La République Des Mâles

La République des mâles : les masculinités politiques dans
les médias en France (années 1980-1990)

Pierre-Emmanuel Guigo
Dans Le Temps des médias 2021/1 (n° 36), pages 139 à 155
Éditions Nouveau Monde éditions
ISSN 1764-2507
ISBN 9782380942118
DOI 10.3917/tdm.036.0139
© Nouveau Monde éditions | Téléchargé le 18/01/2024 sur www.cairn.info via Université de Lille - Sciences Po Lille (IP: 194.254.129.28)
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La République des mâles : les masculinités

politiques dans les médias en France
(années 1980-1990)
Pierre-Emmanuel Guigo *
« À la tête de l’UMP, il faut un lité, dont le récent discours martial
président qui a des couilles 1 » avait d’Emmanuel Macron face à la crise
déclaré Bruno Le Maire, alors en de la COVID 19 3, ou les postures
pleine campagne pour la présidence provocatrices de Donald Trump 4
du parti (2014). L’affirmation peut sont d’autres traces.
surprendre venant d’une personne Dans leur article consacré à la viri-
connue pour son flegme, sa pondéra- lité de Nicolas Sarkozy, Catherine
tion. Si l’ancien ministre de l’Agri- Achin et Elsa Dorlin ont mis en avant
culture se sent obligé, dans la course les mutations dans les formes de mas-
à la direction de son parti, de mon- culinités mobilisées 5. C’est long-
temps une « virilité-privilège », c’est-
trer ainsi les muscles, c’est que le style
à-dire dominante et n’ayant « pas
de masculinité qui le caractérisait
besoin d’être activement et ostensi-
jusque-là – sobriété, calme du haut
blement travaillée, exploitée ou
fonctionnaire devenu gouvernant –
mobilisée » qui s’est exprimée de
ne fait plus recette face à un Nicolas manière insidieuse, mais aussi hégé-
Sarkozy qui n’a cessé depuis le début monique 6. Dans une vie politique
des années 2000 de jouer de la virilité où les femmes sont rares, il n’est pas
pour s’imposer dans la lutte pour le nécessaire de se réaffirmer en perma-
pouvoir 2. La domination masculine nence en tant qu’homme. Cette mas-
autrefois discrète, n’ayant pas besoin culinité discrète façonne néanmoins
de se rappeler au bon souvenir de un imaginaire du bon gouvernant
tous, semble marquer le pas à une reposant sur les principes d’une viri-
réaffirmation continuelle de la viri- lité bourgeoise héritée du
* Maître de conférences en histoire à l’Université Paris-Est Créteil, Centre de recherche en histoire

européenne comparée (CRHEC)
pierre-emmanuel.guigo@u-pec.fr
No 36 – printemps-été 2021 139 Le Temps des Médias

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MASCULINITÉS MÉDIATIQUES
XIXe siècle. La maîtrise de soi, la s’adaptent à la nouvelle donne poli-

tempérance, la force de caractère, le tique (sans pour autant s’inscrire dans
sens des responsabilités caractérisent un cadre unique de domination).
le « bon » dirigeant politique 7. Toutefois, nous appuyant sur la
Quant au corps, s’il ne laisse aucune dichotomie de Catherine Achin et
ambiguïté sur le sexe de la personna- Elsa Dorlin, nous utiliserons le terme
lité, il évite l’ostentation outrancière de « virilité » qui renvoie plus préci-
réservée aux classes populaires et aux sément aux masculinités domina-
colonisés 8. Toutefois, les deux trices et à leurs représentations. Les
autrices voient dans la fin des années virilités « ressource » comme « privi-
1980 un moment structurant dans la lège » s’inscrivent dans la « masculi-
remise en cause de cette « virilité- nité hégémonique » théorisée par
privilège » au profit d’une « virilité- Connell 11.
ressource ». Cette dernière utiliserait Nous avons choisi de nous
des stéréotypes moins policés du viril concentrer sur l’étude de ces repré-
– force, vulgarité, agressivité – pour sentations au travers de la télévision
s’imposer, en particulier en opposi- qui, dans les années 1980, atteint un
tion à la montée en puissance des apogée en termes d’audience, de dif-
femmes et outsiders – homosexuels, fusion et de prescription 12. C’est
minorités – dans l’espace politique. l’époque phare des grandes émissions
Longtemps marginalisée au sein des politiques (7/7, L’heure de vérité,
seuls courants populistes, cette viri- Questions à domicile, etc.), mais aussi
lité-ressource atteint désormais le de la caricature avec le Bébête Show,
centre du pouvoir politique, comme puis, au début des années 1990, des
l’a montré l’exemple de Nicolas Sar- Guignols de l’Info qui jouent un rôle
kozy 9. Décisives dans le renforce- essentiel dans la construction et la
ment de la virilité-privilège, les diffusion des représentations gen-
années 1986-1995 que nous étudions rées 13. Se déploient également sur le
ici permettent de comprendre ce bas- petit écran de nouveaux formats
culement. Le terme de virilité a été mélangeant l’information au divertis-
plutôt employé par l’historiographie sement (infotainment) et montrant le
française, alors que le reste des politique sous l’angle de la vie privée
sciences sociales lui préfère le (peopolisation 14). Enfin, nous pren-
concept de « masculinité », et même drons en considération les sondages
de « masculinités » 10, qui permet d’opinion et les enquêtes qualitatives,
d’étudier comment les masculinités souvent révélateurs des représenta-
se construisent, se concurrencent et tions stéréotypées qui se forment
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LA RÉPUBLIQUE DES MÂLES : LES MASCULINITÉS POLITIQUES DANS LES MÉDIAS EN FRANCE
autour de ces identités politiques sont exclues du droit de vote.

genrées. Affirmer sa virilité dans l’espace
Notre étude porte sur quatre per- public n’est donc guère un enjeu
sonnalités politiques ayant occupé des électoral, tant être un homme est une
fonctions parmi les plus importantes chose banale en politique. Dans une
et incarnant des modèles différents de IIIe République marquée par le rejet
masculinités : Michel Rocard, de toute personnalisation et privilé-
ministre (1981-1985), député (1986- giant des personnalités sobres, jouer
1988), et Premier ministre (1988- aux mâles peut être perçu comme
1991) durant la période et représen- négatif. C’est le résultat d’un proces-
tant la continuité d’une virilité-privi- sus marquant le passage au cours du
lège ; Jacques Chirac, également XIXe siècle d’une masculinité valori-
Premier ministre (1986-1988) et sant l’agressivité, la force, le courage
opposant RPR aux gouvernements et la loyauté collective à une attitude
socialistes (1981-1986, 1988-1993), plus policée, valorisant la maîtrise de
assez représentatif du basculement soi et la recherche de conciliation 16.
entre virilité-privilège et virilité-res- Le politique est au cœur de cette
source ; Bernard Tapie et Jean-Marie mutation, mais il en devient aussi le
Le Pen incarnant parfaitement la reflet avec la démocratisation de la
virilité-ressource, ainsi qu’une mar- société. L’image n’a que peu
ginalité au sein du jeu politique tra- d’impact sur le jeu politique, par
ditionnel. conséquent il paraît moins important
de faire valoir ses capacités, dans un
jeu parlementaire qui exclut toutes
La remise en cause les formes trop agressives d’expres-
de l’écosystème viril sion de soi 17. Avec l’affermissement
dans les années 1970-1980
d’un modèle républicain 18
La Ve République : une république s’appuyant largement sur le rejet du
virile ? régime précédent, le bonapartisme,
La République s’est en bonne qui puisait une part de sa légitimité
partie fondée durant la Révolution dans la conquête militaire, le recours
sur la « non inclusion » des femmes. à la force virile par les acteurs poli-
Pour les révolutionnaires, inspirés par tiques en est d’autant plus mar-
la Rome antique, le bon citoyen est ginalisé.
nécessairement un homme, capable Pour trouver ainsi le recours à une
de défendre sa patrie en cas de virilité-ressource, il faut s’intéresser à
besoin 15. Jusqu’en 1944, les femmes ceux qui s’opposent à la République
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bourgeoise de la fin du XIXe siècle. l’Algérie française et/ou de groupes

Dans la culture ouvrière, la référence antiparlementaires comme les pou-
à la force du travailleur est très pré- jadistes 23.
sente. La propagande socialiste révo- La Ve République modifie l’éco-
lutionnaire met ainsi en avant son système de genre viril qui prédomi-
corps musclé s’opposant à celui du nait à l’époque de la démocratie
bourgeois bedonnant 19. À l’autre parlementaire. Le nouveau régime
bord de l’échiquier politique, fondé sur une valorisation de la
l’extrême droite s’enorgueillit de la figure présidentielle impose de nou-
virilité de ses membres opposée à la veaux codes. À une IVe République
mollesse du parlementarisme. Le dépeinte comme « faible », le nou-
coup de force est ainsi une pratique veau régime veut opposer un pou-
valorisée, allant des défilés paramili- voir exécutif fort pour répondre à la
taires – Les camelots du roi, les Croix crise qui touche la France à la fin des
de feu, Solidarité française –, jus- années 1950. La figure présidentielle
qu’aux attentats – la Cagoule dans les est nettement revalorisée et peut
années 1930. L’expérience militaire s’appuyer sur la légitimité acquise par
et même guerrière après le premier de Gaulle pendant la guerre. Le
conflit mondial y est particulière- Général apparaît ainsi comme celui
ment valorisée 20. Le Parti Populaire qui a évité à la France « l’émascula-
Français de Jacques Doriot s’appuyait tion 24 » et il renvoie le régime des
ainsi sur une mythologie de la « viri- partis à un type de gouvernement
lisation spartiate 21 » promouvant « efféminé 25 ». Toutefois, il ne faut
l’activité physique, la camaraderie, le pas y voir une totale révolution de
goût du plein air, et le recours à la l’identité stratégique masculine
violence. Le chef du parti qui s’est dominante. Si de Gaulle s’appuie sur
déjà illustré par ses exploits physiques sa figure de chef militaire, la démons-
pendant la guerre s’est fait fort depuis tration de force reste secondaire chez
les années 1920 d’affronter à mains lui. Le recours à la violence, l’agressi-
nues la police, d’abord comme com- vité restent encore largement tabous
muniste, puis comme fasciste après la dans le jeu politique contemporain.
fondation du PPF, lui permettant de Quant au corps du Général, il reste
se construire une « ressource peu visible, caché derrière la redin-
virile 22 ». Avec la IVe République, gote ou l’uniforme. Patrick Clastres
c’est à nouveau à l’extrême droite note ainsi sa faible musculature et
qu’on trouve cet usage de la virilité- une pratique sportive limitée 26. Son
ressource de la part des partisans de successeur Georges Pompidou main-
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tient cette posture, la légitimité mili- contribuant encore à marginaliser le

taire en moins. Il n’en méprise pas recours à la force virile dans le champ
moins le recours à une virilité mus- politique. La décennie des années
culaire arborée par son Premier 1970 est ainsi celle d’un affaiblisse-
ministre Jacques Chaban-Delmas : ment progressif du PCF, pourtant
conduit par un Georges Marchais
« Jacques Chaban-Delmas se veut
jeune, beau, séduisant et sportif. Il
gouailleur, et l’extrême droite peine
refuse de vieillir, se livre pour cela à son à percer avec les 0,75 % de Jean-
sport favori, le tennis, et assure la relève Marie Le Pen à l’élection présiden-
en se mettant au golf. Il aime les tielle de 1974.
femmes, toujours passionné, seul chan-
geant l’objet de sa passion 27. » La présence croissante
des femmes en politique remet
Cette primauté maintenue de la en cause la virilité-privilège
virilité-privilège se trouve renforcée Cet écosystème favorable à la viri-
par le rôle croissant de la haute admi- lité-privilège se modifie au cours des
nistration et plus particulièrement années 1970, d’abord avec l’émer-
des énarques dans le champ politique gence politique des femmes. Jusque-
de l’époque. La haute administration là en effet, la vie politique française
se caractérise en effet par une virilité avait servi de réservoir à la masculi-
discrète, d’apparence neutre, nité-privilège en raison de l’absence
s’appuyant en fait sur des codes quasi-totale des femmes. Leur pré-
sociaux particulièrement associés à la sence dans les gouvernements est très
virilité dans la lutte pour sa respecta- limitée jusqu’au premier gouverne-
bilité : rigueur gestionnaire, scienti- ment de Jacques Chirac en 1974 qui
ficité, flegme, efficacité 28. Cette voit Simone Veil à la tête du minis-
masculinité technocratique apparaît tère de la Santé. Cette place des
en outre plus moderne et plus adap- femmes s’accroît au cours des années
tée à une société sortie de la guerre suivantes, jusqu’à l’accession à Mati-
et faisant face à des problèmes écono- gnon d’Édith Cresson en 1991.
miques croissants à partir des années Comme le soulignent Catherine
1970 29. Elle atteint ainsi son âge d’or Achin et Elsa Dorlin dans le cas de
durant cette décennie avec Valéry Nicolas Sarkozy, la réactivation d’une
Giscard d’Estaing comme incarna- virilité-ressource n’est pas sans lien
tion. Ces profils politiques cherchent avec la place prise par les femmes en
à dépassionner la politique et prônent politique 30. Être un homme ne va
un dépassement des idéologies, plus de soi dans un monde désormais
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occupé également par les femmes. gouvernement de cohabitation

Ce phénomène de réaction virile (1986-1988), fera également face aux
n’est pas propre à la politique, on en attaques sexistes de ses adversaires,
trouve aussi des traces dans les suite à sa tentative d’autonomisation
milieux ouvriers de la fin du à l’égard de Jacques Chirac 34.
XIXe siècle ou du début du Toutefois, l’émergence des
XXe siècle, au moment où le monde femmes en politique ne suffit pas à
ouvrier se féminise. La virilité exa- expliquer cette recherche de virilité.
cerbée devient donc une ressource Comme le montre George Mosse,
pour se différencier de celles-ci et les c’est plus par érosion que par
disqualifier. Dans cette décennie des confrontation que décline le modèle
années 1980, cela se traduit par une masculin traditionnel 35.
grande agressivité à l’égard des
femmes de pouvoir soumises à une Exaltation du corps
stratégie de délégitimation. Le cas dans la société médiatique
d’Édith Cresson est bien connu 31. La remise en cause de la « virilité-
Faisant rapidement face à un achar- privilège » découle aussi du rapport
nement médiatique qui sape son au corps des politiques. Celui-ci est
image dans l’opinion avec 22 % peu perceptible par le grand public
d’opinions favorables (baromètre jusque-là, sauf en meetings ou en
TNS Sofres), elle est l’une des Pre- dialogue direct. Grâce à l’émergence
miers ministres les plus impopulaires de la photo de presse d’abord, puis de
de la Ve République. À la condescen- la télévision, le corps des politiques
dance, qui dominait jusque-là de la devient un outil de conquête du
part des privilégiés de la virilité, se pouvoir. La radio joue aussi un rôle
substitue une violence verbale exa- essentiel. Largement utilisée par les
cerbée. Lors de son entrée dans régimes totalitaires, elle participe du
l’arène politique au milieu des années culte du chef viril par la retransmis-
1970, ses adversaires de droite se sion des discours fleuves, autant de
montrent plutôt paternalistes avec « péroraisons jaculatoires 36 ». À la
elle 32. Arrivée à Matignon en 1991, télévision, le corps des politiques sert
elle devra affronter un nombre sans la performance médiatique. Il a déjà
précédent d’insultes et de remarques été montré comment de Gaulle use
sexistes. Charles Pasqua la qualifiera de sa présence physique pour en
par exemple de « perroquet de Mit- imposer à l’écran 37. Les années 1970
terrand 33 ». À droite, Michèle Bar- voient le développement de ce que
zach, ministre de la Santé dans le l’on n’appelle pas encore la « peopo-
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lisation », la mise en scène de la vie même de répondre à la crise écono-

privée. Le corps séducteur se montre mique. Mais la durée de celle-ci la
de plus en plus, contribuant à désta- fragilise progressivement. Le pouvoir
biliser une virilité-privilège toute de politique apparaît de manière crois-
discrétion. Valéry Giscard d’Estaing sante impuissant à relancer l’écono-
s’affiche à plusieurs reprises prati- mie, à stabiliser l’inflation et à faire
quant le sport, interviewé torse nu baisser le chômage. Dans ce contexte
après un match de football, alors qu’il de crise, la force revendiquée rede-
est ministre des Finances, ou en cou- vient un argument porteur. Le terme
verture de Tennis Magazine en va peu à peu se retrouver dans les slo-
1976 38. Connu de tous, le corps gans électoraux de la célèbre « Force
politique doit se discipliner. tranquille » de François Mitterrand à
L’embonpoint n’est pas aboli mais se « une force pour la France » de Jean-
raréfie. La grosseur est de plus en plus Marie Le Pen en 2002.
considérée comme un signe de lais- Dans cette société médiatique, le
ser-aller 39. On abandonne aussi la procès en masculinité devient de plus
cravate, pourtant symbole de la viri- en plus un outil de délégitimation
lité-privilège 40. Cette révélation du politique. Il touche en particulier les
corps politique ouvre ainsi la porte à personnalités politiques qui restent
une (ré)utilisation croissante de la fidèles à la virilité-privilège classique.
puissance physique comme méta- Il en est ainsi de Michel Rocard ou
phore de la capacité à gouverner. d’Édouard Balladur qui rejettent
toute mise en scène de soi durant
cette période. Michel Rocard bride
La virilité exacerbée : ainsi les tentations d’un traitement
une ressource devenue sous l’angle people de sa personne.
incontournable ?
Lors de l’émission Questions à domicile
Une modiﬁcation des stratégies en 1985, il présente certes son appar-
des leaders républicains tement, mais ses enfants en sont
Les années 1970-1980 sont mar- absents, et son épouse se trouve
quées par une crise économique et d’abord dans la cuisine où elle
politique. L’écosystème à l’origine de coud… avant de rejoindre son mari
ce que l’on a pu appeler les « Trente sur le canapé pour finir l’inter-
glorieuses » se fissure rapidement. view 41. D’homme « évidemment »,
Nous avons vu plus haut comment la il devient une figure plus complexe
virilité de l’expert s’impose durant durant son passage à l’hôtel de Mati-
cette période, semblant la plus à gnon. Il est ainsi décrit comme une
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femme au foyer, dans le « couple » d’un serviteur s’exclame à tout bout

président-Premier ministre. Au pre- de champ en levant les yeux au ciel :
mier le « grand dessein », la direction « doux Jésus ». Lors de sa victoire, la
des armées, alors que Michel Rocard marionnette de Jacques Chirac
doit s’occuper des problèmes quoti- éructe : « J’ai niqué couille molle ».
diens du pays. Le dessinateur Pancho Ce registre de délégitimation de la
le montre ainsi en « petit chaperon part des créateurs de l’émission, se
rouge » prêt à se faire dévorer par les revendiquant tous d’origines popu-
loups du PS 42. Lors de la Guerre du laires 46, n’est pas sans faire penser à
Golfe, le Premier ministre disparaît l’affichage ou à la caricature du mou-
du premier plan au profit du prési- vement ouvrier qui oppose à la viri-
dent qui apparaît seul aux manettes. lité du travailleur la non-virilité du
Après son départ de Matignon en bourgeois.
1991 et sa défaite électorale aux élec-
tions législatives de 1993, Plantu le Une virilité-ressource qui en vient
dépeindra en homme impuissant à à menacer le centre de l’échiquier
faire jouir une femme à laquelle il politique
semble pourtant avoir promis « un La période des années 1980 est
gros bang 43 ». Il rapetisse aussi au fur aussi marquée par le retour en force
et à mesure de la caricature 44. Décrit de la virilité-ressource. Les trois
comme un petit homme, les Guignols figures qui incarnent le mieux ce
s’amusent à le faire disparaître sous le registre sont Bernard Tapie à gauche,
plateau de télévision, au fur et à Charles Pasqua à droite et Jean-Marie
mesure de ses échecs. Le Pen à l’extrême droite. Les deux
Édouard Balladur, pourtant incar- derniers ne cachent pas avoir usé de
nation parfaite de la masculinité la violence dans leur jeunesse, l’un
énarchique, est aussi l’objet comme résistant, puis comme
d’attaques de ses concurrents et de homme de main du gaullisme, et
caricatures visant son absence de viri- l’autre comme soldat lors de la
lité. Sa placidité n’est plus ici syno- Guerre d’Algérie. Le Front National
nyme de sérieux, comme cela fut le reprend dans ses grandes lignes le dis-
cas de Valéry Giscard d’Estaing, par cours de l’extrême droite antiparle-
exemple, ou, plus tard, de Laurent mentaire des années 1930 et des
Fabius 45, mais au contraire de mol- partisans de l’Algérie française dans
lesse, de manque de poigne. La les années 1960. Todd Shepard a bien
marionnette d’Édouard Balladur aux montré comment la rhétorique de
Guignols, en permanence assistée l’efféminement a été utilisée par les
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mouvances d’extrême droite après sieurs reprises avec des manifestants

1962 pour critiquer le pouvoir gaul- et bouscule même la candidate socia-
liste, accusé de s’être « couché » liste. À un militant qui l’apostrophait
devant le FLN 47. Cette extrême il hurle : « Je vais te faire courir, moi,
droite remobilise ces représentations rouquin… Pédé ». Avant de s’esclaf-
en plein mai 68 pour railler les mani- fer tout sourire : « Ah ça me rajeu-
festants. C’est ce corpus d’images que nit 54 ». Ce retour du viril chez
reprend Jean-Marie Le Pen. Selon Le Pen est aussi une critique de la
lui, l’affaiblissement de la nation se démocratie « amollie » des années
révèle dans sa perte de virilité. En 1980. Ce registre de discours se
témoigne la dénonciation constante retrouve d’ailleurs concomitamment
par le parti, au moins jusqu’à l’arri- aux États-Unis, comme le note
vée de Marine Le Pen à la tête du Antoine de Baecque à travers la
FN, du « lobby gay » et de son figure de Stallone : « c’est la révolte
influence réputée néfaste 48. La du corps du peuple contre le pouvoir
recherche de la rixe de rue reste un des élites, qui s’incarne dans l’appa-
moyen de socialisation important des rence virile et sauvage sculptée par
militants du parti 49. Le chef reven- Sylvester Stallone 55 ».
dique sa virilité. Il rejette qu’il puisse Bernard Tapie, nettement plus
y avoir « des folles » au FN 50, qu’« on jeune (il est né en 1943), n’en impose
les envoie se faire voir ailleurs 51 ». Il pas par son passé combattant mais par
médiatise largement son corps dans la forme sportive qu’il arbore. La
des postures viriles, lors d’une bai- décennie des années 1980 est celle du
gnade en plein hiver à Nice 52 – qu’il sport roi. Dans une société où le
souhaite conquérir un an plus tard – recours à la force n’est plus légitime,
ou en pratiquant des sports associés à le sport est la dernière façon
la force masculine comme la boxe 53 d’affirmer la supériorité de l’homme
ou le rugby (doc. 1). sur la femme 56. La pratique du jog-
De la guerre et de ses premières ging s’empare des personnalités poli-
années comme militant d’extrême tiques qui veulent toutes apparaître
droite il a gardé le goût du coup de jeunes, dynamiques. La peopolisation
poing, auquel il n’hésite pas à recou- en plein essor vient renforcer cette
rir alors qu’il est une personnalité tendance. Se montrer en train de
nationale de premier plan. Ainsi, courir est une manière de se démar-
venu soutenir sa fille Marie-Caroline quer du reste du monde politique,
Le Pen, candidate aux élections légis- d’apparaître plus proche des citoyens,
latives, il en vient aux mains à plu- le sport étant censé faire disparaître
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Doc. 1 – Jean-Marie Le Pen pratiquant la boxe dans sa maison de Saint-Cloud, 7/03/1988.
les inégalités sociales 57. Contraire- duo de gymnastes télévisées Véro-

ment à la pratique du golf par Fran- nique et Davina et se montre notoi-
çois Mitterrand ou du tennis par rement à l’aise. Il donne ensuite une
Valéry Giscard d’Estaing, Bernard interview tout en sueur, maillot de
Tapie choisit des sports populaires : la corps rouge serré dans laquelle il en
gymnastique, la course et surtout le profite pour faire la leçon à ses pairs
football. Comme Jean-Marie Le Pen qui n’ont pas les mêmes valeurs 59
et même encore plus que ce dernier, (doc. 2).
il use abondamment des médias pour Comme le souligne André Rauch,
mettre en scène sa virilité. Sa noto- il incarne la virilité flamboyante du
riété médiatique est bien assise depuis businessman qui tente de s’insérer
le début des années 1980. Il a même en politique :
eu pendant un an sa propre émission : « À force de rodomontades et de
Ambitions 58. Les journalistes et pré- coups de gueule bravaches, cultivant un
sentateurs savent qu’avec lui ils ont look tout en présence physique, “sou-
rire Ultra-Brite”, costumes “Super
un « bon client » qui évitera toute
100”, “bien dans sa peau”, il brave les
langue de bois et tunnels. L’homme règles et les lois, et n’hésite pas à ren-
d’affaires reçoit ainsi l’invitation de voyer dans les cordes ses concurrents
l’émission Gym Tonic du légendaire financiers ou adversaires politiques 60. »
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dits des « quartiers » qui cherchent à

rebâtir une virilité écornée par les
années d’immigration de leurs
parents et la période de la colonisa-
tion 64. Dans ses interventions télévi-
sées, Bernard Tapie n’hésite pas à
utiliser un langage populaire, voire
argotique. Au contraire, la virilité
lepéniste se veut un rempart face à la
Doc. 2 – Bernard Tapie participe à l’émission Gym masculinité jugée dangereuse du
Tonic, 17/06/1984, Antenne 2. jeune immigré. Il réactive là un ima-
ginaire hérité de la colonisation, fai-
Paradoxalement, reprenant les sant de l’homme « indigène » une
codes du businessman à qui tout menace pour la virilité « blanche 65 ».
réussit, c’est auprès d’un public A contrario de Bernard Tapie qui
populaire que « Nanard » obtient le abaisse son niveau de langage, Jean-
plus de succès. Selon un sondage Marie Le Pen se fait fort d’employer
Louis-Harris de juillet 1986, ce sont une langue soutenue lors de ses pas-
les employés et les professions inter- sages télévisés et de rappeler à l’ordre
médiaires qu’il séduit le plus 61. En le président de l’Olympique de Mar-
effet, derrière la figure du business- seille sur sa manière de parler : « vous
man, du patron à qui tout réussit, par venez des bas-fonds, mais quand
son langage fleuri, voire son goût du même surveillez votre langage 66 ».
Ce retour du viril n’est d’ailleurs
vulgaire, Bernard Tapie semble ravi-
pas sans lien avec l’essor d’un senti-
ver une virilité ouvrière 62 délaissée
ment d’insécurité au sein de la
par les communistes. Lui-même ne
société et la multiplication des atten-
cesse de se référer à ses origines tats durant la période. C’est dans les
populaires dans la banlieue pari- années 1980 qu’émerge véritable-
sienne. Le patron s’approprie ici un ment la figure du ministre de l’Inté-
parler ouvrier, afin d’ouvrir une rieur « musclé », collant d’ailleurs aux
nouvelle piste, non pas la libération représentations genrées de sa base 67.
collective, mais la réussite indivi- Charles Pasqua, « premier flic de
duelle : « Sa réussite donne cours aux France » durant les deux cohabita-
nouveaux rêves de promotion sociale tions (1986-1988, 1993-1995),
et promet la fortune aux auda- n’hésite pas à employer un vocabu-
cieux 63 ». Cette virilité-ressource est laire agressif pour effrayer les délin-
aussi le moyen de séduire les jeunes quants et « terroriser les terroristes ».
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On retrouvera des traits de ce modèle avec Jean-Marie Le Pen, il obtient le

pasquaien chez des ministres de surnom de « big balls ».
l’Intérieur ultérieurs, comme Jean- Contrairement aux périodes précé-
Pierre Chevènement, Nicolas Sar- dentes, ces virils assumés parviennent
kozy bien sûr, mais aussi Manuel à se rapprocher du centre du pouvoir,
Valls. ce qui semblait impensable précédem-
Cette virilité-ressource culmine ment. Jean-Marie Le Pen est élu
avec le « duel des balaises ». Lors député en 1986, et obtient 14,5 % des
d’une émission avec Patrick Poivre voix à l’élection présidentielle de
d’Arvor, Jean-Marie Le Pen et Ber- 1988, bien que son ascension poli-
nard Tapie se retrouvent confrontés tique ne soit évidemment pas du seul
et répondent aux attentes des journa- fait de son image musclée. Quant à
listes en haussant le ton d’entrée de Bernard Tapie, repéré par François
jeu, Jean-Marie Le Pen traitant Ber- Mitterrand, il entre au gouvernement
nard Tapie de « tartarin, de bluffeur ». en 1992 comme ministre chargé de la
Ce à quoi Bernard Tapie répond : ville, et, candidat aux élections euro-
« Ce n’est pas parce que vous avez péennes de 1994, sa liste se hisse à la
une grande gueule et que vous parlez troisième place, juste derrière celle de
fort que ce que vous dites est vrai ». Michel Rocard dont il enterre ainsi
La menace de l’affrontement phy- la carrière.
sique plane sur le débat, Bernard
Tapie répondant à une provocation Une virilité-privilège qui reste
de Jean-Marie Le Pen en disant : « je incontournable
me fâche gravement ». Ce à quoi le Cette période n’est toutefois pas le
leader du Front National lui chant du cygne de la virilité-privilège.
rétorque : « ne me menacez pas phy- Celle-ci continue à occuper le centre
siquement, il vous en cui- du pouvoir. La mobilisation d’une
rait 68 ». Cette virilité-ressource virilité exacerbée par certains acteurs
trouve un écho dans la satire de politiques leur permet d’exister mais
l’époque, qui loin de la rejeter, la ne suffit pas à leur réussite. Bernard
porte au contraire au pinacle. Ainsi, Tapie, Jean-Marie Le Pen ne sont pas
les Guignols de l’info font de Bernard parvenus à contenter leur ambition.
Tapie un personnage récurrent au D’ailleurs, si le débat de 1989 avait
langage fleuri et tout en muscle. Ses suscité de larges audiences, le cadrage
répliques vulgaires et viriles font la médiatique pour leur second débat en
joie des téléspectateurs amateurs de 1994 est très différent. Le présentateur
l’émission. Après ses deux débats Paul Amar tourne en ridicule leur
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flattent, par exemple, de « l’assagisse-

ment des propos dans la forme et sur
le fond » du Premier Ministre lors de
la cohabitation 71. Durant la cam-
pagne présidentielle de 1988, le can-
didat Chirac va tout particulièrement
s’y employer dans un affichage mon-
trant un candidat chaleureux et sym-
Doc. 3 – Paul Amar donne des gants de boxe à Jean- pathique, à l’écoute des électeurs. À
Marie Le Pen et Bernard Tapie pour leur débat, JT l’approche de 1995, cette stratégie
20h, 1/06/1994, France 2.
s’accentue encore. Les Guignols de
l’info, bon thermomètre de ces muta-
brutalité leur proposant d’utiliser des tions, s’en sont fait le reflet, le pré-
gants de boxe au cas où le débat dégé- sentant de plus en plus comme un
nérerait (doc. 3). Il les renvoie immé- personnage sympathique, plus pon-
diatement à leur « populisme ». Les déré. Son épouse, Bernadette, image
deux hommes, alors en quête de res- d’Épinal de la « dame patronnesse 72 »
pectabilité, font mine d’une gêne a joué là un rôle essentiel. Le « tom-
apparente et dénient toute intention beur » Chirac, surnommé « dix
d’en venir aux mains 69. minutes, douche comprise », valorise
La virilité-ressource peut aussi se dans cette campagne sa place de bon
transformer en stigmate qui nuit à la père de famille, métaphore de sa
respectabilité nécessaire pour capacité à diriger la nation. Ce chan-
atteindre le centre du pouvoir : la gement de stratégie a aussi pour but
direction de l’exécutif. C’est tout de s’adapter à la « cible féminine »,
particulièrement un défi pour selon le langage du marketing de
Jacques Chirac qui pâtit d’une image l’époque. Les études sociostyles lar-
de dureté et d’agressivité (26 % des gement employées par le personnel
sondés lui accolent cet adjectif en politique 73 sont censées montrer que
premier, selon un sondage Le Monde- les femmes sont plutôt rebutées par
Sofres de mars 1988). Il a abandonné les postures viriles décrites précé-
l’image du jeune homme avide de demment. Les hommes politiques
pouvoir, séducteur et agressif, au qui aspirent à rassembler derrière leur
profit d’un ethos de « père », selon les nom plus de 50 % de l’électorat pré-
conseils de son communicant, fèrent donc opter pour d’autres stra-
Jacques Pilhan 70. Les notes de Denis tégies et se montrer plus « doux »,
Muzet, PDG de Médiascopie, se « chaleureux », plus à l’« écoute 74 »,
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des critères jugés plus à même de marges. Le cœur du pouvoir ne peut

séduire les femmes. encore accepter à cette époque une
telle rupture. Ainsi, l’exemple de
Conclusion Jacques Chirac montre que, pour
accéder au centre du jeu, il a dû
Dans les années 1970-1980, la opérer une mutation de son image et
virilité-privilège qui dominait « adoucir » celle-ci jusqu’à renouer
jusque-là et n’avait pas besoin de avec la virilité-privilège. La victoire
prouver sa masculinité est remise en de Nicolas Sarkozy en 2007 semble
cause par le retour et l’accentuation pourtant montrer que la virilité-res-
d’un registre plus affirmé de virilité. source n’est plus autant un repoussoir
Réaffirmer ses attributs d’homme en ce XXIe siècle. Pour s’imposer
devient une ressource dans la dans le jeu politique, après avoir été
recherche de notoriété et la conquête
marginalisé dans la deuxième moitié
du pouvoir, en réaction à la place
des années 1990, suite à son soutien
croissante des femmes, mais aussi
à la candidature d’Édouard Balladur,
pour se distinguer dans une période
Nicolas Sarkozy s’appuie largement
marquée par une impopularité crois-
sur un registre de communication
sante du personnel politique. Le
musclé. Ministre de l’Intérieur, il
recours à l’émasculation symbolique
de l’adversaire est de plus en plus uti- réemploie la stratégie de Charles
lisé, y compris par les principaux lea- Pasqua évoquant le passage au « Kar-
ders politiques de l’époque. Attaquer cher » des banlieues et l’impunité
l’adversaire, c’est aussi attaquer sa face aux délinquants. Cette stratégie
virilité, et par là même insinuer le lui permet en outre de se démarquer
doute sur ses capacités de gouver- d’un Jacques Chirac « assagi » et
nant. Pourtant cette virilité-res- vieilli. Son opposition à Ségolène
source, bien incarnée par Jean-Marie Royal lors de la présidentielle de
Le Pen et Bernard Tapie, ne suffit pas 2007 contribue encore à décupler le
à s’imposer dans le jeu politique. Elle phénomène. Avec son succès lors de
favorise l’ascension de ces personna- cette élection présidentielle, la viri-
lités dans un électorat déstabilisé par lité-privilège atteint ainsi le cœur du
la crise et en recherche de représen- pouvoir et transformant durablement
tants, mais les cantonne aussi aux l’image de la fonction.
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Notes 15. C. Nicolet, L’idée républicaine en

France. Essai d’histoire critique, Paris, Galli-
1. Le Point, 17/07/2014. mard, 1982.
2. C. Achin, E. Dorlin, « Nicolas Sar- 16. A.-M. Sohn, « Sois un Homme ! »,
kozy ou la masculinité mascarade du Prési- op. cit.
dent », Raisons politiques, vol. 3, no 31,
2008, p. 19-45. 17. P.-Y. Beaudot, O. Rozenberg,
« Lasses d’Elias : Des assemblées dé-paci-
3. Le président de la République, Emma-
fiées ? », vol. 1, no 14, Parlement(s), 2010,
nuel Macron, a en effet choisi un discours p. 6-17.
martial, qualifiant à plusieurs reprises la
situation de véritable guerre et organisant 18. S. Berstein, O. Rudelle, Le modèle
pour y faire face des « conseils de républicain, Paris, PUF, 1992.
Défense ». 19. T. Pillon, Le corps à l’ouvrage, Paris,
4. H. Mansfield, « La virilité vulgaire de Stock, 2012.
Donald Trump », Commentaire, vol. 1, no 1, 20. S. Berstein, La France des années 30,
2018, p. 191-196. Paris, Armand Colin, 2001 (4ème édition).
5. C. Achin, E. Dorlin, art. cit. 21. R. Girardet, « Note sur l’esprit d’un
6. Ibid., p. 24 fascisme français », Revue Française de
Science politique, vol. 5, no 3 1955, p. 529-
7. M. Coulomb-Gully, « Le genre des 546.
présidentielles. Femmes et hommes en
campagne », Mots. Les langages du politique, 22. P. Malgrati, « Cité rouge, cité brune,
no 112, 2016, p. 29-36. cité d’hommes : militantisme radical et
processus de virilisation à Saint-Denis dans
8. C. Achin, E. Dorlin, art. cit. l’entre-deux-guerres », Histoire@Politique,
9. Ibid. no 35, mai-août 2018.
10. A.-M. Sohn, « Sois un Homme ! ». La 23. R. Souillac, Le mouvement Pou-
construction de la masculinité au XIXe siècle, jade. De la défense professionnelle au populisme
Paris, Seuil, 2009, p. 15. nationaliste (1953-1962), Paris, Presses de
Sciences Po, 2007.
11. R.W. Connell, Masculinities, Cam-
bridge, Polity Press, 2008. 24. F. Virgili, La France « virile » : des
femmes tondues à la Libération, Paris, Édi-
12. M. Sauvage, I. Veyrat-Masson, His-
tions Payot et Rivages, 2000.
toire de la télévision française, Paris, Nouveau
Monde Éditions, 2014 (rééd.). 25. B. François, « Le Président pontife
constitutionnel. Charisme d’institution et
13. M. Couloumb-Gully, La démocratie
construction juridique du poli-
mise en scène. Télévision et élections, Paris,
tique », in J. Lagroye, B. Lacroix (dir.), Le
CNRS Éditions, 2001. Président de la République. Usages et genèses
14. J. Dakhlia, Politique People, Paris, d’une institution, Paris, Presses de la FNSP,
Bréal, 2008. 1992, p. 306.
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26. P. Clastres, « Générations athlétiques 36. J. Chapoutot, « Virilité fasciste » in

et éducations corporelles. L’autre accultu- A. Corbin, J.J. Courtine, G. Vigarello, His-
ration politique des présidents de la toire de la virilité, Paris, Seuil, « La virilité en
Ve République », Histoire@Politique, vol. 2, crise ? XXe-XXIe siècles », 2011, p. 297.
no 23, 2014, p. 73-96.
37. R. Brizzi, De Gaulle et les médias :
27. Georges Pompidou, cité par Patrick l’homme du petit écran, Rennes, PUR, 2014.
Clastres, art. cit.
38. C. Delporte, « Quand la peopolisa-
28. C. Stivers, Gender Images in Public tion des hommes politiques a-t-elle com-
Administration. Legitimacy and the Adminis-
mencé ? Le cas français », Le Temps des
trative State, Londres, Sage, 1993.
médias, no 10, 2008, p. 27-52.
29. F. Bastien, Le régime politique de la
39. M. Darmon, Devenir anorexique. Une
Ve République. Paris, La Découverte, 2011,
p. 9-28. approche sociologique, Paris, La Découverte,
2008.
30. C. Achin, E. Dorlin, art. cit.
40. F. Matonti, Le genre présidentiel,
31. Voir M. Coulomb-Gully, Femmes en enquête sur l’ordre des sexes en politique, Paris,
politique, en finir avec les seconds rôles, Paris,
La Découverte, 2017.
Belin, 2016 ; É. Schemla, Édith Cresson :
La femme piégée, Paris, Flammarion, 1993 ; 41. Questions à domicile, 26/06/1985,
F. Méchineau, Édith Cresson : parcours TF1.
médiatique et carrière politique de la première
42. Le Nouvel Observateur, 7/09/1989.
femme Premier ministre, mémoire de M2 his-
toire, sous la dir. de Myriam Tsikounas, 43. Tiré du recueil de dessins : Plantu,
Université Paris 1, 2008 ; D. Dulong Cohabitation à l’eau de rose, Le Monde Édi-
« Rôle de genre et drôle de genre. Édith tions, 1993.
Cresson Premier Ministre ou le mauvais
44. « Itinéraire d’un corbeau : la carrière
genre en politique », Les identités de genre en
politique, Juin 2011, Dijon, France ; P-E. caricaturale de Michel Rocard : 1965-
Guigo, « Drôle de genre. Bébête Show et 1995 », Analyse pour le site
Guignols de l’info face à la première MichelRocard.org.
femme à Matignon » in C. Passard (dir.), 45. P.E. Guigo, L. Pawelski, Communica-
De quoi se moque-t-on ? Les espaces de la tion politique, représentation médiatique.
satire, Paris, CNRS Editions, 2021. L’exemple de Laurent Fabius Premier ministre,
32. F. Méchineau, op. cit. Paris, Nouveau Monde éditions, à paraître.
33. Ibid. 46. Y. Derai, L. Guez, Le pouvoir des Gui-
34. M. Barzach, Vérités et tabous, Paris, gnols, Paris, Edition no 1, 1998, p. 30-31.
Éditions du Seuil, 1994. 47. T. Shepard, Mâle décolonisation.
35. G. L. Mosse, L’image de l’homme. L’« homme arabe » et la France, de l’indépen-
L’invention de la virilité moderne, Paris, Édi- dance algérienne à la révolution iranienne,
tions Abbeville, 1997. Paris, Payot, 2017.
154
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48. S. Crépon, Les faux-semblants du Front 63. A. Rauch, Histoire du premier sexe,
national, Paris, Presses de Sciences Po, op. cit., p. 477.
2015, p. 185-206.
64. C. Taraud, « virilité coloniale et post-
49. Ibid. coloniale », in A. Corbin, J.J. Courtine,
50. L’Heure de vérité, 13/02/1984, G. Vigarello, Histoire de la virilité, op. cit.,
Antenne 2. p. 399.
51. Discours de Jean-Marie Le Pen à 65. Ibid.

l’Université d’été du FN, 2/09/1995. 66. « Immigration en question », JT 13h,
52. Soir 3, 8/01/1988, FR3. 9/12/1989, TF1.
53. Il fait l’objet d’un reportage de presse 67. D. Fassin, La force de l’ordre, Paris,
le montrant pratiquant la boxe dans sa Seuil, 2011.
maison de Saint-Cloud. 68. « Immigration en questions », JT 13h,
54. JT 20h, 30/05/1997, Antenne 2 ; 9/12/1989, TF1.
J. Le Bohec, Sociologie du phénomène Le
69. JT 20h, 1/06/1994, France 2.
Pen, Paris, La Découverte, 2005, p. 32-49.
Il sera finalement condamné pour violence 70. F. Bazin, Le sorcier de l’Élysée, l’histoire
un an plus tard. secrète de Jacques Pilhan, Paris, Plon, 2009.
55. A. de Baecque, « Virilité à l’écran », 71. Archives Nationales, Fonds de Jacques
in A. Corbin, J.J. Courtine, G. Vigarello, Chirac Premier ministre, versement
Histoire de la virilité, op. cit., p. 454. 19890665/1, Note Médiascopie de Denis
56. C. Castelain-Meunier, Les métamor- Muzet, 30 mars 1987.
phoses du masculin, Paris, PUF, 2005. 72. F. Matonti, Le genre présidentiel,
57. J-B. Legavre, Conseiller en communica- op. cit., p. 244.
tion politique : l’institutionnalisation d’un rôle, 73. D. Georgakakis, « Une science en
Thèse sous la direction de Philippe Braud, décalage ? Genèses et usages des « socio-
Université Paris 1, 1993, p. 181-182. styles » du Centre de communication
58. Ambitions, TF1, 1986-1987. avancée (1972-1990) », Genèses, no 29,
1997, p. 51-74.
59. Gym Tonic, 17/06/1984, Antenne 2.
74. C’est ce qu’on trouve dans les notes
60. A. Rauch, Histoire du premier sexe,
Paris, Hachettes Littérature, 2006, p. 474. du groupe de communication dans
l’entourage de Michel Rocard lors d’une
61. Ibid, p. 476. réunion dédiée aux femmes : Archives de
62. Thierry Pillon « virilité ouvrière » in Pierre Zémor, Carton 1988, Documents
A. Corbin, J.J. Courtine, G. Vigarello, His- de travail pour tableau de bord, « Cible
toire de la virilité, op. cit., p. 304-325. femmes », 17/02/1987.

La République Des Mâles

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La République des mâles : les masculinités politiques dans

les médias en France (années 1980-1990)

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La République des mâles : les masculinités

* Maître de conférences en histoire à l’Université Paris-Est Créteil, Centre de recherche en histoire

No 36 – printemps-été 2021 139 Le Temps des Médias

XIXe siècle. La maîtrise de soi, la s’adaptent à la nouvelle donne poli-

autour de ces identités politiques sont exclues du droit de vote.

bourgeoise de la fin du XIXe siècle. l’Algérie française et/ou de groupes

tient cette posture, la légitimité mili- contribuant encore à marginaliser le

occupé également par les femmes. gouvernement de cohabitation

lisation », la mise en scène de la vie même de répondre à la crise écono-

femme au foyer, dans le « couple » d’un serviteur s’exclame à tout bout

mouvances d’extrême droite après sieurs reprises avec des manifestants

les inégalités sociales 57. Contraire- duo de gymnastes télévisées Véro-

dits des « quartiers » qui cherchent à

On retrouvera des traits de ce modèle avec Jean-Marie Le Pen, il obtient le

flattent, par exemple, de « l’assagisse-

des critères jugés plus à même de marges. Le cœur du pouvoir ne peut

Notes 15. C. Nicolet, L’idée républicaine en

26. P. Clastres, « Générations athlétiques 36. J. Chapoutot, « Virilité fasciste » in

51. Discours de Jean-Marie Le Pen à 65. Ibid.

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