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CULTURAL STUDIES ET ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA

COMMUNICATION : QUEL RAPPORT AU MARXISME ?

Gérôme Guibert, Nelly Quemener

La Découverte | « Réseaux »

2015/4 n° 192 | pages 87 à 114


ISSN 0751-7971
ISBN 9782707188199
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CULTURAL STUDIES ET ÉCONOMIE
POLITIQUE DE LA COMMUNICATION :
QUEL RAPPORT AU MARXISME ?

Gérôme GUIBERT
Nelly QUEMENER
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DOI: 10.3917/res.192.0087
« Certes, la culture ne peut aller au-delà du possible. Mais l’organisation
sociale reste à la traîne de ce qui, du point de vue de la culture, est possible
et désirable. » (Warner cité par Williams, 2013 [1958], p. 59)

D
ans la littérature, économie politique de la communication (EPC) et
cultural studies (CS) sont deux courants théoriques qui apparaissent
comme antithétiques (Garnham, 2015 [1995] ; Grossberg, 2015
[1995] ; Mattelart et Neveu, 1996 ; Fenton, 2007 ; Hesmondhalgh, 2007a).
De nombreuses contributions ont comparé les deux visions, soulignant avant
tout leurs antagonismes. Une opposition qui avait notamment pour vertus
d’expliciter les propos de ces deux élaborations théoriques dans le champ
de la communication (objectivisme vs connaissance située, production vs
consommation, déterminisme vs agency, antagonisme de classe vs politique
de l’identité ou même économie vs culture). Mais dans ces exposés qui se
concentrent sur les divergences, la description de l’autre « camp » est souvent
simplifiée et ne tient en général pas compte de la complexité de l’approche
adverse, des débats internes qui ont jalonné son développement, ni des pro-
cessus historiques de sa construction. Des travaux récents soulignent ainsi
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les limites d’une telle controverse (Peck, 2006 ; Hesmondhalgh, 2008). Si les
divergences conceptuelles restent significatives, ni l’EPC ni les CS n’existent
vraiment en tant que théorie unifiée. Au contraire, les deux domaines ont été
le lieu de multiples débats, face à la transformation des pratiques et l’avè-
nement de nouveaux paradigmes, amenant autant de repositionnements, de
contradictions et de tentatives de réunification.

Cette contribution entend prendre part au débat en se focalisant sur un élé-


ment de taille, la place des outils théoriques élaborés par Karl Marx, et plus
largement du marxisme dans la constitution des deux courants théoriques,
ainsi que les lectures divergentes qu’ils en tirent. A priori, de par sa pers-
pective holistique, son intérêt pour le mode de production capitaliste et ses
conséquences sociétales, on aurait tendance à rapprocher l’EPC des méca-
nismes marxistes d’analyse de la production. Mais ce serait oublier que
l’EPC s’est aussi construite, dans les années 1970, comme une alternative
à la pensée marxiste dominante de l’époque. À l’opposé, on pourrait penser
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que les CS, puisqu’elles s’intéressent aux pratiques culturelles des acteurs et
leur accordent traditionnellement une capacité d’agir autonome, sont loin du
marxisme. Mais ce serait oublier que la formalisation des principaux concepts
des CS émane d’un cadre conceptuel basé sur le rapport conflictuel aux domi-
nants, sur les notions d’idéologie et de conscience de classe.

Dans cette contribution, nous proposons de dérouler chronologiquement le


rapport à Marx, et plus spécifiquement au matérialisme historique, de ces
deux courants de pensée, à travers une attention particulière portée au courant
français des Industries culturelles et à l’école de Birmingham. Nous faisons
l’hypothèse des points de dialogue entre les deux postures. D’une part, les
deux domaines revendiquent la dimension constitutive des discussions avec
le marxisme, celles-ci donnant d’ailleurs lieu à des prises de position parfois
contradictoires en leur sein. Cette place centrale du marxisme révèle des ponts,
notamment dans la circulation des travaux fondateurs, à l’instar de ceux de
Raymond Williams. D’autre part, les travaux sur les médias et les industries
culturelles montrent une attention commune à la fois aux rapports sociaux de
classe et aux dimensions matérielles des pratiques médiatiques, ici abordées à
des échelles différentes, l’une macro, l’autre micro. Enfin, les deux domaines
sont protéiformes et leurs contours n’ont eu de cesse de se redessiner en fonc-
tion de l’histoire et des contextes étudiés. Il s’agit donc ici de saisir les posi-
tions prises par l’EPC et les CS comme autant d’expressions et de tentatives
de résolution des contradictions internes et externes aux deux mouvements.
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LE POSTMARXISME DES CULTURAL STUDIES

Le matérialisme culturel

Pour saisir le rôle constitutif du débat avec le marxisme au sein des CS, il faut
revenir au moment fondateur du Contemporary Center for Cultural Studies
(CCCS), pendant lequel CS et marxisme ont pu se confondre (Sparks, 2015
[1996]). Le projet élaboré au sein du CCCS sous l’impulsion du fondateur
en 1964, Richard Hoggart, de Stuart Hall, directeur à partir de 1968, mais
aussi de figures historiques telles que Raymond Williams ou E.P. Thompson,
est à la fois théorique et politique. Un projet théorique d’abord, qui, à tra-
vers une conception anthropologique de la culture, se donne pour objectif de
rendre compte des dimensions culturelles du changement social à un moment
de transformation et d’industrialisation de la société britannique. Un projet
Cultural studies et économie politique de la communication 91

politique ensuite, qui cherche à réhabiliter les capacités de résistance et les


possibilités d’agir des groupes subordonnés. Ce projet est avant tout le produit
d’un regard décentré de la part de chercheurs en marge du monde académique
de l’époque. Raymond Williams, par ses origines sociales modestes, traduit
dans ses écrits un décalage face à une conception élitiste de la culture. Stuart
Hall, d’origine jamaïcaine, consacre quant à lui toute une partie de son œuvre
à rendre compte des rapports sociaux de race dans la culture. Mais le meilleur
exemple de ce décentrement est sans doute l’ouvrage La culture du pauvre
(1970 [1957]) dans lequel Richard Hoggart propose un récit informé par ses
souvenirs d’enfance de l’expérience culturelle et quotidienne des classes
populaires. Il œuvre à réhabiliter une classe ouvrière selon lui caricaturée par
les écrits scientifiques en insistant notamment sur les capacités de distancia-
tion de ces dernières à l’égard de la culture de consommation et des médias de
masse. Il donne ainsi à voir des classes populaires sensibles aux changements,
mais dont les attitudes, faites de défiance et d’ironie à l’égard des hiérarchies,
sont le terreau de contradictions vis-à-vis du capitalisme.

Malgré son intérêt pour la classe ouvrière, Richard Hoggart nourrit une cer-
taine hostilité à l’égard de la tradition marxiste. Il revendique bien davantage
l’héritage culturaliste de Leavis, comme le traduit sa vision presque roman-
tique de la classe ouvrière. La discussion avec le marxisme est plus largement
embrassée par deux autres figures, Raymond Williams et E.P. Thompson, qui
prennent quant à eux ouvertement leur distance avec le marxisme historique
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« orthodoxe ». « Pour nombre d’entre nous, l’interprétation marxiste de la
culture semble imposer une méthodologie contraignante ; ainsi, si l’on cherche
à étudier par exemple la littérature d’un pays particulier, il faut commencer
par retracer son histoire économique, puis évaluer sa littérature sous cet éclai-
rage » (Williams, 2013 [1958], p. 71). C’est en réponse « à la détermination en
dernière instance » de l’économique que Raymond Williams développe l’idée
d’un matérialisme culturel (Williams, 2009 [1973]). Il s’agit d’envisager la
superstructure et l’infrastructure comme un éventail de pratiques opérant dans
un univers de contraintes matérielles. La culture, selon cette conception, n’est
plus le simple reflet des rapports matériels de production. Elle est assimilée à
un « processus social », un mode de vie, une pratique, et s’impose comme le
lieu de transformation historique du langage et de la signification (Williams,
1977). Chez Williams, la culture ne nourrit par conséquent plus un rapport de
causalité avec l’économique, mais bien un rapport productif. Elle bénéficie
d’un certain degré d’autonomie et participe à la constitution du champ social
par ses interactions avec les processus socio-économiques.
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Mais le matérialisme culturel de Raymond Williams se veut également une


réponse au structuralisme, notamment celui de Louis Althusser, dont les idées
infusent alors les sciences sociales. Raymond Williams reproche à Althusser
de ne penser l’interpellation que dans un sens : il critique un projet théorique,
qui, en envisageant les pratiques et leur déplacement au service d’une totalité
en mouvement, aurait négligé la question du pouvoir d’agir et de la contre-
interpellation (Lecercle, 2015). Une telle approche rencontre les travaux de
l’historien E.P. Thompson. Refusant à son tour le rôle déterminant de l’éco-
nomique dans la formation des classes sociales, ce dernier développe une his-
toire « par le bas » dans laquelle les classes ne seraient plus uniquement le
reflet des rapports de production, mais bien le fruit d’un processus dynamique
constitué de l’expérience, entendue au sens de valeurs, de représentations,
d’affects (Thompson, 1988 [1963] ; Keucheyan, 2010, p. 304). Dans ces tra-
vaux comme dans ceux de Williams, l’accent est mis sur l’agency inhérent
au vécu et aux pratiques quotidiennes. Une telle attention dessine un modèle
théorique de société dans lequel les appartenances collectives rencontrent le
pouvoir d’agir individuel. C’est du côté du concept gramscien d’hégémo-
nie que Williams trouve le moyen de rendre compte de la manière dont se
construit le lien entre pratiques collectives (de groupe, de classe) et pratiques
individuelles : les pratiques vécues prennent sens dans l’hégémonie, c’est-à-
dire dans l’organisation sociale des significations et des valeurs (Williams,
2009 [1973]).
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Articulation et hégémonie

Cette conception de la culture est en partie reprise par Stuart Hall qui pour-
suit la critique du marxisme « orthodoxe », tout en le prenant au sérieux. Au
cœur de cette critique se tient le renversement de la proposition selon laquelle
un sujet intentionnel façonnerait l’idéologie, par la production d’idées, de
représentations, de discours, qui renverraient une image fausse de la réalité.
Hall propose à l’inverse de penser le sujet comme le produit de l’idéologie et
l’expérience comme le résultat des opérations des différentes structures de la
formation sociale. Il rompt en cela avec l’antistructuralisme de Williams et
Thompson pour renouer avec certains aspects de la pensée d’Althusser. Pour
ce dernier, l’idéologie s’apparente à une sorte de voile située entre les dis-
cours et l’expérience : elle est une « transposition imaginaire », indissociable
de la matérialité du vécu. Elle est par ailleurs une force déterminante, dans le
sens où elle constitue les individus en sujets par le biais de l’interpellation. La
Cultural studies et économie politique de la communication 93

lecture que fait Stuart Hall de l’ouvrage Pour Marx d’Althusser (1996 [1965])
renouvelle ainsi la manière de saisir les modalités opératoires de l’idéologie
au sein des CS. L’idéologie est appréhendée dans son existence matérielle, au
travers des pratiques, des rituels. Elle est aussi comprise comme opérant au
travers des institutions, des « appareils idéologiques d’État », parmi lesquels
se trouvent les médias (Hall, 2012 [1985]). L’idéologie n’est par ailleurs pas
nécessairement le reflet d’une position dans les rapports de production. Selon
le principe d’articulation, il n’y a en effet pas de correspondance nécessaire
entre une pratique politique, légale ou idéologique et l’« économique » (ibid.,
135). Toute rencontre entre des forces sociales et des formes idéologiques,
entre des groupes et des intérêts, revêt alors une dimension conjoncturelle.
C’est dans ces rencontres que se forgent des « unités de rupture » à même de
constituer par la suite des forces de changement.

La relation de Hall aux travaux de Louis Althusser ne doit cependant pas être
surestimée et reste teintée de méfiance, notamment face à leur orientation
anhistorique (Hall, 2013 [1980], p. 155). En outre, une rencontre décisive
avec le concept d’hégémonie déjà présent chez Williams et les relectures du
concept par Laclau et Mouffe amène Hall à repenser la conflictualité sociale
(Hall, 2008b [1982], p. 162). Dans une perspective gramscienne, l’hégémo-
nie renvoie à la lutte des groupes sociaux sur les terrains économique, idéo-
logique, mais aussi culturel, pour l’accès à des positions de pouvoir. Cette
lutte consiste en la recherche du consentement et du « sens commun » sur
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un terrain symbolique complémentaire de la violence d’État. À l’encontre
d’Althusser, Stuart Hall se saisit du concept d’hégémonie pour mettre en
lumière la dimension conflictuelle de l’idéologie et son inscription dans les
processus historiques (Hall, 2012 [1985], p. 165). Avec le concept s’impose
en effet une acception mouvante des rapports de pouvoir : il y a certes tou-
jours de la domination, mais celle-ci est sans cesse contestée par les groupes
sociaux qui cherchent à faire entendre leurs voix. Elle est donc une domina-
tion « sans garantie », formant autant d’« équilibres instables » au sein des-
quels les groupes cherchent, par des systèmes d’alliances et des mésalliances,
à maintenir leur position de pouvoir. L’articulation revêt en outre une dimen-
sion discursive : la rencontre des forces sociales et des idéologies relève d’une
unité construite politiquement à des fins de lutte pour l’hégémonie. Une telle
approche, qui imprègne durablement le projet des CS, contrevient à l’idée
qu’il existerait un sujet de classe en soi, pour insister sur la multiplicité des
revendications articulées pour former un « bloc de pouvoir », c’est-à-dire une
constellation de forces au caractère conjoncturel (Hall, 2008a [1981], p. 125).
94 Réseaux n° 192/2015

MARX ET LE MODE DE PRODUCTION CAPITALISTE AU CŒUR


DE L’ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA COMMUNICATION

La construction de l’économie politique de la communication


comme dynamique de recherche

Du côté des auteurs qui se reconnaissent sous le vocable économie politique de


la communication, on retrouve notamment les outils analytiques du système
économique posés par le second Marx, celui de La Critique de l’économie
politique (1859) et du tome 1 du Capital (1867). Il en va ainsi des concepts de
« mode de production » (en particulier capitaliste), « rapports de production »,
« forces productives », « infrastructure/superstructure », « idéologie » et de
la théorie de la valeur travail. D’après Hesmondhalgh, s’il n’est pas néces-
saire d’être marxiste pour travailler dans le domaine de l’économie politique,
cela aide [it helps] car les deux perspectives vont souvent dans le même sens
(Hesmondhalgh, 2007a, p. 34). Pour autant, l’EPC ne constitue pas une théo-
rie unifiée qui aurait essaimé dans diverses zones géographiques. « Malgré
les apports de quelques auteurs importants (Schiller, Guback, Smythe, sous
certains aspects Williams, Garnham, Mattelart, Hamelink, Murdock), on ne
trouvera pas de texte marquant pouvant être considéré comme fondateur »
(Miège, 2004, p. 47). Il s’agit plutôt de plusieurs traditions de recherche
construites indépendamment, mais qui ont trouvé entre elles des points com-
muns, notamment en termes de postures critiques. Les échanges entre auteurs
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et entre groupes d’auteurs ont donné lieu à des collaborations, sans pour autant
effacer les différences. Plutôt qu’un paradigme poppérien qui postule sa scien-
tificité dans une unicité réfutable, on est face à une conception des sciences
sociales qui « compensent le caractère toujours recommencé de leurs interpré-
tations et la forme “interminable” de leurs intelligibilités “en écheveau” par
leur teneur en phénoménalité historique et culturelle » (Passeron, 1990, p. 89).
L’EPC porte en outre une attention particulière à la dimension historique des
terrains étudiés, rencontrant à ce titre le « matérialisme culturel » de Raymond
Williams (1977). Ainsi, pour Miège, qui voit en l’ouvrage de Mosco (1996)
une étape décisive dans l’ancrage de l’expression « économie politique de la
communication », c’est par la convergence des résultats de recherches réali-
sées dans divers cadres nationaux plutôt que par une approche théorique com-
mune que se construit cette tradition de pensée (Miège, 2000, p. 35).

Afin d’évoquer le rôle des travaux marxistes dans le cadre de l’EPC, il est
possible de relater brièvement quelques étapes fondatrices de ce courant de
Cultural studies et économie politique de la communication 95

pensée. Mais, cette histoire ne pouvant être considérée comme linéaire et


devant être située (Mattelart, 2014, p. 21), nous avons choisi de nous intéres-
ser à la perspective française et au point de vue développé par les chercheurs
du domaine eux-mêmes. En général, on considère en France que la tradition
de recherche émerge aux États-Unis avec les travaux de Schiller ou Smythe
(Mattelart et Mattelart, 2004 ; Miège, 2000). Au-delà d’une simple analyse
technique des rapports marchands, les auteurs cherchent à montrer, dès la fin
des années 1960 et à partir du cas américain (Schiller, 1969), que quelques
grandes firmes dominent le marché de la culture et de l’audiovisuel, qu’elles
agissent dans des domaines de production stratégiques qui vont au-delà de la
communication, mais aussi qu’il existe des collusions avec le pouvoir poli-
tique et l’État. Pour Mosco (2000, p. 95), ces approches s’inspirent « à la
fois des pratiques institutionnelles et des théories marxistes. [Elles] […] ont
été nourries avant tout par un sentiment d’injustice et par l’idée que l’indus-
trie de la communication faisait partie intégrante d’un système économique
plus vaste, antidémocratique et fondé sur l’exploitation des individus. » Dès
le milieu des années 1970, les travaux de Mattelart, qui publie en français, en
anglais et en espagnol, permettent non seulement de diffuser des contributions
provenant de diverses aires géographiques, mais surtout de souligner « l’idéo-
logie des communications internationales » et l’existence de rapports inégali-
taires entre l’Occident et le reste du monde (Mattelart, 1976 ; Mattelart, 2014).

À la suite de ce premier mouvement, une seconde dynamique se développe


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en Europe, et plus particulièrement en France via l’ouvrage fondateur Capita-
lisme et Industries culturelles (1978) issu d’une recherche CNRS intitulée La
Marchandise culturelle (1975) dont les terrains investissent plusieurs branches
de la production culturelle et de l’audiovisuel (Huet, Ion, Lefebvre, Miège et
Peron, 1984 [1978]). Au départ, ces auteurs empruntent la notion d’« industrie
culturelle » à Adorno et Horkheimer, alors en circulation dans le champ esthé-
tique grâce aux traductions réalisées par Marc Jimenez. Mais en la pluralisant,
ils soulignent qu’il existe des spécificités de branche. L’ouvrage Capitalisme et
Industries culturelles est à ce titre souvent cité par les tenants de l’EPC, notam-
ment via la postface que Miège rédige pour la seconde édition de Capitalisme
et Industries culturelles en 1984. Ce texte s’inscrit dans le sillage des travaux
de Schiller tout en les critiquant : il s’agit, comme le précise Miège, de souli-
gner la spécificité de la production industrielle dans la culture (notamment la
part d’incertitude qui caractérise les biens culturels) sans pour autant négliger
la similarité des mécanismes au sein du mode de production capitaliste. Parmi
les auteurs de ces ouvrages, si Bernard Miège dirige par la suite de nombreuses
96 Réseaux n° 192/2015

thèses en Information-Communication, les autres, alors en début de carrière,


se spécialisent dans diverses disciplines (A. Huet et J. Ion sont sociologues par
exemple). L’école française se lie par la suite avec des chercheurs canadiens
francophones (Lacroix, 1986 ; Lacroix, Lefebvre, Miège, Moeglin et Tremblay,
1997) et rencontre le travail de chercheurs anglais, en premier lieu Nicolas
Garnham, qui se focalise sur le rapport entre industries culturelles et politiques
publiques, via la publication d’articles au sein de Media, Culture & Society.
L’EPC se distingue ainsi par une dimension internationale, qui s’intensifie avec
les études commanditées par l’UNESCO dans les années 1980 (Mattelart et
Mattelart, 2004). En outre, en reprenant la généalogie des textes et l’évolution
des citations réciproques, on peut déceler le rôle moteur du travail d’Armand
Mattelart entre les États-Unis, l’Amérique du Sud et la France (Mattelart, 2004,
2014) ou encore des traductions en 1989 des textes de Miège (dont la postface
de la seconde édition de Capitalisme et Industries culturelles) sous la direction
de Garnham lui-même (Miège, 1989), qui marquent durablement la manière
dont Miège est perçu dans le monde anglophone (Straw, 1990). On devrait
aussi souligner le rôle décisif de David Hesmondhalgh (2007a), auteur anglais
contemporain qui discute les thèses des auteurs de nombreux pays travaillant
dans la dynamique de l’EPC et opère un travail de synthèse précis.

Nul doute que la solidité de l’EPC comme posture et comme tradition vient
pourtant en premier lieu de la multiplication des relations interpersonnelles
entre chercheurs ainsi que des discussions croisées, plutôt que par une
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connaissance approfondie des écrits (notamment parce que les diverses aires
linguistiques créent des frontières invisibles partiellement résorbées seule-
ment par les traductions). Ces éléments font que l’histoire du mouvement
est sans cesse réécrite en y ajoutant des chercheurs dans un premier temps
ignorés 1. À titre d’exemple, on peut pointer le fait que Schiller n’est pas cité
dans la première édition de l’ouvrage français Capitalisme et Industries cultu-
relles alors qu’il est discuté dans la seconde. Plus explicite encore peut-être
est le cas de Raymond Williams 2, dont nous avons évoqué le rôle fondateur
au sein des CS. Cet auteur anglais d’abord revendiqué comme précurseur par
les chercheurs en EPC de son pays (comme Garnham), mais ignoré par les
chercheurs français (Sayre et Löwy, 1993) voit plus tard son œuvre réhabilitée
en France par Miège (2000) ou encore Mattelart (2014).

1. L’histoire des termes décrivant le mouvement nécessiterait un travail approfondi (socio-


économie des industries culturelles ; industries culturelles et informationnelles ; économie
politique de la communication).
2. Dès 1990, Réseaux a publié plusieurs textes de Williams (n° 42, 44-45, 80) [NdE].
Cultural studies et économie politique de la communication 97

Le matérialisme historique comme repère fondateur

Les auteurs regroupés aujourd’hui sous l’appellation EPC définissent d’abord


leur posture contre la science économique formaliste néoclassique. En gardant
l’appellation d’économie politique, ils ont voulu insister sur les conséquences
politiques des configurations économiques de production de la culture. Tou-
tefois, ces auteurs se désolidarisent également d’un matérialisme dialectique
marxiste dogmatique. Les enquêtes sur le fonctionnement des filières doivent
ainsi démontrer de quelles manières fonctionnent les diverses industries
culturelles (ou médiatiques) avant d’en spécifier les effets. L’émancipation de
ces deux conceptions (économie libérale et marxisme orthodoxe) s’explique
historiquement.

Jusqu’au milieu des années 1980, époque où le marxisme était puissant et où


les discussions autour de l’art et de la culture étaient saturées d’idéologie, un
des enjeux de l’EPC était de montrer comment fonctionnaient concrètement
les industries culturelles. Comme le rappelle Miège en 1984, les « analyses
marxisantes […] se situent pour la plupart d’entre elles d’emblée au niveau
des superstructures, des rapports entre mode de production et idéologie domi-
nante ou entre restructuration du capitalisme et formation des appareils idéo-
logiques et se contentent le plus souvent de recourir à un principe théorique
(le fameux “en dernière instance”) pour caractériser la détermination éco-
nomique » (Miège, 1984, p. 169). Cela se traduit par une relativisation du
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mécanisme simple de détermination de la culture (en tant que superstructure
idéologique) par l’infrastructure économique. L’idée est donc ici, pour les
auteurs de Capitalisme et Industries culturelles, de sortir du dogme et de por-
ter une attention particulière aux « modalités concrètes » de cette détermina-
tion, par exemple en s’intéressant aux divers modes de rémunération dans le
secteur culturel (salariat ou droit d’auteur) en fonction des types d’activités ou
encore à l’organisation de la filière selon les types de modèles (« éditorial » ou
« de flot »). C’est d’ailleurs dans cette perspective d’analyse des « modalités
concrètes » du fonctionnement des industries culturelles que l’EPC critique
Adorno. On lui reproche dialectiquement de trop amalgamer les différents
secteurs des industries culturelles (d’où l’adoption du pluriel) et de trop sin-
gulariser la culture par rapport à l’ensemble de la production économique.
Enfin, on critique le fait qu’il sépare trop radicalement la création du pro-
cessus de production au sein du mode de production capitaliste (par exemple
Miège 1984, p. 20 ; ou 2000, p. 14).
98 Réseaux n° 192/2015

À partir du milieu des années 1980, avec l’importance prise par les logiques
libérales aussi bien dans la recherche que dans les politiques publiques (qui
commencent d’ailleurs à s’intéresser aux industries culturelles), l’EPC foca-
lise davantage sa critique sur les préceptes d’économie néoclassique de la
culture et porte une attention particulière aux logiques d’accumulation du
capital. En conservant les outils d’analyse proposés par Marx dans le cadre
de ses écrits sur le mode de production capitaliste, il s’agit d’intégrer les
enjeux idéologiques à l’œuvre dans la consommation en s’appuyant sur des
enquêtes effectuées au sein des filières de production. Cette dénonciation de
l’économie orthodoxe reste le combat théorique le plus évident lorsqu’on lit
chronologiquement les travaux du courant français des industries culturelles.
Si l’économie de la culture néoclassique est aujourd’hui toujours la cible de
critiques, notamment dans ses postulats microéconomiques de rationalité des
consommateurs, son absence d’analyse des rapports inégalitaires ou de la
dimension idéologique des productions, on constate pourtant que son voca-
bulaire macroéconomique a progressivement infusé au sein de l’EPC avec
les concepts d’oligopole à frange (Miège, 2000) ou à l’inverse de monop-
sone (Moeglin, 2007), de concurrence, d’économie d’échelle, de rendements
croissants ou de coût marginal 3. Fréquemment utilisé jusque dans les années
1980, le vocabulaire marxiste semble quant à lui s’effacer peu à peu. Tout se
passe comme si, consciente des problèmes de domination posés par la confi-
guration oligopolistique au sein des secteurs de la culture et de la commu-
nication, l’EPC choisissait une posture pragmatique, cherchant les moyens
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de résister, par ses analyses, à la domination économique et idéologique des
multinationales et des politiques économiques gouvernementales qui les
favorisent (Bouquillion, 2012, p. 40). Si l’on regarde les écrits sur le long
terme, on voit en outre se développer des emprunts à la sociologie critique,
notamment celle de Bourdieu. Il en va ainsi du rapport « structurant/struc-
turé » des règles de fonctionnement liées aux produits culturels et de ce qu’en
font les acteurs (Miège, 1989, p. 18) ou sur « la mise en ordre symbolique » de
biens valorisés au nom de leur dimension créative (Bouquillion et al., 2013).
Quoique parcellaires, de tels emprunts servent ici à critiquer une liberté sup-
posée des acteurs et à mettre en évidence la construction sociale des représen-
tations des produits, car le travail de Bourdieu sur l’organisation des filières de

3. Ce qui du point de vue de l’histoire de la pensée économique apparaît surprenant pour un


courant qui se nomme « économie politique de la communication » puisqu’un des principaux
points de rupture entre l’économie politique classique et l’économie néoclassique est la théorie
de la valeur, qui passe de la valeur travail (valeur d’usage/valeur d’échange) à l’utilitarisme
justement réglé par le recours au marginalisme (Denis, 1968).
Cultural studies et économie politique de la communication 99

production, leurs similitudes et leurs différences, est jugé incomplet (Miège,


1989 ; Hesmondhalgh, 2007b) 4.

DES TERRAINS DE DISCUSSION

Le sens des pratiques

L’économie politique a parfois vu dans l’approche des médias par les CS, et
notamment l’attention portée aux textes médiatiques, mais aussi aux pratiques
de réception, une absence de problématisation des formes de compétition et
d’interdépendance à la production (Mattelart et Neveu, 2003). Les orientations
prises pour l’étude des médias des CS sont néanmoins à l’image de l’appro-
priation singulière des outils tirés du marxisme et des multiples discussions
auxquelles cette dernière a donné lieu. Ils rendent surtout compte du passage
d’une approche inspirée par le marxisme structuraliste à une étude des pro-
cessus hégémoniques. Aussi, si les CS se sont tant intéressées aux discours
et représentations médiatiques, c’est que ces derniers sont, dans un contexte
d’expansion des moyens de communication, l’un des domaines privilégiés
des luttes pour l’hégémonie. Les discours médiatiques constituent, selon les
termes de Stuart Hall, des sites de conflictualité autour de la définition des
termes du débat public et des événements (Hall, 2008a [1982]). Ils sont autant
de « pratiques signifiantes » qui participent à forger les imaginaires sociaux et
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surtout inscrivent les tensions du monde social. Ils peuvent alors être compris
dans une dynamique contradictoire. Ils fixent des idéologies par le biais de

4. Étant donné la focalisation de l’EPC sur les questions économiques, on peut se demander
pourquoi ces travaux sont quasi systématiquement ignorés par les chercheurs en sciences éco-
nomiques y compris par les courants hétérodoxes (institutionnalisme, économie des conven-
tions, économie de la régulation…). La raison principale semble être interne à l’EPC, elle
s’expliquerait par un choix d’ancrage au sein de l’Information-Communication (la 71e section
du CNU est créée en 1975) qui a de fait éloigné ces réseaux de la discipline « sciences éco-
nomiques » (5e section du CNU). Structurellement, on doit ajouter la montée en formalisa-
tion mathématique du courant majoritaire des sciences économiques, la domination croissante
des approches néoclassiques et l’écroulement des travaux basés sur les paradigmes marxistes
dans les années 1980, aussi bien dans le monde de la recherche que vis-à-vis des commandes
publiques. À cet égard, il est intéressant de noter que les études soutenues par le Départe-
ment des Études du Ministère de la Culture sur les industries culturelles incluent fréquemment
dans les années 1980 (par exemple Rouet, 1989), à côté des tenants d’une économie publique
orthodoxe (Greffe, puis Benhamou, Farchy, Sagot-Duvauroux...) et des théoriciens marxistes
(Leroy, Busson, Herscovisci…), des équipes liées à l’EPC. C’est moins le cas aujourd’hui où
les chercheurs émanant des sciences économiques apparaissent largement dominants.
100 Réseaux n° 192/2015

répertoires, des lexiques, des styles, qui forment un tout cohérent. La vision du
monde ainsi formée n’est toutefois pas unitaire. Elle se situe au confluent d’une
multitude de discours : elle est le produit de l’agrégation de voix dissidentes
et peut entrer en conflit avec d’autres visions du monde. La fonction idéolo-
gique des médias ne consiste donc pas en l’imposition de certaines idées, mais
bien en la production du consensus à partir de multiples voix et la fabrique du
consentement dans la lutte pour l’hégémonie. Son analyse conduit à interroger
la manière par laquelle un discours se donne à entendre comme le discours
dominant et gagne le consentement populaire, reléguant du côté de l’indicible
et de l’impensable d’autres significations possibles aux événements.

Cette attention portée à la conflictualité sociale s’inscrit dans la continuité des


premiers travaux de l’école de Birmingham sur les pratiques culturelles des
groupes sociaux. On en trouve les traces dès le Subcultures Group du CCCS
qui propose de situer les idéologies et les résistances aux idéologies dans les
pratiques ordinaires de consommation, faisant de la relation des gens aux
industries culturelles et des dimensions culturelles de l’expérience le cœur
de son propos. Les subcultures, alors en plein développement, sont conçues
comme l’expression d’une position de classe sociale, mais aussi comme un
nouveau terrain de lutte (Hall et Jefferson, 2003 [1975]). Phil Cohen voit par
exemple dans ces cultures juvéniles une réponse symbolique aux contradic-
tions vécues d’une classe ouvrière soumise à l’injonction à la consommation
et à l’effritement de ses communautés (Cohen, 2008 [1972]). Par le détour-
nement de symboles de la culture commerciale et de codes des classes supé-
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rieures, les cultures juvéniles recréeraient une cohésion sociale mise à mal
par les mutations du marché du travail, de l’habitat et de l’éducation durant
la période d’après-guerre. Elles incarnent de véritables rituels de résistance
à l’individualisme et au consumérisme. Mais elles se donnent aussi à voir
comme le lieu de « bricolages » productifs. Dick Hebdige, dans ses travaux
sur les subcultures punks et mods, s’éloigne ainsi d’une théorie de la déter-
mination sociale pour voir dans les détournements des marchandises un pro-
cessus de resignification (Hebdige, 2008 [1979], p. 90). Les cultures punks
et mods subvertiraient le sens premier des produits des industries culturelles
et interrompraient le processus de normalisation du sens en mettant au jour
l’arbitraire du signe. Apparaît au sein des CS l’idée de « guerre sémiotique »,
autrement dit d’une lutte pour le contrôle de la signification, à laquelle par-
ticiperaient activement les classes subordonnées par le biais des subcultures.

Il faut voir dans les travaux sur la réception des médias une même volonté
de saisir la conflictualité à une échelle microsociologique. Au fondement de
Cultural studies et économie politique de la communication 101

ces derniers se tient un rejet de la « fausse conscience » qui accorderait la


conscience et le pouvoir aux forces commerciales et condamnerait les classes
populaires à vivre dans l’ignorance de leur propre soumission et manipulation.
« Les gens ordinaires ne sont pas des idiots culturels », répond Stuart Hall,
engageant sur ce terrain un dialogue avec l’école de Francfort à laquelle il
reproche de ne voir dans les industries culturelles que les « agents de la trom-
perie de masse » (Hall, 2008a [1981], p. 120). Pour prendre le contre-pied de
ces « théories spéculatives », les CS déploient un arsenal empirique qui vise
à saisir la réception comme une activité de production de sens. Le modèle
de codage/décodage développé par Hall s’attache à montrer les dissonances
entre la « structure de sens » à la production et à la réception (Hall, 1994
[1973]). S’il reprend l’idée de « structure », il insiste surtout sur l’indétermi-
nation relative du décodage, étant considéré qu’il n’y a pas nécessairement
de concordance entre les différents pôles du processus communicationnel. Au
contraire, les pratiques de réception peuvent contrevenir au sens dominant du
message médiatique et déployer des lectures sur un mode négocié ou opposi-
tionnel. Depuis son élaboration dans les années 1970, le modèle de codage/
décodage a été soumis à de nombreuses relectures. On peut à ce titre citer
David Morley, l’un des initiateurs du « tournant ethnographique », qui, dans
son étude de la réception du programme télévisé Nationwide, met en lumière
l’importance des facteurs socioculturels organisant la réception (Morley, 2008
[1980]). Interrogeant des groupes diversement situés sur la structure sociale
(syndicalistes, étudiants noirs, institutrices), il montre combien la relation au
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texte est tributaire des positions des spectateurs dans les rapports sociaux de
classe, race, genre. Les discours idéologiques se confrontent aux interpréta-
tions et usages de publics, dont l’accès à certains codes et certaines valeurs est
en partie déterminé socialement (Morley et Jin, 2011, p. 132).

En mettant l’accent sur les interprétations et les degrés de sensibilité des


publics, les travaux des CS ne dénient nullement la force des textes média-
tiques et des programmes. Morley évoque à ce titre un modèle texte-lecteur
dans lequel des « clôtures textuelles » persistent et imposent les répertoires
à partir desquels les spectateurs construisent leurs identités (Morley 1992).
Stuart Hall reconnaît quant à lui le pouvoir des industries culturelles à « façon-
ner » les imaginaires sociaux à coup de « répétition et de sélection » (Hall,
2008a [1981], p. 121), en même temps qu’il insiste sur le fait que des ima-
ginaires ne s’imposent jamais complètement aux esprits. Cherchant le juste
équilibre entre détermination et activité de réception, les CS se situent au point
de tension entre deux positions opposées. Elles refusent d’une part d’entrer
102 Réseaux n° 192/2015

dans le jeu d’un structuralisme radical qui accorderait un pouvoir structurant


au texte, à l’instar des travaux en réception inspirés de la théorie psychana-
lytique développés par la revue d’études cinématographiques Screen. Sur ce
point, la rencontre avec Gramsci a eu cela d’essentiel qu’elle a permis de sor-
tir d’une conception de l’idéologie comme opération coercitive sur l’incons-
cient pour penser la production de sens commun inconsciemment acceptée
(Sparks, 2015 [1996]). Les CS refusent d’autre part d’accorder une liberté
totale à la réception, qui ferait fi du pouvoir des producteurs de contenu. Plu-
sieurs approches ont sur ce terrain suscité de nombreuses polémiques au sein
même du domaine. C’est le cas de « la démocratie sémiotique » de John Fiske
(Fiske, 2008 [1989]). Ce dernier, face à ce qu’il identifie comme une poly-
sémie de plus en plus marquée des contenus audiovisuels, fait des publics
le site premier de production de sens. C’est également le cas de la notion
de « convergence culturelle » développée par Henry Jenkins (2013 [2006]).
S’intéressant aux pratiques de fans, Jenkins voit dans l’avènement du web 2.0
le ressort d’une culture participative et de communautés de savoirs, à même
de défier la capacité de contrôle des producteurs sur leur propre terrain. Au
sein des CS, ces deux approches sont loin de faire l’unanimité, accusées par
certains d’œuvrer en faveur d’une « célébration des publics » (Morley, 1992)
et d’une « idéalisation fiskéenne » de l’activité des fans au détriment des rap-
ports de pouvoir entre producteurs et récepteurs (Hills, 2013).

Des chantiers transversaux


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Au sein de l’EPC, l’abandon du déterminisme simple de la culture par l’éco-
nomie, héritage du matérialisme culturel de Williams, donne lieu à des travaux
portant sur la spécificité économique des forces productives et des rapports de
production en place dans la culture. Il s’agit par exemple d’explorer les condi-
tions de travail des artistes (droits d’auteurs vs salariat découlant d’une grande
incertitude dans la commercialisation des marchandises culturelles) ou encore
les liens entre l’élaboration du produit (du « contenu ») et son industrialisation.
Un des postulats qu’on retrouve depuis bientôt quarante ans dans les écrits
associés à l’EPC, c’est le maintien affirmé d’une configuration de la production
autour de quelques « firmes monopolistes » et de « nombreuses petites unités
de production » (Miège, 1984), entre « l’oligopole et la fourmilière », ou « le
vivier » 5. Sont ainsi dénoncées des analyses « technicistes » qui, avec l’arrivée
de nouveaux appareils ou de nouveaux usages, postulent une liberté accrue et

5. On peut consulter à cet égard le texte de Stéphane Costantini dans ce dossier.


Cultural studies et économie politique de la communication 103

un renouvellement du champ des possibles du point de vue des pratiques. Au


contraire, les écrits de l’EPC n’ont cessé de répéter que le diagnostic établi
dans les études antérieures reste valable (Miège, 1989, p. 122 ; Bouquillion,
Miège et Moeglin, 2013, p. 15), à savoir celui d’une domination économique
de quelques instances (privées et/ou « publiques/étatiques »), dont les consé-
quences sociétales sont notamment la construction par les acteurs d’une per-
ception faussée (idéologiquement marquée) de la situation.

On peut évoquer à titre d’illustration trois sujets traités par l’EPC qui ont été
et sont encore l’objet d’une littérature prolifique : la société de l’informa-
tion, le web 2.0 et l’économie créative. Prenant le contre-pied d’une partie
des écrits qui ont influencé le champ des médias et de la communication, les
auteurs associés à l’EPC déconstruisent l’avènement supposé d’une « société
postindustrielle », telle qu’elle a pu être exposée par Daniel Bell, en particu-
lier dans son ouvrage Vers la société postindustrielle (1973) ou par certains
écrits d’Alain Touraine à la suite de La société postindustrielle (1969). Ils
remettent en cause l’idée d’une disparition des conditions matérielles qui ont
marqué le capitalisme, au profit d’une montée de l’immatériel, notamment via
la circulation de la connaissance en situation mondialisée. Ils soulignent la
perpétuation de marchés dominés par quelques firmes, l’inégalité de l’accès
à la connaissance et l’hétérogénéité de cette connaissance (Mattelart, 1976).
Les auteurs affiliés à l’EPC voient au cours des années 1990 le développement
des thèses associées à « la société de l’information » comme une résurgence
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de ces positions. On peut se reporter à cet égard au dossier paru en 2000 dans
Réseaux où figurent notamment des textes de Mattelart, Garnham et Mosco.
Les thèses de Manuel Castells développées dans son ouvrage La société en
réseaux (1998), préfacé par Alain Touraine, servent de supports à une bonne
partie des critiques allant de la « supposée » société postindustrielle aux poten-
tiels des mouvements sociaux, ces derniers étant revus à la baisse lorsqu’ils
sont associés à des logiques identitaires comme dans la démonstration de Cas-
tells. Au contraire, les auteurs associés à l’EPC rappellent que l’information
possède une dimension idéologique liée aux structures qui les façonnent et les
diffusent, d’autant plus dans une société mondialisée où domine une logique
libérale (Lacroix, Miège et Tremblay, 1994).

C’est à travers la même perspective d’analyse critique des conditions de pro-


duction que la question des réseaux, et donc de l’avènement d’internet comme
moyen de communication, a pu être abordée. En étudiant le web 2.0, Bouquillion
et Matthews (2010) mettent en évidence « l’idéologie du participatif » qui
104 Réseaux n° 192/2015

reconfigure les médias et les intérêts qui la sous-tendent. Ils montrent ainsi
combien la contribution des internautes sert en réalité des firmes qui profitent
du travail gratuit de « l’usager producteur de contenu ». Pour ce faire, ils
déconstruisent notamment les analyses d’Henry Jenkins proposées dans son
ouvrage La Culture de la convergence (paru originellement en anglais en
2006), rencontrant sur ce terrain nombre de débats et de critiques également
à l’œuvre au sein des CS. Loin d’être le début d’une nouvelle ère d’expres-
sion démocratique, canalisée par quelques grandes firmes multinationales
(Bouquillion, 2012b), les pratiques numériques des consommateurs appa-
raissent de fait comme aliénantes. On retrouve en outre une partie de ces débats
dans les travaux de l’EPC sur les notions d’industries créatives et d’économie
créative. Se développe sur ce terrain une même perspective de déconstruction
des nouvelles élaborations théoriques utilisées par le monde industriel et les
politiques publiques. On peut citer à cet égard l’ouvrage dirigé par Philippe
Bouquillion en 2012, qui intègre notamment des contributions de Yolande
Combès, Pierre Moeglin, Gaëtan Tremblay ou Bernard Miège. La notion de
« créatif » est ainsi utilisée depuis une dizaine d’années comme point de départ
à une politique de dynamisation des territoires locaux qui marierait économie
et culture au sein d’espaces créatifs (clusters ou quartiers créatifs), l’idée étant
de relancer le cercle vertueux de la croissance à un niveau local ou régio-
nal. En suivant les travaux de Garnham (2005), Bouquillion montre comment
« les auteurs et promoteurs des industries ou de l’économie créative » dont
« le père spirituel est Richard Florida » (Bouquillion, 2012a, p. 27), comptent
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parmi leurs ancêtres « les théories de la société postindustrielle qui ont elles
influencé les discours sur la société de l’information » (ibid.). Ceci avant tout
parce que Florida, notamment via son concept de « classe créative », met en
avant les ressources immatérielles et la connaissance comme éléments cen-
traux de la nouvelle économie.

Les débats qui entourent l’autonomie des publics et les dispositifs participa-
tifs du web semblent faire converger CS et EPC, chacun en effet défendant la
nécessité de penser le pouvoir des firmes productrices. Ils ont en outre donné
lieu, dans les deux domaines, à une lecture parfois réductrice des approches
critiquées, notamment en évacuant la place accordée aux idéologies en leur
sein. Or la « convergence culturelle » chez Jenkins n’est par exemple jamais
un processus à sens unique : les industries culturelles cherchent à tirer profit
de cette nouvelle forme de consommation active et encouragent largement la
« convergence commerciale » (Jenkins, 2013 [2006], p. 38). Loin d’ignorer
totalement les modes de production, ces travaux dessinent au contraire les
Cultural studies et économie politique de la communication 105

prémisses d’une réflexion plus large sur les modalités du pouvoir et les formes
de résistance dans les pratiques de production et de réception ainsi qu’entre
ces deux pôles du processus communicationnel. Aussi faut-il sans doute voir
dans ces débats et les critiques formulées par les CS et l’EPC l’occasion de
réaffirmer une attention première aux rapports de pouvoir et aux formes idéo-
logiques du capitalisme. Ces critiques marquent en outre les prémisses d’un
rapprochement sur le terrain du travail créatif et des dimensions matérielles
de l’expérience du web.

CONCLUSION : DES TRADITIONS EN MOUVEMENT

Interrogé sur la polémique CS vs EPC qui l’opposait à Grossberg dans les


pages du journal Critical Studies in Mass Communication (1995), Garnham
avoue qu’à l’époque son adversaire fut plus convaincant que lui, mais pour
des raisons idéologiques (Garnham et Fuchs, 2014, p. 115). Il explique pré-
cisément qu’à l’époque les CS profitaient conjoncturellement d’une opinion
favorable, liée au développement du postmodernisme et du poststructuralisme
au sein des CS anglaises et américaines. L’examen du moment épistémolo-
gique de la polémique permet néanmoins d’apporter une lecture contraire à
celle de Garnham. Loin d’être en position favorable, les CS sont dans les
années 1990 confrontées à un renouvellement parfois conflictuel de leurs thé-
matiques et de leurs paradigmes, avec l’apparition de nouveaux mouvements
sociaux et des luttes pour la reconnaissance (Fraser, 2005 ; Keucheyan, 2010).
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Ce contexte participe à mettre au premier plan les dimensions politiques de
l’identité et marque l’avènement du « tournant linguistique » au travers de
l’appropriation des travaux des philosophes poststructuralistes, de Michel
Foucault à Jacques Derrida en passant par Gilles Deleuze. Cette appropriation
ne se fait pas sans susciter des débats, notamment auprès des tenants histo-
riques de Birmingham, comme en témoigne la lecture critique que fait Stuart
Hall du travail de Foucault dans certains de ses écrits (Hall, 2008c, p. 132).

Face à la multiplicité de ces débats, le domaine n’a pas échappé à des tenta-
tives d’unification. On peut par exemple voir dans l’ouvrage Stuart Hall. Cri-
tical Dialogues with Stuart Hall (Morley et Chen, 1996) une réponse à une
série de débats internes autour des conceptions postmodernistes des médias
– notamment des travaux de Lyotard et Baudrillard – et d’attaques externes
– notamment les accusations de « relativisme épistémique » et de « subjec-
tivisme » au cœur de l’« affaire Sokal ». L’ouvrage met à l’honneur le projet
théorique de Stuart Hall, et de façon plus générale le projet postmarxiste des
tenants de Birmingham, au travers du concept d’articulation (Slack, 1996).
106 Réseaux n° 192/2015

C’est d’ailleurs par le biais de ce concept que Lawrence Grossberg répond aux
attaques de Garnham. Le concept d’articulation serait pour lui une manière
d’insister sur les déterminations multiples du social (Grossberg, 1995). Il
devient même dans son discours l’outil d’une prise de position au sein des
sciences humaines et sociales, en ce qu’il serait la marque d’un « conjonctu-
ralisme » et du « contextualisme radical » (Grossberg, 2006). L’articulation
ainsi mise en avant permet d’affirmer la singularité de la démarche : il s’agit
de saisir le sens des pratiques non plus dans les pratiques elles-mêmes, mais
dans les univers de signification du champ social dans lequel elles opèrent.

Cette conjoncture épistémologique peut expliquer que l’économie politique


n’ait pas été audible à ce moment précis. Garnham maintient en outre que
Grossberg et d’autres n’ont pas compris ce qu’il explicitait, à savoir que les
processus matériels sont organisés de telle manière qu’on peut les analyser et
les décrire en tant que capitalisme (Garnham et Fuchs, 2014) 6. De ce point de
vue, d’après Garnham, les dimensions culturelles de la vie quotidienne, aussi
signifiantes soient-elles, sont peu importantes pour les individus par rapport
aux contraintes matérielles, ou à la montée des inégalités. « Je pense qu’au
sein des cutlural studies, […] les effets de ce qui est étroitement nommé “pra-
tiques culturelles” sur la vie en général et sur son développement étaient exa-
gérés […]. Les débats importants ne sont pas culturels, ils ne concernent pas
les médias sociaux et ce genre de choses ; ce n’est que la mousse en surface »
(ibid., p. 115, notre traduction). Aujourd’hui, d’après Garnham, les rapports
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de force théoriques ont changé avec la crise économique. Ainsi, concernant
la propagation du numérique, alors qu’on pensait qu’internet allait favoriser
la démocratie et la liberté, de nombreux travaux socio-historiques d’écono-
mie de la communication expliquent communément que la configuration de
la production partage de nombreux points communs avec les autres marchés
culturels (Flichy, 2009), avec quelques grandes entreprises qui dominent les
filières (Apple, Facebook, Google, Amazon…). Ces éléments recoupent les
travaux de la plupart des auteurs en EPC (via « la dialectique du tube et du
catalogue » par exemple). Les travaux en EPC apportent de fait de nombreux
éclairages sur la circulation du capital dans les industries de matériels, de
contenu et de réseaux (Bouquillion, 2012b).

6. On retrouve le même genre d’analyse chez Bouquillion (2012a) lorsqu’il décrit les tentatives
anglaises de penser la dimension culturelle de l’économie qu’il associe à une perspective
idéaliste (expliquer l’économie à partir de la superstructure culturelle).
Cultural studies et économie politique de la communication 107

De leur côté, les CS aussi ont évolué et la prise en compte des inégalités et des
conditions matérielles (conditions de travail par exemple) ont été de plusieurs
manières intégrées (McRobbie, 2002), notamment au sein de la mouvance
qu’on nomme Cultural Economy (Ray et Sayer, 1999 ; Du Gay et Pryke, 2002).
Elles montrent que les échanges marchands ne sont pas aussi mécanistes que
l’économie classique et néoclassique le postule (offre, demande, prix, quan-
tité). Les travaux de Polanyi qui cherchent à démontrer que, pour comprendre
l’économie, il faut la réencastrer dans un environnement politique et cultu-
rel, ont été pris au sérieux, redécouverts et rediscutés (Guibert, 2006, 2014 ;
Hillenkamp et Laville, 2013). Il s’agit en outre d’interroger la notion même
d’économie comme un concept daté historiquement et réifié chez les libéraux
comme chez les auteurs critiques (Butler, 2010). Il apparaît alors que, malgré
son opposition aux postulats néolibéraux, l’EPC, en conservant une perspec-
tive classique de l’« économie » et en l’associant au mode de production capi-
taliste, n’aurait peut-être pas déployé toute la pertinence du concept. L’EPC a
donc besoin des travaux des CS pour complexifier l’économie dans sa dimen-
sion culturelle. De la même manière, les CS ont besoin des recherches menées
par l’EPC à partir de son prisme d’analyse centré sur les filières de produc-
tion de la culture et des médias (et au-delà, de données envisagées dans une
perspective globale, au niveau mondial). Or on pourrait presque dire que ces
récents débats rejoignent les intuitions de Williams, qui, avec le matérialisme
culturel, soulignait les inégalités économiques et sociales et simultanément, et
parfois contradictoirement, la force communautaire de la culture.
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L’héritage différencié du marxisme au sein des CS et de l’EPC génère par ail-
leurs des conséquences en ce qui concerne la position du chercheur au sein des
recherches entreprises par les deux courants. Dès les années 1960, la relecture
du marxisme au sein des CS se marie avec la prise en compte des représen-
tations et de la subjectivité, notamment du point de vue de la conscience de
classe en milieu ouvrier. Avec Hoggart, Hall et Williams, les CS font leur
l’idée que toute production scientifique est affectée par la position sociale du
chercheur. C’est là sans doute l’un des gages de renouvellement permanent du
domaine, mais aussi de sa contestation de l’intérieur. On a assisté dès l’école
de Birmingham à de nombreuses discussions sur les angles morts des travaux
sur les pratiques de la classe populaire, et notamment ses dimensions genrées
(McRobbie et Garber, 2008 [1975] ; Skeggs, 2015 [1997]). À travers de tels
débats, les CS n’ont eu de cesse d’opérer des décentrements, faisant se suc-
céder un paradigme à un autre, avec chaque fois l’ambition d’embrasser la
complexité des processus culturels contemporains. Une telle démarche a en
108 Réseaux n° 192/2015

outre contribué à identifier de nouveaux terrains de conflictualité et à faire


émerger de nouvelles forces de transformation (Cervulle et Quemener, 2015,
p. 116). À l’inverse, l’EPC voit dans l’implication de l’enquêteur par rapport
à son terrain d’étude une possible remise en cause de l’objectivité des résul-
tats de la recherche. Dans la tradition de l’économie politique classique et du
marxisme scientifique, elle est davantage en quête d’une universalité, ou pour
le moins d’une certaine généralisation des mécanismes de production analy-
sés. Par exemple, Bouquillion dénonce « une position renouvelée de certains
pans du monde académique, proches de la consultance et désireux de contri-
buer, aux côtés des institutions publiques et des acteurs socio-économiques,
aux changements en cours » (Bouquillion, 2012a, p. 44). Le chercheur, afin de
garantir son indépendance par rapport aux contraintes économiques, en par-
ticulier marchandes, doit ainsi conserver un statut extérieur aux productions
culturelles et médiatiques, quitte à ce que sa position soit taxée « d’élitiste
ou de réactionnaire » (ibid.), quitte aussi à ce que la position d’extériorité ne
néglige la complexité des subjectivités.
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