loin, il fera camouflet ; trop près, il quartier, on utilise actuellement encore
Dans des terrains durs cristallins Afin de ne pas risquer d’allumer le grisou ou
donnera trop de projections. L’objectif un outil individuel tenu à la main : mar-
comme les taconites (quartzites ferri- les poussières de charbon, on n’utilise, en
du tir est de fragmenter, non de projeter teau perforateur pneumatique ou, dans
fères) ou les granites, on peut employer exploitation, que des explosifs faibles dont
ni de broyer. les terrains plus tendres comme le char- les gaz de détonation sortent à température
le jet piercing, chalumeau à fuel et oxy-
bon, perforatrice rotative pneumatique relativement basse, tout en étant libérés
L’efficacité est optimale lorsque le gène alimenté à partir d’un réservoir à
ou électrique. L’emploi d’une canne té- avec une grande rapidité pour ne pas avoir
trou de mine est parallèle à une surface oxygène liquide, avec refroidissement
lescopique pneumatique qui supporte le le temps d’enflammer le grisou. Ce sont les
libre. En mine souterraine, on cherche du brûleur par injection d’eau. La
explosifs de sécurité ; il entre généralement
marteau diminue la fatigue de l’ouvrier.
à créer, dans le front du chantier, une flamme sort à 3 000 °C et à 5 700 km/h ; dans leur composition une forte proportion
En terrain siliceux, le forage se fait avec
coupure ou un redent permettant d’avoir elle creuse le trou par érosion et décré- de chlorure de sodium, comme élément
injection d’eau à travers le fleuret creux
les trous parallèles à une surface libre ; pitation de la roche provoquées par les de refroidissement, et du nitrate d’ammo-
pour éviter la silicose des poumons, pro- niaque mêlé à d’autres matières explosives.
en l’absence de redent, ou pour préparer tensions internes dues aux différences
voquée par les poussières. Pour le charbon, la brisance n’est pas recher-
celui-ci, on fore les trous en biais sur le de température et de dilatation des cris-
chée ; on désire fracturer le massif et non
front, mais l’efficacité de l’explosif y S’il y a un grand nombre de trous à taux. Actuellement, on expérimente
le broyer en poussières de moindre valeur
est moindre. En carrière, on travaille forer, on utilise un jumbo qui porte une des flame jet, qui utilisent des corps
commerciale.
par gradins presque verticaux ; les trous ou plusieurs perforatrices lourdes per- analogues aux propergols (composés
Dans les mines métalliques, on recherche
de mine sont verticaux ou à l’inclinai- mettant de forer rapidement les trous et, nitriques, etc.).
les explosifs bon marché, donnant le prix
son du gradin. éventuellement, de les faire de plus gros de revient minimal. Dans les mines de fer

Le tir coup par coup est rare. On géné- diamètre. Le jumbo est généralement Havage lorraines, le tir à l’oxygène liquide, écono-
automoteur sur pneus ou sur chenilles, mique, est très employé. Les cartouches
ralise le tir en volée d’un grand nombre Dans les mines de charbon dur, pour
plus rarement sur rails, pour aller d’un contiennent des matières combustibles fi-
de trous allumés simultanément, ce qui améliorer le travail de l’explosif et en
nement concassées (sciure de bois, de liège,
chantier au suivant.
n’exige l’évacuation du chantier que réduire fortement la consommation, etc.) ; on les imbibe d’oxygène liquide par
pour chaque volée et améliore l’effica- • Exploitation à ciel ouvert. Les trous on creuse dans la couche une saignée trempage dans un vase à double paroi avant
cité de l’explosif ; dans une carrière, la de mine verticaux sont de longueur un parallèle à son mur, de faible épaisseur de les introduire dans les trous. Les chantiers

détonation d’une ligne de trous parallèle peu supérieure à la hauteur du gradin, et de la profondeur des trous de mine, sont approvisionnés en oxygène liquide à

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

partir du réservoir de stockage au jour par d’une dimension moyenne de 3 à 30 cm et la couche soit suffisamment régulière à une extrémité de la machine. En même
des bonbonnes amenées sur lorries. quelques morceaux de 3 m à l’intérieur du pour permettre la marche normale de ces temps, la puissance a été fortement aug-
cratère. Rapporté à l’énergie libérée, l’explo-
En 1955, pour la première fois, du nitrate coûteux engins. Ces machines sont des mentée : les premières haveuses avaient
sif nucléaire est meilleur marché que l’explo-
d’ammoniaque granulé du commerce, ma- abatteuses-chargeuses, qui chargent un moteur de l’ordre de 30 kW ; on est
sif classique. La contamination radio-active
laxé avec 6 à 9 p. 100 de fuel ou de gas-oil,
est diminuée par des matières absorbant les dans l’engin de transport ce qu’elles passé à 100 kW avec les haveuses à
a été employé comme explosif aux États-
neutrons, placées autour de l’explosif. abattent. La plupart des minerais sont
Unis ; depuis, en raison de son très bas prix, rotor, puis à 200 kW pour les rangings.
le nitrate-fuel est utilisé dans toutes les beaucoup plus durs que le charbon, et
Dans les houillères britanniques, on
carrières du monde. Le mélange est amené les pics des abatteuses-chargeuses ne
emploie aussi, dans les mêmes condi-
tout fait dans un camion-citerne ou pré- Abattage hydraulique peuvent les attaquer ; mais certains,
tions, des trepanners, dans lesquels
paré sur place dans une bétonnière ; après comme ceux de potasse ou de phos-
avoir placé au fond du trou une cartouche L’infusion d’eau sous pression dans le deux rotors, un à chaque extrémité de la
phate, peuvent être abattus mécanique-
d’explosif classique servant d’amorce, on massif de charbon pour l’attendrir et machine, ont leur axe parallèle au front
ment avec les mêmes types de machines
verse les granulés en vrac dans le trou ou, diminuer les poussières soulevées par de taille. Dans les mines de potasse on
si celui-ci est humide, on les met dans des que ceux des houillères. Dans les exploi-
l’abattage est devenue de pratique cou- utilise des haveuses ranging de 400 kW.
sacs en plastique. Cet explosif est mainte- tations à ciel ouvert, la puissance des
rante dans les houillères européennes.
nant employé aussi en mines souterraines ; engins de chargement permet à ceux-ci
le mélange est projeté dans les trous par un On fore dans le front de taille des trous Rabot
d’attaquer directement un gradin relati-
éjecteur à air comprimé ; il doit être bien analogues à des trous de mine et dans
vement tendre. Lorsque le charbon n’est pas très dur —
dosé pour que les fumées du tir n’aient pas lesquels on introduit une canne creuse
de vapeurs nitriques nocives. cas habituel des houillères du Pas-de-
raccordée à une canalisation d’eau sous Abatteuses-chargeuses dérivées Calais, de Belgique, d’Allemagne —, il
Les bouillies, ou gelées, sont des mé- pression. Le but recherché était, au de la haveuse
langes complexes de nitrates et de subs- est inutile d’utiliser une haveuse à rotor.
début, d’humidifier le charbon, mais on
tances diverses explosives (trinitrotoluol) La haveuse classique, dans une couche L’engin d’abattage-chargement d’em-
s’est aperçu qu’avec une forte pression
ou non (poudre d’aluminium) avec environ assez tendre, joue le rôle d’abatteuse :
d’eau on créait une fracturation qui faci- ploi général est alors le rabot, sorte de
15 p. 100 d’eau gélifiée au moment de l’em-
le charbon havé s’effondre presque tout
litait l’abattage. charrue à charbon tirée en va-et-vient le
ploi par une gomme. Ces nouveaux explo-
seul, au besoin aidé par l’emploi du
sifs sont plus chers que le nitrate-fuel, mais long du front de taille par une chaîne sans
À ciel ouvert, un gros jet d’eau sous marteau piqueur. La haveuse, qui a fait
plus efficaces dans les roches dures, l’eau fin passant sur deux têtes motrices fixées
5 à 10 bars, sortant d’une lance géante
augmentant la densité et la vitesse de déto- la saignée en remontant la taille, peut,
aux extrémités du convoyeur blindé. Le
nation, ainsi que la pression. d’au moins 75 mm de diamètre mon- en descendant, charger le charbon dans
tée sur affût, appelée monitor, peut coutre d’attaque, vertical, possède des
La consommation d’explosif à la tonne le convoyeur blindé : on remplace les
être utilisé pour l’abattage de terrains pics qui, sous la traction de la chaîne,
abattue dépend essentiellement de la du- pics par des palettes et on fait tourner
reté du terrain et des conditions du tir ; elle meubles tels que des alluvions récentes. mordent dans le charbon et en disloquent
la chaîne de havage en sens inverse.
varie entre 50 et plus de 500 g/t. Elle est plus Les sables et graviers entraînés par l’eau des plaques épaisses de 4 à 8 cm, les-
Pour des charbons durs, on a utilisé des
grande en mine souterraine qu’en exploita- s’écoulent dans des rigoles. Cette tech- haveuses à deux bras superposés, avec quelles tombent dans le convoyeur
tion à ciel ouvert.
nique, qui utilise environ 20 m3 d’eau un champignon tournant garni de pics, blindé. Le rabot est symétrique, de sorte
Emploi de fluides gazeux comprimés par mètre cube abattu, est employée monté sur l’extrémité du bras inférieur, qu’il travaille dans les deux sens de son
pour des alluvions (aurifères, stanni- qui achève de disloquer le charbon. va-et-vient. Pour mordre dans le char-
L’échappement brutal d’un gaz à très haute
pression au fond d’un trou de mine produit fères, titanifères, etc.). Certaines haveuses ont en plus un cadre bon, il est pressé contre le front par le
un effet comparable à celui d’un explosif vertical qui coupe le massif par-derrière,
Dans des houillères souterraines, convoyeur blindé, lui-même poussé par
faible, utilisable pour l’abattage du charbon.
les Soviétiques réalisent l’abattage par parallèlement au front, ou une barre des pousseurs pneumatiques répartis sur
Dans le procédé Cardox, on chauffe par un
jet d’eau à très haute pression (envi- tournante horizontale garnie de pics, ani- sa longueur. Dans certains rabots, les
allumeur électrique une charge de bioxyde
ron 100 bars). Le jet qui sort à environ mée d’un lent mouvement oscillatoire.
de carbone liquide placée dans un cylindre pics reliés hydrauliquement se déplacent
d’acier. Dans le tir à l’air comprimé, pro- 500 km/h de la lance, distante de moins D’autres haveuses ont un cadre en forme
mutuellement.
cédés Airdox et autres, un cylindre d’acier de 10 m du massif de charbon, est tel- d’anneau perpendiculaire au front.
fermé par un opercule, placé dans le trou Dans une grande taille mécanisée, si
lement dangereux que la lance, montée L’emploi de la haveuse intégrale, ou
de mine, reçoit de l’air comprimé à envi- les conditions sont favorables, on abat
sur patins, doit être télécommandée. Les haveuse à rotor, se généralise dans les
ron 800 bars. Sous la pression, l’opercule plus de 2 000 t par jour avec un rabot,
morceaux de charbon, disloqués par le tailles à charbon dur. Cette abatteuse-
se rompt, et l’échappement de l’air produit
une haveuse ranging ou un trepanner.
l’abattage. Il faut un compresseur spécial, un jet, s’écoulent avec l’eau dans des gout- chargeuse a son corps identique à celui
réseau de tuyaux de cuivre de très faible dia- tières et des tuyaux. Dans la formule Certaines tailles exceptionnelles dé-
d’une haveuse classique, mais le cadre
mètre, des vannes de tir ; mais on économise d’hydromécanisation complète, le mé- passent 5 000 t par jour.
de havage est remplacé par un tambour
le prix de l’explosif. Ce procédé est assez ré- lange d’eau et de charbon est remonté rotatif à axe perpendiculaire au front,
pandu dans les charbonnages américains et
au jour par pompage. En Tchécoslo- portant des pics répartis en hélice sur sa Mineur continu
dans quelques houillères françaises.
vaquie, on utilise aussi cette technique. périphérie qui désagrègent le charbon En Amérique, les constructeurs ont mis
Emploi de l’explosif nucléaire Des essais d’abattage hydraulique sont sur une profondeur de 30 à 50 cm. Dans au point pour les houillères des mineurs
D’après des essais américains, l’explosif nu- en cours dans plusieurs pays avec des une couche épaisse, le tambour serait continus, lourdes abatteuses-chargeuses
cléaire peut être employé dans des régions pressions allant jusqu’à 300 bars. de diamètre insuffisant ; on utilise une sur chenilles adaptées aux chantiers
subdésertiques pour broyer in situ un gros
D’autres techniques d’abattage font haveuse double à deux rotors superpo-
amas de minerai à basse teneur ou pour dé- classiques de 5 à 9 m de large. Le prin-
l’objet de recherches : vibrations par sés. Ces haveuses à rotor, comme les
blayer des terrains de recouvrement d’une cipe général en est d’attaquer le front par
ultrasons, électrodynamique, choc ther- haveuses ordinaires, ne travaillent que
épaisseur supérieure à 60 m, en creusant des rotors garnis de pics, les fragments
une excavation d’une dimension jusque-là mique, etc. dans un seul sens de marche, en remon-
abattus étant ramenés sur un convoyeur
impossible. Dans l’essai SEDAN du désert tant la taille, car le treuil de halage est
central qui les évacue à l’arrière, où ils
du Nevada, un explosif thermonucléaire situé à une extrémité de la machine ; le
Abattage mécanique en tombent dans l’engin de transport ; la
d’une puissance de 100 kt placé à 190 m de retour au bas de la taille se fait à vide,
profondeur dans un trou de sonde tubé de mine souterraine machine avance sur ses chenilles au fur
d’où un temps mort. Les machines sy-
90 cm de diamètre, bourré avec du sable, a
Actuellement, quelle que soit la dureté métriques, travaillant dans les deux sens et à mesure de l’abattage. La production
fait un cratère de 370 m de diamètre et de
d’un charbon, on sait l’abattre mécani- de marche, constituent un progrès ré- d’un mineur continu dépasse 100 t/h
100 m de profondeur en projetant environ

5 millions de mètres cubes de matériaux. Un quement par des machines appropriées, cent. On a ainsi des haveuses ranging à dans des conditions favorables. Pour le
essai dans du basalte a donné des fragments munies de robustes pics, mais il faut que deux rotors réglables en hauteur, chacun minerai de potasse, plus dur que le char-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

bon, ces machines pèsent jusqu’à 200 t sement ni chevauchement entre animaux carcasses ; aussi, les nouveaux abattoirs est fendue en deux moitiés avant d’être
vivants et viande, et, dans toute la mesure
avec une puissance de 1 500 ch. s’installent-ils près des centres de pro- dirigée vers les salles de réfrigération.
du possible, entre viandes et sous-produits
J. A. duction, c’est-à-dire un coeur des princi- L’ensemble des opérations 3 et 4 corres-
ou déchets ;
Exploitation souterraine et à ciel ouvert / Ex- pales régions d’élevage. On tend ainsi à pond à ce que l’on appelle l’habillage.
traction dans les mines / Mines et carrières. • l’inspection de la salubrité et de la qua-
préférer le « circuit mort », ou « circuit
lité des denrées animales ou d’origine ani- 5. Le 5e quartier (les quatre autres cor-
forain » (transport des carcasses), au
male destinées à la consommation ; respondant à la carcasse, qui est par-
« circuit vif » (transport des animaux
• la détermination et la surveillance des tie vers la réfrigération) fait l’objet
vivants).
conditions d’hygiène dans lesquelles ces d’un travail particulier et variable en
abattoir denrées sont préparées et conservées, no- fonction des différentes parties qui le
tamment lors de leur transport et de leur
L’organisation interne composent. On y distingue : les abats
Un des maillons essentiels du circuit de mise en vente.
blancs (estomac et pieds), les abats
la viande, dont la fonction principale est Cette réglementation vise donc autant Différentes opérations s’effectuent suc-
rouges (rate, poumons, coeur, langue,
d’abattre les animaux et de les trans- l’abattage des animaux que la préparation cessivement sur la chaîne d’abattage.
foie, joues, cervelle) et les issues (cuir,
former en différents produits (viande des produits carnés qui en sont issus. 1. C’est tout d’abord l’assommage (gros
sang, boyaux, péritoine, graisse péri-
en carcasses [ou, de plus en plus, en bovins et veaux), en général au pisto-
viscérale, vessie, cornes, sans oublier
morceaux découpés], abats divers [foie, let, ou l’anesthésie (moutons, porcs et
L’évolution les glandes, qui sont de plus en plus
coeur, cervelle, langue, etc.]) et sous-pro- volailles), en général à l’électricité, sauf
demandées par les laboratoires pharma-
duits constituant des matières premières pour la préparation des viandes caw-
L’abattoir d’aujourd’hui n’a plus rien
ceutiques).
à destination alimentaire ou industrielle chères, où les animaux sont directement
à voir avec celui d’hier : c’est une
(suif, sang, boyaux, cuir, etc.). égorgés. 6. Les carcasses et les abats réfrigérés
usine. Le machinisme y a très large-
L’abattoir joue aussi un rôle éco- devront ensuite être ramenés dans des
ment pénétré : la division du travail 2. Les animaux étourdis sont immédia-
nomique important dans l’ajustement salles de vente.
est maintenant généralisée, ce qui tement levés par un membre postérieur
de l’offre et de la demande. Point de permet autant d’améliorer la produc- et accrochés sur le réseau aérien de
passage obligé pour tous les animaux, tivité du travailleur que de séparer les manutention. Ils sont alors saignés et
il est enfin le lieu où se réalise, grâce opérations sales (saignée, éviscération, égouttés. Le sang est récupéré : il sera Les formules nouvelles
à l’inspection sanitaire, le contrôle de traitement des viscères digestifs) des déshydraté en vue de faire de la farine de de distribution
la salubrité des produits destinés aux opérations propres (traitement de la sang, utilisée en alimentation animale.
Si la vente en carcasse est encore la plus
consommateurs. viande).
3. Les bovins et ovins sont alors dépouil- répandue, on voit néanmoins se déve-
Pour travailler dans des conditions lés (enlèvement des cuirs et peaux), tan- lopper des formes nouvelles de distri-
La réglementation des économiques satisfaisantes, l’abattoir dis que les porcs sont échaudés, rasés, bution, telles que les viandes en grosses
abattoirs doit avoir un volume d’activité suffi- brûlés et grattés, afin d’obtenir une pièces désossées, les viandes en petites
sant (au moins de l’ordre de 10 000 t de couenne propre et exempte de soies. Les
Dans tous les pays, des mesures législatives pièces conditionnées, les viandes ha-
et réglementaires sont prises dans l’intérêt viande nette pur an) et être capable de volailles, de leur côté, sont échaudées chées industriellement (pour le boeuf),
de la protection de la santé publique. Elles fonctionner régulièrement tout au long et plumées, la finition du plumage se les plats cuisinés, les conserves à base
prévoient, avec des modalités diverses : de l’année. faisant souvent à la cire (trempage de la de viande.
• l’inspection sanitaire des animaux bête dans un bain de cire).
Traditionnellement, les abattoirs
vivants présentés aux abattoirs, avant et Toutes ces spécialités sont préparées
étaient implantés près des lieux de 4. On ouvre ensuite la cavité abdomi-
après leur abattage ; directement dans des unités industrielles
consommation, c’est-à-dire à proxi- nale en vue de l’éviscération. Grâce à
• la détermination et le contrôle des annexées aux abattoirs afin de concilier
mité des centres urbains. Cependant, l’inspection sanitaire sont éliminés les
conditions d’hygiène dans lesquelles a les impératifs de l’hygiène (utilisation
le développement des équipements animaux dont les produits seraient im-
lieu l’abattage : la chaîne doit en effet continue du froid) et les nécessités éco-
présenter un cheminement continu, sans frigorifiques permet aujourd’hui de propres à la consommation. Puis, chez
nomiques (organisation du travail au
possibilité de retour en arrière, sans croi- transporter, sans aucun problème, les les gros bovins et les porcs, la carcasse
sein de ces unités spécialisées).
J. B.

Aviculture / Viande (industries de la).

‘Abbdides ou
Ban ‘Abbd

Dynastie arabe qui régna à Séville au


XIe s.

La fondation
de la dynastie
C’est le cadi de Séville Ab al-Qsim
Muammad ibn ‘Abbd qui fonde cette
dynastie en 1023, alors que le califat de
Cordoue se fragmente en principautés,
dites « royaumes de taifas » (mulk
al-aw’if). Son règne (1023-1042) est
consacré à la lutte contre les Djahwa-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

rides de Cordoue et les seigneuries du montre de plus en plus exigeant vis-à-vis souvent cruel, fera aveugler son père, place royale, on éleva sur une terrasse le
sud de l’Andalousie. des seigneurs musulmans et réclame à deux de ses frères et un de ses fils, et palais des « quarante colonnes », entouré
al-Mu‘tamid la cession d’une partie de en fera exécuter un autre. À l’extérieur, de jardins et précédé d’un miroir d’eau.

L’extension du royaume son royaume. il doit d’abord rester sur la défensive : Aussi Ispahan fut-elle, au dire des voya-
par le traité de Constantinople (1590), il geurs de l’époque, la plus belle ville du
Menacés, les rois de taifas appellent à
À la mort d’Ab al-Qsim en 1042,
renonce temporairement à lutter contre monde. ‘Abbs Ier le Grand mourut dans
leur secours le sultan almoravide Ysuf
son fils, un jeune homme de vingt-six les Ottomans. Il lui faut avant tout réor- le Mzandarn en 1629. La médiocrité
ibn Tchfn, qui règne au Maghreb. Ce
ans, Ab ‘Amr ‘Abbd ibn Muammad
ganiser son armée : deux Anglais, An- de ses successeurs allait bientôt entraî-
dernier répond à leur appel, inflige en
(roi de 1042 à 1069), plus connu sous thony et Robert Sherley, vont l’y aider. ner le déclin de son empire. Le Français
1086 aux chrétiens la lourde défaite
le nom d’al-Mu‘taid billh, continue ‘Abbs Ier dotera son artillerie de canons J. Chardin, qui séjourna en Perse, d’où
de Zalaca (al-Zallqa), puis rentre en
sa politique. Se présentant comme le de cuivre et se constituera une forte il nous rapporta un précieux Voyage en
Afrique. Après son départ, les chrétiens
défenseur de la cause arabo-andalouse armée permanente, en partie composée Perse et aux Indes orientales (1686),
reprennent leurs incursions contre les
contre les Berbères, al-Mu‘taid mène, de chrétiens convertis. Il profite de riva- devait écrire : « Quand ce grand prince
principautés musulmanes, qui implorent
à l’instar de son père, la lutte contre le lités intestines chez les Ouzbeks pour cessa de vivre, la Perse cessa de pros-
de nouveau l’aide du sultan berbère.
prince berbère de Carmona Muammad les attaquer et leur reprendre Mechhed pérer. »
Celui-ci accède à leur demande, mais
ibn ‘Abd Allh al-Birzl, puis contre le et Hart (1599). Puis, se tournant contre C. D.
bientôt se retourne contre elles et les
successeur de celui-ci, Isq. Il attaque les Ottomans, il envahit l’Azerbaïdjan Iran / Ispahan / Séfévides.
annexe à son empire.
ensuite d’autres principautés du sud de et remporte une victoire décisive près
L. L. Bellan, Chah Abbas Ier, sa vie, son his-
l’Andalousie et étend considérablement de Tabriz (1606) ; en 1623, il occupe toire (Geuthner, 1933).
le territoire de son royaume. Inquiets des La chute des ‘Abbdides
Bagdad, mais pour peu de temps, car,
entreprises d’al-Mu‘taid, les autres rois Le royaume de Séville résiste héroïque- dès 1638, le sultan Murad IV récupé-
de taifas forment une alliance qui groupe ment aux troupes almoravides. Cepen- rera définitivement la Mésopotamie. Au
les princes de Badajoz, d’Algésiras, de dant, à la fin de 1090, l’armée d’ibn sud de son royaume, ‘Abbs Ier enlève, ‘Abbssides
Grenade et de Málaga. Tout en soute- Tchfn parvient à occuper Tarifa, Cor- avec l’aide des Anglais, Ormuz aux
nant une guerre contre cette coalition et doue et enfin la capitale, Séville. Fait Portugais, qui y étaient installés depuis
Dynastie de califes arabes qui détrôna
principalement contre le prince de Bada- prisonnier, al-Mu‘tamid est envoyé au 1507, et fonde en face le port de Bandar
les Omeyyades en 750 et régna jusqu’au
joz, al-Mu‘taid parvient à annexer la Maroc, où il meurt en 1095. ‘Abbs ; mais, au nord-est de la Perse,
milieu du XIIIe s. à Bagdad.
principauté musulmane d’Huelva et de il ne parvient pas à s’assurer la posses-
Sous le règne des ‘Abbdides, les
Saltès, ainsi que celle de Santa María de sion définitive de la Géorgie. En 1621,
lettres et les arts avaient connu un La conquête du pouvoir
Algarve. Il invite ensuite à Séville les il reprend Kandahar au Grand Moghol.
remarquable essor. Al-Mu‘tamid lui-
chefs berbères du sud de l’Andalousie, Les ‘Abbssides sont les descendants
même ainsi que son vizir ibn Zaydn Cet empire qu’il agrandit et sur lequel
les fait assassiner et s’empare de leurs de ‘Abbs, oncle de Mahomet. Forts
figurent parmi les grands noms de la il fait régner une autorité sans conteste,
possessions. Peu après, il occupe Algé- de cette parenté avec le Prophète, ils
poésie arabe. ‘Abbs Ier cherche à le consolider par
siras et prépare une expédition contre parviennent à exploiter le méconten-
M. A. une intense activité diplomatique : il en-
Cordoue. tement des populations à l’égard des
Almoravides / Andalousie / Espagne / Recon- voie de nombreuses ambassades auprès
À la mort d’al-Mu‘taid en 1069, quista / Séville / taifas (les royaumes de). des grandes puissances européennes Omeyyades pour s’emparer du pouvoir
son fils Muammad ibn ‘Abbd al- — qu’il ne parviendra pas, cependant, en 750. Les ch‘ites, et principalement

Mu‘tamid (roi de 1069 à 1095) hérite à engager dans la lutte contre les Otto- ceux de la Perse, contribuent largement,
d’un royaume qui s’étend sur la plus mans — et se ménage de bonnes rela- sous la direction d’Ab Muslim, au suc-
cès des ‘Abbssides. Toutefois, la chute
grande partie du sud-ouest de l’Es- ‘Abbs Ier le Grand tions avec les princes de Moscovie et
pagne. Dès 1070, le nouveau roi réa- les khns tatars de Crimée. Il cherche, des Omeyyades ne découle pas d’anta-

lise le voeu de son père en annexant la d’autre part, à relier les diverses régions gonismes raciaux, mais plutôt d’une ré-
(1571 - Mzandarn 1629), chh de
principauté de Cordoue. Mais en 1075 de son empire, construit des routes et volte sociale contre l’aristocratie arabe.
Perse (1587-1629).
il perd le contrôle de l’ancienne capitale des ponts, et réorganise les caravansé- Le moteur de la révolution réside dans
Le règne de ce conquérant marque
omeyyade au profit du roi de Tolède. rails aux étapes. le mécontentement économique et social
l’apogée de la dynastie des Séfévides.
Il ne la reprend qu’en 1078, en même des populations citadines non privilé-
Grand constructeur, il élève des mos-
temps qu’il conquiert une bonne partie L’avènement sur le trône de ‘Abbs giées. Marchands et artisans des villes
quées et des palais dans plusieurs villes
du royaume de Tolède. Le roi de Séville est précédé de dix années de querelles de garnison, prenant conscience de l’im-
de la Perse, et surtout, sédentarisant la
est alors le plus puissant des princes dynastiques et d’invasions. Après la portance de leur rôle dans le domaine
dynastie séfévide, qui était demeurée
musulmans d’Espagne. mort d’Ism‘l II (1578), le père de économique, aspirent à la direction des
plus ou moins nomade, il fait d’Ispahan
‘Abbs, Muammad Khudbanda de- affaires politiques. Au surplus, la classe
Cependant il ne peut pas arrêter la sa capitale. Cette ville avait déjà été la
vient roi, mais il est déposé en 1587 par dirigeante du royaume omeyyade de-
Reconquista, qui se développe alors résidence des Seldjoukides au XIe et au
le gouverneur de Turbat, auprès duquel vient, avec la cessation des guerres de
dans le sud de la péninsule Ibérique à XIIe s., mais c’est à ‘Abbs Ier qu’elle
vit le jeune ‘Abbs, et ce dernier monte conquête — seule activité productive de
la faveur des dissensions des rois de tai- dut son incomparable splendeur : elle
sur le trône : il a seize ans. l’aristocratie —, une caste historique-
fas. Al-Mu‘tamid est même obligé de devint une cité de 600 000 habitants
La situation du royaume n’est guère ment superflue.
verser un double tribut à Alphonse VI et s’orna de palais, de mosquées et de
de Castille pour éviter l’invasion de sa brillante alors : la Perse est menacée à jardins magnifiques. Le chh fit tracer, Son renversement nécessite pourtant

capitale. l’intérieur par les ambitions des gouver- du nord au sud de la ville, une large une conjugaison d’intérêts divers. Une
neurs et des émirs locaux, et à l’exté- promenade agrémentée de jardins et de fois la victoire remportée, la coalition
rieur par les attaques des Ouzbeks à l’est monuments. Il aménagea, au centre de contre les Omeyyades éclate, se scin-
La Reconquista et
et par celles des Ottomans à l’ouest. la cité, la place royale, la bordant d’ar- dant en groupes dressés les uns contre
l’intervention
‘Abbs Ier agit avec vigueur ; s’appuyant cades doubles, surélevant le charmant les autres. Les ‘Abbssides commencent
des Almoravides
sur un corps de cavalerie composé de pavillon de l’‘Al Qpu et construisant par se débarrasser de l’aile extrémiste
À la fin du XIe s., les princes chrétiens prisonniers géorgiens chrétiens conver- la mosquée du cheykh Lotfollh ; sur le du mouvement : Ab Muslim est exé-
deviennent plus menaçants. En 1085, le tis à l’islamisme, il réprime les révoltes côté sud de la place fut édifiée la mos- cuté avec plusieurs de ses compagnons
roi de Castille s’empare de Tolède. Il se et pacifie les provinces. Il se montrera quée royale. Entre la promenade et la et l’émeute fomentée par ses partisans

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

est écrasée dans le sang. Tous les Per- nouvelle capitale est destinée à devenir fiant peu à peu, l’organisation mise au situation de la province au ministère des
sans ne sont pas pour autant écartés le « marché de l’univers ». Le transfert point par le calife omeyyade Hichm. Postes et Informations de Bagdad.
de la vie politique. Bien au contraire, du siège de l’Empire de la province mé- Ils y ajoutent bien des usages de l’ancien
De même que l’administration, l’ar-
l’aile modérée s’apprête à jouer un rôle diterranéenne de Syrie à la Mésopotamie régime persan des Sassanides. L’admi-
mée n’est plus l’apanage des Arabes.
de premier plan dans la direction de favorise les vieilles influences orientales nistration n’est plus, comme au temps
Les pensions ne sont maintenues que
l’Empire. et particulièrement celles de la Perse. des Omeyyades, l’apanage de l’aris-
pour les soldats de carrière. À la milice
tocratie arabe : ses cadres se recrutent
arabe on substitue des troupes merce-
essentiellement parmi les musulmans
Le déplacement du centre Gouvernement et non arabes (mawl). Ceux-ci occupent naires. Les premiers califes ‘abbssides
de l’Empire de Syrie administration un haut niveau social et sont organisés s’appuient sur la garde formée de sol-
en Iraq Le califat ‘abbsside ne s’appuie plus, en divans ou ministères (Chancellerie, dats originaires du Khursn, particu-

comme au temps des Omeyyades, sur Armée, Sceau, Finances, Postes et In- lièrement dévouée à leur personne. Plus
Le centre de l’Empire est déplacé de
le consensus des chefs de tribus. Il ne formations, etc.) sous l’autorité suprême tard, ces Persans seront remplacés par
la Syrie en Iraq, où le premier calife
relève pas du régime des cheikhs pré- du vizir, personnage tout-puissant. Les des esclaves, ou mamelouks, pour la
‘abbsside, al-Saff (749-754), éta-
islamiques, mais plutôt des traditions Barmakides, une famille d’origine per-
blit sa capitale, d’abord dans la petite plupart originaires de Turquie d’Asie.
de l’Empire sassanide. Le régime sane, remplissent cette haute fonction
ville de Hchimiyya, bâtie sur la rive L’autorité des ‘Abbssides s’appuie
‘abbsside est une autocratie de droit jusqu’en 803, date de leur renversement
orientale de l’Euphrate, puis à Anbr.
également sur la religion. Les califes
divin. « Ombre de Dieu sur terre », le par Hrn al-Rachd.
Le second calife, al-Manr (754-775),
sont pleins d’égard pour les chefs reli-
transfère le siège de l’Empire sur la calife gouverne avec l’appui des forces Dans les provinces, l’autorité est
gieux et les jurisconsultes, dont l’in-
rive occidentale du Tigre, non loin des armées et l’aide d’une bureaucratie partagée entre l’émir, ou gouverneur,
salariée qui se substitue à l’aristocratie fluence est très grande sur la population
ruines de l’ancienne capitale sassanide, et l’‘mil, ou grand intendant des Fi-
arabe. Il s’entoure du cérémonial d’une musulmane. Le but des ‘Abbssides, en
Ctésiphon, dont les pierres servent à la nances, qui disposent chacun d’un état-
construction de la nouvelle cité Madnat cour hiérarchique qui contraste avec la major et d’une force armée. Ils exercent donnant un caractère religieux à leur

al-Salm, ou ville de la paix, plus connue simplicité des Omeyyades. leur pouvoir sous la surveillance géné- régime, est précisément d’assurer la

sous le nom de Bagdad. Occupant une Dans le domaine administratif, les rale du maître des Postes, dont le rôle cohésion des divers éléments ethniques

position clé au carrefour de routes, la ‘Abbssides maintiennent, en la modi- consiste à adresser des rapports sur la et sociaux de cette population.

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

de grands possédants enrichis dans les ment économique. Des mouvements


opérations commerciales et bancaires, sont nés, qui, sous une forme religieuse,
les spéculations et l’exploitation de la cachent des rivalités économiques et
terre, et de fonctionnaires bien rémuné- sociales. Dans une société où le tem-
rés, dont les emplois offrent des possi- porel se confond avec le spirituel, les
bilités illimitées de profits additionnels. sectes religieuses constituent les cadres
naturels pour défier l’ordre établi. Ces
Cette classe comprend, à côté des
mouvements se sont développés d’abord
musulmans, des dhimms, ou sujets non
en Perse, où les partisans d’Ab Muslim
musulmans de l’Empire, qui, quoique
fomentent, à la suite de son exécution,
citoyens de seconde zone, pratiquent
une série de révoltes paysannes qui se
librement leur religion, disposent de
réclament d’une idéologie relevant d’un
droits de propriété normaux et occupent
mélange de principes mazdakites et
des postes importants dans l’adminis-
ch‘ites extrémistes. La plus dangereuse
tration.
de ces révoltes — celle de Muqanna‘ « le
La révolution économique se tra-
Voilé » — s’étend à travers le Khursn,
duit également par la détérioration du
jusqu’en Asie centrale. Les ‘Abbssides
niveau de vie des paysans, due aux spé-
parviennent, sans beaucoup de difficul-
culations des marchands et des grands
tés, à écraser tous ces mouvements. Leur
propriétaires, et à l’introduction de la
régime semble même au début du IXe s.
man des vaisselles d’or et d’argent, des main-d’oeuvre servile dans les grands
L’essor économique au faîte de sa puissance. Or c’est préci-
pièces d’or, des drogues, mais aussi des domaines. La naissance d’un proléta-
sément à cette époque que commencent
Le succès des ‘Abbssides se manifeste riat important ne tardera pas à devenir
ingénieurs hydrauliques, des esclaves, les grandes difficultés. L’Empire paraît,
nettement dans le domaine économique. pour le régime ‘abbsside une source
des eunuques. Le commerce islamique sous l’effet du développement écono-
La nouvelle classe dirigeante, issue de de difficultés.
s’étend jusqu’à la Baltique en passant mique, échapper au contrôle de la classe
milieux de marchands, d’agriculteurs ou par la mer Caspienne, la mer Noire et dirigeante.
d’artisans, favorise le développement
la Russie, d’où proviennent les four- L’apogée de
économique, d’autant plus qu’avec la
rures, les peaux et l’ambre. Les Arabes l’Empire ‘abbsside
fin des conquêtes l’Empire doit compter La révolte de Bbak
commercent aussi avec l’Afrique, d’où
sur ses propres ressources. Des travaux La puissance de l’Empire ‘abbsside De 816 à 837, un Persan, Bbak, mène
ils importent de l’or et des esclaves. Le
d’irrigation et d’assèchement des marais semble inébranlable jusqu’au règne de parmi les paysans, auxquels il promet le
commerce avec l’Europe occidentale
permettent l’extension de la zone culti- Hrn al-Rachd* (786-809). La civili- partage des terres, un mouvement qui, de
s’effectue par l’intermédiaire de mar-
vée. Les récoltes de froment, d’orge, de sation musulmane atteint avec ce calife l’Azerbaïdjan, gagne le sud-ouest de la
chands juifs, principalement ceux du
riz, de dattes et d’olives atteignent de un degré de raffinement resté légendaire. Perse, les provinces caspiennes et l’Ar-
midi de la France, qui servent d’agents
très hauts rendements. Bagdad est alors non seulement le centre ménie. Après avoir miné pendant plus
de liaison entre deux mondes hostiles.
L’importance des ressources miné- politique et économique du monde, mais de vingt ans le régime ‘abbsside, cette
rales (or, argent, cuivre, fer, etc.) permet aussi un haut lieu d’art, de culture et de révolte est écrasée en 838 par le calife
Le système bancaire
le développement du travail des métaux. pensée. Cette civilisation connaît son al-Mu‘taim.
Toutefois, l’industrie la plus importante La prospérité du commerce et des entre- apogée sous le règne d’al-Ma’mn (813-
prises donne naissance à des établisse- 833). Très cultivé, ce calife encourage
est celle du textile. Tissus à la pièce, vê- La révolte des zandj
tements, tapis, tapisserie, tissus d’ameu- ments bancaires. Le arrf, ou changeur, le développement et la confrontation
des idées dans un climat de tolérance Après une période de répit, les
blement, coussins sont fabriqués en personnage indispensable dans une éco-
nomie fondée sur une double monnaie, le exceptionnel pour l’époque. Il institue ‘Abbssides affrontent de 869 à 883 la
Égypte, mais surtout en Perse. L’intro-
en 830 un centre de traduction baptisé révolte des esclaves noirs connus sous
duction de la culture du coton, ajoutée dirham d’argent d’origine persane et le
le nom de zandj. Dans la société isla-
à l’existence d’une sériciculture héritée dinar d’or d’origine byzantine, se trans- « Dr al ikma » ou « Maison de la
forme au IXe s. en banquier. Très vite, Sagesse », grâce auquel de nombreux mique, les esclaves sont le plus souvent
des Sassanides, fait de ce dernier pays
des domestiques ou des soldats. Dans ce
le centre industriel le plus important de le système bancaire atteint un niveau manuscrits grecs disparus nous sont par-
d’organisation avancé. Bagdad devient venus en version arabe. Cependant, dès dernier cas, ils sont appelés mamelouks
l’Empire. Les ‘Abbssides introduisent
et constituent une caste privilégiée très
l’industrie du papier, qui connaît très le centre de puissantes banques qui ont le règne de Hrn al-Rachd, les contra-
influente dans les affaires d’État. Mais,
vite un grand développement. des succursales dans d’autres villes de dictions de l’Empire commencent à se
avec le développement économique, la
l’Empire. Les marchands possèdent des manifester. L’éviction violente des Bar-
classe des capitalistes et des entrepre-
comptes en banque et utilisent dans leurs makides en 803 ébranle l’alliance des
Le commerce
neurs achète d’innombrables esclaves et
transactions les chèques et les lettres de ‘Abbssides avec l’aristocratie persane.
Cet essor économique ajouté à la posi- les emploie dans les travaux agricoles.
crédit. L’islm interdisant l’usure, la À la mort de Hrn, ces contradictions
tion géographique de l’Iraq favorise Un grand nombre de ces esclaves sont
plupart des banquiers sont des juifs ou se traduisent par une guerre civile entre
le développement du commerce avec employés dans les salines à l’est de Bas-
des chrétiens. les deux fils du grand calife, Amn et
l’Europe et l’Extrême-Orient. Les mar- sora. Leur travail consiste à drainer les
Ma’mn, soutenus respectivement par
chands musulmans effectuent à partir marais salants en vue de préparer le ter-
Les classes sociales les Irakiens et les Iraniens. Cette lutte
des ports du golfe Persique et de la mer rain pour l’agriculture et extraire le sel
entre les deux frères recouvre de vieux
Rouge des échanges avec l’Inde, Ceylan, Les Arabes cessent de former une caste pour la vente. Ils opèrent par équipes de
antagonismes sociaux doublés d’un
les Indes orientales et la Chine. De ces fermée héréditaire pour s’ouvrir à tous cinq cents à cinq mille, dans des condi-
conflit régional entre la Perse et l’Iraq.
pays, ils rapportent des épices, des aro- les musulmans d’expression arabe. La tions extrêmement dures. Maltraités, mal
mates, du bois précieux et d’autres ar- différenciation ethnique s’estompe avec nourris, ils constituent des troupes de
Les révoltes sociales
ticles de luxe, destinés tant à la consom- le progrès de l’arabisation. Une nouvelle choix pour un mouvement d’opposition.
mation intérieure qu’à la réexportation classe composée de riches et d’érudits Les problèmes sociaux hérités du régime En septembre 869, un Persan, ‘Al ibn
vers l’Europe et l’Empire byzantin. Ce se substitue à l’aristocratie guerrière omeyyade se sont aggravés à l’époque Muammad, entreprend de les soulever.
dernier exporte dans le monde musul- dans la direction de l’Empire. Il s’agit ‘abbsside sous l’effet du développe- Il leur promet d’améliorer leur niveau

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

L’ARCHITECTURE
de vie, de les rendre à leur tour maîtres venu à la capitale les fonds nécessaires à 892. En 945, à la suite de l’invasion
d’esclaves et de leur donner de belles de- son établissement. de Bagdad par la famille persane des Le plan de Bagdad (fondée en 762, achevée

meures. Il les convertit au khridjisme, Buwayhides, les califes perdent les der- en 766) est copié sur celui des villes sassa-

doctrine égalitaire qui affirme que le ca- Les Fimides niers vestiges de leur autorité. Dès lors, nides : son fondateur, Ab Dja‘far al-Manr,

les califes sont à la merci des maires de inscrit la ville dans une enceinte circulaire
lifat doit revenir au meilleur des musul-
En 901, d’autres ismaéliens occupent le garnie de tours cylindriques et percée de
palais, en général persans ou turcs, qui
mans, fût-il esclave. Fanatisés par ‘Al
Yémen, à partir duquel ils envoient des quatre portes ; il place en son milieu le palais
gouvernent avec l’appui des troupes pla-
ibn Muammad, les zandj considèrent missionnaires en Inde et en Afrique du impérial et la Grande Mosquée. Il n’en reste
cées sous leur commandement.
comme infidèles tous les autres musul- que des souvenirs littéraires. Par contre,
Nord. En 908, leur mission nord-afri-
En 1055, les Turcs Seldjoukides il subsiste une fraction de la muraille de
mans. Ils entreprennent de mener une caine se solde par un immense succès en
chassent les Buwayhides de Bagdad Raqqa, qui affectait la forme d’un arc en fer
lutte à mort contre ces hérétiques qui, Tunisie. Ils constituent alors la dynastie à cheval. Au VIIIe s., à Raqqa, la porte dite « de
et constituent un immense empire,
à leurs yeux, se confondent avec les des Fimides, qui parvient à contrôler Bagdad » et, en Palestine, la citerne de Ramla
comportant la plus grande partie de la
grands propriétaires. Leur mouvement progressivement l’Afrique du Nord, la attestent l’emploi de l’arc brisé plusieurs
Perse, l’Iraq, la Syrie, la Palestine et
Sicile, l’Égypte, la Syrie et l’Arabie siècles avant son apparition en Europe.
s’étend très vite grâce au ralliement des
une bonne partie de l’Anatolie. Pour
troupes noires des armées impériales, à occidentale. La disparition de Bagdad et la relative
légitimer leur pouvoir, ils laissent aux
pauvreté de Raqqa sont compensées par les
l’adhésion de certaines tribus bédouines califes ‘abbssides une apparence de trouvailles archéologiques faites à Smarr,
et à la solidarité des paysans hostiles La dislocation de l’unité souveraineté. capitale éphémère (836-892) abandonnée
aux propriétaires. Les zandj infligent politique de l’Empire ensuite aux sables. Dans cette immense

plusieurs défaites à l’armée impériale, cité, longue de 33 km sur la rive orientale du


En minant le régime ‘abbsside, ces La chute des ‘Abbssides
Tigre, on a retrouvé, outre de nombreuses
s’emparent d’importantes régions en mouvements contribuent à la disloca-
Au début du XIIIe s., les Mongols enva- maisons particulières, les ruines d’un en-
Iraq et en Perse, occupent en 878 Wsi, tion de l’unité politique de l’Empire. hissent le monde musulman, occupent semble de monuments répartis en trois sec-
une vieille ville de garnison, et mena- Celle-ci commence, il est vrai, plus tôt teurs : au centre, le palais califal, la Grande
Bagdad en 1258 et abolissent le cali-
cent Bassora et Bagdad. Pour venir à pour les provinces occidentales. Dès Mosquée de Dja‘far al-Mutawakkil et deux
fat ‘abbsside. L’Égypte et la Syrie
hippodromes ; au nord, le château Dja‘far
bout de cette révolte, les ‘Abbssides 756, l’Espagne échappe au contrôle des
échappent à la domination des Mon- et la mosquée d’Ab Dulaf ; au sud, un autre
organisent une importante force expé- ‘Abbssides. Le Maroc et la Tunisie
gols grâce au régime ayybide, qui, palais, le mieux conservé de Smarr, le
ditionnaire. Le mouvement des zandj acquièrent une autonomie de fait res- aguerri au cours des croisades, résiste Balkuwr. Sur la rive ouest, plusieurs autres
subit ses premières défaites au début de pectivement en 788 et 800. L’Égypte palais avaient été édifiés (Qar al-‘chiq),
aux envahisseurs. Peu de temps après
se détache de l’Empire en 868 et étend ainsi qu’un tombeau monumental, le Qub-
881. Il est définitivement écrasé par les l’occupation de Bagdad, commandants
sa domination sur la Syrie. Quelques bat al-ulaybiyya.
‘Abbssides à la fin de 883. de l’armée et gardes des rois ayybides,
années auparavant, en 820, un général Smarr, comme Bagdad et Raqqa, était
mamelouks d’origine turque, s’empa-
persan au service d’al-Ma’mn, nommé rent du pouvoir. Pour donner une base construite en briques cuites ou crues. L’em-
Le mouvement ploi systématique de ce matériau non seu-
hir, avait établi un gouvernement hé- légale à leur autorité, les mamelouks
des ismaéliens réditaire en Perse orientale. Des dynas- lement pour les murs, mais encore pour les
font venir au Caire un ‘Abbsside sur-
piles, substituées aux colonnes, et pour les
Plus radical encore est le mouvement ties se constituent en d’autres parties de vivant du massacre de Bagdad et l’intro- couvertures allait favoriser les voûtes, qui
la Perse : celle des affrides vers 867 nisent en grande pompe comme calife.
des ismaéliens, une ramification du étaient connues en Syrie*, mais dont l’Iran
et celle des Smnides vers 874. Au Les ‘Abbssides conservent cette dignité offrait un plus complet échantillonnage.
ch‘isme qui traduit le mécontentement
cours du Xe s., plusieurs tribus arabes spirituelle jusqu’à l’avènement des Parmi les diverses voûtes utilisées, dont la
des opprimés de l’Empire. Très organi-
du désert syrien établissent de brillantes coupole, celle dont l’emprunt fut le plus
Turcs Ottomans, qui occupent en 1516-
sés, les ismaéliens obéissent aveuglé- heureux et le plus retentissant est l’iwn,
dynasties bédouines, comme celle des 1517 l’Égypte et la Syrie, chassent les
ment à l’imm — descendant de ‘Al par vaste salle en berceau fermée de trois côtés
amdnides de Mossoul et d’Alep. mamelouks et s’attribuent d’abord les
sa femme Fima, la fille de Mahomet et tout ouverte du quatrième sur l’extérieur.
privilèges, ensuite le titre de calife. Le palais de Ctésiphon en offrait un magni-
—, considéré comme inspiré de Dieu
Le déclin des ‘Abbssides M. A. fique exemple, qui allait être repris dans
et donc infaillible. Au début du Xe s., la
les palais de Smarr. Ce n’est pas le seul
secte exerce, à la faveur de la crise so- Au demeurant, même en Iraq, la réa-
emprunt de l’art palatial smarrien à l’art

ciale de l’Empire, un puissant attrait sur lité du pouvoir n’appartient plus aux Les arts ‘abbssides palatial sassanide. À 120 km au sud-ouest
‘Abbssides. À partir du IXe s., aux pro- de Bagdad, le château d’Ukhayir, mis en
le prolétariat urbain et les artisans. Les Les arts ‘abbssides ont un domaine im-
blèmes sociaux viennent s’ajouter des mense puisqu’ils couvrent tous les pays chantier vers 778, ruine de grande allure, est
adversaires des ismaéliens reprochent
plus caractéristique de l’art nouveau par la
difficultés économiques dues essen- soumis au califat de Bagdad et, dans une
à ceux-ci de préconiser la communauté grande variété de ses voûtages, dont ceux
tiellement au luxe excessif de la cour moindre mesure, les terres musulmanes qui
des biens et des femmes. En réalité, si lui échappent. Mais c’est essentiellement en de l’iwn, par ses installations défensives
et au poids écrasant de la bureaucratie.
l’accusation de communisme semble Iraq* que nous aurons à les considérer. Pen- entièrement neuves que par son plan, qui
Pour pallier cette situation, les califes suit encore celui des édifices omeyyades.
dant le premier siècle de son histoire, l’islm,
fondée, celle de libertinage vise proba-
afferment les domaines d’État à des C’est encore aux portes des châteaux que,
dans sa capitale de Damas*, eut surtout
blement le niveau social plus élevé que
gouverneurs de district, qui doivent, en pour tâche de marier les impératifs arabes pour la première fois, on utilise les stalactites
les ismaéliens accordent à la femme. contrepartie, verser une somme au gou- et coraniques avec la culture hellénistique. pour équilibrer les poussées : cette méthode

Avec la fondation de Bagdad, il se détourne fera fortune dans tout l’islm. La Grande
vernement central et assurer l’entretien
du monde classique et paléochrétien, et Mosquée de Smarr, reconstruite par al-
Les qarmaes des troupes et des fonctionnaires locaux.
s’ouvre largement à la civilisation iranienne ; Mutawakkil à partir de 848-849, et la Grande
Devenus les véritables chefs de l’armée,
Vers 894, des ismaéliens connus sous le l’art sassanide, et du même coup celui du Mosquée de Raqqa, fondée en 772, ont leurs
ces « gouverneurs-fermiers » s’imposent salles de prières agencées selon le modèle
vieil Iran*, exerce une influence prépondé-
nom de qarmaes s’emparent du pouvoir
par leur intervention contre les révoltes rante. Avec le recrutement de mercenaires établi sous les Omeyyades, à Kfa, mais déjà
dans la province de Bahreïn après avoir inspirées par la salle hypostyle des apadânas
sociales. Commandants de l’armée et turcs, l’islm accepte en partie les traditions
ravagé la Syrie, la Palestine et la Méso- de l’Asie* centrale ; nous les percevons achéménides : une forêt de piles supportent
gardes des califes, le plus souvent des
potamie septentrionale. Ils constituent moins bien, car elles sont moins connues et directement le plafond, sans intervention
mamelouks turcs, ils deviennent à partir
parfois apparentées à celles de l’Iran. Ainsi, de l’arc. À Smarr, la Grande Mosquée, qui
une république oligarchique dirigée par d’al-Mu‘taim (833-842) et d’al-Wthiq
les nouvelles écoles artistiques, sans aban- forme un rectangle de 260 × 180 m, lui-
un Conseil de six, qui gouverne avec (842-847) les maîtres de l’Empire. En donner totalement l’acquis omeyyade, vont même entouré — comme le prouvent les
équité. L’État subvient aux besoins des 836, la résidence impériale est transférée l’enrichir considérablement et parachever photos aériennes — d’une autre enceinte

pauvres et donne à tout artisan étranger à Smarr, qui restera capitale jusqu’en une création qui n’était qu’ébauchée. près de quatre fois plus vaste, est le plus

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

des sujets semblables à ceux des peintres et exportent les plus belles pour parer le
omeyyades : femmes drapées, danseuses mirb de la mosquée de Kairouan*. La
au torse nu, scènes de chasse, califes en découverte géniale des potiers ‘abbssides
majesté, soldats et animaux. En revanche, ils est la céramique à lustre métallique obte-

les traitent d’une manière toute différente. nue au moyen d’oxyde de cuivre ou d’argent

La structure symétrique de la composition, qui donne aux pièces un reflet doré ; on la

l’immobilisme des personnages cernés rencontre dans tous les grands chantiers de

par de vigoureux traits noirs, l’absence de fouilles : à Smarr, à Suse, à Rages, à Raqqa,

modelé, les visages et les parures portent à Fus et jusqu’en Espagne.

la marque sassanide. Les couleurs gréco-ro- J.-P. R.


maines cèdent la place aux tons plus crus de
l’Iran. Cet art de cour trouvera un écho dans Bagdad / Hrn al-Rachd / Iran / Iraq / Islm
les églises arméniennes (v. Arménie), en / Omeyyades.

Sicile* arabo-normande et, plus tard, dans


F. Sarre et E. Herzfeld, Die Ausgrabun-
les palais d’Afghnistn*. gen von Samarra (Berlin, 1913-1948 ; 4 vol.).

/ K. A. C. Creswell, Early Muslim Architecture,


LES ARTS MINEURS t. II : Early ‘Abbsids, Umayyads of Cordova,

Aghlabids, lnids and Samnids (Oxford,


Les traditions iraniennes ont été si tenaces
1940). / D. Sourdel, le Vizirat ‘abbsside de 749
que, pendant longtemps, les spécialistes à 936 (132 à 324 de l’hégire) [A. Maisonneuve,
grand sanctuaire qui fut jamais construit en que stucs et plâtres aient été retrouvés aussi éprouvèrent des difficultés à attribuer les 1961 ; 2 vol.].
islm. Il n’en reste que les murailles, épaisses à al-ra (en Iraq), à Bukhr (Boukhara), plus objets d’art mobilier des premiers siècles
de 2,65 m et hautes de 10,50 m, renfor- tard à Blis (en Syrie), etc., Smarr permet ‘abbssides à l’islm ou aux Sassanides.
cées de tours semi-circulaires, et le célèbre d’étudier l’évolution du style et de distin- Nous y voyons maintenant plus clair. Dans
minaret, la Malwiyya, construit à proximité guer, assez sommairement, trois écoles. une production importante et variée, nous
d’elles et recopié quelques années plus Dans la plus ancienne, le décor est moulé, devons mentionner les verres, les cuivres,
tard à la mosquée d’Ab Dulaf. Ce minaret et son thème principal demeure le rinceau les bronzes et les argents, traités de la même
abbaye
est une tour au noyau cylindrique entouré de feuilles de vigne à cinq lobes. Dans la façon, le métal étant fondu en relief et
d’une rampe en hélice, dont la masse dimi- deuxième, le rinceau disparaît, et la feuille son décor estampé ou repoussé, ainsi que
nue de la base au sommet. On s’accorde fait place à un bourgeon. Dans la troisième, les tissus et les céramiques. Sur tous ces BÉNÉDICTINS, CISTERCIENS.
en général à le dire dérivé des ziggourats les stucs sont sculptés ou moulés, le relief objets n’a pas tardé à se manifester, à côté
mésopotamiennes (v. Mésopotamie). Son s’amenuise, et les bords des tracés sont de l’influence iranienne, celle de l’Extrême-
rôle architectural fut considérable, car il adoucis par la taille oblique : on a suggéré Orient, surtout au Khursn et au Turkestan.
permit d’échapper au seul modèle des mi- que cette technique, qu’on retrouve d’ail- On trouve un reflet des modèles chinois
narets sur plan carré, inspiré des clochers leurs employée dans la pierre et surtout le contemporains dans les aquamaniles, les
abcès
syriens. Quand Amad ibn ln, fils d’un bois, avait été importée d’Asie centrale. Elle fontaines, les brûle-parfum de métal. Même

mercenaire turc de Smarr et gouverneur fleurira en Égypte lnide, province aver- influence sur les tissus malgré les manufac- Collection de pus dans une cavité créée
d’Égypte, veut, en 876, construire à Fus tie de l’art ‘abbsside. Les oeuvres sculptées tures officielles (irz) : il faudra plusieurs par le développement de l’infection et
(Le Caire) une nouvelle mosquée, il pense ‘abbssides peuvent sembler monotones, siècles pour que le génie islamique s’en
dont les parois sont faites du tissu voisin
à celle d’al-Mutawakkil. L’oratoire qu’il fait mais leur beauté réside dans le mouvement, libère totalement. Le fragment de soie ira-
refoulé et modifié.
édifier, un des plus beaux d’Égypte*, donne, la largeur et la vigueur du dessin. Elles an- nienne, connu sous le nom de « suaire de
en pierre, une version aménagée de la Ma- noncent par ailleurs, d’une certaine façon, Saint-Josse » (Louvre, Xe s.), pris parmi des Cette définition limite le terme d’ab-
lwiyya. Très différente de conception est la l’arabesque, qui ne sera pleinement réali- centaines d’autres, fournit un splendide cès à la collection de pus dans les par-
sainte mosquée al-Aq de Jérusalem*, dont sée qu’au XIe s. On la pressent sur la chaire à exemple, avec ses grands éléphants qui se ties molles. En fait, il peut exister des
la partie subsistante la plus ancienne serait, prêcher (minbar) de la grande mosquée Sd détachent en clair sur un fond rouge, de la
collections suppurées dans les cavités
selon plusieurs archéologues, d’époque ‘Uqba de Kairouan* (862-863), fabriquée, en permanence de l’Iran. Tributaires aussi de
préformées ou les séreuses. On dit alors
‘abbsside. Avant les transformations bois de teck, dans les ateliers de Bagdad. la Perse et de la Chine, les céramistes se
La peinture de Smarr a beaucoup souf- qu’il s’agit d’un abcès enkysté : c’est
qu’elle subit au Moyen Âge, elle comprenait révèlent vite doués de dons exceptionnels

une nef centrale flanquée de quatorze nefs fert de l’usure des siècles et au cours de la et variés : des objets divers, réalisés avec le cas de l’abcès appendiculaire et de
plus étroites sous toits à pignons. Ce plan Seconde Guerre mondiale ; nous la connais- toutes les techniques de l’art de la terre, l’abcès du cul-de-sac de Douglas.
semble d’inspiration omeyyade. Le Qubbat sons surtout par d’anciens relevés. Les voisinent avec les plaques de revêtement
On assimile souvent les termes d’ab-
al-ulaybiyya de Smarr, malgré les anté- peintres ‘abbssides choisissent en général mural. Les ateliers de Bagdad fabriquent
cès et de phlegmon. Mieux vaut réser-
cédents qu’on a voulu lui trouver, apparaît
ver ce dernier à l’infection localisée,
comme le premier mausolée édifié en islm,

et l’on comprend l’importance qu’il revêt mais non encore suppurée, et garder le
de ce fait, puisque, dans la suite des temps, terme d’abcès pour caractériser l’infec-
l’art funéraire, nonobstant les prescriptions tion au stade de collection purulente.
religieuses, ne cessera de se développer.
C’est une construction octogonale dans

laquelle se trouve emboîté un second octo- Édouard Chassaignac


gone entouré d’un couloir. Si ce plan porte Chirurgien français (Nantes 1804 - Paris
nettement la marque de son origine paléo- 1879). Chirurgien de l’hôpital Lariboisière,
chrétienne (martyrium syro-palestinien), il il découvrit l’infection purulente, isolant les
ne semble pas exclu que les coutumes funé- formes diffuses et localisées, distinguant
raires turques aient pu être responsables de les formes putrides des autres formes. Il
l’érection du bâtiment. eut l’idée d’évacuer les collections de pus
à l’aide d’un drain de caoutchouc. Il fut l’un
LE DÉCOR
des fondateurs de la Société de chirurgie,
l’actuelle Académie de chirurgie.
Comme l’architecture, le décor subit sous
les ‘Abbssides une évolution radicale. Tan-
dis que, chez les Omeyyades, il était sculpté
à même la pierre, il est désormais en stuc Abcès chaud
et plaqué sur des murs de brique dont il

recouvre toutes les parties basses, alors Pour que se constitue un abcès au sein
qu’au-dessus s’alignent des niches où se d’un tissu, il est nécessaire que celui-ci
développent des compositions peintes. Bien soit irrité par la pénétration de germes

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

pathogènes ou d’une substance irritante érobie. Il contient des leucocytes plus depuis la découverte de l’antibiothérapie grand réformateur Muammad ibn ‘Abd
(abcès de fixation après injection d’es- ou moins altérés, des cellules embryon- par sir Alexander Fleming. Chassaignac al-Wahhb (1703-1792). Écarté du pou-
sence de térébenthine). La piqûre sep- naires conjonctives, des débris cellu- distinguait le phlegmon diffus sus-apo- voir politique, suspecté par ses deux
tique est la cause la plus fréquente, mais laires. névrotique superficiel et le phlegmon frères, ‘Abd al-Raman se consacre à
le germe peut pénétrer par voie lym- diffus profond, ce dernier encore plus sa mission religieuse et à l’éducation
phatique ou sanguine et se développer Symptômes grave. de ses enfants, qu’il élève dans le rigo-
à distance de la porte d’entrée. En règle risme de la secte wahhbite.
Autour du point d’inoculation ou en pro- Cliniquement, le gonflement est
générale, les germes responsables de la fondeur par rapport à celui-ci apparaît étendu, le membre très douloureux, la
formation d’un abcès sont le staphylo- la douleur spontanée, cependant que la rougeur diffuse, la peau marbrée, avec L’exil
coque et le streptocoque, mais la liste peau rougit et s’épaissit. parfois des teintes feuille morte de
n’est pas limitative, et tous les germes En 1890, les Saoudites perdent le
Dans un premier stade congestif, les nécrose. L’état général est gravement
peuvent être rencontrés. contrôle du Nadjd au profit du roi de
signes locaux sont ceux de l’inflamma- atteint. Avant les antibiotiques, les
’il, Muammad ibn Rachd († 1897),
tion : rougeur, chaleur, tumeur, douleur. larges incisions et débridements ne par-
Physiopathologie qui, exploitant la rivalité des oncles
Des signes généraux les accompagnent : venaient pas toujours à empêcher l’évo-
de ‘Abd al-‘Azz ibn Sa‘d, s’empare
La pullulation des micro-organismes lution mortelle. Lorsque la guérison
fièvre, petits frissons répétés, insomnie, de Riy avec l’appui des Turcs.
entraîne l’émission de toxines. Celles- état saburral. Une adénopathie (un gan- survenait, c’était au prix de séquelles :
Muammad et ‘Abd Allh sont assas-
ci, agissant directement sur les tissus, les glion) peut apparaître dans le territoire rétractions musculaires et tendineuses,
sinés, mais ‘Abd al-Raman, considéré
détruisent par cytolyse (dissolution des cicatrices rétractiles, névrites persis-
lymphatique correspondant. comme inoffensif, est épargné. Devenu,
cellules). Les moyens de défense de l’or- tantes.
La suppuration amène des modifica- après la mort de ses deux frères, le chef
ganisme sont la lutte antimicrobienne et
tions locales : augmentation de volume Certaines affections peuvent être la de la dynastie des Saoudites, ce der-
l’isolement du foyer infectieux.
avec ramollissement central, modifica- cause d’abcès d’un type spécial : telle nier entreprend de venger l’honneur de
La lutte antimicrobienne est menée tion de la douleur spontanée, qui devient est l’amibiase*, qui peut donner des la famille. En 1891, il réussit à libérer
par les leucocytes sortis des vaisseaux pulsatile. Si l’abcès est superficiel, ap- abcès du foie, du poumon, et dont la Riy. Mais, mieux armé, ibn Rachd
par diapédèse, et par les cellules du paraît la fluctuation qui indique la pré- caractéristique, outre la localisation, est reprend très vite la ville, et ‘Abd al-
tissu conjonctif reprenant un aspect sence du pus. Ce signe manque en cas l’aspect du pus, couleur chocolat. Raman quitte le Nadjd avec les siens
embryonnaire. Les uns et les autres pha- d’abcès profond. pour échapper au massacre ; ils se réfu-
gocytent les germes et les digèrent par
L’hémogramme montrerait une Abcès froid gient dans le Rub‘ al-Khl, grand dé-
leurs ferments. Les débris cellulaires
augmentation du nombre des globules sert de pierre où la vie est une véritable
et tissulaires, les corps microbiens sont On désigne sous ce nom les abcès dus
blancs (leucocytose) et surtout des poly- gageure. Quelque temps après, en 1895,
réduits par autolyse (dissolution de ces au bacille de Koch, que l’on observe
nucléaires. ils sont délivrés de cet enfer par l’émir
éléments par leurs propres enzymes) en au cours de la tuberculose* osseuse et
du Koweït, Muammad, qui leur offre
substances plus simples (acides aminés, ostéo-articulaire, et certains abcès dus
Évolution l’hospitalité.
acide lactique). L’exsudation séreuse à des champignons microscopiques res-
Incisé et correctement drainé, l’abcès ‘Abd al-‘Azz ibn Sa‘d est alors âgé
due à l’hyperhémie s’ajoute à ces phé- ponsables des mycoses*.
chaud évolue rapidement vers la guéri- de quinze ans. En 1898, il se lie d’ami-
nomènes, et ainsi est formé le pus,
contenu de l’abcès. son ; la suppuration se tarit, la poche se tié avec le frère de l’émir, le cheikh
Abcès de fixation
comble, l’incision se referme. Mubrak ibn abb, qui parfait son
L’isolement du foyer infectieux est
Ce procédé thérapeutique, imaginé en instruction avant de le prendre comme
réalisé par l’établissement d’une bar- Dans certains cas, l’infection s’étend
1900 par Fochier (de Lyon), consistait à secrétaire. L’année suivante, Mubrak
rière infranchissable aux germes, due localement (phlegmon diffus) : il faut
provoquer artificiellement un abcès dans s’empare du pouvoir avec la compli-
à la prolifération du tissu conjonctif de pour cela un germe très virulent ou un
le but de fixer les éléments nocifs d’une cité des Anglais, qui veulent s’assu-
voisinage et à l’apparition de fibres col- état général précaire (diabète).
maladie et de renforcer les défenses de rer le contrôle du port de Koweït pour
lagènes de soutien. Ainsi est formée la Certaines formes d’évolution su-
l’organisme. L’abcès était provoqué par l’intérêt stratégique et économique qu’il
coque de l’abcès. baiguë n’aboutissent que lentement et
l’injection sous-cutanée d’essence de té- représente au Moyen-Orient. ‘Abd al-
mal à la suppuration. La tuméfaction
Cette double réaction défensive peut rébenthine. Ce procédé n’est plus guère ‘Azz ibn Sa‘d s’initie alors, aux côtés
peut être très dure (phlegmon ligneux).
faire avorter l’abcès, qui ne dépasse pas employé en thérapeutique. du nouvel émir, au jeu complexe de la
alors le stade congestif, ou de phleg- Le diagnostic est en général évident, J. P. politique internationale. Mais sa prin-
mon. Dans le cas contraire, le pus se mais la confusion a pu être faite avec un P. Convers, les Indications en dermatologie cipale préoccupation reste l’unité de
forme, mais s’il est d’abord pathogène, anévrisme, et l’on conçoit la gravité du de l’abcès de fixation complété par la cortico-
l’Arabie sous la bannière wahhbite.
il devient progressivement de moins en geste chirurgical. thérapie (Bosc fr., Lyon, 1957). / Ch. Boursier,
Il s’agit plus précisément de ressusci-
Abcès froid pleural de l’enfant et son traitement
moins virulent, et il n’est pas rare, en Le traitement chirurgical est généra- (thèse, Paris, 1965). ter le royaume de son ancêtre Sa‘d le
incisant un abcès ancien, de trouver un lement aisé : il faut inciser largement, Grand, qui comprend le Nadjd, le He-
pus sans germe, stérile à la culture. évacuer le pus, drainer la cavité. Ce djaz, le ‘Asr, l’Hadramaout, le as,
geste a été codifié par Chassaignac. le Yémen, Bahreïn et même Bassora.
Anatomie pathologique
‘Abd al-‘Azz III En 1901, la situation est propice pour
1o Au stade de congestion, les tissus sont Autres formes d’abcès chaud passer à l’action. ‘Abd al-‘Azz ibn
oedématiés, les petits vaisseaux dilatés et Le phlegmon diffus est caractérisé par la
ibn Sa‘d Rachd († 1906), le principal ennemi
sièges d’exsudation séreuse. Ils donnent des Saoudites, marche, à l’instigation
diffusion de l’infection, sans tendance à
issue aux leucocytes par diapédèse. (Riy 1880 - id. 1953), roi d’Arabie
la limitation, avec nécrose tissulaire. Il des Turcs, sur le Koweït pour chasser
Saoudite (1932-1953). Mubrak, considéré comme usurpateur,
2o Au stade de suppuration, l’abcès s’accompagne d’un état général grave et
se compose de deux éléments : la coque peut avoir une évolution mortelle. Il est Quand il naît à Riy, capitale du et rétablir la suzeraineté ottomane sur
et le pus. La coque est d’une certaine la conséquence de plaies contuses négli- Nadjd, ses deux oncles Muammad et cet émirat. ‘Abd al-‘Azz ibn Sa‘d et
épaisseur, gris blanchâtre ; c’est un feu- gées ou d’une inoculation directe très ‘Abd Allh se disputent un pouvoir qui son père se mettent à la tête des troupes
trage fibrino-conjonctif. Le pus est un septique : piqûre anatomique lors d’une perpétue timidement la dynastie saou- pour sauver le Koweït et libérer par la
liquide crémeux bien lié et d’odeur fade. autopsie par exemple. Il est heureuse- dite. Son père, ‘Abd al-Raman, imm même occasion le Nadjd de l’emprise
Il est fétide lorsque le germe est ana- ment devenu plus rare et moins grave des wahhbites, poursuit la tradition du des Rachdites. Mais cette guerre se

12
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

occuper le as, avec l’accord de l’An- depuis 1839. Pour éviter des difficultés
gleterre, et placer sous son contrôle une avec l’Angleterre, ‘Abd al-‘Azz ibn
bonne part du littoral arabe du golfe Sa‘d se désintéresse non seulement du
Persique. Roi du Nadjd et du as, il Yémen, mais aussi de l’Hadramaout, de
entreprend de fixer les nomades et de l’Oman, de l’Ab ab, du Qaar, etc. En
substituer en Arabie la notion de patrie échange, son autorité est reconnue sur
à celle de tribu. Il réussit, non sans le Hedjaz et le ‘Asr. En 1932, il réunit
difficultés, à installer sur les points à Riy une « Assemblée générale des
d’eau des colonies agricoles à caractère pays arabes », où toutes les tribus et les
religieux et militaire : les ikhwn, ou villes du royaume sont représentées, et
« frères ». Celles-ci ne tardent pas à proclame la fusion du Nadjd, du as,
constituer une armée d’autant plus effi- de ’il, du Hedjaz et du ‘Asr en un
cace qu’elle se propose pour mission seul et même État, l’Arabie Saoudite,
la diffusion de la doctrine wahhbite dont il devient le premier souverain.
dans toute la péninsule arabique. ‘Abd De cet immense territoire, le roi se
al-‘Azz ibn Sa‘d compte sur cette propose de faire une nation moderne.
armée de puristes pour occuper le He- Il lui faut tout d’abord rétablir l’ordre
djaz et enlever au chérif de La Mecque, au Hedjaz, afin d’assurer la sécurité
usayn ibn ‘Al, la garde des villes des pèlerins. Pour cela, il applique une
saintes. Mais l’éclatement de la Pre- législation draconienne fondée sur la
mière Guerre mondiale en 1914 vient peine du talion. Une fois l’ordre public
gêner ce projet. Pour contrôler la mer rétabli, il se préoccupe des conditions
Rouge et assurer la sécurité de la route dans lesquelles s’effectuent les pèleri-
des Indes, les Anglais gagnent à leur nages. Il assure la propreté et l’hygiène
cause le chérif de La Mecque, qui pro- des villes saintes, et institue des conseils
clame à la fin de 1916 son indépendance municipaux dans les principales villes
à l’égard de la Turquie et se range aux du Hedjaz. Il est vrai que les taxes préle-
côtés des Alliés. Forts de la protection vées sur les pèlerins constituent l’essen-
de la Grande-Bretagne, les Hchémites tiel des ressources de l’État.
sont à l’abri des attaques de ‘Abd al-
solde par un désastre, et Mubrak ne pion de l’indépendance arabe contre les
‘Azz ibn Sa‘d. Mais les vexations et
doit son salut qu’à l’intervention de la Turcs et leurs alliés les Rachdites. Sur La modernisation des
les persécutions exercées par usayn
Grande-Bretagne. ce thème, il soulève les tribus arabes institutions politiques
contre les wahhbites du Hedjaz ne
et réussit à constituer une nouvelle
sont pas sans irriter les ikhwn. ‘Abd Parallèlement, ‘Abd al-‘Azz ibn Sa‘d
L’occupation de Riy armée. Il se lance ensuite à l’improviste
al-‘Azz ibn Sa‘d détourne la colère de entreprend de doter le pays d’institu-
contre les forces ennemies et remporte
l’armée contre les Rachdites. En 1921, tions modernes. Il décide de nommer
Le jeune ‘Abd al-‘Azz ibn Sa‘d ne
une grande victoire à Shinanah, petit
se décourage pas. Malgré les objec- il les chasse définitivement de ’il des ministres responsables à la tête
village au nord de Riy. Les Turcs,
et intègre le territoire du Chammar à de départements spécialisés. Faute
tions de son père, il quitte le Koweït à humiliés, veulent rétablir un prestige
l’automne 1901 et se lance, avec des son royaume. À la fin de la guerre, le de cadres compétents, il n’hésite pas,
largement compromis dans la pénin-
royaume de ‘Abd al-‘Azz ibn Sa‘d pour assurer la bonne marche de ces
moyens rudimentaires, à la conquête sule arabique. Pour éviter de mener une
de l’Arabie. Après avoir essayé vaine- se trouve encerclé par les Hchémites, ministères, à faire appel à des Arabes
guerre de front contre l’Empire otto-
installés non seulement au Hedjaz, mais d’Égypte, de Palestine, de Syrie, du
ment de soulever les tribus du Nadjd man, ‘Abd al-‘Azz ibn Sa‘d conclut
aussi en Iraq et en Jordanie, et qui, de Liban, d’Iraq et de Transjordanie. Il se
contre le joug d’ibn Rachd, il est ac- un accord avec les Turcs : le Sultan
surcroît, jouissent de la protection de réserve l’administration des ikhwn,
culé à regagner le Rub‘ al-Khl avec reconnaît la suzeraineté d’ibn Sa‘d
la Grande-Bretagne. Dans ces condi- qu’il dote d’armes modernes et d’ins-
les cinquante personnes qui lui sont sur l’ensemble du Nadjd ; en échange,
tions, ‘Abd al-‘Azz ibn Sa‘d ne peut tructeurs européens.
restées fidèles. Il se fait oublier quelque celui-ci accepte le maintien d’une
temps dans cet immense désert avant pas poursuivre la conquête de l’Arabie. Cette politique provoque l’hostilité
force militaire turque dans le Qasm.
d’entreprendre l’acte le plus audacieux Toutefois, ‘Abd al-‘Azz ibn Sa‘d ne des ulémas (docteurs de la loi), opposés
de sa vie : sa petite troupe parvient, en tarde pas à susciter contre les troupes L’occupation à toute innovation et à toute moderni-
janvier 1902, à s’emparer de Riy, la ottomanes une guérilla qui les oblige du Hedjaz et du ‘Asr, sation.
capitale du Nadjd. à évacuer complètement le Nadjd. Il se et la proclamation de
retourne ensuite contre ibn Rachd, le l’Arabie Saoudite Le développement
La conquête du Nadjd tue et neutralise définitivement les tri- de l’agriculture
En 1924, profitant de la réduction des
bus de ’il, qui tombent, après la mort
Pour éviter d’être bloqué dans la ville, troupes anglaises au Moyen-Orient Mais, pour le roi, le véritable handi-
de leur chef, dans une anarchie totale.
‘Abd al-‘Azz ibn Sa‘d la prépare à un et de la détérioration des rapports de cap à la modernisation réside dans la
En 1906, ‘Abd al-‘Azz ibn Sa‘d est
long siège et part harceler les troupes de usayn avec ses protecteurs, ‘Abd al- pauvreté du pays. Très vite, il entre-
maître de la situation : il est proclamé,
l’ennemi. Pendant trois ans, il soutient ‘Azz ibn Sa‘d entre à La Mecque. En prend de promouvoir son développe-
à l’âge de vingt-six ans, roi du Nadjd.
une lutte acharnée contre les Rachdites. janvier 1926, la conquête du Hedjaz ment économique. Il faut pour cela
Il s’emploie alors à consolider son pou-
En 1904, il réussit, grâce à la compli- étant achevée, il est proclamé roi de ce résoudre le problème de l’eau, essen-
voir dans cette région avant de se lancer
cité de la population, à s’emparer du territoire. Après le Hedjaz, il occupe le tiel dans un pays composé en majeure
dans la conquête de l’Arabie.
Qasm, le territoire le plus riche du ‘Asr et se dirige vers le Yémen. Mais partie de déserts. ‘Abd al-‘Azz ibn
Nadjd. Mais, quelques mois plus tard, les Anglais s’opposent à l’occupation Sa‘d fait appel à des hydrographes
L’occupation du as
ibn Rachd prend sa revanche avec de ce pays, qui est un glacis pour Aden, américains, dont les forages per-
l’appui de troupes ottomanes. ‘Abd al- En 1913, il profite des difficultés eu- escale importante sur la route maritime mettent la découverte d’importantes
‘Azz ibn Sa‘d se pose alors en cham- ropéennes de l’Empire ottoman pour des Indes et possession britannique réserves d’eau. Cela, ajouté à la

13
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

réfection de puits abandonnés et à prend une exploitation intense du as. de Cordoue, à son grand-père ‘Abd González et de la régente de Navarre
la construction d’aqueducs et de ca- La production du pétrole double entre Allh. C’est un Andalou au sang mêlé : Toda, Ramire II remporte sur ‘Abd al-
naux à travers le désert, favorise le 1947 et 1950. son père est un Arabe, mais sa mère, une Ramn une grande victoire au fossé de
développement de l’agriculture. Pour esclave, est probablement originaire de Simancas (1er août 939). Mais la victoire
mieux exploiter les ressources du Le développement Navarre. Le pays sur lequel il est appelé de Ramire II sera sans lendemain. Les
pays, le roi fait venir des ingénieurs à régner est déchiré par les dissensions
des moyens généraux de ‘Abd al-Ramn multi-
agronomes des États-Unis et multiplie intérieures et menacé par ses voisins.
de communication plient les incursions sur son territoire ;
les colonies agricoles.
Ramire obtient une ultime victoire à Ta-
Le pétrole devient la ressource princi-
L’unification du royaume
pale de l’Arabie Saoudite. Les primes lavera vers 949, mais il meurt peu après.
Le pétrole et
versées par l’Aramco à ‘Abd al-‘Azz Le jeune émir va rétablir l’unité de son Profitant des dissensions qui op-
les compagnies
ibn Sa‘d dans les dernières années de domaine en soumettant les féodaux
posent ensuite les prétendants au trône
américaines arabes. Son principal adversaire, ‘Umar
sa vie s’élèvent à 160 millions de dol- de León, le calife remporte dès lors de
En 1930, des prospecteurs américains lars par an. L’État dispose désormais ibn afn, conduit la dissidence dans
nombreux succès.
découvrent dans le as d’importantes des fonds qui doivent permettre de doter le Sud. ‘Abd al-Ramn III dirige une

nappes de pétrole. Le pays est alors le pays de moyens de communication, série de campagnes et soumet nombre

convoité par les grandes puissances essentiels pour lutter contre le morcel- de chefs inféodés à son ennemi. En 917, La lutte en
étrangères, et son histoire se confond lement féodal et pour faire de l’Arabie ‘Umar ibn afn meurt ; dix années Afrique du Nord
désormais avec celle du pétrole au Saoudite une entité économique. Le roi seront cependant encore nécessaires
‘Abd al-Ramn III se sent aussi me-
Moyen-Orient. Le roi n’accepte pas de établit un plan prévoyant la construction, pour mettre fin à la révolte et pour
nacé par les Fimides, cette dynastie
vendre son territoire, mais consent à en vingt ans, de 43 000 km de routes. que le centre de dissidence, Bobastro,
arabe qui, en quelques années, a étendu
le louer pour une durée limitée à une Parallèlement, il s’acharne à construire tombe entre les mains des troupes de
sa domination sur une grande partie de
compagnie américaine, la Gulf Oil des voies ferrées à travers le désert. En l’émir (janv. 928). ‘Abd al-Ramn III
complétera son oeuvre d’unification l’Afrique du Nord et a atteint les fron-
Company, qui lui verse immédiate- octobre 1951, le chemin de fer reliant
ment 250 000 dollars et s’engage à lui Riy à Dammm est terminé. Enhardi en occupant Badajoz (930) et Tolède tières du royaume idrside du Maroc.

garantir dans l’avenir une redevance par ce succès, ‘Abd al-‘Azz ibn Sa‘d (932). Le risque est grand, si les Fimides se

de 18 cents par baril de pétrole exporté projette la construction d’un « transara- rendent maîtres du Maroc, de les voir
Au lendemain de sa victoire de Bo-
d’Arabie. En 1933, la Gulf Oil Com- bien », voie ferrée de 1 100 km destinée bastro, le souverain montrera par un s’attaquer ensuite à l’Espagne. Aussi,
pany vend sa concession à une autre à relier la mer Rouge au littoral arabe du acte solennel qu’il est désormais le seul Omeyyades d’Espagne et Fimides
société américaine, la Standard Oil de golfe Persique. maître de l’Andalousie et marquera son vont-ils se disputer le contrôle de ce
Californie, qui s’associe, en 1936, à la Ces travaux ajoutés à ceux de indépendance complète à l’égard des territoire. En 927, ‘Abd al-Ramn
Texas Oil pour fonder l’Arabian Oil l’Aramco et aux diverses activités califes ‘abbssides de Bagdad. Il se pro- occupe Melilla et, en 931, Ceuta. Il
Company. Pour tenir tête à la concur- créées autour du pétrole provoquent clamera lui-même calife et prince des fait reconnaître son autorité par les
rence des trusts pétroliers anglais du une prolétarisation et une sédentari- croyants (amr al-mu’minn), et s’attri- princes locaux du nord du Maroc et du
Moyen-Orient, la nouvelle compagnie sation d’une partie de la population, buera le surnom d’al-Nir li-dn-illh Maghreb central, et, en 951, il annexe
prend énergiquement en main l’exploi- qui passe en peu de temps d’une éco- (« Celui qui combat victorieusement
Tanger. Mais, en 958-59, les Fimides
tation du as. Aussi, la production du nomie patriarcale à une économie pour la religion d’Allh »).
passent à la contre-offensive : leur
pétrole passe-t-elle de 8 000 t en 1937 moderne.
général, Djawhar, mène une campagne
à 700 000 t en 1940 et 12 300 000 t en
En 1953, à la mort du roi, l’Arabie La lutte contre
1947. victorieuse qui fait perdre au calife le
Saoudite n’est plus une poussière de tri- les royaumes chrétiens
contrôle des régions placées sous pro-
En 1945, au cours d’une entrevue bus, mais une nation où se côtoient deux
Mais il avait fallu aussi assurer l’exis- tectorat. Cependant, ‘Abd al-Ramn
avec Roosevelt, ‘Abd al-‘Azz ibn Sa‘d forces apparemment contradictoires : le
tence du califat vis-à-vis des royaumes réussit à conserver Ceuta et Tanger,
accepte d’autoriser l’installation d’une wahhbisme, qui rattache fortement le
chrétiens du nord de l’Espagne ; bien places essentielles pour la surveillance
base américaine sur la côte du as et pays au passé, et l’Aramco, qui le force,
que leur situation fût précaire, ceux-ci du détroit de Gibraltar.
d’accorder aux États-Unis le monopole par la transformation des structures
n’en constituaient pas moins une me-
de l’exploitation du pétrole en Arabie économiques et sociales, à s’ouvrir au
nace pour l’Andalousie musulmane,
Saoudite. L’Arabian Oil Company re- monde capitaliste. Le bilan du règne
contre laquelle ils lançaient d’auda-
çoit, pour une période de soixante ans, M. A.
cieux coups de main. ‘Abd al-Ramn ‘Abd al-Ramn est la figure dominante
une nouvelle concession qui s’étend sur Arabie Saoudite / Wahhbites.
avait pris l’offensive, mais celle-ci de l’histoire de l’Espagne musulmane :
un territoire couvrant 1 500 000 km 2.
H. C. Armstrong, le Maître de l’Arabie :
s’était soldée par un désastre : le roi de d’un royaume déchiré par la guerre
Et le roi consent à la construction d’un Ibn Séoud (Payot, 1935). / J. Benoist-Méchin,
le Loup et le léopard, Ibn Séoud ou Naissance León, Ordoño II, avait remporté en effet civile, les rivalités des clans arabes et
gigantesque pipe-line long de 1 750 km
d’un royaume (A. Michel, 1957). / F. J. Tomiche, une écrasante victoire sur les troupes
— le Trans-Arabian Pipeline (Tapline) les dissensions des groupes ethniques il
l’Arabie Séoudite (P. U. F., coll. « Que sais-je ? »,
arabes à San Esteban de Gormaz (917).
— destiné à relier le bassin pétrolifère 1962 ; 2e éd., 1969). / P. Lyautey, l’Arabie Saou- fit un État uni, pacifié et prospère. Sous
Dans l’été 920, au val de Junquera,
du as à un port de la Méditerranée dite (Julliard, 1967).
son règne, Cordoue devint une métro-
orientale, ayd (Liban). À la fin de ‘Abd al-Ramn avait pris une écla-
pole musulmane rivalisant avec les cités
tante revanche sur le roi de León, cette
1946, la Standard Oil de Californie et
de l’Orient et jouissant d’un immense
la Texas Oil offrent, sous la pression fois allié au roi de Navarre. En 924, il
prestige dans le monde méditerranéen.
s’était emparé de Pampelune et avait
du gouvernement américain, à la Stan-
dard Oil de New Jersey et à la Socony ‘Abd al-Ramn III mis fin pour un temps aux agressions Aux portes de cette ville, al-Nir avait

chrétiennes. construit un immense palais, Madnat al-


Vacuum une participation de 40 p. 100
(891 - Cordoue 961), souverain Zahr’, véritable foyer d’art et de pen-
dans l’Arabian American Oil Company Le danger réapparaît avec la mon-
omeyyade d’Espagne (912-961), le pre- sée, qui témoignait du raffinement de la
(Aramco), qui succède à l’Arabian Oil tée sur le trône de León, en 931, de
Company. Cette compagnie, qui com- mier calife de Cordoue. Ramire II, qui va mener une lutte sans civilisation omeyyade d’Espagne.

prend désormais les groupes financiers Le 16 octobre 912, un jeune homme merci contre les Omeyyades d’Espagne. M. A. et C. D.

les plus puissants des États-Unis, entre- de vingt-trois ans succède, comme émir Avec l’aide du comte de Castille Fernán Cordoue / Espagne / Fimides / Omeyyades

14
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

/ Reconquista.
cipalement à relever les ruines pro- La civilisation régions de Mascara et de Tlemcen, et
voquées par les attaques marnides. Il prépare la résistance aux chrétiens : le
E. Lévi-Provençal, Histoire de l’Espagne
‘abdalwdide
musulmane (Maisonneuve, 1950-1953 ; 3 vol.).
répare les remparts de Tlemcen, creuse 27 avril 1832, le vieux chef proclame
Les ‘Abdalwdides laissent également le le « djihd », la guerre sainte, et, en
des fossés et accumule des provisions,
souvenir d’une dynastie pleine d’égards mai, il tente de s’emparer d’Oran. C’est
de l’or et des munitions en prévision
pour les sciences et les arts. Tlemcen, un échec, mais le jeune Abd el-Ka-
d’un nouveau siège de la capitale. Son
‘Abdalwdides ou successeur, Ab Tchufn Ier (1318-
leur capitale, eut la réputation d’une cité der se fait remarquer par sa vaillance
intellectuelle dont la société était « polie, En novembre, les tribus décidées à la
Zayynides 1337), attaque les afides dans le but dévote et cultivée ». Les rares vestiges lutte se réunissent aux portes de Mas-
d’annexer la partie occidentale de leur artistiques qui nous sont parvenus té- cara. Une nouvelle apparition de son
Dynastie berbère de Tlemcen (XIIIe- royaume. Il parvient à assiéger Bougie moignent de l’essor de l’art tlemcénien ancêtre entraîne Mohieddine à deman-
XVIe s.). et Constantine lorsque les Marnides sous les premiers princes ‘abdalwdides der le pouvoir pour son fils. L’assem-
viennent au secours des califes de et de sa décadence rapide à partir d’Ab blée choisit avec enthousiasme Abd
Les origines l’Ifrqiya. Hamm II. el-Kader comme sultan : le jeune chef
des ‘Abdalwdides M. A. se contente, en fait, du titre plus simple
Algérie / Berbères / afides / Hilliens /
L’occupation marnide d’« émir », car il reconnaît comme son
Les ‘Abdalwdides sont des Berbères Marnides.
père la suprématie du sultan du Maroc.
nomades de la race des Zenta. En 1235,
Le sultan de Fès, Ab al-asan, s’em- Ibn Khaldun, Histoire des Berbères (Éd. de
ils profitent de la décadence des Almo- Dès 1833, Abd el-Kader reprend la
G. de Slane, Alger, 1852-1856). / G. Marçais,
pare en 1337 de Tlemcen, après deux
hades pour créer une dynastie indépen- la Berbérie musulmane et l’Orient au Moyen lutte contre les Français, commandés
années de siège, et annexe le royaume Âge (Aubier, 1946). / Ch.-A. Julien, Histoire de
dante à Tlemcen, qui devient la capitale par un nouvel arrivé, le général Desmi-
des ‘Abdalwdides. Ceux-ci reviennent l’Afrique du Nord (Payot, 1931 ; nouv. éd. par
du nouveau royaume maghrébin. Le chels, qui veut « se donner de l’air » aux
Ch. Courtois et R. Le Tourneau, 1952-1953,
au pouvoir en 1359 grâce à l’interven- dépens de tribus situées dans la mou-
fondateur de ce royaume, Yarhmursan 2 vol.).
tion des Arabes, les Dowawida, qui se vance du jeune émir. Mais Desmichels,
ibn Zayyn (1235-1283) résiste pendant
près de cinquante ans aux attaques des révoltent contre le sultan marnide Ab devant les critiques de plus en plus
afides et des Marnides, maîtres res- ‘Inn et installent dans Tlemcen le neveu vives formulées en métropole contre les
pectivement de l’Ifrqiya et du Maroc. d’Ab Tchufn, Ab amm Ms II Abd el-Kader projets de conquête, en vient vite à re-
Il s’appuie sur les nomades, principa- (1359-1389). chercher l’entente avec son adversaire :
lement les Arabes Suwayd de la tribu le traité du 26 février 1834 reconnaît
En ar. ‘ABD AL-QDIR, émir arabe (région
des Ban Zurhba, pour tenter des raids à Abd el-Kader le titre de « comman-
Ab amm Ms II de Mascara 1808 - Damas 1883).
contre les Marnides ou repousser les deur des croyants » et lui laisse encore
L’émir Abd el-Kader, créateur d’un
invasions de ces adversaires. Ab amm se reconstitue un parti son autorité sur tout l’ancien beylicat
véritable État algérien, indépendant des
arabe parmi les tribus hilliennes. Il d’Oran, jusqu’à Miliana à l’est. L’année
Turcs, est aujourd’hui considéré par
entreprend d’occuper la ville de Bougie, suivante, en avril 1835, l’émir étend
Le siège de Tlemcen par l’Algérie indépendante comme l’un de
alors contrôlée par les sultans du Maroc. même son pouvoir jusqu’à Médéa,
les Marnides ses grands hommes. Mais la noblesse
Cette tentative se solde par un échec total aux dépens de tribus qui se sont soule-
À la mort de Yarhmursan, le royaume de son attitude après sa capture, la pro-
vées contre les Français : ces derniers,
et aboutit à une déroute. Poursuivi par tection très efficace qu’il apporta aux
‘abdalwdide devient vulnérable. Son en position difficile, ne peuvent guère
une coalition d’Arabes et de Marnides, chrétiens de Damas à la fin de sa vie
successeur, Ab Sa‘d ‘Uthmn (1283- s’opposer à cette expansion.
Ab amm abandonne sa capitale pour lui valurent aussi un très grand prestige
1304), ne parvient pas à repousser
Mais le général Trézel a remplacé,
se réfugier au Zab en 1370. Deux ans chez ses anciens adversaires.
les Marnides, qui assiègent Tlem-
à Oran, le général Desmichels, consi-
cen en 1299. Pour affamer la capitale plus tard, en 1372, il profite de la mort Sa famille, originaire du Rif, s’était
déré comme trop faible. Les conflits
‘abdalwdide, le sultan marnide, Ab du sultan de Fès pour regagner Tlemcen. établie dans la région de Mascara, où
reprennent bientôt avec les Arabes,
Ysuf Ya‘qub al-Mansr, l’entoure d’un Grâce à son habileté et à son sens de la son père, Mohieddine, était devenu, au
les Français voulant prendre sous leur
mur percé de portes pour les attaques. diplomatie, il parvient, avec le concours début du XIXe s., le chef spirituel d’une
protection des tribus qu’Abd el-Ka-
Face à cette ville, il crée une nouvelle des Arabes Suwayd, à asseoir son auto- communauté qui manifestait son hosti-
der considère de sa dépendance. Le
cité, le camp victorieux (al-Manra rité. Mais les Suwayd prennent le parti lité à la domination turque.
28 juin, l’émir inflige à Trézel un
[Mansoura]), ou Tlemcen-la-Neuve. de son fils Ab Tchufn II lorsque ce Abd el-Kader vient au monde dans un rude échec à la Macta. Sous l’impul-
Très vite, Mansoura devient, à la place domaine de la plaine d’Erhis, sur l’oued
dernier se dresse contre lui avec l’appui sion du maréchal Clauzel, nommé
de Tlemcen, un centre commercial très
des Marnides. al-ammm, au sud-ouest de Mascara. gouverneur général de l’Algérie, la
important, que fréquentent des négo- Son éducation très pieuse ne néglige pas contre-offensive française aboutit à
ciants venus de tous les pays. Le siège de l’exercice des armes et, surtout, l’équi-
Déclin et chute l’occupation de Mascara (6 déc.), puis
Tlemcen n’est levé qu’en 1307, à la suite tation, pour laquelle le jeune homme de Tlemcen (13 janv. 1836). En fait,
de l’assassinat d’Ab Ysuf Ya‘qb par des ‘Abdalwdides
acquiert une grande réputation. À vingt les forces de l’émir se reconstituent
un de ses eunuques. La paix est signée ans, il effectue avec son père le tradi-
Après Ab amm, le royaume de très vite et reprennent les territoires
avec les Marnides, qui regagnent le tionnel pèlerinage à La Mecque. Puis les
Tlemcen n’est plus indépendant et que les Français, trop peu nombreux,
Maroc. pèlerins vont jusqu’à Bagdad vénérer ne peuvent occuper. Pour rétablir la
subit successivement les suzerainetés
Le roi ‘abdalwdide Ab Zayyn le tombeau d’un saint, leur lointain an- situation, Louis-Philippe envoie en
marnide, afide, espagnole, avant de
(1304-1308) entreprend alors de re- cêtre. Là, Mohieddine a une vision : son
tomber définitivement sous la domina- Algérie un chef réputé, Bugeaud, qui
mettre de l’ordre dans son royaume. Il aïeul lui prédit qu’Abd el-Kader régnera remporte un premier succès au ravin
tion des Turcs en 1550.
sévit contre les tribus berbères de l’Est sur le Maghreb. Le père et le fils rega- de la Sikkak (6 juill. 1836). En no-
qui se sont ralliées pendant la guerre Le règne des ‘Abdalwdides est gnent leur pays en 1829. L’année sui- vembre, Bugeaud échoue cependant
aux Marnides et chasse les Arabes du marqué par un phénomène extrême- vante, les Français s’emparent d’Alger. dans une tentative contre Constan-
Sersou, considérés comme des adver- ment important : l’arabisation des Ber- Abd el-Kader seconde de plus en tine : Abd el-Kader en profite pour
saires irréductibles du régime. bères Zenta assimilés par les tribus plus efficacement son père, qui, tout bloquer Oran, et le nouveau comman-
Son frère et successeur Ab amm hilliennes, qui les absorbent complè- en reconnaissant la suzeraineté du sul- dant en chef français doit traiter avec
Ms Ier (1308-1318) se consacre prin- tement. tan marocain, regroupe les tribus des l’émir, en mai 1837, près de la Tafna.

15
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

comme il proteste de plus en plus sité Qarawiyyn de Fès, le jeune homme


vivement, à Amboise (nov. 1848). Il seconde son père dans la tâche diploma-
y reste jusqu’en 1852. Enfin, le 16 oc- tique et guerrière qu’il avait entreprise :
tobre, Louis Napoléon lui rend la li- faire rentrer le Rif dans la mouvance du
berté. Abd el-Kader lui écrit : « Vous sultan marocain. En 1908, Abd el-Krim
m’avez mis en liberté, tenant ainsi, est envoyé en zone espagnole. Il y de-
sans m’avoir fait de promesses, les vient un personnage officiel important
engagements que d’autres avaient pris en tant que « cadi » (juge), puis « cadi
envers moi et n’avaient pas tenus. [...] des cadis » de toute la région de Me-
Je n’oublierai jamais la faveur dont lilla : il va alors favoriser l’implantation
j’ai été l’objet. » Abd el-Kader, lui, des Espagnols dans la zone qui leur a
sera fidèle à son dernier engagement : été reconnue en 1912. Ses sentiments
doté d’une pension de 100 000 francs nationalistes se développent d’abord
par an, il part pour la Turquie en aux dépens des Français, au début de
décembre, après avoir visité Paris, la Première Guerre mondiale. Mais, in-
et se retire à Brousse. Accueilli sans quiets du développement possible, dans
chaleur, il prend prétexte de la dévas- leur secteur, des idées nationalistes, les
tation de la ville par un tremblement Espagnols le font arrêter en 1916 et
de terre pour gagner Damas, où vit le retiennent onze mois prisonnier. Ils
une importante colonie algérienne. ménagent pourtant l’héritier de l’une
Il se montre désormais un ami des des plus grandes familles de leur zone
Français et des chrétiens maronites, en lui rendant ses fonctions en 1920.
contribuant notamment à sauver des Cependant, le père d’Abd el-Krim a
milliers de personnes en juillet 1860, des difficultés avec les Espagnols, qui,
lors de l’insurrection des Druzes. On par intimidation, voudraient faire de lui
lui donne alors le grand cordon de la leur instrument. La conséquence en est
Légion d’honneur, et sa pension est une vive altercation avec le général Sil-
Abd el-Kader voit son domaine prend un caractère inexpiable, et les portée à 150 000 francs. Certains vestre : Abd el-Krim retourne en prison.
étendu jusqu’aux confins du beylicat ressources d’Abd el-Kader diminuent songent même à lui confier une sorte Les Espagnols entament les opérations
de Constantine. Celui-ci s’effondre avec la ruine sans cesse aggravée de vice-royauté de l’Algérie. Pourtant militaires en occupant la ville sainte de
après la prise de sa capitale par les des régions qu’il parcourt. Enfin, le son rôle pendant la guerre de 1870 est Chechaouen (1920).
Français en octobre 1837, ce qui ne 16 mai 1843, un officier du duc d’Au- controversé. Dans plusieurs lettres
En 1921, Abd el-Krim s’évade. Peu
résout pas les problèmes de souverai- male découvre par hasard l’immense aux autorités françaises, il aurait vi- après, son père est tué devant le poste
neté sur ce territoire. Dans le nouveau campement formé par la capitale mo- vement condamné l’un de ses fils qui
espagnol de Tafersit. Abd el-Krim ne
vide politique ainsi créé, les Français bile de l’émir, la smala. Une charge tentait de reprendre la lutte en Algé-
tarde pas à faire montre de ses qualités
et Abd el-Kader vont s’affronter : des de cavalerie la disperse. Le coup est rie : ces documents sont considérés militaires : le 21 juillet 1921, il s’em-
interprétations divergentes du traité très rude pour Abd el-Kader, qui doit comme des faux par certains, qui y
pare des points hauts qui commandent
conduiront à la renaissance de la se réfugier sur les confins marocains. voient l’oeuvre de l’administration
les arrières du général Silvestre, établi
guerre, au dernier épisode de la lutte Mais la défaite de l’Isly (14 août coloniale.
avec le gros de ses forces au village
d’Abd el-Kader. Bugeaud veut faire 1844) oblige le sultan du Maroc ‘Abd En tout cas, les rapports d’Abd el-Ka- d’Anoual, à 20 km au sud-ouest de la
signer à l’émir un traité additionnel al-Ramn à refuser toute aide de son der avec la France semblent dès lors se base d’Alhucemas. Les tentatives des
pour fixer, de façon plus restrictive, la hôte, et même à le déclarer hors-la- refroidir, et ses fils vont achever leurs Espagnols pour « se donner de l’air »
limite du domaine arabe. Les Français loi. Dès lors, Abd el-Kader doit en études non pas à Paris, mais en Prusse échouent, et, le 26 juillet, l’armée espa-
n’obtiennent que l’accord personnel revenir à une lutte de partisans, ce qui et en Angleterre. gnole entame une difficile retraite, qui
de l’ambassadeur d’Abd el-Kader, et lui procure des succès, notamment à S. L. entraîne l’abandon de presque toute la
ce dernier estimera comme un acte Sidi-Brahim et dans la région d’Aïn- Algérie. zone nord du Maroc : plus de 100 postes
de guerre l’expédition que dirigera Temouchent (septembre 1845). Il
P. Azan, Récits d’Afrique ; l’Emir Abd el-Ka- espagnols sont occupés par les Rifains,
le duc d’Orléans pour relier Constan- opère même en 1846 sa jonction avec der (Hachette, 1924). / J. Le Gras, Abd el-Ka- qui font 700 prisonniers et s’empa-
tine à Alger, à travers des territoires les Kabyles. Il n’est repoussé vers le der (Berger-Levrault, 1929). / Ph. d’Estailleur-
rent de 200 canons et de 20 000 fusils.
Chanteraine, Abd el-Kader. L’Europe et l’Islm
dont il déniait aux Français le droit Maroc qu’avec de grandes difficul-
au XIXe siècle (J.-B. Janin, 1947). / Y. Lacoste,
« L’Espagne, dira Abd el-Krim, nous
de les traverser. Les combats re- tés. L’hostilité, cette fois ouverte, de A. Nouschi et A. Prenant, l’Algérie, passé et fournissait du jour au lendemain tout
prennent dans la Mitidja en novembre ‘Abd al-Ramn va causer la perte de présent (Éditions sociales, 1960). / Mohamed ce qui nous manquait pour équiper
1839. Les Français connaissent une l’émir, rejeté en Algérie et auquel la C. Sahli, Décoloniser l’histoire (Maspéro, 1965).
une armée et organiser une guerre de
période difficile. En décembre 1840, voie du Sud est coupée par les Fran- grande envergure ! » Peu après, le Rif
Bugeaud est nommé gouverneur çais. Abd el-Kader doit se rendre à se rallie presque entièrement à Abd
général de l’Algérie pour rétablir la Lamoricière le 23 décembre 1847, el-Krim, qui s’efforce de trouver des
situation. Ses « colonnes mobiles » puis au duc d’Aumale le lendemain. Abd el-Krim appuis extérieurs : il lui faut, en effet,
occupent les principales villes de Lamoricière, comme le duc d’Au- faire face à une contre-offensive de la
l’intérieur qui étaient tenues par Abd male, avait promis à l’émir, lors de En ar. MHAMMAD IBN ‘ABD AL-KARM,
part des Espagnols, qui envoient sans
el-Kader : dès 1841, Tagdempt (près chef rifain (Ajdir, près de la base d’Al-
sa reddition, de le conduire en terre cesse des renforts sur le littoral et qui
de Tiaret), Mascara, Boghar et, en d’islm à Alexandrie ou à Saint-Jean- hucemas, 1882 - Le Caire 1963). reprennent en partie le territoire perdu.
1842, Tlemcen. En même temps, les d’Acre. En fait, on l’interne d’abord à Abd el-Krim appartient à une noble Le frère d’Abd el-Krim va à Paris en
Français s’attaquent à ce qui fait l’es- Toulon, au fort Lamalgue. La IIe Ré- famille qui joua un rôle dirigeant dans la 1923, rencontre divers hommes poli-
sentiel des richesses des tribus alliées publique n’exécute pas la promesse tribu des Ouriaghel et qui passe pour être tiques et reçoit un certain appui du
de l’émir : les troupeaux sont confis- de la royauté, et l’ancien chef arabe venue du Hedjaz vers 900. Après des parti communiste, qui organise en 1924
qués, les récoltes détruites. La guerre est transféré à Pau (avr. 1848), puis, études coraniques à la célèbre univer- d’importantes manifestations pour sou-

16
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

tenir la cause rifaine. La IIIe Internatio- dessous, l’abdomen, occupé essentiel- dite : ce sont, de la profondeur à la super- constituante de la gaine du droit et du
nale lui apporte également sa caution, lement par le tube digestif, ses glandes ficie, le grand oblique, le petit oblique, le canal inguinal.
conformément aux thèses adoptées en annexes et la partie haute de l’appareil transverse. Le quatrième muscle, verti- • Le grand droit de l’abdomen est
1921 sur le soutien aux mouvements génito-urinaire. cal et antérieur, est le « grand droit » de vertical de chaque côté de la ligne
libérateurs des colonies. En raison de l’abdomen. médiane ; il s’insère en haut sur les
son prestige, Abd el-Krim est amené à Parois de l’abdomen 5e, 6e et 7e cartilages costaux. Le corps
• Le grand oblique prend ses inser-
prendre ses distances à l’égard du sul-
musculaire descend verticalement : il
Elles sont constituées par un cadre os- tions d’origine à la face externe des
tan du Maroc, qu’il considère comme
est plat mais épais, bien visible chez
seux sur lequel s’insèrent de nombreux sept ou huit dernières côtes. Les fibres
prisonnier des Français, et à faire état
les sujets maigres et présente trois ou
muscles. Ce cadre osseux est formé musculaires postérieures descendent
de la création d’une « république du
quatre intersections tendineuses. Il se
en arrière, sur la ligne médiane, par le verticalement et s’insèrent sur la par-
Rif ». Mais en cherchant à consolider
termine par un fort tendon sur l’angle
rachis, représenté à ce niveau par la dou-
son influence vers le sud, il va entrer en tie moyenne de la crête de l’os iliaque
du pubis de l’os iliaque du même côté.
zième vertèbre dorsale et les cinq ver-
conflit avec la France. correspondant.
Quelques fibres internes s’entrecroisent
tèbres lombaires. L’ensemble s’ordonne
En 1924, une légère avance des Fran- Le reste du corps musculaire s’étale sur la ligne médiane avec celles du côté
selon une courbure à concavité posté-
çais chez les Beni Zeroual, depuis peu en un éventail dont les fibres sont diri- opposé. On rattache au grand droit le
rieure dite « lordose lombaire ». C’est le
leurs alliés, est considérée par Abd el- muscle pyramidal, petit muscle situé
seul pont osseux tendu de la cage thora- gées obliquement en bas, en avant et
Krim comme un casus belli. Le 16 avril en avant de la terminaison inférieure
cique au bassin. en dedans. Celles-ci viennent se jeter
1925, le fortin français de Beni-Derkoul du droit.
sur l’aponévrose de terminaison du
est attaqué ; divers postes sont enlevés Vers le haut, le cadre osseux est
muscle, qui entre dans la constitution de Le muscle grand droit et son satellite,
représenté par la partie inférieure de la
par les Rifains, qui en viennent à mena-
la gaine du droit, avant de s’unir à son le pyramidal, sont logés dans une gaine
cer les communications entre l’Algérie cage thoracique.
homologue opposé sur la ligne médiane fibreuse constituée par les aponévroses
et le Maroc. Vers le bas, le squelette abdominal
antérieure, appelée « ligne blanche ». de terminaison des muscles larges de
Paris charge alors Pétain de la lutte est formé par les éléments de la ceinture
La partie inférieure de l’aponévrose l’abdomen.
et lui donne des moyens considérables pelvienne ou bassin.
constitue une partie de la paroi du canal Les aponévroses des muscles larges,
(une centaine de bataillons). Préparée Des muscles nombreux et puissants
inguinal. (V. hernie.) après avoir engainé le muscle droit, se
par une intense « action psychologique » s’insèrent sur ce cadre osseux, permet-
réunissent et s’entrecroisent avec celles
parmi les tribus rifaines, une puissante tant de décrire une paroi supérieure, • Le petit oblique prend naissance sur
du côté opposé sur la ligne médiane, et
campagne militaire est engagée en mai une paroi antéro-latérale et une paroi les trois quarts antérieurs de la crête
forment la ligne blanche.
1926, en collaboration avec les Espa- postérieure ; la paroi inférieure, sépa- iliaque. Les fibres charnues se dirigent
gnols. L’affaire est terminée en moins rant l’abdomen du petit bassin, est vir- L’ombilic est la cicatrice qui se forme
dans la direction inverse du muscle pré-
d’un mois, et Abd el-Krim doit se rési- tuelle. La limite entre ces deux cavités après la chute du cordon ombilical. Il
cédent, c’est-à-dire en haut, en dedans
gner à demander l’aman, le 27 mai, au est indiquée par le détroit supérieur. siège un peu au-dessous du milieu de
et en avant, et se jettent sur une apo-
général Ibos, à Tizenmourène, près de Si le petit bassin n’est, en réalité, que la paroi abdominale et est constitué
névrose qui constitue une partie de la
Targuist. Exilé à la Réunion, où il vivra la partie la plus déclive de l’abdomen, d’un anneau fibreux creusé dans la ligne
gaine du droit et du canal inguinal.
entouré d’une trentaine de personnes, il est pourtant habituel de l’exclure de blanche, recouvert en avant par les tégu-
• Le transverse de l’abdomen s’insère ments, en arrière par le péritoine.
il témoignera pourtant sans cesse de la description de la cavité abdominale.
son amitié pour la France. En 1947, il (V. bassin.) de haut en bas sur la face interne des
Les muscles de la région antéro-la-
obtient de se retirer sur la Côte d’Azur, six derniers arcs costaux, sur le sommet
térale réalisent une sangle abdomi-
mais il profite d’une escale à Port-Saïd Paroi supérieure des apophyses transverses des cinq ver- nale dont la solidité repose en partie
pour se retrouver en terre d’islm : il tèbres lombaires et sur la crête iliaque. sur l’obliquité inverse des fibres. Ils
La paroi supérieure est constituée par
est accueilli avec les plus grands hon- Les fibres du corps charnu se dirigent
le diaphragme*, large et mince cloi- interviennent dans tous les efforts qui
neurs par le roi Farouk. Considéré en avant et en dedans transversale-
son musculo-tendineuse en forme de tendent à augmenter la pression intra-
comme le plus illustre représentant du ment (horizontalement), et viennent se
voûte, allongée transversalement et abdominale (défécation, coït, accouche-
nationalisme maghrébin, il fera preuve
dont la convexité regarde vers le haut. jeter sur l’aponévrose de terminaison, ment) ou intrathoracique (toux). Ils in-
d’une certaine intransigeance, refusera
Le diaphragme s’insère à la partie
de rentrer au Maroc « avant que le der-
inférieure de la paroi thoracique, mais
nier militaire étranger ait quitté le sol
remonte largement à l’intérieur de la
maghrébin » et condamnera même les
cage thoracique, le sommet de la cou-
accords d’Évian. Il apparaît pour beau-
pole diaphragmatique se projetant au
coup comme un grand précurseur du
niveau des 4e et 5e espaces intercostaux.
mouvement de décolonisation.
Cette notion est fondamentale pour com-
S. L.
prendre la position des organes de la par-
Maroc.
tie supérieure de l’abdomen, masqués
J. Ladreit de Lacharrière, le Rêve d’Abd el- par le rebord thoracique, difficiles à ex-
Krim (J. Peyronnet et Cie, 1925). / L. Gabrielli,
plorer cliniquement et chirurgicalement,
Abd el-Krim et les événements du Rif (Éditions
Atlantides, Casablanca, 1953). et menacés en cas de plaie transfixiante
de la moitié inférieure du thorax. En
langage chirurgical, ce sont les viscères
« thoraco-abdominaux ».

abdomen
Paroi antéro-latérale

Région du corps humain située à la La paroi antéro-latérale est formée de


partie inférieure du tronc. Au-dessus chaque côté par quatre muscles. Trois
du diaphragme se trouve le thorax*, sont appelés muscles larges et s’en-
contenant le coeur et les poumons ; au- roulent pour former la paroi proprement

17
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

terviennent aussi dans les mouvements interne de l’artère mammaire interne Espace rétro-péritonéal le jéjuno-iléon. Le duodéno-pancréas
et la statique du corps humain. Enfin, chemine à la face profonde du muscle est à cheval sur ces deux régions.
Dans cet espace cheminent l’aorte* ab-
ce sont des muscles respirateurs très grand droit. Elle s’anastomose au niveau dominale sur le flanc antérieur gauche
importants. de l’ombilic avec l’artère épigastrique, Chirurgie de l’abdomen
du rachis, qui se divise en deux artères
La partie inférieure de la paroi antéro- branche de l’artère iliaque externe. Laté- iliaques au niveau de la quatrième ver-
Rendue possible par les découvertes de
latérale est la région inguinale, région ralement, le plan artériel est constitué tèbre lombaire, et la veine cave infé- l’anesthésie* générale et de l’asepsie*
importante par sa pathologie (hernie). par les quatre artères lombaires, nées rieure sur son flanc antérieur droit. La (seconde moitié du XIXe s.), l’ouverture
Elle sera étudiée plus loin. directement de l’aorte, cheminant et veine cave reçoit les veines de la paroi de l’abdomen peut se faire par diverses
se divisant dans l’épaisseur de la paroi et les veines urogénitales. Le sang voies d’abord.
Paroi postérieure postéro-latérale, l’artère ilio-lombaire, du tube digestif, collecté par la veine
La paroi postérieure occupe la région née de l’artère iliaque interne, et l’artère porte, traverse le foie, puis retourne à Laparotomies
lombaire comblant l’espace compris circonflexe iliaque profonde, branche de la veine cave inférieure par les veines
La presque totalité du contenu abdomi-
entre la douzième côte et la crête iliaque. l’iliaque externe. sus-hépatiques. Le long des gros vais-
nal peut être exploré par des incisions
Elle comprend des muscles nombreux seaux se trouvent les axes lymphatiques
Veines. Les veines sont, dans l’en- pratiquées à travers des parois de l’abdo-
et puissants, qui peuvent être divisés en et nerveux (sympathiques et parasym-
men : les laparotomies. La voie d’abord
semble, satellites de leurs artères, réa-
trois groupes : pathiques). Enfin, de part et d’autre de employée dépend de plusieurs facteurs :
lisant des anastomoses entre les veines
• le groupe moyen est constitué par le l’axe vertébral, on trouve les reins, sur- emplacement de l’organe à traiter, na-
caves supérieure et inférieure. De plus,
carré des lombes et l’aponévrose pos- montés chacun d’une glande surrénale et ture de l’affection, étendue des lésions,
il existe au niveau de l’ombilic une im-
térieure du transverse de l’abdomen ; dont le conduit excréteur, l’uretère, fran- acte chirurgical prévu.
portante anastomose entre le système chit le détroit supérieur avant de plonger
• le groupe postérieur est situé en ar- Les laparotomies peuvent être ran-
porte et le système cave par l’intermé- dans le petit bassin.
rière du carré des lombes. Il comprend : gées en trois groupes : verticales,
diaire des veines para-ombilicales du
un plan profond, formé par les muscles obliques, transversales. La laparo-
ligament rond. (Ce dernier n’est que le Péritoine
spinaux logés dans les gouttières ver- tomie le plus utilisée en France est la
vestige thrombose de la veine ombili-
tébrales (sacro-lombaire, long dorsal, C’est une membrane séreuse envelop- laparotomie médiane verticale sus- ou
cale du foetus.) Ces veines para-ombi-
transversaire épineux, épineux) ; le pant le tube digestif ; elle est constituée sous-ombilicale : voie d’abord peu
plan du rhomboïde et un plan superfi- licales anastomosent la branche gauche d’un feuillet viscéral et d’un feuillet délabrante, n’interrompant ni muscle ni
ciel, formé par le grand dorsal en bas, de la veine porte aux veines épigas- pariétal. Le développement en longueur nerf de la paroi, facile à réparer, pou-
le trapèze en haut ; triques. du tube digestif (inégal suivant les po- vant s’agrandir au maximum en incision

• le groupe antérieur, situé en avant Nerfs. Les nerfs de la paroi sitions) étant beaucoup plus important xyphopubienne, elle permet d’explorer
du carré des lombes, est formé par les conservent la disposition métamérique. que son contenant, l’abdomen, il se à peu près tout l’abdomen et d’accom-

muscles psoas iliaque et petit psoas. Ils sont représentés par les six derniers forme chez l’embryon des coudures, des plir la plupart des interventions.

Le psoas, épais, allongé, s’insère sur rotations et des accolements d’organes Les incisions obliques (sous-costales
nerfs intercostaux, qui cheminent entre
la face latérale des disques interverté- aboutissant à la disposition définitive. droites ou gauches, incision de McBur-
petit oblique et transverse, et par les
braux et des cinq vertèbres lombaires, ney) ont des indications précises. Les
nerfs grand et petit abdomino-génitaux,
et sur leurs apophyses transverses. Organes incisions transversales sont plus rare-
branches du plexus lombaire.
L’iliaque s’insère sur la fosse iliaque Faisant suite à l’oesophage (organe tho- ment employées : citons l’incision de
interne. Les deux muscles se réunissent racique, sauf dans ses quatre derniers Pfanvenstiel, transversale, sus-pu-
et s’attachent par un très gros tendon centimètres), les organes du tube diges- bienne, en chirurgie gynécologique.
sur le petit trochanter à l’extrémité su- Enfin, il faut citer, pour terminer, la
tif sont l’estomac*, puis l’intestin grêle,
périeure du fémur. Contenu de l’abdomen thoraco-phréno-laparotomie, qui ouvre
formé du duodénum (enroulé autour
Il est constitué essentiellement par le du pancréas), du jéjunum et de l’iléon, par une même incision le thorax, la
Vaisseaux et nerfs de la paroi paroi abdominale et le diaphragme, et
tube digestif abdominal, enveloppé reliés à la paroi abdominale postérieure
abdominale qui donne un large jour sur les viscères
d’une séreuse, le péritoine. En arrière par un vaste méso en forme d’éventail,
Artères. La paroi est richement vascula- des viscères, on trouve l’espace rétro- le mésentère. À l’angle iléo-caecal, situé
risée par des artères de provenances di- dans la fosse iliaque droite, le gros intes-
péritonéal.
verses. Sur la ligne médiane, la branche tin succède à l’iléon. En forme de cadre
entourant la masse du grêle, il est divisé
en côlon ascendant (ou droit), accolé à
la paroi postérieure, en côlon transverse,
flottant et relié à la paroi postérieure par
le mésocôlon transverse, et côlon des-
cendant (ou gauche), suivi de l’anse sig-
moïde, qui se continue avec le rectum.

On rattache au tube digestif le foie*,


qui occupe la partie supérieure et droite
de l’abdomen et auquel sont annexés les
voies biliaires*, la rate, à gauche, et le
pancréas, inclus dans l’anneau duodé-
nal.

Le mésocôlon transverse divise la ca-


vité abdominale en deux étages : l’étage
sus-mésocolique, où se trouvent l’esto-
mac, le foie, la rate, et l’étage sous-mé-
socolique, essentiellement occupé par

18
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

(intestin grêle surtout). Elle est menacée Traumatismes de l’abdomen


d’étranglement et d’accidents infectieux
Parmi les traumatismes de l’abdomen, il
cutanés.
faut opposer les plaies de l’abdomen aux
La hernie épigastrique siège sur la ligne traumatismes fermés (contusions).
blanche au-dessus de l’ombilic : c’est l’issue,
Toute plaie de la paroi abdominale doit être
par un orifice de la ligne blanche, souvent
explorée chirurgicalement dans l’ignorance
très petit, d’un « coin » péritonéal, précédé
que l’on est des lésions sous-jacentes et
d’un lipome pré-herniaire ou d’une petite
cela quels que soient l’agent vulnérant et
boule de graisse sous-péritonéale. Elle est
l’aspect de la « porte d’entrée » (plaie par
parfois très douloureuse.
coup de couteau, par balle, par éclat mé-
Les hernies lombaires sont condition-
tallique, etc.). Au contraire, dans les contu-
nées par l’existence de points faibles de la
sions de l’abdomen, l’indication chirurgi-
région postérieure de l’abdomen : triangle
cale s’impose rarement d’emblée. C’est la
de J.-L. Petit, quadrilatère de Grynfelt.
surveillance du blessé, répétée d’heure
Outre les hernies, la pathologie de la
en heure, qui permet de voir apparaître et
paroi se compose d’affections rares : héma-
s’étendre une contracture traduisant une
tomes spontanés des muscles droits et rup-
péritonite par rupture d’un viscère creux,
ture traumatique des muscles de la paroi ;
une matité dans les flancs traduisant un
tumeurs de la paroi telles que les fibromes,
épanchement de sang intra-péritonéal.
les tumeurs malignes primitives, surtout à
type de sarcomes ; les kystes hydatiques des Ailleurs, l’abdomen reste souple, indolore,

muscles de la paroi. permettant alors d’éliminer le diagnostic de


lésion intra-abdominale. Dans les cas diffi-
Affections du contenu de l’abdomen ciles intermédiaires et fréquents, il est per-

Il est permis d’affirmer qu’en pathologie mis d’hésiter sur la conduite à tenir. Il faut

humaine l’intérêt de la paroi abdominale alors s’aider de la radiographie de l’abdo-

ne vient pas de ses lésions propres, mais men sans préparation, qui peut déceler la

de ce qu’elle recouvre, cache ou traduit. présence d’air dans la grande cavité (pneu-
Elle est tout à la fois un masque et un reflet mopéritoine), de la ponction de l’abdomen
des lésions intra-abdominales, que ce soit (présence de sang), et surtout, au moindre
en médecine journalière, dans le cadre des doute, il faut pratiquer une « laparotomie
urgences (péritonites, occlusions) ou à la exploratrice ». Les immenses progrès réa-
suite de traumatismes (plaies et contusions). lisés en chirurgie, depuis la découverte
L’examen de la paroi abdominale fait de l’asepsie et de l’anesthésie jusqu’aux
partie de l’examen habituel de tout malade, procédés les plus récents de réanimation
supérieurs thoraco-abdominaux, ainsi de la cicatrice sont amincis, distendus, pour apprécier la taille et la consistance des moderne, permettent cette attitude réso-
différents organes (foie et rate), et l’exis-
que la lombotomie, voie d’accès posté- largement déhiscents. lument active. L’expérience montre qu’en
tence d’une lésion intra-abdominale pal-
rieur pour la chirurgie du rein. matière de « contusion » abdominale on
pable (cancers gastriques, kystes, anévrisme
regrette rarement la décision opératoire, le
Toute laparotomie est menacée de Endoscopie
de l’aorte, etc.). À l’évidence, cet examen est
danger étant trop grand de laisser évoluer
complication postopératoire : la plus Sous le nom de péritonéoscopie ou de plus fructueux chez les sujets maigres que
« à bas bruit » une lésion mortelle.
chez les obèses, dont l’épaisseur de la paroi
bénigne est la suppuration due à une coelioscopie, on pratique couramment
émousse les perceptions.
faute d’asepsie en cours d’intervention l’examen endoscopique de la cavité ab- Ph. de L.
Ce geste de routine devient l’élément
ou à une contamination de la paroi par dominale après insufflation d’air dans le H. Mondor, Diagnostics urgents. Abdomen
capital du diagnostic dans les affections
le contenu septique d’un viscère. La péritoine. Cet examen dispense souvent (Masson, 1930 ; 8e éd. 1959). / H. Rouvière, Ana-
urgentes de l’abdomen. On peut mettre
tomie humaine descriptive et topographique
plus grave est l’éviscération : caracté- d’une laparotomie exploratrice et per- ainsi en évidence une péritonite traduite par
(Masson, 1942 ; nouv. éd. revue par G. Cordier,
risée par l’issue des viscères à travers met, outre la prise de clichés, certaines une « contracture » généralisée : c’est une
1959 ; 3 vol.). / C. Couinaud, Anatomie de l’ab-
les plans pariétaux désunis, cette com- interventions telles que les biopsies. contraction intense, rigide, permanente, domen (Doin, 1963 ; 2 vol.). / Z. Cope, A History
tonique des muscles de la paroi, qui se voit
plication peut survenir dans les pre- of the Acute Abdomen (Londres, 1965).
chez les sujets maigres, dont les muscles se
miers jours suivant l’intervention ou, au
Pathologie de l’abdomen tendent sous la peau et dont l’abdomen,
contraire, tardivement, vers le douzième
immobile, « ne respire plus ». Sous les mains
jour. Elle peut passer inaperçue au début Affections des parois posées bien à plat, la paroi de l’abdomen
et n’être découverte qu’à l’occasion En dehors des séquelles de laparotomie, apparaît dure. Douloureuse, elle a perdu Abdülhamid Ier
d’un pansement. Elle nécessite dans toute souplesse et ne se laisse plus dépri-
elles sont assez rares, si on élimine les her-

presque tous les cas une réintervention nies* inguinales et les hernies hiatales. (V. mer ; c’est le « ventre de bois », traduction la et II
plus complète d’une péritonite généralisée.
immédiate. diaphragme.)
La cause la plus fréquente en est la perfora-
Le diastasis des droits réalise une éven- OTTOMAN (Empire).
Bien différente est l’éventration : tion d’un ulcère gastro-duodénal ou d’une
tration spontanée par l’écartement anormal
c’est une complication tardive, dans la appendicite.
des muscles droits de l’abdomen.
genèse de laquelle s’intègrent l’accident Au cours des occlusions*, la paroi abdo-
La hernie ombilicale se présente suivant
infectieux, la déficience musculo-apo- minale reste souple, mais elle est mise en

névrotique de certains opérés (obèses),


plusieurs types : tension et soulevée par les gaz sous-jacents, Abeille
— chez le nouveau-né, l’omphalocèle est qui ne peuvent s’évacuer par les voies natu-
les suites opératoires troublées (vomis- due à une aplasie congénitale de la paroi ; relles. Il existe un « ballonnement » abdomi-
sements, toux). Elle est parfois minime, — chez l’enfant, la hernie ombilicale est due Insecte de l’ordre des Hyménoptères,
nal traduisant le météorisme et donnant à la
véritable trou de petit diamètre dans la à un orifice ombilical trop grand. La hernie main qui palpe une sensation de résistance, muni d’un aiguillon venimeux et se
est toujours de petite taille (noisette) et ne de tension. À la percussion, la paroi offre nourrissant du pollen et du nectar des
paroi cicatricielle, parfois énorme, due
s’étrangle jamais ; un son creux « tympanique », s’opposant à
à la distension progressive d’une longue fleurs. Au sens strict, on applique le
— chez l’adulte, la hernie ombilicale peut la « matité » des épanchements liquidions
cicatrice sur toute son étendue. La répa- nom d’Abeille à une espèce précise.
être énorme, surtout chez les femmes (ascite, grossesse). La pathologie particu-
ration en est dans certains cas un acte Apis mellifica, qui vit en société et a été
obèses, multipares à ventre tombant, à lière à chaque organe est traitée à l’article
chirurgical majeur, car les muscles et parois déficientes. Elle peut contenir n’im- correspondant. (V. estomac, intestin, foie, domestiquée par l’homme ; mais on dé-
les aponévroses de la paroi au niveau porte quels viscères abdominaux mobiles rein, etc.) signe plus largement sous ce terme tout

19
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

insecte, social ou non, appartenant à la Morphologie et à une rangée de petits crochets dont est L’organisation interne n’est pas fon-
superfamille des Apoïdes. muni le bord avant de l’aile postérieure. damentalement différente de celle des
anatomie de l’ouvrière
Les pattes se terminent par deux griffes insectes en général. Il faut signaler
Long de 15 mm, le corps de l’ouvrière se cependant : le grand développement
L’Abeille domestique et une ventouse ; grâce à leurs mouve-
divise en trois parties. du cerveau, en relation avec les facul-
ments coordonnés, elles rassemblent
(Apis mellifica L.) tés psychiques élevées de l’Abeille ;
La tête porte deux antennes coudées, le pollen dont le corps s’est couvert au
Une société d’Abeilles comporte en gé- couvertes de milliers de poils tactiles la conformation du tube digestif, où
contact des étamines et en façonnent des
et de fossettes olfactives ; ces antennes le jabot est séparé de l’intestin par des
néral de 20 000 à 100 000 individus. Il boulettes ; les pattes postérieures, les
sont aussi des organes sensibles à l’hu- valvules, si bien que le nectar accumulé
arrive parfois qu’au moment de l’essai- mieux adaptées à ce travail, transportent
midité, à la température, au gaz carbo- peut être régurgité lors de l’élaboration
mage l’on puisse évaluer la population ensuite ces boulettes coincées dans les
du miel et que l’individu n’en prélève
nique et, semble-t-il, à certaines vibra-
d’une ruche, en pesant l’essaim : 1 kg corbeilles de leur tibia. Ajoutons que la
qu’une faible partie pour son propre
tions. Les yeux, bien développés, sont
contient environ 10 000 Abeilles. On pince située entre le tibia et le tarse sert
compte ; l’atrophie presque totale de
composés chacun de 4 000 facettes, ou
à prélever les lamelles de cire, et que la
admet qu’alors la moitié des habitants a l’appareil génital ; l’abondance et la
ommatidies, contenant chacune huit cel-
patte antérieure porte un peigne utilisé variété des organes sécréteurs.
quitté la ruche (théorie de Sandler). lules visuelles. Ils permettent une vision
pour le nettoyage des antennes.
Pendant la belle saison, on trouve trois colorée différente de la nôtre : ils ne sont
pas sensibles au rouge, mais réagissent L’abdomen est formé de sept seg- La reine et
sortes d’individus (ou castes). Les plus
à l’ultraviolet. Sur le dessus de la tête, ments visibles, mais le premier paraît le faux bourdon
nombreux sont les ouvrières, femelles
on remarque trois ocelles. Les pièces faire partie du thorax et précède le
stériles, qui assurent l’entretien de la La reine se distingue extérieurement de
buccales sont lécheuses et suceuses. La pédicule, qui sépare les deux régions.
l’ouvrière par sa longueur (20 mm) et
ruche, la nutrition de tous ses occupants,
pièce essentielle est le labium, dont la Les sternites des segments 3 à 6 portent
son abdomen plus développé ; elle ne
larves notamment, et la construction des chacun une paire de glandes cirières. À
longue langue velue peut plonger dans quitte jamais la ruche, sauf pour le vol
rayons. La reine, unique femelle fertile, l’arrière, sous l’anus, pointe l’aiguillon
les fleurs ; autour d’elle, les deux palpes nuptial et pour l’essaimage. Son appareil
pond de 1 000 à 2 000 oeufs par jour ; labiaux et les deux maxilles forment une venimeux, relié à un réservoir où une génital est bien développé ; cependant,
sa présence est indispensable à la coor- sorte de conduit par lequel le nectar est glande déverse des substances toxiques certaines de ses pièces sont modifiées en
dination de l’activité des ouvrières ; les aspiré ; les mandibules, courtes, servent et inflammatoires ; près de sa pointe, un appareil venimeux.
mâles, ou faux bourdons, au nombre de à façonner la cire. l’aiguillon est muni de barbes qui font Le mâle doit au fait qu’il est très
plusieurs centaines, sont éliminés par Sur le thorax s’insèrent deux paires penser à celles d’un harpon ; il n’est pas velu son nom usuel de faux bourdon ;
les ouvrières à la fin de l’été. On appelle d’ailes membraneuses inégales et trois rare de voir une ouvrière abandonner ses yeux, volumineux, se rejoignent
paires de pattes. Les ailes d’un même aiguillon et appareil venimeux dans la presque sur le dessus de la tête ; par
couvain l’ensemble des oeufs, larves et
côté sont maintenues solidaires grâce plaie et mourir de cette mutilation. contre, sa langue est réduite ; il ne pos-
nymphes placés dans les alvéoles.

À qui devons-nous de
connaître l’Abeille ?

D’abord le Hollandais Jan Swammerdam

(Amsterdam 1637 - id. 1680) dissèque

l’insecte pendant plusieurs années et livre

des planches anatomiques d’une précision

admirable.

Réaumur* est le premier à proposer,

dans ses Mémoires pour servir à l’histoire

des insectes (1734-1742), une vue cohé-

rente et exacte, débarrassée des multiples

légendes qui circulaient jusqu’alors, de la vie

des Abeilles.

François Huber (Genève 1750 - Pregny,

près de Genève, 1831), le naturaliste aveugle

de Genève, scrute avec patience et génie la

biologie de la ruche, et rassemble dans ses

Nouvelles Observations sur les abeilles les

résultats de ses recherches, presque tous

encore valables.

Avec sa Vie des abeilles (1901), Maurice

Maeterlinck* révèle à un vaste public une

vision fidèle des activités de la ruche, bien

que son élan poétique l’entraîne à quelques

exagérations.

En 1922, Karl von Frisch (né à Vienne en

1886) fait connaître le résultat de ses pre-

miers travaux sur les « danses » des ou-

vrières, dans lesquelles il devait découvrir

un langage précis.

20
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

les femelles, fécondées en automne, se dis-


persent et passent l’hiver à l’abri ; chacune
peut fonder une nouvelle société au prin-
temps. Les Bourdons jouent un rôle impor-
tant dans la pollinisation.

Mélipones, Abeilles sociales des régions


tropicales, construisant en cire des rayons
horizontaux et des sortes d’outres à miel ;

celui-ci est recherché par les Indiens d’Amé-


rique du Sud, qui peuvent élever d’autant
plus facilement les Mélipones qu’elles sont
dépourvues d’aiguillon.

Abeille charpentière (Xylocope), grosse


Abeille solitaire, qui, de ses mandibules,
creuse son nid dans le bois mort, les tiges
sèches.

Abeille tapissière (Mégachile), Abeille


solitaire, qui tapisse son terrier souterrain de
feuilles adroitement découpées.

Abeille maçonne (Chalicodome), Abeille


solitaire, qui édifie un nid très solide en terre
gâchée avec sa salive ; celui-ci comporte
quelques cellules où se développent les
sède pas d’appareil venimeux. Les faux la ruche, surveillance à l’entrée. C’est modalités du langage de l’abeille ; dès
larves.
bourdons résultent du développement alors qu’ont lieu les premières sorties, maintenant on peut décrire comment se
Osmies, Abeilles solitaires, dont les nom-
d’oeufs parthénogénétiques qui ne pos- sur la planche de vol et à quelques réalise l’orientation des ouvrières.
breuses espèces nidifient dans des terriers
sèdent que n = 16 chromosomes. mètres de la ruche ; ces vols d’orienta- Cette faculté met en jeu des facteurs creusés dans des trous de murs, dans le bois
tion permettent à l’ouvrière de repérer visuels et des facteurs olfactifs. Quand mort ou dans les coquilles.

Les activités l’aspect extérieur de la ruche, sa loca- l’ouvrière quitte la ruche, elle enregistre
Abeilles inférieures
lisation dans son environnement ; ainsi
des ouvrières l’angle que fait le soleil avec la direc-
se trouvera facilité le retour au nid après Andrène (Abeille des sables), au nid souter-
tion qu’elle prend : certaines ommati-
Pendant la belle saison, la durée de rain, très simple.
les vols de grande amplitude qui carac- dies reçoivent de plein fouet les rayons
vie des ouvrières ne dépasse guère six Nomade, Abeille parasite, pondant dans
térisent la dernière — et la plus longue solaires. Pour le retour, l’insecte sera
semaines ; mais celles qui apparaissent le nid d’autres Abeilles ; ses larves se nour-
— période de la vie. guidé vers la ruche si les rayons lumi-
à la fin de l’été survivent dans la ruche rissant des provisions accumulées par l’hôte.
L’ouvrière devient alors pourvoyeuse neux frappent les ommatidies dirigées
jusqu’au printemps suivant. Collète, Abeille solitaire, qui établit son
de nourriture, qu’elle extrait des fleurs. à l’opposé des premières. Lorsque le
nid dans les sols meubles.
Une ouvrière est capable d’assu- soleil est caché, l’Abeille utilise comme
Le nectar est aspiré par la trompe et
Halicte, Abeille à nid souterrain, dont les
rer toutes les activités dans la société, repère le plan de polarisation de la lu-
ramené à la ruche dans le jabot ; régur- provisions sont uniquement constituées de
sauf, bien entendu, la reproduction. Le mière diffractée par le ciel bleu ; l’oeil
gité plusieurs fois, transmis d’ouvrière pollen. Certaines espèces (Halictus margi-
service auquel elle est affectée dépend en ouvrière, qui le concentrent et, par de l’Abeille peut en effet distinguer la natus, H. malachurus) sont sociales.
d’abord de son âge et, accessoirement, lumière polarisée ; par temps légère-
des enzymes, modifient sa composition,
des besoins éventuels de la ruche ; il ment couvert, la position du soleil peut
il est déposé à l’état sirupeux dans des
peut être modifié pour répondre à une encore être repérée à travers les nuages. Reproduction et
alvéoles, où une dernière évaporation
situation imprévue. L’orientation par des mécanismes développement
le transforme en miel ; cacheté par un
Dans les jours qui suivent l’éclo- opercule de cire, il représente des ré- optiques ne fournit à l’ouvrière que
La reine vient de quitter la ruche avec
sion, l’Abeille circule sur les rayons serves pour l’hiver. D’autres ouvrières des renseignements approximatifs ;
l’essaim, laissant orphelines quelques
et contribue à leur nettoyage. À l’âge recherchent le pollen ; une butineuse la découverte d’une source précise de
dizaines de milliers d’ouvrières ; situa-
de trois jours, elle commence à assurer ne visite qu’une seule espèce de fleur à nourriture sera facilitée par ce qu’on
tion provisoire, car, dans des alvéoles
l’alimentation des larves : elle apporte chaque voyage ; nous avons vu le rôle convient d’appeler l’odeur de la ruche,
spéciaux, des adultes sexués, mâles et fe-
aux plus âgées d’entre elles un mélange des pattes dans la récolte et le transport ; trace laissée sur place par les visiteuses
melles, s’apprêtent à éclore. Dès qu’une
de miel et de pollen ; puis ses glandes dans la ruche, le pollen est tassé tel quel, précédentes et émise par l’organe de
jeune reine apparaît, elle tue les larves
mandibulaires et pharyngiennes entrent sans transformations, dans les cellules Nasanoff. C’est également cette odeur,
ou les nymphes d’autres reines dans
en fonctionnement et produisent de et, additionné de miel, sera utilisé pour répandue à quelque distance de la ruche
leurs cellules ; si deux reines éclosent
la gelée royale, qu’elle distribue aux nourrir les larves. par les ventileuses et associée aux sou-
en même temps, elles se livrent un com-
larves jeunes. Quelques ouvrières en- venirs visuels des vols d’orientation, qui
Pendant une journée d’été, une ruche bat qui se termine par la mort de l’une
permettra le retour au gîte.
tourent la reine, par roulement, l’accom- augmente son poids de plusieurs cen- d’elles ; ainsi se trouve assurée la mono-
pagnent lors de la ponte, la lèchent, la taines de grammes ; une ouvrière doit gynie (situation des sociétés d’insectes
nourrissent de gelée royale. D’autres Abeilles sociales, Abeilles comprenant une seule femelle féconde).
visiter plusieurs dizaines de fleurs pour
fournissent les mâles de miel. solitaires
remplir son jabot, qui ne peut contenir Quelque temps après, la reine quitte
À l’âge de dix jours, les glandes ci- plus de 50 mg de nectar. Cette intense la ruche, accompagnée par les faux
Abeilles supérieures (famille des
rières deviennent fonctionnelles ; une activité des pourvoyeuses nous amène bourdons ; c’est le vol nuptial, après
Apidés et des Mégachilidés)
nouvelle période commence, consacrée, à poser deux questions : comment les lequel elle ne sortira plus de la ruche, du
À côté de l’Abeille domestique (Apis mel-
au moins en partie, à la construction ouvrières s’informent-elles mutuelle- moins jusqu’au prochain essaimage. On
lifica), des espèces sauvages : Apis indica,
des rayons et des alvéoles. Cette acti- ment des sources de nourriture qu’elles a longtemps cru qu’au cours de ce vol
A. dorsata, A. florea.
vité n’empêche pas d’autres fonctions : découvrent et comment une abeille un seul mâle fécondait la reine. On sait
Bourdons (Bombus), au corps très velu,
tassement dans les cellules du pollen parvient-elle à revenir à sa ruche après formant des sociétés annuelles qui vivent maintenant que celle-ci subit plusieurs
apporté par les butineuses, participation un vol pouvant atteindre plusieurs ki- dans des nids souterrains ou proches du fécondations : les spermatozoïdes sont
à la formation du miel, ventilation de lomètres ? Nous verrons plus loin les sol ; reine et ouvrières produisent de la cire ; conservés dans un réceptacle de son ap-

21
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

pareil génital, la spermathèque. La reine est alors assuré, faisant apparaître une duit et si elle les malaxe de ses mandi-
peut vivre cinq ans ; il semble qu’elle femelle féconde. bules, la construction des rayons n’en
puisse accomplir plus d’un vol nuptial est pas moins un acte éminemment
On comprend donc comment les
au cours de son existence. social ; agrippées les unes aux autres
ouvrières accidentellement privées de
C’est au moment de la ponte des oeufs par les pattes, des ouvrières forment
reine peuvent compenser cette perte qui
que le sexe est déterminé. Les oeufs fé- de curieuses chaînes, suspendues d’un
entraînerait la disparition de la société :
condés donneront des femelles, les oeufs rayon à l’autre ; sur ces passerelles
elles détruisent quelques cellules qui
non fécondés des mâles. Le sexe, a-t-on vivantes, d’autres ouvrières circulent,
entourent de jeunes larves destinées
dit, est à la disposition de la mère. En puis façonnent et déposent la cire, d’une
à devenir ouvrières, placent les larves
fait, l’âge de la reine intervient : elle ne manière qui nous paraît désordonnée
ainsi dans des alvéoles de grande taille
pond des oeufs parthénogénétiques qu’à et, rappelons-le, dans l’obscurité com-
et, au lieu de les sevrer au bout de trois
son onzième mois ; des stimuli tactiles plète ; on reste étonné de la perfection
jours, continuent à les alimenter de
doivent aussi agir, la renseignant sur du travail réalisé !
gelée royale ; de jeunes reines appa-
les dimensions des alvéoles, si bien que Les ouvrières récoltent parfois sur
raissent alors ; pour que l’opération soit
seuls ceux de taille moyenne recevront les peupliers, les marronniers une sorte
couronnée de succès, il faudra évidem-
des oeufs non fécondés. Chez les reines de gomme à laquelle elles ajoutent de
ment qu’elles puissent être fécondées,
âgées, la réserve de spermatozoïdes peut la cire ; le produit obtenu, la propolis,
c’est-à-dire que l’éclosion se produise
être épuisée et, si une nouvelle fécon- permet d’isoler la ruche, de boucher
de mai à octobre, lorsqu’il y a des mâles
dation n’est pas possible, tous les oeufs les fissures, de recouvrir le cadavre de
donneront des mâles. C’est l’origine des dans la ruche.
gros prédateurs, trop lourds pour être
« ruches bourdonneuses » improduc- évacués.
tives, que redoutent les apiculteurs et L’essaimage
dont ils empêchent l’apparition en sup-
Au cours du printemps, la population Les échanges par
primant les reines âgées de plus de trois
de la ruche augmente régulièrement ; voie orale :
ans ; nous verrons plus loin comment,
l’abondance des fleurs permet une trophallaxie, léchage
dans ces conditions, les ouvrières pour-
ample récolte de nourriture, et la natalité
voient au remplacement de la reine. Lorsqu’une butineuse revient le jabot
l’emporte sur la mortalité ; la ruche est
De l’oeuf à l’imago, tout le dévelop- gonflé de nectar, elle régurgite sa ré-
bientôt surpeuplée.
colte, nous l’avons vu, sur la langue
pement de l’Abeille se déroule dans des
En mai, des cellules royales sont d’une ouvrière restée au nid, et le liquide
alvéoles de cire, par métamorphoses
édifiées et reçoivent des oeufs destinés passe d’ouvrière en ouvrière avant d’être
complètes. La température constante
à devenir des adultes féconds. Une déposé dans une cellule. Cela ne repré-
qui règne dans la ruche permet au déve-
loppement de s’accomplir en un temps activité frénétique inhabituelle règne sente qu’un cas particulier des échanges

défini : 15 jours pour une reine, 21 pour dans la ruche, élevant la température de nourriture, ou trophallaxie, qui s’ob-

une ouvrière, 24 pour un mâle. jusqu’à 40 °C. Les ouvrières se gorgent servent chez tous les insectes sociaux et
de miel, puis, par une belle matinée, la jouent un rôle fondamental dans la cohé-
Suivons les étapes qui mènent à La construction
reine sort avec la moitié de la popula- sion de la société.
l’éclosion d’une ouvrière : un oeuf fé- des rayons
tion. On ignore encore ce qui détermine Si l’on fait boire à quelques ou-
condé a été pondu au fond d’un alvéole
le clivage de la société, entre celles qui Lorsque l’essaim s’installe dans un nou- vrières un sirop auquel on a ajouté une
normal, c’est-à-dire de petite taille ;
deux jours après, il en sort une larve partent et celles qui restent. veau gîte, il y édifie bientôt des rayons substance radio-active marqueuse, on
verticaux, garnis sur chaque face d’al- constate que, le lendemain, 70 p. 100
blanche, annelée, apode, sorte de ver- À quelque distance, la reine se pose
misseau fragile et vorace ; les nour- véoles hexagonaux d’une admirable ré- des ouvrières de la ruche sont mar-
sur une branche et l’ensemble des ou-
gularité, le tout avec la cire produite par quées ; cette répartition extrêmement
ricières lui apportent un peu de gelée vrières se suspend avec elle, formant
les glandes abdominales des ouvrières. rapide laisse supposer que des infor-
royale pendant les trois jours suivants ; l’essaim, grappe grouillante, mais où les
la larve grossit rapidement en subissant Dans la nature, l’Abeille établit mations peuvent être transmises à toute
insectes ont perdu momentanément le
quatre mues ; son poids atteint 500 fois son nid dans des creux d’arbres ou de la population par voie orale, mais nous
réflexe défensif de piqûre ; c’est ce qui
celui de l’oeuf, et elle emplit maintenant rochers, parfois en plein air. Dans les ignorons encore souvent la nature et
explique que la cueillette de l’essaim
tout l’alvéole, que les ouvrières fer- ruches artificielles, on lui fournit des l’importance des messages ainsi diffu-
offre peu de dangers et que l’homme ait
ment par un opercule de cire ; devenue cadres de bois, sur lesquels on peut sés.
pu domestiquer l’abeille.
prénymphe, elle s’isole des parois en suivre les progrès de la construction. Un cas, cependant, mérite d’être si-
Si l’essaim est laissé à lui-même, au
sécrétant un cocon de soie et, par une Celle-ci se fait toujours du haut vers gnalé, car il précise les rapports entre
bout de quelques heures ou de quelques
nouvelle mue, devient nymphe. Vingt le bas ; plusieurs rayons sont édifiés en la reine et les ouvrières. Par ses glandes
jours après la ponte, la nymphe mue en jours il quitte l’endroit où il s’est posé, même temps, laissant entre eux un écar- mandibulaires, la reine produit une
donnant un adulte qui, le lendemain, gagne un lieu abrité, par exemple un tement fixe de 7 à 8 mm. Un décimètre substance très active, la phérormone,
crève l’opercule, se dégage de l’alvéole arbre creux, et s’y installe. La décou- carré de rayon porte 850 alvéoles sur qu’elle transmet aux ouvrières, qui
et entre immédiatement en activité. verte d’un endroit propice a été faite par ses deux faces (625 seulement lorsqu’il lèchent continuellement ses téguments ;
des ouvrières envoyées en éclaireuses s’agit de cellules destinées aux oeufs ce véritable médiateur chimique inhibe
Lorsque la reine dépose un oeuf fé-
dans différentes directions, tandis que non fécondés) ; quant aux loges des le développement de leurs ovaires et
condé dans une cellule de grande taille
(alvéole royal), les phénomènes sont les l’essaim était posé ; en revenant près futures reines, elles sont beaucoup plus les maintient dans un état de castra-
de lui, elles indiquent par une certaine grandes et disposées différemment, pla- tion prolongé ; il empêche aussi l’édi-
mêmes, mais se déroulent à un rythme
plus rapide, en particulier la nymphose. manière de voler le résultat de leur quées contre le rayon, avec l’ouverture fication des cellules royales. On pense
recherche ; d’après les renseignements vers le bas. que, lorsque la ruche est trop peuplée, la
La différence essentielle réside dans la
nourriture que reçoit la larve : unique- ainsi fournis, il semble que la reine Si chaque Abeille cirière prélève par production de phérormone est arrêtée,
ment de la gelée royale. Le développe- opte pour l’un des abris et y entraîne les pinces de ses pattes postérieures ce qui permet la construction de loges
ment « normal » de l’appareil génital l’essaim. les petites lamelles de cire qu’elle pro- royales, prélude à l’essaimage.

22
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Le langage des attitudes l’Hyménoptère que des recherches les


plus récentes. L’homme utilise la cire, le
et des mouvements :
miel, la gelée royale ; mais le bénéfice le
les danses plus précieux que l’Abeille lui procure

En installant une paroi vitrée sur le côté réside sans doute dans la pollinisation
des plantes qu’il cultive.
d’une ruche, on peut observer l’activité
qui y règne. De prime abord, on retire
plutôt l’impression d’un grouillement Abeille, Abeilles :
confus. C’est le mérite de K. von Frisch
les Apoïdes
d’avoir su y déceler — avec quelle pa- On désigne souvent sous le nom géné-
tience ! — un langage précis, permettant ral d’Abeille tout représentant de la

à une butineuse qui vient de découvrir famille des Apidés, et même de la su-
perfamille des Apoïdes (Hyménoptères
une source de nourriture de prévenir
aculéates). Tous les Apoïdes partagent
ses congénères de sa position et de son
avec l’Abeille domestique la caractéris-
abondance. Il marquait à l’aide de gout-
tique de récolter à la fois du nectar et du
telettes de peinture le dos d’une ouvrière
pollen, dont ils nourrissent les larves,
pendant qu’elle buvait un sirop, puis
ce qui les distingue de tous les autres
examinait son comportement au retour Hyménoptères. On les appelle aussi
dans la ruche. Mellifères.

Si la source sucrée est située à moins On en compte 20 000 espèces, dont


de 50 m, la butineuse exécute sur un un millier en France. Le groupe réu-

rayon une trajectoire circulaire, en nit des formes solitaires et des formes

changeant de sens à chaque tour ; les sociales, et on peut y observer divers


aspects de vie collective : sociétés plus
ouvrières les plus proches la suivent
ou moins peuplées (de 2 000 indivi-
dans sa ronde et repèrent l’odeur de la
dus chez les Bourdons à 100 000 chez
source apportée par la butineuse ; aler-
Apis mellifica), sociétés annuelles ou
tées, elles quittent la ruche dans toutes
pérennes, monogynie stricte ou tran-
les directions, mais restent dans ses sitoire. Certaines espèces parasitent
environs ; elles ont de fortes chances de d’autres Abeilles et ressemblent parfois
retrouver la source d’origine et, en plus, tellement à leur hôte que la distinction
pensables : messages olfactifs, tactiles,
d’en découvrir d’autres de même odeur, est difficile, comme entre Psithyrus et
visuels, sonores, nutritifs constituent un
ce qui sera avantageux s’il s’agit des Le langage des odeurs Bombus.
éventail de processus d’échange indis-
sources florales habituelles. Les Abeilles inférieures ont une
Les antennes sont couvertes de termi- pensables à chaque individu et encore
très incomplètement connus. langue courte et un appareil de récolte
Si la source est éloignée, la décou- naisons olfactives, et l’on a déjà signalé
du pollen peu différencié ; elles font
vreuse exécute des danses plus com- l’intervention d’odeurs dans telle ou telle À la suite de Maeterlinck, on a vanté
dans le sol des nids simples, à base de
plexes et plus riches de renseigne- activité de la ruche : la butineuse marque la perfection d’ensemble des régula-
terre. Chez les Mégachilidés, l’appa-
ments ; elle parcourt un cercle et l’un sa découverte par l’émission odorante tions dans la ruche et l’harmonieux
reil collecteur de pollen est plus diffé-
de l’organe de Nasanoff ; elle revient à équilibre qui apparaît dans ce que cer-
de ses diamètres ; celui-ci fait un angle rencié et le nid souvent bien façonné
la ruche imprégnée des odeurs florales tains appellent un super-organisme.
déterminé avec la verticale, et cet angle (« Abeilles maçonnes »). Chez les Api-
des sources prospectées. Il semble par Pourtant, dans le détail, l’activité d’une
est égal à celui que fait la direction de la dés, la langue est longue et la patte pos-
ailleurs que chaque société ait une odeur ouvrière manifeste des hésitations, des
source avec le Soleil ; lorsque l’Abeille térieure bien adaptée à la récolte et au
propre : une Abeille étrangère est vite retouches, des illogismes. Ces deux
parcourt le diamètre, son abdomen est transport du pollen ; le nid est varié et
reconnue et chassée, après avoir été par- aspects, global et individuel, du com-
animé de mouvements frétillants (d’où édifié en matériaux travaillés dans les-
fois débarrassée des provisions qu’elle portement paraissent contradictoires,
quels la cire entre pour une part plus ou
le nom de danse frétillante) ; la durée transporte ; mais n’est-elle pas décelée mais une approche probabiliste du
moins importante.
du frétillement ou encore le rythme de autant par son comportement, sa posture fonctionnement de la ruche pourrait les
M. D.
la danse fournissent une appréciation que par son odeur ? concilier. Ils laissent entendre, par ail-
Apiculture.
de la distance (10 tours en 15 secondes leurs, que le comportement de l’Abeille
M. Mathis, le Peuple des abeilles (P. U. F.,
pour une distance de 100 m ; 6 tours en La régulation thermique n’est pas stéréotypé et immuable, mais
coll. « Que sais-je ? », 1941 ; 10e éd. 1968). / K.
15 secondes pour 500 m). qu’il peut s’adapter à des situations nou- von Frisch, Vie et moeurs des abeilles (A. Michel,
En été, la température de la ruche est re-
velles, signe d’un psychisme élevé pour 1955). / R. Chauvin (sous la dir. de), Traité de
Les Abeilles n’apprécient cependant marquablement stable et comprise entre biologie de l’abeille (Masson, 1968 ; 5 vol.).
des insectes.
pas la distance en valeur absolue, mais 33 °C et 36 °C ; même de violents chocs

expriment l’effort à produire pour la thermiques (par exemple des oscillations


entre 4 °C et 37 °C pendant la même L’Abeille et l’homme
parcourir : si le vent souffle, les dis-
journée) ne la font pas varier ; avec
tances sont surestimées d’autant. Des dessins préhistoriques montrent la Abel
Chauvin, on peut dire qu’à l’état groupé récolte de miel ; les Égyptiens avaient
Les messages transmis par des danses l’Abeille est un véritable homéotherme. domestiqué l’Abeille. L’exploitation de
(Niels Henrik)
s’accompagnent d’émissions sonores
Cette régulation est un phénomène l’Abeille par l’homme remonte donc à
pendant le trajet diamétral ; la durée de Mathématicien norvégien (Finnøy
social. La lutte contre l’échauffement la plus haute antiquité ; l’apiculture*
l’émission serait en rapport avec la dis- est fréquente en été, car les causes d’élé- actuelle bénéficie autant de l’héritage de 1802 - Froland, près d’Arendal, 1829).

tance de la source, et la fréquence des vation de température abondent (soleil, générations qui, souvent par empirisme, Fils et petit-fils de pasteurs, Abel
pulsations sonores avec son abondance. surpopulation, activité maximale) et ont appris à tirer le meilleur parti de est le second d’une famille nom-

23
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

breuse où tous les enfants reçoivent caractéristiques des équations suscep- dont on a vainement contesté l’authenticité, (Deuxième lettre d’Héloïse à Abélard.)
sa correspondance avec Héloïse. Sa person-
leur première instruction de leur père ; tibles d’une telle résolution, Abel traite
nalité s’y révèle à plein, y compris son égo-
mais, en 1815, Niels et son frère aîné en 1828 des équations abéliennes, dont
ïsme masculin, en parfaite illustration de sa
sont envoyés à l’école cathédrale de le groupe est commutatif ou abélien. Un enseignement
doctrine. Extraordinaire document qui, à lui
Christiania (Oslo). Un jeune profes- La lecture des ouvrages de Cauchy, seul, bouscule la catégorie si ambiguë de controversé
seur de mathématiques, B. M. Holm- « le seul qui sache traiter les mathéma- « Moyen Âge » et manifeste, au temps de la
Cependant, l’enseignement théologique
boe (1795-1850), arrivé en 1817, tiques », l’avait conduit à l’étude des sé- littérature courtoise, l’éveil de la conscience
d’Abélard provoque déjà de vives réac-
aux problèmes de l’amour.
n’est pas long à découvrir le génie de ries convergentes et particulièrement à
tions. Un premier traité, Theologia
Niels ; il restera toujours le confident la formule du binôme pour un exposant
summi boni, plus connu sous le titre de
et l’ami du mathématicien, et sera le irrationnel. Les travaux de Le Gendre
Abélard et Héloïse De unitate et trinitate divina, composé
premier éditeur de ses oeuvres com- sur les intégrales elliptiques le mènent à
après 1118, déconcerte les traditiona-
plètes (1839). À la mort de son père, deux découvertes où il se rencontre avec Il vient très jeune à Paris ; passionné
listes par l’intrépidité avec laquelle il
en 1820, Abel se trouve abandonné à Jacobi. Le premier, il utilise le domaine pour l’étude, il a renoncé au métier applique « les similitudes de la raison
lui-même, sa mère ne pouvant subve- des nombres complexes et s’intéresse des armes, vers lequel son père voulait
aux principes de la foi » (lui-même
nir à ses besoins. Il ne vivra désormais aux fonctions inverses des intégrales, l’orienter à son exemple. Déjà imperti-
dans son autobiographie). Condamné en
que grâce à des bourses, à quelques les fonctions elliptiques actuelles, dont nent dans sa précocité, il conteste l’en-
1121, à Soissons, par « un conventicule
répétitions et à des emprunts. En 1821, il établit la double périodicité. Enfin, seignement de son maître, Guillaume de
paré du nom de concile », déclare-t-il,
il entre à l’université de Christiania, dans le mémoire présenté à Paris, il étu- Champeaux, et ouvre bientôt lui-même
Abélard retourne à Saint-Denis, où re-
créée depuis peu, et, en 1822, il obtient die les intégrales dites « abéliennes », une école, à Melun d’abord, puis à Cor-
prennent les antagonismes de personnes
la licence en philosophie. Ses pre- pour lesquelles il établit un important beil. Après une brève interruption, il
et de doctrines. Il s’installe alors aux
mières publications datent de 1823. En théorème d’addition. Les fonctions in- s’installe à Paris, reprend sa controverse
environs de Nogent-sur-Seine avec ses
1824, il fait imprimer à ses frais un verses de ces intégrales seront ultérieu- avec maître Guillaume, opposant à sa
étudiants, dans une communauté mi-re-
court opuscule en français, Mémoire rement appelées par Jacobi fonctions philosophie « réaliste », dans la querelle
ligieuse mi-intellectuelle, qu’il dédie au
sur les équations algébriques, où abéliennes. des universaux, une logique « nomina-
Paraclet (1122). Élu abbé en 1125 par
l’on démontre l’impossibilité de la J. I. liste ». Voulant s’engager dans l’étude
les moines de Saint-Gildas, dans le dio-
solution générale de l’équation du C. A. Bjerknes, Niels Henrik Abel : tableau de la théologie, il part pour Laon, com-
de sa vie et de son action scientifique (trad. cèse de Vannes, il les veut réformer, ce
cinquième degré. En 1825, le gou- mune urbaine émancipée de la veille, où
fr. ; Gauthier-Villars, 1885). / Ch. Lucas de dont ils ont grand besoin, mais sans suc-
vernement lui accorde une bourse de Pesloüan, N. H. Abel (Gauthier-Villars, 1906). il mène une semblable aventure contre
cès. C’est alors que, pour trouver logis
voyage de deux années. Malgré son / O. Ore, Niels Henrik Abel (Bâle, 1950) ; Niels le maître du lieu, Anselme, « arbre
Henrik Abel, Mathematician Extraordinary et vie religieuse à Héloïse, obligée de
désir, sa timidité l’empêche de visiter couvert de feuilles, mais sans jamais
(Minneapolis, 1957). quitter le couvent d’Argenteuil, où elle
Gauss à Göttingen. Il connaît à Berlin aucun fruit », dit-il. De retour à Paris,
s’était librement engagée, il fonde pour
A. L. Crelle (1780-1855), qui lance il enseigne la philosophie et la théologie
elle un monastère au Paraclet (1129). De
alors le célèbre périodique Journal für (1113-1118).
là date la correspondance entre les deux
die reine und angewandte Mathema-
tik. La collaboration d’Abel à la nou-
Abélard ou C’est alors que, précepteur d’une très
époux, admirable document qui, à lui
brillante étudiante, Héloïse, il la séduit,
seul, leur méritera l’émotion et l’estime
velle revue est désormais constante, Abailard (Pierre) à la grande colère de l’oncle de celle-ci,
et Crelle envisage même de lui en de la postérité. Ayant échoué dans son
le chanoine Fulbert, qui lui fait infliger
monastère de Saint-Gildas, Abélard doit
confier la direction. Après un détour Philosophe et théologien français (Le une ignominieuse mutilation. Mais cet
par Prague, Vienne et l’Italie, le jeune s’enfuir, et, après diverses péripéties, re-
Pallet, près de Nantes, 1079 - prieuré épisode dramatique n’interrompt pas
vient enseigner à Paris, sur la montagne
Norvégien fait un séjour de dix mois de Saint-Marcel, près de Chalon-sur- la carrière d’Abélard, qui, sirène des
à Paris. Malheureusement, il ne ren- Sainte-Geneviève, où, vers les années
Saône, 1142). écoles, rassemble autour de sa chaire
contre pas auprès des mathématiciens, 1135-1140, il aura comme disciples Jean
Abélard ne fut pas seulement un pres- ambulante une extraordinaire affluence
singulièrement auprès de Cauchy, de Salisbury, Arnaud de Brescia et peut-
d’étudiants. Il est alors à l’abbaye
tigieux professeur de logique dans les être Rolando Bandinelli, le futur pape
l’accueil qu’il escomptait. Son grand
écoles urbaines, à Paris au XIIe s. ; par sa de Saint-Denis : là encore, il entre en
mémoire sur les intégrales abéliennes, Alexandre III.
personnalité attachante et irritante à la conflit avec les moines, tout honorés
présenté par le secrétaire perpétuel de qu’ils fussent de la présence d’un tel Mais son engagement théologique va
fois, il demeure un témoin éminent de la
l’Académie des sciences à la séance maître. C’est de cette période que datent accroître encore ses déboires. Non seu-
civilisation du second Moyen Âge occi-
du 30 octobre 1826, ne sera publié la plupart de ses travaux de logique, soit lement plusieurs points de sa doctrine
dental, celui des communes, des corpo-
qu’en 1841. Encore, le manuscrit ori- en commentaire des textes alors reçus sont contestés, mais, plus radicalement,
rations, des universités, après celui de
ginal en sera-t-il égaré en la circons- de Porphyre, de Boèce et d’Aristote, l’usage méthodique de la raison et de
la féodalité.
tance par Libri. Rentré en Norvège et soit dans une oeuvre personnelle, Dia- ses procédés dialectiques dans l’élabo-
n’obtenant toujours que des fonctions lectica (revue postérieurement). ration de la foi ne peut que déconcerter
de suppléant ou de « docent », Abel Les oeuvres d’Abélard et irriter un Bernard de Clairvaux et les
n’en continue pas moins ses travaux. Il Les oeuvres d’Abélard se rangent en trois hommes de sa trempe, pour qui l’absolu
Héloïse à Abélard
va enfin être nommé à l’université de catégories : oeuvres de dialectique, qui de la foi ne consent pas à l’autonomie de
Berlin avec son émule Jacobi, lorsqu’il concernent plus précisément les arts du lan- Jamais, Dieu le sait, je n’ai cherché en toi rien
sa mise en question par la raison. Irré-
gage, centrés sur le phénomène linguistique d’autre que toi. Ce ne sont pas les liens du
est emporté par la tuberculose. L’Aca- ductible opposition des tempéraments
et mental de la signification, et interprétés mariage, ni un profit quelconque que j’at-
démie des sciences de Paris partagera personnels et des comportements spiri-
dans une philosophie nominaliste ; oeuvres tendais, et ce ne sont ni mes volontés, ni mes
le grand prix de mathématiques pour tuels. L’abbé de Clairvaux, appuyé par
de théologie, à trois reprises refondues, voluptés, mais, et tu le sais bien toi-même,
1830 entre la mère d’Abel et Jacobi. toutes conditionnées par une méthode cri- les tiennes, que j’ai eu à coeur de satisfaire. son disciple et ami Guillaume de Saint-
tique des textes et des autorités que définit Certes, le nom d’épouse semble plus sacré Thierry, incrimine sans nuances le « no-
L’oeuvre d’Abel domine l’algèbre
et met en oeuvre le Sic et non ; enfin un traité et plus fort, mais j’ai toujours mieux aimé
et la théorie des fonctions. Son mé- vateur », qui, pour se défendre, sollicite
de morale, Scito te ipsum, qui, selon la lo- celui de maîtresse, ou, si tu me pardonnes
moire de 1824, repris dans le Journal une discussion publique en assemblée
gique de son esprit, situe la moralité dans les de le dire, celui de concubine. Car plus je
de Crelle, établit l’impossibilité de profondeurs intentionnelles du sujet plus m’humiliais pour toi, plus j’espérais trouver épiscopale. Abélard y est condamné, à
résoudre par radicaux l’équation géné- que dans la matérialité des objets dits bons grâce auprès de toi, et, en m’humiliant ainsi, Sens (1140). En appelant au pape, l’in-
rale de degré cinq. En recherchant les ou mauvais. Hors cadre, mais chef-d’oeuvre, ne blesser en rien la splendeur de ta gloire. trépide théologien entreprend le voyage

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

lité de l’image d’un objet est directement jaune du sodium (D = 5 893 Å) et par
liée à celle d’un objet ponctuel. le paramètre

Dans l’approximation de l’optique


géométrique, un point A est le sommet
d’un cône de rayons lumineux (fig. 1).
appelé constringence. Les verres an-
On obtient une image A de A si tous les
ciens se répartissent en deux catégories :
rayons viennent converger en un point
les crowns, d’indice faible n = 1,52, peu
unique A. S est alors un système stig-
dispersifs ( = 60), et les flints, d’indice
matique.
élevé 1,62, plus dispersifs ( = 40). On

fabrique maintenant des verres de carac-

téristiques très variées.

de Rome ; mais lassé et malade, il s’ar- moderne et de la libre pensée : logicien,


Les aberrations
rête à Cluny, haut lieu de chrétienté et il forgea une analyse des arts de la signi-
de culture, où Pierre le Vénérable, abbé fication et des voies de la conceptualisa- Réalisons l’expérience suivante : un
très accrédité autant qu’intelligence gé- tion ; théologien, il crut à la fécondité de point-objet A est placé sur l’axe d’un
néreuse, l’accueille avec confiance, en- la raison sous la lumière de la foi, dans système optique S. Coupons à l’aide
treprend sa réconciliation avec Bernard, la cohérence de la grâce et de la nature ; d’un écran E les faisceaux issus de S.
fait lever les sanctions prises contre philosophe, il alimenta de l’expression
On obtient une tache lumineuse circu-
lui. C’est là qu’Abélard entreprend sa de ses initiatives personnelles la convic-
laire dont le diamètre varie avec la posi-
dernière oeuvre, Dialogus inter philo- tion de la valeur de l’individu contre les
tion du plan E. Le système S n’est plus
sophum, judaeum et christianum. Il abstractions de l’idéalisme.
stigmatique ; l’image A est entachée Chromatisme de position
meurt en 1142, en soumission sincère à
L’influence d’Abélard consiste moins d’aberrations (fig. 2). L’aberration pré-
l’Église en même temps que ferme dans Un point-objet A est situé sur l’axe d’une
dans le succès immédiat de ses oeuvres
cédente existe pour un point A éclairé en
ses convictions. lentille O éclairée en lumière monochro-
et de sa doctrine ou dans la séquelle de
lumière monochromatique ; elle ne dé-
Dernier épisode : Pierre le Vénérable disciples, parfois célèbres, qui consti- matique de longueur d’onde (fig. 4). A
pend que de la constitution, de la forme
fera enlever secrètement le corps du tuèrent une « école abélardienne » que est son image. Les abscisses de l’objet et
des éléments composant le système S.
cimetière et le conduira lui-même au dans le destin d’une méthode qui en- de l’image sont liées par la relation
C’est une aberration géométrique. Dès
Paraclet, auprès d’Héloïse. Vingt ans gendre, tant en philosophie qu’en théo-
après, elle le rejoindra dans la tombe. que la lumière est composée de radia-
logie, ce qu’on a appelé la scolastique.
tions de fréquences différentes, il appa-
M. D. Ch.

Une vie et une pensée raît sur l’image de nouveaux défauts


OEuvres d’Abélard (Patrologie latine,
R1 et R2 désignant les rayons de cour-
tome 178) [Migne, 1855]. / J. G. Sikes, Peter dus à la dispersion : les aberrations
éclairantes bure de la lentille. L’indice n étant une
Abailard (Cambridge, 1932). / A. Landgraf,
chromatiques. Enfin, la réalisation d’un
Ces épisodes, pour nous déconcertants, Écrits théologiques de l’école d’Abélard (Lou- fonction de , l’image occupe une posi-
instrument est toujours imparfaite ; il en
vain, 1934). / G. Paré, A. Brunet et P. Trem-
manifestent à point la vérité humaine et tion particulière pour chaque valeur de
blay, la Renaissance du XIIe siècle (Vrin, 1934). résulte des défauts que l’on peut quali-
chrétienne de ce Moyen Âge qu’on di- / Ch. Charrier, Héloïse dans l’histoire et dans . Les rayons bleus sont plus déviés par
fier d’aberrations accidentelles.
sait monotone et obscur. Ils illustrent en la légende (Champion, 1937). / E. Gilson, Hé-
une lentille convergente que les rayons
loïse et Abélard (Vrin, 1938 ; éd., 1949). /
tout cas cet univers nouveau, en gesta- 2e

OEuvres choisies d’Abélard, présentées par M. rouges. Un tel système est dit « sous-
tion au cours du XIIIe s., qui bouleversait de Gandillac (Aubier, 1945). / R. Thomas, Der
corrigé » : l’image bleue AB est située
l’ordre féodal, son économie agraire, philosophisch-theologische Erkenntnisweg
P. Abailards im « Dialogus inter philosophum, plus près de la lentille que l’image rouge
son paternalisme sacral, son traditiona-
judaeum et christianum » (Bonn, 1966). / J. Joli- (fig. 5 et 6). Une lentille divergente
lisme mystique. Désormais, à la faveur
vet, Arts du langage et théologie chez Abélard
de son économie de marché et de circu- (Vrin, 1969). / R. Pernoud, Héloïse et Abélard
montre la disposition inverse. C’est un
lation, sous une poussée démographique (Albin Michel, 1970). système surcorrigé. La lumière blanche
qui se manifestait par une intense urba- est la superposition de lumières mono-
nisation, dans une émancipation sociale chromatiques. L’image d’un point A est
et culturelle qui provoquait une prise de
Aberrations
alors obtenue par la superposition des
conscience des valeurs terrestres, dans aberrations chromatiques
différentes images monochromatiques
une curiosité rationnelle et évangélique L’indice de réfraction n des verres d’op-
dispersées le long de l’axe de la lentille.
à la fois qui trouvait le premier objet de Imperfections des images données par tique décroît avec la longueur d’onde
son appétit dans la foi elle-même, dans la L’oeil, détecteur communément utilisé,
les instruments d’optique. (fig. 3). n est plus grand pour le bleu que
renaissance des textes antiques en puis- est sensible à des lumières dont la cou-
pour le rouge. La loi de variation dépend
sance de nouvelles fécondités naissent leur va du violet au rouge, c’est-à-dire
Formation des images du verre considéré. Pour caractériser un
des écoles nouvelles dans des villes où dont la longueur d’onde varie de 0,4 à
par un instrument verre dans le domaine des radiations
la jeune génération satisfait ses impa-
d’optique 0,8 . La courbe de sensibilité est repro-
visibles, on choisit traditionnellement
tiences intellectuelles et politiques. On
les longueurs d’onde des radiations C duite sur la figure 7. Pour une détection
comprend que maître Abélard ait trouvé Un objet étendu incohérent est consti-
et F, rouge et bleue de l’hydrogène, qui visuelle, le phénomène est caractérisé à
là le lieu de son génie, en faveur même tué par la juxtaposition d’une infinité
de ses insupportables défauts. Ne disons de points-objets indépendants. L’image sont = 6 563 Å et = 4 861 Å. Un l’aide des radiations C et F précédem-
C F

pas, par un contresens antihistorique, globale est la superposition des images verre est caractérisé par la valeur de son ment définies. L’aberration chromatique

qu’il fut le précurseur du rationalisme des différents points de l’objet. La qua- indice moyen nD mesuré pour la raie longitudinale est le segment AC AF,
25
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

dont la valeur est donnée par l’expres- de révolution et est bordée d’irisations
sion dissymétriques.

Correction des aberrations

Pour une lentille de puissance donnée, chromatiques

le chromatisme longitudinal dépend de L’image donnée par un système optique


la constringence , c’est-à-dire du type simple réfringent (lentille) est toujours
de verre choisi. Le chromatisme sera entachée de chromatisme. La qualité de
plus important pour une lentille en flint l’image peut être améliorée en utilisant
que pour une lentille de même puis- des systèmes optiques composés d’une
sance en crown. succession d’éléments sur ou sous-cor-

rigés : leurs aberrations se compensent.


Éclairons le point A à la fois par des Ce processus est montré par la réalisa-
lumières de longueurs d’onde C et F. tion d’un doublet achromatique conver-
On obtient deux images ponctuelles gent. Ce système est réalisé en accolant
AC et AF de A. Un écran E perpendi- une lentille convergente L1 de distance
culaire à l’axe passe par AC ; l’image focale f 1 et une lentille divergente L2
rouge reçue par E est ponctuelle ; les de distance focale f 2 : la puissance du
rayons qui convergent en AF forment doublet
sur l’écran E une tache lumineuse cir-
culaire bleue (fig. 8) dont le diamètre

dépend de celui de la pupille de sortie


est positive. Pour une radiation quel-
de la lentille O. L’aspect de cette tache
conque, l’image du point à l’infini A
de diffusion chromatique dépend de la
est le foyer image de L1, qui sert d’objet
position de l’écran E. Pour une mise au
virtuel pour la lentille L2. Imaginons
point sur le plan de l’image bleue, le
le point A éclairé par des rayons bleu
cercle de diffusion est rouge. Lorsque
et rouge (fig. 11a). L’image du point à
A est éclairé en lumière blanche, toutes
les longueurs d’onde sont présentes ; l’infini est composée des loyers Fr et

les images monochromatiques sont Fb. Le segment Fr Fb a pour valeur

réparties le long de l’axe, et les taches


de diffusion blanches irisées de bleu
ou de rouge selon la position du plan E est le facteur de constringence du
1
(fig. 8). verre de L1. La lentille divergente L2,
système surcorrigé, donne du point

objet B (fig. 11b), éclairé par des rayons


Chromatisme de grandeur
bleu et rouge, deux images Bb et Br. Le
La lentille O donne d’un petit objet AB
chromatisme longitudinal a pour valeur
une infinité d’images colorées. Ces di-
verses images présentent des grandeurs

différentes (fig. 9).


2 est le facteur de constringence du

verre de L2. Choisissant convenable-


Chromatisme de grandeur ment 1 et 2, les valeurs des segments
apparente
Fr Fb et Br Bb peuvent être les mêmes, Spectre secondaire
La pupille n’est plus placée, comme et les lentilles L1 et L2 situées l’une par Réduire le chromatisme axial, c’est
dans les expériences précédentes, sur rapport à l’autre de façon que Fr et Br confondre en un même point de l’axe
la lentille O (fig. 10). Les positions et soient confondus, ainsi que les points Fb les images bleue et rouge. Pour les
grandeurs des images rouge et bleue sont et Bb (fig. 11c). L’achromatisme de po- autres longueurs d’onde, les images sont
déterminées par le chromatisme longitu- sition est obtenu par la compensation de réparties deux à deux le long de l’axe.
dinal. Le rayon moyen du faisceau qui l’aberration chromatique de L1 par celle Le chromatisme axial n’est pas com-
forme l’image du point B est plus dévié plètement éliminé ; il existe une varia-
de L2. Les lentilles L1 et L2 sont souvent
pour le bleu que pour le rouge. La tache tion résiduelle de la position axiale de
accolées ; le doublet est alors un objectif
l’image appelée « spectre secondaire »
de diffusion rouge de centre Br obte- dit « astronomique » ; lorsque les deux
(fig. 13). En coupant les faisceaux émer-
nue dans le plan de l’image bleue n’est verres sont collés par un choix judicieux gents, nous obtenons un cercle bordé de
plus centrée sur l’image bleue Bb. La des rayons de courbure des lentilles, on pourpre pour un plan de mise au point E
distance Br Bb caractérise le chroma- a un objectif de Clairaut (fig. 12). La situé en A et bordé de jaune-vert lorsque
tisme de grandeur apparente dans le plan E est en B. Pour un objectif astrono-
lentille convergente est en général en
de l’image bleue. En lumière blanche, mique, la valeur du spectre secondaire
crown et la lentille divergente en flint.
la tache de diffusion obtenue n’est plus entre les raies D et F est de l’ordre de

26
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

1/2 000 de la distance focale, alors que le et dy et dz changent de signe. Les deux points particuliers : le sommet point et des rayons lumineux qui donne
chromatisme d’une lentille unique est de aberrations transversales sont des fonc- de la nappe tangentielle où viennent naissance au halo de lumière diffuse.
l’ordre du 1/50 de cette distance. tions impaires par rapport à y et h. Le converger les rayons centraux (c’est
développement en série de dy et dz ne l’image paraxiale ; et l’extrémité de Le plan déterminé par l’intersection
Pour utiliser un détecteur autre que Fp

comporte que des termes impairs. On la nappe axiale) ; Fm, image marginale. du rayon marginal et de la caustique est
l’oeil, caractérisé par une courbe de
appelle aberrations du troisième ordre Le segment est l’aberration sphé- celui du cercle de moindre diffusion :
visibilité différente, émulsion photogra- Fp Fm

les valeurs des aberrations transversales rique longitudinale ou axiale. Prenant le la meilleure image d’un point fournie
phique, cathode d’un détecteur photo-
obtenues en limitant le développement sens de la lumière pour sens positif, le par le système. Le rayon t du cercle
électrique, on confond les images d’un
au troisième ordre en h et y. Les termes système est sous-corrigé lorsque de diffusion obtenu pour une mise au
Fp Fm
objet éclairé par deux longueurs d’onde
est négatif : c’est le cas d’une lentille point paraxiale a pour valeur t = ah 3. Le
choisies pour utiliser au mieux l’en- y et h étant petits, et l’origine des coor-
données étant choisie sur l’image de convergente, trop convergente au bord. terme a dépend de la forme de la lentille,
semble du spectre détecté par le récep-
Il est surcorrigé lorsque est po- de son indice et du sens dans lequel elle
teur. Certains objectifs tels que ceux du Gauss, les termes du premier ordre sont Fp Fm

sitif : c’est le cas d’une lentille diver- travaille. Comme pour le chromatisme,
microscope sont construits pour réduire nuls.
gente, trop divergente au bord (fig. 16). la correction de l’aberration sphérique
le spectre secondaire. En un même point Les aberrations transversales sont
de l’axe coïncident les images formées proportionnelles au terme :
par trois longueurs d’onde différentes : h3 c’est l’aberration sphérique ;
c’est l’apochromatisme. Difficile à réa- h2y c’est la coma ;
2
liser en utilisant des verres, la construc- hy c’est l’astigmatisme ;
3
tion de ces systèmes nécessite le recours y c’est la distorsion.
à d’autres matériaux, tels que le quartz
ou la fluorine. Aberration sphérique

Cette aberration apparaît déjà dans


objectif corrigé de même distance fo-
John Dollond l’image d’un point situé sur l’axe d’un
La valeur de l’aberration sphérique cale (en pointillé).
instrument.
Opticien anglais (Spitalfields, Londres, longitudinale varie, pour une lentille de
1706 - id. 1761), d’origine française. En 1757, Une lentille plan-convexe est éclairée puissance donnée, avec la forme de cette
il construisit le premier objectif achroma- par un faisceau de rayons parallèles. Les lentille : pour un point objet à l’infini,
tique, par association d’un crown conver-
rayons qui correspondent à une même l’aberration longitudinale d’une len-
gent et d’un flint divergent ; on lui doit aussi
hauteur d’incidence h viennent conver- tille plan-convexe utilisée face convexe
des oculaires à quatre ou cinq lentilles. Ces
ger en un point Fh de l’axe de l’ins- tournée vers la lumière incidente est l.
travaux le firent entrer à la Société royale.
trument, dont la position varie avec h Lorsque la face plane est tournée vers
(fig. 15). Les rayons marginaux conver- l’objet, l’aberration sphérique est multi-

Aberrations gent plus que les rayons centraux. Les pliée par quatre ; les systèmes optiques
rayons restent tangents à une surface de doivent être utilisés dans le sens pour
géométriques
révolution à deux nappes appelée caus- lequel ils ont été calculés. L’image d’un
Ces aberrations, dues à la nature même tique, dont la section par un plan méri- point est une tache de diffusion dont la
des systèmes, entachent l’image formée dien est composée d’une petite partie forme et les dimensions changent avec
en lumière monochromatique, ce que de l’axe, la nappe axiale ou sagittale, la position du plan de mise au point.
Coma
nous supposerons désormais. et d’une courbe présentant un point de La figure 17 montre cette évolution.
Un système dépourvu d’aberration sphé-
rebroussement en Fp, la nappe tangen- La section de la caustique est une zone
Classification des aberrations rique est éclairé par un point-objet B
tielle. d’accumulation de lumière qui apparaît
situé à faible distance de l’axe. Plaçons
Un système optique de révolution par- sous la forme d’un cercle (nappe tan-
sur la pupille un diaphragme en forme
fait donne d’un point-objet B une image Tout rayon issu de la lentille est tan- gentielle) ou d’un point (nappe axiale).
d’anneau N de centre T (fig. 19). Les
ponctuelle B. La position idéale du point gent à la fois aux deux nappes. Il existe C’est l’intersection du plan de mise au
rayons paraxiaux issus de T forment
B est définie par les formules de Gauss
l’image Bo. Les rayons conjugués du
(v. optique géométrique). Dès que l’on
cône de rayons de sommet B qui s’ap-
s’écarte du domaine paraxial, un rayon
puient sur N coupent le plan de Bo. La
issu de B ne passe plus par B. Il coupe
section est un cercle de rayon dont la
le plan de mise au point en un point M
distance du centre à Bo est 2. Ce cercle
dont la position dépend du rayon choisi
est parcouru deux fois lorsque le rayon
(fig. 14). Dans le plan de mise au point,
incident décrit une fois le cercle pupil-
un système d’axes By Bz est tracé par B.
laire N. À chaque cercle N correspond
La position de M, voisin de B, est don-
un cercle de diffusion sur le plan image ;
née par ses coordonnées dy et dz, appe-
ces cercles homothétiques par rapport à
lées aberrations transversales.
Bo sont tangents à deux droites formant
un angle de 60° (fig. 20). Avec la pupille
Les valeurs de celles-ci varient avec
entière, la tache image est la superpo-
la position du rayon incident, qui est
sition de ces cercles et prend l’allure
définie par les coordonnées de B et du
d’une queue de comète ; d’où le nom de
point P, intersection du rayon incident
coma donné à cette aberration. La gran-
avec le plan de la pupille. Le rayon inci-
deur de la tache de diffusion de coma
dent est déterminé par les paramètres
est 3 = 3bh2y, b étant fonction de la
y, h et (fig. 14). dy et dz sont des
géométrie du système. On observe faci-
fonctions de ces paramètres. Faisons
lement une tache de coma au foyer d’un
faire un demi-tour à la figure autour de miroir parabolique.
l’axe : y est changé en – y, h en – h,

27
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

ter lorsque l’astigmatisme est nul. Les position de B est déterminée par la va-

focales S et T sont alors confondues, et leur du grandissement

leur lieu commun est confondu avec C.

Un miroir sphérique diaphragmé en son


lequel varie avec y dès que la valeur
centre montre cette propriété (fig. 24).
de y n’est plus petite ; c’est le phéno-

mène de distorsion. gy = gyo [1 + f(y)],


d’amincissement dont les sections par où f est une fonction de y, qui, dans le
un plan sont deux éléments de droite,
domaine des aberrations du troisième
Astigmatisme les focales S et T (fig. 22). La lon-
ordre, s’écrit f(y) = dy 2, où d est un coef-
Cette aberration, représentée par des gueur ST est la distance d’astigma-
ficient qui dépend de la constitution du
termes proportionnels à hy 2, apparaît tisme. À grande distance des focales,
la section du faisceau est circulaire, système. L’image d’un point est dépla-
même lorsque l’ouverture h du système
est faible. puis devient elliptique au voisinage cée par la distorsion ; l’image d’un objet
des focales. Entre les focales, il existe subit des déformations caractéristiques.
Un miroir sphérique M de grande
un plan où la section est circulaire, le
ouverture est éclairé par un point à La figure 26a représente l’image d’un
plan du cercle de moindre diffusion,
l’infini sur l’axe (fig. 21). Les rayons carré lorsque d est positif : distorsion en
qui constitue la meilleure image d’un
réfléchis sont tangents à une caustique coussinet ; la figure 26b est relative à la
point qu’un système astigmate puisse
à deux nappes. En diaphragmant M, on Distorsion
former. La correction est obtenue par distorsion en barillet ; d est négatif.
obtient un petit miroir Mo d’axe MoC.
compensation des aberrations. Cette aberration apparaît même pour
Les rayons incidents font avec MoC
un angle . Ce sont les aberrations une pupille complètement diaphragmée.
Courbure de champ
de ce miroir Mo de faible ouverture Un système S forme en P l’image d’un
que nous étudions. Le faisceau émer- La lentille L forme l’image d’un plan P
plan P (fig. 25). Au rayon incident BN
gent s’appuie sur deux petites zones étendu. Diaphragmons fortement cette

de la caustique du grand miroir M. lentille (fig. 23). L’aberration sphérique correspond le rayon émergent NB. La

Ces zones sont un petit élément de la et la coma sont négligeables. Au point-

caustique axiale et une portion du plan objet B correspondent les focales S et T.

tangent en T à la nappe tangentielle. La meilleure image de B est le cercle de

La section des deux zones d’amin- moindre diffusion C. Lorsque B décrit le

cissement du faisceau réfléchi par un plan objet, le lieu de C est une surface de

plan de mise au point est constituée de révolution C située entre les surfaces T
deux petits éléments de droite appelés et S, lieux des focales sagittale et tan-

focales tangentielle et sagittale, qui gentielle.

sont orthogonaux. Ce phénomène est Pour un système parfait, l’image


général. En coupant les faisceaux issus serait un plan passant par A, image pa-
d’un instrument dépourvu d’aberra- raxiale de A. En général
C s’écarte du
tion sphérique et de coma, en présence plan A ; c’est le phénomène de courbure
d’astigmatisme, on note deux zones de champ. Cette aberration peut subsis-

28
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

deux surfaces d’onde est l’écart normal


IJ = .

Le théorème de Gouy indique que,


si l’on déforme la surface d’onde objet
d’une quantité 1, la surface d’onde
image présente une déformation 2 et

2 = 1 (fig. 29).

L’écart normal se conserve le long


d’un rayon lumineux. Deux éléments

S1 et S2 composent le système S. A1 et
A2 sont les images successives d’un
point-objet A. Les aberrations de S1
se traduisent par un écart normal 1
par rapport à une sphère de référence images : ce sont les aberrations d’excen- Défauts de surfaçage
Image d’un objet en présence
centrée en A1 (fig. 30). Le système S2 trement. Du point de vue de leur aspect,
d’aberrations Les défauts de surfaçage interviennent
conjugue les points A1 et A2. À la sur- ces aberrations ne diffèrent pas des aber- de la même manière. Imaginons une
En présence d’aberrations, l’image d’un face d’onde incidente sphérique L2 cen-
rations classiques, mais leur origine est surface plane creusée d’un trou d’épais-
point n’est plus un point, mais une tache trée en A1 correspond une onde émer-
différente. seur de. L’onde émergente est déformée
gente 2 déformée d’une quantité 2
de diffusion. L’image d’un objet étendu
par rapport à la sphère de référence d’une quantité = (n – 1) de (fig. 32). La
L2
est la superposition de ces différentes Défauts de matière
centrée en Associons les systèmes qualité de l’image est affectée.
A2.
taches de diffusion. L’image défini- La valeur de l’indice de réfraction d’un
S1 et S2 (fig. 30). Les points A1 coïnci-
tive est moins bien définie, plus floue, dent, ainsi que les sphères de référence bloc de verre optique peut présenter des
la quantité d’informations transmises L1 et L2. variations locales ou étendues. Une lame

diminue, et les performances de l’instru- La surface d’onde incidente 2, qui à faces parallèles présente une variation

ment sont altérées. est la surface d’onde image 1, présente d’indice dn localisée sous la forme d’un
par rapport à L2 une déformation 1. parallélépipède d’épaisseur de (fig. 31).
D’après le théorème de Gouy, la surface
Une onde plane traverse cette lame. La
Écart normal
d’onde émergente 2 est déformée de
surface d’onde émergente est déformée
En optique géométrique, une surface 1. L’aberration du système S1 S2 sera
d’une quantité = de dn.
= 1 + 2. Pour étudier les aberrations
d’onde est définie comme la surface
d’un système composite, il suffit de Les aberrations que nous venons de
normale aux rayons lumineux. Un ins-
connaître les aberrations des systèmes décrire peuvent entacher simultanément
trument stigmatique donne d’un point-
partiels et de faire la somme des écarts
l’image formée par un instrument. Un
objet une image ponctuelle. Les surfaces normaux.
écart normal global caractérise la sur-
d’onde objet et image et sont des
face d’onde émergente.
sphères centrées en A et A (fig. 27). Aberrations accidentelles
Les critères de qualité d’un ins-
Lorsque le système optique est aberrant,
trument peuvent être liés à la valeur
les rayons émergents ne passent plus Aberrations d’excentrement
de l’écart normal . Lord Rayleigh
par A ; la surface d’onde image est une Les systèmes optiques sont le plus sou-
recommandait que, pour un instrument
vent constitués par une association de
surface déformée (fig. 28). Prenant La surface d’onde image issue d’un visuel, reste inférieur à quart de
systèmes de révolution ayant même axe.
pour référence la sphère o centrée sur instrument est affectée par les déforma- la longueur d’onde de la lumière. Les
Au cours de la réalisation mécanique, il
l’image paraxiale Ao, on caractérise tions dues aux défauts d’homogénéité astronomes sont souvent plus exigents (
arrive que les différents éléments soient
l’aberration par la déformation de excentrés les uns par rapport aux autres. des matériaux qui composent l’instru- par exemple). La tolérance à adopter
par rapport à o. La distance de ces De nouveaux défauts entachent les ment, et la qualité de l’image en souffre. dépend du but à atteindre et, pour une

29
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

partie sud en dépit de conditions natu- fondamentales. Le développement du


relles peu favorables (terrains bas et port (6,6 Mt de trafic en 1974), qui réa-
marécageux). lise l’essentiel du commerce extérieur

Dans cet ensemble complexe, on peut de la Côte-d’Ivoire, a consolidé cette


fonction commerciale et donné l’élan
distinguer, en dehors des zones por-
tuaire et industrielle, trois types majeurs à la fonction industrielle (huileries,
savonneries, conserveries d’ananas
de quartiers.
et de poisson, minoterie, cimenterie,
Les quartiers résidentiels com-
fabrication de café soluble, traitement
prennent : le Plateau (gouvernement,
du cacao, raffinerie de pétrole, indus-
administrations, sièges des banques et
tries mécaniques, etc.). Abidjan occupe
des sociétés) ; Cocody (résidences de
85 p. 100 des salariés industriels de la
grande part, des propriétés du détecteur d’Abidjan, et une voie ferrée construite luxe, établissements universitaires),
Côte-d’Ivoire (il n’existe qu’un seul
utilisé avec l’instrument. pour les relier, traversant la lagune sur qui tend à se prolonger vers l’est, de
autre centre industriel, Bouaké). Les
M. C. un pont flottant. Abidjan fut érigée en l’université à Bingerville, avec l’hôtel
fonctions universitaires et culturelles de
A. Maréchal, Imagerie géométrique ; aber- 1934 en capitale administrative de la Ivoire et son complexe touristique au
rations (Édit. de la Revue d’optique, 1932). la capitale ivoirienne prennent de plus
colonie de la Côte-d’Ivoire, en même bord de la lagune ; Marcory et les vil-
en plus d’importance (université, créée
temps qu’elle en devenait le principal las de la zone industrielle dans l’île de
en 1964 ; musée, l’un des plus riches
centre commercial. Elle comptait alors Petit-Bassam. Cet ensemble occupe
d’Afrique occidentale ; Centre des
17 000 habitants. environ la moitié de la surface urbaine ;
Abidjan Dès lors, l’expansion se poursuit à un on y trouve 90 p. 100 de la population
sciences humaines).
J. S.-C.
rythme rapide, suivant les progrès de la européenne (20 000 hab. sur 500 000)
Capitale de la Côte-d’Ivoire, sur la la- et 5 p. 100 de la population africaine
mise en valeur économique de l’arrière-
gune Ébrié, à proximité du golfe de Gui- pays. Mais ces progrès demeurent frei- (couches supérieures).
née. Avec 560 000 habitants en 1971, nés par la médiocre capacité du wharf.
Abidjan dispute à Dakar le rang de
Les quartiers africains aménagés Abomey
C’est seulement en 1950 que le projet sont : Treichville (population africaine
première ville de l’Afrique occidentale conçu au début du siècle se réalise. Le aisée, employés, fonctionnaires) ; (royaume d’)
d’expression française. percement du canal de Vridi, traversant Adjamé (plus pauvre, avec une plus
Sur une côte dépourvue d’abri, ourlée le cordon littoral, fait d’Abidjan un port Ancien royaume d’Afrique noire. Sa
forte proportion d’immigrants récents et
de cordons littoraux sableux battus par maritime, et l’expansion urbaine s’accé- fondation est relativement récente,
moins recherché en raison de l’éloigne-
la barre, Abidjan fut retenue au début du lère (50 000 hab. en 1948, 200 000 en mais il est difficile d’en fixer la date :
ment des lieux de travail) ; le nouveau
XXe s. comme point de départ du chemin 1960, 400 000 en 1966). la chronologie traditionnelle la place au
Koumassi, dans l’île de Petit-Bassam.
de fer de pénétration (Abidjan-Niger) Aujourd’hui, le site primitif d’Abi- début du XVIIe s. Capitale du mythique
Les immeubles de rapport à étages com-
mis en construction dès 1904. fondateur de la dynastie des Agassou,
djan (le « plateau ») entre les baies de mencent à y remplacer les « conces-
La puissante Compagnie française Cocody (à l’est) et du Banco (à l’ouest) sions » traditionnelles, qui groupent « Agassou la Panthère », le royaume

de l’Afrique occidentale, tard venue ne constitue plus que le noyau central de autour d’une cour des bâtiments en naquit aux environs mêmes de la ville
sur cette partie du littoral et trouvant la la ville (centre administratif, commer- « dur », sans étages, divisés en cellules d’Abomey, dans le pays guédévi, dont
place prise par des concurrents dans les cial et financier). Les trois villages des locatives. les autochtones étaient des Yoroubas.
« escales » traditionnelles de la côte, s’y Ébriés (autochtones de cette partie de Ses fondateurs, venus de Tado, dans le
Les quartiers africains spontanés
établit. Le « patronage de la question la région des lagunes) qui l’occupaient pays adja de l’est du Togo, étaient d’ori-
juxtaposent cases en planches et bidon-
portuaire par une puissante société com- et qui avaient été transférés en 1902 sur gine étrangère.
villes, où la population d’immigration
merciale » (G. Rougerie) allait détermi- les rives opposées à leur emplacement Ouégbadja (1645-1685), qui fut le
récente s’accumule dans les pires condi-
ner le destin de la future ville. primitif ont subsisté, englobés dans troisième roi, bâtit le premier palais,
tions d’hygiène. Ce sont Port-Bouët,
La proximité d’un cañon sous-marin l’agglomération moderne, de même et chacun de ses successeurs établit le
une partie de l’île de Petit-Bassam, la
(le « trou sans fond ») avait fait proje- qu’au nord du plateau le village ébrié sien à côté. Le palais royal d’Abomey
périphérie d’Adjamé.
ter le percement du cordon littoral en d’Adjamé. Avant la Seconde Guerre (Agbo-mê signifie « à l’intérieur des
Un effort considérable est accompli
cet endroit et l’établissement d’un port mondiale, à la cité européenne et admi- remparts ») était donc une suite d’édi-
(surtout depuis 1960) pour éliminer les
nistrative du « plateau » s’étaient ajou- fices, qui représentait l’évolution dans le
en eau profonde dans la lagune Ébrié.
taudis et rénover les quartiers de peu-
Mais l’entreprise tentée avant 1914 tées les banlieues africaines d’Adjamé temps d’une monarchie de plus en plus
plement spontané : mais la croissance
échoua. Grand-Bassam, au débouché (Adjamé-Étrangers) au nord et de florissante. La mort d’un roi n’entraî-
rapide de la population (plus de 50 000
de la lagune, où un wharf permettait Treichville au sud, sur l’île de Petit- nait jamais la destruction ou l’abandon
nouveaux habitants par an) fait perpé-
le chargement des navires, demeura Bassam. de son palais, bien au contraire : le roi
tuellement renaître de nouveaux bidon-
le principal port d’accès de la Côte- Le remplacement du vieux pont y régnait, présent dans les autels qu’on
villes au-delà des zones réaménagées.
d’Ivoire. L’administration s’était trans- flottant, qui datait de 1929, par un lui dressait à l’endroit même où il avait
Sur 560 000 habitants en 1971, moins
portée dès 1900 à Bingerville, cité arti- pont moderne à grande capacité (pont vécu. La continuité de la lignée royale
de la moitié sont ivoiriens d’origine et s’inscrivait ainsi sur le terrain et s’expri-
ficielle créée sur le plateau au nord de la Houphouët-Boigny, 1958), doublé par
un quart à peine sont nés à Abidjan. Les
lagune, entre Grand-Bassam et Abidjan. un deuxième pont plus à l’est (1967), fa- mait par les cérémonies aux ancêtres,
immigrés (Voltaïques, Maliens, Nigé- qui se déroulaient successivement dans
Cependant, le chemin de fer avait atteint cilite les relations entre les deux parties
riens, etc.) sont majoritaires. La grande
Bouaké (1912), puis Bobo-Dioulasso, de l’agglomération, où la population se tous les palais qu’ils avaient bâtis. L’en-
distorsion des niveaux de vie, l’exis-
en Haute-Volta (1934), avant de joindre répartit désormais à peu près également semble des bâtiments constituait une
tence permanente d’une masse de chô- sorte de généalogie architecturale. À la
Ouagadougou, chef-lieu de ce terri- au nord et au sud de la lagune. La créa-
meurs qui oscille entre 20 et 30 p. 100
toire (1954). Pour éviter les transbor- tion du port sur l’île de Petit-Bassam fin du XIXe s., le périmètre de l’enceinte
de la population active posent de sé-
dements coûteux et fuir Grand-Bassam et sur le cordon littoral (port pétrolier) atteignait plus de 4 km de développe-
rieux problèmes sociaux.
infesté par la fièvre jaune, un nouveau et l’établissement, à proximité du port, ment pour une population évaluée à en-
wharf fut établi en 1932 à Port-Bouët, d’une zone industrielle ont contribué à Les fonctions administratives et viron 10 000 âmes. Incendiés par ordre
sur le cordon littoral, à 11 km au sud favoriser l’expansion urbaine dans la commerciales d’Abidjan demeurent de Béhanzin (1889-1894), obligé de fuir

30
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

la capitale, les palais furent restaurés par début duquel les traditions bibliques font sortir d’Our des Chaldéens pour aller au C’est à ce moment de la vie du pa-
le gouverneur Reste, qui en fit un musée vivre Abraham. pays de Canaan » (Genèse, XI, 31). triarche qu’il faut placer l’épisode du
pour exposer les collections d’objets qui séjour en Égypte (Genèse, XII). Une pé-
Certes, il ne s’agit pas de retrouver Autour de l’antique cité d’Our, une
avaient pu être sauvés. L’aspect actuel riode de sécheresse et de disette amène
dans les récits rapportant les pérégrina- des plus importantes du sud de l’Eu-
des ruines permet encore d’imaginer tions d’Abraham et de son clan à travers les nomades à chercher refuge dans la
phrate, gravitaient des tribus nomades
cette immense cité royale, à la fois cité riche vallée du Nil.
la Mésopotamie et le pays de Canaan qui commerçaient avec les citadins. En
des vivants et des morts. une réelle précision historique. Ces un premier temps, le clan des Térahites Durant ce séjour arrive à Abraham
Le nom royal exprime la puissance antiques traditions religieuses, long- se dirige vers le nord de la Mésopota- une aventure dont l’aspect moral a long-
et participe de celle-ci : c’est le « nom temps transmises par voie orale, char- mie et s’arrête à Harran, dans la zone du temps embarrassé les commentateurs
fort ». Chaque roi avait toute une série rient des développements qui tiennent haut Euphrate. Harran et Our sont deux (Genèse, XII, 10 à 28). La tradition rap-
de noms qui s’accroissait au long de de la légende ou du mythe. Tel est, par villes soeurs, et l’histoire atteste des re- porte que Sara, femme d’Abraham, était
son règne, à l’occasion d’un événement exemple, l’épisode de la femme de Lot, lations cultuelles étroites entre les deux très belle. En ces temps il valait mieux
important. Les représentations symbo- changée en statue de sel pour avoir été cités. On y adore dans l’une comme être le frère d’une jolie soeur que le mari
liques des rois avaient aussi leur origine trop curieuse (Genèse, XIX, 26) : expli- dans l’autre le dieu-lune Nanna (Sin) d’une belle épouse, quand le seigneur
dans les « noms forts ». L’animal, le vé- cation populaire de la forme singulière et sa parèdre Ningal. Mais Harran n’est du lieu la convoitait pour son harem.
gétal ou l’objet figure sur les bas-reliefs, d’une roche ou d’un bloc salin. Mais il Abraham fait donc passer Sara pour sa
qu’une étape, Térah meurt, et Abraham
les tentures en étoffe appliquée ; on le n’en reste pas moins que le cataclysme soeur. Emmenée au harem royal, elle
quitte la haute Mésopotamie. Dans la
représente par les statues, les sculptures qui détruisit Sodome et Gomorrhe est sera tout de même rendue à son légitime
perspective religieuse de la Bible, ce
des récades (bâtons sculptés, symboles un fait de l’histoire dont témoigne l’af- époux, car, dit le vieux chroniqueur,
sera sur un ordre exprès de Dieu. La mi-
de la puissance royale, portés par les faissement géologique de la partie sud « Yahvé frappa de grands maux la mai-
gration, cette fois, s’accomplit d’est en
messagers du roi), les décorations des de la mer Morte. La légende ou le mythe son de Pharaon, à cause de Sara, femme
ouest. Et, de fait, les textes de Mari font
bijoux. Ainsi, le buffle était le symbole n’est pas une négation de l’histoire ; d’Abraham ».
connaître les nombreux déplacements
de Guézo et le requin celui de Béhanzin. l’un et l’autre en sont un mode d’ex- de groupes qui, franchissant l’Euphrate, De retour en Canaan, le clan, devenu
Ouégbadja institua une étiquette pression. Les traditions patriarcales sont s’en vont nomadiser au-delà du fleuve, trop important, se divise (Genèse, XIII).

de cour et s’entoura de nombreux mi- fermement ancrées dans l’histoire de en direction du pays de Canaan, la Pa- Entre Abraham et Lot ont surgi des dif-
nistres. Son pouvoir était absolu. La jus- cette première moitié du IIe millénaire lestine biblique. ficultés : « Le pays ne suffisait pas à
tice lui était réservée. Ouégbadja établit où « Abraham l’Hébreu » vint, selon la leur installation commune et ils avaient
les coutumes et surtout les funérailles Genèse, s’installer au pays de Canaan.
À travers de trop grands biens pour habiter en-
royales, marquées par des sacrifices semble. » Lot se fixe près des villes
le pays de Canaan
humains. Le nouveau royaume prit le du sud de la mer Morte, cédant ainsi à
La foi d’Abraham
nom de « Dan-homé » (dans le ventre Lorsque Abraham et Lot, son neveu,
et la foi du chrétien l’attrait d’une vie plus sédentaire. Abra-
de Dan), allusion au roi Dan, qui avait qu’il a amené avec lui, arrivent en Ca- ham, lui, reste l’homme de la vie no-
Espérant contre toute espérance, il crut
accueilli Ouégbadja. naan, le pays est occupé par une popu- made. De Mambré-Hébron, il rayonne
et devint ainsi père d’une multitude de
L. G. lation sémite établie depuis le début du dans le sud du pays à la recherche des
peuples, selon qu’il fut dit : Telle sera ta des-
Dahomey. IIIe millénaire dans les plaines côtières pâturages et des points d’eau. À ce pla-
cendance. C’est d’une foi sans défaillance
qu’il considéra son corps déjà mort — il et le Nord. Le reste du territoire est zone teau qui garde le souvenir du grand pa-
avait quelque cent ans — et le sein de Sara, franche pour les nomades et leurs trou- triarche, les Arabes ont donné le nom de
mort également ; devant la promesse de peaux. Rmat al-Khall (la hauteur de l’Ami) :
Dieu, l’incrédulité ne le fit pas hésiter, mais
Abou-Simbel ou sa foi l’emplit de puissance et il rendit gloire
La caravane partie de Harran campe dans la Bible et le Coran, Abraham est
aux environs de Sichem, que l’explo- appelé « l’Ami de Dieu ».
Ab Simbel à Dieu, dans la persuasion que ce qu’Il a une
ration archéologique a retrouvée au tell
fois promis, Dieu est assez puissant pour Un curieux récit (Genèse, XIV) nous
l’accomplir. Voilà pourquoi ce lui fut compté Bala, à l’est de Naplouse. « Abraham conte comment Abraham vint au se-
NUBIE. comme justice. traversa le pays, jusqu’au territoire de cours de son neveu, victime d’un raid
Or quand l’Écriture dit que sa foi lui fut Sichem, au chêne de Moré. » Ce chêne militaire organisé par quatre rois. Les
comptée, ce n’est point pour lui seul ; elle de Moré, c’est-à-dire du « devin », est historiens ont renoncé à identifier les
nous visait également, nous à qui la foi doit
un arbre sacré marquant l’emplace- quatre souverains. Mais il n’y a pas si
Abraham être comptée, nous qui croyons en celui
ment d’un vieux sanctuaire sémitique. longtemps on caressait encore l’espoir
qui ressuscita d’entre les morts, Jésus notre
Seigneur, livré pour nos fautes et ressuscité Les endroits sacrés, arbres, tombes, de voir surgir dans la geste patriarcale
Patriarche hébreu (XIXe s. av. J.-C.), un pour notre justification. sanctuaires, sont, avec les points d’eau, le célèbre Hammourabi* de Babylone.
des personnages majeurs des religions nécessité vitale pour les hommes et les
Saint Paul, Épître aux Romains, IV, 18-25 La tradition religieuse mettra encore
juive, chrétienne et islamique. (trad. Bible de Jérusalem). troupeaux, les centres de ralliement des
au compte du patriarche le salut de Lot
Hébreux nomades.
et de sa famille lors de la légendaire ca-
Abraham et l’histoire De Sichem, Abraham continue vers tastrophe qui devait détruire Sodome et
D’Our à Harran le sud jusqu’au Néguev. À l’époque pa-
Autrefois, les historiens tendaient à les autres villes du sud de la mer Morte.
considérer Abraham comme un héros Un clan araméen émigré de la région triarcale, cette région, malgré son nom L’origine de cette légende célèbre est
de légende, l’ancêtre mythique du clan d’Our, en basse Mésopotamie. Il appar- (Néguev signifie le « pays sec »), n’était à chercher dans quelque séisme parti-
auquel se rattachait le peuple d’Israël. tient à ces tribus semi-nomades qui, ve- pas un désert, mais un pays pauvre, terre culièrement destructeur. Les émana-
Le développement de la recherche ar- nant du désert syro-arabe et de la Méso- d’élection pour les nomades comme tions de soufre, les eaux chaudes qui
chéologique a renouvelé nos connais- potamie, pénètrent, entre 2000 et 1750 aussi pour les pillards. La pérégrination abondent dans la partie méridionale de
sances. Les fouilles de Byblos, de Ras av. J.-C., dans le pays de Canaan. Tel est d’Abraham est jalonnée d’étapes dont la dépression ont été aux yeux des An-
Shamra (Ougarit), les riches découvertes le début de l’histoire des Hébreux, que les noms resteront dans l’histoire d’Is- ciens les témoins de la pluie de soufre
de Mari, celles d’Our et de Nouzi (près l’on date généralement aux environs de raël : Béthel, Aï et surtout Hébron. Cette et de feu que Yahvé fit tomber sur les
de Kirkk), pour ne citer que les plus 1850. « Et Térah [Tharé] prit Abram son dernière région, au chêne de Mambré, villes maudites (Genèse, XIX). Le nom
marquantes, ont permis à l’historien de fils et Lot fils de Haran, son petit-fils, et autre emplacement sacré, sera le port de Sodome est conservé par le Djebel
prendre pied dans ce IIe millénaire au Saraï sa bru, femme d’Abram, et les fit d’attache du clan abrahamite. Sudum (djabal al-Sadm). C’est un

31
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

épais gîte salin où se dressent des stèles Comme la légende d’Iphigénie dans la contrat par lequel il acquiert la grotte de Louange à Allah, qui, malgré ma vieillesse,
m’a accordé Ismaël et Isaac ! En vérité, mon
de sel. Ces « statues de sel » aux formes mythologie grecque, ce récit témoigne Macpéla et le champ qui l’entoure n’est
Seigneur entend certes bien la prière !
étranges, qui se retrouvent d’ailleurs un d’une même réaction contre les sacri- pas sans présenter de nombreuses res-
— Seigneur, fais de moi celui qui accomplit
peu partout sur les deux rives, ont donné fices humains, assez fréquents chez les semblances avec les contrats que nous
la Prière et qu’il en soit ainsi de ma descen-
lieu à toutes sortes de récits populaires. Cananéens et pratiqués aussi en Israël, font connaître les documents hittites et dance, ô Seigneur ! et accepte ma prière !
À la statue de la femme de Lot dont mais plus rarement, jusqu’au VIe s. avant hourrites. Le terrain acquis entourait — Seigneur, pardonne-moi ainsi qu’à mes
parle la Bible, la tradition arabe a ajouté notre ère. une grotte qui devait servir de tombeau. père et mère et aux Croyants, au jour où se

celle de son chien. dressera le Rendement de Compte !»


Isaac grandit. Typiquement oriental Les cavernes funéraires resteront le type
Le Coran, surate XIV, 38-42 (trad. R. Bla-
est le récit de son mariage (Genèse, normal de la sépulture israélite. Dix-huit
chère).
La descendance XXIV). Abraham envoie son intendant siècles plus tard, Jésus de Nazareth sera
du patriarche en haute Mésopotamie chercher une lui aussi enseveli dans une chambre fu-
I. T.
femme pour son fils, là où s’était fixée, néraire creusée dans le roc.
Abraham et Sara voyaient venir la vieil- Hébreux.
après la sortie d’Our, une partie de la
lesse, et ils n’avaient pas d’enfant. Or Abraham mourut « dans une vieillesse C. L. Woolley, Abraham. Recent Discoveries
tribu de Térah. Car le patriarche ne veut
Sara « avait une servante égyptienne heureuse, vieux et rassasié de jours », et and Hebrew Origins (Londres, 1936 ; trad. fr. :
pas pour l’héritier de sa race une fille Abraham. Découvertes récentes sur l’origine
nommé Agar. Et Sara dit à Abraham : il fut enseveli aux côtés de sa femme. La
des Cananéens parmi lesquels il vit. des Hébreux, Payot, 1949). / E. Dhorme, la Reli-
voici que Dieu ne m’a pas permis d’en- grotte de Macpéla va devenir le caveau gion des Hébreux nomades (Geuthner, 1937).
L’endogamie (mariage à l’intérieur du
fanter. Viens donc vers ma servante de famille des grands ancêtres d’Israël : / E. Tisserant, Abraham père des croyants
clan) est une coutume, héritage de la
et peut-être par elle aurai-je un fils » Sara et Abraham, Isaac et Rébecca, (le Cerf, 1952). / R. de Vaux, les Institutions
vie tribale, fréquemment attestée dans de l’Ancien Testament (le Cerf, 1958-1960 ;
(Genèse, XVI). En effet, d’après le droit Jacob et Lia. Les historiens considèrent
l’Orient ancien. Isaac épousera sa cou- 2 vol.). / J. Bright, A History of Israel (Philadel-
mésopotamien, une épouse stérile pou- comme très ancienne la tradition qui phie, 1959). / H. Cazelles, « Patriarches », dans
sine Rébecca. Dans le récit, un détail
vait donner à son mari une servante, et situe au arm al-Khall (le lieu saint Supplément au Dictionnaire de la Bible, t. VII
nous frappe : c’est le frère de la jeune (Letouzey, 1961). / A. Parrot, Abraham et son
l’enfant né de cette union était reconnu de l’Ami) la sépulture des patriarches
fille, et non le père, qui dirige les négo- temps (Delachaux et Niestlé, 1962). / R. Mar-
comme fils de la femme légitime. Cette hébreux. Depuis deux millénaires, des tin-Achard, Actualité d’Abraham (Delachaux et
ciations prématrimoniales. Et, à la dif-
coutume se trouve dans le code d’Ham- Niestlé, 1970).
monuments hérodiens, byzantins, mé-
férence d’Abraham, qui décide de tout
mourabi et dans les lois de Nouzi. C’est
diévaux et arabes se succèdent au-des-
sans consulter son fils, dans la famille
ainsi que naît Ismaël, l’ancêtre des
sus d’une grotte qui s’ouvrait au flanc
de Rébecca la jeune fille est consultée.
peuples arabes.
On retrouve une pratique semblable de la colline d’Hébron, témoins de la
Mais la présence de deux épouses ne
dans la civilisation de Nouzi, dont une foi d’une multitude de croyants juifs, Abramovitz
favorise guère la paix du foyer. Agar,
fière d’avoir un fils, oublie qu’elle n’est
tablette nous rapporte la déclaration, chrétiens et arabes. (Chalom Yaacov,
faite devant témoins, d’une jeune fian- De cet « Araméen errant », la Bible
qu’une concubine, et son arrogance ir-
cée : « Avec mon consentement, mon
dit Mendele-
et le Coran ont fait un être d’exception
rite sa maîtresse. La situation va devenir
encore plus tendue du fait de la nais-
frère m’a donné comme femme à... » qui prend place aux côtés de Moïse, de Mocher-Sefarim)
De même en est-il des cadeaux offerts Jésus et de Mahomet. Car la migration
sance d’un nouvel enfant, fils, cette fois,
à Rébecca de la part de son futur beau- d’Abraham ne s’insère pas seulement Écrivain d’expression yiddish et hé-
de l’épouse en titre : Isaac, l’enfant de
père Abraham. Le code d’Hammourabi dans un processus historique, elle est braïque (Kopyle, dans le gouvernement
la promesse divine. « Ta femme Sara te
témoigne de l’existence de la même pra-
donnera un fils et tu l’appelleras Isaac. devenue un événement religieux. de Minsk, 1836 - Odessa 1917).
tique en Mésopotamie.
J’établirai mon alliance avec lui en Père des croyants, chevalier de la foi, Son père, Hayyim Moseh Broydo,
alliance perpétuelle pour sa race après champion du monothéisme, c’est de lui un érudit, a le souci de lui donner une
lui » (Genèse, XVII). C’est cet enfant qui Éloge d’Abraham que se réclament les trois grandes reli- bonne éducation, et, de fait, l’enfant
sera l’ancêtre du peuple juif. Abraham, ancêtre célèbre d’une multitude gions monothéistes du bassin méditer- manifeste un goût précoce pour les

Or, selon l’ancien droit oriental, de nations, ranéen. Et chaque croyant juif, chrétien études philosophiques et religieuses. À
nul ne lui fut égal en gloire. treize ans il perd son père. Passant d’une
l’enfant né d’une concubine avait droit ou musulman fait siens les mots de Paul
Il observa la loi du Très-Haut
à l’héritage paternel, s’il était juridique- Claudel : « Les fils d’Abraham, c’est école talmudique à l’autre, il arrive à
et fit une alliance avec lui.
ment considéré comme fils de l’épouse, nous. » Vilnious. Sa mère s’étant remariée, son
Dans sa chair il établit cette alliance
ce qui était le cas d’Ismaël. Et Sara, beau-père le charge de veiller sur l’édu-
et au jour de l’épreuve il fut trouvé fidèle.
dans sa jalousie maternelle, ne voulait C’est pourquoi Dieu lui promit par serment cation de ses enfants nés d’un premier
Abraham fondateur du
pas que l’héritage soit partagé entre de bénir toutes les nations en sa descen- mariage, et, tout en s’acquittant de cette
dance, culte de La Mecque tâche, le jeune homme se promène, soli-
Isaac et le fils de la servante. « Chasse
de la multiplier comme la poussière de la
cette servante et son fils. » Le code — Et quand Abraham dit : « Seigneur ! rends taire, dans la région qui lui inspire ses
terre
d’Hammourabi et les lois de Nouzi cette Ville sûre et détourne-nous, moi et premiers poèmes.
et d’exalter sa postérité comme les étoiles,
mon fils, d’adorer les idoles !
interdisaient de chasser la servante qui À l’instigation d’un certain Abraham
de leur donner le pays en héritage
— Elles ont, Seigneur ! égaré beaucoup
avait donné au maître un enfant. Cepen- d’une mer à l’autre le Boiteux, il quitte la Biélorussie, frap-
d’Hommes. Celui qui me suivra sera de moi,
dant, pour avoir la paix et à contrecoeur depuis le fleuve jusqu’aux extrémités de la pée de sécheresse, pour se rendre en
mais qui me désobéira... Car Tu es absolu-
Abraham se résout à renvoyer Agar et terre.
teur et miséricordieux. Russie du Sud. À Kamenetz-Podolski,
son fils. Isaac reste seul porteur de toute Ecclésiastique, XLIV, 19-21 (trad. Bible de
— Seigneur ! j’ai établi une partie de ma il se sépare de ses compagnons. Il y ren-
Jérusalem).
l’espérance de la race promise. descendance dans une vallée sans culture, contre l’écrivain hébreu Abraham Ber
auprès de Ton Temple rendu sacré, Sei- Gottlober, s’établit comme instituteur et
Et voici que Dieu, dit le texte bi-
gneur ! pour qu’ils accomplissent la Prière.
blique, va demander à Abraham de lui se marie une première fois. Il commence
La caverne de Macpéla Fais que des coeurs, chez les Hommes, s’in-
faire le sacrifice de ce fils, « ton fils à écrire des articles sur les sciences
clinent vers eux ! Attribue-leur des fruits !
Isaac ton unique, celui que tu aimes » Abraham, qui était un nomade, ne naturelles et l’éducation, qui paraissent
Peut-être seront-ils reconnaissants !
(Genèse, XXII). Abraham se met en de- possédait pas de terre. Quand Sara, sa — Seigneur ! Tu sais ce que nous cachons et en 1857 dans Ha-Maguid (le Messa-
voir d’obéir. Mais au dernier moment femme, meurt, il se trouve dans l’obliga- ce que nous divulguons. ger) ; certains feront l’objet du recueil
une victime animale sera miraculeuse- tion d’acheter aux habitants du pays une Rien n’est caché à Allah sur la terre ni dans Mishpat Chalom (Jugement de Salom,
ment substituée à la victime humaine. portion de terrain pour la sépulture. Le le ciel. 1860). Installé ensuite à Berditchev,

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Abramovitz se sépare de sa première pants à très grand nombre de tranchants bloc qui reste dans le four est concassé La dureté des abrasifs
femme et se remarie dans un milieu dans les opérations de meulage, tronçon- pour obtenir des grains, qui sont lavés
La dureté d’un corps peut être caractérisée
aisé, ce qui lui permet de se consacrer nage, rodage, polissage. Par une action et triés. Le carbure de silicium chimi- par son aptitude à rayer d’autres corps. Dif-
entièrement à la littérature. Il écrit alors mécanique sur des corps moins durs, ces quement pur est rigoureusement blanc, férentes échelles de dureté ont été établies.
Toledot ha-teva (Histoire naturelle), grains sont capables d’arracher à ceux-ci alors que le produit industriel est coloré Le minéralogiste Friedrich Mohs (1773-

puis, en 1863, son premier conte, Limdû de petits copeaux. du vert émeraude au noir par différentes 1839) a classé dix corps naturels choisis de
telle manière que chacun raye le précédent.
hetev (Apprenez bien), qui deviendra le impuretés (fer, carbone, alumine, ma-
Un nombre d’une échelle, arbitrairement
roman Avot u Vanim (Pères et fils). Il Origine gnésium, etc.). Sa dureté dans l’échelle
numérotée de 1 à 10, a ainsi été attribué à
souhaite, par une oeuvre réaliste, donner de Mohs est de 9,2. Il est peu résistant à chacun de ces corps. Le talc possède le nu-
Les produits abrasifs sont soit naturels,
la réplique aux romans romantiques de la fracture, et cette fragilité relative pro- méro 1 et le diamant le numéro 10. De 1 à
soit artificiels.
Mapou. Et surtout il veut être compris voque la formation constante d’arêtes 10, les duretés croissent, mais les nombres

du peuple. Pour cela, abandonnant l’hé- vives. de l’échelle ne donnent qu’un classement

breu, il écrit en yiddish, langue com- Produits abrasifs naturels des duretés, sans constituer une mesure
Le carbure de bore B4C est fabriqué
proprement dite de ces duretés.
prise de tous. Dans le premier roman de Beaucoup de roches ont des proprié- par la société Norton sous la marque
La méthode Knoop, fondée sur la pénétra-
son époque yiddish (qui durera de 1864 tés abrasives par leur dureté, mais leur déposée Norbide. Préparé par réduction
tion d’une pointe de diamant au moyen
à 1886), Dos Kleyne menele (le Petit homogénéité est souvent trop médiocre de l’anhydride borique par le carbone, d’un appareil du genre Rockwell, permet
Homme), apparaît son pseudonyme, pour qu’elles puissent être utilisées cet abrasif se présente sous forme d’une au contraire d’établir une échelle dont les
nécessité par les critiques acerbes qu’il comme abrasifs industriels, aussi les poudre noire. Sa dureté dans l’échelle nombres traduisent des duretés propor-
fait de la société juive de la ville. La abrasifs naturels sont-ils peu nombreux : tionnelles. Dans tous les cas, on peut trou-
de Mohs est de 9,4 environ. Il est uti-
supercherie connue, il doit fuir à Jito- — le grès est une roche formée de lisé sous forme de grains classés, mais ver un abrasif d’une dureté supérieure à un
matériau donné et, donc, susceptible de
mir, puis à Odessa, où il devient direc- grains de silice (SiO2) agglomérés par n’a pas encore été aggloméré pour la
l’usiner.
teur d’une école primaire. Parallèlement un liant calcaire ; fabrication de produits abrasifs. En re-
à ses romans en yiddish, Di Taxé (le — l’émeri naturel, ou corindon granu- vanche, il peut être fritté sous une pres-
Péage), Di Klatché (la Jument), il écrit laire (émeri de Naxos), est une roche sion de plusieurs tonnes par centimètre
Mode d’action
également pour Ha-Shahar (l’Aurore) dure, dont la dureté est due principa- carré, vers 2 450 °C, sans liant. On peut
et Ha-Melitz (l’Interprète) des articles lement aux cristaux d’alumine Les abrasifs doivent être classés en grains
(Al2O3) ainsi réaliser des pièces géométriques
en hébreu. En 1886, revenant complète- qu’elle renferme. Mais cette roche simples et de dimensions très précises. de grosseur déterminée. Lorsqu’ils se
ment à l’hébreu, il publie, dans le quoti- contient diverses impuretés (oxyde de Le carbure de bore (grains et poudre) est présentent en blocs ou en lingots, ils sont
dien de J. L. Cantor Ha-Yom (le Jour), fer) qui en altèrent l’homogénéité. Les d’abord broyés. Puis les impuretés sont
utilisé pour le rodage de filières en car-
Be Seter ha-raam (Dans le secret du très bons échantillons d’émeri naturel bure de tungstène et de tantale (filières éliminées par séparation magnétique
tonnerre), puis Emek-ha-bakha (la Val- ne contiennent que 60 p. 100 d’alumine d’étirage), d’outils à mise rapportée ou par lavage, et les cristaux, ou grains,
lée des larmes) et un roman autobiogra- pure Al2O3. Certains échantillons n’en sont classés par grosseur. La désignation
en carbures métalliques, etc. Actuel-
phique, Be-Yamin-ha-hem (Autrefois), contiennent que 40 p. 100 ; lement, il tend à remplacer la poudre des grosseurs de grain est standardisée.
qui sont des traductions et des refontes — le diamant est le plus dur de tous les Pratiquement, chaque grosseur est défi-
de diamant. Il coupe, en effet, presque
de ses oeuvres en yiddish. corps connus ; dans l’industrie, on uti- comme le diamant, et les grains les plus nie par le nombre de fils de trame au

Mêlant l’allégorie à l’observation lise essentiellement le diamant noir, qui fins donnent un fini remarquable. Il est pouce linéaire du tamis laissant passer le

réaliste, Abramovitz peint le monde juif n’a pas de valeur en joaillerie. recommandé d’utiliser un liquide tenant grain. Le grain 24 mesh, passe au tamis

comme un univers d’infirmes et de men- l’abrasif en suspension, par exemple de 24 fils, mais est retenu par un tamis

diants, accablés par les bureaucrates, Produits abrasifs artificiels l’huile légère de machine, le pétrole ou de 30 fils. Le diamètre moyen du grain

perpétuellement victimes d’exploiteurs. un mélange de pétrole et d’huile miné- est donc :


Ceux-ci comprennent trois catégories :
À ces malheureux il promet cependant rale. Le carbure de bore sert également
1o les produits constitués par de l’alu-
une vie meilleure au terme d’un périple pour le rodage d’aciers très durs. En
mine cristallisée (corindon artificiel,
douloureux et pittoresque (les Voyages joaillerie, certaines pierres (agate, mala- environ. Au-delà de 220, le classement
électro-corindon, etc.) ;
de Benjamin III, 1878) qui rappelle ses chite, topaze, saphir, béryl, etc.), dont la des grains se fait par lévigation ou sépa-
2o les produits constitués par du carbure
pérégrinations personnelles (Fichké le dureté est supérieure à 6 dans l’échelle ration par gravité dans un courant d’eau.
de silicium cristallisé SiC ;
Boiteux). Véritable créateur de la prose de Mohs et qui sont difficilement enta- Les grains les plus fins ont un diamètre
3o les produits constitués par du carbure
yiddish et fondateur de la littérature mées par le carbure de silicium, peuvent moyen de 40 microns. Pendant le tra-
de bore cristallisé B4C.
hébraïque moderne grâce à une langue être polies au carbure de bore. Enfin, vail d’abrasion, le grain d’abrasif en
L’alumine artificielle cristallisée est
empruntée à la vie populaire et quoti- des applications intéressantes de la contact avec la pièce subit des efforts qui
un abrasif de même nature que l’émeri
dienne, il reste pitoyable et malicieux, poudre de carbure de bore ont été faites tendent à provoquer sa rupture. Pour un
naturel, mais elle est obtenue avec plus
ironique et humain, sous le pseudonyme dans les opérations d’usinage de maté- travail et un abrasif déterminés, si la ré-
de pureté : on réalise des produits artifi-
modeste de Mendele-Mocher-Sefarim, riaux durs avec des machines utilisant sistance à la fracture est trop grande, les
ciels contenant plus de 99 p. 100 d’alu-
« Mendele le colporteur de livres », des vibrations ultrasonores. Les pièces pointes coupantes de l’abrasif s’usent,
mine pure. Ces abrasifs sont obtenus en
l’éveilleur de l’âme d’un peuple. en carbure de bore obtenues par frittage le grain s’arrondit et il ne coupe plus.
chauffant au four à arc un mélange de
N. G. présentent une surface dure, uniforme, Si la résistance est insuffisante, le grain
bauxite et de coke.
Hébraïque (littérature) / Yiddish (littérature). très résistante à l’abrasion, et sont donc se fragmente et disparaît rapidement.
Le carbure de silicium n’existe pas idéales pour de nombreux emplois in- Certains abrasifs sont susceptibles de
S. Niger, Mendele Mocher Sefarim

(Chicago, 1936). / J. Drukier, Der Zeide Mendele à l’état naturel. Il est fabriqué au four dustriels (touches de calibres, tampons, cristalliser dans des systèmes différents.
(Varsovie, 1964). électrique en chauffant un mélange de filières pour l’industrie céramique, Le grain d’abrasif peut donc se briser de
sable, de coke, de sciure de bois et de buses de sablage, etc.). En raison de sa manières différentes, conservant parfois
sel. Le silicium du sable se combine au grande dureté, l’usinage des produits en une forme massive ou, au contraire, pré-
carbone du coke pour former le carbure carbure de bore s’effectue uniquement sentant des arêtes aiguës. Les systèmes
abrasif de silicium ; la sciure de bois rend le à la meule en diamant. Pour obtenir de de cristallisation des abrasifs doivent
mélange poreux pour que l’oxyde de beaux états de surface, il est nécessaire être choisis ou recherchés en fonction
Substance cristalline très dure, utilisée carbone produit puisse s’échapper ; le de terminer par un rodage à la poudre du travail à effectuer. L’emploi d’abra-
en grains et faisant office d’outils cou- sel se combine avec les impuretés. Le de diamant. sifs synthétiques, dont la formation,

33
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Abrasifs (Techniques de l’ingénieur, Section


l’homogénéité et les caractéristiques Meules. C’est incontestablement calcaires, les difficultés de circulation
« Mécanique et chaleur » B 1660, 1969).
sont scientifiquement contrôlées, facilite sous cette forme que les abrasifs sont le se sont conjuguées pour faire de cette
cette adaptation. plus utilisés, et leur importance indus- région un monde d’isolement et de
pauvreté, avec le maintien prolongé de
trielle est très grande. Une meule est un
Utilisations particularismes locaux et une situation
outil abrasif ayant une forme de révolu-
Abruzzes de dépendance à l’égard de Rome pour
tion et qui se monte généralement sur
Les différentes utilisations des abrasifs
dépendent de la nature du support qui un arbre par son alésage afin de tourner et Molise les Abruzzes, de Naples pour le Molise.
Les habitants se sont concentrés dans
entre dans leur constitution. autour de son axe. Du point de vue du
les dépressions et sur la côte. Mais la
mécanisme d’enlèvement de matière, En ital. Abruzzo e Molise. Partie de
population diminue : elle ne représente
l’Italie péninsulaire, sur l’Adriatique.
Abrasifs libres une meule peut être considérée comme plus que 2,7 p. 100 des effectifs natio-
L’ensemble est formé de la région des
Sont dits « libres » les abrasifs employés un ensemble d’outils élémentaires, re- naux contre 4,1 p. 100 en 1911. L’ac-
Abruzzes (correspondant aux provinces
sans support fixe, par exemple en sus- présentés par les grains d’abrasifs, cha- croissement naturel est faible, alors que
de L’Aquila, Chieti, Pescara et Teramo ;
pension dans un fluide, air, huile, pé- cun d’eux étant encastré dans le support 2 les départs sont nombreux vers Rome,
10 794 km ; 1 192 000 hab.) et de la
trole, etc. Cette forme est utilisée dans constituant l’agglomérant. La rotation Milan, Turin ou l’étranger (pays du
région du Molise (correspondant aux
des opérations de sciage, de rodage, de de la meule donne à chacun des outils la Marché commun, Suisse, Amérique du
provinces de Campobasso et d’Isernia ;
polissage. vitesse de coupe qui lui permet de déta- 2 Nord, Australie).
4 438 km ; 326 000 hab.).
cher les copeaux de matière. Une meule L’économie régionale n’est pas apte
Les Abruzzes sont un élément mon-
Abrasifs appliqués est définie par ses dimensions, sa forme à retenir une population dont le revenu
tagneux de l’Apennin et ont donné leur
Dans ce type d’abrasifs, les grains sont et ses spécifications. par habitant est inférieur du tiers à la
nom à une région italienne de laquelle
fixés, par différents procédés de col- moyenne nationale. Les activités agri-
Il existe des meules de toutes tailles, s’est détaché, en 1963, le Molise.
lage, en couche mince sur des supports coles l’emportent. L’élevage ovin trans-
depuis la meule rectifiant les bagues L’ensemble conserve des traits géogra-
souples, constitués par des papiers, humant, qui a provoqué, dans le passé,
de roulement miniatures, qui pèse une phiques et économiques communs. Sur
de désastreux déboisements, est partiel-
toiles, fibres, nappes de fils de Nylon la façade adriatique de l’Italie péninsu-
fraction de gramme, jusqu’aux meules lement remplacé par l’élevage bovin.
non tissés, etc. Les abrasifs appliqués laire, limitée par les Marches au nord
de papeterie employées pour le défi- Les cultures se localisent dans les zones
se présentent sous forme de disques, de (à la hauteur du fleuve Tronto), par les
brage du bois, de plusieurs tonnes. On basses. Le blé est cultivé partout, mais
bandes, de cylindres. Ils possèdent de Pouilles au sud (à la hauteur du fleuve
exprime les dimensions d’une meule plus spécialement dans les dépressions,
très nombreuses applications, notam- Fortore) et par le Latium et la Campa-
en millimètres et on les énumère dans où il alterne avec la pomme de terre ou
ment dans les industries du bois, du cuir, nie septentrionale à l’ouest, les Abru-
l’ordre suivant : diamètre, épaisseur, la betterave à sucre (secteur bonifié de
du caoutchouc, des plastiques, ainsi zzes et le Molise forment un ensemble
l’ancien lac Fucino). Sur les collines,
qu’en métallurgie. alésage. pauvre, privé de puissantes industries et
l’olivier (9 p. 100 de la superficie natio-
Les meules peuvent présenter des de grandes villes.
nale) et la vigne (surtout pour des rai-
Abrasifs agglomérés formes très diverses : meules plates, L’originalité physique provient de sins de table, comme près d’Ortona) ap-
Dans ce type d’abrasifs, les grains sont meules à profil, meules lapidaires, l’extension des montagnes. Le massif paraissent. Les basses vallées et la côte
noyés dans la masse d’un liant minéral, meules cylindriques, meules à bois- des Abruzzes est un haut bastion de sont réservées à des cultures fruitières
organique ou métallique. Ils constituent, seaux droits ou coniques, meules-as- calcaires compacts, le plus ample et le et maraîchères (tomates de Francavilla).
de loin, la catégorie la plus importante plus élevé de la péninsule. Il couvre
siettes, meules sur centre en acier pour Quelques spécialités existent, comme la
des abrasifs utilisés industriellement. 62 p. 100 de la superficie régionale. culture du safran à L’Aquila, celle de la
tronçonnage de la pierre, etc.
Des formes très variées peuvent être Le relief est très complexe. Il présente réglisse à Atri.
Étant donné les multiples éléments
utilisées ; cependant, pour en faciliter la ici deux alignements parallèles, orien-
L’industrie n’occupe que 1,4 p. 100
qui définissent la constitution d’une
fabrication et l’utilisation, on leur donne tés N.-O. - S.-E. À l’ouest, les hauteurs
des effectifs italiens. L’artisanat tradi-
le plus souvent des formes géométriques meule : nature de l’abrasif, grosseur du du Silente, de Velino, de Petroso, de la
tionnel (dentelle, par exemple) décline.
simples qui aboutissent à deux grands grain, grade, structure, agglomérant, on Meta, au-dessus de 2 000 m, dominent
L’énergie manque, et l’hydroélectri-
groupes : 1o les pierres et les bâtons ; a cherché à représenter chaque variable les conques du Fucino, de L’Aquila, de
cité produite comme les hydrocarbures
2o les meules. par un symbole. Leur ensemble consti- Sulmona. À l’est, les altitudes augmen-
récemment découverts (méthane à San
Pierres et bâtons. Leur forme dépend tue les spécifications de la meule, qui tent avec les Monti della Laga, le mas-
Salvo, près de Vasto) sont exportés. Les
permettent son identification. sif de la Maiella (2 795 m) et surtout le
du travail auquel on les destine. principales industries sont des indus-
Gran Sasso, qui porte le point le plus
Les pierres à affûter, employées à La grande variété de dimensions, de tries alimentaires, liées à l’agriculture :
élevé de l’Apennin (2 914 m) et où se
la main, sont destinées à redonner un formes et de spécifications des meules fromageries, sucreries (Avezzano),
niche un petit glacier. Vers le sud-est,
tranchant aux outils coupants (cou- minoteries, fabrications de liqueurs (la
se justifie par les diverses utilisations
dans le Molise, les altitudes s’abaissent,
teaux, lames, outils de tour), qu’elles centerbe), confiseries (dragées de Sul-
de celles-ci : rectification cylindrique
les calcaires s’effacent devant des af-
permettent de retoucher sur place. mona). On trouve aussi des ateliers tex-
extérieure, rectification cylindrique fleurements de schistes argileux. Les
tiles et des briqueteries. Le traitement
Les bâtons de rodoirs sont des bâtons intérieure, rectification sans centre sur montagnes sont flanquées par une zone
de la bauxite à Bussi (Pescara) et la ver-
montés par jeux de trois, quatre ou six machine à rectifier centerless, rectifica- de collines sableuses et argileuses,
rerie de San Salvo sont plus importants.
sur des outils cylindriques et employés tion plane, affûtage, ébarbage, tronçon- d’une largeur de 25 à 30 km. Entaillées Une floraison d’industries diverses sur-
pour la finition des surfaces cylindriques nage, sciage, etc. par de petits fleuves côtiers, ces collines
git autour de Pescara et de Chieti. En
internes, afin de leur donner, par rodage, G. F. sont lacérées par de multiples rigoles même temps, le tourisme se développe,
une forme géométrique plus parfaite et d’érosion, les calanchi. L’ensemble se
P. Salmon et M. Carougeau, le Travail des aidé par les travaux d’équipement rou-
un meilleur état de surface. métaux par abrasion (Société de publications termine par une étroite bande côtière, tier, rompant l’isolement régional. La
Les bâtons de superfinition sont mécaniques, 1950). / A. R. Metral (sous la dir. basse, sableuse, sans articulations, montagne devient secteur touristique
de), la Machine-outil (Dunod, 1953-1959 ; longue de 150 km.
montés sur des têtes vibrantes, pour réa- grâce au Parc national des Abruzzes
8 vol.). / A. Chevalier et R. Labille, Usinage
liser des finis extrêmement poussés sur par abrasion (Delagrave, 1959). / Compagnie
Les hommes n’ont pas trouvé ici des et à quelques stations (Campo Impe-
des surfaces cylindriques externes ou des Meules Norton, les Meules et les produits conditions très favorables. La rudesse ratore), mais elle est moins favorisée
internes. abrasifs agglomérés (L. Hardy, 1965). / G. Louis, du climat, liée à l’altitude, les surfaces que la côte. La pêche (Vasto, Ortona,

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Pescara) recule au profit du tourisme Nous distinguerons donc l’absorption poils absorbants en ombrelle et capables forme d’ions. Ainsi, les ions H+ rejetés
balnéaire avec des centres comme Giu- immédiate, l’absorption précirculatoire de retenir une partie de l’eau de pluie par les racines permettent, en présence
lianova, Roseto degli Abruzzi, Franca- et l’absorption cellulaire, en nous bor- et de la rosée. Ces organes assurent le de calcium, de libérer des ions K, qui
villa. nant aux aliments proprement dits, à ravitaillement en eau du végétal, qui n’a sont alors utilisables. Les plantes, en
l’exclusion des gaz respiratoires. aucun lien nutritif avec son support (un présence de ces granules, fabriquent un
Ces modestes activités ne suscitent
simple fil de fer leur convient très bien). chevelu de racines capables d’absorber
pas une forte poussée urbaine. L’Aquila,
Les conditions Les plantes aquatiques, bien que totale- en ce point tout ce qui leur est néces-
pourtant siège d’instituts universitaires,
de l’absorption ment immergées, absorbent cependant saire. Cela a été spécialement mis en
n’a que 63 000 habitants, Teramo en
l’eau par leurs racines, et cette eau est évidence pour le phosphate tricalcique
compte 49 000, Chieti 54 000, Cam- immédiate
rejetée par les feuilles comme chez la et justifie l’utilisation d’engrais sous
pobasso 43 000. Seule Pescara connaît
Chez les animaux, l’existence d’une ca- forme de granulés. De nombreuses
plupart des espèces aériennes.
un développement rapide, mais désor-
vité digestive permet souvent l’ingestion réactions analogues permettent d’expli-
donné : la ville approche 130 000 habi- Quant aux sels minéraux, ils se
de proies solides relativement peu trans- quer la pénétration des ions ; d’autres,
tants et devient un espoir pour la crois- trouvent dans le sol, soit à l’état dis-
formées (cas extrême : les Serpents) ; au contraire, expliquent la stérilité de
sance de ces provinces du Mezzogiorno. sous dans l’eau, soit à l’état solide. Les
toutefois, l’insuffisance de la bouche ou certains sols imprégnés en excès par des
E. D. substances dissoutes empruntent les
de l’appareil digestif peut amener des sels (sodium des sols maritimes).
Apennin / Mezzogiorno. mêmes voies que l’eau. Une constata-
espèces très diverses (Astéries, larves de
tion s’impose : il y a sélection de ces Enfin, la pénétration des ions est pos-
M. Fondi, Abruzzo e Molise (Turin, 1962). / Dytique ou de Fourmi-lion, Araignées)
substances au niveau de la membrane sible également au niveau des feuilles.
J. Demangeot, Géomorphologie des Abruzzes à pratiquer une sorte de prédigestion
adriatiques (C. N. R. S., 1965). vivante ; leur faible masse molaire, leur Mais si, après aspersion, Fe, Zn, SO4, Cl
externe amenant la proie à l’état liquide.
solubilité dans les lipides et leur possi- et Na sont bien absorbés et migrent, au
(V. alimentaire [régime].) En dehors de
bilité d’ionisation sont des facteurs qui contraire Ca et Mg ne s’éloignent que
ces cas, c’est une digestion* interne qui
favorisent leur passage. La perméabilité très peu de leur point de pénétration.
aboutit au même résultat.
absorption des cellules végétales est modifiée par Quant aux substances organiques
Chez les plantes supérieures, l’eau
la température et l’acidité du milieu, et simples, elles sont absorbées par les
pénètre presque exclusivement (sauf cas
Fonction assurant la pénétration des surtout par la nature des ions qui sont végétaux non verts (Bactéries, Cham-
particuliers) par les poils absorbants qui
nutriments (aliments, gaz respiratoires) mis à leur contact. pignons) ou par les plantes vertes caren-
tapissent la partie subterminale des ra-
dans les organismes animaux ou végé- On distingue des ions minéraux in- cées en aliments azotés (plantes dites
cines les plus fines. L’absorption totale
taux, et jusque dans chacune de leurs carnivores*) beaucoup plus abondam-
de l’eau peut être mesurée soit grâce à dispensables à des doses relativement
cellules si ces organismes sont pluricel- ment que par les autotrophes totales.
un potomètre de grande taille, soit en importantes (phosphore, potassium,
lulaires. soufre, magnésium, calcium, chlore,
recueillant l’eau suintant d’un tronc
d’arbre fraîchement coupé. On a trouvé sodium, silicium) et d’autres qui ne L’absorption
L’absorption, pour diverses espèces les résultats sui- sont utiles qu’à très faibles doses (bore, précirculatoire
fonction complexe vants : plus de 100 litres par jour pour fluor, iode, fer, manganèse, zinc, alu-

un Platane d’une dizaine de mètres, minium, cuivre, etc. [oligo-éléments]). Absorption de l’eau par les
La définition ci-dessus montre combien
1 litre par jour pour un plant de Vigne et Si les sels ne sont pas solubilisés, plantes supérieures
la notion d’absorption est ambiguë. Un
22 litres pour un pied d’Avoine au cours mais se trouvent à l’état de granules Les feuilles et les jeunes tiges perdent
enfant qui mange un biscuit l’absorbe
de toute la saison. solides dans le sol, l’absorption est par transpiration la plus grande partie
trois fois :
Certaines plantes (Monocotylédones cependant possible. En effet, les poils de l’eau qui leur est fournie par les vais-
1o quand il le mange, c’est-à-dire quand
surtout : Orchidacées, Broméliacées. absorbants (ainsi que certains microor- seaux. Il y a ainsi un « appel » qui se
il en accumule la substance dans sa ca-
Aracées, Commélynacées) possèdent, ganismes) sont capables, grâce à di- répercute jusqu’au niveau des racines,
vité digestive (estomac) ;
qu’elles soient épiphytes ou non, des verses sécrétions (ions H+ en particu- dont les cellules se trouvent alors caren-
2o quand il l’assimile (terme fort im-
racines aériennes qui pendent sans ja- lier), de solubiliser localement des sels cées. La concentration des sucs vacuo-
propre), c’est-à-dire lorsque la subs-
mais atteindre le sol. Ces racines n’ont insolubles, qui pénètrent alors sous la laires augmente de proche en proche
tance digérée franchit la surface ab-
pas de poils absorbants, mais un tissu
sorbante (intestins) et pénètre dans le
externe, appelé voile, formé de cellules
liquide circulant ou milieu intérieur
mortes qui jouent le rôle d’éponge dans
(sang) ;
la fixation de l’eau atmosphérique et de
3o enfin quand ses cellules (os, muscles,
la rosée. Cette eau pénètre ensuite dans
cerveau, etc.) puisent dans le sang les
les tissus vivants de la plante. De même,
aliments ainsi récoltés.
chez les Sphaignes, on trouve à la sur-
Quant à une plante supérieure, elle face de la plante des cellules mortes qui
absorbe également l’eau et les sels mi- absorbent l’eau et la mettent en réserve.
néraux du sol en trois étapes : La base des feuilles (les gaines sur-
1o lorsque les poils absorbants des ra- tout), les urnes de Népenthès, peuvent
cines se remplissent de cette solution ; servir de réservoirs, et l’on parle alors
2o lorsque, après avoir traversé l’endo- de « plantes-citernes » ; ces réserves
derme (comparable à la paroi intesti- d’eau seraient utilisées par la plante.
nale), la solution atteint la sève brute L’eau atmosphérique (en particulier la
(comparable au sang) ; condensation nocturne) peut être utili-
3o lorsque les cellules (feuille, fleur ou sée par les végétaux, surtout dans les
tout autre organe) puisent dans la sève régions semi-désertiques, si la fanaison
les aliments ainsi récoltés. n’est pas trop avancée. Cette absorption

On pourrait faire des remarques sem- se fait à travers la cuticule des feuilles.

blables au sujet des gaz respiratoires. Certaines épiphytes (Tillandsia)


(V. respiration et photosynthèse.) portent à la surface de leur tige des

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

absorbé. Si le corps dissous est plus ces phénomènes actifs consomment de


concentré à l’intérieur de la cellule et si l’énergie.

la membrane est perméable à l’eau, mais M. P., J.-M. T., F. T., H. F.

non au corps dissous, l’eau diffuse de


l’extérieur (où sa concentration est supé-
rieure, puisque celle du corps dissous est
absorption Opt.
inférieure) vers l’intérieur et est absor-
bée. C’est le phénomène de l’osmose.
DISPERSION.
La différence de potentiel électrique
qui existe généralement entre les deux
faces de la membrane cellulaire, l’inté-
rieur étant polarisé négativement par abstraction
rapport à l’extérieur, contrôle stricte-
ment l’absorption des ions, porteurs L’une des tendances les plus caractéris-
jusqu’au niveau des poils absorbants, Ces opérations, sans doute effectuées
d’une charge électrique. tiques des arts plastiques du XXe s., mar-
ainsi que la pression osmotique ; il peut par l’intermédiaire de transporteurs
quée par le refus de représenter le monde
y avoir alors nouvelle absorption de (protéines, acides aminés, composés L’entraînement par l’eau pénétrant
extérieur et parfois d’y faire même allu-
l’eau du sol. Mais cette explication ne phosphorylés, cytochromes, etc.), sont dans une cellule est un dernier facteur
sion.
semble pas complète, car l’eau pénètre endo-énergétiques et nécessitent l’entrée d’absorption passive des substances
Si le mot abstraction (plus rarement
aussi en grande partie en suivant les en jeu du chondriome et la libération dissoutes, considérable dans le cas
abstractivisme) et l’expression art abs-
membranes squelettiques et les espaces d’énergie respiratoire à partir de méta- de membranes pourvues de « pores » trait désignent le plus fréquemment
vides intercellulaires, et elle parvient bolites (sucres, par exemple). Cette se-
(l’existence permanente de ces pores est cette tendance, on emploie encore cou-
ainsi jusqu’à l’endoderme, où la struc- conde phase dépend, par conséquent, de
douteuse). ramment les termes d’art non figuratif
ture imperméable des parois latérales la température (optimale à 35 °C), de la
(ou non-figuration), d’art non objectif
des cellules arrête le déplacement. tension en oxygène (les sols asphyxiés
Absorption active (ou non-objectivisme) et, paradoxale-
empêchent l’absorption des sels miné-
C’est au niveau de l’endoderme, qui ment, celui d’art concret. On s’en tien-
raux) et de l’importance des réserves or- Très généralement, la cellule met en jeu
sert de membrane semi-perméable, qu’a dra ici à la seule peinture. (V. par ail-
ganiques (les plantes étiolées ne peuvent des transporteurs spécifiques, mobiles
lieu la phase active. En effet, c’est là leurs sculpture du XXe s.)
absorber de grandes quantités de sels de façon cyclique entre la face externe et
que les phénomènes physiques de l’os-
minéraux).
mose jouent un rôle important à travers la face interne de sa membrane, l’éner-
Qu’est-ce que
la paroi cytoplasmique des cellules. Ce- gie nécessaire étant fournie par le méta-
L’absorption intestinale dans le l’art abstrait ?
pendant, des migrations d’eau peuvent bolisme cellulaire. On interprète ainsi le
règne animal La querelle terminologique entre les
aussi s’effectuer en dépit des gradients transfert sélectif des ions (K+, Na+) et de
Il en est traité à l’article digestion. tenants de ces diverses appellations
osmotiques : elles s’expliqueraient nombreuses molécules en sens inverse
recouvre évidemment autre chose que
grâce à des réactions métaboliques in- de ce qu’appellerait leur gradient de
Les mécanismes de de simples divergences lexicales. Née
ternes de la cellule endodermique.
concentration. Certaines substances sont
l’absorption cellulaire presque simultanément en divers points
ingérées par la cellule grâce à un mouve- du globe — et d’ailleurs du fait d’ache-
Absorption des sels minéraux par
ment de la membrane plasmique, qui en- minements individuels délicats à rame-
les plantes supérieures Absorption passive
veloppe progressivement les substances ner à un commun dénominateur —,
Le mécanisme de l’absorption des sels Une différence de concentration tend étrangères, solides ou liquides, jusqu’à l’abstraction allait se trouver ensuite dif-
minéraux se décompose en deux phases. à disperser uniformément les molécules
former une vésicule mobile dans le cyto- fusée à l’échelle internationale, concer-
Il y a tout d’abord la diffusion à travers par diffusion à partir des sites de concen- nant dès lors des centaines d’artistes ap-
plasme. Le mécanisme en jeu est la pha-
les espaces libres de la racine et même tration supérieure. Si le corps dissous est partenant à plusieurs générations et, de
gocytose à l’égard de substances solides,
une partie du cytoplasme ; c’est un phé- plus concentré à l’extérieur de la cel- surcroît, ayant reçu des formations aussi
nomène réversible, ne nécessitant pas telles les proies digérées par les amibes,
lule, par exemple dans le sang ou dans dissemblables que possible. En même
un apport d’énergie. Puis il y a fixation la sève qui irrigue cette cellule, et si la ou la pinocytose vis-à-vis de solutions
temps que le nombre de ses adeptes
dans des molécules à l’intérieur de la membrane cellulaire lui est perméable, liquides. Mettant en jeu une synthèse
croissait celui des écoles et des sectes,
cellule : c’est la phase d’accumulation. ce corps diffuse vers l’intérieur et est rapide de membrane au site d’ingestion, certaines séparées par de violents dis-
sentiments. On croirait, à cette descrip-
tion, reconnaître l’histoire de l’une des
grandes religions de la planète, l’évoca-
tion de ses conquêtes spirituelles et de
leur revers, la prolifération des clergés
et des hérésies ! Ici, la révélation, bien
que dispensée en même temps par plu-
sieurs prophètes, tient à l’éloignement
communément manifesté à l’égard des
apparences physiques. Mais si certaines
sectes abstraites estiment qu’il n’y a
point de mal à ce que les souvenirs du
monde visible subsistent, à condition
qu’ils soient suffisamment élaborés,
d’autres contestent ce point de vue avec
force et font jouer en leur laveur la ter-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

laquelle se fonde l’oeuvre d’art qu’à sa réali- tiste aux verticales et aux horizontales, aux
sation matérielle. Ex. : Jan Dibbets (Pays-Bas, trois couleurs primaires, au blanc et au noir.
1941).
new abstraction ou post painterly abs-
art concret, appellation proposée par Van traction (États-Unis, le critique Clément

Doesburg pour désigner l’art abstrait (1930). Greenberg, vers 1960), peinture abstraite
Arp* et Max Bill s’y rallièrent avec enthou- caractérisée par la simplicité de la compo-
siasme. sition (réduite parfois à une simple plage
monochrome), l’importance de la couleur au
art du réel (quelquefois aussi : réalités nou-
détriment de la forme et les grandes dimen-
velles), appellation prise parfois par la frac-
sions. Ex. : Kenneth Noland.
tion la plus systématique de l’abstraction
géométrique pour manifester sa défiance à nuagisme, terme qui désigna en France,

l’égard de toute subjectivité. Ex. : Max Bill. vers 1958, la peinture particulièrement
fluide d’un certain nombre d’artistes. Ex. :
arte povera (Italie, le critique Germano Ce-
Messagier.
lant, 1966 : art pauvre), expression désignant
des oeuvres en trois dimensions obtenues à orphisme (Guillaume Apollinaire, 1913),

l’aide de matériaux sans formes nettes et gé- tendance à la construction du tableau par

néralement sans valeur (terre, morceaux de la couleur, chez Delaunay, Kupka, Picabia.

bois, cordes, plaques de fer, grillage, graisse, paysagisme* abstrait, tendance à emprun-
etc.). Ex. : Joseph Beuys (Allemagne, 1921). ter aux rythmes naturels l’origine de la com-

color field painting (États-Unis, vers 1950), position. Ex. : Bazaine.

peinture par « champs » de couleurs à peine peinture gestuelle, v. action painting (in

minologie. « Est abstrait ce qui n’est et l’évocation de la vision intérieure », modulées. Dite aussi abstraction chroma- Glossaire).

pas matérialisé, ce qui est conceptuel, renforcée par une réflexion du philo- tique. Ex. : Rothko*.
rayonnisme, mouvement éphémère fondé
purement intellectuel », déclare l’archi- sophe Maurice Merleau-Ponty : « La constructivisme, mouvement né en Russie en Russie par Larionov* vers 1912 et qui pui-

tecte et plasticien suisse Max Bill (né peinture moderne, comme en général la vers 1920 et envisageant la sculpture abs- sait dans la lumière un principe de construc-
traite en tant que problème de construc- tion abstraite.
en 1908), qui ajoute : « Tout objet qui pensée moderne, nous oblige à admettre
tion. Tatline*, d’une part, Gabo et Pevsner*,
existe dans la réalité, qui n’est pas sim- une vérité qui ne ressemble pas aux structures primaires (en améric. primary
d’autre part, donneront au constructivisme
plement pensé, qui n’est pas simplement choses, qui soit sans modèle extérieur, structures, le critique Lucy R. Lippard, 1965),
des directions très différentes. Abusive-
sculptures faites de volumes élémentaires.
conçu, est concret. » sans instruments d’expression prédes- ment, ce terme est parfois utilisé comme
Ex. Donald Judd (États-Unis, 1928).
tinée, et qui soit cependant vérité. » À synonyme d’abstraction géométrique, de
Abstraite serait, dans cette perspec-
suprématisme, doctrine élaborée en Russie
tive, l’oeuvre qui part de la nature et, partir de là, comment ne pas faire le peinture ou sculpture « construite ».
à partir de 1913 par Kazimir Malevitch* et
chemin faisant, « fait abstraction », rapprochement avec cette autre décla- De Stijl* (en franç. le Style), nom de la revue
visant à atteindre « le monde blanc de l’ab-
ration, qui est d’André Breton (1925) : néerlandaise fondée en 1917 par Van Does-
intellectuellement, de tels détails, de sence d’objets » en portant en quelque sorte
« L’oeuvre plastique, pour répondre burg et qui devint le symbole de l’abstrac-
telles qualités secondaires ; concrète, au la peinture à son degré suprême de pureté.
tion géométrique comme de ses applica-
contraire, serait l’oeuvre qui n’emprunte à la nécessité de révision absolue des surréalisme abstrait, expression employée
tions à l’architecture et aux arts mineurs.
valeurs réelles sur laquelle aujourd’hui vers 1947 aux États-Unis pour désigner une
à la nature aucun prétexte formel et ne
expressionnisme* abstrait (le critique Al-
doit rien qu’à son auteur, celui-ci maté- tous les esprits s’accordent, se référera peinture lyrique riche en symboles. Ex. :
fred Barr, vers 1930, à propos de Kandinsky)
donc à un modèle purement intérieur ou Baziotes.
rialisant des idées abstraites. Jean Arp* ou parfois romantisme abstrait, expres-
écrit : « Je comprends qu’on nomme ne sera pas » ? synchromisme (Macdonald Wright, 1913),
sions utilisées lorsque le peintre abstrait
construction du tableau par la couleur,
abstrait un tableau cubiste, car des par- lyrique, s’abandonnant à une spontanéité
selon une démarche voisine de l’orphisme
ties ont été soustraites à l’objet qui a réelle, rejoint l’expressionnisme par une cer-
Petit glossaire formel de Delaunay*.
taine qualité dramatique. Ex. : De Kooning*.
servi de modèle à ce tableau. Mais je de l’abstraction tachisme (le critique Charles Estienne,
trouve qu’un tableau ou une sculpture hard-edge (États-Unis, le critique Jules
1954), abstraction lyrique considérée à la fois
abstraction émotive ou lyrique, tendance Langsner, vers 1960 : « contour net »), ex-
qui n’ont pas eu d’objet pour modèle dans ses aspects les plus libres et les plus
visant plutôt à obtenir de l’artiste une effu- pression désignant les éléments les plus
sont tout aussi concrets et sensuels poétiques. (La référence à la tache avait déjà
sion aussi spontanée et aussi totale que austères de l’abstraction géométrique. Ex. :
qu’une feuille ou qu’une pierre. » Max possible. Elle est plus préoccupée de vérité servi à désigner au XIXe s. les peintres italiens
Albers.
[I macchiaioli] groupés autour de Giovanni
Bill conteste également les appellations intérieure que d’absolu esthétique. Ex. : Rio-
impressionnisme abstrait, expression qui Fattori.) Ex. : Degottex.
d’art non figuratif et d’art non objectif, pelle*.
s’emploie lorsque la vibration lumineuse
car, dit-il, « toute oeuvre d’art véritable N. B. — Dans cette énumération n’ont pas
abstraction froide ou géométrique, ten- l’emporte sur les soucis de structure. Ex. :
été retenus les groupements hétérogènes
représente quelque chose, qui est l’idée dance la plus rigoureuse de l’art abstrait, Sam Francis.
celle qui tente d’aboutir à des lois esthé- d’artistes tels que Abstraction-Création, der
qui la fonde ; cette idée est le contenu informel (le critique Michel Tapié, 1951), Blaue Reiter, Cercle et Carré, etc.
tiques par une expérimentation systéma-
de l’oeuvre, qu’il soit naturaliste, abs- tendance la plus extrême de l’abstraction
tique des possibilités plastiques des lignes,
trait ou concret ». S’il n’est pas question lyrique, caractérisée par la quasi-dissolution
des figures géométriques et des couleurs.
de substituer aux termes d’abstraction de toute forme perceptible. Ex. : Fautrier*.
Ex. : Mondrian*. Le dualisme
ou d’art abstrait, qui ont finalement lumière et mouvement, titre que prirent,
action painting (États-Unis, le critique
en 1966-67, plusieurs expositions d’art ciné-
de l’abstraction
prévalu, celui d’art concret, les com- Harold Rosenberg, 1952), peinture dans
tique (d’où l’expression lumino-cinétisme).
mentaires passionnés d’Arp et de Bill laquelle la rapidité d’exécution et le geste Si l’on imagine mal en effet comment
permettent d’apprécier les efforts des du peintre jouent un rôle déterminant. Ex. : minimal* art (États-Unis, le critique Richard peintres et sculpteurs abstraits pourraient
Pollock*. Wollheim, 1956) ou cool art, en peinture
créateurs et des théoriciens de cet art ne pas approuver la phrase précédente,
et en sculpture, art caractérisé par la sim-
pour le défendre de l’accusation de art cinétique*, expression désignant d’une cela ne signifie nullement qu’abstraction
plicité extrême des éléments formels. Ex. :
part les oeuvres qui, en spéculant sur les
gratuité et de décoration encore si fré- et surréalisme* soient synonymes, mais,
Ellsworth Kelly ; v. structures primaires (in
lois optiques, créent des illusions de défor-
quemment portée contre lui. Aussi, la Glossaire).
au mieux, que leur adversaire commun
mation ou de mouvement (ex. : Vasarely*),
définition initiale que nous en avons est le réalisme. Si l’on remarque cepen-
d’autre part celles qui, par divers procédés, musicalisme (Henry Valensi, vers 1930),
donnée apparaît-elle trop exclusivement engendrent un mouvement réel de tout ou peinture abstraite tirant directement son dant qu’à cette coïncidence spirituelle
négative. Il serait souhaitable de lui en partie de l’oeuvre (ex. : Nicolas Schöffer*). rythme et sa structure de la musique. correspond une coïncidence temporelle,
substituer une autre à la lumière de cette art conceptuel ou para-visuel (le critique néo-plasticisme (en néerl. nieuwe beelding, 1910 voyant le début de l’oeuvre pré-
indication du peintre Josef Albers, par américain John Perreault), tendance récente Mondrian, 1917), doctrine élaborée par surréaliste de Giorgio De Chirico* en
exemple : « Le but de l’art : la révélation qui accorde plus de prix à l’idée même sur Mondrian et limitant les ressources de l’ar- même temps que la première aquarelle

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

abstraite de Kandinsky*, on sera moins nature où règne la loi de la jungle, telle une vision de l’oeil, mais sur une sorte n’empêche que cette impulsion demeure
surpris de constater qu’une partie de l’art est pour cet art la règle morale élémen- de déchaînement du tempérament inté- déterminante.
abstrait entretient avec le surréalisme des taire. À partir de là seulement, en faisant rieur ». Si l’on reprend la comparaison
relations intimes, au point que les fron- appel à tout ce qui, chez l’artiste, relève avec l’attitude religieuse, c’est opposer Le symbolisme*
tières entre les deux tendances cessent de la sérénité et de l’équilibre, on peut à une méditation lucide sur la grâce di- Le titre de l’ouvrage de Kandinsky, Du
parfois d’être discernables. Dans l’autre espérer découvrir le secret d’un art uni- vine la transe par laquelle les mystiques
spirituel dans l’art, pourrait servir de
partie de l’art abstrait, au contraire, le versel propre à hâter l’avènement d’une entrent directement en contact avec la di- résumé à l’influence sur les arts plas-
surréalisme a la plupart du temps été société heureuse, ce qui nous explique vinité. De son côté, Jean Bazaine* parle
tiques du mouvement symboliste. La
tenu pour l’ennemi véritable, puisqu’il la référence au marxisme de plusieurs d’« un art de communion où l’homme
préférence accordée aux idées et aux
se développait parallèlement, d’une représentants de ce courant, comme reconnaît à chaque instant dans le monde
sentiments a non seulement hâté la dé-
manière presque concurrentielle ; de ce Jean Dewasne (né en 1921) ou le groupe son visage transfiguré ». En effet, en re-
crépitude de l’académisme, mais aussi
côté-là, on tient également pour nocives argentin Madi (abréviation de « maté- fusant le registre géométrique comme
favorisé l’apparition de moyens adé-
les directions abstraites trop proches rialisme dialectique »). Mais, de ce fait prédéterminé (non inventé), un tel art
quats à leur expression, comme l’ara-
du surréalisme. « Le tachisme, l’action même, on aboutit au dépérissement de va se retrouver de plain-pied avec les
besque. La construction du tableau par
painting, l’abstraction dite « lyrique » l’art : « L’art disparaîtra à mesure que rythmes naturels et avec les formes or-
l’arabesque comme principe spirituel,
me semblent être des échantillons déme- la vie aura plus d’équilibre » (Mon- ganiques parfois les plus rudimentaires.
qui culmine avec le « cloisonnisme » de
surément agrandis d’un unique thème : drian). L’art du moins tel que nous le Mais quand bien même ils souhaitent
Gauguin, fortifie aussi l’emploi irréa-
le désordre », déclare Vasarely* en connaissons, sous ses formes picturales assumer un rôle parallèle à celui de la
liste de la couleur. Kandinsky, Kupka,
consciencieux écho à cet éclat de Théo et sculpturales. Car, en réalité, c’est une nature, ces artistes entendent générale-
Malevitch et Mondrian en ont tous reçu
Van Doesburg (1883-1931) trente ans nouvelle mission qui lui sera impar- ment « se garder le maximum de moyens
quelque chose.
auparavant : « Je hais tout ce qui est tie : « L’art doit devenir l’organisation de contrôle » (Mathieu*), ce en quoi ils
tempérament, inspiration, feu sacré, et formelle du déroulement quotidien des se séparent du surréalisme. En outre, il
tous ces attributs du génie qui ne font phénomènes de la vie » (Wadisaw L’impressionnisme*
faut tenir compte de l’existence, entre
que masquer le désordre de l’esprit. » Strzemiski, 1893-1952). ce courant et son contraire, de toute une À l’origine de la vocation artistique de
C’est dire au moins qu’il y a deux abs- zone de formes intermédiaires, où tantôt Kandinsky, il y a la rencontre d’une
tractions, en tout cas deux courants Le courant chaud c’est la géométrie qui se sensibilise et Meule de Monet*. En voulant faire de
dominants entre lesquels se partagent Dans cette prétention à l’universel, tantôt la vie organique qui s’ordonne et chaque toile un hymne à la lumière,
depuis les origines les eaux abstraites : comme dans ce goût de la clarté et de se fige, sans parler des ouvertures vers la l’impressionnisme proprement dit a,
le courant froid et le courant chaud. figuration introduites par Paul Klee* ou en effet, précipité la dissolution de la
l’équilibre, comment ne pas découvrir la
réincarnation de l’art classique et ratio- Jacques Villon (v. Duchamp [les frères]). forme, la structure du tableau étant
Le courant froid naliste ? Aussi parle-t-on quelquefois à assurée par les vibrations lumineuses :
Si celui-ci se développe de préférence au son propos (Dora Vallier) d’abstraction Les origines sans un pareil précédent, l’orphisme de
sein du répertoire géométrique, c’est à la rationnelle ; et ce qui s’oppose à elle, Delaunay* n’aurait pas existé. Quant
de l’art abstrait
fois pour des raisons d’histoire culturelle l’abstraction irrationnelle, a toutes les aux Nymphéas peints par Monet à la
(son point de départ est le cubisme*, chances de retrouver la situation et les Dans toutes les civilisations, on peut fin de sa vie et qui parurent longtemps
devenu un échafaudage de lignes caractères du romantisme face à son ad- observer un processus d’abstraction l’absurde sommet de la déliquescence
droites, puis une juxtaposition de sur- versaire traditionnel. Le refus du vocabu- plastique qui, de la représentation d’un formelle, ils inspireront trente ans après
faces planes) et parce que ainsi il se sent laire géométrique s’y justifie en premier élément naturel (personnage, animal,
l’une des directions les plus charmeuses
davantage protégé de la tentation des lieu par la nécessité pour l’artiste d’in- plante, paysage), tend à ne retenir que
de l’abstraction lyrique (Sam Francis).
formes naturelles et de l’évocation de la venter la forme même de son émotion. le schéma, l’idéogramme, le signe. Si
Préoccupé, au contraire, de restituer au
figure humaine. Pourquoi cette défiance « Les enfants qui construisent directe- elle n’est pas étrangère à l’art contem-
tableau une architecture, le néo-impres-
à l’égard de la nature ? Mondrian* ré- ment à partir du secret de leurs émotions porain, une telle démarche se distingue
sionnisme* de Seurat* inspirera plutôt le
pond : « L’apparition naturelle, la forme, ne sont-ils pas plus créateurs que les imi- néanmoins de l’art abstrait le plus am-
néo-plasticisme.
la couleur naturelles, le rythme naturel, tateurs de la forme grecque ? » deman- bitieux et le plus conscient, lequel se

les rapports naturels eux-mêmes, dans dait August Macke dans le catalogue veut en quelque sorte créateur de signes
Le cubisme*
la plupart des cas, expriment le tra- du Blaue* Reiter ; le même argument premiers, qui ne résulteraient pas d’une
De Cézanne* au cubisme, la volonté de
gique. » Pourquoi une telle hostilité à pourrait être utilisé contre l’abstraction décantation progressive d’un modèle
créer une peinture qui défie l’épreuve du
la représentation de l’être humain ? Arp géométrique. D’autant que, historique- observable, mais d’une invention spéci-
temps entraîne une désaffection crois-
(qui, par ailleurs, participe également du ment, c’est l’abstraction émotive qui, fique. Certes, la plupart des pionniers, à
leurs débuts, se montrent passablement sante à l’égard du monde extérieur :
second courant) nous l’explique : « Les avec Kandinsky, a permis à la peinture
prisonniers d’une volonté de métamor- alors que les impressionnistes se met-
sculptures illusionnistes des Grecs, la de s’affranchir de la représentation des
phoser, dans un sens de simplification, taient au diapason de la nature jusqu’à
peinture illusionniste de la Renaissance objets extérieurs. « L’élément intérieur
certains spectacles privilégiés : paysages en épouser le frémissement le plus fugi-
conduisirent l’homme à une surestima- détermine la forme de l’oeuvre d’art »,
de Murnau ou visions féeriques chez tif, les cubistes se contenteront bientôt
tion de son espèce, à la division et à la écrivait Kandinsky en 1910, bien avant
Kandinsky, reflets dans l’eau ou robes à de brèves allusions (moustaches, anse de
discorde. » Cette vue un peu naïve de que Malevitch* ou Mondrian ne soient
la source des conflits humains, qui n’est parvenus à une idée claire de leur esthé- volants chez Kupka*, arbres, cathédrales cruche, goulot de bouteille). Que celles-

pas sans faire songer à l’inspiration néo- tique. L’accent est donc placé ici sur la ou paysages marins chez Mondrian. ci viennent à disparaître et le tableau ne

platonicienne de l’art byzantin (icono- subjectivité, comprise comme le moteur Mais la logique de leurs efforts tendra montre plus qu’un équilibre de lignes

clasme compris), le paraîtra moins si même de la création artistique, dont la à ruiner cet enchaînement, ou ce dé- droites, puis de plans géométriques :

l’on songe que la prise de conscience de fin serait en somme la découverte de soi. tour, en établissant une relation directe c’est de quoi prendront conscience Ma-

l’abstraction froide est contemporaine Et si Max Bill affirme : « Je prétends entre le peintre et la forme. Ce faisant, levitch et Mondrian, tandis que Picasso*

du déclenchement de la Première Guerre que la fonction de l’art est de produire ils portent l’impulsion qu’eux-mêmes et Braque*, de crainte de perdre tout
mondiale. Écarter toute occasion de une vérité élémentaire immuable », Pol- ont reçue du symbolisme, de l’impres- contact avec la réalité visible, battent en
conflit (et en premier lieu les passions) lock* déclare : « Peindre est une façon sionnisme ou du cubisme au-delà des retraite. En même temps, la peinture a
en bannissant l’image de l’homme d’être », tandis que Fautrier* va jusqu’à objectifs poursuivis par ces trois mouve- montré qu’elle pouvait, sans rien perdre
(cause du péché d’orgueil) et celle de la vouloir fonder la peinture « non plus sur ments fondamentaux de l’art moderne. Il de son pouvoir, se dispenser de suggérer

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

une troisième dimension : la perspective, spontanés, taches, griffures, tracés non extérieurs, mais même des formes arbi- ce n’est pas sans surprise que l’on voit
désormais, devient un luxe. prémédités. Kandinsky a lui-même rap- traires de la géométrie et peut-être des l’avant-garde artistique militer en fa-
porté que c’est en se trouvant devant richesses ostentatoires de la couleur. veur d’une abstraction socialisée, où
un de ses propres tableaux posé sur le Le suprématisme, en somme, tend vers
Les fondateurs le tableau de chevalet tend à s’effacer
côté (et non à l’envers comme on le dit le point où peinture et non-peinture se
devant une rationalisation générale des
de l’art abstrait d’ordinaire) qu’il découvrit que « les confondent ; là, cependant, se trouve
formes industrielles et du décor urbain.
objets nuisaient à sa peinture », et il l’unique possibilité, selon Malevitch,
Au début du XXe s., l’Art* nouveau, en Il n’y a pas de contradiction fonda-
tenta alors de s’en passer. Mais sa très de voir « l’homme rétabli dans l’unité
proie au vertige de l’arabesque, aboutit
vive intelligence lui a sans doute laissé originelle en communion avec le tout ». mentale entre ces propos du construc-
à de véritables abstractions où se lisent tiviste russe Alekseï Gan : « Une ville
soupçonner que l’on pouvait parvenir à
encore, cependant, les servitudes déco- Piet MONDRIAN*.« Au moyen de l’abs- communiste, telle que la projettent les
un résultat sensiblement équivalent en
ratives. Sans doute est-ce l’ambition s’abandonnant au lyrisme de la couleur traction, l’art a intériorisé la forme et constructivistes, est un premier essai
symboliste de « reprendre à la musique et en dépouillant une image précise de la couleur, et porté la ligne courbe à
vers une organisation de la conscience
son bien » (P. Valéry) qui inspire alors le ses qualités réalistes. Les distinctions sa tension maximale : la ligne droite.
humaine, la première tentative pour don-
qu’il établit alors parmi ses oeuvres Par l’usage de l’opposition en angle
sculpteur Hermann Obrist (Suisse, 1863- ner aux citoyens une idée claire de ce
droit, la relation constante de la duali-
1927) ou le peintre Mikalojus Tchour- entre Impressions, Improvisations et
qu’est une propriété collective » (1922),
Compositions le montrent en tout cas té universel-individuel établit l’unité. »
lionis (Lituanie, 1875-1911). Mais, et le discours inaugural du Bauhaus* par
désireux de ne pas s’en remettre au seul Ainsi Mondrian oppose-t-il à la saisie
en réalité, c’est au cours de la période Walter Gropius* : « Ensemble, conce-
hasard, mais d’explorer systématique- mystique du « monde sans objet » de
1910-1915 que, souvent sans liaison les Malevitch la volonté d’aboutir à un vons et créons le nouveau bâtiment de
ment les possibilités créatrices de la
uns avec les autres et en différents points « équilibre exact » entre l’individuel l’avenir, qui englobera l’architecture, la
spontanéité graphique et chromatique.
du globe, de nombreux artistes accèdent Il n’en est pas moins vrai qu’il se situe et l’universel ; ce qui, chez le premier, peinture et la sculpture dans une seule
à l’abstraction, leur nombre et leur di- alors, le premier, sur le terrain où se s’apparentait à la révélation se rap- unité et qui, des mains d’un million de
versité mêmes montrant à quel point sa proche, chez le second, d’une équation
développera l’ automatisme* tel que travailleurs, s’élèvera un jour vers le ciel
naissance correspondait à une nécessité (il s’agit néanmoins d’une équation
l’entendront les surréalistes, puis les comme le symbole de cristal d’une foi
sensible, même si elle paraît emprun-
culturelle, que l’on s’est quelquefois plu abstraits lyriques. Car sur ce terrain, il nouvelle » (1919). Cette surprenante
ter sa formule aux mathématiques). Au
à rapprocher de la révolution scientifique s’y avance seul : non seulement aucun uniformité de vues, qui donne le pas aux
terme d’une longue interrogation dont
contemporaine. Des querelles d’antério- de ses amis du Cavalier bleu ne s’y « formes utiles » sur la « spéculation
les échafaudages du cubisme de 1911-
risque à sa suite (Macke et Marc sont
rité obscurcissant la chronologie, mieux artistique » et encourage à la suppres-
1912 constituent le point de départ et
plutôt influencés par Delaunay), mais
vaut s’en tenir à l’ordre alphabétique au cours de laquelle il réduit arbres, sion de la « signature » individuelle au
les deux autres pionniers de l’abstrac-
pour énumérer les plus originaux de ces églises et paysages marins à un schéma bénéfice de l’oeuvre collective (1920 :
tion adoptent une direction opposée à
artistes : rythmique, Mondrian parvient à cette fondation de l’Unovis à Vitebsk par Ma-
la sienne, à la fois dans l’esprit et dans
Hans Arp, Giacomo Balla (Italie ; v. certitude que l’angle droit assume les levitch), est facilitée par le rôle d’agents
la forme.
futurisme), Vladimir Baranov-Rossiné tensions opposées de la matière et de la de liaison entre les divers groupes que
Kazimir MALEVITCH*.Pourtant, il pensée, de la passion et de la raison, de
(Russie, 1888-1942), Patrick Henry jouent principalement Hans Arp, Théo
semble qu’il y ait plus d’un point com- la nature et de l’homme, ces « rapports
Bruce (États-Unis, 1880-1937), Robert Van Doesburg, El Lissitski* et László
mun entre Kandinsky et Malevitch. équivalents » tendant progressivement
Delaunay, Arthur Dove (États-Unis, Moholy-Nagy*. Des échanges féconds
« Le sentiment est le facteur décisif », à éliminer l’« oppression du tragique ».
1880-1946), Marsden Hartley (États- s’opèrent ainsi du néo-plasticisme et du
déclare celui-ci, et encore : « Les idées En 1921-1922, le néo-plasticisme trouve
Unis, 1877-1943), Kupka, Larionov*, son expression parfaite dans une com- suprématisme jusqu’à Dada* et même
de l’esprit conscient sont sans valeur. »
Wyndham Lewis (G.-B., 1884-1957), Mais en écrivant : « L’art ne veut plus position de carrés et de rectangles déli- jusqu’au surréalisme.
Stanton Macdonald Wright (États-Unis, rien savoir de l’objet, et pense pouvoir mités par d’épaisses lignes noires, les
1890), August Macke (Allemagne, exister en soi et pour soi », Malevitch seules couleurs utilisées étant, outre le Expansion et concentration
1887-1914), Alberto Magnelli (Italie, nous permet de saisir ce qui le distingue noir et le blanc, le bleu, le jaune et le
Néanmoins, le fait que l’essentiel de
1888), Franz Marc (Allemagne, 1880- de son compatriote : la certitude, par rouge. La revue DE STIJL*, fondée par
l’énergie de l’abstraction se déploie
1916 ; v. Blaue Reiter [der], Picabia*, le refus de l’objet, d’atteindre à l’ab- Théo Van Doesburg, contribue active-
dans le sens de ses applications entraîne
solu de la peinture pure, à une sorte de ment à diffuser depuis 1917 les idées
Morgan Russell (États-Unis, 1886- une certaine perte de vitalité sur le plan
vérité objective, alors que Kandinsky de Mondrian, leur ouvrant des pers-
1953), Sophie Taeuber (v. Arp), Tat- de la création plastique proprement
met l’accent sur l’infinie diversité, sur pectives inattendues dans le domaine
line*, Sonia Terk (v. Delaunay). dite. Cette stagnation sera rendue plus
la relativité à perte de vue des possi- de l’architecture, du décor intérieur ou
Mais la responsabilité principale bilités formelles issues du subcons- de la typographie. Au lendemain de la frappante encore par l’apparition tumul-
revient aux trois grands créateurs de la cient. C’est en 1913-1914, après une Première Guerre mondiale, l’influence tueuse du surréalisme, qui, rapidement,
peinture abstraite : Vassili Kandinsky, remarquable série de peintures qu’il de Mondrian marque de façon décisive cristallise autour de lui toutes les forces
nomme lui-même « cubo-futuristes », la seconde phase de l’art abstrait. dynamiques peu attirées par une abs-
Kazimir Malevitch et Piet Mondrian,
que Malevitch, partant des dernières
deux Russes, un Néerlandais. traction que ses succès mêmes dans les
conquêtes du cubisme « synthétique »,
arts appliqués font apparaître comme un
aboutit au suprématisme, dont le signe La période raisonnante nouvel académisme. Le danger entraîne
Vassili KANDINSKY*.Des trois, il inaugural est en 1913 le Carré noir sur de l’art abstrait en France, vers 1930, des regroupements
vient en premier. 1910 est l’année non fond blanc, le signe terminal en 1918
seulement de sa « première aquarelle assez hétéroclites d’artistes abstraits
le Carré blanc sur fond blanc. Entre ces
abstraite » mais également de nom- deux limites s’inscrit la plus fulgurante Vers une synthèse des arts (Cercle et Carré, Abstraction-Création,
breux tableaux où la rupture avec la et la plus excessive trajectoire de l’art Une convergence aussi singulière que plus tard Réalités nouvelles, etc.), où
représentation réaliste est consommée. abstrait, dont Dora Vallier a montré celle qui avait entraîné la naissance la créativité est plutôt en raison inverse
Non pas que le clivage soit définitif. qu’elle se fondait philosophiquement de l’affluence. La marée des médiocres
multiple de l’art abstrait aux environs
Au contraire, tout semble indiquer que, sur le nihilisme russe. « Dans le vaste n’empêche pas cependant de distinguer
de 1914 se produit vers 1920. Elle tend
jusqu’en 1914, deux voies d’accès à espace du repos cosmique j’ai atteint
à faire de cet art la base de ce qu’on a des artistes originaux que l’on pourrait,
l’abstraction soient concurremment le monde blanc de l’absence d’objets
parfois un peu pompeusement nommé sans trop d’arbitraire, regrouper selon
exploitées par le peintre russe : d’une qui est la manifestation du rien dé-
le « style du XXe siècle ». Dans les cir- deux directions principales.
part, une interprétation très libre de voilé », écrit Malevitch, persuadé que
paysages bavarois ou de scènes fée- l’oeuvre approche d’autant plus d’une constances radicalement étrangères que La première, la plus rigoureuse,
riques ; d’autre part, une construction vérité suprême qu’elle s’affranchit connaissent la Hollande neutre, l’Alle- s’inscrit dans une fidélité étroite au
du tableau par des procédés picturaux non seulement des formes des objets magne de Weimar et la jeune U. R. S. S., registre géométrique ; on y trouve

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

notamment Henryk Berlewi (Pologne, bleaux de Roberto Matta* en 1938, où illustrant plutôt un « impressionnisme (né en 1919), Philippe Hauchecorne (né
1894-1967), Marcelle Cahn (France, l’automatisme règne en maître. L’ex- abstrait », tandis que Barnett Newman en 1907), Jean Messagier (né en 1920),
1895), Jean Gorin (France, 1899), Au- pressionnisme* germanique et le surréa- (1905-1970), Ad Reinhardt (1913- Jean-Pierre Vielfaure (né en 1934), le
guste Herbin (France, 1882-1960), Ben lisme s’apprêtent à féconder l’art abs- 1967), Mark Rothko* et Clyfford Still Français d’origine chinoise Zao Wou-
Nicholson*, Emilio Pettoruti (Argen- trait en lui rendant sa vigueur juvénile, (né en 1904) justifient l’appellation de ki*, l’Américain Paul Jenkins (né
tine, 1892-1971), Henryk Staewski celle qu’entre les mains de Kandinsky color field painting. en 1923). C’est au contraire à l’éclat
(Pologne, 1894), Georges Vantongerloo il avait connue à la veille de la Première Comme aux États-Unis, et au Canada comme à la densité du monde minéral
(Belgique, 1886-1965), Paule Vezelay Guerre mondiale. que semblent se référer les Français
avec Paul-Émile Borduas (1905-1960),
(G.-B., 1893), Friedrich Wordemberge- une osmose se produit à Paris entre François Arnal (né en 1924) et Paul
Gildewart (Allemagne, 1899). La seconde vague l’abstraction lyrique et le surréalisme, Revel (né en 1926), le Hollandais Cor-

La seconde manifeste une plus grande créatrice notamment avec Simon Hantaï (Hon- neille (né en 1922).

souplesse dans l’inspiration comme grie, 1922), Wolfgang Paalen (Autriche,


Au lendemain de la disparition des
dans la forme ; elle est illustrée par 1905-1959) et Jean-Paul Riopelle*. L’abstraction « moyenne » ;
grands pionniers de l’art abstrait (Kan-
Willi Baumeister (Allemagne, 1889- Mais c’est en la personne de Wols* que ses domaines
dinsky et Mondrian meurent en 1944,
1955), Karl Buchheister (Allemagne, cet échange intime déclenche le signal L’abstraction lyrique, en même temps
mais Malevitch, mort en 1935, avait été
1890-1964), Serge Charchoune (Russie, fulgurant, en 1946, du déferlement qu’elle se diversifiait en mille nuances,
bien auparavant condamné au silence
1888-1975), César Domela (Pays-Bas, lyrique. Tant bien que mal, on peut y encourageait une prolifération complexe
par le stalinisme culturel régnant en
1900), Otto Freundlich (Allemagne, démêler trois courants principaux, le intermédiaire entre elle-même, l’abs-
U. R. S. S.), un nouveau chapitre com-
1878-1943), Jean Hélion (France, signe, le dynamisme et la matière étant traction géométrique et la figuration
mence, dont l’importance ne le cède en
1904), Fedor Lovenstein (Allemagne, leurs marques respectives. proprement dite. Cette zone mixte, qui
rien à la première naissance de cet art.
1901-1946), Enrico Prampolini (Italie, Dans l’ordre du signe, la liaison opé- connaîtra une extension plus sensible à
Mais le rapport des forces est inversé : si
1894-1956), Kurt Schwitters*, Victor rée avec les calligraphies d’Extrême- Paris qu’ailleurs, est particulièrement
de 1910 à 1920 l’abstraction froide avait
Servranckx (Belgique, 1897), Atanasio Orient (et qui, par contrecoup, entraî- rebelle à l’exploration.
été la plus forte, de 1945 à 1955 c’est
Soldati (Italie, 1896-1953), Wadisaw nera un renouveau de cet art au Japon) La notion de paysagisme* abstrait
l’abstraction lyrique qui l’emporte.
Strzemiski (Pologne, 1893-1952), inspire différemment les Allemands permet de distinguer toute une lignée
Hendrik Nicolaas Werkman (Pays-Bas, Julius Bissier (1893-1965) et Theodor d’artistes chez lesquels se révèle l’in-
L’abstraction lyrique ; ses
1882-1945). Werner (1886-1969), les Français Jean fluence discrète de Bissière* : les Fran-
variétés
On peut penser d’ailleurs que l’art Degottex (né en 1918), Mathieu*, Pierre çais Bazaine*, Jean Bertholle (né en
« Sturm und Drang » (Tempête et Élan),
abstrait de l’entre-deux-guerres a pâti Tal-Coat (né en 1905) et le poète Henri 1909), Maurice Estève (né en 1904),
cette appellation du premier mouvement
de l’intérêt porté aux pionniers comme Michaux* ; elle prend une tournure Jean Le Moal (né en 1909), Alfred Ma-
romantique allemand, conviendrait à
de la place prise par l’actualité de l’abs- moins contemplative, plus magique nessier (né en 1911), Pierre Montheil-
merveille à la révolution picturale qui
traction depuis 1945 ; les prochaines avec le Français Jean-Michel Atlan let (né en 1923), ainsi que des peintres
s’opère, spectaculairement aux États-
années amèneront à coup sûr quelques (1913-1960), l’Italien Giuseppe Capo- d’origine diverse intégrés à l’école de
Unis, plus discrètement en Europe, à
révisions de valeurs. grossi (1900-1972), le Britannique Alan Paris, comme les Belges Gustave Sin-
partir de 1945 environ. Aux États-Unis,
Davie (né en 1920), le Japonais Kumi gier (né en 1909) et Raoul Ubac (né
c’est Arshile Gorky* et Jackson Pol-
De l’accomplissement au Sugaï (né en 1919). en 1910), l’Américaine Anita de Caro
lock* qui ouvrent toutes grandes les
renouveau vannes ; mais si le premier participe Le sens du dynamisme caractérise ces (né en 1909), la Portugaise Vieira*

directement du surréalisme, le second peintres de l’énergie que sont Hartung, da Silva ; une grande sensibilité aux
Attaché au Bauhaus de 1922 jusqu’à sa
fermeture par les nazis en 1933, Kan- inaugure une nouvelle attitude picturale. Ger Lataster (Pays-Bas, 1920), Ernst rythmes naturels devient ici le principe

Jetant les couleurs sur la toile posée par Wilhelm Nay (Allemagne, 1902-1968), d’organisation de la peinture.
dinsky lui-même s’était rangé sous la
bannière géométrique, tentant de dres- terre à ses pieds, il aspire à être « dans » Gérard Schneider (Suisse, 1896), Sou- Un peu mieux détachée de l’in-
ser l’inventaire des ressources élémen- sa peinture, non pas seulement physi- lages*, Emilio Vedova (Italie, 1919). fluence de la nature extérieure, parce
taires de la peinture : non plus, cette quement, mais physiologiquement et af- Mais la vitesse d’exécution n’est deve- que sans doute plus attentive aux pul-
fois-ci, la griffure et la tache, mais « le fectivement. Chaque peinture, dès lors, nue un élément fondamental de l’oeuvre, sions internes, mais régie néanmoins
point, la ligne, la surface ». À Paris, se confond avec la fraction de la vie du en dehors de Mathieu et de Pollock, par une volonté d’élaboration hostile
où il vivra ses dix dernières années, il peintre au cours de laquelle elle a surgi. qu’avec l’Italien Gianni Bertini (né en au laisser-aller, serait une peinture
accède cependant à un art infiniment 1922), les Allemands Karl Otto Götz qu’on pourrait nommer « peinture
L’action painting valorise le com-
plus aérien et capricieux, où viennent (né en 1914) et K. R. H. Sonderborg (né lyrique construite » et que représente-
portement du créateur, la relation qui
de nouveau s’épanouir les fantasmes en 1923). raient les Italiens Afro (né en 1912),
s’établit entre lui et le reste du monde
du subconscient. Mondrian lui-même, par l’intermédiaire de la toile, aux Ceux qu’on a groupés sous l’éti- Renato Birolli (1907-1959), Giuseppe
réfugié à New York en 1940, se laissera dépens du contenu effectif de celle- quette d’informels semblent vouloir Santomaso (né en 1907), les Français
aller à chanter bien plus haut qu’on ne ci. L’oeuvre des Américains William se confondre avec la matière, avec les Camille Bryen (1907-1977), Michel
l’eût imaginé dans la série de ses Boo- Baziotes (1912-1963), Adolph Gottlieb substances élémentaires comme la terre, Carrade (né en 1923), Jacques Dou-
gie-Woogie. Les temps étaient-ils donc (1903-1974), Theodoros Stamos (né en la boue, les cendres. Ainsi de l’Italien cet (né en 1924), Jean Lombard (né en
venus pour l’art abstrait d’oublier l’aus- 1922), Bradley Walker Tomlin (1899- Alberto Burri (né en 1915), des Français 1895), Louis Nallard (né en 1918), les
térité et la discipline ? Au cours de la 1953) relève de ce qu’on a parfois bap- Olivier Debré (né en 1920), Dubuffet*, Russes de Paris Ida Karskaya (née en
même année 1934, Mark Tobey* va étu- tisé « surréalisme abstrait », alors que Fautrier*, Roger Edgar Gillet (né en 1905) et André Lanskoy*, l’Américain
dier la calligraphie orientale en Chine et celle de Philip Guston (né en 1913), de 1924), Philippe Hosiasson (né en 1898), Joe Downing (né en 1925), le Britan-
au Japon, Hans Hartung* couve de pro- Willem De Kooning*, de Franz Kline des Espagnols Manolo Millares (né en nique Stanley William Hayter (né en
digieuses explosions et Hans Hofmann (1910-1962), de Robert Motherwell (né 1926) et Antoni Tàpies*, de l’Amé- 1901), l’Allemande Charlotte Henschel
(Allemagne, 1880) fonde une école à en 1915) et de Jack Tworkov (né en ricaine Joan Mitchell (née en 1926). (née en 1905), le Hongrois Sigismond
New York, d’où va partir l’expression- 1900) représente exactement l’expres- D’autres se sentent plus proches des Kolos-Vary (né en 1899), le Turc Meh-
nisme* abstrait. Enfin, les frontières sionnisme abstrait, Sam Francis (né éléments fluides tels que les eaux, le med Nejad (né en 1923), le Yougoslave
entre surréalisme et abstraction perdent en 1923), Helen Frankenthaler (née en feu, les nuages : les Français Frédéric Pierre Omcikous (né en 1926), l’Autri-
de leur netteté à partir des premiers ta- 1928) et Grace Hartigan (née en 1922) Benrath (né en 1930), René Duvillier chienne Greta Sauer (née en 1909).

40
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Lorsque, par contre, la subjectivité, couleurs pures et les formes pures, telles cette étude n’ambitionne pas d’appro- conscience. Mais l’expérience du mal,
tenue en respect, irrigue une armature seront les étapes de cette mutation de cher. L’abstraction aura été essentielle- de la douleur, de l’injustice peuvent
rigide, on parlerait plutôt d’une « pein- l’art abstrait géométrique. ment le mouvement d’idéalisation qui également y mener.
ture géométrique sensible », illustrée par tenta d’arracher la toile à deux dimen-
Dans le premier cas, on parlera Les religions n’ont pu masquer qu’un
les Français Martin Barré (né en 1924), sions à son rôle traditionnel de reflet du temps l’absurdité de telles expériences
d’op’art (pour optical art) : autour
Huguette A. Bertrand (née en 1925), monde à trois dimensions. Dès qu’in-
d’Albers et de Vasarely, on notera à l’ordre proclamé. La réflexion qui a
Jean Deyrolle (1911-1967), Aurélie tervient la troisième dimension, celle
l’Italien Getulio Alviani (né en 1939), mené au monothéisme, précisément
Nemours (née en 1910), Jean Piaubert de la réalité, d’autres problèmes inter- parce qu’elle était une tentative pour
l’Américain Richard Anuszkiewicz (né
(né en 1900), les Roumains de Paris viennent. Mais pour s’être voulu pein-
en 1930), le Tchèque Milan Dobes (né appréhender un ordre universel, l’a mise
Jeanne Coppel (1896-1971), Natalia ture avant tout, l’art abstrait n’a pas fini
en 1929), la Britannique Bridget Riley en lumière et en a multiplié les mani-
Dumitresco (née en 1915) et Alexandre de nourrir notre sensibilité.
(née en 1931). En tête de ceux qui ont festations : fini de l’humain devant l’in-
Istrati (né en 1915), le Suisse Walter J. P.
donné une impulsion nouvelle à l’art fini du divin, libre arbitre de l’homme
Bodmer (1903-1973), l’Allemand Fran- Bauhaus / Cinétique (art) / Expressionnisme /
cinétique*, il y a l’Israélien Yaacov devant la toute-puissance de Dieu,
Minimal art / Paysagisme abstrait / Sculpture du
cis Bott (né en 1904), le Grec Manolis
Agam (né en 1928), le Hongrois Gyula XXe s. / « Stijl (De) ». existence du péché devant l’amour du
Calliyannis (né en 1926), l’Américain
Kosice (né en 1924) et le Vénézuélien créateur pour ses créatures. Ainsi se
W. Worringer, Abstraktion und Einfühlung
John Franklin Koenig (né en 1924),
Jésus-Rafaël Soto*. C’est un rigorisme (Munich, 1908). / A. H. Barr (sous la dir. de),
révélait l’absurdité de la condition de
l’Islandaise Nina Tryggvadottir (née en
systématique, enfin, qui caractérise les Cubism and Abstract Art (New York, 1936). / l’homme, « ange tombé qui se souvient
1913). M. Seuphor, l’Art abstrait, ses origines, ses pre-
tableaux hard-edge des Américains des cieux », incapable de concilier les
miers maîtres (Maeght, 1950) ; Dictionnaire de
Trois peintres de grande envergure Ellsworth Kelly (né en 1923), Al Held réalités de son expérience avec les exi-
la peinture abstraite (Hazan, 1957). / M. Brion,
règnent sur ces domaines intermé- (né en 1928) ou Frank Stella (né en Art abstrait (A. Michel, 1956). / M. Ragon, gences de sa pensée.
diaires : les Français d’origine russe 1936), lesquels constituent en somme
l’Aventure de l’art abstrait (Laffont, 1956). /
Pour liquider l’absurdité, le christia-
J.-C. Lambert, la Peinture abstraite (Rencontre,
Serge Poliakoff* et Nicolas de Staël*, la branche picturale du minimal* art. Lausanne, 1967). / D. Vallier, l’Art abstrait nisme affirme dès son origine l’exis-
le Néerlandais Bram Van Velde (né en Mais l’influence déterminante, sur la (« le Livre de poche », 1967). / M. Seuphor et tence de deux ordres de relations entre
1895), lui aussi intégré au milieu pari- post painterly abstraction, des expé- M. Ragon, l’Art abstrait (Maeght, 1971-72 ;
deux ordres d’expériences : d’une part
2 vol.).
sien. riences de Morris Louis (1912-1962) et la raison, qui intègre en un système tout
d’Helen Frankenthaler, en conférant à un ensemble d’expériences ; d’autre
L’abstraction froide ; ses la couleur un rôle majeur qui n’exclut ni part la foi, qui transcende l’absurde
mutations les allusions à la nature ni les associa- et accepte les « mystères » sans avoir
L’abstraction géométrique sort plutôt tions subjectives, allait déterminer l’ap-
absurde (le besoin de les expliquer. Tel est le sens
renforcée de la Seconde Guerre mon- parition du plus puissant courant actuel sentiment de l’) de la formule, souvent mal comprise, de
diale. D’une part, quelques artistes ont de l’abstraction. Il s’agit d’une peinture Tertullien : Credo quia absurdum.
joué un rôle irremplaçable d’anima- de très grands formats dont le sujet est Prise de conscience souvent dramatique En fait, l’univers chrétien, assuré
teurs, d’informateurs et de théoriciens : la couleur et non la forme, et qui doit de l’irrationalité du monde et de la des- d’une double cohérence fondée sur
Josef Albers (Allemagne, 1888-1976), autant, en définitive, à un Rothko qu’à tinée humaine. une certitude unique, exclut l’absurde.
Burgoyne Diller (États-Unis, 1906), un Albers. Si Tess Jaray (G.-B., 1939),
L’absurdité est l’inverse de la cohé- D’où la généralisation du raisonnement
Fritz Glarner (Suisse, 1899-1972) aux Kenneth Noland (États-Unis, 1924) ou
rence rationnelle. Elle découle de l’in- « ex absurdo » : est considérée comme
États-Unis ; Max Bill, Herbin, Magnelli, Jack Youngerman (États-Unis, 1926)
compatibilité d’une expérience avec fausse toute proposition qui aboutit à
Richard Mortensen (Danemark, 1910) s’y montrent encore relativement sou-
un système de pensée organisé. Si l’on une conséquence absurde. D’où aussi
et Victor Pasmore (G.-B., 1908) en Eu- cieux de la forme, avec Darby Bannard
change le système, l’absurdité peut dis- un certain goût de l’absurde verbal qui
rope. D’autre part, l’essor tumultueux (États-Unis, 1931), Rupprecht Geiger
paraître. C’est ainsi que certains faits se manifeste dans la littérature médié-
de l’abstraction lyrique, en accusant les (Allemagne, 1908), Jules Olitski (États-
expérimentaux, qui sont absurdes dans vale, surtout à partir du XIIIe s., comme
incompatibilités, va renforcer la rigueur Unis, 1922), Larry Poons (États-Unis,
le système euclidien, s’intègrent ration- un jeu marginal permettant d’échapper
des héritiers de Malevitch et de Mon- 1937), Jef Verheyen (Belgique, 1932) nellement aux géométries non eucli- un instant aux contraintes de la scolas-
drian au prix d’un effondrement de leurs ou Peter Young (États-Unis, 1940)
diennes. tique.
effectifs. Mieux que l’apparition de nou- s’affirme une peinture atmosphérique
Le sentiment de l’absurde ne peut C’est seulement quand une série
veaux leaders tels que l’Uruguayen Car- et subjective d’une extrême sensibilité,
naître que dans une société suffi- d’expériences traumatisantes — décou-
melo Arden Quin (né en 1913 ; fonda- qui rejoint parfois l’impressionnisme.
samment évoluée pour fournir à ses verte d’un nouveau monde, boulever-
teur de Madi en Argentine), le Suédois Impersonnel, axé vers une critique so-
membres une représentation systéma- sement des sociétés, conscience du
Olle Baertling (1911), le Français Jean ciologique de l’art, est au contraire un
tique de l’univers admise par évidence. devenir historique, médecine de Para-
Dewasne (né en 1921), le Belge Louis courant animé en France par un Daniel
La pensée religieuse, notamment, tend celse, astronomie de Copernic et de
Van Lint (né en 1909), le Suisse Richard Buren (né en 1938).
à l’éliminer. Quand une pensée philo- Galilée — ébranlent la cohérence de
Paul Lohse (né en 1902) ou le Hongrois
sophique comme celle de Socrate a re- l’univers chrétien que l’absurde com-
Victor Vasarely*, le dynamitage super-
Conclusion cours à lui comme moyen de remise en mence à acquérir une valeur positive. Il
bement opéré au sein d’une esthétique
Amenée à son tour à faire peau neuve cause de l’ordre accepté, elle est consi- constitue chaque fois un défi à relever,
un peu somnolente, d’abord par Lucio
par cette résurgence comme par les dérée comme paradoxale (c’est-à-dire mais aussi une invitation à remettre en
Fontana*, puis par Yves Klein*, enfin
succès du pop’art, l’abstraction lyrique incompatible avec l’opinion générale), cause le système de pensée et à le faire
la découverte de nouvelles solutions
s’est partiellement réincarnée dans elle est l’objet de sanctions sociales. progresser. L’Éloge de la folie (1511)
plastiques vont entraîner un regain de
l’arte povera. Ces oeuvres en caout- C’est seulement à une date récente que d’Erasme, reprenant un vieux thème
vigueur de la tendance, notamment à
chouc, en corde, en feutre, en graisse, en les philosophies existentialistes ont pu médiéval, est parmi les premiers textes
partir de 1960. Tout d’abord, la concen-
tration des recherches du côté des phé- terre, en tourbe, etc., qu’est-ce donc, en ouvertement affirmer l’absurdité de à utiliser une vision délibérément aber-

effet, sinon la continuation, par d’autres l’expérience à tout système. rante des choses comme un procédé de
nomènes de la perception visuelle (illu-
libération de la pensée.
sions d’optique), puis l’extension de ces moyens, des toiles informelles de C’est probablement l’expérience
préoccupations grâce à l’introduction de Dubuffet, de Fautrier, de Tàpies ? Mais de la mort qui est la cause initiale du Dès lors, l’excentrique, c’est-à-dire
la lumière et du mouvement, enfin un cela nous entraînerait dans le domaine sentiment de l’absurde. La pensée de l’homme dont les idées et les actes
retour à d’austères spéculations sur les de l’assemblage* et de la sculpture, que sa propre mort est absurde pour une sont absurdes au système d’évidences

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

(problèmes contemporains du).


admis par le sens commun, acquiert une Hardy, de Kafka, de James Joyce, d’An- à perpétuer de celui-ci l’image à la fois
signification nouvelle. Du Quichotte de dré Malraux et d’Henry de Montherlant. A. Camus, le Mythe de Sisyphe (Gallimard, vraie et altérée d’un courtisan ainsi que,
Cervantès au Misanthrope de Molière, 1942). / M. Esslin, The Theatre of the Absurd dans les Mille et Une Nuits, d’un subtil
Cependant, dans la mesure où le
(Londres, 1962 ; trad. fr. le Théâtre de l’absurde,
on le trouve désormais dans toutes les roman traditionnel suppose la « créa- bouffon, d’un obsédé sexuel, d’un cou-
Buchet-Chastel, 1963).
littératures, mais sa terre d’élection est tion » par le romancier d’un univers de reur de tripots, d’un épicurien délicat,
l’Angleterre, où Ben Jonson fonde en fiction cohérent, la prise de conscience d’un ribaud et d’un amant parfait. Poète
1598 sa théorie des humeurs, base de de l’absurde en tant qu’expérience maudit ? Poète de la révolte contre un
l’humour anglais, sur l’absurdité calcu- détruit les structures de la narration
lée d’un comportement excentrique.
Ab Nuws (al- monde qui l’écrase ? Ab Nuws n’est
ordonnée. Beaucoup de romanciers de pas justiciable d’épithètes si roman-
De Robert Burton (1577-1640) à Lau- la seconde moitié du XXe s., notamment asan ibn Hni’) tiques. Il sait danser dans ses chaînes,
rence Sterne (1713-1768), la grande li- en France ceux qui appartiennent à la et il les accepte ; par des éclats de rire et
gnée des excentriques anglais débouche génération du « nouveau roman », ont Poète arabe (Ahvz, Susiane, v. 762 - des moqueries, il accueille ceux qui les
au XIXe s. sur le nonsense, illustré tenté de se dégager de ces structures, Bagdad v. 815). portent avec conviction. L’artiste, chez
d’abord par Edward Lear (1812-1888), mais il n’est pas certain que l’« antiro- lui, se sert de son art, mais n’est pas as-
Fils d’une Persane et d’un non-Arabe
puis par Lewis Carroll (1832-1898). Le man » soit viable. originaire de Syrie, affranchi d’un clan servi par lui ; si les règles existent, c’est
nonsense préfigure non seulement les Il en va autrement du théâtre, qui, yéménite, Ab Nuws quitte Ahwz pour être tournées. Il possède en soi tout
recherches du surréalisme, mais encore étant à chaque représentation une ex- à la mort de son père. À six ans, on le ce qui fera plus tard le classicisme, mais
certaines des explorations souterraines périence collective immédiate et ori- trouve à Bassora, où il reçoit une édu- d’instinct il se refuse à céder aux per-
de l’esprit humain qui ont conduit à la ginale, n’a pas au même degré que le cation soignée en langue arabe et dans manences de la bédouinité représentées
psychanalyse. roman l’exigence d’un univers cohérent les sciences de la Loi. Son adolescence par al-Farazdaq* et sa génération. Tout
Pour prendre le nouveau visage que comme support du phénomène. C’est s’achève à Kfa où le poète libertin dans son oeuvre est spontanéité, rejet de
lui découvrira le XXe s., il manque encore ainsi que l’absurde s’est substitué au Wliba le confirme dans l’art des vers et l’afféterie et de la recherche du terme
à l’absurde l’angoisse existentialiste. Le tragique comme ressort de la fiction l’initie à toutes ses perversions ; disciple rare ; au gré de l’inspiration, le vers se
Danois Sören Kierkegaard (1813-1855) théâtrale. Ils ont d’ailleurs une étroite de plusieurs grammairiens célèbres, ami construit sur des mètres pompeux ou
l’annonce en inversant le problème de parenté, car ils reposent tous deux sur la de Khalaf al-Amar dont les pastiches courts, donnant l’impression d’un bon-
l’incompatibilité de la raison et de l’ex- solitude et l’incommunicabilité, mais, sont des chefs-d’oeuvre, le jeune poète,
dissement, d’un vol dans l’espace.
périence, et en proposant une religion alors que la tragédie garde depuis ses selon l’usage, aurait séjourné en milieu
origines le caractère d’un rite où s’af- Les thèmes traités par Ab Nuws
paradoxale qui crée Dieu face à l’ab- bédouin pour parfaire son maniement de
frontent incompatiblement les hommes sont révélateurs d’un conflit entre
surde par une dialectique sans fin, étran- l’arabe. Ses fréquentations ne sont pas
gère à tout système. L’Allemand Martin et les dieux, soumis les uns et les autres le courtisan et l’artiste, ennemi des
toutes de bon aloi et sa vie comme ses
Heidegger (1889) lui donne forme en à une mystérieuse et impensable fata- contraintes. Les uns sont conditionnés
moeurs s’en ressentent. En 786, Hrn
plaçant l’homme dans un monde dénué lité, le théâtre de l’absurde, chez des al-Rachd accède au califat ; pendant par la sujétion au mécénat et la vie de

de sens, armé de la seule liberté que son auteurs comme Ionesco, Beckett, Pin- dix-sept ans, la famille des Barmakides, cour ; ils appartiennent donc au genre
existence lui confère. ter, n’a plus de héros ni de dieux. Il ne elle aussi d’origine iranienne, accapare laudatif et à son opposé la satire ; ils ont
passe plus par la médiation des « grands charges et faveurs. Ab Nuws a trouvé pour cadre ou le thrène ou la qada,
Toute la pensée de Jean-Paul Sartre
intérêts » pour traduire et purifier l’an- ses mécènes ; dans ses panégyriques, dont le prélude élégiaque traduit d’ail-
(1905) et d’Albert Camus (1913-1960)
goisse de la condition humaine. Il en fait il sert leurs ambitions ; dans ses poé- leurs souvent une expérience person-
repose sur une expérience de l’absurde :
au contraire une expérience directe, un sies légères, il charme leurs loisirs. Ses nelle. Les autres thèmes relèvent au
l’homme vit pour rien dans un monde
événement, un happening, c’est-à-dire amours multiples et même une passion contraire strictement de l’inspiration
sans signification, où il ne peut s affirmer
quelque chose qui arrive. véritable pour une certaine Djann personnelle, sous ses formes les plus va-
que par le refus qui exprime sa liberté.
Le terme même d’absurde s’applique De ce fait disparaît la classique dis- absorbent sa pensée et lui inspirent le riées, depuis la chanson d’amour licen-
plus à l’univers de Camus qu’à celui de tinction entre le comique et le tragique. meilleur de son oeuvre. Heureux temps cieuse ou « courtoise » jusqu’à la chan-
Sartre, caractérisé par sa contingence. Désacralisation du rite tragique, le co- qui bientôt, hélas ! prend fin. La tragé- son bachique en passant par le poème
Plus écrivain que philosophe, Camus mique est encore un rite. die par laquelle se terminent, en 803, ascétique. Si nous voulons découvrir
propose la révolte comme recours Le rire, les larmes, l’agréable vertige la faveur des Barmakides et la supré- le véritable Ab Nuws, c’est dans ces
contre l’absurde et comme valeur dans du fantastique ne sont que les défenses matie des éléments iraniens à la cour de pièces qu’il nous faut l’aller chercher et
une existence qui exclut le jugement de que le lecteur et, plus encore, le spec- Bagdad oblige le poète à se terrer, puis non pas dans ses compositions d’appa-
valeur, mais il n’en construit pas une tateur opposent à l’angoisse créée par à chercher refuge en Égypte. Mais, en rat où, en dépit de son habileté, il est
morale et laisse l’homme révolté en l’expérience de l’absurde. Cette an- 809, l’avènement d’al-Amn le ramène à mal à l’aise.
proie à ses dangereuses contradictions. goisse ne peut être résolue que par un Bagdad. La liesse d’antan recommence,
Cherchons donc ce bohème, cet ami
Sartre, au contraire, poussé dès le début acte libre : révolte, engagement poli- marquée par de tels débordements que
des franches lippées là où il se trouve
par la recherche d’une éthique, fait de tique, choix éthique, invention artistique le calife, dit-on, se voit contraint de
avec son persiflage qui n’épargne ni le
l’exercice de la liberté conquise sur le ou scientifique, voire même nouveau sévir. Dans un thrène, Ab Nuws cé-
rival parvenu, ni le docteur avantageux,
désespoir le fondement d’une morale comportement devant l’expérience reli- lèbre le souverain qui l’a sauvé, mais
ni surtout cette bédouinité que le confor-
pratique qui exige l’engagement poli- gieuse. Il n’est pas d’activité humaine la maladie et l’usure d’une vie trop dis-
misme poétique voudrait lui imposer :
tique. qui ne soit de nos jours marquée par la sipée précipitent la mort du poète qui
s’éteint, selon les uns, dans un tripot Laisse ce poète misérable interroger le
L’expression littéraire du sentiment conscience de cette angoisse, et c’est
ou, selon d’autres, dans la demeure des campement désert
moderne de l’absurde est très antérieure grâce à elle sans doute que s’élabore
Nawbakht, ses derniers protecteurs. alors que moi je cours le guilledou.
à la génération existentialiste. Dès la fin dans les contradictions toujours plus

du siècle on la trouve chez les poètes évidentes du monde contemporain un Inégale, disparate du fait des deux re- Le but suprême est quête de la joie,

maudits (Alfred Jarry, Georges Fou- nouvel humanisme. censions très différentes dans lesquelles du plaisir des sens, de l’amour qui pro-
R. E. elle nous est parvenue, légère ou com- cure l’oubli :
rest), puis, plus tard, dans certaines
Beckett (S.) / Camus (A.) / Dodgson (Lewis Laisse cela. Puis-je te perdre ! Et bois
manifestations du surréalisme. Sous des passée, délicate ou obscène, l’oeuvre
Carroll) / Existentialisme / France / Heidegger
formes très différentes, l’absurde est à (M.) / Ionesco (E.) / Kafka (F.) / Kierkegaard (S.) / d’Ab Nuws est à l’image de son au- ce vin clair et doré qui sépare l’esprit
l’arrière-plan des romans de Thomas Littérature (problèmes modernes de la) / Théâtre teur. Pour une large part, elle a contribué du corps !

42
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Le monde est un appel ainsi que le Or donc en dépit de mes fautes et de — la généralisation du cinéma et de unanime, parsèment les fonds abyssaux.
ciel scintillant d’étoiles et que le prin- mes débordements, la télévision sous-marins (à partir de Leur densité, irrégulière, est particuliè-
temps j’espère en l’entier pardon de la Divi- 1955). rement élevée dans certaines régions
qui a brodé sa robe bigarrée nité. intertropicales des trois grands océans.
et dressé des couronnes de fleurs. Plus que d’aucune autre, il est juste Relief et structure
À l’évidence, Ab Nuws se délecte de dire que l’oeuvre d’Ab Nuws est des fonds abyssaux Masses d’eaux abyssales
à proclamer son goût de la vie et de la l’expression de la société où elle est
On a cru pendant longtemps que le re- Les masses d’eaux qui surplombent
jouissance en termes provocants : née. Par ses contrastes, ses outrances,
lief des fonds abyssaux était inexistant les fonds abyssaux sont caractérisées
J’ai aimé et nul mal n’est dans l’amour. son refus de cultiver l’art pour l’art, elle et leur structure parfaitement uniforme. par une salinité normale (entre 34 et
Sur mon front rien de semblable à la ne pouvait point susciter une unanimité.
En fait, si la pente générale des plaines 35 p. 1 000), une température basse
passion. À tout le moins, a-t-elle contraint les abyssales est relativement faible (moins en général (entre – 1 et + 2 °C), une
Alors pourquoi sottement me blâme-t- plus réticents, comme ibn Qutayba, à de 1 p. 1 000), celles-ci sont entaillées obscurité totale. Depuis les plongées
on ? lui rendre justice. Le réveil du XIXe s. de tranchées profondes (les fosses), profondes en bathyscaphe, on sait que
J’ai ma propre religion et les autres ont devait lui réserver une place d’honneur parsemées de cônes volcaniques (les ces masses d’eaux, calmes dans leur
la leur. par tout ce qu’elle contient de fécond guyots) et surtout coupées vers le milieu ensemble, ne sont pas complètement
dans son refus du conformisme et dans des océans par de véritables chaînes de
La volupté se trouve là où la nature immobiles, mais animées de courants
son culte de l’humain. montagnes (les dorsales océaniques), parfois assez rapides qui assurent peu à
l’offre et dans ces amours multiples
R. B. dont l’étude a remis à l’honneur sous
le sexe n’importe guère, comme le peu leur renouvellement. Ainsi se trouve
‘Abbssides / Arabe (littérature). une forme beaucoup plus élaborée (celle
prouvent les ghazal, inspirés par des mi- entretenue une certaine teneur en oxy-

gnons. Cela n’interdit d’ailleurs pas au W. Ahlwardt, Dwn des Ab Nuws, t. I : de l’expansion des fonds océaniques) la gène, faible certes par rapport à celle des
Die Weinlieder (Greifswald, 1861). / ‘U. Farrkh, vieille théorie de Wegener sur la dérive eaux de surface, mais néanmoins suffi-
poète les joies plus raffinées de l’amour
Ab Nuws, poète d’al-Rachd et d’al-Amn
des continents. sante pour assurer la présence de la vie à
« courtois » célébré avec tant d’insis- (en arabe ; Beyrouth, 1932). / E. Wagner, Ab
tance dans ses pièces à Djann. Un tel Nuws, eine Studie zur arabischen Literatur der Mis à part les points de contact avec tous les niveaux.
frühen Abbasidenzeit (Wiesbaden, 1965). la base du talus continental et avec les
état d’esprit n’a que faire des appels à la
sagesse ou au repentir : différents accidents qui viennent d’être Faune abyssale
Laisse là ce blâme qui me vise car le signalés, points où l’on enregistre la
L’absence de lumière (les rayons les plus
blâme est invite au péché. présence de matériaux soit détritiques,
pénétrants dans les mers les plus claires
Dis à celui qui croit tenir science et abysses soit d’extrusion, les fonds abyssaux sont
ne dépassent pas quelques centaines de
sagesse : toujours recouverts de sédiments épais
mètres) élimine automatiquement toute
« Tu sais peu de chose au prix de ce qui Régions océaniques situées entre 2 000 qui appartiennent à cinq types princi-
forme végétale de vie. Bactéries mises
t’a fui ! et 6 000 m de profondeur. Ces limites paux (deux calcaires, trois siliceux).
à part, on ne trouve donc dans la zone
« Ne prive point du pardon, si tu es sont conventionnelles, et les chiffres
abyssale que des formes animales qui
prud’homme, qui les caractérisent ne doivent pas être Types calcaires
s’alimentent soit sur des proies vivantes
car ta défense est mépris envers la reli- considérés comme des valeurs absolues, a) Boues à Globigérines (les Globi-
(prédateurs), soit sur des cadavres (né-
gion. » mais comme des ordres de grandeur. (Le gérines sont des Foraminifères planc-
crophages), soit sur des débris (détriti-
terme est presque toujours pris au plu- toniques). Elles couvrent environ
Une grande partie de l’oeuvre d’Ab vores). Certaines de ces formes vivent
riel, et on lui substitue volontiers celui 44 p. 100 des fonds abyssaux ;
Nuws est d’inspiration religieuse. Il ne au contact du fond (benthos). Elles sont
de zone abyssale.)
semble pas que cela soit la conséquence b) Boues à Ptéropodes (les Ptéropodes alors fouisseuses, fixées, errantes ou
de l’âge, mais plutôt une attitude nor- La zone abyssale couvre approxi- sont de petits Mollusques Tectibranches libres. D’autres vivent en pleine eau (pe-
male chez un épicurien las du plaisir qui mativement 80 p. 100 de la surface des planctoniques). Environ 2 p. 100 des lagos). Elles sont alors obligatoirement
n’assouvit point et de la débauche qui océans, soit, toujours approximative- fonds abyssaux. libres. Les principaux embranchements
écoeure. Peut-être au demeurant est-ce ment, 56 p. 100 de la surface totale du — Spongiaires, Coelentérés, Annélides
là une forme subtile de la jouissance globe. Types siliceux (Polychètes), Arthropodes (Crustacés),
chez cet homme blasé du plaisir qui le a) Boues à Diatomées (les Diatomées Mollusques, Échinodermes, Vertébrés
fuit : Connaissance des abysses sont des Algues vertes unicellulaires (Poissons) — sont représentés dans la
Te voilà vieux, bonhomme ! et tu n’as planctoniques). Environ 12 p. 100 des faune abyssale. Celle-ci, soumise à des
Les premiers contacts de l’homme avec
pas encore quitté les manières d’un ado- fonds abyssaux ; conditions de vie particulièrement sé-
les abysses remontent à un passé récent.
lescent. b) Boues à Radiolaires (les Radio- vères, présente des caractères marqués
Ils ont eu lieu par l’intermédiaire d’ins-
La Mort dévore et engloutit les laires sont des Protozoaires plancto- et pose aux biologistes bon nombre de
truments simples (lignes plombées,
Hommes. niques). Environ 2 p. 100 des fonds problèmes non résolus.
dragues, carottiers) et ne se sont vus
C’est graduellement qu’à lui s’im- abyssaux ; Parmi les caractères les plus souvent
méthodiquement organisés et métho-
pose l’idée du repentir. Rien dans celui- diquement exploités (au point de vue c) Argile rouge des grands fonds. Sa soulignés et les problèmes les plus sou-

ci qui ressemble au pessimisme déses- scientifique) qu’au cours et à partir de genèse est discutée. Elle est formée vent évoqués, rappelons : l’archaïsme,

péré d’Ab al-‘Athiya. Au fond de sa la fameuse expédition anglaise du Chal- de silicate d’alumine en particules le gigantisme, l’atrophie des organes de

détresse, Ab Nuws est toujours sûr du lenger (1872-1876). Depuis cette date, extrêmement ténues, mêlées d’élé- la vue, la production de lumière biolo-

pardon et pour lui la repentance finale nos connaissances se sont rapidement ments minéraux et organiques. Elle gique, la mobilisation du calcaire, l’ori-

doit lui valoir le salut : développées, les principales étapes de couvre environ 35 p. 100 des fonds gine des sources primaires de nourriture,

Finie est ma malfaisance, enfuis sont leur progression étant : abyssaux. les modalités de reproduction (probabi-

mes plaisirs, — l’invention et la diffusion du son- lités de rencontre des partenaires, vivi-
Enfin, des nodules de manganèse
depuis que de sa main vieillesse a dage par ultrasons (Première Guerre parité, incubation, court-circuitage des
(auquel sont associés d’autres métaux :
blanchi ma tête. mondiale) ; formes larvaires), etc.
cuivre, étain, chrome, nickel, etc.), de la
Non par nos actes nous trouverons salut — la pénétration directe d’observateurs taille d’une balle de tennis à celle d’un Les conceptions sur la distribution
quand paraîtront les signes sur nos dans les grandes profondeurs (bathys- gros ballon de plage et sur l’origine des- géographique des espèces abyssales
fronts. caphes, 1953) ; quels l’opinion est, là encore, loin d’être sont en pleine évolution. La théorie

43
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

communément admise jusqu’à main- en rameau plus ou moins touffu de


tenant voulait que la faune, ayant pu l’arbre de la connaissance.
résister aux conditions sévères et uni- Certes l’origine même du mot rap-
formes de pression, d’obscurité et de pelle la communauté d’âmes qui unissait
température précédemment signalées, Platon et ses disciples dans les jardins
fût homogène et renfermât un nombre d’Akadêmos, sous les arbres plantés par
élevé d’espèces cosmopolites. En fait, Cimon. Mais elle évoque aussi le lieu
si cela reste partiellement vrai pour les d’un enseignement tenu pour vérité,
formes pélagiques, les observations les donc, à travers même une pédagogie
plus récentes montrent, au contraire, libérale et vivante, le risque du dogma-
que l’endémisme est fortement poussé tisme, de la tradition limitée à la pra-
chez les formes benthiques, au point tique rituelle, de l’institution succédant
d’atteindre 73,2 p. 100 des espèces ren- à l’imagination. Dès les premières ma-
contrées dans le Pacifique et 76 p. 100 nifestations du phénomène académique
de celles qui sont rencontrées dans l’At- se révèlent les deux caractères qui, tan-
lantique. tôt complémentaires, tantôt contradic-
Les biomasses de la zone abyssale toires, distinguent l’histoire de toutes les
sont faibles par rapport à celles des sociétés savantes ou littéraires : l’aca-
horizons plus élevés. C’est, cette fois, démie est soit une réunion d’écrivains
le plancton qui nous fournit les données ou d’hommes de sciences qui, de leur
comparatives les plus complètes. Alors propre mouvement et en pleine liberté,
que le poids des récoltes faites au filet mettent en commun leurs recherches,
3
fin s’échelonne de 109 à 1 120 mg/m leur savoir, leurs doutes, soit un établis-
dans les 200 premiers mètres, il n’est sement officiel entretenu et contrôlé par
3
plus que de 165 à 346 mg/m entre 200 un État au développement et à la gloire
3
et 500 m, de 22 à 56 mg/m entre 500 et duquel il est invité à concourir. Derrière
3
2 000 m, de 9 à 26 mg/m entre 2 000 l’assemblée d’humanistes enthousiastes
et 6 000 m. Les biomasses-benthos et que Marsile Ficin rassemble au milieu
les biomasses-poisson varient dans le du XVe s. dans la villa de Careggi se pro-
même sens, avec des contrastes encore file la munificence calculée de Cosme
plus accusés. de Médicis. Certes, le Moyen Âge avait
connu des cercles de poètes — puys,
Même en admettant que nos tech-
cours d’amour ou chambres de rhéto-
niques permettent de l’exploiter, il se-
rique —, réunis autour d’un protecteur
rait donc vain de compter sur la zone
le plus souvent princier, mais leur ambi-
abyssale pour répondre aux besoins
tion se haussait rarement au-dessus de la
croissants de l’humanité en protéines
conversation galante et leur horizon se
d’origine animale.
confondait la plupart du temps avec les
E. P.

Océan.
bornes du fief seigneurial ou, en Artois
et en Flandre, avec les murs de la cité.
V. Romanovsky, C. Francis-Boeuf et J. Bour- ducs de Toscane ou des cardinaux ro- durables. Respectueux des principes
La première académie fondée en France
cart, la Mer (Larousse, 1953). / J. M. Pérès, mains. Pour mettre en cause les institu- d’ordre et de raison qui sont ceux de son
Océanographie biologique et biologie marine en 1570 par Jean Antoine de Baïf et à
tions médiévales, elles sont contraintes siècle, mais pressé par la nécessité de
(P. U. F., t. I, 1961 ; t. II [en collaboration avec laquelle Charles IX accorda des lettres
L. Devèze], 1963). / C. A. M. King, Oceanography de se constituer en institutions. Et si mettre la France, par des découvertes
patentes, l’Académie de poésie et de
for Geographers (Londres, 1962). / Ch. H. Cot- l’Académie florentine paraît à beaucoup dans le domaine des sciences appli-
ter, The Physical Geography of the Oceans
musique, ne jouera encore de rôle que
trop contraignante, les dissidents ras- quées, en état de répondre à la concur-
(Londres, 1965). / G. Dietrich et J. Ulrich, Atlas dans la préparation des divertissements
zur Ozeanographie (Bibliographisches Institut
semblés sous le blason orné d’un blutoir rence étrangère, soucieux également
de la Cour. Le patronage de Platon sous
A. G. Mannheim, 1968). de l’Académie della Crusca se donnent d’organiser le culte de la personnalité
lequel se placent les érudits florentins a
bientôt des statuts et édictent à leur tour royale, Colbert accorda appui et cré-
une signification plus haute : les manus-
des règles. Les académies vont essaimer dits aussi bien aux savants préoccupés
crits apportés en Italie par les savants
dans toute l’Italie, se spécialiser, orga- d’inventions techniques qu’aux artistes
byzantins fuyant la conquête turque
académie permettent à l’Occident une rencontre niser et dispenser, véritables universités représentant le souverain dans le bronze
parallèles, un enseignement technique ou la pierre ou aux poètes chargés de
directe avec les auteurs grecs, sans pas-
Société scientifique, littéraire ou artis- ser par le filtre latin. La renaissance des ou artistique. Mais l’impulsion déci- composer les devises et les inscriptions
tique. sive qui les implantera dans l’Europe des arcs triomphaux. Cette conception
lettres provoque un renouveau de la
La notion d’académie est liée au- pensée. Dans le XVIe s. italien, l’avant- entière viendra d’une volonté politique du rôle des académies est encore au-

jourd’hui aux idées d’achèvement et de garde philosophique et littéraire, ce et centralisatrice. En créant l’Académie jourd’hui celle des pays rénovés, comme

célébration. La reconnaissance flatteuse sont les académies. Mais cet effort de française, Richelieu cherche, par-delà l’U. R. S. S. et la Chine, ou des nations

d’une élite, l’applaudissement bruyant modernisme scientifique et de pensée le souci affirmé d’affinement et d’épu- nouvellement parvenues à l’indépen-

mais passager d’un public moins averti libre sera la cause même, pour les aca- ration de la langue, à fonder une poli- dance : les corps savants qui groupent

marquent l’entrée d’une vie ou d’une démies, de la perte de leur liberté et de tique d’orientation de toutes les disci- les noms les plus célèbres de la science,
oeuvre dans le patrimoine culturel acces- leur soumission au prince. Suspectes à plines intellectuelles et créatrices, qui de l’art, de la littérature contribuent à la
sible à tous. Le créateur se fige en per- l’Église et aux universités scolastiques, sera poursuivie par Mazarin et Colbert. fois au prestige national et au dévelop-
sonnage officiel, le livre vient se placer combattues par les corporations artisa- C’est à cet administrateur passionné pement scientifique et culturel de leur
dans une des petites niches du Panthéon nales, les académies sont rapidement que l’on doit la rationalisation du projet pays. C’est cette image que le prestige
littéraire, l’étude scientifique s’épanouit réduites à solliciter l’appui des grands- académique et l’un de ses traits les plus du classicisme français a diffusée de

44
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Lisbonne à Saint-Pétersbourg, en pas- scientifique. démie des sciences (musée du Conservatoire


Parmi les académies musicales qui
national des arts et métiers, 1966).
sant par Berlin et Stockholm, et que la naquirent en Italie, citons d’abord
Académie royale espagnole.Elle a été
Révolution française, une et indivisible, l’académie degli Intronati (1460) de
fondée en 1713 et approuvée l’année
reprit dès 1795 après avoir cru pouvoir, Sienne, qui devint plus tard l’acadé-
suivante par Philippe V (36 membres et
à la suite de Mirabeau, démocratiser le mie dei Filomati, ainsi que l’impor-
30 correspondants étrangers). académies de tant cénacle qui, sans s’être donné un
talent. Malheureusement les Jacobins
furent des conservateurs littéraires, et le Société royale de Londres.Issue d’une musique titre quelconque, se réunissait à Milan
association scientifique créée vers vers la fin du XVe s. sous la protection
romantisme, en proclamant la relativité
1645 et organisée par une charte royale de Ludovic Sforza le More, dont firent
et la subjectivité du Beau, assigna défi- Sociétés savantes qui consacrent leurs
de Charles II en 1662, elle entreprend partie Franchino Gaffurio et Léonard
nitivement au génie créateur le quarante activités et leurs travaux à la musique.
de nombreuses enquêtes sur des ques- de Vinci. Au XVIe s., chaque ville vou-
et unième fauteuil.
tions de mathématiques, de physique ou L’Académie florentine, à laquelle
lut posséder son académie. À Sienne fut
J. D. sont attachés les noms de Marsile Ficin,
de biologie. fondée l’académie dei Rozzi (1531), à
d’Ange Politien et de Pic de La Miran-
Académie britannique.Fondée en Padoue l’académie degli Infiammati
dole, s’intéressa à la musique. Elle vit
Les principales (1540). Ferrare en vit naître trois : les
1901, elle fut reconnue en 1902 par le jour à Florence sous les auspices des
sociétés en France et à Édouard VII. Cent membres, qui élisent Médicis vers 1450. Ficin en fut l’actif
académies dei Concardi (v. 1560),
della Morte (v. 1592) et degli Intrepidi
l’étranger leur président, des membres honoraires animateur. Théologien, philosophe, il
et des correspondants étrangers se (v. 1600). Ces deux dernières subsis-
avait traduit Platon et s’était pénétré de
Institut de France.Il rassemble : consacrent à l’« encouragement des tèrent jusqu’à la fin du XVIIe s. À Rome,
sa doctrine sur la valeur morale de la
1o l’Académie française, fondée en études historiques, philosophiques et l’académie congregazione di Santa
musique. Instrumentiste, chanteur, il in-
1635 par Richelieu (40 membres) ; Cecilia (v. 1566), qui compta parmi ses
philologiques ». terpréta le premier les hymnes orphiques
2o l’Académie des inscriptions et premiers membres Palestrina, Marenzio
belles-lettres, fondée en 1663 par Académie della Crusca.Fondée à en s’accompagnant sur la lyre et fit ainsi
et Giovanelli, existe encore aujourd’hui,
Colbert (40 membres), et s’occu- Florence dans la seconde moitié du revivre le mythe d’Orphée, qui devint
mais s’est transformée en une associa-
pant de travaux d’érudition his- XVIe s., elle se donna pour but d’épurer pour les humanistes le symbole éclatant
tion culturelle qui possède son propre
torique ou archéologique ; la langue italienne. Elle fusionna de des puissants « effets » de la musique.
orchestre. Elle a, en outre, fondé un
3o l’Académie des sciences, fondée en 1783 à 1808 avec l’Académie floren- Véritable promoteur de l’humanisme
Liceo musicale (1876), qui a été depuis
1666 par Colbert (66 membres, plus tine, mais reprit son autonomie. Elle se musical, il sut exprimer les idées-forces
2 secrétaires perpétuels et une trentaine transformé en conservatoire (1919). À
consacre à la publication d’un diction- du néoplatonisme chrétien, en étroite
de membres libres et non résidents) ; Venise, l’académie della Fama (1588)
naire historique de la langue italienne. parenté avec les arts. C’est ainsi que la
l’Académie des beaux-arts compta dans sa compagnie Giovanni
4o
musique devait jouer un rôle important,
(40 membres, plus 1 secrétaire per- Académie nationale dei Lincei.Fondée Gabrieli et le célèbre théoricien Zarlino.
si on la considérait comme la produc-
pétuel et 10 membres libres) ; elle est en 1603, à l’instigation du comte Cesi, À Florence, la Camerata fiorentina
trice d’« effets » religieux et moraux ;
composée de peintres, de sculpteurs, dissoute en 1630, réapparue de 1745 à (v. 1580), bien que composée de gens
toutefois, le texte demeurait l’élément
de graveurs et de musiciens ; ses di- 1755, elle ne fonctionna régulièrement d’opinions différentes, était d’inspira-
noble, car il était porteur de l’« Idée »,
verses sections, créées successivement qu’à partir de 1801 ; Académie ponti- tion platonicienne. Hostile à l’ancien
dont la musique exaltait l’affectivité.
par Mazarin et Colbert, furent réu- ficale en 1847, dédoublée en 1870 en
Les idées de Ficin eurent plus tard une style de contrepoint, elle joua, sous
nies en une seule compagnie en 1795 ; Académie pontificale des sciences et en
grande influence sur les poètes-huma- l’impulsion du comte G. Bardi, phi-
5o l’Académie des sciences morales Académie nationale royale dei Lincei,
nistes de la Pléiade, sur l’Académie de lologue et mathématicien, un rôle très
et politiques, fondée en 1795 par la elle se fondit dans l’Académie d’Italie important dans l’avènement du style
Convention (40 membres répartis en poésie et de musique de J. A. de Baïf et
en 1929, mais recouvra son autonomie
sur la Camerata fiorentina de G. Bardi, monodique, seul capable de traduire
cinq sections, plus 10 membres for-
et ses fonctions en 1944.
qui donnèrent la primauté aux arts libé- l’expression de la poésie. Pour satisfaire
mant une « section générale ») ; elle se
Académie royale des sciences de Stoc- raux, et particulièrement à la poésie et à aussi aux exigences des humanistes, elle
consacre à l’étude de questions de phi-
losophie, de droit, de sociologie, d’éco- kholm.Fondée en 1739 (140 membres la musique. favorisa les efforts de l’académie della

nomie politique et d’histoire générale. répartis en 12 classes et 108 associés Crusca (1582), qui réunit, aux côtés de
À l’exemple de l’académie de Ficin,
En Belgique, il y a quatre académies : étrangers), elle décerne les prix Nobel Bardi, les partisans du purisme en ma-
de nombreuses académies surgirent à
— Académie royale des sciences, des de physique et de chimie. tière de langage.
la même époque et au cours des siècles
lettres et des beaux-arts de Belgique,
suivants. Mais elles se différencièrent Au XVIIe s., alors que la vie musicale
Académie suédoise.Fondée en
fondée par Marie-Thérèse en 1772 ;
peu à peu les unes des autres, soit en s’organisait, apparurent, sous le nom
1786 par Gustave III, elle groupe
— Koninklijke Academie voor
conservant un caractère encyclopé- d’académies, des sociétés de concert
Wetenschappen, Letteren en 18 membres, qui décernent depuis 1901
dique, soit en se spécialisant dans une dont les membres en étaient les prin-
Schone Kunsten van België, pen- le prix Nobel de littérature.
discipline particulière et extra-musicale, cipaux exécutants. C’est à l’académie
dant néerlandais de la première ;
Académie des sciences de degli Invaghiti que fut exécuté à Man-
— Académie royale de langue et de soit enfin en devenant essentiellement
l’U. R. S. S.L’Académie des sciences de toue, en 1607, l’Orfeo de Monteverdi.
littérature françaises de Belgique ; musicales. Parmi les académies musi-
Saint-Pétersbourg, fondée en 1725 par
— Koninklijke Vlaamse Academie voor cales, il faut distinguer celles qui eurent La seule ville de Bologne vit naître
Pierre le Grand, prit son titre actuel
Taal- en Letterkunde, pendant néerlan- des préoccupations philosophiques et trois académies : les académies dei
en 1917. Elle compte 142 membres et
dais de la précédente, réservée comme esthétiques, celles qui conservèrent ap- Floridi (1615), fondée par Banchieri,
208 correspondants.
elle aux écrivains et aux philologues. paremment le caractère d’une académie, dei Filomusi (v. 1615) et dei Filaschisi

N. Pevsner, Academies of Art, Past and Pre- mais devinrent souvent des sociétés de (1633). En 1666, V. M. Carrati fonda
Académie des sciences de Berlin.Fon-
sent (Cambridge, 1940). / A. Blanchet, J.-B. Cha- concert ou de théâtre dont la mission la célèbre académie dei Filarmonici,
dée en 1700 par Frédéric Ier, la Société
bot et G. Dupont-Ferrier, les Travaux de l’Aca- était de diffuser des oeuvres lyriques ou dont la renommée s’étendit dans toute
des sciences de Berlin prit en 1743 le
démie des inscriptions et belles-lettres. Histoire
de musique de chambre, enfin celles qui l’Europe. L’activité de cette institution,
titre d’Académie royale des sciences et et inventaire des publications (Klincksieck,
belles-lettres de Prusse. Réorganisée en avaient une vocation didactique et ne qui compta dans ses rangs Arcangelo
1948). / M. Ornstein, The Role of Scientifics
1946, elle devint l’Académie allemande furent en réalité que des établissements Corelli, et plus tard le Père Martini et
Societies in the Seventeenth Century (Londres,

de Berlin ; elle joue un rôle impor- 1963). / P. Gaxotte, l’Académie française (Ha- d’enseignement, dont certains à l’ori- Mozart, se prolongea jusqu’au milieu
tant dans le domaine de la recherche chette, 1965). / Histoire et prestige de l’Aca- gine des conservatoires. du XIXe s.

45
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

The French Academies of the Sixteenth Century


En France, la première académie fut mie des Lyriques, 1707), Lyon (1713), Noverre*, dans ses Lettres sur la danse
(Londres, 1947).
l’Académie de poésie et de musique Marseille (1685), Carpentras (1719), et sur les ballets (1760), envisagea de
(1570-1587), fondée par le poète J. A. Nîmes (1727), Nantes (v. 1728), Cler- lui donner une seconde existence, mais
de Baïf et le musicien Thibaut de Cour- mont-Ferrand (1731), Moulins (1736), ce projet ne put être réalisé.
ville. Cette compagnie, qui s’inspirait H. H.
Caen, Nancy, Dijon, Toulouse, Mont-
de l’idéal platonicien — dont l’écrivain
Académie royale
pellier, Aix-en-Provence, etc. La Révo-
humaniste Pontus de Tyard s’était fait,
lution sonna le glas de ces institutions, de danse
après Ficin, le théoricien —, vit se dé-
autour desquelles s’était concentrée
rouler, avec la collaboration des musi-
Institution française fondée par Académie royale
depuis deux siècles la vie musicale de
ciens Costeley, Mauduit, Cl. Le Jeune,
les expériences, sans lendemain, de la nation. De nos jours, l’Académie des
Louis XIV en 1661. de peinture et
La danse* et les ballets* connais-
« musique mesurée à l’antique ». L’aca- beaux-arts, fondée en remplacement de de sculpture,
saient une vogue extraordinaire vers le
démie de Baïf, née après la Réforme et l’Académie de peinture et de sculpture,

la Contre-Réforme, alors que le climat est une des « classes » de l’Institut. Elle
milieu du XVIIe s. Dames et seigneurs de Académie royale
la Cour se passionnaient pour la danse,
spirituel de l’Europe s’était modifié et comporte une section musicale, compo-
mais cet engouement n’impliquait pas
d’architecture
que la liberté et l’universalisme de la sée de six compositeurs français, de six
forcément des dons requis pour paraître,
haute Renaissance avaient disparu, re- compositeurs étrangers et des membres Institutions de la France classique. Par
aux côtés du roi, danseur de talent, dans
fléta dans sa conception même une sen- correspondants. Des « prix de Rome » un mouvement spontané, qui correspon-
les ballets montés à grands frais, dans un
sible évolution par rapport à ses aînées. dait aux vues du pouvoir, les artistes de
sont décernés chaque année dans les dif- luxe inouï de décors et de costumes. Pas
À l’encontre des académies de l’Italie la Cour se groupèrent en académies :
férentes sections. et figures, transmis oralement, couraient
et de l’Allemagne, dépendantes de pe- Académie royale de peinture et de
Dans les autres pays, de nombreuses le risque d’être déformés, et la danse de
tites cours princières, elle se donna des sculpture dès 1648, fondatrice en 1666
relations font état, dès le début du s’appauvrir. Louis XIV voulut « rétablir
règles de conduite précises, ainsi qu’en de l’Académie de France à Rome ; Aca-
[la danse] dans sa perfection et l’aug-
témoignent ses statuts promulgués par XVIIe s., de cercles restreints qui grou- démie royale d’architecture à partir de
menter autant que faire se pourra ». De
le roi Charles IX, et fut en quelque sorte paient un peu partout, autour de la poé- 1671.
cette nécessité et du désir royal naquit
un organisme d’État. Composée de pro- sie, de la musique et de la culture en
l’Académie royale de danse (1661),
fessionnels et d’amateurs, elle n’était général, des savants et des chercheurs
dont les lettres patentes furent enregis- L’Académie royale de
ni purement littéraire ni exclusivement autodidactes. En Allemagne, il fallut peinture et de sculpture :
trées au parlement le 30 mars 1662. Le
musicale. Elle disposait d’une salle
attendre la fondation de la Societät der une fondation difficile
fait que cette académie était fondée tout
de concerts. Au XVIIe s., son souvenir
musicalischen Wissenschaften (1738) au début du règne de Louis XIV et avant
devait créer une certaine émulation. À Les peintres et les sculpteurs, en 1648,
à Leipzig pour voir s’officialiser la la création des Académies des inscrip-
Paris, l’Académie royale de musique, étaient soumis à la tyrannie de la maî-
culture musicale dans un esprit large, tions (1663), des sciences (1666), de
créée en 1669, ne fut qu’une imitation trise. Cette institution était encore régie
sous la direction de J. S. Bach, Hän- musique (1669) témoigne de la faveur
des théâtres italiens. Dirigée par Lully par les règlements de 1391, qui mainte-
del, Telemann et Stölzel. Goethe, qui dont jouissait la danse à cette époque.
de 1672 à 1687, elle eut pour charge naient ces arts au rang d’artisanat, tout
de représenter des opéras en langue donnait à la musique la place accordée L’Académie royale de danse était en faisant subir aux artistes contrôles
française. Elle survécut à la Révolu- par Platon dans la culture de la jeu- composée de treize maîtres à danser les et taxes. Ces pratiques étaient d’autant
tion et devint, sous le nom d’Académie nesse, imposa son étude en 1803 dans « plus expérimentés dudit art », parmi plus mal tolérées qu’y échappaient prati-
nationale de musique, l’actuel théâtre les travaux de l’Akademie der Künste. lesquels Henri Prévost, premier maître quement les « privilégiés », c’est-à-dire
de l’Opéra. En province, par contre, En Angleterre, l’Academy of Ancient à danser de Louis XIV, Jean Renaut (ou les peintres de la Cour. Enhardie par le
les académies, fondées par des aris- Renaud), maître à danser du Dauphin, climat de la Fronde, la maîtrise présenta
Music (1710-1792) fut essentiellement
tocrates ou des bourgeois, reflétèrent Guillaume Raynal (ou Reynal), maître à une requête destinée à limiter le nombre
une société de concert. De nos jours, s’il
assez bien l’ambiance sociale de l’An- danser de Monsieur, et Galand du Désert de ces privilégiés. C’est d’abord pour
existe encore des académies de carac-
cien Régime. Elles héritèrent parfois de (ou Galant des Airs), maître à danser de répondre à cette offensive que quelques
tère plus théorique que pratique (Aca-
quelques coutumes anciennes inspirées la reine. Charles Louis Beauchamp, qui artistes formèrent le projet d’une aca-
démie royale suédoise de musique de
de Baïf, mais, dans l’ensemble, elles demeura le maître à danser du roi pen- démie.
Stockholm), la plupart sont devenues
furent surtout des sociétés de concert, dant vingt ans, devenait surintendant Les peintres Justus Van Egmont
uniquement des sociétés de concert ou des Ballets du roi, puis maître de ballet
auxquelles le roi accordait parfois des (1601-1674) et Michel Ier Corneille
lettres patentes ou qui étaient subven- de théâtre (Academy of Music de New à l’Académie royale de musique et de (1601-1664), le sculpteur Jacques Sara-
tionnées par le Conseil de la Ville. Elles York) ou des conservatoires (Akademie danse, lorsqu’elle prit cette dénomina- zin* et l’amateur Martin de Charmoys
se distinguaient, comme en Italie, de für Musik und darstellende Kunst de tion en 1671. Les académiciens prodi- élaborèrent les statuts : les membres de
nos modernes associations par le fait Vienne, Staatliche Akademie der Ton- guaient leurs leçons, sans lettres de maî- ladite Académie seraient choisis parmi
que leurs membres prenaient une part kunst de Munich, Akademie für Kir- trise, à tous ceux qui les sollicitaient ; les artistes « continuellement occupez
active aux exécutions. Elles avaient le ils tinrent leurs premières assises au au service de Sa Majesté » et s’enga-
chen- und Schulmusik de Berlin, Royal
mérite de fournir, alors que les concerts cabaret de l’Épée de bois, proche de la geraient à donner des leçons publiques
Academy of Music de Londres). Ce ne
publics n’existaient pas, les moyens de rue Quincampoix, où bientôt les nobles de dessin. Le Brun* présenta les sta-
sont plus des cercles de dilettantes. Des
jouer et de faire entendre de la musique. buts de l’Académie s’estompèrent. Nan- tuts au chancelier Séguier, enchanté
salles de concert portent parfois le nom
Ces académies, que l’on appellerait tis de privilèges importants (exemption d’arracher au parlement une partie de
d’académie (Singakademie de Vienne
plutôt aujourd’hui « foyers culturels », de garde, de taille, de tutelle et de guet), son autorité sur les artistes. Le peintre
et de Berlin). Des académies étrangères,
contribuèrent grandement à l’exten- les académiciens étaient plus préoccu- Henri Testelin fut nommé secrétaire
institutions d’État, ont aussi des sec- pés de leurs intérêts personnels que de
sion de la culture musicale. Au XVIIe et (1650). Au début, l’Académie connut
au s., un grand nombre de villes tions musicales (Académie royale de ceux de la danse. L’Académie devint
XVIIIe des difficultés : création par la maîtrise
possédèrent leurs académies : Amiens Bruxelles). rapidement une association très fermée. d’une école concurrente sous l’autorité
(académie de Sainte-Cécile, 1625), A. V. Elle ne joua pas le rôle qui lui avait été de Simon Vouet*, escarmouches entre
Troyes (1647), Orléans (1670), Stras- M. Brenet, les Concerts en France sous l’An- assigné, végéta pendant plus d’un siècle les amis de Mazarin et ceux du chan-
bourg (1687-1698), Bordeaux (acadé- cien Régime (Fischbacher, 1900). / F. A. Yates, et cessa totalement d’exister en 1780. celier. La maîtrise, qui avait fini par

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

accepter de siéger sous la présidence présenté un « morceau de réception », d’histoire. Cette primauté, qui, politi- dessins d’antiques, fut notamment logée
du chef de l’Académie, fut expulsée en dont le sujet lui-même était imposé par quement, s’explique sans peine, était au palais Capranica, puis au palais Man-
1655 de façon à peine voilée. L’Acadé- le directeur : pour les peintres, il s’agis- fondée esthétiquement sur celle du des- cini. Ce n’est qu’à partir de 1803 qu’elle
mie s’installa aux Galeries du Louvre et sait d’un tableau d’histoire, genre noble sin par rapport à la couleur. Si les parti- occupa la Villa Médicis. Dès sa création
devint très vite une institution hiérarchi- par excellence. sans du dessin semblèrent l’emporter, à se posèrent des problèmes de recrute-
sée. Elle était composée comme suit : Parachevant cette organisation des la suite de discussions parfois violentes, ment ; celui-ci paraît avoir été fait de
protecteur, Mazarin ; vice-protecteur, le beaux-arts par l’État, l’Académie royale c’est qu’ils comptaient Le Brun parmi façon fantaisiste, et cette situation ne
chancelier Séguier ; directeur, l’inten- d’architecture fut créée en 1671. Le di- les leurs ; celui-ci imposait son point s’améliora guère que dans la seconde
dant Antoine Ratabon ; chancelier, Le recteur en fut François Blondel (1618- de vue avec la tyrannie qu’autorisait sa moitié du XVIIIe s. (Hubert Robert*, Fra-
Brun ; recteurs, par quartiers, Sarazin, 1686), auteur d’un plan de Paris, d’un toute-puissance. La peinture d’histoire gonard*, Joseph Marie Vien et David*
Le Brun, les peintres Sébastien Bour- Cours d’architecture publié en 1675 et elle-même fournissait matière à dis- furent parmi les lauréats). Cette amélio-
don* et Charles Errard (v. 1606-1689) ; de nouveau en 1698, et constructeur de cussions : dans quelle mesure pouvait- ration coïncida d’ailleurs avec l’assou-
professeurs, par mensualités, Philippe la porte Saint-Denis à Paris. on y sacrifier au pittoresque, et Pous- plissement des règlements : on permit
de Champaigne*, Henri Testelin (1616- sin avait-il eu raison de supprimer les enfin aux élèves de travailler pour des

1695), Claude Vignon*, le sculpteur chameaux qui, selon la Bible, auraient particuliers. Ce n’est donc qu’assez tar-
L’enseignement de
Gilles Guérin (1606-1678) et, plus dû se trouver dans son tableau Eliézer divement que l’Académie de France à
l’Académie
tard, Michel II Corneille (1642-1708), et Rébecca ? Or l’attitude de Poussin Rome dépassa son premier but utilitaire
et la formation
Charles François Poërson (1653-1725). à l’égard des Anciens était elle-même et contribua à la formation d’un style
du style classique nouveau, le néo-classicisme*, lorsque
pleine de révérence. Ses efforts étaient
À partir de 1657, de nouvelles ad-
À peine constituée, l’Académie ouvrait conduits par le souci de parvenir au ni- ses élèves purent travailler d’après les
hésions furent accueillies : celles des
son École du modèle. De nombreux trai- veau de leur idéal esthétique. Le graveur découvertes d’Herculanum et de Pom-
sculpteurs Gaspard Marsy (v. 1625-
tés résument l’enseignement qui y était Jean Pesne (1623-1700) est l’auteur péi.
1681), François Girardon (1628-1715),
donné : le graveur Sébastien Le Clerc d’un Livre pour apprendre à dessiner
Thomas Regnaudin (1622-1706), qui
furent les auteurs, entre autres, des sta-
(1637-1714) a laissé ses Principes du avec les proportions des parties qui L’architecture
dessin, dont les figures étudient avec ont été choisies dans les ouvrages de
tues du parc de Versailles*. Une pre- Dans ce domaine aussi, l’Académie
une grande précision les différentes Nicolas Poussin. Celui-ci s’était servi
mière querelle idéologique agita les royale dispensait un enseignement qui
parties du corps humain, d’abord « au auparavant des proportions des statues
réunions de l’Assemblée. Le graveur mêlait leçons techniques et recherches
trait », puis ombrées. Le travail ne se antiques comme normes. On comprend
Abraham Bosse* voulant faire passer théoriques. Indépendamment de l’archi-
limitait pas à la simple recherche de la d’autant mieux la fondation de l’Acadé-
pour doctrine officielle les idées sur la tecture proprement dite, on enseignait
précision anatomique ; Sébastien Le mie de France à Rome.
perspective d’un mathématicien de ses aux élèves la géométrie, l’arithmétique,
Clerc est aussi l’auteur des Caractères
amis, le conflit se solda par son exclu- la mécanique, l’hydraulique, la pers-
des passions, gravés sur les dessins L’Académie de France
sion : ainsi l’indépendance de jugement pective, que l’on appelait gnomonique.
de l’illustre Mons.r Le Brun, où sont
était-elle sévèrement punie à l’Acadé- à Rome Quant à l’enseignement théorique, sa
étudiés, avec la même minutie que les
mie. teneur peut être devinée au seul énoncé
nez, oreilles, jambes d’anges volant..., Fondée en 1666 par les soins de Col-
En 1663, après beaucoup d’intrigues, des buts de l’Académie royale d’archi-
« l’étonnement simple, l’étonnement bert, elle avait pour but de permettre
Le Brun fut nommé chancelier à vie. Le aux artistes de se « former le goût et la tecture : « Travailler au rétablissement
avec frayeur, la colère mêlée de crainte,
secrétaire Testelin conçut l’habile projet de la belle architecture. » On y consi-
la colère mêlée de rage », etc. manière ». L’Académie royale récom-
de transformer l’« École du modèle » pensait par un séjour à Rome les artistes dérait comme le grand maître Vitruve*,
On aborde ici un autre aspect de
(qui permettait aux élèves de travailler (peintres et sculpteurs d’abord, archi- qu’on connaissait surtout à travers les
l’enseignement académique, l’aspect
d’après le modèle vivant), en y don- architectes italiens de la fin de la Renais-
tectes, graveurs et musiciens plus tard)
théorique (v. académisme), dont la dis-
nant une formation aux jeunes peintres qui avaient obtenu le prix de Rome. sance : Vignola*, Palladio* et Vincenzo
cussion au cours des séances hebdoma-
et sculpteurs dont auraient besoin les Scamozzi. La beauté d’un monument
Le sujet, imposé par l’Académie, était
daires montre combien a évolué l’idée
Bâtiments du roi. De cette manière, pouvait être appréciée dans la mesure
évidemment tiré de l’histoire. Arrivés
que l’artiste se faisait de lui-même.
l’Académie confisquait ainsi à son pro- où l’on se conformait à l’emploi des
à Rome, les lauréats ne disposaient pas
Comme les artistes de la Renaissance
fit l’enseignement artistique, obligeant ordres*, emploi rigoureux, puisque le
de leur temps comme ils l’entendaient :
italienne, les académiciens voulaient
les artistes du roi à être de ses membres. parti choisi par Claude Perrault* pour
interdiction leur était faite de travail-
définir les principes du Beau. Regrou-
Colbert, surintendant des Bâtiments en la colonnade du Louvre fut sévèrement
ler pour des particuliers ; ils devaient
pés par Testelin en « tables de pré- critiqué, en ce qu’il comportait des co-
1664, avait dès lors à sa disposition un copier les antiques non seulement pour
ceptes », ces principes commandèrent
corps dans lequel il pouvait trouver de lonnes couplées. Le projet fut cependant
leur édification personnelle, mais pour
le mode d’expression qui devint le style accepté, et cela laisse supposer que les
dociles serviteurs, dont la relève était, fournir des moulages propres à orner les
classique (v. classicisme). Remarquable grands architectes que compta l’Acadé-
de surcroît, assurée par la fonction pé- résidences royales ou à inspirer les déco-
est l’humilité des académiciens, qui ne
mie ne se soumettaient pas aveuglément
dagogique de l’Académie. rateurs. On copiait non seulement les an-
prétendaient pas les avoir découverts, aux principes. Son directeur, François
Bien que sa vocation soit plus litté- tiques, mais aussi Raphaël, dont l’École
mais croyaient les tirer de l’examen des
Blondel, s’élevait contre ceux qui qua-
raire, il convient de signaler ici la fonda- d’Athènes fournit des cartons pour les
oeuvres antiques et des toiles de Pous-
lifiaient de « gothique » tout ce que l’on
tion, en 1663, de la « Petite Académie », Gobelins. Dès les débuts de l’institution,
sin*. C’est sans doute à celui-ci que pouvait introduire de nouveau dans l’ar-
ancêtre de l’Académie des inscriptions il semble que les pensionnaires se soient
l’on doit le goût pour les classifications
chitecture.
et belles-lettres. Son rôle consistait à re- rebellés contre cette sujétion — il leur
psychologiques. Ainsi, son tableau la
chercher dans la mythologie ou l’histoire était même interdit de voyager — et que
Manne fut-il l’objet de commentaires
Colbert se soit rendu compte du danger Les Salons
ancienne les hauts faits qui pouvaient interminables et admiratifs : ce sujet
servir d’allégorie à la gloire du roi, ses qu’il y avait à brider ainsi l’initiative
lui avait plu parce qu’il lui permettait La grande période des académies en
découvertes étant mises en oeuvre par personnelle.
de peindre « la faim, la joie, le respect, France correspond aux années brillantes
les membres de l’Académie de peinture l’admiration ». L’admiration vouée L’Académie de France à Rome, qui du règne de Louis XIV et à la puis-
et de sculpture. Limitée à quatre-vingt- à Poussin ne pouvait que renforcer la eut pour premier directeur Charles Er- sance de Le Brun, qui mourut en 1690.
dix membres au maximum, elle ne rece- confiance dans la hiérarchie des genres, rard, peintre et architecte ayant passé sa L’importance en est due à la conjonc-
vait définitivement que ceux qui avaient qui mettait au premier rang la peinture jeunesse à Rome et fait d’innombrables tion exceptionnelle de fortes personna-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

lités artistiques, d’une volonté politique étouffant la spontanéité et méconnais- l’artiste) et, d’autre part, l’enseignement cela vient de ce que, pour des raisons
et des grandes possibilités financières sant la véritable richesse artistique au donné au sein des corporations fussent de convenances, l’enseignement aca-
ouvertes par les chantiers royaux. Les nom de conventions. Il s’y ajoutait une jugés insuffisants pour que fût rendu démique, aux XVIIIe et XIXe s. surtout,
efforts étaient orientés vers la recherche suspicion d’hypocrisie à l’égard des possible l’essor des académies. La redé- remplaça l’étude du modèle vivant par
du « grand goût », sujet principal des artistes qui se soumettaient auxdites couverte de l’Antiquité fut un moteur celle des « plâtres ». Mais d’une façon
discussions académiques. Il s’ensuivit conventions par intérêt ou ambition. puissant de ces transformations. générale les académies, par la variété
un incontestable progrès dans l’ensei- des modèles proposés — antiques ou
Il s’en faut que le reproche d’aca-
gnement artistique, beaucoup plus scien- démisme soit réservé à la peinture L’enseignement maîtres de la Renaissance —, par la
tifique et varié que dans les anciennes confrontation des personnalités et des
officielle du second Empire, et l’exten- académique
maîtrises. Une autre conséquence, expériences, souvent exprimée dans des
sion du terme permet de l’appliquer à
La nouvelle forme donnée à l’enseigne-
regrettable celle-là, fut de concentrer à séances de discussion régulières, consti-
des époques différentes. Cependant, si
Paris l’activité artistique, tendance que ment des beaux-arts dans les académies
l’académisme est discrédité de nos jours tuaient des milieux infiniment plus
les expositions* des Salons ne firent présentait de nombreux avantages par
— comme un de ses symboles les plus riches que les anciennes corporations.
rapport à celui que recevaient les élèves
que renforcer. Ces Salons, organisés par connus, le prix de Rome —, il faut se
l’Académie à partir de 1667 et de façon des anciennes maîtrises. Ceux-ci tra-
souvenir qu’il a été l’une des formes Théories des arts et
régulière après 1737, furent le principal vaillaient essentiellement d’après les
d’expression les plus hautes de l’huma- premières académies
événement de la vie artistique. Réservés oeuvres d’un seul maître, oeuvres qu’ils
nisme de la Renaissance ; la pensée de
aux académiciens, sélectionnés à par- étaient admis à terminer lorsque leur ha- Ce modèle d’enseignement artistique
L. B. Alberti*, de Léonard* de Vinci
tir de 1748 par un jury d’admission, ils bileté était jugée suffisante. De plus, ils adopté dans l’Europe entière du XVIe au
et de Michel-Ange* s’est révélée suffi-
reçurent des milliers de visiteurs. Leur étaient d’un statut social proche de celui XIXe s., sous des formes assez peu diffé-
samment riche de prolongements pour
grand défaut fut de trop favoriser la de l’apprenti et donc peu enviable par rentes, s’explique par la fidélité des mi-
alimenter plus de trois siècles de dis-
peinture d’histoire, genre que seuls les le nombre de besognes matérielles que lieux artistiques à certaines idées. On les
cussions.
plus grands maîtres pratiquèrent avec cela comportait. Or, si le travail manuel trouve en germe chez Alberti : sa haute
honneur. Mais ils constituèrent le terrain était méprisé au Moyen Âge, il ne l’était conception du rôle de l’artiste ; le devoir
Les fondements pas moins à la Renaissance, et le pro- qu’il lui fait d’accroître ses connais-
d’essai de la critique d’art, celle de Dide-
rot*, qui, l’un des premiers, écrivit que
de l’académisme gramme « scientifique » des académies sances en de nombreux domaines, allant
la beauté artistique ne pouvait dépendre permettait de montrer combien l’artiste des mathématiques à la poésie en pas-
Il semble que l’académisme soit né du
de la fidélité aux théories. Supprimée par besoin éprouvé par les artistes de se faire se distinguait de l’artisan. sant par l’anatomie ; sa philosophie de
la Révolution, l’Académie fut rétablie en reconnaître : ils voulaient que l’on dis- L’étude d’après nature comportait l’art, fondée sur une confiance dans la
1795 dans le cadre de l’Institut, mais elle tinguât leur forme de travail des « arts avant tout celle du corps humain. La beauté de la nature, qu’il faut imiter en
devint alors le refuge du conservatisme. méchaniques ». Or, les métiers étant re- science anatomique étant encore à ses en reproduisant les formes les plus satis-
E. P. groupés en corporations, indispensables débuts, l’artiste qui désirait en avoir faisantes, en en faisant une synthèse qui
Académisme. dans la société médiévale pour assurer d’exactes notions se devait de pratiquer ressemble à une moyenne arithmétique.

leur défense, les arts avec lesquels ils se lui-même la dissection, ce que Michel- Ces idées servirent de base à la majeure
A. Fontaine, les Doctrines d’art en France

(Laurens, 1909). / R. A. Weigert, le Style confondaient l’étaient aussi. Et il fallut Ange fit souvent ; on a pu dire que Léo- partie des discussions académiques.
Louis XIV (Larousse, 1941). / B. Teyssèdre,
attendre l’âge de l’individualisme, c’est- nard était en avance d’un demi-siècle au Pour Alberti encore, la valeur descrip-
Roger de Piles et les débats sur le coloris au
à-dire la Renaissance, pour voir les ar- moins sur le corps médical quant aux tive des arts plastiques doit égaler celle
siècle de Louis XIV (Bibl. des arts, 1965) ; l’Art au
siècle de Louis XIV (« le Livre de poche », 1967). tistes commencer à secouer la tutelle des connaissances anatomiques. Suivant la de la littérature, ce qui justifiera la pré-
corporations. Cela se fit dès le milieu du manière de considérer l’imitation de la dominance du dessin sur les autres élé-
XVIe s. en Italie, plus tard en France — nature, l’étude du corps humain repré- ments de l’oeuvre d’art.

où la scission se produisit en 1648 — et sentait la recherche de la beauté en soi Liées au courant maniériste, les pre-
académisme dans le reste de l’Europe. Les artistes, ne ou seulement une façon de mémoriser mières académies virent le jour dans la
pouvant rester isolés dans les sociétés ses différentes parties, afin de pouvoir seconde moitié du XVIe s. À Florence, en
Ensemble des théories et des doctrines d’alors, se regroupèrent en académies. dessiner ensuite n’importe quelle atti- 1563, le peintre Giorgio Vasari* fonda
qui sont enseignées ou élaborées par les La France offre l’exemple d’un pays où tude. Par ailleurs, l’exploration de la la première, appelée Accademia delle
académies. ce regroupement ne put se faire qu’avec perspective linéaire a véritablement ob- arti del disegno. En fait, la conception
l’aide du pouvoir politique, alors qu’en nubilé les artistes de la première Renais- que Vasari avait du dessin était sans
Le terme revêt de nos jours une ac-
Italie une corporation, la Gilde de Saint- sance. Innombrables sont les documents doute différente de celle de ses grands
ception le plus souvent péjorative. On
Luc, se changeait d’elle-même en aca- figurés qui représentent des systèmes prédécesseurs Alberti, Léonard de Vinci
en use pour qualifier une oeuvre ou une
démie. de quadrillage artificiel de l’espace ou Michel-Ange. Pour lui, dessiner
forme d’art qui manque d’originalité
Pour que la noblesse des arts fût re- permettant de respecter les proportions signifiait surtout être capable d’inven-
et cherche à satisfaire aux normes offi-
connue, il fallait que les artistes puissent des objets dessinés. Le goût pour les ter des scènes riches de connaissances
cielles au détriment de l’imagination.
connaissances mathématiques corres- mythologiques, d’allégories compli-
Le terme même d’académisme apparaît appuyer leurs revendications sur une
théorie de l’art, considéré comme phé- pond à cette nécessité de se référer à quées. Son talent dans ce domaine ser-
au XIXe s., mais sa signification péjora-
nomène universel. Des idées nées des des « règles certaines », même dans le vit souvent à la glorification alambiquée
tive date surtout du XXe. La cause en est
discussions académiques se dégagèrent domaine des arts. du pouvoir, par d’ingénieuses figures
sans doute la profonde cassure qui se
produisit, au second Empire, entre les la critique d’art et l’esthétique à la fin On voit que l’enseignement acadé- costumées pour les fêtes et mascarades
personnalités officielles du monde artis- du XVIIIe s. Placer l’art à un si haut ni- mique était surtout un enseignement du de la cour des Médicis. La rapidité, l’ai-
tique et ceux que l’on nomma plus tard veau supposait également des exigences dessin, les problèmes posés par la repré- sance apparente de l’exécution, ce qu’il
les impressionnistes. Cet hiatus ayant scientifiques et techniques. L’acadé- sentation des couleurs passant à l’ar- appelle la « grazia », lui semblaient des
eu lieu à une époque où la presse rensei- misme fut donc la source d’un renouvel- rière-plan, jusqu’à la fameuse querelle qualités fondamentales ; Vasari criti-
gnait rapidement, le mot académisme lement de la pédagogie des arts, fondé du dessin et de la couleur qui occupa les quait sévèrement un peintre comme
devint à peu près synonyme de confor- en grande partie sur l’étude d’après na- séances de l’Académie royale à Paris Paolo Uccello* pour son application
misme. En même temps fut accréditée ture. Il fallut que, d’une part, l’explica- pendant le dernier quart du XVIIe s. On a trop apparente à traiter la perspective
l’idée que tout académisme, en soi, tion scolastique de la création artistique qualifié d’« académisme » une certaine linéaire. Comme Alberti, il pensait que
était porteur de dégénérescence, comme (l’art est le reflet de Dieu dans l’âme de sécheresse dans l’exécution du dessin : l’exemple de la Grèce et de Rome était

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

c’est-à-dire Michel-Ange pour son éner- une issue au maniérisme.


gie, Raphaël pour la justesse des propor-
Giovanni Francesco Barbieri, dit en
tions et l’harmonie de la composition, franç. le Guerchin (Cento, près de Bo-
les Vénitiens, Titien* surtout, pour la logne, 1591 - Bologne 1666), travailla à
science des ombres et des lumières, et Bologne avec Ludovico Carracci, puis
enfin le Corrège* pour la grâce aristo- à Venise, où il s’initia aux problèmes de

cratique due à la pureté de son colo- la couleur, ce qui explique son premier
style luministe. Appelé à Rome par le
ris. Les Carrache fondèrent à Bologne
pape Grégoire XV Ludovisi, il peignit
l’académie « degli Incamminati » en
pour celui-ci la célèbre fresque l’Au-
1585. Leur objectif était une transposi-
rore (1621), dans un style presque ba-
tion de la Renaissance et de ses ensei- roque, bien différent de celui du Guide
gnements dans le monde moderne, et qui avait traité le même sujet. Mais,
non pas une fidélité archéologique aux après la mort de ce dernier, le Guer-
maîtres du passé. Concurremment avec chin en recueillit le goût classique, déjà
celle du Caravage*, leur influence do- sensible dans une oeuvre plus ancienne,

mine toute l’évolution de la peinture du Et in Arcadia ego, qui inspira les Bergers
d’Arcadie de Poussin.
XVIIe s. Dans l’éclectisme qu’ils conseil-
lèrent à leurs disciples, il ne faut pas voir
une faiblesse de jugement qui permet de
L’académisme en France
tout accepter, mais plutôt le signe d’une
Poussin est l’intermédiaire par lequel
vitalité qui leur a permis d’accueillir des
expériences variées. Parmi les disciples les idées des disciples des Carrache et
leur peinture contribuèrent à former le
de cette doctrine, les plus importants
goût français du XVIIe s. C’est en France
montrèrent que l’influence de l’acadé-
que la forme académique trouva son
mie bolonaise pouvait mener jusqu’au
expression la plus achevée grâce à un
réalisme.
roi passionné pour la grandeur de son
décor. Les exigences scientifiques réap-
Guido Reni, dit en franç. le Guide
parurent, aussi rigoureuses que dans les
(Bologne 1575 - id. 1642), fréquenta
traités d’Alberti. L’importance primor-
l’académie des Carrache, puis séjour-
diale du dessin, de la peinture d’his-
na trois ans à Rome (1600-1603). Il
y ressentit très fortement l’influence toire, le besoin de justifier une activité

du Caravage, comme le montre sa artistique par l’obéissance à des « règles


Crucifixion de saint Pierre. De retour à certaines », tirées cette fois non seule-
Bologne, il travailla en collaboration ment de l’examen des antiques et des
avec Ludovico Carracci et ses élèves. chefs-d’oeuvre de la Renaissance, mais
le meilleur que l’on pût suivre, mais il À la fin du XVIe s., on constate une Partageant ensuite son activité entre aussi des oeuvres de Poussin, tels sont
ajoutait à ce culte celui de Michel-Ange extension du phénomène académique Rome et Bologne, il choisit parmi les principaux aspects de la théorie aca-
et de Raphaël*. Il allait même jusqu’à dans toute l’Italie, ne s’accompagnant diverses influences la voie du classi- démique selon Le Brun*. Certains furent
accorder aux peintres vénitiens une pas forcément d’une identité de concep- cisme, c’est-à-dire Raphaël et les an-
imposés avec tyrannie : c’est le cas de la
tiques. Un tableau comme le Massacre
compétence dans le domaine de la cou- tions. prédominance du dessin sur le coloris.
des Innocents retrouvait l’équilibre
leur. Ce qu’il apporta de plus original Une querelle restée célèbre sur les mé-
D’une façon générale, une vision de des compositions de Raphaël et servit
est peut-être la théorie selon laquelle rites respectifs de la couleur et du dessin
l’art moins moderne que celle des dé- de modèle au classicisme français, de
le dessin « n’est autre chose qu’une éclata en 1672. On en trouve l’écho dans
buts de la Renaissance semble être le
POUSSIN* à INGRES*.
expression visible et une manifestation le Dialogue sur le coloris de Roger de
fait de ces premières académies, peut-
tangible de l’idée qui existe dans notre Domenico Zampieri, dit en franç. le Piles (1673), où la couleur était considé-
être par suite des troubles religieux du
esprit ». Ces remarques sont proches Dominiquin (Bologne 1581 - Naples rée comme seule capable de distinguer la
temps. On ne sait rien de très précis
de celles de Giovanni Paolo Lomazzo 1641), fut un élève de Ludovico Car-
sur une académie artistique qui aurait peinture des autres arts. Il ne fallait pas
racci. Il travailla aussi avec Annibale
(1538-1600), peintre et théoricien mila- craindre de pousser les effets grâce au
été fondée vers 1583 aux Pays-Bas, à
à la décoration de la galerie du palais
nais pour qui cette idée, qu’il nomme clair-obscur. Significatif est le voeu de R.
Haarlem, sous l’autorité de Carel Van Farnèse. Ses fresques inspirèrent pro-
« disegno interno », avait sa source en de Piles que l’on crée, en pendant à celle
Mander (1548-1606), peintre et premier fondément Poussin, qui travailla à
Dieu : on en revenait donc, dans une de Rome, une école académique à Ve-
historien d’art des écoles du Nord. Les l’académie de dessin que le Domini-
certaine mesure, à l’explication scolas- nise, patrie du coloris. L’opposition que
académies, et c’est ce qui importe, ap- quin avait ouverte à Rome. Le Martyre
tique. de saint André (1608), la Vie des saints ces idées suscitèrent prouve que l’esthé-
paraissaient en d’autres pays que l’Italie
À Rome, en 1577, la Gilde de Nil et Barthélemy (1608-1610, abbaye tique était alors profondément liée à la
comme une forme d’organisation sou-
Saint-Luc se transforma en acadé- de Grottaferrata) témoignent de la pro- morale : trop accorder à la couleur équi-
haitable.
mie. Le peintre Federico Zuccari (v. fondeur de la culture classique de leur valait à se laisser éblouir par l’« éclat
auteur, dont le goût pour la mesure et le extérieur » aux dépens du « solide ».
1540-1609), auteur, comme Vasari, de
Le mouvement rythme dans la composition, et la théo-
fresques allégoriques au programme Remarquons aussi que les partisans du
académique rie de l’expression des visages ont été coloris étaient ceux de Rubens et que les
fort compliqué, en fut le président. Sa
en Italie au XVIIe s. caractérisés sous le nom d’idéalisme,
« rubénistes » triomphèrent dans les der-
pensée représente un recul par rapport
terme dont on se sert aussi pour com-
au rationalisme d’Alberti et de Léonard, L’histoire des académies dans l’Italie nières années du siècle au détriment des
menter les oeuvres du Guide. Une oeuvre
du s. est dominée par le rôle des « poussinistes ».
puisqu’il affirme que les mathématiques XVIIe
comme Hercule et Cacus, équilibrant
ne sont pas indispensables au peintre. Carrache* (Carracci). Leur doctrine, le réalisme du paysage et la réflexion Après la mort de Le Brun et dans
Zuccari était membre d’autres acadé- qualifiée d’éclectisme, proposait pour philosophique, aide à comprendre com- les dernières années du règne de
mies, notamment à Pérouse et à Parme. modèles les maîtres romains du dessin, ment l’académisme du XVIIe s. trouva Louis XIV, l’importance de l’Acadé-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

mie alla décroissant ; l’argent manquait sive de la plupart des principes esthé- L’académisme comme théorie de cette province, en y fondant Halifax et
et l’on était fatigué de l’autoritarisme. tiques hérités de la Renaissance, autant l’art semble avoir vécu. Certains des en amenant plusieurs milliers de colons
Mais le rayonnement de l’institution dire une révolution artistique. aspects de l’enseignement académique anglais et allemands.
académique se manifesta d’une autre sont également périmés : l’étude du En 1755, devant l’imminence d’une
Épuisement de la longue et redou-
manière, par la création en province corps humain n’en est plus le centre.
table tradition des grandes scènes my- nouvelle guerre et pour faire place
d’académies artistiques aussi bien que Mais les écoles tendant à donner une
thologiques et historiques ? Excès de la aux immigrants anglais, le gouverneur
scientifiques et littéraires. À l’étran- formation artistique complète, que l’on Charles Lawrence et son Conseil déci-
prééminence du dessin sur un coloris de-
ger, on vit s’ouvrir des académies sur peut qualifier d’humanisme, existent en-
venu délavé ? Sans doute. Des artistes, dèrent d’expulser toute la population
le modèle français : à Berlin en 1696, à core au XXe s. : la tentative du Bauhaus* française, forte alors d’environ 10 000
parfois plus sincères pour eux-mêmes,
Vienne en 1705, à Madrid en 1714. en Allemagne en a été la preuve.
étaient incapables de refuser au public âmes et répartie entre Port-Royal,
E. P.
En France, la première moitié du des sujets convenus pour lesquels s’était le bassin des Mines, le cap Sable et
Académie royale de peinture et de sculpture,
XVIIIe s. fut une époque de tolérance et Beaubassin. Ils firent assembler les ha-
éteinte en eux toute faculté d’invention. Académie royale d’architecture / Classicisme /
d’éclectisme : si l’Italie de la Renais- bitants dans les églises et les forts, et les
L’esprit de recherche était remplacé par Critique d’art et histoire de l’art / Éclectisme /

sance et les Bolonais restaient les Maniérisme. déclarèrent prisonniers ; puis ils les em-
un art d’imitation qui recommandait
grands maîtres, les Flamands avaient A. Blunt, Artistic Theory in Italy 1450-1600 barquèrent sur des navires marchands
l’habileté et conduisait à la spécialisa-
acquis droit de cité. Mais, au milieu du (Londres, 1940 ; 2e éd., 1956 ; trad. fr., la Théo- et les dispersèrent dans les colonies de
tion : un Detaille (1848-1912), peintre rie des arts en Italie, Julliard, 1962). / D. Mahon,
siècle, une réaction se produisit, causée Nouvelle-Angleterre, où ils furent très
de batailles, un Cormon (1845-1924), Studies in Seicento Art and Theory (Londres,
par le retour aux postes clés de fortes 1947). / J. P. Crespelle, les Maîtres de la Belle mal accueillis. Trois ans plus tard, lord
peintre de scènes préhistoriques. Dans
personnalités, comme les directeurs des Époque (Hachette, 1967). Rollo fit évacuer les 3 000 ou 4 000 ha-
les Funérailles de sainte Cécile (1854),
Bâtiments Tournehem et d’Angiviller. bitants de l’île Saint-Jean, comprenant
William Bouguereau (1825-1905)
L’enseignement artistique, redevenu le environ un millier de réfugiés, et les
développait un répertoire de gestes
monopole de l’Académie, multipliait les transporta en France.
et d’attitudes empruntés aux maîtres
exigences archéologiques, ajoutant aux
du passé, sans plan d’ensemble, vraie
Acadie Pendant les années suivantes, des
programmes antérieurs des cours d’his- partis militaires traquèrent les fugitifs
gesticulation figée. Sur les cercles offi-
toire, de littérature antique, d’histoire Ancienne région orientale du Canada cachés dans les bois. On estime que,
ciels régnaient alors Alexandre Cabanel
du costume, dont la fréquentation était français. vers 1760, sur une population de 14 000
(1823-1889), académicien et professeur
obligatoire. De grands efforts furent à 15 000 Acadiens, environ 5 000 à
à l’École des beaux-arts, qui exposa Explorée par Verrazano, qui la
faits pour restaurer la prééminence de 6 000 avaient essaimé dans les colonies
nomma Arcadie, en 1524, l’Acadie fut
au Salon de 1865 (celui de l’Olympia
la peinture d’histoire (on n’hésita pas américaines, d’où quelques centaines
d’abord colonisée par Pierre Du Gua,
de Manet*) une Naissance de Vénus
à modifier les tarifs de façon à favori- réussirent à gagner la Louisiane ; 3 000
sieur de Monts, fondateur de Port-Royal
achetée par l’empereur, Thomas Cou-
ser les grands formats). Imposant à tous ou 4 000 avaient été transportés en
en 1605. Ravagée par Samuel Argall
ture (1815-1879), prix de Rome 1837,
le genre le plus difficile, l’Académie France, où ils végétèrent dans les ports ;
en 1613, elle fut rendue à la France en
célèbre dès 1847 avec les Romains de la
contribua à épuiser les talents et à exal- environ 1 000 demeuraient prisonniers
1632. Le commandeur Isaac de Razilly
décadence, Léon Gérome (1824-1904),
ter la médiocrité, aidée en cela par un dans les forts de Halifax, de Cumber-
y forma alors un établissement stable :
représenté à l’Exposition universelle
enseignement où des maîtres trop nom- land et d’Edwards ; plus de 1 500 étaient
son oeuvre fut continuée par son lieu-
de 1855 par le Siècle d’Auguste et la
breux professaient une doctrine trop morts, noyés en mer ou victimes de la
tenant, Charles de Menou. Reprise par
Naissance du Christ, acquis par l’État.
étroite. C’est la raison pour laquelle Robert Sedgwick en 1654, l’Acadie faim, du froid ou des épidémies ; les
David s’employa à détruire une partie Ernest Meissonier (1815-1891) atteignit
fut restituée par le traité de Breda. Sir autres demeuraient cachés dans les bois
de l’organisation des beaux-arts. Son le sommet de la gloire avec des scènes
Francis Nicholson reprit Port-Royal ou s’étaient retirés vers Québec et les
propre enseignement était sincèrement de genre et des costumes militaires
en 1710, et toute l’Acadie fut cédée à îles Miquelon.
hostile aux conventions, mais, incapable d’un minutieux fini d’exécution. Ainsi,
l’Angleterre au traité d’Utrecht (1713). Après le traité de Paris (1763),
de se passer de théories qu’il ne pouvait l’union s’était faite de l’incompétence
L’occupation anglaise, pendant trente qui céda le Canada à l’Angleterre,
concevoir lui-même, David se rangea de Napoléon III, vague mécène et res-
ans, fut en fait nominale. Une petite les Acadiens demeurés en Nouvelle-
à une conception moralisante de l’art taurateur d’une Cour, et de la médiocrité
garnison occupait Port-Royal, rebaptisé Écosse comme prisonniers de guerre
dangereuse pour des personnalités artis- des artistes en vue, asservis au public
Annapolis Royal, mais la population, de furent employés à des travaux publics,
tiques moins marquées que la sienne. À fortuné qui donnait le ton à la « Fête
quelques milliers d’habitants, demeu- puis graduellement relâchés. D’autres
mesure que se développaient les idées impériale ». L’opinion appréciait des
rait presque entièrement française. Le revinrent du Québec, des États-Unis,
selon lesquelles la beauté artistique ne tableaux plus flatteurs que délectables et
gouvernement de Louis XIV fit ériger la de Miquelon et même de France. Sans
pouvait dépendre du respect de règles ne voyait que le sujet, rassurée par des
forteresse de Louisbourg pour défendre aucun droit reconnu, privés même du
fixes (ce sont les idées de Diderot* en vues banales pourvu qu’elles fussent
l’accès du Canada, mais il tenta vai- droit de propriété, en tant que papistes,
critique d’art et de Kant* en philoso- ressemblantes, jugeant grossier et im-
nement d’attirer les Acadiens en l’île ils travaillèrent comme manoeuvres ou
phie), l’institution académique pouvait moral le réalisme d’un Courbet, toute
Royale. Les gouverneurs de la Nou- s’installèrent dans des endroits reculés.
paraître anachronique. à son admiration pour les nus conster-
velle-Écosse, de leur côté, voulurent Peu à peu ils se regroupèrent sur les
nants d’insignifiance et de vulgarité de exiger de ceux-ci un serment d’allé- rives du golfe, à la baie des Chaleurs,
La décadence Bouguereau. Cet art de parvenus s’est geance absolue, mais n’en purent jamais à la baie Sainte-Marie et dans la région
nourri d’un académisme éculé. obtenir qu’un serment de neutralité. de Memramcouk, où ils obtinrent des
La tradition académique s’est manifes-
tée encore une fois dans un triomphe qui La victoire tardive de l’impression- concessions de terres.
La guerre de la Succession d’Au-
devait mieux la perdre, sous le second nisme fit tourner en ridicule cet acadé- triche, marquée par une première prise Des missionnaires canadiens,
Empire et jusqu’au début du XXe s., misme, si profondément qu’il ne s’en de Louisbourg, par l’expédition d’An- quelques Écossais et Irlandais, et des
époques à partir desquelles la révolution releva pas. Ainsi, Salvador Dalí* peut-il ville et par les incursions françaises, mit prêtres expulsés de France par la Ré-
industrielle créa un fossé entre l’artiste se servir de qualités académiques — la les Acadiens, placés entre les belligé- volution vinrent s’occuper d’eux et
et la société. Dominateur et mou, exclu- précision du dessin, le fini de l’exécu- rants, dans une situation difficile. Le créèrent les premières paroisses. Des
sif et appauvrissant, l’académisme pro- tion — pour mieux faire ressortir l’in- gouverneur anglais Cornwallis, pour as- esprits généreux, comme Thomas Chan-
voqua la révolte de jeunes peintres et, vraisemblance du sujet et en tirer des surer la sécurité de la Nouvelle-Écosse, dler Haliburton et Mgr Walsh, s’intéres-
plus encore, la remise en cause progres- effets surréalistes. entreprit de coloniser effectivement sèrent à leur sort. Un poète américain,

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

H. W. Longfellow, raconta leur histoire tairement les infestations dont ils sont trêmement prurigineuses, qui rappellent nyques, Démodex, Thrombidions, Hydraca-
riens, Halacariens.
dans un poème romancé, Evangéline porteurs. celles de la gale, mais s’en distinguent
(1847). Des écoles, puis un premier col- par l’absence de sillons (trombidiose). Les Acarides (Sarcoptes, Tyroglyphes)
Parmi les Acariens psoriques cuti-
n’ont pas de trachées.
lège (1857) furent fondés, d’où sortirent coles se situent les agents de diverses D’autres larves (Thrombicula delhien-
sis et T. akamushi) sont susceptibles de Les Oribates sont tous libres et phyto-
bientôt une élite instruite, un clergé, gales animales et de la gale humaine,
phages.
des instituteurs, des professionnels, des les Sarcoptes. En fait, chaque variété transmettre le typhus des broussailles,
ou fièvre fluviale du Japon. Les minuscules Tétrapodes, parasites de
députés. Comme ils croissaient rapide- de Sarcopte est responsable d’une gale
végétaux (Eryophyes), n’ont que deux
ment, grâce à une forte natalité, les Aca- spécifique. C’est ainsi que, seul, Sar- Une telle pluralité d’affections, dont
paires de pattes.
diens commencèrent à exercer une in- coptes scabei, en creusant l’épiderme, ils sont responsables, met en évidence le
fluence politique et à revendiquer leurs produit des lésions de la gale* humaine. rôle joué en pathologie humaine par les
droits. De cette époque date ce qu’on Au même groupe appartiennent les Acariens. Elle justifie une prophylaxie Acariens inféodés
a appelé la « Renaissance acadienne ». Démodécidés, dont Demodex folliculo- fondée sur la destruction de ces para-
aux plantes
rum, responsable des comédons sur les sites, dans le cadre général de la lutte
Aujourd’hui, les Acadiens comptent
peaux acnéiques ou séborrhéiques. On menée contre les Arthropodes vecteurs. Les Tétranyques, ou « araignées
environ 350 000 âmes dans les pro-
le trouve dans les glandes sébacées et M. R. rouges », vivent en grand nombre sous
vinces atlantiques du Canada : Nou-
les follicules pileux. les feuilles de certains arbres (tilleuls,
veau-Brunswick (où ils constituent
Les autres Acariens parasites sont pruniers, poiriers, orangers, théiers,
40 p. 100 de la population), Nouvelle- Acariens parasites
vigne) ; leurs piqûres altèrent les tissus
hématophages. Pour la plupart, ils trans-
Écosse, île du Prince-Édouard, Terre- d’animaux
mettent des rickettsioses* exanthéma- végétaux et causent des dégâts impor-
Neuve. Il s’en trouve aussi des groupes
tiques ou non, des fièvres récurrentes à Les Mammifères peuvent héberger des tants ; parfois il tissent un réseau de soie
importants en Louisiane et dans di-
spirochètes, des viroses et provoquent Tiques, qui se gonflent littéralement de dans lequel se déroule le développement.
verses régions du Québec, et quelques-
par eux-mêmes diverses manifestations. leur sang, puis se détachent pour muer Sous l’effet des piqûres de Eryophyes
uns de leurs descendants vivent encore avant de se fixer sur un nouvel hôte. tilioe, les feuilles de tilleul se couvrent de
Les Tiques sont hématophages à tous
en France, où deux colonies avaient été Les Tiques transmettent des maladies galles pointues (acarocécidies), tandis
les stades. Parmi elles, certaines variétés
fondées, à Belle-Île-en-Mer et en Poi- que Eryophyes vitis provoque l’érinose
microbiennes et ne sont pas strictement
d’Ixodidés (Ixodes, Dermacentor rhipi-
tou, pour accueillir les réfugiés. L’Aca- inféodées à une espèce ; Ixodes ricinus de la vigne.
cephalus) sont des commensaux habi-
die et les Acadiens, bien que n’ayant se rencontre sur le chien et divers rumi-
tuels des chiens, aux oreilles desquels
pas d’existence politique comme tels,
elles s’attachent. Ces Tiques, dures et
nants, et peut atteindre l’homme. Acariens libres
forment cependant au Canada une entité
reconnaissables à un écusson dorsal, Beaucoup d’animaux domestiques Si beaucoup d’Acariens se trouvent dans
ethnique particulière, distincte du Qué-
provoquent chez l’homme de pénibles (cheval, bovins, ovins, chat, chien) sont
les feuilles mortes ou dans les mousses,
bec, dont la survie et les progrès, dans
piqûres pouvant suppurer et surtout se affectés par diverses sortes de gales
comme les Oribates, qui jouent un rôle
des circonstances très difficiles, pro-
compliquer d’accidents paralytiques dues à des Sarcoptes ou à des formes
important dans l’évolution biologique
voquent l’admiration.
(paralysie ascendante à Tiques). De voisines (Chorioptes, Psoroptes).
des horizons superficiels des sols de
R. B.
plus, elles peuvent transmettre des mé- Argas reflexus se fixe sur les oiseaux culture, d’autres s’attaquent à diverses
Canada.
ningo-encéphalites, la tularémie et plu- (pigeons, poules) pour se gorger de substances organiques. Ainsi, Tyrogly-
E. Rameau de Saint-Père, Une colonie sieurs rickettsioses : fièvres pourprées sang, puis se détache et peut rester à phus siro (ou ciron, ou mite du fromage)
féodale en Amérique : l’Acadie (1604-1881 ) américaines, fièvre boutonneuse du lit- jeun très longtemps. peut se rencontrer sur des denrées va-
[E. Plon, Nourrit et Cie, 1889 ; 2 vol.]. / E. Lau-
toral méditerranéen, fièvre du Queens-
vrière, la Tragédie d’un peuple (Bossard, 1923 ; Les nymphes de plusieurs espèces riées.
2 vol.). / J. B. Brebner, New England’s Outpost,
land et fièvre à Tiques (tick fever).
de Gamasidés se font transporter par Le Cheylète vit dans les chiffons, les
Acadia before the Conquest of Canada (New Cette dernière maladie est caractéri-
York, 1927). / A. Bernard, Histoire de la survi-
des insectes, comme les Staphylins ; vieux papiers, les fourrures.
sée par une fièvre élevée, une éruption
vance acadienne, 1755-1935 (Montréal, 1935). les larves et, parfois, les adultes de Les Hydrachnes, au corps d’un beau
pétéchiale et une escarre d’inoculation.
/ R. Rumilly, Histoire des Acadiens (Montréal, certains Hydracariens se fixent sur des
Les Argasidés, ou Tiques molles, sont, rouge, de 3 à 4 mm de long, fréquentent
1955). / E. Leblanc, les Acadiens (Montréal,
insectes aquatiques. Acarapis woodi se les eaux douces calmes, tandis que Ha-
1963). elles, dépourvues d’écusson dorsal. Le
développe dans les trachées de l’abeille lacarus, Rhombognathus vivent dans
genre Argas n’est pas pathogène pour
domestique, dont il peut causer la mort les algues du littoral maritime.
l’homme. En revanche, les Ornitho-
(acariose).
dores transmettent des borrelioses, ou On connaît des Acariens caverni-
Acariens fièvres récurrentes. (V. spirochétose.) coles, d’autres vivant dans les eaux ther-
Dans la famille des Gamasidés Classification males ou dans les régions désertiques.

Animaux de petite taille, appartenant à méritent d’être individualisés d’une Connu depuis le Dévonien par une forme En somme, il n’est presque aucun
la classe des Arachnides, à corps géné- part les Dermanysses, déterminant des déjà voisine d’espèces actuelles, l’ordre des biotope qui n’héberge l’un ou l’autre
lésions urticariennes et vecteurs de Acariens comporte 15 000 espèces recen-
ralement globuleux et sans segmentation de ces animaux, doués d’un pouvoir
sées, réparties en 7 sous-ordres et près de
apparente. Les Acariens se rencontrent méningo-encéphalites (encéphalite de d’adaptation exceptionnellement élevé.
200 familles.
dans tous les milieux et ont une biologie Saint-Louis), d’autre part Alloderma-
Les Opilioacariens, primitifs, à abdomen
très variée ; un bon nombre d’entre eux nyssus sanguineus, agent vecteur d’une
segmenté et à huit stigmates, ont été trou- Morphologie et
rickettsiose varicelliforme (Rickettsia
sont parasites de l’homme, des animaux vés en Afrique du Nord, en Asie, en Amé- anatomie des Acariens
pox).
et des végétaux. rique du Sud.
Dans leur aspect, les Acariens sont
Enfin, parmi les Thrombidions, Les Holothyroïdes, des îles du Pacifique,
presque aussi variés que dans leur bio-
seules les larves appelées rougets sont
Acariens parasites ont quatre stigmates et sont relativement
logie.
hématophages et infestantes. La larve de grands.
de l’homme
Thrombicula automnalis (usuellement Les Gamasiformes, à deux stigmates, La taille est toujours faible, et la lon-
Ils figurent parmi les meilleurs vecteurs l’aoûtat) se tient sur les végétaux bas, comprennent les Gamases, les Ixodes (ou gueur dépasse rarement 5 mm ; cepen-
de maladies parasitaires, en raison de à la fin de l’été, et pique aux points de Tiques ou Ricins), les Argas. dant, les Tiques, surtout quand elles
leur longévité, de leur résistance et de frottement des vêtements, déterminant Les Thrombidiiformes, à deux stigmates sont gorgées de sang, ont plus de 1 cm.
leur aptitude à se transmettre hérédi- des lésions vésiculeuses, violacées, ex- antérieurs, sont les plus nombreux : Tétra- Habituellement, le corps est à peine plus

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

long que large, sauf chez les Eryophyes sion, la larve n’a que six pattes et mène faisant diffuser un faisceau laser par un présente une quantité de mouvement p,
et les Démodex, où il est vermiforme. Il parfois un genre de vie assez différent faisceau d’électrons de grande énergie. une masse totale m et une énergie totale
apparaît souvent tout d’une pièce, mais de l’adulte. Puis l’animal passe par les La nature des particules n’est pas ab- E données par les formules
il arrive que des sillons transversaux stades de protonymphe (à huit pattes), solument limitée aux particules élémen-
marquent la limite entre céphalothorax de deutonymphe et de tritonymphe taires, aux noyaux d’atomes ou aux ions
(ou prosoma) et abdomen (ou opistho- avant de devenir adulte. Le passage pris isolément. Un groupe de particules, avec
soma). Par sa forme et par la spéciali- d’un stade au suivant est marqué par une un paquet de plasma (mélange d’ions
sation des chélicères et des pédipalpes, mue, qui comporte non seulement un et d’électrons), par exemple, peut être
la région antérieure du corps montre rejet de la cuticule, mais aussi un rema- accéléré comme une entité distincte.
diverses adaptations au régime ali- niement histologique plus ou moins pro- en posant
Les accélérateurs de particules sont
mentaire : broyage (Oribates), succion fond, avec immobilisation de l’animal.
des instruments spécialement précieux
(Tétranyques), piqûre (Tiques) ; les ché- M. D.
pour l’expérimentation en physique Pour très voisin de 1, l’accélération
licères se terminent en pinces, en stylets E. Brumpt, Précis de parasitologie (Masson,
1927 ; éd. 1949, 2 vol.). / L. Lapeyssonnie,
nucléaire et, à plus haute énergie, en s’effectue à vitesse quasi constante,
ou en harpons. 6e

Éléments d’hygiène et de santé publique sous physique des particules élémentaires : puisque la particule a une vitesse
Il y a, en général, quatre paires de les tropiques (Gauthier-Villars, 1961).
le bombardement d’une cible par les presque égale à c, mais elle se tra-
pattes, parfois deux seulement ; les projectiles sortant de l’accélérateur y duit par un gain d’énergie. On a alors
pattes postérieures jouent fréquemment provoque des réactions qui permettent c’est-à-dire et, en pre-
un rôle dans l’accouplement. d’étudier la structure de la matière à une mière approximation, la quantité de
Les soies qui recouvrent le corps accélérateur échelle des distances correspondant à la mouvement s’exprime par
ont un rôle tactile ; les trichobothries longueur d’onde du projectile, laquelle
de particules
sont sensibles aux vibrations. Quand varie en raison à peu près inverse de
ils existent, les yeux sont simples et au son énergie. Les accélérateurs ont, après 2
Instrument communiquant de l’énergie Pour un électron, est voisin de
m0c
nombre de deux à cinq. Chez les es- 1930, rapidement supplanté les sources
soit à des particules* élémentaires, soit 500 000 eV, alors que, pour un proton,
pèces qui produisent de la soie, comme intenses de radio-éléments pour four-
2
à des atomes ; c’est-à-dire des assem- est voisin de 1 GeV. Ainsi, un
m0c
les Tétranyques, les glandes séricigènes nir les projectiles permettant l’étude
blages de telles particules, plus ou moins électron de quelques mégaélectrons-
débouchent au niveau des pédipalpes. de la matière nucléaire : ils leur étaient
ionisés (v. ions). volts est-il tout à fait relativiste (x est
supérieurs par l’intensité produite, par
Chez beaucoup de formes, la respira-
L’accélérateur proprement dit com- de l’ordre de 10), alors que, pour un
l’énergie atteinte et par la variété des
tion est trachéenne, et le nombre de stig-
porte à l’entrée une source de particules proton de 10 MeV, les corrections rela-
particules accélérables.
mates varie entre une et quatre paires
d’une nature donnée et fournit à la sortie tivistes restent en général négligeables :
selon les groupes ; chez les Acariens Les accélérateurs servent aussi, par
des particules ayant gagné de l’énergie, pour ce proton, l’énergie cinétique
dépourvus de trachées, les échanges se l’intermédiaire des réactions nucléaires, 2
mais n’ayant pas changé de nature (à E – m0c = m0c2x = 10 MeV correspond
font par la peau ou, peut-être, au niveau à la production de radio-éléments arti-
la charge électrique près éventuelle- à une valeur de x voisine de 1 p. 100.
de l’intestin. ficiels utilisés en chimie, en biologie
ment) : ce sont les particules groupées
et en médecine, ainsi que pour des Pour accélérer une particule de charge
Les ganglions nerveux sont conden- le plus souvent en faisceaux primaires.
applications industrielles. D’ailleurs, électrique e, le principe fondamental
sés dans le céphalothorax, ce qui L’impact des faisceaux de particules consiste à la placer dans un champ élec-
les accélérateurs ont eux-mêmes des
masque la métamérisation primitive, primaires fournis par l’accélérateur sur
utilisations industrielles (radiographie trique E ; cette particule est alors sou-
que seule l’étude du développement des cibles convenables peut alors four-
de matériaux, irradiations d’aliments, mise à une force eE qui lui communique
pourrait reconstituer. nir des faisceaux secondaires de par-
production de matériaux polymérisés, l’accélération souhaitée. Si la trajectoire
Signalons enfin l’absence d’intestin ticules de natures différentes. Ainsi on
etc.) ou médicales. Les développements de la particule est colinéaire à la direc-
postérieur et d’anus chez des hémato- qualifiera un accélérateur par la ou les
technologiques mis en oeuvre dans les tion de la force et si celle-ci est d’inten-
phages comme les Ixodes et les Throm- particules qu’il est capable d’accélérer :
accélérateurs les plus perfectionnés sont sité constante, après avoir parcouru une
bidions. il y a des accélérateurs d’électrons*, des
souvent des conséquences de progrès distance L, la particule aura gagné une
accélérateurs de protons*, des accélé-
techniques accomplis dans d’autres énergie cinétique
rateurs d’ions lourds, car, à un instant
Reproduction et domaines : ainsi le développement des Ec = eE L.
donné, l’instrument agit sur des parti-
développement techniques d’hyperfréquences après la Le principe d’accélération le plus
cules d’une nature bien définie, même
mise au point du radar ; en revanche, simple est donc d’appliquer un champ
Les sexes sont séparés, et l’orifice gé- si cet instrument est capable, suivant ce
les recherches accomplies pour perfec- électrique continu tout le long de la tra-
nital se trouve sur la face ventrale de qu’on lui injecte, d’accélérer des élec-
tionner les accélérateurs ont eu maintes jectoire de la particule. Cette méthode
l’abdomen. Dans certains cas, le dimor- trons, ou des protons, ou des noyaux
« retombées » intéressantes sur un plan est mise en pratique dans un grand
phisme sexuel s’exprime par la taille d’hélium, de lithium, d’oxygène et
plus général. nombre d’accélérateurs, essentiellement
plus grande des femelles ou par le déve- même d’uranium.
dans le domaine des énergies assez
loppement plus important des chélicères Un caractère commun à tous les accé-
ou de certaines pattes chez le mâle. La Principes d’accélération basses.
lérateurs actuels est que les particules
fécondation peut être directe, mais elle Une autre méthode est d’induire une
accélérées sont chargées, c’est-à-dire Le but à atteindre est d’augmenter
s’effectue souvent par l’intermédiaire de force électromotrice à l’aide d’une va-
que les forces mises en jeu pour pro- l’énergie de la particule. C’est une no-
spermatophores que le mâle tient dans riation de flux magnétique ; plus rare-
duire l’accélération sont des forces élec- tion plus générale que l’accroissement
ses chélicères ou sur ses pattes et intro- ment employée, elle a cependant joué
tromagnétiques. Cela ne préjuge pas du de sa vitesse. Si, en effet, les vitesses
duit dans l’orifice de la femelle ; parfois un rôle important pour l’accélération
fait que ces particules pourraient éven- et les énergies croissent simultanément
même, le mâle dépose le spermatophore d’électrons.
tuellement être neutralisées ou chan- tant que la particule est dans un domaine
sur le sol, et la femelle se féconde elle- de vitesse très faible devant la vitesse de Les limitations de l’une et l’autre mé-
gées de charge à la sortie de la phase
même. Les spermatozoïdes n’ont pas de thode dans la course vers les énergies
d’accélération. Ainsi, par exemple, il la lumière (c = 300 000 km/s), il n’en
flagelle. La plupart des Acariens sont n’existe pas d’accélérateur de neutrons, est plus de même pour les énergies suffi- élevées ont cependant imposé aux phy-
ovipares. ni d’accélérateur de photons ; on a pu, samment élevées, car il faut alors appli- siciens des solutions originales permet-
Le développement comporte des en revanche, produire l’accélération quer la théorie de la relativité* : une par- tant de gravir par étapes l’échelle des
métamorphoses compliquées. À l’éclo- indirecte d’un faisceau de photons en ticule de masse au repos m0, de vitesse v, énergies. C’est ainsi que nous rencon-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

trerons successivement l’accélération des énergies relativement basses, ac- première fois pour des expériences de Les ions négatifs produits en A

résonnante, puis l’accélération syn- tuellement en dessous de 30 MeV. physique nucléaire, avec des ions hydro- (fig. 2) par une source d’ions au poten-
gène de 600 keV par M. A. Tuve et alii. tiel zéro — ce qui est un des avantages
chrone. Les accélérateurs atteignant les
Multiplicateur de tension
plus grandes énergies sont des accéléra- importants du tandem permettant de
Le potentiel V de l’électrode placée à
Le prototype en est l’accélérateur de changer aisément le type d’ions — sont
teurs synchrones, dont le gigantisme a
la haute tension est donné par V = Q/C,
Cockcroft* et Walton (1930-1934). Il
pu être atténué grâce à la découverte de accélérés par la haute tension positive V
où C est la capacité de cette électrode
met en oeuvre un système de condensa-
la technique de la focalisation par alter- et Q la charge électrique accumulée, jusqu’au point B, où la traversée d’un
teurs qui, par des procédés de charges
nance de gradients de champ magné- l’équilibre étant atteint entre le trans- écran mince de matière (gaz ou solide)
et de décharges successives, permettent
tique ou électrique. port de charges par la courroie et les « épluche » les ions par arrachage
d’obtenir des tensions de plusieurs
centaines de milliers de volts à partir courants de fuite variés, incluant le fais- d’électrons et les transforme en ions
d’une série de différences de potentiel ceau accéléré lui-même. De nombreux positifs de charge Z ; ces ions positifs
Accélération sous
plus faibles. Les divers multiplicateurs progrès techniques ont été peu à peu
une différence bénéficient alors d’une nouvelle accélé-
de tension de Greinacher, Schenkel, accomplis, notamment de placer le dis-
ration due à la haute tension positive V
de potentiel continue positif sous une forte pression de gaz,
Marx, Töpler, Rossing diffèrent par les
jusqu’à l’arrivée au point C, au potentiel
méthodes utilisées pour effectuer les mais aussi de perfectionner la confec-
La méthode la plus naturelle pour zéro, où leur énergie, analysée entre C
interconnexions. Malgré les perfection- tion du tube, ses isolants alternant avec
construire un accélérateur de particules
des bagues métalliques uniformisant le et D, est égale à
nements qui ont pu leur être apportés, les
est d’appliquer une différence de po-
multiplicateurs de tension ne permettent champ électrique, ainsi que la multipli- E = (1 + Z)V. Si Z = 1, E = 2V.
tentiel continue entre deux électrodes, cation des écrans concentriques entou-
pas de dépasser la zone du mégaélec- Une des grandes qualités des accélé-
reliées par un tube où l’on fait régner tron-volt, mais restent très utilisés dans rant la machine, etc.
rateurs Van de Graaff est la précision
un vide poussé. Dans une des électrodes cette zone. Ils servent aussi parfois d’in- Dans les dernières années, le do- avec laquelle l’énergie est définie et
on procède à l’injection des particules à jecteurs pour d’autres accélérateurs. maine des énergies obtenues a atteint
stable : 1/10 000 ; cette énergie est aisé-
accélérer, dans l’autre on recueille les et dépassé 20 MeV grâce à la confec-
ment ajustable et modifiable.
particules accélérées au cours de leur Accélérateurs électrostatiques tion de tubes supportant des différences
Accélérateur Van de Graaff. Le besoin de potentiel supérieures à 10 MV et au
traversée du tube. Parmi les nombreux
de particules accélérées à de fortes éner- procédé de doublement de l’énergie dit Accélération par
systèmes imaginés sur ce principe, deux
gies a donné l’idée à R. J. Van de Graaff « du tandem ». L’accélérateur tandem induction magnétique :
ont eu un succès particulier : le multipli-
d’entreprendre en 1929-30 ses études « MP » (fig. 2), dont le réservoir pressu- le bêtatron
cateur de tension et l’accélérateur élec-
sur le générateur à transport de charges risé est long de 27 m avec un diamètre
trostatique. Leur seule limitation est la par courroie et d’en faire un accéléra- de 8 m, accélère jusqu’à 30 A de pro- La possibilité d’utiliser le champ élec-
tenue des isolants sous les trop hautes teur (fig. 1). C’est en 1933 que ce type tons à une énergie de 15 MeV et 10 A à trique induit par une variation d’un flux

tensions, qui restreint leur application à d’accélérateur fut en fait utilisé pour la l’énergie maximale de 22 MeV. magnétique en fonction du temps a été

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

envisagée dès 1922 par J. Slepian, puis étaient donc des machines d’encombre- décrivant avec la vitesse v des trajec- des protons ou deutons d’une vingtaine
en 1927 par G. Breit et M. A. Tuve. ment modeste. De plus grands bêtatrons toires de rayon R définies par de mégaélectrons-volts.

L’équation de base du mouvement ont atteint et dépassé 100 MeV, mais, La course vers les énergies plus
d’un électron sur une orbite circulaire compte tenu surtout de la nécessité élevées est limitée par les corrections
fixe dans un tel accélérateur a été établie de compenser les pertes d’énergie des est indépendante de v et R tant que relativistes, qui, du fait de la variation
par R. Wideröe dès 1927, mais seuls électrons dues au rayonnement qu’ils les corrections relativistes sont négli- de masse des particules (un proton de
les calculs détaillés de stabilité d’orbite émettent lorsqu’ils parcourent à grande geables, car 20 MeV met 2 p. 100 de temps de plus à
effectués par D. W. Kerst et R. Serber énergie une trajectoire curviligne, ces parcourir son orbite du fait de la correc-
permirent, en 1940, la première mise machines devenaient lourdes et com- tion relativiste), imposent de modifier
en fonctionnement par Kerst de ce type plexes. Les synchrotrons à électrons, C’est la « fréquence cyclotron ». la fréquence en cours d’accélération.
d’accélérateur dénommé bêtatron. décrits plus loin, ont pris le relais dans La solution devait être trouvée grâce au
On dispose deux électrodes creuses,
L’intérêt particulier d’un champ ma- la course vers les 1 000 MeV. principe de l’accélération synchrone
semi-circulaires, face à face, séparées
gnétique est qu’il permet d’avoir pour pour la recherche d’énergies toujours
par un espace dans lequel s’établit un
les électrons des trajectoires en spirale Accélération résonnante plus élevées et par la méthode d’alter-
champ électrique alternatif. Les ions
et même circulaires. Ainsi, l’élec- nance des gradients de champ magné-
défléchis par un champ magnétique
L’accélérateur électrostatique crée en
tron peut-il être accéléré tout au long tique pour focaliser les faisceaux dans
tournent à l’intérieur des électrodes et
d’orbites circulaires, répétées un grand permanence un champ de forces tout le les « cyclotrons relativistes ».
sont accélérés à chaque traversée de
nombre de fois : un grand gain d’énergie long de la trajectoire de la particule à ac-
l’espace intermédiaire pourvu que le
est obtenu sur des dimensions linéaires célérer. Cela exige donc des valeurs de Les accélérateurs linéaires
champ alternatif soit en résonance
assez réduites. potentiel très élevées. C’est G. Ising qui,
De semblables difficultés n’existent pas
avec leur fréquence de rotation.
dès 1924, a eu l’idée de ne recourir qu’à
La trajectoire d’un électron placé pour les accélérateurs linéaires, où les
Comme f ne varie pas avec l’énergie des
des valeurs relativement faibles de dif-
dans un champ magnétique H à symé- particules traversent une suite d’élec-
ions, on peut utiliser un champ alternatif
trie cylindrique et normal au plan de férences de potentiel, en assujettissant trodes tubulaires mises alternativement
de fréquence fixe, égale à f. À chaque
cette trajectoire aura un rayon de cour- la particule à rencontrer cette différence en connexion avec les deux pôles d’une
traversée, l’ion gagne un peu d’énergie
bure R tel que, si p est la quantité de de potentiel un grand nombre de fois au source de radiofréquence. Pour que les
et poursuit une trajectoire semi-circu-
mouvement de l’électron, cours de sa trajectoire. ions restent en résonance, la longueur
laire de rayon un peu augmenté. L’ion a
C’était la première esquisse d’un des électrodes, qui représente la dis-
donc un trajet en spirale jusqu’à l’orbite
accélérateur linéaire à électrons à ondes tance entre les espaces accélérateurs,
de rayon extrême définie par les dimen-
Si le flux magnétique traversant progressives, où le champ accéléra- augmente avec la vitesse des particules.
sions des pièces polaires du cyclotron,
l’orbite varie en un bref instant de , teur se propage de façon à être actif La première tentative d’accélérer ainsi
qui détermine l’énergie maximale à
la force tangentielle agissant sur l’élec- en chaque point de la trajectoire au des ions par D. H. Sloan était limitée
laquelle sortent les particules.
tron, par effet d’induction, est égale à par le manque de sources convenables
moment où la particule s’y présente.
p : Avec un champ magnétique de de puissance HF. Il a fallu les progrès
Elle n’était pas techniquement prati-
10 000 oersteds, le champ alternatif de des techniques d’hyperfréquence liées
cable à l’époque, mais, trois ans plus
radiofréquence créant la différence de à la mise au point du radar pour que le
L’accélération se produira sur une tard, R. Wideröe démontrait la validité
potentiel entre les électrodes a une lon- premier accélérateur linéaire de pro-
orbite circulaire inchangée, R sera une du principe du champ accélérateur ne
gueur d’onde de 20 m. Un cyclotron tons utilisable soit mis en service par
constante si s’établissant qu’au moment où la par-
classique de 1,5 m de diamètre produit Luis W. Alvarez en 1946. Une cavité
ticule traverse un espace accélérateur,
en faisant fonctionner un dispositif
doubleur d’énergie où un oscillateur
radio à la fréquence de 1 MHz produi-
Ainsi, la variation de flux doit être le sait des potentiels alternatifs dans deux
double de la valeur (R2.H) qui serait intervalles successifs d’accélération. La
obtenue avec un champ magnétique uni- condition de résonance était que la dis-
forme. tance entre les deux intervalles soit par-
Donc, dans un bêtatron on produit un courue par la particule dans un temps
fort champ magnétique central à l’aide égal à une période du champ alternatif.
de pièces polaires adéquates (fig. 3).
E. O. Lawrence, après avoir évalué à
Mais il est essentiel de prendre des
plusieurs mètres la longueur d’un accé-
précautions particulières pour que la
lérateur linéaire à protons de 1 MeV, ce
stabilité de l’orbite des électrons, qui
qui paraissait bien trop grand à l’échelle
feront des centaines de milliers, voire
des laboratoires de l’époque, eut l’idée
des millions de tours sur cette orbite,
de faire passer la particule de nom-
reste excellente. La décroissance radiale
breuses fois à travers un petit nombre
du champ magnétique est déterminée
d’espaces accélérateurs, le résultat
en conséquence, ainsi que la méthode
étant obtenu en courbant les trajectoires
d’injection des électrons. Ceux-ci sont
contenus dans une chambre à vide toroï- par un champ magnétique. Le principe

dale. du cyclotron était découvert.

L’efficacité de la méthode est telle


Le cyclotron
qu’avec un champ magnétique de
3 000 oersteds sur la trajectoire de rayon La fréquence f de rotation d’ions de

de 5 cm on peut maintenir des élec- masse m, de charge électrique e, placés


trons de 4 MeV. Les premiers bêtatrons dans un champ magnétique uniforme H,

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

résonnante à 200 MHz était le siège sions de faisceau, à la crête de l’onde, d’électrons de 4,2 MeV dans des impul- Mais ces solutions n’étaient viables
d’ondes stationnaires, appliquant ainsi est très grande ; malheureusement, elle sions de 0,3 microseconde de durée. que si les particules accélérées demeu-
le champ électrique accélérateur entre n’est pas distribuée continûment dans raient sur des orbites stables au cours
les électrodes de longueurs croissantes le temps, ce qui est parfois gênant et a des variations de fréquence et de champ,
L’accélération synchrone
qui servaient en même temps d’écran conduit à essayer d’allonger les impul- de façon que la résonance soit sauve-
Les performances du cyclotron étaient
pour le parcours des particules durant sions et à les multiplier, au prix d’une gardée. Or, les auteurs démontrèrent
considérées comme doublement limitées
les alternances décélératrices. lourdeur croissante de l’appareillage. la propriété de « stabilité de phase »
vers les énergies élevées. Pour les ions de certaines orbites. Soit par exemple
De nombreux accélérateurs linéaires Les deux appareils extrêmes en fonc-
relativement lourds, les variations de une particule se présentant durant une
à protons existent maintenant dans les tionnement sont ainsi :
masse dues aux effets relativistes restent alternance décroissante du champ HF
laboratoires. Certains sont les injec- — l’accélérateur linéaire « monstre » de
négligeables ; l’énergie obtenue par nu- accélérateur ; si elle est déphasée en
teurs d’accélérateurs géants, au niveau 3 km de long de Stanford (États-Unis),
cléon est en général assez faible, mais avance, elle sera accélérée davantage,
de 50 MeV et même de 200 MeV pour qui a le record de l’accélération des
elle croît comme le carré de la charge ce qui diminuera sa vitesse angulaire,
les machines de 200 à 300 GeV en électrons à grande énergie, atteignant
électrique des ions accélérés. Un progrès donc allongera le temps de parcours de
construction. Le dernier-né de la tech- 20 GeV d’énergie et 60 mA de courant
notable résulte donc de l’injection d’ions son orbite et la fera arriver « en retard »
nique est l’accélérateur dont la mise crête (impulsions de durée 1,6 s ; taux
multichargés en dépassant les perfor- au prochain tour, la ramenant ainsi vers
en service est prévue pour 1972 à Los de répétition, 360 par seconde), et de la
mances des meilleures sources d’ions ; la phase d’équilibre. La lente variation
Alamos (États-Unis) : long de près de production de positrons accélérés aux
d’où le succès actuel des combinai- de la fréquence s’accompagnera alors
1 km, il fournira un courant moyen de environs de 10 GeV à partir d’une cible
sons de deux accélérateurs (cyclotrons d’une variation de l’énergie d’équilibre,
1 mA de protons de 800 MeV et ser- bombardée par des électrons de 6 GeV ;
et accélérateur linéaire ou accélérateur selon un comportement analogue à celui
vira notamment de source extrêmement — l’accélérateur linéaire à grande inten-
électrostatique), « l’épluchage » de l’ion d’un moteur synchrone ; d’où le nom
intense de mésons pi, ou pions. D’autres sité de Saclay (France), qui peut accélé-
d’accélération synchrone. Des raison-
machines sont spécialement conçues préaccéléré étant effectué, par exemple,
rer un courant moyen de plus de 500 A
nements analogues sont valables pour
pour l’accélération d’ions lourds. à la traversée d’une feuille mince.
d’électrons, aux environs de 500 MeV, l’accélération avec variation de champ
L’essor très rapide, dès 1946, des ac- distribué dans des impulsions de 10 s Mais c’est surtout le cas des protons
magnétique.
célérateurs linéaires à électrons résulte répétées 1 000 à 2 000 fois par seconde. et des ions légers qui, du fait de la cor-
Les espaces accélérateurs sont en
des travaux accomplis dans plusieurs la- rection relativiste de masse, donc de
Par ailleurs, certaines utilisations (no- général répartis en divers points de l’or-
boratoires, en premier par W. W. Han- l’allongement du temps de parcours
tamment comme sources de neutrons*) bite. Il peut y en avoir, au contraire, un
sen à Stanford et J. C. Slater au M. I. T. d’une orbite, demande une généralisa-
ont, au contraire, conduit à mettre au seul : c’est le cas du microtron, où les
(Cambridge), aux États-Unis, et par tion de la méthode de résonance pour
point des accélérateurs linéaires four- trajectoires sont une famille de cercles
D. W. Fry en Grande-Bretagne. Il a été atteindre les énergies les plus hautes.
nissant des intensités crêtes très élevées tangents au point où est situé l’espace
facilité par le fait que les électrons ont En effet, d’après les équations [1] et
dans des impulsions très brèves, tel l’ac- accélérateur.
très tôt une vitesse quasi constante, car, [2], on voit qu’à l’augmentation de la
célérateur d’Oak Ridge (États-Unis),
dès 2 MeV, un électron a 98 p. 100 de L’accélération synchrone présente
prévu pour accélérer vers 150 MeV des vitesse v (donc du coefficient x) est lié
la vitesse de la lumière. Ainsi, les es- un désavantage sérieux par rapport au
courants instantanés d’électrons de plus un accroissement de la masse m entraî-
pacements à prévoir sont constants et principe du cyclotron : l’intensité du
de 15 A dans des impulsions pouvant nant une diminution de la « fréquence
petits. On peut utiliser des empilements faisceau n’est plus débitée en continu,
être raccourcies jusqu’aux environs de cyclotron » f de la particule accélérée :
de cavités résonnant dans les bandes mais seulement au minimum de la
2 ns. celle-ci ne sera donc plus en résonance
classiques du radar « S » (3 000 MHz) modulation de la fréquence ou au maxi-
avec le champ accélérateur HF, dont la
et « L » (1 400 MHz), et faire se pro- Citons aussi un type particulier d’ac- mum de la croissance du champ magné-
fréquence est fixe.
pager les électrons suivant l’axe de ces célérateur linéaire de très haute inten- tique, l’injection ayant lieu au contraire
sité, où c’est l’induction magnétique Pour rétablir la condition de réso- à la valeur maximale de fréquence ou à
empilements, constituant un véritable
qui crée le champ électrique. Ainsi, au nance, V. Veksler et E. M. McMillan l’amplitude minimale du champ magné-
« guide d’ondes » où le champ électrique
est apporté par les ondes électromagné- lieu de cavités où règne un champ HF, ont, en 1945, simultanément proposé les tique.

tiques se propageant progressivement. on trouve des anneaux de matériaux ma- deux types de solutions : Le cas le plus simple est celui du syn-
Les électrons font tout leur trajet « à la gnétiques où une impulsion électrique — maintenir constant le champ magné- chrotron à électrons, où, dès les éner-
crête de l’onde », en synchronisme avec dans une bobine toroïdale provoque une tique en diminuant progressivement la gies de quelques mégaélectrons-volts,
les maximums du champ électrique. Il variation de flux magnétique induisant fréquence du champ accélérateur (prin- les particules sont quasiment à une vi-
n’y a pas de limitations autres que tech- un champ électrique axial. L’accéléra- cipe du synchrocyclotron) ; tesse constante, égale à la vitesse c de la
nologiques et économiques à l’énergie teur linéaire « Astron » installé à Liver- — maintenir constante la fréquence lumière, ce qui permet de conserver, sur
accessible, car l’énergie croît avec la more (Californie) fonctionne suivant du champ accélérateur en augmentant une orbite circulaire de rayon bien dé-
longueur de l’accélérateur. De plus, ce principe et fournit, dans ses perfor- progressivement le champ magnétique fini, une fréquence constante du champ
l’intensité accélérée dans les impul- mances les plus récentes, 800 ampères (principe du synchrotron). HF accélérateur. Le champ magnétique

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

30 GeV), puis a été battu le record


d’énergie par le synchrotron de Ser-
poukhov (U. R. S. S.), en service depuis
octobre 1967, avant 460 m de diamètre,
accélérant à 70 GeV des impulsions
de 1012 protons, répétées 7 à 8 fois par
minute, tandis que se construit à Batavia
(États-Unis) le synchrotron de 200 GeV
(pouvant être porté à 500 GeV), dont
l’orbite a un rayon moyen de 1 km, et
que s’étudie le nouveau synchrotron
européen. Dans ces dernières machines,
l’orbite principale n’est occupée que par
un faisceau déjà produit dans un syn-
chrotron « élanceur ».

Pour les électrons, ce procédé a


été appliqué d’abord dans le synchro-
tron de 6 GeV de Cambridge (États-
Unis), d’environ 80 m de diamètre,
puis dans les synchrotrons analogues
de Hambourg (Allemagne), de Dares-
bury (Grande-Bretagne) et d’Erevan
(U. R. S. S.), le record d’énergie de
10 GeV étant atteint par le synchrotron
de Cornell (États-Unis). L’énergie finit
par être limitée par les énormes pertes
dues au « rayonnement synchrotron »
émis par un électron soumis à une accé-
lération radiale (sur une trajectoire de
30 m de rayon, un électron de 6 GeV
est modulé de façon cyclique ; l’accé- gamme des énergies de protons de 300 à L’alternance des perd environ 4,5 MeV par tour) et sur-
lération a lieu pendant un quart d’alter- 700 MeV. Monter davantage en énergie,
gradients de champ tout parce que ces pertes provoquent des
nance, le champ magnétique ne servant donc utiliser des diamètres encore plus
Dans les synchrotrons ordinaires, le modifications de la quantité de mouve-
ici que de guide pour maintenir l’élec- élevés, paraissait difficile, compte tenu
champ magnétique décroît radiale-ment ment des électrons, se traduisant par des
tron sur son orbite et le gain d’énergie du poids et donc du coût des électro-
et le faisceau oscille autour de la trajec- oscillations entraînant les électrons hors
étant assuré par le champ électrique éta- aimants gigantesques de ces machines.
toire d’équilibre, ce qui nécessite de lais- de l’orbite d’équilibre.
bli dans les cavités HF. La stabilité de
Au contraire, le principe du synchro-
phase est obtenue à condition que les ser pour la chambre à vide une grande Mais les propriétés focalisantes de
tron à protons, s’il met en jeu des rayons
électrons franchissent les cavités accé- ouverture dans l’entrefer. Un procédé l’alternance des gradients ont aussi
d’orbites très élevés, ne comporte plus
lératrices à une phase telle qu’elles ren- d’amélioration de la focalisation consti- donné naissance à une nouvelle généra-
que des trajectoires à rayon très peu
contrent le champ HF accélérateur au tue un perfectionnement important, car tion de cyclotrons. Dès 1938, L. H. Tho-
variable autour de l’orbite d’équilibre ; il permettra de réduire l’entrefer, donc
cours de sa décroissance. Ainsi ont été mas montrait que l’on pouvait obtenir,
l’aimant a la forme d’un anneau. Ici, d’économiser beaucoup sur le poids du
construits des synchrotrons à électrons malgré l’effet de relativité, un temps de
tant que l’énergie n’a pas atteint des va- circuit magnétique. parcours constant de l’orbite parcourue
de plusieurs centaines de mégaélec-
leurs très supérieures à celle de l’énergie
trons-volts. C’est l’intérêt de la découverte faite dans un cyclotron : en introduisant une
au repos du proton (environ 1 GeV), la variation azimutale du champ magné-
Dans le cas des particules lourdes, par N. Christofilos (1950) et, indépen-
vitesse est variable, la fréquence aussi. tique, au moyen de pièces polaires en
tant que leur énergie totale n’est pas damment, par une équipe de Brookha-
Il y a donc à la fois croissance du champ forme de secteurs, les orbites ont la
de beaucoup supérieure à leur énergie ven en 1952 : à la traversée d’un gra-
magnétique et accroissement progressif forme de festons, et la variation azimu-
au repos, il est commode de moduler dient de champ magnétique, c’est-à-dire
de la fréquence. L’accord de ces deux tale introduit des forces de rappel com-
la fréquence du champ HF, à champ d’une zone où le champ est plus intense
modulations assure la stabilité de phase. d’un côté que de l’autre, les trajectoires pensant l’effet défocalisant d’une crois-
magnétique constant : le synchrocyclo-
L’accomplissement le plus spectacu- de particules chargées convergent ou sance radiale du champ magnétique, qui
tron accélère des protons, des deutons,
laire de cette technique a été la construc- divergent suivant le signe du gradient ; assure la condition de résonance. On
des ions d’hélium le long de trajectoires
tion des grands synchrotrons aux éner- mais, à la traversée de deux gradients de accélère ainsi des faisceaux continus et
en spirales avec des oscillations stables
gies de plusieurs gigaélectrons-volts ; signes opposés, le résultat global est une intenses de protons, de deutons, d’ions
autour de la phase d’équilibre. L’éner-
citons notamment : le « cosmotron » de convergence. hélium et d’ions lourds dans des cyclo-
gie n’est limitée que par l’extension
3 GeV de Brookhaven (États-Unis) et trons dénommés, au choix, isochrones,
du champ magnétique uniforme. Les L’application de ce procédé aux syn-
son frère « Saturne » à Saclay (France), à focalisation par secteurs, à variation
synchrocyclotrons s’avérèrent très effi- chrotrons a permis d’accroître le rayon
le « bévatron » de 6 GeV de Berkeley, azimutale de champ, à crête en spirale.
caces : dès 1946, le synchrocyclotron de de l’orbite, donc l’énergie finale, au prix
Berkeley (États-Unis), de 184 pouces le « synchrophasotron » de 10 GeV de d’un certain gigantisme certes, mais Dans le domaine des basses éner-
de diamètre, accélérait des deutons Doubna (U. R. S. S.) et le « synchrotron relativement limité. C’est ainsi qu’a gies, les cyclotrons sont ainsi deve-
jusqu’à 190 MeV et des ions hélium à gradient nul » de 12 GeV d’Argonne été atteinte pour les protons la zone des nus des instruments hautement précis,
jusqu’à 380 MeV. Puis les synchrocy- (États-Unis). La course vers les plus 30 GeV avec le synchrotron du Cern à flexibles, intenses, tel le cyclotron de
clotrons ont constitué, des États-Unis à hautes énergies restait cependant limi- Genève (rayon moyen, 100 m ; énergie Grenoble, capable d’accélérer jusqu’à
l’U. R. S. S. (Doubna), en passant par le tée là encore par le gigantisme de ces maximale, 28 GeV) et le synchrotron 50 MeV un faisceau continu de 100 A
Cern, un équipement de choix dans la accélérateurs. de Brookhaven (énergie maximale, de protons. Associés à des systèmes

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

limitée aux environs de 1,5 à 1,8 tesla, à


cause de la saturation du fer.

Il faut donc envisager de nouveaux


procédés d’accélération ou, à défaut,
reculer encore les limites des procédés
actuels. Les procédés utilisant la pro-
priété de supraconductivité de certains
matériaux aux très basses températures
sont déjà en cours d’application pour
la construction d’éléments d’accéléra-
teurs ; mais il semble bien que ce soient
les procédés d’accélération collective
ou cohérente, dont la mise au point
demandera sans doute encore quelques
années, qui soient susceptibles d’appor-
ter le changement décisif espéré.

Applications de la
supraconductivité

La supraconductivité va permettre de
supprimer les pertes ohmiques soit dans
les cavités accélératrices où est établi un
champ de radiofréquences, soit dans les
bobinages destinés à produire un champ
magnétique. Les progrès récents dans
la technologie des matériaux supracon-
ducteurs (essentiellement à base de nio-
bium) y contribuent grandement.

• Accélérateurs linéaires supracon-


ducteurs. Si, actuellement, il n’existe
pas encore de démonstration effec-
tive de ce système, un accélérateur à
électrons de 2 GeV est cependant en
construction à Stanford. Les accéléra-
teurs linéaires supraconducteurs pré-
senteront sans doute un grand intérêt
convenables de transport magnétique du rateurs linéaires, en faisant se succéder tème du centre de gravité d’énergies su-
pour l’accélération de protons (projet
faisceau, ils peuvent concurrencer les des lentilles magnétiques alternative- périeures à 1 000 GeV, mais ces dispo-
en étude à Karlsruhe) et d’ions lourds à
accélérateurs électrostatiques pour la ment convergentes et divergentes, no- sitifs n’offrent pas toutes les possibilités
des énergies de l’ordre du gigaélectron-
résolution en énergie, en atteignant des tamment des lentilles quadrupolaires qu’assure la production d’un véritable
volt. Mais les premières applications
énergies inaccessibles à ces derniers. associées par deux (doublets) ou trois faisceau accéléré à 1 000 GeV ou au-
sont relatives aux électrons.
Ils se prêtent bien à des expériences sur (triplets). dessus.
les particules polarisées grâce au cou- Le fait essentiel est le peu de puis-
Les méthodes actuelles de construc-
plage avec les nouvelles sources d’ions Les nouvelles générations sance HF nécessaire pour produire un
tion des accélérateurs conduiraient à des champ accélérateur donné. La valeur de
polarisés par les méthodes d’injection d’accélérateurs
systèmes de taille gigantesque, dont le ce champ est néanmoins limitée théo-
axiale ou trochoïdale.
Malgré les grands progrès accomplis coût serait une part appréciable du bud- riquement par le champ magnétique
À plus haute énergie, dans le do- dans notre compréhension de la struc- get d’États importants. La coopération critique — au-delà duquel cesse la
maine que seuls atteignaient précédem- ture de la matière grâce aux faisceaux internationale ou même mondiale ne supraconductivité — et peut-être plus
ment les synchrocyclotrons, les cyclo- de particules accélérées à des énergies permet que de reculer un peu la limite. bas, par les risques d’échauffement
trons sont particulièrement recherchés, de plusieurs dizaines de gigaélectrons- sous l’impact des électrons arrachés
notamment comme sources intenses de En effet, la construction d’accéléra-
volts, malgré les nouveaux résultats aux parois des cavités. Il n’est ainsi pas
particules secondaires, neutrons et sur- teurs linéaires se heurte à la valeur assez
qu’apportera la mise en service des ac- possible de dépasser 50 à 70 MV/m et,
tout pions et muons. C’est le cas pour modeste du champ électrique maximal
célérateurs aujourd’hui en construction en fait, dans les projets raisonnables,
le cyclotron en construction à Zurich praticable avec les techniques actuelles :
ou en projet dans le domaine de 200 à on se limite à un champ électrique de
(Suisse), où un cyclotron isochrone de les 3 km de l’accélérateur à électrons de
300 GeV, il sera sans nul doute néces- 33 MV/m ; mais cette valeur est obtenue
70 MeV injecte un faisceau de 100 A saire de poursuivre l’exploration du Stanford, dont l’énergie maximale serait
avec une puissance HF crête limitée à
dans un cyclotron isochrone en anneau monde des particules élémentaires au- de 40 GeV, ne peuvent raisonnablement
20 kW pour 12 m de section à comparer
à 8 secteurs magnétiques en spirales, delà de 1 000 GeV. pas être portés à 75 km pour atteindre
aux 20 à 25 MW appliqués à la même
qui porte ce faisceau à une énergie de 1 000 GeV ! De même, les accéléra-
Une partie des informations peut être longueur de section dans un accéléra-
500 MeV. teurs circulaires sont amenés à présenter
recueillie en organisant des collisions teur classique actuel. Le gain de puis-
Il faut aussi mentionner que le prin- entre deux faisceaux de particules ac- des diamètres toujours croissants, car sance HF ramené à la même énergie des
cipe d’alternance des gradients a été célérées au lieu d’utiliser l’impact sur la courbure de la trajectoire des parti- électrons accélérés est ici de l’ordre de
appliqué au transport des faisceaux de une cible au repos. C’est l’avantage des cules ne pourrait être augmentée que si 25 000. En fait, il n’y correspond pas
particules accélérées et aussi à la focali- anneaux* de particules, qui permettent, l’on augmentait en rapport l’intensité une économie équivalente à cause de la
sation des particules le long des accélé- dès à présent, de disposer dans le sys- du champ magnétique, ordinairement consommation de puissance par l’ins-

57
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

tallation cryogénique, qui maintient le aimants supraconducteurs, atteindre ou même une onde électromagnétique. C’est en 1967 qu’ont été annoncés
matériau à l’état supraconducteur : la l’ordre de 5 000 GeV. Ainsi l’intensité du champ accéléra- les progrès accomplis par une équipe de
puissance à fournir pour les compres- On conçoit cependant que, parvenus teur, agissant sur une particule donnée, Doubna (U. R. S. S.) pour la mise au
seurs d’hélium est égale à celle qui est est proportionnelle au nombre de parti- point d’un accélérateur linéaire collectif
à 5 000 GeV, les constructeurs d’accé-
prévue pour alimenter les klystrons. Le cules accélérées. Trois autres propriétés à ions. Le principe en est le suivant : à
lérateurs de 10 km de diamètre n’auront
gain de puissance HF est cependant suf- sont à noter : la synchronisation est as- l’intérieur d’un paquet très dense d’élec-
guère de perspectives dans cette voie.
fisant pour autoriser le fonctionnement surée automatiquement entre le champ trons, il y a un puits de potentiel dans
d’un accélérateur linéaire supraconduc- accélérateur et le paquet de particules lequel on peut emprisonner des ions
Méthodes d’accélération
teur en continu et non pas par brèves positifs, des protons par exemple, mais
collective accélérées ; il est possible de ne créer
impulsions : le cycle utile peut être de aussi des ions lourds ; en accélérant le
des champs très intenses qu’aux points
En 1956, à un symposium du Cern,
100 p. 100 ; si la puissance consommée paquet d’électrons, on communique la
où sont localisées les particules et donc
V. I. Veksler a ouvert un nouveau
pour la réfrigération apparaît comme même vitesse aux ions, ce qui entraîne
d’éviter les décharges dues aux élec-
champ d’études en présentant plusieurs
excessive, ce cycle utile peut être réduit, un gain d’énergie qui peut atteindre, si
trons arrachés des parois de l’accéléra-
procédés d’accélération fondés sur un
mais reste néanmoins très grand par la proportion des ions relativement aux
nouveau principe : l’accélération cohé- teur ; enfin, l’accélération de paquets
comparaison avec celui des accéléra- électrons est faible, une valeur égale au
rente. L’analyse de Veksler part de la neutres de particules devient possible.
teurs linéaires classiques. rapport de la masse au repos de l’ion
constatation que tous les accélérateurs La nouvelle méthode a un caractère
Un autre avantage de ce nouveau type accéléré à la masse de l’électron. Ainsi,
existants mettent en oeuvre des champs cohérent du fait même que l’action du en accélérant le paquet d’électrons à
d’accélérateur est la très grande préci-
électriques engendrés par une puissance champ sur une particule isolée est pro- 1 MeV, on pourrait obtenir des protons
sion avec laquelle est définie l’énergie
source extérieure et qu’ainsi l’inten- portionnelle au nombre de particules d’énergie de 1,84 GeV.
des particules accélérées, de l’ordre
sité de ce champ est, pour l’essentiel, d’un paquet. Parmi les méthodes d’ac-
d’un dix-millième ; ainsi, pour les expé- Pour assurer la cohésion du paquet
indépendante du nombre de particules célération cohérente, certaines sont spé-
riences n’utilisant que des raies d’élec- dense d’électrons, celui-ci est constitué,
accélérées. De plus, ces accélérateurs cialement désignées comme méthodes
trons très bien définies en énergie, un selon une idée de G. I. Budker, sous
ne peuvent agir que sur des particules d’accélération collective : ce sont celles
accélérateur supraconducteur fournis- l’action d’un puissant champ magné-
chargées. où le champ accélérateur est créé par un
sant un courant moyen de 100 A sera tique, par un anneau d’électrons en
à comparer avec un accélérateur clas- Le nouveau principe de Veksler envi- paquet de charges distinct du groupe mouvement circulaire ; le paquet est
sique fournissant un courant moyen de sage la production du champ électrique des particules accélérées ; il est propor- en fait un volume toroïdal de charges,
5 mA avec une dispersion en énergie de accélérateur par l’interaction d’un petit tionnel au nombre de charges dans ce engendré par un « effet bêtatron » et
1 p. 100 si l’on ne retient qu’une bande groupe de particules accélérées avec paquet ; ainsi, le nombre de particules dont le rayon de la fibre moyenne est
d’énergie de 2/10 000 par exemple. un autre groupe de charges, un plasma, accélérées est arbitraire. réduit, donc la densité augmentée, par

Une autre utilisation des cavités HF


supraconductrices est leur combinai-
son avec des structures magnétiques
déflectrices dans des accélérateurs cir-
culaires. L’intérêt réside moins dans le
gain global de puissance que dans la fa-
cilité d’obtenir avec un grand cycle utile
une accélération relativement grande à
chaque passage dans des cavités assez
courtes. L’introduction d’un accéléra-
teur linéaire supraconducteur dans un
microtron aide ainsi à atteindre en opé-
ration continue des énergies relative-
ment élevées. On remarque que ces uti-
lisations constituent des améliorations
notables, mais ne changent pas radicale-
ment les limites atteintes pour la course
vers les très hautes énergies.

• Synchrotrons supraconducteurs.
Les progrès accomplis dès maintenant
dans la technologie des bobinages
constitués de faisceaux de fils supra-
conducteurs très fins et pouvant four-
nir un champ magnétique de 6 teslas
dans des volumes utiles comparables à
ceux des chambres à vide des synchro-
trons montrent qu’il est concevable de
gagner substantiellement en niveau
d’énergie par l’utilisation d’aimants
supraconducteurs opérant à des tempé-
ratures de 4,2 à 4,5 K (hélium liquide).
En fait, il est admis que les projets
esquissés aujourd’hui pour des syn-
chrotrons classiques à gradients alter-
nés de 1 000 GeV pourraient, avec des

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

une augmentation progressive du champ déjà les budgets des petits pays ; elle et Oliphant, le principe du synchro- et Walton au laboratoire Cavendish à Cam-

magnétique « compresseur ». suppose actuellement une coopération tron et imaginé un accélérateur pour bridge (Grande-Bretagne)

à l’échelle d’un continent, bientôt à électrons, le microtron. Il a dirigé la


Depuis 1967, les travaux se sont 1932 Premier cyclotron utilisable à des
construction du grand accélérateur de
poursuivis essentiellement à Doubna l’échelle de notre planète. Le succès de expériences de réactions nucléaires par
Doubna.
et à Berkeley. Ils n’ont été possibles telles coopérations est une riche expé- E. O. Lawrence et M. S. Livingston

rience humaine. Ce n’est peut-être pas Rolf Wideröe, physicien norvégien


que grâce à l’existence d’accélérateurs 1933 Premier accélérateur Van de Graaff
là le moindre intérêt de l’aventure que (Oslo 1902). Ingénieur en électronique,
d’électrons de très forte intensité (plu- utilisé à des expériences de physique nu-
constitue la progression des accéléra- il passe en 1927, à Aix-la-Chapelle, cléaire par M. A. Tuve à Washington
sieurs centaines d’ampères d’intensité
teurs vers les énergies sans cesse plus une thèse de doctorat dans laquelle
crête), capables de fournir aux environs 1938 Solution apportée théoriquement par
il donne le principe de l’accélération
de 1 MeV, le faisceau initial contenant hautes. L. H. Thomas au problème de focalisation
résonnante. Ses travaux inspirent à
F. N.
de l’ordre de 1013 à 1014 électrons pour Lawrence la découverte du cyclotron et des trajectoires dans un cyclotron aux éner-

former l’anneau. gies relativistes


marquent une étape vers la réalisation

En 1969, l’accélération d’ions Les grands spécialistes du bêtatron par Kerst. Lui-même parti- 1940 Premier bêtatron construit par
cipe à la construction d’accélérateurs D. W. Kerst à l’Université de l’Illinois (États-
d’azote, trois fois chargés, a produit des accélérateurs de de particules. Unis)
dans une cible de cérium une radio-ac-
particules
tivité caractéristique d’une réaction nu- Anneaux d’accumulation ou anneaux de 1945 Découverte du principe de l’accélé-
stockage.
cléaire dont le seuil est de 60 MeV ; on Luis Walter Alvarez, physicien amé- ration synchrone par V. I. Veksler (U. R. S. S.)

avait communiqué aux noyaux d’azote ricain (San Francisco 1911). Collabo- et, indépendamment, par E. M. McMillan
M. S. Livingston et J. P. Blewett, Particle
rateur de Lawrence à l’Université de Accelerators (New York, 1962). / P. Lapos- (États-Unis)
une énergie de l’ordre de 4 MeV par
nucléon, cela avec un champ électrique Californie, il découvre les propriétés tolle, les Accélérateurs de particules (Fayard,
1946 Premier accélérateur linéaire à pro-
1964). / P. Musset et A. Lloret, Dictionnaire de
magnétiques du neutron, l’hélium 3 et
local de 800 kV/cm. l’atome (Larousse, 1964). / H. Bruck, Accéléra- tons mis au point par L. W. Alvarez (Califor-
le tritium. Après avoir travaillé pen- nie)
teurs circulaires de particules. Introduction à
Les perspectives semblent donc pro- dant la Seconde Guerre mondiale à la théorie (P. U. F., 1966). / A. A. Kolomensky
metteuses dans deux directions : la réalisation du radar, il retourne à et A. N. Lebedev, Theory of Cycle Accelerators
1950 Prise de brevet par N. Christofilos sur

— possibilité d’obtenir des ions lourds le principe de la focalisation par alternance


Berkeley, ou il réalise l’accélérateur (Amsterdam, New York, 1966). / D. Boussard,

les Accélérateurs de particules (P. U. F., coll. de gradients


accélérés jusqu’à 10 MeV par nucléon, linéaire à protons. Prix Nobel de phy-
« Que sais-je ? », 1968).
avec des intensités de 1014 ions par sique pour 1968. 1952 Découverte du principe de la focali-

seconde, dans des accélérateurs très sation par alternance de gradients par Cou-
Sir John Douglas COCKCROFT, v.
courts ; Chronologie rant, Livingston et Snyder (Brookhaven)
l’article.
— course vers les très hautes énergies, 1919 Dispositif multiplicateur de tension de 1952 Entrée en service du « cosmotron » de
par exemple en accélérant l’anneau dans Donald William Kerst, physicien M. Schenkel 3 GeV de Brookhaven (État de New York)
américain (Galena, Illinois, 1911). En
un accélérateur linéaire supraconduc- 1921 Dispositif multiplicateur de tension de
1940, il réalise à l’Université de l’Il- 1954 Entrée en service du « bévatron » de
teur : on peut songer à des protons rece- H. Greinacher
linois, où il est professeur, le premier 6 GeV de Berkeley
vant 100 GeV/m. 1922 Brevet pris par J. Slepian pour l’utili-
bêtatron, appareil accélérateur d’élec- 1956 Symposium du Cern sur les accé-
sation du champ électrique, produit par un
trons utilisant la variation d’un flux lérateurs. Présentation par V. I. Veksler du
champ magnétique variable avec le temps,
Conclusion d’induction, dont l’idée avait été émise principe de l’accélération cohérente ou col-
à l’accélération d’électrons
par l’Américain Joseph Slepian. Par la lective
Il reste encore bien des voies à explo-
suite, il construit plusieurs appareils du 1924 Dispositif multiplicateur de tension de
rer, en particulier l’accélération d’une E. Marx et M. Töpler 1961 Principe de l’accélérateur électrosta-
même type, de plus en plus puissants.
particule sous l’impact d’un groupe de tique « tandem » donné par P. H. Rose
1924 Première ébauche d’une accélération
particules relativistes, ou bien l’interac- Ernest Orlando LAWRENCE, v.
résonnante par G. Ising à Stockholm 1959 à 1962 Entrée en service des syn-
tion avec un plasma. Mais il n’est pas l’article.
chrotrons à protons de 28 GeV au Cern, puis
1926 Dispositif multiplicateur de tension de
certain que les progrès techniques en Edwin Mattison McMillan, physicien de 32 GeV à Brookhaven (États-Unis), ainsi
B. L. Rossing (Leningrad)
perspective aient pour effet de mettre la américain (Redondo Beach, Californie, que du synchrotron à électrons de 6 GeV de
1927 Principe d’un accélérateur d’électrons Cambridge (États-Unis)
recherche sur les particules élémentaires 1907), professeur de physique à l’Uni-
utilisant un champ magnétique pulsé par
« à la portée de toutes les bourses ». versité de Californie. En 1940, grâce G. Breit et M. A. Tuve 1966 Achèvement de l’accélérateur linéaire
En fait, déjà dans le passé, le coût du au cyclotron de Berkeley, il obtient le à électrons de Stanford de 20 GeV et long
1927 - 1928 Premier accélérateur réson-
neptunium à partir de l’uranium, puis,
mégaélectron-volt a diminué grâce aux nant décrit dans la thèse de R. Wideröe
de 3 km
l’année suivante, avec G. T. Seaborg, il
nouveaux procédés d’accélération : les
1929 1967 Sixième conférence internationale
isole le plutonium. En 1946, en collabo- Premières expériences sur les généra-
synchrotrons à protons à gradients alter- sur les accélérateurs (Cambridge-Mas-
ration avec l’Anglais M. L. E. Oliphant teurs électrostatiques par R. J. Van de Graaff
nés d’environ 30 GeV coûtent approxi- à Princeton sachusetts-États-Unis). Présentation par
(Adélaïde, Australie, 1901), il imagine
mativement 1 000 $/MeV à comparer V. P. Sarantsev (après le décès de Veksler)
le synchrotron. Il partage avec Seaborg 1930 Premier multiplicateur de tension de
aux chiffres de 4 000 $/MeV pour les des études en cours pour un accélérateur
le prix Nobel de chimie pour 1951. J. D. Cockcroft et E. T. S. Walton accélérant
linéaire collectif d’ions à Doubna (U. R. S. S.)
synchrotrons à protons primitifs, de des protons à 300 kV
Robert Jemison Van de Graaff, physi-
6 000 $/MeV pour le grand accélérateur
cien américain (Tuscaloosa, Alabama, 1930 Principe du cyclotron donné par
de 20 GeV du S.L.A.C. et de 10 000 $/ E. O. Lawrence
1901 - Boston 1967), professeur à
MeV pour un cyclotron ordinaire à une
l’Institut de technologie du Massachu- 1931 Première opération du cyclotron de
dizaine de mégaélectrons-volts ou pour setts. Dès 1933, il réalise les grandes E. O. Lawrence et M. S. Livingston le 14 avril
un synchrocyclotron de quelques cen- machines électrostatiques, produisant 1931 à Berkeley (Californie)

taines de mégaélectrons-volts. Mais des tensions de plusieurs millions de 1931 Première esquisse du générateur élec- accident
la recherche de performances toujours volts, destinées à l’accélération de par- trostatique de R. J. Van de Graaff
plus poussées a abouti à des coûts glo- ticules électrisées.
1931 Premier accélérateur linéaire à ions
Événement indépendant de la volonté
baux de plus en plus élevés. Selon une Vladimir Iossifovitch Veksler, physi- lourds mis en service par D. H. Sloan et
image de M. S. Livingston, ce sont sans humaine déclenché soit par l’action sou-
cien soviétique (Jitomir 1907 - Mos- E. O. Lawrence

doute là « les monuments intellectuels daine et rapide d’une cause extérieure,


cou 1966), professeur à l’Institut de 1932 Première expérience de désintégra-
de notre époque ». Mais la charge de recherches nucléaires de Moscou. Il a tion des noyaux effectuée à l’aide du « mul- soit par un mouvement incontrôlé ou
les construire et de les exploiter dépasse donné, en même temps que McMillan tiplicateur de tension » de J. D. Cockcroft mal contrôlé de la victime et qui se tra-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

duit par une lésion corporelle ou mentale dont 221 955 graves (cas où la victime 139 p. 100). L’accroissement du nombre morsures de serpent 2 et les piqûres
ou par un dégât matériel. souffre d’une incapacité de travail per- de collisions entre voitures légères est d’insectes 14, dont 8 par les abeilles et
manente partielle ou totale) et 881 257 de 118 p. 100, et celui des collisions de les guêpes.
L’importance dont l’incapacité de travail n’a été que voitures légères avec des obstacles est
• Les accidents domestiques. Ils sont
des accidents temporaire. de 180 p. 100. Cependant, la gravité des
responsables de près de la moitié des
accidents paraît croître moins vite que
Le dénombrement des accidents décès accidentels dont la cause est
Les accidents tuent environ 2 000 per-
matériels est encore plus difficile ; il leur nombre : 13,4 tués pour 1 000 acci-
sonnes par jour dans le monde. Dans la connue. On appelle ainsi les accidents
convient cependant de savoir qu’en dents en 1966 contre 14,5 en 1960.
majorité des pays, les accidents consti- qui se produisent dans l’unité d’habita-
France le nombre des accidents maté- On estime que la route fait en France
tuent la quatrième menace pesant sur la tion. Les chutes accidentelles viennent
riels de la circulation (les plus coûteux) un mort toutes les trente-cinq minutes et
vie et la sécurité des hommes (1o mala- en tête : 8 014 en France (16,2 pour
a été évalué à 4 millions en 1966, re- qu’elle tue en cinq ans une quantité de
dies en croissance : cancer du poumon, 100 000 hab.) ; 12 230 en Allemagne
présentant environ 2 milliards de perte personnes équivalente à la population
leucémie, cardiopathie coronarienne et fédérale (20,5) ; 1 183 en Suisse (20) ;
(45 p. 100 du coût direct des accidents de La Rochelle.
maladies mentales ; 2o maladies dont 1 820 en Tchécoslovaquie (12,8) ;
corporels de la route). En France, égale- Sur le plan international, on a pu cal-
la fréquence paraît stabilisée : cancers 20 066 aux États-Unis (16,2) [chiffres
ment, les incendies coûtent directement
autres que celui du poumon, diabète, culer le nombre d’automobilistes tués en de 1966]. Sans doute quelques-unes de
plus de 1 milliard et indirectement le
arthrite et diverses autres maladies 1965 par 100 000 voitures de tourisme :
ces chutes se produisent-elles hors de
double. En 1967, pour le monde entier, 110 en Espagne, où il y a 26 voitures
chroniques ; 3o maladies en lent recul : l’unité d’habitation, mais il ne s’agit là
on a estimé que le nombre des navires
bronchite, ulcère du duodénum, etc.). par 1 000 habitants, 74 en Allemagne
que d’une faible fraction d’entre elles.
détruits par accidents maritimes a été
Aux États-Unis, parmi les personnes de fédérale (152 voitures pour 1 000 hab.),
Les empoisonnements accidentels
de 337, représentant 823 803 tonnes de 63 en France (196 voitures pour
moins de trente-cinq ans, plus des deux
jauge brute, et que celui des appareils sont à l’origine de nombreux décès :
tiers des décès sont dus à des accidents ; 1 000 hab.) ; 49 en Italie (106 voitures
commerciaux aériens perdus s’est élevé 652 en Tchécoslovaquie (4,6 pour
d’après les statistiques américaines, un pour 1 000 hab.) ; 44 aux États-Unis
à 13, ayant entraîné la perte de 1 155 100 000 hab.) ; 1 265 en France (2,6) ;
enfant sur cinq est menacé de mourir (385 voitures pour 1 000 hab.) ; 32 en
personnes (en 1968, le nombre de morts 750 en Allemagne fédérale (1,3) ; 177
d’accident. En 1969, les statisticiens Suède (232 voitures pour 1 000 hab.) ;
a été de 1 262), dont 977 passagers de en Suisse (3) ; 3 931 aux États-Unis (2)
français sont arrivés à la conclusion etc.
lignes régulières. [chiffres de 1966]. On estime que les
qu’un enfant sur deux nés au cours de D’une enquête effectuée sur une
Les décès accidentels croissent régu- deux cinquièmes des accidents mor-
cette même année aura un accident de période de seize ans auprès de 27 pays
lièrement. En France, notamment, ils tels d’enfants de un à quatre ans sur-
la circulation au cours de son existence. par l’O. M. S., il a été établi que le
représentent 6,3 p. 100 de l’ensemble viennent au domicile.
Les statistiques des causes de décès nombre des accidents de la route atteint
des décès en 1965 contre 4,5 p. 100 en son maximum en été, que ces accidents • Les accidents du travail. V. l’article
accidentels sont centralisées par l’Orga-
1953. sont le plus fréquents les samedi et di- suivant.
nisation mondiale de la santé, mais les
gouvernements ne tiennent pas toujours Les accidents peuvent être classés en manche, et que, toute la semaine, ils se • Les accidents d’origine médicale. Ils
les statistiques demandées par cet orga- six groupes. produisent en plus grand nombre entre ont pour cause soit une complication à
nisme, et dans certains pays celles-ci 16 et 19 heures.
• Les accidents de transport. Ils sont la suite d’actes médicaux (209 décès en
ne couvrent qu’une partie de la popu- responsables de 40 à 50 p. 100 des Il convient de noter qu’en France la France en 1970), soit une négligence
lation ; même lorsqu’elles sont établies décès par accidents dans les pays in- route est dix fois plus dangereuse que ou une faute d’un membre d’une pro-
correctement, une marge importante de dustrialisés, où l’automobile est forte- l’air, qui est lui-même dix fois plus dan- fession médicale, soit une mauvaise
décès accidentels ne peut faire l’objet ment répandue. En France, en 1970, les gereux que le fer. On peut également organisation ou un équipement insuf-
d’aucune ventilation du fait de l’impré- décès par suite d’accidents de la circu- souligner que les transports en commun fisant des services de santé. D’après le
cision des certificats de décès. lation se sont élevés à 15 331 (sur un sont moins dangereux que les transports docteur Claudine Escoffier-Lambiotte,
Il n’est donc guère possible de total de 40 015), se décomposant ainsi : individuels. Une étude faite en 1966 par « un très grand nombre des « accidents
connaître l’importance exacte des ac- chemin de fer, 181 ; piétons victimes de la caisse régionale de Sécurité sociale
de naissance » surviennent non au mo-
cidents dans la mortalité mondiale. Il la circulation, 3 302 ; usagers de véhi- sur les accidents de trajet dans les dé-
ment de la conception, ni au cours de la
est encore plus difficile (sauf pour les cules à deux roues, 3 738 ; usagers de partements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin
gestation, mais lors de l’accouchement.
accidents du travail et les accidents de véhicules automobiles à quatre roues, et de la Moselle a donné les résultats
Cet événement, qui, chez 90 p. 100
la circulation dans les pays industria- 8 076 ; victimes d’accidents d’avion, suivants : piétons, 25 p. 100 des assu-
des femmes, se déroule le plus norma-
lisés) de dénombrer les blessés, alors 98 ; victimes de transports par eau, rés et 22,5 p. 100 des victimes ; usagers
lement [...] se trouve compliqué chez
que de nombreux accidents corporels 36. Toutefois, en 1976, le total des de deux-roues, 40 p. 100 des assurés
les 10 p. 100 restantes par des difficul-
entraînent non seulement des incapa- décès n’était plus que de 13 787. et 65 p. 100 des victimes ; usagers de
tés que les connaissances et les tech-
cités temporaires, mais également des Le nombre des accidents de la circu- voitures de tourisme et de camions,
niques modernes permettent aisément
incapacités permanentes de travail. 10 p. 100 des assurés et des victimes ;
lation ne cesse de croître. En France,
de surmonter, mais que l’ignorance et
par exemple, les décès par suite d’ac- usagers des transports en commun,
On estime que le nombre des infirmes
25 p. 100 des assurés et 2,5 p. 100 des l’inorganisation quasi générale trans-
graves par brûlure, en temps de paix, cidents de la circulation ont augmenté
victimes. forment en tragédies quotidiennes. Des
est égal au nombre des décès. On sait de 10 p. 100 entre 1953 et 1965. Il
tragédies qui concernent chaque année
également que 20 000 à 25 000 acci- faut remarquer que, de 1954 à 1966, le • Les accidents du sport et de la vie
dans notre pays 80 000 jeunes femmes
dents de ski se produisent chaque année nombre des piétons tués a augmenté de en plein air. Les statistiques ne per-
et qui provoquent la mort dans leur
(1,5 p. 100 du nombre des skieurs) en 80 p. 100, alors que la population s’est mettent pas toujours de les dégager.
première semaine de 15 000 enfants,
France et 80 000 en Autriche. En ma- accrue seulement de 15 p. 100. Par ail- Nous savons cependant qu’en France
la mort aussi au cours de l’accouche-
tière d’accidents de la circulation, fléau leurs, le nombre des automobilistes tués l’alpinisme a tué 33 personnes en 1963
particulièrement grave en France, les en voitures de tourisme a augmenté de et 38 en 1968 (environ un mort tous les ment de 12 000 enfants et, fait plus

274 476 accidents corporels recensés en 118 p. 100 entre 1960 et 1966, alors que deux jours pendant la saison) ; en 1965, grave encore et trop souvent méconnu,

1972 ont fait 388 067 blessés. Pour ce le parc augmentait de 92 p. 100 (on ne les baignades (rivières et mer) ont fait la naissance de 12 000 à 15 000 de ces
qui est des accidents du travail, les acci- peut attribuer ce fait à un coefficient 2 348 victimes, les inondations 32, les êtres pitoyables dont le cerveau a été
dents déclarés en France en 1967 ont plus grand d’occupation, car le nombre armes à feu classiques et les explosifs irrémédiablement lésé pour cause de
fait 4 128 morts et 2 496 900 blessés, des conducteurs tués augmentait, lui, de 252, les véhicules non routiers 31, les maladresse ou de négligence et qu’on

60
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

choix budgétaires (v. budget) chiffre gnement conjuguent leurs efforts en vue
à 12 milliards de francs par an le coût d’accroître la sécurité de tous.
global des accidents de la route pour la Des mesures ont été édictées depuis
France. longtemps en matière de protection des
Des études effectuées en 1966 en ce immeubles contre le feu. Mais il n’a pas
qui concerne les accidents du travail encore été fait grand-chose pour dimi-
ont abouti à la conclusion que le coût nuer le nombre des accidents domes-
indirect d’un accident du travail est en tiques ; il semble que le nombre des vic-
France deux fois plus élevé que le coût times ne puisse guère être réduit que par
direct ; coût direct et coût indirect des l’éducation individuelle (précautions
accidents du travail seraient donc équi- quant à la fabrication et à l’usage des
valents à 15 p. 100 de la masse des sa- conserves, connaissance des champi-
laires, puisque le coût direct représente gnons vénéneux, éloignement systéma-
5 p. 100 des salaires (aux États-Unis, tique des enfants des causes de brûlure,
le coût indirect est quadruple du coût protection des prises de courant, etc.)
direct). Le coût indirect est représenté et la construction d’éléments mobiliers
par les éléments suivants : salaires per- de sécurité.
dus par la victime (après déduction des La prévention des accidents de nais-
prestations sociales), dépenses engagées sance est à la portée des connaissances
par l’entreprise, baisse de production et des techniques actuelles. Toutes les
dans l’atelier au moment de l’enquête, maternités et autres maisons d’accou-
pendant la réorganisation de l’équipe chement devraient être mises dans
(baisse de rendement de 30 p. 100, puis l’obligation de disposer des moyens
de 10 p. 100 après la reprise du travail), modernes, qui permettraient de réduire
etc. la mortalité infantile (appareils de
réanimation, appareils enregistreurs
La prévention des battements du coeur du foetus, mé-
thodes de détection du degré d’acidose
Une politique systématique de préven-
du sang du nouveau-né et d’injection
tion des accidents s’impose donc aux
éventuelle d’une solution de bicarbo-
pouvoirs publics tant sur le plan humain
nate ou de glucose, etc.). Les méde-
que sur le plan économique et social.
cins accoucheurs et- les sages-femmes
Cette politique est engagée depuis long-
savent qu’une bonne rédaction du car-
temps en matière d’accidents du travail.
net de santé de l’enfant, au moment de
Elle reste embryonnaire dans les autres
sa naissance, mentionnant les condi-
domaines.
tions éventuelles de sa réanimation,
Toute politique de prévention com-
facilite ensuite la tâche des pédiatres.
porte trois aspects :
Les accidents du sport et de la vie
— un aspect autoritaire, consistant à
en plein air peuvent également être
imposer un certain nombre de mesures
réduits en nombre par l’éducation des
de sécurité dans les immeubles et appar-
usagers et le respect des consignes de
tements, et sur les lieux de circulation ;
sécurité.
— un aspect éducatif, pour inciter les
individus à faire preuve de prudence Mais c’est en matière d’accidents de

personnelle dans les conditions habi- la circulation et de transport que l’effort

tuelles de la vie et pour leur faire com- à accomplir est peut-être le plus facile.

prendre l’utilité personnelle et sociale Les précautions prises par les entre-

d’appliquer les mesures autoritaires et prises de chemin de fer et de navigation

d’adopter volontairement les disposi- tant aériennes que maritimes sont géné-
nomme les infirmes moteurs céré- nomique et social. La Sécurité sociale
tions facultatives préconisées ; ralement très étudiées et efficaces. La
braux... » verse des prestations et les assurances
— un aspect matériel, comportant des circulation routière, elle, pose des pro-
• Les accidents dont la cause exacte des indemnités dont le montant repré-
travaux en vue de réduire les causes blèmes plus complexes en raison du très
ne figure pas sur les certificats de sente, pour la France, plus de 2,7 p. 100
matérielles des accidents, ainsi que l’or- grand nombre d’usagers des moyens de
décès. du revenu national (1,5 p. 100 pour les
ganisation d’un système d’aide rapide locomotion.
accidents de la circulation ; 1,2 p. 100
aux victimes : lutte contre le feu, soins Les moyens capables d’accroître
Le coût des accidents pour les accidents du travail). À côté du
aux asphyxiés, aux noyés, aux brûlés, la sécurité de la circulation routière
coût direct des accidents, il y a le coût
aux accidentés de la route (15 p. 100 peuvent être classés en deux catégories.
L’aspect humain du problème des acci-
indirect, c’est-à-dire celui que repré-
dents déborde les statistiques de décès. des décès survenant en France du fait
sente la réduction d’activité économique de la route seraient dus à l’asphyxie des
Derrière chacun des chiffres se profilent Les moyens que les pouvoirs
entraînée par les morts, les incapacités blessés, c’est-à-dire à une carence grave publics peuvent mettre en oeuvre
des déchirements sentimentaux, des trau-
permanentes et temporaires de travail dans la rapidité ou la compétence avec et qui auront des effets heureux
matismes psychologiques, des carrières
(en 1959, les accidents du travail avaient lesquelles les secours leur ont été por- quel que soit le comportement du
brisées ou avortées. Mais les morts ne
provoqué aux États-Unis un absentéisme tés), etc. conducteur
comptent pas seuls, nombre de blessés
de 220 millions d’hommes-jours).
restent atteints d’infirmités physiques Les pouvoirs publics, les organismes • L’aménagement du réseau routier.
ou mentales. Et l’aspect humain n’est Un rapport établi en 1969 dans le assureurs, diverses associations d’utilité Les points dangereux (points noirs)
pas le seul ; il y a aussi un aspect éco- cadre des études de rationalisation des publique, les établissements d’ensei- peuvent être aménagés, qu’il s’agisse

61
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

éviter de rendre obligatoire la visite


médicale préalable à la délivrance du
permis (peut-être même la visite médi-
cale périodique pour tous les conduc-
teurs), de décomposer l’examen en deux
épreuves subies à quelques mois d’in-
tervalle, la première correspondant à la
délivrance d’un certificat provisoire et
la seconde consistant en la justification
sur le terrain d’une véritable pratique
de la conduite tant sur route qu’en ville.
Peut-être même devront-ils aller jusqu’à
délivrer des certificats impliquant des
limites de vitesse variant suivant les
aptitudes du conducteur (notamment à
la suite d’accidents corporels).

La Prévention routière

La Prévention routière est une association


créée en 1948 et reconnue d’utilité publique
en 1955. Ses principaux membres sont l’As-
sociation générale des sociétés d’assurance
contre les accidents, la Fédération des clubs
automobiles de France, la Fédération natio-
nale des transports routiers, l’OEuvre pour
la sécurité et l’organisation des secours,
l’Union nationale des associations de tou-
risme, l’Union routière de France, etc.

Son objet est « d’étudier et de mettre


en oeuvre toutes mesures et d’encoura-
ger toutes initiatives propres à réduire la
fréquence et la gravité des accidents de la
circulation routière afin d’accroître par tous
les moyens la sécurité des usagers ». Elle est
représentée dans les divers organismes et
de carrefours, de routes glissantes ou danger que présente pour la vigilance la visite a lieu tous les deux ans en Al- commissions créés par les pouvoirs publics.
en mauvais état, de routes ou de tra- du conducteur le sentiment de sécurité lemagne fédérale.
Il existe dans chaque département un
vaux d’art trop étroits, de passages à ni- qu’il ressent sur une autoroute, dan- • Le permis de conduire. Un permis comité de la Prévention routière sous la pré-
veau, etc. Des pistes cyclables peuvent ger accru par la fatigue, d’une part, de conduire est exigé des conducteurs sidence d’honneur du préfet.

être installées sur 10, 20 ou 30 km et par la monotonie des bruits ou des dans presque tous les pays. En France, Pratiquement, la Prévention routière

le long des routes qui traversent les il existe plusieurs types de permis sui- mène une importante action d’éducation du
images, d’autre part ; d’où la nécessité
principales agglomérations. D’autres public, et particulièrement des jeunes. Elle
d’agrémenter les autoroutes d’un décor vant les catégories de véhicules ; l’ob-
a créé un Centre national de formation de
moyens peuvent être utilisés : signa- tention des permis « poids lourds » et
divertissant ou, comme en Italie, de moniteurs d’auto-écoles et un Centre natio-
lisation des virages, peinture en blanc « transports en commun » est subor-
multiplier les panneaux publicitaires nal d’examens médico-psychologiques pour
des bandes d’accotement sur la chaus- donnée à une visite médicale, renouve- faciliter le recrutement par les entreprises
accrochant l’attention du conducteur.
sée (sur les routes américaines où il a lée tous les cinq ans pour le second de de conducteurs professionnels. Elle gère

été employé, ce procédé aurait permis • Le contrôle des constructeurs. Il est 3 500 postes de secours, qui permettent de
ces permis. Le candidat à un autre certi-
de réduire de 25 p. 100 le nombre des pratiqué dans beaucoup de pays. Les donner les premiers soins aux blessés de la
ficat peut être soumis à un examen mé-
route. Elle publie deux revues bimestrielles :
accidents diurnes et de 18 p. 100 celui États-Unis ont adopté en 1968 des dical lorsque l’examinateur le demande
la Prévention routière et la Prévention rou-
des collisions nocturnes) ; pose de glis- normes de sécurité draconiennes tant ou après retrait du permis, certaines tière dans l’entreprise.
sières le long des autoroutes ou dans les pour les véhicules fabriqués sur le ter- affections étant incompatibles avec la Elle est membre de la Prévention routière
virages ; éclairage des routes (les ex- ritoire national que pour les véhicules conduite d’un véhicule (angine de poi- internationale, qui groupe vingt-neuf pays.
perts estiment que le bon éclairage des importés. trine, faible acuité visuelle, épilepsie),
routes peut réduire de 35 à 40 p. 100 le d’autres ayant pour conséquence de
• Le contrôle des véhicules en circu-
nombre des collisions nocturnes), etc. limiter la durée de validité du certificat. Les moyens que les pouvoirs
lation. Dans de nombreux pays, les
Des autoroutes* peuvent être publics peuvent mettre en oeuvre,
Une réforme profonde du permis de
véhicules utilitaires sont soumis à des
construites, mais, en France, certains mais qui n’auront d’effets
conduire a été envisagée à plusieurs re-
visites techniques régulières ; cette
techniciens estiment qu’il vaudrait heureux que si les conducteurs
prises. En 1968, il a été décidé de limiter
pratique tend à se généraliser pour les acceptent de collaborer
mieux utiliser les crédits disponibles à 90 km/h la vitesse d’un véhicule dont
voitures légères. Il y a une visite an- volontairement ou sous la menace
pour substituer des routes à quatre le conducteur est depuis moins d’un
nuelle en Grande-Bretagne et en Suède de sanctions
voies aux actuelles et nombreuses an titulaire du permis. Toute réforme
pour les véhicules de plus de trois ans, Ce sont des moyens qui doivent faire
routes à trois voies, alors que d’autres efficace se heurte à l’opposition des
préconisent le système des routes à au Japon pour les véhicules de plus entrer en jeu éducation et sanctions.
constructeurs, qui risqueraient de voir
sens unique éloignées l’une de l’autre de dix ans (tous les deux ans pour les diminuer le nombre de leurs clients si • L’obligation de l’équipement de
de 50 m environ, etc. Un symposium véhicules de moins de dix ans), en une véritable sélection était opérée tous les véhicules en ceintures de sû-
tenu à Rome, en 1969, sous l’égide U. R. S. S. et dans de nombreux États pour l’examen. Il semble, cependant, reté. Cet équipement est obligatoire en
de l’O. M. S. a attiré l’attention sur le des États-Unis pour tous les véhicules ; que les pouvoirs publics ne puissent France depuis le 1er avril 1970. Cer-

62
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

tains techniciens estiment qu’une telle véhicules ou les conducteurs autorisés à of the American Association concer- une amende que par la mise en fourrière
mesure devrait, chaque année, réduire pratiquer les vitesses les plus élevées. nant les accidents graves survenus sur (même sous forme symbolique d’un
d’une centaine le nombre des morts et • Détection systématique et sanction les autoroutes américaines montre que abandon sur place avec scellés, dont
d’un millier celui des blessés. Cepen- de l’alcoolisme. L’emploi systéma- l’alcool est responsable du tiers des le bris serait autorisé par le juge d’ins-
dant, l’O. N. S. E. R. (Organisme natio- tique de l’alcotest — avec prise de sang blessures mortelles. tance) ou par le retrait temporaire du
nal de sécurité routière) affirme — en lorsque l’imprégnation alcoolique est Cependant il convient de ne pas permis ou encore par son remplacement
se fondant sur les résultats d’enquêtes détectée — doit permettre de réduire de limiter la détection de l’imprégnation par un certificat de couleurs diverses,
effectuées aux États-Unis et en Suède moitié le nombre des morts et celui des alcoolique au cas des seuls conducteurs qui permettrait de reconnaître facile-
— qu’un usage constant de ceintures blessés, dès lors que l’on fixe à 0,80 g accidentés. On peut pratiquer, comme ment la récidive, celle-ci étant punie
à trois points de fixation pourrait sau- le taux légal d’alcoolémie (comme cela cela est fait dans certains pays étran- d’emprisonnement. En Allemagne fédé-
ver la vie à la moitié des automobilistes a déjà été fait dans plusieurs pays) ; une gers (surtout le samedi), une détection rale, le taux légal d’alcoolémie, fixé à
qui trouvent la mort dans un accident ; enquête parue en 1969 dans le Journal systématique et sanctionner moins par 1,30 g p. 1 000, doit être réduit à 0,80 g,
ces enquêtes montreraient que, dans
les chocs à vitesse faible ou moyenne,
la protection est totale, ce qui devrait
inciter les usagers à les utiliser en ville.
Parmi les porteurs de la ceinture, on
ne trouverait normalement aucun mort
au-dessous d’une vitesse de 100 km/h,
alors que parmi les non-porteurs on
trouve des morts à des vitesses de 30
à 100 km/h.

• Les limitations de vitesse. Elles sont


effectives dans beaucoup de pays, où
elles semblent avoir permis une dimi-
nution, sinon du nombre des accidents,
du moins de la gravité de beaucoup
d’entre eux (limitations locales à
100 km/h en Allemagne fédérale ; limi-
tation en fonction de l’état des routes
en U. R. S. S., où le dépassement de
90 km/h est rarement autorisé ; limi-
tation entre 80 et 120 km/h aux États-
Unis, où l’excès de vitesse est souvent
sanctionné du retrait du permis de
conduire ; limitation à 130 km/h en
Grande-Bretagne et à 90 km/h dans les
pays Scandinaves, avec une autorisa-
tion de rouler entre 110 et 130 sur les
autoroutes).

En France, les limitations de vitesse


ne sont imposées que sur certains par-
cours routiers. (Outre les limitations lo-
cales, qui sont variables, une limitation
générale valable sur plus de 13 000 km
de routes a été instaurée à titre expéri-
mental pendant l’année 1970 : 110 km/h
avec possibilité de dépassement à 130.)
Des techniciens ont suggéré que la
généralisation de ce système pourrait
s’accompagner de limitations sélectives
s’appliquant soit à certains conduc-
teurs seulement (nouveaux conduc-
teurs [comme cela est déjà en pratique],
conducteurs aux aptitudes insuffisantes,
conducteurs qui retrouvent leur permis
après en avoir été privés, conducteurs
sanctionnés pour alcoolisme habituel
ou imprégnation alcoolique passagère,
conducteurs accidentés), soit aux divers
types de véhicules (véhicules trop légers
ou instables par rapport à la puissance
de leurs moteurs) ; mais cette dernière
mesure pourrait conduire à l’institution
d’un permis de conduire spécial pour les

63
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

taux déjà adopté par la Grande-Bre- devrait être étroitement associé à une ger des hypothèses concernant le détermi- • l’excès de confiance en soi et l’âge. Il
nisme des accidents. ressort d’une étude de l’O. N. S. E. R. que,
tagne ; la Suède, qui a adopté le taux telle campagne d’informations.
pour une exposition aux risques égale, les
de 0,50 g, inflige aux délinquants des Le rôle de la police de la route est accidents sont, chez les conducteurs âgés
amendes proportionnelles au montant d’une grande importance. L’essentiel de 18 à 22 ans, deux fois plus nombreux
de leurs revenus ; en U. R. S. S., l’im- n’est pas de sanctionner l’auteur d’une L’accident n’est pas que chez les conducteurs âgés de 43 à

prégnation alcoolique du conducteur infraction qui n’a pas provoqué d’ac- accidentel 52 ans ; en revanche, ils sont sensiblement
les mêmes pour les conducteurs de 18 à
entraîne un séjour de douze heures en cident, mais de lui imposer réflexion « Dans le monde d’aujourd’hui, les accidents
22 ans et pour les conducteurs de 68 à
« station de dessoûlage ». Depuis 1970, et rééducation. Les services de police causent plus de décès que toute autre cause
72 ans. Selon les statistiques de la Caisse
pourraient distribuer aux auteurs d’in- de maladie, à l’exception du cancer et des
un taux supérieur à 0,80 g constitue en nationale de Sécurité sociale, les travail-
affections cardio-vasculaires. Dans beau-
France une infraction. fractions relativement mineures une leurs de moins de 20 ans, qui représen-
coup de pays, ils tuent plus d’enfants et de
fiche d’avertissement numérotée, dont taient 9 p. 100 des effectifs en 1967, ont
• L’application aux responsables jeunes gens de 5 à 19 ans que l’ensemble
le talon permettrait d’établir mécano- eu 16,3 p. 100 des accidents du travail de
d’accidents corporels de sanctions des autres causes de décès réunies. » C’est
graphiquement le casier des « aver- l’année ;
en ces termes que le docteur G. Candau
pénales aggravées lorsqu’une infrac-
tissements » de chaque conducteur. commençait, le 7 avril 1961, l’allocution par • le désir de se singulariser ;
tion grave au Code de la route a été
Le titulaire d’un casier comportant un laquelle il ouvrait la journée anniversaire de • l’inattention. Elle est avouée par
commise. Ces sanctions pourraient être la fondation de l’Organisation mondiale de
certain nombre d’avertissements serait, 31,6 p. 100 des conducteurs et par
suivies de la réquisition définitive et la santé — dont il était directeur général —, 49,53 p. 100 des piétons accidentés sur la
au cours de l’année suivante, invité à
journée organisée sur le thème « l’accident
sans indemnité du véhicule. route ;
se rendre dans un service de sécurité,
n’est pas accidentel ».
• La réforme du système d’assurance. où il aurait un entretien d’une heure ou • la fatigue. Qu’il s’agisse de fatigue
Des opinions exprimées au cours de cette
physiologique ou de fatigue nerveuse,
Jusqu’ici, c’est le véhicule qui est as- deux avec un technicien de la circula- journée, il est ressorti cette idée essentielle
toutes deux liées à l’environnement phy-
suré, alors que, dans 80 p. 100 des cas, tion et un psychologue. Le second entre- que les accidents ne sont pas des événe-
sique (bruit, éclairage, température), aux
c’est le conducteur qui est responsable tien de cette sorte — dans un délai de ments fortuits, de simples fruits du hasard.
méthodes de travail (postures, cadences,
deux ou trois ans — serait suivi d’un Chacun d’eux est le résultat d’un enchaî-
de l’accident. La réforme du procédé etc.) ou aux incidents de la vie personnelle
nement de causes dont la plupart sont évi-
de tarification de l’assurance en fonc- stage dans les services de traumatologie du travailleur, les enquêtes effectuées
tables. La moitié des accidents surviennent
d’un hôpital soignant les accidents de conduisent toutes à des résultats positifs.
tion du nombre d’accidents causés par en effet dans des circonstances considé-
C’est ainsi qu’à Stockholm, en 1956, le
le propriétaire du véhicule ne modifie la circulation (en 1962, un tribunal de rées comme sans danger. (En France, par
risque d’accidents de la circulation passe
Baden-Baden a condamné un chauffard exemple, 46 p. 100 des accidents de mon-
pas sensiblement ce fait. C’est pour- de l’indice 80 à 7 heures du matin à l’indice
récidiviste de dix-huit ans à participer à tagne, qui font un mort tous les deux jours
quoi il a été proposé de détacher l’assu- 253 à 7 heures du soir. Une étude faite
cinq reprises différentes, pendant quatre pendant la saison, se produisent sur des
rance du véhicule pour la rattacher au en U. R. S. S. dans les chemins de fer en
sentiers d’alpage, c’est-à-dire sur des itiné-
heures chaque fois, à l’aide et aux soins 1931 appelait l’attention sur l’importance
conducteur (les conducteurs d’occa- raires faciles.)
des victimes de la route) et du retrait de la fatigue dans la cause des accidents
sion pourraient souscrire une assurance L’homme est responsable de 80 p. 100
provisoire du permis de conduire, la et mettait en cause d’une part l’éloigne-
temporaire). Il serait sans doute pos- des accidents de la circulation, la marge ment entre le domicile et le lieu de travail,
délivrance d’un nouveau certificat étant
sible de donner à l’assurance un carac- de 20 p. 100 des causes qui ne lui sont pas d’autre part l’insuffisance des lieux de
subordonnée non seulement à un nouvel directement imputables pouvant d’ailleurs
tère éducatif en imposant par exemple repos. À Berlin, en 1925, les recherches
examen, mais à la justification d’assi- être sensiblement restreinte. La responsabi- entreprises parmi les conducteurs de tram-
une franchise assez forte à tous les
duité à une douzaine de séances d’une lité de l’homme est probablement en cause ways montraient que l’existence d’une ex-
contrats d’assurance « tous risques », dans 70 à 90 p. 100 des autres accidents.
heure de cours de Code de la route au citabilité nerveuse et de soucis ou d’ennuis
qui ont tendance à donner un sentiment personnels était constatée chez 6 p. 100
siège d’un service de police ou de gen- Tout accident a une pluralité de causes.
de sécurité trop grand au conducteur Les statistiques des causes de décès sont seulement du groupe témoin de conduc-
darmerie.
en face des accidents matériels. Il généralement faites au moyen des certi- teurs non accidentés et chez 45 p. 100 du
ficats de décès établis par les médecins ; groupe des conducteurs accidentés étu-
conviendrait peut-être, comme cela a
L’Organisme national non seulement un certain nombre de certi- dié ;
déjà été proposé, de refuser la prise en
ficats ne spécifient pas la cause de la mort
de sécurité routière • l’insuffisance sensorielle et les mau-
charge par l’assurance des accidents (3 p. 100 aux Pays-Bas, près de 20 p. 100 en vaises aptitudes psychomotrices. C’est
causés par un véhicule en infraction (O. N. S. E. R.)
France), mais encore nombre d’entre eux
surtout en matière d’accidents de la cir-
au Code et notamment aux règles de L’O. N. S. E. R., association présidée par un mentionnent une cause apparente. En réa-
culation et d’accidents du travail que les
conseiller d’État, a été créé en 1961 par lité, la véritable cause consiste le plus géné-
stationnement ; en outre, la responsa- psychotechniciens ont effectué des re-
divers ministères. Outre les représentants ralement en un mouvement, soit un mou-
bilité personnelle du conducteur dont cherches systématiques ; ces recherches
de ces départements ministériels, il com- vement extérieur (chute d’une chose, éclat
ne paraissent pas avoir abouti à la mise
l’infraction est cause d’un accident d’une pièce qui se rompt, etc.), soit — dans
prend des membres d’organismes privés et en valeur particulière des facteurs senso-
pourrait être retenue. publics : Fédération française des sociétés plus de la moitié des cas — un mouvement
riels ou psychomoteurs. Les tests effectués
d’assurance, Caisse nationale de Sécurité de la victime elle-même.
• L’information et l’éducation systé- n’ont, en effet, pas permis d’obtenir de
sociale, Institut national de sécurité, Pré- Si on analyse les circonstances des acci- résultats significatifs. Il en a été ainsi par
matique des conducteurs. Il ne s’agit
vention routière, Secours routier, Droits dents provoqués par un mouvement de la exemple de la comparaison entre deux
pas de créer une ambiance de drame du piéton, etc. Sa fonction est d’effectuer victime, on constate qu’il s’agit d’un geste groupes de conducteurs accidentés, dont
autour de l’automobile, car elle risque des recherches, à court et à moyen terme, néfaste provoqué par un réflexe conditionné les uns avaient une déficience d’acuité
d’inhiber certains conducteurs et de les concernant les accidents, leurs causes et les non contrôlé ou même par un mouvement visuelle ou d’étendue du champ visuel
moyens de les prévenir. volontaire. Dans l’un et l’autre cas, on se
rendre de ce fait plus dangereux ou, au et dont les autres avaient une vue nor-
trouve en face d’une éclipse de la notion male : tout semble se passer comme si les
contraire, de développer les réflexes Les recherches et études faites sont publiées
de sauvegarde. La prévention des accidents conducteurs déficients compensaient leur
par les Cahiers d’études de l’O. N. S. E. R.
d’agressivité ou de volonté de puis- suppose donc, d’une part, une éducation —
et par le bulletin O. N. S. E. R. Actualités. faiblesse visuelle par une prudence et une
sance d’un certain nombre d’autres. dès l’école — de la notion de sauvegarde et,
L’O. N. S. E. R. dispose d’une piste-labora- attention plus grandes. Les tests ont mis
Il convient d’informer les usagers de toire à Lyon, où ont été effectuées des col- d’autre part, la suppression systématique de en valeur le fait que les conducteurs sourds
la cause virtuelle en vue d’interdire le geste
l’automobile des effets de la fatigue, lisions expérimentales pour l’étude de l’effi- seraient moins impliqués dans un accident
néfaste (il vaut mieux dresser une barrière
des boissons alcoolisées et de certains cacité des glissières de sécurité et de divers que les autres.
autour d’une fosse que de se borner à poser
autres moyens de prévention secondaires. En ce qui concerne les aptitudes psychomo-
médicaments (tranquillisants, analgé- un écriteau : Danger).
Des recherches ont porté sur les condi- trices, aucune relation caractéristique n’a
siques, antihistaminiques, stimulants, tions de vigilance, les connaissances et les La recherche des raisons des éclipses de pu être établie, par les tests les plus simples,
anticonvulsivants, gangliophéniques, attitudes des automobilistes. Des analyses la notion de sauvegarde aboutit à mettre en entre les temps de réaction individuels et

etc.) sur la conduite. Le corps médical approfondies de cas sont faites pour déga- valeur : la fréquence des accidents, sauf lorsque

64
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

le temps de réaction (durée entre l’appa- vacances (secrétariat d’État à la Jeunesse et


psycho-sociologues ont établi le lien Allemagne. La responsabilité indivi-
rition d’un signal auditif ou visuel et le aux Sports, 1964). / I. N. S. E. E., Statistiques des
entre l’accident et certains phénomènes duelle cède la place à la responsabilité
causes de décès en 1964 et 1965 (I. N. S. E. E.,
début d’un geste commandé par ce signal)
1967). / les Accidents de la circulation routière internes à la vie du petit groupe de tra- corporative ; l’indemnisation des acci-
est anormalement long. Lorsque le test est
en France (Notes et études documentaires, vail, comme le sentiment d’être rejeté dents du travail fait partie intégrante
plus complexe et implique un choix entre
no 3540, novembre 1968). / H. Muller et coll.,
plusieurs réactions possibles, il semble qu’il ou isolé. Sur le plan pratique de la pré- du système d’assurances* sociales au
les Accidents de la route (Lethielleux, 1969). /
existe un lien entre les temps de réaction vention des accidents, ces observations, même titre que l’assurance maladie
O. M. S., les Statistiques sanitaires mondiales
et la fréquence des accidents (des tests de de 1966 (Genève, 1969). qui mettent l’accent sur l’origine psy- (1883) et comme en fera partie l’assu-
cette sorte sont utilisés pour la sélection des chologique de beaucoup d’accidents, rance invalidité-vieillesse (1889). Cette
conducteurs des transports en commun) ;
sont peu fécondes, dans la mesure où attitude nouvelle se retrouve dans les
• le niveau intellectuel. Il n’a pas été elles isolent des éléments qui inter- législations autrichienne (1887), ita-
possible non plus d’établir un lien véritable
entre le niveau intellectuel des conduc-
accidents viennent conjointement et expliquent lienne (1904), polonaise, tchécoslo-
ensemble l’accident, de quelque nature vaque et yougoslave d’entre les deux
teurs et des travailleurs et la fréquence des
du travail qu’il soit. guerres mondiales, norvégienne (1915),
accidents, sauf en deçà d’un seuil minimal ;
M. P. suédoise (1916), danoise (1920), bul-
• l’état de santé. L’influence de l’état de
Traumatismes occasionnés par le fait ou
santé sur la fréquence des accidents n’a gare (1924), luxembourgeoise (1925)
à l’occasion du travail, et dont l’origine
guère été mise en relief par les chercheurs, L’indemnisation et même française (à partir de 1946). Il
bien que les personnes atteintes d’épilep- et la date sont certaines.
des accidents du travail faut noter qu’en France l’ordonnance du
sie, de diabète ou d’affections cardio-vas-
19 octobre 1945 n’a pas été appliquée,
culaires aient paru à certains d’entre eux Faute de textes spéciaux, les accidents
Les causes une ordonnance nouvelle du 30 octobre
légèrement plus sujets à l’accident. Néan-
du travail ont d’abord été soumis au ré-
moins, la fréquence des accidents paraît des accidents du travail 1946 lui ayant été substituée ; celle-ci
gime du droit commun de la responsabi-
être plus importante pour les sujets ayant marque un certain recul vers la notion
La totalité, ou presque, des accidents du lité* civile assise sur la notion de faute.
souffert de troubles mentaux, plus préci- de responsabilité individuelle, recul ac-
travail a son origine dans l’environne- Les conséquences dommageables d’un
sément chez les personnes ayant présenté
centué en 1951 lorsque a été adopté un
des tendances au suicide. En revanche, ment technologique et dans l’organisa- accident du travail ne donnaient lieu à
système de tarification des cotisations
les personnes atteintes d’une infirmité tion même du travail : dangers inhérents réparation que dans la mesure où elles
en fonction du coût réel du risque.
physique permanente compatible avec la aux machines, à l’outillage ou aux pro- pouvaient être rattachées par un lien de
conduite de véhicules automobiles spécia- cédés de fabrication, mais aussi fatigue, causalité à une faute de l’employeur ou Dans la plupart des pays, les ten-
lement aménagés pour elles auraient deux
physiologique ou nerveuse, liée à l’envi- de l’un de ses préposés ; le plus souvent, dances suivantes se font jour : indem-
fois moins d’accidents que la moyenne des
ronnement physique (bruit, éclairage, l’accidenté était désarmé, soit qu’il ait nisation d’un maximum de travailleurs
autres conducteurs ;
température) ou aux méthodes de travail été victime de son imprudence, soit qu’il salariés (en France, la généralisation a
• l’absorption d’alcool. Beaucoup de
(postures, cadences, etc.). se trouve dans l’impossibilité d’établir la été achevée en 1938) ; assimilation à un
chercheurs insistent sur le fait que l’absorp-
tion d’alcool est à l’origine d’au moins 30 Les aménagements divers pouvant preuve de l’origine fautive de l’accident. accident du travail de certaines maladies
à 40 p. 100 des accidents. Une étude amé- assurer la sécurité de l’homme au travail (France [1919]), puis allongement pro-
Le développement industriel du
ricaine précise que, si le risque d’accident gressif de la liste des maladies profes-
sont à envisager conjointement avec des XIXe s. devait mettre en évidence l’insuf-
est égal à 1 pour le conducteur à jeun, il
problèmes généraux tels que la moder- sionnelles ; indemnisation du travailleur
augmente avec le taux d’alcoolémie (3 pour fisance de la notion de faute, mais, si de
nisation des entreprises, la formation* salarié qui est victime d’un accident de
0,7 g p. 1 000, 5 entre 0,7 g et 1,1 g p. 1 000, nombreux auteurs (notamment Sainc-
professionnelle du personnel, le conflit trajet (France [1946], Belgique, Bul-
15 entre 1,1 g et 1,5 g p. 1 000, 55 pour plus telette en Belgique, Sauzet, Saleilles
de 1,5 g p. 1 000). Par ailleurs, d’une expé- entre les normes de sécurité et les impé- garie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie,
et Josserand en France) s’efforcèrent
rience effectuée à Manchester, il résultait ratifs de la productivité*, etc. etc.) ; mise sur pied d’une politique
de développer des théories juridiques
que les conducteurs non alcooliques d’ha- systématique de prévention. L’Organi-
En fait, en dehors de secteurs large- nouvelles (responsabilité contractuelle
bitude acceptaient tous de prendre, après
sation internationale du travail recom-
absorption de doses limitées d’alcool, des ment automatisés, où le taux d’acci- ou élargissement de la notion de res-
mande dès 1923 une action de préven-
risques qu’ils refusaient normalement de dents a pu être réduit à un seuil minimal, ponsabilité délictuelle) susceptibles
tion, adopte une première convention
prendre à jeun. L’étude statistique ayant la fréquence et la gravité des accidents a d’entraîner les tribunaux dans un mou-
mis en relief le fait que certains sujets sont vement d’élargissement des possibili- internationale du travail (1929), élabore
plutôt tendance à augmenter : particu-
plus fréquemment accidentés que d’autres, des règlements types généraux et spé-
lièrement dans le bâtiment et les travaux tés d’indemnisation, la jurisprudence
la question s’est posée de savoir s’il s’agit là
se cantonna dans une attitude conser- cialisés. En France, l’action législa-
publics, ainsi que dans les industries
d’une conséquence normale du calcul des
vatrice. Le législateur se résolut enfin tive, réglementaire et professionnelle
probabilités, de l’influence de certains des textiles. Avec l’essor de la psychologie
à intervenir : décret prussien de 1848 est complétée par les techniques mises
facteurs individuels énumérés ci-dessus ou industrielle, l’accent a été mis sur les
même si l’on ne se trouverait pas en pré- organisant la responsabilité des com- au point par les organismes de sécurité
facteurs individuels qui sont la cause
sence d’une véritable maladie psychosoma- pagnies de chemin de fer ; lois suisses sociale en application de la loi du 30 oc-
des accidents. L’analyse statistique sug-
tique. (V. accidents du travail.) tobre 1946 et du décret du 31 décembre
gère l’hypothèse d’une inégale tendance de 1881 et de 1885 sur la responsabi-
R. M. lité contractuelle ; lois anglaise (1887), de la même année.
à l’accident selon les individus. Des
Accidents du travail / Assurance / Circulation
batteries de tests appliquées à des sujets danoise et française (1898), hollandaise
/ Responsabilité.
et suédoise (1901), belge et russe (1903) L’organisation française
« polyaccidentés » ont fait successive-
R. Piret, Psychologie de l’automobiliste et
ment apparaître l’influence des facteurs qui reposent sur les notions de respon- Tous les salariés sont couverts par la loi,
sécurité routier (Eyrolles, 1952). / J. Bedour,
Précis des accidents d’automobile et de circu- perceptifs, psychomoteurs (temps de sabilité sans faute de l’employeur et la majorité des salariés de l’industrie et
lation sur route (J. Duprey, 1953 ; 4e éd., 1959) ;
réaction), émotionnels (inhibition en de limitation forfaitaire de cette res- du commerce étant rattachée au régime
la Criminalité routière d’imprudence (faculté
présence de situation dangereuse) et, ponsabilité. Mais, alors que certaines général de Sécurité sociale. En ce qui
de droit de Lille, 1966). / Th. B. Walbeehm,
en deçà d’un certain seuil, du quotient de ces dernières législations laissent concerne les salariés de l’agriculture,
la Prédisposition aux accidents (Organisa-
tion mondiale du tourisme et de l’automo- intellectuel. Les études « psychosoma- à l’employeur la faculté de s’assurer les principes de la loi de 1898 restent
bile ; trad. du néerlandais ; Londres, 1960). /
tiques », dans le prolongement de la (Grande-Bretagne, France, Suède, Ar- en vigueur : responsabilité individuelle
M. Roche, l’Homme et la route (Hachette, 1961).
théorie freudienne, ont souligné éga- gentine [1915]), d’autres rendent cette de l’employeur qui peut — mais n’est
/ P. Aboulker, L. Chertok et M. Sapir (sous la
dir. de), Psychologie des accidents (Expansion assurance obligatoire (Belgique, Portu- pas tenu de le faire — s’assurer auprès
lement le rôle des motivations incons-
scientifique fr., 1961). / R. Mane, la Circulation
cientes, qui donneraient à l’accident un gal [1919], Pays-Bas [1921]). d’une compagnie d’assurances agréée
routière (Centre de recherches économiques

et sociales, « Études et documents », nos 4-5 caractère d’agression dirigée contre le Dès 1884, cependant, une méthode ou auprès d’une caisse de la mutualité
de janvier-février 1962) ; Prudence... Bonnes sujet lui-même. Plus récemment, des différente d’indemnisation apparaît en agricole (un fonds commun supplée à la

65
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

défaillance des employeurs non assurés bilité des cotisations et la date de leur conditions d’assujettissement au mo- à l’origine de l’accident il y a eu faute
et insolvables). versement effectif. ment de l’accident. intentionnelle de l’employeur ou d’un

Lorsqu’il y a couverture par le régime de ses préposés (la caisse de Sécurité

général, un régime spécial ou une assu- Les prestations en nature sociale peut demander le rembourse-
Les risques couverts
rance en ce qui concerne les travailleurs Elles sont attribuées sous forme de prise ment de cette prestation à l’auteur de
• l’accident proprement dit. La lésion
agricoles, l’employeur est tenu — et lui en charge par l’organisme assureur des la faute).
corporelle subie par la victime doit avoir
seul — de verser une cotisation ou une frais nécessités par le traitement, la réé- Dans certains cas, la rente peut être
pour origine une cause soudaine (même si
prime. (Dans certains pays étrangers où ducation fonctionnelle, la réadaptation rachetée moyennant le versement d’un
le préjudice subi trouve en partie sa cause
les accidents du travail sont vraiment professionnelle et le reclassement de la
dans une prédisposition ou une affection capital.
intégrés aux assurances sociales, le tra- préexistante) s’étant manifestée par le fait victime. D’une manière générale, cette
Lorsque l’assuré décède des suites
du travail au temps et au lieu de ce tra- dernière n’a rien à débourser ; c’est l’or-
vailleur est également soumis à cotisa- d’un accident du travail ou à la suite
vail à un moment où l’assuré se trouvait ganisme assureur qui verse directement
tion [Grèce, Inde, Iran, Uruguay], l’État d’une maladie professionnelle, s’ouvre
sous la dépendance ou la subordination le coût des services aux personnes qui
l’étant aussi parfois à son tour [base tri-
de l’employeur (même si la victime utili- un droit à pension pour le conjoint sur-
les ont rendus.
partite en Grande-Bretagne et au Gua-
sait pour ses besoins personnels ou ceux vivant, les enfants de la victime et — à
temala].) La victime a toujours le libre choix de
d’un camarade la machine et l’outil dont défaut — les ascendants.
son praticien traitant, de son établisse-
Depuis la loi du 22 décembre 1966, il se sert, même en cas de désobéissance à

l’employeur). ment hospitalier ou de son fournisseur.


les exploitants agricoles sont obliga- Mieux vaut prévenir
toirement tenus de contracter pour • l’accident du trajet. Est assimilé à un En principe, le droit aux soins cesse
qu’indemniser
accident du travail l’accident survenu lorsque la guérison ou la consolidation
eux-mêmes et les membres de leur fa-
entre la porte de la résidence du travailleur de l’état de la victime sont constatées. Les accidents du travail coûtent très cher
mille travaillant sur l’exploitation une
(résidence principale ou résidence secon- à la collectivité tant en hommes qu’en
assurance contre les accidents et les
daire présentant un certain caractère de Les prestations en espèces argent et qu’en rendement économique.
maladies professionnelles. Ils peuvent
stabilité ou même tout autre lieu où il se
Elles sont attribuées soit sous forme La nécessité d’organiser la prévention
choisir librement leur assurance parmi rend de façon habituelle pour des motifs
d’indemnités journalières, soit sous de ces accidents s’est donc fait sentir
les compagnies agréées, les sociétés d’ordre familial : restaurant, cantine ou
forme de rentes, soit encore sous forme très tôt.
mutualistes, les caisses d’assurances tout lieu où le travailleur prend habituelle-

mutuelles de la loi de 1908 et les caisses ment ses repas) et le lieu de son travail dès de frais funéraires. Dans les sociétés industrielles, le si-
de mutualité sociale agricoles. lors que la victime effectue un parcours gnal paraît avoir été donné en Angleterre
L’indemnité journalière (égale à la
normal sans s’interrompre ou se détourner
moitié du salaire de base du deuxième par une loi de 1802 sur la protection de
Les non-salariés non agricoles
pour un motif dicté par l’intérêt personnel
au vingt-huitième jour d’arrêt du travail la santé du personnel des filatures et ma-
peuvent contracter une assurance vo- ou indépendant de l’emploi.
et aux deux tiers de ce même salaire de nufactures de coton, suivie en 1844 par
lontaire auprès des caisses de Sécurité
• la maladie professionnelle. Sont consi-
base à partir du vingt-neuvième jour) est une loi sur la protection des machines et
sociale. dérées comme garanties par l’assurance
versée jusqu’à la guérison complète ou la déclaration des accidents. Les Alle-
Les précisions suivantes concernent quelques maladies déterminées que la pra-
jusqu’à la consolidation de l’état de la mands légifèrent dans le même sens en
tique de certains travaux peut provoquer
uniquement le régime général de Sécu-
victime (moment où aucune améliora- 1839, en 1845, en 1869 et en 1891. Ce
chez les personnes qui s’y livrent habituel-
rité sociale.
tion n’est plus normalement prévisible), fut le tour des Français et des Italiens en
lement. Pour que la garantie joue, la mala-
Les cotisations sont versées par les die doit figurer sur la liste des affections ou jusqu’à son décès ; le montant de 1898, et des Belges en 1899. Les em-
employeurs, tous les mois ou tous les que la loi tient pour des maladies profes- cette indemnité journalière est cepen- ployeurs se sont également intéressés à
trois mois, à l’Union pour le recou- sionnelles, l’activité professionnelle de la dant plafonné. La journée au cours de la prévention des accidents du travail,
vrement des cotisations de sécurité victime doit comporter la pratique habi- laquelle s’est produit l’accident est inté- ainsi que le manifeste la création, en
tuelle de certains travaux énumérés dans gralement payée par l’employeur.
sociale et d’allocations familiales 1862, en France, de l’« Association des
cette liste et reconnus comme propres à
(U. R. S. S. A. F.) ; elles sont en prin- Quand la victime de l’accident reste propriétaires de machines à vapeur » ;
créer ou favoriser cette maladie, l’affection
cipe calculées sur le même salaire que atteinte d’une incapacité permanente de dans plusieurs pays, le législateur confie
doit s’être déclarée avant l’expiration du
celui qui sert de base aux cotisations travail partielle ou totale (sauf en cas une mission en faveur de la sécurité des
délai d’incubation présumé être celui de la
d’assurances sociales et de prestations maladie (dans les cas où la victime aurait de sabotage ou de mutilation volon- travailleurs à des organisations patro-
familiales. On distingue quatre types cessé d’effectuer les travaux dangereux taires), elle a droit à une rente dont le nales constituées spontanément ou sur
de tarification : tarification collective avant l’apparition de la maladie). montant est tout ensemble fonction du l’incitation des pouvoirs publics. Mais
pour une branche d’activité, tarification Lorsqu’un assuré est atteint d’une mala- taux de l’incapacité de travail et des l’Europe paraît nettement en retard sur
individuelle, tarification mixte (dans ces die ne figurant pas sur la liste prévue par salaires perçus par l’intéressé au cours les États-Unis, où le Massachusetts
trois types, il est tenu compte simulta- la loi, mais dont il peut établir que son tra- des douze mois ayant précédé l’arrêt de crée une inspection du travail en 1867
vail est la cause, il peut tenter d’obtenir de travail. Le montant de cette rente, payée
nément des salaires payés et des presta- et organise la prévention des accidents
son employeur la réparation intégrale du
tions versées au cours des trois années trimestriellement, est revalorisé annuel-
dans les fabriques en 1877. Le premier
préjudice subi (alors que l’assurance pré-
précédentes soit dans la branche d’acti- lement pour tenir compte du mouve-
voit seulement une réparation forfaitaire) Congrès international des accidents du
vité, soit dans l’entreprise) et tarifica- ment général des salaires ; il peut être
en s’adressant aux tribunaux de droit com- travail se réunit à Paris, à l’occasion de
tion forfaitaire. révisé en cas d’aggravation ou d’atté-
mun dans les conditions mêmes où, avant l’Exposition de 1889.
nuation de l’infirmité. Des compléments
Les prestations sont versées par les 1898, un travailleur pouvait le faire au titre
à la rente sont servis : lorsque le titulaire En France, la sécurité du travail a fait
des dispositions du Code civil relatives à la
caisses primaires et régionales d’assu- l’objet de dispositions nombreuses : les
responsabilité*. est dans la nécessité d’avoir recours à
rance maladie. unes législatives ou réglementaires ;
l’assistance d’une tierce personne pour
L’employeur qui ne s’est pas libéré effectuer les actes ordinaires de la vie les autres, d’origine privée, émanant
dans le délai légal imparti se rend cou- (majoration pour tierce personne), d’associations professionnelles, des
Les prestations
pable d’une contravention* (la récidive lorsque l’accident est imputable à une conventions collectives de travail, des
de l’assurance
constitue un délit*), encourt des majora- faute inexcusable de l’employeur (le règlements intérieurs des entreprises.
tions de retard et peut se voir demander Toute victime d’un accident du travail coût de la majoration pour faute inexcu- L’action des organismes assureurs s’est
le remboursement des prestations ser- peut prétendre aux prestations de l’as- sable peut être récupéré au moyen d’une développée lorsque l’assurance est
vies à ses salariés entre la date d’exigi- surance dès lors qu’elle remplissait les cotisation supplémentaire) ou lorsque devenue obligatoire, pour prendre une

66
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

tion spectaculaire du nombre des acci-


dents du travail dans certaines indus-

tries, notamment la mécanique.

R. M.

Accident / Invalidité (assurance) / Sécurité

sociale / Travail.

J. M. Lahy et S. Korngold, Recherches expé-

rimentales sur les causes psychologiques des

accidents du travail (Conservatoire national

des arts et métiers, 1937). / J. Zurfluh, Accidents

du travail et formation-sécurité (Dunod, 1957).

/ Bureau international du travail, la Préven-

tion des accidents (Genève, 1961). / R. Mane,

les Accidents du travail (les Éditions juridiques

et techniques, 1965). / Mesures générales de

protection et de salubrité applicables à tous les

établissements (I. N. S., 6e édit., 1967). / Pour

votre sécurité à la maison, au travail (I. N. S.,

6e édit., 1968). / École supérieure de commerce

de Nantes, Entreprise et sécurité (Jeune Com-

merce, 1969). / Accidents du travail et mala-


ampleur nouvelle quand cette assurance tournes aux entreprises ayant pris des Il convient donc de faire comprendre dies professionnelles (Liaisons sociales, 1969).
a été rattachée à la Sécurité sociale. mesures particulières de prévention et et accepter les mesures de prévention D’une manière générale on pourra consulter

d’infliger des majorations (25 et même par les employeurs et par les travail- les « statistiques technologiques des accidents
Dans une première phase, il appar-
50 p. 100 en cas de récidive) à celles leurs. Une action de propagande et du travail » publiées chaque année par la Caisse
tient à l’Inspection du travail — créée
qui ne se conforment pas à leurs propres d’enseignement s’est ainsi développée. nationale de Sécurité sociale et la revue men-
en 1874 — de contrôler l’application
suelle Travail et sécurité, éditée par l’I. N. S.
mises en demeure de prendre telle ou Un « Fonds de prévention » a été créé
des mesures de sécurité prescrites par
telle mesure de prévention prévue ou auprès de la Caisse nationale d’assu-
les autorités compétentes, c’est-à-dire
non par le Code du travail ; ces mises en rance maladie en vue de développer et
tout d’abord par le législateur en 1874
demeure peuvent être individuelles (le de subventionner des institutions ou des
et en 1892. C’est seulement à partir de
1931 que la loi a cessé de laisser aux chef d’entreprise peut faire appel devant services spécialisés dans la prévention. acclimatation
chefs d’entreprises le soin des moyens l’inspecteur divisionnaire du travail) ou Il finance notamment un « Institut natio-
collectives (elles ont dû être homolo- nal de sécurité », auquel a été assigné Pratique qui consiste à modifier les
de protection pour s’engager dans la
guées par l’inspecteur divisionnaire du un rôle de recherche, d’information, de
voie d’une réglementation de plus en réactions biologiques d’un être vivant,
travail ou, à défaut, par le ministre du propagande et de formation de spécia-
plus précise ; la plupart des règlements pour l’adapter à vivre, sans moyens
Travail). listes. Ce Fonds peut également consen-
ont donc été révisés avec le concours
artificiels, en dehors de son climat d’ori-
de techniciens et de représentants des Les mesures d’ordre collectif impo- tir des avances à taux réduit aux entre-
gine. (On appelle plutôt acclimatement
prises qui réalisent des aménagements
organisations syndicales. Depuis 1941, sées par une caisse régionale peuvent
nouveaux plus efficaces. l’ensemble des phénomènes physiolo-
l’Inspection du travail est doublée d’une être étendues à l’ensemble du territoire
L’action menée par l’I. N. S. et les giques qui permettent aux plantes et aux
Inspection médicale du travail, dont le par arrêté ministériel sur demande d’un
rôle est non seulement de s’intéresser à des dix-huit comités techniques natio- comités techniques peut porter ses animaux de résister à une exposition

la santé des travailleurs, mais également naux paritaires, qui ont été constitués fruits, ainsi qu’en témoigne la diminu- permanente ou temporaire à des climats
de contrôler les conditions de travail et par professions ou groupes de profes-
d’hygiène dans les ateliers. En 1941, sions et qui donnent des instructions aux
des comités d’hygiène et de sécurité comités techniques régionaux fonction-
sont institués dans toutes les entreprises nant auprès de chaque caisse régionale.
comptant au moins 50 salariés, à l’imi- Les obstacles à la réalisation de
tation des délégués à la sécurité mis en la prévention des accidents du travail
place en 1890 dans les mines. Ils se réu- sont nombreux. Les uns tiennent aux
nissent après chaque accident grave. fabricants de matériel, qui, trop sou-
L’inspecteur du travail met en de- vent, omettent de livrer celui-ci avec
meure les chefs d’entreprises qui ne se les protections réglementaires ; d’autres
sont pas conformés à la réglementation ; tiennent à la mauvaise conception des
si la mise en demeure n’est pas suivie machines, auxquelles il faut adapter
d’effet, il inflige une amende pour des protections alors qu’elles devraient
chaque contravention ; si l’amende n’a être conçues en fonction même des
pas plus d’effet que la mise en demeure, protections nécessaires ; d’autres en-
le tribunal correctionnel peut ordon- core tiennent à l’incompréhension des
ner la fermeture de l’entreprise. Mais employeurs — considérant son coût
le système des sanctions se double de — et des travailleurs, qui reprochent
procédés plus efficaces : le taux des souvent à la prévention de les gêner et
cotisations à l’assurance contre les de réduire leur rendement, c’est-à-dire,
accidents du travail est généralement souvent, leur rémunération. Cependant,
adapté à la gravité des risques, les les jeunes ouvriers sont plus perméables
caisses régionales de Sécurité sociale aux notions de prévention que les an-
ayant la possibilité d’accorder des ris- ciens.

67
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

milieu naturel et présentant des carac- duire un fourrage de haute qualité nu-
téristiques économiques intéressantes ; tritive contenant les éléments minéraux
diversification des productions, permet- (calcium et phosphore) nécessaires et
tant de limiter l’extension de cultures présentant une haute teneur en vita-
excédentaires. mines permettant une croissance rapide
H. M. des animaux ainsi nourris ;

• la mise à l’abri des rigueurs du


Acclimatation nouveau climat. Les nouveaux impor-
des animaux tés devront arriver au printemps ou en
une saison où les écarts de température
Son but, parfois scientifique, mais sur-
entre leur milieu d’origine et leur nou-
tout d’ordre pratique, est d’obtenir un
rendement économique accru des pro- veau milieu sont les plus faibles. On

ductions que l’on exige de la part de habituera progressivement les animaux

l’animal. Ainsi, on cherchera une aug- aux nouvelles conditions climatiques ;

mentation de rendement en viande et en • une sélection rigoureuse. Pendant


lait chez les Bovins ou en laine chez les l’acclimatation, les descendants des
Ovins. nouveaux importés qui ne se dévelop-
différents de ceux de leur aire géogra- lection de plus en plus importants) per-
Chaque espèce animale a, en fonction peront pas assez rapidement et ceux qui
phique normale.) mettant de mieux valoriser les surfaces
de ses particularités physiologiques, seront tarés ou mal conformés seront
cultivées (extension du Tournesol, du
une aire écologique dans laquelle elle éliminés ;
Acclimatation Maïs, du Blé dur en France ; essais de la
vit normalement : les Rennes et les • une hygiène parfaite. Il faudra éviter
Betterave à sucre en Afrique du Nord ;
des végétaux
Chiens sont les seules espèces domes- aux animaux nouvellement introduits
essais d’implantation de Légumineuses
D’après Vavilov, les centres d’origine tiques utilisées dans la toundra et la tout contact microbien ou parasitaire.
dans les cocoteraies de Polynésie) ;
des principales plantes cultivées en forêt arctiques, les Chameaux peuvent
— l’utilisation de plantes spontanées On pourra considérer comme plei-
Europe ne sont qu’au nombre de huit : seuls parcourir les déserts, tandis que
ou de variétés cultivées dans d’autres nement réussie une acclimatation qui
le Blé tendre, le Riz, la Canne à sucre les Moutons et les Chèvres sont exploi-
pays comme fournisseurs de caractères permettra d’obtenir facilement des
sont originaires d’Asie ; la Pomme de tés dans les zones subdésertiques. Les
héréditaires intéressants (résistance au naissances et qui atteindra le but écono-
terre vient d’Amérique centrale ; de Bovins, les Ovins, les Caprins et les
froid, précocité, productivité) servant à mique recherché.
nombreuses espèces de plantes four- Chevaux sont largement répandus dans
la création de variétés nouvelles adap-
ragères viennent du Bassin méditerra- les zones tempérées et dans la savane. Beaucoup d’exportations d’animaux
tées à un climat particulier (création des
néen. Les plantes cultivées en Europe Si les Bovins sont aussi présents dans de zones tempérées vers les zones tro-
variétés de Blé australiennes à partir de
et en Amérique du Nord proviennent les forêts tropicales, les Ovins, les Po- picales et subtropicales n’ont pas été
plantes indiennes, canadiennes et an-
donc de transports effectués lors des neys et quelques Bovins peuvent, de couronnées de succès, tant parce que les
glaises présentant des caractéristiques
migrations de l’homme dès les temps les leur côté, être exploités dans les régions animaux introduits avaient de la peine à
complémentaires). La conservation du
plus anciens ou bien ont été ramenées montagneuses. s’adapter à la chaleur que parce qu’ils
matériel végétal (en végétation ou à
plus tard par les « grands navigateurs » l’état de semences) doit être soigneuse- Des animaux de plaine (Bovins, étaient soumis à des infestations parasi-
(Maïs, Pomme de terre, Tabac d’origine ment réalisée pour qu’il puisse servir de Ovins) transportés en altitude se taires non contrôlées (Tiques, parasites
américaine). « banque génétique ». montrent beaucoup moins résistants intestinaux, etc.). Par contre, les impor-

que les animaux caractéristiques de tations d’animaux des zones chaudes


Les essais d’acclimatation ont été et Les tentatives d’acclimatation ne
certaines de ces zones, tels les Lamas, vers les zones tempérées ont donné des
sont encore parfois très désordonnés, sont fécondes que si certaines règles
mais, aujourd’hui, la F.A.O. ainsi que qui sont utilisés comme animaux de bât résultats remarquables (qu’il suffise
sont respectées, notamment les mesures
quelques pays (États-Unis, U. R. S. S., jusqu’à 6 000 m. En effet, la pression de citer l’exemple du Cheval arabe) :
sanitaires (quarantaine) pour éviter l’in-
Australie) essayent, en organisant la atmosphérique et donc la pression de l’adaptation est beaucoup plus facile et,
troduction de parasites et les essais de
collecte des échantillons végétaux ainsi végétation de relativement longue durée l’oxygène y sont nettement plus basses. surtout, les conditions d’élevage sont

que leur traitement, de tirer au mieux (pour éliminer l’effet possible de cir- L’animal doit, en conséquence, modi- nettement plus favorables dans les pays

parti des possibilités offertes par l’ac- constances climatiques exceptionnelles, fier ses mécanismes physiologiques développés de la zone tempérée.

climatation à l’agriculture, notamment pour s’adapter à cette nouvelle situa- P. B. et J. B.


masquant l’adaptation ou l’inadaptation
grâce à : réelle au climat local). Ces efforts ré- tion. Il en résulte qu’un animal de plaine

— l’enrichissement de la flore existante pondent à deux préoccupations princi- qui doit être transporté à haute altitude
Histoire de l’acclimatation
par l’introduction de nouvelles espèces pales : utilisation optimale des surfaces souffrira moins s’il passe par une étape
intermédiaire de plusieurs semaines à Depuis la plus haute antiquité, les Égyptiens
(en liaison avec des programmes de sé- par un matériel végétal bien adapté au
avaient acclimaté quantité d’espèces ani-
altitude moyenne.
males pour les utiliser comme bêtes d’orne-
Pour réaliser une acclimatation aussi ment de parcs ou de volières.
parfaite que possible, les principaux
Les Grecs importèrent chez eux la Pintade
moyens utilisés sont les suivants :
d’Afrique, multiplièrent le Lapin, le Furet et

• le choix des individus. On prendra élevèrent à l’état domestique des Sarcelles

des jeunes sujets en bonne santé pré- et des Grues. Les Arabes introduisirent dans
les pays conquis de nombreuses espèces
sentant des qualités d’adaptation au
animales, qui s’y acclimatèrent : le Chameau,
nouveau milieu. On devra pour cela
le Dromadaire, le Zébu, le Buffle, le Ver à
choisir les plus robustes, les mieux
soie.
conformés, sans tares et sans parasites ;
On doit aux Romains l’introduction des
• une alimentation de haute qualité. Daims en Angleterre. Ceux-ci y vécurent
S’il s’agit d’herbivores, on agira sur les fort bien, et une souche de ces animaux fut

sols pour les amender et leur faire pro- importée en France au XIIIe s.

68
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

posées et indépendantes formaient un le soliste et l’orchestre, qui s’établis-


ensemble homogène et pouvaient être sait chez Mozart à des moments pri-
confiées indifféremment à une voix vilégiés, se fit de plus en plus serré
ou à un instrument. Au XIVe s., cepen- (Schumann, Concerto pour piano et
dant, on la retrouve en germe dans les orchestre, 2e mouvement). Dans la
pièces profanes (ballades, virelais et seconde moitié du XIXe s., l’accom-
rondeaux) de Guillaume de Machault, pagnement, joué par tout l’orchestre,
dont les mélodies étaient soutenues prit souvent l’importance d’une sym-
par un contrepoint accompagnant. phonie dont la puissance était suf-
Mais c’est au XVIe s. que la nouvelle fisante pour menacer, chez Wagner
écriture en accords justifia, puis rendit par exemple, le soliste d’engloutis-
nécessaire l’accompagnement. On prit sement. Dans le lied et la mélodie, il
l’habitude de chanter l’air en solo en fut presque toujours, à part égale, le
s’accompagnant d’un luth. Ce fut la collaborateur du soliste, soit en impo-
monodie accompagnée. Au XVIIe s., sant un rythme (Duparc, l’Invitation
on publia en France des airs de cour
au voyage), soit en suivant de près la
et en Angleterre des ayres avec un ligne vocale (Debussy, Chansons de
accompagnement en tablature de luth.
Bilitis no 2), soit en affirmant une indé-
En même temps apparut en Italie un
pendance qui n’était que feinte indif-
autre mode de déclamation chantée,
férence (G. Fauré, Clair de lune). Par
le récitatif, conçu directement pour
des moyens divers, souvent opposés,
une voix accompagnée. Dès lors, l’ac-
des musiciens comme R. Strauss, De-
compagnement ne fut plus tributaire
bussy ou Ravel eurent cependant tou-
de chaque syllabe du texte. Selon les
jours le souci, qu’il s’agisse de mettre
inflexions du chant, il usa de longues
en valeur un poème ou de créer une
notes tenues ou bien s’anima en pre-
ambiance, de conserver un judicieux
nant parfois son rythme propre et ses
équilibre entre l’accompagnement et
tournures mélodiques. On l’écrivit
la partie principale. Dans la musique
alors sur une seule portée où figurait
contemporaine, par contre, toutes les
une simple basse, chiffrée ou non,
sonorités ont tendance à se fondre dans
que l’on appela basse continue ou
une harmonie complexe et totale, à la
continuo. Celle-ci, jouée par un bas-
façon d’un motet médiéval.
son ou un violoncelle, pouvait être
« réalisée » par un instrument harmo- Au XVIIIe s., la leçon d’accompagne-
nique. On la confia non seulement au ment permettait d’apprendre à « réa-
luth, mais au théorbe, à la guitare, à liser » une basse. De nos jours, elle
l’orgue, à l’épinette et, plus tard, au consiste à entraîner un musicien à jouer
clavecin. Par la suite, dans les cantates dans un ensemble ou à accompagner un
Les Espagnols rapportèrent de leurs ex- tant que celui qu’elle a joué dans l’écono-
et les oratorios de J.-S. Bach et dans soliste.
plorations d’outre-mer le Dindon, le Cobaye, mie animale domestique.
les opéras de Händel par exemple,
le Canard musqué et le Serin (du Sénégal). Au XVIIe s., pour soutenir les chantres
on joignit à la basse d’autres parties
Adaptation / Domestication. qui interprétaient mal le plain-chant à
Vers 1854, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire
instrumentales, dites « parties obli-
l’église, on écrivait des accompagne-
(1805-1861), fils d’Étienne (fondateur et
gées concertantes ». Jusque vers 1750,
premier directeur de la ménagerie du Jardin ments en accords, note contre note, in-
c’est-à-dire tant que la basse continue
des Plantes), fit connaître les remarquables compatibles avec le style de l’ancienne
fut couramment utilisée, on publia de
travaux poursuivis par Daubenton à Mont- accompagnement nombreuses méthodes pour apprendre
monodie. Au XIXe s., cette habitude s’ag-
bard (v. Buffon). Il souleva en France un grava. C’est seulement à la fin du siècle,
à réaliser une basse selon des formules
grand mouvement en faveur de l’acclima- après la restauration du plain-chant par
Partie instrumentale d’une partition
tation des animaux exotiques, poursuivant convenues. À l’avènement de l’époque
les moines de Solesmes, que se déve-
assujettie à une ou plusieurs parties prin- classique, les musiciens délaissèrent
ainsi l’oeuvre accomplie par son père à la
cipales, vocales ou instrumentales, dont loppa un style d’accompagnement plus
ménagerie du Muséum. Il fonda la Société ce procédé sténographique et écri-
elle est le soutien rythmique et harmo- respectueux de la modalité et de la ryth-
d’acclimatation de France, dont le but était virent intégralement toutes les parties
nique. mique anciennes.
d’introduire des animaux destinés à rendre instrumentales de leurs oeuvres. Il
A. V.
service à l’agriculture (le Lama, le Yack, cer- On peut en trouver trace dans l’an- s’ensuivit une période d’émancipation
tains Vers à soie) ou bien devant être utilisés F. T. Arnold, The Art of Accompaniment
cienne poésie chantée et, moins loin durant laquelle l’accompagnement prit
from a Thorough-Bass (Londres, 1931).
comme animaux de compagnie ou d’agré-
de nous, dans la chanson des trouba- un tour plus personnel. À la fin du
ment (Oiseaux et Poissons exotiques).
dours et des trouvères. Généralement, XVIIIe s. et au XIXe s., il se transforma en
À l’heure actuelle, les progrès de la science
une autre mélodie doublait ou non même temps que l’écriture selon des
et de la technique, l’étude des régimes
le chant. Mais, pas plus que dans les règles très souples, que chaque musi-
alimentaires équilibrés, la conservation et
musiques traditionnelles, ce n’était un cien appliqua selon son tempérament. accord
l’entretien des animaux en atmosphère
véritable accompagnement. On peut, Au théâtre, il commenta de plus près
conditionnée pendant la mauvaise saison
par contre, considérer comme un essai la situation dramatique ; au concert, Ensemble de plusieurs sons émis si-
ont permis d’augmenter dans les jardins
d’accompagnement le déchant, l’or- il devint le partenaire sensible des so- multanément. Par exemple, l’accord
zoologiques la longévité moyenne des
ganum et le faux-bourdon du Moyen listes, au point de jouer, par exemple parfait majeur est fourni par l’émis-
animaux sauvages. En contribuant ainsi à

la sauvegarde des espèces en voie de dispa- Âge. Mais, lorsque le contrepoint se dans les lieder de Schubert et surtout sion simultanée de sons tels que do-
rition, l’acclimatation a apporté son aide à développa, la notion d’accompagne- de Schumann, un rôle psychologique. mi-sol. Cet accord est composé de la
la protection de la Nature, rôle aussi impor- ment disparut, car les mélodies super- Dans le concerto, le dialogue entre tonique (do) et des notes à la tierce

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

majeure (mi) et à la quinte (sol) de la formant l’un des accords consonants du Expulsion de l’enfant, sal ; sa moitié postérieure est, en son
tonique. tableau et que l’on altère progressive- milieu, repoussée en avant par la saillie
ou accouchement
ment la fréquence de l’un d’eux, tant du promontoire (du sacrum). L’excava-
proprement dit
tion elle-même est constituée en avant
que l’intervalle des deux sons ne s’écar-
par la face postérieure du pubis et en
tera pas trop de la valeur correspondant Mécanisme général de arrière par la face antérieure du sacrum
Une expérience simple nous ren- à l’accord consonant, l’impression de l’accouchement normal
et du coccyx. Dans son ensemble, elle
seigne sur la sensation que donne un consonance subsistera. C’est en fait ce
Il comporte l’entrée en jeu de puis- forme un tronc de tore avec un orifice
accord : un disque portant deux ran- qui se passe pour les accords fournis par sances, de résistances et de mobiles. supérieur à grand axe transversal et un
gées de trous concentriques est monté la gamme tempérée, qui ne s’écartent
Les forces expulsives sont représen- orifice inférieur à grand axe antéropos-
sur l’arbre d’un moteur dont on peut
pas des accords consonants correspon- térieur. Elle est divisée en deux étages
tées par le muscle utérin et par la muscu-
régler la vitesse. Chaque rangée de
dants de plus de 3 savarts (v. hauteur) : lature abdominale et diaphragmatique : par le détroit moyen. L’orifice inférieur,
trous défile, quand le moteur tourne,
un intervalle de 1 savart représente 1/50 l’utérus comporte une musculature ou détroit inférieur, est ostéofibreux,
devant un tube alimenté en air com-
de ton de la gamme tempérée. de forme losangique, à grand axe anté-
interne circulaire et une musculature
primé. Les interruptions périodiques
ropostérieur. Cet anneau osseux étant
P. M. externe longitudinale. Le muscle utérin
des jets d’air provoquent l’émission
rigide, sa traversée ne saurait être, sans
est un muscle lisse, doué d’élasticité, de
simultanée de deux sons qui forment
dommage pour le foetus, une question de
contractilité et de tonicité. Les contrac-
un accord. Si, par exemple, le nombre
force seule. Le foetus, pour le traverser,
tions sont intermittentes, totales et pro-
de trous des rangées est 16 et 20, on
ne peut que s’adapter et s’accommoder
entend, pour une certaine vitesse du accouchement gressives. Elles sont indépendantes de
à lui, un peu comme une vis s’adapte à
la volonté. La musculature abdominale
moteur, un accord de tierce majeure.
son pas de vis. La façon dont le foetus
et diaphragmatique, au contraire, est
Si l’on fait varier la vitesse, la hau- Ensemble des phénomènes mécaniques évolue dans ce canal osseux varie selon
faite de muscles striés, sous la dépen-
teur de chacun des sons change, mais et physiologiques ayant pour consé- la présentation ; cette « présentation »
dance de la volonté.
l’accord reste un accord de tierce ma- quence la sortie de l’enfant et de ses se définit comme la partie du foetus
jeure. Et comme seul le rapport des Les résistances sont représentées
annexes (placenta, membranes et cordon occupant l’aire du détroit supérieur au
fréquences des sons émis est indé- d’abord par le col de l’utérus, qui
ombilical) hors des voies maternelles, et début de l’accouchement. Dans le cas
pendant de la vitesse de rotation du joue un rôle de verrou durant toute la
à partir du terme théorique de six mois du « sommet », présentation la plus
disque, puisqu’il est égal au rapport grossesse. C’est donc le premier obs-
habituelle, la traversée osseuse se fait
de grossesse.
du nombre de trous des deux rangées, tacle rencontré par le foetus. Les trois successivement pour la tête, les épaules
on en déduit que la sensation four- Avant le sixième mois, en effet, on quarts des forces déployées par l’utérus
et le siège du foetus en trois étapes.
nie par un accord de sons ne dépend parle d’« avortement* ». Si l’accou- pendant l’accouchement se dépense-
• L’engagement. C’est le franchis-
que du rapport de leurs fréquences. chement se produit au terme habituel ront pour l’ouvrir. Deux modifications
sement du détroit supérieur par le
On trouve en particulier que l’ac- vont survenir à son niveau : l’efface-
de deux cent quatre-vingts jours, il est plus grand diamètre de la présenta-
cord de tierce majeure est fourni par ment d’abord (diminution de longueur
dit « à terme » ; s’il se produit au-delà tion. Avant ce franchissement, la pré-
l’émission simultanée de deux sons qui substitue un orifice utérin au canal
du terme, il est dit « post-terme » ; s’il sentation aura orienté son plus grand
dont le rapport des fréquences vaut préexistant) ; la dilatation ensuite, pro-
se produit entre le sixième et le neu- axe dans le plus grand axe du bassin.
20/16 = 5/4. On appelle intervalle gressive, jusqu’à ce que le col soit mis
vième mois, il est dit « prématuré ». L’engagement peut se faire en « syn-
de deux sons le rapport de leurs fré- à l’alignement du vagin et de l’utérus,
L’accouchement est « spontané » s’il clitisme » (engagement simultané des
quences. L’accord de tierce majeure qui ne forment plus alors qu’un énorme
deux bosses pariétales) ou en « asyncli-
est donc caractérisé par l’intervalle se déclenche de lui-même ; il est « pro- cylindre de 10 cm de diamètre (dila-
tisme » (engagement d’une bosse avant
5/4. Le tableau ci-contre donne les voqué » lorsqu’il est consécutif à une tation complète). Le vagin et la vulve
l’autre).
intervalles caractérisant quelques intervention extérieure. Il est « natu- sont beaucoup plus élastiques que le col,
• La descente. Au cours de la descente
accords simples agréables à l’oreille, rel » s’il se produit sous l’influence des mais le vagin est bridé latéralement par
dans l’excavation, la présentation doit
ou, comme l’on dit, consonants. On seules forces de la physiologie ; il est le muscle releveur de l’anus, qui forme
faire une rotation telle qu’elle amène
constate que ces intervalles sont des « artificiel » quand il est le résultat d’une l’essentiel du plancher périnéal. Le se-
son plus grand axe à coïncider avec le
fractions entières simples. De ce fait, cond obstacle est donc ce plancher péri-
intervention. Il est « eutocique » quand
plus grand axe du détroit inférieur, qui
les sons qui forment les accords cor- néal, qui sera franchi sous l’action des
il s’accomplit suivant un déroulement est médian.
respondants ont de nombreux harmo- contractions et des efforts volontaires
mécanique normal ; il est « dystocique »
niques communs (v. timbre), ce qui de la femme. Mais l’élément essentiel • Le dégagement. C’est le franchis-
dans le cas contraire. Il est « simple » sement du détroit inférieur. Il se fait
rend ces accords particulièrement dont le foetus doit s’accommoder est
lorsqu’il aboutit à l’expulsion d’un seul autour du point fixe de la symphyse
consonants. En particulier pour deux le bassin osseux. C’est un canal rigide
sons à l’octave l’un de l’autre, tous enfant ; il est « gémellaire » s’il abou- pubienne.
constitué par les deux os iliaques et le
les harmoniques pairs du son grave tit à l’expulsion de deux enfants ; il est sacrum. On lui décrit deux orifices, ou Le mobile est représenté essentielle-
sont des harmoniques du son aigu. « multiple » en cas de triplés ou de qua- détroits, et une excavation. L’orifice ment par le foetus. La partie la moins ré-

Toutefois, dans le tempérament égal druplés. Il est dit « sans douleur », ou supérieur, ou détroit supérieur, a la ductible en est la tête, dont l’importance

(v. gamme), suivant lequel, en prin- « psychoprophylactique », lorsqu’il se forme d’un ovale à grand axe transver- est primordiale du point de vue de la

cipe, tous les instruments sont accordés, produit après une préparation particu-
l’octave est divisée en douze demi- lière, permettant à la mère d’avoir un
tons égaux, l’intervalle entre deux comportement discipliné et organisé.
notes séparées par un demi-ton étant
On réunit en fait sous le nom d’ac-
constant. Il s’ensuit que les intervalles
couchement trois périodes bien dif-
correspondant aux accords du tableau
férentes : l’expulsion de l’enfant, ou
ci-dessus ne sont plus exactement égaux
à un rapport simple de deux nombres accouchement proprement dit ; l’expul-

entiers, l’octave exceptée. On conçoit, sion du placenta, ou « délivrance » ; les


cependant, que si l’on part de deux sons jours suivants, ou « suites de couches ».

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

mécanique de l’accouchement. Le crâne perce-membranes. La progression de mètre occipito-mentonnier). Le dia-


foetal est formé d’os plats réunis par la présentation aboutit à l’arrivée à la mètre de la tête est alors supérieur au
des sutures membraneuses et des fonta- plus grand des diamètres du bassin
vulve, annoncée par la distension pro-
nelles, et ses dimensions, à terme, sont (12 cm). Si cette présentation du front
gressive du périnée. L’orifice vulvaire
à peu près constantes (7 à 9 cm pour le est définitive, l’accouchement par les
de vertical devient horizontal. Il se
diamètre transversal ; 9 à 13 cm pour voies naturelles est impossible.
dilate progressivement à chaque pous-
les diamètres antéropostérieurs). Une On distingue également plusieurs
fois la tête sortie, l’accouchement de sée, quand s’y encadre une partie de la
types de présentations pelviennes ou du
la ceinture scapulaire (diamètre biacro- présentation, dont le diamètre devient siège.
mial) et de la ceinture pelvienne s’effec- de plus en plus grand. Cette dilatation
• Dans la présentation du siège com-
tue en règle générale sans difficultés. À de la vulve se poursuit jusqu’à atteindre plète, les jambes sont croisées l’une sur
chaque étage du bassin, la présentation les dimensions de la circonférence de l’autre et repliées sous le siège. Elle
procède par « accommodation ». L’ac-
la présentation foetale. Celle-ci ayant dinale peut présenter soit son extrémité s’observe surtout chez les multipares.
commodation apparaît ainsi comme la
franchi la vulve, le retrait du périnée céphalique, soit son extrémité pelvienne. • Dans la présentation du siège dé-
résultante entre les forces propulsives
dégage définitivement la présentation. On distingue plusieurs types de pré- complète, les membres inférieurs sont
de contraction et les obstacles qui lui
sentations céphaliques, selon le degré relevés en attelles au-devant du tronc.
sont opposés. Elle s’opère par orien- La période d’expulsion peut être écour-
de flexion de l’ovoïde céphalique. Elle s’observe surtout chez les primi-
tation (faisant coïncider le plus grand tée par une expression abdominale
• Présentation du sommet, dans la- pares. La présentation du siège ne peut
diamètre de la présentation avec le plus douce (action directe avec les mains
être considérée comme une présenta-
grand diamètre du plan à franchir) et par quelle l’ovoïde crânien, étant complè-
sur le fond utérin), par une épisiotomie
tement fléchi (menton sur le sternum), tion tout à fait normale. En effet, dans
amoindrissement (obtenu par modifica-
(section minime du périnée à partir de les conditions habituelles, la place du
tion d’attitude de la présentation et par offre à l’engagement son plus petit
la commissure de la vulve), par la pose siège est au fond de l’utérus. Pour qu’il
réduction de ses diamètres grâce à la diamètre : de 9 à 10 cm du sous-occi-
d’un forceps ou d’une ventouse obsté- put à la grande fontanelle bregmatique se place en bas, il faut une anomalie
malléabilité des os et au chevauchement
(diamètre sous-occipito-bregmatique). primitive ou acquise de l’utérus. Deux
des sutures). tricale.
C’est la meilleure présentation et la conditions prédisposent à cette pré-
sentation : hyperlaxité du muscle uté-
Variétés de présentations plus habituelle.
Déroulement clinique de
rin chez les multipares et anomalie de
l’accouchement normal • Présentation de la face, dans la-
Le foetus peut se présenter par une de forme de l’utérus chez les primipares.
quelle l’ovoïde crânien, étant complè-
La période de début est souvent précé- ses extrémités (présentations longitudi- Les présentations du siège posent des
tement défléchi (occiput collé contre
dée de la perte du bouchon muqueux qui problèmes essentiellement chez les
nales de la tête ou du siège) ; son grand
le dos, dans la position de la « tête en
obturait le col pendant la grossesse. Elle primipares. Elles nécessitent dans cer-
axe coïncide avec celui de l’utérus, qui l’air »), offre également un petit dia-
se caractérise par l’installation de dou- tains cas des manoeuvres obstétricales
le contient. La « position » du foetus est mètre : de 6 à 8 cm de la pointe du
leurs encore assez légères (mouches), délicates, comme l’extraction du siège.
déterminée par la situation du dos (dos menton à la grande fontanelle (dia-
espacées de dix à quinze minutes, se pro- L’accouchement de la tête, qui sort en
à gauche = position gauche). Le foetus mètre mento-bregmatique). C’est une
longeant de trente à quarante secondes et dernier, est facilité par la manoeuvre de
présentation rare et moins favorable
généralement très supportables. Le tou- peut également, mais exceptionnelle- Mauriceau. La moindre anomalie fera
que la précédente.
cher vaginal permet de constater l’inté- ment, se présenter par le travers (pré- recourir à la césarienne, surtout chez
gration progressive du col dans la partie • Présentation du front, dans laquelle les primipares, mais la plus grande
sentation transversale, ou de l’épaule) :
basse et amincie de l’utérus appelée seg- l’ovoïde crânien reste en position inter-
l’accouchement est alors impossible par majorité des présentations du siège
ment inférieur (effacement du col). médiaire, à mi-chemin entre la flexion se terminent malgré tout par les voies
les voies naturelles pour un enfant de et la déflexion. La tête présente alors
La période de dilatation voit le naturelles.
poids normal et nécessite une interven- son plus grand diamètre : 13 cm de
rythme des contractions utérines se pré-
tion. Le foetus en présentation longitu- l’occiput à la pointe du menton (dia-
cipiter et se reproduire bientôt toutes les Les accouchements difficiles ou

cinq minutes. En même temps, l’orifice « dystociques »

du col de l’utérus se distend peu à peu. Le mécanisme normal de l’accouche-


Cette période, la plus pénible, se pro- ment, mettant en jeu une force expulsive,
longe en général de huit à dix heures un mobile et des obstacles à franchir,
chez les femmes accouchant pour la peut être perturbé par des anomalies
première fois (primipares) et de trois à intéressant chacun de ces éléments. Ces
six heures chez celles qui ont déjà ac- anomalies portent le nom de dystocies et
couché (multipares). s’opposent à l’« eutocie » de l’accouche-
ment normal.
La période d’expulsion commence
lorsque la dilatation est totale et que le • Anomalies des forces expulsives. Ce
vagin et l’utérus ne forment plus qu’un sont les anomalies du moteur du muscle

seul cylindre de 10 cm de diamètre. Le utérin. Elles peuvent être la consé-

caractère des douleurs dites « expul- quence d’une anomalie organique de

sives » change : la femme éprouve le l’utérus (malformation de l’utérus) ou

besoin de pousser et ajoute aux contrac- d’une anomalie de la fonction contrac-

tions involontaires de l’utérus les tile de cet organe. Ces anomalies de la

contractions volontaires des muscles de contraction utérine constituent la dys-

l’abdomen et du diaphragme. Le pôle tocie dynamique.

inférieur du sac membraneux contenant Les anomalies par défaut sont de


le foetus et le liquide amniotique (poche deux types :
des eaux) se rompt spontanément, ou — les hypocynésies portent sur les
est rompu artificiellement à l’aide d’un contractions elles-mêmes ; elles peuvent

71
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

être caractérisées par un défaut d’ampli- niveau du périnée lui-même (étroitesse


tude, par un espacement excessif des vulvaire, cicatrices de traumatismes ou
contractions ou par l’association de ces de brûlures). Ce type de dystocie est
deux anomalies, réalisant alors l’« iner- aisément surmontable au prix d’une épi-
tie utérine » ; siotomie ou d’une assistance instrumen-
— les hypotonies portent sur le tonus tale à l’accouchement.
musculaire de base, qui est abaissé. Ce La dystocie osseuse est la consé-
type de défaut de la contractilité s’ob- quence des anomalies de forme ou de
serve surtout chez les multipares à uté- dimensions du bassin, qui devient alors
rus fatigué. difficilement franchissable pour une tête
Les anomalies par excès, d’intensité d’enfant normal. Cette dystocie était
ou de fréquence, constituent les hyper- autrefois, avec l’infection puerpérale,
cynésies. L’hypertonie réalise une élé- le souci majeur des accoucheurs. Elle
vation du tonus de base. L’association est devenue beaucoup plus rare de nos
d’une hypertonie et d’une hypercynésie jours. Elle est due à ce qu’un ou plu-

caractérise le syndrome de lutte contre sieurs axes du bassin sont insuffisants


un obstacle et se surajoute généralement ou à la limite des dimensions indis-

à une dystocie mécanique. pensables. Le rachitisme en était jadis


la grande cause. Il réalise encore de
Les anomalies par dysharmonie
temps en temps des rétrécissements et
contractile représentent le chapitre le
des aplatissements du bassin de façon
plus actuel des viciations de la dyna-
symétrique. L’ostéomalacie et l’achon-
mique utérine. L’étude de la contraction
droplasie atrophient et déforment éga-
utérine normale a permis de reconnaître
lement le bassin de façon symétrique.
l’importance d’une parfaite simulta-
La poliomyélite, la tuberculose de la
néité dans l’activité de la moitié droite
hanche, les déviations vertébrales et les
et de la moitié gauche de l’utérus. Si
fractures du bassin rétrécissent le bas-
ce synchronisme n’est pas parfait, la
sin de façon asymétrique. La dystocie
contraction est inefficace. Outre cette
osseuse est prévisible dès le début de la
première coordination, les fibres muscu-
grossesse par l’examen et les mensura-
laires doivent en avoir une seconde, dite
tions du bassin. La pelvimétrie externe
« coordination longitudinale ». Cette
mesure les diamètres du bassin de l’ex-
coordination implique que les fibres
térieur ; la pelvimétrie interne, intrava-
musculaires se contractent d’autant plus
ginale, utilise une réglette avec curseur
tôt, plus longtemps et plus intensément
et apprécie les diamètres internes. Dans
qu’elles sont situées plus près du fond
certains cas, on pratique en outre une
utérin. Si cette hiérarchie dans les gra-
radiographie du bassin sur un film qua-
dients de pression n’est pas observée et
drillé permettant de mesurer exactement
si l’activité de la partie basse de l’uté-
les dimensions du bassin. Lorsque le ré-
rus est plus importante que celle de la
trécissement est trop important, l’accou-
partie haute, les contractions sont ineffi-
chement est impossible, à l’évidence,
caces. En pratique, ces dysharmonies se
dès la fin de la grossesse. La section du
traduisent par la longueur du début du
pubis, ou pubiotomie, qui élargissait
travail (dystocie de démarrage), par la
l’entrée du bassin, est une intervention
prolongation anormale de la dilatation
abandonnée de nos jours. Elle est rem-
ou par un arrêt de cette dernière. Des
placée par l’opération césarienne*, pra-
découvertes thérapeutiques récentes
tiquée en fin de grossesse, sans attendre
aident grandement à rétablir l’harmo-
les premières contractions. Lorsque les
nie contractile des différents niveaux de
dimensions du bassin sont seulement
l’utérus.
discrètement diminuées ou à la limite de
• Anomalies au niveau des obstacles ce qui est acceptable, la conduite à tenir
à franchir. Dans la dystocie cervi- est d’attendre le début spontané de l’ac-
cale, un obstacle permanent est réalisé couchement et de juger, au terme d’une
lorsque le col refuse de s’ouvrir comme courte observation, appelée « épreuve
il doit le faire. Il s’agit le plus souvent du travail », si la tête de l’enfant s’est
de la conséquence d’une dysharmonie engagée ou non dans l’excavation du
dans les contractions utérines. Il peut bassin. Si elle est engagée, l’accouche-
s’agir aussi d’une rigidité du col ou ment se terminera par les voies natu-
d’une « agglutination » consécutives relles très vraisemblablement ; dans le
à un traumatisme, à une cautérisation cas contraire, il faut terminer l’épreuve
chimique ou électrique, à un fibrome et pratiquer une césarienne.
du col. De nombreuses tumeurs peuvent être
La dystocie périnéale est constituée situées au-devant de la présentation et
par les obstacles au niveau du vagin empêcher sa descente provoquant la
(diaphragme, sténose, bride, vaginisme dystocie par obstacles à l’évolution de
ou kystes) et par ceux qui sont situés au la tête foetale surajoutés ou obstacles

72
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

à ponctionner l’abdomen monstrueux. À l’inverse, l’accouchement post-


Les tumeurs du cou ou de la région terme est celui qui survient après le
sacro-coccygienne peuvent amener à terme normal de la grossesse, c’est-
pratiquer une césarienne. La descente à-dire après neuf mois de trente jours
d’un membre de l’enfant au-devant de comptés à partir du treizième jour du
la présentation (en dehors du cas du dernier cycle menstruel normal. Si un
siège) réalise une procidence, qui gêne grand nombre d’accouchements post-
l’évolution normale de l’accouchement. terme n’ont aucune conséquence pour
La descente, avant la présentation, du l’enfant, certains se terminent, beau-
cordon ombilical entraîne la compres- coup plus fréquemment qu’à terme, par
sion de ce cordon contre les parois du la mort du foetus en raison probablement
bassin et l’arrêt de circulation sanguine du vieillissement du placenta. Malheu-
du foetus : la césarienne s’impose le plus reusement, il est souvent très difficile
rapidement possible pour sauver l’en- en pratique d’affirmer que le terme de la
fant. Une autre dystocie en rapport avec grossesse est dépassé. Les dosages hor-
les annexes foetales est réalisée lorsque monaux, les frottis vaginaux, l’amnios-
le placenta est inséré sur la partie basse copie et la radiographie peuvent aider
de l’utérus (placenta praevia). Cette le médecin. La conduite à tenir est très
localisation basse du placenta rend l’ac- délicate et varie selon les cas : absten-
couchement difficile, moins du fait de tion sous surveillance, déclenchement
l’obstacle qu’elle constitue que du fait de l’accouchement ou césarienne. Il
des hémorragies souvent gravissimes faut savoir, en fait, que déclencher un

qu’elle détermine. accouchement, même dans les meil-


leures conditions, ne se fait jamais sans

Variétés d’accouchement selon sa risques.


date et le nombre de foetus Dans l’accouchement gémellaire, il
Lorsque l’accouchement survient entre y a succession de deux accouchements,

le sixième mois de la grossesse et huit qui, le plus souvent, vont se passer très
mois et demi, il est dit prématuré. Il normalement, mais la présence de deux

aboutit à la naissance d’un enfant dont enfants leur confère quelques caractères
le poids est inférieur à 2,500 kg et qui particuliers. L’accouchement survient
présente une immaturation de la plupart en effet prématurément le plus souvent ;
des organes. Grâce aux progrès accom- les enfants sont d’assez petit poids,
plis dans les techniques d’élevage, qui fragiles et exposés aux conséquences

ne peuvent guère être réalisés que dans du traumatisme obstétrical. Après la


des centres spécialisés, la plupart des sortie du premier, le second, qui se

prématurés peuvent survivre. Ils peuvent trouve brusquement à l’aise, dans un


cependant garder des séquelles, et cela utérus vaste et surdistendu, risque de

d’autant plus que leur poids était plus se présenter par le travers. Les statis-
faible. Par ailleurs, la mortalité des pre- tiques montrent d’ailleurs que le second

miers jours reste grande. Il est donc in- jumeau est plus menacé que le pre-

dispensable d’éviter par tous les moyens mier. Après l’accouchement, le risque

praevia : les tumeurs plus habituelles à l’aide d’instruments dits « embryo- qu’un accouchement se déclenche pré- d’hémorragie est plus grand qu’après

tomes ». maturément. L’obligation légale d’un un accouchement normal, en raison de


sont les fibromes de l’utérus ou les
repos prénatal de six semaines a permis la double surface d’insertion placentaire
kystes de l’ovaire ; les plus rares, les L’excès de volume du foetus peut être
d’en réduire la fréquence, qui reste néan- (deux placentas) et de l’inertie utérine
tumeurs osseuses ou les reins en posi- également une gêne à l’accouchement,
moins non négligeable (6 p. 100 des ac- secondaire.
tion anormale. qu’il s’agisse d’un excès de volume
couchements). Le déroulement de l’ac- Dans les accouchements triples ou
• Anomalies au niveau du foetus et de total (gros enfant de plus de 4 kg) ou
couchement lui-même offre quelques quadruples, ces caractéristiques de pré-
d’un excès de volume localisé à une
ses annexes. Parmi les causes de dys-
particularités : rupture de la poche des maturité, de petits poids, de surdisten-
partie du corps. Parmi ces excès de vo-
tocie tenant au foetus lui-même, celles
eaux avant l’apparition des contrac- sion utérine sont au maximum.
lume localisés, la dystocie des épaules,
qui tiennent à sa présentation sont les
tions ; fréquence des présentations du
réalisée lorsque le diamètre des épaules L’accouchement présente également
plus importantes : dystocies relatives siège ; difficultés lors de l’expulsion,
est trop important pour le bassin, est la des caractères particuliers selon que la
des présentations du siège et de la face ; dues au fait que la présentation, petite,
moins grave. L’hydrocéphalie congé- femme n’a jamais accouché auparavant
dystocies absolues des présentations du mal fléchie et mal accommodée, sollicite
nitale réalise une hypertrophie parfois ou a déjà accouché. L’accouchement
front ou de l’épaule : on conçoit aisé- mal le périnée.
monstrueuse de la tête, rendant absolu- de la nullipare (femme qui n’a jamais
ment que la présentation de l’épaule,
ment impossible l’accouchement par les L’accouchement prématuré peut être mené de grossesse à terme) peut être
amenant le foetus par son travers, ne
voies naturelles ; comme le pronostic un accident unique au cours d’une série marqué, pendant le travail, par des
puisse aboutir à un accouchement par d’accouchements à terme ou la répéti-
foetal est très compromis, on est sou- anomalies de la contraction utérine, du
les voies naturelles. La césarienne vent obligé, pour délivrer la femme, de tion d’interruptions prématurées habi- type hypertonique ou dysharmonique,
s’impose si l’enfant est toujours vi- pratiquer des opérations qui sacrifient tuelles. La récidive implique une cause et, pendant l’expulsion, par une dys-
vant ; si l’enfant a succombé et qu’il est l’enfant anormal : réduction de la base permanente, soit locale (malformation tocie des parties molles périnéales. À
« enclavé » dans le bassin, on peut être du crâne (basiotripsie) ou de la voûte utérine, béance du col), soit générale l’inverse, l’accouchement des femmes
amené à l’extraire après avoir pratiqué crânienne (cranioclasie ou cépha- (infection, maladies vasculo-rénales, et multipares est habituellement beaucoup
une embryotomie (section du foetus), lotripsie). L’ascite congénitale oblige surtout fatigue et surmenage). plus facile : la dilatation est beaucoup

73
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

distendu par la tête foetale. Le forceps


est un instrument destiné à saisir la tête
du foetus, lorsque la dilatation complète
du col est acquise, à la diriger selon
les bons axes et à l’extraire. Il réalise
une « pince », dont les cuillers sont soit
croisées comme une tenaille (forceps
de Tarnier), soit parallèles comme une
pince à sucre (forceps de Demelin).
Chaque cuiller comporte une courbure
céphalique, qui s’applique sur la conve-
xité de la tête du foetus, et une courbure
pelvienne, qui épouse la concavité de
la cavité du bassin. Chaque cuiller est
introduite séparément dans les voies
génitales. Les deux cuillers sont ensuite
rendues solidaires soit par un pivot à
vis, dans le cas du forceps croisé, soit
plus rapide ; l’expulsion de la tête est compresse au moment de l’expulsion cortex cérébral : dans l’espèce humaine,
par une branche d’accouplement, dans
rendue beaucoup plus aisée par le fait réalise l’anesthésie « à la reine », mais la parole, qui ajoute ses effets à ceux
le cas du forceps à branches parallèles.
que l’obstacle périnéal, déjà forcé lors n’est pas exempt de dangers. Le trichlo- des excitations sensorielles, joue un rôle
Le forceps peut comporter un tracteur
de la précédente expulsion, se laisse réthylène permet l’auto-anesthésie par important dans ce domaine. L’anxiété,
(forceps de Tarnier), des lacs sur les-
beaucoup plus facilement franchir. la parturiente elle-même. Le protoxyde la crainte ou la peur amplifient la per-
quels on tire (forceps de Demelin) ou
Cependant, le trop grand nombre d’ac- d’azote et le cyclopropane nécessitent ception douloureuse et créent des reten-
ne pas comporter de système de traction
couchements antérieurs peut exposer à un service d’anesthésie très organisé. De tissements multiples. Il faut renforcer du tout. Plusieurs conditions sont néces-
des complications. La grande multipa- toute façon, aucun de ces anesthésiques l’activité cérébrale de la femme par sa
saires pour que la pose d’un forceps soit
rité s’observe en effet chez des femmes par inhalation ne peut être utilisé avant prise de conscience, par son contrôle possible. Il ne faut pas croire, en parti-
plutôt âgées, dont l’utérus a acquis une la fin de la dilatation. La narcose par permanent des péripéties de l’accou-
culier, que l’utilisation de forceps soit
laxité très grande et au passé patholo- voie intraveineuse ne semble pas sans chement et par sa propre coopération. possible à n’importe quel moment de
gique souvent lourd. Le fait que l’utérus danger pour le foetus. En réalité, toutes On peut y parvenir par l’éducation de la
l’accouchement ou qu’elle puisse rem-
n’ait alors plus de forme définie a pour ces méthodes, au lieu de permettre à la femme sans doute, mais aussi par l’édu- placer la césarienne ou être remplacée
conséquences une absence d’accommo- femme de coopérer à son accouchement, cation du personnel, l’aménagement des par elle. L’extraction avec un forceps ne
dation foetale et un risque de mauvaise la laissent inconsciente et non maîtresse salles de travail et des modalités parti- doit pas être une manoeuvre de force ;
présentation. Cet utérus, rendu fragile de son effort. culières de surveillance de l’accouche- l’instrument ne sert qu’à orienter la tête
par les accouchements antérieurs nom- La préparation psychoprophylac- ment. Cette préparation est réalisée en dans un bon diamètre et à vaincre le der-
breux, risque en outre de se déchirer tique à l’accouchement permet d’obte- petits groupes d’une dizaine de femmes, nier obstacle qu’elle a à franchir, celui
(rupture utérine nécessitant une inter- nir un accouchement sans crainte ou au cours de leçons échelonnées lors de du périnée. Il est donc impératif, avant
vention d’extrême urgence). même sans douleur. On cherche alors la période prénatale. On vise à suppri- de poser un forceps, que les obstacles
à détruire les préjugés sur la douleur et mer les réflexes conditionnés nocifs et à précédents aient été franchis spontané-
Les interventions humaines à faire acquérir la confiance, ce qui per- en créer d’autres. Les leçons théoriques ment par la tête : la dilatation du col doit
Bien qu’il s’agisse d’un phénomène phy- met à la femme ainsi préparée d’avoir sont complétées par une répétition des être complète, la poche des eaux doit
siologique, on peut être amené à interve- un comportement discipliné et organisé exercices physiques, qui doivent être être rompue, l’obstacle osseux du bassin
nir soit pour diminuer les douleurs, soit au moment de l’accouchement. Les refaits à domicile. Ainsi, tantôt par l’ac- doit avoir été vaincu, c’est-à-dire que
pour terminer un accouchement impos- méthodes de préparation psychopro- tion médicamenteuse, tantôt par l’action la tête doit être engagée dans l’excava-
phylactiques peuvent se réduire à deux, psychique, tantôt par l’action physique,
sible, ou possible, mais mettant en jeu tion du bassin. La pose d’un forceps se
par sa prolongation les intérêts maternels du point de vue des bases théoriques. tantôt par leur association, la douleur justifie soit en raison d’une souffrance
Selon la théorie anglaise de Read, c’est de l’accouchement se trouve contrôlée
et foetaux. L’analgésie médicamenteuse foetale, qui rend nécessaire une rapide
ne doit ni nuire au foetus, en provoquant la triade « crainte-spasme-douleur » et diminuée. terminaison de l’accouchement, soit
son anoxie ou son intoxication, ni entra- qui est à l’origine des souffrances. La Au cours de l’accouchement, un cer- en raison d’un arrêt de la progression
ver le déroulement normal de l’accou- peur de souffrir entraîne des réflexes tain nombre d’interventions peuvent de la tête (par inertie utérine, anomalie
chement. On distingue plusieurs types, de défense qui déterminent une tension être rendues indispensables. L’épisio- dans le mécanisme de l’accouchement,
selon le niveau d’action. Dans l’inter- musculaire génératrice elle-même de tomie est une opération de petite chirur- résistance périnéale trop grande), soit en
ruption de la conduction de la douleur, douleurs réelles. Cette théorie, toute im- gie obstétricale courante, consistant à raison de l’état de la mère, fatiguée par
on agit au niveau des terminaisons de la prégnée d’idéalisme, recherche l’assou- sectionner le périnée, en partant de la un trop long travail ou atteinte de mala-
zone génitale par infiltration de novo- pissement du psychisme. commissure postérieure de la vulve, sur die. L’extraction de la tête foetale peut
caïne. (On peut ainsi infiltrer les nerfs La doctrine russe, au contraire, est une longueur de 2 à 4 cm (la réparation également être aidée par les spatules,
honteux, le sympathique lombaire ou les une doctrine physiologique pure, déri- en est faite soigneusement après la sor- sortes de leviers non articulés entre eux,
nerfs sacrés par perfusion continue dans vant des théories de Pavlov et accor- tie du placenta). Elle vise à prévenir les ou par la ventouse obstétricale, cupule
le canal sacré.) Ce mode d’analgésie n’a dant un rôle prépondérant à l’activité déchirures importantes du périnée et les métallique solidement appliquée sur le
aucune action sur le foetus, mais sa tech- nerveuse supérieure du cortex cérébral. surdistensions dangereuses pour la toni- crâne foetal au moyen du vide, grâce à
nique est difficile et inconstante ; il est L’équilibre nerveux supérieur dépen- cité ultérieure (exposant aux prolapsus une parfaite étanchéité. La ventouse ne
cependant très en faveur dans les pays drait des rapports entre cortex et zones génitaux), à hâter la sortie de la tête du remplace pas le forceps, mais en réduit
anglo-saxons. L’analgésie par inhala- nerveuses inférieures, traduits par le jeu foetus ou à protéger celle-ci contre le pi- la fréquence, en diminuant les délais
tion agit au niveau des centres nerveux réciproque des processus d’excitation et lonnage intensif de l’obstacle périnéal. d’expulsion. Elle n’est pas nocive pour
et non plus à celui des voies de conduc- d’inhibition. Il faut donc diminuer les Elle se pratique à la fin de la période les enfants, et la bosse séro-sanguine
tion. Le chloroforme donné sur une excitations sensorielles qui arrivent au d’expulsion, alors que le périnée est qu’ils présentent à la naissance au ni-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

veau du point d’application disparaît sion lente intraveineuse dans du sérum terme, sont expulsés. Cette expulsion, ou rine, qui étreint et obture les vaisseaux
en quelques jours. Actuellement, toutes glucosé. La perfusion ne fait appel délivrance, évolue en trois phases. dans les anneaux musculaires, et de
ces extractions instrumentales ont perdu la coagulation sanguine, qui obture
qu’à des doses minimes d’ocytocine, • Décollement du placenta. Il se fait
le caractère acrobatique de nécessité les orifices veineux. Pour que ces dif-
dont les effets sont très étalés. Alors sous l’action de la rétraction passive
qu’elles avaient jadis. Ce sont des inter- férents mécanismes puissent jouer, il
de l’utérus, revenu sur lui-même, et de
que les voies d’introduction anciennes
ventions simples, qui ne sont décidées faut un placenta normal, inséré nor-
l’épanchement de sang entre placenta
que lorsque les circonstances méca- du produit n’utilisaient qu’un pouvoir
malement sur l’utérus et par l’inter-
et utérus, qui clive la muqueuse et par-
niques sont parfaitement favorables. de renforcement de la contraction (pas médiaire d’une muqueuse normale ; il
fait le décollement. Cette période dure
L’accoucheur peut être amené à pra- toujours sans danger pour le foetus), la ne faut pas d’inertie du muscle utérin
en moyenne une quinzaine de minutes.
tiquer d’autres interventions, à l’aide de voie intraveineuse utilise une action après l’accouchement ni de troubles
• Expulsion du placenta. Sous l’in-
ses seules mains : ce sont les versions et harmonisante de la contraction utérine de la coagulation. L’hémorragie de la
fluence de la reprise des contractions
les extractions du siège. La version est délivrance est la plus redoutable des
beaucoup plus intéressante. La perfu- utérines, puis de son propre poids, le
une manoeuvre obstétricale qui a pour complications ; son abondance peut
sion lente de la posthypophyse améliore placenta tombe dans la partie inférieure
but de transformer une présentation conduire à un état de choc obstétrical.
considérablement le pronostic général de l’utérus. Les membranes, entraînées
en une autre. Il en existe trois sortes. Elle demande un traitement d’urgence,
de la mère et de l’enfant, et constitue à leur tour, se décollent, puis se re-
La version par manoeuvres externes dont le but est d’évacuer complètement
l’essentiel du traitement de la dystocie tournent en doigt de gant. L’ensemble
fait évoluer le foetus en se servant des l’utérus, de le faire se rétracter de façon
mains placées sur l’abdomen de la placenta et membranes continue sa des-
dynamique. On utilise souvent en asso- durable et de corriger d’éventuels
mère. Elle n’est guère réalisable que cente dans le vagin et arrive à l’orifice
ciation les antispasmodiques et la perfu- troubles de la coagulation sanguine. Si
chez les multipares et se justifie dans vulvaire, qu’il distend à nouveau. La
sion d’ocytociques. L’oxygénothérapie le placenta est encore dans l’utérus, il
certaines présentations de l’épaule ou délivrance spontanée est théoriquement
faut pratiquer une délivrance manuelle
intermittente est un utile adjuvant de ces
du siège. La version par manoeuvres possible ; elle est facilitée par l’accou-
« artificielle » ; s’il est déjà sorti, il faut
diverses méthodes. cheur, dont la main gauche, empau-
internes fait évoluer le foetus grâce à la s’assurer qu’il n’en reste pas en prati-
main introduite dans la cavité utérine. mant le fond utérin, exerce une pres- quant une « révision utérine ». La ré-
Elle trouve son intérêt dans la présen- Expulsion du placenta sion modérée et dont la main droite, tention placentaire est la seconde com-
tation de l’épaule chez la multipare et saisissant le cordon ombilical, dirige,
et des membranes, plication possible. Elle se caractérise
dans celle du second jumeau. La ver- sans tirer, la sortie vers le haut.
ou « délivrance » par l’absence d’expulsion du placenta
sion par manoeuvres mixtes combine
• Hémostase. La délivrance s’accom- une heure après la sortie du foetus. Elle
les deux gestes. La version est dite Après la sortie du foetus, les membranes pagne d’une perte de sang de 300 ml impose une délivrance artificielle. Elle
« céphalique » si l’on cherche à ame- et le placenta, qui constituaient avec environ. La limitation de cette déper- peut être cause d’hémorragie. L’inver-
ner la tête à l’entrée du bassin ; elle est
lui et le liquide amniotique l’« oeuf » à dition est le fait de la rétraction uté- sion utérine, ou retournement en doigt
dite « podalique » si l’on cherche à y
amener le siège. Les extractions du
siège consistent à tirer le foetus hors
des voies vaginales en se servant des
pieds du foetus comme tracteurs. Les
embryotomies étaient des opérations
pratiquées par voie vaginale au cours de
l’accouchement sur un foetus qui avait
succombé et étaient destinées à réduire
ses diamètres de présentation, par per-
foration, écrasement ou section (cra-
nioclasie, basiotripsie ou embryotomie
rachidienne). Les extractions du siège et
les embryotomies ont considérablement
diminué de fréquence à notre époque et
sont concurrencées par la césarienne*.

Les thérapeutiques médicamen-


teuses, outre celles à visées analgé-
siques qui ont déjà été envisagées, sont
utilisées essentiellement pour modifier
les contractions utérines dans un sens
ou dans l’autre. Les antispasmodiques
ont été les premiers utilisés pour lut-
ter contre l’hypertonie utérine et les
spasmes du col. Ils ne sont pas dange-
reux pour l’enfant et favorisent la pro-
gression de l’accouchement en facili-
tant la dilatation du col. À l’inverse, les
médicaments qui renforcent les contrac-
tions utérines sont appelés substances
ocytociques. La spartéine et la quinine
sont des ocytociques mineurs. L’ocy-
tocique par excellence est représenté
par le principe actif ocytocique de la
posthypophyse, administré en perfu-

75
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

de gant de l’utérus, est devenue rare bénignes (endométrites ou périmétrites nouveau, après Soranus, sauva la vie de très 2,3 p. 100. Tarnier fit la synthèse de ses re-
nombreuses femmes, dont sa fille Anne. cherches dans un important ouvrage, l’Anti-
de nos jours en raison de la disparition puerpérales) sont très vite jugulées.
sepsie en obstétrique. Son nom est encore
des manoeuvres intempestives et bru- Au XVIIe s., l’obstétrique fut au premier
Les hémorragies des suites de attaché au forceps le plus utilisé en France.
rang en France, grâce à François Mauriceau
tales sur le cordon et sur l’utérus. Le couches, distinctes des pertes de sang C’est en 1876, en effet, qu’il dota le forceps,
(1637-1709). Ce dernier laissa son nom à la
traitement chirurgical reste la seule res- physiologiques, peuvent avoir pour tel que l’avait modifié Levret au siècle pré-
« manoeuvre de Mauriceau », qui consiste
source en cas d’échec de la réduction cause une rétention de placenta, une cédent, d’un tracteur qui permettait de
à extraire la tête en dernier au cours de
manuelle. mieux tirer dans l’axe du bassin. Ce nouveau
infection utérine (fréquemment à strep- l’accouchement par le siège. Le premier, il
forceps à tracteur représenta un progrès
tocoque hémolytique), une inertie du fit abandonner la chaise obstétricale pour
considérable à une époque à laquelle il était
le lit d’accouchement. Le forceps fut dé-
Les suites de couches muscle utérin ou un trouble hormonal.
courant d’appliquer le forceps sur des têtes
couvert, en Angleterre, par un membre de
En règle générale, elles guérissent très encore très hautes. Avec son élève Budin,
Cette période, dite encore « du post- la famille Chamberlen, mais il resta secret
bien. Enfin, cette période est celle des Tarnier rédigea un Traité de l’art des accou-
jusqu’au XVIIIe s. Hugh Chamberlen, forcé
partum », s’étend environ sur les six
complications mammaires de l’allaite- chements.
de s’expatrier à Paris, tenta de vendre son
semaines qui suivent l’accouchement
ment*. secret à Mauriceau, mais ce dernier, non Son disciple le plus remarquable fut
proprement dit. Elle est marquée par le
convaincu, ne l’acheta pas. Vers 1693, ce- Adolphe Pinard (1844-1934), qui s’opposa
retour progressif des organes génitaux pendant, quelques accoucheurs hollandais avec passion à la pratique de l’accouche-

vers leur état et leur situation d’avant la Historique furent en possession du forceps. On pense ment prématuré artificiel, à celle du forceps

grossesse, et par l’établissement de la généralement que H. Chamberlen, après sur tête très haute, à l’embryotomie sur
L’art de l’accouchement tenait déjà une
une banqueroute, dut se réfugier en Hol- l’enfant encore vivant, pour préconiser la
lactation. Au point de vue anatomique, place importante dans l’ancienne Égypte.
lande et qu’il y vendit son secret. Au XVIIIe s., symphyséotomie ou la césarienne. L’oeuvre
L’accouchement avait lieu dans une mai-
cette involution de l’utérus se fait très
le forceps reçut une forme nouvelle des sociale de Pinard fut immense et novatrice :
son spéciale destinée à mettre en quaran-
progressivement : effacement de la ca- mains de Smellie et de Levret. Jean-Louis en souhaitant que la venue d’un enfant soit
taine la parturiente. Il se faisait en position
vité utérine, qui revient à l’état de cavité Baudelocque (1746-1810), accoucheur de source de profit pour ses parents et non
accroupie, au-dessus de trois pierres rec-
virtuelle ; disparition de l’imbibition la maternité de Port-Royal, précisa le méca- appauvrissement, il fut le précurseur des
tangulaires, constituant le « siège de mise
nisme de l’accouchement normal et montra allocations familiales ; en préconisant le
gravidique du muscle ; élimination de la au monde ». C’est à ce siège que fit allusion
l’intérêt de mesurer les diamètres externes certificat prénuptial et le repos des femmes
le pharaon en disant aux sages-femmes :
caduque, où s’implantait le placenta, et
du bassin pour porter un pronostic sur les enceintes, il fut à l’origine des réglementa-
« Quand vous accoucherez les femmes des
reconstitution d’une muqueuse utérine tions actuelles de la Sécurité sociale. Son
Hébreux et que vous les verrez sur le siège, si possibilités d’accouchement. Il fut choisi par
continue ; réduction de la musculature Napoléon pour assister Marie-Louise, mais, école fut considérable, et, parmi ses élèves,
c’est un garçon, faites-le mourir... »
utérine par atrophie et dégénérescence comme il mourut en mai 1810, cet honneur il convient de citer les grands accoucheurs
La mythologie grecque comporte de
échut à A. Dubois. Pendant la première que furent Varnier, Farabeuf et Couvelaire.
de certaines fibres musculaires. Au point
nombreuses références à l’obstétrique, mais
moitié du XIXe s., l’obstétrique resta très en Ribemont-Dessaignes mit au point un tube
de vue clinique, les contractions uté- si Esculape fut le dieu de la Médecine, il ne
retard. À Édimbourg, Simpson préconisa destiné à faciliter la réanimation immédiate
rines, qui assurent cette involution, se semble pas s’être beaucoup intéressé aux
l’utilisation de chloroforme au cours de l’ac- du nouveau-né. Champetier de Ribes laissa
traduisent par des coliques utérines, ap- accouchements.
couchement et en fit bénéficier la reine Vic- son nom à la manoeuvre d’extraction de la
pelées tranchées, surtout pénibles chez Seules les femmes y présidaient. Après toria lors de la naissance du prince Léopold tête retenue au-dessus du détroit supérieur
Hippocrate et le renouveau médical, les au cours d’un accouchement par le siège.
les multipares. L’élimination des débris (accouchement « à la reine »). La seconde
sages-femmes ne durent plus s’occuper moitié du XIXe s. et le début du XXe furent
de la caduque, des petits caillots issus La fin du XIXe s. compte un événement
que des accouchements normaux. En cas de marqués par les découvertes de Lister,
de la plaie placentaire et de l’exsuda- considérable dans l’histoire de l’accouche-
difficultés on avait recours aux médecins. de Pasteur et de Semmelweis concernant ment, la découverte de la technique de la
tion des petites plaies du col et du vagin Ceux-ci pratiquaient la « succussion » (la l’infection puerpérale et par l’avènement césarienne* basse ou segmentaire, suppo-
se traduit par un écoulement d’abord femme, attachée sur son lit, était secouée de la césarienne segmentaire. À Vienne, sant à la césarienne haute ou corporéale.
sanglant, puis sérosanglant et séreux, verticalement ou horizontalement selon la dont l’école médicale était cependant à son Cette technique originale, décrite par Frank,
position de l’enfant), la dilatation artificielle apogée, l’infection puerpérale faisait des
constituant les « lochies ». Elle peut se de Cologne, et, plus tard, l’avènement des
du col, la version céphalique et facilitaient ravages considérables : en 1842, plus de
prolonger sans anomalie au-delà de trois antibiotiques transformèrent cette interven-
l’expulsion par des poudres à éternuer... 30 p. 100 des femmes de la clinique servant tion, jusque-là grave, en une intervention
semaines ou redevenir sanglante vers le Aristote pensait que cette expulsion était à l’enseignement des étudiants mouraient bénigne.
quinzième jour (petit retour de couches). due aux mouvements du foetus, dont les de cette infection après leur accouchement.
Ainsi, pendant des siècles, l’objectif es-
membres déchiraient les membranes. Par contre, la mortalité dans la clinique ser-
Le temps des suites de couches se sentiel de l’accoucheur, en présence d’un
La mythologie romaine fit une grande vant d’école aux élèves sages-femmes était
termine normalement au bout de six se- accouchement difficile, fut-il de « délivrer »
place aux divinités de la fécondation : les bien moindre. Ignác Fülöp Semmelweis
maines par le retour de la menstruation, la mère d’une façon ou d’une autre pour
femmes enceintes invoquaient Lucina, (1818-1865) démontra, non sans luttes, que
lui éviter la mort. Cela n’était possible, bien
ou retour de couches vrai. À ce moment,
déesse de l’Accouchement. Soranus c’étaient les étudiants qui propageaient les
souvent, qu’au prix du sacrifice de l’enfant,
l’organisme a retrouvé son équilibre de d’Éphèse qui, formé à l’école d’Alexan- germes infectieux de la salle d’autopsie, où
et c’est alors que se posait le cruel dilemme :
non-gravidité, et généralement le retour drie, exerça à Rome sous les règnes des ils disséquaient, jusqu’au chevet des accou-
sauver la mère ou l’enfant. Mais, successive-
de l’ovulation rend possible une nou- empereurs Trajan et d’Hadrien, fut le plus chées. Il imposa les ablutions avec du chlo-
ment, la découverte du forceps, puis celles
grand accoucheur de l’Antiquité. Il sauva rure de chaux et proclama, le premier : « Qui-
velle grossesse. de l’infection puerpérale et de la césarienne
de nombreux enfants grâce à la version conque accouche une femme sans lavage
basse permirent de transformer le pronostic
Cette période peut être marquée par podalique (alors que, jusque-là, seule la des mains est un criminel. » Nommé en 1855
maternel : la mortalité maternelle tomba de
des complications infectieuses ou hé- version céphalique était connue) et préco- professeur à l’université de Pest, il fit tom-
4 p. 1 000 au début du siècle à 0,47 p. 1 000
morragiques : l’infection puerpérale a nisa l’usage d’une chaise obstétricale. Ses ber cette effrayante mortalité à 0,85 p. 100.
vers les années 50. Les mères ne mourant
écrits furent malheureusement perdus ou Néanmoins, ses idées ne rencontrèrent que
pour porte d’entrée les voies génitales plus d’hémorragie, de rupture utérine ou
ignorés jusqu’à la fin du Moyen Âge, époque scepticisme et critiques acerbes. Incompris
et la surface d’insertion placentaire, et d’infection, on commença à s’intéresser aux
où l’obstétrique demeura tout entière entre de son vivant, il se crut persécuté et som-
conséquences de l’accouchement sur l’en-
pour germe en cause le streptocoque. les mains des matrones et bien loin des bra dans une démence progressive qui le fant lui-même. Progressivement, les indica-
Elle représentait un danger redoutable connaissances gréco-romaines. conduisit dans un asile d’aliénés, où il mou-
tions à pratiquer une césarienne, devenue
autrefois (une femme sur dix-sept en À la Renaissance, la pratique des accou- rut.
intervention bénigne, se multiplièrent pour
mourait en 1856 à la Maternité de Paris). chements, qui représentait alors la plus En France, Stéphane Tarnier (1828-1897) ménager les intérêts non plus de la mère,

De nos jours, l’infection menaçante est grande partie de la médecine, bénéficia fut le pionnier, avec Semmelweis, de la lutte mais de son enfant. L’importance du trauma-
considérablement des idées nouvelles. contre l’infection puerpérale. En 1857, il tisme obstétrical pour l’enfant fut reconnu.
si rapidement jugulée par les antibio-
Ambroise Paré peut être considéré comme démontra l’importance de la contagion et Le traumatisme mécanique lui-même vit
tiques qu’elle n’a plus le temps de se
le premier des accoucheurs-chirurgiens, réclama la séparation des femmes indemnes rapidement sa fréquence diminuer à la suite
développer. Les formes graves (septicé- puisque, avant lui, on faisait appel à des mé- et des femmes infectées. Ce n’est cepen- de l’abandon d’un grand nombre de ma-
mie, péritonite, salpingites puerpérales) decins et non à des chirurgiens. La version dant que vers 1870 que cette séparation fut noeuvres de force par les voies naturelles. On

ont pratiquement disparu ; les formes par manoeuvres internes, qu’il préconisa à réalisée et la mortalité tomba alors de 9 à découvrit alors l’importance d’un véritable

76
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

lules sexuelles est requis pour augmen-


ter les chances de rencontre.

Dans le cas d’un être vivant ter-


restre, les seules possibilités pour que
les spermatozoïdes puissent gagner les
ovules sont soit que l’accouplement ait
lieu dans un milieu aquatique, soit qu’il
s’accompagne de l’introduction des
cellules sexuelles mâles dans les voies
génitales femelles, où elles trouvent
un milieu liquide favorable. Ce dernier
mode d’accouplement représente une
adaptation efficace aux conditions du
milieu terrestre.

Accouplement et
fécondation externe

Le premier cas peut être illustré par


l’exemple des Grenouilles, dont le mâle
se maintient sur le dos de la femelle
grâce à ses pouces munis de callosités
et à ses bras qu’il passe sous les aisselles
de sa partenaire. L’accouplement ayant

lieu dans l’eau, la femelle pond ses


ovules, sur lesquels le mâle déverse ses

spermatozoïdes.

Accouplement et
sans douleur (Intermédica, 1967). / B. Miche- fécondation interne
traumatisme chimique, en rapport avec la préoccupations des accoucheurs du monde
lon, la Contraception (Intermédica, 1967).
diminution d’apport d’oxygène au foetus entier. Quant au second cas, on le trouve réa-
pendant l’accouchement et les viciations
La valeur de la préparation de la femme lisé entre autres chez les Mammifères et
métaboliques dans le sens de l’acidose,
à son accouchement est également une chez les Insectes. Le mâle possède alors
induites par cette anoxie. Les méthodes mo-
notion relativement récente. C’est vers
dernes de surveillance de l’accouchement, accouplement généralement un organe d’accouplement
dont beaucoup sont encore réservées aux le milieu du XXe s. que s’élaborèrent deux saillant (organe copulateur = pénis), qu’il
centres hospitaliers, cherchent à dépister ce méthodes psychosomatiques d’analgésie
introduit dans l’organe d’accouplement
Rapprochement d’un mâle et d’une fe-
traumatisme chimique et ses conséquences obstétricale : celle de l’accoucheur anglais
melle, généralement de la même espèce femelle (vagin). C’est la copulation. En
avant et durant l’accouchement. L’amnios- Read et celle de l’école russe, dérivée des
copie permet de surveiller la couleur du ou tout au moins d’espèces très voi- fait, l’organe mâle favorisant cette forme
travaux de Pavlov et créée dans un service
liquide amniotique avant la rupture de la sines, en vue de permettre la rencontre d’accouplement n’est pas toujours direc-
de neuropsychiatrie, en 1949, par le psy-
poche des eaux. La surveillance couplée des
chiatre Velvoski. Ces méthodes ont permis des cellules sexuelles mâles, les sper- tement lié aux voies génitales. Parfois de
enregistrements de la fréquence cardiaque
de diminuer, voire de supprimer les dou- matozoïdes, avec les cellules sexuelles simples crochets permettent un contact
foetale et des contractions utérines par des
méthodes électroniques (monitoring obsté- leurs de l’accouchement, en particulier dans femelles, les ovules, l’union de ces cel- plus étroit entre orifice génital mâle et
les dernières parties du travail utérin. orifice génital femelle, qui ne sont alors
trical) permet d’apprécier à chaque instant lules réalisant la fécondation.
le retentissement de chaque contraction sur qu’accolés : c’est le cas chez l’Ascaris.
le coeur de l’enfant. Les mesures du pH et de Ph. C.
la pression de du sang foetal recueilli par
L’accouplement, Chez les Araignées, les spermatozoïdes
CO2
R. Merger, la Naissance (P. U. F., coll. « Que
adaptation sont puisés par le mâle dans ses voies
une microponction du cuir chevelu pendant sais-je ? », 1955 ; 2e éd., 1961). / L. Chertok, les
l’accouchement permettent de dépister une à la vie terrestre génitales grâce à ses pédipalpes, munis
Méthodes psychosomatiques d’accouchement
acidose, donc une anoxie, et d’envisager d’un réservoir et d’un long stylet, qui,
sans douleur (Expansion scientifique française,
l’opportunité d’abréger l’accouchement en Il n’existe pas d’accouplement chez
1957). / R. Merger, J. Lévy et J. Melchior, Pré- introduit au moment de l’accouplement
pratiquant une césarienne. tous les êtres vivants. On peut consta-
cis d’obstétrique (Masson, 1957 ; 2e éd., 1961).
dans le vagin de la femelle, y déverse
De nos jours, l’accoucheur n’est plus / L. Pernoud, J’attends un enfant (P. Horay, ter l’absence de ce phénomène chez
des cellules reproductrices.
jugé sur le caractère plus ou moins brillant 1957). / A. Pecker et H. Roulland, l’Accouche-
la plupart des espèces aquatiques. En
ou spectaculaire de ses interventions par ment au coeur des siècles (R. Dagosta, 1958). / Chez l’Argonaute (Mollusque
effet, les spermatozoïdes sont le plus
les voies naturelles, mais sur le nombre R. Merger et P. A. Chadeyron, l’Accouchement
souvent munis d’un organe locomoteur Céphalopode), les cellules mâles,
d’enfants mis au monde ne gardant aucune sans douleur (P. U. F., coll. « Que sais-je ? »,
(flagelle) qui leur permet de se déplacer contenues dans une sorte de récipient
séquelle de leur naissance. Diminuer la mor- 1964 ; 2e éd., 1968). / O. Gasz, Die Geburtsein-

talité périnatale ne suffit plus (elle est passée leitung 1953-1958, Indikation, Methodik, Er- dans un milieu liquide et d’aller ainsi à (spermatophore), sont introduites dans
de 88 p. 1 000 en 1900 à 23 p. 1 000 en 1956) ; gebnis (Berlin, 1965). / B. Séguy, Vademecum l’organisme de la femelle à l’aide d’un
la rencontre de l’ovule, cellule sexuelle
il faut encore que ces enfants qui vont vivre obstétrical (Maloine, 1965). / L. Chertok,
immobile. Cette rencontre pourra donc tentacule spécialisé (hectocotyle) qui
n’aient pas souffert durant la grossesse ou M. Bonnaud, M. Borelli et J.-L. Donnet, Fémi-
avoir lieu aisément si spermatozoïdes et se sectionne à la base, de sorte que le
l’accouchement. La prévention, le diagnos- nité et maternité. Étude clinique et expérimen-

tic précoce et le traitement de la souffrance tale sur l’accouchement sans douleur (Desclée ovules sont émis dans un milieu aqua- mâle peut s’éloigner en l’abandonnant
foetale sont, à l’heure actuelle, au centre des de Brouwer, 1966). / M. Guise, l’Accouchement tique. Seul un nombre suffisant de cel- à la femelle.

77
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Accouplement et son démontage. La transmission du fait, ces accouplements rigides sont à usinées de manière à pénétrer sans
couple se fait à l’aide d’une clavette ; éviter, car ils donnent naissance à des jeu dans les rainures correspondantes
hermaphrodisme
contraintes alternées qui conduisent ra- de chaque plateau. Cet accouplement
Chez les espèces hermaphrodites, l’ac- pidement soit à la rupture de ces arbres, tolère un déport pouvant aller jusqu’à
soit à la détérioration des paliers sup-
couplement consiste généralement en un 5 p. 100 environ du diamètre des arbres
portant ces arbres.
échange de spermatozoïdes entre deux et un défaut d’alignement pouvant aller

individus. Certaines Sangsues se conten- jusqu’à 3°. Il est très utilisé, notam-
• Dans les accouplements rigides à Accouplements dilatables
tent d’enfoncer des spermatophores en ment pour la transmission de couples
manchon et bagues (fig. 4), le man- Ceux-ci compensent les allongements peu importants : montage de moteurs
n’importe quel point du corps de leurs
chon, également en deux parties, est ou les raccourcissements des arbres dus sur un système vis-écrou, montage de
partenaires, ceux-ci faisant de même.
biconique extérieurement pour que la aux variations de température entraînées dynamos tachymétriques, etc.
J. Ph. translation des bagues entraîne le ser- par les conditions de fonctionnement
Amphibiens / Annélides / Anoures / Arach- rage du manchon. Ces accouplements (fig. 7).
nides / Araignées / Arthropodes / Biologie / Fe- à manchon nécessitent un usinage des
• L’accouplement dilatable à deux
melle / Insecte / Mâle / Reproduction.
extrémités d’arbre au même diamètre.
pièces comprend deux plateaux, soli-
J. Rostand et A. Tétry, la Vie (Larousse, De plus, ils sont encombrants en lon-
daires chacun d’une extrémité d’arbre,
1962) ; l’Homme (Larousse, 1972 ; 2 vol.). / gueur ;
chaque plateau comportant trois doigts
P.-P. Grassé, « la Fécondation chez les Méta-
qui pénètrent les uns dans les autres et
zoaires » in Précis de biologie générale (Mas-
qui assurent le centrage.
son, 1966).
• L’accouplement dilatable à trois • L’accouplement flexible à denture
pièces comprend en plus un anneau de bombée (fig. 9) dérive de l’accouple-
centrage. Le démontage sur place de ment dilatable à engrenage, mais, afin
ces deux types d’accouplements néces-
accouplement • Dans les accouplements rigides
site le démontage préalable de l’une
de tolérer un désalignement important
par plateaux, ou brides (fig. 5), des des arbres, il comporte en plus une
des machines qu’ils relient. D’autre
plateaux, ou brides, généralement en rotule de centrage, et la denture exté-
Organe de transmission de couple uti- part, comme la transmission de l’effort
fonte, sont montés aux extrémités des rieure est bombée. Il est coûteux, mais
lisé pour relier deux arbres de machines est localisée dans certaines zones des
deux arbres et assemblés par des bou-
présente par ailleurs des caractéris-
placés bout à bout, l’arbre moteur d’une doigts, ces accouplements ne sont uti-
lons. Ces accouplements peuvent être
lisables que pour de faibles vitesses de tiques remarquables.
part, l’arbre entraîné d’autre part. utilisés pour relier des arbres de dia-
rotation.
mètres différents et présentent un très
À l’exception des accouplements
faible encombrement en longueur. • L’accouplement dilatable à engre-
rigides, rarement utilisés en mécanique,
Lorsque l’accouplement comporte un nage est essentiellement constitué par
ces organes ont également pour mis- un engrenage extérieur solidaire de
anneau de centrage en deux morceaux,
sion de corriger, dans toute la mesure il devient très aisé de désolidariser les l’un des arbres, placé dans une cou-

du possible, les défauts d’alignement deux arbres ; ronne dentée intérieurement, de même
cercle primitif et solidaire de l’autre
des deux arbres accouplés (fig. 1), les
arbre. L’effort est ainsi transmis par la • L’accouplement à cardan (fig. 10
défauts de centrage et de déport (fig. 2),
quasi-totalité des dents. Ces accouple- et 11) comprend essentiellement un
ainsi que les variations de dimensions
ments, qui sont recommandés pour la croisillon dont les deux branches sont
dues aux dilatations, à la libération des transmission de couples élevés et pour
perpendiculaires l’une sur l’autre. Sur
contraintes ou encore aux déformations de grandes vitesses de rotation, sont
chacune des deux extrémités diamé-
élastiques et permanentes. Enfin, cer- très souvent enfermés dans des carters
tralement opposées de ce croisillon
remplis d’huile pour diminuer l’usure
tains accouplements, dits accouple-
s’articule une fourchette à deux doigts
et le bruit. Ils sont facilement démon-
ments élastiques, servent d’amortis-
tables et tolèrent un léger défaut d’ali- solidaires de chacun des arbres. Ceux-
seurs de vibrations et de chocs. ci peuvent présenter un défaut d’ali-
gnement des arbres.
• Dans les accouplements type Sellers
gnement pouvant atteindre 15°. En
(fig. 6), une douille conique, fendue
Accouplements rigides Accouplements revanche, l’ensemble n’est pas homo-
avec clavette, est montée sur chaque
de compensation cinétique : si l’arbre moteur tourne à
Ils ne compensent pas les défauts d’ali- extrémité d’arbre, ces deux douilles
étant enfermées dans un manchon bico- vitesse constante, la vitesse de rotation
gnement des arbres, ni les variations de Ce sont des ensembles mécaniques pré-
nique extérieur. Trois tiges filetées, de de l’arbre entraîné varie à chaque tour,
dimensions dues aux dilatations. C’est cis et assez chers, assurant la liaison
section carrée, permettent d’approcher passant par un minimum
d’arbres qui ne sont pas parfaitement
pourquoi ils ne sont utilisables que
les deux douilles coniques et de rendre alignés.
pour les mécanismes peu précis, tour- l’ensemble rigide.
et un maximum
nant lentement (machines agricoles), et
• L’accouplement d’Oldham (fig. 8),
nécessitent soit un très bon alignement
couramment appelé joint d’Oldham,
des deux arbres, soit un jeu très impor- (n étant la vitesse de rotation de l’arbre
est constitué par deux plateaux a et b,
tant dans les paliers qui supportent ces chacun solidaire de l’un des arbres, et moteur, le défaut d’alignement des

arbres. Ils sont réalisés suivant diffé- d’un disque c intermédiaire. Chaque arbres). La transmission ne devient ho-

rentes conceptions : plateau comporte une rainure diamé- mocinétique que si l’on utilise deux car-
trale de section rectangulaire. Le disque dans (fig. 12). Ce type d’accouplement
• Dans les accouplements rigides à intermédiaire présente deux glissières, est très utilisé, notamment en construc-
manchon et boulons (fig. 3), le man- En mécanique industrielle, l’aligne- perpendiculaires entre elles, disposées tion automobile.
chon est en deux parties pour faciliter ment des arbres n’étant jamais par- chacune sur une face de ce disque et

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

défaut d’alignement peut aller jusqu’à radiales en V. Si le couple dépasse certaine drogue ». Cette dépendance
1,5°, le déport axial jusqu’à 2 mm et la valeur maximale, les billes sont englobe trois faits indissociables : l’ac-
le déport radial jusqu’à 1 mm environ. chassées de leurs logements en V, et coutumance, la tolérance et l’assué-
Cet accouplement est spécialement l’ensemble se met à glisser. Lorsque le tude. Ces termes ont en général deux
destiné aux ensembles susceptibles de couple transmis reprend sa valeur nor- composantes, l’une physique et l’autre
travailler avec des à-coups importants. male, le système redevient rigide sans psychique.
intervention d’un opérateur. Ce type Pour l’O. M. S. (1957), l’accou-
d’accouplement est particulièrement tumance « est un état résultant de la
utilisé pour la transmission de couples consommation répétée d’une drogue ».
très importants.
Cet état entraîne le désir d’y recourir
à nouveau, mais cette dépendance est
purement psychique, et le non-renou-
Accouplements vellement de la drogue n’entraîne pas

élastiques de symptômes graves. L’accoutumance


est donc à distinguer de la tolérance. Au
Les accouplements élastiques com- fur et à mesure de l’administration du
pensent les défauts d’alignement et de produit, il faut recourir à de plus fortes
déport des arbres, et amortissent les doses pour obtenir un effet comparable :
• L’accouplement de sécurité à
vibrations susceptibles d’être transmises certains sujets arrivent ainsi à supporter
disques comprimés par ressorts est
d’un arbre à l’autre. Relativement bon des doses qui seraient mortelles si on
comparable à un embrayage à disques,
marché, ils se composent en général de les administrait à un sujet neuf. Enfin,
l’effort de compression des disques
trois pièces principales, dont une partie l’assuétude est souvent confondue avec
solidaires des deux arbres étant assuré
intermédiaire élastique (fig. 13) assure Accouplements l’accoutumance. Elle implique, elle, la
par des ressorts dont la compression
un rôle d’amortisseur par frottement de sécurité du type est réglable. Lorsque le couple maxi-
notion de besoin, qui associe dépen-
interne. Les principaux accouplements dance psychique et physique. Lorsqu’on
limiteur de couple mal admissible est dépassé, les disques
de ce modèle sont les accouplements à tente un sevrage, il apparaît des signes
Ces accouplements sont utilisés pour glissent les uns par rapport aux autres.
blocs ou à anneaux élastiques (fig. 14) physiques qui peuvent aller jusqu’à
Ce régime de fonctionnement doit tou-
et les accouplements à ruban ou à fils éviter que les organes en mouvement
mettre en jeu la vie de l’intoxiqué.
tefois rester transitoire pour éviter un
d’acier (fig. 15). d’une machine, ou d’un appareillage
échauffement préjudiciable de l’en- En réalité, il y a souvent une certaine
quelconque, puissent être détériorés par
semble. intrication de ces trois facteurs, intri-
suite d’une surcharge accidentelle due
cation dans des proportions variables,
au blocage de la transmission par un Il existe une grande variété d’accou-
mais relativement fixes pour une même
corps dur, par grippage d’un palier, etc. plements, présentant des caractéris-
drogue. La notion d’accoutumance, ou
tiques très diverses. Pour chaque ap-
• L’accouplement de sécurité à cisail-
mieux de dépendance vis-à-vis des dro-
plication particulière, il faut choisir le
lement de goupilles est le plus simple.
gues, est surtout retenue pour les médi-
modèle qui convient, et ce choix devient
La valeur maximale du couple trans-
caments ou les substances qui agissent
particulièrement délicat pour les très
missible dépend de l’effort nécessaire
sur le système nerveux central en procu-
grandes vitesses de rotation.
pour cisailler les goupilles en question
rant une sensation euphorique. Il s’agit
G. F.
(fig. 18). Les goupilles a sont intro-
avant tout des opiacés. Mais on peut
Soc. Acad. Hütte, Des Ingénieurs
duites dans les canons en acier trempé
Taschenbuch (Berlin, 1931-1955, 5 vol. ; trad. aussi observer une accoutumance avec
b et c. La section de ces goupilles est fr. Manuel de l’ingénieur, Béranger, 1960-1962, des excitants mineurs comme le café et
déterminée pour qu’elles soient cisail- 2 vol.). / J. Brondel, Accouplement, joints de
le tabac. Certains hallucinogènes sont
cardan, encliquetages (Dunod, 1960). / R. Prud-
lées lorsque le couple dépasse la valeur
homme, A. L. Tourancheau et A. Kergoat, Élé- également soumis à cette notion d’ac-
maximale admissible. Les goupilles
• Dans l’accouplement type Benn ments de construction à l’usage de l’ingénieur, coutumance.
sectionnées peuvent être très facile- t. III : Organes de transmission du mouvement
(fig. 16), les blocs élastiques sont des La morphine et ses dérivés associent
ment remplacées. circulaire (Dunod, 1963). / K. H. Decker, Mas-
ressorts à boudin précomprimés. chinenelemente (Munich, 1965). / R. Lombard, les trois traits de la dépendance. L’as-
Éléments de machines (Bellan et Marlet, 1968). suétude, qui est notamment marquée,
entraîne l’intoxiqué à des actions frau-
duleuses pour se procurer sa drogue. Le
sevrage provoque des accidents souvent
accoutumance dramatiques, qui associent une sensa-
tion d’angoisse atroce pouvant entraî-
Selon l’Organisation mondiale de la ner une agitation dangereuse pour le
santé, c’est l’un des éléments de la malade ou son entourage, des troubles
• L’accouplement de sécurité à billes « dépendance à l’égard des drogues », digestifs faits de vomissements et de
(fig. 19) comporte un certain nombre celle-ci étant définie comme un « état diarrhée qui peuvent entraîner une im-
de billes a en acier pressées par des qui résulte de l’absorption périodique- portante déshydratation, des troubles
• Dans l’accouplement type Voith- ressorts réglables dans des rainures ment et continuellement répétée d’une cardiovasculaires faits de variations
Maurer (fig. 17), conçu pour trans- tensionnelles, de troubles du rythme
mettre des couples pouvant aller cardiaque et parfois de collapsus ou de
jusqu’à 15 000 m.kg, la partie élastique syncope. La mort subite est possible
est constituée par un grand nombre de au cours de ces accès, et ce danger ex-
boucles réalisées en fils d’acier, dont plique les précautions avec lesquelles
les extrémités sont encastrées dans les les cures de désintoxication doivent être
deux parties de l’accouplement. Le menées. La cocaïne entraîne une forte

79
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

de Korle. Au XVIIe s., les deux inden- 1960, plus de 700 000 en 1975). La
tations du littoral, abris naturels favo- construction d’un pont sur la lagune
rables à l’activité portuaire, attirèrent permet l’extension à l’ouest (édification
les commerçants européens se livrant à de l’hôpital de Korle Bu ; développe-
la traite des Noirs. À l’ouest, les Hollan- ment du quartier périphérique de Korle
dais bâtirent en 1650 le fort Crèvecoeur Gono) ; vers le nord se développent
(plus tard Ussher Fort), et les Anglais d’autres quartiers populaires (Tudu,
édifièrent vers 1673 le fort James ; à Adabraka, Accra New Town) ; la route
accoutumance, mais il n’y a pas de tolé- et tranquillisants (Casterman, 1962). / P. Chau- l’est, à 2 miles de distance, fut construit, du nord emprunte la vallée de l’Odaw
chard, le Désir de la drogue (Mame, 1971).
rance, et l’assuétude est peu marquée : à partir de 1657, le fort danois de Chris- (Station Road, devenue Kwame N’Kru-
tiansborg. mah Avenue, puis, en 1966, Liberation
il n’existe pas de difficultés majeures
La protection offerte par le voisinage Avenue), conduisant à 6 miles au nord,
lors du sevrage, en dehors du désagré-
des forts aux populations du littoral, vic- à l’Achimota College (1925-1927), pre-
ment psychique de l’interruption. Le Accra mier noyau de l’université de Legon.
times de razzias perpétuelles de la part
chanvre indien (ou haschich), sous ses
de leurs voisins de l’intérieur, et l’essor Au nord-est, sur le plateau de Ridge,
différentes formes, entraîne, lui aussi, Capitale du Ghna, sur le golfe de Gui-
du commerce négrier favorisèrent la le long de l’Indépendance Avenue, se
une certaine dépendance psychique sans née ; 738 000 hab. Accra est la première développent les quartiers résidentiels
concentration de la population ga, qui
tolérance ni assuétude. Le sevrage n’est ville du Ghana et l’une des plus impor- aisés, pour dégager Victoriaborg, désor-
fit d’Accra sa capitale. Mais l’aboli-
tantes de l’Afrique occidentale. mais saturé. À partir de 1950, les villas
donc pas dangereux. Mais la prévention tion de la traite des Noirs au début du
des rechutes est délicate. En dehors des Ni la situation ni le site de cette ville XIXe s. entraîna un déclin de l’activité se multiplient encore au-delà, aux alen-
ne la prédisposaient à cette destinée. commerciale, Accra étant mal placée tours de l’aéroport.
opiacés, il faut citer les barbituriques,
Accra occupe une position excentrique, pour se livrer au commerce des produits Accra est aujourd’hui une énorme
qui peuvent entraîner une certaine ac-
au sud-est du pays. Elle est éloignée des locaux (huile de palme notamment), qui agglomération en constante expansion.
coutumance. Le café, le thé et surtout le
zones de peuplement les plus denses et remplaçait désormais le commerce des Son développement relativement anar-
tabac provoquent, en cas de consomma-
les plus riches en ressources agricoles esclaves. Cependant, la mainmise bri- chique (pas de plan d’urbanisme avant
tion habituelle, le phénomène d’accou- (cacao) et minières (or, bauxite, man- tannique s’affirma avec l’achat, par le 1939) explique la persistance, en plein
tumance. Les amphétamines, de même ganèse), qui se situent plus à l’ouest. gouvernement anglais, du fort danois de centre, de quartiers surpeuplés (James-
que la mastication des feuilles de khat, Les conditions naturelles sont moins Christiansborg (1850) et du fort hollan- town, Usshertown, Christiansborg),
entraînent aussi une dépendance psy- favorables à l’établissement d’un port dais d’Ussher (1872). où seule la spéculation immobilière
chique. Par contre, si ces substances ont que celles de nombreux points de la côte élimine peu à peu les taudis à côté des
En 1876, Accra devient la capitale
ouest. De l’intérieur, le site est naturel- immeubles occupés par les sièges des
des actions excitantes sur de nombreux de la colonie britannique de la Gold
lement peu accessible (lagune de Korle banques, des sociétés de commerce, etc.
appareils (notamment système nerveux Coast (émancipée deux ans plus tôt de
et collines de l’Akwapim à l’ouest et au De Victoriaborg à l’aéroport s’étendent
et appareil cardio-vasculaire), il n’y a la tutelle administrative de la Sierra
nord-ouest ; plaines marécageuses du les quartiers résidentiels riches. À
Leone). Entre le château de Christians-
habituellement pas d’accidents de se- delta de la Volta à l’est). l’ouest, au-delà de la lagune Korle et
borg, qui avait échappé au tremblement
vrage.
C’est à son rôle de capitale adminis- de terre de 1862 et qui avait été, pour de la rivière Odaw, et à l’est, sur un
Les substances hallucinogènes, trative qu’Accra doit son essor. Le cli- cette raison, choisi comme résidence du espace plus limité, les lotissements
qu’elles soient d’origine végétale ou mat relativement sec de ce secteur de gouverneur, et les quartiers africains de repoussent sans cesse les bidonvilles,

semi-synthétique (type LSD 25), en- la côte (« sous le vent » par rapport à Jamestown et d’Usshertown se construit qui renaissent plus loin dès qu’ils sont
la mousson d’ouest-sud-ouest) et l’ab- alors le quartier administratif et résiden- détruits. En 1962-63, les quartiers rési-
traînent une accoutumance modérée,
sence de la mouche tsé-tsé, vecteur de la tiel de Victoriaborg, l’ensemble étant dentiels riches, avec 6 p. 100 de la po-
mais surtout une tolérance qui est croi-
maladie du sommeil, ont été à l’origine relié par une grande voie parallèle au pulation, occupaient à peu près autant
sée pour les différentes substances, de
de la décision prise en 1876 par l’admi- littoral (High Street). d’espace que les quartiers pauvres, avec
telle sorte que l’augmentation de dose
nistration britannique de transférer la 55 p. 100 de la population. Une zone
La construction de la jetée et du port
nécessitée par l’une des drogues reste capitale de la colonie de la Gold Coast industrielle s’est développée à l’ouest,
(1903), puis de la voie ferrée Accra-
également vraie si le sujet change de (Côte-de-l’Or) de Cape Coast à Accra. sur la rive droite de l’Odaw.
Koumassi (1910-1923), la création d’un
variétés d’hallucinogènes. C’est proba- Les conditions d’habitat pour la popula- Les fonctions urbaines demeurent
réseau routier et le développement de la
blement ce fait qui explique que des ac- tion administrative européenne y étaient avant tout administratives et commer-
circulation automobile après la guerre
cidents mortels puissent être observés. plus saines, et surtout le climat rendait ciales, accessoirement intellectuelles
de 1914-1918 permettent à la capitale
possible l’utilisation des chevaux. administrative de s’assurer de solides (université, presse). En 1960, 37 p. 100
J.-C. L. P.

Le village d’Accra avait été fondé à assises économiques. Les grandes mai- de la population active était employée
E. Kohn-Abrest, Précis de toxicologie (Doin,

1955). / C. Vaille et G. Stern, les Stupéfiants, la fin du XVIe s. par la population autoch- sons de commerce et les banques y dans le commerce, 24 p. 100 dans les
fléau social (Expansion scientifique française, tone de la région, les Gas. C’était un établissent leurs sièges ; en dépit de sa services, 13 p. 100 dans l’artisanat et
1955). / M. Nicet, B. Thys et J. Vinchon, Drogues petit village de pêcheurs sur la lagune situation géographique peu favorable, l’industrie, 12 p. 100 dans le bâtiment,
Accra assure à partir de 1924 une partie 4 p. 100 dans la pêche. Le rôle des
importante des exportations de cacao, femmes est exceptionnel dans le com-
dont la production est devenue la prin- merce (73 p. 100 de la population ac-
cipale richesse du pays, et une partie tive féminine y est occupée) ; certaines
sans cesse croissante des importations. « mammies » y sont devenues d’impor-
La population passe de 16 000 habitants tantes femmes d’affaires.
en 1891 à 26 600 en 1901 et à 42 800 Depuis cette date, la réalisation du
en 1921. grand complexe de la Volta, oeuvre de
À partir de ce moment, l’expan- l’ancien président Kwame N’Krumah,
sion s’accélère (70 000 hab. en 1931, a modifié ces données. Ce complexe
135 800 en 1948, près de 400 000 en comprenait la construction du barrage et

80
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

— le bac, ou récipient, à l’intérieur du-


quel sont logés tous les constituants qui
précèdent.

Parmi les accessoires, il faut citer les


bornes reliant l’accumulateur au circuit
extérieur, les tiges polaires et divers
conducteurs assurant la distribution du
courant entre les bornes et les plaques,
les connexions permettant l’association
des éléments unitaires en série ou en
parallèle pour constituer les batteries,

de la centrale hydro-électrique d’Ako- la production économique du courant • les piles à combustible, où combus- les bouchons permettant le remplis-
tible et comburant sont stockés à part, de sage, le départ des gaz formés pendant
sombo sur la Volta (première tranche nécessaire à leur recharge.
façon à alimenter continuellement l’élé-
achevée en 1965), la bonification des la charge, et enfin les caisses de grou-
Pendant plusieurs dizaines d’années, ment ; le fonctionnement de ce dernier est
terres du delta, la création à Tema (à pement facilitant la manutention des
l’accumulateur Planté, perfectionné donc de durée illimitée tant que son réap-
25 km à l’est d’Accra) d’un port en eau sur différents points, fut le seul utilisé, provisionnement est assuré ; batteries.
profonde (mis en service en 1962) et puis d’autres types d’accumulateurs à • l’accumulateur, ou pile réversible,
d’un centre industriel. électrolyte alcalin furent mis au point : dans lequel la réaction de combustion Accumulateur au plomb
Aujourd’hui, Tema a enlevé à Accra vers 1900 aux États-Unis par Edison fournit des produits qui restent dans l’élé- Dans cet accumulateur, l’électrolyte est
ment et qu’il est possible de régénérer par
sa fonction portuaire (le port d’Accra (éléments au fer-nickel) et en Suède constitué en fin de charge d’une solution
passage en sens inverse du courant, afin
n’est plus guère utilisé que par la par Valdemar Jungner (1869-1924) d’acide sulfurique à la concentration
de permettre à l’élément de retrouver son
pêche artisanale). Cette ville nouvelle [éléments au cadmium-nickel]. Quant d’environ 28 p. 100.
état initial, autrement dit d’être rechargé.
(57 000 hab. en 1965) est devenue le à l’accumulateur à l’argent, il fut réa-
Un même couple combustible-comburant Les matières actives positive et néga-
principal centre industriel du Ghna lisé, il y a une vingtaine d’années, par peut servir à la réalisation de ces trois types
tive sont respectivement du peroxyde
(aluminium, raffinerie de pétrole, sa- H. André. d’éléments. C’est, par exemple, le cas du
de plomb PbO2 et du plomb spongieux.
vonnerie, textile, traitement du cacao, couple zinc-oxygène, utilisé dans la pile
Les supports sont de différents types :
pêche industrielle et conserverie, etc.). ordinaire au zinc (pile à dépolarisation par
Qu’est-ce qu’un élément grilles en plomb antimoine dans le cas
l’air), dans certaines piles à combustible,
Elle tend à s’intégrer, dans le cadre d’un
galvanique ? dans lesquelles l’électrode de zinc peut être des batteries de démarrage, tubes per-
plan unique d’urbanisme, au sein d’une
facilement remplacée après consommation,
agglomération Accra-Tema à laquelle D’après la Commission électrotechnique in- forés en ébonite ou en matériaux rigides
ou dans l’accumulateur zinc-air, rechar-
elle apporte la fonction portuaire et ternationale, une cellule galvanique est une et poreux dans les batteries de traction,
geable par le courant de la General Atomic
cellule électrolytique qui transforme l’éner-
industrielle. plaques de plomb comportant des ai-
Co. américaine.
gie fournie par des réactions chimiques en
J. S.-C. lettes dont la surface est peroxydée dans
énergie électrique, le terme élément galva-
le cas des éléments stationnaires.
nique s’appliquant à une forme pratique de
réalisation d’une telle cellule. Constitution Les séparateurs sont constitués de
Si l’on brûle un combustible (carbone) des accumulateurs feuilles microporeuses, de feutres de
acculturation dans un comburant (oxygène), la quantité électriques fils de verre ou synthétiques, de simples
de chaleur dégagée correspond à l’énergie
feuilles de bois, de feuilles perforées et
libérée par le changement de disposition Un accumulateur électrique comporte, à
CULTURE. ondulées en plastique ou en ébonite, etc.
des atomes de carbone et d’oxygène dans côté de constituants essentiels, nombre
les produits de combustion ; le mouvement d’accessoires. Parmi les premiers, il faut Les bacs sont exécutés en matériaux
d’électrons qui accompagne ce processus considérer : très divers : plastique, ébonite, grès
peut être assimilé à un courant de court-cir-
— les matières actives positive et néga- ou autres matières isolantes résistant à
accumulateur cuit entre atomes.
tive qui, par l’énergie libérée lors de l’acide.
Au contraire, si le carbone et l’oxygène
électrique sont séparés par un électrolyte, la réaction
leur réaction, permettent la production
Pendant la décharge, le peroxyde des
d’énergie électrique. Ces matières re-
ne peut se produire que par l’intermédiaire plaques positives est réduit à l’état de
trouvent leur état initial au cours de la
Appareil emmagasinant de l’énergie d’ions : PbO et le plomb des négatives oxydé en
recharge ;
électrique sous forme chimique pour la 4e + O2 2O– –, PbO. Cet oxyde réagit aux deux élec-
– — les supports de la matière active,
restituer, à volonté, sous forme de cou- C + 2O– CO2 + 4e, trodes avec l’acide sulfurique pour se
dont le rôle est de soutenir les matières
rant. et le passage des électrons échangés transformer en sulfate ; d’où le nom de
actives, constituées généralement de
s’effectue en réunissant les électrodes réaction de double sulfatation repré-
substances pulvérulentes agglomérées,
Historique de la pile par un circuit extérieur. sentant le mécanisme suivant :
et d’assurer la distribution du courant
Dans un élément galvanique, les réac-
PbO2 + Pb + 2 H2SO4 2 PbSO4 + 2
C’est en 1801 que Nicolas Gautherot jusqu’aux particules de matière. L’en-
tions qui fournissent l’énergie sont toujours
(1753-1803) établit le principe de la semble matière active et support consti- H2O.
des réactions de combustion, à condition de
réversibilité des piles, mais ce sont les concevoir ce terme sous sa forme la plus gé- tue une électrode ; Pendant la charge, les réactions
recherches de Planté qui aboutirent à la nérale, afin qu’il corresponde à toute réac- — l’électrolyte, liquide conducteur dans inverses se produisent. On voit que
tion dans laquelle un combustible change
découverte de l’accumulateur au plomb, lequel sont plongées les électrodes ; il l’électrolyte prend part à la réaction ;
de degré d’oxydation en cédant un ou plu-
à électrolyte acide, en 1859. À cette permet les échanges ioniques entre sa concentration décroît pendant la
sieurs électrons. On classe les éléments gal-
époque, les accumulateurs ne pouvaient celles-ci, tout en prenant parfois part décharge, ce qui présente un avantage
vaniques en trois catégories :
être rechargés que par le courant continu aux réactions de décharge et de charge ; important, puisqu’il devient possible
• les piles ordinaires, où combus-
fourni par des piles, et ils ne prirent le — les séparateurs, qui complètent le d’apprécier l’état de charge de l’accu-
tible et comburant sont présents dans
développement considérable qu’on leur la pile en quantité limitée, la pile étant soutien de la matière active, isolent mulateur par une mesure de la densité
connaît qu’à partir du jour où la dynamo épuisée lorsque tout le combustible est les électrodes de polarité opposée et de son électrolyte.
Gramme fit son apparition, permettant consommé ; assurent leur écartement ;

81
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Accumulateurs alcalins Caractéristiques tique, l’ordre de classement est à peu


près le même ;
L’électrolyte est constitué d’une solu- électriques et
— le poids et l’encombrement. L’élé-
tion de potasse à la concentration d’en-
comparaison des ment à l’argent est très favorisé ; l’élé-
viron 25 p. 100. Dans l’accumulateur
différents types ment au plomb et les éléments alcalins
fer-nickel (Edison), la matière positive
sont voisins, car le poids plus réduit
est à base d’oxyde de nickel, addition- d’accumulateurs
de ces derniers est compensé par une
née, pour la rendre plus conductrice, de
Un accumulateur est défini par sa ca- tension plus faible, ce qui augmente le
paillettes de nickel ou de graphite, et la
pacité et sa tension. La capacité est le nombre d’éléments à grouper pour obte-
matière négative est du fer réduit. À la
nir une tension donnée ;
nombre d’ampères-heures que l’accu-
charge et à la décharge, deux réactions — le comportement aux hautes et
inverses se produisent, que l’on peut mulateur peut débiter dans des condi-
basses températures. D’importants pro-
représenter par l’équation simplifiée tions de décharge déterminées. On uti-
grès ont été réalisés dans ce domaine,
2 Ni(OH)3 + Fe 2 Ni(OH)2 + Fe(O lise fréquemment un autre paramètre : mais l’accumulateur à l’argent bénéfi-
H)2. la capacité massique, qui est le nombre cie d’un échauffement interne pendant

On voit que, pendant la décharge, d’ampères-heures que peut fournir un son fonctionnement qui lui permet de

l’oxyde de nickel est réduit et que le fer mieux supporter de basses tempéra-
élément par unité de poids.
tures ;
est oxydé, l’électrolyte ne prenant pas
La force électromotrice d’un accu- — les possibilités de décharge à fort
part à la réaction.
mulateur est une valeur qui dépend du régime ; les éléments à l’argent et les
L’accumulateur au cadmium-nickel
couple adopté et se calcule théorique- éléments alcalins à plaques frittées pré-
(Jungner) ne diffère essentiellement du
sentent une nette supériorité ;
ment par l’application des lois de la Cependant, dans une comparaison
précédent que par le remplacement du — le prix, qui augmente dans l’ordre :
thermodynamique. Elle est de 2,04 volts pratique, d’autres facteurs doivent inter-
fer par du cadmium. éléments au plomb, alcalins ou à l’ar-
venir :
pour l’accumulateur au plomb, de
Dans l’accumulateur à l’argent, la — la durée de service utile, c’est-à- gent.

matière positive est constituée d’oxydes 1,30 volt pour les éléments au cad- dire le nombre de cycles de charge et
d’argent (AgO ou mélange d’AgO et mium-nickel et de 1,59 volt pour l’élé- de décharge que peut subir un élément L’inventeur des
et la matière négative de zinc, ment à l’argent. Il s’agit là de la tension avant sa mise hors service. Cette pro-
d’Ag2O) accumulateurs
avec, à la décharge et à la charge, les priété diminue dans l’ordre : éléments
en circuit ouvert. Si, au contraire, il y
Gaston Planté, électricien français (Or-
doubles réactions suivantes : alcalins, au plomb et à l’argent ;
a passage de courant, la tension aux thez 1834 - Bellevue, Seine-et-Oise, 1889).
AgO + Zn + Ag + ; — la robustesse d’emploi, c’est-à-dire
H2O Zn(OH)2 D’abord préparateur de physique d’Edmond
bornes est diminuée (en décharge) ou la simplicité de l’entretien, la facilité
Ag2O + Zn + H2O 2 Ag + Zn(OH)2.
Becquerel (1854), il entra dans les labora-
augmentée (en charge) d’une valeur et la rapidité de charge, la possibilité toires de Christofle, où il perfectionna la
Dans cet élément, la solubilité de
égale à iR, i étant le courant en ampères d’abandons prolongés en période de galvanoplastie. En 1859, il inventa les accu-
dans l’électrolyte est un incon-
Zn(OH)2 non-utilisation. Pour cette caractéris- mulateurs au plomb, qui lui permirent d’ob-
qui circule dans l’élément et R sa résis-
vénient que l’on combat par diverses
tance en ohms.
astuces de construction.

La grille ou support de matière active On voit donc que la tension d’un élé-

des éléments alcalins peut présenter des ment dépend de son régime de charge

formes très différentes : pochettes per- ou de décharge. La figure 1 montre la


forées en acier nickelé, tubes constitués variation de la tension en fonction du
par l’enroulement d’un ruban d’acier régime et de la durée de décharge de
nickelé et perforé, grille métallique sur
l’accumulateur au plomb ; la figure 2
laquelle on dépose la matière active
et la figure 3 correspondent respec-
ou encore grille garnie de matière ac-
tivement à un accumulateur alcalin
tive frittée dans le cas des éléments à
cadmium-nickel et à un accumulateur
plaques extra-minces.
à l’argent. Pendant la décharge, il ne
Les bacs sont généralement en acier
et plus rarement en matière plastique ; faut jamais dépasser une tension limite

dans le premier cas, ils sont isolés élec- inférieure pour ne pas risquer d’abîmer

triquement des électrodes. l’élément.

Par la combinaison de la capacité

massique et de la tension moyenne en

décharge, on peut calculer un autre

paramètre : l’énergie massique, ou

nombre de watts-heures au kilogramme

qu’un accumulateur peut fournir dans

des conditions de décharge données.

La figure 4 permet la comparaison des

énergies massiques de différents types

d’accumulateurs en fonction du régime

de décharge.

82
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

tenir, pour la première fois, des courants ton [Ohio], 1957). / G. Smith, Storage-batteries
performances très poussées deviennent On réserve parfois le nom d’acétals
intenses sous de faibles tensions. (Londres, 1968).
disponibles. à ceux de forme CH2(OR)2 ou R—

G. G. CH(OR)2, les autres étant appelés cé-

tals. Si quelques acétals sont employés


Applications G. W. Vinal, Storage Batteries (New York,

des batteries 1924 ; 4e éd. 1955 ; trad. fr. les Accumulateurs acétals en parfumerie, la plupart d’entre eux
électriques, Dunod, 1936). / C. Féry, C. Che-
d’accumulateurs sont des intermédiaires réactionnels,
neveau et G. Paillard, Piles primaires et accu- Composés, presque tous synthétiques
l’« acétalisation » protégeant soit la
On distingue différents domaines d’em- portant, sur un même atome de carbone,
mulateurs (J.-B. Baillière, 1925). / J. T. Crennel

ploi des accumulateurs électriques : fonction alcool, soit la fonction aldé-


et F. M. Léa, Alkaline Accumulators (Londres,
deux fonctions éther-oxyde.
— batteries pour l’éclairage, le démar- hyde de son instabilité dans certains
1928 ; trad. fr. les Accumulateurs alcalins,
Les acétals peuvent être symétriques
rage et l’allumage des automobiles, Dunod, 1931). / C. Drucker et A. Finkelstein, milieux et permettent leur régénération
ou mixtes :
avions, locomotives Diesel, etc. Leur Galvanische Elemente und Akkumulatoren après modification d’un autre seuil de
capacité varie généralement de 30 à (Leipzig, 1932). / E. S. Lincoln, Primary and
la molécule.
200 ampères-heures, leur tension de 6 Storage-batteries (Toronto, 1945). / L. Jumau,

à 24 volts ; Piles et accumulateurs électriques (A. Colin,


acycliques ou cycliques, comme : Préparation
— batteries de traction. Elles sont uti- 1948). / R. A. Harvey, Battery Chargers and

lisées sur véhicules routiers, chariots Charging (Londres, 1953 ; trad. fr. Emploi et Les acétals se forment dans l’action d’un
d’usine, locomotives, ainsi que pour charge des accumulateurs électriques, Dunod,
alcool primaire en excès sur un aldéhyde
l’alimentation des moteurs de sous- 1956). / A. B. Garrett, Batteries of To-day (Day-
sous l’influence catalytique d’une trace
marins en plongée. La capacité des
d’acide minéral :
éléments peut atteindre plus de 500 am-
pères-heures pour une tension de 48
ou 96 volts pour les véhicules routiers
ou de 24 à 36 volts pour les chariots
Une telle réaction, dite acétalisation,
d’usine. Les batteries de locomotives et
échoue si on remplace l’aldéhyde par
surtout de sous-marins sont beaucoup
plus importantes ; une cétone ou l’alcool primaire par un

— batteries stationnaires. Elles assurent alcool secondaire ; cependant, elle réus-

l’éclairage et le fonctionnement des sit si l’on substitue aux deux molécules


appareils essentiels, en cas de pannes d’alcool une molécule de glycol- et
de réseau, dans les installations télé-
parfois :
phoniques, les centrales, les bâtiments
publics, les théâtres et les grands maga-
sins ;
— batteries portatives. Elles sont des-
tinées à l’alimentation des postes de
radio, de télévision, et de tout le maté-
riel électrique transportable ;
On obtient aussi des acétals en faisant
— batteries d’éclairage pour lampes
agir l’éther orthoformique sur un aldé-
de mines, lampes de poche, etc. Dans
hyde ou une cétone :
ce domaine, un important progrès a
été réalisé avec les batteries dites
« étanches », complètement scellées
et inversables, dont le fonctionne-
ment s’effectue dans des conditions Les acétals prennent encore naissance

telles qu’il n’y a aucun dégagement dans l’action de l’éther orthoformique


de gaz. sur les organomagnésiens :

Autres modèles
d’accumulateurs

Aucun des types d’accumulateurs que Propriétés


nous avons décrits n’est à l’abri de cer-
Les acétals sont généralement des li-
tains inconvénients. Cette branche de
l’industrie électrique est une de celles quides volatils et odorants. Ils sont très

qui ont fait l’objet de recherches les plus stables en milieu neutre ou alcalin et peu
approfondies. Cependant, en dehors des oxydables.
types signalés, les différents accumula-
En revanche, ils sont hydrolyses
teurs de remplacement qui ont été pro-
en milieu acide avec régénération de
posés ne se sont pas révélés utilisables.
On peut néanmoins espérer que, dans l’alcool et du dérivé carbonylé dont

un avenir assez proche, des éléments à ils dérivent. Les premiers termes sont

83
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

/ B. H. Masseran, À propos des vomissements du


d’excellents solvants, en particulier de du glucose, à l’exclusion du cerveau, la puberté. On ne la voit guère après
nouveau-né et de l’enfant (thèse, Paris, 1967).
l’acétylène. dont le fonctionnement exige ce sucre 15 ans. Elle survient par crises du-
C. P. simple. Or, l’acidose nuit à l’utilisation rant de 2 à 5 jours. Elle est annoncée
cellulaire du glucose. On voit ainsi que, par une torpeur, avec perte de l’ac-
lors de l’acétonémie, le cerveau sera le tivité, puis, en moins de 24 heures, acétylcholine
premier à souffrir, et l’aboutissement
les vomissements apparaissent avec
acétonémie de l’acido-cétose sera assez rapidement
souvent rejet de toute tentative de Ester acétylé de la choline, intervenant
le coma. Quand les corps cétoniques
boisson. Ils aboutissent à une dés- comme médiateur chimique ou neuro-
Accumulation dans le sang de corps cé- sont en quantité faible dans le sang,
hydratation : du degré de celle-ci hormone.
toniques, représentés surtout par l’acide les mécanismes de régulation acido-
dépend, en fait, toute la gravité de la
acétylacétique et l’acide bêta-hydroxy- basique (reins et poumons) suffisent à
crise. Les examens de sang montrent Historique
butyrique. Il existe entre ces deux corps compenser l’acidose. S’ils apparaissent
ici, contrairement au diabète, une hy- La notion de médiateur chimique
un équilibre résultant de la transforma- en excès, l’organisme cherche à les éli-
poglycémie et souvent une alcalose. (substance qui apparaît au niveau des
tion permanente, dans les deux sens et miner par le rein. Mais cette excrétion
Puis la sédation survient brutalement, terminaisons des nerfs pendant leur
sans consommation d’énergie, de l’un ne peut se faire qu’au prix d’une perte
l’enfant reprenant en quelques heures activité et qui transmet l’incitation à
en l’autre. Cet équilibre est réglé par le de bases qui accentue l’acidose. Dans
l’organe innervé) est due aux observa-
pH ; celui-ci détermine donc la propor- certains cas apparaissent des vomis- ses activités. Ces crises varient de
tions d’Otto Loewi (1921). Elle a pris
tion de chacun des deux acides. L’acé- sements qui, par les pertes de chlore, une à une dizaine par an. La cause en
corps à une époque où deux théories
tone vraie est, elle, presque inexistante entraînent une alcalose parvenant par- est mal connue : on insiste sur le ter-
concernant la transmission de l’influx
dans le sang, car c’est un corps volatil, fois à compenser, puis à supplanter rain nerveux, émotif, les antécédents
nerveux s’affrontaient. L’une voyait
rapidement éliminé par les poumons : l’acidose. familiaux d’asthme, d’urticaire, d’ec-
dans la propagation de cet influx
elle détermine l’odeur acétonique de zéma, de migraines surtout. Le dé- un phénomène purement physique
l’haleine, qui, pour des odorats exercés, Quand y a-t-il clenchement lui-même est parfois lié (L. Lapicque), l’autre, au contraire,
fait reconnaître ou suspecter l’acétoné- acétonémie ? à un effort physique, une émotion, un un phénomène chimique. Une expé-
mie.
jeûne ou une maladie infectieuse, sur- rience de Loewi réalisée sur le coeur de
Parfois, chez le sujet sain, en cas d’ali-
Les corps cétoniques sont éliminés tout si celle-ci comporte des troubles grenouille est à l’origine de l’impor-
mentation trop riche en graisse ou en
dans les urines. Sur des urines très digestifs. L’étude du métabolisme tance que l’on accorde actuellement
cas de jeûne prolongé du fait de la
fraîches, il n’y a que peu ou pas d’acé- à cette dernière conception. L’inner-
consommation des graisses en réserve. glucidique de ces enfants montre une
tone vraie. Mais si les urines séjournent vation cardiaque chez cet animal est
En pathologie, il y a surtout trois instabilité biologique : sensibilité ac-
longtemps dans la vessie ou dans le réalisée par un tronc nerveux commun
causes : crue à l’insuline, forte hyperglycémie
bocal qui les recueille, l’acide acétyla- aux systèmes orthosympathique et pa-
• en premier lieu, le diabète*, soit par par surcharge alimentaire ;
cétique se dégrade in situ et forme de rasympathique. Or, on le sait, l’excita-
accès spontanés, notamment dans les • en troisième lieu, des affections
l’acétone, qui, en réalité, ne provient tion électrique de l’orthosympathique
formes de diabète juvénile avec dénu- rares, dites polycories glycogéniques
pas du sang. Les corps cétoniques du provoque une accélération du rythme
trition, soit lors d’autres affections
sang peuvent être détectés à l’aide de ou glycogénoses hépatiques de sur- cardiaque, celle du parasympathique
concomitantes : traumatismes, affec-
réactifs du commerce utilisés pour leur charge. Elles sont liées à une anomalie un ralentissement. Ce que Loewi
tions médicales, infectieuses surtout,
recherche dans l’urine. On teste soit le enzymatique aboutissant à une sur- a montré, c’est qu’en même temps
ou encore écart de régime ou erreur
sérum, soit le plasma après centrifuga- charge du foie en glycogène. Immédia- qu’interviennent l’accélération ou le
thérapeutique (changement brutal ou
tion, ou encore, plus simplement, on ralentissement du rythme cardiaque
tement après le repas, il y a une forte
arrêt de l’insuline). Cette acido-cétose on observe dans le coeur l’apparition
met au contact du comprimé ou de la hyperglycémie, puis une hypoglycémie
s’accompagne d’hyperglycémie, de
poudre une goutte de sang total (prélevé de substances chimiques qui, à elles
secondaire avec cétose. Les enfants at-
glycosurie, d’acidose avec effondre- seules, sont capables de provoquer
par piqûre au bout du doigt). Le plasma
teints de cette affection ont des troubles
ment de la réserve alcaline et d’hypo- soit l’accélération, soit le ralentisse-
exsude dans la poudre, et la présence
kaliémie (baisse du potassium san- de croissance et une grosse hypertro-
de corps cétoniques entraîne une colo- ment d’un coeur complètement isolé et
guin) ; phie du foie.
ration violette. Normalement, les corps perfusé par un liquide physiologique.
J.-C. L. P. Ces substances, isolées depuis, ne sont
cétoniques sont élaborés par le foie : en • en deuxième lieu, les vomisse-

partie à partir des glucides et des pro- ments acétonémiques de l’enfant, de J. Le Prado, les Facteurs du coma diabé- autres que l’adrénaline, qui accélère le
tique (thèse, Paris, 1957). / C. Launay, P. Gre-
tides, mais surtout à partir des lipides, déterminisme encore mal élucidé. rythme cardiaque, et l’acétylcholine,
net et F. Verliac, Précis de médecine infantile
lors de la néoglycogenèse (formation Cette affection, rarement grave, qui le ralentit. Elles sont sécrétées
(Mosson, 1961). / H. Lohe, Über Ausmass und
de glucides à partir de lipides ou de touche l’enfant de 4 à 12 ans. Elle est au niveau des synapses (articulations
Häufigkeit von Stoffwechselverschlechterung

exceptionnelle avant 2 ans et cesse à in Verlauf der diabeter mallitus (Munich, 1963). entre les neurones).
protides). Au cours d’un métabolisme
normal, il sont en quantité négligeable
dans le sang. Rôles physiologiques
L’acétonémie se rencontre en cas de l’acétylcholine
d’apport excessif de graisses alimen- L’acétylcholine est une substance dite
taires, en cas de mobilisation soudaine « parasympathico-mimétique », car les
des graisses de réserve, en cas de défaut effets de son injection dans le sang sont
de disponibilité du glucose. Les deux les mêmes que ceux qui sont obtenus
acides cétoniques n’ont pas de toxicité par excitation du parasympathique. Elle
propre. Par contre, ils représentent des provoque à dose très faible (de l’ordre
substances acides qui perturbent l’équi- du 1/1 000 000), outre la bradycardie
libre acido-basique* de l’organisme. (ralentissement du rythme cardiaque),
Bien plus, ils sont pendant longtemps la vasodilatation, ou augmentation du
susceptibles d’être utilisés par les cel- diamètre des vaisseaux sanguins et plus
lules pour leur énergie au lieu et place particulièrement des petites artères, ces

84
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

deux réponses de l’organisme contri- Enfin, certaines substances empêchent dénombrent huit guerres achanties pen- de Mycènes) surent très vite s’imposer
buant à une hypotension transitoire. Elle les effets de l’acétylcholine : c’est, par dant le XIXe s. Leur renonciation à la su- à l’extérieur de la Grèce continentale,
détermine le myosis (contraction pupil- exemple, le cas de l’ésérine. Toutes ces zeraineté sur les peuples compris entre cette sorte de cul-de-sac où ils étaient
laire), la constriction des bronches, le substances ont donné lieu à des appli- l’Achanti propre et la côte, en 1831, arrivés.
ralentissement, voire l’arrêt des mouve- cations médicales : certains sels d’acé- rendit plus difficile leur approvision- Ils se firent connaître d’abord par la
ments péristaltiques intestinaux. tylcholine ont été utilisés pour dilater nement en armes et encouragea les ten- conquête de la Crète (au XVIe s. av. J.-C.),
L’acétylcholine intervient dans la les artères périphériques, résoudre les dances centrifuges des peuples vassaux. qui les avait dominés : les Athéniens se
transmission de l’influx nerveux. On a spasmes vasculaires, renforcer le tonus Des querelles de succession affaiblirent souviendront de celui (Thésée, disaient-
des muscles lisses et rééquilibrer le sys- l’Achanti, que les Anglais, après avoir
vu qu’elle était sécrétée au niveau des ils) qui les délivra du tribut exigé par le
synapses parasympathico-cardiaques. tème neurovégétatif. détruit Koumassi en 1874, ne se déci- Minotaure. Les Achéens surent prendre
J. Ph. dèrent à annexer qu’en 1896. Une forte
En fait, elle l’est au niveau de toutes les la succession des marchands crétois sur
synapses du système neurovégétatif, à Adrénaline / Cerveau / Circulation / Coeur /
colonne entra sans combat à Koumassi les routes méditerranéennes ; ils furent
l’exception des synapses orthosympa- Glandes / Nerveux (système) / OEil / Respiration / Vision. et exila Prempeh, qui, depuis cinq ans, même plus hardis qu’eux, puisqu’ils
usait de tous les procédés dilatoires, y
thico-viscérales, où c’est de l’adrénaline V. adrénaline. ouvrirent des comptoirs neufs dans les
qui est sécrétée. Encore faut-il signaler compris une ambassade à Londres, pour îles Lipari et en Sicile au cours du XVIe s.
échapper au protectorat. Missionnaires
que, même dans ce dernier cas, il peut av. J.-C.
et commerçants affluèrent. En 1900,
y avoir sécrétion d’acétylcholine et Ils s’établirent dans les Cyclades, sur
la répression d’une révolte provoquée
non d’adrénaline (glandes sudoripares acétylène la côte orientale de l’Égée : certaines ri-
par la sottise du gouverneur Hodgson
humaines). valités commerciales (et non sans doute
laissa exsangue l’Achanti, qui devint un
Sir Henry Hallett Dale (1934) a ALCYNES. le rapt d’Hélène, chanté par Homère)
des trois territoires composant la Gold
généralisé cette notion aux synapses les conduisirent à détruire vers 1240
Coast. La restauration, comme achan-
nerveuses du système cérébro-spinal. av. J.-C. la ville de Troie, qu’ils avaient
tehene, du neveu de Prempeh, en 1935,
Toutefois, il ne semble pas que cela jusqu’alors inondée de leur céramique.
ne pouvait faire revivre ce qui avait été
soit absolu, et deux autres médiateurs Achantis ou l’un des mieux organisés des États afri-
Ils sont à Lesbos, à Milet, à Colophon ;
chimiques ont été découverts : l’hista- on les voit à Rhodes, en Pamphylie, en
mine et la sérotonine. Ashantis cains.
Cilicie. Bien sûr, ils ne peuvent péné-
D. B.
On a tout d’abord pensé à une libé- trer à l’intérieur de l’Anatolie, où sont
Afrique noire / Ghna.
Peuple du groupe akan, établi au Ghna installés les Hittites, mais ils y sont
ration de l’acétylcholine par les bou-
entre le Pra et l’Ofin. Il forme un en- T. E. Bowdich, Voyage dans le pays d’As-
connus : des textes mentionnent en effet
tons terminaux des axones de certaines chantie (traduit de l’anglais, Gide fils, 1819). /
semble de tribus qui fut soumis au Den- le « pays des Achéens » (l’Ahhiyawa)
fibres nerveuses, dites alors « choli- R. S. Rattray, Ashanti (Oxford, 1923) ; Religion
kyera jusqu’à la fin du XVIIe s. Le chef and Art in Ashanti (Londres, 1927). / W. Tor- et nous apprennent que les rapports ne
nergiques ». À l’heure actuelle, depuis
du clan de Koumassi, Osei Toutou, aidé doff, Ashanti under the Prempehs (1888-1935)
sont pas toujours cordiaux entre les
Nachmansohn (1952), on admet que
[Londres, 1965].
du magicien Okomfo Anokye, qui fit deux peuples (le souverain hittite Toud-
l’acétylcholine intervient directement
descendre du ciel un trône d’or, siège de haliya IV eut à se plaindre des Achéens
dans la conduction de l’influx nerveux
l’esprit de la nation achantie tout entière d’Atrée, ou Attarsiya). Les Achéens ont
au niveau du neurone et que, de ce fait,
et gage de sa survie, imposa alors son avec Chypre des relations constantes, et
son rôle au niveau des synapses ne se-
hégémonie aux autres clans. Achéens de là ils peuvent s’introduire en Syrie,
rait que la suite logique de son action
sur la fibre nerveuse dans son ensemble. L’achantehene est un roi sacré dont en Phénicie et même en Égypte.
La plus ancienne des familles ethniques
On sait que la propagation de l’influx les funérailles donnent lieu à des céré-
grecques.
nerveux s’accompagne de microtran- monies compliquées, accompagnées de La civilisation
sits ioniques au niveau de la paroi de la sacrifices humains. Il n’est pas absolu.
Des décors de vases, des fresques, des
fibre nerveuse, provoquant une dépola- Les décisions sont prises par un conseil, L’établissement
masques mortuaires nous renseignent
risation transitoire de la surface de cette le Kotoko, qui groupe autour de lui la des Achéens
sur l’aspect physique des Achéens. Leur
dernière (potentiel d’action). Ces micro- reine mère et certains chefs. Les clans
Au cours du IIe millénaire avant notre profil est déjà le profil grec, leur visage
transits (sodium, potassium) seraient sont dirigés par des chefs héréditaires ère s’installèrent sur le pourtour de la est souvent dur et volontaire, plus éner-
favorisés par l’acétylcholine. L’action auxquels l’achantehene essaie de subs-
mer Égée des peuples errants venus de gique que celui des Crétois (cela est
de celle-ci est toujours de brève durée, tituer des hommes élevés à sa cour. La
la grande steppe qui s’étend au nord du sensible surtout dans les portraits de
car elle est catabolisée (détruite) par une centralisation se développe au XVIIIe s., Pont-Euxin ; leur langue appartenait à femmes). Les hommes portent souvent
enzyme toujours présente : la cholines- en même temps que l’armée achantie
la famille indo-européenne ; ils étaient la barbe (au contraire de ce que faisaient
térase, qui sépare la choline du groupe- acquiert une réputation d’invincibi- les ancêtres des Grecs. Pendant plusieurs les Crétois) et la moustache ; leurs che-
ment acétyl. lité due à son organisation plus encore siècles, les vagues d’envahisseurs se veux, plats et drus, tombent par-derrière
qu’aux armes à feu achetées aux comp-
succédèrent, interdisant à ce monde en jusqu’à leurs épaules, et sur leur front
Rôle médical toirs européens de la côte. gestation tout progrès. Peu à peu, néan- descendent quelquefois des boucles. Ils
de l’acétylcholine Au début du XIXe s., l’Empire achanti moins, l’influence de la Crète se fit sentir sont vêtus d’une courte tunique allant à
a étendu ses conquêtes très loin vers le dans le Péloponnèse et l’Argolide, qui,
Il convient de signaler qu’on a décou- mi-cuisse et d’un manteau, simple pièce
vert d’autres substances pharmacody- nord. L’Anglais Bowdich, qui se rend jusqu’alors repliés sur eux-mêmes, s’ou- d’étoffe drapée. L’art crétois a pourtant
en ambassade à Koumassi en 1817, vrirent à la civilisation et finirent même influencé leurs bijoux et les lourds bra-
namiques qui jouent le même rôle que
l’acétylcholine lorsqu’on les injecte admire la puissance de l’achantehene, par marquer de leur empreinte le monde celets qu’ils portent au-dessus du coude.
mais s’exagère sa richesse, prenant pour méditerranéen.
dans le système circulatoire et sont aussi Les femmes peuvent revêtir la pudique
or massif des objets d’un art incontes-
parasympathico-mimétiques (musca- En effet, les Achéens (il vaut mieux tunique traditionnelle, décorée parfois
table, mais faits de bois recouvert d’une peut-être de petites feuilles d’or, mais
rine, nicotine à faible dose). À l’inverse, leur donner ce nom consacré par l’épo-
mince feuille d’or.
d’ailleurs, d’autres substances sont pée homérique que de les appeler on les voit aussi habillées à la mode mi-
dites « parasympathicolytiques » car Les Achantis purent maintenir leur Mycéniens, comme on le fait souvent noenne et fort décolletées. Elles portent
elles annulent les effets du parasympa- domination sur les peuples côtiers aujourd’hui, puisque leur influence dé- de larges diadèmes, des bijoux massifs
thique (atropine, nicotine à forte dose). soutenus par les Anglais : les annales borda largement le territoire de la ville (boucles d’oreilles, épingles à cheveux,

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

pendentifs), dont la tradition n’est pas de Tirynthe (XIVe et XIIIe s.), de Pylos de minoen linéaire B, transcrivait un se trouvent les Doriens. Ils s’emparent
crétoise, mais nordique. (XIIIe s.). Chaque palais s’ordonne autour grec archaïque, langue des Achéens, et de Mycènes (1125), puis du reste du
d’une pièce centrale, le mégaron, auquel non une langue méditerranéenne. Péloponnèse, franchissent la mer à leur
Les hommes aiment la guerre et
savent la faire. Ils possèdent, comme on accède par un portique ouvrant sur Les royaumes qui divisent le domaine tour et prennent pied en Crète, dans les
les Crétois, de magnifiques armes de une cour. C’est une pièce carrée dont un achéen sont peu nombreux (Iôlkos, Cyclades. Les populations anciennes
parade, mais combattent avec des arcs, foyer forme le centre ; quatre colonnes Thèbes, Athènes, Mycènes, qui domine cèdent la place, et un bon nombre
des gourdins, des glaives qui frappent autour du foyer soutiennent le toit, et Tirynthe, Pylos) ; ils sont donc forts et
d’Achéens vont s’installer en Grèce
aussi bien d’estoc que de taille. Leur entre elles s’ouvre une sorte de baie par n’éprouvent que rarement le besoin de
d’Asie, après avoir passé par Athènes,
équipement défensif est parfaitement où peut entrer la lumière et s’échapper s’unir, comme ils le firent pour assiéger
relativement à l’écart des invasions. Ils
fonctionnel : cuirasse en métal, casque la fumée. La décoration en est particu- Troie. À leur tête est le roi, wa-na-ka,
lièrement soignée (fresques, stucs peints s’établissent aussi à Chypre, où leur
rond, bouclier facile à porter au bras. Au souverain absolu dont la personne est
souvent dans un style imité des Crétois). civilisation, protégée par l’éloignement,
combat, une place considérable est lais- l’objet d’un respect religieux ; à ses
sée à une importante charrerie, dont la Le mobilier de cette salle de réception côtés, le la-wa-ge-te semble avoir des se perpétuera. Quant au continent, aban-

mise en oeuvre, très délicate, est confiée est, comme celui de toutes les autres responsabilités militaires, car il est le donné aux nouveaux venus, il tombe

à une riche aristocratie (qui, seule, a le pièces, des plus succincts : on connaît chef du « laos » (le peuple en armes) ; dans la barbarie ; le village devient
loisir d’apprendre à la servir). des tables tripodes en marbre, des sièges autour du roi se rassemblent des compa- l’unité politique de la Grèce pour le
parfois aussi enveloppants qu’un petit gnons constituant une sorte d’aristocra-
Beaucoup d’Achéens vivaient dis- temps des « siècles obscurs ».
fauteuil de style Directoire, mais il n’en tie chargée d’argent et d’honneurs.
persés dans une foule de villages mal J.-M. B.
subsiste rien ; à Pylos, pourtant, on peut
connus, mais on a pu découvrir des Dans les provinces du royaume se Athènes / Crète / Grèce / Mycènes.
rêver en voyant la trace qu’a laissée le
centres urbains aux demeures magni- dispersent des petits villages, ou dèmes,
trône du roi Nestor sur le dallage de la A. Severyns, Grèce et Proche-Orient avant
fiques parfois (comme à Mycènes). Le vivant repliés sur eux-mêmes et dont les
Homère (Bruxelles, 1960, rééd. 1965).
salle. Autour du mégaron s’organisent
plus important de ces centres est sans terres peuvent être cultivées collective-
les pièces d’habitation, mais aussi des
doute Gla, établi en Béotie sur un ter- ment par la communauté villageoise et
salles où le roi stockait des marchan-
rain gagné sur le lac Copaïs grâce à de ses esclaves ou laissées à telle ou telle
dises, faisait travailler les artisans, car,
grands travaux qui, associant digues famille à titre d’usufruit. Un conseil des
comme dans le monde crétois, les palais
et canaux, conduisaient l’eau à la mer.
étaient le centre de la vie économique
anciens (gerousia) y regroupe les gens Achéménides
Mais les vestiges de ces villes sont peu les plus puissants, et un basileus y est,
du royaume qu’ils protégeaient.
spectaculaires à côté des ruines des au nom du roi, responsable de la per-
Famille royale des Perses (VIIe-IVe s. av.
forteresses autour desquelles elles se ception de contributions en hommes ou
J.-C.), qui descendait du chef Akhaime-
serrent. L’organisation en matériel.
nês.
du monde achéen Les tablettes mycéniennes (qui ne
Depuis le XIVe s., en effet, au centre
sont rien d’autre que des inventaires, Les Achéménides régnèrent d’abord
de chacun des pays qui divisent le conti- Les archéologues, en étudiant les palais,
des comptes) permettent de voir avec sur de petites principautés dans le
nent grec est bâtie, sur une acropole pouvaient déjà entrevoir ce qu’était l’or-
(rendue inexpugnable à partir du XIIIe s. ganisation du monde achéen. Mais l’idée quelle minutie le roi contrôle la vie éco- sud-ouest de l’Iran ; puis, à partir des

par la construction de murailles où les que l’on s’en fait s’est beaucoup clari- nomique du pays, ainsi que l’activité de conquêtes de Cyrus (VIe s.), ils dirigèrent

Grecs classiques voyaient la main des fiée depuis que l’on a pu déchiffrer, en chacun des habitants : cela lui permet un immense empire qui fut détruit par
Cyclopes), la résidence d’un roi. Tous 1952, les tablettes d’argile découvertes de lever exactement les impôts. D’autre Alexandre le Grand en 330 av. J.-C.
les palais n’ont pas subsisté : à Thèbes, dans les palais de Knossós, de Pylos et part, aucun service ne s’échange dans le
Malgré leur puissance, ils restent mal
il ne reste que peu de chose ; à Athènes, de Mycènes (les incendies, en les faisant pays sans que le palais ait servi d’inter-
connus, car leurs scribes utilisaient, plus
du « mur pélagique », qui servit à la cuire, les ont conservées) : le mérite de médiaire ; aussi, ce dernier devient-il
souvent que la traditionnelle tablette
défense de la ville jusqu’aux guerres leur lecture revient à Michael Ventris, un énorme entrepôt de richesses mul-
d’argile, le parchemin ou le fragile
médiques, l’essentiel disparut quand on qui fut assez audacieux pour supposer tiples et même le siège d’industries qui
papyrus ; en dehors des rares inscrip-
construisit le Parthénon. En revanche que leur écriture, dérivée de l’écriture permettent au roi de jouer un grand
rôle non seulement sur le continent, tions royales, l’historien ne dispose
sont bien connus ceux de Mycènes, crétoise et à laquelle on a donné le nom
mais aussi outre-mer. Un tel système guère que des témoignages de sujets
de gouvernement, dont l’efficacité est réticents ou d’adversaires passionnés.
indiscutable, comme le prouve l’extra-
ordinaire réussite des Achéens, ne pou- Les débuts
vait subsister que dans la mesure où
des Achéménides
le roi s’appuyait sur des bureaucrates
capables de lui donner une image exacte Les premiers princes de cette famille,
des ressources de son royaume. Il avait qui ne sont guère pour nous que des
su trouver en Crète, où la tradition en noms, profitent de l’affaiblissement de la
ce domaine était ancienne, les scribes vieille monarchie élamite pour étendre
nécessaires ; ceux-ci s’adaptèrent à la
le domaine du petit peuple barbare qu’ils
langue de leurs nouveaux maîtres et
dirigent et qui est alors installé en Par-
les servirent sans jamais se mêler à la
soumash (dans les monts Bakhtiyr,
masse de la population qu’ils contrô-
vers l’actuelle Khurrambd, au nord de
laient. Mais, quand cette caste eut été
détruite, il fut impossible de continuer à Suse). Ils fixent leur capitale dans la cité

faire vivre des monarchies aussi impor- élamite d’Anshan, puis ils conquièrent

tantes, et les royaumes ne purent que le pays de Parsa (l’actuel Frs, dans la
rétrécir. province de Chirz), qui va devenir le

Durant le XIIe et le XIe s., des envahis- centre de la nation perse. Divisés en
seurs descendent du nord. Parmi eux deux branches rivales, les Achéménides

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

sont tributaires successivement des Éla- nomades dans les steppes du Nord-Est taire que Cyrus, il excède ses peuples en Mage Gaumta, qui s’était fait passer
mites, des Assyriens et des Mèdes. qu’il trouve la mort. Ses fidèles Perses leur demandant trop d’impôts et de re- pour Bardiya, ce dernier ayant été tué
ont soumis au grand conquérant à la crues ; il meurt au moment où triomphe en secret sur ordre de Cambyse. La crise

Les conquêtes fois les populations les plus évoluées une révolte menée par son frère Bardiya. dynastique provoque des insurrections
et les plus arriérées de l’Asie occiden- nationales, mais Darios réussit à main-
de l’armée perse Ce dernier, qui reste sept mois au
tale, mais, après 550, Cyrus s’est appuyé tenir l’Empire, dont il portera ensuite
pouvoir en 522, pratique une politique
Mais un des princes achéménides, surtout sur le peuple mède, qui avait les frontières à l’Iaxarte (Syr-Daria), à
originale : il supprime le tribut et la
Cyrus II, sait utiliser la force militaire auparavant dominé un véritable empire l’Indus et au Danube ; surtout il mène
conscription pour trois ans, et, cherchant
de son peuple, qui, cantonné dans des et qui, ayant les qualités guerrières des à bien l’organisation administrative
à imposer en Iran une forme épurée de
montagnes arides, est plus robuste que Iraniens, était aussi plus nombreux et esquissée par ses deux prédécesseurs.
la religion, il fait, à l’instigation des
les populations civilisées de l’Orient. plus civilisé que les Perses.
« Mages » (les prêtres iraniens), détruire
Ne dominant au départ qu’une partie des Cambyse II (530-522), successeur de L’échec de l’Empire perse
les édifices cultuels. Il est assassiné par
tribus perses, il est cependant capable Cyrus, termine la conquête de l’Orient
les chefs de la noblesse perse qui reste
devant la cité grecque
d’exploiter, au détriment des monar- en saisissant l’Égypte. Mais, cette fois,
attachée à ses dieux et aux profits de la Peu sensibles aux avantages de l’ordre
chies orientales, l’hostilité que leur des- au lieu de barbares ou de populations
conquête, et qui reproche à la famille que font régner les Perses, les innom-
potisme a toujours suscitée. Il livre une mêlées, lasses d’un mauvais gouver-
de Cyrus d’être devenue plus mède que brables communautés politiques incor-
série d’offensives qui lui permettent de nement, l’armée perse se heurte à une
perse. porées dans l’Empire ne songent qu’à
saisir avec toutes leurs dépendances les nation orgueilleuse et xénophobe ; et,
Le trône passe à Darios Ier (522-486), reprendre leur indépendance. C’est
royaumes mède (550), lydien (547) et devant la mauvaise volonté des habi-
d’abord la révolte des Grecs d’Ionie et
babylonien (539). Il unifie à son profit tants de la vallée du Nil, l’Achéménide qui prétend descendre de la branche ca-
d’une partie de l’Asie Mineure (499-
l’Iran barbare, qui lui fournira de ro- n’hésite pas à faire détruire un certain dette des Achéménides ; celui-ci affirme
493), qui est soutenue au début par cer-
bustes soldats, et c’est en combattant les nombre de leurs temples. Plus autori- n’avoir renversé qu’un imposteur, le

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

taines des cités helléniques d’Europe, aristocraties qui dirigent le peuple mède sonnel, la taille immense des satrapies si vite d’ailleurs que l’on soupçonne des
restées indépendantes. C’est là l’origine et les autres ethnies de l’Iran. D’autre (au début du Ve s., une vingtaine pour précédents mèdes à cette incontestable
des guerres médiques (ainsi nommées part, l’ensemble du peuple perse restera 5 000 000 de km 2) et la difficulté des réussite esthétique.
par les Grecs, qui confondaient Perses exempt de tout impôt, car il fournit les communications laissent au satrape un
et Mèdes). Pour éviter que la solidarité sujets les plus loyaux et les plus braves. grand pouvoir, dont il abuse souvent au
entre Hellènes ne joue de nouveau contre La première préoccupation des Aché- détriment du Trésor et de l’autorité du Religion et politique
son autorité, l’Achéménide conçoit souverain.
ménides est en effet leur armée. La À la différence des styles précédents du
le projet de soumettre l’ensemble du force de celle-ci vient de ces corps pres- Malgré la modestie de ces moyens, Proche-Orient, l’art achéménide ne ren-
monde grec, dont il sous-estime la force tigieux, dont les officiers ne cherchent les Achéménides ont, comme les dynas- seigne guère sur le problème de religion
militaire. Au cours de la première guerre que l’occasion de manifester leur bra- ties impériales qui les avaient précédés des souverains perses, qui divise encore
médique, la petite armée envoyée par voure devant leur souverain : la cava- en Orient, travaillé à la centralisation les spécialistes. D’après la thèse de
Darios Ier est battue par les Athéniens à lerie et surtout les fameux archers et du gouvernement et à l’unification de Jacques Duchesne-Guillemin, la grande
Marathon (490). Puis, lors de la seconde piquiers de la garde (les 10 000 Immor- l’Empire. S’ils n’ont pu éviter les ré- réforme de la religion iranienne prêchée
guerre médique, la grande expédition tels, ainsi appelés parce qu’à chaque voltes des satrapes, ils ont tenté de faire par Zarathushtra en Chorasmie au VIIe s.
dirigée par le nouvel Achéménide, Xe- mort on nommait immédiatement un progresser l’économie de l’ensemble av. J.-C. aurait été assouplie par les
rxès Ier (486-465), après avoir ravagé autre titulaire). Mais ces troupes d’élite de leurs États. La « route royale », de Mages du royaume mède, qui l’avaient
une bonne partie de la Grèce, est vain- sont souvent noyées dans la cohue des Suse à Sardes, est la mieux connue d’un adoptée et la firent connaître aux Perses.
cue à Salamine (480) et à Platées (479) contingents demandés à l’ensemble des réseau conçu pour la poste royale, mais Malgré la victoire de Darios Ier sur les
par une coalition hellénique placée sous peuples soumis, qui constitue une foule qui sert aussi au transport des denrées Mages, soutiens de Bardiya, ce clergé
la direction des Lacédémoniens. Une mal armée et sans cohésion. Sur mer, précieuses. Le commerce a pu profiter et son interprétation du zoroastrisme
nouvelle ligue, cette fois conduite par l’Achéménide utilise les services des également des autres réalisations de Da- prirent toujours plus d’importance à la
les Athéniens, continuera la lutte en libé- Égyptiens, des Grecs d’Asie et surtout rios Ier : le canal du Nil à la mer Rouge, Cour perse : en Iran, au moins, les Aché-
rant les cités grecques de l’Égée et du des Phéniciens ; mais ne pouvant les la route maritime ouverte par Scylax ménides ne font construire aucun temple
littoral asiatique. Le grand Empire, qui faire surveiller de façon efficace par des de Karuanda, qui, suivant l’Indus et et se contentent des autels de plein air où
doit alors écraser les révoltes des Égyp- terriens comme les Iraniens, il est sou- contournant l’Arabie, atteint l’Égypte
l’on adore le feu. Mais, d’autre part, la
tiens et des Babyloniens, ne trouvera vent victime de leurs défections. par la mer Rouge. Le même roi tente religion extrêmement simple des Perses,
plus la force ou l’occasion pour réparer d’imposer un système de poids et me-
L’administration impériale se heurte devenue celle d’une dynastie impériale,
cet échec qui montre les limites de sa sures combinant les unités usuelles de la
au même problème que l’état-major. subit l’influence des cultes complexes de
puissance. Babylonie, de l’Égypte et du commerce
Comme ses prédécesseurs en Orient, Mésopotamie : la hiérarchie des dieux
grec, qui domine de plus en plus en
l’Empire perse a laissé subsister toutes iraniens s’efface, et on commence, en
Le gouvernement et Méditerranée orientale. D’autre part, on
les unités politiques préexistantes avec dehors de l’Iran, à les représenter au
l’administration leur gouvernement ou leur administra- doit aux premiers Achéménides la diffu-
moyen de statues.
sion des plantes utiles à travers l’Empire
tion. L’Achéménide est, au moins au
Cependant, le règne de Xerxès Ier, le der- Cette absence de cadres rigides dans
et l’extension des qanats (galeries sou-
début, roi de Babylone, roi d’Égypte,
nier de la période brillante de la dynas- la religion de la Perse achéménide
et il a pour sujets des roitelets (en Cili- terraines d’irrigation) en Iran.
tie, est sans doute la meilleure époque nous empêche de prendre au pied de la
cie, à Chypre), des cités (phéniciennes, Si relative qu’elle soit, la paix perse
pour l’étude des institutions achémé- lettre le texte de Xerxès Ier annonçant
grecques), des théocraties (comme assure la prospérité économique du
nides. L’Empire perse est l’oeuvre de la destruction du repaire des faux dieux
celles de Jérusalem et de Samarie), des Proche-Orient, où se répandent et la
deux grands hommes, Cyrus et Darios. (Babylone révoltée ou Athènes provi-
tribus de nomades (Arabes, Scythes) monnaie de type grec (le petit jeton rond
Sortis d’un peuple sans passé et presque soirement conquise ?). Les Achémé-
ou de montagnards vivant du brigan- de métal précieux poinçonné) et l’écono-
sans culture, ils ne peuvent se dispenser nides ne sont ni intolérants par convic-
dage (Pisidiens d’Anatolie, Cadu- mie monétaire (qui, depuis plus de deux
de poursuivre les méthodes des grands tion religieuse ni tolérants par grandeur
siens de l’Azerbaïdjan, Carduques du millénaires déjà, utilise dans les parties
États qui ont précédé la domination d’âme. Ce sont d’habiles politiques qui
Kurdistn). Si les vieux royaumes ont les plus évoluées de l’Orient le lingot de
perse : le royaume élamite de Suse, qui continuent la tradition impériale du
une tradition de monarchie absolue et de métal précieux pesé et poinçonné). Les
avait guidé les débuts des principautés Proche-Orient et pratiquent la politique
centralisation, dont bénéficie l’Achémé- financiers de Babylonie (souvent d’ori-
perses ; l’Assyrie, qui avait laissé le du « diviser pour régner », favorisant le
nide, les autres communautés politiques gine juive à cette époque) jouent plus
premier modèle d’une monarchie « uni- particularisme religieux qui doit rendre
gardent, suivant la nature géographique que jamais du crédit qui permet le com-
verselle » ; la Médie, qui avait réalisé le impossible toute révolte générale : ainsi
de leur habitat, plus ou moins d’auto- merce lointain. Les rois, qui prélèvent
premier empire dirigé par des Iraniens ; s’expliquent la politique de bascule
nomie. Réaliste, porté à utiliser les de lourds impôts en métaux précieux (la
Babylone et l’Égypte, dont les conqué- entre Juifs et Samaritains et le soutien
divisions de ses sujets, l’Achéménide valeur de 388 t d’argent), ne frappent
rants perses maintiennent l’administra- accordé à la colonie juive d’Éléphan-
accepte l’émiettement de son territoire, qu’une quantité réduite de monnaies (la
tion. tine contre l’hostilité des Égyptiens ;
laissant se former de petits royaumes darique d’or à l’archer couronné), grâce
et, lorsqu’il faut, pour impressionner
Suivant la tradition orientale, l’Aché- en Anatolie (Bithynie, Paphlagonie) auxquelles ils recrutent des mercenaires
ménide est un souverain absolu, qui les peuples de l’Empire, châtier des
et érigeant des principautés pour les et se font des alliés dans le monde grec.
rebelles, l’Achéménide n’hésite pas à
s’appuie cependant sur une aristocratie. transfuges grecs. Mais, par-dessus cette Suivant la tradition orientale, une part
Il recrute ses généraux et ses gouver- détruire leurs temples.
bigarrure institutionnelle, il étend le des contributions va constituer une ré-
neurs de provinces avant tout dans la no- réseau très simple de l’administration serve d’or et d’argent dans la résidence On peut donc rejeter cette légende de
blesse perse, qui domine les cultivateurs impériale, dirigée par les satrapes, gou- du souverain, une autre est consacrée à la domination achéménide, supérieure
et les éleveurs de son pays, et qui choi- verneurs des provinces qui sont secon- l’édification de palais somptueux desti- à celle des autres dynasties orientales,
sit parmi eux les contingents militaires dés et surveillés par des généraux et des nés à glorifier le monarque et à exalter la dont elle aurait différé par la tolérance
qu’elle amène au roi. Ce sont ces nobles collecteurs d’impôts. Le Palais emploie fonction royale. C’est là que se situe la et la douceur. Plutôt que ce portrait
qui reçoivent dans leur enfance l’éduca- une bureaucratie qui rédige ses tablettes plus étonnante réalisation de la politique idéalisé dû à l’imagination d’Héro-
tion traditionnelle (apprendre à tirer à en élamite, tandis que les autres scribes, unificatrice des Achéménides : avec des dote et de Xénophon et à la découverte
l’arc et à monter à cheval, dire la vérité) et particulièrement ceux des satrapies, artisans venus de toutes les régions civi- par les historiens modernes des textes
qui les prépare au service du monarque. écrivent en araméen sur parchemin ou lisées de l’Empire, ils réussissent une « zoroastriens » (en fait rédigés entre
L’Achéménide prise à peine moins les papyrus. Les effectifs limités de ce per- synthèse originale des arts de l’Orient, le Ier et le VIIe s. apr. J.-C.), il vaudrait

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

sa garde ; le trône revient finalement au en Europe, où les dariques ont suscité


plus jeune fils de Xerxès, Artaxerxès Ier une coalition grecque (394). Bientôt
(465-424), qui fait tuer ses deux frères Artaxerxès II impose sa paix (386) : il
aînés. Une nouvelle révolte de l’Égypte conserve l’Asie Mineure et Chypre ;
(463-450) est soutenue par les Athé- les autres cités helléniques seront indé-
niens, mais l’or perse provoque une pendantes, sous le contrôle de Sparte.
coalition grecque contre l’audacieuse Artaxerxès II tente alors de reprendre
cité, dont la flotte et le corps expédi- les provinces perdues. Chypre, dominée
tionnaire sont détruits sur les bords du par le roitelet Evagoras de Salamine qui
Nil (456-454). Le roi, qui a récupéré est en dissidence depuis 390, capitulera
l’Égypte, accepte le compromis de 449 en 379. Mais contre l’Égypte, soulevée
(« paix de Callias »), renonçant au litto- depuis 405, Artaxerxès II rencontrera
ral occidental de l’Asie Mineure, tandis une suite d’échecs (385-383, 373) qui
qu’Athènes accepte de ne plus aider les provoqueront le soulèvement général
rebelles de l’Empire. La guerre du Pélo- des satrapes de l’Asie Mineure (367).
ponnèse (431-404), qui oppose Sparte à Seule la désunion de ses adversaires
Athènes, va permettre aux satrapes de évitera le pire à la monarchie. Artaxe-
regagner du terrain en s’emparant des rxès III (358-338), souverain impi-
cités de l’Asie Mineure révoltées contre toyable, sauve l’Empire et l’emporte sur
la domination athénienne. les satrapes révoltés et l’Égypte (346-
À sa mort, Artaxerxès Ier laisse dix- 343). Inquiet des progrès de Philippe II
huit fils. Lui succèdent tour à tour de Macédoine, qui vise à dominer le
Xerxès II (45 jours en 424), Sogdianos monde grec, Artaxerxès III soutient les
(6 mois en 424-423), qui a empoisonné adversaires du Macédonien et intervient
le précédent et qui périt sous les coups pour sauver Périnthe assiégée par Phi-
de Darios II (423-404). Ce dernier lippe II (340).
s’impose définitivement en éliminant Mais il périt empoisonné par l’eu-
ses autres frères ; après quoi, il laisse nuque Bagoas, qui se débarrasse de la
gouverner sa soeur et épouse la féroce même façon de son successeur Oarsès
Parysatis. Alors qu’Athènes commence (338-336) et succombe finalement sur
à perdre la suprématie maritime, les les ordres de Darios III (336-330), qu’il
satrapes saisissent la plupart des villes avait choisi pour roi et qu’il avait en-
grecques d’Asie ; mais Sparte, dont la suite tenté d’empoisonner. Entre-temps,
flotte est entretenue par l’or perse et qui Philippe II avait achevé de soumettre
se sent déconsidérée pour cela devant les Grecs (338) et son armée avait com-
l’opinion grecque, est une alliée réti- mencé la conquête de l’Asie Mineure ;
cente. Le satrape Tissapherne, qui mène mais il est assassiné en juillet 336. Son
une politique de bascule entre Athènes héritier, Alexandre, organise une grande
et Sparte, est remplacé par le fils cadet expédition, destinée, dit-il, à venger la
du roi, Cyrus le Jeune, à qui sa mère destruction des temples grecs par Darios
veut assurer l’armée, qui lui permettra et Xerxès. Une armée perse est défaite
mieux reprendre l’opinion des hommes la défensive, elle se préoccupe surtout
d’évincer son aîné de la compétition au Granique (334), près des Détroits ;
d’État grecs, qui voient successive- d’endiguer l’audace des minuscules
pour le trône de Perse ; et l’Achéménide malgré la bravoure de sa noblesse,
ment dans l’Empire perse l’incarnation États grecs : tantôt elle suscite des que-
lui accorde un appui sans réserve qui Darios III est battu en personne à Issos
de la démesure et du despotisme (pour relles dans le monde hellénique pour
assure la victoire définitive de Lacédé- (333), en Cilicie, et à Gaugamèles
eux, l’Achéménide est le Roi), puis la arrêter les attaques lancées contre son
mone (405). (331), en Assyrie ; poursuivi à travers
proie facile à piller. Héritiers de la tra- empire ; tantôt, poussée par la nécessité
À la mort de Darios II, son fils aîné, l’Iran, il est assassiné en Hyrcanie par
dition impériale du Proche-Orient, les de recruter des mercenaires grecs, elle
le faible Artaxerxès II (404-358), laisse l’un de ses satrapes (330).
Achéménides déportent les populations réconcilie les cités en chargeant l’une
la vie à son frère Cyrus, qui conspi-
rebelles (des Ioniens sont expédiés en d’elles de surveiller les autres. Cette
rait contre lui avec l’aide de Parysatis.
Susiane) et dépouillent les indigènes de politique sans grandeur s’explique par Artaxerxès Ier (465-424)
De retour en Asie Mineure, Cyrus le
leurs terres au profit des garnisons et des les soulèvements qui éclatent périodi- Ce roi perse de la dynastie achéménide, qui
Jeune lève une armée contre son frère,
colonies perses chargées de surveiller quement dans l’Empire et souvent aussi n’a laissé que 35 lignes d’inscriptions — des
mais il est tué à la bataille de Cou-
par la médiocrité des souverains. Plus protocoles calqués sur ceux de ses prédé-
les pays conquis. naxa (401). Ses troupes se dispersent,
vite encore que son peuple, la famille cesseurs —, est surtout connu grâce aux
sauf les 10 000 mercenaires grecs qui auteurs grecs : Thucydide, qui est presque
achéménide a dégénéré, enfermée dans
Décadence traversent l’Empire pendant sept mois son contemporain, Ctésias, qui a vécu à la
ces palais où chaque succession au trône
des Achéménides et rejoignent les cités helléniques de la cour de son fils, mais dont le récit est fait de
est préparée et hâtée par les courtisans, ragots ineptes, et les compilateurs tardifs
mer Noire. L’héroïque retraite des Dix-
Le peuple perse tend à perdre son indi- les eunuques et les femmes du harem, et comme Diodore de Sicile et Plutarque.
Mille a un grand retentissement : elle
vidualité au contact des peuples plus où les complots, vrais ou supposés, sont Xerxès Ier, le père de ce souverain, avait
démythifie la puissance achéménide et
évolués qu’il a soumis. De fait, après châtiés avec une cruauté pleine d’ima- trois fils : Darios, Hystaspe, satrape de Bac-
fait passer un souffle d’espoir dans le
l’expérience malheureuse de la seconde gination. triane, et Artaxerxès (Artaxshaça en perse).
monde grec. Sparte, qui a conquis l’hé-
Il est assassiné (465) par Artabane, comman-
guerre médique, la cour de Suse évite Le premier drame de cette sorte se gémonie en Grèce, se pose en libéra-
dant de sa garde, qui accuse Darios du crime
de rassembler des armées trop nom- situe à la fin du règne de Xerxès Ier, qui trice des Hellènes de l’Asie Mineure et et le fait exécuter sur l’ordre d’Artaxerxès,
breuses et ne cherche plus à étendre est assassiné (peut-être à l’instigation attaque le roi, avec qui elle n’a plus à se qu’il a poussé vers le trône ; puis Artabane

ses domaines. Placée maintenant sur de son fils aîné) par le commandant de gêner (400), mais son armée doit rentrer tente d’assassiner le nouveau roi, qui le met

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

lui-même à mort. Mais le pouvoir d’Artaxe- à soutenir les révoltes contre l’Achémé- (Suse, Babylone) et les résidences des nent et ceux qui sont au bord de la mer et

rxès Ier n’est assuré que lorsque celui-ci s’est nide, et ce dernier cantonnera ses flottes satrapes ; l’écriture cunéiforme, à la fois les pays qui sont au-delà de la mer, Sagar-
débarrassé de son frère Hystaspe, qui s’est d’Anatolie en deçà du Bosphore, au nord, tie, Parthie, Drangiane, Arie, Bactriane, So-
syllabique et alphabétique, que l’on avait
révolté contre lui. Mené par ses eunuques et de Phasêlis (en Pamphylie), au sud ; les gdiane, Chorasmie, Sattagydie, Arachosie,
créée pour sa langue, le vieux perse, n’est
et ses femmes, ayant beaucoup de mal à deux puissances gardent les cités grecques Sind, Gandara, Scythes, Maka... »
maintenir ses satrapes dans l’obéissance, guère employée en dehors des inscrip-
qu’elles occupent au moment de l’accord.
le successeur de Xerxès Ier se contente de Mais si la guerre ouverte cesse alors, les sa- tions rupestres de Perse. Au contraire, les
poursuivre l’édification des palais de Persé- trapes de l’Asie Mineure ne renoncent pas à efforts des Achéménides pour unifier leur Sources de l’histoire des
polis et de Suse, et de se défendre contre les grignoter le domaine athénien et exploitent immense domaine ont accéléré la syn- Achéménides
entreprises des Athéniens. à cette fin les ennuis d’Athènes, qui perd thèse des vieilles civilisations de l’Orient
ainsi des villes de Carie, lors de la guerre de • Inscriptions royales monumentales
La crise dynastique qui suit la mort de et donc facilité les progrès de la civilisa-
Xerxès est exploitée par les Égyptiens, qui Samos (440-439), puis Colophon, en Ionie, (en Perse, à Suse, Ecbatane, Van, Suez) :
tion grecque, qui ne pouvait se répandre
se révoltent (v. 463) à l’appel du Libyen au début de la guerre du Péloponnèse (431- généralement trilingues (vieux perse, éla-
que dans un monde où les particularismes
Inarôs et de leur compatriote Amyrtée. Les 404). Mais, dans cette même Anatolie, les mite, babylonien).
royaumes de Bithynie et de Paphlagonie se étaient en recul. Dans ces conditions, il ne
Athéniens, qui s’apprêtaient à libérer les • Tablettes des archives administra-
cités grecques de Chypre du joug perse, constituent à l’intérieur du domaine aché- restera des Achéménides que le souvenir
tives de Persépolis et de Suse : en éla-
répondent à la demande de secours d’Inarôs ménide. Plus que celui de Xerxès Ier, le long d’une armée valeureuse, d’une conquête
mite.
(v. 459). règne d’Artaxerxès Ier marque le début de la foudroyante et de rois tout-puissants. Le
décadence de l’Empire perse. • Inscriptions hiéroglyphiques des
La garnison achéménide d’Égypte est nationalisme iranien, qui triomphe défi-
temples et du canal Nil-mer Rouge ;
écrasée, ses débris bloqués au Château- nitivement de l’influence grecque avec la
papyrus démotiques.
Blanc de Memphis. Mais, tandis qu’Athènes
dynastie sassanide, ne s’y est pas trompé,
doit lutter contre ses voisines qu’elle a pro- Le legs et le souvenir et il a fait de ces souverains, qu’il ne
• Livres de la Bible (Chroniques, Isaïe, Es-

voquées, le roi envoie une forte armée qui des Achéménides connaissait plus que par les légendes hel-
dras, Néhémie) : en hébreu ou en araméen.
bat les Athéniens (v. 456) et les enferme
• OEuvres littéraires grecques : d’Héro-
dans une île du Delta, dont la garnison capi- C’est la fin de la dynastie perse, mais lénistiques, les premiers héros de l’Iran.
dote (Histoires), de Thucydide (Guerre du
tule vers 454. Malgré le sauf-conduit qu’ils non de l’Empire. À la grande indigna-
Péloponnèse), de Xénophon (Cyropédie,
avaient obtenu, Inarôs et les chefs rebelles
tion des Macédoniens, Alexandre se pose Textes historiques Anabase, Helléniques), de Diodore de Sicile
qui s’étaient rendus avec lui sont suppli-
en successeur du roi. Ainsi, malgré eux, (Bibliothèque historique).
ciés à Suse. Les satrapes de l’Asie Mineure • Inscription du palais de Cyrus à Pasar-
les Achéménides, conquérants et orga-
suscitent les défections de villes de Troade gades : « Je suis Cyrus, le Roi, l’Achémé- G. L.
et de Carie, qui cessent de payer le tribut à nisateurs de l’Orient ancien, ont préparé nide. » Alexandre le Grand / Assyrie / Babylone / Cy-
Athènes et se mettent sous la protection de le cadre du monde hellénistique, dont • Inscription de Darios Ier au palais de rus II / Darios Ier / Grèce / Iran / Médiques (guerres)
l’Empire perse. la civilisation est déjà en germe dans / Mésopotamie / Persépolis / Xerxès Ier.
Persépolis : « Je suis Darios, le Grand Roi, le
Une dernière offensive des Athéniens, l’Asie Mineure et la Phénicie, profon- Roi des rois, le Roi de nombreuses contrées, A. T. Olmstead, History of the Persian
conduite par Cimon (v. 450-449), ne leur dément hellénisées au cours du IVe s. La le fils d’Hystaspe, un Achéménide. Ainsi dit Empire : Achaemenid Period (Chicago, 1948).
permet pas de se maintenir à Chypre, et les Darios le Roi : par la faveur d’Ahura-Mazdâ, / R. G. Kent, Old Persian ; Grammar-Texts-
dynastie portée à la tête de l’Orient par
derniers rebelles d’Égypte se soumettent avec le peuple perse, j’ai pris possession de Lexicon (New Haven, 1950). / R. Ghirshman,
un petit peuple barbare n’a pu répandre sa
alors au roi. L’Athénien Callias va conclure ces pays qui ont pris peur de moi et m’ont l’Iran des origines à l’islam (Payot, 1952). /

à Suse un accord verbal (v. 449), que l’on culture dans l’ensemble de son empire : apporté le tribut : Élam, Médie, Babylonie, W. Culican, The Medes and Persians (Londres,

considère parfois comme marquant la fin son art monumental n’est représenté, en Arabie, Assyrie, Égypte, Arménie, Cappa- 1965).

des guerres médiques : Athènes renonce dehors de la Perse, que dans les palais doce, Sardes, Ioniens qui sont sur le conti-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

tiellement en la formation d’eau par la est toujours la combinaison de deux tion complète ; ce sont les acides forts
achondroplasie réaction couples redox, une réaction effective d’Arrhenius ; avec HCl, par exemple,
acide-base est la combinaison de deux HCl + H2O Cl– + H3O+, et la solution
CARTILAGE ET NANISME. couples acide-base : le proton ne pou- ne renferme que l’acide ; l’eau
H3O+
Les acides diffèrent les uns des autres
vant exister de façon permanente à produit donc pour ces acides un effet
par leur tendance plus ou moins grande
l’état libre dans les solutions, un corps de nivellement des propriétés. Ces
à se dissocier ; en général, un équilibre
ne peut fonctionner comme acide que si acides ne possèdent évidemment pas
s’établit, dans la solution aqueuse d’un
acides acide, entre la forme moléculaire, non
une base (autre que sa base conjuguée) de constante Ka définie par la solution
est présente pour capter les protons aqueuse, mais un autre solvant conve-
dissociée, et les ions, produits de dis-
émis par l’acide. Ainsi CH3—COOH nablement choisi (l’acide acétique
Composés chimiques présentant un sociation :
est un acide, dont la base conjuguée est par exemple) ne donnera pas avec ces
certain nombre de propriétés com-
l’ion acétate : acides de réaction complète et permet-
munes, parmi lesquelles : une saveur
l’acide est d’autant plus fort que, toutes tra pour chacun d’eux la mesure d’une
piquante (saveur acide) ; une action
choses égales d’ailleurs, l’équilibre est constante d’acidité Ka. Un classement
sur les réactifs colorés en solution (par de même l’ion ammonium est un acide,
davantage déplacé vers la droite ; l’ap- d’après la force est donc possible pour
exemple, rougissement de l’hélian- dont la base conjuguée est l’ammo-
plication de la loi d’action de masse à tous les acides (de même pour les
thine) ; une action sur les bases telles niac :
cet équilibre fournit la relation bases).
que la soude, avec dégagement de cha- par combinaison de ces deux couples,
leur et formation d’un sel et d’eau ; une on obtient la réaction acide-base Une interprétation plus générale

action sur les alcools, avec formation encore est due à Lewis (1923) : la réac-
tion acide-base est l’échange d’un dou-
d’esters ; une action sur certains mé- constante d’acidité, caractérise
Ka,
blet électronique entre deux corps, dont
taux, avec dégagement d’hydrogène et l’acide à température donnée ; elle de l’acide acétique sur l’ammoniac. Le
l’un, l’acide, est accepteur du doublet
formation d’un sel du métal ; en outre, varie d’un acide à l’autre proportion- rôle du solvant (l’eau par exemple) est
et l’autre, la base, est donneur. Ainsi
les solutions aqueuses de ces acides nellement à [H+] ; l’acide le plus fort a très important dans l’interprétation de
H+ est acide de Lewis, car il accepte un
sont des électrolytes. donc la plus grande constante d’acidité. Brønsted : l’eau est un solvant partiel-
doublet de OH– pour donner H2O ; mais
On classe les acides en oxacides, qui La chimie doit beaucoup à la théo- lement ionisé renfermant des protons
BCl3 est aussi acide de Lewis, car il
rie d’Arrhenius ; cependant, l’inter- hydratés qu’on peut formuler H3O+
contiennent de l’oxygène, et en hydra- accepte un doublet de NH3 pour donner
prétation des propriétés des acides (et (ion hydroxonium) et des ions OH-
cides, qui n’en contiennent pas ; l’acide le composé covalent L’inter-
BCl3NH3.
des bases) découlant d’une dissocia- (ion hydroxyde). L’équilibre au sein
sulfurique H2SO4 est un oxacide, prétation de Lewis joue un rôle impor-
tion partielle de ceux-ci a rencontré de l’eau de ces ions peut être considéré
l’acide chlorhydrique HCl un hydra- tant, en particulier dans l’explication
des difficultés : on a dû, en particu- comme résultant de la réaction
cide. À un oxacide correspond un an- de certains mécanismes réactionnels.
lier, admettre qu’un certain nombre
hydride d’acide obtenu par élimination R. D.
d’acides sont complètement dissociés
d’eau, tel SO3, anhydride sulfurique, et réaction acide-base, combinaison des R. P. Bell, Acids and Bases (New York, 1952).
en solution ; il ne leur correspond donc
un chlorure d’acide, tel CH3—COCl, couples / Les Acides (Dunod, 1959). / L. Rougeot, Acides
pas de constante Ka, et leur classe- et bases (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1970).
chlorure d’acétyle, qui correspond
ment devient impossible : ce sont les
à l’acide acétique CH3—COOH. On
acides « forts », tels que HNO3, HCl,
classe aussi les acides suivant le
et d’autres. Le classement ne Le premier de ces couples traduit la
HClO4,
nombre de sels qu’ils donnent avec la
soude ; les acides nitrique chlo-
s’applique qu’aux acides « faibles » : tendance de l’eau à céder un proton, acides-alcools
HNO3, acides organiques en général, acides l’autre la tendance de l’eau à fixer un
rhydrique, acétique ne donnent qu’un proton ; l’eau est donc un corps ampho-
nitreux, sulfureux, carbonique, etc.
Composés dont la molécule renferme
sel : ce sont des monoacides ; l’acide tère, un ampholyte. Si on y dissout un
Johannes Brønsted a proposé en au moins une fois la fonction acide car-
sulfurique en donne deux : c’est un acide, par exemple l’acide acétique,
1922 une théorie des acides et des boxylique et la fonction alcool. Le plus
biacide ; l’acide phosphorique H3PO4 l’eau, fonctionnant comme base, réagit
bases qui, plus générale que celle simple est l’acide glycolique
en donne trois : c’est un triacide. On avec l’acide :
d’Arrhenius, s’affranchit de ces dif-
classe enfin les acides d’après leur ficultés. On appelle acide tout corps,
« force ». ou éthanoloïque.
molécule ou ion, capable de céder un
Parmi les propriétés des acides, une proton ; on appelle base tout corps, de même, si on dissout NH3 dans l’eau, Ce groupe comprend de nombreux
surtout présente un caractère général et molécule ou ion, capable de fixer un celle-ci, fonctionnant comme acide, produits naturels, les plus ancienne-
important : l’action sur les bases. Réci- proton. En règle générale, la tendance donne la réaction ment isolés parmi les composés orga-

proquement, une base est définie par d’un acide à céder un proton, niques définis : acide lactique (du lait),

son action sur les acides ; d’où l’idée, acide malique (des pommes), acide
Ces réactions chimiques sont à l’ori-
déjà ancienne, de considérer une base tartrique (des vins), acide citrique
est limitée par celle, inverse, que pos- gine des ions H+ (hydratés) et OH– des
comme le complément d’un acide (et (du citron), etc. Solubles dans l’eau,
sède B à fixer un proton ; cela se traduit solutions aqueuses. Ces considérations
de saveur aigrelette agréable, non
inversement) et de chercher, pour la par le schéma d’équilibre sont généralisables à d’autres solvants,
toxiques, plusieurs de ces produits
réaction acide-base, une interprétation tels l’acide acétique ou l’ammoniac
naturels participent à la confection des
de caractère général et qui traduise liquide anhydres.
ce qui fait de B une base, qu’on nomme limonades. Leur intérêt théorique n’est
cette complémentarité. La théorie des
La force d’un acide est ici définie pas moindre ; leur étude sera toutefois
conjuguée de l’acide A. L’analogie
ions, formulée en 1887 par le Suédois par la tendance à céder un proton et
avec la définition des oxydants et des limitée ici à celle des monoacides-mo-
Arrhenius*, permit une telle interpréta- mesurée par la constante de l’équi-
réducteurs, schématisée par noalcools.
tion : un acide est un corps qui libère, libre de dissolution de l’acide ; elle
par dissociation de sa molécule, en a la même valeur, pour la solution
Préparations
solution aqueuse, des ions H+ ; une est évidente, et A B + p+ définit le aqueuse, que dans la théorie d’Arrhe-
base libère de même des ions OH– ; couple acide-base. De même qu’une nius. Un certain nombre d’acides, ce- Elles diffèrent essentiellement avec
la réaction acide-base consiste essen- réaction effective d’oxydoréduction pendant, donnent avec l’eau une réac- la distance des deux fonctions dans la

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molécule, ce qui amène à une étude supérieure à celle de l’acide à fonction — acide malique (des pommes) : les lactames résultent aussi de l’action
séparée. simple de même squelette. de l’ammoniac sur les lactones :

Les acides -alcools, par exemple


Propriétés chimiques (variété dextrogyre) ;
— acide tartrique (des vins) :
Les sels des acides - ou -alcools sont
se préparent généralement à partir des
normaux, ainsi que les sels alcalins des
acides
acides - et -alcools. Mais, dans ces
(trois variétés : D, L, méso) ;
deux derniers cas, les sels de métaux
— acide citrique (du citron) :
la chloration conduit sélectivement à de transition plurivalents sont des com- Les acides aminés ont des propriétés

l’acide -chloré plexes internes, tel le sel de cuivre : physiques très particulières ; ce sont
des solides infusibles sans décompo-
sition et ne connaissant guère de sol-
hydrolysable en acide -alcool ; on C. P.
vant en dehors de l’eau, du glycol et
peut également réduire les acides du glycérol.
-cétoniques
Cela les fait considérer comme des
sels internes (amphions ou zwitte-
acides aminés rions) :
et diazoter les acides aminés

Ces sels ont un point de fusion net, Composés qui renferment, dans la
sont solubles dans les solvants orga- même molécule, au moins une fonction
Une méthode synthétique est l’addition
niques et ne précipitent pas Cu(OH)2 acide carboxylique et au moins une La solution aqueuse pure ne ren-
de l’acide cyanhydrique à un dérivé
en milieu alcalin. fonction amine. ferme guère que l’amphion. Le milieu
carbonylé :
alcalin le transforme en un anion :
L’estérification réciproque conduit, Le plus simple d’entre eux est le gly-
entre autres choses, à un lactide : cocolle, ou glycine,
nitrile-alcool, hydrolysable en sel
d’ammonium et le milieu acide le transforme en un
(aminoéthanoïque). cation :
Les plus importants sont les acides
Les acides -alcools, par exemple -amine primaire de structure générale

Sous l’influence d’un champ élec-


résultent de l’addition réversible de trique suffisant en milieu alcalin,
Ce sont les constituants essentiels des
l’eau sur les acides -éthyléniques l’anion se déplace vers l’anode, alors
protides*, superpolyamides de structure
qu’en milieu acide le cation se déplace
Les acides -alcools se déshydratent
vers la cathode ; le phénomène porte le
et de la réaction de Reformatzki : en milieu acide en acide éthylénique
nom d’électrophorèse. À un certain pH
(réaction inverse de leur préparation
appelé point isoélectrique, il n’existe
courante). qui, par hydrolyse, conduisent à des
guère que des amphions, que le champ
mélanges de ces acides aminés. Les di-
Les acides - ou -alcools s’estéri- électrique ne déplace pas. Ce pH cor-
vers acides ainsi libérés sont, au maxi-
fient par une réaction interne inévitable respond au minimum de conductivité
mum, au nombre de 21, mais chacun
en - ou -lactone : de la solution, et, si R est très lourd,
hydrolysable en
d’eux peut intervenir un grand nombre
au minimum de solubilité de l’acide
de fois dans la structure d’une protéine.
aminé.
De plus, aucun de ces acides ne figure
Il vaut mieux écrire les réactions
sous les deux formes inverses optiques
équilibrées (I) et (II) sous une autre
dans un hydrolysat de protéine. La sé-
Les acides - et -alcools, par Les lactones sont facilement cou- forme :
paration se fait, de nos jours, par chro-
exemple pées par les hydracides (en acides -
matographie sur colonne, sur papier ou
ou -halogénés), par les bases (en sel
sur plaque.
d’acide - ou -alcool) et par le cyanure
ne sont que rarement isolables sous de potassium : La synthèse des acides aminés racé-
cette forme ; leur étude revient à celle miques fait appel, comme celle des
des lactones (v. plus loin) ; la synthèse acides -alcools, aux acides -chlorés :
Si l’on désigne par pK1 et pK2 les
de ces dernières résulte de l’hydrogé-
cologarithmes de ces constantes, le pH
nation ménagée (eau + sodium amal-
du point isoélectrique (pi) est égal à
gamé) des anhydrides cycliques de dia-
Elles sont réduites par l’amalgame 1/2 (pK1 + pK2).
cides - (ou -) : Sans relation avec les substances
de sodium d’abord en aldéhyde (ou cé- naturelles, les acides -aminés se font Les pi étant différents pour les divers
tone) - (ou -)alcool, puis en glycols- acides aminés, l’électrophorèse en
par addition d’ammoniac aux acides
(ou -). solution tamponnée à un pH intermé-
-éthyléniques :
Quelques formules d’acides-alcools diaire entre
leurs pi permet la sépara-

naturels : tion de deux acides aminés.


Propriétés physiques
— acide lactique (du lait aigri) : Les propriétés de chacune des deux
Les premiers termes de la série sont gé- Quant aux acides - et -aminés, ils fonctions deviennent normales dès que
néralement cristallisés et très solubles sont rarement isolables, s’anhydrisant en l’autre pôle de l’amphion est bloqué ;
dans l’eau ; leur acidité est légèrement (deux inverses optiques) ; lactames (comparables aux lactones) ; on peut bloquer l’ion carboxylate par

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

salification ou par estérification et la ou à l’acide acétique Quant aux procédés de dégrada- La décomposition des sels d’ammo-
fonction amine par acétylation ou sali- tion conduisant à des acides, ils sont nium s’écrit
fication chlorhydrique. très nombreux : décarboxylation

Les sels cuivriques des acides - et des diacides- ; coupure des esters
Les acides carboxyliques, libres ou
-aminés, comme ceux des acides -ou -cétoniques :
sous forme de sels ou d’esters, sont Les acides peuvent se déshydrater en
-alcools, sont des complexes cristalli- très répandus dans le règne vivant. anhydrides :
sés qui ne précipitent pas l’hydroxyde Faciles à extraire et à purifier, ils ont
Cu(OH)2 en milieu alcalin. H2S en li- longtemps constitué la majorité des
Ce sont d’ailleurs les phases finales de
bère l’acide aminé. composés organiques définis connus.
préparations synthétiques. mais aussi en cétène
Le chauffage d’un acide -aminé Néanmoins, la plupart d’entre eux se
préparent actuellement par voie syn- Citons également l’oxydation ni-
dans le glycérol provoque une déshy-
thétique. trique ou permanganique des oléfines : Très avancée à 800 °C, cette décom-
dratation :
position ne peut être mise en évidence
Principales préparations que par « trempe » à – 20 °C ; l’eau
cristallise, et le cétène, gazeux, pour-
En dehors de l’hydrolyse des esters na-
suit son chemin ; reçu dans l’acide acé-
turels et de l’action d’un acide minéral Propriétés physiques
tique, il forme l’anhydride
sur un sel naturel, il convient de citer
Les acides carboxyliques sont des
plusieurs oxydations sans dégradation.
(dicétopipérazine). composés associés, donc peu volatils :
C’est le cas pour les aldéhydes
HCO2H bout à 103 °C, CH3—CO2H
Comparables aux lactides, les dicé- Les acides à radical non tertiaire
à 117 °C. Ils cristallisent assez faci-
topipérazines permettent, par un point sont chlorés très sélectivement en :
la transformation pouvant faire appel lement : fond à 3 °C,
de fusion net, l’identification de l’acide HCO2H CH3—
aux oxydants courants (KMnO4, CrO3,
aminé. CO2H à 16,5 °C, CH3—(CH2)16—CO2H

HNO3, O2 en présence de catalyseurs)


(acide stéarique) à 72 °C.
Les acides -aminés s’isomé- ou à des oxydants plus doux et spé-
risent facilement en sels d’acides cifiques recommandés si le Les premiers termes sont très so-
(Ag2O),

-éthyléniques squelette de l’aldéhyde est fragile. lubles dans l’eau, miscibles en toutes
proportions jusqu’en C4 exclus. réaction favorisée par la lumière et
L’oxydation des alcools primaires
L’acide acétique est un solvant de mis- aussi par le chlorure d’iode.

cibilité entre l’eau et de nombreuses Chauffés en milieu alcalin, les acides


Les acides - et -aminés se cyclisent se décarboxylent :
substances organiques.
en lactames : exige l’emploi d’oxydants forts
(KMnO4, HNO3, CrO3), et celle des
hydrocarbures Propriétés chimiques Ancienne préparation du méthane
à partir de l’acide acétique, la décar-
L’acidité des acides carboxyliques est
boxylation a de mauvais rendements,
moyenne ; le pK est généralement voi-
sauf pour les acides -insaturés.
n’est guère réalisable que par voie sin de 5, mais s’abaisse pour l’acide
catalytique (sels de manganèse), sauf L’électrolyse des sels de sodium
formique, l’acide benzoïque et surtout
dans le cas du toluène conduit à une duplication du radical :
pour les acides -halogénés. Les sels
C. P.

Protides.
se forment en présence des bases ou

oxydable par le permanganate ou des carbonates et cristallisent généra-


l’acide nitrique à l’ébullition. lement hydratés, à l’exception du sel
La pyrogénation du sel de calcium
Les procédés synthétiques font gé- d’argent (anhydre). Les sels alcalins
conduit à une cétone :
acides néralement appel aux éthers halo-hy- sont toujours solubles dans l’eau, les
driques RX. On peut faire agir le cya- sels d’argent le sont beaucoup moins,
carboxyliques nure de potassium : et les sels calciques des acides lourds C. P.

sont pratiquement insolubles (stéarate


Acides organiques contenant le groupe
(nitrile), de calcium).
fonctionnel —COOH.
En dehors de la salification, la liaison
Ils sont généralement désignés par acides cétoniques
O—H des acides se rompt rarement ; la
un adjectif terminé en ique (rappelant ou « carbonater » l’organomagnésien :
plupart des réactions correspondent à
l’une de leurs origines) et, officielle- Composés portant, dans la même molé-
la coupure entre R—CO et OH.
ment, par substitution de la désinence cule, une fonction acide carboxylique
oïque à l’e final du carbure R—CH3 de Le pentachlorure de phosphore et une fonction cétone, contiguës ()
même squelette : RX se condense également à l’ester conduit aux chlorures d’acides : ou séparées par n atomes de carbone (,
malonique sodé : , ...). [Il existe également des acides
aldéhydiques dont les propriétés sont
On les rattache quelquefois au car- voisines.]
L’estérification obéit au schéma
bure immédiatement inférieur L’un des plus importants,
à l’hydrolyse, le diacide se décarboxyle
une fois :

appelé communément acide acétylacé-


C’est une réaction lente, équilibrée, tique, se nomme officiellement buta-
acide cyclohexane-carboxylique, (synthèse malonique). catalysée par l’ion H+. none-3 oïque.

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Les acides -cétoniques prennent molécules d’ester sous l’influence des il se déshydrate cependant à chaud en à un phénate alcalin et isomérisation

naissance, entre autres procédés, dans alcalis forts : thermique :


une lactone éthylénique :
la décarboxylation partielle des dia-

cides cétoniques :

Le diester du diacide de départ (oxa- Ces esters sont partiellement énoli-


L’acide méta-hydroxybenzoïque
lacétate d’éthyle) peut être alcoylé, sur sés :
se prépare généralement à partir de
le groupe CH2, par l’éther halohydrique
l’acide benzoïque, soit par oxydation
RX en milieu alcalin, ce qui conduit,
en milieu alcalin, soit par nitration, ré-
après hydrolyse et décarboxylation, à duction en acide méta-aminobenzoïque
C. P.
l’acide cétonique et diazotatation de ce dernier.

Les trois acides ont des propriétés


physiques voisines : ce sont des solides
Les alcalis arrachent le proton mo-
Le diacide est également une étape bien cristallisés, très solubles dans

probable dans la pyrogénation de


bile, et, sur le dérivé métallique ainsi acides-phénols l’eau bouillante et dans les alcools. Ils
formé, les éthers halohydriques se fondent sans décomposition.
l’acide tartrique
condensent (schématiquement) :
Composés renfermant un hydroxyle lié L’acidité de l’hydrogène carboxy-
lique est légèrement augmentée par la
à un noyau aromatique et un groupe
préparation de l’acide pyruvique qui présence du groupe hydroxyle, mais
justifie son nom. carboxylique. Selon que ce dernier est l’acidité de l’hydrogène phénolique
(dans le sel monobasique) est abaissée
L’acide pyruvique est un intermé- D’autres condensations permettent ou non directement relié au noyau, on
du fait du groupe on ne connaît
diaire de la fermentation alcoolique du des substitutions plus profondes du peut en envisager deux séries. donc que les sels HO—C6H4—CO2Na,
glucose et joue un rôle dans la biosyn- groupe CH2. peu hydrolyses, et les sels NaOC6H4—
thèse de l’alanine L’hydrolyse prudente de ces dérivés Acides-phénols CO2Na, très fortement hydrolysés.

conduit à l’acide -cétonique substitué, Par contre, on peut envisager trois


nucléaires
qui se décarboxyle en cétone types de dérivés méthylés :
CH3—
acide aminé constituant de diverses
CO—CH2—R ; mais l’action brutale Ces composés ne se présentent pas à
protéines.
de la potasse alcoolique bouillante
l’état libre dans le règne vivant, mais
Les acides -cétoniques sont peu dégrade tout autrement l’ester :
de nombreux hétérosides naturels les
stables ; l’acide pyruvique est à peine
Les premiers se préparent par esté-
distillable sans décomposition sous la engendrent par hydrolyse. En ce qui rification méthylique directe, les deu-
pression atmosphérique ; il se dissocie concerne les synthèses, nous n’envisa- xièmes par action de CH3I sur le dérivé
On voit donc que l’ester acétylacé-
en aldéhyde et gaz carbonique : sodé des premiers, et les derniers par
tique, selon le mode de dégradation de gerons que ceux d’entre eux qui déri-
hydrolyse alcaline des deuxièmes.
ses dérivés substitués, conduit soit à vent du benzène : OH—C6H4—CO2H. Les acides-phénols sont le point de
la cétone R—CH2—CO—CH3, soit à
On prévoit trois isomères : départ de nombreux colorants et de
Le carbonyle cétonique est presque l’acide En d’autres
R—CH2—CO2H. nombreux produits pharmaceutiques :
aussi actif qu’un carbonyle aldéhy- termes, l’ester acétylacétique remplace antiseptiques comme le salol et le bétol
l’acétylacétone ou l’ester malonique ou analgésiques comme l’aspirine.
dique, et l’énolisation
dans la synthèse des cétones ou dans
celle des acides. Acides-phénols non
Mais la condensation de l’ester acé- nucléaires
est notable. Les acides -cétoniques
tylacétique avec la phénylhydrazine Plusieurs de leurs dérivés existent dans
—CO—CO2H se décomposent au
conduit à un hétérocycle appelé pyra- le règne vivant (coumarine de la fève
contraire par chauffage en acide ben-
zolone ; c’est la base de colorants et de tonka). Synthétiquement, les acides
zoïque et oxyde de carbone. ortho- ou para-hydroxylés se préparent
médicaments (antipyrine, pyramidon).
Les acides -cétoniques sont beau- à partir des acides aromatiques non
Les acides -cétoniques sont moins
nucléaires
coup plus importants. On les prépare Seul le dérivé ortho a reçu un nom
importants ; le plus simple d’entre eux,
généralement par hydrolyse prudente vulgaire : acide salicylique (il existe
l’acide lévulique
de leurs esters, car, libres, ils sont ther- qui se nitrent en ortho et para.
à l’état de glucoside dans l’écorce du
miquement peu stables : Ces acides sont généralement cris-
doit son nom à sa formation dans l’ac- saule). tallisés, et leur acidité ne dépasse pas
tion des acides minéraux concentrés celle des acides aliphatiques.
Les acides ortho et para se prépa-
sur les sucres en C6. Il se fait également La caractéristique la plus intéres-
Ces esters se préparent par la réac- rent généralement par la réaction de
dans l’oxydation du caoutchouc. Beau- sante des acides ortho-phénoliques est
tion de Claisen : condensation de deux coup plus stable que les acides - et -, Kolbe : addition du gaz carbonique la lactonisation sous l’influence de la

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

chaleur, ce qui suppose que n est com- phénol, le pyrogallol. Son sel ferrique voie respiratoire et le CO3HNa par voie cessaire pour comprendre les mobiles

pris entre 1 et 3 : constituait les anciennes encres noires. rénale. Les bicarbonates disponibles du déséquilibre acido-basique.
C. P. pour neutraliser un risque d’acidose En cas de perturbation affectant les
(réserve alcaline de Van Slyke) sont bicarbonates, on parle de trouble méta-
exprimés en milliéquivalents par litre
bolique. En cas de trouble affectant le
(mEq/l). Ils représentent plus de la
CO3H2, on parle d’acidose ou d’alca-
acidité moitié des anions des tampons plas-
lose gazeuses.
matiques. Les systèmes phosphate
L’acidose métabolique se traduit par
PH. monobasique-phosphate dibasique et
une baisse des bicarbonates. Causée
protéines libres-protéinates ont un rôle
par un excès d’acides (acidose diabé-
faible. Il existe également des tampons
tique, insuffisance rénale, acidose lac-
globulaires (hémoglobine et ses sels) et
Si la chaîne est éthylénique, la lacto- tique) ou une perte de bases (diarrhée),
des tampons cellulaires dont le rôle est
acido-basique elle est compensée tant que le poumon
nisation n’est possible que si la double primordial, mais dont le mécanisme est

liaison est de conformation « cis » ; elle (équilibre) moins accessible. intervient pour maintenir le pH. Son
traitement implique la restauration des
est alors irréversible : • Le poumon intervient en élimi-
Rapport constant existant dans l’orga- bicarbonates.
nant le CO2 sous forme gazeuse, avec
nisme entre les acides et les bases (ou adaptation du rythme et de la ven- L’acidose gazeuse est détermi-
alcalins). née par une accumulation du par
tilation pulmonaires. La tendance à CO2

La concentration en ions hydrogènes l’acidose entraîne l’hyperventilation trouble de l’élimination respiratoire

H+ est le facteur caractérisant l’équi- et l’élimination accrue du Une (paralysie, insuffisance respiratoire).
CO3H2.

libre acide-base du milieu intérieur, hypoventilation succède à une dimi- Les bicarbonates augmentent. Lorsque
nécessaire à la vie. On l’exprime par nution du plasmatique. le pH baisse, l’acidose est décompen-
CO3H2

son cologarithme, qui est le pH. Ce- sée. Le traitement est fondé sur la ven-
• Le rein a un rôle majeur en élimi-
Mais les acides « trans » sont égale- lui-ci définit ainsi les concentrations tilation artificielle.
nant les acides fixes. Les acides diffu-
en ions H+ et OH–. Celles-ci sont iden-
ment déshydratables en milieu très sibles passent dans l’urine primitive L’alcalose métabolique avec éléva-
7
tiques dans la neutralité et égales à 10–
par filtration glomérulaire. Le rein tion du pH et des bicarbonates est due
acide, grâce à une trans-cis-conversion
(le pH = 7). Dans le milieu intérieur,
contrôle le bilan des ions H+ dans le à des pertes acides (vomissements), à
préalable ; tel est le principe de la syn- le pH est normalement alcalin (7,35 à
tubule par réabsorption des bicarbo- un apport excessif de bicarbonates et
thèse de la coumarine (parfum) : on 7,40). Il existe une acidose lorsque le
nates (anhydrase carbonique) et par à une baisse de potassium. La régula-
pH est inférieur à 7,35 et une alcalose
condense l’aldéhyde salicylique avec excrétion des ions H+ sous forme tion pulmonaire peut maintenir le pH.
lorsqu’il dépasse 7,40. La vie n’est
l’acétate de sodium en milieu anhy- d’ammoniaque. La pression artérielle L’alcalose se décompense lorsque ce
possible que si le pH demeure entre
du CO2, le pH tubulaire, le taux du mécanisme est dépassé. Le traitement
dride acétique (réaction de Perkin) ; les valeurs extrêmes de 7 à 7,8. Pour
chlore plasmatique, les réserves de est fondé sur l’acidification.
d’où l’acide coumarique « trans » maintenir cet équilibre, l’organisme
potassium règlent l’anhydrase carbo-
possède des dispositifs tampons et L’alcalose gazeuse est causée par
nique et la synthèse de l’ammoniac.
deux systèmes régulateurs : le poumon l’hyperventilation (perte de CO2). Le
Les tampons ont une action immé-
et le rein. pH tend à s’élever. L’abaissement des
diate, le poumon agit à court terme et
bicarbonates tend à la compenser.
le rein à long terme dans la régulation
Régulation de l’équilibre acide-base. L’examen du malade est indispen-
de l’équilibre acide-base sable, car l’intrication fréquente de ces
On isomérise par l’acide bromhydrique perturbations gazeuses et métaboliques
• Les systèmes tampons comportent Diagnostic et traitement
et l’acide coumarinique s’anhydrise. rend compte des difficultés d’interpré-
habituellement l’association d’un des troubles de
tation en l’absence d’une étude cli-
acide faible et d’un sel de cet acide. l’équilibre acide-base
nique et biologique complète.
Acides polyphénoliques Ils diminuent le risque de variation
Il n’y a pas de symptôme évident. Le P. V.
brutale du pH en substituant acide
De nombreux hétérosides conduisent diagnostic repose sur l’étude du sys- P. Mollaret (sous la dir. de), les Acidoses
ou base faibles à un excès d’acide ou
par hydrolyse à des acides polyphé- tème bicarbonates-acide carbonique, métaboliques (Arnette, 1966).
base forts. Ex. :
qui est un témoin influencé par les
nols. Par exemple, l’hydrolyse des HCl + système
systèmes cellulaires, dont l’étude est
tanins libère l’acide gallique (du tanin CO3H2 + CO3HNa = ClNa + CO3H2
impossible.
(neutralisation des ions H+).
de la galle du chêne) :
Pour étudier l’équilibre acido-
acier
La concentration en ions H+ d’une
basique, on peut utiliser l’équation
solution tampon est proportionnelle au
d’Henderson-Hasselbach, la mesure de Alliage de fer et de carbone, contenant
rapport des concentrations d’acide et
deux paramètres permettant le calcul moins de 1,8 p. 100 de carbone.
de sel :
du troisième. On peut mesurer pH, CO2 Parmi l’ensemble des produits sidé-
total et pression de CO2. rurgiques (fer, acier, fonte), l’acier

On utilise également d’autres tient une première place en raison de

où K est la constante de dissociation méthodes, comme celle de l’école ses propriétés aussi bien de malléabi-

de l’acide (équation d’Henderson-Has- danoise, fondée sur la notion de l’ex- lité que de résistance mécanique ; de
Ce dernier a des usages comme
selbach). Le système tampon plasma- cès ou du déficit basiques. De nom- plus, ses propriétés sont améliorées et
antiseptique (gallate de bismuth) et se
tique est le mieux connu. Il est consti- breux diagrammes sont utilisables. La diversifiées d’une part avec l’addition
condense avec lui-même pour former
tué par le couple bicarbonate-acide connaissance de l’équilibre acido-ba- d’éléments d’alliage tels que le nickel,
des colorants (acide rufigallique) ; il carbonique. Il est remarquable, car le sique n’est qu’un instantané. Un bilan le chrome, le manganèse, etc., d’autre
se décarboxyle par chauffage en un tri- CO3H2 en excès peut être éliminé par clinique et biologique complet est né- part avec la possibilité de traitements

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

thermiques (trempe, revenu, recuit, la fonte contenue dans des appareils,


vieillissement). ou poches, afin d’éliminer une partie
du carbone ;

Élaboration • l’affinage sur sole dans un four à


réverbère (procédé Martin-Siemens)
L’acier, connu depuis l’Antiquité, était
de la fonte liquide ; la teneur en car-
obtenu soit par décarburation de la
bone est abaissée soit par dilution de
fonte, soit par carburation ou cémenta- la teneur en carbone est donnée par le agrégat très fin, la sorbite (du nom du
la fonte avec des ferrailles, ou riblons,
tion superficielle du fer. Dans certains diagramme d’équilibre fer-carbone. métallurgiste anglais Henry Clifton
soit par oxydation à l’aide de mine-
procédés, on obtenait l’acier directe- La température de début de solidifica- Sorby, 1826-1908), formée de ferrite
ment par réduction du minerai de fer à rai ;
tion (liquidus) décroît avec la teneur et de cémentite. Suivant les conditions
l’aide de charbon de bois. Les diverses • l’élaboration au four électrique soit en carbone de 1 535 °C pour le fer pur de revenu (température et temps), il est
méthodes utilisées ne permettaient de par affinage de charges liquides ve- à 1 400 °C pour l’acier à 1,7 p. 100 de possible d’obtenir un compromis entre
fabriquer que des quantités limitées nant d’un convertisseur (four Martin), carbone. La différence de solubilité du les diverses propriétés.
d’acier, suivant des techniques souvent soit par fusion de charges pures pour carbone dans les formes allotropiques
Lorsque la décomposition de l’aus-
complexes : d’où une qualité irrégu- l’obtention d’aciers spéciaux de haute , et du fer pur explique l’éten-
ténite s’effectue en condition iso-
lière ; il était aussi difficile de conduire qualité. due des domaines de phases du dia-
therme par traitement de trempe atté-
une décarburation incomplète qu’une gramme d’équilibre. Le fer , cubique
L’élaboration de l’acier peut égale- nuée ou par trempe dite « isotherme »
carburation partielle. Avec l’appari- à faces centrées, peut dissoudre jusqu’à
ment se faire au moyen d’autres pro- ou « étagée », on obtient des agré-
tion du procédé Bessemer (1855), puis 1,7 p. 100 de carbone à 1 150 °C pour
cédés utilisés à petite échelle, tels que gats fins de ferrite et de cémentite,
du procédé Martin-Siemens (1865), former une solution solide cristalli-
puddlage, fusion au creuset, métallur- soit sous forme de troostite (du nom
l’industrie sidérurgique, et particuliè- sant dans le système cubique à faces
gie des poudres, réduction directe de du chimiste français Louis Troost,
rement la fabrication de l’acier, prit un centrées, les atomes de carbone étant
minerais à l’aide de réducteurs gazeux, 1825-1911), soit sous forme de bai-
essor qui la plaça parmi les industries en position d’insertion parmi le réseau
etc. nite (du nom du chimiste américain
de base de l’économie moderne. Les des atomes de fer ; cette solution so-
E. C. Bain), soit encore sous forme de
principaux procédés actuels de fabrica- lide est appelée austénite (du nom du
tion de l’acier sont :
Traitements, structures granulite. Ces structures sont caracté-
métallurgiste anglais Roberts Austen).
et propriétés risées par leur dureté combinée à une
• l’affinage, ou convertissage, de la Le fer et le fer , cristallisant notable résilience.
fonte liquide élaborée au haut four- À l’état recuit, c’est-à-dire dans un état tous deux dans le système cubique
Des traitements physico-chimiques,
neau, par soufflage d’air (procédés physico-chimique relativement stable, centré, ne peuvent dissoudre qu’une
suivis de traitements thermiques, per-
Thomas, Bessemer) ou d’oxygène pur la constitution des aciers aux diffé- quantité infime de carbone ; ainsi, le
mettent de conférer aux pièces en acier
(procédés Kaldo, LD, OLP) au sein de rentes températures et en fonction de maximum de solubilité du fer vers
des caractéristiques mécaniques lo-
700 °C est seulement de 0,025 p. 100
cales en relation avec leurs conditions
de carbone. Cette solution solide ,
de service. Ainsi, par cémentation ou
cubique centrée, faiblement alliée en
par nitruration, on obtient des pièces
carbone, constitue la ferrite, malléable
ayant une grande dureté en surface,
et de faible dureté (aciers extra-doux
de 800 à 1 100 vickers, alors que le
et doux).
coeur reste malléable avec une dureté
À 720 °C, l’austénite à 0,85 p. 100 de 100 à 150 vickers seulement. Cer-
de carbone subit au refroidissement tains aciers alliés peuvent subir des
une réaction eutectoïde donnant nais- traitements superficiels de diffusion
sance à un agrégat d’aspect finement
de chrome (chromisation) ou d’alumi-
lamellaire et perlé, la perlite, constitué
nium (calorisation) afin d’améliorer à
de ferrite et de carbure de fer très dur,
la fois leur dureté et leur tenue à l’oxy-
la cémentite Fe3C. À température am-
dation, à la corrosion ou à l’usure.
biante, les propriétés mécaniques des
aciers ordinaires recuits sont en rela-
Les différents aciers et
tion directe avec leur structure micro-
graphique :
leurs emplois industriels

Par trempe directe des aciers ordi- Après leur élaboration en aciérie, les

naires, il n’est pas possible de mainte- aciers sont utilisés à partir de lingots,

nir à température ambiante le consti- soit sous forme de moulages de fon-

tuant austénite. Le refroidissement derie (acier moulé), soit sous forme


rapide par trempe à l’huile ou à l’eau de produits obtenus par les divers pro-

fait apparaître un constituant très dur cédés mécaniques de mise en forme


métastable, la martensite aiguillée (du (aciers forgé, laminé, filé, étiré, tré-
nom du métallurgiste allemand Adolf filé, matrice, comprimé, fritté, etc.).
Martens, 1850-1914), solution solide Plus particulièrement pour les produits
sursaturée de carbone dans le fer . Un laminés et étirés, le type de refroidis-
acier à 0,85 p. 100 de carbone, trempé sement et de solidification, lors de la
à l’huile, a une charge de rupture de coulée des lingots, influe sur la qualité
250 hbar, mais avec un allongement et l’homogénéité des aciers. Lorsque la
inférieur à 1 p. 100. Le réchauffage solidification s’effectue avec dégage-
du produit trempé, par revenu, permet ment gazeux, par effervescence, le lin-
une meilleure adaptation des proprié- got a une peau saine, et les impuretés
tés. La martensite se décompose en un sont concentrées à coeur (acier effer-

96
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

vescent ou mousseux). Si l’on empêche structurales, soit par l’action plus di- apporte des propriétés toutes particu- caractéristiques doivent se conserver
le dégagement gazeux par fixation de recte sur la constitution chimique des lières aux points de vue de la dilata- malgré réchauffement de l’outil. Les
l’oxygène grâce à des additions dans aciers. tion et du magnétisme. compositions les plus courantes cor-
la poche de coulée (aluminium, titane), respondent aux aciers indéformables à
Certains éléments entrent facilement • Le chrome, en proportion de 1
le produit est plus homogène et n’est 2 p. 100 de manganèse et de vanadium,
en solution solide avec le fer et élar- à 6 p. 100, favorise la trempabilité,
pas sensible, comme l’acier efferves- aux aciers indéformables à 2 p. 100
gissent ainsi le domaine de l’austénite ; augmente la température de revenu
cent, à l’évolution des caractéristiques de carbone et à 13 p. 100 de chrome,
c’est le cas du nickel et du manganèse, et accroît les caractéristiques méca-
mécaniques avec le temps par vieillis- aux aciers à 2 p. 100 de silicium avec
éléments dits gammagènes (aciers aus- niques par la formation de carbures.
sement : c’est l’acier calmé. D’autres molybdène et aux aciers les plus carac-
ténitiques). Le chrome et le silicium, S’il contient de 10 à 20 p. 100 de
procédés permettent d’interrompre téristiques au tungstène et au chrome.
éléments alphagènes, favorisent le do- chrome, l’acier est rendu inoxydable
l’effervescence par action mécanique Dans cette dernière catégorie, il faut
maine de la ferrite (aciers ferritiques). aux agents corrosifs et oxydants in-
(acier bloqué ou claveté). noter un acier dit à coupe rapide, mis
Quant à certains éléments et au-delà dustriels. Pour une teneur en chrome
au point par Frederick Winslow Taylor
En raison du grand nombre de d’une teneur notable, comme le tungs- de 25 p. 100, il devient réfractaire,
(1856-1915) aux États-Unis en 1906 et
nuances, une classification des aciers a tène et le vanadium, ils forment avec c’est-à-dire résiste à la détérioration
qui permet l’usinage à grande vitesse,
d’abord été établie par des organismes le carbone des carbures stables et durs. par oxydation à l’air au cours du
même avec un échauffement de la
d’industries utilisatrices (aéronautique, chauffage (pièces de fours).
De plus, ces éléments modifient les pointe de l’outil vers 600 °C ; la com-
marine, automobile), puis par l’Asso- domaines d’équilibre des phases en • Le silicium, jusqu’à la proportion position classique comporte 1 p. 100
ciation française de normalisation, en fonction de la température et déplacent de 2 p. 100, augmente la limite d’élas- de carbone, 18 p. 100 de tungstène,
liaison avec les organismes étrangers les lignes de transformation, ce qui est ticité ainsi que la résilience de l’acier 4 p. 100 de chrome et 1 p. 100 de va-
correspondants afin de normaliser les primordial pour les traitements ther- (acier à ressorts, vilebrequins) ; il nadium.
nuances au niveau européen dans le miques. Ainsi, pour un acier contenant diminue aussi les pertes magnétiques
ACIERS INOXYDABLES
cadre de la Communauté européenne 0,3 p. 100 de carbone, 5 p. 100 de nic- (tôles pour transformateurs et induits
du charbon et de l’acier. On distingue Ces aciers doivent résister à l’action
kel et 2 p. 100 de chrome, un refroi- de machines électriques tournantes).
deux grands groupes de nuances sui- d’agents de corrosion en milieu sec ou
dissement à l’air permet d’obtenir une
• Le manganèse, à la teneur de liquide et à des températures ne dépas-
vant la composition chimique : les structure martensitique de trempe et 2 p. 100, favorise les conditions de sant pas 250 °C (industrie chimique et
aciers ordinaires non alliés et les des caractéristiques correspondantes
trempe (acier dit « indéformable »). À alimentaire, bâtiment).
aciers alliés. (acier autotrempant). Pour un acier celle de 13 p. 100, il confère à l’acier
contenant 0,2 p. 100 de carbone et une Le chrome est l’élément primordial
une remarquable tenue à l’usure et au
Aciers ordinaires addition de 26 p. 100 de nickel, il ne se de la tenue à la corrosion ; mais, pour
choc (acier Hadfield pour pièces de
des raisons de traitement thermique
Les aciers ordinaires, ou aciers au produit plus de transformation au cours
broyeurs et pour des éléments de rails
carbone non alliés, dont la teneur en du refroidissement, et l’acier conserve et de stabilité, des éléments tels que
et d’aiguillages).
le nickel et le molybdène doivent être
carbone est inférieure à 1 p. 100, sont sa structure austénitique, même à tem-
• Le tungstène, jusqu’à la proportion ajoutés. Suivant leur structure micro-
désignés par leur niveau de dureté à pérature ambiante.
de 18 p. 100, augmente la stabilité de graphique, on distingue :
l’état recuit. Les additions sont aussi nombreuses
l’acier au revenu et lui confère une
• les aciers martensitiques, à
que variées.
grande résistance à l’usure par la pré-
Aciers alliés 12-15 p. 100 de chrome et 0,4 p. 100
• Le nickel, en proportion de 0,5 à sence de carbures durs (aciers à outils
de carbone, dont la bonne inoxyda-
Ceux-ci contiennent un ou plusieurs 5 p. 100, améliore la trempabilité, et aciers dits « à coupe rapide »). bilité est combinée à d’excellentes
éléments d’addition ; ils sont dits fai- c’est-à-dire une meilleure pénétration
D’après leur application, les aciers caractéristiques mécaniques ;
blement alliés lorsque aucun élément de la trempe pour les pièces épaisses,
alliés sont classés en diverses catégo-
n’atteint 5 p. 100 et fortement alliés ou • les aciers ferritiques, à
et augmente les caractéristiques mé-
ries.
spéciaux lorsqu’un des éléments est 16-30 p. 100 de chrome et moins
caniques ; pour des teneurs plus éle-
supérieur à 5 p. 100. ACIERS DE CONSTRUCTION POUR USAGES de 0,3 p. 100 de carbone, de carac-
vées, jusqu’à 50 p. 100 (ferro-nickel),
GÉNÉRAUX téristiques mécaniques moyennes,
L’influence des éléments d’addition il favorise la tenue à la corrosion dans
Ce sont des aciers au chrome-nickel, mais utilisés pour leur tenue à cer-
s’explique soit par les modifications de nombreux milieux chimiques et
au chrome-molybdène ou au nickel- tains milieux acides notamment dans
chrome-molybdène, dans lesquels l’industrie chimique et aussi pour la
on recherche, en relation avec les décoration de bâtiments ;
formes et les dimensions des pièces, • les aciers austénitiques, les plus
la meilleure homogénéité de traitement courants, à 18 p. 100 de chrome et
thermique avec les caractéristiques 8 p. 100 de nickel, avec addition de
mécaniques optimales ; ils sont très 3 p. 100 de molybdène ; lors du sou-
employés dans l’industrie mécanique dage de ces aciers, des précipitations
pour la confection d’organes de ma- de carbures entraînent une diminution
chines ou de moteurs. de la tenue à la corrosion : d’où la
ACIERS À OUTILS nécessité d’une très faible teneur en

Ces aciers sont utilisés soit pour les carbone, inférieure à 0,02 p. 100, ou

outils de coupe, soit pour les ou- d’une addition d’éléments stabilisants

tillages de formage à froid ou à chaud (titane, niobium).

(matrices et poinçons d’emboutis- ACIERS RÉFRACTAIRES

sage, de forgeage), soit encore par les Ces aciers présentent une bonne tenue
outillages de découpe à chaud ou à à l’oxydation ou à l’action corrosive de
froid par cisaillage. On demande à ces certains gaz, sels, métaux fondus, ainsi
aciers des caractéristiques de dureté, qu’une grande résistance mécanique,
de résilience, de tenue à l’usure et à la particulièrement au fluage en fonc-
fatigue ; de plus, dans certains cas, ces tion du temps ; certaines compositions

97
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

dérivées de celles des aciers inoxy- Historique de la métallurgie est celle de mutations mondiale, mais peut-être aussi à cause
dables comportent jusqu’à 30 p. 100 de techniques incessantes et d’une crois- d’une certaine torpeur dans le domaine
de la production
chrome et 20 p. 100 de nickel, avec des sance continue et accélérée des produc- de la recherche et de l’innovation. Les
additions de silicium, d’aluminium, de Jusqu’à la fin du XVIIIe s., le fer a été tions et des consommations. alliages sont de plus en plus complexes,
le métal le plus couramment employé. les utilisations possibles des aciers se
tungstène, de titane, de molybdène et Les deux premiers tiers du XIXe s.
On ne sut obtenir de la fonte en Occi- multiplient, mais les techniques de fa-
de cobalt. sont l’âge de la fonte. Au lendemain
dent qu’à la suite de l’amélioration des brication demeurent en 1950 à peu près
ACIERS POUR APPLICATIONS PARTICU- de la guerre de Sécession, en 1867,
fours qu’apporta le Moyen Âge, et, ce qu’elles étaient en 1910 : il n’y a
LIÈRES les États-Unis produisent 1,5 Mt de
avant l’emploi généralisé du coke, le pas eu de procédés vraiment nouveaux,
Les aciers à roulement acquièrent de fonte et 20 000 t d’acier. La dispro-
produit resta peu utilisé. L’acier, géné- et les progrès ont tenu à la rationali-
bonnes caractéristiques mécaniques, portion est peut-être moins marquée en
ralement obtenu par cémentation, et sation des opérations, qui a provoqué
notamment une grande résistance à Europe, mais elle est très élevée : en
fourni en très petites quantités, servait une augmentation rapide des échelles
l’usure et à la fatigue, par l’addition France, en 1855, l’acier ne représente
à la fabrication des armes, des ressorts. optimales. En 1950, la production n’a
que 4 p. 100 de l’ensemble des articles
de 2 p. 100 de chrome. Les aciers pour
La métallurgie était une industrie de pas encore doublé par rapport à 1929,
obtenus. L’invention du convertisseur
aimants permanents sont alliés avec du
régions riches en bois, en minerais puisqu’elle est de 200 Mt.
réalisée par Bessemer en 1855 permet
cobalt (jusqu’à 30 p. 100), du tungs-
superficiels et en eau : elle animait, en La période contemporaine se marque
d’obtenir l’acier en grande quantité et à
tène et du chrome. France, les plateaux de Champagne, par une nouvelle vague d’innovations,
bas prix. Les innovations se succèdent
Les aciers dénommés « Maraging » de Lorraine, de Franche-Comté et du
alors durant un demi-siècle : les procé- la mise au point de bas fourneaux ou
(de martensite et aging, « vieillisse- Périgord. La Suède et la Russie étaient encore l’utilisation de l’oxygène pour
dés Martin, Thomas et Gilchrist, et les
ment »), fortement alliés (18 p. 100 devenues les principaux fournisseurs la fabrication de l’acier. La produc-
aciers électriques apparaissent succes-
de nickel, 8 p. 100 de cobalt, 4 p. 100 d’un monde occidental qui manquait de tion augmente à un rythme rapide,
sivement, si bien que le triomphe de
de molybdène, 0,5 p. 100 de titane et plus en plus de bois, mais qui utilisait puisqu’elle a dépassé 700 Mt en 1974.
l’acier est fait d’une série de transfor-
seulement 0,03 p. 100 de carbone), largement le métal. mations successives qui bouleversent Le fer n’a presque plus d’utilisa-
acquièrent des caractéristiques élevées L’histoire moderne de la métallurgie les marchés. En 1880, au moment où tions. La fonte de moulage recule
de résistance et de ténacité grâce à un commence avec l’utilisation du char- la production d’acier commence à se devant la concurrence de produits nou-
traitement de durcissement structural. bon de terre par Abraham Darby, mais généraliser, la production sidérurgique veaux. L’acier constitue aujourd’hui
L’emploi de ces aciers est surtout ap- les progrès furent lents, et les premières mondiale n’est que de 18 Mt. Elle croît l’essentiel de la consommation de
précié dans l’industrie aéronautique et expériences, qui remontent à 1709, ne très vite jusqu’à la Première Guerre produits sidérurgiques dans le monde.
spatiale, dans l’industrie chimique (ré- suscitèrent guère d’enthousiasme. Il mondiale (75 Mt en 1913) et ensuite Ses vieux emplois (les armes et les
servoirs sous pression, appareillages) fallut un demi-siècle pour maîtriser la jusqu’à la Grande Crise (120 Mt en outils) se maintiennent, et l’invention
et pour des outillages travaillant à nouvelle technique et à peu près autant 1929). Cette croissance se ralentit un des aciers spéciaux a permis de multi-
haute température. pour ouvrir de nouveaux marchés à la peu ensuite en raison de la dépression plier à l’infini la gamme des outillages
R. L. R. fonte produite. Depuis lors, l’histoire des années 30 et de la Seconde Guerre destinés à l’industrie mécanique. Mais

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

les plus gros tonnages vont aujourd’hui Les localisations en bois, il était bien placé au siècle Jusqu’à une date récente, les
à d’autres emplois : la substitution de passé. Il dépend maintenant de gise- échanges internationaux demeuraient
de la sidérurgie
l’acier à la fonte pour les rails de che- ments houillers locaux assez pauvres, organisés selon un schéma simple : les
Longtemps, les contraintes nées de ou du charbon lointain de Karaganda et minerais voyageaient assez peu ; les
min de fer a ouvert le premier débou-
l’approvisionnement en matières pre-
ché de masse aux usines qui venaient du Kouzbass. produits métallurgiques provenaient
mières et en énergie ont été détermi- tous de l’Europe du Nord-Ouest ; les
d’adopter les convertisseurs Bessemer. La dimension optimale de l’éta-
nantes dans la localisation des établis-
blissement sidérurgique intégré s’est producteurs les plus puissants, les
Très vite, on a pris aussi l’habitude sements sidérurgiques. Au XVIIIe s.,
accrue rapidement : elle était de États-Unis et l’U. R. S. S., ne tra-
d’employer l’acier dans la construc- les fourneaux se dispersent dans les
quelques dizaines de milliers de tonnes vaillaient que pour leur marché inté-
tion. On avait déjà l’expérience de régions forestières, où abondent les
vers 1870, de 100 000 t vers 1900, rieur. La croissance spectaculaire de
l’emploi de la fonte. Pour les ponts, les minerais, et les forges et les martinets
de 500 000 t vers 1930. Elle se situe l’industrie japonaise bouleverse cette
grandes charpentes, l’acier permet des s’égrènent le long des cours d’eau.
à l’heure actuelle entre 5 et 10 Mt. situation. Actuellement les échanges
fabrications plus aisées, plus solides. À Par la suite, les usines s’installent de
L’augmentation de la production s’est de minerais se font à l’échelle de la
Chicago, on commence à l’employer préférence dans les secteurs qui four-
alors accompagnée, dans la plupart des planète, le Japon est en passe de ravir
dès les années 1880 pour l’ossature nissent à la fois le charbon à coke et
pays, d’une diminution du nombre des la première place à la C. E. E. comme
le minerai de fer, comme la Black
des immeubles, et, au même moment, exportateur et les courants les plus ac-
établissements importants, les autres
Country, près de Birmingham, le Cum-
en Europe, le béton armé apparaît. Il se spécialisant dans l’élaboration des tifs sont destinés désormais à des pays
berland et, dans une moindre mesure,
y a longtemps qu’une partie de la pro- demi-produits. Jusqu’à la mise en ser- industriels puissants (les États-Unis
le pays de Galles. Mais, la plupart du
duction va aux laminoirs. Mais le fait vice des trains continus modernes, ces sont devenus le premier importateur
temps, minerai de fer et charbon ne se
essentiel, depuis un siècle, est la mul- opérations se faisaient avantageuse- mondial).
trouvent pas aux mêmes sites. Avec les
tiplication des applications dans ce do- ment dans des établissements de petite Depuis un siècle, l’acier est devenu
progrès des transports ferroviaires, on
maine ; les tôles fortes pour la construc- ou de moyenne dimension. On voit un produit essentiel pour toutes les
peut installer les usines sidérurgiques à
tion navale, les tôles moyennes et fines ainsi, au début du siècle, se dessiner activités économiques. Mais, en même
quelques dizaines de kilomètres d’une
un divorce entre les régions de sidé- temps, la sidérurgie lourde a perdu une
utilisées dans toutes les industries de de leurs sources d’approvisionnement.
rurgie lourde et les zones de transfor- partie des effets moteurs qui la caracté-
produits mécaniques, l’automobile, les Si le transport peut se faire par voie
mation avale, qui correspondent à de risaient jusqu’aux années 30, comme le
fabrications électroménagères, l’ameu- fluviale, ou par mer, la distance peut
vieux noyaux industriels, à de grands montre le recours massif aux importa-
blement représentent aujourd’hui la être encore plus grande. La plupart du
centres urbains. Les foyers sidérur- tions par les grands pays.
temps, les usines s’installent sur les gi-
moitié de ce qu’absorbent les grands
giques perdent une partie de leur effet P. C.
sements houillers, à cause des tarifs des
pays industriels.
d’entraînement. Les produits les plus Fonderie / Formage / Métallographie / Métal-
transports ferroviaires, mais aussi de la
Les transformations de la consom- élaborés, demandés par les industries lurgie / Sidérurgie.
très forte consommation énergétique
mation ont eu des conséquences impor- de pointe, sont fournis d’ailleurs par
des premières installations de transfor- E. C. Bain et H. W. Paxton, Alloying Elements

tantes sur l’équilibre de la production. mation. Il est alors préférable de faire les fours électriques ou par les fours in Steel (New York, 1939 ; 2e éd. 1961 ; trad.
fr. Éléments d’addition dans l’acier, Dunod,
Les économies d’échelle réalisables Martin, installés à proximité des zones
voyager les minerais de fer plutôt que 1968). / J. P. Gill, G. A. Roberts, H. G. Johnstin et
au niveau du laminage se sont révé- les charbons. d’hydro-électricité ou dans les grandes B. George, Tool Steels (Cleveland, 1944 ; trad.
villes. fr. Aciers d’outillage, Dunod, 1951). / A. H. Mi-
lées considérables, alors qu’elles sont L’invention du procédé Bessemer
chel, Aciers à outils (Dunod, 1950). / J. Ferry et
plus faibles lorsqu’il s’agit d’obtenir renforce encore ces tendances. Celui- Les progrès récents de la sidérurgie
R. Chatel, l’Acier (P. U. F., coll. « Que sais-je ? »,
ont diminué les besoins énergétiques,
la plupart des autres demi-produits. Le ci exige l’emploi d’un minerai à forte 1953 ; nouv. éd., 1959). / E. Houdremont, Han-

teneur et non phosphoreux. La plupart multiplié les économies d’échelle et dbuch des Sonderstahlkunde (Berlin, 1956).
transport des laminés est généralement
/ L. Colombier, Métallurgie du fer (Dunod,
des gisements européens ne répondent favorisé aussi les établissements qui
plus coûteux que celui des rails, des 1957). / B. Hedde d’Entremont, les Aciers spé-
pas à ces qualifications, mais la valeur emploient des minerais riches. Pour
blooms, des billettes, ce qui favorise ciaux (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1960 ;

du minerai, là où il convient au pro- disposer des approvisionnements mas- 2e éd., 1968). / L. Colombier et J. Hochmann,
les installations situées auprès des
sifs que supposent les nouvelles usines Aciers inoxydables, aciers réfractaires (Dunod,
cédé, lui permet de voyager, ce qui
marchés. 1965). / Assoc. technique de la sidérurgie fr., la
fait naître ou prospérer les premières équipées, au moins partiellement, de
Fonte et l’acier (Dunod, 1970). / M. Wittmann
La géographie de la production sidé- fours à l’oxygène, les sites littoraux
sidérurgies littorales, celles du pays et C. Thouvenot, la Mutation de la sidérurgie
rurgique est mouvante. Ses boulever- de Galles ou du Northumberland, en sont les plus intéressants, comme le (Masson, 1972). / S. Lerat, Géographie de la

métallurgie (Génin, 1975).


sements sont incessants, et ses effets Grande-Bretagne, ainsi que celles des montrent les exemples italiens et japo-

multiplicateurs certains. La fabrica- ports de l’ouest de la France. nais, et les créations récentes de Dun-

tion nécessite l’utilisation de matières kerque ou de Fos.


Avec la mise au point du procédé
premières abondantes (minerai de fer, Thomas et Gilchrist, les conditions La tendance à la concentration, sur
les façades littorales, des grandes puis-
acné
minerais métalliques divers, ferraille, changent encore. On peut utiliser des
fondants, réfractaires), d’énergie (char- minerais à faible teneur, bon marché. sances industrielles n’est cependant
Nom donné aux lésions cutanées dues
bon de bois autrefois, coke et charbon Mais leur transport est onéreux sur de pas universelle. L’importance des in-
à l’infection staphylococcique du folli-
longues distances, si bien que la sidé- vestissements passés assure la vigueur
ensuite, gaz, électricité, et produits
cule pileux atteint de séborrhée.
rurgie s’installe parfois sur les réserves du développement des installations
pétroliers de plus en plus). Les besoins
de fer : ainsi en Lorraine, et, dans une intérieures en France, aux États-Unis Le terme a été malencontreusement
en eau sont énormes : de l’ordre de
moindre mesure, en Angleterre, dans le par exemple. Les pays de l’Est restent attribué à des dermatoses de natures
150 à 200 m3 par tonne d’acier obtenu.
Lincolnshire ou dans le Yorkshire. Par- fidèles à un modèle continental d’or- et d’aspects divers, ne comportant pas
Malgré la mécanisation de plus en
tout ailleurs où les minerais sont riches, ganisation. Les moyennes puissances toujours l’atteinte du follicule pilo-sé-
plus poussée des opérations, la main-
on continue à les amener jusqu’aux s’équipent de manière massive (Aus- bacé : acné cachecticorum (variété de
d’oeuvre employée est nombreuse, si tuberculide), acné sébacée concrète
usines situées près du charbon. On ne tralie, Canada, Afrique du Sud, Suède),
bien que la répartition des foyers de connaît qu’une exception à la règle, cependant que les pays sous-dévelop- (crasse des vieillards), acné syphi-
peuplement peut peser sur les décisions mais elle est de taille. L’Oural ferrifère pés participent de plus en plus à la pro- litique (syphilis secondaire), acné
d’implantation, au même titre que celle constitue depuis le XVIIIe s. un foyer duction par des installations de faible varioliforme de Bazin (Molluscum
des marchés. essentiel de la sidérurgie russe. Riche capacité. contagiosum d’origine virale), acné

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

atrophique de Chausit (variété de procède par poussées déclenchées par de soufre et d’alcool iodé, et en exposi- une présence presque continuelle de
lupus érythémateux). les fortes chaleurs, le vent, les émo- tions solaires. L’actinothérapie (ultra- nuages accrochés aux reliefs au-des-
tions. Elle comporte de nombreuses violets) a une action effective, mais de sus de 300 à 400 m. Les précipitations

Acné juvénile papules et papulo-pustules parsemant courte durée. (1 070 mm à Horta, dans l’île de Faial ;
un fond d’érythrose faciale. Un réseau Les formes congestives et irritables, 708 mm seulement à Ponta Delgada)
L’acné la plus fréquente est l’acné poly-
de fines dilatations capillaires consti- l’acné rosacée sur peau sèche ne to- marquent pourtant un net fléchissement
morphe vulgaire ou juvénile. Frappant tuant la couperose y est surajouté. en été, en rapport avec le renforcement
lèrent que des pulvérisations et des
les deux sexes entre 16 et 18 ans, elle
L’acné rosacée sur peau grasse est compresses d’eau ichtyolée. L’acné de l’anticyclone des Açores. Certaines
s’amende vers 25 ans. Elle comporte
commune aux deux sexes et à tous les chéloïdienne de la nuque nécessite années peuvent même être très sèches,
en proportions variables un mélange
âges. Elle comporte des pustules vraies des épilations répétées à la pince. Les mais les cultures manquent rarement
de comédons, ou points noirs (acné co-
d’acné, essaimées sur un tégument fa- méthodes exfoliatrices délicates (pee- d’eau ; elles souffrent davantage des
médonienne), de papules péripilaires
cial congestif et séborrhéique. ling) sont à réserver aux acnés à petits vents violents et nécessitent la protec-
(acné papuleuse), de pustules (acné
L’acné neonatorum (acné du nour- éléments sur peau grasse. Les acnés tion de murs ou de haies.
pustuleuse), de folliculites fortement
risson) est rare. Elle peut persister indurées sont améliorées par la douche
suppurées (acné furonculeuse), de fol- La culture dominante est celle
plusieurs mois. Elle semble devoir filiforme. La cryothérapie (neige car-
liculites profondes avec indurations du maïs, qui, avec la patate douce et
rentrer dans le cadre de manifestations bonique, ou neige soufrée ou iodée)
entre chair et peau (acné tubéreuse ou l’igname, est la base de l’alimentation
endocriniennes précoces, dissociées et est bénéfique pour les acnés avec cou-
nodulaire). Considérée généralement de la population. Le climat tiède et
transitoires. perose, ainsi que pour l’acné chéloï-
comme bénigne, mais très inesthétique, humide lui convient et permet des ren-
dienne.
l’acné peut être la cause de répercus- dements élevés. Sur les terres basses
A. C.
sions psychiques importantes. Chez les Acnés médicamenteuses ont été développées, particulièrement
A. M. Marchetti, l’Acné, syndrome endocri-
jeunes filles névropathes qui « marty- à São Miguel, des cultures spéciali-
Les iodures peuvent provoquer de nien (thèse, Paris, 1959).
risent sans cesse leurs boutons », elle sées destinées à l’exportation : vigne,
l’acné. Les bromures sont plus rare-
laisse des cicatrices indélébiles. ananas en serre, tabac, chicorée, thé,
ment en cause. L’A. C. T. H. et la cor-
agrumes et bananes. La betterave à
Cette acné juvénile procède souvent tisone déterminent des kératoses fol-
sucre a perdu de son importance.
par poussées, lesquelles sont condi- liculaires réversibles. L’huile de cade Açores
tionnées par des troubles digestifs, de en applications répétées peut causer Au-dessus de 400 m, les cultures
la constipation, un dérèglement endo- l’apparition soudaine de nappes acnéi- Archipel portugais de l’océan Atlan- font place à des prairies artificielles
crinien. formes. tique, à 1 500 km environ du Portugal ; (luzerne, trèfle), qui s’élèvent jusque
2
2 344 km ; 285 000 hab. Cap. Ponta vers 850 m. Celles-ci drapent les

Autres variétés Acnés professionnelles Delgada, dans l’île São Miguel. pentes d’un vert profond sur lequel, au
printemps et en été, tranchent les cou-
Différents types cliniques sont obser- L’acné chlorique est produite par les
Géographie leurs variées des hortensias, qui, avec
vables. vapeurs de chlore à l’état naissant et
des murs de boue séchée, délimitent
caractérisée par le volume de ses co- L’archipel des Açores est situé dans la
L’acné chéloïdienne est due à une de petits champs en une mosaïque
médons. Le trichloronaphtalène pro-
tendance fibreuse excessive. Elle sur- partie orientale de l’océan Atlantique
complexe. Les fourrages nourrissent
voque des acnés très comédoniennes entre 25° et 31° 07 de long. O. et à une
vient à la nuque exclusivement chez un abondant troupeau de vaches lai-
et prurigineuses. L’acné du brai siège latitude subtropicale entre 36° 55 et
l’homme jeune, mais, chez les deux tières de race hollandaise. L’exporta-
aux épaules. L’acné des huiles miné-
sexes, elle peut siéger à la partie anté- 39° 43 de lat. N. Il se compose de neuf
tion de beurre, de fromage et de bêtes
rales (bouton d’huile) atteint les ou-
rosupérieure du thorax. îles : São Miguel, Terceira, Pico, São
sur pied constitue une des ressources
vriers métallurgistes. Elle est faite d’un Jorge, Faial, Flores, Santa Maria, Gra-
L’acné nécrotique est l’apanage mélange de comédons et d’éléments essentielles.
ciosa et Corvo.
des hommes de plus de 40 ans, séden- furonculeux des mains, des bras et des L’exploitation du sol a été si poussée
taires et trop bien nourris. Siégeant aux S’appuyant sur la dorsale médio-
cuisses. On peut en rapprocher l’acné que la végétation naturelle a presque
atlantique et un rameau qui s’en
tempes et sur les bords du cuir chevelu, dite « des brillantines » ou provoquée disparu. Il ne subsiste que quelques
détache vers l’est, ces îles sont des
elle produit des cicatrices indélébiles. par d’autres produits de beauté conte- bosquets de lauriers, des buissons de
constructions volcaniques émergeant
L’acné conglobata, beaucoup plus nant des résidus anthracéniques. Myrica faya, de genévrier et de myrte,
de l’Océan en des reliefs énergiques
rare, atteint les hommes jeunes. Elle et des fougères variées dans les ravins
(2 320 m dans l’île de Pico) d’autant
est faite de volumineux comédons et Traitement les plus profonds, sur les pentes escar-
plus abrupts que la mer y tranche d’im-
de clapiers suppurés aboutissant à la pées et sur les hauts sommets. Au-des-
Le traitement général vise à pallier posantes falaises. Ce sont tantôt des
formation de brides cicatricielles des sous de 400 m, toutes les plantes ont
les fermentations intestinales (restric- cônes de scories éventrés en leur som-
plus inesthétiques. été introduites d’Australie, de l’Asie
tion du pain frais et des féculents) et met d’une caldeira, tantôt des crêtes
L’acné hypertrophique (rhino- des moussons, de l’Afrique et de
à les neutraliser (charbon, ferments de laves hérissées de petits cônes. Les
phyma) s’installe lentement chez plus grandes îles sont plus complexes : l’Amérique tropicale dans un dessein
lactiques, benzonaphtol). L’instabilité
l’homme atteint de couperose entre 40 vagosympathique, de règle dans l’acné São Miguel, par exemple, présente autant économique qu’ornemental.
et 50 ans. Le nez, rouge ou violet, est rosacée, justifie les sédatifs et les régu- deux massifs volcaniques d’inégale Par leur position, en effet, les
augmenté de volume, déformé en par- lateurs neurovégétatifs. L’acné furon- importance, reliés par une plate-forme Açores, désertes avant leur colonisa-
tie ou en totalité ; il est criblé de pus- culeuse est améliorée par les vaccins criblée de petits cônes. Si la plupart tion par les Portugais au XVe s., ont joué
tules et sillonné de grosses dilatations antistaphylococciques. L’hormono- de ces volcans semblent éteints, les un rôle essentiel dans la propagation
variqueuses des veines des plus ines- thérapie exige l’avis d’un endocrino- séismes sont néanmoins fréquents. des cultures de plantation vers l’Amé-
thétiques. Le rhinophyma prédispose logiste. Les sulfamides et les antibio- rique. Elles étaient en outre une escale
Par leur situation, les Açores sont
en outre aux épithéliomas. tiques peuvent être prescrits à court entre les Antilles et l’Europe au temps
baignées en permanence par un air
L’acné rosacée sur peau sèche est terme en vue d’un blanchiment rapide, maritime qui explique la douceur et la de la marine à voile. Aujourd’hui, elles
l’apanage des femmes entre 30 et mais passager. constance des températures (moyenne demeurent une escale aérienne, une
45 ans. Elle est favorisée par les repas Le traitement local de l’acné juvé- annuelle 17,5 °C ; amplitude annuelle base stratégique pour l’aviation amé-
trop rapides et la constipation ; elle nile consiste en applications alternées 8 °C), l’humidité élevée de l’air avec ricaine et un relais important de câbles

100
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

sous-marins, mais ce rôle ne cesse de base française de repérage de fusées a réveil vient au début du XVIIe s. avec les (Genève 1803 - Paris 1855), la pre-
décliner. été inaugurée dans l’île de Flores en travaux de Galilée, de Gassendi et du mière mesure de la vitesse du son dans

En dehors de l’agriculture, les seules octobre 1966. P. Mersenne. En 1650, Otto von Gue- l’eau (1827). Il eut l’idée de se servir

activités sont quelques industries ali- P. P. ricke montre que le son ne se propage d’air comprimé comme transporteur

mentaires et la pêche du thon et du ca- Empire colonial portugais / Espagne / Portu- pas dans le vide, et, en 1686, Newton de force motrice et utilisa cette inven-
gal.
chalot. Aussi, la misère est-elle grande, explique le mécanisme de sa propaga- tion lors du percement du tunnel du

surtout dans les îles les plus riches, où C. Dervenn, les Açores (Horizons de France, tion. En 1715, Taylor donne la formule Saint-Gothard.
1955). / R. Soeiro de Brito, A ilha de São Miguel. des cordes vibrantes, que d’Alembert
la terre a été accaparée par une mino-
Estudo geografico (Lisbonne, 1955). / S. Chan- Christian Doppler, mathématicien
rité de grands propriétaires, qui louent démontre en 1747. Daniel Bernoulli et
tal, Histoire du Portugal (Hachette, 1965). et physicien autrichien (Salzbourg
chaque année à des prix élevés de pe- Euler étudient la vibration des verges,
1803 - Venise 1853). Il est connu pour
tites parcelles aux cultivateurs ou aux Chladni les formes vibratoires, et Sau-
sa découverte, en 1842, du phénomène
éleveurs. veur l’acoustique musicale. Au début
qui porte son nom : l’effet Doppler est
du XIXe s., Colladon, Sturm et Regnault
Avec 285 000 habitants, les Açores Açores déterminent la vitesse du son dans
la variation de la hauteur du son perçu
sont surpeuplées, particulièrement São par un observateur en mouvement par
Miguel (environ 400 hab. par kilomètre
(anticyclone des) divers milieux, et Savart perfectionne
rapport à la source sonore.
l’acoustique musicale. Puis les travaux
carré de terre cultivée). La faiblesse
ANTICYCLONE. de Fourier font faire à l’acoustique un
du niveau de vie a longtemps favo- Hermann von HELMHOLTZ. V.
bond en avant. Ils sont à l’origine des
risé l’émigration vers les États-Unis, l’article.
études de Hermann von Helmholtz
le Brésil, les Bermudes et les Hawaii.
sur l’analyse des sons et la théorie de Marin MERSENNE, philosophe et
Mais, depuis 1930, cette émigration
l’audition. savant français (près d’Oizé, Maine,
rencontre des obstacles, et la pression acoustique
C’est à la fin de ce siècle qu’appa- 1588 - Paris 1648). Lié avec Descartes
démographique s’est accrue, notam-
raît également le premier appareil de d’une profonde amitié, en correspon-
ment à Ponta Delgada, qui compte Partie de la physique qui étudie les
« mise en conserve » du son, le phono- dance avec les principaux savants
20 200 habitants. sons et tout ce qui a rapport aux sons.
graphe (Edison, 1878). Simultanément, français et étrangers, il fut au centre
R. L.
Tout phénomène sonore comprend
l’électricité fait son apparition dans de l’activité scientifique de son temps.
trois phases : la production, la propa-
l’acoustique avec le téléphone (Bell, Il traduisit les Mécaniques de Galilée
Histoire gation et la réception du son.
1876). Depuis, l’électro-acoustique a ainsi que les oeuvres de mathématiciens
Cet archipel, déjà fréquenté par des La production du son est liée au subi un développement prodigieux : grecs. Lui-même utilisa le premier le
Carthaginois, des Normands et des fait qu’un corps, la source sonore, transport du son à distance, non seu- pendule à la mesure du champ de pe-
Arabes, n’est vraiment reconnu qu’au entre en vibration ; ce fait est connu lement par téléphone, mais par radio ; santeur, détermina les valeurs des in-
XVe s. par les Portugais. Ceux-ci depuis l’Antiquité. Il est par ailleurs enregistrement sur disque, sur film tervalles musicaux, établit les lois des
semblent s’être installés d’abord dans évident que le son que ce corps émet (cinéma parlant), sur bande magné- tuyaux sonores et des cordes vibrantes.
les îles de Santa Maria et de São Mi- sera étroitement lié à son mouvement. tique (magnétophone) ; instruments V. l’article.
guel (1432) ; l’île de Terceira aurait L’acousticien est donc intéressé au pre- nouveaux où les sons sont obtenus à
Victor Regnault, physicien français
été colonisée à partir de 1450, à peu mier chef par l’étude des mouvements partir de courants électriques (musique
(Aix-la-Chapelle 1810 - Paris 1878).
près en même temps que celle de São vibratoires, en particulier ceux des ins- électronique, ondes Martenot) ; détec-
Ses mesures relatives à la compressibi-
Jorge. En 1453, le roi de Portugal Al- truments de musique, cordes vibrantes, tion sous-marine ; etc. Enfin, les pro-
lité et aux dilatations des fluides, aux
phonse V donne l’île de Corvo au duc tuyaux sonores, verges et membranes. grès de l’électro-acoustique entraînent
de Bragance ; l’île de Flores est proba- densités et aux chaleurs massiques des
ceux de l’acoustique architecturale et
La propagation du son depuis la
blement découverte à la même époque. gaz se signalent par leur grande préci-
de l’acoustique de l’audition.
source jusqu’à l’oreille ne peut se faire
Les Portugais colonisent l’archipel, en sion. Il a déterminé la vitesse de propa-
P. M.
que s’il existe entre les deux un milieu
priorité les îles de Santa Maria et de gation du son dans l’air.
matériel, l’air le plus souvent, mais
São Miguel ; la duchesse Isabelle de
plus généralement tout gaz, liquide ou Quelques acousticiens Joseph Sauveur, mathématicien et phy-
Bourgogne, mère de Charles le Témé-
solide ; le son ne peut se propager dans sicien français (La Flèche 1653 - Paris
raire, obtient la concession viagère de Charles, baron Cagniard de La Tour,
le vide. Savoir comment s’effectue 1716). Créateur de l’acoustique musi-
l’île de Faial et y envoie des Flamands. physicien français (Paris 1777 - id.
cette propagation, avec quelle vitesse, cale, il donna l’explication des ondes
1859). Ingénieur géographe sorti de
Au début du XVIe s., de nombreux quelles en sont les caractéristiques, si stationnaires et découvrit le phéno-
l’École polytechnique, il inventa de
Maures fuyant l’Espagne s’établissent celles-ci se modifient au cours de la mène des battements.
nombreux appareils très ingénieux. Le
dans l’archipel. Après la bataille na- propagation et de quelle manière est du plus célèbre de ceux-ci est la sirène
Félix Savart, physicien français (Mé-
vale de São Miguel (1582), Philippe II, ressort de l’acoustique. (1819), qu’il employa à la mesure de la
devenu roi de Portugal, est le maître zières 1791 - Paris 1841). Il a imaginé
hauteur des sons.
Enfin la réception du son par l’oreille la roue dentée servant à la mesure de la
de l’archipel : sous la domination
pose à l’acousticien des problèmes Ernst Chladni, physicien allemand hauteur des sons, réalisé un sonomètre
espagnole (1582-1640), les Açores
délicats qui relèvent de la physiologie (Wittenberg 1756 - Breslau 1827). Il
deviennent un important relais sur la et un polariscope, et donné avec Biot
(acoustique de l’audition) et même de a étudié les vibrations des plaques en
route de l’Amérique. Le retour des la loi élémentaire relative aux champs
saupoudrant celles-ci de sable, obte-
la psychologie (sensations de hauteur, magnétiques créés par les courants.
Portugais est marqué par le déclin du nant des « figures acoustiques » locali-
d’intensité, de timbre, de consonance,
commerce. Au XIXe s., l’archipel se sant les noeuds et les ventres. Il a déter- Audition / Cordes vibrantes / Son.
de dissonance).
distingue par sa fidélité à dom Pedro. miné les vitesses du son dans divers gaz
Historiquement, on attribue la fon- M. Mersenne, Harmonie universelle
Durant la Seconde Guerre mondiale, grâce aux notes rendues par les tuyaux
contenant la théorie et la pratique de la mu-
les Açores constituent une importante dation de l’acoustique scientifique à d’orgue ; il a mesuré la limite des sons
sique (1636 ; rééd. C. N. R. S., 1964 ; 3 vol.).
base d’opérations et un relais aérien Pythagore, qui, au VIe s. av. J.-C., relia audibles et inventé des instruments de
/ J. W. S. Rayleigh, Theory of Sound (New
la hauteur des sons donnés par une musique.
pour les Anglo-Saxons. Un accord York, 1877 ; rééd., 1963). / J.-J. Matras, le Son
de 1951, renouvelé en 1964, réserve corde vibrante à sa longueur et abou- Daniel Colladon, physicien et ingé- (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1948 ; 5e éd.,

aux Américains le droit d’utiliser les tit à la notion de gamme. Au Moyen nieur suisse (Genève 1802 - id. 1893). 1972). / P. Fleury et J.-P. Mathieu, Vibrations

Açores comme base militaire ; une Âge, l’acoustique progresse peu. Le Il effectua, avec son ami Charles Sturm mécaniques. Acoustique (Eyrolles, 1962 ; rééd.,

101
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

1968). / J. Mercier, Traité d’acoustique (P. U. F.,


au même point A, foyer de l’ellipse, si à partir de l’instant où il cesse d’être La protection contre les bruits de
1964 ; 3 vol.).
S est à l’autre foyer. L’énergie sonore émis, on constate que cette décrois- la rue ou des « voisins » dans un im-
réfléchie étant concentrée au même sance varie linéairement avec le temps meuble pose des problèmes liés à ces
point, deux personnes en A et S sur les et ne dépend ni de la position dans la différents modes de propagation. L’ar-
quais opposés peuvent converser aisé- salle de l’émetteur sonore, ni de celle chitecte doit les résoudre au moment
acoustique ment sans élever la voix. du récepteur. On peut alors caractériser même de la conception du bâtiment en

architecturale On sait également que si le son est la résonance de la salle par le temps T tenant compte du coût de l’opération
que met le niveau d’intensité sonore à (un bon isolement contre les bruits
réfléchi par les parois, il ne l’est pas
décroître de 60 décibels. C’est le temps coûte cher et le prix des appartements
Partie de l’acoustique qui traite de la avec la même efficacité selon la nature
de cette paroi : une salle aux murs nus de réverbération de la salle. Plus il est s’en ressent).
propagation du son dans les bâtiments :
résonne beaucoup plus que si les murs grand, plus la salle résonne. Plus il est Dans les salles de radiodiffusion, la
— soit à l’intérieur d’une même pièce
sont recouverts de tentures. Quand le petit, plus elle est sourde. Ce temps T protection contre les bruits doit être
(à l’architecte qui doit faire le projet
son atteint une paroi, il est seulement peut se calculer par la relation encore beaucoup plus sévère : on exige
d’une salle de théâtre, de concert ou
de conférences, le problème se pose de en partie réfléchi et en partie absorbé. des isolements de 60 à 70 phones, ce

prévoir si les dimensions de la salle, sa On appelle coefficient d’absorption qui signifie que les niveaux physiolo-
forme et les matériaux qui la consti- d’une paroi le rapport entre l’éner- giques d’intensité sonore d’un bruit à
où T est en secondes, V le volume de
tuent garantiront l’audition la plus gie sonore qu’elle absorbe et l’éner- l’extérieur et à l’intérieur de la salle
la salle en mètres cubes, S1, S2... les
satisfaisante) [acoustique des salles] ; gie sonore quelle reçoit. Les surfaces doivent différer de 60 à 70 phones.
surfaces, en mètres carrés, de coeffi-
— soit d’une pièce à l’autre d’un même compactes et lisses (marbre, ciment...) Un tel isolement ne peut être obtenu
cients d’absorption respectifs a1, a2...,
bâtiment (comment, à l’intérieur d’un sont particulièrement réfléchissantes et qu’au prix de dispositifs onéreux : les
réparties dans la salle. Ces lois simples
immeuble, empêcher les sons et les ont, par conséquent, des coefficients fenêtres sont fixes, l’aération étant
ont été formulées par l’Américain Wal-
bruits de se propager d’un appartement d’absorption très faibles, de l’ordre obtenue par ventilation ; les conduits
lace Clement Sabine (1868-1919). De-
à l’autre ?) [acoustique des bâtiments]. de quelques pour-cent. Au contraire, de ventilation sont tapissés d’absor-
puis, d’autres relations fournissant le
les substances poreuses (tissus, feutre, bants ; portes, fenêtres et cloisons sont
temps de réverbération ont été propo-
laine de verre...) ont des coeffi- doubles ; etc.
Acoustique des salles sées. Elles n’apportent de corrections
cients d’absorption pouvant atteindre P. M.
Le problème de la sonorité d’une salle appréciables aux valeurs calculées
80 p. 100. P. E. Sabine, Acoustics and Architecture
dépend essentiellement de la réflexion par la relation de Sabine que pour des (New York, 1932). / L. Conturie, l’Acoustique
Dans une salle, le son ne s’éteint
et de l’absorption du son par ses parois. salles assez sourdes. Un architecte peut dans les bâtiments (Eyrolles, 1955). / R. Leh-
donc pas immédiatement quand son mann, l’Acoustique des bâtiments (P. U. F., coll.
donc calculer le temps de réverbéra-
Que le son puisse être réfléchi par émission cesse, parce qu’il subit de « Que sais-je ? », 1961 ; 2e éd., 1968). / F. Canac,
tion d’une petite salle avant sa réali- l’Acoustique des théâtres anciens (C. N. R. S.,
une paroi n’est un secret pour personne. multiples réflexions sur les parois.
sation et, éventuellement, le modifier 1968).
Tout le monde connaît le phénomène Mais il s’éteindra plus ou moins vite
en changeant la nature des substances
de l’écho, où l’on perçoit distinctement selon que ces parois seront plus ou
absorbantes. Des essais ont en effet
le son réfléchi par un obstacle éloigné, moins absorbantes. S’il est bon que
montré que le temps de réverbération
un mur, une montagne, du son bref que la salle ait une certaine résonance —
l’on vient d’émettre. On admet que
optimal d’une petite salle s’exprime en acrocyanose
le son dans une salle sourde est plat,
fonction de son volume par l’une des
les deux sons sont nettement distincts manque d’ampleur —, point trop n’en
deux relations suivantes : Cyanose (teinte bleue) permanente,
quand ils sont séparés par un dixième faut, car le fouillis sonore qui en ré-
de seconde au minimum, autrement dit froide et non douloureuse des extrémi-
sulte rend la parole ou la musique inau-
quand la surface provoquant l’écho est tés distales.
dibles. L’optimum est facile à déter-
distante d’au moins 17 m de l’observa- miner dans ce que l’on appelle une Elle a été individualisée par Crocq
où T est en secondes, V le volume de la
teur. En fait, pour des sons très brefs, « petite salle ». On entend par là une en 1896. C’est une affection de la jeune
salle en mètres cubes.
cette distance peut être ramenée à une fille plus inesthétique que grave, mais
salle dont la plus grande dimension ne
L’acoustique des grandes salles est
dizaine de mètres. dépasse guère celle qui donnerait un de traitement difficile. Son aspect est
beaucoup plus compliquée : du fait que
Si la réflexion a lieu sur une paroi phénomène d’écho perceptible, c’est- assez uniforme : il existe une cya-
les échos sont perceptibles, la plupart
courbe, elle peut même donner lieu à-dire une dizaine de mètres. Pour une nose* permanente de degré variable
du temps il est difficile de définir un
à des phénomènes de focalisation salle de dimensions courantes, cela des extrémités. Les doigts de la main
temps de réverbération, la décroissance
qui sont bien connus des usagers du correspond à un volume maximal de sont bleu-mauve, surtout au niveau des
du niveau d’intensité sonore n’étant
métro : la section du tunnel étant, en 600 m3 environ. L’audition dans ces pulpes et sur le dos de la main, alors
plus linéaire avec le temps. Quand bien
gros, elliptique, les rayons sonores salles obéit en effet à des lois très que les paumes sont plus rarement tou-
même on y arrive, ce temps de réverbé-
réfléchis aA, bA, cA, des rayons inci- simples : si l’on y mesure la décrois- chées. De même au pied, les orteils et
ration peut dépendre des emplacements
dents Sa, Sb, Sc, viennent converger sance du niveau d’intensité* d’un son le dos du pied sont atteints, tandis que
de la source sonore et du récepteur.
la plante est respectée.
Seule une étude géométrique de la salle
Parfois la cyanose remonte en Soc-
permet de résoudre le problème.
quette le long des chevilles, mais rare-
ment plus haut. Au-dessus, le membre
Acoustique des bâtiments
est souvent le siège de marbrures
Dans un bâtiment, sons et bruits pourpres séparées par des taches de
peuvent se propager : peau claire. Les doigts et les mains
a) par transmission aérienne, à travers atteints sont un peu gonflés, avec un
les ouvertures, les trous de serrures, les abaissement de la température locale
joints de portes et de fenêtres ; et une hypersudation entraînant une
b) par conduction : la vibration d’une moiteur. Ces troubles sont permanents,
cloison sous l’effet d’une onde sonore parfois accentués par une exposition au
diffuse le long de la cloison et de toutes froid. Mais ils ne s’accompagnent pas
les parois qui lui sont liées. de douleur, et les téguments ne s’ul-

102
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

cèrent pas. La face peut être atteinte au fait la distinction d’avec l’acrocyanose. La douleur est surtout du genre brûlure, tête, ce sont : l’accentuation de l’angle
niveau des joues et des oreilles. L’af- Il s’agit ici d’accès paroxystiques dont avec augmentation de la température du maxillaire inférieur, l’épaississe-
fection touche surtout le sexe féminin, le début est fait de pâleur. Très vite, cutanée, rougeur veineuse et dilatation ment irrégulier des parois de la voûte
avec parfois une tendance familiale. l’extrémité de quelques doigts devient des veines superficielles. La recherche du crâne, l’hypertrophie des sinus et
Elle débute souvent aux alentours de la blanche, et cette pâleur s’étend de la du froid peut faire cesser la crise. Il n’y celle du tubercule de la selle turcique
puberté et se trouve parfois heureuse- pulpe vers la main en respectant géné- a pas ici de prédominance féminine. La et de la protubérance occipale, parfois
ment influencée par les grossesses. Par ralement le pouce. Une diminution motricité vaso-sympathique est peut- une hyperostose frontale interne. On
contre, une recrudescence à la méno- de volume du doigt est parfois même être en jeu ici encore. observe également un épaississement
pause reste possible. perceptible. Cette phase est parfois J.-C. L. P. de la corticale des os longs et une os-
totalement indolore, mais souvent elle téoporose. La fréquence d’un élargisse-
La cause de ce trouble est difficile
s’accompagne de fourmillements, d’un ment des corps vertébraux et d’images
à retrouver : on a pu élucider le méca-
engourdissement du doigt, qui, joints d’arthrose exubérante a incité à isoler
nisme responsable de l’acrocyanose,
mais on en connaît mal l’origine. Il à une diminution de la sensibilité, acromégalie un « rhumatisme acromégalique ».
concourent à entraîner une certaine L’évolution de l’acromégalie est
est établi que la cyanose est due à des
maladresse. Puis la phase de cyanose très variable. Elle se résume parfois à
anomalies des vaisseaux capillaires, Affection endocrinienne acquise de
apparaît, la teinte bleutée prenant peu la disgrâce corporelle, qui peut expli-
pré- et postcapillaires. À l’état nor- l’adulte. Elle est la conséquence de
à peu la place de la pâleur en suivant quer les troubles psychiques de type
mal, artériole et veinule sont directe- l’hypersécrétion d’une hormone hypo-
la même progression. C’est au moment dépressif fréquemment observés. Mais
ment reliées par un « shunt » dont le physaire, l’hormone de croissance (so-
de cette phase asphyxique que les dou- la gravité de cette affection réside dans
débit varie en fonction des besoins mathormone ou STH), par une tumeur
leurs sont le plus nettes : sensation de ses complications, qui apparaissent
locaux. En cas d’acrocyanose, ce shunt bénigne de l’hypophyse antérieure, ha-
fourmillements, élancements volon- souvent lors d’une poussée évolutive.
est anormalement ouvert. D’où deux bituellement un adénome éosinophile.
tiers pulsatiles, avec sensation de gon- Le risque majeur est oculaire : à l’étroit
conséquences : un retour veineux ra- Elle a été individualisée par Pierre
flement des doigts. Ceux-ci, froids et dans la loge hypophysaire, la tumeur
pide, anormalement précoce, comme Marie (1853-1940).
bleus, sont moites, couverts de sueurs. peut comprimer le chiasma des nerfs
en témoignent les radiographies vas- L’action de l’hormone de croissance
Après un temps variable, la fin de la optiques et exposer ainsi à la cécité
culaires, et, par contre, une diminution sur le tissu conjonctif, derme et os en
crise est annoncée par la réapparition par compression, puis par atrophie
du débit sanguin dans les capillaires particulier, après la soudure des car-
d’une teinte rosée qui repousse, tou- du nerf optique. Seule l’étude systé-
« court-circuités ». Pour compenser
tilages de conjugaison, rend compte du
jours en suivant la même progression, matique et répétée du champ visuel,
cette insuffisance d’apport, l’oxygène trait le plus apparent de l’acromégalie :
la cyanose vers la racine du doigt. à la recherche d’un rétrécissement,
est davantage extrait de l’hémoglobine.
la déformation prédominant à la face
Les extrémités du nez ou des oreilles qui porte initialement sur les secteurs
Ainsi s’expliquent d’une part l’absence et aux extrémités, d’apparition souvent
peuvent présenter le phénomène de temporaux, permet de dépister cette
de troubles trophiques, puisqu’il n’y a
progressive. Ainsi, le visage est dé-
Raynaud, ainsi que les orteils. Des compression avant l’apparition des
pas d’anoxie* tissulaire, d’autre part formé par la saillie des arcades sourci-
complications peuvent apparaître, sans premiers troubles visuels subjectifs.
la cyanose, qui est due à la propor-
lières, des pommettes et du menton. Le
rapport étroit avec l’ancienneté du phé- Quant à l’appréciation du volume de
tion d’hémoglobine réduite plus éle- nez, les lèvres et les oreilles sont épais-
nomène, sous forme d’ulcérations et de la tumeur, elle est difficile et se juge
vée que dans des capillaires normaux.
sis, les dents sont écartées, la langue
gangrène des extrémités. En effet ici, à indirectement sur l’élargissement de
Ce mécanisme est connu et a pu être
côté de la cyanose, existe une anoxie, est épaisse et large. Le crâne est moins
la selle turcique, visible sur les radio-
démontré par des artériographies et des
touché, avec cependant une saillie
car la constriction des vaisseaux prive graphies et les tomographies du crâne.
capillaroscopies (examen à la loupe
les tissus d’oxygène. Au pire, l’extré- excessive des apophyses mastoïdes et
Les complications endocriniennes sont
binoculaire des fins capillaires sous-
de la protubérance occipitale externe.
mité devient une escarre et exige des dominées par les troubles de la glyco-
unguéaux) ; il a été étudié par des mé-
amputations progressives. Là encore Aux extrémités, les mains et les pieds
régulation, qui peuvent donner lieu à
thodes physiques (enregistrement des
ce sont les femmes qui sont le plus sont épaissis et élargis ; l’hypertro-
un diabète sévère, peu sensible à l’in-
pulsations artériolaires, modifications
atteintes, et le début se situe fréquem- phie porte sur tous les plans : peau, suline. On observe parfois des troubles
de la résistivité électrique des tissus).
ment à la puberté ou aux alentours de la tissu cellulaire sous-cutané, muscles, de la fonction sexuelle avec perte de
Mais son origine exacte reste obscure.
ménopause. Par contre, le rôle du froid os. Le thorax peut être modifié par une la libido, impuissance chez l’homme,
Le fait que le sexe féminin soit le cyphose dorsale. Le ventre est gros et
est ici prépondérant : déclenchement aménorrhée chez la femme. Le corps
plus atteint et l’heureux effet des gros- saillant ; une hypertrophie des organes
ou majoration des troubles au début de thyroïde peut être augmenté de volume
sesses avaient fait retenir une origine intra-abdominaux (foie, rate, intestin)
l’hiver ; rôle déterminant d’une exposi- (goitre). L’insuffisance cardiaque, der-
hormonale. En fait, les bilans endocri- est parfois notée. La peau est épaissie,
tion à l’air froid ou surtout dans l’eau nière complication grave de l’acromé-
niens sont toujours normaux, et l’opo- infiltrée et grasse, parfois anormale-
froide. Parfois les émotions, la colère galie, de pathogénie encore incertaine,
thérapie est inefficace. Il n’y a pas non ment pigmentée et riche en poils. Les
(dont on sait le retentissement sur le est une cause non négligeable de mort.
plus de globulines anormales, notam- cheveux sont rudes et sans souplesse.
système orthosympathique) ont une La présence éventuelle de ces diverses
ment de cryoglobulines. Les sections Les modifications morphologiques de
action dans le déclenchement du mal. complications intervient dans l’appré-
de nerfs sympathiques ont un résultat l’acromégalie peuvent, cependant, être
L’érythromélalgie semble avoir été ciation de l’allure évolutive de la ma-
inconstant. Le seul trait particulier se- plus discrètes et prêter à discussion
décrite par Silas Weir Mitchell (1828- ladie. On tient compte également des
rait un terrain fait de timidité et d’intro- avec les morphotypes acromégaloïdes
1914). Elle ne comporte ni pâleur ni données biologiques : taux de phos-
version. Mais cela est sans doute plus constitutionnels. La comparaison avec
cyanose, mais des poussées de rougeur phore organique du sérum, augmenté
une association qu’une cause profonde. les photographies antérieures, l’aug-
intense des extrémités, avec augmen- lors des poussées, et taux plasmatique
L’acrocyanose doit être distinguée mentation progressive et récente de la de l’hormone somatotrope, de dosage
tation de la chaleur locale et douleur
de deux autres affections : le syndrome pointure des gants et des chaussures délicat, mais plus fidèle que le précé-
vive. À l’opposé des cas précédents,
de Raynaud et l’érythromélalgie. sont alors des éléments précieux pour dent.
l’érythromélalgie est déclenchée par
affirmer le caractère acquis des défor-
Le syndrome de Raynaud, décrit le chaud. Les troubles surviennent en C’est en fonction de ces données
mations.
par Maurice Raynaud (1834-1881) en été ou souvent sous les couvertures du cliniques et biologiques qu’est fait le
1862, associe « syncope, asphyxie lo- lit. Les pieds sont plus souvent atteints L’examen radiographique du sque- choix souvent difficile du traitement
cale et gangrène symétrique des extré- que les mains, ce qui différencie encore lette précise la participation osseuse le mieux adapté : neurochirurgical
mités ». Cette définition, à elle seule, cette affection des deux précédentes. dans les déformations. Au niveau de la ou radiothérapique. Le but du traite-

103
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

ment neurochirurgical, le seul indiqué La déclaration de volonté est géné- de notification quand on veut évoquer qu’ils paralysent avant de les conduire
en présence de troubles oculaires, est ralement constatée par un document le fait de porter des actes à la connais- à la bouche. Les tentacules longs et
d’extirper la tumeur hypophysaire par écrit destiné à servir de preuve ; c’est sance des intéressés, et de signification flexueux d’Anemonia sulcata ne se
voie basse nasale transsphénoïdale ou l’acte instrumentaire, qui peut être soit quand la notification est faite par acte rétractent pas dans le corps ; ils doivent
par voie haute sous-frontale. La radio- authentique, soit sous seing privé. d’huissier de justice.) leurs irisations délicates à la présence
thérapie peut être effectuée par irra- L’acte authentique est dressé par Les actes du palais sont les actes de Zooxanthelles symbiotiques. Ceux
diation externe, en utilisant les hautes de Corynactis se terminent en boule.
un officier public : notaire, officier de d’avocat à avocat, qui remplacent les
énergies, ou par irradiation in situ, avec l’état civil, huissier, greffier, etc. C’est actes d’avoué à avoué (ceux-ci étant Chez Metridium, qui, par exception,
des implants d’isotopes radioactifs le notaire qui rédige les actes authen- fusionnés avec les avocats). La notifi- se nourrit de plancton, ils sont fins et
d’yttrium ou d’or intrahypophysaires, innombrables.
tiques en matière d’actes unilatéraux cation des actes entre avocats se font
mis en place par voie nasale. Quel que ou de conventions entre particuliers. par signification ou par notification Unique orifice du corps, la bouche
soit le traitement, une surveillance pé- L’original de l’acte (minute) reste à directe, auquel cas la remise est faite apparaît comme une fente dilatable,
riodique prolongée est indispensable. l’étude du notaire, qui ne peut s’en des- en double exemplaire à l’avocat des- pourvue à ses deux extrémités d’ori-
Quant à la régression des déformations, saisir. Une des copies (grosse) contient tinataire, lequel restitue un des exem- fices constamment ouverts, les sipho-
elle demeure aléatoire. la formule exécutoire. Les autres co- plaires à son confrère après l’avoir visé noglyphes, qui marquent les faces
M. B. pies (expéditions) font foi en justice et daté. dorsale et ventrale. À la bouche fait
R. Gille, le Métabolisme du calcium et
comme l’original. R. M. suite un pharynx court, tandis que les
l’ostéoporose dans l’acromégalie (Arnette,
Contrat / Donation / Justice / Notaire / Procé- siphonoglyphes se prolongent par deux
1954). / D. Ikkos, Pathophysiological Studies La force probante attachée aux
dure / Succession / Voies d’exécution.
in Acromegaly Pertaining to the Extracellular
constatations de l’officier public est gouttières ciliées assurant un courant
Water, Renal Function and Basal Metabolism
très grande. Jusqu’à l’inscription de d’eau respiratoire continu. Puis vient
(Stockholm, 1956).
faux (procédure difficile), l’acte au- la cavité gastrique, subdivisée en loges
thentique fait foi de sa réalité et des verticales par des cloisons, dont la dis-
constatations de l’officier public tant Actinie position ne peut être comprise qu’en
à l’égard des parties que des tiers. La en suivant l’apparition sur la face in-
Acropole
force probante des déclarations des par- Animal marin, appelé communément terne de la paroi. Les cloisons portent
d’Athènes ties reproduites dans l’acte est moins Anémone de mer, dont le corps, fixé par sur leur bord libre un bourrelet enté-
forte ; elles ne font foi que jusqu’à sa base, est formé d’une colonne cylin- roïde contourné, qui intervient dans

ATHÈNES. preuve* du contraire, la personne qui drique surmontée d’une couronne de la digestion ; sur le côté font saillie
conteste leur véracité pouvant prouver tentacules entourant la bouche. des muscles servant à la rétraction et
leur inexactitude par un procédé plus Au sens strict, le mot Actinie désigne les gonades ; quand elles existent, les
simple que l’inscription de faux. un genre de Coelentérés Hexacoral- aconties s’insèrent sur le bord libre des
cloisons. Le système nerveux forme un
acte juridique L’acte sous seing privé est établi liaires, dont l’espèce Actinia equina
abonde sur les rochers dans la zone de réseau diffus dans la paroi du corps, les
par les parties elles-mêmes. Il porte
leurs signatures, et ce sont elles qui lui balancement des marées, rétractant ses cloisons et les tentacules.
Déclaration de volonté ayant pour
confèrent sa force probante ; les copies tentacules à chaque émersion dans son Les sexes sont séparés. Les cellules
objet de produire des effets de droit.
d’actes sous seing privé n’ont donc corps brun-rouge. Plus généralement, mâles, émises par la bouche, fécondent
L’écrit qui le constate est un acte ins-
aucune valeur. on désigne sous le nom d’Actinie tout les ovules dans la cavité gastrique de
trumentaire.
animal solitaire, dépourvu de sque- la femelle, où se déroule en général le
L’acte juridique se distingue du fait Les actes sous seing privé qui
lette, appartenant à l’ordre des Acti- début du développement, par segmen-
matériel ayant des conséquences juri- contiennent les conventions réci-
niaires et ayant l’aspect d’un polype de tation totale, jusqu’à la larve ciliée, dite
diques (l’accident de circulation, par proques des parties doivent être rédigés
grande taille (hauteur comprise entre planula. Celle-ci sort par la bouche de
exemple). Les faits matériels peuvent en autant d’originaux qu’il y a de par-
1 et 20 cm pour les espèces des côtes la mère, se fixe et donne un polype. On
être prouvés par tous moyens, tous les ties. À défaut, la convention n’est pas
françaises). connaît des Actinies vivipares, dotées
modes de constatation pouvant, à leur nulle, mais l’écrit ne peut plus servir
de mode de preuve. La partie qui veut Les Actinies adhèrent fortement de dispositifs d’incubation particuliers.
égard, être mis en oeuvre.
désavouer sa signature doit intenter au support rocheux par leur disque Dans la cavité gastrique de la jeune
L’acte juridique est en principe
une action en vérification d’écriture. pédieux enduit de mucus ; elles ne se Actinie apparaissent bientôt six paires
valable par la seule déclaration de
Dès lors que l’écriture a été vérifiée, déplacent pratiquement pas, mais on de cloisons, délimitant six loges et six
volonté, mais il peut également revê-
l’acte sous seing privé fait preuve observe parfois une reptation lente, interloges. Les cloisons se forment
tir la forme d’un contrat solennel. On
jusqu’à inscription de faux. La date d’amplitude limitée, due à des défor- toujours par paires, en cycles succes-
distingue : les actes unilatéraux (dona-
de l’acte sous seing privé fait foi entre mations du pied ; cependant, les My- sifs, dans les interloges ; chez l’Actinie
tion, testament) et les actes multilaté-
les parties jusqu’à preuve du contraire. niades tropicales flottent grâce à une achevée, elles n’ont donc pas toutes le
raux (contrat) ; les actes à titre onéreux
À l’égard des tiers, la date opposable bulle gazeuse et Gonactinia peut nager. même âge ; c’est au cours de leur évo-
(le profit est compensé par une presta-
est celle de l’enregistrement de l’acte La colonne charnue est lisse, mais lution que chacune d’elles porte une
tion : vente) et les actes à titre gratuit,
ou celle à laquelle son existence a été parfois garnie de tubercules. Chez gonade. À chaque loge correspond un
c’est-à-dire sans contrepartie (dona-
constatée dans un acte authentique. quelques formes (Adamsia, Actino- tentacule ; les tentacules apparaissent
tion) ; les actes entre vifs (vente) et les
Les actes de procédure sont, d’une thoë), elle montre de petits orifices, les également par cycles, en cercles de
actes à cause de mort (testament). Pour
part, les actes des juges et de leurs au- cinclides, par lesquels l’animal excité plus en plus externes, par multiple de
produire ses effets, l’acte juridique doit
xiliaires, d’autre part, ceux des parties laisse sortir des filaments urticants, les six.
satisfaire à des conditions d’existence
et de leurs mandataires dont la subs- aconties. Les Actinies présentent diverses
(avoir une cause et un objet, résulter du
libre consentement des parties) ainsi tance a été sensiblement modifiée par la Comme chez tous les Hexacoral- modalités de multiplication asexuée :
réforme de la procédure civile (1975). fissuration longitudinale à partir de la
qu’à des conditions de validité (capa- liaires, les tentacules sont en nombre
cité des parties, absence de vice) ; On distingue ici les actes d’huissier de multiple de six, au moins chez les bouche, lacération de fragments du
en outre, certains actes tels que les justice et les actes du palais. jeunes, et couverts de cnidoblastes ; disque pédieux, fissuration transver-
contrats doivent satisfaire à des condi- Les actes d’huissier de justice voient ils assurent la capture des proies, Crus- sale. Parallèlement, leur pouvoir de
tions de forme. supprimé le terme exploit. (On parle tacés, Poissons souvent volumineux, régénération est très développé.

104
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

de mer, apprentissage. Chez ces ani- tuent un piège : le rhéoplasme englue


maux inférieurs, les réactions sont les proies et les transporte dans l’ecto-
beaucoup plus complexes qu’on pour- plasme, où elles sont digérées. Éven-
rait normalement s’y attendre et sup- tuellement, dans l’ectoplasme peuvent
posent donc une sensibilité chimique vivre en symbiose des Flagellés chlo-
développée. rophylliens (Zooxanthelles).

Quelques animaux ressemblent par Le sous-embranchement des Acti-


leur allure et leur biologie aux Acti- nopodes groupe trois classes : Acan-
nies, mais sont rangés dans d’autres thaires, Radiolaires et Héliozoaires.
ordres : Cerianthus, qui atteint 30 cm • Les Acanthaires possèdent un sque-
de long et vit fiché dans la vase dans lette fait de spicules monocristallins
un tube qu’il sécrète ; Edwardsia, qui de sulfate de strontium : soit 10 spi-
s’enfonce dans le sable par son pied cules diamétraux, soit 20 spicules
pointu. Par contre, les Madréporaires radiaires, disposés selon des orienta-
sont zoologiquement très voisins des tions strictement définies, articulés ou
Actinies, mais s’en distinguent par leur soudés entre eux au centre de la cel-
vie coloniale et leur polypier calcaire. lule. C’est également au voisinage de
M. D. ce dernier que se situe l’axoplaste. La
reproduction s’effectue uniquement
par spores ; dans la plupart des cas, les
mitoses s’échelonnent tout au long de
actinium la croissance du Protiste ; finalement,
celui-ci, qui peut comporter plusieurs
RADIO-ÉLÉMENTS. centaines de petits noyaux, se résout
en autant de spores biflagellées. Chez
beaucoup d’Acanthaires, les proces-
sus de sporogenèse s’accompagnent

Actinopodes de remaniements considérables du


squelette, dont les spicules se dis-
solvent pour faire place à une coque
Sous-embranchement de Protozoaires
kystique.
caractérisés par la possession de pseu-
dopodes rayonnants, fins et rectilignes, • Les Radiolaires sont caractérisés
souples (filopodes) ou rendus rigides par l’existence d’une membrane (cap-
(axopodes) par un axe squelettique sule centrale) qui sépare l’endoplasme
protéique (baguette stéréoplasmique). de l’ectoplasme et par un squelette
fait de spicules de silice amorphe.

Généralités Ceux-ci peuvent être isolés, ramifiés,


anastomosés, former une ou plusieurs
Le cytoplasme des Actinopodes est coques grillagées. La capsule centrale
nettement différencié en deux zones :
présente des perforations (fusules)
l’ectoplasme, cortical, d’aspect mu- livrant passage aux baguettes stéréo-
cilagineux et spumeux, d’où sont issus
plasmiques ; ces perforations sont soit
les filopodes et le revêtement fluide très nombreuses, uniformément répar-
(rhéoplasme) des axopodes ; l’endo- ties (Spumellaires) ou groupées selon
plasme, contenant l’appareil nucléaire, une calotte polaire (Nassellaires), soit
l’essentiel des organites cellulaires limitées à trois (Phaeodariés), dont
(mitochondries, dictyosomes) et l’axo- une très importante. L’axoplaste peut
plaste. Ce dernier est à l’origine des être central, seulement encastré dans
baguettes stéréoplasmiques : il est fait une dépression du noyau ou réparti
Diverses Actinies vivent en asso- repas. Aux îles Seychelles, le Crabe
de fibrilles enchevêtrées susceptibles
ciation avec des Crustacés. Sagartia Melia tient dans chaque pince une pe- tout autour de la membrane nucléaire.
de s’associer pour constituer les parois Il semble exister une certaine corres-
(ou Calliactis) peut se fixer sur une tite Actinie du genre Bunodopsis. Pour
de tubes microscopiques (microtu-
coquille vide, mais se rencontre sur- les Actinies, les avantages de ces asso- pondance entre la position de l’axo-
bules). Dans les baguettes stéréoplas-
tout sur les coquilles occupées par un ciations sont surtout d’ordre nutritif. plaste, la répartition des fusules et
miques, ces microtubules se disposent l’architecture générale du squelette,
Pagure ; quand il change de coquille,
Dans les récifs coralliens, des Acti- parallèlement entre eux et s’agencent
celui-ci peut inciter l’Anémone à re- comme si le stéréoplasme intervenait
nies, comme Stoichactis, sont accom- soit en un édifice paracristallin com-
joindre son nouveau domicile, où l’y dans le métabolisme de la silice. La
pagnées de petits Poissons du genre pact à mailles prismatiques hexago-
fixe lui-même. L’association entre reproduction est assurée essentielle-
Amphiprion (Pomacentridés), qui leur nales, soit en palissades enroulées en
Adamsia palliata et Eupagurus pri- ment par sporogenèse, mais, d’une
apportent de la nourriture et inhibent, spirale. Toutefois, cette architecture est
deauxi est une véritable symbiose ; façon générale, la multiplication des
on ne sait comment, le déclenchement très instable : l’axopode, sous l’effet du
l’Actinie se déforme si bien que son chromosomes pendant la croissance
des cnidoblastes. moindre choc, peut perdre sa rigidité
pied prolonge l’orifice de la coquille, du Protiste ne s’accompagne pas de
On a étudié récemment le compor- et se rétracter, le stéréoplasme s’éva-
entoure l’abdomen du Bernard-l’Er- divisions nucléaires ; l’unique noyau
tement d’Anémones de mer : réactions nouissant dans l’axoplaste.
mite et grandit avec lui, et que son devient, à la suite d’endomitoses, très
péristome se place sous la bouche du devant une coquille, occupée ou non Les Actinopodes sont tous phago- volumineux, polyploïde. Le fraction-
Crustacé et recueille les débris de ses par un Pagure, fuite devant une Étoile trophes. Filopodes et axopodes consti- nement simultané de ce noyau pri-

105
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

maire en de nombreux petits noyaux formes antérieures de l’analyse socio- la plus cohérente et la plus approfon- aux mouvements sociaux. La socio-
est suivi de la formation de spores logique. Dans un premier temps, les die de cette sociologie fonctionnaliste logie fonctionnaliste, au contraire, est
biflagellées. Aussi bien chez les faits sociaux sont expliqués par des de l’action. Elle étudie les conditions davantage une sociologie des échanges
Acanthaires que chez les Radiolaires, déterminants non sociaux. D’un côté, dans lesquelles, malgré la différen- et, donc, des conventions, tandis que
on ne sait pas si les spores s’unissent on recourt à des explications « natu- ciation sociale, se maintient ou se la sociologie actionnaliste est d’abord
comme des gamètes ou si elles se dé- relles » comme le climat, la race ou le forme l’unité dynamique de la société. une étude de la production de la société
veloppent séparément. rôle de certains individus. De l’autre, Il s’agit d’une sociologie de l’action par elle-même.
on se réfère à une essence ou à une en ce sens que l’analyse ne se réfère Considérée dans son ensemble, la
• Les Héliozoaires n’ont pas de
membrane capsulaire. Certains pré- image de l’homme, ce qui revient à plus à un ensemble défini historique- sociologie de l’action représente une
sentent des spicules indépendants, rapporter les faits sociaux à des be- ment, mais considère les conditions de des deux faces des sciences sociales,
soins ou à des tendances supposées l’échange social dans une perspective l’autre étant constituée par les sciences
siliceux, exceptionnellement chiti-
noïdes, formant feutrage dans l’ec- constantes des acteurs. Ce type d’ana- générale qui s’inspire de Durkheim, naturelles de l’homme, organisées
lyse entièrement présociologique et des dernières oeuvres de Weber et autour de l’analyse structuraliste. Ces
toplasme. D’autres agglomèrent à
dont Durkheim, mieux que tout autre, aussi de certains économistes comme deux démarches sont plus complé-
la surface des particules minérales
a fait la critique s’est trouvé en fait Marshall. Un autre courant de la socio- mentaires qu’opposées, puisque l’une
étrangères. Les baguettes stéréoplas-
dépassé au cours du XXe s. par un autre logie de l’action part, au contraire, de considère avant tout la structure de
miques peuvent prendre appui soit sur
un axoplaste central, soit sur la mem- type d’analyse, qu’on appelle généra- la pensée marxiste ou, tout au moins, systèmes de communication et de dis-
lement historicisme. Cet historicisme de certains de ses aspects. La rupture cours, tandis que l’autre étudie le sens
brane nucléaire. La reproduction peut
prend lui-même deux formes à la fois avec l’historicisme s’opère ici plutôt d’une expérience sociale considérée
s’effectuer par simple division binaire
opposées et complémentaires. D’un par une remise en cause du sens de la dans son historicité. Surtout, la socio-
ou, après passage par un stade pluri-
côté, la révolution industrielle amène situation historique d’une société. Les logie de l’action et la sociologie du dis-
nucléé, par division multiple, simulta-
à considérer que ce sont les forces de forces productives sont considérées par cours ont en commun d’écarter toute
née ou successive (bourgeonnement).
production qui constituent non seule- cette sociologie comme l’action que la référence à une conception idéaliste de
En outre, les Héliozoaires sont sus-
ment le fondement, mais le détermi- société exerce sur elle-même, grâce à la société. L’une et l’autre excluent tout
ceptibles de s’entourer d’une mem-
nant principal des conduites sociales ; la connaissance, action qui définit un recours à une idée de l’homme, à des
brane kystique, à l’abri de laquelle
de l’autre, ces forces de production champ d’action historique. Celui-ci est principes moraux ou métaphysiques.
se déroule une reproduction sexuée :
elles-mêmes sont considérées comme à la fois un modèle de connaissance, C’est pourquoi ce double développe-
des gamètes, formés à la suite d’une
des « systèmes d’idées », selon l’ex- expression sociale de cette capacité ment de la sociologie est intimement
maturation rappelant étrangement
pression de Saint-Simon. Naturalisme d’une société d’agir sur elle-même et lié à la transformation des sociétés
une ovogenèse, copulent pour consti-
et idéalisme se correspondent ainsi et de se transformer, et un modèle cultu- modernes, qui se définissent moins par
tuer un zygote qui se multiplie avant
dialoguent sans fin. L’ensemble de ces rel, c’est-à-dire la saisie de cette capa- la transmission d’héritages sociaux et
l’éclosion du kyste.
démarches pré- ou protosociologiques cité de transformation, de cette créa- culturels et plus par leur capacité de
Aux Héliozoaires sensu stricto se
a comme caractéristique centrale de tivité. Ce système d’action historique création, et par conséquent aussi par
rattachent les Protéomyxées, qui, à cer-
reposer sur une vision dualiste : d’une définit non pas des valeurs, mais une l’importance qu’y occupent, au détri-
tains stades évolutifs, se présentent soit
part, les faits naturels et, de l’autre, les problématique, une mise en situation de ment des symboles, les systèmes de
comme des Amibes, soit comme des
intentions sociales, ou encore, d’une la société. Les classes sociales entrent signes. La sociologie de l’action est
Flagellés.
part, les déterminations naturelles et, en rapport et en conflit pour le contrôle l’expression culturelle d’une société
de l’autre, la nature humaine. La socio- de ce champ d’action historique. Cette qui, davantage encore que toute autre
Écologie logie de l’action sous toutes ses formes société qui a effectivement existé dans
étude de l’historicité conduit ensuite à
Tous les Actinopodes sont planc- est d’abord le refus d’une telle sépara- l’analyse du système politique ou ins- le passé, est capable de déterminer ses

toniques, à l’exception de quelques tion, le rejet de l’opposition entre indi- titutionnel d’une société, c’est-à-dire propres conditions d’existence.

Héliozoaires et de rares Acanthaires vidu et société, entre nature et culture. de la discussion et de la définition des A. T.

pourvus d’un pédoncule de fixation. Son intention principale est d’analyser règles du jeu social. De là, la sociolo- T. Parsons, The Structure of Social Action

la formation et le fonctionnement des (New York, 1937 ; rééd., 1949 ; 2 vol.). / T. Par-
Acanthaires et Radiolaires sont ma- gie poursuit sa route vers l’étude des
sons et E. A. Shils (sous la dir. de), Toward a
rins ; les Héliozoaires se rencontrent catégories, des règles, des conduites organisations et de leur fonctionne- General Theory of Action (Cambridge, Massa-

aussi bien en eaux douces ou saumâtres et des croyances qui définissent les ment. La démarche générale de cette chusetts, 1952). / A. Touraine, Sociologie de

qu’en mer. Seuls les squelettes de Ra- conduites possibles dans une société sociologie de l’action consiste donc à l’action (Éd. du Seuil, 1965).

diolaires ont participé de façon sou- donnée. passer de la problématique d’une so-
vent importante, et dès le Cambrien, Mais, à partir de là, la sociologie de ciété aux réponses qu’elle y apporte,
à la formation de roches sédimentaires l’action se développe presque aussitôt qui sont toujours à la fois l’expression
(radiolarites, jaspes). dans deux directions largement oppo- d’une pratique et celle d’un pouvoir. Action catholique
J. et M. C. sées. Chez certains, elle se centre sur Ce qu’on nomme les valeurs n’est, en
l’étude des conduites « conscientes ». fait, que l’idéologie par laquelle les Dans l’Église catholique romaine,

Cela amène à considérer les acteurs détenteurs du pouvoir expriment leur ensemble des organisations qui ont

dans un cadre défini par le système emprise sur l’ensemble de la société pour but « une collaboration des laïcs

action social, c’est-à-dire par ses valeurs, et remplacent le jeu dialectique des à l’apostolat hiérarchique », selon la

ses normes, ses formes d’organisation éléments de la situation historique et définition qui en a été donnée par le
(sociologie de l’) collective, la définition des rôles et des des forces sociales par l’apparente inté- pape Pie XI et qui a été reprise par le

statuts. La société elle-même apparaît gration d’un ensemble de principes, de deuxième concile du Vatican dans son
Sociologie qui s’attache à l’élucidation normes et de règles. Aussi, cette socio- « décret sur l’apostolat des laïcs ».
comme un acteur cherchant à combi-
des comportements des acteurs indi- ner, dans un équilibre toujours instable logie de l’action qu’Alain Touraine D’après la doctrine catholique, tout
viduels ou collectifs du jeu social et à appelle actionnaliste, en l’opposant à
mais toujours rétabli, le maintien de chrétien, baptisé et confirmé, doit
leur insertion dans le processus histo- ses valeurs et de son intégration, d’un la sociologie fonctionnaliste, est-elle être apôtre, c’est-à-dire contribuer à
rique. côté, et son adaptation à l’environne- surtout sensible au processus de trans- faire connaître autour de lui le mes-
La sociologie de l’action doit être ment, de l’autre. L’oeuvre de Talcott formation de la société, aux rapports sage évangélique. Mais la hiérarchie
avant tout définie par rapport aux Parsons aux États-Unis est l’expression de classes, aux conflits de pouvoir, a la responsabilité de promouvoir, de

106
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

développer et de contrôler toute forme chrétienne (J. E. C.), en 1930 la Jeu- À côté de cette Action catholique découvrent l’importance des structures
d’apostolat collectif et organisé. C’est nesse maritime chrétienne (J. M. C.), dite « spécialisée », c’est-à-dire regrou- temporelles, ils sont tentés d’engager
la participation des laïcs à ce genre et entre 1930 et 1935 la Jeunesse indé- pant des militants appartenant à un cer- directement leurs mouvements en tant
d’apostolat qui a reçu l’appellation pendante chrétienne (J. I. C.), qui re- tain milieu social, l’épiscopat favorise que tels dans l’action sociale et poli-
d’Action catholique. groupe des jeunes ayant terminé leurs la naissance d’une Action catholique tique. En outre, les limites de classes

L’usage de cette expression est études, mais qui n’appartiennent pas « générale », destinée à remplir des apparaissant moins nettes que dans le

apparu un peu avant 1930. S’imposait aux milieux concernés par les autres tâches apostoliques d’ensemble dans monde ouvrier, ils réclament une meil-

alors la constatation que les pays dits mouvements. À l’exception de la la paroisse et dans le pays. En 1931, leure articulation entre mouvements de

« de chrétienté » étaient en grande par- J. M. C., ces mouvements ont tous leur le Comité central de l’Action catho- milieux différents : l’Action catholique

tie déchristianisés ou même n’avaient homologue pour les jeunes filles. Cha- lique s’emploie à orienter dans ce sens ouvrière refuse cela. Elle redoute que

jamais été complètement évangélisés et cun d’eux adhère à l’A. C. J. F., qui, l’évolution de la Fédération nationale les ouvriers chrétiens ne soient noyés
qu’il fallait y exercer un véritable apos- ainsi, se mue progressivement en une catholique, de la Ligue patriotique des dans la masse des catholiques.
tolat missionnaire sans se contenter de fédération de mouvements spécialisés Françaises et de la Ligue des femmes
C’est ainsi qu’une crise provoque
prêcher le perfectionnement spirituel par milieux. françaises — organisations créées pour
en 1956 la disparition, de fait, de la
et moral. D’autre part, alors que l’ac- lutter contre la politique antireligieuse
Le développement spectaculaire de vieille A. C. J. F. Après la Seconde
cent avait surtout été mis, dans l’Église de la IIIe République et très marquées
ces mouvements dans l’enthousiasme Guerre mondiale, celle-ci s’était ren-
catholique, depuis la Contre-Réforme, par un esprit conservateur. Diverses
et avec de vastes rassemblements na- forcée, mais les dirigeants de la plupart
sur le rôle des clercs, on redécouvrait étapes seront nécessaires pour que
tionaux, en particulier pour la J. O. C., des mouvements membres — sauf la
que les laïcs ne pouvaient pas rester cette évolution aboutisse, en 1954, à
rencontre une vive méfiance et parfois J. O. C. et, avec des nuances, la J. I. C.
étrangers à un tel apostolat organisé. la création de l’Action catholique
même une réelle hostilité dans certains — ressentaient le besoin de mieux
générale des hommes (A. C. G. H.)
milieux catholiques, où l’on redoute coordonner leur action pour faire face
et de l’Action catholique générale des
Fondation qu’ils n’introduisent dans l’Église un aux problèmes communs à la jeu-
femmes (A. C. G. F.). Il s’agit d’orga-
des mouvements esprit de lutte des classes. En outre, nesse de tous les milieux sociaux (par
nisations puissantes, ayant des effectifs
spécialisés une partie de la hiérarchie et du exemple, le développement de l’ensei-
très nombreux et qui prennent souvent
clergé n’admet pas que les dirigeants gnement technique, qui intéresse aussi
En 1925, un prêtre belge, fils d’ouvrier, une part importante dans l’animation
des mouvements soient des laïcs, les bien la J. E. C. que la J. O. C. ou la
l’abbé Joseph Cardijn, fonde la Jeu- de la vie paroissiale.
prêtres n’ayant qu’un rôle d’aumô- J. A. C.). En 1954, on en vient à pro-
nesse ouvrière chrétienne (J. O. C.).
niers, de conseillers spirituels. Mais on peut dire que le fer de lance poser de nouveaux statuts qui feraient
Celle-ci est constituée par des groupes
de l’Action catholique reste les mou- pratiquement de l’A. C. J. F. non plus
de jeunes ouvriers chrétiens qui veulent Mais, très tôt, le pape Pie XI apporte
vements spécialisés, dont l’action se une fédération, mais un mouvement à
être « les apôtres de leur milieu ». son appui à l’Action catholique. « Les
déploie hors des structures proprement cinq branches. La J. O. C. s’y oppose.
Pour cela, ils cherchent à transformer premiers apôtres des ouvriers seront
ecclésiales. Beaucoup de ces mouve- Elle obtient le soutien de la hiérarchie,
celui-ci en luttant pour la suppression des ouvriers ; les premiers apôtres du
ments ont cependant connu des crises.
monde industriel et commerçant seront qui demande à l’A. C. J. F. d’accep-
de certaines conditions de vie qui font
Celles-ci sont nées le plus souvent du ter la loi de l’unanimité. La J. O. C.,
obstacle à l’esprit évangélique. Dans des industriels et des commerçants »,
fait qu’ils ont eu des difficultés à har-
déclare-t-il dans l’encyclique Qua- en ne participant pas aux votes, réduit
ce dessein sont organisées des enquêtes
moniser l’évangélisation et l’action l’A. C. J. F. à n’être qu’une table ronde.
collectives sur le milieu, qui doivent dragesimo anno. En France, dès 1931,
temporelle.
l’Assemblée des cardinaux et arche- En 1956, le président et le secrétaire
aboutir au lancement de certaines
vêques institue le Comité central de général démissionnent. Ils ne seront
actions communes. Cette méthode est
l’Action catholique, chargé de suivre
Difficultés pas remplacés.
résumée par le slogan « Voir, juger,
agir ». Elle sera reprise par les autres et de coordonner les activités de tous et orientations nouvelles La J. A. C. est particulièrement
mouvements d’Action catholique. les mouvements d’apostolat des laïcs, À la suite de la J. O. C., ces mouve- sensible à cet échec. Le milieu rural
jeunes et adultes, d’approuver l’élec- ments estiment, en effet, que, pour n’a plus rien d’une classe sociale :
En 1926, la J. O. C. s’implante en
tion des dirigeants et de nommer les annoncer le message chrétien, il faut il comprend à la fois des gros et des
France grâce à l’abbé Georges Guérin :
désormais c’est dans ce pays que l’Ac- aumôniers. supprimer dans la société les structures petits agriculteurs, des ouvriers agri-

tion catholique trouvera son terrain Généralement issus d’initiatives qui empêchent les hommes de vivre coles, des commerçants, des artisans,

d’élection. En 1927, la J. O. C. fran- d’anciens militants des mouvements de selon ce message. La J. O. C., elle, des ouvriers d’entreprises industrielles

çaise adhère à l’Association catholique jeunesse, des mouvements adultes de prépare les jeunes ouvriers à l’action implantées dans les campagnes ou

de la jeunesse française (A. C. J. F.), l’Action catholique vont, en effet, se par des campagnes pour la formation les petites villes, etc. Cette évolution

tout en conservant son autonomie. Fon- constituer. En 1935 apparaît la Ligue professionnelle des jeunes, contre le s’est beaucoup accentuée au cours des

dée en 1886, l’A. C. J. F. rassemblait ouvrière chrétienne, qui donnera nais- chômage, etc. Les adultes de l’A. C. O. dernières années. Aussi, en 1964, la

des jeunes gens chrétiens appartenant sance à plusieurs organisations chré- sont invités à militer individuellement J. A. C. devient le M. R. J. C. (Mouve-

surtout à la bourgeoisie et groupés en tiennes : quelques-unes s’orienteront dans les diverses organisations poli- ment rural de la jeunesse chrétienne),

cercles d’études. Elle se préoccupait tiques, syndicales et sociales du mou- qui comprend plusieurs branches (agri-
vers l’action sociale et politique, avant
essentiellement d’assurer la formation que ne se constitue en 1950 l’Action vement ouvrier au coude à coude avec culteurs, artisans, etc.). La J. A. C. F.
religieuse et l’animation spirituelle de les incroyants et à se retrouver dans les se transforme en M. R. J. C. F. avant
catholique ouvrière (A. C. O.). En 1937
ses membres pour les engager dans naît le Mouvement d’ingénieurs et de équipes de l’Action catholique pour de se fondre avec le M. R. J. C. dans
l’action sociale et civique. Elle était faire en commun la critique de leur ac- un mouvement mixte. Le M. R. J. C.
chefs d’industrie de l’Action catholique
alors imprégnée des idées du catholi- (M. I. C. I. A. C.). En 1941 naissent le tion et de leur vie par rapport à l’évan- n’a pas de branche scolaire : dans ce
cisme social. gile : c’est la « révision de vie » selon domaine, il collabore étroitement avec
Mouvement familial rural (M. F. R.)
et l’Action catholique indépendante la méthode « Voir, juger, agir ». la J. E. C. Ainsi, ces deux mouvements
Sur le modèle de la J. O. C. sont
ont, en quelque sorte, reconstitué en-
créées en 1929 la Jeunesse agricole (A. C. I.). D’autres mouvements plus Mais la transposition de ces prin-
semble une petite A. C. J. F. telle qu’ils
chrétienne (J. A. C.) — qui formera spécialisés encore apparaissent dans cipes dans des milieux qui n’ont ni
la souhaitaient en 1956.
des générations d’animateurs d’orga- certains milieux socio-professionnels l’homogénéité ni la spécification de
nisations syndicales ou de coopératives très particuliers, comme les profes- la classe ouvrière est difficile. Quand Mais l’un et l’autre ont tendance à
agricoles — et la Jeunesse étudiante sions sanitaires et sociales. les militants de l’Action catholique y faire de la mise en place de structures

107
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

temporelles plus justes un préalable à notamment à des pays anglo-saxons, privilégiée, ce qui doit permettre au ré- représente un patriotisme sans réti-
l’évangélisation et, donc, à privilégier avaient critiqué la conception, à leurs gionalisme de s’épanouir à l’aise. Mais cence et dénonce toutes les formes de
l’action sociale et politique. Parce que yeux trop étroite, de l’épiscopat fran- le nationalisme intégral de Maurras ne défaitisme. Dans les dix années qui
l’épiscopat s’oppose à une telle orien- çais en la matière. tolère pas l’immixtion de corps « étran- suivent la victoire, une grande partie
tation, des crises graves éclatent au A. S. gers » : juifs, protestants, francs-ma- de la France de droite et catholique
sein de la J. E. C. en 1957 et en 1965, Catholicisme social / Église catholique / Pie XI. çons, socialistes internationaux, ceux est, de fait ou de coeur, avec l’Action
et au sein du M. R. J. C. en 1965. Les P. Tiberghien, l’Action catholique (Éd. soc.
qu’il appelle les « métèques », sont à française.
évêques souhaitent, en effet, que les du Nord, Lille, 1946). / J. Guitton, l’Action ca- rejeter ou à surveiller. Il écrit : « Au Cependant, le pape Pie XI, inquiet
tholique dans les milieux intellectuels (Aubier,
chrétiens prennent à titre personnel des rêve oriental, germano-judaïque, rêve de l’emprise de l’Action française sur
1950). / R. Podvin, l’Action catholique : son
engagements dits « temporels », mais individuel, libéral et mystique, nous
organisation dans l’Église (Lethielleux, 1957). / les chrétiens, décide d’agir. Comme
refusent que des mouvements, qu’ils M. J. Mossand, Vers un monde nouveau. L’épo- opposerons la pensée occidentale, la Léon XIII au temps du ralliement, il
pée jociste (Éd. de Fleurus, 1959). / La J. A. C. pensée classique traditionnelle [...] ;
considèrent comme mandatés par la se sert d’abord d’un prélat pour faire
féminine (J. A. C. F., 1960). / M. Zinty, l’Élan
hiérarchie, n’engagent l’Église sur le aux nuées subversives, la civilisation connaître sa pensée. Le 27 août 1926,
jociste à l’heure de l’Europe (Éd. ouvrières,
terrain proprement politique. 1962). / A. Vial, la Foi d’un paysan, l’A. C. J. F. helléno-latine, l’ordre français. » Tout l’Aquitaine, bulletin religieux du
dans l’impasse (Éd. de l’Epi, 1967). / Ch. Mo- naturellement, Maurras fait une place diocèse de Bordeaux, publie ce qui
Depuis lors, d’ailleurs, l’épiscopat a
lette, l’Association catholique de la jeunesse
à l’Église romaine — l’« Église de
favorisé la séparation entre la jeunesse française, 1886-1907 (A. Colin, 1968). est censé être la réponse du cardinal
l’ordre » —, mais l’ambiguïté de l’Ac- Andrieu, archevêque de Bordeaux, à
universitaire — où plusieurs mou-
tion française en matière religieuse
vements catholiques, dont la J. E. C. une question posée par un groupe de
réside dans le fait que l’agnostique jeunes catholiques au sujet de l’Action
universitaire (J. U. C.), ont été regrou-
Maurras prône un catholicisme sans ra-
pés dans la Mission étudiante — et la Action française française ; le prélat y condamne, d’une
cines dans le judaïsme, sans références façon assez malhabile, la manière dont
J. E. C. du secondaire et du technique.
à l’évangile, bref ce que certains n’ont les dirigeants du mouvement utilisent
Il a laissé les organisations universi- Nom pris, au temps de l’affaire
pas hésité à appeler un « catholicisme
taires se politiser et aussi s’atomiser, l’Église romaine tout en rejetant son
Dreyfus, par un comité nationaliste
sans christianisme ». « divin message ». L’Action française
surtout depuis la révolte étudiante de fondé par Henri Vaugeois et Maurice
mai 1968. L’entrée du truculent Léon Dau- s’étant rebiffée, Pie XI fait mettre à
Pujo.
det dans la Ligue d’action française l’Index les oeuvres de Maurras et le
Le refus de la J. O. C., de la Le 20 juin 1899, au cours d’une
s’accompagne d’un regain d’activité. journal l’Action française. En 1928,
J. O. C. F. et de l’A. C. O. de se lais- conférence publique présidée par
Daudet, en effet, est le premier bail- une série d’ordonnances épiscopales
ser noyer dans des organisations visant François de Mahy, Vaugeois présente
leur de fonds et le premier directeur- exclut des sacrements les adhérents de
à coordonner l’action de mouvements le « groupe d’action française » ; le
rédacteur en chef de l’Action française, l’Action française — ce qui provoque
agissant dans des milieux divers a 10 juillet suivant paraît le premier nu-
journal quotidien à partir du 21 mars des drames de conscience.
provoqué, en janvier 1969, la paraly- méro du bulletin bimensuel du mouve-
1908. Quelques mois plus tard, Mau- Cette condamnation — dont Pie XII
sie du Conseil français de l’apostolat ment, bulletin appelé familièrement la
rice Pujo et le sculpteur Maxime Réal
des laïcs (C. F. A. L.), où se retrouvent « Petite Revue grise », de la couleur de relèvera le mouvement en 1939 — a
del Sarte fondent les Camelots du roi, pour effet de troubler les catholiques
de nombreux mouvements de jeunes sa couverture.
troupes de choc de l’Action française et de favoriser l’essor de la démocratie
et d’adultes, qui, comme l’A. C. J. F.
L’Action française n’est alors qu’un où dominent les étudiants et dont l’ac- chrétienne. Mais si elle freine le déve-
après 1950, envisagent d’élaborer une
mouvement républicain et patriote ; tion s’exerce surtout contre les socia- loppement de l’Action française et la
certaine politique commune de l’apos-
seul, parmi ses premiers membres, listes et les démocrates-chrétiens. diffusion de son journal, elle réduit peu
tolat des laïcs.
Charles Maurras est monarchiste. Son
Depuis 1906 fonctionne, sous la di- le prestige de Charles Maurras, maître
Hors de France, des mouvements action personnelle, son argumenta-
rection de Louis Dimier — qui quittera à penser d’une nouvelle et brillante gé-
de l’Action catholique spécialisés se tion à la fois rigoureuse et pressante
la Ligue en 1920 —, un Institut d’ac- nération d’intellectuels. (Robert Bra-
sont constitués et se sont fédérés dans — celle qui éclate dans son Enquête
tion française destiné à dispenser un sillach, Thierry Maulnier).
des organisations internationales de sur la monarchie (1900-1909), bible
enseignement parascolaire sur tous les
mouvements ouvriers, ruraux, etc. de l’Action française — finissent par Lors des événements de février
aspects de la doctrine néo-royaliste :
Toutefois, il est rare que l’on y sépare, convertir au monarchisme tous les 1934, dans la lutte contre le Front po-
les chaires les plus importantes sont
aussi nettement qu’en France, l’Action chefs de ce mouvement, qui devient, pulaire (1936-1938), dans la campagne
occupées par Léon de Montesquiou contre la menace d’une guerre qu’elle
catholique proprement dite de l’action en 1905, la Ligue d’action française.
(positivisme), Charles Maurras (poli-
sociale et civique. Ainsi, tandis que des Celle-ci se développe rapidement dans voit venir et qu’elle veut conjurer
tique), Lucien Moreau (nationalisme),
militants français de l’Action catho- les milieux nationalistes, catholiques et (1938-1939), l’Action française joue
Dom Besse (l’Église, le Syllabus), le P.
lique appartiennent à la plupart des antisémites, bénéficiant de la disloca- un rôle important. Quant à Maurras, sa
de Pascal (sciences sociales).
partis politiques, l’Action catholique tion des troupes de la Ligue de la patrie sortie de prison (1937) et son élection à

italienne reste, en dépit d’une cer- française (1904-1905) et profilant, L’Action française, qui se pose en l’Académie française (1938) sont l’oc-

taine évolution récente, très liée à la après l’échec de Drumont aux élections réaction contre l’anarchie politique casion de manifestations triomphales.

démocratie chrétienne. Dans certains de 1902, de la décadence de la Libre créée, selon elle, par le parlemen- La disparition de la IIIe République,
pays d’Afrique noire francophone où Parole, dont beaucoup d’admirateurs tarisme républicain, exerce une in- son ennemie, en juin 1940, redonne
les missionnaires avaient implanté des passent dans le camp maurrassien. fluence considérable sur une portion vigueur à l’Action française, qui ad-
mouvements spécialisés par milieux, importante de la société française. Les hère avec enthousiasme au régime
La pensée de Maurras, qui forme
l’épiscopat a supprimé ou regroupé milieux catholiques, conservateurs, de Vichy. Cependant, le mouvement
l’essentiel de la doctrine de l’Action
certains de ces mouvements — notam- antisillonnistes, antimodernistes, forte-
française, est substantiellement contre- reste fidèle à son nationalisme inté-
ment au sein de l’Action catholique des ment marqués par la politique anticlé- gral : son anglophobie ne le détourne
révolutionnaire et antiparlementaire.
familles — en arguant du fait que les ricale de la République, sont sensibles
Il s’agit, pour lui et ses disciples, de pas de son hostilité à l’égard de l’hit-
structures sociales africaines ne corres- à la place d’honneur que Maurras ré- lérisme. Cela ne suffit pas pour sauver
rétablir la monarchie héréditaire tout
serve à l’Église romaine dans l’édifice
pondent pas aux structures françaises. en faisant sauter le dur appareil napo- l’Action française lors de la Libération.
Enfin, si le concile Vatican II a insisté léonien, centralisateur. Dans l’univers harmonieux de la France monarchiste. Le 8 septembre 1944, Charles Maur-
sur l’importance de l’Action catho- maurrassien, les corps intermédiaires, La guerre de 1914-1918 porte à ras est arrêté à Lyon, où il s’est installé
lique, certains évêques, appartenant les corporations retrouvent une place son zénith l’Action française, qui en 1940 ; depuis le 24 août, le journal

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

l’Action française a cessé de paraître ; quoique réformé, en 1914. Rédacteur surtout chez l’Oursin, matériel com- tion d’une double polarité dans l’oeuf)
l’idéal qu’il représentait et qu’il défen- en chef (1917-1943), puis codirecteur mode, ne sont pas transposables sans exige l’intervention de certains consti-
dait depuis trente-six ans sera repris (1943-1944) de l’Action française, il précaution aux autres espèces animales. tuants nucléaires (ADN) apportés par
est arrêté à Lyon en même temps que
quelques années plus tard par l’hebdo- Les indications qui suivent ne concer- le gamète mâle. L’activation de l’oeuf
Maurras (sept. 1944). Le 27 janvier
madaire Aspects de la France. neront donc que les faits les plus géné- fécondé n’est, en fait, que la résul-
1945, il est condamné à cinq ans de
P. P. raux. La pénétration du spermatozoïde tante d’un grand nombre de réactions
prison ; libéré, il collabore à Aspects
à travers la membrane cytoplasmique chimiques, dont certaines, propres aux
de la France.
de la cellule reproductrice femelle, qui organismes vivants, mettent en jeu des
Les chefs de l’Action Henri Vaugeois (Laigle 1864 - Lyon l’attire, provoque au point d’impact systèmes enzymatiques plus ou moins
française 1916). Professeur de philosophie au l’apparition d’une luminescence qui complexes. La fonction de ceux-ci
collège de Coulommiers, patriote de
Jacques Bainville (Vincennes 1879 - se propage à toute la surface ovulaire. est d’abaisser considérablement les
tradition jacobine, il abandonne la
Paris 1936). Il se détache, jeune, de Cette luminescence est sans doute due énergies d’activation de réactions
Ligue de la patrie française pour fon-
l’idéal républicain de sa famille ; par à une modification de l’orientation des chimiques qui, en l’absence de cata-
der avec Maurice Pujo (1899) le Comi-
Barrès, il entre en relation avec Maur- macromolécules superficielles, qui a lyseurs, n’ont pas lieu à des vitesses
té d’action française. Sous l’influence
ras. Brillant chroniqueur de politique pour conséquence une modification des appréciables aux températures compa-
de Maurras, cet homme de gauche se
extérieure de l’Action française, il fonde propriétés de la membrane. À partir tibles avec la vie. C’est donc au niveau
convertit au royalisme (1901). Codirec-
et dirige la Revue universelle (1920-
teur de l’Action française bimensuelle, du même point s’observe ensuite une moléculaire qu’il faut, en définitive,
1935), dont il veut faire l’instrument
animateur avec Dimier de l’Institut vague de contraction intense de la sur- envisager l’activation.
d’une « fédération intellectuelle du
d’action française, il se montre parti- face cytoplasmique avec soulèvement
monde par la pensée française ». Pa-
san de la guerre civile. En 1928 paraît
rallèlement, il poursuit une carrière d’une membrane de fécondation qui Sens chimique
la Fin de l’erreur française, anthologie de
d’historien exaltant la continuité de la se détache du cytoplasme de l’ovule
ses principaux articles. L’énergie qu’il faut fournir à un com-
politique des rois de France et dénon- et délimite entre elle et la cellule fe-
posé pour détruire une liaison initiale
çant le menaçant impérialisme alle- E. Tannenbaum, The Action française. melle un espace périvitellin. L’abon-
et permettre un réarrangement molécu-
mand (Histoire de deux peuples, 1915 ; The Hard Reactionaries in Twentieth Century
dante sécrétion par l’ovule d’un liquide
Histoire de trois générations, 1918 ; His- France (Londres, 1962). / E. Weber, Action fran- laire est appelée énergie d’activation.
fluide, l’appel d’eau provoqué par la
çaise, Royalism and Reaction in Twentieth Cen-
toire de France, 1924 ; Napoléon, 1931 ; La dégradation de l’urée, par exemple,
tury France (Stanford, 1962 ; trad. fr. l’Action pression osmotique, plus forte que
la Troisième République, 1935). Son en- se fait selon le schéma suivant :
française, Stock, 1964). / L. Thomas, l’Action celle du milieu ambiant, contribuent au
trée à l’Académie française (1935) est française devant l’Église, de Pie X à Pie XII CO(NH2)2 + H2O CO2 + 2 NH3.
soulèvement de la membrane de fécon-
saluée par la France de droite comme (Nouv. Éd. latines, 1965). / A. Marty, l’Action
dation. Les deux globules polaires ont Elle exige un apport important
une consécration de l’Action française française racontée par elle-même (Nouv. Éd.

latines, 1968). été expulsés. À partir de ce moment, d’énergie puisque, in vitro, la réaction
et de son rayonnement.
aucun autre spermatozoïde ne peut plus ne s’obtient qu’après l’ébullition pro-
Léon Daudet (Paris 1867 - Saint-Ré- longée du mélange initial.
pénétrer dans l’oeuf, qui, obéissant à la
my-de-Provence 1942), fils d’Alphonse
sollicitation de la pesanteur, tourne et Dans l’état activé, les liaisons du
Daudet. Il apporte au mouvement
d’Action française et au journal dont action sanitaire et s’oriente. complexe moléculaire formé sont ren-

il est le fondateur (1908), le rédacteur Enfin et surtout, l’oeuf est propre- dues plus labiles et peuvent être dé-
sociale truites plus facilement. Mais les états
en chef (1908-1917), puis le codirec- ment activé, en ce sens que sa perméa-
teur avec Maurras (1917-1942), les bilité et l’intensité de ses échanges avec activés ne se rencontrent jamais spon-
ressources d’un talent fait de familia- SANTÉ. tanément aux températures physiolo-
le milieu qui l’entoure s’accroissent
rité, de truculence et de causticité et giques. C’est alors qu’interviennent les
beaucoup et rapidement. Cinq minutes
qui anime ses discours, ses articles, enzymes. Dans l’exemple auquel il est
après la pénétration du spermato-
ses essais (Au temps de Judas, 1920 ; le
zoïde, l’oeuf d’Oursin rejette quatre fait allusion plus haut, l’enzyme uréase
Stupide XIXe siècle, 1922) et ses romans
(les Morticoles, 1894), où la peinture
activation fois plus de gaz carbonique qu’à l’état catalyse la réaction de dégradation de

vierge. Trois quarts d’heure après, ses l’urée à 37 °C.


sociale tourne vite à la satire. D’une
longue collaboration à la Libre Parole Effet produit sur une structure (ovule, échanges respiratoires sont doubles de La thermodynamique nous apprend
de Drumont, Daudet garde un antisé- molécule, atome) par un agent exté- ceux de l’oeuf vierge. que les réactions chimiques ne sont pas
mitisme virulent. Le sommet de sa car- rieur et qui se traduit par un accroisse- possibles si elles ne se caractérisent
Les techniques expérimentales
rière se situe entre 1914 et 1923 : après ment de ses échanges d’énergie à une
mises au point pour l’obtention de dé- pas par une décroissance de l’énergie
s’être fait, durant la Grande Guerre, température donnée. libre (G négatif). Or, les réactions de
veloppements parthénogénétiques ont
l’adversaire acharné des « défaitistes »
permis de mieux comprendre le rôle biosynthèse qui se déroulent au sein
(Malvy, Caillaux), il représente Paris à
la Chambre bleu horizon (1919-1924) : Sens biologique du spermatozoïde et la signification de des cellules vivantes sont « endergo-

il y incarne un antibriandisme efficace l’activation sans que, pour autant, tous niques » ; autrement dit, elles se tra-
Dans le domaine de la reproduction
et joyeux. La mort violente et mysté- duisent par un gain d’énergie libre
sexuée chez les êtres vivants, le terme les problèmes soient résolus. On peut,
rieuse de son fils Philippe (24 nov. en effet, obtenir l’activation à l’aide (G positif). Elles nécessitent donc un
désigne l’ensemble des réactions de
1923) l’affecte profondément et le voue couplage avec des réactions de dégra-
d’agents chimiques, mécaniques, ther-
l’ovule à la pénétration du spermato-
désormais à des polémiques âpres et dation portant sur des liaisons riches
miques qui modifient les propriétés de
douloureuses. (Acad. Goncourt, 1897.) zoïde. Les modalités n’en sont pas très
la région corticale. Mais la suite du dé- en énergie susceptible d’être libérée.
différentes d’une espèce à l’autre ; ce-
La synthèse de l’acide ribonucléique
Charles MAURRAS. V. l’article. veloppement (en particulier la réalisa-
pendant, les résultats des études faites
(ARN), par exemple, se fait à partir de
Maurice Pujo (Lorrez-le-Bocage, précurseurs qui sont des nucléotides
Seine-et-Marne, 1872 - Ferrières-en-
triphosphates (par exemple, le guano-
Gâtinais 1955). Directeur de la revue
sine triphosphate [GTP]). Celui-ci se
l’Art et la vie, il entre dans la vie poli-
forme à partir du guanosine monophos-
tique au moment de l’affaire Dreyfus,
mais il quitte rapidement l’Union pour phate (GMP), molécule acceptrice, et

l’action morale et, avec Vaugeois, jette de groupes phosphates (~ P) riches en


les bases de l’Action française. Chef énergie, issus de l’adénosine triphos-
des Camelots du roi (1908), il s’engage, phate (ATP).

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

— possibilités d’analyses non destruc-


tives pour les petites pièces.
6
On peut déceler 10– g pour le fer,
9 12
10– g pour le nickel et le zinc, 10– g
pour l’europium et le dysprosium.
L’analyse par activation est utilisée
couramment pour les études sur les
matériaux nucléaires : c’est ainsi que
l’on dose le hafnium dans le zirconium,
les terres rares dans le graphite, l’ura-
nium 235 dans l’oxyde d’uranium en-
richi. L’analyse par activation sous ac-
célérateur peut permettre également le
dosage de l’oxygène dans les métaux,
celui des impuretés dans les métaux,
les semi-conducteurs et les produits
organiques (notamment la répartition
du bore dans l’organisme), l’analyse
biologique, les mesures d’abondance
isotopique, la recherche en métallur-
gie, en minéralogie et en géologie,
l’analyse des météorites. Elle a même
Le guanosine triphosphate consti- La courbe d’activation est la courbe de également utiliser une source radon +
été mise à profit en matière d’investi-
tue un exemple de molécule activée l’activité d’un élément contenu dans béryllium :
gation criminelle.
susceptible de s’unir spontanément à l’échantillon en fonction du temps
une autre molécule grâce aux groupes En mai 1958, on découvrait près
pendant lequel il est irradié ; cette
~ P ; le transfert d’un tel groupe riche d’Edmunston, au Nouveau-Brunswick,
courbe présente un maximum corres-
Réactions nucléaires le cadavre d’une jeune fille étran-
en énergie est appelé activation de pondant à la saturation. Le détecteur
groupe. Si les radio-éléments formés émettent glée qui tenait dans une de ses mains
par activation est un détecteur de
un rayonnement , on détecte ce rayon- quelques cheveux provenant, selon
R. M.
rayonnement permettant la mesure de
nement avec un compteur de Geiger- toute vraisemblance, de la chevelure de
Énergie / Enzyme / Fécondation.
la densité du flux de neutrons d’après
Müller à paroi mince de mica ; le radio- son assassin. À partir de ces cheveux,
J. D. Watson, Molecular Biology of the Gene l’activité induite par ces neutrons dans
élément est alors identifié : il a été possible de confondre le meur-
(New York, 1965). / C. Houillon, Introduction à
une substance.
la biologie, t. IV : Sexualité (Hermann, 1967). / — par sa période ; trier. C’est à cette occasion que, pour la
J. Yon, Structure et dynamique conformation-
— par l’énergie de son rayonnement ; première fois, l’analyse par activation,
nelle des protéines (Hermann, 1969).
Analyse par activation — par son absorption dans des filtres procédé qui paraît être aussi efficace

en aluminium. Si les radio-éléments que les méthodes d’identification par


Le principe de cette analyse consiste
formés sont émetteurs de rayons , on les empreintes digitales, fut utilisée. En
à rendre radio-actif un échantillon
les détecte avec un compteur à scin- effet, les cheveux contiennent à l’état
que l’on veut analyser et à identifier
de traces certains éléments métalliques
activation les radio-éléments formés à partir
tillation. On emploie également des
spectrographes gamma, multicanaux tels que le sodium, l’or et le cuivre. Or,
neutronique des produits ou impuretés qui y sont
ou non, qui donnent le nombre des pho- les quantités de ces différents éléments
contenus. présents dans chaque cheveu sont rela-
tons émis en fonction de leur énergie.
Action de rendre radio-actif un ou La position des pics indique la nature tivement constantes pour un individu,
plusieurs éléments contenus dans Sources de neutrons mais très variables d’une personne à
des radio-éléments formés : leurs hau-
une substance en soumettant celle- Pour rendre radio-actif l’échantillon, l’autre ; on estime, comme pour les
teurs indiquent leurs concentrations. Si
ci à une irradiation due à un flux de on le soumet généralement, dans un les impuretés contenues dans l’échan- empreintes digitales, qu’il y a seule-

neutrons. réacteur nucléaire, à un flux de neu- ment une chance sur un million d’ob-
tillon sont très nombreuses, le nombre
des pics est très élevé, les spectres server deux analyses identiques sur
La radio-activité du ou des corps trons. Actuellement, les réacteurs en
deux sujets différents. Le spectre d’un
ainsi formés s’appelle la radio-acti- service permettent d’obtenir couram- s’enchevêtrent et se superposent, et il
cheveu activé par un flux de neutrons
vité induite. On dit aussi que l’élément ment un flux de 1014 neutrons par cen- est alors nécessaire de procéder à une
présente un ensemble de pointes, ou
soumis à une activation a été activé. timètre carré et par seconde. On peut séparation chimique de chaque élément
pics, correspondant aux métaux activés
en utilisant la méthode des entraîneurs.
se trouvant normalement, en quantité
Les mesures quantitatives s’effectuent
infime, dans le cheveu analysé ; cet
par comparaison des activités entre
ensemble constitue une caractéristique
l’échantillon à analyser et un étalon té-
personnelle du possesseur de ce che-
moin, que l’on irradie en même temps
veu. En France, afin de développer les
dans les mêmes conditions.
techniques d’analyse par activation, on
a jumelé, à Saclay, au réacteur à haut
Avantages et précision
flux Osiris (5.1014 n/cm2/s) le labora-
Les avantages de l’analyse par activa-
toire Pierre-Süe spécialement équipé
tion sont les suivants :
à cet effet.
— grande sensibilité pour les éléments
Ph. R.
ayant une forte section efficace ;
G. Cohen et P. Treille, Précis d’énergie
— sélectivité malgré le grand nombre nucléaire (Dunod, 1957 ; nouv. éd., 1962). /

des éléments et précision ; R. Guillien, Physique nucléaire appliquée (Ey-

110
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

rolles, 1960). / P. Reine, le Problème atomique,


même fortement comprimés ou à des D’où se fixant d’autant mieux qu’il entre en
t. VII (Berger-Levrault, 1969).
solutions. On définit ainsi, à tempé- compétition avec moins de calcium. Le
rature donnée, une constante Ka qui strontium qui pénètre dans l’organisme
remplace la constante Kc, relative aux Dans un atome-gramme d’un élément par l’intermédiaire des aliments pro-
concentrations. Divers procédés, par quelconque (226 g pour le radium), il y vient surtout du sol ; il appartient au
activité exemple mesures cryométriques ou de a toujours le même nombre de noyaux : même groupe chimique que le calcium,
f.é.m. de piles, permettent de détermi- 6,02·1023 (nombre d’Avogadro) ; donc, mais les organismes opèrent une dis-
Grandeur qui doit se substituer à la dans 1 g de radium on aura
ner les activités. crimination entre ces deux éléments,
concentration molaire dans l’expres-
La notion d’activité s’étend aux absorbant, en effet, moins de strontium
sion de la loi d’action de masse.
solutions ioniques ; la théorie de que de calcium.
Un certain nombre de lois physiques P. J. W. Debye et E. Hückel des élec- On trouvait alors
sont des lois idéales : elles sont obte- trolytes forts permet le calcul des acti- N = 3,7 × 1010. Utilisation des unités de
nues comme conséquences de théories vités dans leurs solutions. puissance
Par la suite, on s’aperçut que la pé-
développées en substituant aux corps R. D.
riode adoptée de 1 590 ans était infé- Les photons et les particules émis par
réels des « modèles » définis de façon à
rieure à sa valeur réelle, que l’on éva- un corps radioactif emportant avec eux
la fois rigoureuse et simple, tels que les
luait alors à 1 620 ans ; actuellement, une certaine énergie, on peut exprimer
gaz parfaits ou les solutions idéales. Ce
on aurait tendance à adopter 1 617 ans. l’activité d’une source en unités de
sont en même temps des lois limites,
activité Plutôt que de changer l’étalon, on pré- puissance, c’est-à-dire en watts ou en
applicables aux corps réels avec une
féra modifier la définition, qui était la électrons-volts par seconde.
approximation d’autant meilleure
Nombre de désintégrations spontanées suivante : « Le curie est l’activité d’une
qu’une certaine grandeur — pression On peut enfin traduire une activité en
qu’une substance radioactive subit par source radioactive quelconque pour
pour les gaz, molarité pour les solutions watts par mètre cube (W/m 3) ; c’est le
unité de temps. Si, pour une substance laquelle le nombre de désintégrations
— est plus petite. À l’inverse, l’écart se cas de produits de fission de l’uranium,
radioactive, N est le nombre de noyaux par seconde est de 37 milliards. »
creuse entre les prévisions théoriques cette unité étant liée à la puissance
et la constante radioactive, le nombre
et les résultats expérimentaux à mesure En 1975, la Conférence générale des spécifique de fonctionnement des réac-
de désintégrations dN pendant le temps
que pression ou molarité augmentent, poids et mesures a adopté une nouvelle teurs nucléaires.
dt est donné par la formule
c’est-à-dire à mesure que le nombre unité d’activité, le becquerel (symb. :
Ph. R.
dN = – N dt.
des particules du gaz ou du corps dis- Bq). C’est l’activité d’une source
G. Castelfranchi, la Physique moderne
représente le nombre de désinté-
sous présentes dans un volume donné radioactive quelconque se traduisant (Dunod, 1949). / J. M. Cork, Radioactivité et
grations par unité de temps ; c’est, par
augmente ; cela suggère d’ailleurs que par 1 désintégration par seconde : physique nucléaire (Dunod, 1949). / G. Dupuy,
définition, l’activité de la substance 12 Radioactivité et énergie nucléaire (P. U. F., coll.
ces écarts sont dus, pour une part, aux 1 Ci = 37.109 Bq ou 1 Bq = 27.10– Ci.
considérée. Comme est égal, au « Que sais-je ? », 1954). / A. Berthelot, Rayonne-
interactions de ces particules, interac- Cette nouvelle unité n’est pas encore
ment de particules atomiques (Masson, 1956).
signe près, à N, pour calculer cette
tions que la théorie des gaz parfaits ou entrée dans les habitudes et on conti- / P. Reine, le Problème atomique, t. IV (Berger-
activité on fera le produit des deux fac-
celle des solutions idéales ignorent. nue à exprimer une activité en curies. Levrault, 1959).
teurs et N. Le temps au bout duquel
Certaines lois importantes par leurs La radioactivité atmosphérique s’ex-
la moitié des noyaux se sont désinté-
applications, telles que la loi d’action prime en picocuries. Dans le domaine
grés s’appelle la période ; celle-ci est
de masse, les lois de Raoult ou les lois des explosions nucléaires, on utilise le
reliée à la constante radioactive par
des solutions ioniques, sont établies a mégacurie. Dans l’industrie, on trouve
la formule
priori à partir des précédentes et pré- des sources radioactives ayant une acti-
sentent donc aussi des écarts avec le vité de l’ordre du millicurie, du curie ;
réel. les sources de quelques dizaines de
On peut, cependant, faire en sorte On parle quelquefois d’activité mas- curies ne sont pas fréquentes. Dans le
que toutes ces lois restent applicables sique ou d’activité volumique : ce sont domaine médical, l’activité des sources
en convenant de substituer, dans leur des activités nucléaires par unité de est quelquefois de l’ordre de plusieurs
application, à la pression d’un gaz réel masse ou de volume. L’activité induite milliers de curies ; les irradiateurs
sa fugacité, à la molarité d’un soluté est celle que présentent les corps irra- ayant pour objet la conservation des
son activité. Ces grandeurs sont défi- produits alimentaires atteignent plu-
diés par un flux de neutrons.
nies à l’aide de relations de même sieurs centaines de kilocuries.
forme, la fugacité f d’un gaz par la
Unités d’activité
relation Autres unités
= 0 + RT Log f, Les Anglais avaient proposé, en 1946,
activité
Unité légale
étant le potentiel chimique pour une
L’unité légale d’activité radionucléaire
de substituer au curie le rutherford, qui économique
mole du gaz, potentiel fonction de correspondrait à 106 désintégrations
la température et de la pression. De était le curie (symb. : Ci). Sa première
par seconde. En revanche, on utilise
Au sens strict, nombre total d’heures
même, l’activité a d’un constituant définition avait été proposée par Marie
parfois la Sun-Shine-Unit (S. U.). Cette
de travail effectuées par la population
d’une solution est définie par Curie : « Le curie est l’activité d’un
unité permet d’évaluer la contamina-
active d’un pays en une période de
= + RT Log a. gramme de radium 226 en équilibre
0 tion interne résultant d’éléments se
avec ses descendants », ce qui cor- temps donnée.
On nomme coefficient d’activité le rap- fixant sélectivement dans le squelette,
port respondait à 37 milliards de désinté- Au sens large, ensemble des activités
comme c’est le cas du strontium 90. La
= a/x, grations par seconde. Pour obtenir ce humaines ayant pour but la production
Sun-Shine-Unit correspond à un pico-
x étant la molarité ; il devient égal à 1 résultat, on calculait le produit N pour et la commercialisation des biens et
curie de radio-élément fixé par gramme
dans les solutions idéales. 1 g de radium. services apparaissant sur le marché.
de calcium contenu dans l’organisme.
À l’aide de la notion d’activité, À l’origine, Marie Curie avait L’intérêt de cette unité résulte du fait L’activité économique d’un pays
introduite par G. N. Lewis, on peut adopté pour la période du radium que le taux de fixation du strontium 90 peut être saisie à travers deux ap-
appliquer sous sa forme habituelle la T = 1 590 ans, soit, en secondes : dans l’organisme est lié à la teneur en proches différentes, mais néanmoins
loi d’action de masse à des gaz réels T = 1 590 × 365 × 24 × 60 × 60 s. calcium de cet organisme, le strontium complémentaires :

111
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

— La première, globale, consiste à l’activité des citoyens français non ré- Le produit national net au coût économique, utilisation d’un facteur de
rechercher et à estimer certaines va- sidents. L’agrégat national, significatif des facteurs est encore appelé revenu production dans telle ou telle activité)
riables significatives de l’ensemble des du point de vue économique, est la pro- national. Il est égal à l’ensemble des ont pour objet la recherche d’une allo-
échanges d’un pays ; duction intérieure brute, constituée par rémunérations des agents économiques cation optimale des ressources lors de
— La seconde, sectorielle, vise à ob- la somme de la valeur ajoutée de toutes du pays considéré. Ce dernier agrégat l’élaboration d’une politique de crois-
server de quelle façon les différentes les branches productives et des droits permet de comparer les différents ni-
sance : le classement des activités en
activités productrices d’un pays se ré- et taxes sur importations. veaux de vie des pays si on le rapporte
fonction des investissements utilisés
partissent entre la production des biens à la population de chacun d’eux.
Les agrégats répondant aux normes permettra à un pays disposant de peu
et services qui font l’objet d’échanges. Finalement, si les agrégats peuvent
internationales sont obtenus à partir de de capitaux, mais de beaucoup de force
donner des renseignements utiles sur
l’agrégat national. On y ajoute la ré- de travail de faire en sorte que son acti-
L’approche globale munération des salariés des administra- l’évolution d’une économie donnée
vité soit plutôt dirigée vers le secteur
et permettre les comparaisons, ils ne
L’approche globale a essentiellement tions publiques et privées, les services tertiaire.
peuvent être utilisés lors de l’élabora-
pour but de fournir aux économistes rendus par les institutions financières,
tion d’une politique économique, du Le tableau ci-dessous a pour objet de
des instruments d’estimation du niveau qui constituent un emploi final pour
fait du grand effort de synthèse néces- présenter un certain nombre de critères
de développement atteint par un pays l’économie, le montant des salaires
saire à leur estimation. C’est pour cette et la façon dont les activités peuvent
lors des différentes étapes de sa crois- versés par les ménages à leurs salariés
raison que les économistes se sont, être classées dans les secteurs primaire,
sance et de permettre la comparaison et les revenus nets provenant du reste
depuis longtemps, penchés sur le pro- secondaire ou tertiaire (avec quelques
de ces mêmes niveaux de développe- du monde ; on y soustrait la consom-
blème du regroupement des activités exemples).
ment entre pays ayant une répartition mation des institutions financières et
productrices selon certains critères,
sensiblement identique des activités les marges résultant de l’autoconsom- On constate finalement qu’il est dif-
regroupement qui permet un traite-
productrices entre les divers biens et mation agricole. Ce nouvel agrégat est ficile d’évoquer les secteurs d’activité
ment homogène plus aisé toutes les
services. alors dénommé produit national brut. sans faire référence au critère. D’autre
fois qu’il est nécessaire d’obtenir des
Si, de ce dernier, on enlève la partie de part, la classification est trop élémen-
Dans cette optique on fait appel statistiques.
la production qui a servi à renouveler taire pour l’élaboration d’une politique
aux agrégats de la comptabilité éco-
les installations fixes (amortissement), autre qu’à long terme : c’est pour cette
nomique. Les agrégats sont des gran- L’approche sectorielle
on obtient le produit national net. raison que les économistes ont été ame-
deurs caractéristiques de la vie écono-
La classification la plus connue des
mique, obtenues en additionnant les Les deux agrégats sont dits « évalués nés à préciser la notion de secteur et à
activités de production a été donnée
opérations élémentaires effectuées par aux prix du marché », car, lors de leur concevoir celle de branche.
par Colin Clark dans son ouvrage
les agents économiques. En France, estimation, il a été tenu compte des im-
The Conditions of Economic Progress
on calcule deux sortes d’agrégats : les pôts indirects payés par les entreprises
(1940). L’auteur répartit les activités Les notions de branche
agrégats nationaux, qui ne tiennent à l’État, tandis que les subventions en
de production en trois secteurs : et de secteur d’activité
compte que des activités productrices ont été ôtées. Si l’on procède à l’addi-
— le secteur primaire, qui comprend
(industrie, commerce), et les agrégats tion des subventions et à la soustrac- En comptabilité économique française,
l’agriculture, la pêche et les mines ;
normalisés, qui tiennent aussi compte tion des impôts indirects, on obtiendra le secteur regroupe toutes les entre-
— le secteur secondaire, qui regroupe
de l’activité des institutions financières les produits nationaux brut et net éva- prises qui ont la même activité prin-
l’industrie, c’est-à-dire toute « trans-
et des administrations, et qui incluent lués au coût des facteurs. cipale : une entreprise fabriquant des
formation continue, sur une grande
rasoirs mécaniques et des stylos à bille
échelle, des matières premières en
matières transportables » ; apparaît dans la rubrique « construc-

— le secteur tertiaire, qui comprend tions mécaniques » si le chiffre d’af-

toutes les autres activités. faires des rasoirs est le plus important.
À cette notion de secteur se juxtapose
Cette classification purement des-
criptive a été reprise par d’autres celle de branche, qui regroupe la

auteurs, notamment par A. Sauvy et part de toutes les entreprises produi-

J. Fourastié, qui ont essayé de recher- sant un bien ou service donné ; on


cher des critères de classement. Le retrouve ainsi dans la branche « pro-
recensement effectué par A. Sauvy duits chimiques organiques » la part
fait apparaître deux sortes de critères : du chiffre d’affaires d’une entreprise
d’une part, des critères d’ordre his- de chimie qui relève de la chimie orga-
torique ou psycho-sociologique et, nique.
d’autre part, des critères plus spécifi-
La notion de branche a une impor-
quement économiques.
tance particulière, dans la mesure où
Les critères d’ordre historique ou
elle permet la constitution d’un tableau
autre font apparaître une hiérarchie
d’échanges interindustriels, c’est-
dans les activités productrices : cer-
à-dire un tableau carré, qui permet,
taines activités seront considérées
d’une part, d’énumérer les branches
comme indispensables ou simplement
utiles, honorables à exercer pour cer- consommatrices d’un produit i donné

taines et non pour d’autres, etc. Ce et, d’autre part, de savoir de quelles

classement est utile dans la mesure où branches viennent les produits néces-
l’on peut prévoir vers quelles activités saires à la production de ce produit
la population active sera attirée du fait i. Ce tableau permet d’estimer l’in-
de l’élévation du niveau de vie. fluence d’une variation d’activité d’une

Les classifications selon un critère branche donnée sur une autre branche,
plus spécifiquement économique (loi dans la mesure où la consommation

112
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

du corps, mais, le plus souvent, les


pouls se recherchent dans les gout-
tières radiales droite et gauche, selon
une technique précise. Il existe douze
pouls palpables, six superficiels (yang)
et six profonds (yin), correspondant
aux douze méridiens.

Les acupuncteurs utilisent des


aiguilles pour « poncturer » (piquer)
les points indiqués ; primitivement,
ils se servaient d’épines de bois, puis
de silex ; actuellement, les aiguilles
sont métalliques (de métal jaune [or,
cuivre], d’action tonifiante, ou de
métal blanc [argent, acier], d’action
sédative), leur longueur variant de 1 à
2,5 cm. Certains acupuncteurs utilisent
d’un produit de la branche i par la par où circulerait l’énergie vitale qi les Chinois. L’activité des organes
des moxas ; ce sont des cautères en
branche j reste constante. (ts’i). internes est détectée par les « pouls
bois mis en ignition (armoise), utili-
A. B. La pensée chinoise est dominée par chinois », qui permettent de percevoir sés surtout chez les malades affaiblis.
C. Clark, The Conditions of Economic
la notion d’alternance : la lumière et l’état de ces organes. L’étude des pouls Il est possible d’utiliser le massage
Progress (Londres, 1940 ; 3e éd., 1957 ; trad.
l’obscurité, le temps froid et humide chinois est pratiquée couramment en chinois, technique recommandée pour
fr. les Conditions du progrès économique,
P. U. F., 1960). / J. Fourastié, le Grand Espoir s’opposant aux jours ensoleillés et Extrême-Orient, mais elle est contes- des régions très douloureuses ou chez
du XXe siècle (P. U. F., 1949, nouv. éd., 1958). / secs, le ciel s’opposant à la terre, le so- tée par certains acupuncteurs occiden- des personnes ne supportant pas les
I. N. S. E. E., Méthodes de la comptabilité natio-
leil à la lune, etc. Ces oppositions étant taux. Elle se fait en plusieurs endroits piqûres.
nale (P. U. F., « Études et conjonctures », mars

1966).
caractérisées par les dénominations
yang et yin. Par exemple, le soleil est
yang parce qu’il est source d’énergie,
alors que la lune est yin. Cette dualité

acupuncture est illustrée par le symbole sacré Dao


(Tao), la partie blanche étant le yang
et la partie sombre le yin. On remarque
Méthode thérapeutique d’origine
dans chaque région une réminiscence
chinoise, qui consiste à implanter des
du principe opposé, figurée par un petit
aiguilles en certains points du corps.
cercle clair dans la région sombre et in-
Elle fut introduite en France par
versement. Cette notion d’équilibre du
George Soulié de Morant. Ce sino-
yang et du yin est l’élément fondamen-
logue, lors de son séjour à Shang hai
tal des conceptions chinoises réglant la
(Chang-hai), traduisit en français des
morale, la science, la philosophie et la
documents chinois traitant de l’acu-
médecine. C’est la représentation syn-
puncture, entre autres le Nei jing (Nei
thétique de l’oscillation universelle, la
king), considéré comme le plus ancien
loi unique du Dao.
ouvrage de médecine qui fut publié à la
fin de la dynastie des Zhou (Tcheou) et
au début des Qin (Ts’in) [IIIe s. av. J.-
C.] et dont la rédaction initiale remon-
terait au XVIIIe s. av. J.-C.

L’acupuncture est enseignée dans


des écoles privées à Paris (associations
d’acupuncture diverses). Une Société
internationale d’acupuncture a été fon-
dée par le docteur R. de La Fuÿe ; elle
a Paris pour siège et regroupe les di-
verses sociétés nationales des pays du
monde entier. Il y a environ deux cents
médecins qui pratiquent l’acupuncture
en France. Pour les Chinois, la matière est

Cette méthode thérapeutique utilise constituée de cinq éléments — le feu,

le plus souvent des aiguilles implantées le bois, le métal, la terre et l’eau — et

en des points déterminés (jue [tsiue]) du signe yang ou yin, qui prédomine

de la surface cutanée qui se trouvent dans chacun d’eux.

situés sur des lignes hypothétiques L’acupuncture n’est qu’une partie


appelées jing (king) ou méridiens, au de la médecine chinoise et est utili-
nombre de douze, et les vaisseaux ex- sée comme méthode prophylactique
traordinaires (mo), au nombre de huit, plus que comme méthode curative par

113
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Pour les Chinois anciens, la maladie à Saint-Jean-de-Latran montrant une pittoresque dans les accessoires et très house (comté de Londres), à Newby
réside dans le déséquilibre de l’éner- apparition de la Vierge à saint André beau métier du marbre. hall (Yorkshire), etc. Mais l’activité
gie, dans l’opposition entre l’excès ou Corsini fait très bonne figure au milieu F. S. de R. Adam et de ses frères put aussi
l’insuffisance d’énergie pour un même de l’oeuvre des meilleurs artistes ita- H. Thirion, les Adam et Clodion (Quantin, s’exercer à Londres. À titre spécula-
symptôme matériel ou moral, dans liens d’alors : on y reconnaît l’habileté 1884). tif, ils achetèrent en 1768 un terrain
l’opposition entre l’aspect yin ou yang de la composition et la sûreté de facture le long de la Tamise pour y créer un
d’une même maladie (Soulié de Mo- qui s’affirmeront dans le grand groupe ensemble d’habitations (aujourd’hui
rant), ce qui différencie la conception en plomb, un peu fracassant mais très presque entièrement démoli), qu’ils
même de la maladie en Extrême-Orient monumental, qu’il modela pour le bas- Adam (les) appelèrent The Adelphi en l’honneur
et en Occident. Aussi, le médecin sin de Neptune à Versailles* en 1740. de leur association. L’entreprise ne fut
chinois peut-il prévenir grâce à l’acu- Il produisit sans trêve statues, groupes, Famille d’architectes écossais du pas un succès financier, mais marqua
puncture des troubles qui n’ont encore bas-reliefs, bustes, encombrant les XVIIIe s. une date dans l’architecture urbaine.
été ressentis. Salons de ses esquisses, fatigant à la
WILLIAM, le père (1689-1748), n’a Après 1770, R. Adam se vit confier
longue par une virtuosité qui sonne un
Les indications de l’acupuncture en travaillé que dans sa patrie. Ses ou- des travaux dans son Écosse natale.
peu creux parfois et surtout par son
Occident sont du domaine des troubles vrages les plus remarquables sont Outre des édifices publics à Edimbourg
âpreté au gain et son caractère détes-
fonctionnels et de la médecine psy- Drum house (comté de Midlothian) et, (le Register house of Scotland, l’uni-
table. Parmi ses oeuvres les meilleures,
chosomatique. Les spasmes viscéraux, en partie, l’imposant Hopetoun (West versité, le Merchant hall), il éleva des
il faut citer le bas-relief en bronze qui
les inflammations des muqueuses, des Lothian). Son style est éclectique, plu- résidences de campagne : Mellerstain
décore un des petits autels de la cha-
douleurs diverses, certains troubles tôt baroque, sans vive originalité. (Berwick), Culzean (Ayr), Lauder
pelle de Versailles, Sainte Adélaïde
neurovégétatifs, la névrose d’angoisse, castle (Berwick), etc. En 1773, il pu-
Les quatre fils de William Adam,
quittant saint Odilon, les deux grands
la psychasthénie, l’insomnie, l’agora- blia le premier volume d’un important
groupes en marbre la Chasse et la ROBERT, JAMES, JOHN et WILLIAM, ont
phobie, etc., sont traités avec succès recueil, Works in Architecture, où sont
constitué, dans la seconde moitié du
Pêche, que Louis XV offrit à Frédé-
dans un grand nombre de cas. gravés soit des ouvrages de l’agence
ric de Prusse, l’Enfant pincé par un siècle, une agence familiale d’archi-
W. B. familiale, soit des modèles proposés
homard (1750), la belle statue de la tecture qui a rendu leur nom illustre.
G. Soulié de Morant, Précis de la vraie aux décorateurs.
Poésie lyrique (1752). On a été trop ROBERT en a été l’âme ; on peut voir en
acuponcture chinoise (Mercure de France,
1935) ; l’Acuponcture chinoise (Mercure de sévère pour Adam l’Aîné, qui reste un JAMES (1730-1794) l’aide principal de
France, 1939-1941 ; nouv. éd. Maloine, 1972 ; son frère aîné, l’exécutant habile de ses Le style Adam
des artistes les mieux doués de sa géné-
2 vol.). / R. de La Fuÿe, Traité d’acupuncture
ration, plein de feu et d’imagination et idées ; John et William semblent s’être R. Adam est l’un des initiateurs du
(Le François, 1947 ; 2e éd., 1956, 2 vol.) ; l’Acu-
le meilleur représentant de la sculpture bornés à la gestion de la firme. mouvement néo-classique qui, sous le
puncture moderne pratique (Le François, 1952).
/ A. Chamfrault, Traité de médecine chinoise rocaille*. signe du retour aux formes de l’Anti-
(Coquemard, Angoulême, 1958, 2 vol.). / G. Oh-
Pour le grand groupe de Neptune La carrière quité, a marqué l’art européen dans la
sawa, l’Acupuncture et la médecine d’Extrême-
Orient (Vrin, 1969). / M. Guillaume et coll., calmant les flots, Lambert Sigisbert de Robert Adam seconde moitié du XVIIIe s. Cependant,
l’Acupuncture (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », s’était fait seconder par son frère cadet, (Kirkcaldy 1728 - le néo-classicisme n’explique pas tout
1975).
dans son oeuvre, où l’on rencontre aussi
NICOLAS SÉBASTIEN (Nancy 1705 - Paris Londres 1792)
1778), d’un tempérament très différent, bien des souvenirs baroques (le mobi-
En 1754, Robert quitta son pays natal lier de Kedleston, les faux rideaux en
peu acharné au travail et assez ins-
pour Rome. Il y travailla avec l’archi- bois sculpté de Harewood) que des
table : très bel artiste cependant, d’une
Adam (les) sensibilité beaucoup plus vive que son
tecte français Charles Louis Clérisseau essais en style néo-gothique (Lauder
(1722-1820), connut Piranèse*, qui lui castle) et qui porte en tout cas l’em-
frère, comme on le voit à l’hôtel Sou-
Famille de sculpteurs français du fit partager son culte de l’Antiquité preinte d’une forte personnalité.
bise à Paris. Il gardait des attaches avec
XVIIIe s. romaine, s’intéressa à la découverte
la Lorraine et exécuta pour le roi Sta- Les édifices de R. Adam dénotent
récente d’Herculanum et de Pompéi.
La dynastie des Adam commence nislas son chef-d’oeuvre, le tombeau de une réaction contre le « palladia-
Il se rendit en 1757 à Spalato (Split),
avec le père, JACOB SIGISBERT (Nancy la reine Catherine Opalinska, avec la nisme », doctrine quasi officielle de
sur la côte dalmate, pour y faire des
1670 - Paris 1747). Nancéien, il tra- figure pleine de grâce et d’envol d’un l’architecture anglaise depuis le début
relevés d’après les ruines du palais de
vailla surtout pour le duc de Lorraine. ange montrant le chemin du ciel à la du siècle. Lui reprochant sa sclérose
reine extasiée. Il mit un quart de siècle Dioclétien.
Le duché, à cette époque, était tourné académique, il a cherché le relief et
vers l’Italie et très perméable à l’art à exécuter son morceau de réception à Installé à Londres à partir de 1758, surtout le mouvement, au moyen de
baroque. L’artiste fut le professeur de l’Académie, un poignant Prométhée. R. Adam sut trouver sa clientèle dans contrastes de volumes. Cette ambition
ses trois fils, qui décidèrent de chercher Les deux frères furent les premiers l’aristocratie anglaise, qui le chargea paraît réalisée au moins à Kedleston.
hors de Lorraine un plus vaste champ à maîtres de leur neveu Clodion*. de bâtir maintes maisons de campagne Cependant, la postérité a surtout retenu
leur besoin d’activité. L’aîné, LAMBERT
La postérité a été cruelle pour le troi- ou de moderniser celles que le goût chez R. Adam l’oeuvre du décorateur.
SIGISBERT (Nancy 1700 - Paris 1759), fit sième fils, FRANÇOIS GASPARD (Nancy régnant voulait plus commodes et Il y reste pleinement architecte, en ce
la carrière la plus officielle : premier 1710 - Paris 1761), pourvu lui aussi plus gaies. À Harewood (Yorkshire), sens que tous les détails d’un même
prix de sculpture à l’Académie royale d’une solide formation à l’Académie il commença en 1759 des travaux édifice, et jusqu’au mobilier, relèvent
en 1723 ; long séjour à Rome à l’Aca- de Rome après avoir obtenu le 1er prix concernant surtout l’aménagement de sa conception : la première vertu du
démie de France ; académicien à Paris en 1741. On lui reproche d’avoir trop intérieur. À Kedleston (Derbyshire), style Adam est donc l’homogénéité ; il
en 1737, pensionné du roi. Il dut à son produit, comme son aîné, et des oeuvres il entreprit en 1760 la construction de répond aussi à des exigences de clarté,
inlassable puissance de travail, qui se de série. Il résida de nombreuses an- la façade méridionale et la décoration d’agrément, de confort. La variété est
doublait d’une grande facilité, d’être nées à Berlin comme premier sculpteur des salles. Aux portes de Londres, dans recherchée dans la disposition et la
un des artistes les plus employés par du roi de Prusse et laissa là nombre de le Middlesex, il remodela et embellit forme des pièces, qui, souvent, présen-
les Bâtiments du roi. Dès son séjour à statues mythologiques pour les parcs à partir de 1761 deux vastes demeures tent des absides précédées ou non d’un
Rome, il avait montré son goût pour royaux. Il y montre les mêmes quali- du XVIe s., Osterley et Syon house. portique formant écran (bibliothèques
un art véhément aux formes tourmen- tés que ses frères : élégance des formes Après 1766, il dirigea des travaux de de Kenwood et de Newby, hall d’Os-
tées, inspiré du Bernin*. Il fut employé parfois un peu gâtée par la manière, gros oeuvre et surtout de décoration à terley, salles à manger de Syon et de
par le pape à Rome, et son bas-relief style mouvementé et ondoyant, goût du Nostell priory (Yorkshire), à Kenwood Kedleston). Les boiseries sont élimi-

114
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

/ A. T. Bolton, The Architecture of Robert and


nées au profit des tentures murales et la gravure, à Tky. En 1958, une de chir sa vocation monastique le jour où
James Adam (Londres, 1922 ; 2 vol.).
surtout du marbre, du faux marbre et du ses tapisseries, Méridien, vient orner la « emmi les bois, lès une fontenelle »

stuc, ceux-ci supposant le concours de salle française de l’Unesco. il rencontra Maroie. Il l’épousa. Des

spécialistes italiens (Biagio Rebecca). Nommé en 1959 professeur de gra- conflits municipaux (peut-être une

Un rôle éminent revient à la polychro- vure, puis professeur-chef d’atelier de affaire de fraude fiscale, la disgrâce
Adam de ses protecteurs) l’obligèrent, vers
mie, faite de teintes claires et douces : sculpture monumentale à l’École na-

rose, mauve, jonquille, vert amande, (Henri Georges) tionale des beaux-arts, Adam se voit 1270, à quitter Arras pour Douai. Il

consacrer de nombreux reportages, adressa alors un Congé amer à sa ville


etc.
natale, « Arras, ville de chicane et de
Sculpteur et graveur français (Paris notamment dans la revue XXe Siècle et
La solennité n’est de mise que dans haine et de perfidie ». On sait encore
1904 - la Clarté, comm. de Perros-Gui- dans les Lettres françaises (1960).
certaines salles d’apparat, générale- qu’il suivit le comte d’Artois dans le
rec, 1967). En 1961, après avoir inauguré la
ment dallées de marbre, aux accents de royaume de Naples, lorsque, après le
Dès l’âge de quatorze ans, son père, sculpture Signal pour le musée du
grandeur romaine. À Kedleston, l’im- massacre des Vêpres siciliennes, ce
bijoutier-orfèvre rue du Temple, lui ap- Havre, oeuvre accompagnée de la ta-
posant hall d’entrée, avec sa double prince fut envoyé par le roi de France
prend à se servir des outils du graveur pisserie le Ciel et la mer, Adam reçoit
colonnade corinthienne, ses niches au secours de Charles d’Anjou, pour
et du ciseleur. Par sa mère, d’origine le Grand Prix international du Petit
qui Adam composa probablement un
peuplées de statues, ses peintures en malouine, l’enfant découvre pendant Bronze à Padoue (Italie). En 1962-1963
panégyrique conventionnel et inachevé
grisaille, et le salon en rotonde couvert les vacances l’Océan, un de ses futurs il réalise, pour le Grand Théâtre de Ge-
en alexandrins rimes (Chanson du roi
d’une coupole à caissons se succèdent sujets de prédilection. En 1925, Adam nève, les décors et costumes du ballet
de Sicile). Adam mourut sans avoir
selon l’axe principal, l’un et l’autre prend des cours de dessin, le soir, de Janine Charrat Tu auras nom... Tris-
atteint la cinquantaine et fut très tôt
éclairés par le haut. À Syon, le hall à Montparnasse. À partir de 1927, il tan. En octobre 1965, il exécute son
reconnu et célébré par ses concitoyens.
évoque une basilique ; dans la grande exécute des dessins satiriques et com- Mur de 35 m en blocs de marbre gravés
Le Jeu du Pèlerin, dû probablement au
mence une carrière de peintre-graveur et la sculpture la Feuille, pour le lycée
antichambre verte et or, des colonnes neveu d’Adam de la Halle, Jean Madot,
marquée par une tendance surréaliste, à de Chantilly.
adossées ou en saillie, portant des sta- et qui servit de prologue à la première
laquelle la générosité de son caractère
tues, alternent avec des trophées en Remontant aux sources de la créa- représentation à Arras du Jeu de Robin
donne un accent mordant.
relief. tion, Adam ressuscite les formes élé- et Marion, peu après la mort du poète,
Le Prix Blumenthal de gravure lui mentaires enfouies dans la mémoire vante les talents
Dans les autres pièces, une élégance
est décerné en 1938 ; les deux années de l’homme. Sous sa main, la pierre
nerveuse naît de l’interprétation libre de Maître Adam, le clerc d’honneur,
suivantes, Adam grave au burin une devient rocher travaillé par l’érosion,
des intérieurs pompéiens. L’essen- le gai, le large donneur
suite de planches inspirées par la signe des temps, auquel son art confère
qui était plein de toutes les vertus.
tiel est le décor de stuc qui revêt les guerre d’Espagne. Jean-Paul Sartre la magie secrète des monuments méga-
De tout le monde, il doit être plaint
parois et surtout les plafonds. Ceux-ci lui demande en 1943 de réaliser les lithiques. Sculpteur, graveur et lissier,
car il avait mainte belle grâce
sont d’une invention très personnelle, décors et les costumes pour sa pièce les il s’est plu à recueillir une lumière
et surtout, il savait faire de beaux dits ;
avec leur mouluration déterminant des Mouches ; à cette occasion, Adam exé- proche de celle de l’art cistercien, dont
et il était parfait pour chanter.
combinaisons de figures géométriques, cute deux grandes sculptures, Jupiter et il retrouve l’accent dans le camaïeu de
Apollon. Le Grand Gisant présenté au ses tapisseries. À deux reprises, Adam fit oeuvre de
parmi lesquelles, presque toujours, un
Salon de la Libération l’année suivante dramaturge : vers 1276, il composa une
motif en éventail. Ce décor est le plus H. N.
(1944) provoque de vives réactions Catalogues d’expositions : palais des
suite de scènes burlesques et féeriques,
souvent polychrome et sert d’encadre-
dans le public. Picasso prête au sculp- Beaux-Arts, Bruxelles (1962) ; cabinet des Es- le Jeu de la feuillée, ancêtre des « sot-
ment à des peintures, les unes faites tampes, Genève (1963) ; musée national d’Art
teur son atelier de la rue des Grands- ties » du XVe s. et des revues satiriques
par des collaborateurs d’Adam, Anto- moderne, Paris (1966) ; hôtel des Monnaies,
Augustins, où il travaillera sept ans. modernes ; vers 1282, il donna une
Paris (1968-1969).
nio Zucchi (1726-1795) ou son épouse
Membre fondateur du Salon de mai, transposition scénique de deux sortes
Angelika Kauffmann (1741-1807), les de chansons, la pastourelle et la berge-
où il expose en 1945, ainsi qu’au Salon
autres préexistantes. Il faut noter aussi rie, dans une manière d’opérette rus-
d’automne, Adam fait tisser en 1947,
les cheminées sculptées, les portes tique qui débute par le couplet célèbre
à Aubusson, sa première tapisserie, Adam le Bossu ou
dont les vantaux d’acajou mouluré Danaé, selon une technique de fil à fil « Robin m’aime, Robin m’a... » (Jeu de
s’ouvrent entre des colonnes, sous un noir et blanc, et illustre les Chimères Adam de la Halle Robin et Marion).

fronton. de Gérard de Nerval. Dans la paix du Si ces deux pièces forment, dans le
domaine de Boisgeloup, qui appartient Trouvère picard (Arras v. 1240 - répertoire français, la première mani-
Au reste, l’intervention des archi-
à Picasso, il prépare son exposition de Naples v. 1285). festation d’un théâtre profane, elles
tectes se lit dans les moindres détails.
la galerie Maeght (décembre 1949), « On m’appelle « Bochu », mès je témoignent cependant d’inspirations
Ainsi : les tapis, dont le dessin repro-
où se révélera sa maîtrise, et sculpte ne le sui mie... » : fils d’un petit bour- toutes différentes. Le Jeu de la feuillée
duit en gros celui des plafonds ; la
le Grand Nu du musée national d’Art geois d’Arras, Adam mena une vie porte dans tous les manuscrits le titre
garniture en acier poli des foyers de
moderne, oeuvre où se dessine le jeu pittoresque mais mal connue, dont le de Jeu d’Adam ; mais, pour éviter une
cheminées ; le luminaire ; les rideaux puissant des masses dans l’espace. déroulement n’est plus pour nous que confusion avec un célèbre drame litur-
et leurs dais ; les miroirs, occupant gé-
Participant à diverses exposi- celui de ses chansons. Sans fortune — gique, on a pris l’habitude de le nom-
néralement les panneaux à contre-jour son père n’était que commis à l’échevi- mer d’après la notation finale, explicit
tions à l’étranger, en particulier à la
et de dessin souvent complexe ; enfin nat, c’est-à-dire employé de mairie —, li jus de la fuellie, « fin du jeu de la
XXVe Biennale de Venise en 1950,
les meubles et sièges, créés avec le lauréat, en 1953, du Concours inter- il dut à la bienfaisance de deux frères feuillée ». La graphie picarde fuellie
concours de menuisiers ou d’ébénistes national organisé par l’Institute of (« Seigneur Bande et Seigneur Robert / pour fuelliée permet un jeu de son et de
de renom, tels George Hepplewhite Contempory Arts de Londres pour Le Normand ; ils m’ont dès l’enfance / sens entre le terme qui désigne l’abri de

(† 1786) ou Chippendale*. le monument du Prisonnier politique nourri et fait maint bien-fait ») d’entre- branchage qui protégeait les estrades

B. de M. inconnu, Adam obtient, en novembre prendre de solides études. Clerc « net arrageoises des fêtes de la Pentecôte et

« The Works in Architecture » of Robert and


de la même année, le prix de la gra- et soustieu », il semble avoir étudié de la Saint-Jean et celui qui désigne la
James Adam (Londres, 1773, 1779 et 1822 ; vure à la Biennale de São Paulo, puis, la grammaire et la philosophie en une folie, la démence. Le Jeu de la feuillée
3 vol. ; réédité en fac-similé, Londres, 1902). en 1957, le grand prix du Japon pour abbaye cistercienne, mais il sentit flé- mêle en effet le thème cher au Moyen

115
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

courtois dont il usait dans ses chan- exiguës : six à huit vers, répétitions
sons, Adam parvient ici au naturel le comprises. En voici un exemple :
plus exquis. On a parlé à ce sujet de
« premier opéra-comique » ! Il n’en
est rien. Sur les 780 vers, 72 seule-
ment sont pourvus de musique, répar-
tie en six mélodies complètes et dix
brefs emprunts (2 vers) à des timbres
Si séduisants qu’ils soient, il faut
connus. Il s’agit donc plus simplement
reconnaître que, sur le plan musical,
d’interventions musicales passagères,
l’invention est modeste, puisqu’un
mais fort heureuses, dans le cours de
rondeau ne comporte que deux frag-
cette pastourelle.
ments mélodiques A et B, comme
Si le Jeu de Robin et Marion a
l’indique le schéma, et que les répéti-
contribué plus que toute oeuvre à la
tions musicales sont plus nombreuses
réputation d’Adam, il faut bien recon-
encore que les répétitions poétiques.
naître qu’il n’a été jusqu’ici question
Quoi qu’il en soit, et de par leur qualité
que de veine mélodique, puisque nous et de par la descendance qu’ils ont sus-
n’avons parlé que de musique mono-
citée, « li rondels Adam » constituent
dique. Or, depuis la fin du XIIe s., on l’une des productions les plus origi-
pratiquait la polyphonie, et ce n’est nales de la dernière période de l’Ars
que dans ce domaine que l’on pouvait antiqua française.
parler de science musicale. Fait excep-
J. D. et B. G.
tionnel pour un simple trouvère, Adam, Ars antiqua / Courtoise (littérature) / Poésie et

peut-être au cours de ses études à Paris, poétique / Polyphonie / Théâtre / Troubadours et


trouvères.
avait pratiqué l’art des polyphonistes
« déchanteurs ». Comme eux, il sait H. Guy, le Trouvère Adan de le Hale. Essai

sur sa vie et ses oeuvres littéraires (Hachette,


écrire dans le genre fort savant du
1898). / Adam de la Halle, Rondeaux, transcrits
motet profane à trois voix sur textes par J. Chailley (Rouart-Lerolle, 1942). / J. Chail-

multiples. Onze motets d’Adam ont ley, Histoire musicale du Moyen Âge (P. U. F.,

1950). / M. Ungureanu, la Bourgeoisie nais-


été à ce jour identifiés. Motets de qua-
sante. Société et littérature bourgeoises d’Arras
lité et certainement appréciés, puisque aux XIIe et XIIIe siècles (Imprimerie centrale de

plusieurs figurent dans la plus remar- l’Artois, Arras, 1955). / A. Adler et A. Arbor, Sens
et composition du « Jeu de la feuillée » (Ann
quable somme de textes de ce genre,
Arbor, Michigan, 1956). / P. Zumthor, Langue
le manuscrit de Montpellier. Certains et techniques poétiques à l’époque romane

présentent de surcroît la particularité (Klincksieck, 1963). / N. R. Cartier, « le Bossu »

désenchanté. Étude sur le « Jeu de la feuillée »


d’emprunter quelques éléments à des
(Droz, 1971).
oeuvres préexistantes, comme le nu-
méro 269 du manuscrit de Montpellier,
écrit sur la teneur

Hé ! Resvelle-toi Robin
Adamov (Arthur)
On demande mout souvent qu’est Amours Car on enmaine Marot (bis) !,
Âge de la déraison humaine à une ré-
Dont mains hom est du respondre abaubis, ou encore le numéro 271 du même manus-
ception des fées Morgue, Maglore et Auteur dramatique français (Kislo-
Arsile (thème également traditionnel Mais ki a droit sent les douces doulours, crit, où la voix médiane reprend la voix
vodsk, Caucase, 1908 - Paris 1970).
de l’enchantement) par le bon peuple Par soi meisme en puet estre garnis correspondante du rondeau à3 :
Avant d’être un auteur, Adamov
d’Arras, mais surtout à une satire impi- Ou pas n’aime, ce m’est vis ! Fi, mari, de vostre amour !
fut une conscience dramatique. Un
Quar j’ai ami.
toyable de la société patricienne et du Voici, annoncé par cette première homme de vérité et d’inquiétude qui
clergé. Au contraire, le Jeu de Robin demi-strophe, le sujet que traitera Auprès des maîtres déchanteurs, posait sur le monde et sur lui-même un
et Marion peint les tentatives de sé- Adam en quelque cinquante vers. La Adam s’est aussi exercé dans l’art du regard sans complaisance. De son en-
duction d’un beau chevalier à l’égard musique ? Agréable sans plus, on serait conductus (ou conduit) polyphonique, fance, il garda quelques images vives,
d’une bergère sur le rythme des danses tenté de la considérer parfois comme dans lequel plusieurs voix sur un étranges : la petite ville d’eau du Cau-
champêtres et dans l’esprit des diver- un simple support pour faciliter l’exé- rythme identique chantent les mêmes case, où sa famille, fuyant le choléra
tissements de cour. cution, puisque la même mélodie sert paroles. Nous ne savons pas s’il en a qui ravageait Bakou, était venue s’ins-
Adam unissait à son talent de poète pour les cinq strophes. Et ce ne sont écrit. Mais nous savons qu’il a utilisé taller et où il est né ; ses grands-parents
celui de musicien. Ce n’était point pas les quelques trouvailles mélo- pour le genre jusque-là monodique du arméniens recueillant des compatriotes
là situation d’exception : jusqu’au diques, au demeurant assez rares, qui rondeau le mode de composition du misérables échappés aux massacres des
XIVe s. — Guillaume de Machaut en eussent suffi à faire émerger Adam de conductus. Idée heureuse s’il en fut, Kurdes ; ses parents, riches proprié-
sera le dernier exemple — auteur du la masse de ses rivaux. car, d’une part, ses seize rondeaux taires de puits de pétrole, observant à la
poème et auteur de la mélodie ne font Le trait de génie (à notre connais- restent son plus beau titre de gloire jumelle l’incendie d’un derrick en riant
qu’un. Nous lui devons 36 chansons à sance, il n’y a pas de précédent), ce sur le plan musical, et, d’autre part, ils aux éclats. La guerre de 1914 surprend
une voix et 16 partures ou jeux-partis. fut d’avoir l’idée d’allier le théâtre et ont tracé la voie aux compositeurs des Adamov en vacances en Forêt-Noire.
Les thèmes poétiques en sont peu ori- la chanson dans la pastourelle du Jeu siècles suivants : les rondeaux tiennent La guerre et la révolution russe. Ses pa-
ginaux ; Adam y disserte de manière de Robin et Marion. Abandonnant en effet une grande place dans les rents ne rentreront pas à Bakou : grâce
souvent fort abstraite sur le sentiment pour ce jeu rustique et familier toute oeuvres de Machaut, Dufay, Binchois, à l’intervention du roi de Wurtemberg,
d’amour : recherche de ce prétendu raffinement etc. Ceux d’Adam sont de dimensions ils pourront gagner la Suisse. Adamov

116
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

entreprend des études à Genève, puis didactique (le Printemps 71, 1963 ; une notion de convenance. Son étude tions s’efforcent de lutter afin de main-
au lycée français de Mayence : « Le la Politique des restes, 1963 ; M. le revient à constater les réponses fonc- tenir un équilibre compatible avec la
premier livre que j’ai lu, c’était Eugé- Modéré, 1968) sans qu’il paraisse tionnelles de l’être vivant aux condi- vie. Mais l’adaptation intervient plus
nie Grandet. Dans le texte. Et sans rien croire que de la parabole puisse naître tions des milieux qu’il habite. Ces intensément lorsqu’un individu quitte
comprendre. » Pour vivre, ses parents une formule d’action pratique. Ces réponses, ces réactions intéressent la ses conditions de vie habituelles pour
vendent leurs bijoux. Puis c’est la mi- fresques historiques et pamphlétaires totalité de l’organisme et entraînent des s’établir dans un milieu différent. Un
sère et le surréalisme : une vive amitié sont coupées d’interludes que, même corrélations variées entre les diverses Européen s’installe dans une région
pour Éluard, une répulsion à l’égard dans l’évocation de la Commune de structures et leur fonctionnement. tropicale : il s’adapte plus ou moins
de Breton et quelques poèmes publiés Paris, Adamov appelle des guignols, On dit qu’un Européen s’est adapté rapidement à sa nouvelle vie et sup-
dans les Cahiers du Sud. Adamov verra ne pouvant séparer le réalisme épique porte plus ou moins bien les conditions
au climat tropical, que le Crabe chinois
longtemps dans le surréalisme un désir de l’allégorie burlesque. « Tout ce qui nouvelles du climat tropical. Il s’est
s’est adapté aux eaux douces d’une
confus de synthèse entre le marxisme ne relie pas l’homme à ses propres accommodé ou accoutumé.
grande partie de l’Europe, que la Ba-
et la psychanalyse. Aliénation et an- fantômes, mais aussi, mais encore à
leine est adaptée à la vie aquatique. Ces L’accommodation nécessite des
goisse, c’est là son univers à la veille d’autres hommes, et, partant, à leurs trois exemples d’adaptation laissent modifications morphologiques, phy-
de la Seconde Guerre mondiale : il fantômes, et cela dans une époque don-
pressentir des différences ; en effet, siologiques, hormonales qui sont des
traduit le Livre de la pauvreté et de née et, elle, non fantomatique, n’a pas le terme général d’adaptation englobe accommodats, ou somations. L’indi-
la mort de Rilke, qui paraît à Alger. le moindre intérêt, ni philosophique, ni plusieurs phénomènes : l’adaptation vidu subit ces modifications sans y par-
Il est interné au camp d’Argelès, puis artistique », écrit-il dans Ici et mainte- individuelle, ou accommodation ; ticiper volontairement. Les difficultés
à Rivesaltes et à Collioure, où il écrit nant (1964). Mais unissant l’analyse l’adaptation spécifique, ou naturali- à vivre dans de nouvelles conditions
l’Aveu (publié en 1946), qu’il reniera, historique à l’anecdote tragique ou sation ; l’adaptation éthologique ou révèlent l’insuffisance des adaptations,
n’y voyant plus qu’une confession grotesque, Adamov demande moins au adaptation statistique. qui peut entraîner la mort.
d’obsessions sexuelles et religieuses, public la reconnaissance d’une idéolo-
mais qu’il reprendra sous le titre Je, gie positive que la « désolidarisation Les accommodats, ou réactions ap-

Ils... en 1969. Il a désormais pris ce d’un spectacle négatif ». Il ne cessa, Lucien Cuénot propriées de l’individu, sont variés ;

masque tantôt hiératique, tantôt trem- cependant, de confronter son expé- Biologiste français (Paris 1866 - Nancy alors que le froid stimule la pousse des

blant, « les yeux tournés vers l’âme » : rience aux sensibilités dramatiques 1951), le pionnier de la génétique en poils chez les Mammifères, la chaleur
France. Après de brillantes études à la l’inhibe ; les Chèvres lainières des
« une statue de l’île de Pâques ». étrangères, adaptant la Mort de Dan-
faculté des sciences de Paris — il est doc-
Lorsque la Libération arrive, toutes ton de Büchner, Edouard II de Mar- hauts plateaux d’Asie transportées dans
teur ès sciences naturelles à vingt et un ans
les issues pour lui sont fermées : son lowe, les Petits Bourgeois de Gorki, un climat plus doux perdent leur toi-
—, sa carrière (1890-1937) se déroule à la
écriture ne peut plus être que drama- les Âmes mortes de Gogol. Il revenait son, et leur peau s’épaissit. Il est bien
faculté des sciences de Nancy, où il est pro-
tique. Expression de l’effroyable soli- sans cesse sur sa fascination du monde fesseur titulaire de la chaire de zoologie connu que la vie à des altitudes élevées
tude humaine, son théâtre est d’abord clos et déchiré (Off Limits, 1968), sur dès 1898. Zoologiste de grande classe, il provoque une série de modifications
un théâtre de la séparation (la Grande ses excès, ses incertitudes, ses contra- est le contraire du spécialiste et étudie de en rapport avec la faible pression de
nombreux groupes. Il prouve, le premier,
et la Petite Manoeuvre, 1950 ; l’Inva- dictions (l’Homme et l’enfant, 1968) diffusion de l’oxygène alvéolaire ; à
que les lois de Mendel sont applicables
sion, 1950 ; la Parodie, 1952) : dans un auxquelles il ne parvint à échapper que l’accroissement quantitatif des héma-
aux animaux ; il découvre que « l’albinisme
temps et un espace indéterminés, des par la mort. Au coeur de ce théâtre de ties transporteuses d’oxygène s’ajoute
est un masque » cachant des différences
personnages sans épaisseur se livrent lucidité politique gît une douloureuse une accélération de la circulation. Les
génétiques de coloration ; il découvre les
à des occupations indéfinies. En proie exigence d’hygiène morale. caractères létaux (1905) ; le fait est exact, insuffisances respiratoires corrélatives
à des passions dérisoires, usant d’une J. D. mais son hypothèse explicative est erro- de l’emphysème entraînent également
langue réduite aux lieux communs, ils née. L’évolution et les problèmes qu’elle
Théâtre. une hyperglobulie chez les emphysé-
pose, adaptation et spéciation, retiennent
ne se délivrent de la persécution qu’en mateux.
son attention. Tentant d’expliquer l’har-
persécutant eux-mêmes. Mais peu à
monie entre la forme et le milieu, il pro- L’organisme réagit au froid en ré-
peu, dans cette terreur allégorique, où
pose la théorie de la préadaptation. « Mu- duisant la perte de chaleur (constriction
l’on découvre l’influence de Strindberg
Adams (Samuel, tationniste insatisfait », il refuse d’admettre des vaisseaux périphériques, érection
et de Dostoïevski, l’homme retrouve que le hasard des mutations triées par la
des poils ou des plumes) et en augmen-
le sens du monde réel : avec le Profes- John et John sélection naturelle puisse aboutir à l’édifi-
tant la production de chaleur (sécrétion
seur Taranne (1953), « c’était la pre- cation d’organes complexes. Il s’intéresse
Quincy) aux coaptations et aux outils animaux et d’adrénaline, frisson, etc.).
mière fois, écrit Adamov, que je sortais
végétaux, qui, par leur morphologie et Un accroissement de lumière et de
du no man’s land pseudo-poétique et
ÉTATS-UNIS. leur fonctionnement, rappellent les outils
osais appeler les choses par leur nom ». rayons ultraviolets détermine une pig-
industriels ; il y voit une intention, une in-
Surtout en faisant se heurter dans un mentation de la peau, créant ainsi un
vention, un anti-hasard. Cette faculté arti-
même personnage, et non plus dans des écran protecteur. Au fur et à mesure
sane le conduit à un néo-finalisme épuré

couples antagonistes, l’affirmation de n’ayant aucun rapport avec un providenti- que l’on s’éloigne de l’équateur, les

soi et le doute de son identité, Adamov adaptation alisme désuet. peaux deviennent plus claires ; il est

montre qu’il a dominé sa névrose et alors possible de profiter au mieux de

que le drame personnel s’inscrit désor- Ajustement de l’organisme à toutes l’ensoleillement, qui diminue progres-

mais dans une contestation passionnée les conditions du milieu qui assure la Adaptation individuelle sivement.
des entreprises humaines. Le cliquetis pérennité de cet organisme. L’adaptation individuelle se mani- La présence de toxines micro-
obsédant des machines à sous (le Ping- C’est presque un truisme d’affirmer feste dans des conditions variées. Le biennes antigéniques dans l’organisme
Pong, 1955) indique que les situations milieu, dans son ensemble, présente détermine l’élaboration d’anticorps ca-
qu’un animal ou une plante qui vit et se
déshumanisantes du monde actuel ne reproduit est adapté aux conditions de une certaine stabilité, encore que des pables de les détruire. Et l’on pourrait
sont plus données mais vécues comme son biotope et aux multiples exigences différences sensibles existent entre les multiplier les exemples. Le frottement
absurdes (Paolo Paoli, 1957). suscite la formation d’une callosité ou
imposées par la lutte continuelle, ca- basses températures d’un hiver rigou-
L’esthétique brechtienne marque ractéristique de toute vie. L’adaptation reux et les températures élevées d’un d’un durillon ; à une blessure succè-
alors la technique d’Adamov, qui se définit donc par rapport à quelque été particulièrement torride. Chaque dent une coagulation hémostatique et
donne à son oeuvre un aspect plus chose ; elle comporte essentiellement organisme réagit, et ses diverses fonc- une cicatrisation ; l’ablation d’un rein

117
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

entraîne l’hypertrophie de l’autre (hy- vidu, l’adaptation spécifique intéresse le long des côtes, dans les rivières et les Coloration adaptative
pertrophie compensatrice)... tous les individus appartenant à une collections d’eau douce. Introduit acci- Il est nécessaire que les espèces se
Les végétaux, réagissant rapide- même espèce qui vit et se reproduit dentellement dans l’Elbe ou la Weser défendent contre des ennemis variés ;
ment aux actions du milieu, montrent dans des conditions spéciales plus ou (1912), il s’est propagé dans les fleuves les colorations adaptatives, parmi bien
une gamme variée d’accommodats. Il moins différentes des conditions nor- et le long des côtes du Danemark, de la d’autres moyens de défense, assurent
suffira de rappeler les expériences pra- males. L’espèce est alors acclimatée à mer Baltique, de la Suède, du golfe de une protection plus ou moins efficace.
tiquées sur des plantes vivaces plan- un nouvel environnement. Des animaux s’éclaircissent ou s’as-
Finlande ; il est actuellement aux Pays-
tées soit en montagne, soit en plaine. Bas, en Belgique, en Angleterre et en sombrissent selon qu’ils se trouvent
Ces plantes présentent des aspects fort Acclimatation dans des lieux lumineux ou sombres ;
France. Le trop célèbre Doryphore
différents : la plante d’altitude montre Souvent l’homme participe grandement cette homophanie s’observe chez des
(Leptinotarsa decemlineata), décou-
un raccourcissement important des à l’acclimatation des espèces végétales Poissons, les Amphibiens, les Lézards,
vert au Colorado (1814), a successi-
tiges, et les feuilles sont disposées en ou animales ; il les protège et favorise les Crustacés. D’autres espèces modi-
vement envahi toute l’Amérique, puis
rosette ; les graines de l’accommodat leur maintien. Les jardins hébergent de fient leurs couleurs et les mettent en
l’Europe à partir de Bordeaux, où il a
alpin semées en plaine engendrent nombreuses plantes exotiques, alpines quasi-identité avec la couleur du mi-
été introduit accidentellement avec des
d’emblée des plantes identiques à la ou maritimes. Parfois ces plantes, bien lieu ; des Insectes variés sont homo-
marchandises (1919). Importé en Aus-
forme de plaine. Les modifications du adaptées au point de vue végétatif, chromes avec le sol ou les supports sur
tralie (1870), le Lapin s’est rapidement
phénotype (de l’aspect de la plante) prospèrent, mais se reproduisent mal lesquels ils vivent. Certains animaux
naturalisé et a pullulé. Le Poisson-Chat
intéressent uniquement les caractères ou pas du tout ; les conditions ne per- (Lézards, Poissons plats, Céphalo-
d’Amérique (Ameiurus nebulosus),
somatiques ; la structure héréditaire, le mettent pas la floraison, et si celle-ci, podes, Crustacés, Insectes) manifestent
génotype, ne subit aucun changement. bien établi dans certains lacs, étangs et une homochromie changeante, c’est-
cependant, s’effectue, les graines n’ar-
rivent pas à maturité. Des conditions fleuves français, détruit la faune pisci- à-dire que leur coloration s’harmonise
Ces adaptations nombreuses et va-
climatiques particulièrement sévères cole indigène. avec celle du support et copie plus
riées protègent les organismes contre
tous les changements des conditions provoquent la disparition de certaines On pourrait encore citer l’introduc- ou moins fidèlement les variations de

de l’environnement ; elles représentent espèces qui paraissent bien acclima- tion de plantes variées : le Robinier celle-ci. Ainsi, le Caméléon passe du

des cas particuliers d’un phénomène tées. La rigueur de l’hiver de 1879-80 verdâtre au brunâtre ; une Sole placée
d’Amérique du Nord, le Marronnier
général, l’adaptation régulatrice, ou a tué beaucoup d’espèces exotiques sur un damier noir et blanc s’efforce de
d’Inde, les Champignons (Oïdium,
homéostasie de W. B. Cannon ; le considérées comme acclimatées depuis reproduire les cases noires et blanches.
Mildew) d’origine américaine, para-
milieu interne offre une constance liée plus d’un siècle. Ces colorations adaptatives ré-
sites de la Vigne, Elodea du Canada,
tout autant aux matériaux qu’au fonc- L’acclimatation des animaux domes- sultent du jeu de cellules pigmentées
qui entrave la circulation fluviatile...
tionnement des organes. Toute per- tiques ou des animaux élevés dans les ou chromatophores qui se dilatent
Ces divers exemples montrent que
turbation externe ou interne provoque parcs zoologiques requiert un accord ou se contractent. Des expériences,
les naturalisations ne sont pas toujours
des réactions homéostatiques tendant à entre l’époque de la reproduction et le assez difficiles à faire correctement,
rétablir l’équilibre normal. Ce pouvoir bénéfiques. L’intervention humaine,
rythme des saisons. montrent que l’homophanie et l’homo-
régulateur diminue avec la vieillesse. indirecte et involontaire, favorise chromie exercent une action protec-
L’intervention humaine se manifeste
souvent la dissémination des espèces, trice vis-à-vis des prédateurs ; les ani-
Dans leur grande majorité, les réac- fréquemment lors de l’acclimatation
qui profitent parfois des transports maux homophanes ou homochromes
tions adaptatives et régulatrices sont des plantes ou des animaux ; mais, par-
efficaces ; mais parfois elles peuvent humains (coques de bateaux, marchan- sont en général mangés dans une plus
fois, plantes ou animaux conquièrent
être indifférentes ou gênantes. Ainsi, dises variées, avions, etc.). faible proportion que les animaux bien
de nouveaux biotopes, s’adaptent à
l’amputation d’un organe provoque la Les espèces se naturalisent d’autant apparents ; cependant, un certain pour-
leurs conditions et font partie de la
formation à la même place d’un autre centage d’animaux homochromes sont
flore ou de la faune sauvages. L’espèce plus facilement qu’elles supportent
organe inutile. C’est le phénomène dévorés, la protection efficace n’étant
est alors naturalisée. aisément les variations de la tempéra-
d’hétéromorphose : une antennule pas absolue.
ture, de la salinité, de l’alcalinité, de la
remplace la tige oculaire d’un Crustacé Naturalisation profondeur de l’eau, de la nourriture,
ou une petite patte remplace l’antenne Adaptation éthologique
Certains exemples de naturalisation etc. ; elles sont eury- (du gr. eurus,
d’un Phasme.
sont classiques ; les déplacements des large), eurythermes, euryhalines, eu- En rapport avec un mode de vie par-
À cette adaptation individuelle, espèces sont suivis dans le temps et ryioniques, eurybathes, euryphages, et ticulier, elle s’observe chez les ani-
ou adaptation régulatrice, se rattache dans l’espace. s’opposent aux sténo- (du gr. stenos, maux ou les plantes menant une vie
le syndrome général d’adaptation de
Originaire des eaux saumâtres du étroit), sténothermes, sténohalines, sté- identique. Ainsi, les faunes et les flores
Hans Selye. Ce syndrome correspond
bassin ponto-arabo-caspien au Plio- noïoniques, sténobathes, sténophages. aquatiques, désertiques, cavernicoles,
aux diverses réactions d’un organisme
cène, le Mollusque bivalve Dreissen- récifales, les animaux fouisseurs,
soumis à l’action prolongée d’une Les populations humaines vivant
sia polymorpha a envahi au XVIIIe s. la arboricoles, les plantes halophytes,
agression quelconque (stress). Trois sous des climats extrêmes (déserts,
Volga ; adaptée à l’eau douce, l’espèce grimpantes possèdent un ensemble de
phases se manifestent successivement : haute altitude) présentent des adap-
s’est propagée, par l’intermédiaire des caractères communs qui leur confèrent
une réaction d’alarme suscitée par un tations en rapport avec les conditions
fleuves et des canaux, en Allemagne, un aspect typique permettant de devi-
stimulus agressif, un état de résistance exceptionnelles du milieu. Les méta-
en Angleterre, aux Pays-Bas et en ner leur mode de vie avec un pourcen-
comportant une adaptation au stimu- bolismes hydrominéral et protidique
France. Elle est actuellement abon- tage d’erreur assez faible.
lus et enfin un état d’épuisement si la des populations sahariennes leur per-
dante dans les canaux. Le Mollusque La palmure, la queue aplatie trans-
réaction adaptative durable se montre mettent de vivre dans ces conditions
Gastropode Lithoglyphus naticoides, versalement, l’ondulation du corps
impossible. À chacune de ces phases arides et assurent une meilleure ther-
connu des bassins du Danube, du sont fréquentes chez les animaux aqua-
correspondent des modifications phy- morégulation. Les adaptations respi-
Dniepr et de l’Europe sud-orientale, tiques. Les tiges aquatiques, épaisses
siologiques et métaboliques.
a suivi une migration analogue, mais ratoires sont particulièrement bien et molles, possèdent une écorce percée
moins rapide. Il est signalé en Alle- développées dans les populations des de lacunes remplies d’air et des tis-
Adaptation spécifique altitudes élevées. Le rapport entre la
magne, aux Pays-Bas, en Belgique et sus de soutien faiblement développés.
Alors que l’adaptation individuelle, de en France. Le Crabe chinois Eriocheir masse des hématies et le volume total Une réduction des surfaces d’évapora-
durée souvent courte, affecte un indi- sinensis, originaire de Chine, se trouve du sang croît avec l’altitude. tion et des tiges succulentes riches en

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

parenchyme aquifère caractérisent les Ces diverses adaptations corrélatives maux terrestres comme les Lézards capable d’assurer cette réduction ;
plantes xérophytes (capables de vivre à un certain mode de vie se présentent Palmatogecko rangei d’Afrique et Pty- ainsi, la méthémoglobine représente
dans des régions sèches). Une Taupe donc avec une fréquence généralement chozoon kuhli de la région malaise. Le une réserve d’hémoglobine érythro-
(Insectivore), le Notorycte (Marsupial), élevée chez les êtres vivants fréquen- premier vit dans le sable et utilise ses cytaire en hyperoxydation, mais pou-

la Courtilière (Insecte), trois animaux tant un même milieu ou ayant un mode pattes palmées pour creuser le sable, vant être libérée aisément selon les

éloignés phylogéniquement, mènent le de vie comparable. C’est pourquoi alors que, chez le second, elles parti- besoins par des enzymes adéquates.

même mode de vie ; ce sont des fouis- Lucien Cuénot a qualifié les adapta- cipent à l’exubérance cutanée du corps, Cette spécialisation est beaucoup plus

seurs, porteurs de pattes modifiées en tions éthologiques d’adaptations sta- qui assure le camouflage du Lézard. développée chez les Aymaras que chez

une sorte de pelle leur permettant de tistiques. les autres indigènes du Corridor inte-
Spécialisation randin, les Andides, ou Quechuas. Ces
creuser la terre et de la rejeter. L’al-
La palmure La présence, dans un organisme, d’un Altiplanides sont donc plus rigoureu-
longement démesuré des pattes ou des
plus ou moins grand nombre d’adap- sement adaptés à la vie à ces hautes
antennes, l’absence de pigment, la ré- Prenons l’exemple de la palmure, bien
altitudes.
duction ou l’absence des yeux caracté- étudiée par Cuénot. Celle-ci existe chez tations statistiques témoigne de la

risent les cavernicoles. Les arboricoles la grande majorité des animaux aqua- qualité de son adaptation au milieu. Une expérience naturelle prouve que

possèdent des dispositifs propres à tiques, mais avec des degrés variables Considérons une série de Mammifères, les ultraspécialisations rendent plus

l’accrochage (queue préhensile garnie d’extension. La patte de Poule présente le Surmulot, le Rat d’eau, la Loutre, difficile une adaptation à un nouveau

ou non d’un pavage écailleux, doigts un rudiment de palmure disposé à la le Phoque et la Baleine, plus ou moins milieu. L’Altiplano bolivien étant ac-

base des doigts ; chez le Foulque, les bien adaptés à la vie aquatique et mon- tuellement surpeuplé, le déplacement
opposés, griffes, pelotes adhésives)
doigts sont bordés de festons de peau ; trant des paliers d’adaptation de plus de quelques populations d’Altiplanides
ou au saut (parachute, patagium). Les
la patte de l’Oie a une large palmure en plus complexes. Le Surmulot, Ron- et d’Andides vers les basses terres,
plantes grimpantes s’enroulent autour
entre trois doigts, alors que la palmure geur terrestre, fréquente les lieux hu- peu peuplées, a été tenté. Ces basses
d’un support ; d’autres sont munies
du Cormoran enserre les quatre doigts. mides (égouts, ports) et peut traverser terres, région de savanes et de forêts
de crochets irritables (Artabotrys), de
une rivière à la nage. Le Rat d’eau, bon au climat équatorial, constituent un
vrilles, parfois ramifiées et se termi- D’un inventaire portant sur
nageur, vil aux bords des eaux, où il se milieu nouveau aux conditions fort dif-
nant par des pelotes adhésives (Vigne 113 genres d’Oiseaux d’eau, de rivage
nourrit de Poissons et de Grenouilles. férentes. Les deux types de population
vierge). Les gros yeux disposés à et de marais, il ressort que 36 genres
La Loutre, excellente nageuse et plon- réagissent différemment ; dans l’en-
fleur de tête sur une face assez plate possèdent des pattes non palmées,
geuse, possède des pattes palmées. Le semble, les Andides s’adaptent mieux
s’observent avec une grande fréquence 7 genres de très petites palmures entre
Phoque, avec son corps fusiforme et aux nouvelles conditions et montrent
chez les animaux nocturnes : Phalanger deux ou trois doigts, 62 genres des
ses palettes natatoires, habite toujours une plus grande résistance aux agres-
(Marsupial d’Australie), Galago (Lé- pattes totalement palmées, 4 genres
la mer, sauf au moment de la reproduc- sions parasitaires, virales, bactériennes,
murien d’Amérique), Effraie (Oiseau). des pattes avec festons et 4 genres des
tion. La Baleine, rigoureusement in- fréquentes dans les basses terres et
pattes avec des palmures développées
La nature du régime conditionne la féodée à la pleine mer, est dotée de di- inconnues dans l’Altiplano. Le taux
à moitié. Au total 43 genres manquent
morphologie de la denture, la confor- verses adaptations morphologiques et des gammaglobulines qui participent
d’une vraie palmure et 70 genres en
mation du tube digestif, la quantité des physiologiques. À chaque plongée, son aux réactions de défense immunitaires
sont dotés. La corrélation entre la vie
sucs digestifs et la nature des enzymes air pulmonaire se renouvelle presque s’est notablement accru chez les An-
aquatique et la présence de palmure est
digestives. Tous les herbivores ont un totalement (90 p. 100), alors que, chez dides installés dans les basses terres ;
apparente ; elle est encore plus nette
intestin beaucoup plus long que les l’Homme, le renouvellement ne porte il est voisin du taux des gammaglo-
si l’on précise le comportement des
carnivores. Une alimentation particu- que sur 15 à 20 p. 100 du volume. Le bulines des populations vivant dans
Oiseaux sans palmures et des Oiseaux
lièrement riche en viande nécessite des centre respiratoire des Mammifères la forêt amazonienne. Mais, chez les
palmés. Les premiers vivent surtout sur
enzymes différentes de celles qui sont plongeurs est peu sensible à l’augmen- Altiplanides, ce taux n’a pas changé ;
les rivages, les plaines humides, alors
requises par une alimentation compo- tation de la teneur en gaz carbonique. inféodés au Corridor interandin, les
que les seconds, excellents nageurs,
La Baleine, hautement spécialisée, est Altiplanides, étroitement spécialisés,
sée essentiellement d’hydrates de car- mènent vraiment une vie aquatique.
incapable de vivre hors de la mer ; les sont incapables de s’adapter aux nou-
bone. La palmure n’est pas indispensable à
adaptations très poussées limitent les velles conditions de vie. Tout se passe
L’équipement enzymatique des In- la vie aquatique, mais elle assure une
possibilités de l’organisme. comme si les ultraspécialisations ren-
sectes carnivores comprend surtout des nage plus rapide, plus efficace. Les
daient difficile, voire impossible, la
Les populations du Corridor inte-
protéases, alors que celui des Insectes hommes-grenouilles et les fervents de
mise en jeu d’adaptations différentes ;
randin, ou Altiplano bolivien, consti-
granivores est particulièrement riche la chasse sous-marine le savent bien,
tuent un excellent exemple de la limi- les potentialités de la faculté adaptative
en amylase. La métamorphose de la puisqu’ils utilisent de larges palettes
semblent alors grandement réduites.
tation des possibilités des organismes
chenille en Papillon s’accompagne natatoires.
étroitement adaptés à un milieu très L’Homme se maintient dans beau-
d’un changement enzymatique corré- Les Mammifères aquatiques bons
caractérisé. Ce corridor héberge deux coup de milieux, où il supporte des
latif du changement de régime ; la che- nageurs (Castor, Ragondin de l’Amé-
groupes, les Altiplanides, ou Ayma- conditions variées ; de multiples adap-
nille élabore plusieurs enzymes, et le rique du Sud, Desman d’Eurasie,
ras, et les Andides, ou Quechuas, qui tations le lui permettent, mais aucune
Papillon, qui se nourrit exclusivement Loutre, Phoque) possèdent aussi une
ont fait l’objet de recherches récentes n’assure l’accomplissement de perfor-
de nectar, ne fabrique plus qu’une in- palmure. La queue aplatie transver-
(J. Ruffié). Ces populations sont rigou- mances. L’Homme court moins bien
vertase. Les Teignes des laines, les An- salement apparaît parfois comme une
reusement adaptées à la vie en altitude que le cheval ; il nage moins bien que
thrènes et tous les Insectes qui mangent suppléance de la palmure (Potamogale, très élevée. Le taux moyen de l’héma- le Phoque ; il voit moins bien qu’un
des poils, des cornes, des plumes sont Lézards semi-aquatiques).
tocrite (rapport entre la masse des hé- Oiseau ; il entend moins bien que beau-
capables de digérer les kératines, pro- Mais il ne faudrait pas généraliser ; maties et le volume total du sang) croît coup d’animaux ; son odorat est moins
téines possédant une liaison disulfure ces adaptations peuvent manquer à des avec l’altitude ; il est de 50 p. 100 à sensible que celui du Chien ; sa main,
et insensibles à l’action des protéases, organismes vivant dans le même milieu 3 700 m ; il passe à 52 p. 100 à 4 200 m fort adroite, n’est pas spécialisée. En
enzymes spécifiques des protéines. ou elles peuvent exister chez des orga- et à 56 p. 100 à 4 500 m. Un taux élevé somme, des adaptations, peu spéciali-
Ces Insectes élaborent une substance nismes ayant un mode de vie différent. de méthémoglobine est fréquent chez sées, lui permettent de vivre partout,
réductrice encore mal connue, qui Des Oiseaux assez bons nageurs sont les Aymaras, qui la réduisent avec une plus ou moins bien. L’Homme supplée
transforme la kératine en un nouveau dépourvus de pattes palmées, alors facilité particulière ; cette faculté laisse aux insuffisances par des inventions
produit sensible à la protéase. qu’elles sont présentes chez des ani- pressentir un équipement enzymatique d’outils et de machines qui se com-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

portent alors comme des adaptations sectes, grandes canines des Babirussa les trois premiers doigts forment des ou à empêcher leur chute sur le fond
extérieures, lui assurant une efficacité recourbées au-dessus de la tête, pattes griffes d’accrochage ; le cinquième (parachute des Méduses, aspérités sur
supérieure à celle qui est notée chez les démesurément longues des Tipules, doigt manque. L’aile de l’Oiseau com- les Crustacés).
autres êtres vivants. antennes excessives des Coléoptères prend des plumes, les rémiges, insé- Les pattes ravisseuses se retrouvent
longicornes, pédoncules oculaires exa- rées sur les doigts, les métacarpiens, chez les Insectes (Mante religieuse,
Absence de spécialisation gérés du Crabe Uca, du Requin-Mar- le carpe, le cubitus et l’humérus ; la Nèpe, Ranatre, des Diptères) et les
teau, bec énorme du Toucan, etc. surface portante est ainsi fort déve-
Certains animaux pratiquent même Crustacés (Stomatopodes, Amphi-
un mode de vie déterminé sans que Parallèlement aux organes hyper- loppée. L’aile à nervures en éventail podes) qui se nourrissent de proies
leur organisme y soit adapté morpho- téliques (exagérément développés), de la Chauve-Souris comporte une vivantes. La conformation particulière
d’autres organes rudimentaires ou membrane alaire tendue entre les méta- de cette patte avec le tibia, qui se rabat
logiquement. Le Daman des arbres
(Dendrohyrax dorsalis), strictement atéliques (non utilisés) sont inaptes à carpiens et les doigts II à V, le pouce sur le fémur, en fait une pince effi-
exercer une fonction : oeil pinéal des restant libre. cace ; en plus, ces pattes préhensiles
arboricole, offre le même aspect
que le Daman des rochers (Procavia Lézards actuels, repli semi-lunaire de Convergence encore dans la confor- se détendent à la vue d’une proie et
capensis) : tous deux, sont nettement l’oeil humain, muscles atrophiques mation de la tête des Vertébrés aqua- constituent des outils de chasse perfec-
plantigrades. Le Daman des arbres ne et tubercule de Darwin de l’oreille tiques à respiration aérienne ; le niveau tionnés.

montre pas d’adaptations à la vie arbo- humaine, vertèbres coccygiennes et de l’eau passe juste en dessous de la L’appareil séricigène des chenilles
ricole : les pieds et les mains ne sont leurs muscles, ailes rudimentaires des narine et de l’oeil ; cette disposition de Papillons, des Trichoptères et celui
pas préhensiles ; cependant, il grimpe Oiseaux terricoles. adaptative favorable à la vie amphibie des Diptères (larves de Simulies) sont
aisément le long des troncs et court sur se voit chez la Grenouille, le Croco- conformés de la même façon et com-
les branches. Le même phénomène se La convergence dile, l’Hippopotame. prennent une filière et une presse tout à
retrouve chez le Merle d’eau (Cinclus Les convergences arboricoles se rap- fait semblables.
L’association des diverses adaptations
cinclus) ; celui-ci ressemble morpholo-
statistiques confère des ressemblances portent à l’accrochage et au saut. La Mollusques Céphalopodes et Verté-
giquement à un Merle, mais son com- queue préhensile existe chez le Camé-
aux individus menant le même type brés possèdent un oeil bâti sur le même-
portement est totalement différent ; il
de vie et aux organes assumant les léon, les Singes du Nouveau Monde, plan ; c’est un oeil camérulaire compre-
mène une vie amphibie et fréquente les des Marsupiaux, le Pangolin ; un revê-
mêmes fonctions. Ces ressemblances nant une chambre antérieure, limitée
ruisseaux et les rivières ; il nage avec
frappantes illustrent le phénomène de tement écailleux la tapisse parfois et en avant par la cornée et en arrière
facilité, plonge ou marche sur le fond ;
la convergence et n’impliquent aucun renforce le maintien au support ; de par le cristallin, et une chambre posté-
il capture de petits Poissons, des Crus- puissantes griffes ou des pelotes adhé-
lien de parenté. rieure, tapissée par la rétine. Paupières,
tacés, des larves d’Insectes. Il ne pos- sives se trouvent sur des doigts souvent iris sont également présents. Mais les
En voici quelques exemples. Une
sède pourtant aucun caractère propre opposables. Le patagium, fonctionnant structures histologiques sont diffé-
convergence ichthyoïde (du gr. ikhthus,
aux Oiseaux aquatiques. comme parachute, permet le saut chez rentes, notamment celle de la rétine.
poisson, et eidos, apparence) se mani-
des arboricoles variés (Galéopithèque,
feste chez trois Vertébrés aquatiques Cette notion de convergence n’en-
Organes inutiles ou inadaptés Anomalure, Écureuil volant, Marsupial
adaptés à une nage rapide ; le Requin traîne pas nécessairement une homo-
Toute espèce qui vit et se maintient est volant, Draco ou Lézard volant).
(Poisson sélacien), l’Ichthyosaure logie entre les organes. Les ailes des
nécessairement adaptée aux conditions La vie parasitaire montre aussi une Reptiles volants, des Oiseaux, des
(Reptile éteint) et le Dauphin (Mam-
de son biotope. Cette adaptation inté- Chauves-Souris, qui résultent de la
mifère cétacé) montrent une allure gé- association de caractères présents
resse les caractères morphologiques, modification d’un membre pentadac-
nérale commune ; le corps, fusiforme, dans des groupes fort différents. Les
physiologiques, biochimiques, étho- ventouses ou les crochets, adaptations tyle, peuvent être considérées comme
porte sur sa convexité dorsale une na-
logiques. Mais l’ensemble des adap- des convergences homologues. Tout au
geoire triangulaire ; son bord antérieur, convergentes, existent chez les Tréma-
tations ne confère pas aux organismes convexe et qui fend l’eau, est renforcé, todes, les Cestodes, les Hirudinées, les contraire, les nageoires dorsales trian-
une perfection absolue ; il n’exclut alors que le bord postérieur, concave, gulaires des Sélaciens et des Dauphins,
Myzostomidés, des Copépodes. Tous
pas la présence d’organes inutiles ou est aminci. Cette nageoire stabilisatrice les Insectes (sauf de rares exceptions) les yeux camérulaires des Céphalo-
inadaptés à côté des organes indispen- et équilibratrice n’est pas indispen- podes et des Vertébrés, les pattes anté-
qui parasitent les plumes des Oiseaux
sables, nécessaires ou utiles. sable, mais elle assure une nage plus rieures fouisseuses de la Taupe et de la
ou la fourrure des Mammifères possè-
Le rôle de la rate dans l’hémato- rapide. dent des cténidies, sortes de peignes Courtilière, les ailes des Oiseaux et des
poïèse est important ; lors de son abla- composés d’épines droites et raides Insectes illustrent des convergences
Une convergence talpoïde (du lat.
tion, la moelle osseuse la supplée. Les talpa, taupe) s’observe chez trois implantées très près les unes des autres. hétérologues.
trop longs coecums des tubes digestifs Mammifères fouisseurs : la Taupe Les Puces, des Mallophages, des Po- Les plantes présentent aussi des
de divers Mammifères peuvent être à (Insectivore), Myotalpa (Rongeur), le lycténides, des Mouches pupipares, convergences variées ; une des plus
l’origine de troubles intestinaux. La Notorycte (Marsupial). Cette conver- un Coléoptère (Platypsyllus castoris) curieuses concerne l’aspect cactiforme
mue du Manchot représente un han- gence intéresse quatre caractères : les portent de telles cténidies. Les espèces que revêtent les Cereus (Cactées), les
dicap, car elle empêche cet Oiseau yeux sont réduits ou absents ; les pattes très voisines menant la vie libre en sont Euphorbia (Euphorbiacées) et les Sta-
d’aller à la mer ; en effet, le plumage antérieures, plus ou moins déformées, dépourvues. En présence de cténidies pelia (Asclépiadacées), morphologie
de celui-ci se mouille et rend presque se terminent par de fortes griffes ; la sur un Forficule très modifié, H. de adaptative à la vie xérophytique adop-
impossible la nage ; par suite, le Man- fourrure est soyeuse et rase ; la queue Saussure en avait déduit qu’il s’agis- tée dans trois familles différentes.
chot est incapable de se nourrir. est courte ou absente. La présence de sait d’un parasite de plume ou de four- La grande fréquence de la conver-
Des organes acquièrent un dévelop- ces caractères favorise la progression rure ; ce Forficule vit en effet dans les
gence montre que des organismes
dans les terriers à l’intérieur du sol. poils du Rat de Gambie (Cricetomys
pement anormalement grand : bois des essentiellement différents, mais pos-
Élans, cornes des Antilopes, cuirasse gambianus).
Les Vertébrés volants (Reptiles, sédant cependant certaines structures
dorsale et caudale des Stégosauriens Oiseaux, Mammifères) possèdent des Les animaux pélagiques présentent semblables, répondent à des conditions
(Reptiles secondaires), cloisons per- ailes. Bien que responsables de la des adaptations convergentes destinées de vie identiques par des solutions
sillées des Ammonites, énormes pi- même fonction, leurs structures sont à diminuer leur densité par rapport à convergentes entraînant la présence
quants de certains Oursins Cidarides, totalement différentes. L’aile du Pté- l’eau de mer (réduction du squelette, de caractères analogues. Tout se passe
grandes mandibules des Lucanes mâles rodactyle (Reptile) est bordée par le grande richesse en eau, nombreuses comme si le nombre de solutions com-
et autres caractères sexuels des In- doigt IV, démesurément allongé ; inclusions huileuses, cavités à gaz) patibles avec la vie dans les divers

120
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

milieux était limité à quelques modèles possèdent de gros oeufs à développe- préadaptative. Simpson estime que finalité. La recherche et l’attribution
ou types adaptatifs. ment direct. Ces espèces porteuses de « préadaptation et postadaptation sont d’un rôle à tous les organes présentent
cette préadaptation pourraient être les les phases d’un unique processus où la un double effet. Ainsi ont été décou-
La préadaptation ancêtres d’espèces d’eau douce. Le sélection joue, de bout en bout, un rôle vertes des fonctions encore insoupçon-
Homard, espèce marine à gros oeuf, de conditionnement ».
nées, et le résultat était positif. Mais
Dès 1909, Cuénot signalait des carac-
est un Astacidien comme l’Écrevisse, Les néo-darwinistes considèrent la
tères préadaptatifs qui favorisaient une conception naïve et anthropo-
espèce d’eau douce à gros oeuf. préadaptation comme un principe uni-
l’établissement dans un nouveau mi- centrique de la nature en est souvent
Cette notion de préadaptation est versel qui intervient dans tous les phé-
lieu. En 1914, il définissait ainsi les résultée ; les Harmonies de la nature
admise par de nombreux biologistes. nomènes : peuplement des places vides,
préadaptations : « Caractères indiffé- (1815) de Bernardin de Saint-Pierre en
Richard B. Goldschmidt estime que la des nouveaux milieux ; résistance aux
rents ou semi-utiles qui se montrent renferment des exemples classiques.
micro-évolution dans les espèces pro- maladies, aux microbes pathogènes,
chez une espèce, et qui sont suscep- Cette tendance fâcheuse a jeté un dis-
cède par accumulation de micromu- aux antibiotiques, aux insecticides
tibles de devenir des adaptations évi-
avec formation de lignées résistant à crédit sur l’adaptation en l’auréolant
tations et par installation des mutants
dentes si cette dernière adopte un nou-
ces divers facteurs. Des tests (test de de téléologie.
vel habitat ou acquiert de nouvelles préadaptés dans des niches écologiques
adéquates ; en voici un exemple : le la fluctuation, test des répliques) ont Par antifinalisme, d’autres biolo-
moeurs, changement rendu possible
mélanisme industriel est caractérisé d’ailleurs montré que les populations
grâce précisément à l’existence de ces gistes ont été jusqu’à nier la réalité
par le fait que des mutants mélaniques bactériennes en culture renferment des
préadaptations. » des adaptations. Étienne Rabaud a
(à livrée sombre) de la Phalène du mutants résistant à différents agents
Les Épinoches (Gasterosteus acu- voulu démontrer que toutes les adap-
Bouleau ont supplanté, en un siècle, (Bactériophages, antibiotiques...) ; ces
leatus) supportent de grandes varia- tations sont illusoires. Avec raison, il
mutants existent dans la culture avant
le type normal dans les zones indus-
tions de salinité ; le transport brusque a dénoncé de fausses interprétations
l’action de ces agents, et leur présence
trielles d’Europe et d’Angleterre ; le
de l’eau douce à l’eau de mer et vice téléologiques. Mais, à son tour, il a
est totalement indépendante de l’inter-
même progrès du mélanisme s’observe
versa ne les tue pas. Cette aptitude doit exagéré en proclamant que rien ne sert
vention de ces facteurs.
pour d’autres espèces de Papillons. Les
être indifférente au Poisson dans son à rien ; l’expérimentation infirme cet
calculs montrent que le mutant méla- Toute adaptation serait précédée
habitat normal, mais elle lui permet de
nique possède un avantage sélectif cer- d’une préadaptation ayant pour origine aphorisme.
s’installer dans des eaux saumâtres et
tain dans les centres industriels. Outre des mutations nées au hasard. Par le jeu Les néo-darwinistes, qui ne sau-
sursalées (mares salées de Lorraine par
leur intervention dans le déterminisme de la sélection, les préadaptés, avanta-
exemple). L’euryhalinité constitue une raient être taxés de finalisme, recon-
de la couleur, les facteurs géniques gés dans une nouvelle circonstance, se
préadaptation facilitant la conquête naissent non seulement la réalité de
conditionnent un caractère physiolo- maintiennent et s’adaptent aux condi-
de biotopes nouveaux. Par l’ana- l’adaptation, mais son importance. Ils
gique, probablement une résistance tions actuellement réalisées.
lyse du peuplement des places vides, estiment qu’elle n’est aucunement liée
aux sels métalliques imprégnant la Il semble qu’une préadaptation,
Cuénot a confirmé sa notion de préa- à une téléologie, puisque la sélection la
nourriture des chenilles ; cette résis- l’aptitude à l’hibernation, explique la
daptation : « L’animal et la plante ne dirige et assure son succès.
tance constitue une préadaptation qui répartition géographique des Chauves-
vivent que dans le milieu qui convient
a favorisé le développement et l’exten- Souris (André Brosset). D’origine Préadaptation, adaptation, évolution
à leur structure et à leur physiologie ;
sion des formes mélaniques aux dépens tropicale, les Chauves-Souris sont re- sont intimement liées ; toute théorie
leur niche écologique résulte d’une
de la forme normale claire. présentées dans toutes les zones clima- explicative de l’évolution doit expli-
attirance ou d’une heureuse trouvaille
fortuite ; l’adaptation nécessaire et Un processus modifiant totalement tiques. Expérimentalement, il est dé- quer la genèse des adaptations.
les conditions de milieu (période gla- montré que certaines Chauves-Souris
suffisante, obligatoirement antérieure L’adaptation se présente comme
tropicales sont capables de se mettre en
à l’installation dans une place vide, ciaire, refroidissement ou réchauffe-
une structure fonctionnelle ; son mé-
est toujours une préadaptation. » La ment généralisé du climat) réalise une hibernation profonde alors que d’autres
canisme d’édification est inconnu ; le
en sont incapables. On constate que les
liste des préadaptations est longue : nouvelle et immense niche écologique
espèces tropicales capables d’hiberner biologiste comprend seulement que le
préadaptations aux divers modes de vie où persisteront les mutants préadap-
(Vespertilions, Rhinolophes) ont des développement des adaptations exige
(milieux abyssal, terrestre, souterrain, tés de la population antérieure ; ces
représentants dans les régions paléarc- des durées considérables, des dizaines
aérien, torrenticole, marin, vie parasi- préadaptés s’étendront à la fois dans
tique et néarctique, où le climat est de millions d’années. Toute adaptation
taire ou symbiotique), préadaptations l’espace et le temps. Une population
froid ; les espèces inaptes à l’hiberna- implique des corrélations multiples qui
nutritives, défensives, physiologiques, quelconque renferme une abondance
tion (Hipposideros, Mégadermes, Em- assurent un excellent fonctionnement,
structurales. de mutants dissimulés par l’hétéro-
ballonuridés) vivent uniquement sous
Les préadaptations participent donc zygotie. Lorsqu’une nouvelle niche se ce qui complique encore le problème.
les tropiques, leur homéothermie étant
au peuplement des places vides. Une réalise, les mutants les mieux adaptés Les adaptations sont conditionnées
responsable de cette limitation.
espèce bien adaptée à un milieu A aux nouvelles conditions sont avan- génétiquement, et leur formation est
tagés ; ils survivent et se multiplient La préadaptation, permettant de
possède quelques détails structuraux analogue à celle de tous les éléments
grâce à la sélection. Le milieu avan- résister physiologiquement au froid,
ou physiologiques qui ne présentent de l’organisme à partir du zygote. C’est
tage le nouveau type parmi les mutants a conditionné l’extension, vers les
aucune utilité ; mais ceux-ci prendront un problème d’ordre embryologique.
préadaptés de la population originale. régions froides, des espèces dotées de
une importance décisive et apparaîtront
Biochimie, biophysique et génétique
Pour Goldschmidt, la mutation anté- cette faculté potentielle, inutile sous
comme des adaptations statistiques
les climats chauds et qui ne peut être moléculaire expliqueront peut-être le
lorsque l’espèce s’installera dans un rieure à tout changement réalise une
considérée comme une adaptation à la dynamisme du zygote. La synthèse des
milieu B différent de A. préadaptation et représente un phéno-
vie tropicale. Au contraire, les espèces protéines, leur spécificité, la concep-
mène essentiel.
Les gros oeufs à développement
privées de cette préadaptation sont tion actuelle du gène et de la mutation,
direct constituent une adaptation sta- George Gaylord Simpson, partisan
cantonnées dans les zones à climat les réactions enzymatiques condition-
tistique des animaux vivant en eau convaincu de la théorie synthétique de
tropical. nées par les gènes constituent des faits
douce ; l’absence de larves pélagiques l’évolution, considère la préadapta-
essentiels de la différenciation cellu-
représente un avantage, puisqu’elle tion comme un phénomène réel jouant
Adaptation et finalité laire. Peu à peu les questions reçoivent
supprime le risque de perte des larves un rôle dans l’évolution ; mais il faut
emportées par les courants. Exception- réserver l’action décisive de la sélec- Pour certains biologistes, la notion une solution ; celles qui sont posées par
nellement, quelques formes marines tion dans l’utilisation de la structure d’adaptation pose le problème de la l’adaptation sortiront-elles bientôt du

121
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

domaine des hypothèses et des spécu- loppé deux autres quartiers, l’un com- maintien d’Addis-Abeba comme capi- succédé un ton de vie morose et ver-
lations ? mercial et industriel, le second, au sud, tale et seule métropole de l’Éthiopie. tueux à l’image des nouveaux souve-
A. T. résidentiel. Sur une superficie voisine G. D. rains, Guillaume III et la reine Marie.
2
Acclimatation / Évolution. de 50 km règnent en fait le plus grand E. Berlan, Addis-Abeba, la plut haute ville Mais le changement n’est que de fa-
d’Afrique. Étude géographique (Imprimerie çade. Il reste à entreprendre un grand
R. B. Goldschmidt, The Material Basis of désordre, les plus vifs contrastes. La
Allier, Genoble, 1964).
Evolution (New York, 1940) ; Understanding vieille ville, faite de « sefer » (pro- travail en profondeur pour transformer
Heredity. An Introduction to Genetics (New l’état d’esprit des Anglais. La presse
priétés) à maisons de « tchika » (boue
York, 1952). / G. G. Simpson, Tempo and Mode
et paille), est parcourue de ruelles de plus en plus libre, mieux diffusée et
in Evolution (New York, 1944 ; trad. fr. Rythme

et modalités de l’évolution, A. Michel, 1950) ; tortueuses. Depuis la constitution de plus lue, peut prétendre à cette mission.
The Meaning of Evolution. A Study of the His-
Addison (Joseph) Au moment où Addison se lance sur
l’O. U. A. (Organisation de l’unité
tory of Life and of its Significance for Man
africaine), créée à Addis-Abeba en les traces de la « Review » de Defoe,
(Londres, 1950 ; trad. fr. l’Évolution et sa signi-
Poète et essayiste anglais (Milston, sa grande intuition est de penser son
fication, Payot, 1952). / L. Cuénot, l’Évolution 1963, se multiplient les larges artères
1672 - Londres 1719).
biologique (Masson, 1951). / A. Tétry, « l’Adap-
bordées d’immeubles modernes. Bois journal en fonction, non de la cour, des
tation » in la Biologie (Gallimard, « Encycl. de la
et espaces construits alternent. Autour « Quelles sont à votre avis les prin- aristocrates ou des partis, mais de ceux
Pléiade », 1965). / P.-P. Grassé, « l’Adaptation »
cipales qualités nécessaires à un bon qui sont les plus aptes par leur nombre
in Biologie générale (Masson, 1966). / J. Ruffié, de la ville même demeurent, isolées ou
Hémotypologie et évolution du groupe humain poète ? », écrivait un jour au Spectator, et leur action à propager la réforme
groupées en hameaux, les tradition-
(Hermann, 1966). dont Addison était le principal rédac- des moeurs : la petite bourgeoisie, les
nelles habitations cylindro-coniques, à
teur, un de ses correspondants. Dans marchands, les femmes. Ainsi, The
toit de paille.
le no 314 du journal, « Monsieur le Spectator, très instruit, curieux de
La croissance de la population est
Spectateur » répondait : « Qu’il soit un toutes choses, ayant beaucoup voyagé
fulgurante depuis moins d’un demi-
Addis-Abeba homme bien élevé. » Cette définition et observé, selon ses propres paroles
siècle : 100 000 habitants en 1935, près
s’adapte parfaitement à la personnalité (no 1 du 1er mars 1711), devient le
de 200 000 en 1946, plus d’un million
ou ADDIS-ABABA, capitale de l’Éthiopie d’Addison. Il est dans la vie le « gent- compagnon de tous les instants d’un
en 1976. La ville est une mosaïque
et de la province du Choa, au pied des leman » qu’il ne cesse de prôner dans public qui se révèle nombreux, atten-
d’ethnies, parmi lesquelles dominent
hauteurs d’Entotto, à 2 500 m d’alti- son oeuvre. Homme droit sans raideur, tif et fidèle. Paraissant tous les jours,
les Amharas, précédant les Gallas ;
tude ; 1 012 000 hab. intelligent avec modestie, il mène, à sauf le dimanche, il se fait l’écho, en
les Italiens ne constituent plus que l’écart des compromissions, la plus des « essais » qui sont un modèle du
C’est près de la source thermale
15 p. 100 environ des 25 000 étrangers brillante carrière politique dans un genre, de causeries amicales et de bon
de Filoha que l’empereur Ménélik II
de la ville. L’unité vient de la religion temps difficile d’âpres batailles pour ton entre les membres d’un club ima-
fonda, en 1886-1889, la nouvelle ca-
copte et de l’usage de la langue amha- le pouvoir entre les wighs et les tories. giné par Steele. Parmi ces personnages
pitale de son État : Addis-Abeba (la
rique (bien que le galla et aussi l’an- Il échappe aussi bien à l’opportunisme d’âge, de métier et de caractère dif-
« Nouvelle Fleur »). Ce fut d’abord une
glais soient utilisés). de Swift qu’aux doutes qui ont jeté une férents, « sir Roger de Coverley » ne
capitale semblable à la dizaine d’autres
La population active ne représente ombre sur la réputation de Defoe. En tarde pas à devenir le symbole du gen-
villes qui l’avaient précédée, destinée à
guère que 15 p. 100 de la population toutes circonstances il conserve une tilhomme campagnard anglais. Cette
être abandonnée quand s’épuiserait le
totale. Le rôle de capitale nationale et parfaite courtoisie, fût-il injustement figure d’homme aimablement original
bois des environs. Mais elle fut sauvée
même internationale (siège de réunions attaqué par l’irascible Pope. Il gagne et d’un idéalisme mesuré va se perpé-
par le développement de plantations
panafricaines) demeure fondamental. même l’estime de ses adversaires. Les tuer sous des aspects divers à travers
d’eucalyptus, alors que Ménélik II se
La fonction culturelle est favorisée tories ne lui tiennent pas rigueur de la littérature anglaise, chez Goldsmith,
préparait à changer de résidence. Plus
par la présence de l’université Hailé- son poème sur la victoire de Blenheim Sterne, Jane Austen ou Dickens et
tard, sa pérennité fut assurée par son
(The Campaign, 1705) et applaudissent même, plus près de nous, par un long
rôle de symbole de la conquête colo- Sélassié. Bien que fournissant la ma-
au succès de son Cato (1713), peut- détour, dans l’oeuvre d’Agatha Christie
niale pour les Italiens (la ville fut occu- jeure partie de la production nationale,
être plus fort que ses propres amis. ou de P. G. Wodehouse. Les femmes
pée en 1936), puis de l’indépendance l’industrie est peu développée et reste
Cependant il ne serait probablement ont pour la première fois un porte-pa-
retrouvée (après sa libération en 1941). surtout à un niveau artisanal. Parmi
resté qu’un simple modèle du parfait role ou du moins un défenseur en la
la centaine d’entreprises implantées
La situation de la ville est centrale, gentleman, auteur de vers latins et de personne de « Will Honeycomb » et ne
dominent les huileries, les ateliers tra-
au coeur du pays. Le climat est sain. Les
poésies de circonstance (Poem to His sont pas les dernières à écrire à « Mis-
vaillant le coton, le tabac et le café. Le
températures oscillent entre 14,5 °C (en Majesty, 1695 ; Pax Gulielmi, 1697 ; ter Spectator », inaugurant en quelque
rôle commercial est plus important. Sur
décembre) et 18,5 °C (en mai). Le total
Letter from Italy, 1704), si, en 1709, à sorte le « courrier des lectrices ». Cette
le plan international, la ville est reliée
des précipitations approche 1 300 mm, son retour d’Irlande, où il a été le pre- apparente légèreté des propos, ce ton
répartis sur plus de 100 jours. En re- par voie ferrée au port français de
mier secrétaire du vice-roi, le hasard aimable ne doivent pas masquer les
Djibouti, qui a longtemps constitué le
vanche, l’altitude provoque un accrois- ne lui avait fait retrouver son condis- arrière-pensées bien définies d’Addi-
débouché maritime unique du pays. Le
sement de fatigue pour les habitants. ciple et ami, Steele. Celui-ci vient de son. Son grand dessein est d’introduire
Le site est accidenté : l’agglomération commerce intérieur est surtout assuré
fonder The Tatler (« le Babillard »). Il la tolérance et la décence en modifiant
s’étend sur une pente dominée au nord- par des Yéménites, des Indiens, des
en est à son quatre-vingtième numéro les critères de valeur qui s’attachent
nord-ouest par un escarpement de faille Arméniens.
quand Addison entre dans l’association sans réserve au « cavalier » libertin et
de 300 m, entaillée de ravins et acci- Le déplacement de la capitale vers qui les conduira à lancer ensemble un cynique ou au « puritain » austère et
dentée de collines. des régions plus basses, plus faciles nouveau journal, The Spectator (« le intransigeant. Pour l’honnête homme
Le paysage urbain est discontinu, d’accès et plus proches des principales Spectateur »), le 1er mars 1711. C’est il apparaît d’abord indispensable de
constitué de noyaux perchés sur des productions nationales (café, oléagi- dans The Spectator qu’Addison va s’éloigner des affrontements poli-
mamelons et communiquant difficile- neux, canne à sucre), a pu être envi- s’employer à atteindre le but qu’il s’est tiques, causes de division nationale :
ment entre eux. Le plus ancien entoure sagé, mais les obstacles sont grands. assigné dès le début de sa collaboration «... mon journal ne contient pas un mot
le Guebbi (palais) de Ménélik II ; au La perte de la fonction de capitale au Tatler : faire passer son idéal de la de nouvelles, ni une réflexion poli-
nord-ouest, sur une autre colline, se entraînerait sa ruine, mais la tradition bonne éducation dans la masse de ses tique, ni esprit de parti... » L’honnête
dresse la cathédrale Saint-Georges, maintenant instaurée, le peu d’intérêt lecteurs. Les circonstances sont favo- homme, encore, n’écoute ou ne dit rien
près de la grande place circulaire du des Amharas pour les régions basses et rables. À l’éclat de la société brillante qui risque de choquer la bienséance,
vieux marché. Les Italiens ont déve- divers autres facteurs assurent en fait le mais débauchée de la Restauration a «... ni récits d’infidélités élégantes, ni

122
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

idées déshonnêtes... ». Enfin l’honnête de vives réactions, la société anglaise dépôts de plomb. Depuis quelques an- des gaz des carters étant obligatoire
homme se montre respectueux des ins- contemporaine. nées, le plomb tétraméthyle Pb(CH3)4, pour lutter contre la pollution.
titutions que chacun doit pouvoir adop- ou PTM, est utilisé également, car son
ter sans sombrer sous les quolibets ou point d’ébullition plus faible en fait un
Richard Steele Antipréallumage
soulever les haines violentes qui ont meilleur antidétonant pour les fractions
Après une jeunesse assez tumultueuse,
ensanglanté l’Angleterre de Cromwell. Les additifs destinés à éviter l’allu-
Richard Steele (Dublin 1672 - Carmarthen légères de l’essence. Ces deux antidé-
« Honorez les dieux suivant les cou- mage anticipé du mélange explosif
1729) ne trouve vraiment sa voie qu’avec tonants, PTE et PTM, sont toxiques et,
tumes établies », préconise Addison, d’un moteur à explosion sont à base de
le lancement du Tatler (le Babillard), abou- en France, leur teneur dans les carbu-
qui s’oppose au rigorisme funèbre tissement de neuf ans de tâtonnements phosphore ; ils sont incorporés surtout
rants est limitée à 0,5 p. 1 000.
mais se refuse aux « satires contre le dans des oeuvres diverses. Dès 1701 avec
aux supercarburants.
clergé, le mariage et autres objets po- The Funeral, puis dans The Lying Lover

pulaires de railleries ». Cette mesure


(1703), cet esprit turbulent se préoccupe Antioxydants
de réconcilier la bonne humeur et la Antigivre,
et ce bon sens se manifestent encore
bonne éducation. C’est cependant dans Ces additifs sont souvent appelés in-
dans sa conception de l’éducation des anticongélation
The Christian Hero (1701) qu’il exprime le hibiteurs d’oxydation, adoucissants
lecteurs. Rappelant Montaigne, il se mieux les tendances que la bourgeoisie
ou stabilisateurs. On peut les diviser Le rôle de ces additifs est d’abaisser le
propose de fournir au public, non une porte inconsciemment en elle et que The
en deux classes, les diamines aroma- point de congélation ou d’écoulement
érudition fastidieuse, mais les éléments Tatler commencera à lui révéler : besoin
d’une morale et d’un idéal. Avec une tiques et les alkylphénols. Ils évitent et parfois d’être absorbés par le métal,
de connaissance les plus propres à lui
grande loyauté, Steele reconnaît à propos la formation des peroxydes et l’oxy- ce qui évite l’adhérence des glaçons.
donner le goût de la curiosité intellec-
de la collaboration que lui apportera Addi-
dation des hydrocarbures non saturés On utilise des alcools, la diméthylfor-
tuelle et à lui permettre de s’instruire son à partir de 1709 : « ... J’ai été vaincu
lui-même. Pour Addison, l’ultime conduisant à des dépôts gommeux. Il mamine, des amines alkyl-phosphates.
par mon allié. Après l’avoir appelé, il m’a
image du « gentleman » se trouve in- été impossible de subsister sans lui. » Il existe aussi des « désactivateurs » qui

carnée dans le « critique » qui réalise apporte pourtant, dans ce « mariage » aux neutralisent des traces de métal éven- Multifonctionnels
plus heureux effets, la chaleur humaine, le
« la plus haute perfection d’un homme tuellement présentes dans les carbu-
bouillonnement des idées et ces qualités Ces additifs à la fois détergents, anti-
accompli », et c’est ainsi qu’il nous réacteurs, comme le cuivre qui pour-
d’intelligence et d’intuition qui font de lui givre et anticorrosion sont des sels
apparaît dans ses « essais » sur Milton rait catalyser l’oxydation, et les fixent
un journaliste vraiment moderne. Dans ce
ou Shakespeare. d’amines, des alkylphosphates ainsi
temps de « raison » d’après la Restauration, sous forme de chélates.
Steele ranime le flambeau jamais tout à que des amines grasses.
Addison avait écrit dans le deuxième
fait éteint de la sensibilité anglaise. La des-
numéro du Spectator : « On a dit de Anticorrosion,
cription de ses sentiments à la mort de son
Socrate qu’il a fait descendre la Phi- Antifumée, antisuie,
père, les « flots de larmes », la douleur et la antirouille, antiusure
losophie du ciel pour la faire résider pitié qui emplissent « My First Grief » (The antipollution
parmi les hommes ; et j’ai l’ambition Tatler du 6 juin 1710) évoquent Rousseau Ces additifs sont aussi appelés inhi-
Divers additifs sont utilisés, certains au
qu’on dise de moi que j’ai fait des- et annoncent un sentimentalisme qui va biteurs de corrosion. Ils doivent soit
s’épanouir en Angleterre avec Richardson baryum, d’autres sont des amylnitrates
cendre la Philosophie des cabinets et neutraliser l’humidité présente, soit
et Lawrence Sterne. pour améliorer la combustion des fuel-
des bibliothèques, des écoles et des former une mince pellicule protégeant
collèges pour la faire résider dans les le métal. On utilise des alcools, des oils ou du gas-oil pour moteurs Diesel.
D. S.-F.
clubs et assemblées, aux tables à thé et amines, des sulfates, des phosphates et
Essai / Grande-Bretagne.
dans les cafés. » Une écriture raffinée, Additifs pour lubrifiants
des alkylamino-alkylphosphates.
A. Beljame, le Public et les hommes de
un sens aigu de l’humour, la finesse
lettres en Angleterre au XVIIIe siècle, 1660-1744
de sa psychologie et la sagesse de son Incorporés dans les huiles lubrifiantes,
(Hachette, 1881). / P. Smithers, The Life of J. Ad-
Détergents, dispersants ces produits améliorent l’indice de vis-
éthique sont à la base du succès durable dison (Oxford, 1954).

de son entreprise. Très vite les Anglais Ces additifs, souvent des sulfonates ou cosité (polymères), abaissent le point
s’aperçurent que « les sermons de toute phénates, sont utilisés pour éviter des de congélation, agissent comme an-
une année produis[aient] à peine la dépôts et sédiments. Aux États-Unis, tioxydants (dithiophosphates de zinc,
moitié du bien qui découlait du Spec- additif on en ajoute aux essences pour le net- phénols, sulfures de phénols), comme
tator en un seul jour ». Déjà de son
toyage des carburateurs, le recyclage détergents (phénates et sulfonates de
vivant, nombreux furent ses imitateurs, Corps chimique ajouté en faible quan-
et quarante ans après sa mort on trouve, tité aux produits pétroliers pour en
de façon inattendue, en la personne de améliorer la qualité. (On dit aussi adju-
Goldsmith une lointaine descendante vant, dope ; inhibiteur, produit d’addi-
de « Mister Spectator » qui s’adresse à tion.)
un public uniquement féminin sous la
La mise au point de nouveaux ad-
plume de l’« honorable Mrs. Caroline
ditifs est devenue un des secteurs de
Stanthope » (The Lady’s Magazine :
l’industrie du pétrole où s’effectuent
Or, Polite Companion for the Fair Sex,
le plus de recherches et où les profits
1759-1763). Il est possible aujourd’hui
peuvent être les plus grands.
d’apprécier la clairvoyance d’Addison
et l’influence de ses essais périodiques,
Antidétonants
quand on connaît l’impulsion donnée
par les femmes et la classe moyenne Ce sont des additifs qui rendent l’es-
à cette morale bourgeoise qu’il mit en sence moins détonante, les meilleurs
action et qui, après avoir exercé sur les étant les composés organométalliques
moeurs une hégémonie sans partage, découverts en 1921. Le plus utilisé
au XIXe s., sous le règne d’une femme est le plomb tétraéthyle Pb(C2H5)4, ou
éminemment morale, la reine Victo- PTE, mélangé au dibromure d’éthyle
ria, marque de son empreinte, en dépit C2H4Br, qui facilite l’élimination des

123
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

calcium ou de baryum), comme antié- mètre due aux frottements s’exprime car la déformation élastique des arma- Pour les tuyaux à âme tôle, l’âme en
mulsion (polyorganosilixanes), etc. par la formule tures permet l’apparition de fissures tôle assure l’étanchéité et la résistance
dans le béton tendu. à la pression de l’eau, alors que les
Additifs divers Pour le béton précontraint, la pré- revêtements en béton, à l’intérieur et à

dans laquelle est un coefficient en contrainte est établie en général lon- l’extérieur de l’âme en tôle, protègent
Il existe encore des additifs odorisants
relation avec le nombre de Reynolds gitudinalement pour favoriser la celle-ci contre la corrosion tout en par-
(parfums), biocides (antimicro-orga-
correspondant à l’écoulement consi- résistance au flambage et à la flexion, ticipant à la résistance, à la flexion et
nismes), antistatiques (dispersant les
déré et avec la résistance des parois à et circulairement pour provoquer la
aux charges extérieures.
charges d’électricité).
l’écoulement, V la vitesse moyenne de mise en compression du béton qui se
A.-H. S. • L’amiante-ciment est un maté-
l’eau, D le diamètre de la conduite et g trouve ensuite déchargé par la pression
intérieure de l’eau. La précontrainte riau dans lequel des fibres d’amiante
l’accélération de la pesanteur.
permet ainsi d’atteindre des pressions jouent le même rôle que les armatures

intérieures de l’ordre de 12 bars avant dans les tuyaux en béton armé. Les
Types de conduite
adduction fissuration. tuyaux de ce type sont légers, résis-
Les tuyaux peuvent être en fonte, en
acier, en béton ou en matériaux divers.
Action de dériver et de conduire les
• La fonte ordinaire, ou fonte grise,
eaux d’un lieu vers un autre.
est un matériau bien adapté par sa lon-
Lorsqu’il s’agit de conduire un fluide
gévité à l’établissement de conduites
autre que l’eau, on parle de transport,
enterrées, mais elle est fragile. La
soit d’un gaz combustible par canali- fonte ordinaire est pratiquement rem-
sations, soit d’hydrocarbures liquides placée par la fonte à graphite sphé-
ou liquéfiés sous pression par pipe- roïdal, ou fonte ductile, qui n’est
lines ou oléoducs. L’adduction com- pas fragile et qui peut supporter des
porte soit des captages de nappes ou pressions importantes tout en conser-
de sources, soit des prélèvements dans vant les mêmes qualités de longévité.
une rivière ou dans un lac, des stations Coulés par centrifugation, les tuyaux
de traitement, des ouvrages d’amenée, en fonte subissent un recuit qui leur
des réservoirs, des réseaux de distri- confère une structure homogène.

bution, des installations telles que sta- Ils sont ensuite éprouvés à la presse

tions de pompage, protections contre le hydraulique, reçoivent leurs revête-

phénomène du coup de bélier, contre ments et sont, le cas échéant, usinés.

la corrosion, ainsi que des dispositifs • L’acier est surtout utilisé pour le
de sécurité (vannes et ventouses) ou de transport des hydrocarbures à très
comptage des débits. haute pression, mais on l’emploie
aussi pour des adductions d’eau enter-
rées si des tassements de sol sont à re-
Aqueduc
douter, ou encore pour des conduites
L’aqueduc est en principe enterré, posées à l’air libre, particulièrement
avec une pente généralement uniforme s’il est intéressant d’obtenir un allé-
sur tout le parcours. En certains sec- gement du poids mort. Le risque de
teurs, au franchissement d’une val- corrosion des tuyaux d’acier est effi-
lée par exemple, il peut se trouver en cacement combattu par un enrobage
élévation, sur remblai, sur arcades ou soigné et par une protection catho-
sur pont-aqueduc, ou encore franchir dique bien faite. On distingue les tubes

la vallée en siphon par une conduite d’acier sans soudure, obtenus à partir

forcée. L’aqueduc, qui a constitué la de lingots ou de ronds massifs, et les

solution classique depuis la plus haute tubes soudés, obtenus par formage et
soudage de produits plats. La fabri-
antiquité pour l’amenée d’eau potable,
cation courante s’effectue en principe
n’est plus qu’une solution exception-
en acier doux, mais peut aussi se réali-
nelle. Les aqueducs anciens présen-
ser dans un grand nombre de nuances
taient une section rectangulaire ; les
alliées ou non alliées.
plus récents sont circulaires ou ovoïdes
et réalisés en maçonnerie ou en béton. • Le béton utilisé pour la fabrica-
tion des tuyaux est toujours armé et
on peut en distinguer trois types : les
Conduite sous pression
tuyaux en béton armé ordinaire, les
tuyaux en béton précontraint et les
Calcul de la section tuyaux à âme tôle.
L’écoulement sous pression de l’eau Pour le béton armé ordinaire, les ar-
dans les conduites dépend de plusieurs matures sont des ronds pour béton armé
facteurs qui caractérisent la visco- disposés les uns longitudinalement, les
sité du liquide et, pour une viscosité autres circulairement en spires. Les
donnée, les frottements aux parois de tuyaux de ce type ne peuvent pas sup-
la conduite. La perte de charge j par porter des pressions dépassant 6 bars,

124
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

les extrémités de la conduite sont conduite de collecte en dépression,


tamponnées pour éviter l’introduction tous les groupes étant concentrés dans
d’animaux ou d’objets quelconques. une même usine. Cette seconde dis-
Les conduites doivent être ancrées ou position permet d’exploiter économi-
butées aux changements de direction quement chaque puits d’après ses pos-
ou de diamètre (coudes et cônes), aux sibilités, le groupement de toutes les
dérivations (tés et croix), aux extrémi- pompes dans un seul local améliorant
tés (plaques pleines ou bouchons) pour le rendement et facilitant l’exploita-
équilibrer les efforts, pouvant être très tion. En contrepartie, le maintien du
importants, qu’exerce la poussée de vide dans la conduite de collecte peut

l’eau. La canalisation est alors mise à créer des sujétions et, si l’usine doit
la pression d’essai, tronçon par tron- refouler des débits variables selon les
çon, les défectuosités ou fuites sont époques, la première disposition peut

éventuellement réparées et c’est seule- présenter plus de souplesse.


ment ensuite que s’effectue le remblai, Le relèvement est parfois réalisé en
par bourrage de couches successives deux temps ; dans un premier temps un
bien damées, en matériaux choisis groupe d’exhaure relève l’eau du ni-
jusqu’à 0,20 m environ au-dessus de veau de pompage jusqu’à un réservoir
la conduite, en matériaux tout-venant au sol ou sur des installations de trai-
pour finir. tement ; dans un second temps, l’eau
est reprise et refoulée vers le réservoir
tants, très commodes à poser, mais Gibault et les tuyaux en chlorure de de l’agglomération. Ce relèvement en
Conduites de refoulement
fragiles. polyvinyle sont collés. deux temps est plus onéreux au premier
Lorsque les eaux de captage doivent être
établissement ; mais il procure, grâce
• La matière plastique utilisée pour relevées par une station de pompage, on
Organes spéciaux au réservoir intermédiaire, une certaine
les tuyaux rigides est le chlorure de réalise une adduction par refoulement.
souplesse à l’exploitation et permet
polyvinyle et pour les tuyaux semi- Ce sont d’une part les tuyaux spéciaux Techniquement en premier lieu, le pro-
fil en long doit être aussi régulier que de remanier au cours des temps, si le
rigides le polyéthylène. Les tuyaux pour les changements de direction, les
possible, évitant les points hauts où des besoin s’en révèle, les installations de
rigides sont assemblés par collage, cônes pour le raccordement de deux
cantonnements d’air pourraient entraî- captage sans modifier le second temps
opération délicate. En revanche, les conduites de diamètres différents,
ner des incidents en exploitation. Écono- de relèvement. La station de pompage
tuyaux semi-rigides, souples, légers, les plaques pleines pour obtenir une miquement en second lieu, le diamètre
groupe dans un même bâtiment :
de pose facile, sont livrés sous forme conduite, et d’autre part la robinette- économique d’une conduite résulte d’un
— la salle d’arrivée de l’eau, ou bâche
de couronnes et en grandes lon- rie qui comprend les appareils utilisés arbitrage entre deux tendances opposées :
d’arrivée, ou bâche d’aspiration, salle
pour le réglage et l’arrêt de l’écoule- augmenter le diamètre en vue de réduire
gueurs. Ils ont une faible rugosité, bien ventilée et abritée de la lumière
les pertes de charge et, en conséquence,
ment de l’eau (robinet quart-de-tour,
ce qui diminue les pertes de charge, les frais d’exploitation de la station de du jour pour éviter le développement
robinet-vanne, vanne à papillon,
résistent bien aux agents chimiques pompage, ou bien diminuer le diamètre d’algues sur les parois ;
vanne murale), pour l’équipement des pour réduire les frais de premier établis-
et absorbent grâce à leur souplesse — la salle des machines, isolée de la
pompes et des réservoirs (crépine, sement de cette conduite. L’étude d’une
les effets des coups de bélier. Ils précédente pour éviter les condensa-
clapet de retenue, robinet à flotteur, conduite de refoulement est fondée sur
sont utilisés dans des canalisations tions ;
bonde de fond, etc.), pour la sécurité de le débit d’avenir prévisible, car si le déve-
de petits diamètres ou pour des bran- — la salle des installations électriques,
loppement de la consommation entraîne
l’exploitation (ventouse ou évacuateur
chements et des bouches de lavage une surcharge pour la conduite, les pertes distincte de la salle des machines ;
d’air, stabilisateur de pression, disposi-
ou d’arrosage. de charge, qui croissent avec le carré du — la salle de stérilisation, isolée des
tif antibélier). débit, peuvent provoquer des difficultés autres pour éviter des corrosions pos-
d’exploitation. Le coup de bélier doit tou-
Joints sibles du fait des stérilisants ;
Pose des canalisations jours être prévu et étudié.
— les annexes.
Les joints destinés à raccorder l’un à
Les tuyaux sont livrés sur le chantier de
l’autre deux tuyaux doivent être d’une Les pompes utilisées sont des
pose dans des camions ou remorques pompes centrifuges multicellulaires,
part étanches, d’autre part suffisam-
découverts. Les gros tuyaux sont posés
Usine élévatoire
qui, accouplées à des moteurs élec-
ment souples pour permettre, par suite
sur berceaux et on doit éviter les porte- L’emplacement même de la station de triques, constituent des groupes légers,
de tassements différentiels du sol, un
à-faux. Déchargés sans chocs par des pompage dépend, en particulier, de peu encombrants, peu coûteux et d’un
léger déplacement d’un tuyau par rap-
appareils de levage ou par roulement la nature du captage : rivière, source, très bon rendement. La pression doit
port à l’autre. Les principaux types de
lent sur deux rampes de bois, ils sont nappe. Dans le cas d’une prise en correspondre à la hauteur manomé-
joint sont le joint Express, le joint Gi-
disposés le long de la fouille, du côté rivière, la seule station de pompage trique théorique totale d’élévation
bault et le joint à brides. Les joints des opposé aux déblais. La fouille doit soi- d’eau brute est prévue sur la rive, et nécessaire. Cette hauteur totale com-
conduites en acier sont en général sou- gneusement respecter les cotes prévues l’usine proprement dite est établie à prend la hauteur d’élévation entre le
dés ou vissés. Les tuyaux en béton sont pour le profil en long ; blocs rocheux et une certaine distance et en fonction des plan d’eau de pompage et le point
aptes à recevoir tous les types de joint, grosses pierres sont enlevés, et le fond installations de traitement pour grou- le plus haut à atteindre, ainsi que la
recouverts par une bague en béton. de fouille est nivelé et damé avec soin. per les personnels chargés de l’exploi- hauteur correspondant aux pertes de
Quand le tuyau comporte une âme tôle, Si la résistance du sol est douteuse, on tation. Pour capter une source, l’usine charge tant à la pression qu’au refou-
les âmes sont soudées comme pour les prévoit un lit de béton maigre et, au élévatoire sera placée au plus près, lement. Les moteurs qui conviennent
conduites en acier. La bague en béton besoin, des pieux pour assurer la stabi- l’aspiration étant raccordée à un bassin le mieux à la vitesse constante d’une
armé assure une sécurité complémen- lité voulue. Après avoir été débarrassés alimenté par gravité. S’il s’agit d’un pompe sont les moteurs asynchrones,
taire. L’étanchéité est très bonne et on de tous corps étrangers, les tuyaux sont captage par puits, deux dispositions et, parmi ceux-ci, les moteurs à cage,
évite la butée des coudes : la conduite descendus avec soin en fond de fouille, sont possibles, soit équiper chaque simples, robustes, et aux dispositifs de
est dite autobutée. Les tuyaux en alignés et nivelés ; puis les joints sont puits d’un groupe électropompe ver- démarrage variés, de préférence aux
amiante-ciment sont pourvus de joints exécutés. À chaque arrêt de travail, tical, soit réunir tous les puits à une moteurs à bague.

125
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

dans la zone où le courant la quitte et vanne, obturateur, commandé au moyen terrains de sport ; un lac a été aménagé
Problèmes spéciaux
d’une tige, qui se déplace parallèlement
où elle joue le rôle d’anode. Une pre- sur la rivière Torrens. Si North Ade-
à ses surfaces de contact, appelées sièges.
mière protection des conduites en acier laide est encore un quartier résidentiel,
Commande et régulation
vanne murale, appareil de sectionnement
est assurée par un enrobage isolant la partie située au sud de la rivière est
Il importe d’effectuer dans le mini- comportant un cadre muni de glissières
dont la continuité sera parfaitement aujourd’hui le centre des affaires et de
dans lesquelles coulisse une plaque. (Elle
mum de temps et avec le minimum
réalisée au droit des joints. Un moyen l’administration, car Adélaïde est avant
est surtout utilisée dans les installations
de surveillance toutes les manoeuvres
plus sûr est d’établir la protection ca- hydrauliques à l’air libre : barrages, bassins, tout une capitale et une ville commer-
que peuvent exiger les évolutions des
thodique, soit en rendant le fer catho- égouts, canaux.) ciale. On trouve dans ce quartier cen-
conditions de fonctionnement : abais-
dique en constituant une pile avec un vanne à papillon, obturateur constitué tral le Parlement, l’Université (North
sement anormal du niveau d’aspira-
métal plus électronégatif qui jouera le par un corps muni de deux tubulures entre Terrace) et les ministères de l’État, la
tion, remplissage total du réservoir, lesquelles est disposé un disque circulaire mairie et le palais de Justice (Victoria
rôle d’anode, soit en reliant la conduite
incident sur une conduite. L’arrêt ou qui peut tourner autour d’un axe horizon-
d’une part à une source d’énergie élec- Square), les banques et les compagnies
la reprise des pompages, la manoeuvre tal, perpendiculaire à la conduite, et qui
trique extérieure et d’autre part à une d’assurances (King William street), les
des robinets sont en général rendus peut occuper toutes les positions entre
grands magasins, des agences de tou-
anode enterrée destinée à se corroder. l’ouverture totale, quand le plan du disque
automatiques par la robinetterie, avec
est parallèle à l’axe de la conduite, et la fer- risme, des hôtels et des restaurants. De
contrôle visuel ou sonore. Ils peuvent
meture, quand le plan du disque est sensi- grands immeubles modernes rempla-
être aussi commandés à distance. Vocabulaire de l’adduction blement perpendiculaire à cet axe. cent peu à peu les bâtiments de la fin du
aqueduc, ouvrage couvert utilisé pour ventouse, capacité terminée à sa base XIXe s. et du début du XXe s. ; toutefois
Comptage des débits l’amenée gravitaire de l’eau destinée à par une tubulure à bride pour le raccorde- quelques anciennes maisons à véran-
Celui-ci ne peut que très exception- l’alimentation humaine. ment et fermée à sa partie supérieure par das ont été préservées, en particulier à
nellement s’effectuer par remplissage un couvercle au sommet duquel se trouve
bonde de fond, appareil constitué par une Hindley street. La population résidente
un orifice calibré ; un flotteur, qui peut se
d’une capacité dont le volume est tubulure d’écoulement, munie d’une sou- de la City of Adelaide est passée de
déplacer verticalement dans la capacité,
connu. On utilise plus fréquemment le pape commandée par vis de manoeuvre et
35 000 habitants en 1947 à 19 000 en
obture l’orifice quand cette capacité est
servant à assurer la vidange d’un réservoir.
moulinet, qui mesure la vitesse de l’eau 1968. Mais 88 000 personnes viennent
pleine d’eau, et le découvre quand l’air
au centre de gravité de chaque surface canal, conduit établi pour le passage d’un remplace l’eau, ce qui permet à l’air de y travailler chaque jour.
élémentaire théoriquement isolée dans liquide d’un point à un autre. s’échapper. (Les ventouses sont placées
La ville s’est largement étendue au-
la section totale du jaugeage, le tube canal découvert ou conduit à plan d’eau aux points hauts des conduites.)
delà de ses deux noyaux primitifs. Les
symétrique de Pitot, qui mesure la vi- libre, canal non entièrement rempli par J. A.
quartiers résidentiels, constitués géné-
l’eau qui y circule, de sorte qu’à la surface
tesse de l’eau, ou encore des appareils
libre règne une pression constante, en gé- ralement de maisons individuelles avec
P. Koch, l’Alimentation en eau des agglo-
déprimogènes, tels que les venturis ou
néral la pression atmosphérique. mérations (Dunod, 1960, nouv. éd. 1969). / jardins, ont conquis toute la plaine au
les diaphragmes, qui créent dans une
A. Dupont, Hydraulique urbaine (Eyrolles, nord-est, à l’est et au sud-est ; la ban-
clapet, obturateur libre, se fermant auto-
conduite de section S1 un rétrécis- 1965).
matiquement dans un sens déterminé. lieue atteint aujourd’hui les premières
sement de section S2 au droit duquel
clapet d’arrêt, clapet de retenue, destiné pentes de l’escarpement de faille des
la vitesse du flot augmente alors que
à empêcher que la vitesse de l’eau ne dé- monts Lofty et se substitue aux vergers
la pression diminue, cette diminution
passe une valeur déterminée. (Il est surtout et aux vignobles de ces versants bien
étant mesurée par un manomètre diffé-
utilisé comme organe de sécurité en cas de Adélaïde exposés.
rentiel qui permet de déterminer la va-
rupture de conduite.)
leur de la vitesse. Dans les meilleures Adélaïde est une ville aimable, qui
clapet de retenue, appareil de section- ou ADELAIDE, v. d’Australie, cap.
conditions, et après étalonnage sérieux, jouit d’un climat très agréable, de type
nement, à fonctionnement automatique, de l’État d’Australie-Méridionale ;
les écarts de comptage sont de l’ordre méditerranéen : les étés sont chauds et
destiné à empêcher le passage d’un fluide 868 000 h.
de 2 p. 100. On peut encore mesurer les secs (moyenne de 21,5 °C), les hivers
dans certaines conditions.
L’aire métropolitaine de la ville sont doux et pluvieux (moyenne de
débits en utilisant un circuit électroma- conduite forcée, conduit sous pression
regroupe plus des deux tiers de la po- 12 °C), mais les averses sont coupées
gnétique pour estimer la conductibilité entièrement rempli par l’eau.
pulation totale de l’État. Le contraste de journées ensoleillées. Les plages de
de l’eau, fonction de sa minéralisation
crépine, cylindre perforé dont le rôle est
entre la grande cité en pleine expansion Henley, Glenelg et Brighton sont très
et de sa vitesse d’écoulement. d’arrêter les graviers et les corps solides.
et d’immenses zones rurales presque fréquentées.
gravitaire, se dit de l’amenée d’eau par un vides ne cesse de s’accentuer.
Protection contre la corrosion ouvrage dans lequel la circulation de l’eau Tout en gardant son charme de ca-
Adélaïde est située dans la plaine pitale, Adélaïde a su devenir une cité
Les eaux à faible résistivité, fortement est due à la seule action de la pesanteur.
côtière entre la chaîne méridienne des industrielle. Les usines se localisent
minéralisées ou contenant du fer même robinet, appareil de sectionnement d’une
monts Lofty et le golfe de Saint Vin- surtout dans la banlieue ouest, en par-
à petite teneur, peuvent provoquer conduite dont l’obturateur est commandé

de l’extérieur. cent. Le centre urbain n’est pas au bord ticulier entre le centre urbain et le port.
des dépôts qui constituent autant de
de la mer, mais à une douzaine de kilo- La plus grosse entreprise de l’agglomé-
petites piles avec attaque du métal. Le robinet à flotteur, robinet qui s’ouvre ou
mètres de son débouché maritime, Port ration, créée depuis la Seconde Guerre
revêtement intérieur des canalisations se ferme progressivement quand le niveau
de l’eau, suivi par un flotteur, a tendance à Adélaïde. mondiale, est l’usine d’automobiles
doit être particulièrement soigné et la
baisser ou à monter. Holden, filiale de la General Motors
vitesse du courant doit être suffisante L’emplacement fut choisi en 1836
pour éviter ces dépôts. Extérieure- robinet quart-de-tour, robinet équipé par le colonel William Light, et la ville américaine ; installée à Woodville,
d’une pièce tronconique évidée qui laisse cette entreprise emploie 10 000 sala-
ment, le sol constitue de par sa nature fut fondée en 1837 par des colons venus
passer l’eau lorsque l’évidement est dans
un électrolyte pouvant présenter des du Royaume-Uni. Les deux quartiers riés et produit 200 000 voitures par an.
l’axe de la conduite et dont la rotation de
conductibilités variables et constituer de la nouvelle cité, Adélaïde et North De son côté, Chrysler a des usines à
90°, à partir de cette position, interrompt la
une pile géologique avec apparition Adelaide, au plan géométrique, ont été Tonsley Park et à Port Lonsdale. Adé-
circulation de l’eau.
d’un courant dans le circuit extérieur installés de part et d’autre de la rivière laïde est ainsi le principal centre de
robinet-vanne, robinet dont l’obturateur,
que constitue la conduite. Plus généra- Torrens et sont entourés de beaux jar- construction automobile de l’Austra-
appelé vanne, peut être déplacé vertica-
lement, les courants dits vagabonds, à lement à l’aide d’une vis de manoeuvre. dins. Le plan primitif a été très peu lie. Il s’y ajoute de nombreuses autres
proximité de distributions électriques, (Remontée dans la calotte hémisphérique altéré depuis la fondation de la ville, et usines de constructions mécaniques, en
peuvent engendrer des phénomènes du robinet, la vanne est ouverte ; descen- le centre urbain conserve toujours une particulier de matériel électroménager,
d’électrolyse qui attaquent la conduite due, la vanne est fermée.) ceinture de 680 ha d’espaces verts et de des industries d’armement, de matériel

126
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

ferroviaire, d’électronique (Philips, Les deux péninsules enserrent entre d’Aden, tentent fréquemment de s’en par le petit îlot de ra), dont le premier
2 500 salariés), d’objets en caoutchouc, leurs bras une vaste baie, dont les replis emparer. fut le port primitif. Le port moderne
une raffinerie de sucre, des usines tex- constituent d’excellents ports naturels, se trouve à l’ouest, où les quartiers de
Après l’ouverture du canal de Suez
tiles (traitement de la laine, coton) et surtout au nord du volcan oriental, qui en 1869, Aden retrouve son rôle de Steamer Point et de Tawahi groupent
de vastes abattoirs. Un tel essor a exigé possède également d’autres ancrages transit et se développe considérable- les quartiers d’affaires modernes et
la création d’une puissante centrale sur ses rives extérieures. les résidences aisées. Entre les deux,
ment. Elle constitue alors, pour les An-
thermique et d’une raffinerie de pétrole glais, une colonie d’un intérêt straté- Ma‘ala, sur la côte nord, est un quartier
(capacité voisine de 2 Mt). Pour la L’histoire populaire arabe et somali, et en même
gique et économique de premier ordre.
consommation de la ville et des usines, Le protectorat britannique s’étend à un temps le port des barques indigènes.
La position géographique d’Aden lui
il a fallu faire appel aux eaux du fleuve ensemble de sultanats et de principau- Sur le continent, le quartier de Chaykh
confère une importance politique, éco-
Murray, grâce à une canalisation de ‘Uthmn, qui se développe sans cesse,
tés couvrant 290 000 km 2, en grande
nomique et stratégique considérable.
65 km qui franchit les monts Lofty. partie désertiques. À partir de 1947, a reçu le surplus de la population à
Depuis l’Antiquité le port constitue un
Pour éviter l’engorgement de leur l’autonomie d’Aden s’élargit ; en 1962 l’étroit dans l’île et qui s’est peu à peu
lieu de transit pour le commerce entre
capitale, les dirigeants de l’Australie- une Constitution établit un régime groupé autour des constructions mili-
le monde méditerranéen et l’Extrême-
Méridionale ont favorisé la création de de self-government ; en 1963, l’État taires et de l’aéroport.
Orient.
villes satellites. La première, Elizabeth, d’Aden devient membre de la fédéra-
Les Grecs et les Romains connais- La période coloniale britannique a
est située à 25 km au nord d’Adélaïde. tion d’Arabie du Sud. Après une pé-
saient Aden sous le nom d’Adana entraîné la formation d’une population
Un centre commercial et des quartiers riode de troubles qui avait commencé
ou Athana : le port est alors le point très composite, mosaïque ethnique,
de résidence sont déjà construits, les en 1963, l’indépendance est proclamée
d’appui de la navigation vers le pays où les éléments indien (commerçants
premières usines y fonctionnent, en (sept. 1967) ; la fédération devient la
de l’encens et vers l’Inde. Mahomet parsis notamment) et somali sont nom-
particulier un atelier Holden ; la ville République démocratique et populaire
s’y intéresse de près et y installe un breux à côté des Arabes du pays. La
nouvelle a plus de 40 000 habitants. du Yémen* du Sud.
gouverneur musulman, Ab Msa al- population de la conurbation, qui était
Entre Elizabeth et Adélaïde, le petit A. M.
Ach‘ar. La ville est ensuite intégrée à de 50 000 habitants en 1931, était éva-
centre de Salisbury connaît également
la province du Yémen. Après le mor- luée à 250 000 habitants environ en
un rapide essor. La ville actuelle
cellement de l’empire, elle est dispu- 1970.
Le débouché maritime de cet en- tée entre plusieurs dynasties. De 976 X. P.
Les fonctions d’Aden sont multiples.
semble urbain, Port Adélaïde, est situé à 1019 elle est sous le contrôle des La ville s’est développée essentielle- Arabie / Empire britannique / Yémen (Répu-
sur un petit estuaire bordé de marais, blique démocratique et populaire du).
Ban Ziyd. En 1019 elle-passe sous ment comme un point d’appui stra-
où de grands travaux d’aménagement l’autorité des Ban Ma‘n. Plus tard les Notes et Études documentaires, Arabie
tégique des flottes britanniques et un
ont été effectués au cours des dernières méridionale. La colonie et les protectorats bri-
ulaydes du Yémen donnent le gou- port d’escale sur la route des Indes,
décennies. Sur le golfe de Saint Vin- tanniques d’Aden (la Documentation française,
vernement d’Aden aux Ban Karm, port charbonnier à l’origine, puis port 1956).
cent, un port extérieur (Outer Harbour) dont une fraction, les Zuray‘ides, se pétrolier, ce dernier rôle ayant été
permet l’accostage des plus grands déclare indépendante vers 1125. Ceux- renforcé par l’établissement en 1954
navires. Le trafic comporte des ex- ci dominent Aden jusqu’en 1173, date d’une raffinerie de pétrole, construite
portations de produits agricoles (blé, à laquelle Turn-chh, frère de Saladin,
laine, orge) et de véhicules, mais leur
par l’Anglo-Iranian Oil Company Adenauer
s’empare du Yémen. Vers 1230, les dans la Petite Aden. La raffinerie éla-
tonnage reste très inférieur au déchar- Ayybides perdent le contrôle d’Aden bore surtout des produits provenant de (Konrad)
gement de produits pondéreux (acier, au profit des Raslides, qui le cèdent Koweït. Cette fonction d’escale, maxi-
phosphates, bois, charbon) nécessaires aux hirides (v. 1450-1517). male entre les deux guerres mondiales Homme d’État allemand (Cologne
aux activités de la cité. Le pétrole est
Au début du XVIe s., les Portugais, (10 à 12 millions de tonneaux de tra- 1876 - Rhöndorf 1967), le premier
transféré directement de Port Stan-
de même que les mamelouks d’Égypte, fic annuel entre 1930 et 1939), est en chancelier de la République fédérale
vac à la Petroleum Refineries. Plus de
tentent vainement de s’emparer de décadence et a presque disparu depuis d’Allemagne.
5 Mt de marchandises sont chargées
la ville. Les Ottomans l’occupent en la fermeture du canal de Suez. Mais il
et déchargées chaque année dans l’en-
1538. Chassés par les Zaydites de s’y ajoute une fonction de redistribu- Introduction
semble portuaire d’Adélaïde.
an‘, ils la conquièrent de nouveau tion des produits importés, facilitée par
A. H. de L. Konrad Adenauer est le fils d’un mo-
pour l’abandonner définitivement vers l’établissement d’un port franc, assurée
Australie-Méridionale. deste greffier au tribunal de Cologne.
1630 aux souverains du Yémen. Les sur les côtes de l’Arabie méridionale
Grâce à l’héritage de son parrain, il fait
Zaydites la contrôlent jusqu’au début et même de l’Afrique orientale par un
des études secondaires complètes et ob-
du XVIIIe s. Aden passe alors sous la actif commerce de barques indigènes
tient l’Abitur (baccalauréat) en 1894. Il
domination des sultans de Laidj, (dhows), et une fonction régionale
Aden sous lesquels elle perd son importance d’importation et d’exportation pour la débute à dix-huit ans comme stagiaire à

République démocratique et populaire la banque Seligmann de Cologne, mais


comme port. Il est vrai que, depuis la
Principal port de la République dé- découverte de la route des Indes, son du Yémen et même pour une partie de abandonne rapidement ces fonctions et

mocratique et populaire du Yémen ; rôle de transit échappe à Aden qui voit la république du Yémen. s’inscrit comme étudiant à la faculté de

250 000 hab. son commerce péricliter. droit de Fribourg-en-Brisgau.


L’agglomération est extrêmement
L’existence d’Aden est liée à un site Au début du XIXe s., les Anglais s’in- morcelée, en raison du relief volca- Konrad étudie ensuite à Munich,

portuaire exceptionnel, de loin le meil- téressent à ce port situé sur la route des nique escarpé qui laisse peu de place puis à Bonn, où il achève ses études

leur de la côte d’Arabie méridionale. Indes. En 1838, ils amènent le sultan aux espaces plans pour l’extension des de droit et d’économie politique (doc-

Il s’agit de deux volcans éteints, origi- de Laidj Muhsin ibn Fal à leur céder constructions. La « vieille ville » (qui torat). C’est à Berlin, en 1901, qu’il
nellement insulaires, aujourd’hui reliés Aden. En 1839 ils prennent posses- remonte en fait au XIXe s. seulement réussit ses examens d’assesseur ; il
au littoral par des péninsules alluviales sion de la ville après une intervention mais est le premier quartier consti- est bientôt nommé conseiller de chan-
(tombolos), Aden, à l’est, qui culmine armée. Leur position n’est consolidée tué après l’annexion britannique), cellerie à la cour d’appel de Cologne.
à 549 m au djebel Chamsan, et la Petite qu’en 1867, à la suite de la soumission, ou « Crater », est située à l’est sur En 1903 il est adjoint au cabinet du
Aden (« Little Aden »), à l’ouest, qui au moyen de diverses expéditions, l’Océan, près des deux mouillages de conseiller de justice Kausen, l’un des
s’élève à 346 m au djebel Muzalqam. des tribus arabes qui, habitant autour Holkat Bay et de Front Bay (séparés leaders du Zentrumspartei catholique.

127
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Un maire actif suit pas. À cette époque marquée par froid fonctionnaire et le congédient dès siques subies durant les deux guerres,
la démilitarisation de la zone rhénane, le 6 octobre. souligne ce qu’a de froid et d’appa-
Le 7 mars 1906, Adenauer com-
imposée par le traité de Versailles remment impassible l’argumentation
La conséquence ne tarde pas : aux
mence sa carrière politique ; il devient
(1919), le maire de Cologne préfère yeux des Allemands, Adenauer va être d’Adenauer. Lors des élections géné-
conseiller municipal de Cologne, après
donner tous ses soins à « sa » ville, rales du 14 août 1949, les chrétiens-dé-
doublement auréolé de son intran-
s’être marié (1905) à une jeune fille
dont il fait l’une des plus belles d’Alle- sigeance face au nazisme et de son mocrates obtiennent 31 p. 100 des voix
de la vieille bourgeoisie de la ville,
magne. Au Landtag prussien — qu’il indépendance à l’égard de l’occupant (139 sièges) ; mais la SPD les talonne,
Emma, qui lui donnera trois enfants.
préside de 1928 à 1933 —, au Conseil britannique. avec 29,2 p. 100 (131 sièges). Il faut
Élu, en 1909, premier adjoint au maire
économique du Reich, au Comité di- 202 voix pour être élu chancelier par
Max Wallraf, le Dr Adenauer est plus L’autorité ainsi renforcée du Dr Ade-
recteur du Zentrumspartei, il s’impose le Parlement fédéral. Tournant déli-
spécialement chargé des finances et du nauer lui permet de jouer un rôle im-
par sa hauteur de vues et sa lucidité. bérément le dos à Schumacher et à la
personnel de la ville. portant dans la création et le dévelop-
« grande coalition », Adenauer forme
K. Adenauer est réélu maire de Co- pement de la CDU (Union chrétienne
Durant la Première Guerre mon- une « coalition bourgeoise » avec le
logne le 17 décembre 1929. En sep- démocrate), parti fondé sur une idéolo-
diale, K. Adenauer reste à Cologne. parti libéral. Le 15 septembre 1949,
tembre 1919 il a épousé, en secondes gie à la fois chrétienne, démocratique,
Nommé adjoint au ravitaillement dès à une voix de majorité seulement, il
noces, Augusta Zinsser. sociale et occidentale. Quand la CDU
juillet 1914, il doit assurer — dans des est élu chancelier fédéral. Quelques
Démocrate et chrétien, Rhénan lu- organise ses premières réunions en
conditions de plus en plus difficiles semaines plus tard la CDU se le donne
cide, il a rapidement deviné ce que le zone britannique, Adenauer est élu pré-
— la subsistance d’une population de comme président.
nazisme, derrière son visage glorieux sident de zone (fév. 1946) ; à la même
600 000 âmes. En octobre 1917, alors
et revanchard, cache de démagogie époque, les autorités militaires britan-
qu’il est veuf depuis un an, Konrad
hallucinée, de militarisme brutal, de niques créent un Conseil consultatif Le chancelier du « miracle
Adenauer devient maire (Oberbürger-
de zone, qui se réunit à Hambourg le
meister) de Cologne. Peu après, il est racisme païen. Quand Hitler, chance- allemand » et l’Européen
lier depuis deux semaines, vient pour 6 mars 1946 et où Adenauer représente
élu à la Chambre haute de Prusse et au Adenauer a soixante-treize ans, mais
la CDU.
Landtag de la Province rhénane. Tâche la première fois à Cologne, le 17 fé-
sa verdeur est incroyable. L’Europe,
écrasante si l’on songe au rôle straté- vrier 1933, il s’étonne de ne pas voir Ce conseil, qui n’a que voix délibé-
réveillée des cauchemars de la guerre,
gique de Cologne ; tâche qui s’alour- le maire. De l’étonnement il passe à la rative, se montre impuissant, au sein
s’habitue très vite à voir l’Allemagne
dit, à la fin de 1918, de l’humiliation colère quand il apprend qu’Adenauer a d’une zone ruinée, à établir un plan
nouvelle sous les traits de ce vieillard
de la défaite, du passage incessant des fait enlever les drapeaux nazis qui flot- de redressement économique. Or les
au masque asiatique (il souffre d’une
troupes vaincues, fourbues et amères, taient en ville. Convoqué à Berlin chez Alliés occidentaux, à la même époque,
paralysie des muscles faciaux), aux
et aussi de la souffrance attachée à la Göring, Adenauer est révoqué au profit constatent avec une colère grandis-
lèvres minces, au menton volontaire,
disette, au chômage. du nazi Riesen. sante — chez Churchill elle atteint à
à la parole brève. Ses adversaires
la véhémence — que les Russes orga-
Désormais, la Gestapo le guette. politiques estiment que le chance-
nisent fortement leurs États satellites
Des rêves autonomistes à Accusé de détournements de fonds, il lier possède un vocabulaire réduit à
en Europe orientale. Aussi, le 15 juil-
la persécution est emprisonné une première fois en 1 000 mots. C’est vrai, mais avec ces
let 1946, la conférence des ministres
1934. Rendu à sa famille et à la maison 1 000 mots, cet homme peu bavard va
Devant l’effondrement de l’Allemagne des Affaires étrangères, réunie à Paris,
qu’il a achetée à Rhöndorf, à proximité fabriquer les phrases qu’il faut pour
impériale, Adenauer pense que le mo- décide-t-elle de réorganiser politique-
de Bonn, il se trouve, à soixante ans, faire d’un pays maudit une nation
ment est venu de donner à la Rhénanie, ment l’Allemagne occidentale. Ainsi
sans emploi. C’est de Rhöndorf qu’il écoutée.
mais dans le cadre de la république de est créé, entre autres, dès le 18 juil-
assiste à l’extraordinaire montée et au Laissant à Ludwig Erhard le soin de
Weimar, le rôle d’État tampon que le let, le Land de Rhénanie-Westphalie.
rapide déclin du IIIe Reich. Au len- faire jaillir le « miracle économique
congrès de Vienne, en 1814, a refusé Adenauer, élu membre du Landtag de
demain du putsch manqué du 20 juil- allemand », Adenauer se réserve les
de lui confier, sacrifiant ainsi aux Düsseldorf, voit son autorité grandir.
let 1944, il est l’une des victimes de Affaires étrangères et se donne pour
ambitions prussiennes. Il accepte la Quand, le 1er septembre 1948, à Bonn,
« l’opération orage ». Arrêté de nou- but la restauration internationale de
présidence d’une commission chargée dans les locaux de l’Académie péda-
veau par la Gestapo, il s’évade du camp l’Allemagne en même temps que son
d’étudier les possibilités de la création gogique, se réunissent les 65 membres
de concentration établi sur le champ intégration au monde occidental. Après
d’un État rhénan autonome. Le 1er fé- du Conseil parlementaire créé par les
de foire de Cologne ; découvert, il est le blocus de Berlin, il juge irréalisable
vrier 1919, en présence de toutes les Alliés pour élaborer une Constitution,
emmené à la prison de la Gestapo à la réunification allemande ; et c’est
autorités rhénanes réunies en l’hôtel de Adenauer est parmi eux : c’est lui
Brauweiler, près de Cologne. L’avance pourquoi, en 1953, il refusera le projet
ville de Cologne, Adenauer « le laco- qu’ils élisent comme président ; la loi
alliée le sauve de l’exécution. proposé par la République démocra-
nique » prononce, pâle et nerveux, le fondamentale est proclamée le 23 mai
tique allemande, d’élections et de réu-
plus long discours de sa carrière. Il 1949. Des onze Länder naît un État
fédéral, la République fédérale d’Al- nification sous forme de confédération.
admet le bien-fondé des craintes de
L’homme qui s’impose
la France, désireuse d’obtenir des ga- lemagne. Le choix de la petite ville K. Adenauer va être l’artisan de
aux Alliés
ranties sur le Rhin. La création d’une de Bonn comme capitale — elle est deux grands projets : l’unification de
République rhénane dans le cadre du Tout naturellement, les Américains préférée à Francfort — réjouit parti- l’« Europe » (occidentale) et surtout
Reich aurait un double effet : satisfaire demandent à Konrad Adenauer de re- culièrement le Rhénan Adenauer, que la « réconciliation franco-allemande ».
la France et opposer au militarisme prendre en main le sort de la ville de l’autoritarisme prussien a toujours Il est vrai que le chrétien-démocrate
prussien un esprit pacifique dont l’Eu- Cologne, ou plutôt d’une ville fantôme rebuté et qui a largement contribué à Adenauer trouvera de l’autre côté de la
rope a grandement besoin. nommée Cologne, où seules quelques cette décision. frontière deux personnalités qui ont la
centaines de maisons restent debout, Un pas encore et ce sera le pou- même volonté que lui : un autre chré-
Mais l’affaire tourne court. Ade-
et qui ne compte plus que 32 000 habi- tien-démocrate, encore plus idéaliste,
nauer s’oppose aux vues franchement voir suprême. Mais sur le chemin de
séparatistes d’Adam Dorten, que favo- tants sur 760 000. Adenauer accepte et l’ancien maire de Cologne se dresse le Robert Schuman, et un général réaliste,

fait face. Mais si les Américains lui ap- Charles de Gaulle.


rise le général Mangin. Et quand Dor- puissant leader des sociaux-démocrates
ten profite de l’occupation de la Ruhr portent une aide efficace, les Anglais, (SPD), le Prussien Kurt Schumacher, C’est à Bonn, le 13 janvier 1950,
par les Français (1923) pour amorcer qui les remplacent à partir du 21 juin dont l’éloquence pathétique et inci- qu’Adenauer rencontre pour la pre-
une séparation de fait, Adenauer ne le 1945, jugent insuffisamment souple ce sive, avivée par les souffrances phy- mière fois R. Schuman : celui-ci est

128
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

lui-même rhéno-mosellan ; il a d’ail- Le chancelier rencontre le général dès chancelier, qui démissionne le 15 octobre capable d’enlever un homme. Un peu
leurs été étudiant à Bonn ; il connaît le 14 septembre 1958, à Colombey-les- 1963. Le lendemain, Erhard le remplace à plus tard il construit un vélocipède qui
et aime l’Allemagne rhénane. Dès le Deux-Églises. Entre ces deux hommes la chancellerie, en attendant de lui succé- possède, remarquable innovation, des
premier abord, les deux hommes se si différents naît une véritable amitié, der à la tête de la CDU (1965). roues caoutchoutées. Pendant la guerre
comprennent. Alors les choses, qui et cette rencontre prélude à une série franco-allemande de 1870, il fabrique à
Ses dernières années sont consacrées à la
eussent paru irréalisables l’année de rendez-vous du même genre dont ses frais un ballon qu’il donne, la paix
rédaction de ses Mémoires et aux voyages.
précédente, vont vite. En mars 1950, l’histoire culmine avec le triomphal signée, à la ville de Toulouse. Installé
P. P. et F. G. D.
Adenauer propose la constitution voyage du général de Gaulle en Alle- à Paris en 1876, il y monte en 1880
Allemagne (République fédérale d’) / Cologne
d’une union politique européenne. Le magne, en septembre 1962. Si la poli- / Démocratie chrétienne / Rhénanie / Weimar le premier réseau téléphonique privé,
(république de). pour lequel il se sert d’un microphone,
9 mai R. Schuman propose la consti- tique européenne inaugurée en 1950 ne
tution d’une Communauté européenne progresse pas aussi vite qu’Adenauer R. d’Harcourt, Adenauer (Éditions uni- mis au point par ses soins en 1878, et
du charbon et de l’acier (C. E. C. A.). l’aurait souhaité, du moins peut-il
versitaires, 1955). / P. Weymar, Konrad Ade- de tout un appareillage de son inven-
nauer, die autorisierte Biographie (Munich,
Le 23 mai Adenauer reçoit à Bonn tion. À l’exposition d’électricité de
fortifier l’alliance franco-allemande à 1955 ; trad. fr. Konrad Adenauer, souvenirs,
Jean Monnet, l’animateur de toute laquelle le traité de l’Élysée du 22 jan- témoignages et documents, Plon, 1956). /
1881 il dévoile son théâtrophone, qui
l’entreprise ; le 15 juin, le Bundestag E. N. Dzelepy, le Mythe Adenauer (Éditions permet d’entendre à domicile, avec un
vier 1963 vient apporter une consécra-
politiques, Bruxelles, 1960). / K. Adenauer, poste téléphonique, les représentations
décide l’entrée de la R. F. A. dans la tion solennelle.
Mémoires (trad. de l’allem., Hachette, 1965-
C. E. C. A. de l’Opéra, et qui connaît un très grand
Cependant, la carrière du chance- 1969 ; 3 vol.). / R. Delcour, Konrad Adenauer
(Seghers, 1966). succès.
En avril 1951, Adenauer va à Paris lier est sur son déclin. Lors des élec-
pour signer le traité créant la C. E. C. A. Devenu riche, Ader se consacre
tions fédérales du 17 septembre 1961,
Grâce à lui, en mai, la République fédé- tout entier au but qu’il s’est assigné :
la CDU perd au Bundestag la majorité
rale devient membre à part entière du découvrir le moyen de voler. Il ins-
absolue. L’autorité d’Adenauer, déjà
Conseil de l’Europe et, en mai 1952, affaiblie par ce résultat, l’est encore
adénite, talle chez lui une immense volière où

les hauts commissaires alliés en Alle- il réunit tous les oiseaux qu’il peut
davantage du fait des marchandages adénome, se procurer, du moineau au vautour,
magne se muent en ambassadeurs. auxquels il doit recourir pour for-
Ainsi le chancelier a-t-il restauré à peu mer, avec les libéraux, un cabinet de
adénopathie ainsi que de grandes chauves-souris de

près l’indépendance de l’Allemagne. l’Inde, dont il étudie le vol, la structure


coalition bourgeoise. Encore n’est-
des ailes, etc. Ses observations et ses
Mais ce n’est qu’avec les accords de il réélu chancelier, le 7 novembre, GANGLION / PROSTATE.
calculs l’amènent alors à l’exécution
Paris (1954) que la République fédérale qu’en promettant de quitter la chan-
recouvre sa complète souveraineté. de son Eole, reproduction fidèle de la
cellerie à temps pour que son succes-
grande roussette de l’Inde. Commencé
Adenauer jouit alors d’une très seur puisse préparer les élections de
en 1886, achevé en 1889, breveté le
grande popularité. Les élections au 1965. Or, aux yeux des députés CDU, Ader (Clément) 19 avril 1890, cet appareil est équipé
Bundestag du 6 septembre 1953 ce successeur ne peut être que Ludwig
d’un moteur à vapeur. Ses ailes de 14 m
donnent à la CDU une majorité confor- Erhard, celui-là même que le chance- Ingénieur français (Muret 1841 - Tou- d’envergure peuvent se replier. Dans le
table : Adenauer est triomphalement lier ne cesse de dénigrer. louse 1925). plus grand secret, Ader l’expérimente
réélu au poste de chancelier. En sep-
Les aléas de la politique européenne et Encore collégien, il conçoit un le 9 octobre 1890 dans le parc du châ-
tembre 1957, la CDU obtient même la
l’affaire du Spiegel ont raison du vieux cerf-volant de grandes dimensions teau d’Armainvilliers (près de Gretz)
majorité absolue. Le chancelier peut ar-
guer en effet de nouveaux progrès pour
l’Allemagne fédérale : intégration de la
R. F. A. dans l’union de l’Europe occi-
dentale (U. E. O.) et dans l’O. T. A. N.
en 1954 ; proclamation de la R. F. A.
comme État souverain, en 1955 ; rat-
tachement de la Sarre à l’Allemagne à
partir du 1er janvier 1957 ; ratification
par le Parlement fédéral des traités de
Rome instituant la C. E. E. (mars 1957).

Cependant, les adversaires du chan-


celier et notamment les sociaux-dé-
mocrates lui reprochent une politique
« capitaliste, cartelliste, conservatrice
et cléricale ». Ils l’accusent de ne pas
apporter à l’unification de l’Allemagne
l’intérêt nécessaire. Mais le chancelier
prétend, après son voyage à Moscou en
1955, qu’il n’a rien pu faire en raison
de l’opposition soviétique.

Adenauer et de Gaulle
L’arrivée au pouvoir du général de
Gaulle, considéré comme nationaliste
et antieuropéen, va-t-elle arrêter la
politique de réconciliation franco-al-
lemande et d’unification européenne ?

129
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

et réussit un bond d’une cinquantaine taine surface, le degré d’adhérence se deux corps par l’autre ; ce dernier doit fer ; il y a affinité répulsive, et il n’y
de mètres à 20 cm du sol. Quelques caractérisant alors par l’effort, rapporté donc prendre l’état liquide temporaire- a pas d’adhérence moléculaire comme
modifications de détail au moteur font à l’unité de surface, qu’il est nécessaire ment, soit par fusion, suivie de solidi- dans le cas de l’étamage du fer par
de ce premier appareil l’Eole II qui, en d’exercer, soit dans le sens normal, soit fication par refroidissement (galvani- l’étain à chaud. De plus, la distance
septembre 1891, accomplit un nouveau dans le sens tangentiel, pour réaliser la sation à chaud), soit par changement d’interface n’est pas d’ordre molécu-
vol au camp de Satory, obligeamment séparation. d’état dû à une polymérisation, une laire (quelques millimicrons tout au
prêté par le ministre de la Guerre, Selon la nature de la liaison, on dis- oxydation ou une polycondensation plus), mais d’ordre capillaire (plus
Charles Freycinet. Malheureusement, tingue l’adhérence physico-chimique, (collage ou enrobage par une résine de 40 ou 50 millimicrons) : l’eau peut
les essais sont interrompus à la suite due aux forces d’affinité moléculaire, époxy liquide contenant un durcisseur s’insérer par capillarité entre le fer et

d’un accident qui endommage l’appa- et l’adhérence mécanique, due aux catalytique), soit encore par dépôt élec- le plomb, et former de la rouille. La
reil venu buter sur des chariots. Réparé, forces de frottement. Ces deux types trolytique à partir d’un bain approprié notion d’adhérence physico-chimique

celui-ci est exposé dans le pavillon de d’adhérence peuvent agir simultané- dans un bac à électrolyse (argenture du est d’une importance exceptionnelle
la ville de Paris et intéresse le ministre ment et se renforcer mutuellement. cuivre, ou nickelage, cobaltage, cad- dans la plupart des techniques mo-

de la Guerre. miage de l’acier), soit enfin par réac- dernes : construction routière, béton
tion chimique à l’interface (dépôt de armé, béton précontraint, passivation
Désormais, les expériences et les Les premiers essais
chaux sur une armature d’acier avec du fer et de l’acier, charpente collée,
essais de l’inventeur se feront sous le d’adhérence réparation des fissures dans les grands
formation d’un film passivant de fer-
couvert du département de la Guerre.
En 1812, Christopher Blackett, industriel et rite de calcium Fe2O3, CaO, dans le ouvrages et les barrages, métallurgie
Durant six années, Ader se livre à des
ingénieur anglais, ne voulut pas ajouter la cas du béton armé ; formation d’un des poudres, etc.
essais de toutes sortes. Le 24 juillet dépense d’un rail à crémaillère pour utili-
film passivant de phosphate de fer à
1894, une convention est signée entre ser la traction à vapeur sur la ligne d’une
partir d’une solution de phosphate de Adhérence mécanique
l’inventeur et le général Mercier, mi- mine qu’il possédait à Wylam. Il chargea
sodium, dans la technique de phospha-
nistre de la Guerre. alors William Hedley (1770-1843) d’effec-
Celle-ci, fondée sur les lois du frotte-
tuer des recherches sur les possibilités que tation ou de parkérisation de l’acier,
Au printemps de 1897, l’appareil ment, est d’une nature très différente de
pouvait offrir l’adhérence des roues lisses rendant ce dernier inoxydable). Si les
définitif, l’Avion III, est prêt et une sur des rails en fonte. Hedley entreprit des l’adhérence physico-chimique. L’ad-
deux conditions de l’adhérence par-
expérience officielle est prévue pour essais à l’aide d’un véhicule mû par des hérence par frottement peut se substi-
faite sont remplies, celle-ci se suffit à
le 14 octobre au camp de Satory, de- hommes et rechercha la relation existant tuer en partie à une adhérence physico-
elle-même et ne nécessite nullement
entre le poids d’une locomotive et la plus chimique imparfaite par suite d’affinité
vant une commission nommée par le l’appoint de l’adhérence mécanique
grande charge qu’elle pouvait mettre en
ministre de la Guerre (général Billot). trop faible et insuffisante. On a alors
mouvement depuis l’état de repos. Par- par frottement. La séparation ne peut
Ce jour-là, le temps est mauvais, mais une adhérence mixte, l’adhérence mé-
venu à la conclusion que les roues lisses pas d’ailleurs être réalisée par action
Ader n’ose pas renvoyer les person- canique jouant le rôle de liaison fondée
adhéraient aux rails à condition de don- mécanique (traction ou cisaillement),
nalités présentes qui, à l’abri du vent ner à la machine un poids suffisant, il en sur une imbrication entre éléments de
car la liaison entre molécules des
et de la pluie, ont de la peine à suivre, administra la preuve en faisant construire deux surfaces en contact, rugueuses ou
deux corps est aussi solide que la
par Timothy Hackworth en 1813 la pre- granulaires au lieu d’être polies. L’ad-
de loin, le comportement de l’appa- liaison entre molécules d’un même
mière locomotive conçue sur ce principe,
reil. Celui-ci, porté par ses roues sur hérence mécanique est le résultat d’un
la Puffing Billy, dont les deux essieux corps, même dans le cas de surfaces
une soixantaine de mètres, fait d’abord frottement statique créant des forces de
étaient couplés afin que toute la masse en contact rigoureusement lisses. La
liaison tangentielles, qui dépendent de
des bonds successifs, puis quitte le sol de l’engin fût utilisée pour la traction. Le liaison est parfois même plus solide :
tout à fait, mais, pris dans un remous poids de la machine était trop élevé pour la pression normale que les corps en
c’est le cas de l’adhérence épitaxique,
les rails en fonte de l’époque. En 1815, on contact exercent l’un sur l’autre. Il y
d’air, il est rejeté à terre et sérieuse- qui est une variété de liaison molécu-
la transforma en machine à huit roues, a, à l’état d’adhérence statique, un rap-
ment endommagé. Alors s’ouvre une laire par affinité réciproque, suivant
puis on lui rendit ses quatre roues en 1830 port constant
polémique interminable. Les membres laquelle les molécules à l’interface
lorsque l’on disposa de rails plus solides.
de la commission constatent simple- Cette locomotive, qui fonctionna jusqu’en des deux corps ne se soudent pas dans
ment, d’après l’interruption des traces 1864, fut parfaitement capable de rouler le désordre, mais s’orientent avant de
laissées par la roue arrière dans le sol en remorquant des charges appréciables. s’enchevêtrer. Il peut y avoir mouillage entre l’effort tangentiel résistant T
Conservée au Science Museum de Londres,
détrempé, l’existence d’une force por- (à la limite de la zone d’attraction mo- et l’effort normal, ou compression,
elle est la plus vieille locomotive du monde
tante qui avait allégé l’appareil. Ils léculaire) même si l’affinité est nulle : N. L’angle de frottement statique est
encore existante.
donnent cependant un avis favorable à c’est le cas de l’enrobage d’un granu- l’angle qui admet f comme tangente
C. M.
la poursuite des recherches. Ader sou- lat par du bitume en fusion, en tech- trigonométrique. Ce type d’adhérence
tient énergiquement qu’il a réussi une nique routière, le bitume pur n’ayant ni mécanique intervient dans trois cas
« envolée ininterrompue de 300 m ». répulsion ni affinité pour les granulats principaux.
Adhérence
Quant au ministre de la Guerre, il y tels que le quartz, le quartzite, le silex,
physico-chimique ou
voit un échec. Désormais abandonné le porphyre, etc. Certaines impuretés Adhérence en matière de béton
adhérence parfaite
à lui-même, Ader cherche vainement du bitume lui donnent cependant une armé
des concours financiers. Ruiné, il brûle Elle se produit si deux conditions sont affinité très faible. On peut renforcer Il s’agit d’une adhérence mixte du ci-
ses esquisses et même ses appareils, remplies : l’affinité du bitume en y introduisant ment entrant dans la composition du
n’épargnant que l’Avion III, puis se 1o Le contact doit être établi de telle en très faible quantité des dopes d’ad- béton avec l’armature passivée par le
retire dans sa demeure solitaire du Ri- sorte que les molécules des deux corps, hésivité qui se portent à l’interface et film de chaux. En service, quand les
bonnet, près de Toulouse. dans la zone d’interface, se trouvent réalisent l’adhérence parfaite ; sinon, armatures sont mises en traction et
J. D. à des distances inférieures ou au plus en présence d’eau, le désenrobage se s’étirent, le béton peut ne pas suivre
égales à la distance d’attraction molé- produit par déplacement progressif du l’allongement et risquer de se décol-
culaire ; bitume. ler du pourtour de l’armature ; mais
2o Il doit y avoir affinité positive ou Enfin, il ne peut y avoir mouillage il subsiste l’adhérence mécanique due
adhérence attractive entre les molécules des deux de l’un des corps par l’autre (ce der- au frettage de la barre par le béton qui
corps. nier étant à l’état liquide) si l’affinité l’enserre fortement par suite du retrait
Liaison de contact entre deux corps ap- La première condition est réalisée est négative ou répulsive. C’est le cas, dont il est normalement l’objet. Le
pliqués l’un sur l’autre suivant une cer- par le mouillage préalable de l’un des par exemple, du plomb fondu sur le coefficient d’adhérence f entre béton

130
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

les caniveaux que si la pluie s’accentue


et se prolonge.

Adhérence en technique
ferroviaire

L’adhérence acier sur acier étant relati-


vement faible (f = 0,16), les voies fer-
rées ont toujours été prévues avec des
rampes ne dépassant pas 2 à 3 p. 100,
soit le tiers de celles admises pour les
chaussées. Dans ce domaine, il existe
une prédominance à l’adhérence par
frottement rugueux, quel que soit le
poli apparent des surfaces.

Si l’on applique à une roue chargée


et armature a pour valeur moyenne — l’importance du trafic, dont l’in- verticalement un effort tangentiel, en
f = 0,40. tensité réduit rapidement la valeur du interdisant le déplacement de son axe,
coefficient f et rend la surface glissante les déformations élastiques permettent
Adhérence des pneus sur la par diminution de la rugosité géomé- une légère rotation de la roue, même

chaussée trique des granulats. s’il n’y a aucun glissement entre les
deux surfaces : il y a pseudo-glisse-
Cette question est d’une importance Toutefois, dans les situations cri-
ment. Quand l’effort est maximal, sans
capitale, car elle est en rapport étroit tiques, sous le coup de frein brutal,
glissement, il y a adhérence statique.
avec la sécurité des usagers. Dans ce l’adhérence ne dépend plus du coeffi-
Au-delà, il y a patinage ; si la roue, au
domaine, le coefficient d’adhérence cient d’adhérence du pneu à la chaus- roue, par le coefficient de frottement
lieu d’être immobilisée, glisse sur le
sée considérée et prend des valeurs très
f peut varier pratiquement de 0,05 relatif aux matières considérées en
rail, l’effort moteur décroît rapidement
faibles, parfois nulles. S’il s’agit d’un
à 0,95, car il dépend de nombreux contact : R = A = P. Le dérapage ne
quand la vitesse de glissement aug-
revêtement bitumineux, la trace noire
facteurs, dont les principaux sont les mente. se produira que lorsque l’effort trans-
brillante laissée par le coup de frein
suivants :
Le coefficient d’adhérence moyen versal perturbateur T sortira du cercle
prouve la fusion du bitume et même
— l’état du revêtement, propre, sec,
celle du caoutchouc du pneu. À ce mo- généralement admis pour le matériel d’adhérence :
poussiéreux, ressuant en liant noir par
ment, la roue circule sur de l’huile et moteur est de l’ordre de 0,16. Pour les
Lorsque la roue retrouve sa liberté
temps chaud, humide, très mouillé, en-
le coefficient d’adhérence est nul. S’il locomotives électriques modernes, mu-
neigé, verglacé, souillé d’argile, etc. ; de roulement sans frottement autour
s’agit d’un revêtement en béton de ci- nies de dispositifs spéciaux, ce coeffi-
— la vitesse du véhicule. Le coefficient de son axe, toute sollicitation exercée
ment, la chaussée est imprégnée en sur- cient atteint 0,24 à 0,26. Si les condi-
d’adhérence diminue notablement tions sont favorables, on peut atteindre horizontalement et perpendiculaire-
face d’un film huileux provenant des
quand la vitesse dépasse une certaine 0,35 à 0,40 au démarrage ou à très ment à son axe engendre un mouve-
imbrûlés des moteurs et stabilisé par de
valeur, laquelle dépend du type de faible allure. Le coefficient décroît ment de roulement sans glissement
la poussière. Si la chaussée est humide,
revêtement et de l’état dans lequel il avec la vitesse suivant la formule sur le sol. Le rayon de roulement est
l’huile se met en émulsion sous le coup
se trouve ; de frein. Les roues circulent alors sur égal à celui de la roue et le vecteur
— l’angle d’envirage, ou angle que plusieurs couches de billes de dimen- vitesse est contenu dans le plan de la
fait le plan de rotation du pneu avec sions microscopiques et le coefficient dans laquelle V est la vitesse en km/h roue. Un effort transversal Ty appli-
la tangente à la trajectoire suivie par d’adhérence tombe à zéro. De même, et 0 le coefficient d’adhérence statique qué au centre de contact roue-sol ne
ce dernier ; sur une chaussée en béton de ciment au qui est de l’ordre de 0,24 à 0,26.
modifiera pas le mouvement tant qu’il
— l’état des pneus, lisses et usés ou début d’une pluie fine, il se forme une
restera inférieur à la valeur de l’adhé-
neufs avec des sculptures accusées ; émulsion d’huile qui ne disparaît dans
Guidage par adhérence
rence. Le mouvement est alors réelle-
Dans le cas d’un véhicule qui se dé- ment guidé par l’adhérence. Dès que
place sans guidage, lorsqu’on le sol- l’effet transversal Ty devient supérieur
licite par un effort perpendiculaire
à la valeur de l’adhérence A ,
à son axe de roulement, l’adhérence
la roue dérapera transversalement dans
engendre un phénomène de guidage
la direction où s’exerce l’effort Ty. Si
qui s’oppose au dérapage. Si à une
roue élémentaire reposant sur le sol et l’on applique à une roue chargée un

bloquée par un frein appliqué sur son couple moteur (accélération) ou retar-
axe on applique un effort horizontal, dateur (freinage), un effort longitudinal
elle restera immobile tant que la valeur
Tx apparaît dans le plan de la roue au
de cet effort restera inférieure à celle
contact du roulement, égal au quotient
de l’adhérence. Ensuite, elle dérapera
du couple appliqué par le rayon de la
dans le sens où l’effort s’exerce.
roue. Il ne produira aucun glissement
Il y a création d’une zone stabilisa-
longitudinal tant qu’il restera inférieur
trice matérialisée par le cercle d’adhé-
à l’adhérence A, donc tant qu’il sera
rence de centre O, milieu de la généra-
contenu à l’intérieur du cercle d’adhé-
trice de contact au sol, et de rayon R
égal à la valeur de l’adhérence A, pro- rence. Si, en même temps, on exerce

duit de la charge P, supportée par la sur la roue un effort transversal Ty, les
131
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

deux forces Tx et Ty se combinent pour produits, utilisés pour l’exécution des les deux interfaces entre la couche de la litharge et la glycérine, l’oxychlo-
donner une résultante fresques, étaient liés au moyen d’une colle et les subjectiles, d’autre part la rure de magnésium.
substance à base de chaux éteinte. Les pellicule de colle elle-même. Il arrive
Égyptiens utilisaient la gomme ara- parfois que les forces d’adhérence et Adhésifs thermoplastiques
laquelle provoque un mouvement com- bique et autres résines d’origine végé- de cohésion soient telles que ce sont les Ce sont des produits à base de résines
biné de dérapage et de patinage (glisse- tale, ainsi que le blanc d’oeuf, comme pièces collées qui sont détruites, si la thermoplastiques (on classe dans ce
ment) dès qu’elle atteint le cercle d’ad- colles. D’autre part, la Genèse fait état cohésion de la matière qui les constitue groupe l’asphalte et les produits oléo-
hérence. Les connaissances actuelles de bitume utilisé comme mortier pour résineux) qui se ramollissent ou se
est insuffisante.
permettent d’affirmer qu’il y a prédo- la construction de la tour de Babel. Les liquéfient par chauffage et durcissent
minance du guidage par adhérence. colles de poisson, d’os et de caséine par refroidissement. Ils sont générale-
J. D. et M. D.
Formes d’utilisation
étaient employées à l’époque de Théo- ment utilisés en solution dans un sol-
phile (IIe s. apr. J.-C.) pour le collage Les adhésifs actuellement utilisés se vant, parfois sous forme d’émulsions
des objets en bois. Cependant, sauf au présentent sous différentes formes : aqueuses. La plupart de ces adhésifs
moment de l’apparition des colles à — produits solides ou pulvérulents que présentent l’inconvénient de devenir
base de caoutchouc ou de nitrocellu- l’on dissout au moment de l’emploi ; cassants aux températures inférieures à
lose, il y a une centaine d’années, la solutions prêtes à l’emploi ; disper- 0 °C et de perdre leurs qualités méca-
science des adhésifs n’avait fait que sions de produits filmogènes, comme niques au-dessus de 65 °C. Produits
très peu de progrès jusqu’au début du par exemple le latex de caoutchouc ; relativement mous, ils présentent une
XXe s. C’est seulement depuis quelques feuilles de substances adhésives pou- faible résistance au fluage. Leurs prin-
décennies que les colles naturelles ont vant être renforcées par des fibres ou cipaux avantages résident dans leur
été améliorées et que les adhésifs syn- faible prix, leur absence d’odeur et de
déposées sur un agent de renforcement
thétiques se sont multipliés. saveur, leur résistance aux champi-
(rubans adhésifs) ; produits qui, au
gnons. On les emploie pour le collage
moment de leur emploi, sont liquéfiés
Mécanisme de matériaux non métalliques : bois,
par fusion et constituent les adhésifs
cuir, liège, papier, matières plastiques,
de l’adhérence thermo-fusibles.
et certains sont utilisés pour la fabri-
Dans la réalisation d’un joint par col- cation du verre de sécurité. Les adhé-
lage, un certain nombre de phéno- Classification sifs thermoplastiques les plus usités
mènes interviennent, permettant la sont les esters et éthers vinyliques, le
On distingue cinq catégories, suivant la
fixation d’une pièce sur une autre. En butyral polyvinylique, l’alcool polyvi-
nature chimique du liant.
adhésif premier lieu, le phénomène le plus nylique, le polystyrène, le polyisobu-
apparent, de nature purement méca- tylène, les polyamides, les silicones,
Adhésifs naturels
Substance, à base de produits synthé- nique, est l’accrochage de l’adhésif les résines acryliques, l’asphalte, les
sur le subjectile, qui se produit lorsque Cette classe réunit des colles de nature
tiques, capable de fixer superficielle- substances oléo-résineuses, les dérivés
cet adhésif pénètre dans les pores de la végétale, animale et minérale. Ce sont
ment entre eux différents matériaux cellulosiques (nitrocellulose, acétate
surface de l’objet à coller. Ce méca- des produits en général peu coûteux, de cellulose, éthyl et méthylcellulose,
ou subjectiles, en réalisant ce qu’on
appelle un joint. (Ce produit prend le nisme ne peut intervenir que dans le d’une application facile et d’une résines de coumaroneindène), etc.
nom de colle dans le cas de substances cas d’objets poreux et son rôle est en longue durée de conservation. La prise

naturelles.) général limité. Dans le cas plus géné- de la colle est obtenue rapidement, Adhésifs à base d’élastomères
ral de surfaces non poreuses, il se pro- mais la qualité mécanique des joints
La dénomination adhésif ou colle est Ces produits, dont le constituant es-
duit d’autres phénomènes de nature réalisés est relativement faible. La
généralement complétée d’un qualifi- sentiel est un caoutchouc naturel ou
chimique ou physico-chimique. Il y a plupart de ces produits sont solubles
catif précisant la forme physique (colle synthétique ou un de leurs dérivés,
phénomène chimique si une véritable dans l’eau, ils sont livrés sous la forme
liquide), la nature chimique du liant sont utilisés sous forme de solutions
réaction se produit entre l’adhésif et de solutions ou de produits que l’on
(adhésif à base d’élastomère), la des- dans des solvants et sont additionnés
le subjectile, comme dans le cas du dissout au moment de l’emploi. Les de résines, le constituant élastomère
tination (colle à bois), les conditions
collage de pièces en caoutchouc sur
d’emploi (colle à froid). On distingue adhésifs naturels sont utilisés pour le fournissant les propriétés de cohésion
une surface métallique laitonnée, fai- à l’adhésif, et la résine ses proprié-
les adhésifs structuraux, semi-structu- collage du papier, du carton, du bois
sant intervenir le soufre contenu dans tés d’adhérence. Pour cette raison, on
raux et non structuraux. Les premiers et du contre-plaqué, des textiles, du
le mélange vulcanisant de la colle en considère parfois ces mélanges comme
sont destinés à réaliser des pièces de liège, des feuilles d’emballage, etc.
caoutchouc. Dans la majorité des cas, des adhésifs mixtes (décrits plus loin).
grande solidité (collage des consti- Les colles à base de caséine et de latex,
interviennent des phénomènes phy- De même que les produits thermo-
tuants d’un avion au moyen d’adhésifs constituées par une combinaison de
sico-chimiques dus à l’attraction de plastiques, ces adhésifs sont sensibles
aux résines époxydiques) ; les derniers caséine et de latex de caoutchouc natu-
forces moléculaires entre l’adhésif et à la chaleur ; ils se caractérisent par
servent simplement à assurer une mise rel ou synthétique, permettent d’ob-
le subjectile. Ces forces peuvent être une haute flexibilité, mais possèdent
en place (cas de la colle forte dans les tenir des collages de résistance plus
produites par des valences primaires et des qualités mécaniques limitées. Ils
travaux de menuiserie) ; les adhésifs élevée. On les emploie pour le collage
secondaires, ou des forces électriques sont surtout utilisés pour le collage
semi-structuraux occupent une posi- du bois aux métaux, la fabrication des
de Van der Waals, ou encore des di- du papier, du cuir, des feuilles métal-
tion intermédiaire (colle au Néoprène).
plastiques stratifiés, le collage du li-
pôles, agissant séparément ou globa- liques, des pellicules d’emballage,
lement. D’autre part, les molécules de noléum, etc. Les constituants les plus
pour la fabrication de rubans collants,
Historique courants des adhésifs naturels sont :
l’adhésif lui-même doivent présenter etc. Les élastomères pour adhésifs
Des gravures découvertes à Thèbes et une cohésion suffisante pour permettre la caséine, la dextrine, l’albumine du les plus courants sont : le caoutchouc
remontant à plus de 3 300 ans repré- la réalisation, entre les pièces collées, sang, la zéine, les peaux animales, les naturel, le caoutchouc régénéré, le
sentent le collage d’un mince voile d’une feuille d’adhésif présentant une os, les déchets de poisson, l’amidon caoutchouc chloré, le chlorhydrate de
de bois sur une planche de sycomore. solidité convenable. Dans ces condi- naturel ou modifié, la colophane, la caoutchouc, le caoutchouc cyclisé, les
Dans le palais de Cnossos en Crète, tions, un assemblage par collage pré- gomme laque, la gomme adragante, la caoutchoucs synthétiques (butadiène-
les pigments à base d’ocre ou d’autres sente trois points faibles, d’une part gomme arabique, le silicate de sodium, styrène, Néoprène, nitrile acrylique —

132
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

butadiène, silicone), etc. Le Néoprène nolique et de Néoprène, de caoutchouc ganique, mais il est compensé par le Portée de l’oeuvre d’Adler
est de beaucoup le plus utilisé pour la nitrile et de résine phénolique, etc. désir de puissance qui conduit l’enfant
La psychologie individuelle d’Adler
préparation de cette catégorie d’adhé- à se forger un idéal et un style de vie
sifs, dont on distingue deux groupes : Essai des colles à travers lesquels il apparaîtra supé- n’a pas eu le retentissement de la

les colles contact, à prise instantanée, et adhésifs rieur à son entourage. La volonté de psychanalyse, en face de laquelle son
et les colles vulcanisantes, à prise par puissance est toutefois tempérée par le auteur a voulu la poser, mais sa contri-
L’essai des colles comporte une véri-
chauffage sous pression. sentiment social, qui trouve son origine bution est loin d’être négligeable pour
fication de leurs propriétés physiques,
chimiques et mécaniques. Les essais dans les premières relations affectives autant, car elle a, la première, mon-
Adhésifs thermodurcissables de l’enfant à sa mère, lesquelles lui tré l’importance de l’étude du moi.
physiques portent sur la résistance à
Ces produits se transforment, par la chaleur, aux radiations nucléaires, enjoignent « de s’insérer dans la vie L’oeuvre d’Adler fourmille d’observa-
chauffage prolongé pendant une durée à la lumière. Les essais chimiques per- comme un élément de l’ensemble et de tions et de conseils pédagogiques qui
suffisante, en substances infusibles mettent de vérifier la bonne tenue des chercher le contact juste avec le monde sont d’un intérêt certain pour les édu-
et insolubles. Généralement, ils sont adhésifs vis-à-vis d’un grand nombre environnant ». Le sentiment social
cateurs.
livrés en deux emballages, l’un conte- de milieux étrangers : humidité, eau, est une notion très importante dans la
A. D.
nant l’adhésif proprement dit, l’autre produits chimiques, vapeurs corro- théorie d’Adler puisqu’il écrit dans le
Freud (S.) / Psychanalyse.
l’agent de durcissement permettant sives, etc. Les essais mécaniques sont Sens de la vie : « Les enfants difficiles,
les plus importants et comportent : des
d’accélérer la prise de l’adhésif sous les sujets nerveux ou aliénés, candi-
essais de résistance à la traction, les ef- Repères biographiques
l’action de la chaleur et éventuellement dats au suicide, délinquants, ivrognes,
forts exercés perpendiculairement aux
de la pression. Ces adhésifs permettent pervers souffrent tous d’un manque de 1895 A. Adler termine ses études de méde-
surfaces collées devant provoquer le
d’obtenir des collages plus résistants sentiment social, que l’on peut ratta- cine.
décollement des pièces ; des essais de
que ceux qui sont fournis par les précé- cher presque toujours au fait qu’ils ont
résistance au cisaillement avec effort 1902 Il rejoint le groupe d’étude que
dents, une résistance au fluage conve- été gâtés dans leur enfance ou à leur
exercé dans le plan de collage ; des es- Freud réunit autour de lui à Vienne.
nable, mais restent cassants, leur résis- intense désir d’être gâtés et d’être déli-
sais de résistance au pelage ; des essais
1908 Premier congrès de psychanalyse à
tance aux chocs et leur résilience étant vrés des exigences de la vie. »
de résistance au fluage (déformation Salzbourg ; Adler est président de séances
faibles. Ils peuvent être employés pour
lente sous un effort modéré prolongé Le complexe d’infériorité est une du groupe des psychanalystes de Vienne.
le collage du bois, du caoutchouc, des pendant un temps considérable) ; des manifestation permanente et patho-
plastiques ; les résines alkydes servent 1911 Il démissionne de ses fonctions car
essais de résistance à la fatigue, à la logique du sentiment d’infériorité il ne partage pas les idées de Freud sur le
à la fabrication des stratifiés ; les ré- flexion ; des essais de durabilité pou-
normal, mais par surcompensation il rôle de la pulsion sexuelle. Il fonde son
sines phénoliques ainsi que les résines vant être effectués après vieillissement
donne naissance au complexe de supé- propre groupe et intitule sa théorie : la psy-
époxydiques sont utilisées comme naturel ou accéléré des éprouvettes.
riorité. C’est ainsi que certains enfants chologie individuelle.
adhésifs structuraux par l’industrie G. G.
présentant une déficience quelconque
mécanique pour l’assemblage des H. Gnamm, Gerbstoffe und Gerbmit- 1912 Le Tempérament nerveux.

tel (Stuttgart, 1949). / N. A. De Bruyne et


la surmontent et excellent dans la dis-
métaux. Les adhésifs thermodurcis- 1918 Théorie et pratique de la psychologie
R. Houwink, Adhesion and Adhesives (New cipline pour laquelle ils étaient peu
sables les plus utilisés sont les résines York, 1951). / C. Lüttgen, Die Technologie der
individuelle.
doués au départ.
phénoliques, de résorcinol, de phénol- Klebstoffe (Berlin, 1953). / F. Clark (sous la dir.
1919 Adler ouvre la première consultation
de), Adhesion and Adhesives (New York, 1954).
résorcinol, époxydiques, époxyphéno- de « guidance infantile » (centre médico-
/ G. Epstein, Adhesive Bonding of Metals (New
liques, d’urée, de mélamine, ainsi que
La « psychologie
York, 1954). / A. A. Rivat-Lahousse, les Colles psychologique) à Vienne.

les furannes, les polyuréthannes et les industrielles (Dunod, 1956). / W. H. Guttmann, individuelle » et la
Concise Guide to Structural Adhesives (New 1927 Il fait une série de conférences
polyesters. psychanalyse
York, 1961). / J. J. Bikerman, The Science of aux États-Unis et publie Connaissance de
Adhesive Joints (New York, 1961 ; éd. 1968). l’homme.
Pour la théorie psychanalytique, le sen-
2e

Adhésifs mixtes / I. Katz, Adhesive Materials. Their Properties


and Usage (Long Beach, Californie, 1964). / timent d’infériorité est un symptôme 1928 L’Enfant difficile.
Ces produits sont constitués de mé- M. J. Bodnar (sous la dir. de), Structural Adhe- cliniquement très fréquent, mais qui ne
sive Bonding (New York, 1966). 1932 Adler s’installe définitivement aux
langes de substances appartenant à peut rendre compte de la structure de
États-Unis, il est professeur au Long Island
deux ou à un plus grand nombre des la maladie mentale, car il n’est qu’une Medical College de New York.
familles chimiques précédentes. Leur rationalisation qui vient recouvrir des
combinaison permet de réaliser des ad- 1933 Le Sens de la vie.
mobiles inconscients.
hésifs bénéficiant de chacune des pro- Adler (Alfred)
Adler critique l’importance don-
priétés des constituants. C’est ainsi que
Médecin et psychopédagogue autri- née par Freud à la libido : la psycha-
la plastification d’une résine thermo-
chien (Vienne 1870 - Aberdeen 1937). nalyse serait faussée dès le départ car
durcissable par un constituant appro-
elle n’appuie ses déductions que sur
administration
prié permet d’obtenir un adhésif plus
La « psychologie l’analyse du psychisme des enfants
solide, plus flexible et présentant une Ensemble des personnes morales de
individuelle » incapables de se détacher de la sphère
meilleure résistance aux chocs. Ces
droit public chargées d’assurer un
maternelle ; et le complexe d’OEdipe
adhésifs sont utilisés pour le collage La théorie d’Adler s’est tout d’abord
n’est qu’« un mauvais produit artificiel service public. (La gestion des entre-
des métaux, des produits céramiques, développée dans le cadre de la théorie
de mères gâtant leurs enfants ». prises privées s’apparente à celle des
du verre, des plastiques thermodur- de Freud, mais les divergences entre
personnes morales de droit public, et le
cissables, dans tous les cas où l’on elles sont fondamentales. La thérapie adlérienne vise à éveil-
langage courant emploie souvent, pour
recherche des joints de haute résistance ler chez le patient la compréhension
Selon Adler, en effet, la vie psy-
des défauts de son style de vie à partir la désigner, l’expression d’administra-
mécanique et à la chaleur. Les adhésifs chique s’explique à partir du sentiment
mixtes les plus courants sont à base de des produits de sa vie imaginative sans tion ; ce même mot sert également à
d’infériorité. Celui-ci, ressenti par
résine phénolique et de butyral poly- tout enfant du fait de sa dépendance que la référence au passé en constitue désigner les services de ces entreprises

vinylique, de résine phénolique et de vis-à-vis de son entourage, peut être le point fondamental comme elle l’est qui n’exercent pas d’activité technique

formal polyvinylique, de résine phé- renforcé par une réelle infériorité or- dans la psychanalyse. ou commerciale. L’administration des

133
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

activités privées est traitée sous les de la Révolution, par l’existence de six divers chefs locaux des services exté- droit d’exproprier, possibilité de tran-
mots entreprise et management.) secrétaires d’État chargés de fonctions rieurs spécialisés. siger, interdiction de compromettre,
différentes (finances, justice, affaires Outre les administrations centrales, application des règles de la comptabi-

Les personnes morales étrangères, intérieur, guerre et marine). il existe des services industriels en lité* publique, etc.

de droit public Au cours des XIXe et XXe s., la spécia- régie de l’État : ateliers de l’armée, Constituent notamment des éta-
lisation s’est considérablement accen- Imprimerie nationale, Monnaies et blissements publics administratifs :
Les personnes morales de droit public
tuée sous l’effet de l’accroissement des médailles, manufactures de Sèvres, la Caisse des dépôts et consignations,
qui sont chargées d’assurer un service*
tâches de la collectivité, de la difficulté des Gobelins et de Beauvais, Service l’Institut de France, le Centre national
public constituent seules l’Administra-
de plus en plus souvent éprouvée par les d’exploitation des tabacs et des allu- de la recherche scientifique, l’École
tion. Leur champ d’activité peut être
chefs de gouvernement — entre 1875 et mettes. Cependant ces personnes mo- nationale d’administration, les uni-
large ou étroit, leur compétence peut
1959 — de s’appuyer sur une majorité rales de droit public, dont le personnel versités, facultés et lycées, la Caisse
être nationale ou locale.
parlementaire composée de nombreux est généralement composé de fonction- nationale d’épargne, les bureaux d’aide
Dans les pays à forte centralisation groupes politiques, de la volonté plus naires, sont partiellement placées sous sociale, les chambres de commerce et
(comme la France), les collectivités* ou moins consciente des hommes poli- un statut de droit privé, notamment en d’industrie, les chambres d’agriculture.
territoriales et les établissements pu- tiques de diviser une administration ce qui concerne leurs contrats avec des
blics sont étroitement soumis à la tu- permanente pour tenter de la mieux particuliers.
L’acte administratif
telle des autorités nationales. Dans les contrôler. Mais la spécialisation et la Lorsqu’elles veulent se décharger
pays plus ou moins décentralisés (Ré- fragmentation ministérielles devaient Lorsque, à l’occasion du fonctionne-
d’une partie de leurs tâches, les ad-
publique fédérale d’Allemagne, États- ment d’un service public administratif,
rendre nécessaire une coordination au ministrations centrales peuvent opé-
Unis, Suisse, Grande-Bretagne, Italie), l’autorité ou l’agent qui représentent
sein d’une administration nouvelle, qui rer une décentralisation, c’est-à-dire
les autorités locales — ou quelques- l’administration accomplissent un acte
se développa à partir de 1934 autour du transférer aux administrations des
unes d’entre elles — et certains établis- juridique, c’est-à-dire un acte effectué
Président du conseil, puis du Premier collectivités territoriales une partie de
sements publics connaissent une auto- dans l’intention de produire un effet de
ministre. D’autres tentatives de coordi- leurs attributions.
nomie plus ou moins prononcée. droit, ou une opération matérielle, il y
nation ont été faites à diverses reprises,
a acte administratif.
On distingue habituellement deux sous la forme du groupement de plu- L’établissement public
modes de gestion pour les services pu- sieurs départements ministériels sous administratif
blics assurés par des personnes morales Les actes administratifs
la houlette d’un super-ministre. Mais La création d’un établissement public
unilatéraux
de droit public. il semble que la coordination la plus permet aux administrations centrales
efficace soit assurée par le procédé des Le pouvoir de prendre une décision
ou locales de se décharger de telle ou
La régie réunions de travail interministérielles : unilatérale constitue le pouvoir régle-
telle activité particulière.
dans les comités interministériels per- mentaire*. Il existe trois types d’actes
« Un service public est exploité en régie
Jusqu’en 1856, le terme d’établis-
manents, institués au lendemain de la administratifs unilatéraux : le règle-
directe lorsqu’une personne publique sement public s’appliquait à toutes les
Seconde Guerre mondiale en Grande- ment, par lequel il est créé une règle
se charge de le gérer elle-même à ses personnes morales de droit public ;
Bretagne, la spécialisation ministé- de caractère général, la décision indi-
risques et périls en engageant les fonds actuellement, il désigne une personne
rielle a connu un essor particulier (plus viduelle, par laquelle l’autorité admi-
nécessaires et en recrutant, dirigeant et morale gérant un service public spécia-
nistrative crée une situation juridique
rémunérant le personnel nécessaire, en de cent ministres et secrétaires d’État), lisé sous la direction d’une collectivité
bien que la stabilité ministérielle ait été concernant une personne déterminée,
achetant toutes choses nécessaires au publique (nationale ou territoriale) ou
largement assurée par le système majo- et l’acte condition, par lequel une per-
fonctionnement, en entrant directement d’un autre établissement public ; son
ritaire à un tour et le bipartisme. sonne déterminée est placée dans une
en relation avec les usagers du service autonomie financière est plus ou moins
le cas échéant et en supportant, elle- situation juridique générale et imper-
Les ministères spécialisés disposent grande, de même que sa subordination
sonnelle.
même et seule, la responsabilité des d’une administration centrale et de aux collectivités investies du pouvoir
préjudices causés aux tiers par le fonc- de tutelle. Les actes administratifs ont valeur
services extérieurs. En France, depuis
tionnement du service » (M. Waline). obligatoire pour toute personne qu’ils
la création, en juin 1960, des circons- La notion d’établissement public,
La plupart des grands services publics concernent, celle-ci disposant seu-
criptions d’action régionale, on assiste étant d’origine jurisprudentielle, ne
(Défense, Ponts et chaussées, Éduca- lement de la possibilité de contester
à une certaine harmonisation des cir- présente que des contours assez va-
tion nationale, Justice) sont exploités la légalité de tel ou tel acte devant la
conscriptions administratives dans le gues, mais son intérêt paraît considé-
en régie. juridiction administrative. Cependant
cadre desquelles fonctionnent les ser- rable dans la mesure où son emploi
l’autorité administrative ne peut (sauf
Les autorités gouvernementales vices extérieurs des divers ministères. constitue une sorte de décentralisation,
les cas exceptionnels suivants : le pou-
(président de la République, Pre- Mais l’existence de ces services sou- ou déconcentration par service, qui
voir d’action d’office est expressément
mier ministre, ministres et secrétaires lève deux problèmes particuliers : 1o la se distingue de la décentralisation ou
prévu par une loi ou, depuis 1958, par
d’État) et locales (préfets, maires) sont nécessité d’une déconcentration des déconcentration territoriale. Le régime
un décret ; il y a urgence ; l’inexécu-
placés à la tête des administrations pouvoirs, c’est-à-dire d’une possibilité juridique des établissements publics
tion ne peut faire l’objet de sanctions
d’État et des administrations locales. pour les chefs de ces services extérieurs administratifs est caractérisé par une
répressives) contraindre une personne
L’organisation des administrations de pouvoir prendre des dérisions sans très grande diversité.
déterminée à exécuter une action posi-
est caractérisée par la spécialisation. en référer à l’administration centrale ; La création des catégories d’établis-
tive prescrite par l’acte administratif
Les premières différenciations consta- 2o la nécessité d’une coordination des sements publics est réservée au légis-
qu’en la poursuivant devant les tribu-
tées en France au sein de l’adminis- services extérieurs des ministères spé- lateur, mais, depuis 1958, un simple
naux répressifs.
tration royale furent d’ordre purement cialisés en vue de leur unité d’action ; règlement suffit pour créer un établis-
géographique. Au s., le territoire depuis 1964 cette coordination tend à L’opération matérielle peut mettre
XVIe sement entrant dans une catégorie exis-
généraliser les délégations de pouvoir en jeu la responsabilité du service à
était divisé en quatre quartiers, un se- tante. Les établissements publics sont
crétaire d’État ayant la charge totale des ministres spécialisés au seul pré- propos duquel elle a été accomplie.
soumis à un régime de droit public :
d’un de ces quartiers. Pendant les deux fet plutôt qu’au chef local des services prérogatives fonctionnelles, impossi-
derniers siècles de la monarchie appa- extérieurs de leur administration, le bilité d’exercer contre eux les voies* Les contrats administratifs

raît progressivement une spécialisation préfet ayant lui-même la possibilité de d’exécution du droit commun, possi- Les contrats conclus par les adminis-
fonctionnelle qui se traduit, au moment déléguer tel ou tel de ses pouvoirs aux bilité de disposer d’un domaine public, trations ne sont pas tous des contrats

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

administratifs. Les difficultés que pré- économiques qui se sont produits de- participent ainsi à la formation d’une les introducteurs français aiment à se
sente la distinction entre les contrats puis la Première Guerre mondiale ne opinion publique plus ou moins dif- référer à la Dîme royale de Vauban et à
administratifs et les contrats privés permet plus de faire jouer la théorie fuse susceptible de manifester sa force un essai de jeunesse de Woodrow Wil-
sont telles que les meilleurs auteurs de l’imprévision, puisque les parties à l’occasion d’un scandale particulier, son sur l’administration publique. On
concluent leurs commentaires sur au contrat de concession (v. service lors d’une consultation électorale ou de comptait en France, en 1960, environ
ce point par l’affirmation qu’est un public) ne peuvent plus ignorer que de mouvements de foule. 2 agents plus ou moins spécialisés en
contrat administratif celui qui est sou- telles circonstances sont toujours sus- En Union soviétique, il appar- organisation sur 10 000 fonctionnaires,
mis au régime contractuel de droit pu- ceptibles de se reproduire. C’est pour- alors qu’il y en avait 1 pour 1 000 en
tient constitutionnellement à tous les
blic. On peut aussi distinguer : 1o les quoi la jurisprudence a transformé la citoyens, et tout particulièrement aux Grande-Bretagne ; depuis 1959 une
contrats administratifs par la volonté théorie de l’imprévision en affirmant section spéciale « fonction publique »
organismes du parti, d’exercer un
du législateur (marchés* de travaux que les parties à un contrat de conces- a été créée à l’Institut d’études supé-
contrôle vigilant et permanent sur le
publics, vente d’immeubles de l’État, sion ont toujours en vue le maintien rieures des techniques d’organisation
respect de la légalité socialiste. Les
contrats relatifs aux occupations du d’un certain équilibre financier entre (I. E. S. T. O.), fondé en 1955. Il semble
citoyens peuvent également s’adres-
domaine public par les particuliers, la prestation du concessionnaire et le ser aux tribunaux judiciaires, qui ont que des résultats appréciables aient été
contrats publics d’emprunt par l’État) ; résultat qu’il en attend. Il ne s’agit obtenus au ministère des Affaires éco-
la possibilité d’attirer l’attention des
2o les contrats administratifs par la plus de faire collaborer provisoirement nomiques et des Finances en matière
autorités administratives sur les irrégu-
volonté du juge, c’est-à-dire ceux qui l’administration aux pertes du cocon- de centralisations comptables, d’éta-
larités qu’elles ont commises et même,
répondent aux trois critères suivants : tractant, mais d’assurer une collabo- blissement et de réunion de statistiques
parfois, d’indemniser le justiciable
a) l’une des parties est une personne ration régulière entre le concédant et relatives à l’exécution du budget et à
lésé. Ils peuvent également s’adresser
publique ; b) le contrat a été conclu en le concessionnaire sur la base de celle l’évolution de la trésorerie ainsi que
au procureur général de l’U. R. S. S.,
vue du fonctionnement d’un service qu’ils avaient en vue lors de l’établis- d’établissement de comptes prospec-
nommé pour sept ans par le Soviet
public (les contrats relatifs à la gestion sement de la convention de concession tifs en vue d’améliorer la préparation
suprême ; ce fonctionnaire exerce
du domaine* privé sont des contrats de et du cahier des charges joint. du budget. En revanche, aucun résul-
un contrôle sur l’activité de tous les
droit privé) ; c) le contrat contient une Lorsque l’autorité publique accom- services. Ce procédé de contrôle, dit tat ne paraît avoir été acquis en ce qui
clause exorbitante (c’est-à-dire qu’on plit un acte administratif juridique ou concerne le fonctionnement même des
« Prokoutouria », existe dans la plu-
ne rencontre pas dans les contrats entre une opération administrative matérielle part des pays socialistes de l’Europe services administratifs ni les rapports
particuliers) ou associe un particulier sans lien avec un contrat administratif, de l’Est. entre les agents publics et les usagers.
à l’exécution du service public ; 3o les mais ayant des répercussions néfastes L’objectif final serait de mettre enfin
contrats administratifs par la volonté sur ce contrat, il y a fait du prince, Les contrôles administratifs sur pied la réforme administrative an-
des parties. source d’indemnisation pour le cocon-
Les contrôles administratifs sont noncée depuis la fin du XIXe s. et plus
En principe, l’Administration choisit tractant. particulièrement depuis la fin de la
ceux que l’administration peut exer-
librement son cocontractant ; cepen- cer sur elle-même en vue d’assurer un Seconde Guerre mondiale ; c’est à cet
dant, il lui est — en principe — fait Les contrôles meilleur rendement aux services, de effet qu’un Service central d’organisa-
obligation de conclure ses marchés les de l’administration garantir l’indépendance réciproque des tion et méthode (S. C. O. M.) a été créé
plus importants par la voie de l’adju- — au stade interministériel — en 1959,
administrateurs et des administrés et
L’administration se doit tout ensemble
dication, c’est-à-dire suivant une pro- d’assurer le respect de la légalité tant lors de la fusion des commissariats
d’être efficace et de respecter la léga-
cédure complexe comportant d’abord par les uns que par les autres. généraux au plan et de la productivité.
lité. Les divers types de contrôle exer-
un appel d’offre, puis l’attribution du
cés sur les personnes morales de droit On peut distinguer l’autocontrôle
marché au concurrent qui a fait les Les contrôles financiers
public ont donc un double objet : ren- dans les cas du « recours gracieux »
meilleures offres.
forcer l’efficacité du service et veiller (requête présentée à une autorité admi- Les contrôles financiers sont nom-
La caractéristique essentielle du breux : contrôle du comptable sur
à l’application du droit par les orga- nistrative, pour lui demander de recon-
contrat administratif, c’est qu’il per- sidérer la décision qu’elle a prise) et l’ordonnateur, contrôle des dépenses
nismes chargés d’assurer un service
met l’application éventuelle des théo- engagées, contrôle de l’inspection des
public. du « recours hiérarchique » (requête
ries élaborées par la jurisprudence en finances et contrôle de la Cour des
de réformation présentée au supérieur
On distingue habituellement
fonction de deux idées forces : la sau- comptes.
hiérarchique de l’agent qui a pris la
quatre types de contrôles possibles :
vegarde des intérêts du bon fonction- décision contestée), les contrôles exer-
les contrôles par l’administration La plupart des entreprises nationales
nement du service public, la nécessité cés par les corps de contrôle et les qui ne sont pas des personnes morales
elle-même, les contrôles financiers,
d’une bonne collaboration entre l’ad- inspections générales, les contrôles de droit public sont soumises à des
les contrôles juridictionnels et les
ministration et son cocontractant. exercés par des commissions (contrôle contrôles financiers particulièrement
contrôles politiques. Il paraît cependant
Il y a sujétion imprévue lorsque préalable lorsqu’il s’agit d’un organe conçus pour elles, notamment ceux
nécessaire d’évoquer, avant d’exami-
surviennent des difficultés d’ordre consultatif, contrôle a posteriori de la commission de vérification des
ner chacun d’eux, le contrôle par les
matériel, étrangères aux parties et d’un lorsqu’il s’agit d’une commission entreprises publiques créée par la loi
administrés. Non seulement ceux-ci
caractère anormal tel qu’on ne pouvait d’enquête), les contrôles sur les éta- de finances du 6 janvier 1948, dont la
peuvent exercer les voies de recours
les prévoir au moment de la conclu- de droit qui leur sont ouvertes, mais blissements publics et les collectivités compétence inclut les sociétés d’éco-
sion du contrat et que ces difficultés territoriales par la voie de la tutelle nomie mixte majoritaires, et ceux de
les plaintes et les réclamations qu’ils
ont pour effet de rendre plus onéreuse peuvent presque toujours formuler au- administrative. certains établissements publics. La
l’exécution du contrat. Le cocontrac- Mais, récemment, est apparue au sein commission de vérification est com-
près des administrations elles-mêmes,
tant a droit à une indemnité. posée de cinq sections spécialisées,
du « médiateur », des associations des administrations publiques des pays
La théorie de l’imprévision élabo- d’usagers, des syndicats et de leurs développés une nouvelle technique comportant chacune quatre conseillers
rée au début de la Première Guerre représentants dans les conseils consul- du contrôle visant essentiellement à à la Cour des comptes et deux repré-
mondiale aboutissait à indemniser le tatifs et dans les commissions pari- éviter les erreurs futures des adminis- sentants du ministre des Affaires éco-
concessionnaire lorsque, par suite de taires, des formations politiques et de trateurs : il s’agit des « commissions nomiques et des Finances et aux déli-
circonstances exceptionnelles, sa ges- leurs élus ainsi qu’auprès de la presse d’organisation et méthode » (inspirées bérations desquelles participent avec
tion du service public lui imposait des permettent de découvrir et de dénoncer de l’expérience tentée en 1942 dans voix consultatives divers autres fonc-
pertes. La succession d’événements des irrégularités administratives ; ils les services publics britanniques), dont tionnaires. Chaque année — en prin-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

cipe — une assemblée plénière statue


sur un rapport général d’activité.

Les contrôles juridictionnels

Les contrôles juridictionnels s’effec-


tuent a posteriori et sont souvent trop
longs du fait des lenteurs administra-
tives d’une part, de l’encombrement du
rôle des tribunaux d’autre part.

En Grande-Bretagne, aux États-Unis


et dans les pays qui ont adopté le sys-
tème de la common law, les tribunaux
judiciaires tranchent normalement les
litiges entre la puissance publique et
les particuliers. Cependant on ren-
contre actuellement dans ces pays des
organismes quasi juridictionnels, dans
lesquels certains juristes anglo-saxons
et la quasi-totalité des juristes du conti-
nent européen voient de véritables
juridictions administratives, alors
que la majorité des auteurs anglais et
américains ne veulent y voir qu’une
forme de règlement des litiges préli-
minaire au contrôle par les tribunaux
judiciaires, qui, d’après eux, pourrait
toujours s’exercer sur l’activité de ces
commissions. En 1960, on dénombrait
en Grande-Bretagne 2 000 commis-
sions — ou tribunaux — à compétence
limitée.

Dans les pays qui ont en tout ou


en partie adopté le système français,
ainsi que dans les communautés euro-
péennes, ce sont des juridictions spé-
cialisées qui connaissent la plupart de
ces litiges. Cette pratique du contrôle
juridictionnel présente souvent l’avan-
tage d’être moins coûteuse sinon plus
rapide que le système anglo-saxon.

Les contrôles politiques

Les contrôles politiques sont nom-


breux et de caractères fort différents.

Un premier contrôle est exercé par


les ministres et leur cabinet.

Un second contrôle est exercé par


les membres des assemblées parlemen-
taires au moyen d’une action indivi-
duelle ou collective de pression sur le
ministre, de questions écrites ou orales, par la modernisation du procédé médié- en faisant désigner par le Parlement que par les citoyens. Cependant, en
d’auditions de hauts fonctionnaires en val des « ombudsmen ». Le Parlement fédéral un contrôleur militaire. La France, les innombrables empiéte-
séances de commissions, de débats au élit dans son sein deux députés char- France, quant à elle, possède, depuis ments des anciens parlements dans la
sein des commissions et en séance ainsi gés de contrôler le fonctionnement de 1973, l’institution du « médiateur », le vie administrative et leur opposition
que de votes de motions ou de résolu- l’Administration et de la Justice. Ces premier titulaire de la fonction étant aux réformes de la monarchie devaient
tions. Il s’exerce aussi grâce à la nomi- « ombudsmen » disposent de pouvoirs A. Pinay. conduire les législateurs de la Révo-
nation de commissions d’enquête sur étendus ; ils peuvent agir d’office ou à lution à proclamer que « les fonctions
des problèmes déterminés. la demande d’un particulier, procèdent judiciaires sont distinctes et demeure-
Les juridictions
En Suède, une forme originale du à des enquêtes, ont accès à tout dos- ront toujours séparées des fonctions
administratives
contrôle par le Parlement, en vue de sier officiel et peuvent demander main- administratives » et à préciser que « les
françaises
protéger les citoyens contre les abus et forte aux fonctionnaires. L’institution a juges ne pourront, à peine de forfaiture,
les déficiences des administrations et été introduite récemment en Norvège. Dans la plupart des pays, les tribu- troubler de quelque manière que ce soit
contre le développement du droit admi- La République fédérale d’Allemagne naux ont la mission de faire respecter les opérations des corps administra-
nistratif, a été mise au point au XVIIIe s. s’est orientée dans une voie analogue la légalité tant par les administrations tifs, ni citer devant eux les administra-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

teurs pour raisons de leurs fonctions » Il est le juge de cassation de la Cour un plafond minimal (que ces comptes des litiges d’ordre pécuniaire entre une
soient gérés par un comptable officiel ou
(art. 13 de la loi des 16-24 août 1790). des comptes et de la Cour de discipline collectivité publique et ses agents.
un comptable de fait) ; elle juge en appel
En effet, selon les juristes formés sous budgétaire et financière. Cette dernière,
les comptes qui ont été apurés par un tré- Dans ce contentieux, le juge admi-
l’Ancien Régime (notamment Thou- créée par la loi du 25 septembre 1948,
sorier-payeur général (départements) ou nistratif a tous les pouvoirs habituels
ret et Barnave), « juger c’est adminis- et dont la compétence a été étendue par un Conseil du contentieux administratif d’un juge ; il peut rejeter la demande
trer ». Le recours gracieux et le recours la loi du 31 juillet 1963, est composée (territoires d’outre-mer). Sa compétence a du requérant, annuler ou réformer une
hiérarchique constituent les seules de six membres désignés pour cinq été étendue aux comptes d’organismes ne
décision administrative ou bien encore
possibilités pour l’administré de se ans par le gouvernement et choisis par constituant pas des collectivités publiques
prononcer une condamnation pécu-
(Caisses de sécurité sociale, organismes
faire entendre des administrations. Le moitiés au sein de la Cour des comptes
niaire contre l’Administration. Les
percevant des taxes parafiscales, établisse-
Conseil d’État, créé par la Constitution et du Conseil d’État ; son rôle est de
ments publics de l’État à caractère indus- décisions qu’il rend ont l’autorité de la
de l’an VIII, a pour objet de conseiller réprimer les fautes de gestion dont
triel ou commercial, entreprises nationali- chose jugée. Les personnes privées et
le gouvernement en matière adminis- peuvent se rendre coupables les agents sées, sociétés d’économie mixte dont l’État les personnes morales de droit public
trative autant qu’en matière législa- publics et assimilés. Le Conseil d’État détient au moins la moitié du capital). Ses
— y compris l’État — ont l’obliga-
tive ; une de ses sections se spécialise est également le juge de cassation des arrêts peuvent être déférés en cassation au
tion juridique de ne pas méconnaître
dans l’étude des recours hiérarchiques Cours régionales des pensions, de la Conseil d’État.
ces décisions et de les exécuter même
formés par les administrés et suggère Commission centrale d’aide sociale, du La Cour des comptes se compose d’un
lorsqu’elles ne sont pas revêtues de la
Premier président, de cinq présidents
des solutions au chef de l’État, qui Conseil supérieur de l’Éducation natio-
formule exécutoire.
de chambres, de conseillers maîtres, de
les suit le plus souvent, bien qu’il lui nale, etc.
conseillers référendaires et d’auditeurs Cependant, les décisions rendues
arrive parfois de prendre des décisions Les juridictions administratives fran- (issus de l’École nationale d’administra-
contre un particulier peuvent faire
plus favorables aux administrés. C’est çaises ont un double rôle : faire respec- tion), qui sont des magistrats inamovibles,
l’objet d’une exécution forcée et de
seulement en 1872 que le pouvoir et d’un ministère public (un procureur
ter la légalité par les administrations
contentieux est délégué à ce Conseil ; condamnations à astreintes, alors que
général et deux avocats généraux). Les au-
et protéger les droits subjectifs des
diteurs ont droit à trois postes sur quatre le juge administratif s’est interdit de
en même temps, le pouvoir du chef de administrés. Leur compétence porte
l’État de décider si un litige est ou non de conseillers référendaires, le quatrième recourir à des procédés de contrainte
sur tous les actes des administrateurs, y
poste étant à la disposition du gouverne- susceptibles de porter atteinte à l’in-
de la compétence des tribunaux judi- compris les règlements. En Allemagne, ment selon les procédures du « grand exté-
ciaires est également délégué au Tribu- dépendance de l’Administration. Il ne
les juridictions administratives (créées rieur » et du « petit extérieur ».
nal des conflits, spécialement créé à cet peut donc adresser d’injonction à cette
en 1860) ont essentiellement pour rôle Les tâches administratives de la Cour se
effet. En 1953, une importante réforme dernière, mais il rédige généralement
de contrôler la légalité des décisions sont accrues depuis la réforme de la comp-
s’opère ; les affaires contentieuses sont les motifs de ses décisions de manière
administratives individuelles, les rè- tabilité publique de 1936 et ont été encore
désormais réparties entre le Conseil que l’Administration sache comment
glements échappant à leur compétence. affirmées dans la Constitution de 1958
d’État, dont le rôle était encombré, (art. 47 in fine) : « La Cour des comptes elle doit les exécuter ; en cas d’inexé-
En Union soviétique, où il n’y a pas
et les anciens Conseils de préfecture assiste le Parlement et le gouvernement cution, il statue de nouveau en accor-
de juridictions administratives, il existe dans le contrôle de l’exécution des lois de
(créés en l’an VIII pour servir de colla- dant des dommages et intérêts (il peut
un procédé juridictionnel de régler finances. »
borateurs aux préfets et chargés d’exa- même prévoir par avance le montant
les litiges entre les diverses adminis- La mission impartie à la Cour porte à la
miner les litiges en matière de travaux des indemnités que devra verser l’auto-
trations dépendant ou non d’autorités fois sur la régularité et sur l’opportunité
publics, de contributions perçues par rité administrative faute d’exécution).
différentes : c’est l’arbitrage rendu par des opérations de dépenses ; lors de l’exa-
voie de rôle et de contraventions de Ce contentieux a pris un dévelop-
men des comptes des comptables, la Cour
des arbitres tenus de faire application
grande voirie), érigés à cette occasion est tout naturellement amenée à constater pement considérable depuis l’arrêt
du droit.
en tribunaux administratifs. les irrégularités commises par les adminis- Blanco rendu en 1873 par le Tribunal
Il convient également de noter le trateurs ; suivant la gravité des fautes, elle
Il existe aujourd’hui un grand des conflits. Jusqu’alors le problème
rôle important que jouent dans la vie adresse une note ou une lettre à l’adminis-
nombre de juridictions administratives de la responsabilité extracontractuelle
administrative française les membres trateur, une note de son parquet au chef
qui constituent une double hiérarchie, de la puissance publique se présentait
de service, un référé au ministre respon-
de la Cour des comptes et du Conseil
au sommet de laquelle se trouve le sable, qui est tenu de répondre dans les assez mal pour les justiciables, aux-
d’État, tant à l’intérieur des nombreux
Conseil d’État. trois mois. quels d’une manière générale les tri-
conseils consultatifs (le Conseil d’État
Cet organisme est le juge d’appel : Chaque année, la Cour adresse au pré- bunaux judiciaires appliquaient le vieil
est d’ailleurs l’un d’eux) que dans les
sident de la République un « Rapport adage « le Roi ne peut mal faire ». En
— des tribunaux administratifs (com- cabinets ministériels et les emplois les
général », où elle signale les principales 1873, le Tribunal des conflits reconnaît
posés d’un président et d’au moins plus élevés de la haute administration. irrégularités découvertes au cours de ses
quatre conseillers, dont l’un remplit les la possibilité d’une certaine responsa-
investigations (ce rapport est inséré au
Le fonctionnement des juridictions bilité extracontractuelle de l’État mais,
fonctions de commissaire du gouverne- Journal officiel [la presse en publie de
administratives françaises repose sur la pour éviter une extension abusive du
ment), juridictions de droit commun ; larges extraits]) et où elle expose ses prin-
coexistence de quatre types de conten- nouveau principe, il affirme la compé-
— des Conseils du contentieux admi- cipales observations et propose ses vues
tieux administratifs. de réforme et d’amélioration. tence exclusive des juridictions admi-
nistratif des territoires d’outre-mer ;
— du Conseil des prises. Créé en 1681, nistratives. C’est alors que le Conseil

supprimé sous la Révolution, rétabli en La Cour des comptes d’État, auquel l’arrêt Blanco interdit
Le contentieux de pleine pratiquement d’appliquer les disposi-
1806, supprimé en 1815 puis rétabli Tribunal administratif créé en 1807 en vue
juridiction tions des articles 1382 à 1385 du Code
en 1854 et réorganisé en 1939, il com- d’exercer un contrôle administratif sur
prend 8 membres dont un conseiller les ordonnateurs et sur les comptes ma- Fait appel au contentieux de pleine juri- civil (v. responsabilité) tout en lui fai-

d’État, président. En droit strict, l’ap- tières et un contrôle juridictionnel sur les diction le justiciable qui exerce une ac- sant obligation d’appliquer des règles
comptes tenus par les comptables de de- tion fondée sur la méconnaissance d’un spéciales qui n’existent pas encore,
pel est porté devant le chef de l’État,
niers publics (à l’inverse des 13 Chambres
qui le tranche par un décret préparé droit. Il s’agit notamment du conten- commence d’élaborer un droit nouveau
des comptes fonctionnant sous l’Ancien
par le Conseil d’État. Le Conseil des tieux de l’exécution des contrats et purement prétorien et en constante
Régime et supprimées en 1790, la Cour ne
prises est chargé de statuer, en temps des quasi-contrats (gestion d’affaires, évolution. Comme le voulaient les
prononce aucune condamnation contre
de guerre, en droit et en équité, sur la ces comptables eux-mêmes). enrichissement sans cause) lorsqu’une auteurs de l’arrêt Blanco, il continue
validité de toutes les prises maritimes, Elle apure directement les comptes de collectivité publique est en cause, du d’admettre que la responsabilité de la
même de celles qui ne sont l’objet l’État (v. budget) et ceux des autres orga- contentieux de la responsabilité de la puissance publique « n’est ni générale,
d’aucune contestation. nismes publics dont le montant dépasse puissance publique et du contentieux ni absolue » et qu’elle ne peut être en-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

gagée que par une faute lourde ; sans Le Tribunal des conflits siège dans les Le contentieux de l’annulation Pour exercer un recours en annu-
abandonner ce principe, il reconnaît locaux du Conseil d’État dont il a adopté lation d’une décision ou d’un acte
L’originalité de la juridiction adminis-
les principales règles de fonctionnement.
cependant la possibilité d’une respon- administratifs, il faut que le requérant
trative française est constituée par le
Son quorum est de 5 membres. La pro-
sabilité de la collectivité publique par (personne physique ou morale) puisse
cédure est écrite, mais les avocats des contentieux de l’annulation, à l’inté-
le seul fait des risques inhérents à son justifier d’un intérêt personnel direct
parties peuvent développer, en des ob- rieur duquel on distingue le contentieux
activité. Dans une certaine mesure, ce (matériel ou moral) à obtenir son annu-
servations orales, les arguments étayant de l’excès de pouvoir et le contentieux
droit prétorien aboutit à des solutions leur mémoire écrit. Les conclusions du lation. Le plus grand libéralisme est de
de la cassation, suivant que le texte
plus favorables pour le justiciable que ministère public sont toujours orales. Les règle en cette matière ; c’est ainsi, par
dont l’annulation est sollicitée émane
celles qu’auraient pu admettre les juri- décisions du Tribunal des conflits ne sont exemple, qu’un usager d’un service
de l’administration ou d’une juridic-
dictions judiciaires — si elles n’avaient susceptibles d’aucune voie de recours, public est considéré depuis longtemps
tion administrative.
pas été dépossédées (sauf en matière pas même d’un recours en rectification comme ayant un intérêt direct à l’annu-
de dommages causés par le fonction- d’erreur matérielle. Le développement considérable pris
lation d’un texte relatif aux conditions
Si, siégeant en nombre pair, les par ce contentieux est la conséquence
nement du service judiciaire, par des de fonctionnement de ce service. Le
troubles ou des émeutes ou par une ré- membres du Tribunal se partagent par de sa quasi totale gratuité.
recours doit être exercé dans les deux
moitié sur la solution à adopter, les débats
quisition militaire, ainsi qu’en matière Dès sa création, le Conseil d’État mois de la publication, de la notifica-
sont suspendus, puis repris sous la prési-
d’accidents scolaires et d’accidents de a pris l’habitude d’annuler les déci- tion ou de la signification de la déci-
dence du garde des Sceaux, ainsi amené à
la circulation, même lorsque le véhi- sions administratives qui empiétaient sion ou de l’acte attaqué ; lorsque la
vider le partage.
cule responsable appartient à l’admi- sur le domaine réservé aux tribunaux mesure dont l’annulation est solli-
Il y a conflit positif lorsque l’Administra-
nistration) —, car ces juridictions se judiciaires, les actes administratifs qui citée est constituée par une décision
tion conteste la compétence d’une juridic-
sont abstenues jusqu’à ce jour de sanc- violaient les règles de la compétence implicite de rejet, le point de départ
tion judiciaire dans un litige où elle est par-
tionner une responsabilité sans faute en administrative en empiétant sur les du délai d’action est constitué par le
tie, parce que selon elle il s’agit d’un acte
l’absence de texte légal. de gouvernement ou d’un litige de la com- attributions d’un autre agent ou d’un dernier jour du quatrième mois suivant
À l’origine de l’évolution de la pétence d’une juridiction administrative. juge administratif ainsi que les déci- la réception par l’Administration de la
(Le gouvernement pourrait également demande du requérant.
jurisprudence administrative — accé- sions des juridictions administratives
revendiquer les affaires portées devant
lérée par le développement croissant irrégulièrement composées. De l’excès Le juge administratif n’exerçant sur
une juridiction administrative alors qu’il
du rôle de l’État dans la vie nationale de pouvoir et de l’incompétence, le l’activité administrative qu’un contrôle
estime qu’il y a acte de gouvernement ; il
—, on rencontre la notion d’égalité des Conseil est progressivement passé aux de légalité, les cas d’ouverture d’un
ne semble pas qu’il ait jamais fait usage de
citoyens devant les charges publiques. violations de la loi et au détournement
ce droit.) recours pour excès de pouvoir sont les
C’est ainsi que tout préjudice subi par de pouvoir. Depuis 1934, les recours suivants : l’incompétence de l’autorité
Il y a conflit négatif dans deux cas :
un justiciable, lorsqu’il excède par sa pour excès de pouvoir ont pu — dans
1o une juridiction de chacun des deux qui a pris l’acte ou la décision, le vice
nature, son importance et sa durée la un nombre croissant de cas — être
ordres s’est déclarée incompétente (en de forme, la violation de la règle de
gêne inhérente à toute vie collective et principe, depuis 1960, ce cas ne devrait portés non plus seulement devant le droit et le détournement de pouvoir.
rompt de ce fait l’égalité des charges, plus se produire, la seconde juridiction Conseil d’État, mais devant les tribu-
Saisi d’une demande d’annulation,
doit faire l’objet d’une allocation com- saisie devant automatiquement renvoyer naux administratifs.
le juge de l’excès de pouvoir ne peut
pensatrice, dont le coût sera réparti l’affaire au Tribunal des conflits) ; 2o une
Toute décision, tout acte administra- qu’annuler en tout ou en partie la déci-
juridiction de chaque ordre ayant rendu
entre tous les membres du groupe social
— dans les limites de ses attributions — à tif peut faire l’objet d’un recours pour sion qui lui a été déférée ou rejeter la
qui en a bénéficié dans son ensemble,
l’occasion d’un litige intervenu entre les excès de pouvoir, y compris les règle- requête. Il ne peut ni réformer la déci-
c’est-à-dire entre les contribuables de
mêmes parties et ayant le même objet une ments. Cependant la jurisprudence sion, ni condamner à des dommages et
la collectivité publique intéressée.
décision définitive, il y a — selon la loi du administrative a reconnu l’existence intérêts ; il peut, en revanche, renvoyer
20 avril 1932 — contrariété des deux déci-
d’actes de gouvernement qui échappent le requérant devant l’autorité compé-
sions et déni de justice.
Le Tribunal des conflits à la compétence du juge administratif, tente pour que celle-ci prenne les me-
Le conflit positif est élevé par le seul
Juridiction paritaire créée en 1872 en vue parce qu’ils ressortissent exclusive- sures qui s’imposent ou statue de nou-
préfet (ou le fonctionnaire qui en tient
de régler les conflits d’attribution entre ment au contrôle parlementaire, au veau sur une demande irrégulièrement
lieu) devant les seules juridictions judi-
juridictions judiciaires et administratives. contrôle du peuple ou — depuis 1958 rejetée. La décision du juge prononçant
ciaires de droit commun et dans les ma-
Le Tribunal comprend neuf membres titu-
— à la compétence du Conseil consti- une annulation a l’autorité absolue de
tières où la loi ne l’a pas exclu. (Il ne peut
laires (le ministre de la Justice, garde des
y avoir conflit lorsque l’action est engagée tutionnel. Ce sont : les actes concer- la chose jugée (l’acte annulé est réputé
Sceaux, président ; trois conseillers d’État
en service ordinaire et trois conseillers à la par le ministère public, c’est-à-dire en nant les rapports du gouvernement et n’être jamais intervenu et disparaît
Cour de cassation élus tous les trois ans par matière pénale.) La juridiction saisie du du Parlement (actes constituant des rétroactivement), alors que la déci-
leurs collègues respectifs ; deux personna- déclinatoire de compétence statue sur les sion rejetant la demande d’annulation
préliminaires aux élections des assem-
lités élues [traditionnellement un conseil- conclusions du préfet ; si elle les admet,
blées législatives, qui sont de la com- n’a que l’autorité relative de la chose
ler d’État et un conseiller à la Cour] par les elle se déclare incompétente et le plaideur
pétence du Conseil constitutionnel ; jugée et n’a donc d’effet qu’à l’égard
sept autres membres) et deux membres fait appel lorsque celui-ci est possible ou
actes relatifs à l’initiative législative du des parties qui ont été en cause et qui
suppléants (élus tous les trois ans par les saisit une juridiction administrative ; si
sept premiers titulaires) ; les neuf titu- gouvernement ou à la promulgation des ne peuvent exercer un nouveau recours
elle les rejette, elle sursoit à statuer pen-
laires désignent parmi eux un vice-prési- dant 20 jours. Ce délai permet au préfet lois ; décrets de convocation du Parle- contre le même acte administratif en
dent (traditionnellement choisi alterna- de renoncer au conflit ou d’adresser à la ment, d’ajournement ou de clôture des s’appuyant sur les mêmes motifs.
tivement parmi les conseillers d’État et juridiction intéressée un arrêté de conflit sessions ; dissolution de l’Assemblée Lorsqu’une décision administrative
parmi les conseillers à la Cour) qui assure
qui la dessaisit momentanément ; le Tribu- nationale ; décret soumettant un pro- a été annulée, l’Administration est
pratiquement la présidence du Tribunal.
nal des conflits, alors saisi par le garde des
Le ministère public, non hiérarchisé, com- jet de loi au référendum ; décision de tenue d’en tirer toutes les conclusions.
Sceaux, dispose d’un délai de trois mois
porte deux maîtres des requêtes au Conseil mise en application de l’article 16 de S’il s’agit d’un règlement qu’elle avait
pour statuer.
d’État et deux avocats généraux près la la Constitution ; messages du président l’obligation juridique de prendre, elle
Cour de cassation nommés chaque année En cas de conflit négatif, le Tribunal des
de la République) ; les actes mettant doit en établir un nouveau en évitant
par décret, ses membres, qui ne sont pas conflits est saisi soit par une décision juri-
en cause les rapports du gouvernement de commettre les erreurs qui moti-
des représentants du gouvernement, dictionnelle de renvoi (rendue en appli-

cation du décret du 25 juillet 1960), soit avec un organisme international ou une vèrent l’annulation. S’il s’agit d’une
concluent en toute indépendance comme
les commissaires du gouvernement devant par une requête de l’une des parties inté- puissance étrangère et les opérations et décision individuelle ou collective,
les juridictions administratives. ressées. faits de guerre. elle doit reconsidérer les situations

138
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

et les reconstituer de telle façon que partie ou représentée à l’instance dans — des conseillers d’État en service ordi- Le contentieux de l’interprétation
ces situations se trouvent en défini- laquelle cette décision a été rendue. Le naire ou en service extraordinaire ;
On distingue le recours en interpré-
— des maîtres des requêtes, dont l’un as-
tive fixées comme elles l’auraient été juge de cassation ne juge pas le litige tation sur renvoi, c’est-à-dire formé à
sure le secrétariat général du Conseil (pro-
si la décision annulée n’avait jamais qui a été soumis aux premiers juges, l’occasion d’une question préjudicielle
mus conseillers dans la proportion de deux
été prise. L’annulation pour excès de mais se borne à vérifier la régularité
vacances sur trois) ; posée devant une juridiction judiciaire
pouvoir oblige l’autorité compétente et la légalité de la décision rendue par — des auditeurs issus de l’École nationale dont un des plaideurs conteste la com-
à examiner de nouveau une demande ceux-ci. Aucune conclusion nouvelle d’administration (ils sont promus maîtres pétence au profit d’une juridiction
dont elle avait été saisie. Lorsque la ne peut être présentée (sauf moyens des requêtes dans la proportion de trois administrative, et le recours direct en
décision annulée a eu une influence d’ordre public ou moyens tirés d’irré- vacances sur quatre). interprétation, lorsqu’un requérant de-
sur le développement de la carrière gularités entachant la décision diffé- Les membres du Conseil peuvent siéger mande à une juridiction administrative
d’un fonctionnaire, l’Administration rée). Les cas d’ouverture du recours en simultanément dans une section adminis- de fixer le sens d’un acte administratif
doit reconstituer rétroactivement cette cassation sont l’incompétence, la vio- trative et dans une section contentieuse.
ou juridictionnel sans se référer à un
carrière à partir du moment où l’illé- lation des formes et des règles légales Le Conseil d’État donne des avis au gou- litige pendant devant une autre juridic-
galité s’est produite, sur la base de la de procédure, la violation de la règle de vernement en matière législative, régle- tion. Durant longtemps le juge admi-
carrière type des membres du même droit (erreur de droit — erreur de fait). mentaire et administrative, mais un avis
nistratif a nié la validité de tels recours
corps pendant la période d’illégalité ; conforme est rarement exigé (par exemple
Les décisions rendues en cassation par en partant de cette idée simple qu’un
pour la déchéance de la nationalité fran-
s’il y a eu éviction illégale du service le Conseil d’État n’ont que l’autorité juge a pour mission de trancher un li-
çaise). Les projets de lois et d’ordonnances,
public, l’agent a droit à une indemnité. relative de la chose jugée ; elles ren-
les projets de décrets modifiant une loi tige et non de donner des consultations
Si l’autorité administrative ne tire pas voient le litige devant une juridiction
dans un domaine devenu réglementaire, juridiques (le droit révolutionnaire et le
d’elle-même toutes les conclusions qui de même ordre et de même degré ou les projets de décrets portant règlement Code civil interdisent au juge de rendre
s’imposent à la suite de l’annulation de devant la même juridiction, mais dans d’administration publique lui sont obli- des « arrêts de règlement »). Cepen-
sa décision, le juge, saisi de nouveau une composition différente. gatoirement soumis. Il est également dant, le recours direct en interprétation
par le requérant, prendra une nouvelle consulté sur certaines questions adminis-
de décisions ou d’actes administratifs
décision juridictionnelle, dont il rédi- tratives lorsque cette formalité est prévue
Le Conseil d’État est possible dans un certain nombre de
gera les motifs de façon telle que l’ad- par un texte législatif ou réglementaire.
cas : lorsqu’il est formé par un ministre
ministration devant laquelle il renvoie Créé par la Constitution de l’An VIII en vue Toutefois le gouvernement peut consul-
(il est assez peu fréquent) ou par un jus-
de conseiller le gouvernement dans ses ter le Conseil à son gré sur tous les autres
le requérant sache comment elle doit
tâches législatives et réglementaires, le projets de décret et sur « les difficultés qui ticiable partie à un litige qui ne permet
l’exécuter ; en cas d’inexécution, il sta-
Conseil d’État est devenu l’organe essen- s’élèvent en matière administrative ». De pas l’exercice immédiat d’un recours
tue de nouveau en accordant cette fois
tiel de la juridiction administrative, sans sa propre initiative, le Conseil peut appeler de pleine juridiction (litige en puis-
des dommages et intérêts, mais alors rien perdre — bien au contraire — des l’attention des pouvoirs publics sur les ré- sance lorsque, par exemple, la négation
dans le cadre du contentieux de pleine attributions qu’il avait originairement formes d’ordre législatif, réglementaire ou d’un droit ne s’accompagne pas d’une
juridiction. reçues. administratif qui lui paraissent conformes
atteinte portée à ce droit) ou en annu-
Il est divisé en cinq sections, dont quatre à l’intérêt général.
En 1963, une tentative a été faite par lation (il n’existe pas de litige actuel,
(finances, travaux publics, intérieur, sec-
le législateur pour essayer d’accroître Le Conseil d’État est le tribunal d’appel ou mais il se manifestera dans quelques
tion sociale) correspondent à ses attribu- de cassation des autres juridictions admi-
l’efficacité du contrôle juridictionnel. années, par exemple au moment de la
tions consultatives, et une à ses attribu- nistratives. Il a cependant une compé-
Le requérant qui n’a pas obtenu l’exé- mise à la retraite d’un fonctionnaire)
tions contentieuses, cette dernière étant
tence en premier ressort pour les recours
cution d’un arrêt du Conseil d’État subdivisée en neuf sous-sections. Pour ou encore par un justiciable partie à un
en excès de pouvoir contre les décrets et
dans les six mois de son prononcé peut l’exercice de ses attributions consulta- procès tranché par une décision juridic-
pour les litiges relatifs à la situation indi-
le signaler à la formation de jugement, tives, le Conseil siège soit en section, soit tionnelle administrative ambiguë.
viduelle des fonctionnaires nommés par
qui nomme alors un rapporteur chargé en sections réunies, soit en commission où
voie de décret, les recours contre les actes R. M.
les différentes sections sont représentées,
de se mettre en relation avec l’Admi- administratifs unilatéraux dont le champ Collectivité territoriale / Comptabilité pu-
soit en assemblée générale ordinaire ou
nistration. Mention des difficultés sur- d’application dépasse le ressort d’un seul blique / Constitution / Domaine / État / Expropria-
plénière ; une commission permanente tion / France / Gouvernement / Judiciaire (organi-
venues peut être faite dans le rapport tribunal administratif, les recours pour
siège en cas d’urgence. Pour l’exercice de sation) / Ombudsman / Procédure administrative
annuel au président de la République. excès de pouvoir contre les actes adminis-
ses attributions contentieuses, chaque / Réglementaire (pouvoir) / Responsabilité / Ser-
tratifs obligatoirement pris après avis du vices publics.
De son côté, l’Administration peut affaire est étudiée par une sous-section
Conseil d’État et contre les décisions admi-
solliciter des éclaircissements sur les et jugée par deux sous-sections réunies ; E. Laferrière, Traité de la juridiction admi-
nistratives prises par les organismes collé-
modalités d’exécution d’un arrêt. Ce- la section du contentieux et l’assemblée nistrative et des recours contentieux (Berger-
giaux à compétence nationale des ordres
du contentieux (section du contentieux Levrault, 1887-1888 ; 2 vol.). / R. Alibert, le
pendant M. Waline estime que seule la
élargie par la présence de membres des professionnels. Contrôle juridictionnel de l’administration au
possibilité de la mise en cause person- moyen du recours pour excès de pouvoir (Payot,
sections consultatives) jugent les affaires
nelle du fonctionnaire détenant l’au- 1927). / H. Lepointe, Histoire des institutions du
les plus délicates.
droit public français 1789-1914 (Domat-Mont-
torité pourrait avoir un effet réel sur Le contentieux de la répression
La composition du Conseil d’État est chrestien, 1953). / A. de Laubadère, Manuel
l’application par l’Administration des double. Il comprend d’une part des fonc- de droit administratif (Librairie générale de
Le domaine public est protégé contre
décisions des tribunaux administratifs. tionnaires qui y font carrière (et qui ne sont droit et de jurisprudence, 1955 ; 9e édit., 1969).
les faits de nature à compromettre
pas des magistrats bien qu’ils soient ratta- / J. Rivero, Cours de droit administratif com-
Depuis 1940, la distinction, opé-
sa conservation ou à nuire à l’usage paré (les Cours de droit, 1955). / F. C. Masher
chés au ministère de la Justice) et d’autre
rée en 1880 par Laferrière, entre les et S. Cimmino, Elementi di scienza dell’ammi-
part — sous l’appellation de conseillers en auquel il est légalement destiné, mais
recours en annulation suivant qu’ils nistrazione (Milan, 1959). / H. L. Baratin, Orga-
service extraordinaire — des personnali- cependant il n’y a contravention* de nisation et méthodes dans l’administration
visaient des décisions de l’Administra- tés qualifiées dans les différents domaines grande voirie* que si un texte a prévu publique (Berger-Levrault, 1961 ; nouv. éd.
tion ou des décisions juridictionnelles de l’activité nationale, nommées pour 1971). / G. Langrod, À la recherche de nouvelles
qu’une infraction* commise sur telle
est entrée dans le droit positif. Ces une durée de quatre ans non renouve- formes de contrôle de l’administration pu-
ou telle parcelle du domaine public blique (Turin, 1961). / A. G. Delion, le Statut des
dernières peuvent faire l’objet d’un lable avant l’expiration d’un délai de deux
ans (ils ne siègent jamais à la section du constitue une telle contravention. entreprises publiques (Berger-Levrault, 1963). /
recours en cassation devant le Conseil R. Odent, Contentieux administratif (les Cours
contentieux). Il comporte :
d’État lorsqu’elles ont été rendues en Lorsqu’un procès-verbal établi par de droit, 1965-1966 ; 4 vol.). / B. Gournay, Intro-
— un vice-président (les séances solen-
dernier ressort, mais ce recours ne un agent habilité et constatant une duction à la science administrative (A. Colin,
nelles sont présidées par le Premier mi-
1966). / Traité de science administrative (Mou-
peut être formé que par un avocat au contravention de grande voirie est
nistre ou, à son défaut, par le ministre de ton, 1967). / F. Gazier, les Institutions adminis-
Conseil d’État pour le compte d’une la Justice, garde des Sceaux) et cinq prési- transmis au tribunal administratif par tratives françaises (les Cours de droit, 1967).

personne physique ou morale ayant été dents de sections ; le préfet, l’action publique est engagée. / B. Gournay, J. F. Kesler et J. Siwek-Pouydes-

139
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

seau, Administration publique (P. U. F., 1967).


sance est d’abord rapide et débute vers une corrélation très nette entre cette l’adolescence, ou entrée dans le rôle
/ F. P. Benoit, le Droit administratif français
10 ou 11 ans chez la fille, vers 12 ou dernière et lui. En particulier, chez la d’adulte et accession à la majorité so-
(Dalloz, 1968). / P. Legendre, Histoire de l’Admi-
nistration de 1750 à nos jours (P. U. F., 1968). 13 ans chez le garçon. La poussée pu- fille, l’apparition de l’ossification de ciale, se conquiert et se marque par des
/ Y. Weber, l’Administration consultative (Li- bertaire elle-même est liée beaucoup l’os sésamoïde du pouce permet de épreuves rituelles ou des cérémonies
brairie générale de droit et de jurisprudence,
plus à la maturation osseuse qu’à l’âge prévoir l’apparition des règles dans un initiatiques qui sont aussi des fêtes so-
1968). / J. M. Auby et R. Ducos-Ader, Grands
chronologique et ne se déclenche que délai très proche. ciales. Ce serait dans nos sociétés que
Services publics et entreprises nationales, t. I
(P. U. F., 1969). / M. Waline, Précis de droit ad- lorsque l’âge osseux atteint 11-12 ans. Tous ces changements physiques de le retard de l’entrée des jeunes « dans
ministratif (Montchrestien, 1969). / Histoire de
Après deux ou trois ans de croissance l’adolescence nécessitent, pour se faire la vie active » créerait une « crise de la
l’administration (Cujas, 1972).
rapide, la croissance staturale se ralen- jeunesse » par suite de la prolongation
harmonieusement, des apports alimen-
tit progressivement, pour se terminer taires riches et équilibrés. La ration anormale de l’enfance, c’est-à-dire de
vers 18 ou 20 ans, lorsque la soudure calorique totale doit presque dépasser la sujétion. Selon René Zazzo (1961),
des cartilages diaphyso-épiphysaires 3 000 calories par jour après 15 ans, la prolongation de l’être en instance
adolescence est complètement achevée. La courbe entraîne, sur le plan psychologique
alors que la ration moyenne de l’adulte
de vitesse de croissance (nombre de est de l’ordre de 2 400 à 2 800 calo- et psycho-social, une conscience plus
Âge de la vie qui suit l’enfance.
centimètres par an) de cette période ries. À côté de ces impératifs quanti- aiguë de soi pouvant engendrer l’oppo-
dessine un V renversé, dont la plus tatifs, un certain nombre d’impératifs sition et parfois le déséquilibre.
Introduction grande pente est ascendante et dont la qualitatifs doivent être respectés : les

En se fondant sur le sens d’un mot latin forme pour chaque sexe est exactement protides doivent être apportés par l’ali- Du point de vue
de la même famille que adolescentia la même quel que soit l’âge auquel mentation à un taux double de celui qui psychologique
(adolescence), le verbe adolescere cette poussée débute. est admis pour l’adulte, et 50 p. 100 et psycho-social
(mûrir), l’adolescence serait un pro- Les proportions du corps se modi- de ces protides doivent être d’origine
On a été amené à utiliser plusieurs cri-
cessus plutôt qu’une période de matu- fient également pour donner la mor- animale. Les besoins de calcium sont
tères pour définir l’adolescence, ces
ration, ce qui peut être entendu aussi phologie de l’adulte, différente selon considérables à cette époque de la
critères se complétant naturellement.
bien sur le plan physiologique que le sexe. La croissance du segment in- vie, puisqu’ils atteignent 1 g par jour.

sur le plan psychologique ou social. férieur du corps s’effectue beaucoup Enfin, les besoins en vitamines sont
La recherche du moi et de la
Maturation, c’est-à-dire marche vers également très importants.
plus rapidement que celle du segment
cohérence
une maturité (affective, intellectuelle, supérieur (d’où la morphologie « en L’adolescence est donc déjà, sur le
Erik H. Erikson, puis Maurice Debesse
sociale autant que physique), processus échalas » de l’adolescent), le rapport plan physique, une période de désé-
ont souligné cet aspect. L’adolescence
d’acquisition des attitudes, des quali- segment inférieur sur segment supé- quilibre.
est une période non pas de tension
tés ou des qualifications nécessaires à rieur devenant légèrement supérieur à Ph. C.
vers un but, mais d’expérimentations,
un individu pour tenir sa place dans la 1. La croissance du tronc se poursuit
d’essais et d’erreurs, de progrès et de
société. un peu plus longtemps que celle des Du point de vue reculs. Le comportement serait carac-
Du point de vue purement chronolo- membres inférieurs, et le rapport seg- sociologique térisé par l’instabilité des buts, des
gique, les auteurs ne sont pas d’accord. ment inférieur sur segment supérieur
et économique idées, des idéaux : « adultes un jour ou
Elisabeth Hurlock situe l’adolescence devient alors égal ou légèrement infé-
sur un point, adolescents et enfants un
rieur à l’unité, à partir de 15 ans. Le On a souligné avec raison (Jean Rous-
de 13 à 21 ans, et J.-L. Faure entre
autre jour ou sur un autre point ». Les
rapport diamètre biacromial sur dia- selet, 1961 ; Dino Origlia et Honoré
12-13 et 18-19 ans avec beaucoup de
aspects différents de la personnalité
mètre bicrête iliaque augmente chez le Ouillon, 1964) que l’insertion sociale
variantes individuelles ; Florence Goo-
comme adulte, avec les droits, devoirs grandissent à des allures différentes.
denough définit simplement l’adoles- garçon (1,41 à 18 ans) du fait de l’aug-
Une difficulté particulière existe, de ce
mentation relativement plus marquée et pouvoirs qui sont ceux des adultes,
cence comme « la période de transition
fait, dans la maîtrise des discordances
se fait à notre époque et dans nos socié-
entre l’enfance et l’âge adulte ». Si de la distance biacromiale, tandis qu’il
tés occidentales de plus en plus tard. Le et des divisions, dans l’établissement
l’adolescence est une période de tran- diminue chez la fille (1,25 à 18 ans) du
de rapports stables entre le corps, les
temps de plus en plus long nécessaire
sition ou si elle apparaît comme telle, fait de l’élargissement du bassin. Chez
aspirations, les possibilités, les rôles,
à l’apprentissage d’un métier, la pro-
c’est non seulement parce que les deux le garçon, l’augmentation du périmètre
longation de l’exercice professionnel etc. Selon Debesse, « il y a une dis-
périodes qui la limitent et qui l’en- thoracique (86 cm à 18 ans, contre
cordance temporaire entre l’être et sa
des adultes en place accroissent encore
cadrent semblent plus faciles à définir 78 cm chez la fille) et le développe-
fonction, ce qui attise le problème de
(d’une part l’enfance, d’autre part l’âge cet allongement de la période de transi-
ment des masses musculaires achèvent
l’unicité », de l’auto-acceptation, de la
tion, ce qui a des répercussions consi-
adulte), mais aussi parce qu’on veut y de caractériser sa morphologie géné-
représentation de soi dans un ensemble
dérables sur le plan non seulement
voir une sorte d’instance, instance de rale, masculine. Le développement
social immense. Pour cet auteur, la
maturité, instance d’adulte. Or, on social, mais aussi psychologique d’une
de la graisse sous-cutanée au niveau
discordance serait au fond de ce qu’il
masse de plus en plus grande d’ado-
peut, contradictoirement, présenter des hanches et des fesses chez la fille
a appelé le premier la « crise d’origi-
lescents et d’adolescentes laissés « en
cette « période » comme ayant des ca- achève de donner à celle-ci sa mor-
nalité juvénile ». Le moi se cherche,
ractéristiques propres et un « univers » instance », c’est-à-dire aussi peut-être
phologie féminine. Ces diverses modi-
ce que l’on peut concevoir aussi bien
« en marge ». De ce point de vue, on
spécifique. fications de proportions peuvent être
comme une recherche d’identification
a pu soutenir que l’adolescence est
R. M. suivies sur des graphiques spéciaux
personnelle que comme recherche
née de l’époque contemporaine. On
appelés morphogrammes.
d’une identité. Cette recherche s’effec-
apporte pour preuves supplémentaires
Du point de vue physique L’augmentation du poids précède tue dans une sorte de combat dialec-
que c’était à 14 ans que, dans l’an-
souvent l’augmentation de la stature. tique avec la société.
L’adolescence est caractérisée par cienne Rome, le jeune homme revêtait
Il en résulte une grande fréquence de
l’accélération de la croissance statu- la toge virile, à 14 ans que les jeunes
fausses obésités, qui ne sont en fait que Solitude et besoin d’être reconnu
rale, la maturation des proportions du pages du Moyen Âge étaient armés
l’exagération d’un processus physio-
corps et de la morphologie générale, le chevaliers et au même âge également Dans les débuts de l’adolescence, l’être
logique.
développement des caractères sexuels que les rois de l’Ancien Régime étaient jeune est souvent et en fait presque tou-
primaires et secondaires (v. puberté), Le développement pubertaire à pro- proclamés majeurs. Sous d’autres ins- jours seul : les parents sont lointains,
qui transforment en quelques années prement parler débute quelques mois titutions, dont beaucoup se perpétuent absorbés par leurs tâches quotidiennes,
l’enfant en adulte. La poussée de crois- après la poussée de croissance. Il y a de nos jours au niveau tribal, la fin de ou incapables — parce qu’ils sont mal

140
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

préparés à leur rôle ou parce qu’ils Selon les recherches des spécialistes, mental, lorsqu’il prend une impor- phases antérieures d’opposition, la
manquent de sensibilité ou d’imagina- plus de 25 p. 100 des adolescents et des tance particulière du fait de l’intensité révolte de la seconde partie de l’ado-
tion, ou encore par excès de scrupule adolescentes tiennent à cette période de l’implication personnelle, atteint la lescence comporte des critiques sur
— de se rendre compte qu’ils n’ont un journal intime. Les autres, s’ils en personnalité même de l’adolescent ou tous les fronts : critiques de la famille,
plus affaire à un bébé. Nous sommes ont quelquefois la velléité, y renoncent de l’adolescente et met en question tout critiques de la société, des valeurs, de
là devant le phénomène liminaire qui pour des raisons extérieures (paresse, son être. De plus en plus, surtout par la religion, de tout ce qui est admis par
fait la jonction entre le monde intérieur sentiment de ne pas savoir écrire, peur suite des transformations de la men- la société et les adultes.
narcissique de l’adolescent pubère et que le journal ne soit découvert, etc.). talité sociale générale et le dévelop- Critiques à l’égard de la famille.
son besoin de communication sociale, Ne pouvant dialoguer avec qui que ce pement des méthodes contraceptives, Devenu capable de juger, ne manquant
qu’il va chercher parmi ses pairs. soit, l’adolescent ou l’adolescente se les expériences sexuelles directes rem-
pas de manifester cette attitude en toute
Adolescents et adolescentes vivent met à dialoguer avec lui-même, avec placent le flirt, se font de plus en plus
occasion, l’adolescent met naturelle-
habituellement à la maison, dépendent un autre lui-même, qui est le person- précoces, apportant en outre la satis-
ment d’abord en jugement sa famille,
de leurs parents financièrement et, à nage principal de son journal, ce qui faction du scandale, qui comble l’esprit
et plus souvent en accusation. Cette
d’autres égards, restent assujettis aux prouve une fois de plus à quel point de révolte et d’anticonformisme. La
négation est sans doute nécessaire pour
règles et aux exigences du monde il cherche à se connaître ou à se sta- pression des besoins sexuels est à l’ori-
qu’adolescents et adolescentes puissent
familial ; mais leur esprit est ailleurs. biliser. En parcourant certains de ces gine de nombreux autres problèmes
parvenir à une construction personnelle
Ce monde, en effet, est lié pour eux à journaux (cf. les Journaux intimes de de la conscience adolescente, car ces
des valeurs et, finalement, s’émanci-
leur enfance ; or, la conscience qu’ils Michèle Leleu), on est frappé par la besoins entrent en conflit avec d’autres,
per. Les parents perçoivent d’ailleurs
ont « de n’être plus des enfants » les constance des questions concernant la non moins naturels à cet âge, tels que
parfaitement ce mouvement comme
éloigne de leur environnement habi- personnalité même de leur auteur. le besoin d’idéal et même, comme le
un mouvement d’émancipation, et, en
tuel ; d’où cette solitude, qui est à la L’élan vers les autres adolescents dit Gilbert Robin, celui d’une certaine
règle générale, ils y résistent. Disons
fois goûtée par narcissisme et refu- est le deuxième aspect du même pro- pureté. Le conflit n’est pas rare en effet
tout de suite que, lorsque ce mouve-
sée, parce qu’anxiogène. Se sentant cessus. Le mouvement vers les autres et, selon les interprétations psychanaly-
ment échoue, c’est-à-dire lorsqu’il y
étranges, ils se sentent étrangers, et est une expression du désir de se faire tiques, attise et souvent réactualise les
a une retombée dans une dépendance
ils cherchent tout naturellement à se connaître ou reconnaître, du désir d’ap- problèmes oedipiens : ceux-ci s’expri-
favorisée par le caractère, par les cir-
faire reconnaître dans un autre milieu ment en particulier, d’une part, par
probation et de compréhension, essen- constances ou par la structure du mi-
que le milieu familial ou social habi- tiels à cette période. Ce phénomène une rivalité grandissante à l’égard du
lieu familial, l’émancipation ultérieure
tuel. C’est là l’origine d’un double est particulièrement aigu à l’époque parent du même sexe, laquelle s’accroît
devient problématique. De ce point
processus : d’une part l’apparition de encore par la généralisation de l’agres-
contemporaine, où les moyens de de vue, on peut dire que l’opposition
moments de marasme particulier, de communication de masse ont donné à sivité à l’égard des adultes, et, d’autre
aux valeurs familiales et aux per-
désorientation ou de dépression, etc., tous les adolescents une sorte de repré- part, par la « culpabilisation » de la
sonnes dans la famille est normale, et
et d’autre part un mouvement impé- sexualité, lorsque cette période réac-
sentation de leur immense groupe de
que la fin de l’adolescence représente
tueux qui les lance à la recherche des référence, accentuant et dramatisant tive des conflits très antérieurs datant
la période sensible à la réalisation de
autres « qui leur ressemblent », mouve- une sorte de « conscience de classe ». de l’époque de la découverte du sexe
l’autonomie. Il s’agit en effet, du point
ment de participation à des groupes de ou (pour les garçons) la peur archaïque
C’est ainsi que le groupe ou la bande
de vue de l’évolution psychologique,
même âge, par lesquels et dans lesquels qui jouait naguère un rôle important à de castration liée à la sexualité. Le
d’une mise en question d’un certain
ils seront reconnus pour finalement se cette étape du développement a pris de débat peut prendre des formes patholo-
système antérieur de dépendance pour
reconnaître eux-mêmes. nos jours une dimension et un aspect giques, et il arrive que l’adolescent ou
établir un nouveau système de relations
D’une manière plus générale, on particuliers par le fait que les motiva- l’adolescente effectue, devant l’horizon
familiales.
peut dire que les états affectifs chez tions de l’adhésion sont différentes et, adulte marqué par la sexualité, un recul
proportionnel à son dégoût ou à son an- Révolte contre la société. Cet aspect
les adolescents se succèdent rapide- en un sens, sont devenues imperson-
goisse. La fuite du réel se fait soit dans de la révolte est en fait surdéterminé,
ment et peuvent se trouver dissociés de nelles : on s’attache à un groupe ou on
toute cause apparente à ce point que suit un mouvement parce que ce sont l’imaginaire, soit dans la régression à c’est-à-dire que plusieurs motivations

les adultes en sont désorientés et sont « des jeunes ». des comportements enfantins. concourent au même résultat : géné-

incapables de comprendre ce qu’ils ralisation de l’attitude d’accusation

appellent des « lubies ». C’est à ce La sexualité Révolte contre envers la famille et de négation des

même phénomène qu’il faut rattacher l’environnement social et valeurs familiales, protestation et ran-
Le bourgeonnement et le développe-
la forte tendance à la mélancolie et ce besoin de recréer les valeurs coeur contre la prolongation d’un être-
ment de la sexualité sont rapides et
que les auteurs allemands appellent la en-instance qui pérennise les relations
suscitent des motivations normalement Après un début marqué par le narcis-
Weltschmerz, sorte de mal du siècle ou de dépendance, mise en accusation
puissantes. Naguère, le flirt était consi- sisme, l’effervescence de la rumination
douleur de vivre, la tendance à étendre de la société par rapport aux idéaux
déré comme un phénomène typique intérieure, le débat du moi avec lui-
les conséquences de quelque échec que romantiques de la première phase de
de l’adolescence. Le flirt comportait même, le romantisme, l’adolescence
ce soit à tous les plans de l’activité, à cette période, volonté de s’affirmer
d’abord tous les jeux de la séduction est surtout caractérisée par toutes
donner des proportions catastrophiques et dénonciation de toutes disciplines,
et tout l’apprentissage des sentiments les formes de la révolte, car on ne se
à la déception ou à la frustration. Nous lois et conventions. C’est le classique
amoureux à l’occasion de relations pose soi-même qu’en s’opposant, on
pouvons rattacher à cette tendance anticonformisme de l’adolescence. De
interpersonnelles avec des partenaires ne s’affirme qu’en niant. Les périodes
l’importance particulière que prennent là toute une série d’attitudes qui reten-
de sexe opposé. Se faire connaître et antérieures d’opposition (l’âge du
les menus problèmes d’ordre physique tissent naturellement dans la politique ;
se faire reconnaître par l’autre, dans « contre » de la troisième année, l’âge
à cet âge : l’acné*, l’obésité, les anoma- les adolescents rejoignent générale-
une relation sentimentale, et déjà éro- « ingrat » de la pré-puberté) ne dispo-
lies de la taille, du poids ou du corps, ment les partis extrémistes.
tique, était une expérience importante. saient pas, pour aller jusqu’au bout de
en général, deviennent des préoccupa- Par le flirt et à travers lui, adolescent leur mise à l’épreuve des limites, de la Révolte contre l’univers. Nous
tions disproportionnées, alimentant la sommes là devant ce que l’on appelle
et adolescente recherchent en quoi et puissance physique, que l’individu dé-
rumination mentale solitaire. comment ils peuvent plaire, jusqu’à couvre et détient en revanche à l’ado- classiquement l’« âge philosophique »,
En transition avec le mouvement quel point ils peuvent plaire, qu’est-ce lescence. Quoiqu’elle porte nécessai- c’est-à-dire la mise en question de la
vers autrui, il conviendrait de situer qui plaît en eux. Soit dit au passage, rement la trace de la façon dont se sont signification de l’univers et de la vie
ici la tendance au « journal intime ». on comprend pourquoi l’échec senti- opérées (et dont ont été résolues) ces elle-même. Adolescents et adolescentes

141
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

s’interrogent anxieusement sur les rai- Aspect nie (auquel on pourrait ajouter celui de lins —, le grand mouvement en faveur
sons de leur être-là ; ils ont le senti- démence précoce) est un témoignage de la protection de l’enfance abandon-
psychopathologique
ment aigu de l’absurdité de l’existence de ce risque. Quoique la maladie soit née donne un essor nouveau à l’insti-
et ils rationalisent, intellectualisent La dissocialité. Les attitudes de ré- plutôt marquée, durant cette période, tution, et, dans la plupart des pays,
cette absurdité dans certaines « philo- volte, d’intolérance à la frustration, de par des manifestations spectaculaires le caractère de l’adoption se trans-
sophies » où se mêlent l’angoisse de refus des contraintes par besoin illimité et transitoires (disparition de la signi- forme. Jusque-là conçue dans l’inté-
l’être en détresse et l’angoisse de l’ab- de liberté favorisent naturellement le fication du perçu, bizarrerie du com- rêt de la famille adoptante, incarnée
surde. Bien entendu, les valeurs reli- passage à la dissocialité, c’est-à-dire à portement, discordance des sentiments, en son chef, l’adoption est, dès lors,
gieuses subissent, lorsqu’elles ont été la rupture de l’engagement social. La retrait hostile et résolu dans sa chambre conçue dans l’intérêt de l’adopté, une
dissocialité est le refus du « contrat so- avec refus de nourriture ou de tout soin importance croissante étant accordée
précédemment construites, le contre-
coup de cette révolte. L’adolescence cial de base », par lequel on accepte de de propreté), les bouffées délirantes à l’adoption des enfants abandon-
jouer un rôle social, d’avoir une fonc- peuvent avoir un caractère aigu de nés. En même temps que l’institution
est une période de « sécheresse » de
tion et des responsabilités, de partici- gravité, lorsqu’il s’agit par exemple de connaît une faveur de plus en plus
la foi, du refus révolté de la religion
per. Suivant les péripéties de l’histoire raptus meurtriers ou suicidaires. grande, elle doit faire l’objet d’une
comme institution et même une mise
personnelle, les données du caractère R. M. réglementation plus stricte, et l’on a
en accusation de Dieu.
et le degré d’acuité du conflit familial P. Mendousse, l’Âme de l’adolescent vu certaines législations (en Angle-
Recréation des valeurs. Aspect posi-
et social, les voies de la dissocialité se (Alcan, 1909) ; l’Âme de l’adolescente (Alcan,
terre dès 1939 et en France plus ré-
tif de toute cette effervescence destruc- 1928). / M. Debesse, la Crise d’originalité juvé-
différencient : délinquance, vagabon- cemment) tenter d’éviter les trafics
trice, le besoin de recréer des valeurs nile (Alcan, 1937) ; l’Adolescence (P. U. F., coll.
dage, prostitution, choix ostentatoire « Que sais-je ? », 1943 ; 12e éd., 1969). / A. Le d’intermédiaires sans scrupule.
aboutit, chez des personnalités riches
d’une existence marginale. Gall, Caractérologie des enfants et des adoles-
et fécondes, à une inspiration authen- cents (P. U. F., 1952 ; nouv. éd., 1961). / L. D. et
Le Code civil de 1804 — en réac-
La fuite du réel, de l’angoisse et de A. V. Crow, Adolescent Development and Ajust- tion contre le libéralisme du législateur
tique et à des réalisations de qualité,
l’avenir. Elle se manifeste par diffé- ment (New York, 1956 ; 2e éd., 1965). / A. Ge-
révolutionnaire — n’avait autorisé
renouvelant les manières habituelles de
sell, F. L. Ilg et L. Bates-Ames, Youth, the Years
rentes formes de régression plus ou l’adoption que des majeurs. Les lois
sentir, de penser, de s’exprimer. Des from Ten to Sixteen (New York, 1956 ; trad. fr.
moins névrotique, ou par les toxico- de 1923 et de 1925 procèdent à un cer-
oeuvres d’art de génie renouvelant le l’Adolescent de dix à seize ans, P. U. F., 1959).
manies (recherche de « paradis artifi- / G. H. Pearson, Adolescence and the Conflict
tain élargissement de l’institution en
genre ont ainsi été créées ou esquissées
of Generations (New York, 1958). / Enfance,
ciels »). faveur des orphelins qu’avait laissés
à cette période de l’existence. numéros spéciaux 4 et 5, 1958. / J. Rousselet,
Les perversions sexuelles. Lorsque l’Adolescent en apprentissage (P. U. F., 1961). la guerre ; mais en 1939 est entamée
« Vivre sa vie ». Il y a dans l’expres-
le refus de l’identification au parent / R. Mucchielli, la Personnalité de l’enfant une véritable réforme qui — continuée
sion vivre sa vie, pour les adolescents (Éd. sociales françaises, 1962) ; Comment ils
du même sexe ou la présence de en 1958, 1960, 1961 et parachevée en
et les adolescentes, une espérance et deviennent délinquants (Éd. sociales fran-
barrières psychologiques d’origines çaises, 1965). / D. Rogers, The Psychology of 1966 — aboutit à la coexistence d’une
une volonté, une impatience et une exi-
diverses barrent la voie de l’hétéro- Adolescence (New York, 1962). / P. Bourdieu adoption simple et d’une adoption plé-
gence. Il y a aussi l’intuition de pos- et J. C. Passeron, les Héritiers. Les Étudiants et
sexualité, des formes anormales de nière.
sibilités quasi infinies, le souci d’une la culture (Éd. de Minuit, 1964). / D. Origlia et
vie sexuelle se constituent, se stabi- H. Ouillon, l’Adolescent (Éd. sociales françaises,
indépendance à conquérir, l’espérance
de ne plus avoir de compte à rendre
lisent et s’organisent, parmi lesquelles 1964). / M. Porot et J. Seux, les Adolescents Conditions de l’adoption
parmi nous (Flammarion, 1964). / A. M. Roche-
d’abord l’homosexualité : des formes
à personne, c’est-à-dire d’avoir enfin blave-Spenlé, l’Adolescent et son monde (Éd. La présence de descendant légitime
plus anormales encore peuvent s’éta- universitaires, 1969). / J. Cordeiro, l’Adolescent
la libre disposition de soi-même. La continue d’interdire toute adoption,
blir, telles que la pédophilie ou, plus et sa famille (Privat, Toulouse, 1976).
liberté vécue sur le thème de la libéra- sauf dispense encore exceptionnelle ;
simplement, l’auto-érotisme mastur-
tion devient une valeur et peut-être la cependant, même lorsqu’il est assimilé
batoire avec inhibition et impuissance
valeur primordiale qui supplante toutes à un enfant légitime, l’enfant adopté ne
dans l’éventuelle relation hétéro-
les valeurs traditionnelles, puisqu’elle fait pas obstacle à l’adoption d’autres
les nie. Depuis les plus petits accro-
sexuelle. Le refus de la virilité ou le adoption enfants. Nul ne peut être adopté par
refus de la féminité peut également
chages avec l’environnement familial, plusieurs personnes, si ce n’est par
prendre diverses formes névrotiques Acte juridique qui crée des rapports
tels que « pouvoir entrer et sortir à deux époux, mais si l’adopté devient
(anorexie* mentale). fictifs de filiation.
n’importe quelle heure », « avoir les orphelin une nouvelle adoption peut
amis que l’on a décidé d’avoir et pas Les troubles névrotiques. La dif- être prononcée. En principe, l’adoptant
les autres », etc., jusqu’aux aspirations ficulté à surmonter les conflits, tou- Historique doit avoir 15 ans de plus que l’adopté
les plus profondes, comme « choisir sa jours exacerbés dans la mentalité
À Rome, comme dans tous les groupes (10 ans de plus lorsque l’adopté est
vie comme on l’entend », « choisir le adolescente, conduit à des névroses* l’enfant du conjoint de l’adoptant) et
sociaux primitifs, l’adoption assure la
métier ou la carrière qui plaît », etc., (névrose d’angoisse et névrose
transmission du nom, la perpétuité de être âgé d’au moins 35 ans (si l’adop-
toute la gamme des conflits possibles d’échec). Des « complexes » puissants,
la famille et la continuité du culte do- tion est réalisée par deux époux non sé-
se joue à cette période. Tout ce qui pouvant prendre une allure névrotique, parés mariés depuis cinq ans au moins,
mestique ; elle permet de transformer
contredit la libre expression de cette paralysent le comportement social et
des patriciens en plébéiens et inverse- il suffit que l’un d’eux ait 30 ans
liberté, dans ses formules parfois les adaptatif, tels les « complexes » d’in- d’âge). L’adoption d’un enfant mineur
ment, et fait acquérir le droit de cité
plus extravagantes, est vécu comme fériorité, de culpabilité, d’exclusion
aux Latins. Dans l’ancien droit russe, est subordonnée à l’autorisation de
contrainte injuste et frustration illé- (abandonnisme). À noter également ses parents du sang ou du conseil de
elle assure la transmission des titres
gitime. D’innombrables actes et d’in- la fréquence des psychasthénies*, des famille ; l’adopté de plus de 15 ans doit
de noblesse. Dans la France de l’An-
nombrables engagements, l’abandon à dépressions mélancoliques, des obses- consentir personnellement à son adop-
cien Régime et, de façon plus géné-
d’innombrables tentations sont effec- sions et des phobies. tion. Simple ou plénière, l’adoption est
rale, dans presque toutes les sociétés
tués à cet âge uniquement pour « se Les manifestations psychotiques. bourgeoises du XIXe s., elle tombe en prononcée à la requête de l’adoptant
prouver à soi-même qu’on est libre ». Parmi les psychoses*, c’est la schi- désuétude du fait du désir de mainte- par le tribunal de grande instance, qui
Un certain nombre de barrières so- zophrénie* qui est, à cet âge, la plus nir le patrimoine dans la famille du vérifie si les conditions de la loi sont
ciales sont violemment niées ou mises insidieuse et la plus dangereuse. Selon sang. Vers la fin du XIXe s. et au début remplies et si l’adoption est conforme
en accusation seulement parce qu’elles Georges Heuyer, elle est la maladie du XXe s. — notamment au lendemain à l’intérêt de l’enfant. Le jugement
restreignent le champ illimité des pos- de l’adolescence. Comme le souligne de la Première Guerre mondiale, qui n’est pas motivé ; une fois que celui-
sibles, et par là la liberté. Léon Michaux, le terme d’hébéphré- avait fait un grand nombre d’orphe- ci est prononcé, les parents du sang ne

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

peuvent plus y faire opposition, sauf n’ait demandé dans les mêmes délais thèse Kierkegaard. Konstruktion des (1947), Zur Metakritik der Erkenntnistheo-
rie. Studien über Husserl und die phänome-
faute des adoptants. à en assurer la charge, et, d’autre part, Ästhetischen en 1931. L’avènement
nologischen Antinomien (1956), Drei Stu-
les enfants légitimes abandonnés for- du nazisme l’amène à émigrer. Après
dien zu Hegel (1963).
L’adoption simple mellement par leur mère avec demande un court séjour à Paris et à Oxford,
• Sociologiques : The Authoritarian
de secret lorsque le père ne les a pas il part pour les États-Unis, enseigne
Personality (paru à New York, en anglais,
Elle est possible quel que soit l’âge de
réclamés dans l’année qui suit). S’il dans plusieurs universités et devient en 1950 ; l’ouvrage est écrit en collabo-
l’adopté. Si l’adoptant exerce l’autorité
s’agit d’enfants de moins de 2 ans, ils directeur de la section musicale du ration dans le cadre des Studies in Pre-
parentale et si l’adopté lui succède au
doivent soit être parents — jusqu’au Projet de recherches radiophoniques judice, éditées par Max Horkheimer et
même titre qu’un enfant légitime (sans Samuel H. Flowerman), Minima Moralia.
sixième degré — de l’adoptant, soit de l’université de Princeton. De retour
acquérir cependant la qualité d’héritier Reflexionen aus dem beschädigten Leben
avoir été remis effectivement au Ser- à Francfort en 1949, il ne cessera de
réservataire à l’égard des ascendants de (1951), Prismen. Kulturkritik und Gesell-
vice de l’aide sociale à l’enfance ou à travailler, dans le cadre de l’Institut für
schaft (1955), Noten zur Literatur I, II et III
l’adoptant), ce dernier continue d’ap-
une oeuvre privée autorisée. L’adoption Sozialforschung, à de très nombreuses (1958, 1961, 1965), Eingriffe. Neun kritische
partenir à sa famille d’origine (droits
ne peut jamais être prononcée moins de études où la philosophie, la sociologie Modelle (1963), Jargon der Eigentlichkeit.
successoraux et obligation alimen-
six mois avant l’accueil dans le foyer et la théorie musicale, dans la suite de Zur deutschen Ideologie (1964), Nega-
taire). L’adoption simple est transcrite tive Dialektik (1966), Ohne Leitbild. Parva
de l’adoptant ; le placement dans une l’école de Vienne, auront leur part.
sur les registres de l’état civil, l’adopté Aesthetica (1967).
famille, en vue de l’adoption, d’un en- La démarche d’Adorno doit être
ajoutant en principe le nom de l’adop- • Musicographiques : Philosophie der
fant par le Service de l’aide sociale ou replacée dans le cadre d’une école de
tant au sien propre. L’adoption simple neuen Musik (1949 ; trad. française : Philo-
par une oeuvre privée est toujours pré- pensée originale, qui, avant ou avec
est révocable par le tribunal pour motif sophie de la nouvelle musique, Gallimard,
cédé d’une enquête sociale destinée à Marcuse, s’est efforcée de confronter
grave. 1962), Versuch über Wagner (1952 ; trad.
donner toute garantie sur la santé phy- la réflexion philosophique, historique française : Essai sur Wagner, Gallimard,
sique, morale et psychique de l’adop- et sociologique classique allemande 1966 ; la majeure partie du texte allemand
L’adoption plénière tant. Le placement en vue de l’adoption est nettement antérieure : 1937 et 1938),
avec les enseignements conjoints du
Dissonanzen. Musik in der verwalteten Welt
L’enfant qui a fait l’objet d’une adop- plénière met obstacle à toute restitution marxisme et de la psychanalyse. C’est
(1956), Mahler. Eine musikalische Physio-
tion plénière cesse complètement d’ap- de l’enfant à sa famille d’origine et fait ce qui fait l’originalité de son étude sur
gnomik (1960), Einleitung in die Musikso-
partenir à sa famille d’origine et entre échec à toute déclaration de filiation et la Personnalité autoritaire, dans la- ziologie (1962), Der getreue Korrepetitor,
dans la famille de l’adoptant avec tous à toute reconnaissance. quelle il se propose, tirant les enseigne- Lehrschriften zur musikalischen Praxis
les droits et devoirs de l’enfant légi- L’adoption, qui est très usuelle en ments de l’histoire récente, d’examiner (1963), Alban Berg. Der Meister des kleins-

time. Il substitue le nom de l’adoptant les rapports entre l’antisémitisme et ten Übergangs (1968) et Komposition für
Inde, où elle permet d’assurer l’exé-
den Film (en collaboration avec Hans Eisler,
au sien propre et peut même recevoir cution de certaines obligations reli- ce qu’il appelle le « syndrome autori-
1969).
du tribunal de nouveaux prénoms ; si gieuses ainsi que la perpétuité du nom taire », ensemble de conduites et de ju-
Il faut citer également les articles trai-
l’adoptant est français, l’adopté reçoit familial — lorsque l’adopté est un en- gements répandus dans la bourgeoisie
tant de musique, qui ont été à plusieurs
la nationalité française. La transcrip- fant du sexe masculin et l’adoptant un des pays capitalistes « avancés ». D’un
reprises réunis ensuite en volumes (Mo-
tion sur les registres de l’état civil du homme sans descendant mâle —, n’a point de vue plus proprement méthodo- ments musicaux, Impromptus, Quasi una
jugement d’adoption tient désormais parfois été introduite que récemment logique, Adorno et, plus généralement, fantasia), ainsi que ceux qui abordent les

lieu d’acte de naissance à l’adopté ; l’école de Francfort ont tenté de réali- questions de méthode et de fond de la so-
dans la législation de certains pays
ser une synthèse entre une sociologie ciologie, pratiquée dans le cadre de l’école
elle ne comporte aucune indication sur développés : en 1889 en Espagne, en
de Francfort.
la filiation par le sang. 1923 au Québec (où elle tend à revêtir empirique, telle qu’elle se pratiqua aux
États-Unis de manière privilégiée, et la
Peuvent seuls faire l’objet d’une le caractère d’une institution d’assis- D. J.
théorie de la société, celle de Marx et
adoption plénière les enfants de moins tance), en 1926 en Grande-Bretagne et
de Freud, mais aussi celle de Merton
de 15 ans ainsi que les enfants mineurs en U. R. S. S., au début du XXe s. dans
(théorie de la déviance).
qui, avant leur quinzième anniversaire, les États scandinaves, en 1956 aux
avaient été accueillis au foyer d’un Pays-Bas et en 1966 au Portugal. Le sociologue Adorno appliqua son adrénaline
adoptant n’ayant pas, alors, de des- R. M. attention à des problèmes de sociologie
cendant légitime, mais qui ne remplis- M. Morin, la Réforme de l’adoption, loi de la consommation culturelle, musi-
Substance d’origine biologique inter-
du 11 juillet 1966. Commentaires, formules cale notamment, préfaçant en quelque
saient pas encore toutes les conditions
et textes (Rép. Defrenois, 1967). / M. Vismard, venant comme hormone ou neurohor-
légales ou avaient fait l’objet d’une sorte les travaux actuels d’un Enzens-
l’Adoption (loi du 11 juillet 1966) [Librairies mone (médiateur chimique) et qui fait
adoption simple. Encore faut-il que techniques, 1968]. / M. P. Marmier, l’Adoption berger. Mais l’ex-élève de Berg, très
partie du groupe des catécholamines.
ces enfants appartiennent à l’une des (A. Colin, 1972). au fait de l’évolution interne de l’école
Obtenue à l’état cristallisé, en 1901,
catégories suivantes : 1o enfants dont de Schönberg, en fut un des principaux
par Jokichi Takamine et Thomas Bell
les parents ou le conseil de famille ont théoriciens, tout en portant son atten-
Aldrich à partir des surrénales de boeuf,
donné leur consentement (ce consen- tion à une « sociologie de la création
elle a reçu sa formule exacte en 1906.
tement est reçu soit par un juge d’ins- Adorno (Theodor musicale », dont son livre sur Wagner
tance, soit par un notaire, soit par le est un des plus remarquables exemples.
service d’aide sociale auquel l’enfant
Wiesengrund) L’idée de « dialectique négative » y est
Historique
est remis ; lorsque le consentement présente, tout comme elle l’est, tel un Dès la fin du siècle dernier, on avait
Philosophe, musicien et sociologue al-
émane du conseil de famille, l’avis de leitmotiv, dans l’oeuvre entière. remarqué que des injections d’extraits
lemand (Francfort-sur-le-Main 1903 -
la personne qui, en fait, prend soin de aqueux de la médullo-surrénale pro-
Viège, Valais, 1969).
l’enfant est toujours requis) ; 2o pu- voquaient une hypertension. On s’est
Les oeuvres d’Adorno
pilles de l’État ; 3o enfants déclarés Après avoir fait ses études de phi- ensuite progressivement aperçu que ce
• Musicales : Adorno est l’auteur d’un
abandonnés par le tribunal (l’autorité losophie et d’histoire de la musique même effet pouvait être obtenu à par-
certain nombre de pièces dont l’esthé-
judiciaire peut déclarer abandonnés, à l’université de Vienne et avoir été tir d’autres tissus. Ainsi fut découverte
tique générale relève de l’enseignement
d’une part, les enfants recueillis par l’élève d’Alban Berg et de Bernhard et isolée l’adrénaline. D’autre part, en
de Berg ; on citera en particulier les Lieder
une oeuvre ou un particulier lorsque Sekles pour la composition musicale, op. 1 et 7 pour voix et clarinette, sur des 1921, Otto Loewi montrait, par per-
les parents s’en sont manifestement d’Eduard Steuermann pour le piano, il poèmes de Stefan George (1944). fusion de coeurs d’Amphibiens isolés,
désintéressés depuis plus d’un an, devient directeur du périodique musi- • Philosophiques : à part la thèse sur l’existence des médiateurs chimiques
à moins qu’un membre de la famille cal Anbruch (1928-1931) et soutient sa Kierkegaard, Dialektik der Aufklärung (v. acétylcholine), substances pro-

143
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Peripheral Synapses (New York, 1950). / H. Gré-


duites par les terminaisons nerveuses. faite pour les vaisseaux pulmonaires, l’énergie d’adsorption est de l’ordre
goire (sous la dir. de), la Machine humaine et
W. B. Cannon et Bacq devaient alors cérébraux et coronaires, qui montrent de 100 kcal/mole, ce qui montre que
les Réglages de la machine humaine (t. V et
prouver qu’à l’extrémité des fibres au contraire une légère vaso-dilatation, t. VII de la Vie et l’Homme [Kister, Genève, la les forces qui s’exercent entre adsor-
postganglionnaires orthosympathiques et la tachycardie (augmentation du Grange Batelière, Paris, 1963]). / J. Decourt, les bant et adsorbat sont comparables
Glandes endocrines (P. U. F., coll. « Que sais-
était sécrété l’un de ces médiateurs, rythme cardiaque), ce qui entraîne une à celles qui interviennent dans les
je ? », 1969 ; 2e éd., 1973).
qu’ils appelèrent la sympathine. hypertension transitoire. L’adrénaline liaisons chimiques, et que ces corps
est aussi à l’origine de la dilatation des forment, par dislocation de la molé-
Adrénaline et bronches, du ralentissement des mou- cule adsorbée, une combinaison su-
noradrénaline vements péristaltiques du tube digestif,
de la dilatation pupillaire, ou mydriase,
Adriatique (mer) perficielle, dite « d’adsorption ».

L’analyse chimique de la sympathine Quel que soit le type d’adsorption


de l’installation d’une hyperglycémie
devait montrer sa parenté chimique MÉDITERRANÉE. du gaz, lorsque la couche adsorbée
transitoire, d’une augmentation du mé-
étroite avec l’adrénaline. Ainsi prit- est monomoléculaire, la fraction
tabolisme basai et d’une modification
elle le nom de noradrénaline, ou adré- de la surface de l’adsorbant couverte
du métabolisme minéral.
naline nerveuse. On a donc été amené par l’adsorbat varie à température
à distinguer deux formes d’adrénaline :
L’adrénaline et les cas adsorption constante en fonction de la pression p
l’adrénaline vraie, sécrétée par la mé- du gaz suivant l’expression
dullo-surrénale, et la noradrénaline,
d’urgence
Fixation d’un corps (l’adsorbat) à la
sécrétée au niveau des fibres nerveuses. Les sécrétions importantes d’adréna-
surface d’un autre corps (l’adsorbant).
On est actuellement beaucoup moins line dans l’organisme sont surtout dues
On appelle désorption le phénomène a étant constant à température donnée ;
catégorique sur cette distinction, car il à une « décharge » de la médullo-sur-
inverse. L’adsorption est très géné- c’est l’isotherme de Langmuir.
a été montré que les fibres nerveuses rénale. Cette « décharge » est consé-
rale, car elle est due aux forces d’at-
produisaient aussi bien de l’adréna- cutive à une réaction de l’être vivant La physisorption fournit un moyen
traction qu’exercent à l’extérieur les
line que de la noradrénaline et que à une situation critique. Elle a lieu de fractionnement en analyse immé-
molécules superficielles. L’adsorbant
la médullo-surrénale était capable de au moment d’une émotion violente diate et est aussi utilisée pour parfaire
peut être liquide : dans une solution
fournir, outre l’adrénaline, de la nora- (frayeur, colère) et favorise des réac- le vide dans une enceinte ; la chimi-
de savon, l’eau adsorbe les molécules
drénaline, du moins chez le jeune. tions salutaires (défense ou fuite) en sorption joue un rôle très important
d’acide gras formé, par hydrolyse, en
D’ailleurs, la parenté chimique entre augmentant les apports d’oxygène et dans l’interprétation du mécanisme de
une couche monomoléculaire dont les
ces deux substances s’explique par la de glucose aux muscles et au système la catalyse hétérogène.
molécules ont leur chaîne carbonée
parenté originelle des organes qui les nerveux par un afflux du sang à leur
perpendiculaire à la surface, le grou-
sécrètent. En effet, chez l’embryon, les niveau, afflux consécutif à une vaso-
constriction périphérique, à une dé- pement terminal —CO2H hydrophile Irving Langmuir
ganglions sympathiques prennent nais-
orienté vers l’intérieur de la solution ;
sance à partir du même territoire que la charge de la rate et à une accélération Physico-chimiste américain (Brooklyn

du rythme cardiaque. C’est un exemple du fait de cette adsorption, la tension


médullo-surrénale. 1881 - Falmouth 1957). Il a imaginé en 1913
superficielle du liquide est abaissée, les ampoules électriques à atmosphère
d’adaptation aux conditions du milieu,
mécanisme dont l’homme moderne n’a ce qui accroît le pouvoir mouillant et gazeuse, construit en 1916 une pompe à

que trop tendance à abuser. favorise la formation de mousse. vide moléculaire et découvert l’hydrogène

atomique. Il est aussi l’auteur de travaux


Quand l’adsorbant est un solide,
sur la chimie de surface et la catalyse. Prix
Rôle médical l’adsorbat peut être un corps présent
Nobel de chimie pour 1932.
de l’adrénaline dans une solution : on connaît le pou-
voir décolorant du charbon vis-à-vis R. D.
Outre l’adrénaline, on a découvert des liquides organiques ; l’analyse S. Brunauer, The Adsorption of Gases and
d’autres orthosympathicomimétiques,
chromatographique emploie aussi ce Vapours (Londres, 1944). / B. M. W. Trapnell,
tels que l’éphédrine et la benzédrine. À type d’adsorption. Chemisorption (Londres, 1955).
l’inverse, l’ergotamine et l’ergotoxine
L’adsorption des gaz par les solides
(ayant en commun l’acide lysergique,
est importante par ses applications ;
très étudié en physiologie et plus
on en distingue deux types : l’adsorp-
connu du grand public sous la forme
Adrénaline et tion physique, ou physisorption, et adulte
du L. S. D.) sont des orthosympathico-
orthosympathique l’adsorption chimique, ou chimi-
lytiques. Pour ses effets vasoconstric-
sorption. La première ne se manifeste Être vivant parvenu à son complet dé-
Les effets d’une injection d’adrénaline teurs et hypertenseurs, l’adrénaline est
qu’aux basses températures et met en veloppement.
dans le système circulatoire sont iden- utilisée en administration perlinguale.
tiques à ceux que produit l’excitation jeu des forces peu intenses, dites « de
En application locale, c’est un séda-
de l’orthosympathique. L’adrénaline Van der Waals » ; la chaleur dégagée Critère de croissance
tif des douleurs rhumatismales et un
est ainsi classée parmi les substances lors de l’adsorption est seulement de
décontractant. Il est communément admis qu’un être
orthosympathicomimétiques ; quant l’ordre de 5 kcal/mole. Cette adsorp-
J. Ph.
adulte a atteint sa taille définitive. Tou-
aux fibres nerveuses orthosympa- tion croît avec la pression du gaz, di-
Acétylcholine / Cerveau / Circulation / Coeur /
tefois, cette acception du terme, si elle
thiques qui produisent adrénaline ou Glandes / Métabolisme / Nerveux (système) / OEil / minue par élévation de température ;
Respiration / Vision. s’applique à la rigueur à l’homme et
noradrénaline, elles sont dites adré- à température et pression données, un
gaz est d’autant plus adsorbé qu’il est à un certain nombre d’animaux et de
nergiques. L’injection d’une très faible W. B. Cannon et A. Rosenblueth, Autono-
4 mic Neuroeffector Systems (New York, 1937). plus facilement liquéfiable. Suivant végétaux, ne peut être étendue à l’en-
dose d’adrénaline (1.10– à 1.10– 6) suf-
/ P. Rey, les Hormones (P. U. F., coll. « Que
les cas, le gaz peut former à la sur- semble des êtres vivants. Elle condui-
fit pour entraîner un certain nombre de sais-je ? », 1941 ; 10e éd., 1970). / C. Tardieu,
réactions organiques inverses de celles face du solide une couche mono- ou rait, en effet, à affirmer qu’un arbre et
le Système neurovégétatif (Manon, 1948). /

que provoque l’injection d’acétylcho- P. Chauchard, le Système nerveux sympathique pluri-moléculaire. La chimisorption un Crabe ne sont jamais adultes : un
(Gallimard, 1949) ; l’Équilibre sympathique
line. C’est ainsi que l’adrénaline pro- présente des caractères nettement dif- arbre parce qu’il ajoute chaque année
(P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1953 ; 4e éd.,
voque la vaso-constriction (diminution 1967). / A. Rosenblueth, The Transmission of férents : elle a lieu à des températures de nouvelles pousses et du nouveau
du diamètre des artérioles), exception Nerve Impulses at Neuroeffector Junctions and bien plus élevées que la précédente ; bois, un Crabe parce qu’il mue toute

144
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

sa vie et qu’à chaque mue il en profite exemple les « ouvrières » des sociétés poésie d’Ady que nous le devinons. tique, il proclame l’imminence de la
pour s’accroître. d’Abeilles. Passionnée, tyrannique, rendue scan- révolution.
daleuse aux yeux du monde par la L’abus des boissons et des sopo-
De toute façon, les biologistes consi-
Critère complaisance apparente du mari, cette rifiques ne fait qu’aggraver son mal.
dèrent que la croissance* d’un orga-
de maturité psychique liaison devient peu à peu une servitude L’idée du suicide le tente. Plusieurs
nisme résulte de la multiplication et
à laquelle le poète ne s’arrachera que fois il se laisse emmener dans des
de l’accroissement de ses cellules. Or, Le cas de l’Homme est certainement le
huit ans plus tard, lorsqu’il rentrera maisons de santé, qu’il quitte avant
multiplication et accroissement cellu- plus difficile à définir. En effet, matu-
définitivement en Hongrie. Cette rup- que la cure ne soit terminée. Peu avant
laires nécessitent de nombreuses syn- rité sexuelle et fin de la croissance sont
ture, il la commentera dans des vers la guerre il se marie. Mais il est déjà
thèses (anabolisme), qui l’emportent souvent très éloignées dans le temps.
d’une beauté étrange et dont la cruauté trop tard. La guerre, dont il avait senti
globalement sur l’ensemble des dégra- De surcroît, à ces deux critères vient
méprisante porte, jusque dans sa gran- l’incendie s’allumer au cours d’une
dations (catabolisme). Grossièrement, s’ajouter celui du développement psy-
diloquence et sa puérilité, la marque Étrange Nuit d’été — c’est le titre du
on peut dire que l’état adulte représente chique. Il est lié au développement du
d’une noblesse émouvante, comme le poème célèbre dicté par cette illumi-
un équilibre entre l’anabolisme et le système nerveux, dont on admet de
coup de griffe d’un animal blessé. À nation —, a commencé à détruire le
catabolisme, par opposition à la jeu- plus en plus qu’il est très lent et peut
Léda revient pourtant le mérite d’avoir monde ancien. L’Apocalypse, dont il
nesse, où l’anabolisme l’emporte sur le se poursuivre très tard dans la vie de
arraché Ady à la médiocrité provin- s’est fait le prophète, est à la fois en lui
catabolisme, et à la vieillesse, où le ca- l’Homme. Ce développement n’est pas
ciale, de l’avoir initié, fût-ce superfi- et autour de lui. Dans un dernier recueil
tabolisme l’emporte sur l’anabolisme. dû à une multiplication des neurones,
ciellement, à la poésie de Baudelaire et au titre significatif, En tête des morts, il
dont le nombre est fixé dès le stade
Saisir le moment où l’individu de- de Verlaine, de l’avoir guidé et soigné se révolte contre Dieu, l’implore et le
embryonnaire, mais à l’utilisation de
vient adulte ne présente pas de difficul- avec un dévouement quasi maternel. nie tour à tour. Quand il meurt, Buda-
la malléabilité de certaines parties du
tés dans le cas où l’on a affaire à des C’est à Paris, auprès d’elle, qu’Ady pest est déjà en pleine fièvre révolu-
système nerveux comme le cerveau ;
êtres subissant des métamorphoses, devient lui-même. Cet amour illumine tionnaire.
cette utilisation est, bien sûr, fonction
surtout si celles-ci sont complètes. On ses premiers grands recueils : Poèmes
de l’éducation. Le lecteur le moins averti ne peut
oppose alors larve et adulte, qui dif- neufs (1906), Sang et or (1907), Sur
manquer d’être frappé par l’abondance
J. Ph.
fèrent souvent totalement dans leur le char d’Elie (1909). Ceux-ci réper-
Adolescence / Amphibiens / Anoures / Arthro-
et la cohésion des symboles, par le re-
morphologie. Mues nymphales et ima- cutent l’écho d’une obsession char-
podes / Biologie / Croissance / Développement / tour incessant de thèmes obsessionnels
ginâtes font passer des Insectes tels que Insecte / Larve / Métabolisme / Métamorphose / nelle qui, souvent transfigurée par un caractérisés. Celui de l’or, toujours
Puberté / Sénescence.
pétrarquisme inattendu, trouve dans
les Mouches, les Papillons de l’état lié au sang, ne saurait trouver sa seule
J. Rostand, l’Homme (Gallimard, 1941). / la luxuriance baroque des images son
d’asticot ou de chenille à celui d’imago explication dans les difficultés finan-
J. Rostand et A. Tétry, la Vie (Larousse, 1962) ;
expression la plus adéquate :
ailé définitif. cières du poète. Le cheval, qu’il tra-
l’Homme (Larousse, 1972 ; 2 vol.).
Nous émigrons, nous partons pour verse les pays de la mort ou qu’il porte
Les métamorphoses incomplètes
l’automne, le cavalier égaré à travers le labyrinthe
d’autres Insectes tels que les Criquets,
Nous pourchassant. Nos cris aigus de la sylve originelle, ne traduit pas
les Blattes ou les métamorphoses pro-
résonnent. uniquement sa nostalgie de la préhis-
gressives de certains animaux comme Ady (Endre) Deux éperviers aux ramages pesants. toire magyare. L’art d’Ady ne cesse de
les Amphibiens, quoique faisant passer Des détrousseurs de l’été c’est l’at- s’épurer, mais ses images restent les
par des stades larvaires intermédiaires Poète hongrois (Érmindszent 1877 -
taque. mêmes comme si les différents objets
où l’individu ressemble de plus en plus Budapest 1919).
D’autres autours les jeunes ailes de sa poésie n’étaient qu’autant de pré-
à l’adulte, permettent, par le caractère Ady mérite d’être considéré comme claquent textes pour permettre à une réalité plus
même de la métamorphose, d’opposer l’un des poètes majeurs de l’Europe Dans un combat de baisers et de sang. intime et partiellement inconsciente de
les deux états. moderne. Son oeuvre, immense et inso- Quittant l’été, volant, fuyant le gîte, s’exprimer. C’est que cette poésie est
lite, est toutefois trop intimement soli- Bientôt l’automne arrêtera nos fuites. avant tout une extraordinaire revanche
Critère daire de la langue pour supporter sans Nous hérissant d’un amour bien plus sur la vie. « Sans baisers parmi les bai-
dommages l’épreuve de la traduction. fort.
de maturité sexuelle sers », « homme dans l’inhumanité »,
Comment, dès lors, en faire sentir la C’est là pour nous les plus ultimes « parent de la mort », Ady s’efforce,
La possibilité de se reproduire peut prodigieuse originalité ? noces tout au long de son oeuvre, de dépas-
aussi être considérée comme inhérente
Les parents d’Endre Ady appar- Nous déchirant les chairs dans cet au- ser le sentiment de frustration dont il
à l’état adulte. Il est communément tomne
tiennent à la noblesse pauvre des cam- souffre. Exilé de la vit » par sa maladie,
admis qu’un arbre est adulte lorsqu’il Pour retomber parmi ses feuilles d’or.
pagnes. Ils sont calvinistes, et c’est il lui semble l’être également de son
a atteint sa maturité sexuelle, car, dans (Adaptation de Robert Sabatier.)
peut-être d’eux que leur fils hérite cette pays, dont il « frappe en vain les portes
ce cas, le critère « croissance » ne peut prédilection pour l’Ancien Testament, À partir de 1908, Ady devient l’ins- et les murs », et aussi de Dieu, qu’il
être utilisé. C’est le plus souvent à la qui, surtout dans les dernières années cherche éperdument.
pirateur de la revue Nyugat « Occi-
faculté d’engendrer la vie que l’on de sa vie, marquera si profondément sa dent » et le chef de file de la poésie Il était naturel que sa poésie trouvât
reconnaît qu’un être vivant est adulte. poésie religieuse. Après des études de nouvelle. Plus que jamais il identifie un écho dans une nation qui, du fait de
Toutefois, il ne faut pas se leurrer sur droit, Ady devient journaliste à Nagy- son destin à celui de sa patrie qu’il sa langue et de son histoire, n’a jamais
la valeur réelle de cette définition ; il várad, où il se fait connaître par des sent obscurément menacée. Socialiste cessé tout à fait de se sentir un « corps
existe en effet des exceptions relati- vers et des pamphlets. C’est là que le sans doctrine, il exalte dans ses vers étranger à l’Europe ». C’est en partie
vement nombreuses. Il y a des sexués « baiser fatal » d’une amie éphémère le glorieux exemple des jacqueries parce qu’il y avait coïncidence entre
néoténiques comme l’Axolotl (larve lui vaut le mal qui le détruira lente- paysannes et la résistance des Kuruc. le destin de l’homme et celui de son
de l’Amblystome, Amphibien urodèle) ment. C’est là qu’il rencontre le grand L’angoisse que lui inspire l’avenir peuple qu’Ady est devenu un poète
qui se reproduisent à l’état larvaire. On amour de sa vie, Léda, qu’il ne tarde de la nation hongroise ne l’entraîne national. Mais il est beaucoup plus que
retrouve des exemples semblables chez pas à rejoindre à Paris. jamais dans un chauvinisme étroit. cela. Comme Freud et Kafka, il des-
les Termites. À l’inverse, il existe des Ce que furent réellement ces « noces Comme bientôt en Russie Maïakovski, cend dans le gouffre au-dessus duquel
adultes aux organes génitaux atrophiés d’éperviers », c’est surtout à travers mais avec une violence que « la vie qui Baudelaire n’avait fait que se pencher.
ou tout au moins non fonctionnels, par le miroir sans doute déformant de la fuit » rend dès cette époque plus pathé- Son angoisse devant la toute-puis-

145
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

sance du temps prend naissance dans des liaisons par tous les temps. Les Al- ou après 1960. Aussi, durant une grand nombre de personnes, devient de
la condition même de l’homme de tou- lemands avaient construit les Junkers quinzaine d’années, jusqu’en 1960, le plus en plus une ligne aérienne.
jours : « 52 », qui devaient continuer long- développement des transports aériens Les transports de marchandises se
Avec un crible gigantesque, temps à assurer des liaisons à courte s’est-il fait sous le signe d’une certaine développent parallèlement à ceux de
Le Temps vanne, vanne sans cesse. distance sur tous les continents. Les stabilité technique. Les innovations voyageurs. Leur importance est cepen-
Il ramasse à poignées des mondes Américains venaient de mettre au point ont été nombreuses dans tous les do- dant bien moindre. Cela tient évidem-
Et les crible avec allégresse, le Douglas « DC-3 ». On voit encore maines, mais il n’y a pas eu de brusque ment aux prix très élevés. Seules des
Seuls s’en affligent ceux qui tombent. voler des appareils de ce type, ce qui mutation : les vitesses moyennes de marchandises périssables, pressées ou
(Adaptation de Jean Rousselot.) représente une longévité exception- parcours demeuraient inférieures à 500 chères peuvent en supporter le poids.
nelle dans un domaine où tout vieillit ou 600 km/h, les appareils emportaient
Artiste conscient et poète inspiré, Le courrier représente l’élément le plus
Ady, en qui on a pu voir le dernier vite et où les matériels deviennent un nombre restreint de passagers (50, sûr et le plus intéressant, par sa régu-
chaman finno-ougrien, est non seu- souvent obsolètes au bout de quatre ou 60 ou 80). Les pistes aménagées à la fin larité, de ce trafic. Mais le transport
cinq ans. On disposait également d’un de la guerre avaient une longueur suf-
lement le plus grand porte-parole de aérien est le seul à pouvoir satisfaire
la Hongrie moderne, mais aussi un réseau de postes d’observations météo- fisante pour les modèles en service, si certaines catégories de besoins : ache-
visionnaire dont les fantasmes apo- rologiques assez dense pour que la bien que la plupart des infrastructures minement à longue distance de denrées
sécurité des vols soit assurée sur les iti- n’eurent pas à subir de transformations
calyptiques n’intéressent pas moins alimentaires fragiles ou déblocage de
l’homme d’aujourd’hui que le Hon- néraires les plus fréquentés. La radio- radicales : il suffisait de les multiplier régions marginales du monde habité.
grois d’il y a un demi-siècle. navigation faisait des progrès rapides. au fur et à mesure des progrès du trafic. Certaines régions montagneuses du
J.-L. M. La Seconde Guerre mondiale a ac- Cette période a vu l’aviation com- monde tropical, en Nouvelle-Guinée
G. Ronay (assisté de E. Guillevic et L. Gara), céléré l’évolution. Pour effectuer les par exemple, ne sont reliées au reste
merciale se développer d’une manière
Endre Ady (Seghers, coll. « Poètes d’au- bombardements, on apprit à construire
régulière. Dès ce moment se dessinent du monde que par des lignes aé-
jourd’hui », 1967).
des appareils capables d’emporter des riennes, grâce auxquelles se font tous
certains des traits qui vont la caracté-
charges « utiles » de plusieurs tonnes, les échanges. Sur les itinéraires bien
riser désormais. L’avion ne peut faire
de plus de 10 tonnes parfois. Ceux-ci desservis par des liaisons rapides ter-
concurrence aux moyens de transports
n’ont pu être directement utilisés par restres ou maritimes, une spécialisa-
aériens les aviations civiles, mais l’expérience
au sol qu’au-delà d’une certaine dis-
tance (au moins 200 km), car les aéro- tion d’un autre ordre se dessine. Les
(transports) acquise a permis de mettre au point en
dromes sont situés à la périphérie des fabricants de matériel d’équipement ou
peu de temps les grands types de qua- de produits de consommation durable
grandes agglomérations, si bien que le
drimoteurs à hélices qui ont dominé les découvrent que l’utilisation de l’avion
Ensemble des moyens de communica- gain de temps effectif sur un trajet est
routes aériennes de 1940 à 1950. pour le transport de pièces peu pon-
tion par air utilisés pour le transport en partie contrebalancé par les délais
des passagers et des marchandises. C’est dans les domaines des connais- déreuses est avantageux : ils peuvent
d’accès aux terrains. La part qui revient
sances aérologiques et de la navigation aux transports aériens à l’intérieur des ainsi réduire au minimum les stocks
que les progrès ont été le plus impor- de pièces de rechange qu’ils entre-
Les origines nations diffère selon leur dimension et
tants. La compréhension des mouve- leur état de développement. L’avion tiennent normalement pour satisfaire
L’histoire des transports aériens est ments de la haute atmosphère et celle les besoins urgents des clients. Le haut
s’impose partout où la médiocrité
brève. Les premiers chargements com- de la météorologie des régions extra- des équipements au sol interdit les prix du transport est contrebalancé, ici,
merciaux, les premiers passagers ont tempérées ont fait un bond immense : par la diminution des immobilisations.
relations rapides, c’est-à-dire dans la
été transportés par des compagnies il est devenu possible de lancer des plupart des pays sous-développés. Il Le développement rapide des trans-
nées au lendemain de la Première liaisons à travers des zones peu peu- ports aériens de marchandises et de
joue aussi un grand rôle dans les pays
Guerre mondiale et qui bénéficiaient plées et peu connues, et de raccourcir
avancés de forme allongée (Grande- passagers crée de multiples problèmes :
des innovations techniques et de l’ex- notablement certains itinéraires en em-
Bretagne, Italie) ou dans ceux dont les tout un droit aérien* est à définir ; les
périence de la navigation acquises pruntant des voies polaires. Le radar* a
dimensions sont continentales (États- pratiques de l’assurance doivent se sta-
durant le conflit. Entre les deux guerres complété les systèmes de radionaviga-
Unis, Canada, Australie, U. R. S. S.). biliser ; les responsabilités des diverses
mondiales, les progrès furent specta- tion que l’on utilisait déjà. Grâce à lui,
Dans ces cas, les transports aériens font parties doivent être clairement préci-
culaires. Les lignes continentales se les avions disposent d’un système effi-
une concurrence efficace à la route et sées. C’est à ces tâches multiples que
multiplièrent et les premières relations cace de mesure de l’altitude relative,
au chemin de fer pour l’acheminement s’est attelée l’Organisation de l’avia-
intercontinentales se créèrent. L’Atlan- cependant que les tours de contrôle
des voyageurs sur de longues distances. tion civile internationale (O. A. C. I.).
tique Sud, plus étroit, fut le premier des aérodromes suivent sans difficulté
océan régulièrement traversé par les C’est pourtant dans le domaine des L’accroissement des trafics s’accom-
l’approche des appareils susceptibles
pionniers de l’Aéropostale. À la veille relations internationales que l’augmen- pagne parfois d’un climat de concur-
d’atterrir.
de la Seconde Guerre mondiale, les tation du trafic est le plus spectacu- rence et de luttes tarifaires : ce fut le
Le tonnage des appareils augmen-
« clippers » de la Pan Am commen- laire : les distances sont importantes et cas pour les chemins de fer dans les an-
tant, leur vitesse devenant plus éle-
çaient à franchir le Pacifique et l’Atlan- les relations se font généralement entre nées 1860 ou 1870, pour la route entre
vée, il fut également nécessaire, dès
tique. Dans la plupart des cas, pourtant, centres très peuplés. Les personnes qui les deux guerres mondiales. Pour le
l’époque de guerre, de multiplier les
on n’était pas encore sorti de l’époque se déplacent le plus sont des fonction- transport aérien, il en va tout autrement
pistes en dur.
héroïque, celle des pionniers. Le trans- naires, des hommes d’affaires dont les au cours des quinze premières années
port aérien n’avait alors de réelle signi- activités se déroulent dans le cadre des de l’après-guerre : comme pour les
fication que dans des secteurs de mise Une période lignes maritimes régulières, les tarifs
capitales ou des grandes aggloméra-
en valeur récente, au peuplement faible de croissance régulière tions : cela est favorable à l’implan- sont fixés dans le cadre de conférences
(dans l’Arctique par exemple). tation de lignes régulières. Jusqu’en entre compagnies ; les brutales fluctua-
D’autres innovations de l’époque de
1950, les liaisons transocéaniques tions qui apparaissent sur les marchés
Les moyens existaient cependant, guerre n’ont eu, sur le développe-
demeurent, pour l’essentiel, assurées libres de fret sont absentes.
qui devaient permettre le développe- ment des transports aériens, qu’une
ment continu des échanges. On dis- influence différée. C’est le cas des par les compagnies de navigation mari- L’Organisation de l’aviation civile
posait déjà, à la veille de la Seconde moteurs nouveaux, turbopropulseurs, times. La situation se renverse dans les internationale a certainement facilité
Guerre mondiale, d’appareils suffisam- turboréacteurs, dont l’utilisation n’est années qui suivent : la ligne de l’Atlan- l’élaboration de ces accords de tarif.
ment sûrs et puissants pour effectuer devenue systématique qu’après 1955 tique Nord, celle qui voit passer le plus Mais ceux-ci résultent de causes plus

146
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

générales. Les transports aériens sont que des gains limités de vitesse et n’eut de la saturation de l’espace aérien qui flotte d’avions commerciaux spéciali-
dominés au cours de cette période par un d’importance que par la diminution se manifeste dans toutes les régions sée se crée, et la part qu’elle prend aux
petit nombre de compagnies. En dehors des coûts qu’elle provoqua. Mais les industrielles à forte densité ? relations intercontinentales est devenue
des États-Unis, il n’existe pas de pays données ont changé brutalement avec prépondérante depuis 1966. Le tonnage
L’évolution qui se dessine va donc
assez vaste et assez peuplé pour que se la mise en service des avions à réac- transporté par l’ensemble des lignes aé-
conduire à la mise en place de réseaux
crée un grand marché intérieur concur- tion travaillant à vitesse subsonique. riennes du monde a crû jusqu’au début
de types très contrastés : entre les
rentiel. Au niveau international, la La rotation des appareils s’est trouvée des années 1970 de 20 p. 100 par an,
grandes agglomérations, les appareils
compétition se trouve limitée, puisque, considérablement accélérée, si bien alors que l’augmentation n’était que
encombrants assureront des liaisons
sur un itinéraire donné, le nombre des que la capacité des lignes s’est trouvée de 14 p. 100 en 1960, avant l’entrée en
régulières et rapides, cependant que les
participants est généralement faible : il accrue. Avec l’apparition des avions service des avions lourds.
localités moins importantes ne seront
est fixé à la suite d’accords de récipro- moyens porteurs tels que la « Cara- Du même coup, les habitudes se
desservies que par des flottes de turbo-
cité entre nations. Les compagnies de velle », les Boeing « 707 » et « 727 », transforment. La gamme des produits
propulseurs de moyenne ou de petite
deux pays qui exploitent conjointement qui emportent plus de cent personnes à confiés aux transporteurs aériens se
dimension. Les avions lourds n’y ef-
les mêmes itinéraires n’ont guère inté- moyenne ou à longue distance, la trans- diversifie. L’imprimé a dès mainte-
fectueront de liaisons qu’à la demande.
rêt à lutter entre elles. Aussi les tarifs formation s’est accélérée ; elle est plus nant une place de choix dans tous les
La desserte de détail sera assurée par
sont-ils fixés à la suite de négociations. rapide encore avec l’entrée en service mouvements. Les textiles occupent une
de petits appareils, et l’on verra pros-
L’équilibre du marché n’est cependant des gros porteurs comme le Boeing place notable dans certaines relations :
pérer à la fois l’aviation privée des
pas parfait, par suite de l’importance « 747 ». Les possibilités offertes au les articles de confection représentent
individus et des firmes.
des deux grandes compagnies inter- transport des personnes sont beaucoup un produit idéal, de forte valeur sous
La baisse des prix a été rendue pos-
nationales américaines, TWA et Pan plus grandes que par le passé. En même un faible poids, cependant que la mode,
sible par l’évolution technique, qui
Am ; celles-ci assurent à elles seules temps, le renouvellement anticipé du assurant un vieillissement rapide à la
permet d’accélérer la rotation des ap-
un nombre de liaisons sensiblement matériel des grandes lignes met sur le production, donne au temps une grande
pareils et de diminuer le prix de revient
égal à celui de l’ensemble des compa- marché une flotte importante d’appa- valeur. Les viandes, les légumes, les
de la tonne-kilomètre ou du voyageur-
gnies européennes. Le fonctionnement reils encore en état, ce qui favorise fruits fournissent des tonnages élevés.
kilomètre. Elle a été plus rapide qu’il
du système dépend de la bonne volonté le développement des transports à la
n’était prévisible, par suite du jeu de La crise pétrolière (et aussi la ré-
des grandes sociétés américaines. demande pour les passagers — ou pour
la concurrence. Les tarifs de confé- cession) de 1973 a arrêté cette évo-
Il est d’autres modes de fixation les marchandises.
rence sont très supérieurs à ceux qui lution. La hausse considérable des
des tarifs. Ils ne valent que pour les Toute l’organisation du système des prix du carburant (poste notable du
sont pratiqués par les transporteurs à la
liaisons à la demande, fréquentes alors transports aériens se trouve de la sorte coût d’exploitation) s’est répercutée,
demande, ce qui crée une compétition
dans le domaine des transports de mar- rapidement modifiée. L’offre de trans- en partie, sur le prix du transport aé-
très vive. Une bonne partie des rela-
chandises sur les lignes des pays sous- port croît très rapidement, ce qui s’ac- rien et a freiné son expansion. Il en
tions par air peuvent en effet se faire
développés. On voit se créer un mar- compagne d’une baisse des prix. Les est résulté des difficultés financières
par des avions « charters » : il en va
ché concurrentiel libre des frets, qui infrastructures créées depuis la der- pour les compagnies ayant anticipé
ainsi des déplacements liés au tourisme
rappelle celui du transport maritime et nière guerre se révèlent brutalement in- — en l’amplifiant— la demande à
ou aux congrès. De leur croissance
se tient avec lui au « Baltic » (Baltic suffisantes. Les pistes doivent être plus venir, dont l’estimation est devenue
dépend en bonne partie l’augmentation
Mercantile and Shipping Exchange) de longues, plus éloignées des centres des subitement incertaine, à court terme
souhaitée des déplacements. Ces mou-
Londres par exemple. grandes agglomérations pour que les au moins. Cependant, le transport
vements risquent d’échapper aux lignes
nuisances dues au bruit des réacteurs aérien est devenu un élément essen-
régulières, qui ont pourtant besoin d’un
Une ère de mutations ne deviennent pas intolérables. Le pro- tiel de l’équilibre géographique du
coefficient d’occupation élevé si elles
blème des liaisons avec les moyens de monde moderne. Toutes les agglo-
et de bouleversements veulent rentabiliser leurs vols : elles
transport terrestres est donc plus diffi- mérations urbaines sentent que leurs
se trouvent conduites à offrir des tarifs
Depuis une quinzaine d’années, les cile à résoudre : un grand aéroport doit perspectives de croissance dépendent
spéciaux, à diminuer leurs prix. Ainsi
mutations se sont multipliées, si bien être desservi par des autoroutes, ainsi en partie de la qualité et de la faci-
se trouve accélérée la baisse des prix,
qu’est en train de se dessiner une or- que par des voies ferrées à grand débit. lité des relations aériennes. Mais le
qui est à l’origine de la transformation
ganisation des transports aériens très Avec les Airbus de grande capacité, les prix des infrastructures modernes est
fondamentale contemporaine.
différente de celle qui s’était définie installations terminales devront être tel que seules de très grandes villes
dans l’immédiat après-guerre. Les Pour les transports de passagers à
plus complexes, et les capacités hôte- peuvent se doter de terrains destinés
transformations ont été plutôt subies moyenne et à longue distance, le trafic
lières dans les aires de départ et d’arri- à recevoir des trafics lourds, réguliers
que voulues par la plupart des sociétés devrait augmenter très vite durant les
vée plus élevées. L’avion gros porteur et importants. Ces terrains agissent
régulières, qui se sont rendu compte années qui viennent. Les déplacements
ne peut trouver de clientèle que sur des comme des éléments fixateurs dans
que l’accélération du progrès risquait touristiques devraient s’allonger et se
lignes à trafic élevé : il est fait pour les la structuration de l’espace urbain. À
de les soumettre à des charges redou- multiplier. L’évolution est dès main-
liaisons entre très grandes villes. En proximité se dressent les hôtels desti-
tables. Mais ces sociétés n’ont pu faire tenant sensible : c’est ainsi que pour
un sens, il peut faciliter la solution de nés à recevoir les fournées massives
autrement que de se lancer dans l’aven- les Canadiens, grâce aux prix plus bas
certains des problèmes clefs de l’es- de touristes ou à offrir les salles de
ture, de crainte, en ne se modernisant pratiqués par l’hôtellerie ibérique, il
pace aérien : réduire l’encombrement réunions ou de conférences néces-
pas, de perdre leur clientèle. est devenu aussi tentant d’aller passer
des corridors aériens par exemple. La saires aux états-majors industriels
Les transformations sont d’abord situation est, de nos jours, dramatique quinze jours en Espagne ou aux Cana- pressés des grandes sociétés. Des
ries qu’aux Bahamas ou à la Jamaïque.
venues des progrès réalisés dans le ma- dans les zones à circulation intense ; parcs industriels sont créés, qui at-
tériel volant. Les « Constellation » et le long de la Megalopolis améri- En ce qui concerne les mouvements tirent des industries légères liées aux
les « Super-Constellation » des années caine, les appareils attendent parfois de marchandises, l’évolution est un marchés internationaux ou, simple-
1950 n’étaient guère que des versions une heure avant de pouvoir se poser. peu semblable. Il fut un temps où le ment, à la rapidité des déplacements
améliorées et agrandies des Douglas Mais le remède sera-t-il efficace ? Les fret aérien constituait pour l’essentiel de personnes. À Londres, la zone
« DC-4 » des années précédentes. gros avions ne vont-ils pas amener la un complément de charge pour les avi- industrielle née à proximité de l’aéro-
L’utilisation des turbopropulseurs concentration des relations modernes ons de passagers. Sur les lignes les plus port de Gatwick, par lequel transitent
ne modifia pas considérablement les et bon marché sur quelques grands importantes, comme celles de l’Atlan- l’essentiel des avions-cargos, est une
caractères des avions : elle ne permit axes, ce qui est précisément à l’origine tique Nord, la situation évolue. Une des plus importantes de la banlieue

147
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

méridionale. Des quartiers d’affaires passagers à longue distance. Mais, Avec une flotte de 40 appareils à réaction plus de 2 millions de passagers.
surgissent parfois aux portes des portant sur des catégories spéciale- et des effectifs de 14 300 personnes, elle
aérodromes les plus importants et ment importantes de relations et sur transporte annuellement plus de 5,3 mil-
lions de passagers.
soulagent les centres de ville conges- les parcours les plus grands, ils ont un
tionnés. Un peu partout, la création impact économique et géographique
des grands terrains nécessaires aux considérable. Ils contribuent depuis
appareils lourds progressivement plus de vingt ans au déblocage des
mis en service suscite des opérations espaces marginaux du monde habité
complexes d’urbanisme : ainsi pour le et aussi au modelage des régions les Alitalia, compagnie italienne de trans-
nouvel aérodrome de Roissy ou pour plus urbanisées et les plus humanisées ports aériens fondée en 1946 par l’Isti-
le nouvel aéroport de Montréal, sup- du monde. tuto per la Ricostruzione Industriale
plantant Dorval, devenu trop petit. P. C. (I. R. I.) et la British European Airways,
qui se partagent 80 p. 100 du capital
Certains éléments demeurent incer-
initial, ainsi que par différents intérêts
tains dans l’équilibre nouveau qui se Air France, compagnie française de privés italiens. En 1950, elle entre-
dessine. Il est encore trop tôt pour Les vingt plus transports aériens fondée en 1933 par prend ses premiers vols internationaux
mesurer l’importance que prendront importantes sociétés la réunion des quatre plus importantes et absorbe une compagnie concurrente,
les localisations liées aux transports compagnies aériennes françaises de
de transports aériens la Lati. Après une période de stagna-
aériens, pour voir aussi comment se l’époque (Compagnie internationale tion, elle augmente son capital, moder-
contrebalanceront les nuisances et les Aeroflot, compagnie soviétique de de navigation aérienne, Air Union, Air nise sa flotte, crée de nouvelles lignes
attraits des zones d’accès aux grands transports aériens fondée en 1923. En- Orient, Société générale de transport intérieures et européennes, puis aborde
treprise d’État jouissant du monopole aérien) et par le rachat des actions de les vols intercontinentaux. En 1957,
aéroports.
des transports aériens civils sur le ter- la Compagnie générale aéropostale. l’Istituto per la Ricostruzione Indus-
Les éléments techniques ne sont ritoire de l’U. R. S. S., Aeroflot a pour En 1946, Air France absorbe Air Bleu. triale décide la fusion de toutes les
pas les seuls à dominer l’évolution tâche première la liaison entre les prin- Réorganisée en 1948, sous le statut de compagnies italiennes de transport aé-
du transport aérien international. Les cipaux points d’intérêts, économiques société d’économie mixte, avec un capi- rien et accorde un monopole à Alitalia,
progrès effectués dans le domaine de et politiques, de l’immense espace ter- tal de 10 milliards entièrement souscrit qui fusionne avec les Linee Aeree Ita-
la construction des avions ont été si ritorial que composent les Républiques par l’État, elle devient une compagnie liane (L. A. I.). La compagnie possède
rapides que les transformations qu’ils soviétiques et les différentes démocra- nationale et est gérée par un conseil de aujourd’hui un réseau de 196 000 km,
impliquent ont de la peine à se réa- ties populaires. Son réseau intérieur, seize membres, L’État a, depuis lors, relie 80 villes de 48 pays et transporte
que l’on peut estimer à 360 000 km, rétrocédé un certain nombre de ses annuellement plus de 3 millions de
liser : on se demande parfois s’il ne
s’est développé par la suite en direc- actions à des collectivités publiques passagers.
conviendrait pas de ralentir un peu le
tion de l’Extrême-Orient, du Sud-Est ou à des porteurs privés à concur-
rythme de l’évolution. Les investis-
asiatique et de l’Afrique. Plus récem- rence de 30 p. 100 du capital social.
sements d’infrastructure ou de res- ment, son réseau international s’est Le réseau d’Air France s’étend sur
tructuration provoqués par le déve- étendu à différentes capitales du monde
plus de 400 000 km, comprend plus de
loppement des transports aériens de occidental. Cette compagnie dispose
130 escales dans 72 pays et constitue le American Airlines, compagnie améri-
masse sont peut-être trop lourds pour d’une flotte importante de moyen- et
plus long réseau du monde occidental. caine de transports aériens, fondée en
les économies de la plupart des pays. long-courriers. Son réseau comprend
La compagnie emploie 24 000 agents et 1930 et organisée sous cette même dé-
Mais la structure même de l’échange plus de 500 000 km de lignes et assure
transporte annuellement près de 5 mil- nomination dès 1934. Elle possède l’un
aérien, la multiplicité des compagnies un trafic total d’environ 42 millions de
lions de passagers. des plus importants réseaux intérieurs
passagers par an.
qui y prennent part, l’action des États des États-Unis et dessert le Canada et
et les soucis de prestige de puissance le Mexique. L’une des toutes premières
rendent difficile la conclusion d’ac- dans le monde pour le nombre et le ton-
cords en pareil domaine. nage des appareils utilisés, elle l’est
aussi pour le trafic réalisé en tonnes/
La géographie des transports aé-
kilomètres. Son réseau intérieur atteint
riens est marquée, plus qu’aucune
30 700 km, et elle transporte annuelle-
autre, par les contrastes de niveau
ment 17 millions de passagers.
économique, et l’évolution actuelle
accentue les écarts : seules des na-
tions puissantes, vastes et riches,
comme le sont les États-Unis et, dans Air Canada, compagnie canadienne de
transports aériens fondée à Montréal en
une moindre mesure, l’U. R. S. S.,
1937 sous le nom de Trans-Canada Air
peuvent s’équiper pour bénéficier
Lines. Le premier service commercial
à plein des avantages des nouveaux
est établi entre Vancouver et Seattle ; en
moyens de transport. Il y a quelques Air Inter, compagnie française de
1938, un service de poste et de message-
années, les conditions de desserte ries fonctionne de Montréal à Vancouver, transports intérieurs aériens fondée
des pays sous-développés n’étaient et l’année suivante sont organisés les en 1954 par un groupe de banques et
pas très différentes de celles des pays services de voyageurs Montréal-Van- de sociétés de transports. Elle ne com-

avancés. Il est probable qu’il n’en couver et Lethbridge-Edmonton, qui mence à fonctionner qu’en mars 1958, Braniff International Airways, com-
sera pas de même dans dix ans. s’étendent, en 1940, aux provinces mari- mais doit cesser ses activités en octobre pagnie américaine de transports
times. Après 1945, la compagnie aborde de la même année. Réorganisée en 1960 aériens fondée en 1928 par T. E. Bra-
Les transports aériens ne consti-
les liaisons intercontinentales. Air Cana- avec la collaboration d’Air France et niff. Elle possède un réseau intérieur
tuent encore, par leur volume, qu’une
da est notamment la première compagnie de la S. N. C. F., qui détiennent la majo- de plus de 19 500 km, reliant Chicago,
faible fraction des échanges mon- rité de son capital, et le soutien des col-
à desservir régulièrement l’U. R. S. S. à Denver et Kansas City à Fort Worth,
diaux. Ils représentent bien moins partir de l’Amérique du Nord. Elle relie lectivités administratives régionales, Dallas, Houston, San Antonio et La
de 1 p. 100 de tous les transports de les principales villes d’Amérique cen- cette compagnie assure des liaisons Nouvelle-Orléans. Depuis 1956, elle
marchandises. Leur part n’est prépon- trale et d’Amérique du Nord, ainsi que régulières entre les principales villes assure la liaison New York-Dallas via
dérante que pour les mouvements de les grandes métropoles européennes. de France et transporte annuellement Washington, Nashville et Memphis. Son

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

réseau international relie New York, de 1,5 million de passagers. Japan Airlines, compagnie japo- transporte près de 7 millions de passa-
Washington, Los Angeles, Houston, La naise de transports aériens fondée gers par an.
Nouvelle-Orléans et Miami à 15 villes en 1951. Elle exploite un réseau de
d’Amérique centrale et d’Amérique du 135 000 km de lignes intérieures et des
Sud, parmi lesquelles Bogotá, Panamá, Delta Air Lines, compagnie améri- lignes internationales reliant les prin-
Lima, Buenos Aires, Santiago et Rio de caine de transports aériens fondée en cipales capitales d’Europe et d’Amé-
Janeiro. Cette compagnie transporte 1930. Ayant absorbé en 1953 la Sou- rique du Nord à l’Extrême-Orient.
annuellement plus de 5,5 millions de thern Air Lines, elle exploite un réseau Elle transporte annuellement plus de
passagers. intérieur d’environ 24 000 km, reliant 32 millions de passagers et se classe
les principales villes du Sud et du Sud- au premier rang parmi les compagnies Pan American World Airways (Pan
Est à la côte ouest, au Centre-Ouest et extrême-orientales de transport aérien. Am), compagnie américaine de trans-
à l’État de New York. Son réseau inter- ports aériens fondée en 1927. Cette
national s’étend à la Jamaïque, à Porto même année, elle inaugure la première
Rico et au Venezuela, avec les liaisons ligne aérienne internationale améri-
La Nouvelle-Orléans-Montego Bay, La caine reliant Key West (Floride) à La
Nouvelle-Orléans-San Juan et La Nou- Havane (Cuba), et, dès 1929, le réseau
velle-Orléans-Caracas. La compagnie de la Pan Am s’étend sur 2 500 km. À
transporte annuellement 9,5 millions la même époque, Charles Lindbergh,
de passagers. devenu conseiller technique de la com-

British European Airways (BEA), pagnie, effectue le premier vol postal

compagnie britannique de transports vers l’Amérique du Sud. En 1934, la


aériens fondée en 1946. Elle joue un Pan Am entreprend la première traver-
rôle prépondérant dans l’évolution des sée aérienne du Pacifique avec cinq
transports aériens par hélicoptères. escales et réalise en 1939 la première
Elle crée en 1947 le premier service liaison commerciale au-dessus de l’At-
postal européen utilisant ce mode de lantique Nord. Au cours de la Seconde
navigation, puis en 1950 le premier Guerre mondiale, elle construit plus
Koninklijke Luchtvaart Maatschap-
service intérieur régulier pour passa- de 50 aérodromes dans 17 pays diffé-
pij (KLM), compagnie des lignes
gers entre Cardiff et Liverpool. Grâce aériennes royales néerlandaises fon- rents, mais reprend ses activités civiles
à un accord technique avec la société en 1946. Avec le pont aérien du Paci-
dée en 1919. Dès 1920, elle crée le
Deutsche Lufthansa, compagnie fédé- fique, destiné à ravitailler les forces
de construction aéronautique Vickers premier service régulier Amsterdam-
Armstrong, elle met en service dès rale allemande de transports aériens de l’O. N. U. en Corée, elle réalise,
Londres. L’année suivante, elle ouvre
1950, sur les lignes Londres-Paris et issue de la fusion, en 1926, de l’Aero de 1949 à 1953, le plus grand dépla-
à Amsterdam la première agence au
Londres-Edimbourg, le premier avion Lloyd et de la Société des transports cement d’hommes et de matériel jamais
monde de vente de titres de transports
Junker. En 1929, elle est la première à connu. Le réseau de la Pan Am couvre
utilisant la turbopropulsion. Agent eu- aériens, création rendue nécessaire par
catapulter un avion de transport depuis le monde entier, à l’exclusion des États-
ropéen de la British Overseas Airways le développement rapide du réseau de
la plate-forme d’un navire en mer. En Unis. Cette compagnie transporte
Corporation (BOAC), elle assure, en la compagnie, qui étend ses liaisons à
1934, elle ouvre la première ligne de annuellement plus de 7,5 millions de
accord avec cette société, l’exploitation toute l’Europe du Nord. En 1924, un
passagers au-dessus de l’Atlantique passagers et se classe ainsi au premier
des lignes aériennes des Îles britan- avion de transport de la société relie,
niques, d’Europe et du Moyen-Orient. Sud grâce à ces escales flottantes. Dis- rang des transporteurs internationaux.
le premier, Amsterdam à Batavia. À
Elle transporte plus de 7,3 millions de soute en 1945, la compagnie est réor-
partir de 1935, la compagnie KLM
passagers par an. ganisée en 1955, les accords de Paris
entreprend la constitution d’un impor-
ayant rétabli la souveraineté aérienne
tant réseau aux Antilles. Son réseau
de la République fédérale d’Allemagne.
actuel de 275 000 km de lignes relie les
Les premiers vols reprennent en avril
principales villes d’Europe, d’Asie et
de la même année sur le réseau inté-
d’Australie. La compagnie transporte
rieur, à l’exception de Berlin, et dès le
annuellement plus de 2,1 millions de
mois de juin au-dessus de l’Atlantique
British Overseas Airways Corpora- passagers.
Nord. Elle dispose aujourd’hui d’un ré-
tion (BOAC), compagnie britannique
seau de 242 500 km et transporte plus
de transports aériens constituée en
de 5 millions de passagers par an.
1939 avec l’actif de deux autres compa-
gnies aériennes, les Imperial Airways
et les British Airways. Réquisitionnée
par la Défense nationale, elle est ren-
due à ses activités civiles en 1946 et se Sabena, compagnie belge de transports
Eastern Air Lines, compagnie améri-
voit attribuer l’exploitation des routes aériens fondée en 1919 lors de la créa-
caine de transports aériens fondée en
aériennes du Commonwealth et de tion du Syndicat national pour l’étude
1938. Elle exploite un réseau compre-
l’Amérique du Nord, celles de l’Amé- des transports aériens (S. N. E. T. A.),
nant, d’une part, des lignes intérieures
rique du Sud étant dévolues à la Bri- société d’exploitation qui réalise,
qui, sur 34 000 km, relient les princi-
tish South American Airways (BSAA) Northwest Airlines, compagnie amé- dès 1920, les liaisons de Bruxelles
pales villes de la côte est et du Centre-
et celles des Îles britanniques et de ricaine de transports aériens fondée à Paris, à Londres et à Amsterdam.
Ouest aux villes du sud des États-Unis
l’Europe à la British European Airways en 1934. Son réseau intérieur relie Le S. N. E. T. A. donne naissance en
et, d’autre part, des lignes internatio-
(BEA). Les intérêts de ces trois compa- Seattle, Portland et les autres grandes 1923 à la Société anonyme belge d’ex-
nales dont les principales sont New
gnies sont du reste étroitement liés : la villes du Nord-Ouest à Chicago et à la ploitation de la navigation aérienne
York-Montréal, New York-Ottawa, New
BOAC et la BSAA forment actuellement région des Grands Lacs, à New York (Sabena), société d’économie mixte
York-Porto Rico, La Nouvelle-Orléans-
une seule et même société ; la BEA est et à Washington. Son réseau interna- contrôlée par l’État. Celle-ci inaugure
Mexico. Ayant absorbé en 1967 les
l’agent européen de la BOAC, qui, en tional, étroitement lié au réseau inté- en 1924 son premier service régulier
Mackey Airlines, elle a étendu ses acti-
retour, agit pour le compte de celle- rieur, dessert le Canada, l’Extrême- européen, tandis qu’un de ses pilotes
vités aux Bahamas. Elle transporte plus
ci dans le reste du monde. La BOAC Orient avec Tky, Okinawa, Formose réalise pour la première fois la liaison
de 19 millions de passagers par an.
dispose d’un réseau de 434 000 km, (T’ai-wan), Hongkong (Xiang gang), aérienne Bruxelles-Léopoldville, dont
touchant les principales capitales du Manille et Séoul. La compagnie pos- l’exploitation commerciale commence-
monde, et transporte annuellement plus sède 31 000 km de lignes intérieures et ra en 1935. Elle dispose actuellement

149
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

d’un réseau de 154 000 km et trans- se classe au second rang des compa- ou d’émissions n’ayant pas le caractère préambule et confirmée dans l’ar-
porte annuellement plus de 1,2 million gnies mondiales de transports aériens de correspondance [radiodiffusion].) ticle 44 de la Convention : 1o procurer
de passagers. internationaux. aux peuples du monde des transports

Droit aérien aériens sûrs et économiques ; 2o assu-


rer à chaque État contractant une pos-
À la différence du droit maritime, qui
sibilité équitable d’exploiter des lignes
est demeuré pendant des siècles à l’état
aériennes internationales.
de pratique et de coutume, le droit de la
Sur les plans de la sécurité du trans-
navigation et de la circulation aériennes
port aérien, l’oeuvre de l’O. A. C. I.
est un droit essentiellement écrit. Les
Swissair, compagnie nationale helvé- peut être considérée comme une réus-
premiers intérêts mis en cause par les
tique de transports aériens issue de la site. Par ailleurs, la sécurité du trans-
manifestations initiales de l’invention
fusion, en 1931, des compagnies privées port régulier a déterminé en Europe
du vol sont d’ordre public. L’État in-
United Air Lines (UAL), compagnie
de transport aérien Balair et Ad Astra. et en Afrique la conclusion d’accords
tervient pour assurer la protection des
américaine de transports aériens fon-
En 1932, elle met en service les pre- pour la gestion commune du service
dée en 1931 par la réunion des Varney tiers à la surface contre les risques de
miers monomoteurs du type Lockheed du contrôle aérien dans un espace et
Air Lines, de la Pacific Air Transport l’air et la défense du territoire contre
« Orion », dont les performances révo-
les dangers d’agression, de contre- à une altitude donnés : Convention
lutionnent le domaine aéronautique. En et de la National Air Transport. Elle
bande et d’espionnage qui peuvent internationale de coopération pour la
1934, elle innove encore en créant les fusionne en 1961 avec les Capital Air
navigation aérienne dite « Eurocon-
premières hôtesses de l’air. Au début de Lines. Son réseau, presque exclusive- venir par la voie des airs. L’emprise de
ment intérieur, comprend 30 000 km la puissance publique marquera l’appa- trol », signée le 13 décembre 1960 à
la Seconde Guerre mondiale, elle est
contrainte de suspendre ses activités. de lignes et 117 points desservis, de rition et le développement des activi- Bruxelles par la Belgique, la France,

Ses vols ne reprennent qu’en 1945. Elle la côte atlantique à Hawaii, de Boston tés commerciales du transport aérien la République fédérale d’Allemagne,
inaugure dès 1949 la liaison régulière à Miami, de Vancouver à San Diego. et donnera à l’économie aérienne le l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-
Genève-New York, la plus importante Cette société transporte annuellement Bas et le Royaume-Uni et entrée en
caractère d’une économie de prestige
de son réseau actuel. Société anonyme plus de 24 millions de passagers. Bien vigueur le 1er mars 1963 ; convention
et de puissance, étroitement contrôlée.
dont l’État détient 30 p. 100 du capi- qu’elle n’exploite pas de réseau inter- créant l’Agence pour la sécurité de la
tal, la Swissair exploite un réseau de Les textes relatifs à l’aviation civile
national, elle est la première compa- navigation aérienne en Afrique et à
160 000 km et transporte annuellement française, qui ont été codifiés en 1955
gnie mondiale de transports aériens, Madagascar (A. S. E. C. N. A.), signée
2,6 millions de passagers. tant par son chiffre d’affaires que par et 1967, sont conformes aux disposi-
le 12 décembre 1959 à Saint-Louis
le nombre de passagers transportés. tions des conventions internationales
(Sénégal) par la France, la République
signées par la France.
centrafricaine, le Congo-Brazzaville,
la Côte-d’Ivoire, le Dahomey, le
Les cinq libertés de l’air Gabon, la Haute-Volta, la Mauritanie,
1. Droit de survol. Madagascar, le Niger, le Mali, le Séné-

2. Droit d’escale technique. gal et le Tchad, et entrée en vigueur le


1er janvier 1960.
3. Droit d’embarquer des passagers, du
courrier et du fret à destination du territoire
de l’État dont l’aéronef a la nationalité. Les cinq libertés de l’air
J. P. B.
4. Droit de débarquer des passagers, du Des résultats équivalents n’ont pas été
Aéroport / Aviation / Avion / Navigation.
courrier et du fret en provenance du ter-
Trans World Airways (TWA), compa- obtenus en ce qui concerne l’exploi-
A. de Castillon de Saint-Victor, le Transport ritoire de l’État dont l’aéronef a la natio-
gnie américaine de transports aériens tation des lignes aériennes internatio-
aérien (Dunod, 1947). / E. Pépin, Géographie nalité.
créée en 1929 par la fusion de la Wes- de la circulation aérienne (Gallimard, 1956).
nales, la Convention ayant subordonné
5. Droit d’embarquer et de débarquer des
tern Air Express et de la Trans Conti- / J. G. Marais et F. Simi, l’Aviation commer- l’application des cinq libertés de l’air,
passagers, du courrier et du fret à destina-
nental Air Transport. Deux ans plus ciale (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1964). dont les Américains préconisaient la
tion et en provenance de tout État contrac-
tard, elle avait déjà établi le premier / K. R. Sealy, The Geography of Air Transport
tant. reconnaissance, à des accords entre
(Londres, 1966).
service transaméricain de passagers.
États qui révèlent plus souvent une
Avec la Douglas Aircraft Corporation,
La souveraineté de l’air forme bilatérale que plurilatérale.
elle met au point le Douglas « DC-3 »,
nouveau type d’appareil appelé à révo- L’organisation actuelle de l’aviation Le gigantisme des exploitations met
lutionner l’aviation commerciale inter- aérien et civile, créée par la conférence inter- d’autre part en question le principe,
nationale. En 1940, elle lance sur ses nationale de Chicago (1944) — réunie admis à Chicago, de l’égalité des États
lignes américaines le premier avion à aérospatial (droit) sur l’invitation des États-Unis d’Amé- à prendre part aux activités du trans-
pression atmosphérique contrôlée. À la
rique —, repose sur une convention port aérien international. Les risques
fin des hostilités, elle met en pratique Ensemble des règles écrites qui déter- multilatérale (entrée en application en financiers des exploitations de l’âge
sur le plan commercial l’expérience
minent les conditions de la navigation 1947 et en dehors de laquelle restent supersonique ouvrent cependant une
qu’elle a acquise au cours de la Se-
aérienne et de ses utilisations, ainsi que encore seules l’Albanie, l’Allemagne perspective favorable d’extension aux
conde Guerre mondiale et construit à
cet effet, en collaboration avec la Loc- des principes qui régissent les activi- démocratique, la Chine, la Hongrie), exploitations concertées que prévoyait,

kheed Aircraft Company, le « Constel- tés des États en matière d’exploration convention qui reconnaît à chaque État en 1944, l’article 77 de la Convention.
lation », premier appareil de transport et d’utilisation de l’espace extra-at- la souveraineté complète et exclusive C’est ce que réalisent déjà, en Europe,
aérien intercontinental. Autorisée en mosphérique, y compris la Lune et sur l’espace atmosphérique au-dessus le Scandinavian Airlines System
1945 à étendre ses activités à l’étran- les autres corps célestes. (Dans une de son territoire. (S. A. S.), prototype de solidarité dans
ger, elle devient ainsi la seule grande l’économie du transport aérien, et, en
conception large du droit aérien, on La Convention de Chicago confère
compagnie américaine exploitant
admet, en dehors des communications Afrique, la convention d’exploitation
à l’Organisation de l’aviation civile
un réseau intérieur et international,
aéronautiques, les communications ra- en commun d’Air-Afrique.
qui s’étend aujourd’hui sur plus de internationale (O. A. C. I.), qui a été

100 000 km. Elle transporte annuelle- dio-électriques qui sont appliquées au rattachée à l’Organisation* des Nations D’une portée très limitée dans le do-
ment 9 millions de passagers, dont près transport des signes, signaux, images et unies et dont le siège est à Montréal, maine des réalisations apparaît l’accord
de 50 p. 100 sur le réseau intérieur, et sons, sous la forme de correspondances une double mission, exprimée dès le multilatéral sur les droits commerciaux

150
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

pour les transports aériens non réguliers la radio-électricité appliquée à la trans- pour « la répression des émissions de cadre de trois institutions : Organisa-
en Europe du 30 avril 1956, oeuvre de mission sans fil des signes, images et radiodiffusion effectuées par des sta- tion européenne de recherches spatiales
la Commission européenne de l’avia- sons aux fins de correspondance (ra- tions hors des territoires nationaux » et (CERS) ; Organisation européenne
tion civile internationale, dont l’objet diocommunication) et de réception applicable à toute station dont le sup- pour la mise au point et la construc-
est de faciliter à travers les frontières publique (radiodiffusion). port est soit un navire, un aéronef ou un tion de lanceurs d’engins spatiaux
de l’Europe des Six la circulation des engin flottant immergé ou aéroporté. (CECLES) ; Conférence européenne de
Le but de l’Union est d’assurer dans
aéronefs de secours et des taxis aériens, Publié en France par décret du 3 juillet télécommunications spatiales (CETS).
le domaine des radiocommunications
le transport de passagers n’étant prévu 1968, l’accord de Strasbourg a déter-
une répartition équitable des bandes de L’industrie européenne, en liaison
qu’à titre exceptionnel et en dehors de miné la loi du 29 décembre 1967, qui
fréquences ou longueurs d’onde entre avec des entreprises américaines, a
toute concurrence possible. assortit de peines prévues au Code des
les services et à l’intérieur d’un même constitué de son côté un groupement
postes et télécommunications l’infrac-
service, et d’en garantir au maximum privé, Eurospace, qui réunit la quasi-
Piraterie aérienne tion définie par la loi internationale. totalité des entreprises intéressées par
la liberté d’usage. Au nombre des ser-
Un aspect inédit de la sécurité du trans- vices attributaires figurent la radio- les techniques à mettre en oeuvre.
port régulier aérien a été révélé par communication proprement dite, la Droit aérospatial P. L.

le développement alarmant, en 1969, radiodiffusion, la radionavigation. M. de Juglart, Traité élémentaire de droit


C’est par une renonciation expresse à
aérien (Libr. génér. de droit et de jurispru-
du délit, plein de périls, de détourne- Le Comité international d’enregis- toute prétention de souveraineté que dence, 1952). / D. Lureau, la Responsabilité
ment ou de capture illicites d’aéro- trement des fréquences, créé par la débute le traité du 27 janvier 1967, du transporteur aérien. Lois nationales et
nef, improprement appelé piraterie convention de Varsovie (Libr. génér. de droit
conférence d’Atlantic City (1947), conclu à Washington, à Londres et à
et de jurisprudence, 1961). / L. Cartou, le Droit
aérienne, terme employé en 1958, dans est chargé d’enregistrer au Fichier de Moscou, sur les principes régissant les aérien (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962 ;
la Convention no 2 de Genève sur le référence internationale des fréquences activités des États en matière d’explo- 2e éd., 1969). / G. Cas, les Sources du droit des
droit de la mer, pour qualifier des actes l’assignation ou déclaration d’un État ration et d’utilisation de l’espace extra- transports aériens (Libr. génér. de droit et de

de déprédation commis du bord d’un jurisprudence, 1964). / M. Pourcelet, Transport


au plan arrêté dans les conférences atmosphérique, y compris la Lune et aérien international et responsabilité (Presses
aéronef à l’encontre d’un navire ou administratives régionales. Il contrôle les autres corps célestes. de l’Université, Montréal, 1964).
d’un autre aéronef. Le détournement également l’utilisation effective de la Les puissances du cosmos,
d’aéronef, commis à bord pour impo- fréquence enregistrée, de façon à pré- U. R. S. S. et États-Unis, ont obtenu
ser, dans un but personnel diversement venir les spéculations des États qui, par aisément l’adhésion des États à la
motivé, au commandant de bord un précaution égoïste, déclareraient des Charte de l’espace, qui, sur le modèle aérienne
changement imprévu d’itinéraire, est fréquences sans intention d’utilisation du traité de démilitarisation et de vo-
un crime inexcusable qui, à l’égal de immédiate. Dans l’un ou l’autre cas, le cation à la recherche scientifique de
(défense)
la piraterie, tend à faire l’objet d’un Comité peut soit refuser l’inscription, l’Antarctique, proclame la liberté et
système de répression pénale univer- soit en prononcer la radiation. Ensemble des moyens et des mesures
l’égalité d’accès de tous les États sans
sel. La multiplication des actes pri- militaires et civiles concourant à la
L’U. I. T., instituée dans une situa- aucune distinction à toutes les régions
vés de détournement illicite a eu pour protection contre l’ennemi aérien.
tion anarchique, voit son développe- des corps célestes (art. 1) pour des fins
résultat d’avancer l’entrée en vigueur
ment gêné par les revendications des exclusivement pacifiques (art. 4) ; les Ainsi entendue, la défense aérienne
au 4 décembre 1969 de la Convention
grands États, qui invoquent des droits astronautes sont qualifiés d’envoyés de recouvre aussi bien la mise en oeuvre
de Tky, relative aux infractions et à
acquis contre une répartition équitable l’humanité (art. 5). de la défense passive que celle de la
certains autres actes survenant à bord
des fréquences, et les luttes de prestige défense active ; elle s’étend à la pro-
L’exploitation, des satellites de
des aéronefs. Cette Convention, qui
et d’influence que n’a pu manquer de tection des forces militaires comme à
télécommunication par le procédé des
vise expressément la capture illicite
susciter l’introduction de la radiodif- celle des populations et des territoires
engins dits « stationnaires » pose dans
d’aéronef, ne permet qu’une répression
fusion dans les moyens techniques menacés.
l’espace un problème d’occupation et
imparfaite des actes incriminés, qu’une
mis au service de l’information. La de « droits acquis » pour les puissances
résolution du 12 décembre 1969 de
propagande par radio demeure théori- nouvelles qui, au nom de l’égalité 1914-1970 :
l’Assemblée générale de l’O. N. U. a
quement interdite par une convention d’accès, prétendraient concurrencer les l’évolution
dénoncés. La répression des actes de
internationale de 1936, qui a été ratifiée États-Unis et l’U. R. S. S. dans les sec- de la menace aérienne
piraterie aérienne a fait l’objet d’une
par 13 États sur 28 signataires. teurs orbitaux, au-dessus de l’équateur,
nouvelle convention en 1970. Inaugurant la guerre aérienne, un
Les conditions techniques de l’émis- où les possibilités d’installation effi-
« Taube » allemand lançait sur Paris,
sion et de la propagation des ondes cace sont limitées.
Droit le 30 août 1914, une bombe de 5 kg.
radio-électriques ont naturellement Une tentative d’internationalisa-
des télécommunications Confiées ensuite aux zeppelins, puis
écarté dans l’écriture des conventions tion a été ébauchée dans le complexe aux bombardiers gothas, les attaques
Étroitement liée au bon fonctionne- de télécommunications la notion terri- d’actes contractuels internationaux éta- aériennes s’amplifieront progressive-
ment d’un réseau de communications toriale de la souveraineté. Concevable bli à Washington le 20 août 1964 grâce ment : en 1918, Paris recevra 30 t de
radio-électriques air-sol, la sécurité pour l’air, cette notion ne l’est plus à l’accord établissant un régime provi- bombes de 50 à 300 kg et Londres la
de la navigation aérienne repose sur pour l’« éther ». Le principe de la sou- soire applicable à un système commer- première bombe de 1 t. Mais, alors
l’aménagement et le contrôle d’un veraineté demeure néanmoins inscrit cial mondial de télécommunications qu’en 1914-1918 l’offensive aérienne
système international de répartition et en référence fondamentale dans l’acte par satellites et grâce à l’accord spécial n’est qu’un accompagnement plus psy-
de protection des fréquences entre les d’Atlantic City sous la forme d’une le complétant. Ces accords ont eu pour chologique que militaire des grandes
divers services utilisateurs des ondes « pleine reconnaissance à chaque pays résultat immédiat de créer un consor- opérations terrestres, elle devient, du-
radio-électriques. du droit souverain de réglementer ses tium international des télécommunica- rant la Seconde Guerre mondiale, une
télécommunications », introduite dans tions par satellites dénommé Intelsat,
L’Union télégraphique internatio- composante essentielle de la recherche
nale, créée à Paris en 1865 et deve- le préambule. non doté de la personnalité internatio- de la décision. C’est le cas notamment,
nale et dont les activités sont gérées par
nue en 1934 Union internationale des Une pseudo-piraterie aérienne, inté- en 1940, du bombardement de Rotter-
communications (U. I. T.) [siège à Ge- ressant le domaine des télécommunica- une entreprise privée ayant la nationa- dam et de la bataille aérienne d’An-
nève], constitue une institution interna- tions, est réprimée par les États euro- lité américaine (COMSAT). gleterre pour la stratégie allemande,
tionale spécialisée dans les différentes péens, qui ont mis en vigueur l’accord L’Europe s’efforce de prendre place comme celui des bombardements
techniques successivement apparues de signé à Strasbourg le 20 janvier 1965 dans la compétition spatiale dans le systématiques du Reich par les Alliés

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

en 1944-45. Cette fois, l’efficacité est leuses et surtout l’autocanon de 75, 120 m/s entre 1918 et 1945), l’effica- conçue l’organisation des moyens à
tout autre : la brutalité de l’attaque ancêtre de l’artillerie antiaérienne, qui cité du tir antiaérien a été multipliée mettre en oeuvre.
aérienne de Rotterdam pèsera lourd se révéla excellent en tir vertical. Mal- environ par 100 : en 1945, on comptera Disposant d’une infrastructure de
sur la décision de capitulation hol- gré quelques perfectionnements tech- un avion abattu pour une moyenne de haute qualité, la D. A. T. verra son rôle
landaise. L’Angleterre ne sera sauvée niques (lunettes, grilles de visée, télé- 365 coups de la D. C. A. américaine se compliquer de plus en plus en raison
que par la perfection de ses moyens de mètres, projecteurs) et l’organisation et, à cette date, on peut estimer qu’il des performances accrues des avions,
défense (radar* et avions de chasse*), de réseaux de guet, il fallait encore en aurait suffi de 30 coups de canon pour des brouillages antiradars de la guerre
et, en 1944-45, l’ampleur de l’attaque 1918 plus de 3 000 coups à la D. C. A. abattre un avion de 1918. Malgré ces électronique, qu’il faut pouvoir déjouer
aérienne alliée (1 million de tonnes de pour abattre un avion ! Après une performances, la Flak allemande se sous peine d’être aveuglé, et enfin de
bombes) obligera le Reich à consacrer éclipse durant l’entre-deux-guerres, révéla incapable de faire échec aux l’apparition des missiles sol-sol, diffi-
à ses moyens antiaériens un poten- l’artillerie antiaérienne connut à par- raids des bombardiers alliés, dont le ciles à détecter et surtout à intercepter.
tiel (50 p. 100 de sa chasse, près de tir de 1940 un essor considérable. Ses nombre saturait ses possibilités. Pour La D. A. T. est ainsi engagée à fond
40 000 canons, 1,5 million d’hommes) armes se répartirent en deux groupes : les troupes au sol, toutefois, et même dans la course « technologique », dont
qui fera cruellement défaut à la Wehr- les pièces légères, canons automa- à l’époque du missile, l’artillerie anti- elle bénéficie notamment dans le do-
macht pour la conduite des opérations ; tiques de 20 à 60 mm, mitrailleuses de aérienne demeure efficace contre les maine de la transmission automatique
d’autre part, les autorités allemandes 13 mm, destinées aux attaques à basse avions volant à basse altitude : la rapi- des données. À partir de 1960, on voit
devront évacuer certaines villes deve- altitude jusqu’à 3 000 m ; les canons dité de ceux-ci limitant la portée utili- apparaître des systèmes informatiques
nues inhabitables (Hambourg, Berlin, lourds, de 90 à 134 mm (152 sur les sable des pièces, on n’emploie plus que de plus en plus évolués : d’abord le
etc.). navires de guerre) pour le tir contre du matériel de petit calibre (canon de SAGE (Semi-Automatic Ground En-
En U. R. S. S., au contraire, la pro- avions à moyenne et haute altitude. 40 mm ou bitube de 30 mm sur châssis vironment System) aux États-Unis,
tection des cités reposera presque ex- En raison de la vitesse des avions, de char). Moyen de défense permanent, puis le S. T. R. I. D. A. en France et
clusivement sur des mesures de défense le débit de ces armes fut poussé au mais statique, liée au site sur lequel le NADGE (Nato Air Defense Ground
passive, tandis que les moyens actifs maximum, mais, sur un appareil volant elle est déployée, peu redoutée des avi- Environment) pour les forces de
seront réservés par priorité à la protec- à 700 km/h, un canon de 90 ne pou- ons dès qu’elle est en mouvement, elle l’O. T. A. N.
tion des troupes. Dans les opérations vait tirer que 10 coups, un canon de 40 constitue une menace sérieuse dès qu’il
Tous ces progrès s’ajoutent à ceux
finales contre Berlin, les 170 divisions que 20 coups. Le barrage de feu devant s’agit d’une position organisée, surtout
dont bénéficient les intercepteurs
soviétiques auront l’appui de 3 400 ca- un avion se révéla ainsi inefficace en si elle dispose d’un grand nombre de
modernes, tous temps, supersoniques,
nons antiaériens et de 3 275 chasseurs. raison du faible nombre de coups pos- pièces.
équipés de missiles air-air, qui, s’ils ne
La fin de la guerre sera marquée sibles à tirer ; il fut réservé aux cas très
sont pas capables de bloquer dans sa
par l’apparition des avions à réaction, limités du combat terrestre (défense L’avion, arme totalité un raid de bombardiers, consti-
d’une colonne blindée), où l’on dispose de la défense aérienne
que leur vitesse et leur altitude met- tuent pour ceux-ci un système d’armes
tront hors de portée de l’artillerie, et d’un très grand nombre de pièces.
On s’aperçut très vite que l’avion redoutable à moyenne et à haute alti-
par celle des fameux engins allemands tude. À très basse altitude, enfin, on
constituait l’adversaire le plus efficace
de type V1 et V2. Si les premiers, Radars, conduite de tir n’oubliera pas qu’en raison de la
de tout aéronef en vol. Dès 1916, la
volant bas, furent très vulnérables à la et projectiles antiaériens chasse* naît dans toutes les aviations rotondité de la Terre les radars basés
D. C. A. (1 800 seulement sur 8 000 au sol ont une portée très limitée : un
Pour la défense sur zones, force fut militaires et participe, comme l’artil-
atteindront Londres), les seconds, véri- assaillant pénétrant dans ces conditions
donc de rechercher la précision à tout lerie, aux missions de défense aérienne
tables ancêtres des missiles, déjouèrent ne serait détecté que très tardivement,
prix. Celle-ci fut obtenue dès 1940 des villes. En 1918, son engagement
toutes les techniques de la défense aé- ce qui rendrait son interception très
grâce aux perfectionnements des mé- sur appel téléphonique des postes de
rienne et ne purent être combattus que problématique. Pour résoudre cette dif-
thodes de détection et de conduite du guet demeure encore très artisanal.
par le bombardement systématique de ficulté, les États-Unis ont entrepris en
tir. Il fallut attendre 1940 et la mise en
leurs bases de départ. 1969 un programme de défense fondé
Les perfectionnements des méthodes oeuvre des stations radars, qui signa-
Depuis 1945, les données du pro- sur l’utilisation de radars spéciaux ins-
de détection sont dus essentiellement laient les raids allemands avec un
blème de la défense aérienne ont été tallés avec salles d’opération à bord
à la mise au point du radar de tir, qui préavis d’environ 15 minutes, pour
bouleversées par l’apparition de l’arme d’avions lourds (AWACS) assurant par
conjugue les avantages alors tout à fait pouvoir parler d’une « manoeuvre de
nucléaire et du missile : une seule relais une permanence en vol ; mais le
nouveaux de la permanence et d’une la chasse ». Pour aboutir à l’intercep-
bombe atomique entraînant des des- coût de l’opération en interdit la géné-
précision sensiblement égale aux di- tion de l’adversaire, celle-ci comporte,
tructions infiniment plus graves que ralisation. Parallèlement, l’apparition
mensions de l’objectif (15 à 30 m). après sa détection, son identification,
celles du plus puissant raid aérien de depuis 1956 de bombardiers superso-
Quant à la conduite du tir, elle est l’ordre de décollage aux chasseurs les
1945 ! La défense aérienne a-t-elle fait niques posait à la défense par intercep-
rapidement devenue automatique par mieux placés, le guidage vers l’ennemi
faillite ? Seule une étude de l’évolu- teur un problème très difficile ; c’est
l’emploi des calculateurs (v. tir). Les jusqu’à l’accrochage à vue ou au radar
tion de ses moyens techniques permet alors que fut mise à l’étude la défense
projectiles, enfin, bénéficieront égale- de bord, la poursuite et le tir, puis le
d’envisager ce qu’elle est devenue aérienne par missiles lancés du sol.
ment de nombreux progrès. Des fusées recueil des avions au retour de mis-
aujourd’hui.
spéciales, dites « de proximité » ou sion. Véritables centres nerveux de
radio-électriques, permirent en 1944 et la manoeuvre, les salles d’opération, La défense par
Les armes terrestres en 1945 de substituer de façon géné- chargées en outre de donner l’alerte à missiles sol-air
antiaériennes rale le tir percutant au tir fusant. Pour la D. C. A. et aux populations civiles, Le premier système opérationnel mis
réduire les temps de parcours, on em- étaient devenues en 1945 les organes en place aux États-Unis à partir de
En 1914, c’est avec toutes les armes
ploya en outre des obus sous-calibrés essentiels de toute défense aérienne.
dont elles disposent que les troupes 1958 pour la protection des grandes
tentent d’abattre ballons, dirigeables et (obus de 70, de 105 tirés par des canons Au lendemain de la Seconde Guerre villes fut celui du « Nike Ajax », suivi
de 88 et de 128), dont la vitesse initiale
avions adverses. Après avoir constaté mondiale, l’expérience des bombar- du « Nike Hercules », missile guidé du
monta jusqu’à 1 400 m/s.
l’inefficacité des salves de fusil (des dements de 1944-1945 posa d’abord sol sur l’objectif. Leur supériorité rési-
gardes républicains furent postés à cet Ainsi, grâce à l’ensemble de ces sur le plan aérien les problèmes de la dait dans les portées (25, puis 60 km)
effet sur la tour Eiffel), on utilisa rapi- progrès techniques et malgré le triple- défense du territoire, et c’est sous le et les altitudes (15 km) atteintes effi-
dement un montage spécial de mitrail- ment de la vitesse des avions (de 40 à vocable de la D. A. T. que fut d’abord cacement. L’U. S. Air Force imagina

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

visant à protéger des zones (villes, points / Missile / Protection civile / Radar.
ensuite le « Bomarc », avion sans pi- contre les FOBS 2 missiles antimis-
lote guidé du sol jusqu’à l’approche de siles (1971) : le « Spartan » pour les sensibles) contre les attaques de missiles

l’objectif où un radar donné assurait interceptions à très haute altitude et intercontinentaux.

son autoguidage final ; cette solution le « Sprint » pour les interceptions à BMEWS (Ballistic Missile Early Warning
fut vite abandonnée en raison de sa basse altitude. System), système de détection avancée aérodynamique
complexité. La deuxième génération, De son côté, l’U. R. S. S. réalisait un des missiles balistiques organisé par les
apparue en 1960-1965, aboutit au système reposant sur les mêmes prin- États-Unis en 1963 dans les trois bases de Étude de l’écoulement de l’air autour
« Hawk » américain autoguidé (por- cipes : le missile « Galosh », associé à Clear (Alaska), de Thulé (Groenland) et de d’un corps en mouvement.
tée 30 km) et au « SAM 2 » soviétique, un réseau radar étendu à 2 000 km de Fylingdales (Angleterre). Les réflecteurs de
plus rustique mais sans autoguidage. Moscou, et apparu en 1965, était opé- certaines de ces stations radars mesurent
Principes
Le missile sol-air semble alors supé- rationnel en 1970. 60 × 130 m.
rieur à l’avion de défense, mais son C’est une science essentiellement ex-
Les sommes investies dans ces sys- D. A. T. (Défense aérienne du territoire),
emploi réel au Viêt-nam puis dans la périmentale, tirant ses lois de l’obser-
tèmes ABM ne faisant que croître pour terme utilisé en France jusque vers 1960
guerre du Kippour (1973) a montré que vation de nombreux essais en labora-
une protection sans cesse remise en pour désigner la défense aérienne. La
son efficacité reste faible en raison de toire, comparés aux résultats obtenus
cause par les progrès de la technique, D. A. T. groupait l’ensemble des moyens
l’utilisation par l’assaillant de parades en vol réel. Elle utilise les théories
les Américains qui, dès 1969, avaient terrestres et aériens opposés à la menace
mettant en défaut le guidage des mis- de la mécanique des fluides, qui défi-
limité le projet « Sentinel » (devenu aérienne.
siles. Aussi estimait-on en 1975 que nit les lois théoriques déterminant le
« Safeguard ») à la défense de quelques D. C. A. (Défense contre aéronefs), terme
les missiles sol-air les plus redoutables comportement des fluides liquides ou
silos d’ICBM pensèrent que, la défense employé pour désigner les armes terrestres
sont ceux à faible portée que leur prix gazeux. Les études aérodynamiques
antimissiles devenant illusoire, il valait antiaériennes (canons, mitrailleuses).
réduit permet de multiplier ; tels sont sur maquette permettent de prédire les
mieux accroître leur potentiel dissua-
les « SA 7 » soviétiques, le « Red Eye » défense active, ensemble des moyens caractéristiques de l’écoulement de
sif. C’est ainsi qu’ils mirent au point,
américain, les « Roland » et « Crotale » militaires supposant par le feu à l’ennemi l’air autour de l’appareil réel. En par-
en 1973, les premiers missiles à charge
français. Ces missiles sont destinés aérien. tant des résultats prévus par cette étude
multiple (MRV), puis les MIRV dont
d’abord à la protection des troupes et défense passive, mesures de protection préalable, la mécanique du vol pourra
les charges isolées ont une possibilité
des navires. contre les effets des projectiles aériens. préciser ce que seront les performances
de manoeuvre après leur rentrée dans
Ces mesures s’appliquent aussi bien aux et les qualités de vol de l’appareil étu-
l’atmosphère. Les Soviétiques étant
dié. L’aérodynamique s’intéresse aux
Le problème des missiles parvenus aux mêmes conclusions, les
populations (v. protection civile) qu’aux

troupes et aux matériels, à l’aide d’abris, phénomènes généraux tels que couche
balistiques stratégiques deux Grands ont tenté de s’entendre
de silos, de système d’alerte, de camou- limite, viscosité, turbulence, décol-
pour limiter leur défense ABM et leurs
Peu après le lancement du premier lements, ondes de choc et définit les
flage, etc.
armements stratégiques. C’est l’origine
« Spoutnik » (1957), l’U. R. S. S. an- conditions de similitude à respecter au
des négociations SALT qui ont abouti Flak (Fliegerabwehrkanone), canon de
nonçait la mise au point d’un missile cours des essais entre la maquette et le
aux accords de 1972 et 1974. (V. désar- défense antiaérienne. || Par extens. Artil-
balistique de portée intercontinentale. corps réel pour que les résultats soient
mement.) lerie antiaérienne allemande. En 1945,
Son ogive, porteuse d’une charge nu- valables. Elle étudie d’abord l’écou-
elle rassemblait 1,5 million d’hommes et
cléaire lancée à des vitesses voisines lement sur des corps simples (plaque
40 000 pièces. Elle abattit 20 000 avions
de 20 000 km/h à plus de 1 000 km Que reste-t-il plane, corps de révolution, sphère,
alliés de 1939 à 1945.
d’altitude, semblait imparable, et on a de la défense aérienne ? etc.), ce qui permet de dégager des lois
cru alors qu’elle constituait une arme F. T. A. (Forces terrestres antiaériennes), générales, puis elle passe au cas des
Elle retrouve tout son intérêt dans les
nom donné en France depuis 1939 aux
absolue. Mais les Américains lan- corps complexes comme des maquettes
opérations où les armes nucléaires ne
unités d’artillerie antiaérienne.
çaient aussitôt l’étude d’une arme de d’aile ou d’avion.
sont pas employées, ce qui a été le cas
défense : dès 1962 un missile « Nike identification, opération destinée à dis-
de tous les conflits depuis 1945. De
Zeus » réussissait en plein Pacifique tinguer les engins amis des ennemis dans
plus, elle doit en tout temps assurer Visualisation
l’interception d’une ogive lancée de la l’ensemble des véhicules aériens détectés
sur le territoire une certaine « police des écoulements d’air
base de Vandenberg. Depuis 1963, il au radar ou à vue. Elle est aidée par des
du ciel » et garantir en temps de crise
existe aux États-Unis des installations équipements spéciaux embarqués à bord Le premier procédé a consisté à fixer un fil
la liberté de la circulation aérienne.
de soie au bout d’une fine baguette que
de radars spéciaux (BMEWS) capables des avions amis et émettant des signaux
Elle participe à la sûreté des forces de l’on déplace près de la surface du corps à
de déceler la trajectoire des missiles codés.
représailles et tient à jour la situation étudier : le fil se place parallèlement aux
intercontinentaux à 3 000 ou 4 000 km aérienne pour déceler à temps toute leurre, tout dispositif destiné à provoquer trajectoires des molécules matérialisant
de distance et de prévoir leur point ainsi les filets d’air. Un perfectionnement
menace grave. Centralisé, appuyé sur des échos radars semblables à ceux qui
d’impact avec un préavis de 15 mn. consiste à émettre par une série de petits
un réseau radar aussi étendu que pos- sont donnés par des missiles ou des avions
trous, percés dans un tube d’amenée, des
Ce problème, toutefois, s’est vite sible, doté d’un système automatique en vue d’abuser la détection adverse. Des
filets de fumée qui matérialisent les tra-
compliqué ; on a d’abord ajouté à de traitement des informations, le com- rubans ou paillettes métalliques ont été
jectoires des molécules d’air. En éclairant
l’ogive des leurres rendant plus diffi- mandement de la défense aérienne, ainsi utilisés dès 1943 pour protéger les fortement ces fumées, on peut effectuer
cile son identification. Puis on a rem- réorganisé en France en 1975, est avant raids de la R. A. F. sur Hambourg. des photographies très nettes de l’écou-

placé la trajectoire trop prévisible de tout un service de contrôle et de sur- lement. Des filets colorés peuvent amélio-
S. T. R. I. D. A. (Système de traitement et de
rer encore l’observation. Pour déceler des
l’ogive par une trajectoire plus souple. veillance du ciel, étroitement associé représentation des informations de défense
décollements de la couche limite, on peut
Une charge, placée sur orbite comme aux forces de dissuasion. aérienne), nom donné en France depuis
encore utiliser des peintures spéciales
un satellite, peut revenir à terre à 1958 au système informatique chargé de ayant la propriété de changer de couleur
partir de n’importe quel point de son traiter et de transmettre toutes les infor- au contact d’un gaz particulier. On peint
Vocabulaire
parcours : c’est le système soviétique mations concernant la détection, l’identi- la zone à étudier et on émet le gaz en aval
de la défense aérienne
FOBS, qui met en défaut le réseau fication et l’interception par l’aviation de de la zone peinte ; s’il y a décollements, il
Antiballistic Missile (ABM), missile destiné se produit des écoulements de retour qui
BMEWS américain. chasse.
à détruire les missiles balistiques adverses. remontent vers l’amont en entraînant le
Les États-Unis ont compliqué en- Par extension, ce terme désigne aux États- P. L. gaz : les points où naissent les décolle-
core leur premier système antimissile Unis les problèmes de tous ordres posés ments sont ainsi décelés. On peut aussi

(ABM) Nike Zeus en mettant au point par la mise en oeuvre d’un système d’armes Aviation / Bombardement / Chasse / Défense visualiser les champs de pression autour

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

d’un corps ; on utilise pour cela des mé- Aérodynamique de l’aile fonctionnement les caractéristiques dans le divergent que sont placés les
thodes optiques fondées sur la variation géométriques (profil, pas, allongement ventilateurs : l’air est donc aspiré, ce
Pour chaque régime d’écoulement,
de l’indice de réfraction de l’air en fonc- de la pale, distribution des profils le qui diminue la turbulence de l’air sur
subsonique et supersonique, et aussi
tion de la pression. Dans la méthode des
dans le régime transsonique, on s’at- long de la pale, etc.). la maquette ; l’écoulement de l’air
ombres, on éclaire isolément la maquette ;
tache à relier les paramètres géomé- doit être parfaitement homogène dans
s’il y a variation d’indice de réfraction, les

rayons lumineux seront déviés à l’endroit triques principaux aux résultats pour Moyens d’essais la chambre d’essai. Dans les souf-

où se produit cette variation ; les rayons en déterminer l’influence. La forme fleries à circuit ouvert, on place très
Pour mener à bien tous ces essais,
lumineux sont envoyés de l’autre côté de de l’aile selon une section parallèle souvent, en amont du convergent,
les spécialistes de l’aérodynamique
la maquette, sur un écran où l’on verra au sens de l’écoulement de l’air est une chambre de tranquillisation de
doivent disposer d’importants moyens
l’ombre de la zone déviatrice. Les ondes de capitale : le dessin de cette section est très grandes dimensions, qui sert de
choc sont bien mises en évidence. D’autres d’essais et de mesure, dont le principal
appelé profil de l’aile. On étudie aussi tampon entre l’air pris à l’extérieur,
méthodes font appel à la strioscopie, à est constitué par les souffleries.
la forme en plan de l’aile, qui a une très agité par le vent atmosphérique, et le
l’interférométrie, etc.
grande importance. On examine égale- convergent ; des grillages, des cloi-
Soufflerie
Couche limite ment les divers moyens de modifier le sonnements parallèles à l’écoulement
Il s’agit d’une installation dont l’or- servent à homogénéiser l’air et à re-
profil d’aile, par le jeu de volets, afin
C’est la couche d’air au contact direct d’un
gane essentiel est un tunnel (appelé dresser l’écoulement pour que toutes
corps en déplacement dans l’air et dans d’en faire varier les caractéristiques.
tunnel aérodynamique), dans lequel les molécules d’air de l’écoulement
laquelle on constate une variation des
on fait circuler de l’air à une vitesse suivent des trajectoires bien paral-
vitesses d’écoulement plus faibles que la

vitesse de déplacement du corps. La vis- contrôlée ; la maquette à étudier est lèles et se déplacent avec la même
cosité de l’air explique cette anomalie : les placée dans ce courant d’air et on vitesse. Dans les souffleries à circuit
molécules d’air au contact du revêtement observe son comportement au moyen fermé, on retrouve les convergents et
sont immobiles ; elles freinent l’écoule- d’équipements de mesure variés. Il divergents, ainsi que les cloisonne-
ment des molécules voisines, celles-ci à revient au même, pour l’étude des ments et souvent d’autres dispositifs
leur tour réagissant sur la tranche adja- réactions d’un corps, que celui-ci se annexes : refroidisseurs pour éviter
cente et ainsi de suite jusqu’à une certaine
déplace à une certaine vitesse dans un l’échauffement de l’air recyclé, des-
distance du revêtement où la vitesse de
air calme ou que l’on fasse circuler sur
l’écoulement égale celle du déplacement. sécheurs d’air, etc. ; le tunnel, coudé
ce corps immobile de l’air animé d’une
L’épaisseur de cette couche limite est va- 4 fois à 90°, comporte à chaque angle
vitesse égale à celle du déplacement
riable ; normalement de 3 à 5 mm, elle peut des volets directeurs qui canalisent
du corps dans le premier cas. Mais il
atteindre, dans certaines conditions, plu- l’écoulement. Le tunnel peut alors
sieurs centimètres. Tout se passe comme est plus facile d’observer une maquette être rendu étanche, et on peut utili-
si le corps en mouvement était en quelque immobile que de la suivre pendant son ser de l’air sous pression, ce qui amé-
sorte enrobé dans un manteau d’air plus Aérodynamique des avions vol. C’est le principe de base de toutes liore la reproduction des conditions
ou moins au repos. Tant que la vitesse les souffleries.
De la même façon, on étudie le com- d’échelle pour la viscosité de l’air ;
de l’écoulement autour d’un profil va en
portement de maquettes d’avions • Les souffleries peuvent être clas- on peut aussi remplacer l’air par un
augmentant, ce qui est le cas en avant du
complets souvent équipés de moteurs sées en fonction de plusieurs carac- gaz comme le fréon, dont les carac-
maître couple du fuselage ou de la plus
grande épaisseur du profil d’aile, la couche entraînant des hélices pour simuler leur téristiques ; la taille de la veine d’air téristiques de viscosité différentes de
limite reste mince ; l’écoulement est régu- souffle (maquettes motorisées) ou de à l’endroit où est placée la maquette celles de l’air améliorent la similitude
lier, et il est dit laminaire. Mais, dès que tuyères simulant le jet des réacteurs. va du décimètre carré à plusieurs cen- des résultats entre maquette et appa-
l’écoulement se ralentit derrière le maître On observe les réactions de la maquette taines de mètres carrés ; la vitesse de reil réel. Mais de telles souffleries
couple, la couche limite s’épaissit, de petits l’écoulement classe les souffleries
lorsque l’on braque les gouvernes, ce sont coûteuses en énergie, certaines
décollements se produisent, l’écoulement
qui permet de déterminer la stabi- en « basses vitesses », subsoniques, exigeant plus de 100 000 ch pour leur
devient turbulent et la traînée augmente.
lité de l’avion. Ces essais permettent transsoniques, supersoniques, hyper- fonctionnement. Pour pouvoir effec-
Le point où l’écoulement de laminaire de-
aussi d’améliorer le dessin général de soniques (au-delà de 5 à 6 fois la vi- tuer des mesures, la chambre d’essai
vient turbulent est appelé point de transi-
l’avion, surtout aux endroits des rac- tesse du son). Le mode de fonctionne- est équipée de dispositifs variés,
tion. On a évidemment cherché à reculer le
cordements aile-fuselage, fuseaux- ment est très varié : l’écoulement de dont le principal est constitué par des
plus possible ce point de transition en des-
sinant des profils à maître couple reculé ; moteurs-aile ou empennages-fuselage, l’air peut être assuré par des ventila- balances sur lesquelles sont fixés les
le chasseur américain « Mustang », dont là où des interactions d’écoulement teurs ou des compresseurs, ou encore modèles à essayer et qui permettent
les performances à l’époque ont étonné le peuvent beaucoup modifier les qualités par l’aspiration de l’air à travers le de déterminer les forces développées
monde, fut l’un des premiers avions équi- de l’avion. On peut aussi étudier les cas tunnel par un réservoir où l’on a préa- par l’écoulement sur la maquette
pés de ce type de profil, appelé profil lami- de vol spéciaux, comme la vrille, ou lablement fait le vide ou par injection selon les directions voulues. La pré-
naire. On a également essayé de diminuer
des formules d’aérodynes nouvelles : d’air comprimé dans la veine d’essai. paration de l’essai, très minutieuse,
la traînée en « aspirant » la couche limite
avions-canards, sans queue, voilures Selon le procédé adopté, le fonction- exige des délais assez longs. Aussi,
au moyen de fentes pratiquées dans l’aile,
tournantes, etc. nement sera continu ou par rafales, de pour éviter d’immobiliser la veine
ou en la « soufflant » pour la rendre lami-
durée plus ou moins longue. Enfin, pendant tout le temps de cette opéra-
naire là où les décollements apparaissent.
Aérodynamique des hélices le tunnel aérodynamique peut être tion, on utilise souvent des chariots
Mais les difficultés pratiques d’emploi

sont telles qu’aucun avion ainsi dessiné et rotors ouvert à ses deux extrémités (circuit spéciaux montés sur rails, que l’on
n’a été construit en série jusqu’à ce jour. ouvert) ou, au contraire, être disposé équipe à côté de la chambre d’essai,
Il est très difficile de calculer a priori
Sur les avions supersoniques, la couche en rectangle de sorte que le même air puis que l’on met en place pour pro-
les hélices ou rotors d’hélicoptère en
limite sur le fuselage peut atteindre plu- circule toujours dans le tunnel (circuit céder aux mesures. Enfin, des dis-
raison de la complexité des écoule-
sieurs centimètres à la hauteur des entrées fermé).
ments résultant du double mouvement positifs d’enregistrement continu et
d’air latérales des réacteurs ; pour éviter
de rotation et de translation. Les essais • Les principaux éléments consti- automatique des mesures permettent
qu’elle ne freine l’écoulement à l’intérieur
portent sur les mesures de pression tuant une soufflerie sont : le conver- d’abréger la durée d’utilisation de la
de l’entrée d’air, il faut décoller nettement

les manches d’admission des flancs du autour des pales, sur la recherche des gent, du côté de l’arrivée de l’écou- soufflerie, dont le coût reste toujours

fuselage. On évite cet ennui en disposant décollements à l’origine de pertes de lement ; la chambre d’essai, où est élevé. Les essais ainsi pratiqués ne
des plaques métalliques appelées pièges à rendement importantes. On peut ainsi placée la maquette ; le divergent, où peuvent être valables que si l’on a
couche limite près de l’entrée d’air. vérifier l’influence qu’exercent sur le l’air se détend en se ralentissant ; c’est respecté les conditions de similitude ;

154
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

raison de la diminution de la densité


de l’air, c’est également l’angle corres-
pondant à la valeur minimale du rap-
port qui assure le plafond absolu
de l’avion. Pour un planeur, cet angle
permet d’obtenir la durée maximale de
vol, puisque c’est celui qui économise
la puissance provenant de l’énergie po-
tentielle dépensée dans la perte d’alti-
tude. Ce point de fonctionnement parti-
culièrement intéressant de la polaire est
appelé angle de plafond. Enfin, c’est
pour la plus petite valeur du coefficient

Cx, point le plus à gauche de la polaire,


de plus, on est amené à corriger les résistance de structure et de détermi- modifient beaucoup la polaire de base. que l’on aura le moins de puissance à
mesures effectuées pour tenir compte nation des performances. Les résultats D’autre part, on établit des polaires fournir pour vaincre la traînée ; donc,
des anomalies dues à l’interaction de de soufflerie sont présentés sous forme d’avion complet qui tiennent compte
pour la puissance maximale du moteur,
la maquette avec les parois (effet de de tableaux de chiffres ou de courbes, des interactions aile-fuselage. Enfin,
cet angle, ou un angle assez proche,
paroi) et de la taille de la maquette par dont la plus classique est la polaire. les maquettes motorisées permettent de
car il faut assurer au coefficient Cz une
rapport à celle de la veine (effet de faire apparaître les effets de souffle ou
valeur suffisante pour soutenir l’avion,
bouchon). Malgré toutes ces précau- Polaire de jet aux divers régimes.
donnera la vitesse maximale.
tions, il subsiste une certaine marge
Principe P. L.
d’erreur dans les résultats ; bien que Points remarquables de la polaire
l’étude en soufflerie soit capitale pour C’est la présentation commode des J. Lachnitt, l’Aérodynamique (P. U. F., coll.
Le point le plus élevé correspondant
« Que sais-je ? », 1957 ; 2e éd., 1965). / P. Rebuf-
la mise au point d’un projet, elle ne principales forces développées sur la
à la valeur maximale du coefficient fet, Aérodynamique expérimentale (t. I, Libr.
peut supprimer la nécessité des essais maquette par l’écoulement de l’air :
Cz est celui où l’aile décroche ; pour Béranger, 1958 ; t. II, Dunod, 1967). / J. Chaf-
en vol. la résultante aérodynamique de toutes
un angle d’attaque un peu plus élevé, fuis, l’Aérodynamique (Dunod, 1962). / T. von
les forces peut être représentée par un Kármán, From Low-speed Aerodynamics to
la portance va diminuer, et la traî-
vecteur dirigé vers le haut et incliné Astronautics (Oxford, 1963 ; trad. fr. De l’aéro-
Moyens de mesure née continuer à augmenter ; le vol ne dynamique à l’astronautique, Gauthier-Villars,
vers l’arrière ; cette résultante peut
et d’observation pourra plus être poursuivi en équilibre, 1967).
se décomposer en deux : une force
et l’avion va perdre de l’altitude. C’est
L’essai en soufflerie permet, grâce de poussée, dirigée selon la verticale
pour un angle d’attaque proche de ce
aux balances, de mesurer les forces et qui s’oppose au poids — c’est elle
point que se produit la fameuse perte
globales selon trois axes de coordon- qui assure la sustentation de l’appa-
nées : selon la verticale, la poussée ; reil —, et une force de traînée, dirigée
de vitesse. Si l’on mène, à partir de aéroglisseur
l’origine des coordonnées, la tangente
selon l’écoulement, la traînée ; en tra- selon le sens du déplacement et qui
à la courbe, on détermine au point de
vers de l’écoulement, l’effort latéral ; s’oppose à celui-ci : c’est cette traî- Véhicule utilisant, pour se soutenir,
tangence l’angle d’attaque pour lequel
mais le point d’application de chacune née que devra vaincre la traction de l’effet de sol, c’est-à-dire l’effet de ré-
le rapport c’est-à-dire la finesse, est
de ces forces varie selon la position l’hélice ou la poussée du réacteur. En pulsion obtenu en forçant de l’air entre
le plus grand possible. Cet angle est
de la maquette dans l’écoulement, et fait, la balance mesure ces forces pour son fond et le sol, qui peut être aussi
celui qui assure le plus grand rayon
l’on décèle une tendance à cabrer ou à une vitesse donnée, une forme d’aile bien une surface solide que liquide.
d’action d’un avion ; pour un planeur,
piquer, à pencher à droite ou à gauche et un angle d’attaque particulier. Pour
c’est celui qui lui permettra de parcou- L’appareil est porté sans aucun
et à se mettre en travers d’un côté ou faciliter les calculs ultérieurs pour des
rir la plus grande distance à partir d’une contact avec le sol par un coussin d’air
de l’autre ; on définit ainsi trois axes paramètres différents, on a été amené
altitude donnée sans ascendance. Pour maintenu à une pression supérieure à la
de rotation dits de tangage, de roulis à présenter les résultats sous la forme
une finesse égale à 30 par exemple, le pression atmosphérique, entre le fond
et de lacet. Mais on ne mesure que le de coefficients, C xz pour la traînée et C
planeur parti de 1 000 m se trouvera au de l’engin, le sol et des parois latérales ;
résultat global des efforts ; pour amé- pour la portance, ne dépendant que de
sol à 30 km de son point de départ. d’où le nom de véhicule à coussin d’air
liorer le dessin initial du projet, il faut la forme de l’aile. On étudie en souffle-
pouvoir analyser les causes de ces ef- rie un type d’aile pour tous les angles Il existe un angle d’attaque pour le- donné fréquemment à l’aéroglisseur. Il
forts en chaque point du modèle ; or d’attaque de 0 à 360° : c’est ce qu’on quel la puissance nécessaire au vol est existe plusieurs modes de réalisation
il existe une relation entre la pression, appelle une polaire totale ; en fait, minimale : cet angle correspond au cas des coussins d’air, mais les deux types
ou la dépression, de l’air à un endroit comme les angles de vol normalement où le rapport est minimal ; il cor- suivants sont les plus courants :
donné et la vitesse de l’écoulement au utilisés varient de – 5° à + 25°, on se respond à un point situé entre l’angle
1o le type à cloche ou à chambre pleine,
même point ; de même, si l’on connaît contente en général de cette seule partie de finesse maximal et l’angle de décro-
solution française, dans laquelle l’air
les pressions à tous les points de la ma- de la courbe. Sur le même graphique, chage. Exigeant le moins de puissance
de sustentation est foret-dans des
quette, on peut calculer l’effort global. on trace souvent la courbe correspon- pour assurer le vol, cet angle est celui
chambres en forme de cloche et s’éva-
Enfin, il est très intéressant de « visua- dant au rapport Cz/Cx, appelé finesse, qui correspond à la moindre consom-
cue par l’intervalle existant entre le bas
liser » l’écoulement de l’air, ce qui qui intervient dans certaines perfor- mation de carburant, donc à la durée de
de la cloche et le sol ;
permet de détecter les endroits où se mances de l’avion ; on ajoute aussi la vol maximale ou à l’autonomie maxi-
2o le type à jet périphérique, solution
développe un phénomène nuisible, qui courbe du coefficient Cm correspondant male, différente du rayon d’action ;
anglaise, dans laquelle l’air de susten-
disparaîtra ou sera atténué par la mo- au moment de tangage (cabré-piqué), elle est acquise pour une vitesse de
vol plus faible, ce qui explique que, tation, distribué à grande vitesse, vers
dification du dessin de l’appareil. En qui donne une idée de la stabilité de
dehors de cette amélioration des lignes, l’avion. Il existe pour un avion donné malgré une durée de vol supérieure, l’intérieur, par une fente annulaire dis-

l’étude en soufflerie doit conduire à des polaires avec différents braquages la distance parcourue puisse être infé- posée autour de l’appareil, s’épanouit

fournir des résultats chiffrés qui per- des volets hypersustentateurs ; ces vo- rieure. Comme les moteurs voient leur ensuite vers l’extérieur au contact du
mettront d’effectuer tous les calculs de lets, en déformant le dessin du profil, puissance décroître avec l’altitude, en sol.

155
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Premières réalisations
Les physiciens connaissaient le prin-
cipe du coussin d’air depuis près de
cent ans, mais, à cette époque, l’état de
la technologie n’avait permis aucune
réalisation pratique. Il fallait pour cela
disposer notamment de matériaux et
de moteurs légers. Aussi, dans ce do-
maine, les aéroglisseurs ont-ils bénéfi-
cié des techniques de l’aviation. Il fal-
lut attendre 1959 pour voir la première
réalisation pratique dans le domaine
des aéroglisseurs marins. Ce fut le Ho-
vercraft « SR-N1 », d’un poids total de
4 t et d’une hauteur de fuite de 0,30 m,
construit en Grande-Bretagne, sous la
direction de l’ingénieur Cockerell. Cet
appareil effectua en 1959 la première pourra être portée à 2 m, c’est-à-dire obstacles terrestres. Pratiquement, les
Différents types
traversée de la Manche. Il était conçu vagues franchissables sont de l’ordre
dix fois plus. Toutefois, une jupe d’aéroglisseurs
selon la méthode du jet périphérique. de 80 p. 100 de la hauteur des jupes.
unique n’a pas de stabilité propre et
En 1962, il fut suivi du type « SR-N2 », Le principe du coussin d’air est appli- D’autre part, dans l’état actuel de la
s’effondre lors du franchissement d’un
de 27 t, d’une vitesse de 70 noeuds qué à plusieurs types d’aéroglisseurs, technique, le rapport entre la hauteur
(130 km/h), construit selon les mêmes obstacle important. L’ingénieur Ber- qui se distinguent principalement par des vagues à franchir et la plus petite
principes et pouvant emmener 70 pas- tin eut l’idée d’associer plusieurs jupes la nature du sol sur lequel ils évoluent, dimension du véhicule est de pour
sagers. Comme la hauteur de fuite doit souples, afin que l’effondrement d’une le mode de propulsion et de direction les appareils à grande vitesse et
normalement être plus grande que les seule jupe sur un obstacle ne compro- étant adapté à chaque type. On peut pour les appareils à vitesse moyenne.
obstacles les plus hauts que le véhicule classer les aéroglisseurs en quatre L’aéroglisseur doit donc être d’autant
mette pas la stabilité de l’ensemble.
peut rencontrer, ces deux appareils ne groupes : plus large que les vagues à franchir
Le premier véhicule à coussin d’air
pouvaient être utilisés que dans des sont plus hautes, et la capacité de
muni de jupes souples fut le Terraplane
conditions de mer idéales, bien que la Véhicules amphibies destinés l’appareil est proportionnelle au carré
solution à jet périphérique permette, à « BC-4 », réalisé en 1962 par la So- surtout à naviguer sur l’eau de cette dimension. Sur terre, ces véhi-
puissance égale, une hauteur de fuite ciété Bertin et Cie. Pourvu de huit jupes Ils peuvent être propulsés au moyen cules peuvent franchir des pentes de 10
plus grande que la solution à cloche. souples coniques, il avait un poids total d’hélices aériennes (c’est le moyen le à 15 p. 100, ce qui leur permet d’uti-

Pendant ce temps, en France, l’ingé- en charge de 3,5 t. Ultérieurement, cet plus employé actuellement) ou encore liser les plages pour leurs opérations

nieur Jean Bertin mettait au point la à l’aide de réacteurs. Leur direction d’embarquement et de débarquement.
appareil fut amélioré par l’addition
jupe souple, qui, se déformant sur les est assurée par la variation du pas des
d’une jupe périphérique. L’apparition
obstacles, allait permettre leur fran- hélices ou à l’aide de volets orientables Engins amphibies conçus
de la technique des jupes souples et ses
chissement économique et dissocier les placés sur des plans de dérive et agis- principalement pour évoluer
résultats spectaculaires pour le fran- sur terre
deux notions de hauteur de fuite et de sant comme des gouvernails d’avion.
chissement des obstacles amenèrent La puissance propulsive nécessaire
hauteur des obstacles. Si l’on veut limi- Leur propulsion est généralement assu-
ter la puissance de sustentation d’un les constructeurs anglais à l’adapter dépend surtout de la résistance aéro- rée par des roues utilisées également
coussin d’air à une valeur acceptable, au coussin d’air à jet périphérique, en dynamique, ce qui permet, dans des comme organes de direction. Toute-
la hauteur de fuite doit être de l’ordre réalisant deux jupes concentriques for- conditions identiques, une vitesse de fois, ces roues ne portent que de 5 à
de 1 à 2 p. 100 du diamètre de l’appa- l’ordre de trois fois supérieure à celle 20 p. 100 de la masse totale, le coussin
mant tuyère. Il est toutefois nécessaire
reil. Dans ces conditions, un aéroglis- d’un navire. En réalité, seule l’inven- d’air supportant le reste. La propul-
de les entretoiser, car la pression de
seur non muni de jupes souples, d’un tion de la jupe souple a permis le déve- sion peut aussi être réalisée au moyen
l’air projeté tend à les écarter, et l’en-
diamètre de 10 m, ne pourra franchir loppement des aéroglisseurs marins, en d’hélices aériennes. La très faible pres-
des obstacles supérieurs à 20 cm, mais, semble est moins souple que le système leur donnant la possibilité de franchir sion du coussin d’air permet au véhi-
avec des jupes souples, cette hauteur à jupes multiples de Bertin. les vagues, qui sont assimilables aux cule d’évoluer sur terrain meuble, par

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

exemple sur une simple piste grossiè- bie ou non, de l’hydroptère, qui est un sont munis de moteurs Diesel à très 1963 du Terraplane « BC-6 », de 3,5 t
rement réalisée. Si le véhicule n’est pas véritable bateau muni d’ailes placées grande vitesse de rotation. et muni de deux roues auxiliaires, puis
pourvu d’hélices aériennes, son dépla- du « BC-7 », qui en a quatre et consti-
sous sa coque, qui le soulèvent lorsque
cement sur l’eau peut s’effectuer au Réalisations actuelles tue, selon l’expression de l’ingénieur
la vitesse est suffisante, et pourvu des
moyen d’aubages garnissant les roues. Bertin, le prototype d’un véritable
mêmes organes de propulsion (hélice)
C’est le cas du Terraplane français « camion de piste ». Cet appareil peut
Grande-Bretagne
« BC-4 ». et de direction (gouvernail). porter sur terre 2,5 t à la vitesse de 50
Après les « SR-N1 » et « SR-N2 », la
à 80 km/h, suivant la nature du terrain.
British Hovercraft Corporation (BHC),
Aéroglisseurs marins non Véhicules terrestres Sur l’eau, il peut se déplacer, au moyen
formée notamment par Westland et
amphibies nécessitant une voie ou un de ses roues à aubages, à une vitesse
Vickers, construisit le Hovercraft
Ces véhicules sont pourvus de parois dispositif de guidage comme de 10 km/h.
« SR-N5 », qui assura un service de
latérales rigides immergées en forme l’Aérotrain Pour l’étude et la réalisation des
passagers sur le « Solent », concur-
de carènes amincies ; l’air refoulé aéroglisseurs marins s’est constituée,
Sur tous les types d’aéroglisseurs, la remment avec le « SR-N2 », au cours
s’échappe à l’avant et à l’arrière, la en 1965, la Société d’études et de
de l’été 1964. Cette société construisit
puissance nécessaire à la propulsion développement des aéroglisseurs ma-
réalisation du coussin d’air pouvant
ensuite le « SR-N6 », dérivé du pré-
s’apparenter à la technique à chambre et à la sustentation est le plus sou- rins (SEDAM), groupant notamment
cédent. Deux de ces derniers appareils
pleine ou à celle à jet périphérique. Ce vent fournie par des turbines à gaz, la Société Bertin, les Chantiers de
furent mis en service sur le pas de
genre d’engin peut être propulsé au les ventilateurs distribuant l’air de l’Atlantique et la Compagnie générale
Calais en juillet 1967 par la Compa-
moyen d’hélices type « marine » clas- transatlantique. Les travaux de cette
sustentation pouvant être actionnés gnie Hoverlloyd. Pendant ce temps, la
siques, disposées à l’arrière de chaque société ont eu pour résultat, en 1967,
par les mêmes turbines que les propul- British Hovercraft Corporation étudiait
carène, ou de propulseurs à réaction la réalisation du Naviplane « N-300 »,
seurs ou par des turbines différentes. le grand Hovercraft « SR-N4 », mis en
par jet d’eau. La direction est assurée aboutissement des essais de deux
service, sous le nom de Princess Mar-
par des gouvernails également de type La puissance affectée à la propulsion autres engins, le Terraplane-Naviplane
garet, le 1er août 1968 entre Douvres
« marine », placés derrière chaque pro- varie normalement entre la moitié et « BC-8 » de la Société Bertin, construit
et Boulogne par la Société Seespeed,
pulseur. Cette disposition permet de les deux tiers de la puissance totale. En en 1964, et le Naviplane « N-101 ».
filiale de la British Rail Hovercraft.
réduire la puissance de sustentation Ces appareils constituaient des ma-
raison de leur vitesse, la consomma- En 1969, deux nouveaux aéroglis-
fournie par l’appareil moteur, puisque quettes expérimentales du « N-300 »,
tion de combustible est très importante seurs du type « SR-N4 », le Swift et
l’on profite de la poussée de l’eau sur le premier à l’échelle de , le second à
sur les aéroglisseurs, ce qui limite la le Sure, ont été mis en service par la
les carènes latérales ; en revanche, la l’échelle de . Le « BC-8 » comporte
Compagnie Hoverlloyd sur l’itinéraire
puissance nécessaire à la propulsion masse à porter et leur rayon d’action. une coque en métal léger au-dessus
Calais-Ramsgate. Ce type d’appareil
est augmentée, car il faut ajouter à la On est donc conduit à une construction de sept jupes souples. Il peut porter
transporte normalement 610 passagers
résistance aérodynamique de l’appa- aussi légère que possible ; d’où l’uti- 2 t à la vitesse de 100 km/h sur l’eau
ou 256 passagers et 30 automobiles
reil la résistance hydrodynamique des comme sur route (50 km/h sur piste
lisation de métaux légers et de maté- à la vitesse de 60 à 70 noeuds (110 à
plans immergés. Ces engins sont inter- grossière). Sa propulsion est assurée
riaux plastiques, ainsi que le choix de 130 km/h), sur des vagues de 1,20 à
médiaires entre le navire et l’aéroglis- par deux hélices aériennes. Deux aéro-
moteurs comme les turbines à gaz, dont 1,50 m. Le « SR-N4 » utilise le système
seur marin amphibie. Ils s’apparentent glisseurs marins, type « N-300 », nom-
la masse par unité de puissance déve- à jet périphérique, et sa propulsion est
aussi aux bateaux à double carène ou més la Croisette et Baie-des-Anges,
assurée par quatre hélices aériennes de
catamarans. D’autre part, il faut bien loppée est faible. Cependant, certains ont été mis en service en 1968 par la
5,80 m de diamètre, à ailes orientables.
distinguer l’aéroglisseur marin, amphi- appareils à parois latérales immergées Société du Naviplane Côte d’Azur. Ce
Quatre turbines à gaz, développant
type d’appareil est un peu supérieur au
chacune 3 400 ch, fournissent la puis-
Hovercraft anglais « SR-N6 » par ses
sance nécessaire à la propulsion et à la
dimensions et sa capacité. Sa coque est
sustentation.
en alliage léger et constitue un caisson
La Société Hovermarine construit, de flottabilité. Il est muni de huit jupes
pour être mis en service sur le « So- et d’une jupe périphérique alimentées
lent », deux aéroglisseurs à parois laté- par quatre ventilateurs. Propulsé par
rales immergées. Ces appareils, longs deux hélices aériennes de 3,50 m de
de 15,15 m et larges de 6,10 m, ont diamètre, il peut atteindre la vitesse de
un tirant d’eau de 0,70 m sur coussin 60 noeuds (110 km/h) et franchir des
d’air et de 1,45 m quand ils flottent sur vagues de 1,50 m de hauteur, grâce à
leurs carènes. Ils pourront porter de ses jupes de 2 m. Propulsion et susten-
60 à 70 passagers ou 5 t de fret pour tation dépendent d’un groupe de deux
un poids total de 16 t à la vitesse de turbines à gaz de 1 500 ch chacune.
35 noeuds (65 km/h). Leur coque est À partir des résultats obtenus par le
construite en matériau plastique moulé, Naviplane « N-300 », la SEDAM étu-
renforcé par des membrures en métal die un nouvel aéroglisseur marin, le
léger. Ils sont pourvus d’hélices type « N-500 », dont la première version fut
« marine ». Leur propulsion et leur sus- l’Aérobac « BC-11 » de Bertin et qui
tentation sont assurées séparément par sera l’équivalent du « SR-N4 » anglais.
des moteurs Diesel très légers à grande Il pourra desservir aussi bien les lignes
vitesse de rotation (2 800 tr/mn). de la Manche que celles de Corse.

En même temps, la SEDAM met au


France point un engin de service, le « N-102 »,
Les premières réalisations françaises dérivé du « N-101 » et qui pourra porter
sont dues à la Société Bertin et Cie. 14 passagers ou une charge de 1 700 kg
Le Terraplane « BC-4 » a été suivi en à la vitesse de 65 noeuds (120 km/h).

157
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Cet appareil est conçu pour franchir de transport idéal pour les pays en voie participe pour une part non négligeable aérospatiale française, avec un effec-
des pentes de 15 p. 100 et des vagues de développement. au montant des exportations et est donc tif de 14 000 personnes, regroupant la

un facteur à considérer de la balance production des avions d’armes « Mi-


de 1,50 m. E. C.
rage III », « Mirage IV », « Mirage V »,
commerciale ; nombre de pays en effet
« Mirage F-1 », et des avions légers de
Autres pays n’ont pas les moyens d’implanter sur
transport privé « Mystère XX », ainsi
Entre 1967 et 1969, plusieurs nations leur territoire une telle industrie. Enfin,
que les essais et la production de l’avi-
ont surtout utilisé l’appareil « SR-N6 » aéronautique elle est une industrie pilote, car les on à flèche variable « Mirage G » et de
anglais : l’Italie, sur l’itinéraire Naples- techniques de pointe qu’elle développe l’avion de transport à grande capacité
et aérospatiale profitent sans conteste à d’autres indus- « Mercure ». L’activité électronique et
Capri et Naples-Ischia, la Suède, sur
les lignes Hälsingborg-Copenhague et (industrie) tries dans d’autres domaines ; ainsi, la aérospatiale du groupe Marcel Das-
mise au point de la microminiaturisa- sault remonte à 1955. Le développe-
Hälsingborg-Elseneur, le Canada, no-
tion en électronique a-t-elle été gran- ment de ce secteur a conduit à la créa-
tamment à l’occasion de l’Exposition Ensemble des activités industrielles
tion, en 1963, d’une société anonyme
relatives à l’étude et à la réalisation des dement accélérée par les recherches
universelle de 1967, et aussi le Japon. indépendante, l’Électronique Marcel
avions, des moteurs, des équipements spatiales.
Aux États-Unis, la Société Bell Dassault. Forte d’un effectif atteignant
et des matériels spatiaux. J. L.
Aerosystems Company a réalisé, avec 1 500 personnes, dont 600 ingénieurs
L’industrie aéronautique et aéros- et 600 techniciens, cette société pos-
un nouvel appareil moteur, une version
sède les établissements de Suresnes et
militaire du modèle anglais « SR-N5 », patiale diffère assez notablement des Les grandes entreprises
de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). Dans
autres industries mécaniques. Tout
dont le repère est « SK-5 » et qui trans- et les grands organismes le cadre de son programme d’observa-
porte 40 personnes. Trois engins de ce d’abord, le genre des matériels qu’elle
de l’industrie tion de la circulation des masses d’air
type ont été utilisés au Viêt-nam, en produit la rend en grande partie tribu-
dans la troposphère, le Centre national
service de patrouille fluviale notam- taire de marchés d’État et, par là même, aéronautique d’études spatiales (CNES) lui a confié
ment. plus sujette que les autres à des fluc- et aérospatiale l’étude, la réalisation et l’intégration
tuations non négligeables de plans de du système d’alimentation et de com-
De son côté, l’U. R. S. S. a étudié un Avions Marcel Dassault-Breguet
charge. Ces matériels, qu’il s’agisse mande du satellite « Éole », ainsi que
appareil à parois latérales immergées, Aviation, société anonyme française
d’avions, de missiles, de fusées ou de la réalisation des prototypes de l’équi-
le « Radouga », suivi bientôt du « Sor- créée en 1971 par la fusion des socié-
satellites, voient leurs prix augmenter pement électronique des nacelles.
movich », dérivé du premier. Cet aéro- tés Générale aéronautique Marcel Das-
considérablement en même temps que Bendix Corporation, société amé-
glisseur est en service depuis 1967, et sault et Breguet-Aviation. La société
leur complexité technologique. Cela Breguet-Aviation avait été fondée en ricaine fondée en 1929 par Vincent
son utilisation est surtout fluviale.
est dû autant à la nature des matériaux 1911 par Louis Breguet (Paris 1880 - Bendix (Moline, Illinois, 1882 - New
utilisés qu’aux investissements, qui Saint-Germain 1955). Ce dernier, au York 1945). Les activités de la société,
Avenir des aéroglisseurs ne peuvent, la plupart du temps, être cours de la Première Guerre mondiale, aujourd’hui largement diversifiées,
construit le Breguet « XIV ». C’est à s’étendent à la construction aéronau-
Depuis quelques années, les aéroglis- amortis que sur des séries limitées.
bord d’un Breguet « XIX », le Point- tique et aérospatiale, à l’industrie
seurs marins sont entrés dans le do- L’accroissement de ces prix et inves-
d’interrogation, que Costes (1892-1973) automobile, à l’électronique, à la
maine des réalisations pratiques. Des tissements a été à l’origine, en Europe,
et Bellonte (né en 1896) réalisent la construction navale et à l’appareillage
services réguliers sont désormais assu- d’un processus de concentration in-
première liaison aérienne Paris-New électroménager. La Bendix Corpora-
rés un peu partout : dans la Manche, dustrielle conduisant à des firmes de tion, qui emploie plus de 61 000 per-
York (1er-2 sept. 1930). Toute une
en Méditerranée, en mer Baltique, sur plusieurs dizaines de milliers de per- sonnes, comprend trois divisions
lignée d’avions commerciaux sortent
les fleuves de l’U. R. S. S., au Japon, sonnes. autonomes spécialisées. La division
également des usines Breguet, depuis
aéronautique et électronique produit
etc. D’autres services seront créés sur D’autre part, l’importance financière le « Leviathan » de 1919 jusqu’aux
pour d’autres constructeurs des freins,
des itinéraires plus longs, avec des de certains programmes nécessite une Breguet « Deux-Ponts » de 1955. Les
du matériel de contrôle de vol, des ins-
appareils plus puissants, tels que le coopération internationale, du moins établissements de Breguet-Aviation,
truments de navigation et de commu-
en Europe, aucun pays n’étant plus en implantés à Villacoublay, à Toulouse-
« SR-N4 » anglais, déjà en service, nication, des radars, des systèmes de
Montauban, à Toulouse-Colomiers, à
et le prochain « N-500 » français. On mesure de les mener à bien ; tel est le contrôle de moteurs et de carburant,
Biarritz-Anglet et à Biarritz-Parme,
peut même envisager pour l’avenir la cas des programmes franco-anglais ainsi que des systèmes de pilotage
occupent un effectif industriel de
construction d’appareils encore plus « Concorde » et européen « Airbus ». automatique et des dispositifs d’atter-
4 200 personnes. Leurs principales fa-
importants, aux jupes plus hautes, Cette coopération s’est traduite par des rissage et de décollage. La Bendix Cor-
brications sont le patrouilleur maritime
permettant de franchir les vagues des accords étroits entre firmes de pays dif- poration est l’une des toutes premières
Breguet « Atlantique », l’avion civil et
férents, allant même, dans quelques cas sociétés de construction d’équipements
océans et capables d’assurer un trafic militaire à décollage et atterrissage
aéronautiques. Son activité dans ce
transatlantique à grande vitesse : une encore limités, à de véritables associa- courts Breguet « 941 », le biréacteur
secteur et dans celui de l’industrie
vitesse de 80 noeuds permettrait la tra- tions financières. de combat « Jaguar », en collaboration
aérospatiale assure plus du tiers de ses
avec la British Aircraft Corporation, la
versée de l’Atlantique en deux jours. L’organisation des fabrications revenus.
sous-traitance des appareils Fokker-
L’aéroglisseur marin peut occuper en chaîne est également modifiée,
Friendship. La Générale aéronautique Boeing Airplane Company, société
une place intermédiaire entre le paque- puisque, au lieu de voir les ensembles
Marcel Dassault, société française du américaine dont les origines remontent
bot et l’avion, tant par sa vitesse que en cours de montage se déplacer de secteur privé fondée en 1946 par Mar- à la Boeing Aircraft Company et à la
par sa capacité et aussi par le prix de poste en poste au fur et à mesure de cel Dassault (Paris 1892), est la pre- Boeing Air Transport, respectivement
revient du transport des passagers et du l’avancement de la fabrication, le tra- mière à construire en France les avions fondées en 1916 et en 1927 par William
fret. Quant à l’aéroglisseur terrestre, la vail s’effectue à poste fixe sur un bâti dits « à réaction » qui succèdent au len- Edward Boeing (Detroit 1881 - Puget
très faible pression qu’il exerce sur le de montage autour duquel se succèdent demain de la Seconde Guerre mondiale Sound, Washington, 1956). Ces deux
les différentes équipes. aux avions à propulsion classique. entreprises fusionnent avec plusieurs
sol permet d’une manière générale son
En juillet 1971, au lieu de s’adresser autres sociétés de constructions aéro-
emploi pour des transports lourds sur Sur un plan national, l’industrie aé-
exclusivement à des sous-traitants, la nautiques et de transports aériens pour
terrain peu résistant. Comme une piste rospatiale joue un triple rôle. Elle est Générale aéronautique Marcel Das- former l’United Aircraft and Transport
grossière, d’un prix de revient de vingt d’abord un facteur important d’autono- sault prend le contrôle de la société Corporation, qui donne naissance en
à trente fois inférieur à celui d’une mie politique, en évitant la dépendance Breguet-Aviation et le nouveau groupe 1934 à la Boeing Airplane Company.
route normale, suffit pour cet appareil, d’autres puissances pour l’équipement formé occupe la seconde place dans le Constructeur des bombardiers lourds
il apparaît, de ce fait, comme le moyen des forces aériennes. Par ailleurs, elle secteur de l’industrie aéronautique et équipant les flottes aériennes améri-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

caines au cours de la Seconde Guerre bat « Lightning », « BAC-145/167 » et CNES apporte une contribution impor- de l’électronique, de la chimie, de la
mondiale, la société se lance, à partir de « Jaguar » (en collaboration avec Bre- tante aux deux organisations spatiales mécanique de précision et du génie
1950, dans l’étude et la réalisation des guet-Aviation), la British Aircraft Cor- européennes CERS/ESRO et ESA. civil, les associations professionnelles
grands appareils transcontinentaux. poration emploie plus de 40 000 per- des industries intéressées, une dizaine
Committee on Space Research (Cos-
Employant environ 200 000 personnes sonnes dans ses huit établissements. Sa de grandes banques européennes, ainsi
par), organisation internationale de
dans ses établissements de Paine Field, division spécialisée dans la production que treize des plus grands fournisseurs
recherche spatiale fondée en 1958
de Renton, de Seattle et de Wichita, des missiles construit dans ses établis- américains de l’industrie aérospatiale.
au sein du Conseil international des
elle y produit les long-courriers qua- sements de Stevenage et de Bristol une Eurospace se propose d’élaborer un
unions scientifiques. Le Cospar, qui
driréacteurs de la série « B-707 », les gamme complète d’engins, dont les programme spatial cohérent et coor-
groupe trente-cinq pays membres, aux-
bombardiers lourds « B-52 », les mis- plus connus sont les « Rapier », « Na- donné qui conditionne l’efficacité éco-
quels s’ajoutent une dizaine d’unions
siles intercontinentaux « Minuteman » val Missile », « Bloodhound », « Vigi- nomique, technique et scientifique de la
scientifiques internationales, est le
et les hélicoptères militaires lourds lant », « Swingfire » et « Polaris ». Le coopération des gouvernements dans le
seul organisme responsable à l’éche-
« Chinook ». Elle y construit le trans- groupe Espace et instrumentation de domaine spatial.
lon mondial pour susciter la coopéra-
porteur « B-747 » (360 passagers), la BAC est responsable des activités
tion en matière de recherche spatiale Fokker, Koninklijke Nederlandse
concurrent du « Tristar » de Lockheed exclusivement spatiales. Il construit la
et pour aider cette recherche par des Vliegtuigenfabriek, société néerlan-
et du Douglas « DC-10 ». Avec plus de fusée-sonde « Skylark », ainsi que le
accords internationaux. daise fondée en 1919 par Anthony
1 000 appareils de transport à réac- satellite « X-3 » du programme « Black
Herman Gerard Fokker (Kediri, Java,
tion vendus, cette entreprise se classe Arrow », et produit des équipements Engins Matra (Matériel et réalisations
1890 - New York 1939). Attiré par les
au premier rang des constructeurs électroniques utilisés pour les satellites aéronautiques), société française fondée débouchés qu’offre la construction
d’avions civils du monde. Sa division « Heos » du CERS/ESRO. Participant en 1941. Son activité s’exerce dans les aéronautique en Allemagne, Fokker
aérospatiale est responsable de l’étude également à la réalisation du projet secteurs suivants : études et réalisa- implante près de Berlin une société de
et de la réalisation du satellite circu- « Centaure », ce groupe a mis au point, tions spatiales, fabrication d’engins, construction d’avions. Entre 1914 et
mlunaire « Lunar Orbiter ». On lui doit d’autre part, les différents instruments armement des avions et, enfin, fabri- 1918, il y construit d’excellents appa-
la construction du premier étage de électroniques qui ont équipé les satel- cation d’automobiles de sport et de reils de chasse, qui sont pilotés par
la fusée « Saturn », la plus puissante lites anglo-américains « Ariel 1 » et compétition. Cette société produit no- tous les grands « as » germaniques.
du monde occidental, dont le premier « Ariel 2 ». Après avoir construit le tamment le matériel de lancement des À la fin de la Première Guerre mon-
lancement eut lieu en octobre 1961 : satellite « Ariel 3 », lancé en 1967, le roquettes qui équipent aujourd’hui une diale, il quitte l’Allemagne et fonde
la plus célèbre, « Saturn 5 », utilisée premier entièrement conçu et réalisé en quarantaine d’avions de combat fran- une usine à Amsterdam, où il fabrique
pour le lancement des capsules du Grande-Bretagne, la British Aircraft çais ou étrangers. En tant que maître de nombreux appareils civils et mili-
programme « Apollo », conduisit les Corporation s’est vue confier la réali- d’oeuvre, elle fait appel, pour la réali- taires. Détruite au cours de la Seconde
premiers hommes sur la Lune en juil- sation du satellite « UK-4 ». sation des missiles air-air « R-530 », Guerre mondiale, l’usine d’Amsterdam
let 1969. Le département aérospatial sol-air « Crotale », air-sol « Martel »,
Centre national d’études spatiales est reconstruite en 1946. La produc-
de Boeing a été réorganisé en trois à de très importantes sociétés indus-
(CNES), organisme français chargé de tion initiale de la Fokker, plus spé-
divisions : Missile Division, Aerospace trielles, dont la Générale aéronau-
coordonner et de diriger les recherches cialisée à l’origine dans le secteur de
Systems Division et Southeast Division. tique Marcel Dassault et la compagnie l’aviation militaire, s’oriente dès 1957
spatiales en France. Cet établissement
Ces divisions possèdent différents éta- Thomson Houston-Hotchkiss-Brandt. vers la construction d’avions civils
public, scientifique et technique, de
blissements, dont les plus importants D’autre part, elle est à l’origine de la
caractère industriel et commercial, a de ligne, comme le célèbre bimoteur
sont implantés à Washington, à Hous- fabrication de la fusée de sondages mé-
été institué par la loi du 19 décembre « F-27 Friendship » ou l’appareil à
ton (Texas), à Cap Kennedy (Floride), téorologiques « Elma », réalisée en col- réaction « F-28 Fellowship ». Première
1961. Doté de l’autonomie financière,
à La Nouvelle-Orléans (Louisiane) et à laboration avec la Société européenne entreprise néerlandaise de ce secteur,
il est placé sous la tutelle du secréta-
Huntsville (Alabama). de propulsion (SEP). Depuis le début elle emploie dans ses établissements
riat d’État, auprès du Premier ministre,
des activités spatiales françaises et d’Amsterdam et de Schiphol plus de
British Aircraft Corporation, société et chargé de la recherche scientifique
européennes, elle a participé à la plu- 4 800 personnes. Depuis 1969, Fok-
britannique fondée en 1960, lors de la et des questions atomiques et spa-
part des grands programme : « A-1 », ker a fusionné avec la firme allemande
fusion de la Bristol Aeroplane Compa- tiales. Sa première activité consiste
« D-1 A », « D-1 C », « ESRO-II », Vereinigte Flugtechnische Werke pour
ny, de l’English Electric Company et de en l’exploration de l’espace, jusqu’à
« Intelsat 3 », « Diamant A », etc. Tous former une société transnationale dont
la Vickers Limited. Dès 1910, le Bristol une altitude de quelques centaines de
ses bureaux d’études et ses moyens le siège est implanté à Düsseldorf.
Boxkite réalise le premier transport de kilomètres, au moyen de fusées-sondes
d’essais sont regroupés à Vélizy (Yve-
troupes, et le Bristol Scout est construit et de ballons. Sa seconde mission est General Dynamics Corporation,
lines), tandis que ses moyens de pro-
à plus de 10 000 exemplaires au cours d’assurer la maîtrise d’oeuvre des pro- société américaine issue de la fusion,
duction en série se trouvent centralisés
de la Première Guerre mondiale. La grammes de satellites français, ce qui intervenue en 1943, de la Consolida-
à Salbris (Loiret). Les Engins Matra
fin des hostilités marque le début des comporte non seulement la mise au ted Aircraft Corporation, fondée en
emploient un effectif total de 2 000 per-
performances. En 1919, le Vickers point des satellites et de leurs lanceurs, 1923, et de la Vultee Aircraft. En 1954,
sonnes, dont plus de 1 500 hautement
« Vimy » réalise le premier vol sans es- mais également la définition et l’im- la General Dynamics Corporation
spécialisées.
cale au-dessus de l’Atlantique, établit plantation de l’ensemble des réseaux absorbe une autre société de construc-
la liaison entre la Grande-Bretagne et terrestres de télécommunications, de Eurospace, association privée fon- tions aéronautiques, la Convair Cor-
l’Australie, puis relie l’Afrique du Sud télémesure, de trajectographie, de dée en 1961 par Jean Delorme (Paris poration. Elle est à l’origine de la
en 1920. La série des « Supermarine » poursuite et de repérage, nécessaires à 1902) pour promouvoir le développe- construction des ailes triangulaires
bat les records du monde de vitesse en la mise en oeuvre des fusées et des sa- ment des activités spatiales en Europe « Delta », et c’est à elle que l’on doit
1927, en 1929 et en 1939, tandis que tellites. C’est ainsi qu’ont été installées occidentale. Cette association sans but le premier bombardier intercontinen-
le Vickers « Vespa » remporte le record des stations de repérage de satellites à lucratif groupe plus de cent cinquante tal « B-36 ». La société est spécialisée
d’altitude en 1932, record battu en Pretoria (Afrique du Sud), à Brazza- entreprises industrielles de dix pays eu- dans la construction aéronautique mili-
1936 et en 1937 par un appareil du ville (Congo), à Ouagadougou (Haute- ropéens (pays membres de la Commu- taire, avec l’avion tactique de combat
type Bristol « 138 A ». Au cours de la Volta), à Beyrouth (Liban), à Kourou nauté économique européenne et pays « F-111 », et dans la fabrication de
Seconde Guerre mondiale, ces socié- (Guyane), aux Canaries (Espagne) et à membres de l’Association européenne matériel de guerre, de sous-marins,
tés, concurrentes depuis près de trente Brétigny-sur-Orge (Essonne). En outre, de libre-échange, Espagne et Portugal des missiles « Tartar » et de bâtiments
ans, s’unissent dans l’effort de guerre le CNES dispose des centres spatiaux exclus). Le nombre de ces sociétés s’ac- de surface pour la US Navy. Ce sec-
britannique pour produire plus de de Toulouse, de Brétigny-sur-Orge et croît à mesure que le développement teur assure à lui seul 85 p. 100 des
55 000 appareils de combat. Engagée du champ de tir spatial de Guyane. Des des techniques touche de nouvelles revenus de la société. Dans le domaine
dans la construction du « Concorde » centres de lancement de ballons ont été branches industrielles. Eurospace ras- de l’aéronautique civile, la General
(en collaboration avec Sud-Aviation), implantés à Aire-sur-l’Adour (Landes) semble aujourd’hui toutes les grandes Dynamics Corporation a signé avec la
du « VC-10 », du « Super VC-10 » et et au Cap (Afrique du Sud). Sur le plan sociétés aéronautiques et aérospa- société McDonnell-Douglas Aircraft un
du « BAC-1-11 », des avions de com- de la coopération internationale, le tiales, certaines entreprises du secteur contrat lui assurant la sous-traitance

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

d’une partie du fuselage du triréac- appareil léger d’observation construit fusion, intervenue en 1967, de la Mc- sorbé en 1970 la firme Bloehm.
teur « DC-10 ». Dans le domaine de en grande série pour l’US Army et Donnell Aircraft Corporation et de la
NASA (National Aeronautics and Space
l’espace, elle a mis au point le premier dont plus de 1 000 unités ont déjà été Douglas Aircraft Company. Forte, dès
Administration), organisation améri-
missile balistique intercontinental « At- commandées. En ce qui concerne les sa fondation, de plus de 120 000 sala-
caine fondée en 1958 pour coordonner
las », devenu un engin lanceur spatial missiles, la société s’est principale- riés, elle se classe au rang des plus
l’ensemble des recherches aérospa-
standard et dont plus de quarante-trois ment orientée dans le secteur air-air, grands constructeurs du monde. Dans
tiales effectuées aux États-Unis. Elle
lancements ont été effectués avec suc- avec le « Falcon » et le « Phoenix », le domaine de l’aéronautique militaire,
succède au NACA (National Advisory
cès, et a construit le premier véhicule qui équipent la plupart des intercep- elle fabrique le « F-4 » et le chasseur
Committee for Aeronautics), orga-
spatial à haute énergie propulsé à l’hy- teurs américains. Enfin, Hughes a « A-4 », et réalise les prototypes d’un
nisme analogue, créé en 1915 et ex-
drogène, le « Centaur ». De nouvelles assuré la maîtrise d’oeuvre des engins avion à décollage vertical anti-sous-
clusivement réservé aux recherches
versions de la fusée « Atlas », les « At- d’exploration lunaire « Surveyor » et marin et d’un avion supersonique mili-
aéronautiques. Elle fusionne ensuite
las SLV-3 A » et « Atlas SLV-3 C », ont des satellites de télécommunication taire. Dans le secteur de l’aéronautique
avec l’équipe qui avait été chargée du
remplacé définitivement depuis 1968 le « Intelsat 2 », dont deux exemplaires, civile de ligne, elle construit la série
programme « Vanguard », puis avec
modèle initial « Atlas SLV-3 ». Dans ses Lani Bird et Canary Bird, ont été placés des « DC-8 », des « DC-9 », et de l’Air-
celle qui, au laboratoire de la Marine,
établissements de Fort Worth (Texas), sur orbite géostationnaire. bus triréacteur « DC-10 ». Dans le do-
avait à sa charge la mise au point de
de San Diego et de Pomona (Califor- maine des missiles, la McDonnell-Dou-
Lockheed Aircraft Corporation, so- fusées-sondes atmosphériques. Elle
nie), la General Dynamics Corporation glas Astronautics Company construit la
ciété américaine fondée en 1916 par absorbe un peu plus tard le Jet Propul-
emploie plus de 100 000 personnes. série des engins antichars « Dragon »,
les frères Allan et Malcolm Lockheed sion Laboratory, qui dépend du Cali-
les engins « Nike Hercules », que Mit-
Hawker Siddeley Aviation Li- (de leur vrai nom Loughead). En 1928, fornia Institute of Technology, ainsi
subishi Industries Ltd construit égale-
mited, société britannique fondée en la société s’implante à Burbank (Cali- que l’équipe de l’arsenal Redstone,
ment au Japon sous licence, ainsi que
1935. L’activité d’origine de la société fornie) et construit des avions de vol- dirigée par Werner von Braun. En
le missile « Spartan », du système de
avait engagé celle-ci dans la construc- tige. Quelques années plus tard, elle 1960, la NASA, dont l’effectif dépasse
défense Safeguard. Dans le domaine
tion aéronautique, mais différentes fabrique le Lockheed « Vega », appareil 15 000 personnes, a déjà pris sa forme
de l’espace, elle réalise la gamme des
absorptions d’entreprises exerçant leur de ligne le plus rapide du moment, à définitive. Elle compte aujourd’hui plus
fusées « Delta », ainsi que les fusées
activité dans d’autres secteurs indus- bord duquel Charles Lindbergh ralliera de 33 000 employés, dont plus d’un
« Thor » (« Thor Able », « Thor Hust-
triels (constructions électriques, sidé- l’Europe à la Chine par le Groenland. tiers d’ingénieurs et de techniciens.
ley », « Thor Agena », « Thor Delta »),
rurgie) ont amené une réorganisation Puis elle lance une série de bimoteurs Par le jeu de contrats qu’elle passe
dont la nouvelle version « Long Tank
de la société et la création du Hawker comme l’« Olympic » en 1936, un avi- avec les différents constructeurs ainsi
Thor », associée à différents seconds
Siddeley Group Limited, qui détient les on-cargo en 1941, utilisé à des fins qu’avec les universités scientifiques,
étages, sert aux lancements de la
actions des holdings coiffant les princi- militaires, enfin l’avion de chasse et elle assure la maîtrise d’oeuvre de l’en-
NASA, et de l’US Air Force. La société
pales divisions opérationnelles. La plus de reconnaissance « Lightning ». À semble des programmes spatiaux civils
a été le principal constructeur des cap-
importante d’entre elles, la Hawker partir de 1950, elle construit la série américains. Elle dispose d’importants
sules « Mercury » et « Gemini ». C’est
Siddeley Aviation Limited, se consacre des quadrimoteurs « Constellation » établissements, dont les principaux
à elle que l’on doit la mise au point du
essentiellement à la construction aé- et « Super-Constellation », appareils sont les centres de recherches de San
ronautique. La fusion, intervenue en intercontinentaux qui donneront une troisième étage de la fusée « Saturn », Francisco, de Pasadena, de Cleveland,
1959, de la Folland Aircraft au sein impulsion nouvelle aux transports aé- le « S-IV B ». de Washington et de Langley Field, les
de la société et le rachat des sociétés riens civils dans le monde, et, en 1957, Messerschmitt-Bölkow-Bloehm, centres de construction et d’essai d’en-
De Havilland et Blackburn, la même le premier avion commercial américain société de l’Allemagne fédérale issue gins de Sacramento, de Nevada Test
année, aboutissement de l’opération de à turbopropulseurs, l’« Electra ». Elle Site, d’Edwards, de Canoga Park, de
de la fusion, intervenue en 1968, de
restructuration de l’industrie aéronau- devient le principal fournisseur de Los Alamos et de Huntsville, les bases
la société Messerschmitt-Werke-Flug-
tique britannique pour faire face à la l’aviation militaire américaine avec la de lancement de fusées de Vandenberg,
zeug-Union Süd, dont les origines re-
concurrence étrangère, ont encore ren- série des quadrimoteurs « C-130 Her- de Wallops Island, de Cap Kennedy et
montent à la Messerschmitt Flugzeug-
forcé la position de la Hawker Siddeley cules », le chasseur « F-104 Starfigh- de Houston. Elle dispose également
bau, fondée à Bamberg en 1923 par
Aviation Limited. Son activité s’exerce ter », l’avion de recherche et de recon- d’un important réseau d’écoute et de
Willy Messerschmitt (Francfort-sur-le-
dans les domaines civils et militaires. naissance lointaine « U-2 » et, depuis contrôle des satellites.
Main 1898), et de la société Bölkow-
Elle construit actuellement le moyen- 1968, l’avion géant « C-5 A Galaxy ».
Entwicklungen, fondée à Stuttgart en North American Rockwell Corpo-
courrier « Trident », l’avion d’affaires Dans le domaine civil, elle prépare la
1956 par Ludwig Bölkow (Schwerin ration, société américaine issue de la
« HS-125 », l’avion à décollage et à mise au point d’un Airbus triréacteur,
1912). Lors de leur fusion, opération fusion, intervenue en 1967, de la North
atterrissage vertical « P-1-127 », l’avi- le « L-1011 ». En 1954, elle fonde sa
souhaitée par le gouvernement fédé- American Aviation, fondée en 1928, et
on militaire d’entraînement « Domi- division aérospatiale, la Lockheed Mis- ral dans le cadre d’une réorganisation de la Rockwell Standard. C’est l’un
nie », l’avion civil « 748 », le chasseur siles and Space Company, qui, implan-
des structures de ce secteur, ces deux des principaux fournisseurs de l’US
aéronaval « Buccaneer » et l’avion de tée à Sunnyvale (Californie), construit
sociétés ont les positions respectives Air Force et de l’US Navy, avec le
reconnaissance maritime « Nimrod ». le missile mer-sol balistique straté-
suivantes : Bölkow-Entwicklungen, qui « Sabreliner », le bombardier « B-58 »,
Les principaux établissements de la so- gique (MSBS) « Polaris » et participe
emploie 7 250 personnes, construit les différents autres appareils de transport
ciété, implantés à Hatfield, à Chester, tant à l’étude qu’à la réalisation du
hélicoptères « BO-46 » et la gamme de troupes, de chasse et de reconnais-
à Manchester, à Brough et à Kingston, missile « Poseidon ». Dans le domaine
des « BO-102 », les avions « BO-207 », sance, ainsi que les missiles air-terre
emploient environ 34 000 personnes. de l’espace, cette dernière société pro-
« BO-208 junior », « BO-28 », les « Condor ». L’activité de la société
La fusion de la Hawker Siddeley Avia- duit les fusées « Agena », dont plus de
engins « Cobra », « Milan », « Hot », dans le domaine militaire assure en-
tion Limited et de la British Aircraft 250 exemplaires ont été lancés et utili-
« Roland » et participe aux études du viron 70 p. 100 de ses revenus. Très
Corporation, annoncée en 1966 et qui sés comme derniers étages des engins
satellite de recherche « Azur 625-1 » ; active dans le secteur de l’industrie
devait succéder à la fusion de Rolls- composites « Thor Agena » et « Atlas
Messerschmitt-Bölkow, société ano- aérospatiale puisqu’elle a la maîtrise
Royce et de Bristol-Siddeley, n’a pas Agena ». Dans ses établissements de
nyme dont les principaux actionnaires d’oeuvre de la réalisation des capsules
encore abouti. Burbank, de Bakersfield, de Maywood,
sont les fondateurs de la Boeing Air- « Apollo », la North American Rockwell
de Palmdale, de Redlands, de Sun-
Hughes Aircraft Company, société craft et Nord-Aviation, contrôle six Corporation l’est moins dans celui de
nyvale, de Van Nuy, en Californie, et
américaine filiale de la Hughes Tool filiales. Employant 12 300 personnes, l’industrie aéronautique civile, où elle
de Marietta, en Géorgie, la Lockheed
Company, et qui s’est spécialisée dans elle possède des établissements à Lam- n’opère qu’en sous-traitance pour le
Aircraft Corporation emploie plus de
la réalisation de missiles, d’hélicop- poldshausen, à Heilbronn, à Stuttgart, compte d’autres sociétés. Elle est liée
90 000 personnes et se classe au se-
tères et de satellites. Dans ses usines à Nabern, à Augsburg, à Ottobrunn, à avec Boeing par des accords concer-
cond rang mondial des constructeurs
de Culver City, en Californie, elle Laupheim, à Manching, à Donauwörth nant la fabrication de certaines par-
aéronautiques.
emploie plus de 4 000 personnes. Dans et à Schrobenhausen. Elle se classe au ties du « B-747 ». Elle emploie plus
le domaine des hélicoptères, sa prin- McDonnell-Douglas Aircraft Corpo- premier rang des constructeurs aéro- de 114 000 salariés dans ses établis-
cipale production est le « OH-6 A », ration, société américaine issue de la nautiques allemands après avoir ab- sements de Columbus (Ohio), de Los

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Angeles, de Fresno, de Downey et de venue en 1966, entre la société Rolls venant de la SEPR, ainsi que celui de deux tiers du capital appartiennent à
Canoga Park (Californie). Royce, fondée en 1906, et la société Bordeaux-Blanquefort (Gironde), ap- l’État, les activités d’études, de fabri-
Bristol Siddeley. La Rolls Royce-Bris- port de la SNECMA, sont regroupés et, cation et de vente des avions, héli-
Office national d’études et de re-
tol Siddeley est l’un des principaux avec des effectifs d’environ 1 200 per- coptères, fusées et engins des sociétés
cherches aérospatiales (ONERA),
constructeurs de moteurs d’avions du sonnes, consacrent leurs importants Sud-Aviation, Nord-Aviation et SEREB.
établissement public français créé par
monde. En janvier 1971, elle a été l’ob- moyens d’études et de production aux La société Sud-Aviation était issue de
la loi du 3 mai 1946 pour susciter et
jet d’une grave crise financière. Le dé- propulseurs à poudre ; enfin, le centre la fusion intervenue en 1957, de Sud-
coordonner les efforts de la recherche
veloppement et la fabrication des réac- d’essais d’Istres (Bouches-du-Rhône) Est Aviation (ex-Société nationale de
aéronautique et aérospatiale sur le
teurs « RB 211 » retenus pour équiper procède, avec plus de 125 techniciens, constructions aéronautiques du Sud-Est
plan national. Son activité est répartie
l’avion de transport Lockheed « Tris- à la mise au point des propulseurs à [SNCASE]) et de Ouest-Aviation (ex-
en cinq branches principales : aéro-
tar » ont entraîné des pertes dépassant poudre avant leur livraison. Résultat Société nationale de construction aéro-
dynamique et mécanique des fluides ; les possibilités financières de la société. de la concentration et de l’intégration nautique du Sud-Ouest [SNCASO]).
énergie et propulsion ; matériaux ; L’ensemble des activités aéronautiques des moyens de recherches, d’études Cette société a produit une gamme
résistance des structures et construc-
de la société a dû être nationalisé par et de production de deux importantes complète de fusées-sondes d’explora-
tion ; enfin, la physique générale, qui
le gouvernement britannique. La Rolls divisions ou sociétés aérospatiales, la tion de la haute atmosphère (« Bélier »,
est nécessaire aux quatre premières Royce-Bristol Siddeley produit encore Société européenne de propulsion se « Centaure », « Dragon », « Dauphin »,
branches. Comme plusieurs autres éta- un grand nombre de moteurs, dont les classe, depuis sa fondation, avec un « Eridan »), pour le compte de diffé-
blissements publics de recherches, cet « Spey », les « Conway », les moteurs effectif global de 1 700 salariés, au rents organismes scientifiques. La
organisme joue un rôle de liaison entre de sustentation « RB 162 » et les mo- premier rang européen de ce secteur. société Nord-Aviation était elle-même
les organismes de recherche scienti- teurs à tuyères rotatives « Pegasus ». issue de la fusion, en 1936, de la Socié-
fique pure et les constructeurs. Doté de Société nationale d’étude et de
Elle fabrique également en coopéra- té nationale de construction aéronau-
l’autonomie financière, il exploite, en construction de moteurs d’aviation
tion avec d’autres constructeurs euro- tique du Nord (SNCAN) et de la Société
plus des laboratoires groupés autour de (SNECMA), société nationale française
péens, l’« Olympus 593 », qui équipe française d’études et de construction
son siège de Châtillon-sous-Bagneux fondée en 1945. Dans ses établisse-
le « Concorde », le « RB 172 T » monté de matériels aéronautiques spéciaux
(Hauts-de-Seine), les laboratoires de ments de Boulogne-Billancourt, de
sur le « Jaguar », et le turbopropulseur (SFECMAS). La Société pour l’étude
Chalais-Meudon (Hauts-de-Seine), les Châtellerault, d’Évry, de Gennevilliers,
« Tyne » qui équipe les appareils mili- et la réalisation d’engins balistiques
laboratoires de propulsion de Palai- de Bois-Colombes, de Molsheim, du
taires « Atlantic » et « Transall ». C’est (SEREB) avait été fondée en 1959
seau (Essonne), ainsi que les souf- Havre, de Givors, de Suresnes, de
elle qui réalise les moteurs-fusées du pour la réalisation, dans le cadre de
fleries à arc de Fontenay-aux-Roses Bordeaux-Blanquefort, de Bouviers
premier étage « Blue Streak » du lan- l’organisation du traité de l’Atlantique
(Hauts-de-Seine). Il exploite également et de Melun-Villaroche, la SNECMA
ceur « Europa I ». Elle emploie environ Nord (OTAN), d’un engin stratégique.
un ensemble de grandes souffleries emploie 18 000 personnes et fabrique
80 000 personnes dans ses usines im- D’autre part, elle avait participé aux
à Modane-Avrieux (Savoie) et deux différents modèles de réacteurs et de
plantées en Angleterre et en Écosse, en études et à la conception des lanceurs
établissements de moindre impor- turbines pour l’aviation civile ou mili-
tenant compte des secteurs restés sous et des satellites projetés par le CNES,
tance à Cannes (Alpes-Maritimes) et taire : réacteurs Pratt and Whitney
contrôle privé. Ceux-ci concernent le CECLES/ELDO et le CERS/ESRO.
au Bouchet (Essonne). L’ensemble de « JT-9 D » sous licence de l’United
l’industrie automobile, avec ses voi- Occupant dans le monde occidental le
ces établissements occupe 1 800 per- Aircraft, qui détient 10 p. 100 de son
tures de grand luxe commercialisées sixième rang parmi les avionneurs, la
sonnes, dont 600 ingénieurs et cadres capital ; turboréacteur « Atar », dont
sous les marques Rolls Royce et Bent- Société nationale industrielle aéros-
techniques. différents modèles équipent les « Mi-
ley, la recherche nucléaire et la fabri- patiale possède douze établissements
rage » ; moteur « Olympus 593 », des-
cation de locomotives et de matériels implantés à Toulouse, Marignane, Les
Organisation européenne de re- tiné au supersonique « Concorde », en
de traction. Mureaux, Nantes, Saint-Nazaire, Châ-
cherche spatiale (CERS) [en anglais collaboration avec Rolls Royce-Bristol
tillon-sous-Bagneux, Issac (près de
European Space Research Organiza- Saab Aktiebolag, société suédoise fon- Siddeley ; moteurs « M-45 » ; elle par-
Bordeaux), Suresnes, La Courneuve,
tion (ESRO)], organisation européenne dée en 1937 pour la production d’avi- ticipe à la fabrication des moteurs de
de coopération dans le domaine spatial, Bourges, Méaulte et Cannes. Ses activi-
ons militaires et qui, depuis, a étendu l’Airbus « A-300 B » qui sont des « CF-
tés sont réparties en quatre divisions :
créée par une convention intervenue le ses activités aux équipements d’avions, 6.50 » de la General Electric. Enfin,
avions-hélicoptères-engins tactiques-
14 juin 1962 entre la Belgique, le Dane- de missiles et de voitures. L’ensemble elle développe deux nouveaux moteurs,
systèmes balistiques et spatiaux. La
mark, l’Espagne, la France, l’Italie, les du groupe emploie près de 14 000 per- le « M-53 », de 8,5 t de poussée, qui
division avions représente près du tiers
Pays-Bas, la République fédérale d’Al- sonnes, dont 8 000 pour les activités pu- équipe l’avion de combat français, et le
des ventes de la société. Ses principales
lemagne, le Royaume-Uni, la Suède et rement aéronautiques, dans ses usines moteur « CFM-56 », de 10 t de pous-
productions sont : l’avion de transport
la Suisse, et entrée en vigueur en mars de Linköping, de Jönköping, de Troll- sée, pour avions de transport subso-
supersonique « Concorde », réalisé en
1964. L’Autriche et la Norvège s’y sont hätan et de Göteborg. Ses principales niques, qui doit être monté sur le futur
coopération avec la firme britannique
jointes en qualité d’observateurs. L’or- productions sont les avions de combat avion « Mercure 200 ». L’activité de la
British Aircraft Corporation, et qui est
ganisation, dont le siège est à Paris, a « Saab-35 Draken » et « Saab-37 Vig- SNECMA ne se limite pas à la construc-
en service commercial régulier depuis
pour but d’assurer et de développer, à gen », capables tous deux de dépasser tion de turbines aéronautiques. Cette
le 21 janvier 1976 ; l’avion de transport
des fins exclusivement pacifiques, la Mach 2, et les avions d’entraînement société a créé une division atomique,
moyen-courrier subsonique à grande
collaboration entre les États membres « Saab-91 D » et « Saab-105 ». une division électronique (Elecma) et
capacité « Airbus A 300 B », fabriqué
dans le domaine de la recherche et de une division de turbines industrielles
Société européenne de propulsion en coopération européenne ; l’avion
la technologie spatiales. Elle dispose (Turboma). La division aérospatiale de
(SEP), société française qui, fondée en d’affaires, ou avion de troisième niveau
des établissements suivants : le Centre la SNECMA a fusionné en 1969 avec
1969, a pour objet l’étude et la réalisa- « Corvette » ; l’avion de transport pour
européen de recherche et de technolo- la Société d’étude et de propulsion
tion de propulseurs et de fusées de tous étapes courtes « Frégate » ; et l’avion
gie spatiales (ESTEC) de Noordwijk par réaction (SEPR) pour former la
types. Elle est issue de la fusion de la de transport militaire « Transall », ap-
(Pays-Bas), le Centre européen d’opé- Société européenne de propulsion. En
division « engin et espace » de la Socié- pareil réalisé en coopération avec l’Al-
rations spatiales (ESOC) de Darmstadt décembre 1968, la SNECMA a absorbé
té nationale d’étude et de construction lemagne. La division hélicoptères a une
(République fédérale d’Allemagne) et la Société d’exploitation des matériels
de moteurs d’aviation (SNECMA) avec production très diversifiée, et plus de
l’Institut européen de recherches spa- Hispano-Suiza.
la Société d’étude de propulsion par 4 500 appareils de sa réalisation volent
tiales (ESRIN) de Frascati (Italie). Elle
réaction (SEPR). Elle possède quatre Société nationale industrielle aéros- actuellement dans le monde. La gamme
réalise des satellites scientifiques lan-
établissements spécialisés : celui de patiale, société nationale française de complète comprend l’Alouette III, la
cés jusqu’à présent par des fusées amé-
Melun-Villaroche (Seine-et-Marne) est constructions aéronautiques et aéros- « Gazelle », le « Puma », le « Lynx », le
ricaines. Dans ses différents établisse-
affecté, avec des effectifs atteignant patiales dont la création a été décidée « Super-Frelon » et le « Dauphin ». Elle
ments européens, elle emploie environ
280 personnes, à la production de en Conseil des ministres le 8 octobre vient de lancer, en 1976, la production
1 200 personnes.
propulseurs à liquides et à l’étude de 1969. À dater du 1er janvier 1970, elle en série d’un nouvel hélicoptère léger,
Rolls Royce-Bristol Siddeley, société moteurs hydrogène-oxygène ; celui de regroupe, sous la forme d’une société l’Écureuil ». Elle coopère étroitement
britannique issue de la fusion, inter- Bordeaux-Le Haillan (Gironde), pro- d’économie mixte, dont au moins les avec la firme britannique Westland sur

161
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

les programmes Puma, Lynx et Gazelle. la réalisation de sièges d’avions et de 82 000 salariés. été dépassée. Toutes les fonctions vont
La division engins tactiques a conçu et matériels de servitude. Enfin, l’Électro- être atteintes, la respiration et la cir-
Vereinigte Flugtechnische Werke
fabrique toute une gamme de missiles nique aérospatiale (EAS) est implantée culation en premier lieu ; l’organisme
(VFW), société allemande créée en
exportés dans plus de trente pays ; au Bourget ; elle consacre près de
1963 par la fusion de Foek-Wulf GmbH réagira par une formation accrue de
parmi ceux-ci figurent les missiles an- 85 p. 100 de ses activités à la réalisa-
et de Weser Flugzeugbau GmbH, aux- globules rouges ; le système nerveux
tichars « Milan » et « Hot », produits tion de matériels de communication aé-
quelles se joignit en 1964 la Heinkel sera touché et, en l’absence d’adminis-
en collaboration avec la firme alle- roportés, d’instruments de navigation Flugzeugbau GmbH. Elle emploie plus tration d’oxygène, la mort surviendra.
mande Messerschmitt-Bölkow-Bloehm, de bord, et d’appareillages électriques de 10 000 personnes dans ses usines de Quant à l’azote, en application de la loi
les missiles air-surface « AS 12 », d’alimentation. Au 1er janvier 1976, les Brême, d’Einswarden, de Hoykenkamp,
« AS 20 » et « AS 30 », l’avion-cible d’Henry, la baisse de la pression de ce
effectifs du groupe Aérospatiale étaient de Spire, de Lemwerder et de Varel. Ses
sans pilote « CT 20 », le missile aérien gaz inerte, uniquement dissous dans le
de 40 200 personnes, dont 35 900 pour principales productions sont, outre le
« Roland », également développé dans sang, va le libérer sous forme de bulles
la société mère avec un total de surfaces « Transall », réalisé en coopération
le cadre d’un programme de coopé- gazeuses appelées aéroembolus, véri-
couvertes de 1 490 000 m 2. Ses activités avec Hamburger Flugzeugbau GmbH
ration franco-allemand, les missiles
internationales sont très développées, et la Société nationale industrielle aé- tables petites embolies atteignant les
mer-mer « Exocet MM 38 », et air-mer
puisque, outre de nombreux accords de rospatiale en France, le « VFW-614 », articulations (genoux principalement)
« MM 39 », et enfin, le missile sol-sol
coopération, ses ventes à l’exportation biturboréacteur pour étapes courtes, à et la peau (fourmillements), et pouvant
tactique « Pluton », à charge nucléaire
représentent plus de 38 p. 100 de son la réalisation duquel participe Fokker, occasionner des troubles respiratoires
et à moyenne portée. Les activités de
chiffre d’affaires. et l’avion de combat à décollage verti- sévères et même des syncopes mor-
la division systèmes balistiques et
cal « Vak-191 B », développé en coo- telles. Ce sont là les phénomènes de
spatiaux se partagent entre des pro- United Aircraft Corporation, société
pération avec Fiat. Depuis 1969, VFW
grammes militaires, c’est-à-dire les américaine fondée en 1934 et spécia- l’aéroembolisme.
a fusionné avec la firme néerlandaise
missiles « SSBS » et « MSBS » de la lisée dans la construction de moteurs
Fokker pour former une société trans-
force de dissuasion française, et des Effets physiques de l’altitude
et de réacteurs pour l’aviation civile nationale dont le siège est implanté à
programmes civils, menés en grande et militaire. Son importante division La dépression due à l’altitude entraîne,
Düsseldorf.
partie en coopération multinationale.
Pratt and Whitney, dont la production d’après la loi de Mariotte (PV = Cte),
Parmi ces derniers se trouvent notam- Westland Aircraft Ltd., société an-
fournit environ 70 p. 100 des revenus
ment les lanceurs de satellites. Cette une expansion des gaz libres contenus
de l’United Aircraft, fabrique les réac- glaise créée en 1935 et qui, depuis
division réalise une part importante du dans les cavités naturelles, touchant
teurs d’une grande partie des avions 1956, s’est presque exclusivement
lanceur « Diamant B » du Centre na- consacrée à l’étude et à la réalisa- essentiellement les oreilles (otites), les
de combat de l’US Air Force et de l’US
tional d’études spatiales ; elle assure tion d’hélicoptères, dans ses usines de sinus (sinusites barotraumatiques), le
Navy, en particulier ceux qui équipent
également le rôle d’architecte indus- Yeovil et de Weston. Des accords très tube digestif et surtout le côlon (réa-
l’avion de chasse « F-111 », et la série
triel pour le lanceur « Ariane », retenu importants la lient en France avec la lisant un ballonnement désagréable).
des « F-14 » et des « F-15 ». Dans le
au niveau européen après l’abandon Société nationale industrielle aéros-
secteur de l’aviation commerciale, le
de la fusée Europa III, et qui sera patiale. Ses principales productions
réacteur « JT-3 D » équipe le Boeing Effets de la navigation aérienne
opérationnel en 1980. Dans le cadre sont le « Wessex », le « Wasp », le
« 707 », le Boeing « 720-B » et le Mc- sur l’organisme
du consortium CIFAS, elle a réalisé « Scout » et le « WG-13 », qui, tous,
le satellite franco-allemand de télé- Donnell-Douglas « DC-8 », alors que
ont des applications civiles et militaires Les accélérations et les décélérations,
communications Symphonie, dont deux le réacteur « JT-8 D » est utilisé sur les
variées. En outre, une division de la ces grandes variations de vitesse, qui
exemplaires ont été mis en orbite. Dans Boeing « 727 » et « 737 », le « DC-9 »
firme établie à Cowes étudie et réalise ne concernent, en principe, que l’avia-
le cadre du consortium Cosmos, elle et la « Caravelle ». Quant au réacteur
des véhicules à coussin d’air, et assure tion militaire, ont des conséquences
est maître d’oeuvre du satellite géos- « JT-9 D », il assure la propulsion du
la maîtrise d’oeuvre du lanceur spatial physiologiques importantes sur les
tationnaire de météorologie Météosat Boeing « 747 » et équipera l’Airbus britannique « Black Arrow ». liquides contenus dans le corps humain
qui sera lancé en 1977 pour l’Agence McDonnell-Douglas « DC-10 ». La
et troublent l’hémodynamique circula-
spatiale européenne, et qui implique société produit également des hélicop- J. P. B. et J. L.

la participation d’industriels de six tères civils et militaires par l’intermé- toire. Elles peuvent s’exercer soit dans
pays associés. La Société nationale diaire de sa filiale, la Sikorsky Aircraft, le sens tête-siège, soit, dans certains
industrielle aérospatiale possède cinq qui assure environ 10 p. 100 de ses exercices acrobatiques, dans le sens
filiales avec lesquelles elle constitue le siège-tête et provoquer, après un signe
groupe Aérospatiale. La Société giron-
revenus. Les activités de sa division aéronautique
United Technology Center, implantée d’alarme représenté par une certaine
dine d’entretien et de réparations de à Sunnyvale (Californie), intéressent (médecine) lourdeur des membres, des troubles
matériels aéronautiques (SOGERMA), la recherche, le développement et la oculaires (voile gris, noir ou rouge) et
implantée à Mérignac, assure la main- production de fusées, de propergols Étude des troubles provoqués par les nerveux extrêmement graves.
tenance de nombreux avions civils et liquides et solides et de systèmes de voyages aériens et des moyens d’y
militaires. La Société d’exploitation Les bruits. L’aviation est essentiel-
propulsion avancés. Le centre de re- remédier.
et de constructions aéronautiques lement bruyante ; en plus de vibra-
cherche et de développement de Flo-
(SECA), fondée en 1946 et implantée tions non audibles (infra- et ultrasons,
ride de Pratt and Whitney construit les
au Bourget, est également orientée
propulseurs à hydrogène et oxygène li- Rappel physiologique dont les effets sont encore mal préci-
vers des opérations de maintenance,
quides « RL-10 », qui équipent la fusée sés), elle occasionne des bruits dont
mais sur un éventail très ouvert qui
« Centaure », et met au point le « XLR- Effets chimiques de l’altitude sur l’intensité constitue une cause impor-
touche les cellules, les équipements et
129 », qui pourra atteindre une pous- l’organisme tante d’inconfort et même de troubles
les moteurs. La Société de construc-
sée de plus de 1 000 t. L’United Aircraft touchant divers appareils, notamment
tions d’avions de tourisme et d’affaires L’air atmosphérique, formé de
Corporation s’est, d’autre part, récem- l’audition, prédisposant à la surdité des
(SOCATA) a été créée, le 1er octobre 21 p. 100 d’oxygène (O2) et de
ment illustrée par l’intermédiaire de sa aviateurs.
1966 à partir de l’ancienne Société 78 p. 100 d’azote est pesant et
(N2),
Morane-Saulnier. Située à Tarbes, elle division Hamilton Standard, implantée
exerce sur la surface de la Terre une Les effets du froid. La température
a produit plus de 2 600 exemplaires de à Windsor Locks (Connecticut), avec
pression qui varie en fonction inverse diminue très rapidement avec l’alti-
la gamme des avions légers « Rallye », la mise au point et la réalisation des
de l’altitude. Si l’oxygène, indispen- tude ; elle est de – 24 °C à 6 000 m et
exportés dans 65 pays. La Société cha- équipements de survie utilisés par les
astronautes au cours de leurs marches sable à la vie, est délivré en moins se stabilise à – 56 °C à 12 000 m. Une
rentaise d’équipements aéronautiques
(SOCEA), créée le 1er octobre 1970, sur la Lune. Ses établissements, loca- grande quantité que normalement, des exposition prolongée au froid peut en-

est installée à Rochefort ; ses activi- lisés à East Hartford et à Windsor troubles d’anoxie* se produiront à par- traîner localement des gelures graves et
tés portent sur des sous-traitances de Locks (Connecticut), ainsi qu’à Sun- tir d’un certain seuil, lorsque l’adap- avoir des effets généraux allant jusqu’à
pièces de cellules d’avions, l’étude et nyvale (Californie), emploient plus de tation spontanée de l’organisme aura la mort.

162
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

dans les transports aériens (Genève, 1960). /


Les rayonnements ionisants. On navigant des capacités physiques et de médicaments (essentiellement exci-
E. Douglas Busby, Space Clinical Medicine. A
en distingue deux sortes : d’une part morales de premier plan, la sélection tants, tranquillisants et somnifères). Prospective Look at Medical Problems from
ceux qui sont dus à l’explosion des comporte trois stades. Hazards of Space Operation (Dordrecht, 1968).
Le personnel navigant se main-
bombes nucléaires, l’avion risquant 1. L’examen médical proprement dit / L. Tabusse et R. Pannier, Physiologie et patho-
tiendra en bonne santé par un entraî-
logie aéronautiques et cosmonautiques (Doin,
d’être contaminé par le passage dans s’appuie sur des standards très stricts nement physique varié, musculaire, 1969).
un nuage radio-actif ; d’autre part ceux et exige l’intégrité totale du système cardio-vasculaire, respiratoire, et par
qui sont liés à l’existence, à intervalles cardio-vasculaire, des poumons, des un entraînement du système nerveux
éloignés, de flux de radiations provo- organes des sens (vision, audition, lui-même grâce à la pratique des sports
qués par des éruptions solaires. Aux équilibration), du système moteur avec
altitudes et aux vitesses subsoniques
(culture physique rationnelle, natation, aéronavale
une bonne musculature et une parfaite équitation et ski principalement).
actuelles, les rayonnements ionisants coordination.
Ensemble des formations et installa-
ne constituent pas de danger appré- 2. La sélection physiologique complète Hygiène générale du passager
tions aériennes mises en oeuvre par les
ciable. la sélection physique afin de ne sou-
En principe, le passager, contrairement marines de guerre.
Le mal de l’air. C’est l’une des mettre au service aérien que les candi- au navigant, fait partie d’une popula-
À la fin du XIXe s., la marine fran-
manifestations du mal des transports, dats capables de réagir et de s’adapter tion non sélectionnée. Les avions sont
çaise possède un parc d’aérostation*
provoqué essentiellement par les mou- parfaitement. Elle se fait en caisson et conçus pour des sujets physiologi-
et accepte volontiers les suggestions du
vements de l’avion ; il consiste en nau- en simulateur. quement normaux et en bonne santé,
lieutenant de vaisseau Tapissier, qui,
sées, en vomissements et en un état 3. La dernière étape de la sélection est mais l’on sait que les avions à réaction
délégué au Congrès international de
de malaise. Il frappe surtout les sujets psychologique. Les candidats doivent modernes sont convenablement pres-
l’aérostation de Paris (1900), conclut
vagotoniques prédisposés et pour les- posséder un parfait équilibre psychique surisés, climatisés et dotés d’un excel-
quels le rôle du labyrinthe, siège du à la supériorité du ballon sur le « plus
et ressentir pleinement leurs respon- lent confort. Les contre-indications aux
lourd que l’air ». Mais, en avril 1910,
centre de l’équilibration, est dominant. sabilités. Le travail aérien soumet le voyages aériens seront donc relative- une commission nommée « pour étu-
personnel navigant aux facteurs nocifs ment rares. Il faut éviter de transporter
dier l’utilisation du dirigeable » décide,
Les problèmes actuels du milieu extérieur (hypoxie, anoxie, en avion les grands malades pulmo-
sous l’influence de l’amiral Lepord,
aéroembolisme) et de la navigation naires, les cardiaques décompensés, les
Les effets nocifs de l’altitude, d’une que « la marine doit avant tout porter
aérienne (accélérations, bruits, vibra- sujets porteurs de maladies organiques
part, et les troubles dus à la navigation son effort sur l’aviation », marquant
tions), mais aussi à des conditions spé- sévères, digestives et neuro-psychia-
aérienne, d’autre part, se produisaient ainsi l’origine véritable de l’arme aéro-
ciales de travail. Si celui-ci peut être triques. Il convient de signaler qu’il
dans l’aviation militaire et lors des dé- navale.
buts de l’aviation commerciale, lorsque considéré comme relativement peu est, en général, possible de voyager par
fatigant physiquement, avec cependant avion trois mois après un infarctus du
les avions étaient mus par des moteurs
Premiers essais
à piston. Actuellement, à l’époque des une légère augmentation de la consom- myocarde.
mation d’oxygène, il est au contraire
de l’avion à la mer
avions à réaction, la plupart des nui- Les nourrissons, les enfants et les
sances de l’environnement sont atté- très pénible au point de vue psychique. vieillards en bonne santé supportent Cette confiance nouvelle dans l’avenir
nuées. Les avions commerciaux sont Le décollage, l’atterrissage, de mau- très bien l’avion. Quant à la femme de l’aéroplane n’est pas suivie par tous.
pressurisés à 1 000-2 000 m ; une vaises conditions atmosphériques enceinte, elle pourra emprunter la voie Il faudra le dynamisme de quelques
décompression explosive par rupture occasionnent toujours de l’appréhen- des airs jusqu’à huit mois de grossesse. officiers pour expérimenter une doc-
d’un élément de la cabine est prati- sion et une certaine tension nerveuse. trine de coopération entre l’avion et
quement impossible ; une tempéra- Le pilotage fatigue les organes des Aviation sanitaire le navire. Ces officiers sont heureuse-
ture convenable règne à l’intérieur de sens (audition, vision). Si la durée du ment aidés par Delcassé, ministre de
On s’adresse aux avions sanitaires et
l’appareil ; les bruits sont réduits, et le travail aérien est soumise à une régle- la Marine, qui, en 1911, leur affecte
aux hélicoptères pour l’évacuation des
confort est très satisfaisant. mentation stricte des heures de vol, un ancien croiseur comme « bâtiment
grands brûlés et des grands blessés de
certaines conditions entraînent pour le central d’aviation ». Sous la direction
Ces améliorations ont rendu les dé- guerre et de la route, afin de leur per-
système nerveux une dépense d’éner- des commandants Daveluy, Fatou et
placements en avion faciles et dépour- mettre de recevoir des soins rapides
gie accrue avec une nécessité constante Roque, la Foudre poursuit ses essais
vus de désagréments. Le mal de l’air dans des centres spécialisés.
de présence malgré la monotonie de la de 1912 à 1914. En octobre 1911, la
lui-même est exceptionnel. Et l’on peut
tâche. D’autre part, les vols long-cour- décision est prise d’installer le premier
dire que, si, au départ, l’homme avait Règlement sanitaire international
riers ouest-est ou vice versa créent une centre d’aviation navale à Saint-Ra-
dû s’adapter à l’avion, on a bien su par
Il régit les services sanitaires des aéro-
rupture du rythme nycthéméral, avec phaël et, le 12 mars 1912, est créé le
la suite adapter celui-ci à l’homme.
dromes, qui procèdent en cas de besoin
troubles consécutifs du sommeil pour Commandement supérieur de l’avia-
à la désinfection, à la désinsectisation
une proportion non négligeable de tion maritime. À terre et à la mer, es-
Sélection du personnel navigant
et à la dératisation des avions et des
sujets. sais, raids et manoeuvres se multiplient,
Il est primordial que la sécurité en vol aéroports. D’autre part, ce règlement illustrés par les pionniers de l’aérona-
soit assurée ; aussi, le personnel navi- Il est évident que le travail aérien comporte les mesures de protection vale : Roque, L’Escaille, Laborde, etc.
gant doit-il être sélectionné d’une façon soumet le personnel navigant à une contre les maladies quarantenaires et En mai 1914, sur la Foudre, René Cau-
rigoureuse et parfaitement adapté au fatigue certaine : des périodes de repos oblige les équipages et les passagers à dron réussit un décollage d’une plate-
travail aérien. adéquates doivent éviter le surmenage, se protéger contre la variole, le choléra forme de 10 m aménagée sur un navire
La visite d’embauche doit permettre qui aboutirait à l’épuisement. La sur- et la fièvre jaune par les vaccinations au mouillage.
un bilan complet de tous les organes, veillance médicale du personnel navi- adéquates, dont la preuve est fournie au
afin d’en vérifier l’intégrité. La véri- gant, physique, physiologique et psy- moyen de certificats de modèle inter-
L’aéronautique maritime
fication des aptitudes se fait tous les chologique, doit aller de pair avec une national.
en 1914-1918
six mois, lors du renouvellement de limitation du nombre des heures de vol. M. M.

la licence de vol. De plus, un contrôle Le médecin de l’air doit exiger le res- J. Malmejac, Médecine de l’aviation (Mas- En 1914, la France possède une riche
est exercé lors de tout changement pect de préceptes hygiéno-diététiques son, 1948). / J. Guillerme, la Vie en haute al- expérience dans le domaine de l’aéro-
titude (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1954). /
d’emploi et après d’éventuels arrêts de rigoureux, avec la défense notamment nautique navale. Les moyens qu’elle
J. Boyer et M. V. Strumza, Précis d’hygiène aé-
travail pour maladie ou accident. La de l’alcool sous toutes ses formes, du ronautique (Expansion scientifique française, engage au début du conflit sont pourtant
sécurité en vol exigeant du personnel tabac, du café et d’un certain nombre 1956). O. M. S., Guide d’hygiène et de salubrité très modestes et se limitent à quelques

163
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

hydravions embarqués ou non, qui C’est dans ces circonstances que l’ami- son retard par la mise en chantier de de lourdes pertes (porte-avions Illus-
rendent d’ailleurs de grands services. rauté de Londres réalisa le premier 7 porte-avions. Mais la Fleet Air Arm trious, 1941), à assurer la liberté de
Quelques officiers, pourtant, estiment navire porte-avions, avec le croiseur ne dispose, en 1939, que de 225 avions passage de leurs convois.
que l’avenir de l’aéronavale exige une de bataille Furious, où, le 3 août 1917, contre 700 à l’aéronavale américaine.
organisation puissante assortie de gros le commandant Dunning réussissait à À la veille de la guerre, les appareils Coup de théâtre à Pearl Harbor :
moyens : ils ne sont guère écoutés poser un « Sopwith ». Avec ce premier l’aéronavale arme stratégique
des aviations maritimes sont de types
jusqu’en 1917, quand la gravité de la appontage sur un navire en marche, le très divers : les uns sont liés au catapul- Le 7 décembre 1941, une escadre ja-
menace sous-marine allemande permet porte-avions était né, et avec lui une tage ; d’autres sont de gros hydravions ponaise essentiellement constituée de
de prouver l’efficacité de la nouvelle nouvelle arme, l’aviation embarquée, lourds (Breguet, Latécoère français ; moyens aéronavals (445 appareils em-
arme. Ayant déjà l’habitude de survo- qui allait conférer à l’aéronavale une « Coronado », « Catalina » américains), barqués sur 6 porte-avions) met hors
ler la mer, l’avion découvre sous-ma- puissance insoupçonnée de ses précur- véritables navires volants destinés à la de combat en moins de deux heures
rins et champs de mines. Aussi, 1917 seurs. reconnaissance lointaine ; d’autres, la flotte américaine du Pacifique dans
verra le nombre des appareils de la enfin, tels les « Loire » Nieuport fran- la rade de Pearl Harbor. Cette victoire
marine française (Donnet-Denhaut, L’aéronavale entre les çais, sont conçus pour l’attaque en soudaine, qui donne au Japon la supré-
F. B. A., Tellier, etc.) passer de 160 à deux guerres mondiales piqué des navires de guerre : ils seront matie dans le Pacifique et lui ouvre la
690 pour atteindre 1 260 en 1918. Leur employés contre les chars allemands route de l’Indonésie, fait passer bruta-
À la fin du conflit, l’aéronavale alliée
action s’étend à l’Atlantique et à la Mé- en mai 1940. lement l’aéronavale du plan tactique au
constituait, avec ses nombreux centres
diterranée, mais ce sont les patrouilles plan stratégique. Fort de ce succès qui
échelonnés de la Grande-Bretagne à la
de la mer du Nord qui effectuent le dépasse largement ses espérances, le
mer Égée (36 en France), un immense L’aéronavale pendant la
plus dur travail et tentent même les
Seconde Guerre mondiale commandement japonais va conquérir
édifice, qui ne survivra pas à la vic-
premiers vols de nuit pour gêner le en quelques mois la quasi-totalité du
toire.
passage des sous-marins allemands Sud-Est asiatique. Pour les États-Unis,
dans le pas de Calais. Dix d’entre eux Le centre de Saint-Raphaël, où fonc- 1939-1941, combats classiques
qui, dès 1920, ont été les premiers à
seront détruits par les avions alliés. tionnait, depuis 1917, la Commission À l’ouverture du conflit, la situation adapter l’arme aérienne aux besoins
De son côté, l’adversaire engage sur d’études pratiques de l’aéronautique est assez semblable à celle de 1918. À
de la guerre navale, la leçon est très
les bancs des Flandres les hydravions maritime, était devenu, grâce à ses nouveau, les Alliés, qui, trop confiants
dure, mais elle portera ses fruits. Tout
« Brandenburg », les mieux armés de pilotes d’essai (notamment Corpet, dans les qualités anti-sous-marines de
en usant les forces japonaises dans les
l’époque, tandis que les « Rumpler » Pugnet et Kerguistel), un véritable l’asdic, avaient négligé leur aéronavale,
combats de la Nouvelle-Guinée, les
assurent les liaisons en mer avec les laboratoire expérimental, qui allait lui confient pourtant l’éclairage, la pro- Américains organisent les premières
« U-Boot », mais l’attaque aérienne poursuivre son activité au lendemain tection des convois et le mouillage des
task-forces, ensembles composés
des navires de guerre ne donne encore de la guerre. Celle-ci s’exercera dans mines dans l’Atlantique. Le rôle de d’une ossature de porte-avions de plus
aucun vrai résultat. les domaines les plus divers : attaque l’aviation embarquée est plus modeste
en plus nombreux flanqués d’escadres
aérienne des bâtiments de ligne ; en raison de la qualité médiocre de ses traditionnelles. Les avions embarqués
grands raids destinés à frapper l’opi- appareils et du petit nombre de porte-
L’hydravion attaquent et assument la protection
nion publique, auxquels les aviateurs avions, dont l’un, le Courageous, sera éloignée de l’escadre, qui, de son côté,
Dès 1912, les « hydroaéroplanes » réus- de la marine (Le Brix) apportent une coulé par un « U-Boot » dès le 17 sep-
sissent à décoller de la surface de l’eau à défend les porte-avions. En mai 1942,
large contribution. Deux noms appar- tembre. La campagne de Norvège fait
condition qu’elle soit calme. À partir de la victoire purement aéronavale des
tiennent ici à l’histoire, ceux du com- éclater l’insuffisance de l’aviation
1914, ce type d’appareil se généralise et Midway, au cours de laquelle les Ja-
mandant de L’Escaille et surtout du maritime des Alliés, qui se révèle inca-
est surtout employé dans la lutte anti- ponais de l’amiral Yamamoto perdent
sous-marine. (En 1918, la France construit commandant Teste, qui parvient, en pable de protéger les navires harcelés
4 porte-avions et 253 avions, consacre
1 598 hydravions.) 1920, à convaincre l’état-major naval par la Luftwaffe, maîtresse du ciel
le rétablissement de la puissance amé-
Durant l’entre-deux-guerres, des de transformer le cuirassé Béarn en (notamment par ses Heinkel 111). Du-
ricaine. Sous l’influence de l’amiral Ni-
apôtres de l’hydravion, comme Latécoère porte-avions. rant l’été 1940, c’est l’arme aérienne,
mitz, l’importance des task-forces ira
en France, créent les premiers appareils à
Ce nouveau type de bâtiment, qui et notamment le « Costal Command »
croissante : en octobre 1944, à Leyte,
coque de gros tonnage (40 t pour le Lieu-
n’avait pas encore fait ses preuves au de la R. A. F., qui sauve l’Angleterre.
tenant-de-vaisseau-Paris), destinés aux l’amiral Mitscher dispose de près de
combat, allait susciter bien des dis- Mais l’occupation des côtes françaises
vols transatlantiques. En 1940, les Anglais 1 000 avions embarqués. La bataille,
emploieront le « Sunderland » et les Amé- cussions. Seule l’Italie, peut-être sous par le Reich, augmentant le rayon d’ac-
qui dure six jours, représente, mal-
ricains le « Catalina », dont l’autonomie est l’influence des théories du général tion de ses sous-marins, conduit les
gré l’intervention des avions-suicides
d’environ 20 heures. Douhet, partisan de l’« Air intégral » Anglais à un important renforcement
japonais (kamikazes), le retournement
Mais les progrès techniques de l’emploi (v. aviation), y renonce de prime abord. de leur aéronavale. Les avions (« Libe-
définitif de la situation stratégique dans
de l’avion à la mer devaient condamner Son exemple est suivi par Hitler, qui, rator », « Catalina »), qui patrouillent
le Pacifique. Le couple avion-char de
l’hydravion, dont aucun programme n’est jusqu’aux Açores, sont équipés de ra-
confiant dans la toute-puissance de
la guerre éclair a fait place au tandem
plus envisagé depuis 1950. Le seul usage
la Luftwaffe, interrompra la réalisa- dars « ASV », capables de détecter un
de l’hydravion reste le sauvetage en haute cuirassé-porte-avions, que l’ampleur
tion de l’unique porte-avions mis en sous-marin à 45 km. Dans l’Atlantique,
mer hors de portée de l’hélicoptère. de la bataille a porté au niveau de la
chantier par l’amirauté allemande en la guerre aéronavale se confond ainsi
décision. Leyte annonce la défaite du
1937. Parmi les grandes flottes mon- de plus en plus avec la guerre sous-ma-
Japon.
diales, c’est celle du Japon qui, par rine, où les Alliés ne reconquièrent la
Une révolution :
une vue prophétique de la guerre sur supériorité qu’au printemps de 1943,
l’apparition L’aéronavale depuis 1945
l’immense théâtre du Pacifique, donne lorsqu’ils disposent d’un assez grand
du porte-avions
la première à l’aéronavale un rôle es- nombre de porte-avions pour protéger Consacrée par la victoire américaine
Cette intense activité opérationnelle sentiel, se traduisant tant par le nombre leurs convois. En Méditerranée, au du Pacifique, l’aéronavale constitue
prouvait amplement l’efficacité de et la qualité des porte-avions (11 en contraire, grâce au tandem tactique désormais un élément essentiel de
l’emploi de l’avion à la mer. Combien 1940) que par la mission de « choc » « cuirassé-porte-avions » et à leur toutes les marines. Elle joue son rôle
serait-elle accrue si l’on parvenait à qui leur est réservée. La Royal Navy, défense victorieuse de l’île de Malte, dans les conflits limités qui se suc-
étendre son rayon d’action en le libérant qui, en 1937, vient de reprendre à la les Anglais dominent les Italiens. Ils cèdent depuis 1945 : en Indochine*
de la servitude des bases terrestres ? R. A. F. son aviation navale, rattrape parviennent toujours, quoique avec (Diên Biên Phu), en Corée, où les

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

États-Unis engagent huit porte-avions, unités de plus faible tonnage, moins — des ions, etc.), ainsi que toutes les — Enfin, laissant de côté les résul-
à Suez (1956), où la coopération entre vulnérables en cas de guerre atomique. interactions entre particules neutres ou tats imputables d’une façon précise
A. L. ionisées, ce qui conduit à une meilleure aux sciences voisines, notons que
aéronavale et troupes aéroportées fran-
Marine / Porte-aéronefs. connaissance de la composition parti- l’aéronomie, en mettant l’accent sur
çaises et anglaises sera déterminante,
P. Barjot, Histoire de la guerre aéronavale culaire de la haute atmosphère ; la physique (et particulièrement sur
et où le porte-hélicoptères intervient
(Flammarion, 1961). — les études sur les mouvements des la microphysique) d’un grand nombre
pour la première fois.
hautes couches de l’atmosphère et sur des phénomènes se produisant dans la
Parallèlement, on assiste à une la répartition de leurs températures, haute atmosphère, a ouvert la voie à

évolution des conceptions d’emploi dès qu’elles mettent en jeu des tech- une météorologie des très hautes alti-

de l’arme. Si la task-force de 1944 aéronomie niques ne rentrant qu’imparfaitement tudes (perfectionnée, depuis 1963, par

dans le cadre de la météorologie clas- les observations assurées par les satel-
s’allège, la généralisation de l’avion à
Science des phénomènes physiques et sique. On peut citer comme exemple la lites météorologiques, notamment ceux
réaction entraîne la primauté du porte-
physico-chimiques qui conditionnent vaporisation de nuages de sodium ou de la série « Tiros »). En particulier,
avions lourd, seul capable de le mettre
les propriétés de la haute atmosphère l’injection d’autres « marqueurs » (par elle a mis en évidence les couplages
en oeuvre. Les porte-avions légers (tel plus ou moins directement météoro-
terrestre, cela à partir d’une altitude fusée ou par satellite) dans les couches
l’Arromanches français en 1958) se re- que l’on peut estimer comme devant logiques susceptibles de s’exercer de
à très haute altitude que l’on désire étu-
convertissent souvent en porte-hélicop- être supérieure à une cinquantaine de haut en bas, déterminant finalement
dier et dont on suit à partir du sol le
tères, ce qui permet aux petites marines kilomètres. comportement dynamique et physique aux basses altitudes le « temps » qui
va s’y imposer : sujet peu sûr, mais qui
(certains pays du Commonwealth, Bré- au moyen d’observations appropriées
Introduction demande à être étudié.
sil, Argentine, etc.) de constituer des (notamment spectroscopiques).
Il faut enfin remarquer qu’un certain
forces d’intervention à frais réduits. On ne donne pas de limite numérique On ne s’étonnera pas de la com-
nombre de phénomènes physiques, et
Ainsi, la mobilité et la souplesse de à l’extension vers le haut de l’espace plexité du domaine concerné par
notamment lumineux (tels que les au-
l’aéronavale lui font-elles prendre le concerné par cette science, mais on l’aéronomie, si l’on se réfère à l’étroit
rores), qui sont en général délaissés par
relais des bases terrestres périphé- précise, cependant, qu’il doit pouvoir enchevêtrement du développement
les sciences météorologiques, sont ren-
être considéré comme appartenant au actuel de la plupart des sciences tou-
riques très vulnérables aux fluctuations trés très activement dans le cadre des
domaine proprement terrestre. Sous chant à l’espace et — plus particuliè-
politiques des pays où elles sont im- études aéronomiques, ce qui est d’au-
une telle définition peuvent se ranger, rement — à l’environnement terrestre.
plantées. Cela explique l’importance tant plus logique que l’on a des raisons
logiquement, certaines sciences ayant C’est bien en fonction de ce genre de
des moyens aéronavals des grandes de penser que l’origine première de
déjà leurs vocations propres ou faisant difficulté qu’a été proposé, en 1951,
flottes stratégiques américaines dans le certains de ces phénomènes doit être
partie de disciplines aux normes bien par Sydney Chapman (né en 1888),
recherchée dans les régions les plus
Pacifique et en Méditerranée. connues : alors président de l’Association inter-
lointaines de notre environnement ter-
— la météorologie, quand elle fait nationale de magnétisme terrestre et
L’arme atomique n’a guère modi- restre, par exemple dans la zone neutre
intervenir la mécanique physique des d’électricité atmosphérique, ce vocable
fié l’emploi de l’aéronavale, mais elle de la queue de la magnétosphère*, soit
hautes couches de l’atmosphère, la dis- nouveau d’aéronomie, ce qui a permis,
a seulement imposé une plus grande à plus d’une trentaine de rayons ter-
tribution en altitude des températures entre autres choses, à l’Association de
dispersion de ses forces d’interven- restres de la surface de notre Globe.
ou celle de l’ozone, la transmission des prendre son appellation actuelle d’As-
tion, dont les bâtiments sont couram- E. S.
phénomènes d’ionisation, etc. ; sociation internationale de géomagné-
J. A. Ratcliffe, Physics of the Upper At-
ment espacés de 5 à 10 miles pour — la radiotélégraphie, par l’étude de tisme et aéronomie. mosphere (New York, 1960). / T. Tabanera
être moins vulnérables aux projectiles la propagation des ondes électroma- (sous la dir. de), Advances in Space Research
gnétiques et celle, concomitante, de (Oxford, 1964). / G. Fanselau, Geomagnetis-
atomiques. Découvertes récentes mus und Aeronomie (Leipzig, 1968 ; 6 vol.).
l’ionosphère ;
L’aviation embarquée a subi une Voici, parmi la grande variété des ré-
L’aéronomie a fait l’objet de plusieurs sympo-
— le magnétisme terrestre, par l’étude
siums organisés par l’Association internatio-
adaptation technique conditionnée par de son champ externe ; sultats publiés, ceux dont l’importance nale de géomagnétisme et aéronomie (AIGA

l’utilisation à la mer des avions de — la physique des relations Soleil- peut être dégagée. ou IAGA).

haute performance et par la lutte anti- Terre, par l’étude qu’elle nécessite — Les progrès faits dans la connais-
des propriétés de la magnétosphère* sance de la complexité des réactions
sous-marine. Celle-ci est également
terrestre. photochimiques de la haute atmosphère
confiée à l’aéronavale basée à terre,

qui est dotée, dans les années 1960, En fait, on utilise le mot aérono- ont ouvert la voie à une meilleure com- aéroport
mie dans le langage scientifique soit préhension des conditions de forma-
d’appareils de type « Orion », « Atlan-
pour désigner d’une manière volon- tion des diverses couches constituant Ensemble des installations techniques
tic » ou « Neptune », croiseurs aériens
tairement vague l’ensemble de ces l’ionosphère*. commerciales et industrielles néces-
de détection et d’attaque contre les
sciences (météorologie exceptée), soit — Les mesures précises concernant les saires pour l’exploitation des trans-
sous-marins en haute mer. En même — et alors d’une façon beaucoup plus mouvements horizontaux (et parfois ports aériens intéressant une ville ou
temps apparaissent sur les porte-avions restreinte — pour préciser des études verticaux) qui animent l’atmosphère une région.

les appareils de tonnage élevé, porteurs particulières qui se sont développées supérieure (à des altitudes plus élevées Dans beaucoup de cas, le mot aéro-
de missiles et de bombes atomiques, récemment entre les disciplines bien que celles qui sont concernées par les port est synonyme de aérodrome, mais,
reconnues. sondages météorologiques proprement en réalité, il tend à recouvrir une entité
et des intercepteurs (« Crusader »,
C’est ainsi qu’appartiennent plus dits) ont permis de s’engager avec plus beaucoup plus large. L’aérodrome est
« Phantom ») capables d’affronter à
spécifiquement à l’aéronomie les sujets de sûreté dans l’étude des vents ionos- essentiellement la surface territoriale
égalité les avions terrestres. En 1970 se
de recherche et les techniques sui- phériques, dont dépendent également de l’aéroport, avec ses pistes, ses aires
dessine peut-être une nouvelle orien-
vantes : beaucoup de nos connaissances sur les de stationnement et ses bâtiments ;
tation avec la génération des avions à
— la photochimie propre à la haute propriétés de l’ionosphère, aussi bien c’est en fait l’ossature de l’aéroport.
décollage court ou vertical, qui pour- atmosphère (réactions de photo- du point de vue théorique que du point Ce dernier réunit et fait fonctionner
rait menacer la suprématie des porte- synthèses, de photo-ionisations, de de vue pratique (avec application aux l’ensemble des moyens et des matériels
avions géants et inciter à multiplier les photo-associations — ou dissociations transmissions radio). situés sur cette surface territoriale : les

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

aérogares, les hangars, les ateliers, Classification qu’il peut accueillir, d’où découlent à également sur le nombre de pistes
les services administratifs, la tour de leur tour l’importance des aérogares à construire. Le plan de masse ini-
• En FRANCE, selon le Code de l’avia-
contrôle, les moyens de transport de pour les passagers et le fret, ainsi que tial prévoit donc toujours un nombre
tion civile, un aérodrome est classé
l’aérodrome à la ville qu’il dessert, etc. l’importance des aires de stationne- déterminé de pistes, qui peuvent être
en fonction du rôle économique qu’il ment, etc. Toutes les installations dif-
D’autre part, l’aéroport est une entité ultérieurement réalisées en fonction de
doit remplir. En fait, la classification fèrent, en effet, selon que sont reçus l’accroissement du trafic.
de gestion qui peut comporter plusieurs
est fondée sur la longueur de l’étape des avions de 5 t au maximum, comme
aérodromes situés autour d’une même Au moment du décollage ou de
à franchir par l’aéronef qui décolle de sur les aérodromes de la catégorie D,
ville ou desservant une même région l’atterrissage, les avions commer-
l’aérodrome ou de la distance qu’il a ou des appareils de plus de 100 t à
ciaux actuels sont capables de sup-
économique : tel est le cas de l’aéroport franchie lorsqu’il atterrit. Sur ce cri- grande capacité.
porter des vents latéraux qui peuvent
de Paris. tère, les aérodromes terrestres sont
• La CLASSIFICATION AMERICAINE est atteindre 37 km/h pour les aéroports
classés dans les cinq catégories :
également fonctionnelle. Les aéro- de la classe B et 24 km/h pour ceux de
A — Aérodromes destinés aux ser-
La législation ports sont classés dans les catégories la classe C. L’O. A. C. I. recommande
vices à grande distance, comportant
des aérodromes suivantes : également que l’orientation et le
des étapes de plus de 3 000 km, assurés
— intercontinentaux, pour les vols nombre des pistes soient tels que, dans
Les États liés par la convention internatio- normalement en toutes circonstances.
intercontinentaux et transcontinentaux, 95 p. 100 des cas, il y ait toujours une
nale de Chicago (1944) fixent les règles de La longueur de base des pistes princi-
reliant les côtes de l’Atlantique et du piste utilisable sur l’aéroport. En fait,
création et d’exploitation des aérodromes
pales doit être comprise entre 2 100 et
Pacifique ; pour des raisons évidentes de rentabi-
situés sur leur territoire, dans le cadre juri-
3 000 m ;
dique international fixé par la convention. — continentaux, pour les étapes de lité et afin d’éviter de coûteux déroute-
B — Aérodromes destinés aux services l’ordre de 3 200 km, à l’exclusion des ments, les aérodromes recherchent un
On distingue les aérodromes privés, les
à moyenne distance assurés normale- vols transcontinentaux ; coefficient d’utilisation le plus voisin
aérodromes à usage restreint et les aéro-
ment en toutes circonstances et à cer- — principaux, pour des étapes en possible de l’unité. Pour y parvenir,
dromes ouverts à la circulation aérienne
tains services à grande distance assurés moyenne de 1 600 km ;
publique. Lorsque ces derniers sont dotés dès qu’un site a été choisi pour l’im-
dans les mêmes conditions, mais qui — locaux, pour des étapes égales ou
d’installations techniques et commer- plantation d’un nouvel aéroport, des
ne comportent pas d’étape longue au inférieures à 800 km.
ciales qui permettent l’exécution du trafic études permettent d’établir des statis-
départ de ces aérodromes. La longueur
aérien et en particulier du trafic interna- • La CLASSIFICATION INTERNATIONALE tiques sur les orientations et les inten-
tional, ce sont des aéroports ; ce même de base des pistes principales de ces
de l’Organisation de l’aviation civile sités des vents. Ce sont ces statistiques
mot s’applique à la personne morale qui aérodromes doit être comprise entre
internationale (O. A. C. I.) porte aussi couvrant cinq à dix années, qui per-
organise, développe et exploite les instal- 1 500 et 2 100 m ;
bien sur les aérodromes commerciaux mettent de choisir les orientations des
lations permettant l’exécution d’un trafic C — Aérodromes destinés aux services
que sur ceux de l’aviation générale. pistes. Quelques degrés d’écart seu-
aérien important. Sauf Paris et Bâle-Mul- à courte distance et à certains services
L’identification est effectuée au lement dans cette orientation peuvent
house, tous les aéroports français ont été à moyenne et même à longue distance
moyen d’une lettre qui correspond à entraîner une diminution notable du
concédés aux chambres de commerce. qui ne comportent que des étapes
une longueur de piste : coefficient d’utilisation ou nécessiter
En France, la création d’un aérodrome est
courtes au départ ou à l’arrivée. Ces
soumise à une autorisation administrative A — piste d’une longueur supérieure la construction anticipée d’une piste
aérodromes peuvent aussi être ouverts
dont les conditions de délivrance varient à 2 100 m ; complémentaire. Cette construction
au grand tourisme. La longueur des
suivant qu’il sera ou non ouvert à la circula- B — piste comprise entre 1 500 et peut aussi découler d’une augmenta-
pistes doit être comprise entre 800 et
tion aérienne publique ; cette autorisation 2 100 m ; tion du trafic, lorsque le débit horaire
1 500 m ;
peut être retirée, suspendue ou restreinte. C — piste comprise entre 900 et d’une piste (pour les aéroports interna-
D — Aérodromes destinés à la forma-
Tous les aérodromes peuvent être l’objet 1 500 m ; tionaux) dépasse fréquemment le taux
tion aéronautique, aux sports aériens,
du contrôle technique et administratif de D — piste comprise entre 750 et moyen de 35 à 40 mouvements (décol-
l’État. au tourisme et à certains services à 900 m ; lages ou atterrissages).
courte distance ; E — piste comprise entre 600 et 750 m.
La création d’un aérodrome par l’État est
• Disposition des pistes. Sur un aéro-
E — Aérodromes destinés aux gira-
subordonnée à l’avis préalable du Conseil Pour les trois premières catégories cette
port, les principales dispositions sont
supérieur de l’infrastructure et de la navi- vions et aux aéronefs à décollage verti- classification internationale correspond
les suivantes : piste unique, pistes
gation aériennes. Les aérodromes créés cal ou oblique. presque exactement à la classification
en baïonnette, pistes disposées en
par l’État et les aérodromes destinés à la Dans une telle classification fonction- française. Elle en diffère légèrement
triangle, pistes divergentes doubles ou
circulation aérienne publique font l’objet nelle, la longueur des pistes condi- pour les aérodromes destinés à l’avia-
d’un plan de servitudes aéronautiques de multiples, pistes parallèles multiples,
tionne un grand nombre des autres ca- tion générale. Enfin, elle ne s’intéresse
dégagement et de servitudes de balisage. pistes tangentielles rayonnant autour
ractéristiques essentielles de l’aéroport absolument pas aux aérodromes desti-
de l’aérogare centrale. Dans tous ces
R. M. et, au premier chef, les types d’avions nés au décollage court ou au décollage
cas, les pistes peuvent être concou-
vertical.
rantes, mais, en aucun cas, deux pistes
susceptibles d’être utilisées simulta-
Constitution nément ne doivent se couper.

Dans un aéroport, on peut sommaire- • Dimensions des pistes. Elles


ment distinguer quatre parties essen- doivent satisfaire à des critères extrê-
tielles : les pistes et leur environne- mement précis. Les longueurs indi-
ment ; les aérogares pour les passagers quées précédemment pour la classi-
et pour le fret ; la tour de contrôle ; les fication des aéroports correspondent
services du trafic et la zone industrielle. à des longueurs de base, c’est-à-dire
pour une piste située au niveau de
Les pistes et leur environnement la mer en atmosphère standard (air
La disposition des pistes sur un aéro- sec à 15 °C sous 760 mm de mer-
drome dépend tout à la fois du régime cure). La longueur réelle doit donc
des vents et du trafic prévu pour l’aéro- tenir compte des corrections dues à
drome. L’importance du trafic influe l’altitude de l’aéroport et aux condi-

166
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

tions météorologiques extrêmes qui des avions très lourds, on peut réali- déchargement des bagages et du fret passagers que pour les bagages. Si ces
peuvent y régner. Au-delà de la piste, ser des pistes à revêtement bitumineux, —, les autres à proximité des hangars critères sont facilement conciliables
il doit également exister un prolon- appelées chaussées souples par rapport et de la zone industrielle — ce sont pour les aéroports à faible trafic, il n’en
gement dit prolongement occasionnel- aux chaussées rigides, uniquement en les aires de garage. Elles servent pour est plus de même pour les aéroports
lement roulable, qui doit fournir une béton. le stationnement des avions avant leur à très grand trafic, d’autres sujétions
longueur suffisante pour l’arrêt d’un mise en ligne ou leur entrée en révi- venant encore compliquer le problème.
• Balisage des pistes. En dehors des
avion après sa période d’accélération. sion, ou pour des inspections limitées.
aides radio-électriques destinées à Compte tenu de ces données de base,
C’est, en quelque sorte, une zone d’ar- l’approche et à l’atterrissage, toutes on peut différencier quatre types prin-
rêt d’urgence. C’est dans cette zone, les pistes sont dotées de deux sys- Hydrant System cipaux d’aérogares :
et même au-delà, que peuvent être tèmes de balisage, l’un pour le jour, — Aérogare unique avec aire de sta-
L’avitaillement en carburant des avions
placés des matériaux, tels que terre, l’autre pour la nuit. tionnement sans jetée. Les passagers
doit pouvoir s’effectuer rapidement sur
sable ou graviers, destinés à freiner un
Le balisage diurne comporte deux les aires de stationnement, de manière à peuvent accéder directement aux avi-
avion qui, manquant son décollage ou en éviter une occupation trop prolongée. ons. Le trafic écoulé ne peut qu’être
chiffres et, éventuellement, une ou
son atterrissage, viendrait à dépasser Pour y parvenir, une installation fixe de dis-
deux lettres. Les lettres sont utili- faible ;
les limites de la piste. Dans l’avenir, tribution de carburant, baptisée Hydrant
sées pour différencier entre elles — Aérogare unique avec jetées. Ces
System, équipe de nombreux aéroports du
c’est au début de ce prolongement que
les pistes parallèles. Les chiffres dernières prolongent la partie centrale
monde. Cette installation est constituée
pourraient être placées les barrières de l’aérogare vers les aires de trafic,
indiquent l’orientation de la piste : par des réservoirs de grande taille situés
d’arrêt, constituées par des sangles ou
c’est le nombre entier le plus proche à proximité des aires de trafic et reliés aux dont la superficie peut être plus impor-
des filets et destinées à freiner rapi- différents points de stationnement des tante. Cette disposition permet d’ac-
du dixième de l’azimut magnétique de
dement un avion en dépassement de avions à réaction par des canalisations
l’axe de la piste. Ces lettres et chiffres cueillir simultanément un plus grand
piste avec le minimum de dégâts et souterraines. Dans ces conditions, l’avitail-
sont peints à l’entrée de la piste. Leurs nombre d’avions. Mais les trajets à
lement d’un Boeing « 707 » en carburant
pour l’appareil et pour les passagers
dimensions sont normalisées. L’axe ne demande que 16 minutes pour intro- effectuer à pied sont souvent très longs
ou le fret. et, dans certains cas, peuvent dépasser
de la piste est marqué par une ligne duire dans ses réservoirs environ 80 m3 de
Au point de vue de la largeur, une de traits de même longueur interrom- carburant. 500 m, ce qui est considéré comme la
piste est située au centre d’une bande pus et uniformément espacés. Peuvent distance limite acceptable ;
de dégagement. Pour les catégories les également être peintes sur la surface de — Aérogare centrale avec enregistre-
plus élevées, la piste proprement dite Les aérogares pour les passagers ment en salle. Dans cette variante de la
la piste des marques de seuil de piste,
doit avoir 45 m de largeur avec une et pour le fret solution précédente, les passagers sont
des marques à distance uniforme et
bande s’étendant au moins sur 150 m des marques d’aire de prise de contact, Les installations terminales entou- rassemblés dans des salles situées dans
de part et d’autre de l’axe longitudinal constituées par des bandes espacées de rées par les aires de trafic comportent les jetées ;
de la piste. Pour les autres catégories, 150 m. Les pistes de plus de 45 m de d’une part toutes les installations mises — Ensemble d’aérogares multiples
la largeur de la piste est ramenée à large possèdent également des marques au service du public (restaurants, situées sur un même aéroport per-
30 m et celle de la bande à 75 m. latérales peintes le long de chaque bord bars, magasins, salles d’attente, etc.), mettant d’envisager un grand trafic.
sur toute leur longueur. d’autre part les services administratifs Chaque aérogare constituant une entité
• Construction des pistes. Elle est
et techniques de l’aéroport (services de autonome, il est possible de multiplier
réalisée en béton avec des caractéris- Le balisage nocturne, ou balisage
piste et de trafic, de santé, de police, le nombre de ces aérogares au fur et
tiques telles que les pistes soient ca- lumineux, comporte en premier lieu un
de douane, de météorologie, de radio- à mesure de l’accroissement du trafic.
pables de résister aux charges portées balisage d’approche, qui débute 420 m
télécommunications, etc.). Le dessin C’est la solution qui a été retenue pour
par les roues des avions qu’elles sont en avant du seuil de la piste. Il est
des aérogares pour les passagers varie l’aéroport de Roissy.
destinées à recevoir. L’apparition îles généralement constitué par une ligne
considérablement d’un aéroport à
avions de transport supersoniques ne médiane de feux et des lignes trans- Tous ces types d’aérogares peuvent
l’autre. Il ne semble pas qu’il existe en-
changera nullement la constitution versales dont la largeur va en se rétré- comporter de un à trois niveaux, de
core de formules capables de satisfaire
des pistes, ni leur longueur, ces avions cissant, de manière à converger vers manière à accroître leur potentiel de
parfaitement tous les critères fonction-
ayant été conçus de manière à pouvoir la zone de prise de contact. La piste trafic. Mais il est évident que, plus le
nels qui doivent guider la conception
utiliser l’infrastructure existante. est elle-même balisée par des feux nombre de niveaux est important, plus
d’une aérogare. Le point le plus impor-
Après mise en forme, par compac- d’identification de seuil, des feux de les circuits sont complexes aussi bien
tant est de rendre facile et rapide la
tage, de la terre servant d’assise, on bord de piste, des feux d’axe encastrés pour les passagers que pour les bagages
circulation des passagers depuis leur
établit une première couche de fonda- sur la ligne axiale, des feux de prise et plus grand est le nombre de risques
arrivée dans l’enceinte de l’aéroport
tion de 30 cm d’épaisseur, sur laquelle de contact et des feux d’extrémité de d’erreurs.
jusqu’à leur accès dans l’avion. Cela
est coulée la dalle de béton proprement piste. • L’AÉROGARE DE FRET est rapidement
impose en premier lieu un accès aisé
dite, dont l’épaisseur est de 30 à 40 cm • Aires et voies de circulation. Elles des installations terminales à partir de devenue une nécessité sur tous les
pour les aéroports internationaux. permettent aux avions de gagner l’aé- la ville desservie, notamment l’exis- grands aéroports. Sur le plan mondial,
Cette dalle est coulée par bandes de rogare ou la zone industrielle et d’y tence de parcs de stationnement pour le tonnage de marchandises transpor-
7,50 m de largeur et découpée trans- stationner. Les voies de circulation, les voitures aussi intimement intégrés tées par avion double à peu près tous
versalement tous les 7,50 m pour éviter ou chemins de roulement, doivent que possible à la structure de l’aéro- les quatre ans. Les aérogares de fret
les fissurations dues au retrait. Tous les posséder une résistance au moins gare. Ensuite, l’idéal serait constitué doivent assurer le stockage des mar-
joints sont ensuite remplis d’un pro- égale à celle des pistes. Leurs dimen- par un circuit simple et direct à l’inté- chandises tant au départ qu’à l’arrivée
duit à base de bitume. Pour diminuer sions et leurs distances entre elles et rieur de l’aérogare pour l’exécution de et en assurer la répartition suivant les
l’épaisseur de la dalle et supprimer avec la piste et les différents obstacles toutes les formalités précédant l’em- destinations. Pour y parvenir, des dis-
les joints, on construit également des doivent en outre satisfaire à un certain barquement (enregistrement du billet positifs, partiellement ou entièrement
pistes en béton armé. Un treillis mé- nombre de critères précis. Les aires et des bagages, contrôles de police et automatiques et utilisant largement le
tallique est alors noyé dans la dalle. de stationnement sont situées les unes de douane, etc.), puis par une distance codage électronique, ont été mis au
Cependant, son prix est beaucoup plus près de l’aérogare — ce sont les aires la plus faible possible pour rejoindre point. Les aérogares de fret doivent
élevé. On a même essayé de réaliser de trafic, qui permettent l’embarque- l’avion. L’ensemble de ces circuits doit aussi disposer de salles spécialisées
des pistes en béton précontraint. Pour ment ou le débarquement des passa- s’effectuer avec le minimum de chan- pour les animaux vivants, pour les
les aéroports n’ayant pas à recevoir gers ainsi que le chargement ou le gements de niveaux, aussi bien pour les produits radio-actifs, les produits

167
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

ment dans de bonnes conditions. Pour


dissiper les brouillards, on utilise des
turboréacteurs soufflant au ras du sol,
ce qui a pour effet d’accroître rapide-
ment, et dans de notables proportions,
la visibilité au-dessus de la piste. Pour
assurer le déneigement et la suppres-
sion du verglas sur les pistes, on uti-
lise également le souffle d’un réacteur
monté sur un véhicule. On évite ainsi
la formation de congères sur les bandes
des pistes, ce qui peut être dangereux
en cas de dérapage d’un avion. D’autre
part, l’énergie thermique dégagée est
suffisante pour sécher complètement
la surface de la piste, interdisant alors
toute reconstitution de verglas.
J. P.

Aériens (transports).

R. Horonjeff, Planning and Design of Air-

ports (New York, 1962). / P. D. Cot, les Aéro-


ports (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1963 ; 2e éd.,

1972). / G. Meunier, Conception, construction


et gestion des aérodromes (Eyrolles, 1969).

aéroporté

Dans le langage militaire, se dit de tout


personnel, de toute unité combattante
et de tout matériel, transportés par voie
aérienne pour être largués ou déposés à
congelés, les marchandises de très deux cas, l’avion est pris en charge, recevoir le plus possible d’avions en
terre sur le lieu de leur emploi.
grande valeur, etc. dès son atterrissage, par un contrôleur même temps, d’autre part de grandes

La lettre de transport aérien spécialement responsable des mouve- aires de garage sur lesquelles les avi-
Dès l’origine, deux types
(L. T. A.), qui est l’équivalent du billet ments au sol. C’est ce même contrôleur ons peuvent être inspectés et réparés
d’emploi différents
remis au passager, permet de regrouper qui autorise ou non les avions à quit- en plein air. La zone industrielle d’un

toutes les formalités et tous les ren- ter les aires de stationnement pour se aéroport moderne constitue l’équiva- En 1915, des agents français sont dépo-
rendre en un autre point de l’aéroport lent d’une véritable industrie aéronau- sés par avion dans les territoires enva-
seignements concernant un colis. Ces
ou pour s’acheminer vers la piste pour tique en réduction. On y trouve des ate- his. Le 20 octobre 1918, une équipe de
lettres de transport peuvent être trai-
décoller. liers spécialisés dans la réparation, le parachutistes aux ordres du comman-
tées sur ordinateurs, et, dans l’avenir,
réglage et l’entretien des cellules, des dant Évrard, disposant d’explosifs et
les différents ordinateurs des aérogares Une tour de contrôle comporte es-
moteurs et des équipements. Presque de postes de radio largués aussi par pa-
de fret du monde entier pourront être sentiellement trois parties principales :
tous ces travaux sont réalisés dans cette rachute, saute en arrière des lignes al-
interconnectés. — la vigie, qui renferme le contrôle
zone. Seules les réparations très impor- lemandes et accomplit une mission de
d’aérodrome, le contrôle d’approche et
tantes nécessitent le renvoi du matériel sabotage. Au même moment, le (futur)
La tour de contrôle la circulation au sol ;
à l’usine qui l’a produit. général américain William Mitchell
Tout ce qui intéresse la circulation — la salle technique, dans laquelle
fait accepter par le G. Q. G. le projet
aérienne dans la région entourant im- se trouvent groupés tous les matériels En aéronautique, la loi est de chan-
de largage d’une division entière en ar-
médiatement un aéroport est du ressort d’exploitation des liaisons air-sol, les ger systématiquement les pièces après
rière du front. La voie était ainsi tracée
de la tour de contrôle. Celle-ci assure matériels d’enregistrement de ces com- un certain nombre d’heures de vol, sans
vers deux types d’emploi de l’avion et
le service local de la navigation aé- munications, l’horloge mère de l’aéro- attendre qu’elles tombent en panne.
du parachute par les forces terrestres.
rienne en liaison avec le centre régio- port, la télécommande du balisage et de C’est la condition primordiale de la sé-
nal. D’autre part, elle surveille toute certains équipements radio-électriques curité des vols. Pour cela, dans chaque
en parallèle avec la vigie, etc. ; avion, il existe une sacoche contenant
1919-1939 :
la circulation au sol sur l’ensemble du
— la salle de contrôle des vols, qui est les fiches d’entretien de tous les maté-
expériences diverses
territoire de l’aéroport : avions et tous
autres véhicules. Le service local de en liaison avec le contrôle d’aérodrome riels existant à bord. Dès que le temps En une première période qui s’achève
la navigation aérienne a pour mission et le centre régional de la circulation de vol limite est atteint, ce matériel fait vers 1931-1932, le problème des aéro-
de faire atterrir les avions. Par beau aérienne. C’est dans cette salle que l’objet d’un échange standard. Ainsi, portés est dominé par l’évolution tech-
temps, il suffit de liaisons radiopho- sont regroupées toutes les informations presque après chaque vol, il existe des nique du parachute* et de l’avion*.
niques pour indiquer au pilote la piste à obtenues par radar, par téléphone, etc. pièces à changer. Toutes ces opérations Seules quelques expériences sont réa-
utiliser et l’instant où il peut commen- ainsi que les visites périodiques sont lisées : ravitaillement par air d’une co-
cer son approche. Par mauvais temps, Les services du trafic et la zone effectuées dans la zone industrielle. lonne française en Syrie (1926), trans-
la tour guide entièrement l’appareil industrielle Il existe encore un certain nombre de port par avion de plusieurs compagnies
par les appareillages radio-électriques La zone industrielle comporte d’une servitudes sur un aéroport pour que le britanniques d’Égypte en Iraq (1932)
d’atterrissage sans visibilité. Dans les part plusieurs hangars aménagés pour trafic puisse être assuré continuelle- pour réprimer une révolte, largage par

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

les Américains d’une batterie d’artille- supériorité aérienne lui interdira désor- agents pour préparer le débouché de leur mobilité stratégique s’accroît par
rie (1931). mais de renouveler de tels exploits. leurs troupes en Europe occidentale. la mise en service d’avions de trans-

Les Alliés, toutefois, ne prennent Mais leur action de commando la plus port à plus grande capacité et à plus
À partir de 1932, l’évolution s’ac-
le relais que deux ans plus tard. Leurs célèbre fut l’enlèvement de Mussolini, long rayon d’action, tels le « TU 114 »
célère et, en ce domaine, ce sont les
deux premières divisions aéropor- effectué le 12 septembre 1943 par un soviétique et le « C 141 » améri-
Russes qui sont les précurseurs : en
tées, engagées en Sicile (1943), y sont détachement qui se posa en planeur sur cain, capables de transporter 150 à
1935, ils larguent aux grandes ma-
durement éprouvées par suite d’une un éperon rocheux à plus de 2 000 m 200 hommes équipés ou le tonnage
noeuvres deux bataillons de parachu-
méprise tragique de la D. C. A. amie. d’altitude. Quant aux parachutistes équivalent à des vitesses de 700 à
tistes avec 150 mitrailleuses et 18 ca-
Intensifiant leur effort, ils mettent sur russes — une vingtaine de brigades —, 800 km/h.
nons. En 1936, 1 200 parachutistes,
pied successivement un corps d’armée ils eurent essentiellement pour mission Au cours de cette période, de nom-
avec leur armement lourd, sautent à
puis une armée aéroportée, avec les- de lutter au profit et aux côtés des par- breuses opérations aéroportées sont
170 km en arrière d’un front de contact,
quels ils effectueront quatre grandes tisans, notamment sur les arrières du exécutées aussi bien par les grandes
tandis qu’une division entière est aéro-
opérations en Europe (Normandie, front. que par les petites puissances, notam-
transportée de Moscou à Vladivostok.
Provence, Arnhem en 1944, franchis- Dès la fin de 1940, les Anglais ment là où éclatent des conflits locaux
Avec un retard de cinq ans au départ, sement du Rhin en 1945) et une en Bir- créèrent des formations spéciali- ou des rébellions. Mais elles ne mettent
les Allemands vont, en moins de quatre manie (mars 1944). sées pour chaque type de mission. Le jamais en ligne des effectifs supérieurs
ans, dépasser les Soviétiques. Au début
Celle d’Arnhem fut de loin la plus Bureau central de renseignements et au groupement aéroporté interarmes.
de la guerre d’Espagne, la Luftwaffe
importante et la plus audacieuse. La d’action (B. C. R. A.), chargé pour À eux seuls les Français exécutent en
effectue le transport de 9 000 soldats le compte de la « France libre » de la Indochine de 1945 à 1954, avec leurs
Ire armée aéroportée y participa tout en-
franquistes de Tétouan à Séville, et la tière, mais ce fut un grave échec, dû à la recherche du renseignement, parachuta douze bataillons de parachutistes, plus
Wehrmacht expérimente l’emploi de fois au mauvais temps et à la violence plus de 4 000 agents dont 2 500 furent de 150 opérations, pour la plupart de
détachements de parachutistes, dont le de la contre-attaque blindée allemande. tués. Des équipes dites « jedburgh », type commando. Pendant les 56 jours
premier régiment est créé en 1938. À En dix jours 3 000 avions et 2 000 pla- composées de deux ou trois officiers, du siège de Diên Bien Phu, la garnison
la même époque, en Éthiopie, les Ita- neurs transportèrent 34 000 hommes, prirent contact avec les maquis des de 12 000 hommes sera uniquement
liens ravitaillent entièrement par air 5 000 tonnes de matériel, 600 canons pays occupés. Les 5 bataillons de la ravitaillée et renforcée par air. Cinq
trois importantes colonnes, auxquelles et 1 700 véhicules. L’opération de Bir- brigade S. A. S. du colonel Sterling, bataillons de parachutistes y seront
sont larguées plus de 1 700 tonnes de manie restera sur le plan technique et mis sur pied en Angleterre, furent spé- largués et chaque jour 120 tonnes de
matériel. stratégique la plus brillante réussite des cialisés dans les actions de comman- matériel.
aéroportés alliés. En quatre jours une dos : la destruction du radar de Brune-
division fut aérotransportée en pleine val, en février 1942, fut leur premier
La Seconde Guerre L’apparition
jungle avec ses 9 000 hommes, ses exploit. Les deux bataillons français
mondiale : des unités aéromobiles
1 300 mulets et 250 tonnes de matériel, (2e et 3e régiment de chasseurs para-
développement À partir de 1960, l’emploi généralisé
puis ravitaillée par air pendant un mois. chutistes) de la brigade S. A. S. s’illus-
prodigieux trèrent en 1944, le premier en Bretagne de l’hélicoptère va peu à peu modifier
des aéroportés Missions spéciales (Saint-Marcel), le second, utilisé par le style des opérations aéroportées. Les

sticks séparés dans le reste de la France Français seront les premiers en Algérie
Dès 1940, les Allemands affirment et commandos
au fur et à mesure de l’avance alliée. à confier à des détachements héliportés
leur maîtrise : en face des deux com-
Moins spectaculaires mais souvent des missions jusque-là réservées aux
pagnies d’infanterie de l’air françaises,
plus efficaces et moins coûteuses, les parachutistes. Au Viêt-nam, les Amé-
la Wehrmacht aligne une division aéro- 1945-1960 :
missions spéciales et les actions de ricains en généraliseront et en inten-
portée, la 7e Fliegerdivision du général commandos ont joué un rôle très im- l’évolution
sifieront l’emploi, en engageant dès
Kurt Student, composée de trois régi- portant dans la conduite des opérations des aéroportés
1965 une division de cavalerie aéro-
ments de parachutistes, d’un détache- de la Seconde Guerre mondiale. Au lendemain de la Seconde Guerre mobile, ainsi nommée parce qu’elle
ment de planeurs et d’une escadre de
Au printemps de 1940, les Alle- mondiale, la composition et l’emploi possède ses propres hélicoptères puis-
transport. Utilisées comme avant-garde mands larguèrent de très nombreux des aéroportés ne varient guère. Seule samment armés et capables de trans-
stratégique, ces forces jouent un rôle
déterminant au Danemark et en Nor-
vège en avril 1940. Le mois suivant,
en s’emparant des terrains d’aviation et
des ponts, elles permettent aux Panzer
de conquérir la Hollande et de crever la
défense belge en quatre jours. L’action
la plus audacieuse sera la conquête le
10 mai 1940 du fort d’Eben-Emael, sur
le canal Albert, par une compagnie de
parachutistes déposée sur la supers-
tructure de l’ouvrage par 15 planeurs.
Un an plus tard, Student, à la tête d’un
corps de 4 500 parachutistes (700 avi-
ons de transport, 750 planeurs),
conquiert la Crète en dix jours au prix
de très lourdes pertes, dues surtout à la
D. C. A. britannique. Ce sera la der-
nière grande opération aéroportée de la
Wehrmacht, car la perte définitive de la

169
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

porter, de soutenir et de ravitailler SAS (Special Air Service), chez les Britan- Biancani et Delaville (1937), L. Dau- radioactives, peut en augmenter consi-
niques, unité larguée ou déposée à terre
trois groupements interarmes. Notons trebande (1940), R. Tiffeneau (1946), dérablement la toxicité.
en zone d’insécurité pour effectuer des
à titre d’exemple que, en novembre H. R. Olivier (1958). Les aérosols sont R. D.
missions spéciales (renseignement, sabo-
1965, les hélicoptères de cette division produits au moyen d’appareils dits A. P. Avy, les Aérosols (Dunod, 1956).
tage, guérilla).
effectuèrent plus de 50 000 sorties, aérolyseurs, par dispersion mécanique
stick, groupe de parachutistes (de 18 à
transportant 73 000 hommes et plus de 80 hommes) largués par un seul avion. et entraînement du liquide médicamen-
13 000 tonnes de matériel en perdant teux par un gaz inerte, le plus souvent
transport d’assaut, transport d’une unité
seulement 14 appareils. par hélicoptère ou par avion à atterrissage par l’air, convenablement comprimé ; aérospatial (droit)
court, posé sur un terrain de fortune en
Ainsi la mobilité et la puissance de ils sont ensuite dirigés vers les voies
zone d’insécurité.
feu des grandes unités aéroportées ne respiratoires au moyen d’un masque AÉRIEN ET AÉROSPATIAL (droit).
J. du B.
cessent de s’accroître, mais la menace ou d’une sonde. Les médicaments ainsi
que font peser sur elles, dès la mise administrés sont destinés au traitement
Aviation / Giraviation / Parachute / Trans-
à terre, les missiles à longue portée port. des affections générales ou, le plus
et les projectiles atomiques constitue souvent, broncho-respiratoires ; ce aérospatiale
désormais un lourd handicap pour leur sont des solutions dans l’eau ou dans
(industrie)
emploi. une eau minérale sulfureuse de divers
médicaments, tels qu’antibiotiques

Vocabulaire
aérosol respiratoires, théophylline, antitussifs,
AÉRONAUTIQUE ET AÉROSPA-
TIALE (industrie).
etc., solutions dont le pH doit être voi-
aéromobilité, accroissement de la mobi-
Suspension, dans un gaz, de fines
lité des formations ou du matériel mili- sin de la neutralité et la concentration
particules solides ou, le plus souvent,
taires obtenu par l’utilisation de l’espace voisine de 1 p. 100 000. Les aérosols
liquides, appelées micelles.
aérien pour évoluer ou combattre en sont administrés sur prescription et
s’affranchissant des servitudes du terrain. Qu’il soit produit par un phénomène
aérospatiale
sous contrôle médicaux, en général par
Ce concept est né de la mise en oeuvre à naturel, atmosphérique par exemple,
séries d’une dizaine de séances de 15 (médecine)
grande échelle des possibilités de l’héli- ou provoqué artificiellement, l’aérosol
à 30 minutes, quotidiennes ou biquoti-
coptère, qui a notamment remplacé défi-
constitue un système à deux phases
diennes. Les aérosols transpulmonaires ou médecine cosmonautique. Étude
nitivement le planeur pour la mise à terre
dont la stabilité dépend du nombre
de matériels lourds. Il a donné naissance ainsi préparés doivent être constitués des nuisances que l’homme est amené
et de la dimension des micelles. Ces
en 1965 à une grande unité de type entiè- à braver lors des vols dans l’espace et
de gouttelettes dont le diamètre est
dernières sont en effet soumises à dif-
rement nouveau, la division de cavalerie recherche des moyens d’y remédier.
inférieur à 5 , mais voisin de cette
aéromobile engagée par les Américains au férentes influences : gravitation uni-
valeur ; ils ne sont donc pas des disper- En dehors d’un certain nombre de
Viêt-nam. verselle (pesanteur), mouvement brow-
soïdes au sens strict du terme, mais la problèmes traités par la médecine
Cette division, qui rassemble nien intermoléculaire, phénomènes de
dimension des micelles y est calculée aéronautique*, des éléments spéciaux
15 000 hommes et 450 hélicoptères, est tension superficielle et d’adsorption.
en vue d’une absorption optimale au doivent être envisagés. Le vaisseau
essentiellement composée : L’expérience montre que l’équilibre
— de 9 bataillons d’infanterie (dont 3 de niveau des alvéoles pulmonaires. On spatial se déplace dans un milieu par-
stable du système se réalise spontané-
parachutistes) ; ticulier, celui de la haute atmosphère
ment avec le temps et qu’il est atteint constate que les particules inférieures
— d’un groupement héliporté comprenant et de l’espace.
lorsque le diamètre des micelles tend à 1 sont rejetées au cours de l’expi-
2 bataillons d’hélicoptères de transport,
vers 0,1 . Les aérosols vrais, ou dis- ration tandis que les particules plus La pression constitue le problème
capables d’acheminer en une seule rota-
persoïdes, sont invisibles, sauf en lu- grosses sont retenues par les bronches essentiel. Après la stratosphère (couche
tion le tiers de la division, et un bataillon

d’hélicoptères de combat armés de canons mière latérale sur fond noir (effet Tyn- (10 à 20 ), la trachée (20 à 30 ) ou d’air à pression atmosphérique très ré-
de 20 mm, de roquettes de 70 mm, de mis- dall), et ne mouillent pas les surfaces duite d’une trentaine de kilomètres en-
les parois nasales (au-dessus de 30 ).
siles air-sol (type S. S. 11) et de lance-gre- avec lesquelles ils sont en contact ; le viron, qui conserve et absorbe l’ozone,
D’où l’emploi, pour les usages locaux,
nades de 40 mm ; diamètre des micelles en est inférieur à celui-ci pouvant devenir un puissant
des suspensoïdes. Ces derniers, plus
— d’une artillerie divisionnaire compor- 1 . On ne doit pas les confondre avec toxique), on rencontre la mésosphère,
tant 3 bataillons héliportés d’obusiers de connus sous le nom de pulvérisations,
les suspensoïdes (brouillards, atomi- qui s’étend entre 35 et 80 km environ
105 et un bataillon d’hélicoptères armés atomisations, sont simplement obte-
sats, pulvérisations), qui sont visibles, et où la pression est extrêmement mi-
de roquettes air-sol formant une véritable nus au moyen de « bombes », flacons
mouillants, et dont les micelles ont un nime, puis la thermosphère, qui va de
base de feu volante.
étanches munis d’un gicleur et d’une
diamètre supérieur à1 . 80 à 500 km et où les constituants nor-
aérotransporté, débarqué au sol par voie valve, d’où le liquide est chassé au
aérienne après atterrissage d’un aéronef maux de l’air se dissocient en donnant
moyen d’un gaz inerte (azote, Fréons,
transporteur. Aérosols médicamenteux naissance à des éléments nouveaux ;
hydrocarbures légers) comprimé. Le
Drop zone (D. Z.), zone de largage (zone enfin dans l’hétérosphère, au-dessus
Les aérosols vrais constituent des suspensoïde ainsi obtenu, chargé des
de terrain choisie pour l’atterrissage des de 500 km, et dans l’exosphère on ne
excipients de nature à exalter considé- médicaments les plus divers (antisep-
personnels et des matériels largués par peut même plus parler de pression car
rablement l’activité de certains médi-
parachute). tiques, corticoïdes, antibiotiques), est il n’existe plus que des particules. Il est
caments, car ils sont capables de les
héliporté, transporté par hélicoptère : très fréquemment utilisé en oto-rhino- difficile de déterminer à partir de quelle
transporter à l’échelle moléculaire au
unité héliportée. || Exécuté avec l’aide d’hé- laryngologie, dermatologie, gynécolo- altitude on est hors de l’atmosphère,
niveau des organes susceptibles de les
licoptères : opération héliportée. gie. La cosmétologie et la parfumerie c’est-à-dire dans l’espace (qu’on peut
absorber ou sur les lieux où ils doivent
Landing zone (L. Z.), zone choisie pour font également un large usage des dis- situer vers 1 000 km). Il est bien évi-
agir. Bien que l’usage thérapeutique
l’atterrissage des planeurs. persoïdes. Enfin, en hygiène, les aéro- dent qu’à ces altitudes la vie est impos-
des vapeurs (fumigations) remonte à
Pathfinder (« chercheur de sentier »), per- sols sont parfois utilisés pour la purifi- sible et qu’il est nécessaire d’établir à
Hippocrate et Galien, que les pulvérisa-
sonnel parachuté en avant-garde sur les l’intérieur de la capsule une pression et
tions nasales de solutions antiseptiques cation de l’atmosphère (ateliers, salles
D. Z. ou L. Z. avec mission de les recon-
d’opérations). En outre, il est établi une composition atmosphériques com-
soient utilisées depuis longtemps en
naître, de les baliser et de guider ensuite
que la présence d’aérosols dans une patibles avec la physiologie humaine.
par radio les formations aériennes char- oto-rhino-laryngologie, l’emploi thé-
gées du largage. Il fut employé pour la rapeutique des aérosols vrais ne s’est atmosphère polluée, par exemple par La température est de – 56,5 °C dans
première fois en Normandie en juin 1944. développé qu’à la suite des travaux de des hydrocarbures ou des poussières toute la stratosphère, puis augmente

170
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

dans la mésosphère, allant jusqu’à chées. Au fond, le problème de l’ape- sions, de l’isolement, de l’apesanteur, léger que l’air (air chaud, hydrogène,
+ 80 °C, enfin diminue de nouveau santeur est assez facilement résolu. de la rupture du cycle jour-nuit, de la gaz d’éclairage, hélium).
jusqu’à – 70 °C vers 90 km. Au-delà, Beaucoup plus difficile à concevoir monotonie et de l’alimentation inhabi-
elle remonte considérablement pour est la vie des astronautes en vase clos. Introduction
tuelle. Pour qu’un homme accepte de
atteindre 1 500 °C. Le premier point à réaliser est une travailler dans ces conditions, il doit, à • Le ballon, qui est l’ancêtre de tous
Les radiations ionisantes repré- atmosphère artificielle respirable. La côté d’aptitudes techniques exception- les moyens de locomotion aérienne, a
sentent un facteur extrêmement nocif pression partielle d’oxygène à pourvoir
nelles, posséder une motivation élevée, trouvé une forme quasi définitive dès
rencontré dans l’espace : rayons cos- doit être très proche de celle qui règne
un parfait état physique et un moral à son apparition. Il est constitué de trois
miques, protons éjectés au moment des dans l’atmosphère au niveau de la mer.
toute épreuve. La sélection physiolo- éléments principaux :
éruptions solaires et surtout anneaux En aéronautique, presque tous les avi-
gique et psychologique comporte de — l’enveloppe, qui est généralement
d’électrons à intensité très élevée, ons sont pressurisés ; on y parvient en
réalisée à partir de panneaux en soie re-
multiples examens.
principalement ceux de Van Allen (an- établissant, par compression de l’air
couverte d’huile de lin et formant une
neaux interne de 600 à 6 500 km d’alti- extérieur, une pression supérieure La sélection effectuée, commence
sphère terminée à la partie inférieure
tude et externe de 15 000 à 45 000 km). dans la cabine, le renouvellement se l’entraînement des futurs cosmo- par l’appendice laissant s’échapper le
Les astronautes devront se protéger au faisant par une fuite réglable. Dans le nautes : théorique, en caisson, à la cen- trop-plein de gaz dilaté. La soupape
maximum de cette dernière source de cas d’une capsule spatiale, la pressu- trifugeuse et en simulateur. Sa durée et le panneau de déchirure permettent
radioactivité en essayant d’éviter ces risation est essentielle du fait de l’ab-
est de deux à trois ans. C’est dire que respectivement de régler la vitesse
anneaux ou en les franchissant très sence d’atmosphère extérieure. Il faut
ceux à qui l’on confie l’honneur et le ascensionnelle et d’assurer un dégon-
rapidement. L’utilisation d’écrans est rendre la capsule parfaitement étanche
danger des missions aérospatiales ne flement rapide au moment de l’atterris-
et créer une atmosphère artificielle en
en cours d’étude. sage. Le volume de l’enveloppe varie
sont ni des surhommes ni des robots,
fournissant de l’oxygène, de manière
On ne peut négliger les risques de 200 à plus de 5 000 m3 ;
à maintenir la pression constante et à mais conjuguent une grande compé-
constitués par les météorites, corps de — le filet, qui permet la suspension de
absorber le gaz carbonique produit par tence technique, une résistance phy-
masse variable se déplaçant dans les la nacelle ;
le sujet. Dans ce dessein, plusieurs sys- sique exceptionnelle et des qualités
espaces cosmiques de façon spora- — la nacelle, généralement constituée
tèmes régénérateurs ont été envisagés psychologiques certaines.
dique. Si une météorite pénètre à l’inté- en osier, qui contient les passagers et
(chimiques, physiques et biologiques) M. M.
rieur du véhicule, il y aura une fuite de les agrès (lest, guiderope, etc.).
et le problème semble à peu près ré-
J. H. U. Brown (sous la dir. de), Physiology
l’atmosphère qui y est contenue ; c’est • Le dirigeable constitue une amé-
solu. of Man in Space (New York et Londres, 1963).
la décompression, plus ou moins bru- lioration du ballon, puisqu’il n’est
/ G. H. Bourne (sous la dir. de), Medical and
Un autre point est la réalisation
tale, selon la grandeur du trou produit, plus tributaire du vent pour ses dé-
Biological Problems of Space Flight (New York
dans le véhicule spatial de l’équilibre
privant l’homme de l’oxygène vital. et Londres, 1963). / J. Colin et Y. Houdas, Phy- placements, mais capable de suivre
thermique, les cosmonautes devant se
Enfin, il ne faut pas oublier une ac- siologie du cosmonaute (P. U. F., coll. « Que une trajectoire imposée grâce à ses
trouver dans une ambiance thermo-hy- sais-je ? », 1965). / L. Tabusse et R. Pannier, Phy- moteurs. Le premier aérostat ayant
tion possible sur l’organisme du champ
grométrique optimale. Pendant le vol, siologie et pathologie aéronautiques et cosmo-
magnétique. accompli un circuit fermé est le diri-
du fait de l’absence d’atmosphère, les nautiques (Doin, 1969).
geable France, mis au point par les
En plus du milieu inhabituel et échanges de chaleur entre la capsule et
capitaines Charles Renard (1847-
hostile qu’il surmonte, l’homme de l’extérieur ne se font que par radiation.
1905) et Arthur Krebs (1847-1935)
l’espace doit tenir compte des évolu- L’homme peut résister pendant des
[9 août 1884 à Chalais-Meudon].
tions du véhicule, s’en protéger et s’y durées très courtes à des températures aérostation Les plus célèbres dirigeables furent
adapter. Selon les différentes phases extrêmes. Le confort thermique est
ensuite les zeppelins allemands, qui, à
du vol, un certain nombre de facteurs obtenu assez aisément par l’usage d’un
Branche de l’aéronautique concernant partir de 1900, furent utilisés tant dans
entrent en ligne de compte. Au départ scaphandre spatial climatisé.
les aéronefs gonflés avec un gaz plus le domaine militaire, pour des opéra-
jouent essentiellement les accéléra- En ce qui concerne l’alimentation
tions, les bruits et les vibrations. Au de l’homme dans l’espace, on a pu
retour, l’organisme doit supporter une fabriquer des aliments déshydratés,
décélération importante, et le véhicule, présentés sous forme de tablettes, de
entrant en frottement avec des couches poudre ou de produits lyophilisés. La
de plus en plus denses de l’atmosphère, boisson, nécessaire en grandes quan-
est soumis à un échauffement aérody- tités (3 litres par jour), est obtenue à
namique considérable. l’aide d’un recyclage de l’eau. Elle est
Mais la caractéristique principale contenue dans un récipient souple et,
du vol est de mettre l’homme en état pour boire, le sujet dirige le jet de li-
d’apesanteur. Il ne subit plus la force quide directement dans la bouche. Les
d’attraction terrestre et n’est soumis à déchets organiques, urines et fèces, ne

aucune force de son support. Il flotte représentent pas une question majeure.
dans le mobile et il est sans pesanteur Les urines sont recueillies dans des

par rapport à lui. Ce phénomène d’ape- poches plastiques et transférées faci-


santeur est primordial et ses effets lement dans un récipient de stockage ;

physiologiques ont pu être parfaite- quant aux matières fécales, leur désin-

ment étudiés. Un entraînement bien fection est assurée.

conduit arrive à supprimer la sensation Le facteur humain reste un des élé-


de désorientation créée par l’atteinte ments essentiels des vols spatiaux. La
du labyrinthe, qui règle le mécanisme vie du cosmonaute est en jeu, d’où
de l’équilibre. Les troubles du système un sentiment de danger permanent
cardio-vasculaire sont négligeables ; la auquel s’ajoute le fait du confinement
digestion et l’excrétion ne sont pas tou- dans une capsule de faibles dimen-

171
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

tions de bombardement, que pour le 1783 4 juin : ascension du premier aéros-


tat à air chaud (montgolfière) lancé par
transport commercial au-dessus de
Joseph (1740-1810) et Étienne (1745-
l’Atlantique Nord ou de l’Atlantique
1799) Montgolfier, à Annonay ; 27 août :
Sud. L’un des derniers construits, le ascension du premier ballon gonflé à
Hindenburg LZ-129 (1936), avait un l’hydrogène, lancé par Jacques Charles

volume de 190 000 m3 et possédait (1746-1823) et les frères Anne Jean


(1758-1820) et Nicolas Louis (1761-1828)
une autonomie de 14 000 km avec
Robert, à Paris ; 19 septembre : première
une vitesse de croisière de l’ordre de ascension d’êtres vivants (un canard, un
125 km/h. coq et un mouton) à bord d’une montgol-
fière, à Versailles ; 15 octobre : première
ascension d’un homme, Pilâtre de Rozier,
Actualité de l’aérostation à bord d’une montgolfière captive ; 21 no-
vembre : premier voyage aérien libre de la
En face des avions et des fusées, les
Muette aux Gobelins par François Pilâtre
ballons paraissent anachroniques et
de Rozier (1756-1785) et le marquis d’Ar-
comparables aux diligences. En fait, il landes (1742-1809), à bord d’une montgol-
n’en est rien, et dans certains cas ils fière (durée : 25 minutes).

trouvent encore des emplois particuliè- 1784 25 avril : première tentative de direc-
rement appréciés. Il ne faut pas oublier tion des aérostats par Guyton de Morveau

que, sous leur forme stratosphérique, et Bertrand, à Dijon ; 16 octobre : première


application de l’hélice à l’aérostation par
les ballons restèrent sans concurrence
Blanchard, à Londres.
pour la connaissance de la haute atmos-
phère jusqu’en 1957, année au cours de 1785 7 janvier : traversée de la Manche en
ballon par Blanchard et Jeffries, de Douvres
laquelle fut enregistré le dernier record
à Guines ; 15 juin : premières victimes de la
absolu d’altitude au moyen d’un sphé- navigation aérienne, Pilâtre de Rozier et
rique : 31 000 m atteints par le major Romain se tuent en ballon à Wimereux.

américain D. G. Simons. Plus tard, 1794 Première utilisation militaire du bal-


l’astronome français Audouin Dollfus lon captif par Coutelle au siège de Mau-

réalisa des observations par télescope à beuge (2 juin) et à la bataille de Fleurus


(26 juin).
très haute altitude au moyen de ballons
météorologiques assemblés en nombre 1797 22 octobre : première descente en
parachute, depuis un ballon, par Jacques
très important sous forme de grappes,
Garnerin, à Paris.
ce qui permet d’atteindre en toute sécu-
rité des altitudes très élevées. 1821 19 juillet : première ascension avec
un ballon gonflé au gaz d’éclairage, par
• Le ballon-sonde est la forme sous Charles Green, à Londres.
laquelle survit aujourd’hui l’aéros-
1844 9 juin : premier modèle de ballon
tation. Chaque jour, des milliers de dirigeable à hélices mues par une petite
ballons météorologiques sont lancés machine à vapeur du Dr Le Berrier, à Paris.

dans le monde. D’autre part, l’étude 1849 7 octobre : traversée des Alpes en
directe de l’atmosphère et de la ballon par Francisque Arban, de Marseille à

stratosphère se poursuit au moyen Stubini, près de Turin.

d’autres ballons-sondes capables 1852 24 septembre : ascension du premier


d’atteindre une altitude de 40 000 m. ballon dirigeable à vapeur d’Henri Giffard,

Ceux-ci transmettent toutes les infor- à Paris.


ricaine, semble avoir presque totale- de plates-formes d’observation et pro-
mations désirées par télémesure et ment disparu, si l’on excepte certains bablement de relais. 1859 1er-2 juillet : premier transport postal

permettent d’effectuer des mesures projets périodiquement évoqués de re- en ballon de Saint-Louis à Henderson.
• Le ballute, mariage du ballon et du
qui ne peuvent pas être réalisées mise en chantier de grands dirigeables 1870 22 septembre-28 janvier 1871 : ser-
parachute, constitue un nouveau mode
par fusées. En raison de leur vitesse à usage touristique. En 1969, une vice postal aérien entre Paris assiégé et la
de sauvetage aérien, prévu notamment
province, par 66 ballons-poste montés.
ascensionnelle très lente, les ballons firme allemande a fait construire par pour l’équipement des astronautes.
restent plus longtemps en altitude que l’ancienne fabrique des zeppelins un 1872 13 décembre : application d’un mo-
Enfin, il faut noter le renouveau de la teur à gaz à un ballon dirigeable, à Brünn.
les fusées et peuvent mesurer des phé- petit dirigeable à des fins publicitaires
montgolfière, d’une part sur le plan spor-
nomènes dont l’évolution est assez qui comporte quatre ou cinq places. 1884 9 août : premier circuit aérien fermé,
tif aux États-Unis, d’autre part sur le plan
longue. Le ballon-sonde classique accompli par le dirigeable France sous l’ac-
• Le ballon captif connaît quelque scientifique en France. En effet, le com- tion d’un propulseur mécanique, monté
étant lui-même trop fugitif, notam- regain d’activité, notamment comme mandant Cousteau a utilisé une montgol- par Charles Renard et Arthur Krebs, à Cha-
ment pour l’étude des vents à très support publicitaire. Une application lais-Meudon.
fière dotée d’un brûleur à gaz butane au
haute altitude, les chercheurs fran- particulièrement originale a égale-
cours des expéditions de la Calypso. 1886 12-13 septembre : premier voyage
çais ont mis au point, vers 1966, des ment été tentée au Canada pour le aérien de plus de vingt-quatre heures en
J. P.
ballons surpressurisés de 2 m de dia- transport sur de courtes distances, ballon.
F. Marie, les Origines de l’aéronautique mi-
mètre ne comportant pas de manche dans des régions inaccessibles où les litaire (Charles-Lavauzelle et Cie, 1924). / C. Dol- 1896 28 août : première application d’un
d’évacuation et capables de mainte- autres moyens de transport sont inu- lfus et H. Bouché, « Histoire de l’aéronautique » moteur à essence à l’aéronautique : diri-
nir une charge scientifique d’environ (dans l’Illustration, 1938). geable Deutschland, à Berlin.
tilisables. En juin 1970, un ballon
2 kg à plusieurs kilomètres d’altitude captif a été monté à 13 000 m, puis 1897 11-14 juillet : première exploration
pendant une durée d’environ un mois redescendu au large de la Corse. De Les grandes étapes de en ballon, par Salomon August Andrée,
au minimum. Nils Strindberg et Knut Frankel, du Spitz-
forme spéciale, il permet d’obtenir l’aérostation
berg en direction du pôle Nord ; 3 no-
• Le dirigeable, dont quelques exem- une sustentation aérodynamique, qui
1782 Expérience de Joseph Montgolfier vembre : première ascension d’un ballon
plaires étaient encore en service il y vient s’ajouter à la force ascension- sur les possibilités ascensionnelles de l’air dirigeable rigide entièrement métallique,
a peu de temps dans la marine amé- nelle. De tels ballons pourront servir chaud, à Avignon. le Schwartz, à Berlin.

172
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

1899 12 juin : première épreuve sportive recouvre plus particulièrement tout ce sont désormais utilisés en raison de forme de vernis durcissable. Ceux-ci
de distance en ballon, à Paris. qui concerne les matériaux utilisés et leurs qualités de résistance thermique. ont pour but de retarder le transfert de
1900 3 juillet : première ascension d’un les méthodes de fabrication. C’est le cas notamment du titane et chaleur à l’intérieur du graphite et de
dirigeable rigide, type Zeppelin, sur le lac de ses alliages. Ce métal possède une lui conférer un durcissement superfi-
À l’origine, la construction des avi-
de Constance.
ons était réalisée uniquement en bois bonne résistance mécanique entre 200 ciel capable de s’opposer à l’érosion
1901 31 juillet : première ascension à plus et 425 °C, qui compense sa densité de du jet gazeux à haute température et
et en toile. Ce n’est qu’à partir de
de 10 000 m en ballon, à Berlin.
1912 que la construction métallique 4,5. Aux températures plus élevées, grande vitesse.
1903 12 novembre : premier voyage aé- fit son apparition. Le premier appa- il perd rapidement ses propriétés, en Pour les boucliers thermiques des
rien par un engin mécanique, le dirigeable raison notamment d’une forte oxyda-
reil construit en métal est le « Tuba- capsules spatiales et des ogives de
Lebaudy, entre Moisson et Paris (62 km).
vion » de Primard et Ponche. Cette tion, qui apparaît dès 500 °C, et d’une fusée, destinés à protéger soit les astro-
1910 16 octobre : première traversée du brusque chute de résistance mécanique nautes, soit la charge scientifique ou
méthode de construction, qui devait
pas de Calais en dirigeable.
progressivement s’imposer pour tous vers 500 °C. Dans la même gamme militaire contre les très grands échauf-
1912 5 mars : première utilisation militaire
les types d’avions, ne fut tout d’abord de températures, le béryllium pourrait fements dus à la rentrée dans l’atmos-
des dirigeables ; les dirigeables italiens P-1
généralisée que pour les appareils de constituer un matériau idéal, mais sa phère, des méthodes spéciales ont été
et P-3 effectuent une reconnaissance des
fort tonnage. Quant à la construction faible densité, sa bonne résistance à mises au point. Ils sont constitués par
lignes turques à l’ouest de Tripoli.
en bois, elle s’est poursuivie jusqu’au la traction et son module d’élasticité des structures en nid d’abeilles ou
1914 Utilisation par les armées allemandes
cours de la Seconde Guerre mondiale, élevé ne peuvent compenser une très en fibre de verre, imprégnées d’une
de ballons captifs cerfs-volants (Drachen-
Ballon) pour des missions d’observation ; époque à laquelle il existait encore mauvaise tenue aux chocs et une mise matière polymérisable de très grande
remplacement en France des ballons cap- des chaînes de fabrication d’avions en oeuvre rendue difficile par sa toxi- dureté — l’opération est généralement
tifs sphériques par les « saucisses ». cité. effectuée sous vide — qui possède
de chasse tout en bois, notamment en
1915 Utilisation des dirigeables allemands Grande-Bretagne et en Allemagne. Un Les aciers, d’abord exclus en raison la faculté de se détruire par couches
pour des missions de bombardement en successives pendant l’échauffement.
pas important dans la construction mé- de leur forte densité, sont de plus en
Grande-Bretagne et en France.
tallique a été franchi avec les revête- plus utilisés en aéronautique ainsi que D’où son nom de bouclier ablatif. La
1916 Création par Albert Caquot d’un nou- ments travaillants, qui participent à la pour la construction des fusées. Parmi fabrication, d’une extrême précision,
veau ballon captif allongé, type M. nécessite un minutieux contrôle par
résistance et à la solidité de l’ensemble les nombreuses variétés d’aciers,
1919 4 avril : premier transport aérien de la structure. Avec l’augmentation rayons X, car aucun manque de matière
l’acier maraging à 18 p. 100 de nickel,
public en dirigeable entre Rome et Naples, ne peut être admis.
constante des vitesses, aux impératifs de cobalt et de molybdène a connu une
avec semi-rigide ; 24 août : premier service
de résistance mécanique se sont super- très rapide et très importante extension Les matières plastiques font aussi
régulier de transport public en dirigeable
entre Friedrichshafen et Berlin. posées les sujétions découlant de la dans la construction aérospatiale. Elle leur apparition dans la construction
tenue à réchauffement des matériaux tient essentiellement à la résistance très aéronautique, notamment pour cer-
1926 11-14 mai : première traversée com-
et des structures. Ces questions ont élevée que cet acier oppose à la propa- tains sous-ensembles non soumis à des
plète de la calotte polaire arctique par le
dirigeable Norge. pris une importance considérable en gation brutale des fissures et à la rup- contraintes thermiques importantes,
aéronautique avec le dépassement de ture en présence d’entailles combinées. et même pour des structures entières
1929 8-29 août : premier tour du monde
en dirigeable par le Graf Zeppelin, en mach 2. Dans le domaine aérospatial, Il présente, en outre, une bonne sou- d’avions légers. Les composites verre-
quatre étapes. pour les fusées et les vaisseaux spa- dabilité, même à l’état traité dur. Ces résine et carbone-résine présentent en
tiaux, ces considérations sont devenues aciers permettent d’éliminer plusieurs effet une résistance globale équiva-
1931 26 mai : première exploration de la
stratosphère en ballon libre, par Auguste primordiales puisque les mêmes struc- opérations du cycle usinage-traitement lente à celle du Duralumin pour une
Piccard et Kipfer (15 781 m). tures peuvent se trouver placées dans densité moitié moindre.
thermique, réduisant ainsi les coûts de
1931 29 août : premier service aérien tran- une ambiance à – 80 °C tout aussi bien traitement thermique et les temps de
satlantique commercial, par le dirigeable qu’à 2 000 ou 2 500 °C. Les tempéra- montage en évitant l’usinage du métal Méthodes de fabrication
Graf Zeppelin. tures extrêmes peuvent même atteindre à l’état traité dur. À cause de sa faci-
Elles évoluent non seulement en fonc-
1936 6 mai : première traversée commer- 4 000 à 5 000 °C, lors de la rentrée dans lité de soudage, de son usinage écono-
ciale de l’Atlantique Nord en service régu- tion des changements de matériaux
l’atmosphère. Dans ces conditions, non mique et de ses qualités mécaniques,
lier, par le dirigeable Hindenburg. utilisés, mais aussi pour tenir compte
seulement les matériaux ont subi une l’acier maraging est utilisé dans toutes
des impératifs nouveaux découlant du
1940 Utilisation par la Grande-Bretagne évolution, mais les méthodes clas- les pièces soumises à des efforts im-
de petits ballons captifs pour la protection vol à grande vitesse. C’est ainsi que
siques de construction ont cédé la place portants : ferrures d’attache d’ailes,
des villes et des points sensibles contre les les ateliers de tôlerie, qui constituaient
à des techniques particulières.
raids de bombardiers. trains d’atterrissage, enveloppes à
l’essentiel de la fabrication des cellules
haute résistance de fusées, etc.
1943 Utilisation par la marine américaine il y a encore une vingtaine d’années,
de petits dirigeables gonflés à l’hélium
Matériaux Jusqu’à 500 à 700 °C, les alliages ont presque totalement disparu. La ma-
pour la surveillance des côtes, la recherche à base de nickel-chrome restent les
La gamme des matériaux utilisables chine, à tous les stades, intervient pour
des sous-marins et le sauvetage des pilotes
dans l’industrie aérospatiale s’est meilleurs, notamment lorsqu’ils sont fournir des pièces de plus grande préci-
tombés en mer.
considérablement étendue. durcis au titane ou à l’aluminium. sion et parfaitement interchangeables.
J. D. Ils demeurent également intéressants
En raison de sa légèreté, l’alu- Parmi les techniques les plus nou-
jusqu’aux environs de 1 050 °C, sur-
minium, avec ses alliages, est resté velles, dont certaines sont encore au
tout pour les pièces réalisées en coulée
longtemps le matériau de base de stade du développement industriel et
de précision.
toute l’industrie aéronautique ; mais, servent uniquement pour des pièces
aérotechnique à haute température, ses propriétés ne Au-delà de ces températures, on très particulières, figurent le fluotour-
sont plus satisfaisantes. Exposé pen- entre dans le domaine encore mal nage, l’élaboration de matériaux au
Ensemble des techniques qui connu des céramiques, des cermets et
dant une heure à 250 °C, il rompt sous four sous vide ou sous bombardement
concourent à l’étude et à la mise au du graphite. Ce dernier produit est très
une charge de 28 kg/cm 2. À 300 °C, il électronique, la coulée de précision
point d’un aéronef ou d’un engin spa- cède à 15 kg/cm La résistance à chaud utilisé pour la réalisation de tuyères
2. (éventuellement sous vide), l’usinage
tial. des alliages légers dépend dans une de fusées, mais souvent, dans ce cas, par électro-érosion, l’usinage chimique
L’aérotechnique va de l’étude aéro- très large mesure de leur état (coulé il doit être protégé contre l’oxydation et électrochimique, le soudage par
dynamique de l’appareil jusqu’à ses ou transformé). Des produits, d’une et l’érosion au moyen de revêtements bombardement électronique, la projec-
essais en vol. Actuellement, le terme mise en oeuvre difficile, donc chère, céramiques projetés au pistolet sous tion de dépôts métalliques par canon

173
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

à détonation ou torche à plasma, les du matriçage, les tolérances obtenues nique de la vitesse, celle-ci pouvant linéaire utilisant une deuxième voie
techniques de bobinage de fibres de sont de l’ordre de 0,12 à 0,15 mm par être choisie d’après des données pure- d’essais de 3 km en bitume.
verre, etc. face. Les pièces présentent un bel état ment économiques, par exemple entre
L’une des techniques les plus ré- de surface et une excellente reproducti- 100 et 400 km/h selon les usages. Le véhicule
bilité dimensionnelle.
pandues dans les ateliers de fabrica- Ces principes ont été entièrement Il est essentiellement constitué d’uni-
J. P.
tion aéronautique est le fraisage dans
validés par un premier prototype ex- tés individuelles de transport automo-
Aérodynamique / Aéronautique et aérospa-
la masse, qui évite les assemblages
tiale (industrie) / Avion / Vol. périmental à échelle 1/2 qui, construit trices, conçues pour emmener de 40
par rivets. Les principaux éléments,
pour une vitesse de 200 km/h avec une à 100 passagers, soit sur des liaisons
de voilure en particulier, sont usinés
hélice entraînée par un moteur léger suburbaines comportant de nombreux
par fraisage dans un bloc métallique,
d’aviation (260 ch) et mis en route pour arrêts (gamme de 100 à 200 km/h), soit
dont il ne subsiste souvent même pas sur de longs parcours interurbains avec
le dixième de la masse initiale lorsque Aérotrain la première fois le 29 décembre 1965,
peu d’arrêts intermédiaires (gamme de
a été ensuite muni de fusées d’appoint
la pièce est terminée. On aboutit ainsi 250 à 400 km/h).
Véhicule à coussins d’air à grande vi- et poussé ainsi jusqu’à 303 km/h en
à un ensemble plus homogène, qui,
tesse, glissant sur une voie spéciale. Ce décembre 1966 et à 345 km/h en dé-
à résistance égale, est beaucoup plus Propulsion
système de transport, dont le nom est cembre 1967, sur une voie en béton de
léger qu’un assemblage en tôlerie. De
Comme ce système de transport n’est
tels panneaux sont fraisés de manière à une marque déposée, a été conçu par 6,7 km seulement de longueur, entre
fondamentalement lié à aucun mode
constituer le revêtement extérieur avec l’ingénieur français Jean Bertin et est Gometz-la-Ville et Limours.
de propulsion particulier et qu’il peut
tous ses raidisseurs et toutes ses ner- né de l’application du guidage aux vé-
Les pouvoirs publics français ont utiliser la plupart de ceux qui existent,
vures en un seul bloc. hicules à effet de sol, ou aéroglisseurs.
alors commandé une réalisation en on fait de préférence appel à ceux qui
Pour la technique de fraisage dans vraie grandeur sur un tronçon d’une n’entraînent pas de contact solide avec
la masse, tout comme pour de nom- Principe future ligne Paris-Orléans, avec un les surfaces de sustentation et de gui-
breuses autres techniques de fabrica- Le véhicule prend appui sur le sol par véhicule commercial à turbines de dage.
tion, on note une expansion impor- l’intermédiaire de plusieurs coussins 80 places circulant dans la gamme des Pour bénéficier en rase campagne du
tante et continue des machines-outils à d’air, alimentés indépendamment par vitesses de 250 à 300 km/h. Simul- bon rendement et du faible poids des
commande numérique. Les différentes de l’air soufflé à très faible pression tanément, le constructeur lançait la propulseurs d’aviation, on peut utili-
phases de la fabrication sont codées (30 à 40 g/cm 2) et bordés par des lèvres fabrication d’un véhicule suburbain ser sur les véhicules interurbains une
et enregistrées sur bande perforée ou souples à la périphérie desquelles l’air de 40-44 places à moteur électrique hélice entraînée par un ou plusieurs
ruban magnétique. On obtient ainsi une s’échappe en quantité limitée. Dans
reproductibilité parfaite, donc une in- l’Aérotrain, la sustentation et le gui-
terchangeabilité absolue des pièces. On dage sont assurés par deux jeux dis-
évite aussi toute fausse manoeuvre en tincts de coussins d’air sur une voie
cours de production. Dans le domaine fixe, constituée par une large poutre
des pièces de réacteurs, le forgeage de en forme de T inversé, dont la barre
précision permet d’obtenir des aubes verticale est en quelque sorte encadrée
de compresseurs ou de turbines en par le véhicule. Flottant ainsi sur un
grande série. Cette technique permet matelas d’air continu, le véhicule peut
de limiter au minimum, ou même de être de construction particulièrement
supprimer, les opérations d’usinage légère. La faible inertie qui en résulte
ultérieures. Les pièces réalisées en lui confère des possibilités exception-
acier, alliages légers ou réfractaires et nelles d’accélération et de freinage,
alliages de titane sont matricées sur cependant que l’élimination du frotte-
des presses de 200 à 4 000 t. À la fin ment supprime toute limitation tech-

174
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

turbomoteurs insonorisés, et entourée chaque coussin est essentielle pour la qu’il est affranchi de l’adhérence, rité posés par les constructions métal-
d’un carénage afin de réduire les bruits stabilité de l’ensemble. l’Aérotrain admet des pentes inhabi- liques. On peut aussi réaliser une voie

d’extrémité de pales et d’assurer une tuelles dans le transport public : tou- hétérogène, constituée par une ossature

garde mécanique de sécurité. Freinage jours au moins 10 p. 100, et plus dans d’ensemble et de sustentation en béton

Le freinage est obtenu en service nor- les versions fortement motorisées en — ou même au niveau du sol (terre-
Si l’on veut supprimer totalement
vue de vitesses de croisière élevées. Il plein central d’autoroute, par exemple)
mal par l’inversion du pas de l’hélice,
le bruit de l’hélice et son souffle, par
par l’action de freins ordinaires sur les en résulte des facilités d’implantation par une structure routière ordinaire en
exemple pour des lignes urbaines ou
dans les régions accidentées et souvent bitume —, sur laquelle est rapporté un
roues motrices, par le renversement du
suburbaines, on peut assurer la pro-
courant dans le moteur linéaire à in- des gains de kilométrage importants. rail central métallique pour le guidage,
pulsion par des roues à pneumatiques le freinage et la propulsion dans le cas
duction, etc. Pour le freinage d’urgence Pour ces raisons, le tracé d’une voie
s’appuyant sur la table horizontale du moteur électrique linéaire. Le béton
à grande vitesse, on peut faire appel à d’Aérotrain ne coïncide pas forcément
de la voie et qui, entraînées par des armé, moulé et précontraint présente de
des parachutes. Mais l’Aérotrain pos- avec celui d’une autre grande voie
moteurs silencieux d’automobile, ou grands avantages d’industrialisation,
sède, par sa conception propre, deux de communication, chemin de fer ou
même électriques, et n’ayant plus à puissants moyens supplémentaires par la possibilité de préfabriquer les
route, reliant le même point de départ
assurer la sustentation comme dans les éléments dans une usine de chantier,
d’arrêt. On peut tout d’abord pincer le au même point d’arrivée.
et d’uniformité de réalisation pour le
systèmes classiques, peuvent soutenir rail de guidage par des mâchoires fonc-
tionnant à la façon d’un frein à disque respect des tolérances. La surface de
dans d’excellentes conditions des vi- Aspect fonctionnel
sustentation absorbe alors la compres-
tesses de 200 km/h. développé linéairement. Prenant direc-
La section de la voie en forme de T
sion ; à sa partie inférieure, une ou plu-
tement appui sur la voie, ce frein peut
Selon le même principe, on munira inversé, sur la barre verticale duquel
sieurs âmes absorbent le cisaillement
être serré aussi énergiquement que
généralement aussi les véhicules inte- le véhicule est à cheval, rend tout dé- et la traction. La réalisation entreprise
l’on veut, sans que l’on ait à se pré-
rurbains à hélice, à titre de propulsion raillement matériellement impossible. sur la ligne d’Orléans utilise des élé-
occuper de questions d’adhérence : la
auxiliaire silencieuse pour leurs péné- D’autre part, les efforts latéraux de ments de 20 m de portée, précontraints
seule limite est le taux de décélération
guidage sont situés au voisinage du
trations urbaines terminales, de deux par six, de manière à réaliser un bloc de
maximal que l’on peut admettre pour
centre de gravité du véhicule et n’en- voie de 120 m entre les joints de dilata-
petites roues, escamotables en marche les passagers. Utilisé modérément
traînent qu’un roulis induit pratique- tion. La voie est soutenue tous les 20 m
normale, installées l’une à l’avant, comme appoint, ce mode de freinage
ment négligeable. par des poteaux portant des appuis
l’autre à l’arrière, et mues par une permet de terminer les arrêts de pré-
réglables permettant de rattraper aisé-
génératrice hydraulique entraînée par cision dans les gares plus facilement
Aspect structurel ment en service d’éventuels tassements
le moteur d’alimentation des coussins que par l’inversion du pas de l’hélice.
Toutes sortes de matériaux peuvent ou de petits mouvements de terrain.
d’air qui continue à fonctionner. Ces On peut également couper volontaire-
ment l’alimentation des coussins d’air être envisagés. L’absence complète
roues sont d’ailleurs directrices en
de sustentation : le véhicule se reçoit de vibrations communiquées à la voie Entretien
même temps que motrices pour per-
alors sur des patins destinés à le sup- par le véhicule, qui, en service normal, Cette sujétion, si lourde dans le cas
mettre, avec un volant de direction, les
porter normalement au repos et dont le n’a aucun contact avec elle, élimine en d’une voie de chemin de fer classique,
évolutions du véhicule à faible vitesse
frottement sur la voie conduit à un arrêt particulier tous les problèmes de sono- est réduite à un réglage de la voie à
sur des aires bétonnées dans les termi-
très rapide.
nus ou aux points de bifurcation consti-
tuant les aiguillages.
Équipement
Enfin, une propulsion parfaitement Le véhicule peut être équipé de dispo-
silencieuse peut aussi être assurée par sitifs ou d’automatismes permettant de
un moteur électrique linéaire à induc- régler avec précision sa marche non
tion (on réalisera pour cela le rail ver- seulement sur la position, mais sur la
tical de guidage en alliage d’alumi- vitesse, l’accélération et la décéléra-
nium), ou même, dans l’avenir, par une tion de celui qui le précède.

turbine linéaire.
La voie
Sustentation et guidage
L’Aérotrain est normalement prévu
L’une des séries de coussins d’air per- pour circuler sur une voie surélevée de
met la sustentation sur la voie maté- 5 m, tant pour des raisons de sécurité
rialisée par la table transversale du T (impossibilité d’irruption d’animaux)
inversé, l’autre série assure le guidage que pour laisser en dessous la complète

sur l’âme de la poutre constituée par la liberté du sol et faciliter en même temps

barre verticale du T, l’ensemble étant la traversée de routes ou d’obstacles.


Mais rien n’empêche d’installer la voie
symétrique par rapport au plan axial de
au niveau du sol ou même en souter-
la voie. Ces coussins sont limités par
rain. Comme pour tous les moyens de
des lèvres élastiques sans interposition
transport à très grande vitesse, le tracé
d’aucune suspension mécanique pour
en plan impose des précautions pour
soutenir ou guider la cabine. L’alimen-
concilier le confort des passagers avec
tation des coussins d’air est assurée
la force centrifuge dans les virages, en
par des ventilateurs qu’entraîne soit recherchant les plus larges rayons de
un turbomoteur insonorisé, soit un courbure possibles. Des précautions
moteur électrique, dans le cas où l’on analogues sont à prendre pour les rac-
choisit une propulsion purement élec- cordements dans le profil en long entre
trique. L’alimentation indépendante de pentes différentes. En revanche, parce

175
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

chaque poteau de soutien, afin d’assu- Cependant, le profil et le tracé de la la ville d’Europe qui se développe le rale. Dans le Portement de Croix, dans
rer le parfait alignement longitudinal voie exigent de grands rayons ; aussi plus rapidement. Sa richesse commer- l’Ecce Homo, Aertsen montre qu’il
et transversal nécessaire au bon fonc- son implantation reste-t-elle probléma- ciale s’accompagne d’un remarquable conçoit la peinture religieuse à travers
tionnement du véhicule et au confort tique dans les sites fortement urbanisés. essor culturel, et l’on évalue à plus de un réalisme cosmique qui s’approche
des passagers. Malgré ses capacités d’accélération et quatre cents le nombre des artistes qui parfois de celui de Bruegel*.
de décélération qui permettent à l’Aé- y travaillent à cette époque.
Le réalisme d’Aertsen l’oppose à
Économie du système ; rotrain de réduire considérablement Le peintre a-t-il fait le voyage d’Ita-
une partie de la peinture flamande de
l’intervalle entre les véhicules, l’em- lie ? Le fait que Vasari* parle de lui
perspectives son temps qui cherche à imiter l’Ita-
ploi de ce mode de transport semble ne suffit pas à le prouver, l’historien
Le développement économique et lie — ainsi font les peintres Jan Van
réservé à des relations lointaines pour italien ayant eu des correspondants aux
l’urbanisation exigent de nouveaux Amstel (actif à Anvers entre 1524 et
lesquelles des fréquences de l’ordre du Pays-Bas. En 1542, Aertsen épouse la
moyens de transport en site propre, quart d’heure en heures creuses et de tante du peintre Joachim Beuckelaer, 1541) et Maarten Van Heemskerck
soit pour desservir des agglomérations cinq minutes en pointe étaient l’apa- son cadet et élève. Après 1556, il re- (1498-1574) —, insiste souvent sur les
nouvelles, soit pour dégager des iti- nage des services de banlieue. tourne à Amsterdam ; la mode, à An- musculatures et les perspectives archi-
néraires encombrés, en particulier les vers, a sans doute tourné en la faveur tecturales. Un style de composition
Enfin, le coût total d’exploitation, y
dessertes d’aéroports, soit pour assu- trop exclusive de la nouvelle école original par l’élongation des figures
compris la part du financement de l’in-
rer des liaisons interurbaines de haute maniériste, dominée par Frans Floris*. souvent posées de biais, par la nou-
frastructure, est de l’ordre du tarif ac-
densité à des vitesses et surtout à des veauté de la mise en page (et parfois
tuel de première classe de la S. N. C. F. On connaît entre vingt-cinq et trente
fréquences élevées, qui sur les lignes tableaux de Pieter Aertsen, dont une di- aussi le peu de rigueur anatomique) a
pour une fréquentation de 4 000 pas-
existantes seraient incompatibles avec zaine non signés, mais attribués d’une fait qualifier Aertsen de maniériste. Il
sagers par jour dans chaque sens, et
le maintien du trafic marchandises. façon assez sûre. Cette production est
tombe au niveau de la deuxième classe s’en faut de beaucoup qu’il rejoigne
Bien que des réalisations concur- de la S. N. C. F. dès que le trafic atteint inégalement partagée entre les scènes l’intellectualisme littéraire dont se
rentes soient expérimentées en Angle- 7 500 passagers par jour dans chaque de genre et la peinture religieuse ; nourrit le maniérisme* italien. Grâce
terre, aux États-Unis et au Japon, l’Aé- sens. Ses avantages ont finalement encore celle-ci est-elle le plus souvent
à lui, au contraire, la scène de genre —
rotrain apporte à ces problèmes une valu à l’Aérotrain d’être choisi pour la traitée dans un esprit qui l’apparente à
cuisinières représentées en gros plan,
solution originale qui se caractérise liaison entre le quartier de la Défense la scène de genre. Les titres des oeuvres
vigoureusement dessinées, aux coloris
et la ville nouvelle de Cergy. d’Aertsen sont révélateurs : la Fer-
par une sécurité quasi totale, des per- éclatants — et la nature morte — l’Étal
mière, du musée de Lille (1543) ; les
formances de vitesse, d’accélération et J. D.
de boucher du musée d’Uppsala —
Cuisinières, des musées de Bruxelles,
de freinage exceptionnelles, l’absence conquièrent leurs lettres de noblesse.
de Gênes et de Stockholm ; plusieurs
complète de vibrations pour le voi-
Marchandes de légumes ; le Repas de Cette indépendance apparente à
sinage et un allégement général des
paysans, la Danse des oeufs, les Fai-
véhicules et des infrastructures, qui ne Aertsen (Pieter) l’égard de l’Italie a sans doute été la
seurs de crêpes des musées d’Anvers, cause de l’oubli où fut longtemps plon-
sont soumis en service normal qu’à des
d’Amsterdam et de Rotterdam. On a gée l’oeuvre de Pieter Aertsen. Van
efforts uniformément répartis, généra- ou AERTSZ, peintre néerlandais (Ams-
fait de Pieter Aertsen un des premiers
terdam 1508 - id. 1575). Mander, sans remarquer ce qu’elle doit
teurs de frais d’entretien particulière-
représentants du réalisme populaire et
à l’influence de Venise, la méprisait de
ment réduits. Cette légèreté permet la Nous savons par Carel Van Mander, paysan. Il est bien vrai que, lorsqu’il
construction d’une voie surélevée qui ne point imiter la manière romaine. De
premier historien de la peinture des peint le Christ chez Marthe et Marie, il
laisse l’utilisation du sol entièrement nos jours on ne pense plus que toute
Pays-Bas, qu’Aertsen naquit à Amster- s’intéresse d’abord à Marthe, la ména-
libre pour les besoins de la circulation bonne peinture, au XVIe s., venait d’Ita-
dam, où son père était fabricant de bas. gère, et consacre une bonne part du ta-
des personnes, des véhicules, du chep- Mais une grande partie de son activité lie. L’oeuvre de Pieter Aertsen réaf-
bleau à la description de la compagnie.
tel et du matériel agricole, et cela pour se situe à Anvers, où sa présence est firme l’existence d’un génie pictural
Cela ne signifie pas forcément qu’il
un coût kilométrique en voie double attestée vers 1525. Il y est inscrit à la subordonne la peinture religieuse à la proprement nordique, au reste magni-
qui est de l’ordre de la moitié de celui corporation des artistes. Aertsen est peinture de genre. Depuis 1540 envi- fiquement exprimé par son contempo-
d’une autoroute à deux fois deux voies, donc placé dans un milieu urbain d’une ron, les peintres des Pays-Bas avaient rain Bruegel.
dont le potentiel de trafic de personnes activité prodigieuse. Dans la première coutume d’inclure les scènes reli- E. P.

serait environ de 40 p. 100 inférieur. moitié du XVIe s., en effet, Anvers* est gieuses dans le contexte de la vie ru-

176
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

majorité d’Issas et de Somalis, plus libre, et un bataillon somali prend de l’Administration, mais, au sein du
Afars et des nombreux aujourd’hui que les Afars. part aux combats de la Libération en Conseil de gouvernement, trois de ses

Issas (Territoire Le territoire est divisé en 4 cercles France. ministres se désolidarisent de lui et

(Ali Sabieh, Dikhil, Tadjoura, Obock) En 1946, la Côte française des So- réduisent sa majorité. Parallèlement,
français des) le P. M. P. connaît une éclipse après
et 1 district (Djibouti). Ali Sabieh est malis devient territoire d’outre-mer.
un village autour d’une station de che- La mise en oeuvre du nouveau statut la condamnation de son président pour
Région de l’Afrique orientale située au menées subversives. En 1966, l’oppo-
min de fer, avec une école, un dispen- soulève de grandes difficultés, dues
2
fond du golfe d’Aden ; 21 700 km ; sition au vice-président menée par
saire et une mission catholique. Tad- aux rivalités tribales et ethniques. En
125 000 hab. Capit. Djibouti. Mohammed Kamil et par Hassan Gou-
joura, seule agglomération antérieure 1949, l’élection d’un sénateur somali
led se développe, et la visite du général
aux Français, était autrefois le point de souche étrangère provoque des
La géographie de départ des caravanes montant vers émeutes, qui font trente-huit morts et de Gaulle en août sert de prétexte à de
très violentes manifestations hostiles à
l’Éthiopie. Dikhil groupe quelques une centaine de blessés.
Sa plus grande dimension est de
Aref, au cours desquelles les éléments
commerces autour d’un poste créé en À partir de 1957, l’application de la
250 km entre la côte du détroit de Bb
extrémistes réclament, avec le départ
1928, dans la région de contact entre loi-cadre de 1956, avec l’élection d’une
al-Mandab, au nord (entrée de la mer
du vice-président, l’indépendance du
les ethnies issa et afar. Obock a perdu assemblée désignée par un collège
Rouge), et le lac Abbé, au sud-ouest.
territoire.
son rôle de capitale après le choix par unique et la nomination d’un Conseil
Les frontières sont communes avec
le gouverneur Léonce Lagarde du site Les émeutes font plusieurs dizaines
l’Éthiopie et avec la république de So- de gouvernement, modifie fortement la
de Djibouti. de morts et de blessés. Un gouverne-
malie. Le territoire est profondément physionomie du territoire. En 1958, le
ment de transition est mis en place
pénétré par le golfe de Tadjoura. Les En l’absence de ressources agricoles vice-président du Conseil de gouverne-
tandis que, par référendum, le choix
régions situées au nord du golfe ainsi ou minières, la vie économique du ment, Mahmoud Harbi, un Somali issa,
est donné à la population entre l’indé-
qu’entre le fond du golfe et le lac Abbé, territoire se concentre à Djibouti, port croit pouvoir entraîner les électeurs à
pendance et le maintien au sein de la
correspondant aux trois quarts de la de transit créé artificiellement dans voter « non » au référendum et à récla-
République avec un statut rénové pré-
superficie du pays, sont le domaine des le désert, terminus de la voie ferrée mer l’indépendance. Il est battu grâce
voyant une large autonomie interne. La
Afars. La région de Djibouti, au sud du d’Addis-Abeba (exportations de café à un rapprochement des Afars et des
majorité des électeurs choisissant, le
golfe, est à dominante issa (ethnie se et peaux). À partir de 1949, l’érec- Issas modérés, menés par le sénateur
19 mars 1967, le maintien du pays au
rattachant au groupe somali). tion du territoire en une zone franche issa Hassan Gouled. L’accession de la
sein de la République française, une
favorisa l’installation d’une centaine Somalie britannique à l’indépendance
Au point de rencontre des direc- nouvelle flambée de violences éclate
de maisons d’import-export. Le port en 1960 amène ce dernier à demander
tions de fractures du fossé de la mer chez les Somalis de Djibouti.
civil et militaire s’appuie à une pointe une évolution du statut. Il est suivi par
Rouge, du fossé éthiopien et du golfe
rocheuse créant un bon site naturel. Les le nouveau vice-président du Conseil, Le nouveau statut est mis en place le
d’Aden, le territoire est essentiellement
quartiers résidentiels s’allongent du un jeune Afar de Tadjoura, Ali Aref 3 juillet 1967 et, à cette date, le terri-
constitué par des terrains volcaniques.
côté oriental de la pointe, sur le front Bourhan. Les pourparlers avec les toire prend l’appellation de « Territoire
Il possède une plaine côtière étroite et
de mer (Serpent, Boulaos). Au sud du autorités françaises à Paris échouent français des Afars et des Issas ». Ali
discontinue, qui cède très vite à l’inté-
port s’étend le quartier commerçant, la faute d’accord entre les différents re- Aref est réélu à la tête du nouveau gou-
rieur à un paysage de collines souvent
ville africaine (Magala), avec l’oasis présentants de la population. Pendant vernement, auquel participent, depuis
élevées et escarpées. Dans le prolon-
d’Ambouli et, encore plus au sud, à ce temps les jeunes évolués s’orga- 1968, des Issas modérés.
gement du golfe de Tadjoura, le lac
proximité de la ville, l’aéroport inter- nisent et fondent le parti du Mouve- G. M.
Assal occupe la partie centrale d’une
national. En 1970, le trafic du port a ment populaire (P. M. P.), qui regroupe Mais en 1972, l’opposition se
dépression fermée, à 160 m au-dessous
été de 1 083 000 t (dont 995 000 t aux de nombreux allogènes. Les éléments regroupe au sein de la Ligue popu-
du niveau de la mer. Le littoral pos-
entrées). Le trafic de transit a été très modérés de la population réagissent. laire africaine pour l’indépendance
sède de beaux récifs coralliens, géné-
fortement réduit de 1967 à 1975 par la À Paris, le sénateur afar Mohammed (L. P. A. I.), autour de Hassan Gou-
ralement du type frangeant ; d’anciens
fermeture du canal de Suez. Kamil fait adopter une loi qui modifie led et Ahmed Dini. Protestant contre
récifs de coraux quaternaires, soulevés la carte électorale et donne une majo-
Le réseau routier du territoire les arrestations arbitraires effectuées
à diverses altitudes, constituent une rité de représentants aux populations
compte 900 km, dont 45 km bitumés, à l’encontre des Issas et des Somalis,
partie de la plaine côtière, en particu- de l’intérieur, jusque-là en minorité par
400 km à revêtement non stabilisé, le contre le refus des autorités de leur
lier autour de Djibouti. rapport à Djibouti.
reste en sol naturel. Le parc automo- accorder cartes d’identité et donc droit
Le climat est désertique, avec des
bile était en 1970 de 7 200 véhicules Au même moment, quatre-vingts de vote, et contre le barrage miné qui
pluies un peu plus abondantes sur notables et représentants des Afars et entoure Djibouti afin d’empêcher la
légers et 1 062 camions. D’importants
les reliefs de l’intérieur. À Djibouti, Issas se réunissent dans la petite loca- pénétration d’éléments non afars, la
travaux d’hydraulique pastorale sont
il tombe 180 mm de pluie par an, et lité d’Arta, où ils adoptent une charte L. P. A. I. réclame l’indépendance du
actuellement entrepris (sondages) dans
le mois le plus arrosé est mars avec d’union ; en novembre 1963, les élec- territoire (le Front de libération de la
le dessein de développer l’élevage.
32 mm. Il fait chaud toute l’année : tions se déroulent dans le calme sous le côte de Somalie [F. L. C. S.] créé en
R. B.
le mois le plus froid est janvier, avec signe de cet accord et, pour la première 1963 réclamant pour sa part le ratta-
25 °C, et le mois le plus chaud juillet, fois, les Afars, qui présentent un front chement à la Somalie), la détribalisa-
L’histoire
avec 36 °C. uni, obtiennent la majorité des sièges. tion de la vie politique et une nouvelle

La population du territoire est esti- Bien que le territoire ait été acquis loi sur la nationalité française afin de
Une certaine agitation politique se
mée à 125 000 habitants, soit une den- en 1862, ce n’est qu’en 1884 que les permettre la refonte des listes électo-
développe à partir de la seconde moi-
sité moyenne de 6 habitants au kilo- Français s’installent officiellement rales qui sont en faveur des Afars pour-
tié de 1964. Tout d’abord, l’Assemblée
mètre carré. Comme près de la moitié à Obock. Dès 1888, le port est aban- tant minoritaires dans le pays.
territoriale connaît une crise interne
de la population est concentrée à Dji- donné pour Djibouti, mieux situé, et en qui amène la démission de cinq des En octobre 1975, Ali Aref, qui doit
bouti, et au moins la moitié du reste en 1896 la colonie prend le nom de Côte six conseillers issas : ceux-ci précisent faire face à une fronde parlementaire
d’autres points de la côte (Tadjoura, française des Somalis. qu’ils dénient à quiconque le droit de dirigée par le sénateur Barkat Gou-
Obock), l’intérieur du pays est presque De 1940 à 1942, la colonie, restée s’immiscer dans les affaires intérieures rat et à l’influence grandissante de la
vide. En l’absence d’un recensement sous le contrôle de Vichy, subit le blo- du territoire. Le vice-président Ali L. P. A. I. dont la représentativité a
précis, des estimations indiquent une cus anglais, puis se rallie à la France Aref dispose du soutien sans réserve été très vite reconnue par l’O. U. A.

177
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

et la ligue arabe, se déclare en faveur 1665, jeta les bases d’une organisation Marseille. S’y ajoutent deux services : à la Marine marchande, les adminis-
de l’indépendance, mais sa majorité ne nouvelle limitée aux côtes de l’Aunis, Antilles-Guyane et la Réunion. Chaque trateurs des Affaires maritimes ont
cesse pour autant de se dégrader. Au du Poitou et de la Saintonge. Les ma- direction est subdivisée en un nombre conservé leur statut militaire et portent
début de 1976, il essaie de s’imposer rins de profession y étaient recensés et variable de quartiers confiés à un admi- l’uniforme des officiers de marine avec
en multipliant les mesures policières répartis par classes appelées à tour de nistrateur, qui dispose de divers colla- parement gris.
à l’égard des non Afars, mais en mai, rôle à servir sur les bâtiments de l’État. borateurs se trouvant sous statut civil H. C.
le gouvernement français lui retire Les excellents résultats de cette ré- ou militaire. F. Guérin et Ph. Avron, Précis de législation

ouvertement son appui et négocie la forme conduisirent Colbert à la généra- maritime (Gauthier-Villars, 1949 ; nouv. éd,

1959-1965, 3 vol.).
fin de la crise à la fois avec Ali Aref liser par une ordonnance de 1681. Les Attributions
et avec l’opposition. En juillet, après marins se trouvaient donc soumis, près
La dénomination d’Inscription mari-
quelques violents incidents, Ali Aref de deux siècles avant les autres Fran-
time, devenue trop limitative, fut aban-
est contraint de démissionner, Abdal- çais, au service militaire obligatoire ;
lah Mohammed Kamil est élu président mais, en contrepartie, ils bénéficiaient
donnée en 1967 pour celle d’Admi- affectivité
nistration des affaires maritimes, qui
du gouvernement et une nouvelle loi d’un ensemble d’avantages tels que
correspondait mieux à l’étendue des
sur la nationalité française est adoptée. l’exemption des charges féodales, le Concept désignant un ensemble psy-
attributions en cause : chologique auquel appartiennent le
Le programme de M. Kamil est prati- monopole de la navigation et de la
— 1o immatriculation et recrutement,
quement celui de la L. P. A. I., sa tâche pêche dans les eaux territoriales, une plaisir et la douleur (d’origine aussi
est de négocier, en fonction des exi- dans chaque quartier, des marins
assurance maladie-accident et une pen- bien organique que morale, sociale ou
gences de ce programme et en accord si professionnels du commerce et de la
sion de vieillesse. esthétique), les émotions, les motiva-
pêche ; réglementation du travail ;
possible avec les autres formations de tions, les sentiments, les préférences
Dénommée Inscription maritime par
l’opposition, l’accession du territoire à interventions et arbitrages éventuels personnelles, les inclinations, les dé-
une loi du 3 brumaire an IV qui consa- dans les conflits entre armateurs et
l’indépendance, prévue pour 1977. sirs, les passions, les aspirations, les
crait, sans modification majeure de son équipages ;
H. Deschamps, A. Decary et R. Ménard, croyances.
principe, cette création de l’Ancien Ré-
Somalis, Réunion, Inde (Berger-Levrault, 1948). — 2o tenue, dans chaque quartier, des
/ Albospeyre, G. Bailloud, T. Bernier et R. Lamy, gime, l’institution a subsisté, dans ses registres d’immatriculation des navires
Mer Rouge et Afrique orientale (Peyronnet,
grandes lignes, pendant le XIXe s. et la Introduction
de commerce, de pêche et de plai-
1959). / I. M. Lewis, People of the Horn of Africa,
première moitié du XXe s. Elle fournis- sance ; contrôles techniques et visites Tous ces phénomènes psychiques sont
Somali Afar and Saho (Londres, 1965) ; The
Modern History of Somaliland (Londres, 1965). sait à la Marine nationale des hommes périodiques de sécurité ; ouverture appelés aussi du nom générique d’« af-
/ J.-P. Poinsot, Djibouti et la Côte des Somalis
déjà formés, avant leur appel, au métier des rôles d’équipage et autres titres de fects » pour signifier qu’ils font par-
(Hachette, 1965). / V. Thompson et R. Adloff,
très spécial de marin et qui, leur service navigation ; tutelle des stations de pilo- tie du domaine de l’affectivité. D’un
Djibouti and the Horn of Africa (Stanford, Cali-

fornie, 1968). actif terminé, ne perdant pas le contact tage ; police de la navigation ; point de vue dynamique, on doit plutôt
avec la mer, constituaient une excel- — 3o réglementation et police de la dire que l’affectivité est un niveau de
lente réserve pour le temps de guerre. pêche maritime ; comportement situé entre, d’une part,
Longtemps confiée à des commissaires — 4o liaison avec les bureaux de recru- les automatismes sensori-moteurs et
affaires maritimes de la Marine nationale, la charge de ce tement pour l’application aux marins réflexes et, d’autre part, les conduites
service fut transférée, en 1902, à un du commerce de quelques dispositions calculées qui seraient empreintes de
(Administration nouveau corps d’officiers, les admi- particulières prévues par la loi de 1965, sang-froid, de logique et d’objectivité.
des) nistrateurs de l’Inscription maritime, telles que l’affectation d’une partie L’ensemble de comportements ainsi
dont les attributions dans l’ordre admi- des marins du commerce à la Marine désigné nous renvoie, d’une manière
Service public chargé de tout ce qui in- nistratif, social et même économique nationale ; générale, au « vécu » personnel, niveau
ne cessèrent de s’étendre au détriment — 5o en temps de guerre, réquisition « éprouvé » et non réfléchi.
téresse le statut particulier des hommes
exerçant la profession de marin, ainsi de leur rôle militaire, qui se trouvait des navires de commerce et direction
Par opposition aux conduites ration-
que de la réglementation applicable peu à peu amenuisé par la réduction et générale des transports maritimes pris
nelles, l’affectivité est très tôt apparue,
aux navires de commerce, de pêche et l’évolution des besoins de la Marine. en main par l’État, qui affrète les na-
dans les conceptions philosophiques
de plaisance. La loi du 9 juillet 1965 « relative au vires dont les armateurs continuent à
aussi bien que dans la littérature et pour
recrutement en vue de l’accomplisse- en assurer la gérance.
le sens commun, comme essentielle-
ment du service national », unifiant
Historique ment irrationnelle. Pour les stoïciens,
les obligations militaires de tous les Statut et recrutement par exemple, la conduite vraiment
Jusqu’à la fin du XVIIe s., lorsque citoyens français, mit fin au régime
L’accès à l’École d’administration des digne d’un homme, étincelle du Logos
pour porter la guerre sur mer il fallait d’exception sous lequel étaient placés
pourvoir d’équipages la flotte royale, affaires maritimes, située à Bordeaux, cosmique et divin, consistait à triom-
les inscrits maritimes. Dans la pratique,
est ouvert par deux concours distincts. pher des sentiments sous toutes leurs
le recrutement en était assuré par le leurs obligations militaires étaient déjà
procédé de la presse, qui consistait à Une moitié des places est offerte aux formes (doctrine de l’impassibilité).
devenues, à peu près, celles du droit
fermer le bas quartier d’un port et à officiers de la marine marchande et Pour tous les philosophes rationalistes,
commun, tandis que, par ailleurs,
embarquer, au besoin de force, les ma- aux personnels des divers corps de la l’affectivité, essentiellement subjecti-
l’écart entre les avantages spéciaux
telots ainsi trouvés dans les tavernes Marine nationale ayant au moins rang vité, ne peut être que facteur d’erreur,
dont ils bénéficiaient et ceux des autres
et autres lieux. Cette pratique odieuse d’enseigne de vaisseau de 1re classe. et s’oppose à la pensée, à l’objectivité,
salariés se réduisait à mesure que se
n’avait même pas le mérite de l’effica- Pour l’autre moitié, peuvent se présen- à la connaissance. Réhabilitant l’affec-
développait la législation sociale sur le
cité, car elle ne pouvait procurer que ter les jeunes gens titulaires de certains tivité comme niveau de conduite, Pas-
plan général.
de très médiocres équipages, auxquels diplômes d’enseignement supérieur. cal en a donné une formule célèbre
une discipline d’une extrême sévérité L’enseignement est très particulière- pour la situer par rapport aux conduites
Structure
devait être imposée et parmi lesquels ment orienté, par divers stages à bord rationnelles : « Le coeur a ses raisons
les désertions étaient fréquentes. Ri- Les services se répartissent en cinq et à terre, vers la mise en contact direct que la raison ne connaît pas. » Le cou-
chelieu tenta de remédier à cette situa- grandes directions (dont les respon- des élèves avec les réalités maritimes rant philosophique anti-intellectualiste,
tion, mais ne put mener à bien, avant sables ont le plus souvent rang de du commerce, de la pêche et de la tendant à disqualifier la raison et les
sa mort, la réforme nécessaire, et ce contre-amiral) situées au Havre, à navigation de plaisance. Tout en étant abstractions, fait du « vécu » l’essen-
fut une ordonnance de Colbert qui, en Saint-Servan, à Nantes, à Bordeaux et à administrés par le secrétariat général tiel de la réalité humaine. À la suite

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

de la réhabilitation de l’affectivité par et passagers dans certains « états » af- de chaque test, permet de découvrir les maturation nerveuse et les expériences
l’existentialisme et aussi à la suite du fectifs faibles, et sont très développés thèmes dominants de l’affectivité et ce vitales construiraient la vie affective
rôle dominant accordé à l’affectivité et durables dans les « états » affectifs que l’on appelle les « patterns » de la ultérieure. Selon J. B. Watson, la vie
(aux « affects ») par Freud et la psycha- dits « forts » ou « intenses », à propor- personnalité profonde, c’est-à-dire les affective est fondée sur trois réac-
nalyse dans la compréhension de toutes tion de cette emprise. Par ailleurs, le structures constantes (ou chroniques) tions originelles : la peur, l’amour, la
les conduites (y compris celles qui se « vécu » (l’affectivité) est un univers, de l’univers affectif du sujet. Le sujet, colère. Ces trois réactions « incondi-
présentent comme intellectuelles, mo- c’est-à-dire que ces réactions organis- en effet, par les consignes qu’il reçoit tionnelles » (ou naturelles) composent
rales ou idéologiques), certains psy- miques, posturales et comportemen- (« ne pas utiliser son intelligence cri- toutes les autres réactions affectives
chologues contemporains confondent tales sont en relation essentielle avec tique », mais « être spontané et donner ultérieures par le jeu des condition-
« affectivité » et « personnalité », un monde de significations. Les objets, libre cours à l’imagination »), laisse nements*, c’est-à-dire des acquis de
l’analyse « en profondeur » de la per- les événements et les êtres de l’envi- paraître les significations les plus l’expérience. Wallon décrit chez le
sonnalité coïncidant avec l’exploration ronnement personnel sont perçus sur subjectives, qui expriment son niveau nouveau-né six postures de base : le
méthodique de l’affectivité. un mode non objectif ; ils n’existent affectif. plaisir, le déplaisir, l’attente, la peur, la
que comme valeurs subjectives et À travers l’expérience de ces mé- colère et la joie, toutes s’exprimant par

Nature de l’affectivité concrètes. Autrement dit, la « décentra- thodes, l’affectivité apparaît comme des comportements et des mimiques
tion » qui permet à la raison, à l’intel- caractéristiques « aptes à susciter des
un « système » perceptuel-réaction-
L’affectivité a été souvent considérée
ligence et à la conscience réfléchie de nel, sensible à certaines situations ou à réflexes conditionnels et à constituer
comme une « force », une « énergie ».
se mettre « à distance » du donné exté- certains signaux, insensible à d’autres, ultérieurement des complexes affectifs,
Cette énergie, dotée d’intensité et de
rieur, pour saisir les rapports objectifs irréductibles au raisonnement ». Selon
capable de déformer plus ou moins les
direction, animerait des conduites
entre les choses et les conceptualiser, significations intellectuelles des don- Ph. Malrieu, il y aurait quatre grands
passionnelles ou exploserait en crises
est impossible au niveau affectif. Au nées (et, plus généralement, de toute vecteurs de l’affectivité, relativement
émotionnelles d’exutoire (selon les
contraire, il y a implication personnelle indépendants les uns des autres et se
information s’offrant au moi), et cela
cas) lorsqu’elle est « libérée » ou pro-
complète dans la situation. toujours à l’insu de la conscience développant au cours de l’existence :
voquée par un stimulus-déclencheur.
réfléchie. 1o le contentement ; 2o le mécontente-
C’est l’aspect organismique-pos-
Il est même classique de considérer
ment ; 3o la peur ; 4o le désir (ou plus
tural-comportemental de l’affectivité
que la volonté n’a elle-même de force
précisément les attitudes de tension
que dans la mesure où elle s’emplit de que soulignait (trop exclusivement) Le développement
et d’attente). Chacune de ces postures
William James dans sa fameuse théo- de l’affectivité
l’énergie d’un désir, qu’elle habille de
affectives primitives serait soumise à
buts officiels plus nobles. On retrouve rie de l’émotion. « Qu’est-ce que la
Le problème psychologique est triple. un rythme fondamental, alternance de
cette thèse aussi bien chez Condillac colère, écrivait-il, sans bouillonnement
Quels sont les « états » affectifs de base mouvement et de sensation, c’est-à-
intérieur, ni coloration du visage, ni
que chez Freud. Pour arrêter ou dévier
dont tout découle ? Comment se déve- dire que chacune s’exprime par une ac-
une réaction émotionnelle ou affective, dilatation des narines, ni grincement
loppe le niveau affectif, comment se tion ou une modification organismique
la conscience réfléchie (ou toute autre des dents, ni impulsion à frapper ?...
différencient les divers affects et com- articulée avec des impressions sensi-
Une émotion humaine sans rapport
instance « supérieure » telle que self-
ment ils s’organisent pour constituer tivo-sensorielles (impression intime
control, conscience morale, raison, avec un corps humain est un pur non-
la vie affective d’un individu ? Enfin, ou sensation déclenchante, ou encore
etc.) éprouve la réalité d’un combat, être. » D’autre part, la spécificité de
quelles sont les relations entre le déve- perception du résultat obtenu).
donc postule l’existence d’une « force l’univers émotionnel est soulignée par
loppement affectif et les autres déve-
adverse » (aveugle, c’est-à-dire irra- J.-P. Sartre dans son Esquisse d’une
loppements (celui du moi, de l’intelli- Le développement de la vie
tionnelle et non objective) qui fait pres- théorie des émotions, lorsqu’il décrit
gence, etc.) ? affective
sion pour passer à l’acte, pour déter- les situations émouvantes comme la
brutale dissolution des relations ration- On peut dire, en première approxima-
miner le comportement. Le « modèle
Les affects de base tion, que deux influences opèrent au
biologique » renforce l’explication nelles ou instrumentales du monde
extérieur quotidien, laissant place à des Il est classique de dire que les deux cours de ce développement : la matu-
mécaniste puisqu’il est courant de par-
significations égocentriques et à des tonalités primitives de la vie affective ration et l’expérience.
ler de « force des instincts ». Selon la
rapports de type magique. Cette muta- sont le plaisir et la douleur (H. Wallon
théorie psychanalytique, les affects C’est, chez la plupart des auteurs, la
tion d’univers correspond au surgisse- dit aussi que les deux pôles de l’affec- référence aux stades du développement
sont l’expression des « pulsions ins-
ment de valeurs à la place des objets, et tivité sont la joie et la souffrance),
tinctives », la pulsion étant à consi- général qui leur permet de reconnaître
elle est caractéristique du niveau affec- avec, à l’arrière-plan, l’idée que l’une
dérer comme une certaine « quantité les stades du développement affec-
tif de perception et de réaction. et l’autre correspondent à la satisfac- tif. Ainsi, selon Wallon, il y aurait un
d’énergie » d’ordre biologique. En
tion et à l’insatisfaction des besoins.
fait, la notion d’« état affectif » (par stade d’impulsivité motrice liée aux
On est donc, dans cette perspective,
exemple une douleur, une joie, un Les méthodes d’analyse besoins fondamentaux, qui irait de la
renvoyé aux besoins, c’est-à-dire à la naissance à 6 mois en moyenne. Sui-
désir, une colère, une honte) est une ou d’exploration
structure de l’organisme en relation
abstraction de la raison au même titre de l’affectivité vrait un stade émotionnel-expressif, de
avec son milieu de vie. Tout besoin
que la notion de « force » (d’une émo- 6 mois jusqu’à 1 an, au cours duquel
La psychanalyse* et les psychothé- (exemples chez le nourrisson humain,
tion ou d’un sentiment) ou que celle apparaissent, dans la relation osmo-
rapies* constituent pratiquement des selon J. Bowlby : besoins d’air, de
de « quantité d’énergie ». Toute réalité tique avec l’environnement vécu, des
méthodes d’exploration de l’affecti- nourriture, de chaleur, d’amour, de
du niveau affectif est essentiellement nuances affectives telles que la dou-
vité, dans lesquelles le sujet lui-même stimulations sensitivo-sensorielles, de
organismique, posturale et comporte- leur, la colère, le chagrin, la gaieté.
procède directement à l’exploration contacts cutanés, de mouvement) est Puis, jusqu’à 3 ans, le stade de l’acti-
mentale, c’est-à-dire, en termes com-
sous la compréhension stimulante que un état de tension, donc de quête de
muns, à la fois viscérale et motrice. vité sensori-motrice (avec la marche,
manifeste le thérapeute. En psycholo- comblement avec les deux issues pos-
Tout « vécu » met en jeu le corps la parole, le sevrage, la discipline des
gie clinique des méthodes spéciales ont sibles : satisfaction et insatisfaction. sphincters) permet le développement
vivant (réaction organique et modifi-
été développées, au premier rang des-
cations physiologiques), une attitude Mais on peut aussi rechercher les de réactions affectives nouvelles cen-
quelles on trouve les techniques pro-
(une manière de percevoir et d’être par comportements fondamentaux ou trées par les désirs et leur frustration.
rapport à l’environnement) et un com- jectives (v. test). « instinctifs » de l’être humain en rela- Le stade du « personnalisme » (de 3 à
portement (action ou réaction). Tous L’analyse formelle des réponses, tion avec son environnement, les atti- 5 ou 6 ans) permet le développement
ces phénomènes ne sont qu’esquissés opérée selon des méthodes spécifiques tudes primitives à partir desquelles la d’affects sociaux primaires : négati-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

visme-opposition, puis désir de plaire, la mère à 5 ans, engendre l’inhibition intellectuelles concrètes, qui, ouvrant emprises affectives, sa capacité de
puis imitation. Enfin, de 6 à 11 ans, la des conduites sexuelles ultérieures l’égocentrisme enfantin, crée du contrôle et d’adaptation réaliste, son
différenciation affective se complète normales. L’échec de la socialisation même coup les moules des sentiments intelligence et sa créativité. Le degré
et s’achève dans le stade d’individua- à la période sensible (humiliation et sociaux ; c’est enfin au stade des opé- d’intégration des déterminants affec-
lisation, où se développent les inté- rejet par les condisciples dans la pre- rations intellectuelles formelles (aper- tifs de la conduite aux intentions trans-
rêts intellectuels (curiosité, besoin de mière école par exemple) engendre la ception des principes de la logique et cendantes du je permet d’évaluer la
comprendre...) et sociaux (jouer avec méfiance et l’agressivité dans toute des règles) que peuvent se développer normalité ou l’anormalité du sujet ;
d’autres, coopérer, s’identifier aux ca- relation humaine ultérieure. les sentiments socio-moraux et s’orga- plus simplement, elle s’évalue par le
marades ou à des héros, etc.). niser la vie affective personnelle. La degré de conscience authentique de soi.
Ainsi, des attitudes naissent, se ren-
Quel que soit le découpage des théorie de Piaget accorde une grande Car la conscience et le je sont souvent
forcent, s’organisent entre elles par
stades de référence, il est évident que place à l’influence de la constitution dupes de l’affectivité. D’une part parce
l’effet de l’expérience, et la vie affec-
le clavier des comportements affectifs progressive de l’objet et de la norme qu’elle intervient au niveau même de
tive se structure autour de ce que l’on
et des réactions émotionnelles s’étend. (progrès de la connaissance du réel) la perception, comme donatrice de
pourrait appeler des certitudes vécues
Des « périodes sensibles » existent, au sur les voies et les formes d’expression sens subjectif, d’autre part parce que
dont la plupart sont fantasmatiques,
cours desquelles surgissent des zones de l’affectivité. Fondée sur l’analyse les déterminants affectifs mettent faci-
c’est-à-dire dues à des impressions
nouvelles de sensibilité aussi bien que du développement du jugement, cette lement à leur service l’intelligence et
archaïques fixées et inconscientes, dé-
des élans affectifs nouveaux. Pour ne théorie explique bien la formation les masques sociaux, et apparaissent
terminant des réactions émotionnelles
citer que quelques exemples, les sen- des sentiments moraux, tributaires de comme idéologie, logique, morale,
types et des comportements chro-
timents négativistes et d’opposition la connaissance des normes, mais le conceptions philosophiques, vocation
niques. Certaines expériences affec-
qui marquent la troisième année sont vécu quotidien lui échappe, de même même par le jeu des mécanismes de
tives très anciennes sont ainsi devenues
en relation directe avec l’apparition du que l’explication des « ratés » du rationalisation secondaire, de sublima-
des prototypes d’impressions-compor-
je dans le langage, elle-même expres- cheminement normal. La relation est tion, de défense sociale du moi. C’est
tements modifiant la perception du réel
sive de la naissance du sentiment de vécue avant d’être pensée, les valeurs pourquoi la liberté du je passe par la
actuel, perturbant plus ou moins gra-
causalité personnelle, de la première affectives existent avant les objets, les connaissance authentique de soi.
vement l’adaptation et imposant leurs
conscience de soi et du besoin de se modalités émotionnelles de la percep- R. M.
leitmotive à toute la vie affective.
poser soi-même en s’opposant aux tion-réaction sont chronologiquement H. Wallon, les Origines du caractère chez
On appelle « complexe » l’organi- l’enfant (Boivin et 1934). / J.-P. Sartre, Es-
autres ; le sentiment d’infériorité est antérieures à l’activité intellectuelle. Cie,

sation d’un ensemble d’impressions quisse d’une théorie des émotions (Hermann,
corrélatif de la conscience d’être faible D’autres psychologues de l’enfance ont
1941). / J. Delay, les Dérèglements de l’humeur
et d’automatismes réactionnels autour
et petit, conscience qui ne peut se dé- soutenu de manière convaincante que (P. U. F., 1946). / C. Baudouin, l’Âme enfantine
des traces d’expériences archaïques,
velopper qu’à la fin de l’âge magique le mode d’existence de l’enfant avant et la psychanalyse (Delachaux et Niestlé, 1950-

cette organisation tendant à régir la six ans était entièrement affectif et que, 1951, 2 vol.). / A. Freud, le Traitement psycha-
d’identification au père, c’est-à-dire
nalytique des enfants (trad. de l’allemand et
vie affective. Le complexe ne peut que
vers 6 ans ; les sentiments sociaux à la fin de cette période, les principales de l’anglais, P. U. F., 1951). / P. Malrieu, les
s’alimenter lui-même et se renforcer formes de l’affectivité du futur adulte
(sympathie-antipathie à divers degrés, Émotions et la personnalité de l’enfant (Vrin,
(s’il n’est pas traité par la psychothé- étaient stabilisées. À certains égards, et 1953) ; la Vie affective de l’enfant (Édit. du Sca-
camaraderie, émois de l’amitié et des
rabée, 1956). / A. H. Maslow, Motivation and
rapie), car il crée des situations qui le malgré la contradiction des termes, on
élans amoureux, etc.) ne se déve- Personality (New York, 1954). / R. A. Spitz, la
confirment. peut dire qu’il y a une « connaissance
loppent qu’entre 6 et 12 ans, période Première Année de la vie de l’enfant (P. U. F.,

normale de la socialisation, etc. affective » capable de favoriser, mais 1958). / R. Mucchielli, Philosophie de la méde-

Rapports du développement aussi d’entraver la connaissance intel-


cine psychosomatique (Aubier, 1961) ; Intro-
Cependant, on ne pourrait com- duction à la psychologie structurale (Dessart,
de l’affectivité avec les autres lectuelle. Le développement normal de
prendre l’organisation de l’affectivité Bruxelles, 1967). / T. Gouin-Decarie, Intelli-
développements et les autres l’intelligence (objectivation du monde, gence et affectivité chez le jeune enfant (Dela-
de l’adulte sans faire intervenir sur le
aspects de la personnalité puis perception des rapports des objets chaux et Niestlé, 1962). / R. Zazzo, Conduites et
cours de ce développement psycholo- conscience (Delachaux et Niestlé, 1962-1968,
Selon Piaget, l’affectivité ne crée pas entre eux) ne se fait que si la relation
gique général les influences de l’expé- 2 vol.). / J. Piaget et B. Inhelder, la Psychologie
de structures, les sentiments ne s’or- affective antérieure est normale, car de l’enfant (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1966).
rience et les conditionnements. L’ex-
ganisent pas d’eux-mêmes. La vie celle-ci constitue le socle (sécurité, / G. Lanteri-Laura, Phénoménologie de la sub-
périence commence dès la première jectivité (P. U. F., 1968). / G. Amado, l’Affectivité
affective ne s’organise qu’en s’intel- réalité du réel, intérêt pour le monde
manifestation de vie relationnelle, et de l’enfant (P. U. F., 1969).
lectualisant ; c’est le développement de extérieur, possibilité affective de la
l’on sait par exemple, depuis les tra-
l’intelligence, à chacun de ses stades, décentration) sur lequel se construit la
vaux de René A. Spitz, que la manière
qui détermine les formes successives connaissance rationnelle. On a constaté
dont est vécue la relation à la mère au
de l’affectivité ; celle-ci, « énergétique que des blocages affectifs, des obses-
cours de la première année, et cela à un
sions, des régressions, des états dépres-
affiche
niveau excluant la conscience, façonne de la conduite », fournit l’élan moteur,
mais le modelage effectif des conduites sifs, chez les jeunes enfants (aussi bien
durablement ce qui sera ultérieurement Feuille de papier imprimée destinée à
viendrait des fonctions cognitives (per- que chez les adultes), provoquaient
la relation au réel et à autrui. Le rejet être placardée sur les murs. L’affiche
ception, intelligence, jugement). Selon une inhibition intellectuelle ; ainsi les
(conscient ou inconscient) de l’enfant est un mode direct d’information,
cette conception, il y aurait donc un « faux débiles » sont les enfants chez
par la mère inhibe le développement particulièrement approprié à la dif-
parallélisme étroit entre le développe- qui le retard intellectuel est unique-
général et établit l’insécurité absolue fusion commerciale des produits et
ment affectif et le développement de ment dû à des perturbations affectives.
sur laquelle fleurira l’angoisse de mort. des services ainsi qu’à la propagande
Un climat précoce de persécution har- la connaissance, pour la bonne raison Il convient de dire enfin un mot des
idéologique.
celante, que des frères plus âgés font que celui-ci façonne (met en forme), rapports entre l’affectivité et la person-
régner sur la vie quotidienne d’un à chaque stade, celui-là. Par exemple, nalité. D’un point de vue descriptif,
La préhistoire de l’affiche
enfant sans recours auprès de parents les tendances instinctives et les émo- les structures de l’affectivité ont été
trop lointains ou trop absorbés, déve- tions primitives ne donnent naissance tantôt rapportées au caractère, tantôt On serait tenté de tenir dans le passé
loppe la fuite dans l’imaginaire hallu- aux affects « agréables-désagréables » aux attitudes latentes du sujet, tantôt toute information publique manifes-
cinatoire et l’hébétude. La culpabilité que lorsque la différenciation per- à sa « personnalité profonde », mais tée par le dessin ou l’écriture comme
associée expérimentalement (par la pu- ceptive est devenue possible au stade on ne saurait négliger, dans l’appré- ancêtre de l’affiche. Ce serait notam-
nition) à la découverte du sexe à 4 ans, sensori-moteur. De même, c’est la ciation globale de la personnalité, le ment le cas des albums romains, ces
ou aux émois érotiques provoqués par décentration, créatrice des opérations degré de liberté du je par rapport aux murs blanchis à la chaux et répartis en

180
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

surfaces égales où les citoyens, sur les au point, les grands formats sont désor- veau, tendent à substituer l’angle droit Allemagne, d’Ashley Havinden en An-
places et aux carrefours, vantaient leur mais possibles, l’impressionnisme est à l’arabesque. gleterre, de Jean Carlu, Charles Loupot
marchandise ou faisaient leur propre en train de naître. Significativement, et Sepo en France, de Federico Seneca
éloge. Ou encore des enseignes, dont les premières affiches modernes sont L’avènement de la raideur en Italie. Son empreinte est sensible sur
l’essor se situe entre le XVe et le XIXe s. consacrées à des fêtes (Chéret, Bal l’oeuvre des deux grands affichistes de
Le tournant se situe au lendemain de la
et qui développaient en pleine rue, au- l’époque, en dépit de leur indéniable
Valentino, 1868), à des livres (Manet*, guerre de 1914-1918, qui avait soumis
dessus des boutiques, une véritable hé- lyrisme : le Français Adolphe Mou-
les Chats, de Champfleury, 1869), au l’affiche à une rude épreuve : répéter, à
raldique de l’artisanat et du commerce. ron, dit Cassandre (1901-1968), dont
théâtre (Frederick Walker, The Woman l’avantage de chacun des belligérants,
Mais avant toute chose l’affiche est l’invention graphique est soutenue
in White, 1871). L’indiscutable pion- la même propagande (à peu près seul,
affaire de généralité : elle ne se conçoit par une technique presque infaillible,
nier, c’est ici le Français Jules Chéret Hohlwein s’en tirera sans déchoir).
que tirée à des centaines, voire des mil- et l’Américain E. McKnight Kauffer
(1836-1932), qui, jusqu’en 1900, cou- Mais c’est la révolution russe qui
liers d’exemplaires, donc susceptible (1890-1954), chez lequel la rigidité est
vrira les murs de Paris de flambées de donne naissance à la première affiche
de concerner des appétits multiples et combattue par le sens du dynamisme.
joie et de grâce. Alors que la peinture abstraite : le Coin rouge enfonce les
identiques et de leur proposer quelque Avec plus de fantaisie, Joseph Bin-
Blancs (Lissitski*, 1919). En Alle-
satisfaction. Aussi se trouve-t-elle officielle se complaît dans la grisaille, der (Autriche, 1898-1972) poursuit
magne, le Bauhaus* va codifier, sous la
techniquement liée à la découverte des la franchise des couleurs et l’audace l’aventure de Hohlwein, tandis que
direction d’Herbert Bayer (né en 1900),
moyens de grande diffusion et dépen- du dessin de ce Tiepolo de l’affiche Herbert Matter (Suisse, 1907) adapte
la tendance rigoriste qu’illustrent dans
dante économiquement du développe- font sensation, préparant le regard vigoureusement, vers 1935, le photo-
le même pays Walter Dexel, Johannes
ment de la production industrielle et des des contemporains à la révolution montage à l’affiche touristique. Même
Molzahn, Xanti Schawinsky, Joost
échanges commerciaux. L’invention de Paul Colin (France, 1892) n’échappe
picturale.
Schmidt, Jan Tschichold, aux États-
l’imprimerie provoque l’apparition des pas à la raideur ambiante, qui se trans-
Unis Austin Cooper, en Hollande Pie-
premières affiches connues (1477, en mettra à ses compatriotes Guy Geor-
L’arabesque victorieuse ter Zwart, en Suisse Théo Ballmer et
Angleterre, celle de William Caxton ; get, Jacques Nathan-Garamond et Ray-
Max Bill. De nos jours encore l’école
1482, en France, le Grand Pardon de En 1891, lorsque Toulouse-Lautrec* mond Savignac.
de Zurich et, en Allemagne, Otl Aicher
Notre-Dame de Reims), mais seul le fait son entrée fracassante avec la
et Anton Stankowski illustrent cette
XIXe s. allait entraîner la naissance de Goulue au Moulin-Rouge, il apporte à Le réalisme
tendance. Fréquemment, on constate
la véritable affiche moderne, expres- l’affiche les préoccupations de l’avant- photographique
que son aboutissement logique est
sion frappante de la société de consom- garde : la leçon reçue des estampes
l’affiche purement typographique. Un Le souhait, commun à la majorité des
mation et de la concurrence perma-
japonaises et de Gauguin s’exprime
schématisme moins systématique, qui annonceurs, de voir l’affiche repro-
nente des intérêts qui la caractérise.
par des aplats de couleur vive cernés vise à réduire le personnage ou l’objet duire fidèlement les apparences de la
Une peinture de John Parry, datée de
d’une arabesque souple et vigoureuse. à un idéogramme élémentaire mais marchandise célébrée va curieusement
1840, nous montre les murs londoniens
Celle-ci, dont le triomphe se confond éloquent, caractérise entre les deux se trouver renforcé vers 1925 par le réa-
assaillis d’affiches. Les autorités sont
avec celui de l’Art* nouveau, devient guerres la démarche de Wilhelm Def- lisme exacerbé de la Neue Sachlichkeit
contraintes de prendre des mesures
l’organisatrice toute-puissante de l’af- fke, O. H. W. Hadank, Ernst Keller en (« nouvelle objectivité ») allemande et
d’urgence : en Angleterre, on interdit
d’afficher sur les propriétés privées fiche et, alors même quelle se déver-

(1839) ; à Paris, le préfet Rambuteau gonde en fioritures, ne perd rien de son

fait édifier des colonnes réservées à efficacité, du foisonnement anguleux


l’affichage (1842). de l’Américain Will Bradley (1868-
1962) aux complaisances courbes du

Naissance Tchèque Alfons Mucha (1860-1939).

de l’affiche moderne D’ailleurs, la réaction contre les excès


de l’Art nouveau va venir non pas du
Pourtant, l’affiche n’a pas encore trouvé
courant réaliste (en France, H. G. Ibels,
son statut. Le plus souvent typogra-
T. A. Steinlen), mais de ceux qui ont
phique, elle s’orne quelquefois d’une
vignette dans l’esprit des illustrations grandi dans le sérail, comme Lucian

de livres ou dans celui des annonces Bernhard, Thomas Theodor Heine,

de presse. Il lui faudra découvrir sa Julius Klinger et Jupp Wiertz en Alle-


propre esthétique dans la rencontre magne, Koloman Moser en Autriche,
d’un texte bref mais incisif avec une John Hassall en Angleterre, Marcello
image simple et saisissante, faite pour Dudovich et Adolfo Hohenstein en
être aperçue et comprise de loin et d’un Italie. L’arabesque se raréfie avec
seul coup d’oeil. Or, cette découverte, une belle sobriété chez les « Beggars-
ce ne seront ni les industriels, ni les
taff Brothers » (pseudonyme sous
commerçants, ni les publicitaires qui
lequel collaborent les Anglais James
la feront, mais les artistes. Telle est la
Pryde [1869-1941] et William Nichol-
raison pour laquelle l’affiche moderne
son [1872-1949]), feint de s’éclipser
naît en même temps que l’art moderne,
devant les verticales chez l’Allemand
c’est-à-dire il y a environ un siècle :
Ludwig Hohlwein (1874-1949), se
car l’art moderne participe lui aussi de
concentre en dynamite chez le Français
cette volonté de simplifier l’image, de
l’épurer, de la débarrasser du bavar- d’origine italienne Leonetto Cappiello

dage académique et du détail oiseux. (1875-1942). Mais le cubisme, puis les

Vers 1866, toutes les conditions sont débuts de l’art abstrait, en favorisant
réunies : la lithographie en couleurs est la liquidation définitive de l’Art nou-

181
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Prop Art (EP-Denoël, 1972). / M. Gallo, l’Affiche


par l’exactitude onirique d’une partie les affichistes. L’univers de désolation de fabrication. Au cours des réaffû-
miroir de l’histoire (Laffont 1973).
de la peinture surréaliste, de même que décrivent les Hongrois György tages successifs, on ne meule souvent
que par la diffusion du photomontage Konecsi et Gábor Papp est souvent, qu’une ou deux faces, ce qui simplifie
à l’échelle internationale. Otto Baum- chez les Polonais, transcendé par une beaucoup le travail de remise en état.
berger à Zurich, mais surtout Niklaus fantaisie libératrice. Ainsi en va-t-il
Stoecklin à Bâle vont pousser jusqu’à affûtage
de Jan Lenica, de Jan Modoeniec, Forme des tranchants des outils
une incroyable virtuosité le « trompe-
de Józef Mroszczak, mais davantage de coupe
l’oeil » publicitaire. Le plus brillant Ensemble des opérations qui visent à
encore de Roman Cielewicz (né en
donner à un outil de coupe les faces, Tout outil de machine comporte une
élément de l’école de Bâle est certai-
1930), le plus puissant de tous. L’af-
arêtes, angles et état de surface néces- partie active, appelée quelquefois coin
nement Herbert Leupin (né en 1916),
fiche polonaise fera école à Cuba,
rompu à tous les styles, élégant, drôle et saires à sa bonne utilisation. taillant, à l’extrémité d’un corps d’ou-
engendrant une production originale
précis. J. S. Anderson et Abram Games til. Conçues pour pouvoir découper et
Compte tenu de la dureté des outils
en grande partie consacrée à la pro-
en Angleterre, Lester Beall et Leo cisailler la matière, ces parties actives
de coupe eux-mêmes, les opérations
pagande. En Europe, la réaction aux
Lionni aux États-Unis, Donald Brun, d’affûtage s’effectuent presque exclu- se présentent essentiellement sous
contraintes réalistes ou abstraites anté-
Hans Erni et Pierre Gauchat en Suisse, sivement par abrasion à la meule. L’af- forme d’arêtes tranchantes, formées
Léon Gischia en France, J. Lewitt et rieures s’est manifestée par une faveur
fûtage est un meulage lorsque l’outil, par l’intersection de deux surfaces :
J. Him (ils signaient Lewitt-Him) à particulière pour les libertés du pinceau
tenu à la main, est appuyé contre la l’une appelée face de coupe, qui forme
Varsovie puis à Londres contribuent à et une place plus grande faite à l’hu-
meule. Il devient une rectification le copeau, l’autre appelée face de dé-
ce que cette exactitude bascule souvent mour. Quant à l’affiche japonaise, en
lorsque l’outil à usiner est maintenu pouille, qui glisse sur la surface usi-
dans l’irrationnel. Néanmoins, l’affiche dépit de sa variété, elle se plaît dans un
mécaniquement, les positions relatives née. La machine force l’outil à pénétrer
photographique en couleurs va bientôt maniérisme ultra-décoratif et dans les successives de l’outil et de la meule dans la matière tout en l’empêchant d’y
apparaître aux agences et aux clients, couleurs bonbon. étant prédéterminées et variant suivant plonger.
selon la loi du moindre effort, comme
une loi fonction du réglage de la chaîne
la solution idéale. En dépit de réussites
Le triomphe cinématique de la machine. Toutefois,
incontestables, surtout lorsque l’uti-
des « posters » dans ce dernier cas, on dit plus couram-
lisation de la photographie est déter-
ment affûtage au lieu de rectification,
minée par un véritable affichiste (le Déjà depuis longtemps recherchées et
cette dernière expression étant plutôt
Suisse Josef Müller-Brockmann, par appréciées (la première étude sur l’af-
réservée à l’usinage à la meule des sur-
exemple), c’est à une telle paresse que fiche date de 1884, la première expo-
faces planes et cylindriques de pièces
l’on est redevable de la médiocrité ac- sition de 1888), les affiches ont connu mécaniques. dont l’arête est normale au sens de
tuelle des affiches commerciales fran- depuis quelques années, sous leur déplacement de l’outil. Sur les ma-
çaises, devenue plus sensible encore appellation anglo-saxonne de « pos- chines dites à mouvement rectiligne,
depuis les événements de mai 1968. Généralités
ters », un engouement sans précédent, l’outil est animé d’une translation de
surtout dans la jeunesse. Cela tient es- Un outil de coupe comporte, dans
vitesse V, le plus souvent perpendicu-
La violence et le rêve sentiellement à l’apparition récente des sa partie active, des arêtes de coupe
laire à son arête, et il enlève une épais-
constituées par les intersections de sur-
Ce n’est pas seulement la tension de affiches « psychédéliques », écloses seur h de matière sur la face plane de
faces usinées à la meule. Les formes de
ces journées de mai qui explique la principalement dans la région de San la pièce. La face active OB, ou face de
ces surfaces, leurs angles, leurs lignes
fraîcheur et la qualité des affiches sé- Francisco autour des vedettes de la coupe, refoule et détache le copeau.
d’intersection sont exactement défi-
rigraphiques alors composées, tirées « pop’music ». Sur les traces de leur L’arête tranchante O, encore appe-
nies à la suite de considérations théo-
et diffusées en quelques heures dans aîné Milton Glaser (États-Unis, 1929),
riques, d’expériences et de travaux de lée tranchant, dresse la surface de la
Paris, mais le fait que pour la première Peter Max (Allemagne, 1937), Victor
normalisation. Le but de l’affûtage est pièce suivant le plan formé par l’arête
fois en France l’affiche se faisait le vé- Mossoco (Espagne, 1936) et Wes Wil-
donc d’obtenir, ou de rétablir, la forme tranchante et la droite Ox. La face OA
hicule spontané d’une émotion. L’ex- son (États-Unis, 1937) ont fait fleurir
exacte de la partie active de l’outil. de l’outil (la face de dépouille) n’in-
pressionnisme* n’a eu, en effet, aucune un style flamboyant et capricieux qui
Il faut, en outre, que les faces soient tervient que pour donner une forme
répercussion sur l’affiche française
renoue sans peine avec l’Art nouveau.
polies, de manière à présenter un bon solide à l’outil. L’affûtage doit être tel
jusqu’alors, et si l’on veut découvrir
Ce succès coïncide avec un retourne- état de surface et permettre ainsi un que cette face soit inclinée, de manière
des exemples comparables aux images
ment culturel inattendu : depuis une glissement facile du copeau sur la face à ne toucher la surface engendrée que
de mai 1968, c’est en Europe centrale à
douzaine d’années, c’est l’affiche qui de coupe. Aussi utilise-t-on presque
la veille et au lendemain de la Première par le tranchant O, car tout contact en
influence l’art d’avant-garde, d’une toujours deux meules différentes :
Guerre mondiale qu’il faut les cher- arrière de cette arête donnerait lieu à
part avec les « affiches lacérées » de l’une à gros grains, pour enlever rapi-
cher : en Hongrie avec Mihály Biró, des forces de frottement conduisant
Mimmo Rotella (Italie, 1918), d’autre dement beaucoup de matière et rétablir
en Autriche avec Oskar Kokoschka*, à la détérioration rapide de l’outil et
part avec le « pop’art* » américain, la forme de la partie active de l’outil,
en Allemagne avec Heinz Fuchs et de la pièce usinée, par échauffement
dont deux des principaux leaders, c’est la meule d’ébauche, l’autre, plus
Max Pechstein, en Pologne avec Jan et grippage. L’angle d’inclinaison
Mucharsky, en Tchécoslovaquie avec James Rosenquist et Andy Warhol, fine, pour améliorer l’état de surface
de cette face sur la surface
Josef apek. La seule exception à cette sont d’anciens dessinateurs publici- des faces actives de l’outil et la finesse
usinée est appelé angle de dépouille
règle nous serait sans doute fournie taires. L’histoire de l’affiche serait-elle d’arête, c’est la meule de finition. Pour
ou angle de détalonnage. La face OB
par les affiches politiques du peintre terminée ? les outils avec pastilles rapportées en
forme avec OA l’angle d’acuité ou
américain Ben Shahn (mais il est né J. P. carbure de tungstène, on améliore en-
angle de tranchant . L’angle
en Lituanie, en 1898). Sans doute pour Lo Duca, l’Affiche (P. U. F., coll. « Que sais-
core le poli au voisinage de l’arête de
coupe, soit à la meule diamantée, soit de coupe est la somme des
les mêmes raisons qui avaient permis je ? », 1945 ; 6e éd., 1969). / B. Hillier, Plakate

(Hambourg, 1969). / A. A. Moles, / l’Affiche dans à l’affiloir à main. C’est une sorte de angles d’acuité et de dépouille. Son
à la souffrance des peuples de s’expri-
mer par l’affiche dans cette partie du
la société urbaine (Dunod, 1969). / F. Enel, l’Af-
superfinition. Le meulage de toutes les complément est l’angle de
fiche, fonctions, langage, rhétorique (Mame,
monde, après 1945 c’est en Hongrie faces de la partie active n’est, en géné- dégagement ou angle de pente. Plus
1971). / J. Hampel et W. Grulich, Politische Pla-
puis en Pologne que l’influence du kate der Welt (Munich, 1971). / J. Barnicoat, His- ral, effectué que lors du premier affû- l’angle d’acuité ou de tranchant est
surréalisme sera la plus grande chez toire des affiches (Hachette, 1972). / G. Yanker, tage, celui qui termine les opérations aigu, plus la coupe est facilitée, mais

182
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

la résistance propre de l’outil en est — sur la direction des efforts reçus par deux arêtes de coupe, la forme du coin de la meule. Néanmoins, le réaffûtage
diminuée. l’outil ; taillant étant fonction du travail à réa- fréquent conduit dans son ensemble à
— sur la répartition de la matière enle- liser (chariotage, tronçonnage, filetage, des économies. En effet, travailler avec
vée le long de cette arête. etc.). L’outil en question peut être soit un tranchant émoussé augmente le frot-
entièrement en acier rapide (alliages de tement et l’échauffement de l’outil et
Conditions générales pour tungstène, ou de tungstène, chrome et de la pièce, ce qui accélère l’usure de
réaliser un bon affûtage vanadium, ou de tungstène et cobalt, l’outil et conduit à un très mauvais état
ou encore de molybdène, ou de tungs- de surface des pièces usinées. L’affû-
1o La pression de meulage ne doit pas
tène et molybdène), soit en acier avec tage des outils d’étau limeur et de ra-
être trop forte.
une pastille rapportée en carbures boteuse est analogue à l’affûtage des
2o Le liquide de refroidissement doit
métalliques frittés, juste suffisamment outils de tour.
couler abondamment pour empêcher
grande pour que les arêtes de coupe
réchauffement de l’arête que l’on af-
puissent être taillées dans cette pastille.
fûte et provoquer ainsi une modifica- Affûtage des outils
Affûter un outil à charioter, qui est
tion de structure du matériau consti- de perçage, ou forets
Affûter un outil, c’est donc usiner l’un des plus utilisés, consiste à enlever
tuant la partie active de l’outil.
à la meule la face de coupe et la face par meulage suffisamment de matière Le foret est un outil cylindrique com-
3o Il faut toujours utiliser la face
de dépouille, de manière que les dif- respectivement sur les faces m n n m et portant deux rainures hélicoïdales et
plane de la meule et n’utiliser la face
férents angles précédemment définis n p p n et, si nécessaire, également sur terminé par une tête quasi conique.
cylindrique que dans certains cas
aient des valeurs déterminées suivant la face m n p. De plus, selon que l’on L’affûtage se limite aux deux tran-
exceptionnels.
la nature de la matière à usiner et celle désire un outil à pointe vive, à pointe chants du foret, c’est-à-dire aux arêtes
4o Si l’on affûte à la main, il faut
qui constitue l’outil. arrondie ou à pointe chanfreinée, on ar- d’intersection (AB et CD) des deux
contrôler les angles de détalonnage
rondit ou on chanfreine l’arête n n. On rainures hélicoïdales avec la surface
• Outil quelconque. Chaque outil et de dégagement à l’aide du calibre
effectue cette opération soit à la main, de la pointe. Ces deux arêtes appelées
comporte une ou plusieurs arêtes tran- d’affûtage.
soit à l’aide d’un montage, en opérant encore lèvres de coupe arrachent le
chantes, dont les faces peuvent être 5o Il convient, s’il est nécessaire, de
d’abord sur une meule dégrossisseuse, copeau et permettent au foret d’avan-
courbes. Très souvent, l’arête tran- dresser les meules utilisées à l’aide
puis en rectifiant sur une meule fine. cer dans la pièce à percer ; c’est dans
chante est elle-même courbe. Pour dé- d’un diamant.
Avec les outils à mise rapportée en car- la zone de ces deux arêtes que le foret
terminer les caractéristiques de l’affû- 6o Il faut utiliser d’abord la meule de
bure de tungstène, on enlève d’abord s’use. Le pas des rainures hélicoïdales
tage de cet outil, on est ramené au cas dégrossissage, puis la meule de finition.
la matière du porte-outil sur une meule correspond à l’angle de dégagement ,
précédent en remplaçant tout au long
en corindon, puis, pour affûter la pla- la face de coupe de l’outil élémentaire
du tranchant la face de coupe, la face Affûtage quette en carbure fritté, on utilise une correspondant étant le plan tangent
de dépouille et la surface engendrée des outils de tour meule en carbure de silicium. ABx à la surface hélicoïdale, qui passe
par leurs plans tangents respectifs,
Les outils de tour sont essentielle- Le réaffûtage d’un outil correspond à par l’arête AB. Afin que les tranchants
car, à une faible distance de l’arête,
ment des barreaux en acier spécial à une durée de travail apparemment non principaux puissent s’enfoncer dans la
l’outil ne touche plus ni le copeau ni
section carrée, terminés par un coin productive et se traduit par une perte pièce, la surface côté pointe ABy est
la pièce, et il n’y a plus d’interaction
taillant obtenu par affûtage d’une ou de d’acier ainsi que par une certaine usure abaissée de l’angle de dépouille ,
entre l’outil et la pièce. Un outil quel-
conque peut se décomposer en une
infinité d’outils schématiques élé-
mentaires, infiniment minces, orien-
tés suivant les plans normaux à l’arête
tranchante en chacun de ses points.
Les arêtes tranchantes de ces outils
élémentaires sont alors tangentes à
l’arête de l’outil considéré.

La règle fondamentale de l’affûtage


des outils est la suivante :
« En chaque point du tranchant d’un
outil quelconque, les angles réels de
coupe et de dépouille doivent être
compris entre certaines limites, qui
dépendent de l’opération à effectuer et
du métal à travailler. »

À cette règle s’ajoutent les considé-


rations suivantes :
1o La courbure de la face de coupe en
arrière du tranchant influe sur l’enrou-
lement du copeau et peut gêner son
évacuation ;
2o La forme de l’arête tranchante
influe :
— sur l’enroulement du copeau, dont
la ligne moyenne tend à se situer dans
le plan normal à la tangente au tran-
chant au point considéré ;

183
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

c’est-à-dire que la pointe est, en fait, aiguisés, ne pourrait pénétrer dans la


formée par deux surfaces coniques de matière : il chaufferait anormalement
sommet différent. Les angles de pointe et s’émousserait très vite par fluage des
et de dégagement varient suivant arêtes.
la matière à usiner. Affûter un foret Les deux tranchants doivent être af-
consiste à usiner les deux surfaces fûtés de la même manière et être rigou-
coniques de la pointe à l’aide d’une reusement symétriques par rapport à
meule, le foret étant maintenu soit à la l’axe du foret. Si l’un des tranchants est
main, soit avec un support réglable et situé plus en avant que l’autre, il enlève
articulé. seul toute la matière lors de l’opération

L’affûtage à la main nécessite une de perçage, d’où un mauvais comporte-

très grande expérience de la part de ment de l’outil.

l’opérateur. Celui-ci tient le foret à L’affûtage à l’aide d’un support


deux mains et il l’appuie légèrement réglable et articulé nécessite le ré-
contre la face plane de la meule, en glage préalable du support en fonction
rotation rapide, en commençant par de l’angle de pointe et de l’angle de
la partie de la pointe avant (face de dépouille désirés. Lorsque ce réglage
dépouille), située immédiatement der- est fait, le mouvement du foret est im-
rière l’arête de coupe, puis il donne au posé par la cinématique du support :
foret un mouvement de rotation de 90° le travail d’affûtage est plus précis et
environ, autour de l’un des axes O1x1 peut être confié à un ouvrier non qua-
ou O2x2, ce qui revient à faire tourner lifié. L’affûtage par meulage à la main
le foret en abaissant sa partie arrière, nécessite une grande expérience et,

pour respecter l’angle de dépouille. Si quelle que soit l’habileté des compa-

l’opérateur se contentait de faire tour- gnons d’un atelier, il est toujours préfé-

ner le foret autour de son axe propre rable d’utiliser un montage d’usinage.

(ce que les ouvriers non qualifiés font Sur les forets, on affûte seulement
très souvent dans les ateliers), l’arête la face de dépouille, car la forme très
ainsi affûtée n’aurait aucune dépouille compliquée de la face de coupe interdit
et le foret, malgré ses tranchants bien l’affûtage de celle-ci.

Pour les forets de grand diamètre personnel très qualifié. Les différentes
(D > 12 mm), l’opération d’affûtage est lèvres d’une fraise doivent être affûtées
complétée par deux opérations de meu- exactement de la même manière, afin
lage supplémentaires, destinées à amin- que les arêtes de coupe soient toutes
cir au voisinage de la pointe la partie en situées à la même distance de l’axe de
acier de l’outil entre les deux hélices et rotation de l’outil ; c’est à cette condi-
à prolonger le plus possible les lèvres tion seulement que l’on obtient, lors du
vers le centre du trou à percer. Pour que fraisage, une surface plane et régulière.
le foret ait une certaine solidité, on ne
peut pas, lors de sa fabrication, laisser Affûtage des fraises cylindriques
les deux arêtes arriver jusqu’à l’axe de La fraise est montée entre pointes sur
rotation et il subsiste un noyau central, une rectifieuse, afin que son axe soit
appelé âme du foret, dont l’épaisseur rigoureusement positionné. On posi-
croît avec le diamètre de l’outil. Aussi, tionne ensuite l’arête à affûter par rota-
la partie de matière à enlever, située sur
tion de la fraise et mise en butée sur un
l’axe du trou à percer, est pratiquement
support de dents, puis on affûte la face
enlevée par frottement direct de l’arête
de dépouille à l’aide d’une meule-bois-
d’intersection BC des deux surfaces
seau dont l’axe est légèrement incliné,
coniques des deux lèvres. En mécanique
en déplaçant longitudinalement la table
de précision, le perçage d’un trou de dia-
sur laquelle est fixée cette fraise. On
mètre supérieur à 8 mm nécessite, en gé-
tourne ensuite la fraise d’un pas, pour
néral, la réalisation d’un avant-trou plus
amener en butée la dent suivante, et
petit pour faciliter l’avance et le travail
on continue le travail dans les mêmes
d’enlèvement de matière du grand foret.
conditions.

Affûtage des fraises Affûtage des fraises de forme à

Les fraises sont des outils à tranchants denture détalonnée

multiples, difficiles à réaliser et coû- On affûte exclusivement la face de


teux à l’achat. Leur affûtage, difficile, coupe à l’aide d’une meule-assiette.
nécessite un matériel spécial et un On ne peut évidemment pas affûter la

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

face de dépouille, puisqu’une fraise de à empêcher la Russie et l’Inde d’avoir son indienne et sont couvertes à l’état har et Kaboul], ont été ainsi à l’origine
forme doit garder son profil. Compte une frontière commune. naturel d’une forêt humide complexe, des principautés afghanes, installées
tenu de la dépouille des dents, même Ces montagnes constituent, au milieu où dominent entre 1 200 et 1 800 m dans les grandes oasis de Kandahar et
l’affûtage de la face de coupe modi- des chênes et, au-dessus, jusque vers de Kaboul, d’où devait sortir aux XVIIIe
des steppes, un îlot humide recevant
fie déjà très légèrement le profil de la plus de 500 mm de pluies annuelles, 3 300-3 500 m, des pins et des déodars. et XIXe s., l’État afghan. Belliqueuses
fraise. avec un maximum de printemps lié et ayant encore conservé les cadres de
Au sud-ouest, la dégradation aride
D’une manière générale, pour l’af- à des pluies de convection orageuses est beaucoup plus marquée. Au-delà la structure tribale, la plus grande par-
fûtage de tous les outils autres que dans le marais barométrique intersai- des chaînes de direction S.-O. - N.-E. tie des populations de langue pachto
les forets et les outils de tour, d’étau sonnier qui s’établit de mars à mai, qui s’accolent à l’arc montagneux pratiquent aujourd’hui un semi-noma-
limeur et de raboteuse, il est préférable suivi par l’hiver et l’automne avec des central et l’épaississent, des plaines disme à court rayon d’action, associé
de s’adresser à un atelier spécialisé, pluies liées au passage de dépressions s’inclinent assez régulièrement vers avec l’agriculture irriguée dans les
à moins que l’importance du nombre cyclonales et une sécheresse d’été. les profondes cuvettes endoréiques fonds de vallée. On estime qu’il doit
d’outils à affûter justifie l’acquisition L’ensemble a l’allure d’un régime mé- du Sstn, où va se perdre le fleuve subsister encore environ deux millions
d’équipements appropriés et la forma- diterranéen étalé vers le printemps. La Hilmand, issu de l’Hind Kch. Les de grands nomades dans cette partie
tion d’une équipe de techniciens spé- formation végétale naturelle est entre pluies, de saison froide, dépassent méridionale du pays.
cialisés pour ces travaux. 2 000 et 2 700 m d’altitude une forêt de encore 200 mm dans les piémonts
L’arc montagneux central est oc-
G. F. genévriers de diverses espèces, au-des- (Kandahar, 224 mm ; Hart, à l’ouest
cupé par toute une série de groupes
A. R. Metral, la Machine-Outil, t. IV (Dunod, sous de la steppe alpine et au-dessus des montagnes centrales près de la
dont le trait commun (au moins dans
1953). / E. H. Lemonon, l’Affûtage des outils à
d’un parc à pistachiers et amandiers frontière iranienne, 231 mm), mais
bois à la portée de tous (Technique et Vulgari- le centre et dans l’est, qui, très élevés,
entre 1 000 et 2 000 m d’altitude. tombent à moins de 100 mm dans la
sation, 1954). / J. D. Cyssau, l’Affûtage par étin- ont constitué un foyer de résistance sé-
celles des outils en métal dur (Impr. de l’édition Le piémont septentrional de l’Hind partie centrale des cuvettes (Farh,
dentaire aux pénétrations nomades) est
et de l’industrie, 1956). / J. Bertin, l’Affûtage
Kch, ou Turkestan afghan, est une dans le Sstn, 75 mm), dont la végéta-
des outils coupants (P. U. F., 1972). d’être formés d’anciennes populations
plaine régulièrement inclinée, de 800 tion est désertique. L’hiver y est assez
sédentaires, profondément enracinées
à 500 m d’altitude en moyenne, entail- tiède (Kandahar, moyenne de 5,3 °C
dans ces montagnes, où elles pratiquent
lée dans des formations quaternaires en janvier), mais l’été est étouffant
une agriculture intensive et minutieuse
(loess). Les précipitations oscillent (Kandahar, 31,5 °C et Farh, 34,4 °C
Afghnistn en juillet).
dans les fonds de vallée, associée à
entre 200 et 300 mm. L’hiver reste
une vie pastorale à court rayon sur les
relativement doux (Mazr-i Charf,
En persan AFRHNISTN, État de l’Asie pentes voisines. Mais l’Ouest, moins
3,9 °C de moyenne de janvier). Les
centrale. Cap. Kaboul. LES POPULATIONS ET massif, a été beaucoup plus perméable
étés sont déjà torrides (de 29 à 32 °C
LES GENRES DE VIE aux nomades, et l’on peut définir toute
de moyenne en juillet). La végétation
Les régions naturelles une gradation entre vieux sédentaires
naturelle est une steppe, à peine pique-
L’Afghnistn est une extraordinaire et populations plus mobiles, plus ou
L’axe montagneux central, étiré tée de buissons.
mosaïque de peuples. Les différentes moins bédouinisées.
d’ouest en est, comprend à l’ouest plu- Les régions méridionales sont plus
ethnies correspondent pour une part à Les Kfirs, ou Nristns, consti-
sieurs alignements distincts en arcs à contrastées. Au sud-est, des chaînons
des régions naturelles bien individua- tuent, dans les montagnes au nord-est
convexité légère tournée vers le sud, et complexes, de directions variées,
lisées, mais se chevauchent également de Kaboul, la couche la plus stable et la
dont l’altitude maximale demeure infé- divergent de l’Hind Kch et vont
largement. Elles expriment surtout plus archaïque. Ils parlent une langue
rieure à 4 000 m : le Band-i Turkistn se raccorder aux monts Sulaymn
des épisodes successifs de l’évolution
au nord, le Paropamisus ou Frz Kh par la chaîne ouest-est du Safid Kh du groupe indo-aryen. En petit nombre
culturelle et anthropo-géographique du
au centre, le Band-i Bayn au sud, sé- (4 760 m), à la frontière pakistano- (sans doute une centaine de milliers de
pays.
parés par de hautes vallées longitudi- afghane, où s’ouvre la passe de Khay- personnes), ils sont cantonnés certai-
Les Afghans proprement dits (ou nement depuis deux à trois millénaires
nales atteignant 2 500 m. Vers l’est, les bar (1 030 m), porte traditionnelle de
Pathans) parlent le pachto, langue du dans leurs vallées inaccessibles. Restés
chaînes se resserrent et s’exhaussent l’Inde. Ils enserrent entre leurs masses
groupe iranien. Ils occupent toutes païens jusqu’à la fin du XIXe s. (d’où
progressivement dans l’Hind Kch cristallines et primaires de hauts bas-
les régions méridionales du pays, au
(5 080 m dans sa partie occidentale, sins, vers 1 800 m d’altitude (plaines leur nom traditionnel de kfir = païen,
sud et au sud-ouest de l’Hind Kch, et le nom de Kfiristn donné à leur
6 250 m dans sa partie orientale), qui de Kaboul, de Kh-i Dman), rem-
et débordent largement au-delà de la
se recourbe progressivement jusqu’à plis de dépôts lacustres néogènes. pays), ils ont été soumis à l’État afghan,
frontière pakistanaise (un tiers envi-
prendre une direction S.-O. - N.-E. Ces hauts bassins, abrités, médiocre- puis convertis à l’islm, en 1896 seu-
ron de l’ethnie se trouve au Pkistn,
avec des chaînes annexes méridiennes. ment arrosés (Kaboul, 348 mm) par lement, par l’émir ‘Abd al-Ramn
d’où le problème du « Pachtnistn »
L’exhaussement se poursuit vers l’est, des pluies de saison froide, ont des khn, qui donna alors officiellement à
[ou « Pahnistn »] posé par l’exis-
où l’altitude dépasse 7 000 m à la fron- températures hivernales assez basses leur contrée le nom de Nristn (« pays
tence de ces éléments irrédentistes à
tière pakistanaise, et où la chaîne se (Kaboul, – 1,3 °C en janvier) ; mais de la lumière »). Depuis cette date ils
l’intérieur du Pkistn). Ils constituent
fond dans le noeud orographique des l’été s’y rafraîchit et devient suppor- ont commencé à s’intégrer à la com-
50 à 55 p. 100 de la population de
Pamir-Karakoram, séparés par la haute table (Kaboul, 24,4 °C en juillet). Les munauté afghane, émigrant notamment
l’Afghnistn. L’ethnie afghane s’est
vallée du Wkhn, appendice nord-est chaînes de l’extrême sud-est reçoivent vers les villes comme marchands de
du territoire afghan destiné au XIXe s. en été les dernières pluies de la mous- individualisée sans doute à la suite de
charbon de bois ou artisans du bois,
l’expulsion, vers les déserts du sud
métiers qu’ils avaient portés à un haut
du pays, de populations originelle-
degré de perfection dans leurs vallées
ment agricoles et sédentaires de l’arc
restées très boisées.
montagneux central ; chassées par le
contrecoup des invasions mongoles, Les Tadjiks, de langue persane, ha-

elles durent passer au nomadisme bitent la plus grande partie de l’Hind


dans un milieu beaucoup plus aride. Kch au nord de Kaboul, ainsi que
De grandes confédérations nomades, les provinces du Badakhchn et du
Durrns (entre Hart et Kandahar) et Wkhn au nord-est de la montagne, où
Rhalzays (ou Ghalzays) [entre Kanda- ils constituent la population primitive.

185
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Au total, les groupes parlant des leur infiltration a eu déjà de sérieuses


dialectes persans, Tadjiks, Hazras, conséquences économiques. Entrepre-
Tchahr Aymaq, doivent constituer neurs de transports et commerçants,
approximativement le tiers de la popu- tenant en été de grands camps bazars
lation du pays. temporaires en altitude, les nomades
ont ouvert le pays hazra à l’économie
Au nord de l’Hind Kch dominent
des populations turques. Les plus nom- commerciale. Ils en ont profité pour

breux sont les Ouzbeks (10 p. 100 de acquérir des terres aux dépens des pay-
sans autochtones endettés à leur égard ;
la population du pays environ), culti-
vateurs sédentaires, installés dans les ils étendent ainsi une emprise foncière

oasis irriguées du piémont, qui sont qui progresse sans cesse.

en grande partie les restes de popula- La vie urbaine exprime également


tions tadjiks « turquifiées » depuis les dans sa répartition le rôle politique do-
XIVe-XVe s. dans le cadre des khnats de minateur des tribus afghanes. Les villes
Transoxiane. Il faut y ajouter des Turk- du nord de l’Hind Kch furent rava-
mènes (200 000 ?) dans le nord-ouest gées par les invasions turco-mongoles,
du pays, descendants directs des enva- auxquelles elles étaient exposées en
hisseurs turcs du Moyen Âge, et encore premier lieu, et ne purent s’en relever,
partiellement semi-nomades, ainsi que telle Bactres (aujourd’hui Balkh), capi-
quelques dizaines de milliers de Kir- tale de l’antique Bactriane, qui n’est
ghiz de montagne qui nomadisent sur plus qu’un médiocre village. C’est au
les hauteurs du Pamir afghan, autour sud de la montagne qu’ont pu subsister
du Wkhn, à l’extrême nord-est du de grosses oasis, qui servirent de base
pays. à l’essor des tribus pachto (Hart, Kan-

Cette distribution est en fait beau- dahar, Kaboul), ou prospérer des capi-

coup plus compliquée dans le détail. On tales d’États orientés vers la conquête
du nord-ouest de l’Inde (Rhazn [ou
trouve ainsi des groupes turkmènes et
Ghazn]). Le réseau urbain reflète la
ouzbeks jusqu’au sud de l’Hind Kch,
dissymétrie humaine du pays.
isolés en pays pachto. Ces groupes se
mélangent de façon très complexe
avec les Tadjiks et les Hazras dans L’économie
les régions de contact. On doit encore et les problèmes
ajouter de nombreux groupes d’impor- de développement
tance minime, curiosités ethniques,
L’Afghnistn reste un État essentiel-
tels que des Mongols ayant conservé
lement agricole, et cette agriculture est
leur langue dans la région de Hart,
d’abord vivrière : 2,5 Mt de blé, 0,5 Mt
ou des Arabes dans le Turkestan entre
d’orge, 0,7 Mt de maïs, 0,3 Mt de riz.
Balkh et Maymana, vestiges des inva-
Les seuls éléments notables de diversi-
sions médiévales, ainsi que quelques
fication sont apportés par des cultures
dizaines de milliers de Baloutches au
légumières et fruitières (dattes, pis-
sud-ouest du pays.
Les Hazras, également de langue comme les Kfirs, n’ont été soumis taches et amandes, abricots). La seule
persane, occupent toute la partie cen- à l’autorité afghane que par ‘Abd al- culture industrielle notable est le coton
La politique d’unification
trale de l’arc montagneux médian, à Ramn khn à la fin du XIXe s. Beau- (environ 0,1 Mt récoltée), surtout dans
l’ouest de Kaboul. Ils résultent de la
et la colonisation les périmètres irrigués du Kunduz au
coup plus nombreux que les Kfirs (un
symbiose entre des éléments mongols afghane nord, de l’Hind Kch et du Hilmand
à deux millions de personnes), ils ont
assez nombreux infiltrés dans la mon- déjà alimenté un fort courant d’émigra- L’élaboration d’un État cohérent à par- au sud, et dont 90 p. 100 sont expor-
tagne lors des invasions mongoles et un tir de bases aussi hétérogènes n’était tés. Les produits de l’élevage tiennent
tion vers Kaboul.
fonds de population agricole autoch- pas chose facile. Tout l’effort de la une place capitale dans l’économie
Les secteurs occidentaux de l’arc
tone iranienne, qui a réussi à s’impo- monarchie afghane depuis trois quarts du pays, avec environ 25 millions de
montagneux médian et son piémont
ser et à assimiler linguistiquement et de siècle a tendu à cet objectif. L’ins- têtes de petit bétail, dont 10 p. 100 de
occidental, jusqu’à Hart et autour de
culturellement les envahisseurs. La trument en a été cherché dans une chèvres et 25 p. 100 de moutons ka-
cette ville, sont occupés par le groupe
population hazra garde cependant politique d’expansion systématique de rakul (astrakan).
des Tchahr Aymaq (« les quatre
beaucoup de traits particuliers, dans l’ethnie afghane proprement dite, fac-
tribus » : Frz-Khis, Taymnis, Expansion agricole et
son type physique (souvent franche- teur principal d’unification et gage de
Taymris, Djamchdis), également de grands projets d’irrigation ;
ment mongoloïde) et dans son genre de fidélité à l’autorité centrale. Des colo-
vie : son agriculture est moins savante langue persane, mais de genre de vie l’aménagement du Hilmand
nies de langue pachto ont été installées
et moins soignée que celle des Tadjiks, semi-nomade bien différent de celui en diverses régions du pays, particuliè- Cette production agricole est assurée
notamment quant aux techniques de des agriculteurs tadjiks. Une certaine par la culture d’environ 8 Mha, dont
rement sur le piémont nord de l’Hind
fumure et d’irrigation ; sa vie est plus frontière culturelle sépare d’ailleurs Kch, dans le Turkestan afghan. 5,5 millions en culture irriguée (les
mobile (usage de la yourte de feutre les groupes du Nord (Frz-Khis D’autre part le pouvoir a favorisé la pé- deux tiers à partir des rivières par bar-
comme habitat temporaire d’été). et Djamchdis), qui vivent dans des nétration des grands nomades afghans rages de dérivation, 15 p. 100 par puits,
Cette originalité est renforcée par son yourtes, de ceux du Sud, qui utilisent dans le pays hazra, depuis sa soumis- 20 p. 100 environ par galeries drai-
appartenance à la secte ch‘ite, alors la tente noire. Les groupements tribaux sion à la fin du XIXe s. Ces nomades vont nantes souterraines [krz ou qant])
que la grande majorité des habitants de se sont sans doute constitués au XVe s., désormais estiver en grand nombre sur et 2,5 millions en culture pluviale (es-
l’Afghnistn est sunnite. Les Hazras, dans le cadre de l’empire tmride. les hauteurs de l’Afghnistn central et sentiellement dans les montagnes de

186
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

tan (Hachette, 1970). / M. Barry, Afghanistan


l’arc médian et accessoirement dans le L’équipement et (sucrerie de Barhln [ou Baghln] et
(Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1974).
Turkestan afghan autour des noyaux l’industrialisation usine textile de Pul-i Khumr). C’est

irrigués). La marge d’expansion de Si les bases alimentaires sont satisfai- dans ces vallées, de part et d’autre de
l’agriculture reste considérable, le total santes, l’Afghnistn n’en représente l’Hind Kch, que semble devoir se L’évolution historique

de la superficie cultivable étant évalué pas moins dans l’Asie du sud-ouest un concentrer le développement indus-
UN CARREFOUR DES CIVILISATIONS
à 14 Mha. Le problème des ressources des cas les plus extrêmes de sous-dé- triel, en raison des ressources en eau.
veloppement et de retard économique Placé au coeur de l’Asie, autour du massif
alimentaires n’inspire pas d’inquié-
généralisé. La situation géographique de l’Hind Kch, l’Afghnistn est le lieu
tude, en face d’une conjoncture de Le commerce extérieur
de rencontre des nomades de la steppe,
continentale du pays en est une des rai-
croissance démographique qui doit Il est d’une structure primitive. Les Scythes, Huns, Turcs, Mongols, et des trois
sons majeures. Mais son rôle a été ren-
rester d’ailleurs relativement modérée, produits de l’agriculture et de l’élevage grandes civilisations sédentaires d’Iran,
forcé par celui des facteurs historiques d’Inde et de Chine. Les voies interconti-
étant donné les conditions sanitaires constituent près de 90 p. 100 des expor-
(et notamment de la rivalité russo-bri- nentales aboutissent au pied de ses cols et
encore très primitives. tations (fruits secs [17 p. 100] et frais,
tannique), qui se sont conjugués pour dans ses gorges, passages difficiles, décou-

Les possibilités d’extension des retarder considérablement l’ouverture raisins secs, abricots, amandes et pis- verts très tôt cependant par les hommes,

terres cultivées en culture pluviale du pays au monde extérieur. C’est taches, exportés surtout vers l’Inde et le soucieux d’échanger leurs idéologies,
leurs marchandises et leurs techniques. De
semblent cependant avoir déjà atteint seulement dans les années 1925-1930, Pkistn ; peaux de karakul [24 p. 100]
toutes ces voies, la plus connue, qui passe
leurs limites dans une grande partie des pratiquement, sous le règne d’Amn et laine ordinaire [11 p. 100], coton
à travers les régions septentrionales du

montagnes centrales. Les rendements Allh, qu’a commencé la première [18 p. 100]). La plus grande partie pays, la Bactriane, porte le nom prestigieux
tentative de modernisation du pays, et des peaux de karakul est achetée par de « route de la soie » et évoque l’antique
de l’agriculture pluviale sont d’ailleurs
l’essor organisé date en fait du lende- commerce sino-romain. Mais il en est
trop aléatoires pour assurer une base les États-Unis, et le coton surtout par
d’autres qu’inlassablement, au cours des
main de la Seconde Guerre mondiale. l’U. R. S. S. Le seul article manufac-
satisfaisante d’existence, qui ne peut siècles, emprunteront cohortes armées,
L’extrême insuffisance des voies turé qui présente quelque importance missionnaires, commerçants venus soit
être apportée que par l’irrigation.
de communication suffit à elle seule à est constitué par les tapis (9 p. 100 des des pays voisins, soit de terres très loin-
Aussi de grands aménagements
paralyser le développement, l’immense taines, du nord de la Mongolie, de l’Arabie
exportations). L’U. R. S. S. absorbe
hydrauliques ont-ils été entrepris. Une ou de la Grèce.
majorité des transports devant encore près du tiers des exportations, les
politique de développement spectacu- Recevant très largement de l’extérieur,
se faire par bêtes de somme. En 1930 il États-Unis et la Grande-Bretagne un
laire a multiplié les grands barrages et l’Afghnistn ne se contente pas d’être un
n’y avait encore que trois routes dans le sixième chacun, l’Inde 12 p. 100. Les réceptacle. Il est aussi un creuset et donne
les périmètres irrigués dans le piémont pays, rayonnant de Kaboul vers le sud,
importations comportent 35 p. 100 de peut-être autant qu’il reçoit. Ainsi joue-t-
nord de l’Hind Kch, dans le sud-est l’est et le nord, et totalisant 800 km.
biens de consommation (dont 13 p. 100 il un rôle important dans la diffusion du
du pays (barrage du Nangarhr sur Après la Seconde Guerre mondiale le bouddhisme vers l’est, et, plus décisif en-
de produits alimentaires) et 65 p. 100
la rivière de Kaboul commandant un réseau atteignait 2 500 km et mettait en core, dans celle de l’islm en Inde.
de biens d’équipement, essentiellement
périmètre de 30 000 ha dans la plaine relation les principales villes du pays, Étudiée depuis peu d’années, son his-
fournis par l’aide étrangère. Les deux
de Djallbd) et surtout dans le bas- Kaboul avec Kandahar, Kandahar avec toire est encore mal connue et elle est
tiers de ces importations sont en effet difficile à déchiffrer. Elle n’est pas seule-
Hart et la frontière russe, Kaboul
sin du Hilmand, fleuve principal de
en provenance d’Union soviétique et ment celle d’une nation lentement formée.
avec la frontière pakistanaise. L’effort
l’Afghnistn aride du sud-ouest. Elle dépend souvent de celle des vastes
actuel vise à consolider les axes prin- 48 p. 100 ressortissent à l’aide pure et
empires que les Afghans ont créés ou qui
Cet aménagement grandiose porte simple, contre 16 p. 100 seulement de
cipaux et à les rendre carrossables en les ont englobés. Cela ne veut pas dire
au total sur près de 350 000 ha, dont transactions commerciales proprement
toute saison. Depuis 1964 une route que les Afghans, organisés selon des struc-
l’irrigation sera créée ou réorgani- directe vers le nord, par le col de Sa- dites. Le reste de l’aide extérieure est tures tribales, n’aient pas conscience de

sée (70 000 ha déjà irrigués où l’ap- former une communauté. Il semble bien,
lang, avec un tunnel de 3 km, met en fourni par les États-Unis et l’Allemagne
au contraire, qu’ils n’aient jamais cessé de
port d’eau sera régularisé). Près de relation Kaboul et les provinces sep- de l’Ouest surtout. Les plans de déve-
cultiver un patriotisme ardent fondé sur
500 000 personnes au total y seront tentrionales, à travers l’Hind Kch. Il loppement sont nécessairement sous la un sens ethnique et linguistique aigu, et
établies, dont environ 20 p. 100 de n’y a pas de voie ferrée. dépendance de l’assistance extérieure, sur le faisceau de très antiques traditions

nomades sédentarisés et 80 p. 100 de L’absence de communications ex- dont la part s’établissait à 65 p. 100 soigneusement conservées.

paysans sans terre venus des régions plique que l’extraction minière soit pour le premier plan (1956-61) et à LA PRÉHISTOIRE
voisines. Deux grands barrages ont restée insignifiante, bien que les mon- 61 p. 100 pour le second (1962-67). Le
Il y a lieu de penser que ce qui caractéri-
déjà été réalisés, celui de Kadjakaï tagnes médianes soient assez fortement financement intérieur du développe-
sera l’Afghnistn historique caractérise
sur le fleuve principal (capacité de minéralisées et qu’on y ait reconnu des
ment est assuré presque exclusivement déjà l’Afghnistn préhistorique, mais nos
gisements de fer notables. La produc-
1 850 Mm 3) et celui de l’Arrhandb par l’État, la part de l’entreprise privée connaissances sont encore trop rudimen-
tion charbonnière, en deux petits bas-
(ou Arghandb), affluent du fleuve oscillant entre 2 et 4 p. 100 des inves- taires pour que nous puissions voir avec
sins situés au nord de l’Hind Kch, précision son double rôle d’échangeur et
principal (capacité de 480 Mm3). Le tissements au maximum. L’industrie
a atteint 135 000 tonnes en 1971. La de catalyseur. Le seul site qui ait été fouillé
canal principal atteint 160 km de long. naissante reste essentiellement d’État.
production d’électricité était seulement jusqu’au sol vierge, Mundigak (mission ar-
Mais la mise en valeur des périmètres X. P. chéologique française), a permis de déceler
de 0,44 TWh en 1972 (environ 25 kWh
ne progresse qu’avec lenteur. En 1964, Achéménides / Huns / Inde / Iran / Islm / Ka- sept niveaux successifs s’échelonnant de la
par habitant).
boul / Moghols (Grands) / Mongols / Rhaznévides fin du IVe millénaire jusqu’aux alentours de
sur les 120 000 hectares aménagés,
Les amorces de développement / Tmr Lang. l’an 500 av. J.-C. Il est impossible de préci-
les surfaces effectivement mises en
industriel se limitent à des industries ser à quel moment des IIe et Ier millénaires
valeur et occupées n’atteignaient que P. M. Sykes, A History of Afghanistan
les tribus iraniennes occupèrent le pays
alimentaires (sucreries, huileries), au (Londres, 1940). / E. Caspani et E. Cagnacci,
80 000 ha. Le peuplement des nou- au cours des grandes migrations aryennes
bâtiment (cimenteries ; production an- Afghanistan, crocevia dell’ Asia (Milan, 1951).
venues de l’ouest, et en marche vers l’Inde.
velles terres s’effectue difficilement et nuelle, 180 000 t de ciment en 1969) / R. Furon, l’Iran, Perse et Afghanistan (Payot,
On a avancé, à titre d’hypothèse, des dates
le projet, trop ambitieux, à trop long et au textile (55 millions de mètres de 1951). / J. Humlum, la Géographie de l’Afgha-
comprises entre 1500 et 800.
nistan (Copenhague, 1959). / H. F. Schurmann,
terme, s’avère peu rentable. L’agricul- cotonnades). L’industrie est concentrée
The Mongols of Afghanistan (La Haye, 1962). /
LA DOMINATION ACHÉMÉNIDE
ture bénéficierait davantage de réali- en deux foyers essentiels : d’une part la E. Rhein et A. G. Ghaussy, Die wirtschaftliche

sations mineures de rentabilité supé- ville de Kaboul ; d’autre part la vallée Entwicklung Afghanistans, 1880-1965 (Opla- À l’époque achéménide, l’Afghnistn

rieure et d’intérêt plus immédiat. du Kunduz au nord de l’Hind Kch den, 1966). / J. Kessel et R. Michaud, Afghanis- entre dans l’histoire en tant que province

187
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

de l’empire des Grands Rois. Sans doute vement à tout ce qui fut jadis terres des En Iran même, les Rhaznévides se tels que Bihzd illustrent la Renaissance
soumis intégralement par Cyrus (v. 556-530 Achéménides. Cela n’arrête pas les inva- heurtent à une autre puissance turque, tmride.
av. J.-C.), qui étend sa domination jusqu’au sions. Peu après 350, de nouvelles tribus les Grands Seldjoukides. Sous le règne de
Gndhra, pays largement à cheval sur Yuezhi, restées en Kachgarie, fuient devant Bahrm (1118-1157), ils sont obligés de L’AFGHNISTN ENTRE INDE ET IRAN

l’actuelle frontière pakistano-afghane et la pression turco-mongole et s’installent en reconnaître leur suzeraineté. Par la suite
Le rêve de monarchie universelle renaît
comprenant le Kpia (région de Kaboul), il Bactriane. Les Turco-Mongols eux-mêmes, les princes afghans de Rhr, les Rhrides
avec un descendant de Tmr Lang, Bbur
est organisé et divisé en cinq satrapies par sous le nom de Huns* Hephthalites, ou (ou Ghrides), deviennent de plus en plus
(ou Bber), qui, après diverses aventures,
Darios Ier (522-486). Bien que ses habitants Huns Blancs, vers la même époque, sub- puissants et, après de longs combats,
s’installe à Kaboul en 1504 et tourne dès
fournissent d’importants contingents aux mergent le pays et y font régner insécurité finissent par supplanter les Rhaznévides. lors son dynamisme conquérant en direc-
troupes achéménides et soient engagés et peut-être oppression, avant de dispa- Ils se posent comme leurs héritiers et
tion de l’Inde. Delhi prise en 1526, Bbur
dans les batailles des Thermopyles et de raître sous les coups de leurs adversaires reprennent, avec plus de ténacité encore,
fonde l’empire des Indes, dit, bien qu’il soit
Platées, il jouit pendant deux siècles de la au milieu du VIe s. L’occupation des Huns leur oeuvre d’expansion en Inde : après turc, empire des Grands Moghols*. Si, en
Pax iranica. Il en profite pour participer au freinera sans doute l’épanouissement de la avoir capturé Delhi (1193), leurs merce- Inde même, l’Afghan Chr Chh Sr oblige
grand essor civilisateur de l’Iran et pour se naires (leurs « esclaves ») fonderont la pre-
civilisation gréco-bouddhique, peu à peu le fils de Bbur, Humyn, à se replier
laisser imprégner par la réforme religieuse
transformée en civilisation irano-boudd- mière dynastie musulmane en Inde, celle momentanément sur Kaboul, avec Akbar
zoroastrienne. (V. achéménides.)
hique, mais ne la détruira pas. des Mamelouks ou Esclaves (1206-1290). et ses successeurs, les Grands Moghols
Jusqu’au XVIe s., Afghans et Turcs afghani- deviennent essentiellement des princes
L’HELLÉNISME
L’ISLAMISATION sés se succéderont à la tête des monar- indiens qui considèrent l’Afghnistn
La destruction de l’empire achéménide chies indo-musulmanes. comme une province lointaine et souvent
En peu de temps les Arabes, ayant vaincu
à la bataille de Gaugamèles (331) livre insoumise. Kaboul reste en leur posses-
les Sassanides (651), s’emparent des prin-
LA RUINE DE L’AFGHNISTN
l’Afghnistn à Alexandre le Grand qui sion pendant deux siècles, mais Hart et
cipaux centres de l’Afghnistn. Il appa-
laisse subsister ses structures sociales et le Sstn passent sous la souveraineté de
raît pourtant que ces succès militaires Smnides, Rhaznévides et Rhrides ont
politiques. Plus que partout ailleurs va se l’Iran et la région de Kandahar forme la
n’entraînent pas une islamisation rapide redonné à l’Afghnistn islamisé la place
réaliser sur son sol la lente et puissante mouvante frontière irano-afghane. Quant
(qui ne sera jamais doublée d’arabisation). qu’il tenait à l’époque où il était boudd-
symbiose de la Grèce, de l’Iran et de l’Inde. au nord de l’Hind Kch, il appartient à
Les armées musulmanes ont d’ailleurs fort hique. Tout est remis en question par
À la mort du conquérant macédonien, les une dynastie quasi indépendante.
à faire, au coeur de l’Asie, si loin de leurs l’invasion des Mongols de Gengis* khn.
satrapies iraniennes deviennent l’enjeu
bases de départ. Elles se heurtent non Si partout où il est passé Gengis khn a
des luttes intestines de ses successeurs. LES RHALZAYS ET NDIR CHH
seulement aux résistances locales, mais accumulé les ruines, nulle part il ne semble
Séleucos Ier Nikatôr (312-280), satrape avoir manifesté plus d’acharnement qu’en
encore aux pressions des nomades turcs et La décadence moghole à la mort
de Babylonie et fondateur de la maison sé-
des sédentaires chinois. Au nord et au sud Afghnistn. Envahissant le pays au prin- d’Awrangzb (ou Aurangzeb) [1707] et
leucide, domine cependant cette époque. temps de 1221, il rase Bactres (Balkh), l’affaiblissement des Séfévides d’Iran
de l’Hind Kch, pendant un siècle envi-
Les Séleucides sont sur le point de maî- Bmiyn, Rhazn, Hart, bien d’autres villes au temps de Chh usayn (1694-1722)
ron (659-751), seize principautés recon-
triser Iran et Sind quand ils se heurtent à rendent leur liberté d’action aux remuantes
naîtront l’autorité, il est vrai plus nominale encore, détruisant les bâtiments jusqu’à
Chandragupta, fondateur de la dynastie tribus afghanes. En 1707, Mr Ways, chef de
que réelle, de l’empereur de Chine ; et c’est leurs fondations, exterminant parfois toute
indienne des Maurya, et sont contraints la tribu Rhalzay (ou Ghalzay, ou Rhilzay) de
seulement à la fin du IXe s. que la religion is- vie, y compris celle des chiens et des chats.
de lui abandonner les régions orientales
Quand il meurt, la majeure partie des pro- Kandahar, se révolte contre Chh usayn
lamique triomphera dans l’antique Kpia,
de l’Afghnistn. À ces territoires nouvel-
vinces afghanes sont incluses dans l’apa- et se déclare indépendant. Après sa mort,
au sud de l’Hind Kch. Ailleurs, le rôle de
lement acquis, les Maurya portent un vif son fils Mamd chh prend Kermn
la dynastie iranienne des Smnides, origi- nage (khnat) de aghatay (Djaghataï) ;
intérêt. Aoka* met son zèle ardent pour (1720) et Ispahan (1722), dépose le dernier
naire de Smn, près de Balkh, mais dont seule Hart conserve jusqu’en 1380 une
le bouddhisme au service de la propa- séfévide et règne sur tout l’Iran. Mais c’est
le centre demeure la Sogdiane, est pré- certaine autonomie sous les descendants
gation de cette religion vers le centre de pour les Rhalzays une tâche d’autant plus
pondérant. Momentanément même, sous des Rhrides, les Karts.
l’Asie. Mais l’empire maurya est destiné à au-dessus de leurs forces que leurs arrières
Nar II ibn Amad (913-942), l’Afghnistn L’Afghnistn n’est pas encore relevé de
une vie éphémère. L’hellénisme prend sa sont mal assurés en Afghnistn et qu’ils
se trouve presque unifié sous une même ses ruines quand un nouveau cataclysme,
revanche avec le royaume gréco-afghan doivent affronter, en Iran, le mouvement
couronne. Ce sont néanmoins années d’ex- presque aussi violent que le premier,
de Bactriane, indépendant vers 250, bien- national de Ndir chh. Achraf, successeur
ception. Jusqu’à l’époque mongole, plu- s’abat sur lui. Dans le khnat de aghatay,
tôt prépondérant dans tout l’Afghnistn, de Mamd, est tué en 1729 ; Kandahar
sieurs petites principautés sauront main- les princes se disputent l’hégémonie.
avant même que d’étendre sa domination et Kaboul sont prises en 1738 par Ndir
tenir leur indépendance et les grandes L’un d’eux, Tmr Lang* (Tamerlan), pré-
sur l’Inde occidentale. chh, qui entre peu après en Inde (1739).
puissances ne feront jamais la totale unité tendant reconstituer l’empire universel
Triomphe remarquable, mais éphémère !
L’AFGHNISTN BOUDDHIQUE du pays. de Gengis khn, se couronne à Balkh en
Quand Ndir chh tombe sous les coups
1370. En 1380, il tourne ses armes contre
À la fin du IIe s. av. J.-C., de nouvelles inva- d’un régicide, un de ses officiers afghans,
RHAZNÉVIDES ET RHRIDES l’Afghnistn et le soumet. C’est à lui
sions iraniennes, similaires à celles de la Amad khn (1747-1773), se proclame
qu’est due, entre autres, la destruction
préhistoire, déferlent sur l’Afghnistn. Suivant l’exemple donné par la cour chh à Kandahar.
définitive du riche système d’irrigation du
Les envahisseurs appartiennent aux akas suprême des ‘Abbssides, les Smnides
Sstn (1383). LES DURRNS
(Scythes) et surtout aux Yuezhi (Yue-tche). forment l’essentiel de leur armée avec des

À la tête de ces derniers se trouve la tribu mercenaires turcs, qui deviennent sou-
LA RENAISSANCE TMRIDE Les succès d’Amad chh, surnommé
kuna, dont la monarchie atteint son vent gouverneurs de provinces : l’élément
Durr-i Durrn (« la Perle des perles »), lui
apogée sous Kujula (en gr. Kadphisês), au ethnique turc, peu à peu, s’introduit en Tmr meurt en 1405. Un de ses petits- permettent de fonder la première dynas-
Ier s. apr. J.-C., et sous Kanika, au IIe s. On Afghnistn. En 962, un mercenaire turc, fils hérite de l’Afghnistn oriental qui se tie afghane indépendante des Temps
ne sait pas exactement à quelle époque le Alp Tigin (ou Alp-Tegn), ancien comman- referme sur lui-même. Son quatrième fils, modernes, celle des Durrans. Comme ses
bouddhisme réalise ses progrès décisifs. Il dant de la garde royale smnide, se rend Chh Rukh (1405-1447), s’installe à Hart ancêtres, Amad intervient à plusieurs
semble que Bmiyn soit fondé dès le Ier s. indépendant dans la région de Rhazn. et procure à son royaume quarante années reprises en Inde (1747, 1749, 1752). En
de notre ère comme gîte d’étape ; le lieu Ses successeurs, Subuk-Tegn et Mamd de paix bénéfique. Sous lui et sous Ulug 1761, il remporte une victoire décisive sur
restera, du moins jusqu’au VIIe s., le fief du (999-1030), sont les chefs reconnus d’une Beg (1447-1449), le grand astronome, l’armée marathe. Son héritier Tmr chh
bouddhisme hnayna et un relais pour sa dynastie rapidement puissante, celle des commence ce qu’on a si bien nommé la (1773-1793) recueille un empire vaste mais
propagation vers l’Extrême-Orient. Sous le Rhaznévides* (ou Ghaznévides). Sous le Renaissance tmride. Elle s’épanouit, fragile, transplante sa capitale de Kanda-
règne de Kanika, souverain éclectique et règne de Mamd en particulier, les Turcs après le règne d’Ab Sa‘d, sur le terri- har à Kaboul, laisse la paix à son peuple
tolérant, le culte du feu est encore pratiqué étendent leur domination à la fois en direc- toire très rétréci, mais prospère, de Hart, pendant vingt ans. À sa mort, ses fils et
(autel de Surkh Kotal), la tradition grecque tion de l’Iran, jusqu’à Ispahan, et en direc- lors du règne de usayn Byqar (1469- les féodaux se disputent le pouvoir. Dès
est florissante, le jaïnisme éveille des sym- tion de l’Inde, où ils ne lancent pas moins 1506), prince, lui-même fin lettré, dont le 1800, Zamn chh est renversé par son
pathies, mais les monnaies sont frappées à de dix-sept expéditions. De Rhazn, ils font ministre, Mr ‘Al Chr Nav’ (1441-1501), frère Mamd, aveuglé et mis en prison.
l’effigie du Bouddha. un centre culturel remarquable, où brillent est le premier grand poète de la littéra- À Peshwar, Chudj‘al-Mulk se dresse
L’empire iranien, reconstitué par les Sas- artistes et écrivains : parmi eux, Firds, le ture turque aghatay. À Hart, des poètes contre Mamd, prend Kaboul (1803) et
sanides*, fait un retour offensif dès le IIIe s., poète national de l’Iran, l’auteur du Livre comme Djm, des historiens comme délivre l’infirme. Suit une période confuse
atteint Hart plus tard, s’étend progressi- des Rois (Chh-nmè). Mrkhwnd et Khwndamr, des peintres à l’issue de laquelle Chudj‘ s’enfuit en

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Inde (1809). Mamd remonte sur le trône. tution (1922), code administratif (1923), Tepe Hissar ; à cela il faut ajouter une tête rés de reliefs sculptés dans ce style gréco-
Chassé de nouveau par l’insurrection de premières mesures en faveur de l’édu- sculptée en ronde bosse dans un calcaire bouddhique qui a fleuri également sur les
Dst Muammad (1818), il s’enferme dans cation féminine (1924), abandon du titre blanc, qui évoque quelque peu la statuaire sites pakistanais du Gndhra. Ce style met
Hart, qu’il tient jusqu’à sa mort, en 1829. d’émir pour celui de roi (1926), nouvelle de la civilisation de Harapp (Pendjab). au service de l’iconographie bouddhique
Constitution (1928) et voyage du souve- tout un vocabulaire artistique grec, hérité
LA DYNASTIE DES MUAMMADZAYS rain en Europe marquent les étapes de ce LA PÉRIODE INDO-GRECQUE des royaumes indo-grecs de la Bactriane,
renouveau. Réaction des conservateurs ou fortement influencé par l’art hellénistique
Dst Muammad gouverne d’abord au Au lendemain de l’expédition d’Alexandre,
intrigue politique ? La révolution éclate parthe et, grâce au commerce, par l’art de
nom de souverains fantoches, puis, en l’Afghnistn subit partiellement la domi-
et Amn Allh est renversé. Un aventu- l’Empire romain ; et cela sans exclure des
1838, à Kaboul, il se fait proclamer émir, nation séleucide ; mais les colons grecs
rier, abib Allh khn, appelé aussi Baa-i apports indiens qui donnent une saveur
fondant la dynastie des Muammadzays, ne tardent pas à se rendre indépendants
Saqq, exerce une dictature tyrannique locale à cet ensemble, dans lequel, à la dif-
ou Brakzays. Pour la première fois depuis en formant des royaumes comme celui de
pendant six mois. Il faut que le vainqueur férence des reliefs bouddhiques de l’Inde
longtemps, les Afghans ne vont plus consa- la Bactriane. Le seul vestige artistique de
des Anglais, Ndir khn, alors ministre à ancienne, la figure du Bouddha apparaît
crer tous leurs efforts à l’Inde. L’abandon ces rois grecs locaux était jusqu’à présent
Paris, quitte brusquement son poste et, en personne. Le site de Shotorak, près de
du Cachemire, de Multn, de Peshwar leur monnayage, mais la découverte du
aux acclamations, abatte l’usurpateur. Il Begram, a livré de nombreux reliefs en
(prise par les Sikhs de Ranjit Singh, 1834) site d’Aï-Khanoum permet enfin de mieux
est proclamé roi (1929). schiste vert dans le style gréco-boudd-
va, en fait, fortifier leur pays. Celui-ci en connaître cette période. Cette ville, dont
Ndir chh, averti par l’expérience, hique du IIe s., alors qu’à Hadda, sur la
a grand besoin, étant alors pris, comme la fondation pourrait remonter sinon à
reprend avec prudence mais fermeté les route de Kaboul à Peshwar, le schiste est
un État tampon, entre les impérialismes Alexandre lui-même du moins au début
réformes. Il n’en est pas moins assassiné abandonné au profit du stuc moulé sur un
anglais et russe. La rivalité coloniale de du IIIe s. avant notre ère, est en cours de
en 1933 par un exalté. Son fils Zhir chh noyau de terre crue ; grâce à ce matériau
Londres et de Moscou va avoir une grande dégagement ; elle possède une archi-
lui succède. Né en 1914, il a été partielle- plus plastique, des centaines de person-
influence sur les conditions de vie et la tecture dans le style hellénistique d’Asie
ment élevé en France et il est acquis aux nages ont été modelés dans un style plein
configuration de l’État afghan moderne. Mineure des IIIe et IIe s. av. J.-C. Un pilier her-
idées nouvelles. Il fait adhérer son pays de spontanéité et de grâce du IIe au IVe s.
Pour les Britanniques, il s’agit de proté- maïque surmonté d’un buste de vieillard,
à la S. D. N. (1934), et si, en 1937, il signe À Bmiyn, important centre bouddhique
ger la route des Indes. Dst Muammad proche des sculptures hellénistiques du
avec la Turquie, l’Iran et l’Iraq le pacte de (du IIe au Ve s.), deux bouddhas colossaux
ayant fait des démarches auprès des IIIe s., apporte la preuve que la Bactriane
Sa‘dbd, il n’entend pas, pour autant, se ont été taillés dans une falaise ; des restes
Russes, la Compagnie des Indes envahit grecque a connu l’art de la sculpture tout
laisser entraîner dans la guerre (neutralité de peintures mêlant des traits indiens
l’Afghnistn, chasse le légitime souverain autant que celui de la gravure sur monnaie
entre 1939 et 1945). à des éléments inspirés par les fresques
à Bukhr (Boukhara) avant de l’emme- et que son rôle dans la formation de l’art
du Turkestan chinois apparaissent dans
ner captif à Calcutta, installe au pouvoir La « partition » de l’Inde remet en cause gréco-bouddhique a dû être plus impor-
tant qu’on ne l’avait souvent pensé. À la fin les niches. Des traces de peintures sub-
Chudj‘ (1839). Les résultats de cette la « ligne Durand » et pose le problème des
du IIe s. av. J.-C., des envahisseurs scythes, sistent également dans les monastères
intervention sont une insurrection popu- Afghans qui vivent dans le nouvel État du
bouddhiques rupestres de Foladi (4 km de
laire, l’assassinat de Chudj‘, le meurtre Pkistn. On parle d’union entre les deux les Sakas, déferlent sur les royaumes indo-
Bmiyn), intéressants par leurs imitations
de sir Alexander Burnes, la destruction de pays, de la création d’un Pachtnistn in- grecs, mais ils empruntent à leurs prédé-
de coupoles ou de plafonds à empoutre-
l’armée d’occupation (1842). Revenus en dépendant. La crise devient aiguë. Le statu cesseurs un monnayage de type grec. Les
Parthes, qui contrôlent en grande partie ment caissonné. Un monastère boudd-
force, les Anglais ne voient pas d’autre so- quo, auquel on s’en tient, ne donne pas
l’Afghnistn dans la première moitié du hique du VIIe s., à Fundukistn (117 km au
lution que de rétablir Dst Muammad en toute satisfaction à Kaboul.
Ier s. av. J.-C., sont des philhellènes utilisant nord-ouest de Kaboul), présente dans des
le forçant à suivre une politique d’amitié Sous la conduite de Zhir chh,
sur leurs monnaies la représentation du niches un ensemble de sculptures en terre
avec eux (interrompue en 1849, lors de la l’Afghnistn, toujours neutre, a accepté
Zeus assis. crue additionnée de paille bûchée sur une
révolte des Sikhs). Les Afghans y gagnent l’aide de toutes les nations et en a profité
armature de bois ; la docilité du matériau
de pouvoir repousser une tentative d’inva- pour développer son économie, encore
LA PÉRIODE KU permet le développement d’un art carac-
sion iranienne (1863). Le cinquième fils de essentiellement agricole. La scolarisation
térisé par la souplesse des attitudes, la gra-
Dst Muammad, Chr‘Al, met cinq ans à et l’émancipation des femmes (droit de se
NA cilité et l’élégance des formes, la préciosité
affirmer son autorité (1863-1868). Tour à dévoiler, 1959) ont été à l’ordre du jour.
des gestes, et des visages aux yeux exoph-
tour il se tourne vers les Russes et vers les Une nouvelle Constitution a été promul-
Avec l’arrivée de nouveaux envahis- talmiques ; les souvenirs de l’hellénisme
Anglais pour obtenir des garanties (confé- guée le 1er octobre 1964.
seurs venus d’Asie centrale, les Kuna, tendent à disparaître sous l’influence des
rence d’Ambla, 1869). Finalement l’arri-
Mais, le roi n’ayant pas autorisé la forma- l’Afghnistn est englobé dans un vaste modèles indiens post-Gupta et de ceux
vée d’un émissaire du tsar à Kaboul et la
tion de partis politiques, aucune majorité empire qui s’étend des confins de la Rus- du Turkestan dont on retrouve la marque
concentration de forces russes à Tachkent
ne peut se dégager au Parlement, dont les sie jusqu’à Mathur, en Inde. Le souve- dans les fresques décorant les niches.
incitent les Anglais à entreprendre une
membres, uniquement soucieux d’intérêts rain Kanika fonde à Surkh Kotal (près de
deuxième guerre afghane (1878) ; Chr‘Al,
locaux ou tribaux, paralysent l’exécutif. Barhln) un temple du feu qu’entoure un L’ART HINDOU
en fuite, meurt en 1879 et c’est en vain que
Finalement, en juillet 1973, un coup d’État péristyle avec portique décoré de statues
son fils Muammad Ya‘qb (Ya‘qb khn) L’hindouisme fut également pratiqué en
porte au pouvoir Sardr Muhammad en pierre et en argile. Dans cet ensemble
traite avec les vainqueurs à Gandamak. Afghnistn et même protégé, si l’on en
Da‘d, et la république est proclamée. se mêlent les traditions artistiques de la
Soulèvements, massacres retardent les croit la tradition, par le souverain hun
Perse achéménide (le plan) et de la Grèce
J.-P. R.
négociations qui n’aboutissent qu’avec un hephthalite Toramna († 502). Ainsi a-t-on
(le péristyle et le décor architectural) avec
neveu de Chr‘Al, ‘Abd al-Ramn (1880- découvert çà et là des statues de marbre
des éléments iraniens d’Asie centrale, pré-
1901), obligé d’accepter que les frontières blanc représentant diverses divinités du
sents surtout dans les statues, très proches
soient fixées suivant la « ligne Durand » panthéon hindou, dans un style proche
L’art de l’Afghnistn des effigies de princes scythiques trouvées
(1893). des sculptures de l’Inde médiévale (VIIe,
à Mat, près de Mathur. La période kuna,
Sur le plan artistique, l’Afghnistn s’est
Sous les règnes de abb Allh (1901- grâce à la paix entretenue en Occident VIIIe, IXe s). À Khair Khaneh, près de Kaboul,
toujours affirmé comme un lieu de passage
1919) et d’Amn Allh (1919-1929), les par Rome et en Asie orientale par la Chine on a retrouvé les traces d’un temple du
et de rendez-vous des influences, ainsi qu’il
efforts pour faire sortir l’Afghnistn de des Han, est celle du développement d’un Soleil avec une statue du dieu du Soleil
apparaît dès les niveaux les plus anciens de
son isolement sont annihilés par la volonté florissant commerce à ce carrefour de (rya), en marbre blanc, qui paraît dater
Mundigak (55 km au nord-ouest de Kanda-
déterminée de l’Angleterre de renforcer routes qu’est l’Afghnistn ; ainsi à Be- du VIIe s. par comparaison avec la sculpture
har) avec une céramique décorée de motifs
celui-ci. Seule la troisième guerre anglo- gram, l’ancienne Kpis, a-t-on découvert indienne.
géométriques, étroitement apparentée à
afghane, dite guerre d’indépendance (vic- un trésor réunissant des objets hellénis- J.-F. J.
l’Iran du IVe millénaire avant notre ère. Le
toire de Ndir khn qui a pénétré en Inde), tiques du type alexandrin du Ier s. apr. J.-
site connaît son apogée à la période IV, au
consacre la pleine reconnaissance de la C., des laques chinois de l’époque Han et
IIIe millénaire, avec la construction d’un
souveraineté de l’Afghnistn (armistice des pièces de mobilier en ivoire, décorés L’ART ISLAMIQUE
palais dont la façade comporte une colon-
de Rawalpindi, 8 août 1919, et traité de de scènes profanes dans le style indien de
nade en briques crues ; le matériel archéo- L’Afghnistn, plus que tout autre pays
Kaboul, 22 nov. 1921). Mathur (IIe-IIIe s. apr. J.-C.).
logique, notamment une céramique carac- musulman, a souffert des dévastations
térisée par des vases en forme de verre mongoles du XIIIe s. Plusieurs grandes cités
L’AFGHNISTN CONTEMPORAIN L’ART GRÉCO-BOUDDHIQUE
ballon, décorés d’animaux ou de feuilles des premières civilisations islamiques ne
Amn Allh peut dès lors songer à donner de pipal peints, présente de nombreuses À partir du IIe s. apr. J.-C., l’Afghnistn se sont plus que champs de ruines, ainsi
une structure moderne à son pays. Consti- affinités avec celui de sites iraniens comme couvre de monuments bouddhiques déco- Chahr-i Golgola, proche de Bmiyn, dé-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

truite en 1222 et fouillée en 1930. Un peu muall sont les ensembles les plus remar- qui appartient à la zone des plissements de voûte d’un bombement du socle, de
partout, sur des hauteurs, demeurent des quables de la cité. La Grande Mosquée alpins. sorte que la dépression tectonique cor-
vestiges souvent émouvants de forteresses mérite une mention particulière comme
Le vieux socle africain serait l’une respondant à la rift-valley est flanquée
vastes ou modestes. La connaissance de étant, avec celle de Mazr-i Charf, l’oeuvre
cet immense patrimoine est encore rudi- la plus impressionnante de l’architecture des parties principales d’un ancien de chaque côté par des plateaux élevés.
mentaire, mais les découvertes récentes afghane. Comme cette dernière construite continent fondamental, dit de Gond- Une autre grande zone de cassures relie
révèlent l’existence de grandes écoles sans doute à la fin du XVe s. sur le prétendu wana, qui aurait réuni avant sa dislo- le fond du golfe de Guinée à la cuvette
médiévales et renouvellent profondément tombeau du calife ‘Al, elle présente un
cation au début du Secondaire le bou- du Tchad.
nos conceptions relatives à l’art de l’islm. portail, des tours, des minarets, des dômes
clier brésilien, le Deccan, Madagascar,
décorés de somptueuses céramiques ver- À ces mouvements de cassures sont
La première grande civilisation musul-
nissées, où cobalt et turquoise dominent. la plus grande partie de l’Australie et
mane semble avoir été celle des Turcs liés les phénomènes volcaniques dans
Ce qui fait la plus grande gloire de Hart du continent antarctique. Ce socle, l’un
Rhaznévides. Nous ne savons presque le Hoggar et le Tibesti, dans le fond du
est toutefois l’école de peinture fondée par des plus vastes du monde, est constitué
rien encore des fondations religieuses de golfe de Guinée (mont Cameroun) et
Bysonrhor, petit-fils de Tmr Lang (Ta-
cette époque, et seuls les textes célèbrent par des roches très anciennes, cristal-
merlan). Ses premières oeuvres se signalent surtout en Afrique orientale, où le socle
la splendeur de la Grande Mosquée de lines (granites) ou métamorphiques
Rhazn. Dans cette ancienne capitale, les
par la composition claire, les contours nets, a été recouvert sur de grandes étendues,
(gneiss, schistes, quartzites), qui ont
les coloris à dominante rouge et orange.
deux minarets mutilés de Mas‘d III et notamment en Éthiopie et au Kenya et
Elle a bientôt comme maître, entre 1470 été plissées lors de plusieurs cycles
de Bahrm chh, construits en brique au en Tanzanie, par d’épaisses séries de
et 1507 environ, le plus grand miniaturiste orogéniques précambriens, arasées
XIIe s., attestent encore la maîtrise des ar-
musulman, Bihzd. L’oeuvre authentifiée coulées, avec construction de grands
chitectes. Leur partie supérieure a disparu, par l’érosion, et ont acquis, du fait de
de Bihzd est peu abondante, mais son volcans comme le Kilimandjaro, point
mais il subsiste, placés sur une base octo- leur ancienneté, une grande rigidité.
audace dans la composition, sa science culminant de l’Afrique (5 963 m), le
gonale, de hauts corps prismatiques arti- Le socle n’a plus subi ensuite que des
de la mise en scène, son souci de person-
culés par des pans de murs en biseau, qui mont Kenya. Un volcanisme actif
naliser les sujets lui donnent une valeur mouvements de cassure et des défor-
ont reçu un décor en mosaïque de brique à se manifeste encore de nos jours en
insigne. Elle a un immense retentissement. mations à grand rayon de courbure.
la fois énergique et fin. Le tombeau du fon-
La conquête de l’Inde* par Bbur fait de Ces déformations sont à l’origine de Afrique orientale, au Cameroun (mont
dateur de la dynastie, Mamd de Rhazn
l’Afghnistn oriental une province de la structure en bourrelets et bassins si Cameroun) et au Tibesti.
(† 1030), est aujourd’hui un monument
l’art moghol, au moment où l’Afghnistn
ingrat contenant une pierre tombale admi- caractéristiques de l’Afrique : cuvette L’île de Madagascar, constituée en
occidental se tourne vers la Perse séfé-
rablement épigraphiée. Nous connaissons du Niger, du Tchad, de Bahr el-Ghazal,
vide. À Kaboul et ailleurs sont aménagés partie de hautes terres, appartient au
bien mieux l’architecture palatiale des XIe
des jardins, aujourd’hui abandonnés, jadis dans la moitié septentrionale ; cuvette même ensemble. À partir d’un bourre-
et XIIe s., grâce aux fouilles françaises de
aussi beaux que ceux du Cachemire, dont du Congo ; cuvette du Kalahari en
Lachkari Bzr et aux fouilles italiennes de let méridien, des plateaux descendent
ils sont les ancêtres. À Kaboul encore, une Afrique australe. Dans ces cuvettes ou
Rhazn. L’influence ‘abbsside* y est per- doucement vers l’ouest, tandis que le
jolie petite mosquée de marbre blanc,
ceptible sur l’architecture et sur le décor. bassins se sont accumulés les produits
construite près de la sépulture de Bbur, côté oriental est un gigantesque esca-
Néanmoins, pour la première fois, nous de l’érosion, surtout sous la forme de
atteste la présence indienne, tandis que le lier de failles. Ici aussi des reliefs vol-
voyons le plan cruciforme à quatre grandes grès grossiers continentaux, tandis que
mausolée de Tmr chah, en brique, mais caniques jalonnent les cassures.
voûtes béantes (iwn) s’ordonnant autour
assez délabré, prouve l’attrait permanent les bourrelets intermédiaires, dégagés
d’une cour, dispositif qui deviendra celui Le Maghreb est, par contre, une
de la civilisation iranienne. par l’érosion, laissaient affleurer lar-
de nombreux édifices religieux, principa-
gement les roches cristallines. Sur les entité structuralement étrangère au
lement en Iran*. Les peintures trouvées à J.-P. R.

bordures des cuvettes, l’érosion a dé- reste de l’Afrique. C’est une partie des
Lachkari Bzr dans la salle du trône (qua-
rante-quatre figures fragmentaires dont Asie centrale / Hellénistique (art) / Inde / Iran
gagé, dans le remplissage sédimentaire, chaînes plissées par l’orogénie alpine,
/ Islm.
le corps est de face et les pieds de profil), accolée au continent africain.
lorsque les conditions s’y prêtaient,
dont le caractère turc est très marqué dans J. Barthoux, les Fouilles de Hadda (t. Ier,
un relief de cuesta, parfois imposant • L’Afrique de l’Ouest, du Centre
la physionomie et dans l’équipement, sont Stupas et sites. Texte et dessins [Éd. d’art et
(comme les Tassili qui enserrent le et du Nord-Est est un vaste ensemble
des documents de premier ordre pour d’histoire, 1933] ; t. III, Figures et figurines.
Album photographique [G. Van Oest, 1930]). massif du Hoggar, ou la grande cuesta
l’histoire de la peinture musulmane. Les d’altitude en général peu élevée (entre
plaques de marbre à reliefs du palais de / J. Meunié, Shotorak (Éd. d’art et d’histoire, gréseuse de Bandiagara, au Mali). 200 et 500 m), où dominent d’im-
1942). / J. Hackin et coll., Nouvelles Recherches
Rhazn, figurant mercenaires turcs, scènes
archéologiques à Bégram (1939-1940) [P. U. F., La sédimentation marine a affecté menses étendues de plateaux, souvent
de chasse, danseuses, fauves, et qu’on doit
1955 ; 2 vol.]. / A. Maricq et G. Wiet, le Mina- les bords du continent au Secondaire
comparer aux pierres sculptées du Proche- recouverts en Afrique occidentale par
ret de Djam (Klincksieck, 1959). / J. M. Casal,
Orient seldjoukide, ont autant d’intérêt et et au Tertiaire, au Mozambique, en des cuirasses ferrugineuses. La partie
Fouilles de Mundigak (Klincksieck, 1962 ;
prouvent, une fois de plus, que l’interdic- 2 vol.). / J. C. Gardin, Lashkari Bazar (Klinck- Somalie, au fond du golfe de Guinée, centre-nord et nord-est correspond au
tion de représenter, surtout en sculpture, sieck, 1963). / J. Auboyer, l’Afghanistan et son au Sénégal et en Mauritanie, le long de plus grand désert du monde, le Sa-
des êtres animés fut mal respectée. art (Cercle d’art, 1968).
la Méditerranée, du Nil au Maghreb.
hara, avec ses étendues de pierrailles
La domination rhride du XIIe s. n’est En Afrique australe et en Angola ces
ou regs, comme au Tanezrouft et au
actuellement attestée que par un monu-
transgressions n’ont pénétré que de
ment découvert en 1957, au reste capital, Tademaït, et ses champs de dunes
quelques dizaines de kilomètres, l’inté-
le minaret de Djm (à proximité du village Afrique rieur demeurant sous le régime de la
(grand erg occidental, grand erg
de ce nom). Également « tour de victoire », oriental, etc.). D’autres régions, dans
c’est un grand fût de quelque 60 m de sédimentation continentale.
les cuvettes du Tchad, du Niger ou du
haut, décoré de petits fragments de brique Vaste étendue continentale entre la
Les mouvements de cassures sont à
Méditerranée, l’océan Atlantique, Bahr el-Ghazal, comportent de vastes
mis en place sur lit de plâtre. On suppose
l’origine du système des rift-valleys,
qu’il marque le centre de la capitale des l’océan Indien et la mer Rouge ; marécages. Des plateaux plus élevés
2 trait majeur du relief de l’Afrique
Rhrides, Frzkh, détruite en 1222. 30 200 000 km ; 380 millions d’hab. flanquent cet ensemble du côté sud-
orientale. Il s’agit de lignes de frac-
Sous la domination tmride, Hart, (Africains). ouest : Fouta-Djalon, plateau Bauchi,
turation complexes, occasionnant des
déjà armée d’une citadelle des IXe-Xe s., Adamaoua. Au centre, les importants
dont il reste des vestiges, devient le centre dépressions tectoniques de 50 km à
La structure et le relief massifs du Hoggar et du Tibesti ap-
intellectuel de l’Asie centrale. L’université 200 km de largeur, qui prennent com-
prochent ou dépassent 3 000 m, ainsi
(madrasa) de usayn Byqar (1469-1506), plètement en écharpe l’Afrique orien-
L’Afrique est un continent massif,
le tombeau d’al-Anr (en banlieue, à que l’Ennedi et le Darfour.
aux côtes peu découpées, constitué tale du nord au sud, depuis la mer
Gzurgh ; 1425), entouré de nombreuses
en majeure partie par un vieux socle Rouge, qui appartient au même sys- • La cuvette du Congo peut se rat-
tombes mal étudiées mais dignes d’inté-
accidenté seulement par des cassures tème, jusqu’à la basse vallée du Zam- tacher par son altitude peu élevée à
rêt, la Grande Mosquée, fondée en 1200
puis restaurée si souvent qu’on ne trouve et des mouvements à grand rayon de bèze. Ce système de cassures corres- l’ensemble précédent. Elle en est tou-
plus rien de sa physionomie primitive, le courbure, à l’exception du Maghreb, pond à l’effondrement axial de la clé tefois nettement séparée par les hautes

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

terres des plateaux de l’Adamaoua et Abaya, Shala et Zway ; large, à la lati- relief heurté et compartimenté (Haut permanente au voisinage des tropiques
de l’Oubangui. tude d’Addis-Abeba, d’une centaine Atlas, Anti-Atlas, Moyen Atlas, (anticyclone des Açores, de l’Atlan-
de kilomètres, la zone du rift s’élargit chaîne du Rif au Maroc ; Atlas tellien tique Sud, des Mascareignes) ; ils
• L’Afrique de l’Est possède, au
contraire des deux entités précé- considérablement dans le nord de la et Atlas saharien enserrant des hauts connaissent des oscillations annuelles
Somalie et l’est de l’Éthiopie, où elle plateaux, et chaîne de l’Aurès en Al- nord-sud et sud-nord en relation avec
dentes, une altitude moyennement
inclut la plaine des Afars, le Dana- gérie et Tunisie) s’apparentant davan- le mouvement apparent du soleil. Des
élevée, généralement supérieure à
kil et l’Érythrée. Les plateaux élevés tage à l’Europe méditerranéenne qu’à zones de hautes pressions se forment
1 000 m. Le trait dominant est le
flanquant les rift-valleys sont ceux l’Afrique. aussi sur le continent, en hiver, vers les
système des rift-valleys, flanquées de
de l’Iringa et du Rungwe en Tanza- mêmes latitudes (Sahara septentrional
chaque côté par des plateaux élevés.
nie, les hautes terres du Kenya et de
Dans la partie sud, il n’existe qu’une Le climat en janv. ; Afrique du Sud-Est en juill.).
l’Ouganda occidental ; enfin la plus
seule rift-valley principale, jalonnée L’air dense s’écoule depuis ces
grande partie de l’Éthiopie est consti- Située entre 37° de latitude nord et
par la vallée de la Shire au Malawi et centres de hautes pressions : ce sont
tuée par des hautes terres au-dessus de 35° de latitude sud, l’Afrique est tra-
par le lac Malawi. En Afrique orien- les alizés, qui, lorsqu’ils franchissent
2 000 m d’altitude. versée en son milieu par l’équateur,
tale ex-anglaise, ce système se divise l’équateur, prennent le nom de mous-
et une grande partie de sa surface est
en une rift-valley occidentale, jalon- • L’Afrique australe s’apparente à
sons. La zone de rencontre des vents
comprise entre les deux tropiques. Ce
née par les lacs Tanganyika, Kivu, l’Afrique orientale par son altitude
qui viennent du nord avec ceux qui
moyenne élevée. De part et d’autre caractère « intertropical » détermine,
Edouard, Albert, et une rift-valley
viennent du sud est la zone de conver-
de la cuvette centrale du Kalahari, combiné avec d’autres facteurs, les
orientale avec les lacs Eyasi, Ma- gence intertropicale, le long de laquelle
les hautes terres du bourrelet margi- données de la pluviosité et des tempé-
nyara, Natron, Naivasha, Nakuru, Ba-
règnent des basses pressions et une per-
nal dominent brusquement la zone ratures, et seules une frange au nord
ringo et Rudolf. Entre ces deux grands
turbation constante de l’atmosphère,
littorale par un grand escarpement de d’une ligne allant de Port-Étienne au
faisceaux de cassures, le lac Victoria
accompagnée de pluies.
1 500 à 2 500 m de commandement. Caire, ainsi que la région du Cap dans
occupe la partie centrale déprimée
Le Drakensberg est l’une des sections l’extrême sud sont affectées par les En janvier, la zone de conver-
d’une grande unité du socle déformée
de ce grand escarpement, dominant la masses d’air d’origine polaire avec un gence intertropicale prend en écharpe
par des mouvements à grand rayon
plaine côtière du Natal. régime de pluies d’hiver. l’Afrique australe et Madagascar.
de courbure. Dans le nord, il n’existe
plus de nouveau qu’une seule rift- • Le Maghreb possède une altitude Des centres de hautes pressions (an- L’Afrique orientale est soumise
valley, jalonnée par les lacs Chamo, moyenne élevée. C’est une région au ticyclones) sont localisés de manière alors à la mousson asiatique, tandis

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

qu’en Afrique occidentale soufflent Les régions désertiques reçoivent la zone où la saison sèche couvre 3 à relaient ceux du sud, de telle sorte que
l’harmattan chaud et sec et les alizés moins de 200 mm de pluie : c’est le 8 mois. Il en existe une grande variété le débit d’étiage représente encore les
marins. cas du Sahara, des déserts de Libye et de types plus ou moins humides, avec deux tiers du débit de crue. Le Nil, dont
de Nubie ; du désert du Namib ; d’une des types de passage à la végétation le bassin s’étend jusque dans la zone
En juillet, la zone de convergence
partie de la Somalie et de l’Érythrée. forestière. La forêt-parc juxtapose équatoriale, dépend cependant pour
intertropicale remonte très haut vers
Les climats méditerranéens des espaces boisés avec des surfaces son alimentation essentiellement de la
le nord, entre l’Afrique occidentale
n’existent qu’au Maghreb et dans la découvertes à grandes graminées. zone tropicale nord, d’où des hautes
et l’Éthiopie. La mousson guinéenne
région du Cap. Leur originalité est de Les savanes arborées possèdent un eaux d’été, dues surtout aux apports
(alizé originaire de l’anticyclone de
posséder des pluies de saison froide, tapis continu de graminées, piqueté du Nil Bleu et de l’Atbara, drainant les
l’Atlantique Sud et ayant franchi
à l’inverse du reste de l’Afrique. Le d’arbres : ainsi sur de grands espaces hautes terres éthiopiennes. Le Niger,
l’équateur) apporte alors de fortes
régime des vents y est aussi tout à fait en Afrique orientale, en Afrique occi- qui prend sa source dans la zone tropi-
pluies au nord du golfe de Guinée :
différent : c’est celui de la zone tem- dentale et australe. Les savanes her- cale, a aussi de hautes eaux estivales.
c’est la saison des pluies boréales, pen-
pérée, lié au passage de dépressions et beuses sont au contraire dépourvues Le Zambèze a un régime contrasté, avec
dant qu’en Afrique australe se déve-
d’anticyclones mobiles circulant tou- d’arbres (par exemple sur certaines de hautes eaux durant l’été austral.
loppe au contraire la saison sèche.
jours dans le sens ouest-est. carapaces imperméables). Le passage La plupart des fleuves, ainsi généra-
Outre la latitude, et le déplacement
au désert se fait par la steppe subdéser- lement que leurs affluents, ont un profil
des masses d’air, le climat est déter-
tique, constituée par un semis lâche de
La végétation et les sols en long irrégulier, en escalier, avec des
miné par les courants marins, l’alti-
buissons souvent épineux. rapides et des chutes (multiples rapides
tude, le relief et l’orientation des côtes. Dans les régions équatoriales, bien ar-
La végétation des régions méditer- du Nil ; Victoria Falls sur le Zambèze ;
Les courants chauds (courant du rosées, dominent des sols très profonds
ranéennes est variée, allant des steppes Stanley Falls sur le Congo, etc.). Ce
Mozambique) augmentent l’humidité (souvent 15 m et davantage) de colora-
buissonnantes dans les régions sèches caractère des fleuves fait de l’Afrique
et l’instabilité atmosphérique. Les tion dominante rouge : ce sont les sols
aux forêts de chênes verts, de chênes- le continent sans doute le plus riche en
latéritiques, dits aussi ferralitiques.
courants froids (des Canaries, de Ben- lièges, de pins, de cèdres. possibilités hydro-électriques.
guela) refroidissent les masses d’air, Dans les régions tropicales, le déve-
Les montagnes intertropicales R. B.
entraînant la formation de brouillards loppement de la saison sèche permet
possèdent une zonation végétale en
en mer et diminuant la pluviosité sur la concentration et la fixation du fer
altitude comprenant des formations L’histoire de l’Afrique
les côtes voisines ; ainsi s’expliquent dans les sols ferrugineux tropicaux.
variées. Ainsi, en Afrique orientale,
les déserts côtiers du Namib et de Lorsqu’il y a forte accumulation des V. Afrique noire, Afrique romaine,
au Kilimandjaro, au mont Kenya, au
Mauritanie. oxydes de fer et d’alumine, et durcisse- Empire colonial britannique, Empire
Ruwenzori, à la forêt des basses pentes,
ment, apparaissent les sols à carapace, colonial espagnol, Empire colonial
L’altitude détermine largement la passant vers le haut au Nebelwald,
appelés aussi « bowé » en Afrique français, Empire colonial portugais, et
géographie des températures, tandis succèdent une zone à bambous, puis
occidentale. au nom des États de l’Afrique.
que les reliefs obligent l’air à s’élever la zone des grandes bruyères, enfin la
et provoquent la condensation de la va- Dans la zone sahélienne, les sols les
prairie alpine à lobélies et séneçons
peur d’eau, augmentant la pluviosité. plus courants sont les sols bruns et châ-
géants. L’Afrique contemporaine,
L’orientation des côtes joue aussi un tains, contenant du fer, et les sols gris, continent sous-
généralement peu épais.
grand rôle : ainsi la côte du Dahomey L’hydrographie développé
au Liberia, qui reçoit la mousson de Dans la zone méditerranéenne,
plein fouet, est très arrosée (5 m en mieux arrosée, on retrouve des sols Une grande partie du continent africain
Le sous-développement
Guinée) ; de même la côte orientale rouges, châtains ou gris, rappelant ceux est aréique ou endoréique. L’aréisme
économique
de Madagascar exposée à l’alizé. Par des tropiques secs, et des sols à croûtes correspond aux régions désertiques
Souligné par la faiblesse du produit
calcaires ou gypseuses. déjà énumérées. L’endoréisme inté-
contre, les littoraux parallèles aux
intérieur brut, il épouse différentes
vents dominants sont moins arrosés resse la totalité de la rift-valley orien-
La forêt dense équatoriale, ou rain formes. Le sous-développement de
tale (du Kenya), le rift éthiopien, la
(côte de la Somalie). Les climats équa- forest, n’existe que dans les régions production est lié à l’anachronisme des
cuvette du Tchad, enfin les chotts du
toriaux sont caractérisés par de la pluie recevant plus de 1 700 mm de pluie, structures héritées de la colonisation, à
Sud tunisien et du nord de la Libye.
toute l’année, avec deux maximums et sans véritable saison sèche (elle est la carence des capitaux et des équipe-
Les principaux bassins exoréiques cor-
aux équinoxes (mars et septembre) pour cette raison toujours verte) : c’est
ments, à l’existence d’une monoculture
respondent essentiellement à quatre
correspondant aux deux passages de la le cas de la forêt du bassin du Congo. industrielle, enfin à la juxtaposition
grands fleuves : le Congo, le Niger, le
zone de convergence intertropicale sur C’est une forêt à très grands arbres, à
d’une économie de subsistance tradi-
Nil et le Zambèze.
l’équateur. Dans le bassin du Congo plusieurs étages de végétation, caracté-
tionnelle et d’une économie moderne
la pluviosité est de 1,5 à 2 m par an. risée par la coexistence d’un très grand Les régimes hydrographiques dé-
sans aucune correspondance. Le sous-
La température moyenne annuelle est nombre d’espèces végétales. pendent des régimes pluviométriques.
développement commercial n’est pas
voisine de 26 °C. Ainsi dans les régions équatoriales
La forêt tropophile à feuilles ca- moins patent. On produit plus pour
les rivières ont de l’eau toute l’année.
Les climats tropicaux s’indivi- duques correspond aux régions encore exporter que pour consommer et on
Dans les régions tropicales, les crues
dualisent au fur et à mesure qu’on suffisamment arrosées mais possédant importe plus pour consommer que pour
ont lieu en saison humide et les étiages
s’éloigne de l’équateur et sont carac- une saison sèche. Ce type couvre de s’équiper. L’économie africaine se ca-
en saison sèche. Dans les régions
térisés par le développement d’une grandes surfaces en Afrique occiden- ractérise par de nombreux aspects dé-
arides ou subarides, les oueds sont à
grande saison sèche. On distingue une tale, et dans le nord de l’Afrique aus- favorables : inorganisation des circuits
sec la plupart du temps.
variété humide, avec 1 200 à 1 500 mm trale. Mais même dans des régions plus de distribution (peu de chemins de fer,
de pluie et une saison sèche réduite de sèches, il peut exister un ruban forestier Les grands fleuves, pourvus d’un routes mauvaises et rares, persistance
3 à 6 mois, et une variété sèche, avec le long des fleuves ou des rivières, lié réseau d’affluents couvrant générale- des modes traditionnels d’échange mal
500 mm à 1 200 mm de pluie et une à la nappe : ce sont les forêts-galeries. ment des zones climatiques diverses, adaptés) ; faiblesse du commerce inte-
saison sèche de 6 à 9 mois. Les climats peuvent échapper à ce schéma simple.
Les savanes peuvent résulter de la rafricain et absence de coordination
sahéliens annoncent le désert, avec destruction d’une végétation forestière Le Congo, dont le bassin couvre entre la politique de production et celle
moins de 500 mm de pluie, et une sai- préexistante. Mais elles peuvent être 4 Mkm 2, a un débit moyen de d’échange ; étroitesse des marchés na-
son sèche durant plus de 9 mois. aussi originelles, en particulier dans 50 000 m3/s. Les affluents du nord tionaux (médiocrité du pouvoir d’achat,

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

manque d’éducation du consommateur, tition des investissements par secteur synthèse entre sa tradition et l’apport religion capable de spécifier le monde
multiplicité de petits États peu peuplés économique qui montrent des zones et occidental : d’où l’existence d’hommes arabe, voire africain, et s’appuya sur
pratiquant le plus souvent des écono- des domaines privilégiés à l’excès ; la marginaux, écartelés entre des jeux de lui pour promouvoir sa politique arabe
mies concurrentielles et une politique structure des crédits bancaires, où l’on valeurs sans commune mesure, parfois et instaurer le socialisme.
stérile de protection douanière) ; ten- rencontre un écartèlement notoire entre aigris ; d’où l’irruption en milieux ur- L’islm comme obstacle : H. Bour-
dance à exporter des produits primaires les crédits à long terme, qui suivent bains d’une pseudo-culture européenne guiba, par exemple, est parti en guerre
peu compétitifs, sujets aux fluctuations les secteurs reliés à l’exportation, et souvent mal assimilée. Le maintien de contre les vieilles pratiques qui ne sont
du marché international et fournissant les crédits à court terme, orientés vers méthodes et de programmes scolaires bonnes « ni pour la santé, ni pour la
des devises bien vite absorbées par la commercialisation des produits ; inadaptés aux conditions du milieu et balance des paiements ». À cet effet, il
l’achat de denrées vivrières ou de biens l’étude de la balance des paiements, aux exigences de progrès en est le prin- cite le jeûne du ramadan et les dépenses
d’équipement parfois ostentatoires. généralement excédentaire quant aux cipal responsable. somptuaires qui ruinent l’économie,
Quant à la consommation, elle souffre fonds publics (prêtés par l’étranger) et comme les voyages à La Mecque ou les
de deux tares majeures, d’un côté, la déficitaire pour les fonds privés, rapa- Les idéologies hécatombes de moutons lors de l’Aid
sous-nutrition et la malnutrition, en- triés sous forme de surprofits (fuite des
du développement al-Kébir (‘d al-kabr).
core renforcées par la survivance de capitaux).
Certains leaders ont esquissé une Il semble nécessaire de différencier
tabous alimentaires (interdits, jeûnes),
— à propos de l’islm ainsi que du
de l’autre, l’introduction de coutumes Le sous-développement culturel philosophie africaine du développe-
ment, tels L. S. Senghor, K. Nkrumah, christianisme — le dogme en lui-même
bourgeoises (recherche de produits eu- et politique
et les diverses coutumes acquises au
ropéens de luxe en partie responsables S. Touré, Nasser, J. Nyerere. On peut
La persistance du tribalisme, que les
tenter d’en pénétrer les lignes de forces cours du temps et qui finissent par
du déficit de la balance commerciale). partis politiques ne parviennent pas
prendre force de loi. De même, il est
La prépondérance des cultures com- principales.
toujours à masquer (Nigeria, Soudan,
indispensable de séparer la religion,
merciales, les mauvaises conditions Zaïre), la hâte avec laquelle de nom-
qui est d’essence spirituelle, et l’orga-
de stockage et d’approvisionnement, La présence de l’islm
breux leaders ont profité de l’indé-
nisation sociale qu’elle suscite ; il ne
l’âpreté au gain de certains intermé- pendance pour se substituer aux colo- On n’a pas manqué, au nom de la po-
faut pas, enfin, mettre sur le même plan
diaires étrangers ne font qu’accroître nisateurs sans changer les structures litique de développement, d’adresser
l’esprit religieux authentique et l’usage
les difficultés. coloniales, la multiplicité des coups à l’islm, religion prépondérante en
que les hommes font de la religion.
Trois thèmes pourraient, en effet, d’État, qui crée un climat de suspi- Afrique, des critiques parfois sévères.
L’islm, dans la pureté de ses inten-
spécifier l’économie africaine d’au- cion et d’insécurité, l’absence de sens C’est ainsi que l’on a dénoncé son thé-
tions, de ses moyens et de ses fins, et
jourd’hui. Celle-ci est dominée : quant civique fréquente de la part d’une cer- ocentrisme, sa croyance en la prédéter-
à condition de l’interpréter dans un
aux cadres techniques, la plupart du taine élite (concussion, népotisme, op- mination, dont les effets risquent d’être
sens dynamique, n’a rien qui s’oppose
temps étrangers ; quant aux marchés portunisme, irresponsabilité, recherche particulièrement nocifs au niveau de
à une politique de promotion efficace.
(exportation de produits primaires sou- des emplois honorifiques, dépenses l’action, l’interdiction de l’aléa qui
Toutefois, force est d’avouer que cer-
mis aux fluctuations des cours interna- somptuaires), la carence en cadres suscite des incidences économiques
taines réglementations surajoutées,
tionaux, existence de prix supérieurs moyens et supérieurs sont des données regrettables, la péjoration longtemps
que le fanatisme des marabouts et que
aux cours mondiaux, créant des rap- bien connues. Le sous-développement attachée à la fructification du capital,
les agissements de quelques hommes
ports de dépendance) ; enfin, quant politique se caractérise encore par les l’impérialisme du sacré, qui aboutit sur
politiques ne manquent pas de trans-
aux capitaux, ce qui lie directement difficultés des partis au pouvoir à mettre le plan intellectuel à un véritable « hié-
former l’idéal de Mahomet en pierre
la capacité d’investissement des pays en oeuvre un programme d’édification rotropisme », plaçant le savoir positif et
d’achoppement. « La solution réside
sous-développés au bon vouloir des de l’économie nationale qui soit lié à technique dans une position subordon-
certainement dans une voie moyenne
nations plus riches. C’est encore une celui de l’instauration d’un État natio- née et préjudiciable au progrès, etc. En
qui pourra repartir de certains des
économie dualiste, où l’on rencontre, nal, d’une communauté socialement revanche, M. Rodinson a vigoureuse-
principes majeurs de l’islm (soli-
simplement juxtaposés, deux systèmes. viable et d’une législation correcte des ment rejeté le mythe de l’opposition de
darité, zakt, éventuellement djihd
Le système traditionnel est caractérisé administrations et des services publics, l’islm aux structures capitalistiques,
réinterprété, etc.) pour formuler les
par la carence des moyens techniques, reflétant les aspirations profondes des mythe que la condamnation du prêt à conditions socio-culturelles du pro-
la survivance des castes et des régimes populations. On constate un peu par- intérêt ne suffit pas à fonder.
grès technique et du développement
féodaux, une division du travail peu tout l’inexistence d’un parti de déve-
De fait, face à la politique du déve- économique ; il faudra abandonner
développée, une épargne insuffisante loppement capable de susciter l’esprit
loppement, l’islm africain présente d’anciennes interdictions, utiliser les
ou de type ostentatoire, des investis- de sacrifice, fermement et durablement
trois possibilités. étonnantes ressources de la dialectique
sements très faibles, une économie de décidé à endiguer la misère et le chô-
L’islm comme fin : c’est l’attitude musulmane (telle la théorie de la né-
subsistance et de troc désarticulée par mage, apte à lutter contre les forces
des puristes musulmans et aussi des cessité), admettre la notion de laïcité. »
des échanges monétaires anarchiques. d’une tradition considérée comme
fanatiques qui veulent trouver l’avenir (J. Poirier.)
Le système moderne de haute tech- l’unique modèle de comportement ou
dans la stricte reconduction du passé.
nicité (grandes plantations mécani- contre la tentation d’une révolution
Ainsi, pour les Frères Musulmans, le La tentation marxiste
sées, cultures d’exportation d’origine permanente. Il faut signaler enfin la
Coran est la meilleure des constitutions Parmi toutes les idéologies qui se ren-
étrangère, exploitation rationnelle fréquence du leader charismatique, la
en même temps que le meilleur traité contrent aujourd’hui en Afrique, le
des ressources minières, voire indus- personnification du pouvoir, « concen-
d’économie politique : en lui se trouve marxisme-léninisme semble la plus
tries légères, etc.) est orienté vers la tration opérationnelle » ou « incarna-
la solution unique et définitive de tous structurée et la plus dynamique. Aussi,
concurrence et le profit, parfaitement tion mythique ». Sur le plan culturel, le
les problèmes humains. les leaders africains ont-ils éprouvé ou
incompatibles avec la tradition ; il crée sous-développement se confond avec
L’islm comme moyen : c’est dans éprouvent-ils encore une vive attirance
un type d’homme jusqu’ici inconnu l’analphabétisme (qui règne tout par-
cet esprit que certains leaders de pour l’oeuvre de Marx.
de l’Afrique, le prolétaire, et demeure ticulièrement en milieu rural, surtout
plus ou moins dépendant des pays chez les nomades) et les déperditions l’Istiqll ont pu brandir l’étendard de Il est certain, par exemple, que la
étrangers. C’est, enfin, une économie scolaires, à la fois abandons et redou- l’islm pour légitimer une politique na- notion marxienne d’aliénation a contri-
non intégrée comme le soulignent : blements. Un certain dualisme culturel tionaliste et annexionniste et maintenir bué à la prise de conscience par les
le déficit habituel de la balance com- provient encore du fait que l’Afrique l’immobilisme social. Dans une finalité Africains de leur situation d’assujet-
merciale ; la localisation et la répar- n’a pu, jusqu’à ce jour, réaliser une différente, Nasser a vu dans l’islm une tis. Ils ont alors mieux compris en quoi

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

les nations tutrices exploitaient non occidentaux pratiquaient leur politique se veut révolutionnaire a précisément l’idéologie soviétique ou chinoise.
seulement le travail des masses, mais de mainmise sur les richesses afri- besoin d’une méthode de grande valeur Dans leur plan de construction d’une
encore les pays colonisés dans leur caines. Le marxisme n’a pas seulement heuristique et d’une conception dyna- société socialiste, écrit F. Brockway,
ensemble. Ceux-ci, déjà vidés par la renforcé la prise de conscience de mique de la personne humaine dotée du ils se distinguent du marxisme-léni-
traite de plusieurs millions d’hommes, l’aliénation coloniale, il a fourni aux nisme à la fois « par leur flexibilité,
pouvoir d’auto-engendrement.
se trouvaient, cette fois, privés de leurs élites africaines un instrument efficace, leur neutralisme, leur empressement à
Si les marxistes africains consi-
matières premières et de leurs forces la dialectique. Celle-ci ne se définit- accepter l’aide soit des nations com-
dèrent avec bienveillance les thèses de
productives (capital accumulé). En elle pas comme la loi de changement munistes, soit des nations du bloc occi-
outre, avec le régime colonial, l’État, des phénomènes, comme le passage Marx, de Lénine ou de Mao Zedong dental, pourvu que cette aide leur soit
au lieu de servir la nation, demeurait d’une forme à une autre, d’un ordre de (Mao Tsö-tong), ils n’en refusent pas accordée sans engagement en contre-
l’instrument par lequel les capitalistes liaison à un autre ? Or, l’Afrique qui moins de suivre inconditionnellement partie ; par le fait qu’ils admettent que,

195
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

révolutionnaires capables de faire


basculer l’Afrique dans les régimes
marxistes-léninistes.

La voie africaine du socialisme

Le socialisme africain apparaît comme


une idéologie symbiotique nouvelle, où
les valeurs traditionnelles (arabité, né-
gritude*) coexistent avec les normes de
l’islm ou du christianisme et certaines
idées-forces du marxisme-léninisme.

• L’attrait du socialisme. Les raisons


de l’attrait que l’idéologie socialiste
exerce sur les Africains sont faciles à
déceler. Il est possible de les ramener
à cinq :
— la fascination exercée par les pays
socialistes qui ont réalisé de grands et
rapides progrès techniques et sociaux
et ont réagi contre le colonialisme de
type capitaliste ;
— le souci de la justice sociale à
l’intérieur de la nation et de l’éga-
lité entre États, quels que soient leurs
poids économiques respectifs (il s’agit
d’élaborer une doctrine qui condamne
catégoriquement l’exploitation de
l’homme par l’homme et fournisse une
explication de la division du monde
en économies dominées et économies
dominantes) ;
— la permanence de l’esprit commu-
nautaire sur le double plan de la pro-
duction et de la consommation (socié-
tés de travail ; place de choix dévolue
à la famille élargie) : cette attitude qui
s’oppose à l’individualisme concur-
rentiel de l’Occident industriel facilite
l’accès à une nouvelle civilisation de la
pendant le moment de transition vers le dialogue ; il n’a que faire d’une lutte au contraire, par leur tolérance envers solidarité ;
socialisme, ils sont obligés d’accepter des classes, puisque aussi bien celles- la religion que pratique la majorité. En — l’insuffisance des capitaux, qui in-
des expédients qui les obligent parfois ci, pense-t-il, ne semblent pas avoir un sens, la permanence de l’esprit reli- terdit tout développement capitaliste
à conserver et même développer des in- d’existence propre. Enfin, Marx dé- gieux et le souci de maintenir vivantes autonome, et l’absence d’une bour-
dustries privées ; par leurs concessions fend l’internationalisme et sa stratégie les valeurs (et non les institutions,
geoisie nationale capable de supprimer
aux intérêts financiers des capitalistes néglige la singularité des situations bien qu’il soit parfois difficile de les
le sous-développement ; ces facteurs
américains et européens sur le plan pra- propres aux pays sous-développés du dissocier) de l’Afrique traditionnelle
inclinent les responsables politiques à
tique ; par leur tolérance envers la reli- tiers monde. Au contraire, l’idéologie expliquent la lenteur de la pénétration
voir dans l’État l’agent essentiel de la
gion pratiquée par la majorité ; et par africaine désire avant tout construire du marxisme dans les masses. Toute-
planification ;
le fait qu’ils admettent que la structure la nation : pour atteindre ce but, elle fois, la pression exercée par certains
— la nécessité, enfin, de concevoir
de la société africaine traditionnelle ne s’appuie sur les valeurs propres au pays communistes, singulièrement
une idéologie susceptible de mobiliser
doit pas être détruite, mais encouragée monde noir et reconnaît la spécificité l’U. R. S. S. et la Chine, n’est pas négli-
les masses, pour réaliser le renouveau
à évoluer vers le socialisme ». de sa situation socio-culturelle. Socia- geable, sans qu’on puisse quantitative-
économique et permettre le consensus
La spécificité de la situation cultu- lisme, certes, mais à condition qu’il ment l’apprécier. Il semble même que
indispensable à la création de la nation.
soit africain ! le milieu estudiantin se laisse aisément
relle et sociale de l’Afrique explique
sensibiliser par l’attrait du socialisme • Les traits fondamentaux de l’idéo-
encore pourquoi de nombreux leaders Il est difficile d’apprécier l’impor-
révolutionnaire ou marxiste-léniniste. logie socialiste. L’idéologie socialiste
prennent leur distance vis-à-vis du tance numérique du mouvement com-
marxisme. Musulmans et catholiques muniste africain, car la plupart des En outre, les mécontentements que africaine est d’abord une probléma-

ne peuvent accepter l’athéisme, tandis partis marxistes-léninistes, athées par suscitent la persistance des injustices tique qui repose sur une philosophie

que l’humanisme spiritualiste négro- doctrine, anticléricaux par stratégie, et des inégalités sociales encore trop traditionnelle, communautaire et

africain n’a aucune commune mesure sont condamnés à la clandestinité (Al- flagrantes en certains pays, le maintien dynamique, une explication de l’uni-

avec le matérialisme, fût-il dialectique. gérie, Maroc, Égypte, Soudan, Afrique du sous-développement et plus encore vers selon laquelle l’être n’est pas
Le socialisme africain veut être avant du Sud). Et il en va de même pour les du racisme (Afrique du Sud), enfin la individué, n’est pas une réalité irré-
tout un moyen pour liquider le sous- partis marxistes africains qui, malgré non-disparition de la concussion ou du ductible mais « constitue l’élément
développement par le truchement du leur option athéiste, se caractérisent, népotisme peuvent libérer des forces d’un ensemble dans lequel il s’inscrit

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

et qui lui donne sa force et sa vie » trouvent parfois curieusement rappro- D’autre part, la classe ouvrière afri- tés de commerce, en développant la
(D. Thiam). chés, à côté des exigences chrétiennes caine, encore embryonnaire, n’est pas coopération et les offices de commer-
et islamiques, le marxisme, le titisme, la plus délaissée. Et dans la mesure où cialisation, et ce, avant d’entreprendre
C’est ensuite un humanisme inté-
gral, dont le but est l’homme dans sa le travaillisme britannique, l’inspira- ils constituent sinon une classe, tout les réformes de structure dans le sec-
tion israélienne, le courant éthique des au moins une couche sociale, ce sont teur industriel.
vie matérielle, spirituelle, culturelle :
« Une seule visée, bâtir un cadre huma- socialistes français, l’attitude réfor- plutôt les fonctionnaires salariés qui • Les difficultés du socialisme afri-
nisé plus fécond, afin qu’il se réalise miste et même le teilhardisme. Il n’en paraissent les plus favorisés, surtout cain. Malgré les réalisations qu’il a pu
toujours davantage dans toute sa pléni- faut pas plus pour se persuader que, si on les compare aux paysans. Sans opérer, le socialisme africain présente
tude. Chaque homme, chaque femme, du moins théoriquement (la réalité est doute y a-t-il, dans certains pays afri- quelque infirmité.
revêtu du pouvoir de la liberté, doit se souvent autre), le socialisme africain cains, une bourgeoisie (commerçante,
Son caractère symbiotique, voire
sentir engagé sans réserve dans la voie répond aux diverses caractéristiques rurale ou administrative) en formation.
syncrétique, ne lui confère pas toujours
qui conduit à cette grandiose entreprise d’une idéologie pragmatique et mys- Mais de toute manière l’antagonisme
l’allure d’une création suffisamment
de réhabilitation d’un monde, d’un tique, au point de rencontre des élites et essentiel demeure encore d’ordre na-
charpentée. Il est fait de trop d’empi-
homme, de l’homme. » (S. Badian.) de la masse, condition essentielle d’une tional : il oppose la très grande majo-
rismes, il comporte trop de juxtaposi-
L’essence du socialisme réside avant politique efficace de développement. rité du peuple africain au capitalisme
tions. Peut-il en être autrement ? Une
tout dans sa dialectique de désaliéna- étranger, dont le concours demeure par
Toutefois, il faut parler du socia- Afrique avant-hier tribalisée, hier dé-
tion et de promotion. lisme africain au pluriel. On peut ailleurs souvent nécessaire pour indus-
coupée arbitrairement lors du partage
trialiser le pays.
C’est encore une praxis née de schématiquement y déceler : des ten- colonial, qui tente aujourd’hui de s’or-
l’action et qui doit y conduire. À ce dances collectivistes avec planification On trouvera une troisième distinc- ganiser en nations encore fragiles, pou-
titre, elle implique trois exigences : généralisée et autoritaire, puis recours tion si l’on considère les rapports entre vait-elle élaborer une idéologie uni-
d’abord un inventaire de la civilisa- à l’épargne forcée, à l’investissement le socialisme et la religion. En Europe, taire et harmonieusement structurée ?
tion traditionnelle, des modifications humain obligatoire (Guinée, Algérie, l’idéologie socialiste a souvent com-
Son absence d’unanimité ne per-
apportées par l’impact colonial (sans Tanzanie, Égypte, Mali) ; des ten- battu la religion et les Églises, accusées
met pas, en outre, au socialisme d’être
oublier la saisie des possibilités tech- dances communautaires plus souples, par elle de défendre les privilèges de
l’idéologie de toute l’Afrique. Non seu-
noéconomiques du pays), des moyens plus libérales, moins liées aux thèmes la noblesse et de la bourgeoisie. Aussi
lement il existe des États qui refusent
et des aspirations des populations ; marxistes (Sénégal, Kenya, Tunisie) ; les communistes et un certain nombre
le socialisme (Côte-d’Ivoire, Afrique
puis une définition précise des fins, des tendances mixtes où la croyance de sociaux-démocrates ont-ils prêché
du Sud, Gabon, etc.), mais encore la
des buts à atteindre, d’où la planifi- en la rentabilité de l’investissement le matérialisme, l’athéisme et l’anti-
diversité s’installe au coeur même du
cation par l’État ou la rationalisation capitaliste va de pair avec un socia- cléricalisme. En Afrique, le retour aux
système, puisque l’on rencontre un
scientifique des programmes, rendues lisme agricole de type coopératif et une sources traditionnelles a permis de
socialisme spiritualiste, réformiste et
nécessaires par l’absence d’entrepre- mobilisation des masses (Sierra Leone, comprendre la profondeur de l’expé-
humaniste et un socialisme scientifique
neurs, le manque d’infrastructures Cameroun, Maroc, Nigeria). Encore, rience religieuse de l’homme. C’est
(ou révolutionnaire) à tendance maté-
économiques et sociales, la limitation ne s’agit-il là que des catégories pré- pourquoi les adeptes du socialisme
rialiste, avec de nombreuses attitudes
des ressources financières, le souci valentes négligeant la multiplicité des africain, s’ils ont parfois critiqué les
intermédiaires. Certains leaders pen-
impérieux de contrôler le commerce ; transitions, et il ne faudrait pas oublier pratiques de certains marabouts, de
sent même que le socialisme ne peut
enfin, une délimitation des objectifs les thèmes communs à ces diverses certains prêtres et de certains pasteurs,
être qu’une étape transitoire insépa-
immédiats, médiations indispensables attitudes. n’ont jamais en revanche mis sérieu-
rable du combat anticolonialiste.
pour l’établissement d’une société • Le socialisme africain et le socia- sement en question le fondement des
Son manque de pénétration des
socialiste. Citons plus spécialement : lisme européen. La voie africaine du croyances religieuses ; d’ailleurs, sous
masses est évident : malgré les appa-
l’éveil des populations (tel est le rôle socialisme possède une spécificité l’ère coloniale, les religions et singu-
rences, les partis africains sont plutôt
imparti à l’animation et à l’investisse- qui la sépare du socialisme européen. lièrement l’islm ont été souvent des
des partis de cadres que des partis de
ment humain) et la genèse populaire foyers de résistance nationale à la do-
Dans le mouvement ouvrier européen,
masses. Aux yeux de nombreux leaders
des moyens de développement (d’où le socialisme se définit comme une mination étrangère.
révolutionnaires, le socialisme africain
les phénomènes de restructuration et fin ; c’est la réalisation d’une société Une quatrième divergence entre le
n’est qu’un « réformisme petit-bour-
de régionalisation du plan). Ainsi, le libre et heureuse, c’est l’épanouisse- socialisme africain et le socialisme
geois » savamment orchestré par les
socialisme est peut-être une fin ; il est ment de l’homme dans l’abondance. européen réside dans le fait que, en
monopoles néo-colonialistes.
plus encore un moyen. Dans le mouvement anticolonialiste Europe, la marche vers le socialisme
Le socialisme, c’est encore une et nationaliste d’Afrique, le socia- débute par la nationalisation et se pour-
La politique réformiste
mystique populaire conçue pour le lisme semble plutôt un moyen pour suit par la socialisation de la grande
peuple et, en principe, par le peuple, supprimer le sous-développement et industrie, alors qu’en Afrique la grande Malgré leurs divergences idéolo-
par le truchement du parti dominant ou réaliser l’industrialisation, pour re- industrie demeure pratiquement inexis- giques, les pays africains nouvelle-
unique. Il s’agit, en fait, de provoquer trouver les sources de la culture afri- tante (si l’on excepte la république ment indépendants ont actualisé un
l’organisation et la formation révolu- caine et déterminer la renaissance de d’Afrique du Sud, l’Algérie, la Zam- certain nombre de mesures concrètes,
tionnaire des travailleurs, condition de cette culture. bie, le Shaba (anc. Katanga) au Zaïre. tantôt socio-économiques, tantôt pro-
l’efficacité économique. Or, le meilleur Cette divergence explique la fréquente prement économiques, pour sortir du
D’autre part, en Europe, le socia-
moyen de saisir le peuple, de soulever lisme a été intimement lié au mou- attraction des expériences chinoise ou sous-développement.
son enthousiasme et de maintenir son cubaine.
vement ouvrier, à la lutte des classes
effort est de susciter une mystique du menée par les prolétaires contre la Enfin, la dernière différence résulte Les réalisations socio-
développement. bourgeoisie. En Afrique, au contraire, précisément de la prédominance de économiques

C’est enfin une construction ori- il n’y a pas véritablement, au stade l’agriculture et de la possibilité, grâce • La réorganisation des structures.
ginale qui, tout en refusant d’être à actuel, de capitalisme africain digne à l’esprit communautaire ancré dans La première tâche des gouvernements
la remorque du socialisme européen de ce nom (faiblesse de l’accumula- les populations africaines, de modifier africains consiste à liquider, dans
ou asiatique, ne manque pas de tenir tion du capital, carence des investis- radicalement les structures agricoles en une certaine mesure, les structures
compte des expériences étrangères et sements productifs, dépendance vis- mettant fin à l’exploitation des masses politiques, administratives et écono-
des valeurs qui les inspirent. Ainsi se à-vis de l’économie métropolitaine). paysannes par les usuriers et les socié- miques instaurées sous la tutelle colo-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

niale, parfois inadaptées à la réalité en terres collectives est évidemment dont l’usage se généralise dans tout compte encore 1 million de ruraux
locale et souvent onéreuses pour les facilitée par l’organisation actuelle le continent africain, qui constituent sans travail), et l’état sanitaire (la
budgets des nations sous-dévelop- des collectivités, dotées, en outre, de les institutions communautaires les malnutrition et la sous-nutrition en
pées et nouvellement indépendantes. la personnalité civile et représentées plus typiques. Très répandues, les sont partiellement la cause) — surtout
En réalité, cette réforme n’est pas par des conseils de gestion élus par les coopératives de production, de com- celui des enfants, chez qui la mortalité
uniquement négative ; elle suppose familles qui les composent. Dans une mercialisation, plus rarement de est élevée — demeure insuffisant et
encore la création d’organisations perspective différente, le gouverne- consommation se sont plus spécia- précaire.
nouvelles, selon la double exigence ment algérien s’efforce de rassembler lement généralisées en Tanzanie, au • La promotion des jeunes et des
de l’esprit traditionnel africain et de en coopératives les 450 000 paysans Sénégal et en Tunisie. La coopérative femmes. L’esprit gérontocratique
la modernité. Le Sénégal, le Mali, le pauvres possédant moins de 10 ha ; tunisienne apparaît avant tout comme et, surtout dans les pays islamisés,
Ghna, l’Égypte, le Maroc, la Tunisie cette mesure doit affecter environ un moyen, pour l’industrie, de dépas- l’effacement de la femme constituent
et l’Algérie ont souvent, sur ce point, 1 500 000 ha. ser ses possibilités propres et de lui des obstacles au développement. Au
fait oeuvre d’efficacité : banques de rendre accessible un progrès que sa Ghna de Nkrumah, les jeunes étaient
Des redistributions de terres aux
développement, offices de com- marge d’épargne et d’investissement enrôlés dans les groupements d’édu-
paysans particulièrement peu nan-
mercialisation, centres d’expansion lui interdit. Ainsi considérée, elle cation et de service civique : tel était
tis sont envisagées. Par exemple,
rurale, centres régionaux de déve- s’adresse d’abord aux petits et aux le cas des Young Pioneers (la jeu-
en Égypte, en quinze ans, plus de
loppement, coopératives, services moyens, plus qu’aux gros exploitants. nesse de Nkrumah) avec ses trois sec-
75 000 feddns (1 feddn = env.
pionniers, etc. Ainsi, dans les pays Par ailleurs, la coopérative, conçue tions (4-8 ans, 8-16 ans, 16-24 ans)
0,42 ha) furent réquisitionnés, puis dis-
résolument collectivistes, a-t-on pra- dans un but précis de production ou de la Builders Brigade (Brigade
tribués à 120 000 familles déshéritées ;
tiqué une politique de nationalisation, maximale, doit rassembler, au service des bâtisseurs), qui regroupait les
au cours du dixième anniversaire de la
au moins partielle, des secteurs clés : de l’outillage et des méthodes recon- jeunes de 16 à 24 ans engagés pour
Révolution (1962), 160 000 feddns
banques en Tanzanie ; sociétés pétro- nus les meilleurs, le concours actif et deux années de travail civique. La
furent attribués à 53 000 familles.
lières en Algérie et en Libye ; mines solidaire de tous les adhérents. Il en Côte-d’Ivoire a créé aussi un ser-
Dans le même esprit, des limitations
au Zaïre et en Tanzanie ; organismes résulte un programme et des méthodes vice civique pour les jeunes filles.
à la propriété sont en voie de réalisa-
commerciaux en Guinée ; biens étran- de culture qui excluent toute indivi- Il est essentiellement social et non
tion en Algérie : le plan doit limiter les
gers en Égypte, en Algérie, au Kenya ; dualisation des parcelles et du travail. militaire : après leur formation, les
terres individualisées à 10 ha sur les
radio, postes, chemins de fer, compa- En fait, on rencontre en Tunisie deux recrues vont dans les villages pour
terres fertiles et à 50 ha sur les hauts
gnies d’assurances en Tanzanie, etc. types de coopératives. Dans le nord parfaire l’éducation des femmes sur le
plateaux ; 200 000 ha seront ainsi
Il faut signaler cependant le manque du pays, l’exploitation reste presque plan social. Quant à la promotion de
concernés par cette réforme.
d’originalité qui caractérise parfois entièrement collective, avec maintien la femme proprement dite, la plupart
La réforme agraire ou foncière ne se
ces réformes (transposition de mo- de la propriété privative des apports. des chefs politiques ne manquent pas
contente pas seulement de regrouper
dèle européen), l’absence fréquente Elle repose essentiellement sur les de la susciter. Elle se manifeste par
les paysans en coopératives ; elle peut
de cadres valables et la pléthore des grandes cultures et s’oriente vers la création d’associations politiques
aussi provoquer de vastes déplace- des entreprises à caractère industriel
fonctionnaires mobilisés par le parti ou apolitiques, la participation à des
ments de populations (tel est le cas, au
dominant, qui en sclérosent souvent poussé. Au contraire, le Centre-Sud congrès internationaux, l’accès à cer-
Sénégal, de l’aménagement de la vallée voit se développer les coopératives de
le fonctionnement, une mise en place taines professions (sages-femmes,
du fleuve). L’exemple le plus specta- polyculture de vaste dimension. On y
hâtive des structures suscitant des re- institutrices, secrétaires, journalistes,
culaire concerne les 50 000 paysans retrouve l’arboriculture en terrain sec
tours en arrière (dénationalisation en employées de commerce, hôtesses de
nubiens, qui, chassés par la création et le parcours aménagé avec, parfois,
Guinée et au Kenya) ou des brusques l’air, assistantes sociales, syndica-
du lac artificiel en amont du nouveau des périmètres irrigués ; 300 coopéra-
coups de frein (Tunisie). listes, voire gendarmes [en Guinée]
barrage, vont être transférés dans une tives de cette espèce devaient couvrir ou politiciennes [députés, ministres]),
• Les réformes agraires et foncières. autre région. Des travaux sont en cours les régions les plus déshéritées du ter- l’obtention de droits sociaux (congés
Les réformes agraires et foncières dans la zone de Kom-Ombo pour la ritoire tunisien. Toutefois, aux mains de maternité, indemnités en cas de
épousent des modalités différentes. mise en valeur de près de 11 500 ha de fonctionnaires désignés par leur maladie, allocations de maternité),
La nationalisation des terres peut réservés à ces Nubiens évacués : appartenance au parti au pouvoir et la suppression de la dot prohibitive
avoir pour but soit la mise en valeur 25 000 maisons groupées en 33 vil- non par leur qualification possible, les et du mariage forcé, la limitation de
des terres vierges, parfois faiblement lages attendent cette nouvelle classe de coopératives, tout comme les secteurs la polygamie. Malgré ces mesures le
appropriées ou non appropriées, soit petits propriétaires fonciers. Aucune autogérés, connaissent aujourd’hui sous-prolétariat des bidonvilles de-
la lutte contre l’usure ou la mauvaise de ces mesures, toutefois, n’est parve- des difficultés économiques graves meure important, les chômeurs restent
exploitation des champs, soit encore le nue à supprimer la misère du paysan (mauvaise gestion, endettement in- nombreux (plus d’un million en Algé-
regroupement des micro-propriétés à africain : elles s’avèrent un peu partout considéré, etc.) et parfois une crise rie), l’état sanitaire s’avère précaire,
des fins d’exploitation plus rentables, timorées, se heurtent à des obstacles idéologique. Le passage des orga- l’analphabétisme sévit toujours, les
soit enfin la prise en main par l’État socio-politiques qui en limitent la por- nisations communautaires tradition- femmes, particulièrement en milieu
des riches et immenses propriétés tée (exemple récent de la Tunisie), sont nelles aux structures collectivistes ou musulman, restent souvent dans un
capitalistes. Les terres nationalisées dépassées par le croît démographique de la prévoyance coutumière (présent état d’infériorité.
sont transformées en « fermes d’État » (Égypte) ou se bornent à distribuer les élargi) à la planification (prévision
(Ghna, Tanzanie) ou laissées à des terres les moins fertiles (création des lointaine) ne s’opère pas aisément. Les réalisations proprement
comités de gestion (Algérie). bantoustans en Afrique du Sud). économiques
• La lutte contre les fléaux sociaux.
La « coopératisation » des terres col- • L’institution des coopératives. Le Des efforts sérieux sont tentés un peu • L’exigence de planification. La
lectives ou individuelles est une autre développement communautaire sup- partout pour lutter contre l’analpha- finalité du plan est conçue différem-
optique. Ainsi le plan tunisien a-t-il pose tout d’abord l’animation rurale, bétisme, la maladie et le chômage. ment par les leaders africains. Mais
prévu le regroupement de 600 000 ha puis l’existence de communes rurales Mais ils sont encore insuffisants. sous la diversité de conceptions et
de terres du Centre-Sud en 300 coopé- regroupant les villages secondaires Dans toute l’Afrique, le sous-prolé- de types d’application transparaît la
ratives de polyculture. Cette réforme autour d’un village pilote (Sénégal, tariat des villes s’accroît dangereu- même exigence : sans le plan, aucune
intéresse surtout les terres collec- Mali, Guinée, Tanzanie, Ouganda). sement, les chômeurs restent encore politique efficace n’est possible,
tives. L’instauration des coopératives Mais ce sont surtout les coopératives, très nombreux (l’Algérie, à elle seule, aucun contrôle de la situation n’est

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

concevable, aucune correction des at- Côte-d’Ivoire, au Cameroun, à Mada- seulement à l’échelon du marché mon- surmonter, comme l’ont souligné les
titudes et du comportement n’est ima- gascar, etc. dial, mais même parfois au niveau du événements de ces dernières années.
ginable, aucune mystique du progrès Quant à l’aide financière publique, marché national d’une grande puis-
ne peut s’instaurer. elle soulève à son tour de grandes diffi- sance. Les fluctuations de ses produits Savoir choisir

Mais, souvent encore, les plans éla- cultés. On lui a reproché sa modicité (il de base font de lui un partenaire ins- Des options multiples s’offrent aux
borés par les leaders africains ne sont faudrait chaque année, au tiers monde, table et, en outre, le maintiennent dans Africains : voie du capitalisme libéral,
pas conformes aux réalités nationales pour accroître de 2 p. 100 son niveau de une étroite dépendance avec l’exté- voie du socialisme scientifique, voie
et leur actualisation provoque de mul- vie, entre 30 et 45 milliards de dollars ; rieur : il a en effet extrêmement besoin non capitaliste du socialisme africain.
tiples distorsions dues à une mauvaise il en reçoit le vingtième), sa sélecti- de crédits pour amortir les violentes Le choix entre ces possibilités ne dé-

programmation (plans de prestige qui vité (l’Occident aide de préférence les fluctuations de son économie ; enfin, il pend pas seulement des préférences
risquent d’accroître l’état de dépen- gouvernements modérés, et le monde ne dispose généralement pas de cadres idéologiques, liées elles-mêmes aux

dance économique, décalage entre les socialiste les gouvernements progres- assez nombreux et assez compétents conjonctures politiques, mais encore

projets et les possibilités) ou à une sistes), son caractère intéressé (le pays pour connaître suffisamment tous les des potentialités socio-économiques.

localisation défectueuse des investis- bénéficiaire doit commercer préféren- Ainsi va s’établir une distinction judi-
principaux biens qui l’intéressent sur
sements (insuffisance des industries de tiellement avec le pays prêteur, lequel cieuse entre un socialisme de doctrine
le marché mondial. N’est-il pas, par
transformation, rareté des investisse- liquide ainsi ses surplus), son diri- propre aux pays capables de réaliser
ailleurs, inutile, voire dangereux, que
ments intensifs, excès des dépenses mi- gisme (le donateur décide l’utilisation un développement capitaliste (tel le
deux nations presque voisines comme
litaires, importation de biens, d’équi- des crédits employés — aide liée — et Ghna) et un socialisme de pauvreté
le Dahomey et la Côte-d’Ivoire pra-
pement mal adaptés). l’assortit de conditions parfois très ri- où la misère exclut l’éventualité d’une
tiquent la même politique de plantation
gides), son orientation (70 p. 100 des voie capitaliste (comme au Mali). En
• L’appel aux capitaux. Que l’idéo- de palmistes pour exporter l’huile de
sommes allouées concernent les crédits cas d’échec, les premiers risquent
logie soit capitaliste ou socialiste, palme vers l’Europe ? N’est-il pas pré-
militaires ou vont grossir les dépenses donc de retourner au capitalisme, les
aucun développement n’est possible judiciable que dans un continent aussi
d’apparat), son aspect stérilisant (pro- seconds d’opter pour le socialisme
sans l’introduction de capitaux. Sur vaste que l’Afrique, déjà fort démuni
longation de la tutelle étrangère, de révolutionnaire. Le choix idéologique
ce point, l’Afrique (la république de voies de communication, les che-
l’irresponsabilité ou de l’immaturité doit être réaliste. Ainsi, les conditions
d’Afrique du Sud exceptée) se trouve mins de fer fonctionnent avec des
des États, qui s’habituent à recevoir historico-géographiques peuvent im-
dans une situation délicate. écarts différents ? Et que dire de la plu-
et non à construire). L’aide publique poser des stades de transition durant
La faiblesse du niveau de vie, l’ab- ralité des systèmes monétaires et doua- lesquels le capitalisme peut jouer un
a pu, malgré tout, opérer les décolle-
sence d’une bourgeoisie nationale niers ? Inversement, une action écono- rôle. C’est pourquoi la voie non capi-
ments nécessaires impliqués par l’exé-
dynamique, l’existence d’économies mique concertée, susceptible de revêtir taliste choisie par la plupart des leaders
cution des plans de développement, en
avant tout axées sur la subsistance, la plusieurs formes, offrirait sans aucun africains reste souvent prudente dans
facilitant notamment l’exploitation des
fréquence des conduites ostentatoires doute de grands avantages : elle affir- la politique des nationalisations et fait
ressources minières et les progrès de
(dépenses d’apparat, thésaurisations merait l’indépendance en organisant appel aux pays capitalistes pour assurer
l’industrialisation. Mais elle n’a pas
stériles en nature ou en espèces), le les échanges et en développant le sens le décollement de leur économie. Enfin
toujours l’efficacité qu’on peut espé-
manque d’esprit de prévision lié à la de la solidarité entre les États ; elle per- le choix doit s’opérer en accord avec
rer : il arrive qu’elle soit mal employée
conception du temps cyclique et socia- par le pays qui reçoit ; il peut se faire mettrait d’aborder le problème essen- les masses informées, surtout animées,
lisé, le taux élevé des prêts usuraires tiel de la stabilisation des matières pre- et conformément aux exigences d’une
qu’elle n’ait qu’un rôle de maigre com-
consentis par les commerçants aux pensation aux méfaits de la politique mières non en ordre dispersé mais par unité africaine bien comprise.
consommateurs, le maintien du parasi- internationale des prix (détérioration harmonisation préalable ; elle facilite-
tisme familial, la rareté de l’entreprise Savoir se définir
des termes de l’échange). Les consé- rait la mise en commun des ressources
privée d’origine locale et désireuse quences en sont graves : la dette exté- et l’ajustement réciproque du plan de Puisque le développement, fait total
d’investir, la modicité des ressources rieure de l’Afrique a plus que doublé développement ; enfin elle orienterait par excellence, implique le culturel, il
financières publiques, qui proviennent entre 1961 et 1968. Les versements la politique des investissements vers suppose une option fondamentale : la
surtout de la douane et des impôts, suf- au titre du service de la dette africaine les secteurs les plus productifs (plein- construction de soi ou, comme on aime
fisent à expliquer l’appel aux investis- ont atteint 443 millions de dollars en le répéter, la « conversion des mentali-
emploi, grande productivité du travail,
sements étrangers et à l’aide financière 1968, contre 172 millions en 1961. Le rentabilité monétaire compétitive). Une tés ». Entre le maintien inconditionnel
extérieure. Cet appel suscite l’élabora- pourcentage des versements au titre de de la tradition hautement civilisatrice,
Afrique unie économiquement cesse-
tion des codes d’investissement, qui, certes, mais incompatible avec les exi-
la dette extérieure, par rapport aux ex- rait de dépendre, quant à l’exploitation
même en pays socialiste, doivent ré- portations, a atteint, en 1968, 9 p. 100 gences de l’économie moderne et son
de ses ressources, des pays riches et
server aux investisseurs des bénéfices en Éthiopie, 12,8 p. 100 au Maroc, rejet systématique tel que l’exigent
aurait plus de poids dans la fixation des
substantiels. La plupart des codes afri- 29,6 p. 100 au Mali et 32 p. 100 en certains marxistes, il peut y avoir place
prix internationaux. Des organismes
cains s’intéressent d’abord aux acti- Tunisie. L’Afrique s’appauvrit plus pour une solution plus efficace et plus
comme l’Organisation commune afri-
vités commerciales ; ils favorisent les qu’elle ne se développe. constructive. Or, dès avant l’indépen-
caine et mauricienne (O. C. A. M.),
entreprises se situant au stade le plus dance, la « situation coloniale » a laissé
l’East-African Community (fragile
proche de la demande finale dans le place à la « situation condominiale »
De quelques impératifs
union du Kenya, de l’Ouganda et de
cycle de production ; ils restent assez caractérisée par le dualisme ancien-
vagues quant aux conditions d’amortis- Savoir s’unir la Tanzanie en un « Kenoutan »), les
moderne déjà dénoncé à propos de
sement des investissements ; trop sou- Si l’on excepte le Zaïre, l’Afrique du unions douanières régionales (par ex.
l’économie : un tel déchirement ne sau-
vent, enfin, ils sacrifient au mythe de Sud et le Nigeria, la plupart des pays celle qui rassemble le Ruanda, le Bu- rait évidemment être érigé en système.
la grande industrie. Et dans la mesure africains ne possèdent pas des espaces rundi et le Zaïre) pourraient oeuvrer en Si bien que l’Africain d’aujourd’hui
où l’organisme prêteur exprime ses économiques suffisants pour favoriser ce sens et inciter l’Afrique à commer- doit éviter trois obstacles : le main-
préférences, dicte ses choix, exige un un développement stable. Chaque État cer avec l’Afrique. Toutefois les natio- tien du passé, sa condamnation totale,
contrôle, il risque de porter atteinte à la pris isolément ne constitue, en effet, nalismes, les tendances annexionnistes l’acceptation passive du dualisme
liberté d’initiative du pays qui reçoit. qu’un faible partenaire économique : ou sécessionnistes, les intérêts finan- actuel. Il y a là une tâche particulière-
Malgré ces obstacles, une telle poli- les quantités qu’il offre et qu’il achète ciers des pays industriels dominants ment délicate. Disloqué par une alter-
tique a porté ses fruits au Sénégal, en sont généralement marginales, non constituent des obstacles difficiles à native qu’aucune création originale ne

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

nouvelle Afrique (Gallimard, 1964). / M. Rodin- l’Afrique septentrionale, depuis ceux qui pour que les géographes arabes précisent
vient dépasser, coupé de sa tradition,
son, Islam et capitalisme (Éd. du Seuil, 1966). habitent l’oasis d’Amon (sans doute l’oasis les connaissances sur l’Afrique du Nord,
mal adapté aux nouveaux besoins du
/ L’Afrique en devenir (« Prospective », no 13,
de Siouah) jusqu’aux habitants des rivages décrite jusqu’aux confins sahariens par al-
monde moderne, l’Africain conscient P. U. F., 1966). / L.-V. Thomas, le Socialisme et
de l’actuelle Tunisie. Au-delà, vers l’ouest, Muqaddas (ou Maqdis). Mais c’est au der-
doit pourtant refuser de se laisser im- l’Afrique (le Livre africain, 1966-67, 2 vol.). /
Hérodote est très discret : « Je ne sais ab- nier et au plus grand des grands voyageurs
M. Merle et coll., l’Afrique noire contemporaine
poser artificiellement une culture bâtie solument rien sur les peuples qui vivent arabes du Moyen Âge que l’on devra un
(A. Colin, 1968). / B. Vinay, L’Afrique commerce
hors d’Afrique et chercher à se mettre au-delà [du pays des Atlantes]. » À peine bond dans la connaissance de l’intérieur
avec l’Afrique (P. U. F., 1968). / Y. Bénot, Idéo-
en état de retrouver, ou de créer une logies des indépendances africaines (Maspero, une allusion, d’après des témoignages de de l’Afrique. Ibn Baa* (1304-1377) par-

nouvelle culture, c’est-à-dire une nou- 1969). / J.-P. N’Diaye, Élites africaines et culture Carthaginois, à un trafic d’or qui se faisait court toute l’Afrique occidentale en 1352
occidentale (Présence africaine, 1969) ; la Jeu- sur les côtes occidentales de l’Afrique et en 1353. Traversant le Maroc, il gagne
velle manière de s’exprimer. Il s’agit
nesse africaine face à l’impérialisme (Maspero,
avec des peuplades habitant l’actuel Rio Sidjilmsa, le grand centre du commerce
d’emprunter à la tradition et à l’Occi- 1971). / P. Gourou, l’Afrique (Hachette, 1970). /
de Oro. Pourtant les rivages du continent de l’or, aux confins du Sahara. Avec une
dent, tout en les dépassant au profit S. Amin, l’Afrique de l’Ouest bloquée. L’écono-
auraient déjà été reconnus par de hardis caravane, il entreprend une pénible tra-
mie politique de la colonisation, 1880-1970 (Éd.
d’une synthèse originale et dynamique. voyageurs, des Carthaginois commandés versée du désert : il faut deux mois pour
de Minuit, 1971).
Développer l’Afrique, ce n’est pas seu- par Hannon, qui, vers le début du Ve s. av. atteindre le Niger. Il se plaindra des Noirs,
lement rompre avec l’impérialisme, J.-C., se seraient avancés jusqu’au fond du de leur accueil et « du peu d’égards qu’ils

planifier, injecter des capitaux, rajeunir golfe de Guinée. Mais cette expédition, ont pour les hommes blancs ». L’empire
La découverte de l’Afrique
connue par un court texte grec du IVe s., du Mali lui apparaîtra bien rustique, com-
les techniques, diversifier les cultures,
Toute la bordure septentrionale de reste très hypothétique quant aux rivages paré aux splendeurs de l’Orient qu’il a
introduire l’industrialisation, c’est en- l’Afrique a été plus ou moins intégrée à la effectivement visités. Après Hérodote, la admirées auparavant. Après avoir visité
core travailler à l’unité africaine, c’est zone d’influence des grandes civilisations connaissance de la configuration générale Tombouctou, Ibn Baa gagnera Gao en
surtout créer une culture profondément de l’Antiquité : les rivages méditerranéens de l’Afrique ne s’améliore pas : pour Éra- pirogue et, probablement, Agadès. De là, il
enracinée dans les masses populaires du continent étaient bien connus. Puis tosthène, le littoral au-delà du cap Guar- reviendra au Maroc après avoir traversé les
les Arabes acquirent une connaissance
et capable de dominer la civilisation dafui est totalement inconnu et la map- massifs de l’Aïr et du Hoggar. On lui doit la
précise de l’intérieur, jusqu’aux grands pemonde de cet auteur ne montre pas première description d’ensemble du grand
technicienne. Après la négritude, qui
empires noirs de l’Afrique occidentale. Ils de communication entre l’« océan éthio- désert africain et de la zone soudanaise.
n’est peut-être qu’un mode de réaction
connurent également fort bien les côtes pien », à l’ouest, et la « mer Érythrée ». De
anticolonialiste et surcompensatoire, orientales, qui ne furent pas non plus même Strabon puis Ptolémée supposent LES CHRÉTIENS, LES PORTUGAIS
la néo-négritude animera l’Africain de ignorées des Chinois. Pour les Européens, que l’Afrique s’étend démesurément vers
Mais, désormais, c’est aux chrétiens que
demain. l’Afrique resta longtemps un « continent l’est, dans les basses latitudes qui limitent
l’on devra des données nouvelles sur
mystérieux », dont seules les côtes atlan- la mer Érythrée. Le dernier, cependant, a
Cette construction de la personna- l’Afrique, et d’abord sur les îles qui l’an-
tiques, pourvoyeuses d’esclaves, étaient une idée assez précise des côtes orientales
lité africaine de demain exige une ré- noncent : Madère a peut-être été vue par
visitées. L’exploration de l’intérieur ne se du continent jusqu’aux alentours de Zanzi-
forme profonde du système éducatif, fera systématiquement, par eux, que tard
un Anglais dès la fin du XIIIe s. Connues des
bar. Les connaissances de l’intérieur vont
non seulement dans les programmes et Génois au début du XIVe s., les îles Canaries
dans le XIXe s. et précédera de très peu l’en- progresser à l’initiative des Romains : en 19
sont véritablement découvertes après
les méthodes, encore calqués sur ceux treprise coloniale. av. J.-C., Cornelius Balbus Minor atteint le
1340 par les marins de la Méditerranée,
d’Europe, mais surtout dans les fins : Fezzan. En 42 apr. J.-C., Paulinius, à la pour-
L’ANTIQUITÉ mais aussi par des Anglais et des Français.
créer désormais des hommes utiles et suite de rebelles, explore les régions cor-
Les Açores, enfin, les plus lointaines, furent
respondant au Maroc méridional. Néron
non plus des diplômés sans emploi ; Dès le IIe millénaire, les dynasties égyp- sans doute aperçues au retour des expédi-
envoie une expédition à la recherche des
faire des citoyens responsables et non tiennes étendent leur influence loin au tions envoyées aux Canaries. En 1415, les
sources du Nil : elle s’avance très loin
sud, en Nubie, dans le pays de Couch. Le Portugais prennent pied à Ceuta : pendant
des revendicateurs aigris. Elle suppose
vers le sud. Utilisant en outre des rensei-
Nouvel Empire, à partir de 1580 av. J.-C., un siècle, ils vont être à la pointe de la dé-
encore l’élaboration d’une idéologie gnements fournis par des marins grecs,
s’étendra en amont de la quatrième cata- couverte. Des expéditions sont envoyées
réaliste et populaire qui justifiera les Ptolémée peut décrire l’origine du grand
racte. Mais au-delà, le Nil reste plein de sur la côte d’Afrique à l’initiative du prince
décisions gouvernementales et expli- mystère et l’emplacement de ses sources
fleuve, né dans deux lacs situés au sud de
Henrique, Henri le Navigateur. Ces voyages
quera les comportements collectifs. l’équateur, eux-mêmes alimentés par les
sera très tôt l’un des problèmes majeurs ne dépassent guère la latitude des Cana-
« monts de la Lune ». Ces derniers seront
posés aux géographes. Pour Hérodote, ries. Les progrès sont d’abord lents : le cap
Il est bien sûr difficile de se pronon-
jusqu’au XIXe s. un élément essentiel de la
« on connaît le cours du Nil jusqu’à une Bojador n’est franchi qu’en 1434, par Gil
cer sur l’avenir socio-économique de carte de l’Afrique. Si cette chaîne n’existe
distance de quatre mois de navigation [...]. Eanes. L’apparition d’un nouveau navire,
l’Afrique. D’abord parce que celui-ci pas, du moins l’origine lacustre du Nil sera-
Le Nil vient du Couchant et des contrées la caravelle, va jouer un rôle capital. Grâce
lui échappe partiellement (fluctuations t-elle confirmée. Enfin, à la fin du Ier s., un
occidentales mais, au-delà, nul ne pos- à elle, le cap Blanc est franchi en 1441. Les
certain Julius Maternus aurait traversé le
économiques internationales, détério- sède de renseignements certains, car le premiers Noirs sont capturés et le trafic
Sahara et atteint les régions correspondant
ration des termes de l’échange). Ensuite pays, en raison de son climat brûlant, est d’esclaves va bientôt constituer un nouvel
au Nigeria.
parce que l’inventaire des richesses un véritable désert ». L’historien grec rap- et puissant attrait pour les découvreurs :
porte pourtant des bruits qui courent sur il précédera un peu celui de l’or, dont
est loin d’être achevé (la découverte LES ARABES
des aventuriers originaires de la région l’Europe commerçante est de plus en plus
de l’uranium peut transformer un pays
de la Grande Syrte : après avoir traversé Après la chute de l’Empire romain, c’est avide. En 1445, les Portugais doublent le
jusqu’ici déshérité comme le Niger)
les déserts, ils auraient atteint un grand aux Arabes qu’il revient de faire progresser cap Vert et pénètrent dans l’estuaire du
et que les indépendances authentiques fleuve qui, « coulant du Couchant vers le la connaissance de l’Afrique. Pour Mas‘d Sénégal. En 1456, le Vénitien Ca’ da Mosto,
ne sont pas toutes acquises (Afrique Levant », serait peut-être le Niger mais (mort v. 956), le problème de l’origine au service des Portugais, donne des ren-
portugaise, Sud-Ouest africain). Enfin, passait pour constituer la branche mère des sources du Nil en reste aux données seignements précis sur la région comprise

l’instabilité politique qui règne tou- du Nil. En revanche, toujours d’après Héro- de Ptolémée. Si Idrs (né v. 1099) apporte entre le Sénégal et la Gambie. Dès lors,
dote, un point capital de la connaissance beaucoup de renseignements sur l’Eura- l’orientation du rivage au sud-est, puis à
jours demeure responsable des impré-
de l’Afrique est acquis depuis longtemps : sie, sa connaissance de l’Afrique reste ap- l’est, va renforcer l’espoir de trouver une
visibles changements d’orientation
« La Libye [l’Afrique] est limitée de tous proximative, et s’il fait état d’un pays de voie rapide vers les Indes et les terres des
idéologique. Les aléas de la conjonc-
côtés par la mer, sauf dans la partie où elle l’or, vers le haut Nil, son planisphère, gravé épices. Mais les trafics locaux eux-mêmes
ture internationale et l’avènement en- se rattache à l’Asie. » Cette certitude serait sur une plaque d’argent pour Roger II de deviennent très fructueux en arrivant dans
core récent des États négro-africains à porter au crédit du pharaon Néchao II, Sicile, reproduit l’erreur qui étend vers l’Ex- le golfe de Guinée, qui est exploré très vite
à l’indépendance ne permettent pas de qui aurait envoyé les Phéniciens entre- trême-Orient le continent noir. Et, au-delà à partir de 1469. L’équateur est franchi

pronostic sérieux. prendre le périple du continent en par- du détroit de Gibraltar, des côtes incon- en 1471 et Diego Cam atteint l’estuaire
tant du golfe Arabique (la mer Rouge) : le nues bordent une « mer des Ténèbres », du Congo en 1483, sur les rives duquel il
L.-V. T.
voyage aurait demandé trois années. Il est où la navigation est infiniment périlleuse érige un « padrão », une colonne de pierre
Cheikh Anta Diop, les Fondements cultu-
peu vraisemblable que cette expédition en raison « de la hauteur des vagues, de commémorative aux armes portugaises.
rels, techniques et industriels d’un futur État fé-
déral d’Afrique noire (Présence africaine, 1960). ait réellement eu lieu. Si le monde noir est la fréquence des tempêtes, de la multipli- Cam poursuit sa découverte en 1484 et

/ R. Dumont, L’Afrique noire est mal partie (Éd. à peine soupçonné, Hérodote donne des cité des animaux monstrueux et de la vio- 1485, atteignant 22° de latitude sud, mais
du Seuil, 1962). / J. Ziegler, Sociologie de la renseignements précis sur les peuples de lence des vents ». Il faut attendre le XIIIe s. démontre que le détour pour atteindre les

200
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

Indes s’allonge sans cesse. Enfin, en 1487, Mais, désormais, si la découverte prend taires et d’administrateurs, qui précéde- let et de Charles Chanoine débouche enfin
Bartolomeu Dias franchit le « cap des Tem- un aspect systématique et scientifique, ront de peu la conquête du continent tout de l’ouest après avoir traversé des régions

pêtes », qui sera rebaptisé cap de Bonne- avec les recherches botaniques de Michel entier. En effet, le déclin et l’interdiction très mal connues. Mais ses chefs, qui ont

Espérance par le roi de Portugal : la route Adanson en Afrique occidentale (1749- de la traite des Noirs amènent le dépé- toléré d’affreuses exactions, sont tués au

des Indes était ouverte et les Portugais 1753) et les expéditions des Hollandais rissement de bien des comptoirs côtiers. cours d’une révolte de leurs troupes, après

avaient reconnu tout le littoral occidental chez les Bantous, elle reste bien lente. L’Europe, qui a de plus en plus de mar- s’être eux-mêmes débarrassés du lieute-

du continent. À partir de 1769, l’Écossais James Bruce chandises à vendre, recherche avidement nant-colonel Klobb, chargé de surveiller
parcourt l’Abyssinie en tous sens et dé- de nouveaux débouchés : il faut pousser leur action. Après la jonction des trois
LES CHINOIS crit le cours du Nil Bleu, qu’il considère vers l’intérieur de l’immense continent colonnes, le combat de Kousseri (22 avril
comme la principale source du Nil. Il faut et la découverte porte désormais en elle 1900) détruira la puissance de Rabah, le
Quant au littoral oriental, les Chinois y pra-
pourtant attendre la fin du siècle pour les grandes lignes du partage de l’Afrique dernier grand chef indigène de la région.
tiquaient des échanges commerciaux, sans que d’autres Britanniques, soutenus par par les impérialismes européens. Ainsi, les Plus au sud, les Français ont déjà acquis
doute indirects, depuis le Xe s. : des mon- l’African Society, soient responsables des voyages de l’Allemand Gustav Nachtigal des gages à proximité du bassin du Congo,
naies de la dynastie des Song (960-1280) progrès sensibles en ce qui concerne la (1869-1875) complètent ceux de Barth, grâce à la reconnaissance de l’Ogooué par
ont été retrouvées à Zanzibar ; des esclaves géographie de l’Afrique. Le major Hough- mais permettent cette fois à son pays de Brazza (1875-1878). Mais l’Afrique équato-
noirs sont utilisés comme domestiques par ton remonte la Gambie en 1791-1792 et prendre rang dans des régions où il se tail- riale, orientale et australe va leur échapper
de riches Chinois. Mais c’est sous le règne gagne le haut Niger ; mais il sera assas- presque totalement : les difficultés, puis
lera ses possessions du Togo et du Came-
de l’empereur Ming Yong-le (Yong-lo) siné. Un Écossais, Mungo Park, reprend l’échec de la mission Marchand (1897-
roun. Ceux de Gerhard Rohlfs, en revanche,
[1403-1424] que la découverte propre- la tâche : il remonte la Gambie en 1795, effectués à travers tout le Sahara de 1862 1898) qui se termine à Fachoda, obligent la
ment dite commence : elle est favorisée étudie les pays des Mandings et des Ouo- à 1878, n’auront guère de conséquences France à renoncer à toute prétention dans
par la recherche de nouvelles voies com- lofs et atteint le Sénégal. En 1796, il arrive sur le plan politique, comme sur le plan le bassin du Nil.
merciales. Après que la dislocation de l’Em- sur les rives du Niger, près de Ségou, où scientifique, en raison du peu de rigueur
pire mongol eut rendu les voies terrestres il constate que le fleuve coule vers l’est, L’AFRIQUE CENTRALE ET AUSTRALE
des relations qui en seront faites.
vers l’ouest incertaines, sept expéditions contrairement à ce que l’on pensait à
La découverte en Afrique des grands lacs
sont envoyées pour explorer les rives de l’époque. Au cours d’une seconde expé- LA DÉCOUVERTE, INSTRUMENT
et du bassin congolais est dominée par
dition (1805-1806), il visitera Tombouctou DU PARTAGE COLONIAL :
l’océan Indien et de ses dépendances ;
LE SAHARA ET L’AFRIQUE OCCIDENTALE les deux grands noms de Livingstone*,
l’une d’elles comportera jusqu’à soixante- mais périra sur le Niger, son embarcation
qui traverse notamment tout le conti-
deux navires, porteurs de trente-sept mille ayant été vraisemblablement engloutie
Un autre disciple de Barth, le Français nent (1854-1856), et de Stanley*, qui le
hommes. « Nous avons, diront les Chinois, par les rapides de Boussa. En Afrique aus-
Henri Duveyrier, explore le Sahara (1859- retrouvera en 1871, sur la rive orientale
jeté les yeux sur des régions barbares très trale, après leur conquête du Cap sur les
1861), et ses relations avec les Touaregs, du lac Tanganyika, et qui plus tard, au
Hollandais, les Anglais font également de
lointaines, cachées dans la transparence dont il amènera plusieurs chefs à Paris, fa- cours d’une extraordinaire expédition de
notables progrès dans la découverte avec
bleue de vapeurs luminescentes. » La ciliteront la pénétration de son pays dans 999 jours (1875-1877), parcourra la région
les recherches de John Barrow. Au nord-
cinquième expédition (1417-1419) longe le « Grand Désert ». Mais, en 1881, le mas- des grands lacs et descendra l’immense
est, W. G. Browne visite l’Égypte (1792) et
une partie de la côte orientale d’Afrique, sacre de la mission Flatters au sud d’Ouar- Congo. Enfin, l’antique problème des
remonte jusqu’au Darfour. Enfin, en 1821,
de même que la sixième (1421-1422). Des gla montrera que les difficultés restent sources du Nil est dégrossi par l’Anglais
la première traversée du Sahara par les
descriptions détaillées sont faites sur les encore grandes pour imposer le joug aux John Speke, qui découvre le lac Ukerewe,
Européens est effectuée par Dixon Den-
pays visités et leurs populations. Un être Touaregs. Les itinéraires tracés au Maroc qu’il baptise Victoria (1858) : son émis-
ham, le docteur Oudney et Hugh Clap-
fabuleux, une girafe, est ramené à la Cour, par Charles de Foucauld (1883-1884) saire, origine du grand fleuve, est reconnu
perton, qui, partis de Tripoli, atteignent
où les poètes chantent cet animal « qui, jouent aussi un rôle certain dans le déve- au cours d’un deuxième voyage (1860),
le Tchad et démontrent que cette grande
dans toute l’Antiquité, n’avait été vu loppement de l’influence française à tra- effectué avec James Grant.
lagune n’est pas le réceptacle du Niger.
qu’une seule fois ». Mais ces voyages ne se vers l’Empire chérifien. Au sud du Sahara,
Une deuxième traversée du continent
L’expédition d’Égypte amène chez Faidherbe, gouverneur du Sénégal depuis
prolongent guère et la Chine se retourne
est effectuée par le Portugais Alexandre
les Français un regain d’intérêt vis-à-vis 1854, complète la connaissance des ré-
vite vers les routes de terre. Dans le sec-
Serpa Pinto (1877-1879), qui part des pos-
de l’Afrique, dernière région du monde gions où il étend l’administration française.
teur qu’elle a exploré, elle est remplacée
sessions de son pays sur l’Atlantique et
habité avec l’Australie à être très mal En 1879 et 1880, le commandant Gallieni
par les Portugais, qui, au début du XVIe s.,
gagne ensuite l’Afrique australe. Deux de
connue : une carte très exacte de la val- poursuit son oeuvre, qui consiste à « ouvrir
auront reconnu la totalité du littoral du
ses lieutenants, Roberto Ivens et Herme-
lée du Nil est dressée jusqu’à Assouan.
continent. L’un d’eux, Pêro de Covilhã, une route vers le grand fleuve des nègres »
negildo Capello, continuent son oeuvre,
Puis c’est à René Caillié*, un isolé, un
participe aux recherches sur le mystérieux (le Niger), puis impose le protectorat au
explorant notamment les régions à peu
humble, que l’on doit l’exploit peut-être puissant chef Ahmadou (1887). De 1887 à
royaume chrétien du « Prêtre Jean », ce qui près méconnues où naissent le Congo et le
le plus extraordinaire du siècle : la visite 1889, Louis Binger explore les régions de
le conduira en Éthiopie, où le retiendra le
de Tombouctou, en 1828, et la traversée Zambèze (1885). Mais cette entreprise, qui
négus. l’intérieur de la Côte-d’Ivoire. En 1890 et
du Sahara. Cependant, il a été précédé de ne cachait guère les ambitions portugaises
1891, enfin, le capitaine Monteil effectue
dans le centre de l’Afrique australe, sera
deux années dans la ville mystérieuse par
LES PREMIÈRES RECHERCHES une remarquable traversée de l’Afrique :
stoppée net par les Anglais en 1890. L’Alle-
l’Écossais Alexander Gordon Laing, qui
SCIENTIFIQUES. DE NOUVEAUX VENUS parti de Saint-Louis du Sénégal, il gagne
sera assassiné dans le désert. mand Hermann von Wissmann, à la même
le Niger, puis le Tchad et remonte à travers
Au cours des XVIe et XVIIe s., la puissance époque, précise le dessin de la partie méri-
le Sahara jusqu’à Tripoli. Cette expédition
commerciale du Portugal sur les côtes LA DÉCOUVERTE SYSTÉMATIQUE dionale du bassin du Congo. La dernière
est la plus réussie des trois tentatives faites
africaines décline. Les initiatives des Hol- décennie du siècle va connaître de nom-
Le raid « visionnaire » de Caillié s’oppose à ce moment-là pour relier entre elles les
breuses autres missions, qui achèvent pra-
landais, des Anglais et des Français sur les
fondamentalement à celui de l’Allemand zones d’influence française au nord de
tiquement l’immense travail de la décou-
côtes occidentales multiplient les compa-
Heinrich Barth, dominé par la rigueur l’équateur. Une autre expédition, celle
verte du continent noir, en même temps
gnies de commerce mais ne font guère
scientifique : parti de Tripolitaine avec un de Paul Crampel, finira tragiquement par
que se mettent en place les frontières des
progresser la connaissance de l’intérieur
compatriote, Overweg, et l’Anglais James l’extermination de ses membres dans la
diverses colonies européennes : l’occu-
du continent. Des missionnaires, pourtant,
Richardson, il effectue seul un immense région du Tchad (1891). La dernière, celle
pation effective par les administrateurs
visitent à plusieurs reprises l’Éthiopie, et
périple dans la région du Tchad et le bas- de Louis Mizon, entre en conflit avec les
et l’écrasement des dernières résistances
un médecin français, Charles Poncet, va Anglais, dont elle foule les mouvances, et
sin du Niger (1850-1855), mettant enfin
succèdent à l’ère de la découverte et des
soigner le négus en 1698. Des métis por- devra être rappelée avant d’avoir atteint
au clair les relations entre les deux sys-
explorateurs.
tugais s’enfoncent profondément dans le Bornou. En effet, depuis la conférence
tèmes hydrographiques. Un séjour de six
les terres depuis l’Angola et le Mozam- S. L.
mois à Tombouctou lui permet d’écrire de Berlin (1884-1885), le partage des zones
bique. Le négociant marseillais André Brüe la première histoire de l’Empire songhaï. d’influence est codifié et les missions qui
remonte le Sénégal à partir de 1697. Les Ö. Olsen, la Conquête de la Terre (trad. du
Son voyage, écrira le général Meynier, sont désormais envoyées doivent tenir
norvégien, Payot, 1933-1937, 6 vol.). / R. et
Hollandais envoient quelques expéditions « démontrait la présence, dans le centre compte des options déjà retenues. En
M. Cornevin, Histoire de l’Afrique, des origines
vers l’intérieur en utilisant pour base leur africain, de vastes contrées fertiles où la 1899, trois missions françaises convergent
à nos jours (Payot, 1956, rééd. 1966). / L. H. Pa-
établissement du Cap. Au total, peu de pénétration européenne avait intérêt à se de nouveau vers le Tchad : celle de Fer-
rias (sous la dir. de), Histoire universelle des
chose, et la découverte est bien moins fixer ». De fait, les expéditions vont encore nand Foureau et de François Lamy vient du explorations (Nouvelle Librairie de France,
avancée que pour les autres continents à présenter un grand intérêt scientifique, Sud algérien ; celle d’Émile Gentil arrive par 1956, 4 vol.). / J. Suret-Canale, l’Afrique noire

l’orée du Siècle des lumières. mais elles seront désormais le fait de mili- le Congo et l’Oubangui ; celle de Paul Vou- (Éditions sociales, 1958-1964, 2 vol.). / C. Co-

201
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

venirs des vieillards. Ces rumeurs, On s’explique ainsi que bien des socié- du type bantou, la pénétration a été
recueillies au gré des contingences tés décrites par des voyageurs anciens plus récente ; elle se situe peut-être au
individuelles, s’altèrent vite. Elles re- n’existent plus. Et si l’extrême disper- Ier s. de notre ère. Contournant la forêt
montent rarement au-delà de trois ou sion de certaines ethnies peut rensei- équatoriale, les Bantous se sont pro-
quatre générations. Les événements gner sur leurs migrations, leurs tradi- gressivement répandus dans les régions
importants tendent à s’y regrouper soit tions, peu précises sur leur origine, ne occupées par des Pygmées et des Bo-
au début d’une évolution, autour des permettent ni de fixer l’époque de leur chimans. Les migrations de ces peuples
fondateurs d’un établissement, soit à établissement actuel ni d’apprécier la sont complexes et encore mal connues.
une époque récente, autour des chefs culture des populations qu’elles ont Elles ont probablement été lentes, et
qui accueillirent l’étranger. remplacées ou avec lesquelles elles ont elles paraissent liées à l’expansion des

La datation, dès lors, devient diffi- fusionné. plantes cultivées, venues d’Asie dans

cile. Elle peut résulter du recoupement Des techniques modernes de data- la vallée du Nil et au Fayoum. Ignorant

de la tradition orale par les données des tion, la dendrologie et surtout le car- la roue, limités dans l’utilisation de la

fouilles archéologiques ou de l’étude bone 14, ont cependant permis de bête de somme par la mouche tsé-tsé —

des systèmes agraires, de l’extension grands progrès. Avec la multiplication dont les méfaits sont encore attestés au

des plantes, dont on connaît l’époque des fouilles et une collaboration de Sénégal au XIXe s. —, les Bantous ont

d’introduction, des techniques, de plus en plus étroite entre les spécia- dû se déplacer par petits groupes. Ils

l’astronomie, qui permet de préciser listes des différentes sciences intéres- pratiquaient la chasse et la pêche, com-

la date d’une éclipse, de la géologie, sées au passé de l’Afrique noire, on plémentaires d’une agriculture limitée

qui apprécie celle d’une éruption vol- peut espérer que les zones d’ombre qui au mil et au riz, un élevage extensif et

canique, etc. recouvrent encore la plus grande partie un artisanat centré sur la poterie et la

du passé se résorberont. forge. Ils sont allés de régions épui-


Une difficulté supplémentaire vient
sées vers les terres vierges, refoulant
de la mobilité des populations et de
Les Noirs des populations paléonigritiques plus
l’instabilité dans le temps des groupes
anciennes ou fusionnant avec elles,
ethniques, dont quinze cents au moins L’Afrique a peut-être été le berceau,
découvrant ou s’appropriant des tech-
sont recensés actuellement. L’ethnie ou l’un des berceaux, de l’humanité. À
niques nouvelles. Ils ont laissé peu de
ne peut se définir ni par la race, ni par l’heure actuelle, les squelettes les plus
traces sous un climat qui effaçait les
la langue, ni même par les croyances anciens de l’Homo sapiens ont été trou-
query, la Découverte de l’Afrique (Julliard, constructions de roseaux et de pisé ; les
religieuses. Elle est essentiellement vés en Afrique orientale. Le Noir est
coll. « Archives », 1965). / H. Deschamps, His-
termites ont eu raison des édifices en
toire des explorations (P. U. F., coll. « Que sais- consciente d’appartenir à un même le dernier venu des représentants des
bois.
je ? », 1969). groupe, se manifeste par la référence grandes races dont les anthropologues
de ses membres à un ancêtre commun identifient les ossements en Afrique. L’anthropologie et l’archéolo-
et par leur participation à certaines Son origine est encore incertaine. On gie découvriront leur outillage, leurs
coutumes ou cérémonies. Son contenu le rencontre d’abord au nord de la forêt terres cuites et leurs ossements dans les

Afrique noire est donc culturel. Mais un groupe équatoriale, à une époque où le Sahara innombrables tumuli qui furent leurs
nombreux peut se diviser et donner méridional était plus humide qu’au- villages ou leurs tombeaux. Elles ont

Ensemble des régions d’Afrique habi- naissance à des ethnies nouvelles. jourd’hui. Refoulant les chasseurs pyg- ainsi ressuscité la civilisation de Nok,
Des étrangers peuvent être progressi- mées, le Noir s’est progressivement dont les terres cuites mises au jour sur
tées principalement par des peuples
vement assimilés par le groupe auprès répandu dans la zone soudanaise. Les le plateau de Jos, en Nigeria du Nord,
noirs.
duquel ils se sont installés. Les noms linguistes reconnaissent une parenté remontent au Ier millénaire av. J.-C., et
même que leurs voisins donnent à une entre toutes les langues soudaniennes celle des Saos, qui précédèrent, vers le
L’HISTOIRE même ethnie varient et diffèrent par- parlées par les Noirs au nord de l’équa- XIe s. de notre ère, les Haoussas dans
fois de celui qu’elle-même a adopté. teur. Au sud, où les langues noires sont la région du Tchad. Mais ces fouilles,
Les siècles obscurs

Absence de chronologies

Les Noirs font partie des peuples


sans écriture. L’historien devra donc
s’adresser d’abord aux autres sources
qu’il a l’habitude de consulter.

La tradition orale est encore, en


Afrique noire, très abondante et très
vivante. Elle a parfois été transmise de
père en fils, dans des familles de griots
spécialisés. Lorsque ces récits sont
nombreux et émanent de collectivités
diverses — dynasties, clergés, villages,
familles —, ils peuvent se recouper
entre eux et fournir des repères chro-
nologiques relativement précis, C’est
le cas des Koubas (ou Bakoubas) du
Congo, étudiés par J. Vansina. La plu-
part du temps, cependant, la fonction
sociale des griots héréditaires n’existe
pas. On en est alors réduit aux sou-

202
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

lement les déceler, selon un axe nord-


sud, vers la Rhodésie. Mais l’obscurité
domine encore sur la genèse des États
du Soudan, nés du chameau, introduit
au Sahara au Ier s. de notre ère, et de
la symbiose entre pasteurs nomades
blancs et agriculteurs sédentaires noirs.

Des formes d’organisation territo-


riale ancienne existaient chez les Man-
dings, où le Kafou réunissait plusieurs
villages sous l’autorité d’un chef. Le
groupement de nombreux Kafous et la
formation de grands États remontent,
semble-t-il, à l’apparition de l’islm.
Dans tous ces États, qui ont coexisté et
où, tour à tour, le Ghna et le Tekrour,
le Mali et le Songhaï ont exercé la
prépondérance au Sénégal et dans la
boucle du Niger, alors qu’à l’est le
Kanem et le Bornou contrôlaient les
routes transsahariennes aboutissant
au Tchad, on retrouve un roi divinisé,
dont il faut attendre beaucoup, sont core en Égypte, où l’on recense cinq en relation régulière avec l’Égypte et invisible pour ses sujets, embaumé
lentes et coûteuses. de ses rois parmi des pharaons de la Byzance, s’étendit sur les côtes de la après sa mort, assisté de nombreux

L’ethnographie a révélé l’extrême XXVe dynastie. La capitale, Napata, mer Rouge jusqu’au Yémen. Aksoum fonctionnaires qui percevaient l’impôt,

cohérence des structures sociales. Cela fut ensuite transférée à Méroé. Sur les résista aux invasions islamiques du surveillaient les artisans et les artistes

explique sans doute que les Noirs ne monuments de ce site, des inscriptions VIIe s., et ses habitants chrétiens, ont établis près du palais, et contrôlaient le

se soient pas aventurés sur les pistes en écriture cursive, méroétique, encore contribué à l’organisation de l’Église grand commerce caravanier. Pratiqué

transsahariennes, dominées par les peu déchiffrable, attestent la prospé- copte. par les chameliers nomades, celui-ci

chameliers blancs, ou sur l’Océan. rité de cet État au moment du déclin échangeait le sel, le natron des oasis,

Ils se livraient à la pêche côtière et de l’Égypte. Les États soudaniens les peaux, puis les produits artisanaux

reçurent dès l’Antiquité la visite de Méroé fut détruite, et son empire De Méroé, des influences égyptiennes du Maghreb contre le mil, les esclaves

bateaux arabes ou indiens, qui utili- et la kola de la ceinture forestière.


fut relayé au IVe s. de notre ère par Ak- gagnèrent le Soudan occidental par les
saient la mousson. S’ils ne se sont pas soum*, dont les souverains se conver- pistes caravanières vers le Kordofan, le Les premières dynasties paraissent
aussi aventurés en haute mer, c’est tirent au christianisme et dont l’empire, Darfour et le lac Tchad. On croit éga- avoir été blanches. Les Noirs leur ont
que, sans doute, comme au Congo et
au Dahomey, ils croyaient que l’Océan
était le séjour des morts. L’étude des
rites et des coutumes de ces sociétés,
où l’individu isolé n’existe pas, peut
donc, autant que celle des techniques,
expliquer les itinéraires complexes de
ces migrations.

L’Abyssinie

Dans une région, cependant, au sud de


l’Égypte et en Abyssinie, des chrono-
logies existent depuis l’Antiquité. Dès
le IIIe millénaire av. J.-C., des com-
merçants égyptiens, que l’on rencontre
aussi sur les côtes de l’Érythrée et de
la Somalie, ont fréquenté le pays de
Couch, au nord de la Nubie. Ils y cher-
chaient de l’or, de l’ivoire, de l’encens
et des bois durs. Ce sont des Égyp-
tiens qui ont construit la forteresse de
Kerma, près de Dongola, pour le prince
de l’État de Couch au début du IIe mil-
lénaire. La Nubie tout entière fut colo-
nisée par les pharaons de la XVIIIe à
la XXe dynastie, au temps de l’Empire
thébain. Au début du Ier millénaire, le
pays de Couch devint indépendant et,
pendant environ treize siècles, domina
non seulement en Nubie, mais en-

203
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

succédé, témoignant de la stabilité du Ghna dans la seconde moitié du XIe s., mis de prendre à revers leurs ennemis Après la mort d’Afonzo, vers 1540,
sédentaire face au nomade (Ghna*, venant du nord. Au bout de quinze musulmans. (V. Éthiopie.) Leur pre- le Congo fut délaissé par le Portu-
Mali*, Songhaï*, Bornou*). ans de lutte (1061-1076), les Almora- mier fort fut édifié en 1448 dans une île gal. Les missionnaires, qui le parcou-
Ces grands États ont rivalisé entre vides* réussirent à prendre et à piller de la baie d’Arguin. En 1456, le Véni- rurent à différentes reprises aux XVIIe et
eux et guerroyé contre les Mossis de Ghna. Après la conversion de ses rois, tien Ca’ da Mósto, naviguant pour le XVIIIe s., ont laissé des documents qui
la Haute-Volta. Grâce à leur richesse l’empire de Ghna ne retrouva plus compte du roi de Portugal, découvrit les
permettent d’esquisser l’évolution du
en fer et en bois, et à leur cavalerie son ancien éclat. Les chefs des autres îles du Cap-Vert, puis remonta le cours
royaume, fréquemment déchiré par des
bien armée, ces derniers n’ont jamais États soudanais passèrent également de la Gambie. Il y rencontra un chef
rivalités et des guerres.
été soumis et se montrèrent par la suite à l’islm, progressivement suivis par noir qui lui parla de « l’empereur du
la plupart de leurs sujets. Il en résulta Mali, le puissant empereur des Noirs ». Quand le gouverneur portugais du
imperméables à l’islamisation.
une civilisation négro-musulmane très Santiago fut colonisée en 1460, le cli- Brésil Martin Afonso de Sousa installa
La description, par le chroniqueur
brillante. Les villes se développèrent mat des îles du Cap-Vert offrant des dans ce pays des plantations de canne
arabe al-Mas‘di, au Xe s., de l’empire
autour de mosquées en briques cuites, escales toniques. De là, les côtes de à sucre, les Indiens recrutés sur place
dont les chefs firent construire en pierre
qui abritaient souvent des universités. la Sénégambie et de la Guinée furent le déçurent ; aussi importa-t-il de São
l’imposante capitale de Zimbabwe ap-
Les institutions coraniques apparen- activement prospectées, car les Portu-
parente cet État aux monarchies souda- Tomé, à partir du milieu du XVIe s., la
tèrent ces États aux sultanats arabes. gais y avaient découvert une variété
naises. Un important commerce d’or et main-d’oeuvre, à laquelle recouraient
Le commerce avec l’Afrique du Nord d’épice la plus recherchée à l’époque,
d’ivoire avec Sofala, l’Arabie et l’Inde également les colons des Antilles. La
s’intensifia. le poivre de Maniguette, ainsi que de
explique sa puissance. Les ruines de grande traite des Noirs d’Afrique vers
la poudre d’or. Ils crurent atteindre la
Zimbabwe ont été datées du XIe s. par l’Amérique se développa aux XVIIe et
Les tribus courtières source de l’or quand Fernão Gomes en
le carbone 14. L’archéologie permettra XVIIIe s. Hollandais, Anglais, Français
rapporta de grosses quantités de Gold
sans doute de préciser les sites et les Sur les côtes, la pénétration étrangère
Coast et reçut d’Alphonse V, en 1469, et autres y participèrent. Ils établirent
époques des autres États du type sou- fut beaucoup plus limitée. Le contact
un contrat lui assurant pour cinq ans des forts et des factoreries sur la côte
danien qui ont pu se développer dans entre les cultures africaines et étran-
le monopole du commerce en Guinée, africaine, y échangèrent des armes, des
l’Afrique bantoue entre l’Abyssinie et gères s’établit par l’intermédiaire de
à condition d’explorer cent lieues de tissus, de la dinanderie, des perles, de
la Rhodésie — et peut-être jusque dans tribus qui assurèrent le transport et la
côte par an. À l’échéance du contrat, l’alcool, du tabac contre les esclaves,
le golfe de Guinée. distribution des produits. Selon les
l’État décida d’exploiter lui-même ce qui, aux Antilles, étaient revendus pour
lieux et les temps, les marchés de la
monopole, et le premier grand fort, qui faire place à des cargaisons de sucre.
Le millénaire du côte ou de l’intérieur eurent plus ou
existe toujours, fut construit à Elmina
moins de rayonnement, mais jusqu’à Les principaux centres furent, pour les
commerce périphérique en 1482. Les pierres de taille et les
la colonisation du XIXe s. ce furent Hollandais, Elmina, enlevé aux Portu-
Des « siècles obscurs » continuent à charpentes furent expédiées avec tout
presque uniquement des tribus noires gais en 1637, pour les Anglais Accra à
régir l’histoire de l’intérieur du conti- le matériel nécessaire et accompagnées
qui relièrent les colonies ou les facto- partir de 1664, pour les Français Oui-
nent jusqu’au moment où sa conquête de dix caravelles où s’embarquèrent
reries littorales aux marchés de l’inté- dah au XVIIe s. et Saint-Louis du Séné-
par les Européens le dotera des docu- 500 soldats et marins et 100 charpen-
rieur. Cela s’explique autant par les gal (1659). Ils en exportèrent aussi de
ments d’archives et des équipes de tiers et ouvriers. Le chef local finit par
intérêts essentiellement commerciaux
concéder l’emplacement choisi, sur la la poudre d’or et, au XVIIIe s., la gomme,
chercheurs qui lui assureront une his-
des étrangers que par les difficultés
toire du type occidental. Mais, alors petite rivière Benga, à deux pas de la très recherchée pour fixer les couleurs
de pénétration à travers des régions
qu’à l’exception de la côte orientale mer. des toiles peintes, et traitée également
malsaines.
l’Afrique noire est restée relativement sur les côtes de Mauritanie* et à l’es-
Installés d’abord à Mogadiscio Le Congo
isolée et que son évolution a surtout cale de Bakel sur le fleuve Sénégal*.
(Somalie) et à Kilwa, les Arabes multi-
été commandée par des migrations et Au Congo* et au Bénin*, les Portugais
plièrent leurs comptoirs sans beaucoup
des événements intérieurs, l’apparition trouvèrent de grands États solidement Portugais et Arabes
d’établissements étrangers permanents développer leur commerce. Ce fut seu-
organisés, qui semblent s’apparenter en Afrique orientale
sur les côtes et les poussées musul- lement au XIIIe s. que la prospérité de
au type soudanien. Leurs chefs, qui
Kilwa et de Sofala s’affirma par l’ex- Poursuivant leur route vers l’Inde,
manes au Soudan ont orienté vers le contrôlaient la vie économique, ac-
portation de l’or et du cuivre de Rho- les Portugais se heurtèrent, au début
littoral des régions plus ou moins éten- cueillirent bien les étrangers au Congo,
dues. Comme ces étrangers ont fourni désie. Mombasa et Malindi fournirent du XVIe s., aux Arabes. Ils soumirent
alors qu’au Bénin ils refusèrent les
sur ces pays des documents écrits, les du fer aux armuriers de l’Inde. L’ivoire entre 1502 et 1508 leurs colonies de
relations commerciales avec le Portu-
historiens ont tendance à conter une et les esclaves furent recherchés sur Zanzibar, de Mombasa, de Kilwa et
gal. Le Congo fut l’objet d’une tenta-
histoire européano- ou islamo-cen- toute la côte, du nord de la Somalie de Sofala, mais, dès la fin du siècle,
tive de pénétration et d’acculturation,
triste. Il reste cependant incontestable à la Rovouma. Cependant, lorsqu’on leur domination fut ébranlée par une
à laquelle son roi, baptisé sous le nom
que la pression exercée par ces étran- fouille les sites des remarquables d’Afonzo, se prêta. Mais le pays était révolte générale. Quand les insurgés
gers a orienté l’évolution de bien des constructions en pierre de Zimbabwe
pauvre et ne pouvait payer en or ou en trouvèrent un chef en la personne du
peuples noirs, tout comme avaient et du Monomotapa, on n’y trouve pas
ivoire les produits ou les cadres impor- sultan d’Oman, les Portugais durent
fait l’influence grecque sur le monde trace d’islamisation. Le long du par-
tés d’Europe. Les marchands et les abandonner progressivement le nord de
romain et celle de Rome sur le monde cours entre la côte et les sources d’or,
aventuriers installés dans l’île de São cette côte. À partir de 1700, le partage
gaulois. d’ivoire et d’esclaves, chaque ethnie Tomé, où ils créèrent des plantations de
fut accompli et dura jusqu’à la période
assurait ou contrôlait le passage des
canne à sucre, contrecarrèrent l’action
impérialiste. Toute la côte, jusqu’à
La première poussée musulmane marchandises sur son territoire. diplomatique de la cour de Lisbonne
Kilwa, releva de l’empire d’Oman
Si les premières colonies des ch‘ites, Il en fut de même sur l’Atlantique. et, ne pouvant pas tirer du Congo, qui
(Mascate). Les Portugais restèrent au
expulsés d’Oman, apparurent au VIIIe s., Les premiers chrétiens qui décou- contrôlait ce commerce, les esclaves
Mozambique. Ils n’établirent pas de
bientôt suivies par celles des sunnites vrirent les côtes du golfe de Guinée nécessaires à leurs cultures, se tour-
de la côte orientale du golfe Persique, dans la seconde moitié du XVe s. furent nèrent vers l’Angola*. Cette ancienne relations directes avec le Monomotapa

c’est dans les États soudanais que l’in- les Portugais. Ils cherchaient une route dépendance du Congo fut fréquemment et, à l’exception des postes de Sena et

fluence de l’islm fut la plus profonde vers l’Inde et vers les États du Prêtre razziée. Les Portugais s’y installèrent à de Tete, sur le Zambèze, se bornèrent à
et la plus durable. L’islm pénétra au Jean, dont le concours leur aurait per- partir de 1576 (fondation de Luanda). la côte, d’où les rapports intermittents

204
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

avec l’intérieur furent assurés par les


tribus locales.

La traite des Noirs et les États


esclavagistes

L’esclavage et la traite lointaine ont


existé en Afrique avant l’arrivée des
Européens. Les États soudanais ont
participé à la traite transsaharienne, et
l’exportation des esclaves par la côte
orientale a toujours existé. Mais il est
impossible d’apprécier l’importance de
ce commerce faute de documents.

L’esclavage existait d’ailleurs aussi


en Europe. La France, pendant tout
l’Ancien Régime, recourut aux es-
claves barbaresques ou turcs pour for-
mer les équipages des galères royales.
Vers 1552, les esclaves, noirs surtout,
formaient un dixième de la population
de Lisbonne. Ils étaient utilisés comme
ouvriers agricoles, porteurs d’eau, doc-
kers, domestiques, etc.

En Afrique, les Portugais acquirent


des esclaves à défaut d’or ou de poivre.
Le navigateur Duarte Pacheco Pereira
raconte, dans son livre Esmeraldo
« de situ orbis », que, tout au début du
reçurent peu, mais la croissance natu- 1725 et s’efforça de contrôler le com- le recrutement de l’armée. Les États
XVIe s., ils payèrent avec des bracelets
relle fut importante sur leurs planta- merce des chefs d’Assinie, qui avaient d’Oyo et les Yoroubas*, héritiers des
de cuivre, au Bénin, des esclaves qu’ils
tions. Les prix de l’esclave ne cessèrent entretenu des relations avec la France vieilles civilisations de Nok et d’Ife*,
revendirent pour de l’or en Gold Coast.
d’augmenter. En 1789, un Noir adulte à la fin du XVIIe s. Le puissant État se livrèrent également au commerce
L’esclave était une richesse aussi
et sain valait de 2 000 à 2 200 livres, achanti, de même, se forma autour de des esclaves.
recherchée par les Noirs que par les
soit plus de 20 000 francs actuels. sa capitale de Koumassi, qui contrôla
Blancs. Mais, avec le développement
le marché d’esclaves de Manso, à La réaction antiesclavagiste
de l’économie sucrière, il devint aux En Afrique, ce commerce contri-
30 milles de Cape Coast Castle et où
yeux de ces derniers le principal objet bua certainement à valoriser les côtes, Sous l’influence des idées philoso-
se fournissaient les tribus côtières en
du commerce africain. où, avant l’arrivée des Européens, on phiques du XVIIIe s., les opinions pu-
relation avec les Européens. Son cin-
ne pratiquait que la pêche du poisson bliques européennes prirent progres-
Jusqu’au début du XVIIe s., l’expor- quième roi, Osei Toutou (1695?-1712),
ou du coquillage-monnaie. Les tribus sivement conscience de la cruauté de
tation d’esclaves vers l’Amérique ne lui donna ses institutions. Après sa
du nord du golfe de Guinée s’enri- la traite. Les Anglais, alertés par la
semble pas avoir dépassé 200 000 per- victoire sur les Denkyéras de la côte,
chirent et se livrèrent au courtage avec prédication de John Wesley, fonda-
sonnes. La demande américaine s’enfla il entra en relation directe avec les Hol-
l’intérieur, dont les chefs cherchèrent teur de l’Église méthodiste, adoptèrent
ensuite très vite, et l’exportation attei- landais, qui lui payèrent désormais les
l’accès direct aux côtes. Dans le Sud, vis-à-vis des Noirs la même attitude,
gnit 1 million de personnes au XVIIe s. et loyers de leurs concessions d’Axim et
les princes du Congo et du Bénin fraternelle et paternaliste, que les qua-
plus de 4 millions au XVIIIe s. Au cours d’Elmina. (V. Achantis.) Au Dahomey,
hésitèrent entre la conservation des kers. Le plus actif d’entre eux, Gran-
des quatre siècles de la traite, qui se le roi d’Allada, Dogbari-Genou, ayant
hommes, qui, utilisés comme soldats, ville Sharp, obtint du procureur général
prolongea en fait jusque vers 1870, été déposé dans des conditions obs-
cultivateurs, domestiques ou victimes William M. Mansfield le fameux juge-
le nombre des esclaves débarqués en cures vers 1620, se retira loin des
de sacrifices aux mânes des ancêtres, ment de 1772, d’après lequel il ne pou-
Amérique a été d’environ 9 millions. contacts côtiers et fonda une nouvelle
contribuaient à leur puissance, et leur vait y avoir d’esclaves sur le sol britan-
Les pertes en cours de route ont été monarchie à Abomey*. Rejetant les
échange contre des armes et d’autres nique. Les quelque 15 000 Noirs qui
en moyenne, au plus, de 16 p. 100. institutions tribales, il édifia une mo-
produits européens, également pré- s’y trouvaient désormais sans maîtres
L’Afrique a donc perdu environ narchie absolue, avec perception d’im-
cieux. On s’explique ainsi la collabo- posèrent le problème du Noir pauvre.
11 millions de ses habitants. Lorsqu’on pôts réguliers, et renonça à la traite
ration immédiate avec les négriers des Sharp pensa le résoudre en les envoyant
tente de mettre ces chiffres en relation pour former une armée permanente.
tribus inorganisées et la réticence des créer des plantations en Afrique et dé-
avec la population — évidemment non Son petit-fils, Agadja (1708-1740),
rois du Congo et du Bénin. montrer ainsi qu’on pouvait y faire un
recensée à l’époque — des régions conquit Allada et Ouidah (1724-1727),
intéressées, il ne semble pas que ce Avec le développement de la traite, mais ne put vaincre l’État esclavagiste commerce aussi rentable que le « com-
commerce ait considérablement affai- cependant, le besoin d’armes, l’habi- voisin d’Oyo. Il finit par recourir, lui merce honteux » de la chair humaine.

bli l’Afrique. Les pays les plus sollici- tude de consommer l’alcool, le tabac et aussi, à la traite, sans doute pour se Une compagnie privée, alimentée par
tés au XVIIIe s. (Gold Coast, Dahomey, l’usage des tissus européens l’empor- procurer des armes. Mais celle-ci de- des subventions bénévoles, expédia
Bénin) sont ceux où la population est tèrent. Le commerce côtier réagit sur vint monopole d’État à Ouidah, où un en 1787 un premier convoi en Sierra
aujourd’hui particulièrement dense. l’organisation politique de l’Afrique fonctionnaire spécial contrôla l’acti- Leone. Un « Comité pour l’abolition
Au cours de ces quatre siècles, le tiers occidentale. De nouveaux États s’or- vité des factoreries européennes. La de la traite des esclaves » fut fondé
des esclaves fut débarqué au Brésil, la ganisèrent en fonction de la traite. Le longue vassalité d’Abomey à l’égard en 1787, à peu près au même moment
moitié aux Antilles et dans le nord de royaume akan de Krinjabo, dans la d’Oyo (1730-1790) favorisa le déve- que la société française des « Amis des
l’Amérique du Sud. Les États-Unis en Côte-d’Ivoire actuelle, se forma vers loppement de ce commerce en limitant Noirs ». Son représentant à la Chambre

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

des communes, William Wilberforce, menée contre les tribus de pasteurs pire turc. La découverte du cours du la guerre sainte. Vainqueur en 1804,
déposa un projet de loi qui ne fut voté xhosas puis zoulous à l’est de la colo- Niger offrit une autre voie de pénétra- il créa un empire autour de sa capitale
qu’en 1807. Le gouvernement reprit nie. Après l’abolition de l’esclavage, tion vers le Soudan occidental et tcha- de Sokoto. Il n’eut pas grand-peine à
alors les installations de la compagnie une partie des Boers fit sécession et dien. Un commerçant de Liverpool, soumettre les petits princes voisins,
de Sierra Leone à Freetown. L’inter- alla s’établir plus au nord, sur les rives MacGregor Laird, désireux d’accéder mais ne put abattre le roi du Kanem-
diction de la traite, recommandée aux du Transvaal et de l’Orange. aux sources de l’huile de palme sans Bornou, al-Knami. La paix de 1812
signataires du traité de Vienne en L’Afrique* du Sud suivit dès lors recourir aux tribus courtières, tenta de lui laissa l’ouest du pays haoussa, avec
1815, devint effective dans l’Empire faire remonter le fleuve à ses bateaux en Kano et Gando, que Bello agrandit
une évolution particulière, orientée
français à partir de 1821, en Espagne et vers la domination du Blanc sur le 1832. Il participa également à la grande encore. L’Empire foulani s’étendit sur
au Portugal, subventionnés par les An- expédition de 1841, subventionnée l’Adamaoua, la rive nord de la Bénoué,
Noir. Celle-ci fut puissamment favo-
glais, entre 1815 et 1842. S’inspirant par les antiesclavagistes. Les fièvres l’Ilorin et le nord de l’empire d’Oyo.
risée par la découverte des mines de
de l’exemple britannique, une société eurent raison de ces efforts. Mais une Le Bornou, plus petit, subsista avec
diamant du Kimberley, puis d’or du
américaine préconisa aussi le retour troisième tentative réussit en 1854 le Kanem, au nord-est du lac Tchad,
Transvaal et de cuivre de Rhodésie.
en Afrique des Noirs libres et créa la sous la conduite du docteur William Kouka et Zinder.
petite colonie du Liberia* en 1816. Baikie, qui fit absorber de la quinine
Commerce et exploration Un disciple d’Ousmane dan Fodio,
— couramment utilisée à Saint-Louis
L’abolition de l’esclavage fut dé- européens au XIXe s. Cheikhou Ahmadou, originaire du
du Sénégal — à son équipage. Laird,
crétée dans l’Empire britannique en La fin de la traite ne modifia pas le Macina, rentra chez lui vers 1810 pour
alors, aidé par le gouvernement, orga-
1833, pour prendre effet en 1838, dans système des tribus courtières. Celles-ci y prêcher contre les chefs animistes
nisa à partir de 1857 des expéditions
l’Empire français en 1848, aux États- s’employèrent progressivement à rem- bambaras. Groupant autour de lui les
annuelles, dans le dessein d’atteindre
Unis en 1862, à Cuba en 1886 et au Peuls convertis, il installa sa capitale
placer l’esclave par l’huile de palme,
le Soudan et de détourner vers la côte
Brésil en 1888. La fermeture des dé- de plus en plus convoitée en Europe à Hamdallahi et organisa un État, qui
une partie du commerce transsaharien.
bouchés américains mit un terme à la s’affaiblit après sa mort en 1848 et
à partir de 1820. Cette huile servit de
Baikie s’y employa jusqu’à sa mort en
traite atlantique, qui avait continué, en lubrifiant aux machines, de matière tomba en 1862 sous les coups d’El-
1864. Le centre de Lokoja se développa
contrebande, malgré les interdictions et Hadj Omar.
première aux savonneries et, vers la fin
au confluent du Niger et de la Bénoué
les contrôles organisés par la croisade du siècle, aux fabriques de margarine. Celui-ci, Toucouleur qui, passant
(1860). Des consuls britanniques suc-
antiesclavagiste. (V. esclavage.) L’arachide devint aussi, après 1865, la par Sokoto au retour du pèlerinage de
cédèrent à Baikie de 1865 à 1869. Ils
En Afrique, ce changement d’orien- principale ressource de la Sénégambie. La Mecque, avait épousé une fille de
s’entendirent avec le sultan du Noupé,
tation de l’opinion européenne pro- Bello, commença de prêcher au Fouta-
Les États européens ne cherchèrent Massaba, vassal de l’Empire foulani de
voqua tout le long des côtes un affai- guère, cependant, à étendre leur domi- Djalon vers 1850, se heurta devant Mé-
Sokoto. Ce dernier, cependant, n’auto-
blissement des États axés sur la traite. nation sur ces côtes malsaines. Les dine, en 1857, aux Français, qui l’écar-
risa pas d’établissement étranger.
Les régions les plus surveillées, où la progrès du libre-échange ne les inci- tèrent du Sénégal, et créa de Bamako
contrebande était difficile, manquèrent à Tombouctou l’Empire toucouleur,
taient pas à se créer des monopoles. La deuxième poussée musulmane
de produits d’échange jusqu’au jour où L’Angleterre développa son influence avec sa capitale de Ségou sur le Niger.
L’islm avait marqué le pas après la
la demande d’huile de palme ranima Il disparut en 1864. Son fils Ahmadou
sur le littoral de la Gold Coast, d’où
conversion des chefs noirs des États
leur commerce. Celles, qui, au sud de lui succéda.
les Hollandais se retirèrent peu avant
soudanais au XIe s. À l’exception
l’équateur, avaient été moins exploi- l’annexion britannique de 1874. La Ainsi, pendant que les Européens
des Haoussas du Bornou, les masses
tées, connurent un plus grand essor, police du commerce et la répression évitaient de s’engager dans une poli-
étaient d’ailleurs restées ou redeve-
fondé sur la contrebande. La carte des de la traite des Noirs conduisirent le tique de conquêtes et de rivalités, re-
nues païennes. Mais ces populations
factoreries européennes, désormais gouvernement à s’emparer de Lagos cherchant avec les chefs de la côte des
d’agriculteurs avaient vu s’infiltrer
liées à d’autres commerces, s’en trouva en 1861. La France occupa Assinie accords favorables à leur commerce et
parmi elles des pasteurs nomades qui
modifiée. et Grand-Bassam en Côte-d’Ivoire, et à leurs principes antiesclavagistes, au
physiquement ne leur ressemblaient
l’estuaire du Gabon en 1844. Elle y Soudan l’islm groupait les peuples,
pas et qui semblent être venus de l’est
L’Afrique du Sud étendit son influence jusqu’à l’Ogooué créait de nouveaux États et manifestait
au Macina, puis dans les pays haous-
Sur un point, en Afrique du Sud, le en 1862. Les Portugais ne pénétrèrent un puissant dynamisme, dont l’éner-
sas entre Niger et Tchad. En partie
mouvement philanthropique dressa les pas profondément dans l’arrière-pays gie, après la conversion forcée des
animistes aussi, ces groupes, appelés
colons contre la métropole. La Com- de Luanda et de Benguela sur l’Atlan- animistes, se perdait en guerres intes-
Peuls (ou Foula, Foulbé, Foulani),
pagnie hollandaise des Indes orien- tique, de Quelimane et de Mozambique tines. Les rivalités entre réformateurs
furent regroupés par des chefs musul-
tales avait, en effet, expédié en 1652 sur l’océan Indien. ont souvent gêné les explorateurs et
mans fanatiques, qui proclamèrent la
quelques colons, sous la direction La curiosité scientifique des natura- se retrouvent dans le récit des voyages
guerre sainte contre les infidèles. Au
du capitaine Jan Van Riebeeck, pour listes et des géographes de l’African du plus génial d’entre eux, Heinrich
cours du XVIIIe s., les Toucouleurs du
créer, sous ce climat méditerranéen, Barth, envoyé par la Société royale de
Association (1787), qui fusionna en Fouta-Djalon et du Fouta-Toro séné-
une escale propre à ravitailler ses ba- 1830 avec la Société royale de géo- géographie de Londres en 1850-1855.
galais s’emparèrent également du pou-
teaux. Progressivement, aux dépens graphie de Londres, incita ceux-ci à voir et imposèrent l’islm. L’un des En Afrique orientale, des mouve-
des Hottentots, ces paysans « boers », entreprendre l’exploration systéma- plus brillants de ces puritains, Ous- ments de peuples d’une ampleur consi-
hollandais ou frisons, renforcés à la tique de l’intérieur. Du premier voyage mane dan Fodio, avait vingt ans quand dérable se sont prolongés après la fin
fin du XVIIe s. par quelques huguenots de Mungo Park (1795) à l’arrivée de il commença d’enseigner vers 1775, et du XVe s. Des Nilotiques se sont lente-
français, avaient développé une colo- Richard Lander dans le delta en 1830, ses tournées de prédication au Gober, ment propagés en Ouganda et dans la
nie agricole et pastorale. En 1806, les il fallut trente-cinq ans pour dessiner le au cours desquelles il dénonça les abus région des grands lacs. Livingstone, le
Anglais occupèrent Le Cap, que les cours du Niger. L’exploration, à partir (corruption, débauche, arbitraire, per- premier Européen qui explora le pays
traités de 1815 leur cédèrent. Entre de Tripoli et selon l’itinéraire des cara- ception de taxes non coraniques, etc.), (1859-1866), puis Speke et Grant, qui
ces Boers, dont l’attitude vis-à-vis des vanes transsahariennes, révéla l’impor- finirent par inquiéter le sultan, qui découvrirent les sources du Nil, furent
Noirs fut adoptée par la plupart des tance de la civilisation et du commerce tenta de le faire assassiner. Avec son surtout frappés par les ravages que les
émigrants britanniques, et la métro- des États musulmans, en pleine effer- frère Abdullahi et son fils Mohammed razzias d’esclaves produisaient parmi
pole, des conflits éclatèrent à propos vescence, ainsi que de la traite des es- Bello, qui se partagèrent sa succession les agriculteurs ou les pasteurs sans
du traitement des Noirs et de la lutte claves vers l’Afrique du Nord et l’Em- après sa mort vers 1817, il proclama défense.

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Les Arabes, qu’on en rendit res- semblait pouvoir être orientée vers étrangères, qui, en général, faisaient modernes, menacé par des dissensions
ponsables dans les milieux antiescla- l’Afrique noire, à partir du moment où fonction de présidents du Conseil, ne intérieures, par l’impatience des Bam-
vagistes, ne se conduisaient cependant des régions saines s’y offraient. Vers limitaient l’activité de leurs collègues baras et autres animistes de se libérer
pas autrement que les Européens au 1880, on vantait la richesse du Fouta- que lorsque l’initiative prise risquait de de sa domination, incitait à intervenir.
temps de la traite. Ils occupaient les Djalon ; Leroy-Beaulieu pensait que compromettre l’équilibre. L’Afrique Mais, outre les Français, de nouveaux
côtes, dont les ports relevaient prati- le Sahara, irrigué, nourrirait de 10 à noire formait en quelque sorte un créateurs d’empires s’y préparaient :
quement de l’empire d’Oman depuis 20 millions de colons ; on commen- théâtre d’opérations secondaires, que Samory Touré, maître de Kankan dès
le milieu du XVIIe s. Contrôlant une çait à découvrir les hauts plateaux, peu les diplomates abandonnaient aux ma- 1881, Mamadou Lamine, qui rêvait de
partie de la route des Indes, cet em- peuplés, d’Afrique orientale. L’espoir rins et aux administrateurs des colo-
grouper entre le Tinkisso et le Séné-
pire s’allia aux Anglais au XIXe s. Le de trouver des mines, comme autrefois nies, en exerçant sur eux une censure
gal les Sarakollés dispersés dans tout
« Sayyd » Sa‘d (1806-1856) transféra en Californie, en Australie et récem- lointaine et quelque peu dédaigneuse.
le Soudan. La conquête française, avec
sa capitale de Mascate à Zanzibar en ment en Afrique du Sud, où le diamant En 1871, l’avènement de l’Alle- ses campagnes annuelles, fut essentiel-
1832. Il y développa des plantations de avait attiré un « rush » d’immigrants magne et de l’Italie parmi les grandes lement l’oeuvre des militaires : Gustave
girofliers et un marché d’esclaves qui entre 1867 et 1876, encourageait les puissances modifia le jeu traditionnel
Borgnis-Desbordes, Gallieni, Archi-
resta prospère, malgré les limitations candidats à l’aventure. La difficulté que France et Angleterre avaient cou-
nard liquidèrent l’État toucouleur et
négociées par les Anglais, jusqu’à sa était d’atteindre ces pays, défendus par
tume de diriger. Et les guerres de 1866
l’empire de Samory, et imposèrent le
fermeture en 1873. Les commerçants des côtes malsaines, par la forêt vierge à 1871 excitèrent partout, dans les opi-
ou par le désert. Mais, précisément protectorat français à tout le Soudan
de la côte opéraient avec des tribus nions publiques, un nationalisme avide
vers 1880, on savait que la technique nigérien entre 1881 et 1898. La défaite,
courtières. Celles-ci, pour se procurer d’expansion territoriale. La France, en
de l’ivoire, importèrent de plus en plus triomphait des obstacles naturels. en 1900, à Kousseri, près du lac Tchad,
particulier, vaincue, humiliée, crai-
d’armes à feu. Les fusils permirent Puisqu’on avait percé l’isthme de Suez par trois colonnes françaises parties
gnant de perdre son « rang » de grande
aussi aux Noirs qui les acquéraient de (1869), on saurait aussi créer des sys- respectivement du Sud algérien, du
puissance, trouva dans la colonisation
multiplier les razzias ou de se tailler tèmes d’irrigation, fixer les itinéraires Soudan et du Congo, du prophète et
un moyen d’affirmer à la fois sa vi-
des royaumes, comme celui de Msiri de bateaux à vapeur démontables. Et conquérant Rabah réunit les colonies
gueur (« Pour rester une grande nation
au Katanga. Les esclaves étaient em- puisque les Américains avaient vaincu françaises d’Afrique.
ou pour en devenir une, un peuple doit
ployés au transport de l’ivoire avant le désert et les montagnes Rocheuses
coloniser ») et son idéal républicain de
d’être vendus sur la côte et entassés en construisant le premier chemin de Le Congo
« civilisateur ». Mais, derrière les ori-
sur les boutres qui les emmenaient soit fer transcontinental (1872), on saurait
flammes des doctrinaires, les masses Le bassin du Congo était encore in-
à Zanzibar, soit, en contrebande, vers réunir l’Algérie au Sénégal, au Niger
paysannes et bourgeoises ne s’ébran- connu vers 1870. Entre 1875 et 1879,
l’Arabie ou le golfe Persique. L’ac- et au Tchad ou Le Cap au Caire. De
lèrent pas pour peupler les terres nou- deux explorateurs européens s’y inté-
croissement de la demande de l’ivoire vastes perspectives s’ouvraient aux
velles ou pour financer leur mise en ressèrent. Stanley, surtout, correspon-
en Europe, où les couteaux à manche ingénieurs, aux économistes et aux
valeur. dant de deux grands journaux anglais
d’ivoire, les billards et les pianos se financiers, qui s’effrayaient moins des
énormes investissements nécessaires à et américains, suivit le cours du fleuve
répandirent, poussa les commerçants Coup d’envoi au Soudan
la colonisation, puisque, d’une part, les de la source à l’embouchure. Brazza,
égyptiens à s’orienter également vers
Le départ fut pris par le colonel Brière chargé de missions sur l’Ogooué par
le nord de l’Ouganda, où ils concurren- mines pourraient en assurer l’amortis-
de l’Isle, gouverneur du Sénégal. le ministre de la Marine, découvrit
cèrent les Arabes. sement et que, d’autre part, la formule,
Reprenant un projet de Faidherbe et
imaginée par Lesseps, de la Compa- une voie d’accès vers l’Alima, affluent
À la fin de cette longue période de de son successeur, Pinet-Laprade,
gnie universelle faciliterait l’appel à du Congo, et vers le Stanley Pool, en
réorganisation des peuples africains qui avait fondé sur la côte de Guinée
l’épargne internationale. évitant les rapides presque infran-
par rapport aux influences étrangères les trois postes de Boké, de Boffa et
À ces considérations s’ajoutèrent chissables du fleuve entre le Pool et
qui s’intensifièrent sur la périphérie de Benty, Brière tenta de passer des
les contingences de la politique et de l’estuaire. Du Pool aux Stanley Falls
du monde noir, on constate un progrès accords avec les tribus locales pour
la diplomatie européennes. Jusque de l’Est, l’immense boucle du Congo
considérable de l’islm. Les missions détourner vers ces ports le commerce
chrétiennes, épisodiques jusqu’à la vers 1880, en effet, les grandes puis- formait avec ses affluents un vaste
du haut Niger et du Fouta-Djalon. Il
formation des grandes sociétés mis- sances s’étaient surtout inquiétées de réseau navigable, sur lequel prospé-
se heurta aux commerçants anglais de
sionnaires protestantes anglaises ou maintenir un équilibre qui empêchât rait un actif commerce indigène, mais
la Sierra Leone, dont le gouverneur, le
allemandes au début du siècle et catho- l’hégémonie de l’une d’entre elles. que les razzias des négriers d’Afrique
docteur Rowes, suivait une politique
liques françaises à partir de 1850, pro- Les zones de rupture de cet équilibre orientale commençaient à troubler.
analogue. Quai d’Orsay et Foreign Of-
gressaient moins vite, sauf en Afrique avaient été le Rhin et l’Italie jusqu’à Sur l’avenir de cette immense région,
fice empêchèrent leur rivalité de dégé-
du Sud. la formation des unités allemande et riche en caoutchouc et en ivoire, les
nérer en conflit et signèrent un accord
italienne, et, tout au long du siècle, la
de délimitation (1881). spéculations allaient bon train. L’un
question d’Orient. Celle-ci compre-
Colonisation et Entre-temps, l’arrivée à Saint-
des plus actifs à s’y livrer fut le roi
nait une rivalité austro-russe dans les
décolonisation Louis de Paul Soleillet, intéressé par des Belges Léopold II. Passionné pour
Balkans, une rivalité anglo-française
la géographie et la haute finance, ce
la construction d’un chemin de fer
en Égypte et une rivalité anglo-russe
La volte-face européenne transsaharien, orienta Brière vers la prince, que son peuple ne suivait pas
à Constantinople, dans les Détroits,
seconde voie d’expansion entrevue par dans cette voie, réunit dans son palais,
Trois quarts de siècle de colonisation qui commandaient, comme l’Égypte,
Faidherbe : la liaison Sénégal-Niger et en septembre 1876, la Conférence in-
suffirent à faire basculer vers l’Occi- un accès de la route des Indes. Dans ce
le détournement vers Saint-Louis du ternationale de géographie, qui fonda
dent cette Afrique promise à l’islm. jeu de l’équilibre constamment menacé
Les causes de la volte-face qui amena commerce caravanier de l’or. Il pour- l’Association internationale africaine.
et rétabli, auquel excellaient les diplo-
les puissances européennes à se par- suivit alors, sous l’égide du gouverne- Société privée, philanthropique, cette
mates, l’Afrique noire n’intervenait
tager un continent dont l’exploration ment, une politique de dissociation de A. I. A. créa dans chaque pays des co-
pas. Les Affaires étrangères l’aban-
l’Empire toucouleur, que les circons- mités nationaux chargés de recueillir
n’était pas achevée sont diverses. La donnaient à la Marine, qui prenait les
poussée démographique qui avait initiatives, passait avec les chefs noirs tances favorisèrent. des fonds et d’installer en Afrique cen-

peuplé l’Amérique du Nord, l’Aus- des traités qu’un simple décret suffisait La faiblesse d’Ahmadou, successeur trale des « stations scientifiques et hos-
tralie, la Nouvelle-Zélande et Le Cap à ratifier. Les ministres des Affaires d’El-Hadj Omar, dépourvu d’armes pitalières » propres à faire progresser

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

l’exploration et régresser la traite des pour procurer aux marchands d’hypo-


Noirs. thétiques profits. Ce qui l’inquiétait,
c’était l’hostilité des puissances vain-
Léopold fonda ensuite un Comité
d’études du Haut-Congo, qui ne s’in- cues par la Prusse ou alarmées par la
menace de la prépondérance allemande
terdit pas la prospection commerciale
en Europe. Quand son conseiller Hein-
et qui prit Stanley à son service. En
1879, ce dernier fut chargé de frayer rich von Kusserow lui eut révélé que le
recours aux compagnies à chartes per-
à partir de Borna une voie d’accès au
Pool et de conclure avec les chefs noirs mettait de coloniser sans rien débour-
ser, il envisagea de créer des colonies
des traités qui les plaçaient sous le
allemandes et tenta de se réconcilier
contrôle du Comité. Ces « États indé-
avec la France en esquissant une po-
pendants » eurent donc un souverain
litique africaine commune. Les deux
en Europe.
puissances convoquèrent ensemble la
Brazza, cependant, désireux de faire
conférence de Berlin.
du Gabon français le débouché com-
mercial du réseau congolais, partit au
La conférence de Berlin (15 nov.
même moment, de sa propre initiative.
1884 - 26 févr. 1885)
À peine le Comité français de l’A. I. A.
Le but n’en était, certes, pas de « par-
lui donna-t-il les moyens d’installer une
tager l’Afrique ». Toutes les côtes du
ou deux stations scientifiques et hospi-
continent étaient occupées lorsque
talières, et le ministère accepta-t-il de
la conférence se réunit en novembre
lui faciliter, selon l’usage, la remontée
1884. Bismarck avait lui-même envoyé
de l’Ogooué. Brazza fonda Franceville,
l’explorateur Gustav Nachtigal pour
puis rejoignit, près du confluent du Lé-
placer sous pavillon allemand les côtes de la conférence, saluer l’avènement deux Allemagnes, les deux Corées
fini et du Congo, le chef des Batékés,
encore vacantes, et les chefs du Togo*, d’un État nouveau, dont la Chambre ou les deux Viêt-nams d’aujourd’hui.
Makoko, qui consentit une déclaration
du Cameroun* et du Sud-Ouest* afri- belge autorisa son roi à assumer, à titre Quant au tracé des frontières, il fau-
de cession de souveraineté à la France
cain, où se trouvaient des missions ou
et une concession de terrains sur la personnel, la souveraineté. drait de nombreuses pages pour relater
des commerçants allemands, avaient les travaux des commissions mixtes de
rive nord du Pool. C’est là qu’il ins-
signé, entre juillet et septembre, des
talla un petit poste sous la direction Le partage colonial délimitation, qui, précisant et rectifiant
traités de protectorat. Le docteur Carl
du sergent sénégalais Malamine. Il les décisions de principe adoptées par
L’Afrique noire, dès lors, était entrée
Peters, pendant la conférence, intervint
regagna la côte, sans révéler à Stanley, dans l’orbite de la politique internatio- les diplomates en chambre, travail-
de même en Afrique orientale. Non,
qu’il rencontra à Vivi, l’existence de nale. De la petite scène, régie par les lèrent pendant des années sur le ter-
le but de la conférence fut plutôt de
ces accords. Il dut ensuite attendre à ministres de la Marine ou des Colonies, rain, s’efforçant de tenir compte autant
prolonger l’ère moribonde du libre-
Franceville le chef de station désigné elle avait accédé au grand théâtre des de la géographie et de l’ethnographie
échange en réglementant la navigation
par le Comité français de l’A. I. A., que des facteurs économiques ou stra-
rivalités internationales, dont le réper-
sur le Niger et le Congo, en assurant
l’enseigne de vaisseau détaché Mizon, toire s’enrichit par les ratifications tégiques. Le résultat en fut la carte de
la liberté du commerce dans le bassin
puis rentra en découvrant la voie, plus solennelles de négociations diploma- l’Afrique coloniale, qui ne fut modifiée
« conventionnel » du Congo, qui com-
courte encore que celle de l’Ogooué, que par la redistribution des colonies
tiques. Les grands traités de partage,
prenait le bassin géographique plus
du Niari-Kouilou. celui du 1er juillet 1890 entre l’Angle- allemandes après la Première Guerre
ses voies d’accès à l’Atlantique et à
mondiale.
Lorsqu’il revint en France, le gou- terre et l’Allemagne, celui du 4 août
l’océan Indien, et en évitant les conflits
vernement, qui cherchait un succès 1890 entre la France et l’Angleterre,
futurs entre les puissances. Celles-ci
pour calmer l’opinion publique, alar- celui de 1891 entre l’Angleterre et Résistances et pacification
devaient notifier et occuper effecti-
mée par l’intervention anglaise en l’Italie, ceux de 1890 et de 1892 entre La soudaineté de ce partage prit les uns
vement les acquisitions de territoires
Égypte (juill.-sept. 1882), accepta les l’Angleterre et le Portugal, ceux de et les autres au dépourvu. Les Africains
« sur les côtes d’Afrique », sans plus
traités signés sans son aveu. Ceux-ci 1885 à 1911 entre la France et l’Alle- des côtes ou du Soudan ne comprirent
pouvoir, comme avait fait le Portugal,
furent ratifiés par les Chambres (nov. magne, etc., ont été souvent cités en pas que les traités, toujours identiques,
invoquer des droits historiques. Léo-
1882), et le lieutenant de vaisseau exemple et condamnés au nom du droit conclus avec les Européens pourraient
pold II, cependant, tout au long de l’an-
Cordier alla occuper Loango et Pointe- des gens et de la morale. On a critiqué être exécutés dans un esprit différent.
née 1884 et en marge de la conférence,
Noire, à l’embouchure du Kouilou. ces frontières grossièrement tracées sur Ils ignoraient le jeu de la diplomatie
négociait activement avec chacune des
La solennité inaccoutumée de la puissances intéressées pour faire recon- des cartes inexactes, ces longues dis- internationale, le progrès technique,

ratification attira l’attention des di- naître un État indépendant du Congo, putes pour la possession de lieux qui, la remise en cause permanente des us

plomates sur ce secteur d’Afrique dont il étendit les limites bien au-delà tels les monts Mfoumbiro du Ruanda, et coutumes traditionnels, l’insoumis-

centrale, auquel ils ne s’étaient guère des États noirs organisés sous l’égide n’existaient pas, ces groupements arti- sion aux lois de la nature, la lutte de
intéressés jusqu’alors. Le Portugal de Stanley. Il parvint à les convaincre, ficiels de populations, certaines ethnies l’individu contre la société. Quand,

invoqua ses droits historiques sur les soit en leur promettant la libre concur- se voyant arbitrairement distribuées ici et là, les Européens violèrent des
côtes du Congo. L’Angleterre recon- rence commerciale dans des régions entre plusieurs métropoles. Mais, si la accords qui les obligeaient à respec-
nut d’abord ces prétentions (accord de où il supporterait seul les frais de pa- morale s’en trouvait bafouée, cela ne ter les droits des tribus courtières, la
février 1884), puis se reprit devant les cification et d’administration, soit en constituait pas une nouveauté. L’Eu- possession du sol, la sagesse ances-
protestations de ses missionnaires et faisant vibrer la fibre humanitaire et rope d’alors, d’antan ou d’aujourd’hui trale, ils se révoltèrent. Mais ils ne se
de ses commerçants. Ce fut alors que antiesclavagiste, soit, enfin, en offrant offrirait de nombreux exemples sem- dégagèrent pas pour autant de leurs
Bismarck intervint. Ce hobereau de- à la France un droit de préemption au blables. Il n’est que de considérer les rivalités. Ils n’hésitèrent pas à intro-
venu diplomate et chancelier du Reich cas où il serait amené à renoncer à son partages de la Pologne au XVIIIe s., duire le Blanc dans leurs combinaisons
n’était pas enclin à disposer des reve- invraisemblable entreprise. Les puis- l’Empire austro-hongrois ou les Bal- politiques et militaires, ne comprenant
nus de l’État pour civiliser les Noirs ou sances purent alors, le jour de la clôture kans au XIXe s., le statut de Berlin, les pas qu’après avoir vaincu l’ennemi du

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

tion des indigènes, l’administration et Afrique orientale furent longuement


l’exploitation de vastes territoires, fut évoquées au Reichstag. L’Afrique-
adoptée avec enthousiasme. Les Com- Occidentale française reçut très tôt
pagnies royales du Niger, d’Afrique- une administration recrutée parmi les
Orientale britannique, d’Afrique du militaires. Le Parlement hésita long-
Sud furent créées entre 1886 et 1889, temps avant de répartir, en 1898, la
à peu près au même moment que les plus grande partie du Congo français

Compagnies allemandes du Sud-Ouest entre 40 compagnies, qui réunirent


africain et d’Afrique orientale. Inca- en tout quelque 50 millions de francs

pables d’organiser des régions trop d’un capital non entièrement versé,

vastes, de maîtriser les révoltes sou- et, malgré les abus, la persécution

vent provoquées par la maladresse de des indigènes et les fraudes fiscales,

leurs agents, elles renoncèrent bientôt, la plupart de ces compagnies firent de

à la seule exception de la riche Com- mauvaises affaires. Les bénéficiaires

pagnie d’Afrique du Sud, qui persista de l’opération furent des agents locaux

jusqu’en 1923, et de la Compagnie du et des spéculateurs avisés. L’enquête


consécutive à la révélation d’atroci-
Mozambique (1891-1942).
tés dont deux jeunes administrateurs
Les sociétés concessionnaires, aux-
en brousse, Toqué et Baud, s’étaient
quelles les gouvernements confiaient
rendus coupables fut confiée à Brazza
l’exécution des travaux publics ou
en 1904. Commissaire du gouverne-
l’exploitation de certains territoires,
ment de 1883 à 1898, ce dernier avait
sans leur accorder de droits régaliens,
brusquement été rappelé. Ses finances,
ne « civilisèrent » pas mieux. Usant et
obérées par le concours qu’il avait
abusant de leurs monopoles, brutalisant dû apporter à l’expédition Marchand,
moment avec l’aide du Blanc ils se perdaient dans la nonchalance de la vie l’indigène, contraint au travail forcé traversant l’Afrique de Libreville à
retrouveraient eux-mêmes soumis au quotidienne d’une société plus métis- dans des conditions inhumaines, elles Fachoda, son opposition aux méthodes
même maître. Malgré sa supériorité sée qu’ailleurs. L’évolution de ces pe- ne surent même pas, dans la plupart des brutales des militaires Marchand et
technique, le Blanc, sous des climats tits territoires ne posait pas à de grands cas, tirer profit de leurs privilèges. Des Mangin, pressés d’arriver avant les An-
meurtriers, n’aurait sans doute pas États européens de problèmes majeurs. scandales éclatèrent dans l’État indé- glais sur le haut Nil, son autoritarisme
été assuré de la victoire si les Noirs, Mais, quand, subitement, les colonies
pendant, où la Commission internatio- et un incontestable dédain de l’indis-
d’un commun accord, avaient organisé se furent accrues au point d’atteindre nale d’enquête instituée par Léopold II pensable paperasserie administrative
une guérilla qui eût exigé d’énormes des surface infiniment supérieures à
reconnut la vérité des abus dénoncés avaient causé sa chute. Il mourut avant
moyens financiers, que les parlements celles des métropoles et de grouper des
par la Congo Reform Association, que d’avoir terminé son rapport, qui met-
européens n’auraient pas accordés. Les populations plus nombreuses, tous les
le journaliste anglais Edmond Morel tait en cause son successeur, Gentil. Ce
résistances africaines furent souvent gouvernements réagirent de même : avait fondée en 1904. Les brutalités dernier fut, cependant, innocenté. Les
acharnées, toujours localisées, succes- les colonies devaient se suffire à elles-
du gouverneur du Cameroun Puttka- réformes qui tentèrent de mettre fin à la
sives et vaines. Elles se prolongèrent mêmes, ne pas trop émarger au bud-
mer, appuyé sur les sociétés de com- sous-administration et au sous-équipe-
longtemps, au moins jusque vers 1920, get métropolitain. C’était évidemment
merce, la cruauté des répressions des ment de ces vastes régions aboutirent à
masquées aux yeux de l’opinion occi- contradictoire avec la thèse de la « ci-
révoltes des Hottentots et des Hereros créer la fédération de l’Afrique-Équa-
dentale par les euphémismes de « paci- vilisation ». La philanthropie suppose
du Sud-Ouest africain ou de celles des toriale française (A.-É. F.) [1910] en
fication », d’« antiesclavagisme », de le don.
courtiers arabes dirigés par Buschiri en face de celle de l’Afrique-Occiden-
« missions », etc. Le dépouillement Très tôt, aussi, dans tous les parle-
des archives permet, aujourd’hui, de ments, des voix se firent entendre pour
retracer les péripéties de ces réactions qu’on utilisât plutôt en métropole les
désespérées. crédits votés pour les colonies. Les
gouvernements, dès lors, limitèrent
Les Européens n’étaient pas davan-
la dépense, et les colonies végétèrent
tage conscients des exigences de la
plus ou moins, sous-administrées et
colonisation dont rêvaient leurs doc-
sous-équipées.
trinaires. Tous constataient le retard du
« primitif » sur le « civilisé ». Aucun ne Restait le grand espoir des doc-
doutait de la moralité d’une conquête trinaires, l’investissement privé, qui
qui étendrait à tous les bienfaits de la créerait l’infrastructure nécessaire à
civilisation. Seuls les Anglais, les Fran- la « mise en valeur ». Les capitaux se
çais et les Portugais avaient, vers 1870, trouvèrent en effet là où des richesses

une certaine expérience de l’Afrique, immédiatement exploitables les garan-

mais limitée, les Anglais recherchant tirent, où des mines offraient diamants,

en Afrique occidentale une tutelle dont or ou cuivre. Ils ne se trouvèrent pas

l’expiration les débarrasserait de la là où une coûteuse prospection aurait

charge d’administrer et d’éduquer les révélé les gisements qu’on a exploités

populations qui avaient renoncé à l’es- après la décolonisation.

clavage et se christianisaient, les Fran- La solution britannique des compa-


çais rêvant d’assimiler les habitants gnies à charte, auxquelles le gouverne-
de leurs petites colonies pour le plus ment cédait, en échange de la poursuite
grand prestige de la mère patrie, les de l’exploration, de la création d’un ré-
Portugais élaborant des réformes qui se seau de communication et de la promo-

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

tale française (A.-O. F.), organisée en tières du Cameroun n’ont pas, cepen- doter la plupart des colonies de cadres façon à rendre incertaine leur accession
1895. Des administrateurs civils spé- dant, laissé dans l’opinion africaine africains. à l’indépendance.
cialement formés par l’École coloniale les rancunes auxquelles on aurait pu H. B.

(1889) prirent l’Afrique noire française s’attendre. La décolonisation Afrique / Colonisation / Empire colonial bri-
tannique / Empire colonial français / Empire colo-
en charge.
Les Anglais pratiquèrent largement La décolonisation n’a pas, comme la nial portugais / Esclavage / Islm.

l’administration indirecte, qui respec- colonisation, substitué une évolution


J. D. Fage, Atlas of African History (Londres,
L’élaboration des systèmes
tait et renforçait l’autorité des chefs à une autre, imposé aux populations 1958). / R. Mauny, Tableau géographique de
coloniaux
traditionnels. Ils instruisirent par ail- de l’intérieur des modes de vie et de l’Afrique de l’Ouest au Moyen Âge (Dakar,
1961). / R. Oliver et J. D. Fage, A Short History
Ce fut vers 1908 que, partout, les gou- leurs des élites noires, qui s’opposèrent pensée que celles des côtes commen-
of Africa (Harmondsworth, 1962). / H. Bruns-
vernements commencèrent à réorgani- à ces chefs et développèrent des doc- çaient seulement à adopter. Elle n’a chwig, l’Avènement de l’Afrique noire du
ser leurs possessions et à préciser les pas fait craquer le corset des frontières XIXe siècle à nos jours (A. Colin, 1963). / Sous
trines nationalistes nourries d’idées
politiques qu’ils entendaient suivre. plus ou moins artificielles tracées lors la direction de R. Oliver et G. Mathew (t. I)
venues des Antilles et des États-Unis.
et de V. Harlow et E. M. Chilver (t. II), History
L’État indépendant fut cédé à la Bel- du partage. Elle n’a pas été un retour à
Sierra Leone, Gold Coast et Nigeria of East Africa (Londres, 1963-1963 ; 2 vol.). /
gique. Soucieux d’accroître la renta- l’état précolonial, mais plutôt le relais D. F. Mc Call, Africa in Time Perspective (Bos-
s’orientèrent ainsi vers l’autonomie,
bilité de la colonie, le gouvernement des cadres européens par les élites afri- ton, 1964). / R. von Albertini, Dekolonisation
tandis que Frederick J. Lugard, en
(Cologne, 1966). / J. Ganiage, H. Deschamps et
belge s’efforça d’élever le niveau de caines occidentalisées. Ce relais, envi-
Afrique orientale, préconisait un ave- O. Guitard, l’Afrique au XXe siècle (Sirey, 1966).
vie des indigènes, de former la main- sagé de longue date par les Anglais, fut
nir pluriracial. Invoquant le « double / M. Crowder, West Africa under Colonial Rule
d’oeuvre et les cadres inférieurs dont il pris d’abord par Nkrumah* au Gold (Londres, 1968). / P. J. M. Mc Ewan (sous la
mandat » qui obligeait la métropole
avait besoin. Fier de son paternalisme, dir. de), Africa from Early Times to 1800. Nine-
aussi bien à promouvoir le Noir qu’à Coast, devenu Ghna* en 1957.
teenth Century Africa. Twentieth Century Africa
limitant l’émigration des Blancs, qui
favoriser l’établissement du Blanc dans L’exemple ghanéen brusqua l’évo- (Londres, 1968 ; 3 vol.). / A. S. Kanya-Forstner,
ne furent pas autorisés à séjourner s’ils The Conquest of the Western Sudan (Cam-
les régions saines et peu peuplées qu’il lution des Français, qui avaient passé
ne possédaient pas de moyens d’exis- bridge, 1969). / M. Wilson et L. Thompson (sous
coloniserait, il souhaitait fédérer des de l’idéal assimilateur, encore exprimé la dir. de), The Oxford History of South Africa,
tence, il réussit une oeuvre qu’on citait
pays complémentaires où la civilisa- par la conférence de Brazzaville t. I : Soufh Africa to 1870 (Londres, 1969). /
en modèle à la veille de la Seconde Y. Person, Samory (Dakar, 1969-70 ; 3 vol.). /
tion britannique se développerait. (1944), à des tentatives d’organiser
Guerre mondiale. Il envisageait pour H. Deschamps (sous la dir. de), Histoire géné-
l’autonomie interne des colonies dans rale de l’Afrique noire (P.U.F., 1970-71 ; 2 vol.).
un avenir très lointain l’assimilation Quant aux Français, bien que séduits
le cadre d’une « Communauté fran- / R. Mauny, les Siècles obscurs de l’Afrique
politique et sociale de la colonie à par l’administration indirecte, ils ten-
noire (Fayard, 1971). / J. Ki-Zerbo, Histoire de
çaise » (1958), puis à l’indépendance
la mère patrie, sans imaginer que la dirent vers une intégration des colonies l’Afrique noire (Hatier, 1973). / R. Cornevin
(1960).
décolonisation pourrait survenir très à la métropole, ouvrirent leurs uni- (sous la dir. de), les Mémoires de l’Afrique (Laf-
font, 1975).
rapidement et que son beau domaine, versités aux étudiants noirs, admirent Selon l’importance des cadres noirs
dépourvu d’élites africaines capables députés et sénateurs noirs dans leur et de l’infrastructure technique dispo-
de relayer les Belges, sombrerait dans Parlement et parmi les ministres. Ils ne nibles au moment de la décolonisation,
LITTÉRATURE
l’anarchie. (V. Congo-Kinshasa.) purent, cependant, suivre logiquement l’évolution des nouveaux États fut
DE STYLE ORAL
jusqu’au bout une politique qui aurait plus ou moins paisible. La coopération
Les Allemands, sous l’égide du ban-
finalement fait dépendre leur avenir internationale et celle des anciennes
quier Bernhard Dernburg, devenu se- Dans sa définition classique, la litté-
d’électeurs africains. Les discussions métropoles permirent, dans bien des
crétaire d’État (1907), firent porter leur rature est l’ensemble des productions
sur l’assimilation, l’association, la fé- domaines — prospection minière,
effort surtout sur l’Afrique orientale et écrites qui ont un intérêt esthétique
sur les plantations du Cameroun. Leurs dération, l’Union française se poursui- instruction publique, hygiène —, des
dans une nation, un pays, une époque.
rapports, souvent très tendus, avec les virent pendant toute cette période, qui progrès plus rapides qu’au temps de
S’il en est ainsi pour l’Afrique tradi-
indigènes, leur brutalité, la violation permit cependant la formation d’élites, la colonisation. Le processus de dis-
tionnelle, c’est au prix d’une mutation
de leurs promesses aux tribus cour- trop peu nombreuses, mais aptes à sociation des anciennes structures
et d’une réflexion par lesquelles des
sociales, de détribalisation, d’urbanisa-
textes strictement oraux se trouvent
tion se poursuivit sous la direction des
convertis en des formes fixes, écrites,
élites occidentalisées, opposées aux
paginées. La « littérature tradition-
chefs coutumiers, que le colonisateur
nelle » de l’Afrique noire est, au
avait souvent protégés. Les régimes
moins techniquement, un résultat de
politiques calqués sur ceux des métro-
l’occidentalisation. Qu’on se réfère par
poles libérales ne purent, en général, exemple aux deux collections origi-
pas fonctionner dans des pays où les nales qui nous transmettent des oeuvres
masses, illettrées, ne partagent pas les africaines, « les Classiques africains »
conceptions intellectuelles et morales (Julliard) et « The Oxford Library of
des élites. Des systèmes autoritaires African Literature » (Oxford Univer-
ont presque partout triomphé. Orien- sity Press).
tés soit vers le capitalisme occiden-
Il serait vain, toutefois, de ne pré-
tal, soit vers le socialisme soviétique
senter cette littérature qu’à travers ces
ou chinois, ils cherchent à renforcer
témoignages, aussi intéressants qu’ils
l’unité nationale, souvent menacée par
soient. Que recouvrent-ils ? De quels
le sentiment tribal, tout en invoquant
hommes traduisent-ils l’expression ?
l’idéal panafricain.
De quelles cultures sont-ils la séman-
Toute l’Afrique noire n’est pas tique ? Comment en sont-ils arrivés à
décolonisée. L’Afrique du Sud et la se figer dans une forme qui en permet
Rhodésie sont encore dominées par la lecture ? Au terme même de notre
des minorités blanches, qui, dans interrogation, est-ce bien une littéra-
ces deux derniers pays, organisent et ture ? Les textes écrits auxquels nous
contrôlent la promotion des Noirs de faisons référence vont s’imprégner de

210
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

lumière si nous refaisons le long che- auteurs ont bien vu ce problème, que jours accompagnés d’un joueur de de ne voir dans le travail de la mémoire
min qui, du griot africain, des chantres ce soit Marcel Jousse dans l’Anthropo- lyre, soit par des diseurs artistes qui qu’un effort de mise en dépôt. Il est en
dynastiques, des énigmes enfantines, logie du geste ou Claude Lévi-Strauss ne racontent l’histoire que dans un lan- fait une tension vers le présent, qu’il
nous mène à eux. dans l’Anthropologie structurale. gage tambouriné. Tous les enfants sont valorise.

Les textes écrits nous donnent une Celui-ci, après avoir rejeté les termes admis aux cours d’histoire, mais ne À travers les textes de style oral,
image incomplète de leur vitalité, car, privatifs du type sans-écriture, sans- réussissent vraiment que ceux qui sont c’est toute la vie de la société qui s’ex-
originellement, ils ne sont pas écrits, ils machinisme, auxquels il reproche de doués d’une bonne mémoire. D’autres prime et se perpétue.
sont oraux. Il faut donc définir l’oralité dissimuler une réalité positive, écrit : diseurs n’entrent en jeu que lors des

afin de les situer tant dans leur fonction « [...] ces sociétés sont fondées sur des funérailles.
La parole proférée
que dans leur sémantique. L’Afrique relations personnelles, sur des rapports Djibril Tamsir Niane, dans son livre
concrets entre les individus. » Nous ne Si ces textes sont vivants parce qu’ils
traditionnelle, toutefois, n’est pas sta- sur Soundiata, présente les griots de la
tique ; elle s’insère dans le présent et nous livrerons pas au paradoxe de nier dévoilent à la société sa propre iden-
cour du Mali comme des conseillers,
dans l’actualité. Nous verrons alors l’importance de l’écriture, car elle est tité, ils le sont aussi parce qu’ils sont
des détenteurs des constitutions « par
que doit s’opérer un passage de l’oral un facteur irréversible d’efficacité dans nécessairement proférés, en somme
le seul travail de la mémoire ». Des
à l’écrit. Quelles mutations les textes la civilisation moderne. Mais l’inci- actualisés sans cesse par la voix et dans
griots sont choisis comme précepteurs
doivent-ils subir ? dence des littératures orales dans les des jeunes princes. Leur art est celui un public qui les reçoit consciemment.
préoccupations actuelles exige qu’on Quelle est la valeur et l’importance de
« de la parole et de la musique ».
les envisage dans leur passage de l’ora- la parole ?
Civilisation de l’oralité À propos de ces poèmes yoroubas
lité à l’écriture et que, par là même, on La parole proférée est partie inté-
que sont les ijala, S. A. Babalola ob-
Absence d’écriture souligne l’ambiguïté de celle-ci : « [...]
serve deux catégories de poètes. D’une grante d’une civilisation de l’oralité.
L’opinion admet couramment que elle a retiré à l’humanité, observe Lévi- Elle est l’achèvement nécessaire de la
part, il y a des mendiants, surtout des
l’Afrique ne connaît pas l’écriture. Strauss, quelque chose d’essentiel en prééminence « mémorielle ». Psycho-
femmes, qui parlent sous l’inspiration
Cela est vrai, sous réserve, toutefois, même temps qu’elle lui apportait tant logiquement, la parole est force, elle a
d’Ifa et qui cherchent à obtenir pour
qu’il existe des traditions littéraires de bien-faits. » Cet essentiel jette un valeur d’acte ; on se protège d’ailleurs
leurs lignages les faveurs d’Ogoun.
écrites chez les Swahilis, les Peuls et éclairage lumineux sur la littérature contre des paroles trop fortes. Au plan
D’autre part, il y a des professionnels,
les Haoussas, le plus souvent d’ins- orale de l’Afrique, dont la compréhen-
qui subissent un long entraînement au- sociologique, le locuteur proférant un
piration islamique et de technique sion n’est possible que si l’on ne la sé-
près de maîtres fameux. texte engage son groupe ou, tout au
arabe, que plusieurs peuples, tels les pare pas de la civilisation où elle fonc- moins, l’incite à participer. Du point de
Bamoums, les Vaïs, les Tomas et Ainsi, mémoire et inspiration s’en-
tionne et qui lui confère sa sémantique. vue de l’écologie, il y a des moments
quelques autres, connaissent des pu- tremêlent. Il s’agit de dévoiler l’his-
Dès lors, nous pouvons conserver par privilégiés pour proférer la parole, ri-
blics qui font usage d’écritures spéci- toire passée, de rappeler des généalo-
commodité le terme de littérature, mais tuellement définis, ou encore la nuit,
fiques. Ces faits restent assez limités, gies, de magnifier des lignages. Là où
il s’agit en fait d’un ensemble de textes moment d’intensité collective où le
et il est évident que les cultures afri- il n’y a pas de cour royale ou d’aristo-
de style oral, selon l’expression de divertissement se joint à l’échange des
caines, pour l’ensemble, ne se trans- cratie puissante, les textes apparaissent
Marcel Jousse. Qu’ils contiennent des connaissances. Enfin, techniquement,
mettent pas par l’écrit. plus lyriques qu’épiques, plus événe-
valeurs esthétiques, cela est évident, il y a une éducation de la voix ; celle-
mentiels que traditionnels. L’actualité
Mais, alors, comment leur perma- mais celles-ci ne sont pas cherchées ci doit être claire, portante et d’une
est toujours présente, et le rappel du
nence et leur transmission sont-elles pour elles-mêmes. La littérature orale intonation rythmée, afin de soutenir
passé est fait pour la renommée du
assurées ? À vrai dire, l’absence est passible des mêmes critiques que l’attention du public.
présent. L’attention aux personnes vi-
d’écriture n’est pas une tare. Certes, la celles qui ont déjà été adressées à l’art
vantes et aux événements vise à assurer Un texte proféré, s’il est rituel, doit
plupart des anthropologues rapportent africain. Avant d’être des formes d’art,
la permanence de valeurs communau- être proféré sans erreurs. Toute dévia-
la civilisation à l’usage de l’écriture, ce sont des formes qui ont la charge
taires à travers des formules critiques tion est punie par une sanction collec-
et leurs réflexions sur les littératures de signifier les multiples relations de
et des rappels allusifs au passé, dont les tive, car elle instaure un déséquilibre.
orales sont souvent marquées par une l’homme à son milieu technique et
victimes sont ceux qui, par leurs atti- Par contre, la parole bien dite a valeur
tendance inconsciente à réduire celles- éthique.
tudes, apparaissent comme des facteurs d’acte. Les louanges sont un don qui
ci aux manifestations du folklore. Un
Nous ne prendrons en considération appelle par nécessité un contre-don. Il
de déséquilibre social.
tel point de vue est impertinent pour
les textes eux-mêmes qu’après avoir existe des objets qui permettent de se
l’Afrique comme pour bien d’autres La somme de proverbes connue par
dégagé ce qui nous apparaît comme les protéger contre l’excès de louanges.
régions du monde, car ce qu’il est les vieux est généralement immense.
trois traits essentiels de toute civilisa-
convenu d’appeler leurs littératures L’enfant qui connaît le plus d’énigmes Celui qui profère des paroles le fait
tion de l’oralité : la prééminence de la
participe à un dynamisme créateur (ou devinettes) voit son prestige au nom d’un groupe. Il est des joutes
mémoire, la parole proférée, la struc-
et à une éthique qui appartiennent au s’accroître. oratoires qui engagent, parfois à titre
ture des textes. Dès lors, le contenu des
monde présent. Le folklore est la forme définitif, des prestiges qui se reportent
textes ne nous apparaîtra plus comme On peut donc valablement parler
usée, déformée, rapiécée de textes sur tout le groupe. Les contes joués
des thèmes littéraires, mais comme d’une prééminence de la mémoire, car
qui véhiculent des valeurs auxquelles la nuit en public créent une émula-
elle est non seulement une fonction
l’expression culturelle d’une société
les intéressés ne croient plus ou qui tion telle que les auditeurs participent
vivante. privilégiée dans la psychologie de la
n’ont plus de fonctions dans la société au jeu, par leur attention active, dans
connaissance, mais les détenteurs de
actuelle. un esprit de compétition et dans une
plus grandes connaissances acquièrent
Prééminence attitude d’approbation. D’ailleurs, les
par là même le statut social des sages
L’oralité de la mémoire textes proférés sont harmonisés avec
et des ancêtres vivants. Il est intéres-
Il existe dans la société africaine des le chant et la danse. En bambara, le
La civilisation moderne, technicienne sant de voir comment la mémoire s’est
personnes dont la fonction est d’être chant est donkili (littér. l’« appel de la
et universaliste, nous fait oublier que « institutionnalisée » à travers des per-
des dépositaires et des transmetteurs. danse »), et les joueurs « font parler »
les hommes peuvent aussi s’organiser sonnes, de même qu’elle s’est fixée
leurs instruments.
sans recours à la fixation de l’écriture. Le fait est bien connu. Ainsi, chez les sur des bas-reliefs (palais d’Abomey*)
Traditionnellement, l’Afrique connaît Bétés de Côte-d’Ivoire, la tradition ou des statuettes (Koubas [ou Kubas] Il est enfin des conditions de lieu et
une civilisation dont la technique de orale est transmise soit par des diseurs du Congo), ou des poids à peser l’or de temps qui sont privilégiées. Elles
communication est l’oralité. Plusieurs qui sont de véritables historiens, tou- (Achantis [ou Ashantis]). Il serait faux sont imposées par le calendrier des cé-

211
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

rémonies, en accord avec les activités et de conserver tout un ordre de faits et comme des poèmes de Claudel. Ce sont De très beaux témoignages du
culturales, par des événements fami- de valeurs. des signes démarcatifs qui indiquent genre épique sont ceux qui ont fleuri
liaux qui concernent toujours une partie que la ligne est terminée ; aller à la autour de la royauté sacrée de l’ancien
La trame des textes comme structure
du village ou du quartier. Le moment ligne revient à marquer une ponctua- Ruanda. On y chante les conquêtes des
mnémotechnique définit le style oral.
privilégié pour tout ce qui n’est pas Bien qu’il n’ait guère été suivi, c’est à tion. Cela est vrai aussi bien des textes rois et des princes à travers des poèmes
rituellement « fonctionnalisé », encore courts, comme les proverbes, que des très développés, divisés en chants et
Marcel Jousse qu’on doit cette concep-
que cela ne soit pas exclu, est la nuit. textes longs, comme les contes et les qui étaient conservés à la cour comme
tion lumineuse de l’oralité.
On refuse normalement de proférer des légendes historiques. des classiques. Des poèmes plus ly-
Peu de recherches ont été menées
textes tant que « la terre est blanche ». riques exaltent les exploits des héros
dans ce sens. S’il existe aujourd’hui
La nuit, tous les travaux étant finis, la Les textes africains : en les plaçant sous un thème général,
une abondance de textes africains, on
communauté se regroupe sur la place style oral tel que l’arc, le bouclier. Ainsi, au-
n’a pas toujours eu le souci de conser-
ou dans une grande maison réservée à tour de 1910, Nyamwasa consacre un
ver l’originalité du style oral. D’ail- Les textes africains de style oral sont
cet effet. L’assistance connaît déjà les poème au bouclier du roi Musinga et
leurs, on leur a demandé souvent de vécus. La « littérature traditionnelle »
textes proférés, mais sa présence est à ses compagnons d’armes. Il est des
n’être que les témoins d’une culture africaine est lue. Celle-ci veut être
garante de toute déformation. Ainsi le textes qui donnent le code rituel de
ou d’une histoire. En fait, contenu l’image de celle-là, mais, alors, on
consensus du public, sa sanction, son la monarchie ruandaise, les rituels de
et structure sont en symbiose ; ils ne réalise pour le moins une équivoque.
émulation sont des facteurs importants fertilité, d’intronisation, etc. Les textes
peuvent être dissociés si l’on veut at- L’entreprise est pourtant valable, à
dans la mise à l’épreuve constante des proprement dynastiques sont transmis
teindre l’authenticité des textes. condition de bien voir que de l’une à
textes. La culture se maintient à travers de façon rigoureuse et secrète dans
Cette structure est un rythme. Peut- l’autre se réalise le passage de l’oralité
un processus d’échanges où la voix des un milieu restreint de détenteurs pri-
être, lorsque des études poussées au- à l’écriture et qu’on a affaire à un chan-
hommes et des instruments est le véhi- vilégiés ; ils ne nous sont connus que
ront été faites dans ce sens, pourrons- gement tel que nous n’hésitons pas à y
cule essentiel de la communication. depuis peu grâce à M. D’Hertefelt et à
nous voir dans la structure rythmée voir un changement de nature plus que
C’est pourquoi la voix doit être A. Coupez.
d’un texte un trait d’authenticité orale. de qualité.
éduquée. Il y a une « eugénie de la On doit à Alfâ Ibrâhim Sow de
Un texte mal rythmé serait déséquili- On passe d’une technique de com-
parole », selon l’expression heureuse connaître des chroniques historiques
bré, altéré ; il ne faudrait pas confondre munication à une autre, d’une civili-
de D. Zahan. On la réalise par exemple du Fouta-Djalon. Ce sont les textes qui
d’ailleurs authenticité et ancienneté, sation à une autre, dans la mesure où
grâce à la macération de certaines sont conservés par des lettrés peuls sur
car l’actualité est un thème on ne peut l’on retient le critère des techniques de
substances (noix de kola), en modifiant des feuillets en écriture arabe (mais
plus vivant pour les textes oraux. Il communication.
certaines parties de la bouche (limage en langue peule) ; ils sont, toutefois,
est des chants de griots malinkés don-
des dents, teinture des gencives). Or, les textes africains, pour la plu-
transmis par voie orale.
nés par Sory Camara dont les sources
part, nous sont connus à travers l’écrit
d’inspiration sont les événements de Les poèmes yoroubas dits ijala,
(il faut entendre par « nous » les étran-
Structure des textes l’indépendance. auxquels S. A. Babalola a consacré
gers à l’Afrique). Un grand nombre,
Les textes de style oral s’intègrent, un livre, nous introduisent au niveau
Certains procédés de rythme sont dont seule la traduction est donnée, est
nous l’avons vu, étroitement dans la de la mentalité, de la culture et de
donnés par les structures mêmes des dispersé dans les revues d’ethnologie
société et dans la culture, à un tel point langues africaines. Nous ne pouvons l’imaginaire. Ils s’insèrent dans le
et d’éducation, et un nombre moindre
qu’en les isolant de leur milieu natu- culte d’Ogoun. Proférés à l’occasion
entrer dans le détail de textes bambaras, l’est dans les livres. Ce n’est que récem-
rel — c’est ce qui est fait par l’écri- mais il est évident que des monèmes des fêtes solennelles, ils rappellent
ment, sous la pression d’organismes
ture — non seulement on se prive du tels que kó, les postpositions termi- alors tous les événements et les sym-
divers comme Présence africaine,
contexte où ils sont significatifs, mais nales ou les signes généralement ini- boles auxquels ils sont mythiquement
l’Unesco, des départements d’univer-
on les réduit à être les témoins imper- tiaux de syndèse ont éminemment une associés. Toutefois, l’inspiration aux
sité ou d’instituts, qu’ont été élaborés
sonnels d’une histoire, d’un contenu fonction démarcative. Ils tissent une sources quotidiennes n’est pas absente,
des programmes visant à « sauver »
culturel, d’un ensemble de croyances trame qu’on peut assimiler à une ponc- les textes de style oral. Les deux col- s’arrêtant aux qualités et aux travers
et de représentations. tuation orale, et celle-ci est un moyen lections que nous avons indiquées au des contemporains, aux thèmes anima-

mnémotechnique de fixation. Que l’on début de cet article, auxquelles il faut liers que mythes et contes ont tradition-
Il nous faut donc donner des textes
pense également aux structures alli- joindre les publications belges du nellement retenus pour faire passer,
une définition qui convienne à une civi-
tératives des énoncés dans la plupart musée de Tervuren, traduisent certai- tout en amusant, les principes d’une
lisation de l’oralité. La mémoire doit
des langues à classes. Les syntagmes nement les efforts les plus sérieux et morale sociale. On retrouve encore
trouver une assise structurée, une trame
y sont démarqués par des morphèmes les plus positifs dans ce domaine. On plus nettement ce souci de l’actualité
à laquelle elle s’accroche et qui est
d’accord. La distribution des schèmes y admet, on y recommande d’être lin- dans les poèmes nzakaras édités par
transmise en même temps que le texte.
tonals a également une fonction de guiste. Il est évident, en effet, que la E. de Dampierre.
De plus, la profération de la parole fait
que tout texte n’a d’existence que vers rythme ; les différences de registres publication des textes oraux exige une Il y a aussi l’immense répertoire des
le public et par le public. Notre défi- vont en diminuant par paliers, selon élaboration linguistique. proverbes et des énigmes (devinettes).
nition doit donc tenir compte de deux des groupements qui coïncident avec Des milliers de proverbes ont été pu-
L’état actuel de nos connaissances
critères : l’existence d’une technique une proposition. Qu’on pense aussi au bliés jusqu’ici soit dans des recueils,
ne permet pas d’avoir une vue synop-
de mémorisation et d’attention, par privilège accordé aux constructions par soit dispersés dans les revues. Ce sont
tique. Il est possible, toutefois, de
laquelle les textes sont plus aisément coordination sur celles qui font appel à évidemment des textes courts, mais
signaler quelques travaux marquants.
mémorisés et auditivement perçus ; la subordination. incisifs, rythmés (souvent binaires).
On devine la grande richesse des textes
un contenu sémantique, que la société La conséquence immédiate de l’exis- qui gravitent autour de l’histoire du Toute une éthique y est enchâssée. Pro-
valorise et suscite à la conservation de tence d’un rythme à travers le texte et Mali. On peut les rattacher à un genre férés par les aînés, ces proverbes sont
la mémoire patrimoniale. Un texte de de la conception de celui-ci comme une épique ; un texte bien connu, malheu- signes de sagesse et de connaissance.
style oral est un message répondant osmose entre une trame et un contenu reusement à travers sa traduction, est Ils ont leur place dans les réunions
à deux conditions réciproques : il est s’impose à l’écriture. Trop d’auteurs l’épopée malinké de Soundiata, mais familiales, aux marchés, aux cours de
fixé par une trame qui est une structure oublient que la disposition linéaire on connaît l’existence d’autres épopées justice. Un beau recueil de proverbes
mnémotechnique ; il actualise une vo- d’un texte oral détruit son rythme. Il telles que celles des rois du Ghna, de est celui d’Henri Gaden : Proverbes et
lonté manifestée par autrui d’accueillir faut écrire des textes oraux africains l’histoire de Ségou, etc. maximes peuls et toucouleurs. Le clas-

212
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

sement qu’il opère est assez significatif des questions pertinentes sur des sujets pâté Ba : « Un vieillard qui meurt est oeuvre a sa fin en elle-même, car elle
de l’ampleur et du caractère social des d’actualité. une bibliothèque qui brûle. » Briève- dévoile un trésor spirituel et un témoi-
thèmes : les sentiments affectifs, la fa- Le koteba est le théâtre bambara, ment, de quoi s’agit-il ? gnage authentique à une humanité ou-
mille, le pouvoir, les biens et les maux, auquel Claude Meillassoux a consacré Nous avons situé les textes de style blieuse. Les mythes, les textes dynas-
le caractère, la parole, la sagesse pra- un article plein d’intérêt (« la Farce oral dans une civilisation de l’oralité. tiques et, d’une façon générale, tout le
tique, la vie, la tradition. Il faut ajouter, villageoise à la ville : le koteba de Ba- Il est évident qu’à partir du moment contenu sémantique des textes oraux
et c’est un trait général des proverbes, mako », in Présence africaine, 1964). où les fonctions sociales et psycho- témoignent de l’histoire et de la culture
l’importance du bestiaire comme sup- C’est une fonction traditionnelle des logiques de l’oralité sont entamées des peuples africains. Il faudrait aussi
port allusif du monde humain. sociétés de classes d’âge que de di- les textes risquent de disparaître. Ils envisager des archives sonores, qui, de
Avec les énigmes, nous entrons dans vertir les villageois. Leurs membres n’existent, en effet, qu’autant qu’il y fait, conserveraient mieux le caractère
l’univers ludique des enfants. De même présentent des pièces du répertoire a des individus qui les connaissent et d’oralité des textes.
que les proverbes, il y en a des mil- traditionnel ou de leur composition. que ces mêmes individus sont motivés
Dans tous les cas, la fixation des
liers. Prenons l’exemple des Vendas Le théâtre est l’occasion d’exercer pour les proférer. De nombreux fac-
textes oraux, qu’elle soit une sauve-
de l’Afrique bantoue, dont les énigmes une critique sur la société villageoise. teurs viennent modifier les types tra-
garde ou une recension, exige une éla-
ont donné lieu à des commentaires Il se développe aujourd’hui, dans les ditionnels de relations sociales, que ce
boration technique. On oublie peut-être
suggestifs de John Blacking (« The milieux urbains, des formes de théâtre soit l’urbanisation, les déplacements
qui, sans être liées à des classes d’âge, trop souvent qu’elle est une entreprise
Social Value of Venda Riddles », in de migrants, l’attention grandissante
demeurent villageoises par leur réper- de langage et qu’elle doit faire appel à
African Studies, Witwatersrand, 1961). que la pensée accorde à des thèmes
toire et qui abordent divers thèmes modernes, les conflits psychologiques une équipe pluridisciplinaire. Le lin-
Les énigmes sont utilisées au cours
critiques par rapport aux normes de la résultant du sous-développement. Il va guiste qui n’est que grammairien ne
de jeux compétitifs. Leur importance
société traditionnelle. donc se produire une disparition et une rend compte que d’un squelette. L’eth-
vaut moins au titre d’exercices intel-
lectuels qu’à celui d’incitations à une Il serait vain de dresser un inventaire mutation. Les textes les plus intime- nologue qui n’est pas linguiste livre

participation sociale. Elles comportent et même de tenter un classement de ment intégrés à des structures sociales au public des résultats tronqués, car il

une question et une réponse, mais les toutes les formes de textes de style oral. et à des valeurs culturelles vont suivre aliène les possibilités d’exploiter les
deux font un tout. Il est plus impor- Le pourrait-on avec satisfaction pour le destin de celles-ci. Ils sont sur la signifiants.
tant de connaître le texte binaire que la presse écrite d’un pays européen ? pente de moindre résistance qui les
Si les anthropologues, hommes de
de décrypter la réponse et de la com- Parallèlement à tout ce qui s’écrit, il y a amènera à une disparition totale. On
synthèse, sont intéressés au premier
prendre. Les énigmes n’ont, à propre- en Afrique tout ce qui se profère. Tout assiste déjà à une scission entre un
chef par l’étude des textes oraux, ils
ment parler, de valeur éducative que est message ; même, le plus souvent, milieu traditionnel, mais souvent sur
doivent aussi faire une oeuvre de com-
par référence à leur fonction qui est de les toponymes et les anthroponymes la défensive dans la mesure où il vit
préhension qui aille au-devant des
resserrer les liens sociaux et d’affer- véhiculent une information sur l’iden- les conflits que suscite l’atteinte à la
perspectives nationales, où se situent
mir la position des enfants à l’intérieur tité historique des lieux et l’identité tradition, et un milieu orienté vers des
normalement les usagers africains.
de groupes comme, par exemple, les biographique des personnes. Il faudrait formes modernistes d’existence, avec
Dans ces perspectives, l’approche des
classes d’âge. donc ajouter de multiples exemples tous les aléas d’une société sous-déve-
textes est liée par des liens politiques
à ceux qui ont été recensés, et nous loppée et qui tend vers l’indifférence à
Le théâtre est aussi une manifestation
à la reviviscence et à l’usage plénier
serions encore loin du compte. Disons l’égard du patrimoine traditionnel. Il
orale, qui a moins retenu l’attention que
qu’il y a aussi : des mythes, affabula- est évident que c’est dans le milieu tra- des langues africaines. Tout anthro-
les autres formes de textes. Les rituels
tions volontaires d’idées maîtresses ditionnel qu’il faut chercher les textes. pologue qui s’en désintéresserait ne
religieux et les divertissements chantés
qui ne peuvent être mises à la portée Il est difficile de se faire une idée de ce ferait qu’une oeuvre d’érudition, très
et narrés sont déjà du théâtre. La fron-
de tous à n’importe quel moment et qui qui a disparu, mais c’est dans le milieu valable en soit, mais dont la charge
tière apparaît avec l’« illusion volon-
impliquent une catharsis de la connais- encore stabilisé par la tradition que des d’information ne porterait que sur des
taire ». M. M. Mahood (« le Théâtre
sance ; des incantations, par lesquelles textes oraux sont connus et vécus. publics occidentaux. Les textes oraux
dans les jeunes États africains », in
on fait un usage correct de mots ma- Toutefois, il y a tout lieu de croire africains méritent, non pas tant pour
Présence africaine, 1966) nous parle
giques, selon un ordre rituel voulu et leur contenu que pour les hommes dont
du théâtre yorouba, en particulier de la que des mutations sont possibles. Il
qui est condition de l’efficacité ; de très y a d’abord ce fait que les textes ne ils sont l’expression sociale et cultu-
mascarade d’Egungun : « Les porteurs
nombreux chants — on chante énor- relle vivante, de ne pas être déclassés
de masque sont en état de possession sont pas seulement l’expression d’une
mément en Afrique —, intimement
et le spectateur... croit qu’il est en pré- tradition ; ils sont aussi, nous l’avons au rang de productions folkloriques.
liés aux rythmes de danse, souvent
sence de ses ancêtres et qu’il entend vu, un procédé d’information cri- Cheikh Hamidou Kane a signalé ce
analogues à des antiphonaires, ou alors
leur voix. » Mais si la mascarade n’a tique en rapport avec les événements
fossé qui existe entre l’écrivain afri-
chants solitaires de la mère à son en-
qu’un but spectaculaire. « la croyance actuels. Les anthropologues africa-
cain et le public africain. Une solution
fant, du berger au monde « numineux »
fait place à l’illusion volontaire chez nistes ont peut-être trop tendance à ne
(du lat. numen, -inis, puissance agis- possible serait de renforcer et d’enri-
le spectateur comme chez l’acteur qui, voir que l’aspect statique des sociétés
sante de la divinité) de la nature ; des chir les rapports de ce public avec des
sans être possédé, simule la voix d’un africaines. Les poèmes nzakaras, les
devises, qui sont autant de formules de textes écrits puisés aux sources de
esprit ». Selon Oyin Ogunba, le théâtre chants de griots malinkés, pour prendre
contact à l’égard de tout ce qui repré- l’oralité, en somme d’insérer authen-
indigène au Nigeria dérive des festi- des exemples attestés, témoignent de
sente une force et qu’il importe de tiquement les oeuvres dans la réalité
vals de la tradition locale (« le Théâtre l’inspiration des textes oraux à des
rendre propice. culturelle africaine. Un engagement
au Nigeria », in Présence africaine, sources actuelles, locales, régionales,
de l’écrivain ne suffit pas, il faut une
1966). Religieux à l’origine, il déve- mais aussi suscitées par les grands faits

loppe des tendances dramatiques extra-


Problèmes d’actualité d’actualité. participation. Des écrivains, et non des
moindres, ont déjà montré la voie, tels,
religieuses au détriment de l’intention Une angoisse règne quant à la littéra- En passant de l’oralité à l’écriture,
par exemple, Birago Diop, Bernard
rituelle originale, mais à l’avantage du ture orale africaine. Elle se fait jour on fonde au sens propre une littéra-
Dadié, Achébé, Amos Tutuola.
théâtre lui-même. Joué en plein air, le dans l’intérêt pressant que montrent les ture. Les grandes collections de textes
théâtre est l’occasion de faire la satire africanistes à vouloir relever et fixer assumées par divers éditeurs sont une On peut alors parler de littérature,
d’un adversaire ou d’une mode, de pro- les textes. La vérité est exprimée dans oeuvre qui répond à une nécessité et ce qui n’est pas une dégradation des
férer des allusions politiques, de poser cette belle remarque d’Amadou Ham- à une urgence fondamentales. Cette textes de style oral, mais une mutation

213
La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

irréversible à l’échelle même d’une les styles convexes et les styles concaves. leur genre, mais selon les groupes humains qui fonde l’économie et détermine, avec
Ces tentatives, bien qu’elles soient d’ordre qui s’y adonnent. L’exemple de la création les changements de saison, le rythme de
civilisation.
esthétique, reflètent une limitation qui plastique des Mambilas illustre combien ce la vie sociale, ne fournit que rarement un
M. H.
ne cesse de fausser la plupart des ana- classement aide à appréhender les compo- produit agricole qui dépasse les besoins
Négritude.
lyses de l’art africain : seuls les objets dits santes d’un univers esthétique. annuels de la communauté. La division du
V. Propp, la Morphologie du conte (Lenin- « d’art majeur », la statuaire et les masques, travail s’effectue par le rassemblement des
Si l’exemple des Mambilas montre
grad, 1928 ; nouv. éd., 1969 ; trad. fr. Éd. du entrent effectivement en ligne de compte. hommes et des femmes en petits groupes
qu’une activité artistique peut exister là où
Seuil, 1970). / H. Gaden, Proverbes et maximes d’entraide, les kurums, qui assurent non
Les travaux des ethnologues, s’ils ont il n’y a pas d’artistes spécialisés, il ne fau-
peuls et toucouleurs (Institut d’ethnologie, seulement la préparation des champs,
échappé à cette limitation, se détour- drait pas, pour autant, généraliser. Comme
1932). / S. de Ganay, les Devises des Dogons
les semailles et la récolte, mais aussi les
naient d’une analyse esthétique. Même Jean Laude le montre, l’artiste n’est pas
(Institut d’ethnologie, 1941). / A. Kagame,
autres travaux nécessités par la vie quoti-
la Poésie dynastique au Rwanda (Bruxelles, lorsqu’il s’agissait d’études sur l’art, la voie toujours un modeste et anonyme exécu-
dienne. Les rencontres sociales, les danses
1952). / D. Paulme, les Civilisations africaines d’explication ethnologique classique ne tant. On peut distinguer deux types de
et les fêtes s’organisent dans le cadre des
(P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1953 ; 5e éd., pouvait que rechercher l’origine ethnique spécialisation selon le type de société et
1969). / M. J. et F. Herskovits, Dahomean Nar- kurums.
de l’objet et sa fonction dans la commu- selon le rôle que joue l’artiste dans la vie
rative : a Cross Cultural Analysis (Evanston, La distinction de sexe constitue le seul
nauté. Ainsi, on nous disait que le grand économique et politique. Dans les sociétés
Illinois, 1958). / C. Lévi-Strauss, Anthropologie
masque bobo de Haute-Volta « sert aux à pouvoir centralisé et hiérarchisé, le sculp- critère de répartition des types de produc-
structurale (Plon, 1958) ; le Cru et le cuit (Plon,
rites agraires » et que la statue fang du teur se présente comme un professionnel tion plastique. Seuls les hommes travaillent
1964). / D. T. Niane, Soundjata ou l’Épopée
Gabon « sert au culte des ancêtres ». Cette qui, le plus souvent, exerce son métier au le fer, le bois, la moelle de bambou et le
mandingue (Présence africaine, 1960). / J. Van-
sina, De la tradition orale. Essai de méthode voie d’approche a permis d’établir les service du roi. Il jouit de privilèges et reçoit coton, tandis que les femmes se limitent à

historique (Tervuren, 1962). / A. H. Ba et fondements d’une géographie stylistique parfois des honneurs spéciaux. Par contre, la fabrication des réceptacles en vannerie.
J. Daget, l’Empire peul du Macina (Mouton, et d’une connaissance approfondie des dans les sociétés de type villageois, c’est Ainsi faut-il, sauf exception, attribuer aux
1963). / Poètes Nzakara, présentés par E. de aspects fonctionnels de l’objet plastique. au forgeron, homme de caste et seul apte hommes la création des différents acces-
Dampierre (Julliard, 1963). / D. Zahan, la Dia- soires de danse employés par les Mambi-
Mais le processus de la production étant à fabriquer l’outillage en fer indispensable
lectique du verbe chez les Bambara (Mouton,
compris comme obéissant aux impératifs au travail de la communauté, que l’on las : les trompes qui appellent le peuple
1963). / M. D’Hertefelt et A. Coupez, la Royauté
sociaux et plus particulièrement religieux, s’adresse pour commander les statuettes, à la danse, les costumes en rafia, les som-
sacrée de l’ancien Rwanda (Tervuren, 1964).
on n’évitait pas une confusion entre la les masques et les objets d’usage, qui mets de coiffure et les masques-heaumes.
M. Houis, les Noms individuels chez les Mossi
destination de l’oeuvre et la pratique de représentent la partie majeure de la pro- Ce sont eux aussi qui créent les statuettes
(Dakar, 1964). / S. A. Babalola, The Content and
la création plastique. L’univers esthétique duction artistique. D’ordinaire, la femme en bois ou en moelle de bambou qui se
Form of Yoruba Ijala (Londres, 1966). / G. Ca-
lamé-Griaule, Ethnologie et langage : la parole n’était pas abordé en tant que tel : on du forgeron assure la production de la rangent sur les murs extérieurs du grenier.
chez les Dogon (Gallimard, 1966). / Chroniques n’étudiait ni les artistes ni leur public ; les poterie. Les Mambilas ne connaissent pas la spécia-
et récits du Faoûta-Djalon, réunis par Alfâ styles s’expliquaient comme le résultat de lisation du travail à long terme au niveau
Robert Thompson, dans une étude sur
Ibrâhim Sow (Klincksieck, 1968). / M. Jousse, de l’individu. Le style mambila, très carac-
« contraintes sociales ». Certains auteurs
l’expérience esthétique, a montré la com-
l’Anthropologie du geste (Resma, 1969).
ont même voulu nier l’existence d’une acti- térisé malgré une infinité de variations,
plexité des normes critiques employées
On peut également consulter la revue Présence
vité spécifiquement artistique en Afrique. s’enracine dans une expérience esthétique
africaine. par les Yoroubas du Nigeria. Selon lui,
Pourtant, bien que l’oeuvre plastique soit partagée par toute la communauté.
on passe de l’appréciation à la critique
subordonnée aux normes de la commu- C’est à l’époque des fiançailles que
lorsque les jugements exprimés sur les
nauté par sa fonction ou par sa destination,
Les arts de l’Afrique noire mérites ou les défauts d’une oeuvre sont chaque jeune homme mambila désirant
aucune donnée ethnologique ne justifie se marier est tenu de faire la preuve de son
accompagnés d’une explication ou d’une
l’affirmation que des considérations esthé- habileté et de son goût. D’abord, pour atti-
CONNAISSANCE DE L’ART AFRICAIN justification. Chez les Yoroubas, la critique
tiques n’interviennent pas dans le travail
s’exerce dans les situations suivantes : rer l’attention de la jeune fille qu’il aime,
Au début de notre siècle, des peintres, des pratique de l’artiste. sur la place publique, lors des fêtes qui le prétendant, employant l’herbe séchée
sculpteurs et des poètes ont trouvé dans
Au fur et à mesure que la documentation mettent en vedette la sculpture sur bois ; qui se trouve aux bords des sentiers où se
quelques statuettes et masques venus
s’enrichissait, certains auteurs, soucieux de au marché ou dans les ateliers, lorsque les promène celle-ci, sculpte des figures hu-
de l’Afrique des réponses aux problèmes
retrouver le champ esthétique, ont essayé qualités d’une oeuvre deviennent l’objet maines, souvent de grandeur nature. Ces
plastiques qu’ils se posaient. Avec cette sculptures, leur mission accomplie, seront
de dépasser les limites de l’approche eth- d’un échange commercial ; dans l’atelier,
reconnaissance de leur valeur esthétique, abandonnées aux feux qui annoncent les
nologique. Leurs études, prenant toujours lorsque le maître enseigne les principes
les oeuvres plastiques africaines, naguère prochaines semailles. Pour la deuxième
l’objet d’art comme point de départ, ont que devrait suivre l’apprenti ; à l’occa-
« objets de curiosité », se sont inscrites épreuve, le prétendant choisit un aide
conduit à une nouvelle évaluation des ma- sion des rencontres qui provoquent la
dans l’histoire universelle de l’art. Depuis plus âgé que lui ; sur sa tête, lui servant de
nifestations plastiques africaines. critique mutuelle des artistes. Dans tous
lors, les études sur l’art africain se sont matériau, il déploie tout son savoir dans
ces cas, les critiques yoroubas emploient
multipliées suivant des voies fort diverses. CLASSEMENT DES ARTS ET l’art de la coiffure : il découpe, peigne et
des noms abstraits, par exemple position,
EXPÉRIENCE ESTHÉTIQUE tresse les cheveux ; il les modèle jusqu’à ce
Certains auteurs, par exemple F. Chris- proportion, composition et rotondité, pour
tol, G. Schweinfurth et L. Frobenius, dans indiquer les aspects de l’agencement for- qu’une véritable sculpture prenne forme.
Dans un de ses ouvrages, réagissant contre
leurs tentatives d’aborder la culture ma- mel de l’oeuvre. Ils emploient des critères Ayant enduit son oeuvre d’huile de palme,
les distinctions traditionnelles de la cri-
térielle des sociétés africaines, ont relevé qualitatifs pour indiquer leur estimation il fait apparaître de petites boules blanches
tique occidentale, parce qu’elles défor-
l’existence d’activités esthétiques tout en de cet agencement. Bien que tous les semblables à des perles en passant sur la
ment la réalité artistique africaine, Michel
découvrant leurs liens avec l’organisation critiques semblent avoir connaissance coiffure une torche enflammée. La coif-
Leiris reprend une classification des arts
sociale. Malgré certains préjugés ethno- d’un ensemble de dix-huit critères, ils dif- fure doit être « agréée » par la jeune fille.
déjà suggérée par Marcel Mauss. Le rap-
centriques bien européens, ces études ont fèrent quant à leur emploi, soit par une Pendant la troisième et dernière épreuve,
port plus ou moins étroit par lequel les dif-
montré que les arts plastiques tradition- divergence dans l’estimation pratique de le prétendant s’adresse à sa future belle-
férents arts se lient à la personne physique
nels se manifestent au sein de communau- l’oeuvre, soit par une valorisation préféren- mère. Toujours aidé par son compagnon,
fonde cette classification. Michel Leiris dis-
tés dont les structures de production, dans tielle de certains critères. Cet écart dans qui assure, cette fois, la moitié du travail,
tingue : « arts du corps, qui se traduisent
tous les domaines, sont étroitement liées. le jugement esthétique peut expliquer il choisit deux planches de bois, mesurant
par une modification apportée au corps
pourquoi le style yorouba permet une souvent 2 m de hauteur. Sur ces bois seront
À partir de 1915, plusieurs chercheurs lui-même ; arts des entours, matérialisés
grande variété de sous-styles et laisse une peints des motifs, figuratifs ou géomé-
ont abordé les problèmes de style. Après par des aménagements ou des construc-
large marge à l’invention. À la base de la triques, en rouge, blanc et noir. Si la future
C. Einstein, qui, tout en étudiant les struc- tions et par des meubles ou autres usten-
fonction critique, on trouve les éléments, belle-mère les accepte après une critique,
tures formelles des objets d’art, voulait siles ; arts figuratifs autonomes, aboutis-
valeurs et idéaux, qui constituent la vision les planches seront disposées dans sa
comprendre leur raison d’être, G. Hardy sant, par le traitement des volumes ou par
yorouba du monde. case. Plus tard, lorsqu’elle s’ennuiera de
et E. von Sydow ont entrepris des études celui des surfaces, à des images suscep-
l’absence de sa fille, elle les brûlera pour
stylistiques, celui-ci en distinguant le style tibles d’être vues exclusivement comme
LA CRÉATION PLASTIQUE CHEZ LES « réchauffer son coeur ».
abstrait du style figuratif et du style fan- telles, étant entendu qu’entre ces divisions
MAMBILAS
tastique, tandis que celui-là opposait l’art de pure commodité il ne peut exister un
TECHNIQUES ET MATÉRIAUX
de la savane à celui de la forêt. En 1938, cloisonnement rigide ». Dans l’analyse, Les Mambilas, qui occupent les hauts pla-
C. Kjersmeier proposait une analyse des comme le dit l’auteur, ce classement de- teaux de la province de Sardauna, dans Les méthodes de travail adoptées par
« centres de style » de la sculpture afri- vrait être complété par une étude de la le nord du Nigeria, ont une économie de les artistes africains dépendent large-
caine. Plus tard, H. Lavachery distinguait production des oeuvres, non plus selon subsistance. La culture de céréales, activité ment de la destination de leur oeuvre et

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La Grande Encyclopédie Larousse - Vol. 1

de la contrainte des matériaux. Les Peuls écorces, bambous et tiges, pour façonner rope et remaniés à la forge africaine. Moins Guinée, du Nigeria et du pays congolais
nomades qui parcourent la savane au de nombreux ustensiles en vannerie. connues sont les statuettes en fer des Kou- n’en seraient que les exemples les mieux

sud du Sahara, ne voulant pas s’encom- bas (ou Bakoubas) du Congo-Kinshasa. connus.
Qu’ils soient mis en oeuvre pour faire
brer, ne font ni sculpture ni poterie. Leur Une technique métallurgique particu- À très peu d’exceptions près, la
des jarres, des cruches, des vases, des
sentiment esthétique s’exprime par des lampes ou bien des figurines et des pote- lière, la fonte à cire perdue, est souvent construction africaine n’a qu’une vie éphé-
moyens adaptés à leur mode de vie : à la employée pour exécuter des oeuvres en
ries rituelles, les principaux procédés mère. Les matériaux employés, terre argi-
discipline harmonieuse du corps et à la pa- manuels employés en poterie ne varient bronze, en or, en argent ou en cuivre. Les leuse ou matières végétales, ne résistent
rure s’ajoute l’emprunt à d’autre peuples que rarement. Habituellement, la prépa- poids à peser l’or et les kuduos (récipients à pas longtemps aux variations extrêmes
de techniques de décoration des objets ration du fond constitue la première étape usage religieux) des Achantis du Ghna, les du climat africain. Les techniques archi-
familiers. du travail, mais on signale en Rhodésie un pendentifs en bronze des Sénoufos de la tecturales, s’adaptant à cette situation,
cas où la base est fermée en dernier. Deux Côte-d’Ivoire relèvent de ce procédé. Pour relèvent surtout de la poterie ou de la van-
Chaque matériau, choisi en fonction de
méthodes de montage prédominent : l’éti- créer des objets de petites dimensions ou nerie et témoignent d’un esprit d’inven-
ses qualités et, éventuellement, du sens
rement de la glaise, avec ou sans l’aide des bas-reliefs, on modèle la forme entière tion rarement égalé. Avec Paul Mercier,
que la communauté lui attribue, pose à l’ar-
d’un moule, et le creusement progressif en cire ; les oeuvres plus grandes reçoivent nous pouvons distinguer quatre types de
tiste africain des problèmes d’agencement
d’une boule de terre. La construction par préalablement une âme de glaise. Après construction : les cases en « ruche » des
qui déterminent et limitent les possibilités
colombins est également attestée. Pen- avoir ajusté un prolongement qui servira civilisations pastorales ; les cases carrées
de l’oeuvre. Souvent, plusieurs matériaux
dant les manipulations du montage, l’ar- de conduit à la cire fondue et au métal en ou rectangulaires à toiture en pignon, qui
et méthodes sont coordonnés dans la créa-
gile reçoit sa forme définitive et la plupart fusion, on recouvre la cire d’une mince prédominent dans les zones humides ; les
tion d’un seul objet. La production d’un
de ses aspects décoratifs ; des formes an- couche d’argile fine, en prenant soin cases rondes à toiture conique des pays
masque chez les Tchokwés de l’Angola
thropomorphes et zoomorphes, toujours d’épouser tous les détails de la sculpture. de la savane ; enfin, les cases carrées ou
associe étroitement une technique de la
harmonieusement articulées en fonction À cette couche, on en ajoute une seconde, rondes à toit plat des régions soudanaises
vannerie, par laquelle on construit l’arma-
de la destination pratique de l’objet, sont plus épaisse. Le moule chauffé, la cire sèches. À ce classement sommaire, il fau-
ture, aux méthodes servant à préparer et à
souvent employées. Les cruches en terre s’échappe pour laisser la place au métal drait ajouter les cas spéciaux : l’architec-
appliquer une écorce battue. L’emploi de
cuite noircie par la fumée prennent, chez versé dans le conduit. Lorsque le métal est ture royale, qu’il s’agisse des palais des
la résine, le collage de morceaux de tissus
les Mangbétous du Congo-Kinshasa, la refroidi, on brise le moule. L’objet reçoit rois d’Abomey ou des chefs bamilékés du
colorés et la peinture terminent l’oeuvre.
forme de la tête féminine. Une autre céra- alors quelques retouches. Les célèbres Cameroun ; les architectures militaires (fos-
Aux techniques qui embellissent le mique figurative, celle des Agnis du pays statues, têtes et plaques du Bénin ont été sés, poteaux, remparts et tours) ; l’archi-
corps en le modifiant par tatouages, scarifi- ivoirien, est destinée aux rites funéraires. ainsi faites. Les Baoulés de la Côte-d’Ivoire tecture religieuse (lieux de culte et autels).
cations, élongation du crâne ou limage des Techniques de relief, de polissage et de sont parmi ceux qui emploient cette tech- Aux moyens proprement architecturaux
dents, il faudrait ajouter celle de la pein- coloration, employées isolément ou com- nique pour faire des petits masques et des s’ajoute souvent la sculpture des portes et
ture corporelle. Les couleurs employées, binées, se déploient dans la création de bijoux en or ou en bronze. des serrures, dont les Dogons fournissent
d’ordinaire le rouge, le blanc, le noir et le motifs géométriques et figuratifs ou pour de bons exemples. On trouve également
Les outils dont dispose l’artiste pour
jaune, sont obtenues par pulvérisation de rendre plus saillantes les diverses formes des plaques en bronze, des bas-reliefs en
tailler le bois sont surtout l’herminette et le
matières végétales ou minérales, mélan- déjà obtenues par modelage. La cuisson, si couteau à double tranchant. Lors du choix argile et des tissus à décor appliqué. Insuf-
gées avec de l’eau ou de l’huile. Tandis que elle a lieu, s’effectue à feu ouvert ou dans de son matériau, le sculpteur soumet le fisamment mentionnée dans la littérature,

le corps est recouvert de traînées ou de un four. Dans la plupart des sociétés, le tra- la peinture murale, qui dépasse souvent le
bois à une analyse qualitative, car l’aspect,
taches de poudre, ce sont des motifs qui vail de la poterie appartient aux femmes. tableau pour devenir décor pur, est prati-
la dureté, l’emplacement des noeuds et des
vont de la géométrie la plus rigoureuse aux Les enfants façonnent des poupées et des failles et la durabilité du bois condition- quée en maintes régions de l’Afrique. Dans

formes semblables à celles des masques petits animaux en terre crue. neront son travail. En regardant mainte les villages autour de Pretoria, les femmes

qui se dessinent sur le visage. Chaque ndebele exécutent des larges dessins
Le forgeron exerce partout en Afrique sculpture africaine, on peut discerner la
couleur comporte un sens. Ainsi le blanc, forme cylindrique du tronc d’arbre d’où géométriques sur les murs d’enceinte et
un certain pouvoir technocratique. Re-
couleur des morts-revenants, employé l’artiste a tiré son oeuvre. Si, en fonction de les murs de maisons à l’aide de peinture
douté mais pas toujours honoré, objet de
seul, marque chez son porteur le deuil et la destination de cette oeuvre, une certaine blanche, noire, ocre rouge et ocre jaune,
respect et de crainte parce qu’il détient les
l’affliction. essence du bois ou même un certain arbre ainsi qu’avec diverses terres, dont une
clés de la vie économique et parfois poli-
doit être employé, c’est que le matériau verte et une gris-bleu.
Outre la coiffure, les arts de la parure tique, le forgeron s’inscrit dans les mythes
comme un héros culturel. Son rôle social participe à l’oeuvre au même titre que la
mettent en oeuvre une variété étonnante ARCHÉOLOGIE ET HISTOIRE DE L’ART
n’est jamais celui d’un simple citoyen. Sous forme. Ainsi, certaines statues des Dogons
de techniques. Le tissage du coton et sa
sa direction, le fer est extrait du minerai du Mali nous révèlent des formes, harmo-
décoration par impression, peinture ou Bien que les travaux archéologiques et
par la fonte à basse température dans des nieusement articulées sur les contours et
broderie fournissent des vêtements aussi historiques s’intensifient de nos jours,
fours, petites tours en argile ou trous dans le grain du bois, qui ne s’affirment plasti-
élégants que pratiques. Pendentifs, brace- les lignes générales de l’évolution de
la terre. Pour obtenir la chaleur nécessaire quement qu’en fonction des qualités de ce l’art africain nous échappent encore. Le
lets, bagues, boucles et anneaux d’oreilles,
à la métallurgie, le forgeron emploie l’un matériau. Avant d’abattre l’arbre qui four-
anneaux de bras, jambières et chevillères nombre restreint et la répartition irrégu-
des trois types de soufflet connus : le souf- nira la branche ou le bloc du bois désiré, le
en or, en argent et en bronze témoignent lière des sites archéologiques dans les
flet-tambour, le soufflet-sac ou le soufflet- sculpteur est souvent tenu à des précau-
du haut degré atteint par les techniques de régions subsahariennes tiennent surtout
piston. Le marteau, l’enclume et les pinces tions rituelles. On distingue quatre étapes au caractère fragile des matériaux de
l’orfèvrerie et de la fonte. Perles de pierre,
constituent l’outillage principal de la forge du travail : équarrissage du bloc originel, construction ; on ne connaît encore que
de corail ou de verre, cauris, bois, vannerie
aménagement des formes principales ou
traditionnelle. Le procédé de la trempe à quelques ensembles en pierre. Très peu
et plumes servent à façonner colliers, cein-
l’eau est employé. L’achèvement de l’objet dégrossissage, traitement des détails et d’objets africains ont résisté à l’épreuve
tures, peignes et décorations de coiffure.
se fait surtout par ciselure à froid, polis- finissage. Des préparations à base d’huile du temps : si l’objet n’était pas victime du
Les peaux d’animaux et la vannerie four-
végétale donnent à l’oeuvre une patine
sage et tréfilage. On s’adresse au forgeron climat, les vicissitudes de l’histoire, auto-
nissent les pagnes, les tabliers et toutes

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