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© Presses de Sciences Po | Téléchargé le 05/05/2023 sur www.cairn.info via Université Paris 1 - Sorbonne (IP: 90.92.163.108)
DU TEMPS CONCÉDÉ
L’allongement temporel comme produit des luttes
politiques autour des restructurations du secteur public :
le cas de l’extinction des charbonnages en France
Anne-France Taiclet
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l’industrie charbonnière en France, qui s’est étendue sur près d’un demi-siècle. Il ana-
lyse ainsi la construction d’une capacité politique à imposer des pertes. L’article insiste
sur une stratégie particulière de blame avoidance reposant sur la temporalisation du
retrenchment, qui contribue à construire à la fois l’acceptabilité et l’irréversibilité du
processus, mais aussi sa durée singulière. Le temps apparaît alors comme une conces-
sion mais aussi une forme de gain, il est ce qui est échangé dans les rapports de
force politiques qui sous-tendent l’extinction des charbonnages. L’article restitue trois
configurations qui montrent à la fois la répétition de la justification économique des
fermetures et diverses modalités de leur déclinaison qui ont pour effet de produire du
temps. Au final, ces modalités dessinent une certaine trajectoire de réformes, qui a
produit un changement substantiel sous la forme d’une procrastination maîtrisée.
MOTS-CLÉS : ACCEPTABILITÉ – BLAME AVOIDANCE – DÉSINDUSTRIALISATION – MINES DE FRANCE – RESTRUC-
AND TEMPORALITY
90 | Anne-France Taiclet
Les modes de gestion politique du déclin charbonnier en Europe ont emprunté des
formes, des trajectoires et des rythmes variés 1 : alors que les effectifs des charbonnages
britanniques sont passés d’environ 300 000 en 1976 à moins de 10 000 une vingtaine
d’années plus tard, en particulier sous l’effet d’une « politique de déclin voulu » et d’une
hostilité affichée du gouvernement Thatcher (Couto, 1990), une fonte d’effectifs équivalente
s’est étendue en France sur près de cinquante ans, soit une durée deux fois plus importante.
Lors de la cérémonie de remontée du dernier charbon français du puits de La Houve
en 2004, les discours officiels ont pris la forme consensuelle de l’hommage de la nation à
la corporation minière, non sans évoquer la « beauté du mort » (Certeau et al., 1974). La
conflictualité sociale caractéristique de l’histoire minière n’est en effet guère mise en avant
dans l’histoire officielle représentée lors de cet ultime acte d’une « épopée industrielle de
deux cent cinquante ans 2 ». Cette conflictualité est pourtant le contrechamp permanent
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d’une question minière enserrée dans des tensions multiples, des luttes syndicales mais
aussi des affrontements partisans, des mobilisations territoriales et des controverses scienti-
fiques et techniques. Le charbon est en effet au croisement de transformations profondes
qui ont traversé la société française depuis la Libération, en matière industrielle et énergé-
tique autant qu’en termes de stratification sociale, d’organisation du travail et de représenta-
tion politique. La carrière de la houille incarne aussi l’enjeu des réformes du secteur public,
des statuts d’emploi, des modèles de protection sociale, des pratiques de gouvernement.
Si la désindustrialisation s’apparente à la « fin d’un monde » (Fontaine, 2014), cet article est
plus particulièrement consacré à la façon dont celle-ci a été orchestrée par l’État. Et si le
dernier PDG de Charbonnages de France (CdF) présente la fermeture des mines en France
comme « une situation exemplaire et rare » dans laquelle « l’État a décidé de fermer une
entreprise dans l’ordre, en traitant bien les mineurs 3 », la bienveillance gouvernementale ne
saurait expliquer entièrement les formes particulières empruntées par ce processus d’extinc-
tion, à commencer par sa durée.
1. La dernière mine a été fermée en 1975 aux Pays-Bas, en 2018 en Allemagne. Pour un panorama : Leboutte
(1997).
2. Charbonnages de France, « Dernière tonne. Une épopée industrielle s’achève », mars 2004.
3. Propos de Philippe de Ladoucette, « Mines, la dernière descente », Le Nouvel Observateur, 25 mars 2004.
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réalisation pratique de changements impliquant des pertes. Le processus d’extinction des
mines ne se dévoile que progressivement, s’auto-renforçant (Pierson, 2004) par son accom-
plissement même. Son déroulement se caractérise par la temporalisation, dans au moins
deux dimensions : la durée, qui renvoie à l’étalement du processus, à la fois dans sa globalité
(près d’un demi-siècle) et dans l’arrêt de chaque exploitation (plusieurs années) ; le rythme,
qui renvoie à une déclinaison mesurée, voire retenue, de l’objectif de réduction de l’activité,
par l’échelonnement et la différenciation territoriale des fermetures successives. Si la maîtrise
des calendriers (Lindblom, 1959), la capacité à définir le rythme et la durée (Darmon et al.,
2019), constituent une ressource autant qu’un indice de pouvoir (Rosa, 2010), une institution
et une ressource (Howlett, Goetz, 2014), une compétence pratique du métier politique
(Marrel, Payre, 2018), on propose ici d’envisager le temps comme une monnaie d’échange
dans les luttes politiques et donc un produit de ces luttes. L’article examine les modalités
pratiques de l’usage du temps en montrant comment les charbonnages ont été fermés très
progressivement, au moyen d’une méthode d’évidement lent mais continu, d’un étalement
dans le temps et dans l’espace qui a contribué, en brouillant mais aussi en dédramatisant
(Barthe, 2009) le processus, à en renforcer l’acceptabilité. Mais il montre également
comment du temps a été conquis, arraché dans une multitude de luttes politiques et bureau-
cratiques, et de conflits sociaux qui ont jalonné l’histoire minière depuis l’après-guerre. Ce
faisant, nous soulignons les intrications entre régulation politique et activités économiques
(Hay, Smith, 2018), les formes spécifiques de l’action publique observée étant précisément
un résultat de ces interdépendances : dans un secteur très politique par ses aspects norma-
tifs, par les désaccords, voire les conflits multiples qu’il suscite, par son emprise sur les
territoires, le principe libéral a été résolument affirmé mais son application, enserrée dans
des luttes multidimensionnelles (sociales, syndicales, partisanes, savantes, technologiques,
intra et inter-élitaires), a été régulièrement négociée, tempérée, et précisément, temporisée.
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miniers, mais dont la mise en œuvre est opérée d’emblée sur un rythme marqué par la
prudence et la retenue. Une deuxième section montre comment la remise en discussion
politique du charbon à l’occasion de la séquence électorale de 1981 produit une interruption,
quoique très temporaire, du processus de régression ; la fin de la parenthèse politique de la
relance charbonnière a alors pour effet de reverrouiller la définition gestionnaire du problème
minier tout en rehaussant l’enjeu de l’octroi de compensations, notamment temporelles.
Enfin, la dernière séquence est consacrée aux vingt années qu’a requises la fermeture de
CdF, qui donnent à voir la centralité des usages du temps, qu’il s’agisse de l’allongement
supplémentaire accordé à la transition ou de la méthode d’évidement progressif des exploi-
tations. Cette analyse met ainsi en lumière comment le relâchement de la contrainte tempo-
relle a été indissociablement le produit et la condition de la fatalisation graduelle de l’industrie
minière en France.
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Encadré 1. Sources
L’article 4 étudie le processus d’extinction des charbonnages à deux niveaux, celui des
décisions nationales et celui de leur mise en œuvre dans un bassin, celui des Houillères
de Blanzy, dans l’agglomération de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire). Il s’appuie
d’une part sur le dépouillement de documents d’activité de Charbonnages de France,
des témoignages publiés de plusieurs de ses dirigeants, la consultation de la revue
Annales des Mines, des rapports parlementaires et de la Cour des Comptes, le dossier
de presse « Mines » de la FNSP et des archives visuelles de l’INA ; d’autre part sur une
enquête localisée rassemblant des archives des Houillères, le dépouillement de la
presse locale et une trentaine d’entretiens avec des acteurs territoriaux : cadres des
Houillères et des organismes connexes, élus (députés, maires, présidents de la Commu-
nauté urbaine) et fonctionnaires territoriaux, représentants syndicaux, anciens mineurs.
Dans chaque catégorie ont été interrogés des acteurs de différentes générations, en
fonction entre 1974 et 2014.
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l’État dans l’effort de reconstitution de l’appareil industriel. C’est ainsi qu’est lancée, comme
cause nationale, la « bataille du charbon ». Reposant sur une embauche massive de main-
d’œuvre (portant les effectifs à 360 000), cet effort de production se déroule dans un climat
social tendu qui devient même conflictuel après le départ du PCF du gouvernement, se
traduisant notamment en 1948 par « sept semaines de conflit d’une rare puissance et d’une
rare violence » (Fontaine, Vigna, 2014). Et si la production atteint son maximum (45,5 millions
de tonnes) en 1947, la question charbonnière entre rapidement dans une phase d’instabilité.
La signature du traité de Paris le 18 avril 1951, instaurant la Communauté européenne du
charbon et de l’acier (CECA), contribue à légitimer les questionnements sur la qualité du
charbon français et sur la compétitivité des houillères. La problématisation du charbon qui
s’affirme à partir des années 1950 s’inscrit dans un contexte général marqué par l’émer-
gence de nouveaux principes de légitimité dans la conduite des affaires publiques, qui
mettent en avant les notions de rationalisation et d’efficacité – que la science économique
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est supposée assurer (Dulong, 1997). C’est d’ailleurs le secteur charbonnier que Maurice
Allais avait dès 1949 pris comme illustration de la façon dont l’économie appliquée et le
calcul marginaliste pouvaient équiper un projet de réforme du secteur public de l’énergie
fondé sur le pilotage par les coûts et l’optimisation de la dépense 6.
Cette orientation est incarnée et politiquement endossée, à partir de 1959, par un
ministre de l’Industrie, Jean-Marcel Jeanneney, économiste de profession, qui orchestre une
redéfinition de la politique des charbonnages, en la fondant sur les notions de rentabilité, de
coûts, de vérité des prix (Jeanneney, 1981). Dans un discours devant l’Assemblée nationale
le 10 décembre 1959 (Kocher-Marboeuf, 2003), J.-M. Jeanneney procède à une problémati-
sation de la politique des charbonnages en termes de rationalisation à partir d’une analyse
des coûts. De ce cadre découlent comme naturellement des conséquences nécessaires
et des alternatives impossibles. Par éliminations successives d’options, le ministre aboutit
« logiquement » à la seule solution envisageable pour conduire la coordination énergétique :
agir sur les quantités de charbon extraites en minimisant les coûts de production. Ce qui
passe, très concrètement, par l’élimination des puits identifiés comme les moins rentables.
C’est donc un cadrage économique du problème du charbon, stigmatisant le coût de
l’exploitation pour les finances publiques et faisant de la maîtrise de ce coût à la fois l’objectif
et le principe de justification de l’action publique, qui est installé. Le « plan d’adaptation »
des charbonnages présenté devant le Sénat le 21 juin 1960 consacre le durcissement de la
logique de rationalisation en officialisant l’objectif de diminution de la production nationale
de charbon. Cette stratégie de déclin de l’industrie houillère est matérialisée par des objectifs
chiffrés de réduction de la production à l’horizon 1965 de 60 à 53 millions de tonnes
(– 11,5 % sur cinq ans). L’annonce du plan Jeanneney est vécue dans le monde minier
comme un choc car il objective un diagnostic de crise des charbonnages. L’ampleur des
pertes qu’il prévoit est alors à mettre en rapport avec les formes particulières d’orchestration
et d’accompagnement du déclin minier, représentatives d’une action publique attachée à
une question sensible.
6. Il y préconisait une réforme de la gestion des houillères, passant notamment par l’augmentation des prix au
niveau du coût marginal (Allais, 1949).
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ouvrière, doté de porte-parole à la fois politiques et syndicaux (Noiriel, 1986). Ce qui est en
jeu dans l’extinction du charbon n’est pas seulement une réorientation de la politique écono-
mique et énergétique nationale, mais aussi, corrélativement, un remodelage de la structure
sociale, impliquant une déstabilisation de tout l’univers adossé à ces politiques publiques :
des clientèles, des attentes, des formes d’organisation des intérêts, ainsi que des entreprises
politiques spécialisées dans la représentation de ces groupes sociaux (Skocpol, 1992 ; Mit-
chell, 2013).
L’orientation à la baisse de la production de charbon va de pair avec une crise sociale
au sein d’une profession de moins en moins attractive et dont les salariés éprouvent un
sentiment de déclassement. Le registre de la dénonciation de l’injustice et de l’abandon,
l’invocation d’une dette de la Nation sont au cœur des répertoires rhétoriques mobilisés
pour défendre la cause des mineurs (Mattei, 1986) contre la politique de fermeture de sites.
Le débat politique sur les choix en matière de stratégie industrielle et d’approvisionnement
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énergétique est ainsi redoublé par une opposition autour des représentations de la profes-
sion de mineur, dont la défense n’est pas un objectif consensuel. La ligne de tension recoupe
le clivage politique entre le gouvernement et les élus des bassins miniers, tout particulière-
ment ceux du PCF dont le mineur de fond constitue une figure identitaire (Lazar, 1985).
Interpellé par un sénateur communiste sur les pertes d’emplois impliquées par son plan, J.-
M. Jeanneney lui objecte qu’il ne va pas de soi de « considérer qu’avoir le plus grand nombre
possible de mineurs employés est un objectif de la société » (cité dans Kocher-Marboeuf,
2003, p. 126). Alors que la pénibilité et les risques du métier étaient mobilisés par les élus,
communistes notamment, et les syndicalistes dans une rhétorique de valorisation du mineur
et comme un argument pour revendiquer l’amélioration des conditions salariales et sociales,
le ministre de l’Industrie inverse l’argument en présentant l’abandon du charbon et la recon-
version des mineurs comme un facteur de progrès social. Cette prise de parti normative est
une autre illustration, à côté de la revendication d’une préséance des principes de marché,
du caractère très politique du volontarisme réformateur incarné par J.-M. Jeanneney, qui
passe justement par l’affirmation de valeurs.
Le caractère politique de la réforme minière réside aussi dans ses dimensions conflic-
tuelles, l’objet présentant plusieurs propriétés d’une question sensible : fort impact territorial
des restructurations, contestations, dénonciations d’une injustice, mobilisations, risques de
désordres, politisation institutionnelle et électorale, enjeu d’alliances et de luttes partisanes,
indépendance nationale… Ces propriétés expliquent les formes prises sur la question
minière par la décision publique, dont les deux caractéristiques majeures se révèlent dès le
premier plan d’adaptation : la mise en place d’importantes compensations, et un souci de
temporisation.
Le plan Jeanneney est d’emblée assorti d’un « volet social » destiné à accompagner le
programme de régression. En réponse aux multiples interpellations de parlementaires des
bassins miniers, le ministre présente au Sénat le 6 mai 1960 trois types de mesures. Les
premières visent à amortir la perte d’emploi en atténuant la dégradation du pouvoir d’achat
(indemnité d’attente, garantie de salaire) ; d’autres favorisent le reclassement professionnel
(aides à la formation, à la mobilité géographique, primes pour l’embauche d’anciens
mineurs) ; une troisième modalité consiste à retirer du marché du travail les salariés privés
d’emploi au moyen de mesures d’âge.
De même, si le plan Jeanneney exprime la résolution des gouvernants à engager un
programme de fermeture de mines, la mise en œuvre de cet objectif a d’emblée revêtu les
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formes de la prudence. Le choix du critère de rentabilité des exploitations retenu dès l’élabo-
ration du Plan est significatif de cette attitude de précaution : la référence retenue est la
valeur marchande du charbon produit et non pas la comparaison au prix d’autres sources
d’énergie (via la notion de prix-thermie) ; sont ainsi estimés non rentables les puits dont les
coûts d’exploitation dépassent la valeur marchande du charbon. Ce critère est considéré
comme « moins défavorable » aux exploitations charbonnières car il implique que le nombre
de puits classés non rentables est inférieur à ce qu’il serait avec une autre référence. Le
choix du mode de calcul de la rentabilité porte donc la perspective d’une minoration du
nombre de sites appelés à être fermés à court terme.
Cette première séquence de la politique charbonnière d’après-guerre fait apparaître plu-
sieurs caractéristiques de cette action publique comme résultat d’intentions, d’intérêts et de
mobilisations concomitantes mais divergentes et même contradictoires. Si l’analyse margi-
naliste promue par Maurice Allais et relayée dans les cabinets comme dans les entreprises
publiques par ses disciples a pu inspirer des décideurs 7 et même armer dans ses grandes
lignes la politique économique et industrielle, l’ambition de l’économiste de discipliner l’État
en le dotant d’une règle rigide propre à « protéger » les entreprises publiques des choix
politiques s’est vue substantiellement tempérée par, précisément, le caractère politique des
décisions. Si le gouvernement des affaires publiques par les savoirs économiques tend à
s’affirmer, c’est toutefois au sein de luttes entre différentes fractions des élites étatiques,
technocratiques, savantes, politiques, loin d’une influence directe et uniforme des théories
économiques sur les politiques publiques (Finez, 2013). C’est ce qu’illustre la politique char-
bonnière, à la fois insérée dans un cadrage marchand organisant le déclin de l’industrie
7. À commencer par J.-M. Jeanneney qui a accordé un rôle important à la section Énergie du Conseil écono-
mique et social où siégeait M. Allais (Chick, 2006).
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Ensemble des bassins Nord-Pas-de-Calais Lorraine Centre-Midi
minière mais dont la déclinaison s’est révélée d’emblée découplée des strictes prescriptions
économiques matérialisées par l’analyse des coûts.
Le charbon est un cas exemplaire d’une gestion par l’État d’un secteur industriel qui
s’assimile, sous différents aspects, à l’expression d’un « mimétisme marchand » (Ansaloni,
Smith, 2017) qui reflète un renouveau libéral dans la conduite des politiques publiques et
renvoie à des caractéristiques du néo-libéralisme (conférant à l’État un rôle dans la promotion
et l’organisation de la concurrence, passant entre autres par la prise en charge des risques
associés à ses conséquences sociales) qui se manifestent dès la fin des années 1950 (Gaïti,
2014). Prenant place, toutefois, dans « les contradictions de l’économie française du début
des années 1960, entre l’entrée dans le Marché commun et le dirigisme gaullien » (Denord,
2012, p. 179), mais aussi entre différentes fractions libérales (à l’image des désaccords vifs
entre le ministre de l’Industrie Jeanneney et son homologue des Finances Pinay), la politique
charbonnière est ainsi marquée, dans ses modalités comme dans ses variations, par les
luttes politiques qui sous-tendent les décisions. Si la référence au marché est posée comme
principe de la politique minière, celui-ci se révèle négociable dans les déclinaisons comme
dans le rythme de son application dans l’action publique.
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internationale. La ligne de régression des charbonnages est confirmée avec le plan Betten-
court en 1968, qui établit une réduction encore plus considérable, de 3 millions de tonnes
par an (contre 1 million de tonnes dans le plan Jeanneney) jusqu’en 1975, et la fermeture
de plusieurs bassins. Le bouquet énergétique français se caractérise dès la décennie 1960
par un déclin significatif de la houille au profit du pétrole (Mitchell, 2013), qui s’accorde à la
décroissance de la production et des effectifs de CdF qu’organisent les plans gouvernemen-
taux de 1960 et 1968.
Mais si les décisions successives semblent continues, allant dans le même sens de
régression, il est aussi significatif d’observer comment leur application a fait l’objet d’une
temporalisation prudente. Ici encore, différents facteurs de risque contextuels peuvent être
reliés aux formes particulières revêtues par la politique d’orchestration du déclin charbonnier.
D’une part, les mines restent fortement associées au risque de regain d’une vive conflictualité
sociale après son atténuation consécutive au retour au pouvoir de De Gaulle (Pigenet,
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2014) : forte mobilisation régionale dans l’Aveyron en 1961 en réaction au plan Jeanneney,
grève totale de plus d’un mois dans tous les bassins miniers en 1963 autour de revendica-
tions salariales, Mai 1968… D’autre part, l’expansion de la crise dans d’autres secteurs
industriels (tels que la sidérurgie, recoupant souvent l’implantation territoriale des bassins
miniers) et les incertitudes énergétiques consécutives au choc pétrolier concourent à la pru-
dence et à la précaution, à nouveau déclinées selon deux modalités principales. D’une part,
l’insistance sur les contreparties, qui prend une forme nouvelle avec l’émergence de l’exper-
tise en matière d’aménagement du territoire, qui se traduit dans les régions minières par un
engagement de l’État dans une politique de reconversion. La gestion du conflit de Decaze-
ville en 1961-1962 (Reid, 1985) reflète ce modèle de libéralisme tempéré correspondant à
la ligne Jeanneney : le gouvernement ne cède pas sur l’objectif de fermeture mais accepte
de déplacer la négociation sur le plan des modalités de reconversion des mineurs et du
bassin. D’autre part, la temporisation, consistant à ralentir sans l’inverser la ligne de régres-
sion et à différencier territorialement le rythme des fermetures, de façon à en doser l’impact
tout en créant de l’irréversible.
Délégué à la DATAR de 1966 à 1975, s’étant déplacé dans plusieurs bassins charbon-
niers pour y promouvoir la politique de reconversion 8, Jérôme Monod s’est trouvé au cœur
des modalités de gestion politique et sociale de la récession minière. Le lissage dans le
temps et dans l’espace du démantèlement de l’appareil industriel minier est réputé lui avoir
servi de référence pour prôner, à partir de 1974 (d’abord comme DATAR puis comme direc-
teur de cabinet du Premier ministre J. Chirac) un mode d’intervention de l’État en direction
des industries en crise, désigné même comme « doctrine Monod » (Cohen, 1989) et consis-
tant à appliquer une méthode de réduction « en escalier » : accepter de soutenir des entre-
prises économiquement non viables afin d’atténuer les conséquences sociales et
territoriales, y compris les risques d’explosion, de leur effondrement brutal, tout en leur
imposant un plan de réduction progressif, par étapes, jusqu’à leur fermeture.
8. Voir par exemple le compte rendu (11 pages) de sa rencontre avec les syndicats de mineurs à Montceau-
les-Mines le 8 septembre 1969, ANF, 2005 0032/1, Premier ministre, DATAR-DIACT (1963-1988).
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apparaît ainsi étalée sur une période de quarante années, à travers un ciblage territorial qui
atténue le caractère national de la récession minière, d’autant plus que la finalité d’extinction
n’est jamais explicitement officialisée 9. Plusieurs plans de relance très localisés, en Lorraine
notamment (1973, 1975), et des soubresauts dans les politiques locales d’embauche
(Trempé, 1988) brouillent la perception du processus et n’en laissent pas forcément distin-
guer, à ce stade, la fatalité.
Les fortes incertitudes du contexte énergétique des années 1970 entretiennent égale-
ment la relative illisibilité de la trajectoire de l’industrie charbonnière. La tendance régressive
est ainsi assouplie – mais pas inversée, ni même suspendue – à la suite du premier choc
pétrolier, qui met en lumière le faible taux d’indépendance énergétique de la France (23 %).
En 1974, le Plan charbonnier du Délégué général à l’Énergie Jean Blancard organise certes
un ralentissement de la réduction des effectifs (– 7 % par an contre – 12 à – 13 % les
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années précédentes) mais ne modifie pas la tendance de fond à la régression. La réaction
du gouvernement au quadruplement du prix du pétrole prend la forme d’un investissement
résolu dans le programme électronucléaire 10 qui devient progressivement synonyme du
rayonnement industriel de la France (Hecht, 2004). Les déplacements professionnels des X-
Mines vers le secteur de l’atome marquent un progressif désinvestissement du charbon par
ses élites sectorielles. Et si le choc pétrolier favorise un relatif regain d’intérêt pour le char-
bon 11, l’hypothèse d’accroître les approvisionnements en houille n’implique pas un recours
aux mines françaises, dont la rentabilité reste jugée insuffisante 12, mais plutôt d’une expan-
sion à l’international de CdF via le rachat de compagnies minières de l’hémisphère sud et
les importations.
De la Libération aux chocs pétroliers, la politique charbonnière présente donc une cer-
taine dualité. D’un côté, une ligne régressive est amorcée dès la fin des années 1940, puis
politiquement revendiquée par le premier plan d’adaptation en 1960, et ensuite confirmée
par les plans successifs. De même, cette orientation stratégique est justifiée par un argument
récurrent, celui du poids excessif pour les finances publiques des déficits d’exploitation de
CdF. Les difficultés économiques des mines françaises, dans un contexte de libéralisation
et d’ouverture croissante à la concurrence internationale, sont constituées en problème justi-
fiant avec régularité la réduction de la production comme des effectifs.
Pour autant, la politique charbonnière ne présente pas des formes univoques dans cette
période. Les diminutions d’effectifs et de sites par concentration dans des grands sièges,
engagées dès 1949, coexistent avec la poursuite d’investissements de modernisation et
d’équipement, qui, quoique plus ciblés sur certains bassins, jugés les plus rentables (la
Lorraine notamment), brouillent la perception du charbon, auquel l’État paraît ainsi ne pas
renoncer. L’illisibilité est renforcée par des indicateurs contradictoires, puisque l’amélioration
sensible des rendements n’empêche pas la dégradation des résultats financiers de CdF.
En outre, la houille apparaît encore comme une possible énergie de secours. La politique
9. Ce n’est que lors de l’adoption du Pacte charbonnier en 1994, le dernier plan social national des houillères,
que la déclaration ministérielle indique qu’il « serait inapproprié de poursuivre l’exploitation charbonnière au-
delà de 2005 ».
10. En mars 1974, le gouvernement Messmer commande 19 réacteurs nucléaires à EDF.
11. Comme en témoignent les textes publiés dans la revue du Corps des Mines dans cette période.
12. En 1978, la Cour des comptes constate « l’incapacité de l’industrie charbonnière française à subsister par
ses propres moyens ».
DU TEMPS CONCÉDÉ | 99
charbonnière donne lieu à des ajustements de court terme aux variations économiques, qui,
sur le moment, ne laissent pas nécessairement présumer d’une extinction de l’industrie
minière. Tout au long de la période enfin, les mines sont le théâtre ou l’objet de mobilisations
diverses : des actions collectives protestataires (grèves, manifestations, occupations), des
interpellations par des élus des bassins concernés, des plaidoyers technologiques visant à
démontrer la viabilité d’un charbon « moderne ». La combinaison de ces divers éléments fait
du charbon un objet contradictoire, et encourage à différents niveaux une forme de pru-
dence et de mesure qui constitue autant de bouffées temporelles injectées dans le proces-
sus. En effet, le résultat observable de la conjugaison de ces facteurs multiples est un
sensible infléchissement du rythme mais pas un arrêt, ni même une déviation de la trajectoire
générale de régression de l’industrie minière.
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prises de repolitisation de la question charbonnière sont déployées, dans un double sens :
des efforts visant à modifier son cadrage et à accroître sa discutabilité (Barthe, 2002) ; son
enrôlement dans des luttes partisanes attisées par l’anticipation de l’alternance de 1981
(Aldrin et al., 2016).
La question du charbon connaît ainsi une politisation accrue, étant enrôlée dans
« l’espace de luttes que constituent les mobilisations programmatiques » où elle revêt la triple
13. Ces éléments rhétoriques sont récurrents dans les très nombreux articles que L’Humanité consacre à la
question minière dans cette période.
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nages le statut d’une promesse électorale, formellement tenue au lendemain de la victoire
avant d’être rapidement abandonnée.
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« invite » 17 à la passation d’une convention entre CdF et EDF afin de permettre, sous cer-
taines conditions, aux mineurs appelés à quitter leur emploi d’intégrer les effectifs de l’électri-
cien. C’est aussi en 1984 que la DATAR lance sa politique des « Pôles de conversion », dont
le ciblage sur une quinzaine de zones (incluant plusieurs bassins miniers), avec une dotation
importante (plus de 5 milliards de francs), est supposé incarner la mobilisation solidaire de
l’État en direction des territoires industriels sinistrés autant que son volontarisme reconvertis-
seur. Enfin, la prophétie de la reconversion est incarnée par la nomination le 3 mai 1984
d’un dirigeant syndical lorrain, Jacques Chérèque, numéro deux de la CFDT, comme « préfet
délégué de Lorraine, chargé de la reconversion et du redéploiement industriel » 18. Au-delà
des mesures sociales, les compensations apportées par l’État à la fermeture des houillères
prennent ainsi la forme d’un surcroît d’engagement dans une politique de reconversion des
territoires, qui évoque l’une des stratégies d’évitement du blâme identifiées par C. Hood, la
« stratégie de présentation » (Hood, 2002), ou jeu sur les perceptions du public, ici par la
mise en scène d’un volontarisme réfutant l’accusation d’abandon ou d’impuissance
publique. Ce bouquet de ressources nationales est enrichi en 1988 par l’accroissement des
montants des fonds structurels européens 19, qui ciblent notamment les territoires industriels
en déclin. Outre l’incitation budgétaire à engager des programmes de reconversion, la gram-
maire particulière de ces financements communautaires, en particulier leur programmation
sur six ans et l’enrôlement de co-financeurs, a probablement contribué à verrouiller encore
davantage la réorientation stratégique de l’action publique vers la reconversion. Dans la
communauté urbaine Montceau-Le Creusot, les fonds structurels « objectif 2 » ont été portés
au taux maximum de financement de nombreuses opérations, participant fortement, selon
la formule d’un maire, au « feu de la conversion ». En soutenant des travaux d’aménagement
urbain, d’équipement et de modernisation, qui se matérialisent dans des modifications
visibles des territoires, ils accompagnent les élus dans un effort de monstration de la possibi-
lité d’un renouveau, qui devient central dans les agendas locaux (Taiclet, 2017).
17. Le dernier directeur des Houillères de Blanzy, qui a participé à la mise en œuvre de ces mesures, nous a
précisé que « on a bien senti que l’État imposait totalement cette mesure à EDF ! Eux ils traînaient vraiment
des pieds ». De fait, la convention fixe un nombre maximal de conversions. Ces conversions EDF sont aussi
les plus coûteuses des mesures d’accompagnement de la décroissance d’effectifs à CdF. Notre interlocu-
teur des Houillères nous a indiqué que le coût par ouvrier d’une conversion EDF était trois fois supérieur à
celui d’une retraite anticipée.
18. « Un pompier avec une âme d’architecte », entretien avec J. Chérèque, Politix, 7-8, 1989, p. 124-127.
19. Réforme qui s’inscrit dans la séquence politique de l’adoption de l’Acte unique européen, signifiant aussi
une réaffirmation des engagements dans les règles du Marché commun.
Dans les années 1980 et 1990, des dynamiques congruentes favorisent l’affirmation de
la nécessité d’une territorialisation des politiques de développement économique et d’une
conception bottom-up de la redynamisation des territoires, plaçant les collectivités territo-
riales au premier rang de responsabilité. De plus en plus d’élus locaux prennent alors acte
(plus ou moins publiquement) de l’extinction inéluctable des charbonnages et glissent de la
défense de la mine vers l’organisation de l’après-mine, y compris dans la construction de
leur crédit politique et de leurs stratégies représentatives. C’est donc aussi dans ce contexte
de redéfinition du rôle de maire socialiste en pays minier que se comprennent les ralliements
de plus en plus résolus à la reconversion, à l’image de Didier Mathus, député (de 1988 à
2012) et maire (de 1995 à 2014) PS de Montceau-les-Mines :
La fermeture, ça s’est joué sur dix ans. Ça s’est tellement étiré dans le temps que ça a été un
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peu anesthésiant. Et il y a cette tradition de rébellion, certes, mais il y a aussi la passivité des
grandes zones de mono-industrie, une résignation mais aussi une difficulté à prendre son destin
en main parce qu’on s’imagine que de toutes façons ça va venir d’en haut. Ça c’est aussi un des
mauvais éléments de la culture locale. […] Moi j’étais député au moment où la mine a fermé, et
quand j’ai été élu en 88, on m’a dit : « Ben voilà, à partir de 89, la question est réglée, à partir de
maintenant, la seule question c’est un an, deux ans, cinq ans maximum. » Donc moi j’avais dit
qu’il fallait trouver le bon compromis, mais qu’il fallait pas éterniser le truc. Il fallait… arracher la
dent, quoi ! Parce que du coup c’était aussi un frein à l’initiative ! C’est très frappant. Si on regarde
l’action des municipalités dans les vingt années qui précèdent… ils ont rien fait ! Ils ont absolument
pas préparé l’après-mine. Parce que je crois qu’ils se sont eux-mêmes laissé bercer par l’idée
que c’est jamais vraiment fini, qu’il y aura toujours l’État pour réinjecter un peu, pour prolonger de
cinq ans, de six ans 20…
Si certains groupes (la CGT et le PCF principalement) plaident pour le renforcement des
investissements dans l’industrie afin d’en assurer la continuité, d’autres (dont la CFDT 22 et
de plus en plus d’élus socialistes) se rallient à l’enjeu de la reconversion et tendent à recen-
trer leurs stratégies vers l’obtention du plus grand soutien possible pour conduire les poli-
tiques publiques de l’après-charbon (Taiclet, 2015). Ces ralliements, déjà observés lors du
conflit de Decazeville en 1961 (Reid, 1985), prennent toutefois une ampleur tout autre à
partir des années 1980 quand la reconversion tend à dominer l’agenda de la politique des
charbonnages, orientation d’autant plus voulue qu’elle est admise comme nécessaire,
d’autant plus nécessaire qu’elle est voulue.
Dès lors, la période qui s’ouvre est celle de la lente agonie de l’industrie minière, sur
encore deux décennies, illustrant la centralité de la ressource temporelle dans ce processus
politiquement orchestré d’extinction du charbon.
Après la parenthèse de la relance, l’extraction est encore poursuivie pendant vingt ans au
cours desquels continue d’être organisée la décroissance de la production et des effectifs,
la prolongation de l’activité servant de modalité de mise en œuvre de la politique d’accompa-
gnement social et de lissage territorial des fermetures. Le relâchement politique de la
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contrainte temporelle est particulièrement caractéristique dans cette dernière séquence où
il s’agit de fermer « à tout prix ».
23. Cour des comptes, « La fin des activités minières », rapport au président de la République, 2000.
24. Dont 7,9 milliards de dotations en capital et 12,1 milliards de subventions (source : Cour des comptes).
25. Impliquant les indemnisations du chômage et les pertes de cotisations sociales et de fiscalité.
26. En empruntant, dans un sens adapté, le titre du livre de Wolfgang Streeck qui utilise cette formule pour
désigner « la crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique » (Streeck, 2014).
L’outil de la retraite anticipée avait été utilisé, dès le premier plan d’adaptation, pour organi-
ser la décroissance des effectifs et la fermeture des puits les moins rentables, parallèlement
aux dispositifs de reclassement professionnel. Après l’arrêt de la relance, cet outil se voit
complété par de nouvelles mesures d’âge spécifiques et exorbitantes du droit commun,
destinées à organiser les cessations d’activité le plus tôt possible dans la carrière des
mineurs (voir encadré 2). En 1987, un ministre de l’Industrie issu de la droite libérale, Alain
Madelin, instaure le congé charbonnier de fin de carrière (CCFC). En 1994, CdF compte
encore près de 16 000 salariés et les bassins miniers connaissent depuis quelques mois
une recrudescence de conflits sociaux localisés (Carmaux, La Mure, Lorraine). C’est alors
un ministre de l’Industrie de la même famille politique, Gérard Longuet, élu de Lorraine, qui
mène les négociations de ce qui a été le dernier plan social des charbonnages, le Pacte
charbonnier. Outre le fait de fixer, pour la première fois, un horizon à l’extinction définitive de
l’activité (en 2005), le pacte abaisse les conditions d’éligibilité au CCFC afin d’en élargir
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l’accès. Un dernier assouplissement (la DPA) est mis en place en 2003. Ces mesures se
sont révélées aussi attractives qu’espéré. En cinq ans (1994-1999), l’effectif actif de CdF
décroît de 42 % tandis que le nombre de CCFC augmente de 175 %. Si cette mesure ralentit
formellement la décroissance de l’effectif total (– 28 % sur cette période, les mineurs en
CCFC restant inscrits), les cessations d’activité qu’elle implique permettent de poursuivre
les fermetures de sites.
Au total, le coût des mesures d’âge entre 1994 et 2007 est évalué à 3,9 milliards
d’euros 27, supporté par CdF. Les témoignages de cadres dirigeants de CdF, nationaux
comme territoriaux, soulignent la verticalité de la relation entre l’État et l’entreprise publique
et insistent, y compris pour leur défense, sur le fait que la plupart des décisions relatives au
processus de fermeture des charbonnages ont été imposées par la tutelle politique à la
direction de l’entreprise, parfois à rebours de ses préférences 28. Outre l’effet immédiat
d’atténuation de la vulnérabilité aux fermetures de sites, ces dispositifs ont aussi eu pour
conséquence d’individualiser les réactions au risque de chômage et d’affaiblir les stratégies
de mobilisation collective protestataire.
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fermeture de puits, l’extraction du charbon y étant plus rentable. On peut y voir l’indice d’un
effritement de l’unité de la corporation au profit de stratégies plus individualistes, induisant
une certaine démonétisation du mot d’ordre de la lutte contre les fermetures et le signe d’un
épuisement de sa puissance mobilisatrice et unifiante 29.
On n’avait pas une date de fermeture fixée précisément. On avait la ligne. On avait l’horizon de la
fermeture. Régulièrement, les houillères de bassin devaient rendre des comptes à CdF, montrer
des choses. Mais de toutes façons… pour exploiter une taille, il faut faire ce qu’on appelle des
travaux préparatoires. Une fois que vous décidez de ne plus faire de travaux préparatoires, votre
date, elle est décomptée. Comme on n’embauchait plus, que des gens partaient progressivement,
29. Un tel phénomène est également observable en Grande-Bretagne en 1984, ce qui est généralement mobi-
lisé comme explication du refus d’Arthur Scargill, le secrétaire de la National Union of Mineworkers, de
procéder à une consultation nationale sur la grève (Burgi, Leruez, 1986).
on n’avait plus les moyens de faire des travaux préparatoires, et ainsi de suite. Mais jusqu’au
bout, on a eu droit à des critiques faites par des gens qui n’y connaissaient rien. Par exemple, on
nous disait : « Mais vous fermez au moment où c’est le plus rentable ! » Ben oui, forcément. Il n’y
a pas de problème, le meilleur rendement, on l’a eu le dernier mois ! Vous n’avez plus de travaux
préparatoires, plus d’entretien, il y avait juste à ramasser 30 !
Ainsi, il est impossible de fermer une mine du jour au lendemain ou même à court terme :
l’arrêt de l’exploitation doit faire l’objet d’une programmation sur cinq à dix ans. Les déci-
sions d’investissement (réduction ou non-renouvellement) sont alors un moyen de sceller de
façon prospective le sort d’exploitations dont l’extinction ne peut se faire que sur la durée.
Corrélativement, cela signifie que les décisions prises à propos de l’exploitation des gise-
ments sont porteuses d’inertie : la fermeture d’une mine a de grandes chances de se révéler
définitive.
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En partie pour ces raisons techniques, la fermeture des mines se déroule de façon très
progressive, organisée, et accompagnée par les dispositifs de reconversion. Le déclin de la
production est orchestré parallèlement à celui des effectifs, en utilisant différentes tech-
niques : fermeture des chantiers un par un, arrêt de la prospection et non-ouverture de
nouvelles tailles ; non-remplacement des postes et incitations multiples au départ par des
mesures sociales ou de reconversion professionnelle. De plus, la fermeture d’un bassin ne
se fait jamais en une seule fois mais par éliminations successives des différents sites
d’extraction qui le composent. Dans le bassin de Blanzy par exemple, le siège d’Épinac est
fermé en 1968, celui de Decize-La Machine en 1974, celui de Rozelay en 1988 puis finale-
ment celui de Darcy à Montceau-les-Mines en 1992, l’exploitation du charbon en découverte
se poursuivant jusqu’en 2000. Ce fractionnement des fermetures a été perçu par les oppo-
sants, au moins rétrospectivement, comme une méthode efficace de dédramatisation autant
que de justification des cessations d’activité :
Ils ont fait exactement comme ils essaient de faire aujourd’hui avec le régime de sécurité sociale
minière : ils enlèvent des choses petit à petit, moyennant quoi au final ils vident tout ou presque,
et après ils viennent dire ah ben de toute façon il y a plus rien, alors on ferme 31.
C’est donc une stratégie d’évidement progressif qui est mise en œuvre, et qui s’auto-
renforce : à mesure que l’activité et les effectifs décroissent, la fermeture de la mine devient
de plus en plus probable, rendant plus attractives les solutions individuelles alternatives (cf.
supra), accélérant ainsi les départs des salariés, réduisant le périmètre de la houillère et sa
place dans le tissu économique local, rendant encore plus inévitable sa fermeture. Les
modalités de mise en œuvre du processus de fermeture des charbonnages contribuent ainsi
à en faciliter l’acceptabilité, en permettant d’une part l’acclimatation à la perspective de fin,
d’autre part un amortissement des conséquences sociales, tout en affaiblissant les potentia-
lités d’une action collective protestataire. L’efficacité de la méthode d’assèchement graduel,
notamment dans le désarmement des oppositions, a d’ailleurs été vécue sur le mode de
l’impuissance par les militants de la CGT, le seul syndicat à Montceau à avoir cherché à
lutter contre la fermeture de la mine :
Il y a eu des luttes, nous on s’est battus, c’est sûr. Disons que ces luttes ont permis de fermer
beaucoup plus tard… Alors il y a eu des luttes mais elles étaient pas faciles à mener. Ici, au niveau
de la population, ça n’a pas beaucoup bougé. Tout était fait pour faire passer la pilule. Pour
Rozelay, ils ont parlé de mise en sommeil, comme si c’était provisoire, comme si on allait y revenir
plus tard. N’importe quoi. Pour nous c’était clair, ça fermait pour de bon. Mais c’était pas présenté
comme ça, ils ont fait en sorte de camoufler, d’atténuer, pour amadouer les gens. En plus, tout ça,
ça se jouait au niveau national en fait, alors forcément c’était beaucoup plus difficile d’engranger.
Parallèlement, les plus anciens prenaient le congé charbonnier et progressivement des gens
étaient reconvertis à la centrale. Chacun s’inquiétait de sa propre situation, ça se comprend aussi.
Alors il y a eu des luttes, quand même, on a saisi les occasions qu’on pouvait. Ça a pas été
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complètement inutile, ça a permis de retarder les choses. Je pense qu’on a bien gagné dix ans 32.
La dernière période de l’industrie charbonnière est donc marquée par une série de désin-
vestissements progressifs : financier, de l’État, dans la production ; de la cause de la mine
par les élus locaux, notamment socialistes, et par une partie des syndicats au profit de la
reconversion ; de l’emploi minier par les travailleurs ; des luttes par les salariés et les habi-
tants… Ces réorientations successives se renforcent mutuellement, favorisant une extinction
inexorable mais lissée sur deux décennies. Pendant les vingt dernières années, l’extraction
s’est poursuivie en étant déconnectée de toute considération économique et servant surtout
de support au déploiement de l’orchestration sociale et territoriale de la fin de vie des mines.
Cette lente descente crépusculaire s’est achevée formellement en 2004 : le 23 avril, au siège
de La Houve en Moselle, 2 500 personnes assistaient à la remontée de la dernière tonne
de charbon français. Cette dernière descente au fond a tenu lieu de cérémonie officielle
d’enterrement de l’industrie charbonnière, marquant l’aboutissement de cette trajectoire de
réformes. La population minière ne compte aujourd’hui que retraités et veuves 33, tandis que
le charbon a disparu du paysage économique et énergétique national.
Conclusion
poursuite de son utilisation dans de nombreuses régions du monde. Par contraste, les mobi-
lisations hostiles au charbon et les politiques visant sa résidualisation s’inscrivent aujourd’hui
majoritairement dans un cadrage environnemental, introuvable tout au long du processus
d’extinction en France, dont la seule justification a été économique. De la même manière,
certaines modalités de compensation connaissent des conditions socio-historiques de féli-
cité : le recours massif à l’instrument des pré-retraites se révèlerait certainement beaucoup
moins praticable dans le contexte contemporain d’austérité budgétaire et d’allongement des
carrières.
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politique, une forme de concession découlant d’un sens pratique des gouvernants, activé
par les présomptions de résistance de la part des groupes affectés par les réformes, ici
certainement alimentées par les leçons de l’histoire sociale agitée des bassins miniers
depuis 1947. Du côté des gouvernants, le temps s’apparente à une forme particulière de
concession : à défaut de céder sur le fond d’une décision, il est ce qui peut être consenti
dans l’aménagement des modalités de concrétisation permettant néanmoins de maintenir
l’orientation de la décision. Dans ce sens, la détermination du rythme est une manifestation
du pouvoir, et revêt une dimension tactique. L’étalement pluri-décennal de la fermeture des
mines procède pour partie d’un « retard intentionnel » (Pollitt, 2008), il exprime un usage du
temps comme instrument de gestion politique de la désindustrialisation. Cependant, comme
nous l’avons montré, c’est bien la répétition et l’accumulation de séquences politiques diffé-
rentes qui a construit cette trajectoire de réformes singulière, traversant les alternances parti-
sanes, qui repose conjointement sur une succession de décisions convergentes ordonnant
la récession minière et dans des pratiques d’accommodement et de temporisation qui en
assurent la robustesse tout en construisant sa durée particulière.
Concession, le temps peut aussi constituer une forme particulière de gain, que l’issue
finale du processus ne saurait rendre insignifiant. Comme le rappelle Karl Polanyi : « Pourquoi
la victoire finale d’une tendance devrait-elle être censée prouver l’inefficacité des efforts
destinés à en ralentir le progrès ? Et pourquoi ne pas voir que c’est précisément dans ce
qu’elles ont obtenu, c’est-à-dire le ralentissement du rythme du changement, que ces
mesures ont atteint leur but ? Dans cette perspective, ce qui est inefficace pour arrêter une
évolution n’est pas complètement inefficace. Souvent, le rythme du changement n’a pas
moins d’importance que sa direction » (Polanyi, 1972, p. 63-64). Le temps, concédé ou
gagné, apparaît donc bien comme un effet des luttes politiques déployées dans des confi-
gurations différentes qui, de manière non finalisée, ont produit cette chronologie toute parti-
culière, cet étalement temporel.
Cette production politique de temps est aussi le résultat du caractère ambivalent des
réformes du secteur public et de leurs effets politiques anticipés : si le retrait de l’État est
spontanément associé à des risques (électoral, de désordre) situés au sein des groupes
« perdants », il se prête aussi à la manifestation d’un volontarisme politique réformateur qui
recherche du crédit dans l’affirmation de sa détermination à restructurer le secteur public
par un pilotage par les coûts, la réduction de son périmètre, l’élimination progressive des
statuts professionnels et des régimes spéciaux de protection sociale. Les politiques de
retrenchment peuvent ainsi faire l’objet de politisations partisanes contrastées (Giger, Nelson,
2010). Leurs mises en récit comme leur instrumentation visent simultanément des publics
différents dont il s’agit, pour certains, d’atténuer le mécontentement ou, pour d’autres, de
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susciter le soutien. L’allongement temporel apparaît alors comme le prix de la conciliation
de pressions et d’attentes contradictoires. La coexistence des deux stratégies dans le cadre
d’une même politique publique rappelle les phénomènes de superposition institutionnelle
dans les processus de changement (Streeck, Thelen, 2005), le recours à une architecture
d’action publique faisant cohabiter durablement des règles contradictoires permettant de
produire une acceptabilité plus grande qu’une transformation massive et unilatérale. Il reste
que le changement graduel est bien une théorie du changement (Mahoney, Thelen, 2010),
et que la gradualité est un ressort de la fatalisation : en matière énergétique, industrielle,
économique, socio-professionnelle et de gestion publique, mais aussi s’agissant des
chances de succès des entreprises politiques prétendant représenter les groupes ouvriers,
les transformations opérées jusqu’à l’aboutissement de la trajectoire de changement se
révèlent substantielles et profondes. Elles sont le produit d’un processus politiquement
orchestré d’extinction des charbonnages, où la justification économique des fermetures n’a
cessé d’être affirmée, quoique déclinée sous la forme d’une procrastination maîtrisée.
Anne-France Taiclet
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP)
anne-france.taiclet@univ-paris1.fr
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