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DSLC1 : Tronc commun

MTR 1208b : TECHNIQUES D’ENQUETE LINGUISTIQUES 2


Pr CAPO/Dr KOSSOUHO

Qui dit technique d’enquête linguistique dit enquête sur le langage et par conséquent
sur la langue.

F. Saussure, le père fondateur de la linguistique moderne, écrivait dans son CLG


(Cours de Linguistique Générale) : « la linguistique a pour unique et véritable objet, la langue
envisagée en elle-même et pour elle-même ».

La linguistique est donc l’étude scientifique du langage humain. Scientifique en ce


sens qu’elle entend se fonder sur l’observation des faits, et entend décrire c’est-à-dire étudier
objectivement la langue telle qu’elle est perçue par une même conscience collective, telle
qu’elle est parlée réellement par ses locuteurs et non une langue hypothétique telle qu’on
devrait la parler.

De ce fait, la linguistique est une discipline descriptive et non prescriptive (normative).


La linguistique, avons-nous dit précédemment, est une description du langage humain. Ce
langage comporte deux aspects fondamentaux : la langue et la parole. Le philosophe grec
Aristote dit que c’est le « logos » c’est-à-dire la "parole" (forme actualisée de la langue) qui
permet de distinguer le langage humain des autres types de langage.

Selon F. de Saussure, la langue constitue le côté social du langage tandis que la parole
en constitue le côté individuel. Il y a donc nu rapport très étroit entre langue et société, la
société conçue comme une conscience sociale mais aussi comme l’ensemble des consciences
individuelles qui se manifestent dans et par la langue.

L’enquête en linguistique ne saurait donc se concevoir sans une descente sur le


terrain.

Elle nécessite des séjours plus ou moins prolongés de l’enquêteur dans le milieu
sociologique où doit se faire la recherche. Elle peut être centrée sur la description
systématique d’une langue avec des visées strictement phonologique, morphologique ou
grammaticale. Au-delà des visées purement linguistiques, l’enquête peut avoir pour objectif le
recueil des éléments de la tradition orale, l’étude botanique, etc.

Mais quelque soit l’objectif visé par l’enquête, le chercheur doit savoir que l’on
n’enregistre pas n’importe quoi ni n’importe comment les données devant servir de base à
l’analyse ultérieure. Il faut donc un minimum de préparation, savoir de quoi il s’agira et ne
recueillir que ce qui en vaut la peine. Il serait donc bon de connaître le milieu enquêté, de
savoir celui qui connaît les histoires, les légendes, quelles sont les cérémonies importantes et
intéressantes. Contrairement à beaucoup de milieux sociologiques d’Amérique et d’Azie où le
problème de langue commune à l’informateur et à l’enquêteur se pose, les pays africains qui
ont subi pendant plus d’un demi siècle la colonisation européenne disposent de beaucoup de
langues communes de civilisation (Anglais, Français, Portugais). Mais si le problème de
langue commune ne se pose presque pas en Afrique, les conditions géographiques rendent
difficile l’approche de certaines populations. Ainsi, par exemple, les gens de la montagne,
ceux de la forêt et du fleuve sont souvent moins facile d’accès et de contact que ceux de la
savane.

Concepts :

En dehors des conditions géographiques, les conditions sociologiques sont également


déterminantes dans le cadre d’une bonne enquête en sciences du langage et de la
communication. Pour gagner la confiance de ses interlocuteurs, le chercheur est obligé de se
conformer à son terrain. Pour cela, il peut être amené à se coucher dans une chambre
commune avec son ou ses interlocuteur(s), à manger dans la même assiette avec ses enquêtés,
à aller parfois au champ avec eux. Les habillements, le caractère de l’enquêteur comptent
beaucoup et peuvent jouer énormément sur l’enquête.

Il existe deux manières de mener une enquête. L’enquête directe et l’enquête indirecte.

L’enquête directe : elle consiste à recueillir les données directement soit par
questionnaire

1. Les aspects matériels de l’enquête


1.1. Implantation de l’enquêteur

On n’insistera jamais assez sur la préparation de l’enquête. Cette préparation nécessite


une phase de pré-enquête qui facilitera la connaissance du terrain : choix de l’informateur de
référence, choix des informateurs occasionnels, choix du lieu de résidence du chercheur etc.

Une fois sur le terrain, commence l’enquête proprement dite. Le chercheur doit
disposer d’une base permanente dotée d’un matériel suffisant. Cette base sera implantée sur le
territoire où l’on travaille, les informateurs devant rester autant que possible dans son
conteste.

1.2. Techniques d’enregistrement

La collecte des données se fera selon différents types d’enregistrement : sonore,


graphique et iconographique. L’enregistrement des données conditionne le reste du travail.
S’il est bâclé, le reste du travail sera fossé.

1.2.1. L’enregistrement sonore


a- But

Il permet de conserver un témoignage et de disposer d’un moyen de contrôle surtout


pour les chercheurs débutants. Ainsi, l’enquêteur dispose de données susceptibles d’être
confrontées à d’autres au cours de l’enquête. Lorsque la transcription de certains fragments de
texte ne paraît pas satisfaisante, l’enquêteur ou le chercheur peut reprendre ces données et
s’aider du concours de ses devanciers qui ont davantage d’expérience. L’enregistrement
sonore est aussi un document pouvant servir de base à une publication extérieure. Pour cela, il
est préférable d’enregistrer la matière spontanée c’est-à-dire ce qui ne peut faire l’objet d’un
enregistrement direct.

b- Identification de l’enregistrement

Un problème est d’enregistrer les données, un autre est de pouvoir identifier ces
données au cours de leur exploitation. Dans tous les cas, l’identification figurera d’abord sur
la bande elle-même, les indications nécessaires à l’enquête seront enregistrées au début de la
bande (nom et prénom de l’informateur, son âge, son sexe, sa langue, localisation de sa
langue, l’objet de l’enquête etc…). ces données doivent être reprises sur une étiquette collée
sur la bobine, reprise sur la boîte de rangement de la bande.

c- La qualité de l’enregistrement

On n’insistera jamais assez sur la qualité de l’enregistrement puisque la qualité du


travail du chercheur en dépend. L’enquêteur ne doit donc pas lésiner sur les moyens pour
réussir cette partie de l’enquête. Il doit disposer d’un enregistreur fiable au maniement simple
pouvant fonctionner sur secteur pile et ou accumulateur. Il doit se méfier d’utiliser des
appareils dont la qualité laisse à désirer. Lorsqu’il s’agit d’enregistrements musicaux de haute
fidélité, il doit disposer d’un micro de haute fidélité. Les consignes d’enregistrement font
également état de la qualité de la bande. Le chercheur doit également disposer de bandes de
très bonne qualité et de courte durée (15 à 30 minutes). L’enregistrement doit se faire sur une
seule face et doit être préparé minutieusement avec l’informateur. On disposera à cet effet,
d’une liste de mots, de phrases que l’informateur répète en donnant au fur et à mesure la
traduction.

Il ne doit pas y avoir d’enregistrement sans transcription d’où l’importance de


l’enregistrement graphique. Toutefois, l’enregistrement graphique ne se suffit pas à lui-même,
il ne doit jamais y avoir transcription sans traduction à la fois intelligible et même mo-à-mot.

Exemple : [kúcé lĩ́tͻ̃́ , zōnū wε̄̄ mī dè]

//Mort/ma/penser/agent/feu/sur/c’est/vous/être//

"Malheur à ceux qui pensent à ma mort"

La traduction mot-à-mot permet de procéder à une analyse grammaticale et fait


ressortir l’articulation de la pensée dans et par la langue. La traduction intelligible quant à
elle, est indispensable et nécessaire pour saisir le sens général du texte.

Un enregistrement n’a de valeur que lorsqu’il a fait l’objet d’un minutieux


dépouillement (transcription et traduction soignée) immédiatement consécutif avec
l’informateur. Ce travail représente la seconde étape de l’enquête.
1.2.2. L’enregistrement graphique
a- Matériel à utiliser

Pour un véritable enregistrement graphique, il faut avoir : de crayon gras et non sec
(pas de stylo à bille ni d’encre), de gomme, de cahier ordinaire (à cordes), de papier quadrillé
(éviter les feuilles volantes (à cause des risques de perte), fiches de format 12,5X20cm,
fichiers en bois (caisse à rangement de fiches) d’une contenance de 1000 fiches.

Pour la transcription du texte, on disposera de cahiers manifolds à un double format


(21X27 cm) avec les feuilles de carbone nécessaires.

b- Usage
L’usage à faire du matériel est lié au type de travail effectué.
- Lorsqu’il s’agit de l’enquête directe, l’utilisation des cahiers d’enquête sur
lesquels seront notées toutes les informations de premier jet est nécessaire.
Pour cela, il est recommandé d’avoir à sa disposition un cahier par matière.

Exemple : un cahier pour les noms de personne ; un pour les noms d’animaux ; un
pour chaque corps de métier. Ceci facilitera le repérage dans le cours de l’enquête.
Pendant le séjour sur le terrain, il est indispensable de mettre en fiche les données. Ceci
pour planifier l’enquête et ventiler la documentation. Ainsi, lorsqu’on aura recueilli une
centaine de termes, il est nécessaire de commencer le classement qui se fera selon trois
directions.

- 1ère fiche : langue notée – français (ordre phonologique)


- 2e fiche : français – langue notée (ordre alphabétique)
- 3e fiche : matière

N. B. : Deux volets essentiels au niveau de l’enregistrement graphique : Transcription


et traduction mot-à-mot qui permet de connaître la manière dont les locuteurs encodent les
messages et leur vision du monde. La traduction doit être soignée.

dε̌dε̌ àtan no kùn gͻ̃́ gò

'Petit à petit l’oiseau fait son nid'

- Les enquêtes par questionnaires demandent la reproduction en grand nombre


de ces questionnaires qui sont remplis directement.

1.2.3. L’enregistrement iconographique

Il concerne les croquis, les dessins ou les photographies des objets, des appareils et des
gestes techniques pour lesquels est recueilli un vocabulaire. Ces éléments constituent un
complément indispensable à l’enquête de terrain parce que pouvant susciter des commentaires
intéressants de la part de l’informateur. Une étude des techniques (fabrication de pot,
construction de maison, confection d’habit, etc.) ne peut se concevoir sans cet instrument qui
ne saurait remplacer les meilleures descriptions et explications. De simples croquis permettent
de suivre sans difficultés majeures les différentes phases et constituants de l’élaboration de la
techniques.

L’enregistrement iconographique peut constituer par ailleurs au niveau d’autres


populations une base de travail de comparaison. De plus, il est un procédé d’illustration
indispensable pour la publication des dictionnaires ou des textes. Il est donc indispensable
d’avoir à côté du fichier strictement linguistique, un fichier iconographique avec références.

2. Les différents types d’enquête

Les objectifs de la recherche en sciences du langage et de la communication peuvent


avoir plusieurs visées : une visée purement linguistique, une bisée sociologique ou encore une
visée communicationnelle.

Ainsi, selon l’objectif visé par la recherche et selon le niveau du chercheur en matière
de recherche scientifique, nous distinguons : l’enquête directe et l’enquête indirecte.

2.1. L’enquête directe

Encore appelée enquête intensive, elle se fait au moyen de l’interview. Alors


l’enquêteur est en contact direct avec l’enquêté et il prend des notes qui peuvent l’aider au
moment du dépouillement lorsqu’il se retrouve seul au laboratoire. Ce type d’enquête est
recommandé au chercheur débutant qui n’a pas encore une grande expérience. Dans le cas
d’une enquête purement linguistique touchant surtout à un aspect phonologique de la langue,
l’enquête directe est recommandée afin de permettre au chercheur d’être en contact avec la
langue dans la mesure où il pourra avoir la possibilité d’articuler des mots voire des sons de la
langue.

2.2. L’enquête indirecte

Elle est encore appelée enquête extensive et est applicable lorsqu’il s’agit de chercheur
confirmés. Elle se fait sur la base de questionnaire préparé d’avance. Le chercheur n’est pas
tenu de se rendre sur le terrain. Il se fera aider d’enquêteurs qui sont formés à cette fin. Le
chercheur se fera dans ce cas, le devoir de fournir tous les renseignements nécessaires pour la
réalisation de l’enquête. Une fois sur le terrain, l’enquêteur n’aura plus qu’à administrer ledit
questionnaire pour recueillir les informations dont le chercheur a besoin pour faire son travail.

Exemple de questionnaire d’enquête extensive

Il constitue un questionnaire de base ou de début d’enquête élaboré à partir de la liste


de mots spécifiques aux langues africaines, répondant à un but d’étude lexicologique.

3. La recherche bibliographique

Les renseignements peuvent aider le chercheur à se retrouver non seulement


dans les qu’il prend pendant ses lecture mais aussi lui permettre au cours de ses
recherches ultérieures de retrouver aisément tel ou tel autre document déjà lu. Ainsi,
pendant ses lectures, le chercheur se dotera de fiches portant les renseignements
suivants :

- Nom (s) du ou des auteur (s) (prénom (s) et nom) :


- Titre de l’ouvrage :
- Genre (roman, livre, article, ouvrage collectif) :
- Lieu de publication :
- Edition (maison d’édition) :
- Année d’édition :
- Réédition si le livre a été réédité :
- Collection (toujours entre guillemets)
- Nombre de pages :
- Le résumé (précisant ce dont traite le l’ouvrage sans oublier les mots-clés :

En effet, l’on ne peut pas entreprendre une recherche sans prendre connaissance de
ce qui a été sur le sujet par d’autres chercheurs avant soi. C’est la raison pour laquelle il
est important de lire les prédécesseurs qui ont abordé le sujet sous quelque angle que ce
soit.

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